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La Présentation
LE COSMIC RABBIT
Le concept du COSMIC RABBIT prend sa source dans la conception circulaire du temps chez les Aztecs: la vie est suivie par la mort, et la mort est suivie par la vie.
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Mon intention est de transmettre graphiquement le concept du temps circulaire. Mon sujet est un lapin qui évolue depuis la naissance à la mort, puis traverse la mort pour un retour à la vie. Le lapin représente simultanément son petit être et le cosmos.
En 2006, Rene Arceo m'invite à participer à un porfolio de nahuals. Pour faire mon choix d'animal, je consulte le calendrier rituel de 260 jours du Codex Borgia, pensant qu'un animal appartenant à la cosmogonie aztèque conviendrait à la thématique de ce bestiaire.
Mon choix s’est arrêté sur le lapin. Je modifie un peu la tête, je lui rajoute un corps, puis je grave l'image dans du lino. Autour du lapin, je grave des points qui peuvent évoquer des étoiles. J'intitule la gravure "Cosmic rabbit".
Étonnée par la réception chaleureuse de cette image, l'idée me vient de faire une suite. À l'époque, on me reprochait de ne pas faire de série. Celle-ci était l'occasion d'en faire une. Si on me demandait pourquoi une série de lapins, je répondrais que le lapin est un animal très fertile.
Le Codex Borgia m’a non seulement fait cadeau du lapin, mais m'a aussi donné quelques pistes sur la façon de structurer une série d'images pour que les éléments graphiques élaborent une pensée (et non pas une narration).
Quelques mots sur le Codex Borgia. Je me suis familiarisée avec ce codex pendant mes études. Je m'étais procurée un facsimilé et je passais des heures penchée sur les images en lisant les explications afin de comprendre les principes de l'écriture précolombienne. Je voulais savoir comment des symboles s’agencent pour créer du sens, autrement dit, comment un ensemble d’images structure et relate une vision de l’univers, ce qui constitue la fonction même du calendrier rituel.
Comme le calendrier rituel, ma série a également une structure circulaire. La fin est le début d'un renouveau. La série est dédiée au cycle de vie du lapin jusqu'à sa mort, point de départ d'un nouveau cycle.
Je réalise des combinaisons d'éléments graphiques pour élaborer ma propre vision cosmique, me servant de couleurs et de formes, et procédant par le séquençage de ces éléments.
La première section correspond à la naissance (3 images). On y trouve les lapins parents, l'oeuf et le lapereau. Le cosmos est d'un bleu sombre, les étoiles blanches. Le nouveau petit être est rose, la couleur des mammifères à la naissance. Cette première section 'cosmique', est courte, car la reproduction sexuelle est aussi succincte qu'importante.
La deuxième section (7 images) concerne l'environnement végétal. Ce qui intéresse le lapin avant tout est la verdure, pour se cacher et pour manger. Cette section aurait pu s'intituler 'herbe' mais j'ai préféré 'buisson' ('bush'), mot plus dynamique. Le vert se combine avec une seule autre couleur: un rouge lumineux et optimiste.
La troisième section (11 images) est dédiée au 'sang'. Nous voici à l'intérieur du corps du lapin. Le rouge sombre évoque le sang de l'animal. Lorsqu'on ouvre un corps, malgré le grand nombre d'organes, de tuyaux et de cavités, ce qui saute aux yeux ...
yeux et inonde la vue est le sang qui coule, ce sang qui véhicule la vie, élément essentiel dans les rituels aztèques pour la perpétuation de la vie. À l'intérieur d'un corps, il n'y a presque pas de lumière d’où la deuxième couleur gris sombre.
La quatrième section (11 images) est consacrée à l'élément principal qui entoure le corps: l'espace. L'espace peut avoir deux, trois ou quatre dimensions, voire plus. L'espace peut être de la taille du cosmos ou de la taille du lapin. Pour la dimension cosmique, j'ai opté pour le noir. À l'échelle du lapin, trois autres couleurs: mauve, bleu et jaune pour symboliser le jour et la nuit, le ciel et le soleil. Cette section se termine par la décomposition spatiale du lapin. Les morceaux de lapin sont noirs, mauves, bleus, jaunes, mais aussi verts, vu que le lapin a un faible pour le vert.
La cinquième section (19 images) est consacrée aux rêves, les 'Dream Rabbits'. Si l'on calcule le temps passé à rêver pendant la nuit, mais aussi à rêver pendant la journée, on remarque qu'il s'agit d'une part importante de nos vies. Par conséquent, cette section est un peu plus longue que les précédentes. Dans cette section, on fait n'importe quoi. La forme du lapin est modifiée jusqu'à l'extravagance. On y trouve de nombreuses couleurs, du noir aux couleurs vives de poissons tropicaux. Cependant, les couleurs des trois dernières images sont plus subtiles. C'est le moment où les rêves se dissolvent en nuages.
Et enfin, la sixième section: 'Poussière', ou cycle de la mort (15 images). Voici le lapin après la mort, devenu poussière. Son corps est recyclé dans les éléments naturels. Le lapin se voit entouré de particules géantes. Son corps dispersé devient le sable d'une plage, un volcan, la lune, un gros nuage ou simplement une voiture. Les couleurs s'accordent avec le monde physique. Car ici, le monde physique extérieur a pris le dessus et le lapin n'est plus qu'un paquet d'atomes volant...jusqu'à ce qu’une force ou le hasard relie les éléments entre eux pour former un nouveau microcosme, point de départ d'un nouveau cycle de vie du lapin.