Ville ouverte-Penser en consruisant

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ville ouverte Penser en construisant Valparaiso–lausanne

18 septembre — 7 decembre 2013

Planches de l'exposition Escuela de Arquitectura y Diseño PUCV Septembre 2013

















Hospedería du banquet La maison conçue pour l’hospitalité Il s’agit des deux premières hospederías destinées à la résidence des familles dans la Ciudad Abierta. L’œuvre se positionne dans une vision poétique de l’hospitalité. Elle expérimente des changements continus depuis sa création, refait des parties et s’agrandit selon les besoins des différents hôtes qui l’habite.

Croquis dessiné à main levée sur une planche / Les hospederías s’élèvent à l’endroit où a eu lieu l’acte poétique.

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L’hospitalité L’hospitalité prend la forme d’une salle. C’est un quadrilatère de six mètres de côté qui est ouvert dans les coins et qui conserve dans son périmètre une frange de sable. Les murs qui délimitent cette salle sont conçus comme des façades, de telle sorte que l’ensemble constitué soit un vide exposé. C’est un intérieur qui, d’une certaine façon, appelle le public.

L’hospitalité se partage sur une table disponible pour écouter l’autre. Les tables disent le but poétique à l’origine de cette œuvre.

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L’espace

L’architecture construit les limites d’un vide habitable. Celui-ci est érigé pas à pas, dans l’inquiétude et la fébrilité de réussir un intérieur pour l’hospitalité. 19


La Ciudad Abierta est en réalité un village d’architectes, qui travaillent à tour de rôle sur le renouvellement de leur espace de vie. Chaque chantier est l’occasion de produire une œuvre, c’est pourquoi une partie d’elle se projette in situ. Créées à partir de la parole poétique, les hospederías se génèrent depuis l’intérieur et sont à l’extérieur le résultat de la fidélité à l’acte de l’hospitalité. 20


Hospedería de l’Alcôve Un intérieur entièrement basé sur le concept du proche On cherchait à trouver la taille exacte de ce qui est proche, de ce qui se construit avec des limites, des murs, des cieux, des planchers. Cette œuvre participe de la dispute entre l’espace pur et l’espace qui est un champ pour les objets. L’Alcôve est conçue selon des dimensions minimales. On y cherche la plénitude, laquelle nous est donnée par l’illumination qu’elle reçoit depuis toute la voûte céleste.

L’Alcôve reçoit les hôtes dans la proximité, elle veut créer, dans de petites dimensions, une taille généreuse.

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Les enceintes se prolongent de l’une à l’autre à différents niveaux, constituant ainsi l’amplitude de la proximité.


L’Alcôve a été conçue comme une œuvre érigée par des opérations de montage, avec des éléments préfabriqués.

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La structure en rouleaux d’eucalyptus est conçue pour former des embrasures sur toutes les facettes ; on déplace ainsi la rigidité vers l’extérieur avec les arcs-boutants.

Le plancher est une spirale constitué de six plateformes horizontales – cuisine, sièges, piano, toilettes, atelier, chambre – distantes en hauteur de 60cm les unes des autres. entrée

Le profil courbe des murs reçoit l’éclairage par une fenêtre supérieure.

L’œuvre est conçue avec une macrostructure porteuse érigée avec des rouleaux d’eucalyptus. Ses limites sont construites avec des panneaux préfabriqués : des murs courbes et des planchers.


L’ampleur de ce petit intérieur de 36 mètres carrés est obtenu au moyen de deux dispositions spatiales : d’une part, les panneaux des murs contiennent la plupart des meubles et les appareils pour laisser les sols libres d’objets ; d’autre part, son organisation en spirale où chaque niveau se poursuit sur le suivant situé à 60 centimètres plus haut, constituant ainsi un seul vide avec six niveaux qui le partagent. Les toilettes sont le seul espace isolé et indépendant.

Chaque niveau à deux faces ouvertes, au centre des marches qui forment l’escalier qui relie le tout, depuis le sol extérieur jusqu’à la terrasse et le toit.

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Les murs courbes contiennent les appareils et les meubles, la fenêtre supérieure éclaire l’intérieur et, dans les coins, des ouvertures verticales permettent l’intégration avec l’environnement extérieur.


L’Alcôve est une œuvre élevée sur le site de la Corporation Amereida en 1977, par la ronde de l’atelier d’œuvres de la Ciudad Abierta. Elle se compose de bois, d’une structure en rouleaux d’eucalyptus, d’une charpente en pin de Monterey et d’un revêtement en bois aggloméré. Elle est posée sur un manteau de sable sans pour autant l’interrompre. L’œuvre est conçue comme le fragment d’un ensemble qui pourrait se poursuivre. Ainsi, la Ciudad Abierta vit dans un présent certain, avec un habitat léger.

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Vestale du jardin 1998 Ciudad Abierta, Ritoque

Dans la Ciudad Abierta, fondée en 1972, il existe diverses œuvres architecturales qui posent la question du lieu. Comment l’architecture assume-t-elle le lieu ? Le territoire s’étend sur une surface de 270 hectares de dunes, de vallées, de forêts, de marécages, de plateaux et de ravins. Différents lieux ont été disposés sur ce vaste terrain ouvert. Ils ont été conçus à partir de la parole d’Amereida (1967). 25


Les vestales, dans la Ciudad Abierta, correspondent à des œuvres qui s’attachent à quelque chose de plus grand qu’elles. Dans ce cas précis, le jardin est un ravin avec des arbres natifs affecté par l’érosion de la pluie. L’idée de l’œuvre surgit du travail des eaux et de la végétation présente dans le jardin. 26


L’œuvre va plus loin que l’architecture et donne sa forme au ravin qui s’étend le long de la vallée. Le but est de l’habiter pour le protéger, pour prendre soin de ses eaux, de ses arbres, de son sol. On prolonge l’axe du ravin pour former une cour intérieure à l’abri du vent prédominant du sudest. L’œuvre se place comme un portique entre la nature et l’artificiel. 27


L’hospitalité – condition première et fondamentale de la Ciudad Abierta – prend vie quand nous écoutons l’autre. L’acte de l’hospitalité est celui qui donne sa forme au vide intérieur depuis l’espace de la table, base de la conversation et des actes quotidiens de la vie. L’intérieur puise sa taille dans la double hauteur et depuis l’espace de la table, en prenant en compte l’horizon du ravin. 28


Confins des Hospederías La conception du vaste dans le petit Cette œuvre constitue l’agrandissement d’une salle commune entre deux hospederías, pour que vienne s’y établir une nouvelle famille. L’œuvre se déploie par l’ajout de deux niveaux contigus à une salle que partageaient les deux poètes qui occupèrent initialement les hospederías. On constitue ainsi un intérieur autonome pour la vie de famille, avec trois niveaux d’une largeur de 33 pieds sur 8 pieds de large. Cette œuvre explore les possibilités du bois pour construire des limites courbes, tant sur les murs du périmètre qu’au niveau des cieux. C’est un lieu suspendu au-dessus du sol, laissant le premier niveau à l’air libre. Les répartitions intérieures ont évolué en fonction des besoins de leurs habitants. Cette œuvre a été initiée en 1980. Elle est principalement composée de bois, de rouleaux d’eucalyptus et de planches de pin de Monterey.

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Façade des Confins orientaux des hospederías.

Fragment des Confins des hospederías.

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La Vestale de l'Agora de Tronquoy La conception de l’immense dans le petit Pour veiller sur l’Agora, baptisée en mémoire du designer français Henri Tronquoy, on a conçu ce petit intérieur que l’on désigne du nom de vestale, en analogie avec les vestales qui entretenaient le feu sacré à Rome.

L’Agora est un lieu à l’air libre conçu pour parler, ici avec une double surface : l’une avec un revêtement et l’autre avec du sable fin. C’est le lieu de la parole qui aboutit à un accord.

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La Vestale C’est l’intérieur minimum. Les deux cubes qui la composent sont disposés avec un léger décalage, ce qui fait apparaître un ici et un là-bas. L’ensemble se compose de deux fenêtres, qui ne peuvent être vues qu’indépendamment. Chaque fenêtre est attenante à une arête du cube, ce qui permet de mettre en valeur l’espace du vide intérieur. Cette œuvre multiplie les éventuelles possibilités de l’habiter. Avec ses deux fenêtres pour voir et éclairer l’intérieur, avec ses deux portes pour arriver et partir, située sous un portique, elle construit avec une matérialité légère un ample espace de vie.

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La vestale. Il s’agit d’un intérieur premier, dans lequel une personne peut étudier pendant une demijournée ou passer une nuit. Il ne comporte pas de toilettes, ni de salle de bains et ne dispose ni d’eau courante, ni d’électricité. Pendant la nuit, le ciel prend une dimension de présence inaugurale.

Cet intérieur fut érigé en 1972, et fut vandalisé et détruit une dizaine d’années plus tard. Il permit, grâce à sa légèreté, de constituer une maison des premiers temps durant lesquels on y passait une nuit à tour de rôle.

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Cette petite construction permet d’habiter la plénitude du bord de mer et d’accéder à la grande étendue par la vue et par les pas. Elle jouit d’une généreuse spatialité et se trouve posée sur le sable, sous un large portique qui lui renvoie une lumière tamisée, à un endroit depuis lequel elle voit et peut être vue de toutes les directions.

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Hospedería de l'atelier de l'œuvre Hospedería suspendue L’acte du jeu antérieur à la projection : toute œuvre est précédée d’un acte poétique, d’un acte-jeu. Celui-ci consista à choisir l’une des aires qui se faisaient face. Je m’approche du centre ou de la limite des aires et je saisis un ruban qui s’étire au fur et à mesure que je me retire, tout en gardant la même distance vis-à-vis du centre de celui que j’ai choisi comme « paire » et qui se situe de l’autre côté, face aux discours des poètes qui rivalisent à l’extérieur du terrain. Je reprends mon calcul et, si j’y parviens, je reste et ma « paire » sort du terrain ; si je n’y parviens pas, je me retire du jeu. Restent ceux qui perçoivent correctement la distance que l’autre a utilisée pour se situer. L’acte-jeu se fait en connaissance du lieu sur lequel on prévoit de bâtir l’œuvre. Il s’agit d’une étude de faisabilité de la situer près des vestiges du Palais. On évalue la nécessité de prendre en considération des facteurs qui ne sont pas présents avec régularité dans les œuvres de la Ciudad Abierta, telle la technologie des systèmes de réduction des vibrations.

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Parti-pris architectural Pour opter pour un premier geste spatial, nous nous éloignerons, soit au niveau soit à distance du sol. Nous observons à cet endroit ce qu’indique le sable : celui-ci nous indique qu’il s’agit d’un sol qui enregistre les ombres des nuages qui passent, que sa situation favorise le lever des yeux, qu’en regardant son ciel ouvert, on peut situer dans la voûte céleste, le nord et le sud, l’est et l’ouest. De même que l’on détermine que le secteur des dunes est un secteur qui favorise l’action de lever les yeux, on en déduit ensuite que l’œuvre devra naître dans le sens contraire à celui communément établi pour « élever » une œuvre. Nous voulons en réalité que cette œuvre « descende ». Cette œuvre est celle de la « non intervention sur le sable », de telle sorte que ce que l’on projette doit laisser passer le sable qui la déplace au vent. Car les traces de ceux qui habitent ici, avec leur pas, sont les interventions qui doivent primer.

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Enceinte nivelée construite à l’endroit choisi pour l’œuvre, près de l’aire de jeux. L’emplacement est évident si l’on considère ses possibilités énergétiques, car il est très proche des sources d’approvisionnement en lumière et en eau.

On travaille sur l’union des éléments qui constituent le premier champ spatial qui se détache du jeu réalisé. C’est ce que l’on nommerait à l’intérieur de cette tâche le « filet », et qui serait tendu entre des piliers de 6 mètres par des poutres porteuses et secondaires : les premières, destinées à supporter les charges de base, les secondes, vouées au maintien de la forme.

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Le sol est composé de « sols successifs ». On y définit une unité modulaire, une unité formée par l’efficacité structurelle et par les possibilités industrielles dont nous disposons. Cependant, il faut dégager de ce travail une composante notable et pertinente, en rapport avec la modalité qui a été consolidée par le biais des jeux et des actes, à travers les années, non seulement dans la Ciudad Abierta mais également dans la ville de Valparaíso. On obtient la fermeture de l’œuvre, dans l’aire destinée à la résidence. On passe à un second état de l’intérieur, car les contacts à divers endroits de la zone correspondent à des contacts glissants, étant donné que le sol est indépendant des murs qui définissent le périmètre. On travaille avec ce que l’on appelle les « soufflets ». Proposition pour que la galerie constitue une illumination non frontale du périmètre. On travaille avec des rayons uniques, qui permettent que la couverture soit totale, auquel cas, on propose de déterminer un intérieur passager.

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Sur le nom d’estancia de l’atelier de l’œuvre. Deux aspects, l’estancia et la capsule. L’estancia a été un mot choisi par l’atelier de travail de l’œuvre. Auparavant, on nommait « tables » l’atelier de l’œuvre, faisant allusion à un sol qui recevrait une quantité de tables similaires à celles qui existent dans les Confins, car les deux aires ne se ressemblaient pas par hasard. Cependant, on pensa que l’on devait nommer la qualité de l’enceinte, en vertu des inventions qui ont été mises au point dans la Ciudad Abierta, telles les hospederías ou encore les ateliers et les vestales. Il fut dit lors de l’une des réunions : « que l’extension qui entoure le palais, apparaît comme une marche de l’étendue, étant donné qu’on la voit par-dessus les eucalyptus. Ce n’est pas précisément un mirador mais elle donne la mesure de l’éloignement d’un hameau ou d’estancia (fait d’être dans un lieu). La capsule : terme forgé par Fabio Cruz, architecte et membre fondateur de la Ciudad Abierta. Nous pouvons affirmer que cette œuvre a inventé la capsule, ou les capsules, pour un habitat suspendu. C’est pourquoi il a été construit différents modes d’accès à ses périmètres internes, divers types de fenêtres, etc. Avec le risque que « toute œuvre est exposée » et qu’apparaissent des lieux « résiduels », par exemple son « bas » : on doit y construire un ici et un là-bas, c’est sur quoi nous travaillons aujourd’hui.

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Los VĂ stagos La limite entre l'espace urbain et la nature

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Ellos son una construcción arquitectónica hecha a partir de unidades discretas, es una Obraen exparsión, fijas a una relación entre sus elementos, se posa sobre el suelo. Ellos fueron pasados como soportes de plataformas inclinadas y sonoras (cajas acusticas) que permitan al cuerpo de los bailarines desplazarse entre ellos y saltar de una a otra. Ellos marcan un límite no predial, que permite el paso entre lo urbano y lo natural, dando espesor y una secuencia numérica visible desde los alto, constituyendo una luz de recorridos múltiples.

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Palais de l’Aube et du Couchant De même que d’autres constructions de la Ciudad Abierta, le projet fut initialement prévu comme une œuvre ouverte, que l’on pourrait construire par parties sans anticiper ses possibles configurations finales. Cependant, dans un acte poétique dont le protagoniste était Godofredo Iommi, on a décidé de donner ce terme au palais. Son nom fait allusion à la condition de pivot qu’offre l’apparition ou la disparition de la lumière, condition qui précise ou dissout les formes visibles. Il y a une symétrie au niveau de son plancher, qui révèle l’équivalence de sa double orientation terre-mère, orient-couchant. Les sillons qui traversent ses patios démontrent l’évidence de cette volonté de programme associé à l’eau. De subtiles fentes entre les murs séparent les patios intérieurs, configurant une flexibilité dans les articulations des murs pour le tracé général.

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Galerie de la Puntilla Réalisée par différents architectes, cette œuvre resta durant trois ans dans son état de proposition, à cause de l’étude délicate de la lumière qui traverse les ouvertures entrecoupées d’une part (étude à la charge de Miguel Eyquem) et à cause de son design intérieur rempli de détails d’autre part (étude à la charge de Ricardo Lang). La finalité de la construction de cette œuvre résidait dans le fait qu’elle serait un atelier de travail, une annexe de l’hospedería, mais elle finit par être une œuvre à part, avec sa propre autonomie. L’aspect remarquable de cette œuvre consiste dans sa couverture, qui a une double courbe, et qui permet une bonne évacuation des eaux de pluie, en diagonale, donnant ainsi à l’intérieur une qualité lumineuse dans laquelle cet éclairage rend compte d’une temporalité de la lumière.

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Cimetière Dans la partie haute de la Ciudad Abierta et dans sa vallée principale se trouvent trois espaces publics de la ville : le cimetière, la chapelle et l’amphithéâtre. Les changements violents de climat ont causé des dégâts, mais on a pu calculer le débit maximal de l’eau de la rivière et dessiner les éléments hydrauliques pour le contenir. Dans le cimetière situé en amont de la vallée, on a construit un décanteur, un séparateur, un diffuseur d’énergie, deux canaux, une conduite d’eau recouverte et modifié la bouche de sortie du cimetière avec des piliers et des poutres maîtresses structurelles, pour ne pas modifier sa mobilité naturelle. Au cours de l’année 2003, on habilite une salle-atelier et la Cubicula, habitation de la famille qui devra vivre dans cette œuvre et en prendre soin. En 2002, on avança sur le dessin de l’architecture et la structure. On construisit les fondations et on éleva les courbes qui diffuseraient l’énergie de l’eau. Ces éléments hydrauliques ont été dessinés pour être à la fois l’allée de la circulation piétonne dans le cimetière. Ces œuvres ont été entièrement achevées au cours de l’année 2002.

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Cimetière, partie haute de la Ciudad Abierta.

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Amphithéâtre Œuvre située dans la partie haute de la Ciudad Abierta, destinée à la dispersion et la recréation de l’espace culturel. Formée par une grande esplanade de brique qui recouvre les sols de la principale vallée du secteur, elle est traversée par une faille construite qui permet de conduire les eaux, situer la scène et l’espace pour les spectateurs.

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C’est dans une longueur de la vallée que se situe l’amphithéâtre, comme un centre, qui est délimité à ses extrémités par le cimetière et la forêt originelle dans sa partie basse.

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Cette œuvre est le bout de la vallée du cimetière. On prend pour cela les dimensions naturelles – eaux de pluie et pente de la montagne –, puis on les applique à l’architecture. Les eaux pluviales sont conduites vers un canal central qui forme une fente et qui traverse le lieu. Les deux plans inclinés des versants sont fixés avec un revêtement de brique et de maçonnerie, faisant varier un minimum son inclinaison naturelle. De cette manière, on fait coïncider ce qui est inéluctable, comme le passage de l’eau, avec un scénario central et la pente de la montagne avec les gradins pour obtenir une sorte de paysage habitable.

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Jardin de Bo Cette œuvre est un cénotaphe, c’est-à-dire une tombe sans le corps du défunt. Elle est dédiée au poète Tomas Efraim Bo. C’est un lieu en plein air qui s’étend sur des volumes qui permettent de s’y arrêter. Les dalles avec lesquelles il est construit permettent à ceux qui arrivent de s’asseoir, de rester debout ou de marcher dessus posément face au vaste horizon de l’Océan Pacifique. Son nom de Jardin de Bo prend son sens dans la mesure où ce qui est construit artificiellement inclut les éléments naturels. Le nom de cénotaphe et sa destination permettent la réalisation d’une œuvre dont le programme est l’espace même.

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Tours de l’Eau D’approximativement 40x40 m, cette œuvre part d’une place de l’eau face aux tours. Pour l’acte poétique, on fit voler des ballons et des draps pour figurer une verticalité à l’unisson avec la lecture d’un poème. A l’origine, on projeta pour cette œuvre six étangs d’eau en fibre de verre et moulés dans le béton, mais on n’en réalisa que trois. La première version, en troncs d’eucalyptus, était une façon de la rendre hyperstatique ou statiquement indéterminée quand elle est en équilibre, mais les équations de la statique demeurent insuffisantes pour déterminer toutes les forces internes ou les réactions. La seconde version fut isostatique, c’est-à-dire sous la forme d’une structure qui peut être analysée par les principes de la statique. Les tours de l’eau originelles étaient en bois. Les tours actuelles ont été construites pour la célébration des 40 ans de l’Ecole, en 1992.

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Vue générale et détail des tours de l’eau.

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Le puits Le signe sculptural

La tranchée forme le piédestal. La première saignée configure le tour du parcours interne et détermine la manière de l’habiter, avec le ciel et le sol simultanément. 73


C’est une œuvre sculpturale qui puise son origine dans un acte poétique auquel participe le sculpteur Claudio Girola. L’artiste décide de sculpter la terre même, en y construisant une sorte de puits quadrangulaire. Plus tard, avec la participation des architectes, on y construit un accès horizontal. Cet accès permet d’arriver à la chambre finale en faisant un tour. Il s’agit d’une œuvre sculpturale qui flirte avec l’espace architectural sans l’être, étant donné que l’inclusion du corps de celui qui la visite s’inscrit avant tout dans une expérience plastique.

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C’est le piédestal qui soutient la sculpture – le ciel. Il soutient aussi celui qui décide d’entrer. Le ciel reste d’abord délimité comme une façade, et dans la magnitude de celui qui va-et-vient, on obtient la complétude du ciel et du sol comme une simultanéité.

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Sculptures de Claudio Girola Claudio Girola, sculpteur qui fit partie du groupe d’artistes fondateurs de l’Ecole et de la Ciudad Abierta de Ritoque, mena à bien son travail de sculpteur et de professeur dans cet endroit, en faisant coïncider les lieux et les événements avec son œuvre.

Sans titre, 1972. Profil des matrices d’aluminium. Dimensions inconnues. Agora de Tronquoy. Collection particulière Corporation Culturelle Amereida

Modules du Cénotaphe d’Efrain Tomas Bo, 1977. Alerce. Dimensions inconnues. Collection particulière Corporation Culturelle Amereida, Chili.

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Sans titre, 1978. Fer, ciment et quartz. 178x149x140 cm. Agora des H么tes. Collection particuli猫re Corporation Culturelle Amereida, Chili.

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Hospedería Pie de Cruz Terrains hauts de la Ciudad Abierta, 1978

Ordonner les activités et les tâches humaines dans la célébration et la fête, que l’architecte soit celui qui les porte, celui qui est chargé d’apporter la fête au monde, c’est ce que nous propose l’architecte Fabio Cruz1, en nous situant sur un plan transcendantal par rapport aux tâches humaines. L’architecture, en tant que fête, permet à l’homme de se confronter à la dimension la plus profonde de sa condition humaine, de sa sensibilité et de sa spiritualité. Le fait d’habiter correspond à la sensibilisation de l’homme à son milieu, sensibilité qui dépend de la matière avec laquelle il construit la fête, selon des nécessités concrètes2. 1 Fabio Cruz Prieto (1927 – 2007), l’un des architectes fondateurs de l’Ecole d’architecture et de design PUCV et de la Ciudad Abierta. 2 Il opère une transposition entre la fonction de l’architecte et celle du poète, en se basant sur un texte poétique de Godofredo Iommi appelé « Lettre à l’errant », « Il est vrai que le poète est un homme de mots, mais il est aussi beaucoup plus que cela. Le poète est le porteur de la fête… »

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Fabio Cruz nous disait que l’architecte, comme le sculpteur, doit prendre entre ses mains la matière architecturale (brute ou grossière) et la modeler, afin que surgisse (prenne vie) l’œuvre de l’architecture : la maison, le palais, la cathédrale. La matière que doit modeler l’architecte n’est pas, dans un certain sens, une matière inerte, passive, mais une matière active, une matière en mouvement. Cette matière en mouvement est le matériau avec lequel on construit, avec toutes ses particularités, les sollicitations climatiques, l’usure, les sens, la lumière et les équipements. L’architecte doit la connaître pour la dominer, c’està-dire pour la rendre docile entre nos mains, car nos mains sont les multiples mains et têtes des sculpteurs qui réalisent la « taille », du dessin à l’édification.

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Planche Pie de Cruz, cette matière, l’activité humaine, prend forme selon une dimension mesurable de 90 m², selon le programme suivant : trois chambres, l’une pour les parents, l’autre pour la fille aînée et la dernière pour les plus jeunes fils. Sa taille architecturale, qui se mesure selon une valeur architectonique, obéit à une conception combinant les propriétés du lieu. Celuici correspond à une étendue. Le climat y pénètrant, l’architecture doit être construite comme un espace qui prend en compte toutes les activités humaines qui s’y déroulent et qui les organise avec une certaine plénitude, constituant ainsi un acte à proprement parler. Pie de Cruz naît pour répondre à une justesse de construction qui correspond à 15m de long sur 6m de large, et la vie s’organise sur ce volume en longueur. On obtient une plus grande dimension, afin de donner à l’intérieur une distanciation et de construire un ici et un là-bas par le biais d’une diagonale qui va d’est en ouest, une diagonale entre la table de la cuisine et la table de lecture du poète

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Il s’agit d’une intention architecturale, pour que l’œuvre ait une dimension dominante, pour qu’elle soit relativement large, pour pouvoir y distinguer l’ici et le là-bas, et ainsi atteindre une distance, la valeur longitudinale, laquelle atteint l’ici et le là-bas. Cela se manifeste par une diagonale qui relie les éloignements maximums à l’intérieur, un éloignement oriental et un autre occidental. On constitue cette longueur dans l’alignement de trois tables : celle de la cuisine, celle du repas et celle du poète. Le long de ces trois tables qui construisent l’ici et le là-bas cet ordre est l’acte même de l’œuvre, une boîte avec une diagonale. La diagonale est un axe qui relie deux dimensions continentales telles que peuvent l’être l’Océan Pacifique et la mer intérieure, les étendues intérieures de terre en Amérique comme les cordillères et les vallées.

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Hospedería de l'entrée, 1979 Ciudad Abierta, Ritoque

La Ciudad Abierta se trouve sur un vaste terrain formé principalement de dunes. L’une des difficultés initiales est de recevoir celui qui arrive, de sorte qu’il puisse se sentir dans un lieu avec une destination, bien qu’il transite sur une étendue à l’état naturel. Cette hospedería s’élève du sol – laissant ainsi ce dernier disponible – et permet d’arriver, en indiquant que tout l’espace de la Ciudad Abierta se veut habitable, tant ce qui reste dans son état naturel que les enceintes artificielles. 85


De cette manière, cette hospedería s’étend vers les extérieurs en formant une aire d’arrivée. Profitant des vents soutenus et prédominants du sud-ouest, elle a exploré la possibilité de les associer avec du son à travers une « harpe éolienne », laquelle se dresse comme une forêt de verticales. Elle est composée de murs en maçonnerie, de rouleaux de pin traité, d’une charpente de bois et de 86

plaques de fibrociment.


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Hospedería de la Puntilla Cette œuvre part de l’idée de donner une maison en cours de conception à un ingénieur civil qui l’habiterait. Le projet architectural est généré à partir de la figure régulière de l’hexagone. Le plancher de l’hospedería se déploie sur cinq hexagones et demi, dans lesquels l’ingénieur conçoit une structure en béton armé avec un noyau rigide. On accède à l’intérieur par l’hexagone central qui est un vide à l’air libre. Les hexagones sont disposés dans un ordre descendant avec une différence de niveau de 1,5 pied qui permet de s’adapter à la forme de la montagne sur laquelle l’œuvre est posée. Cette disposition génère sur le toit une couverture continue avec une forme hélicoïdale. Les murs qui délimitent les enceintes ont été réalisés avec l’intervention d’un certain nombre d’architectes qui les ont construits avec la participation de leurs élèves. Cette hospedería, une fois sa construction commencée, changea de programme. Initialement prévu pour un couple d’adulte, on inclut ensuite l’un de leurs enfants à la famille. L’intérieur fut distribué en deux secteurs avec des aires communes. Œuvre initiée en 1979. Matérieux utilisés : béton armé, piliers d’aciers, cloisons en bois, maçonnerie et fibrociment.

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Vue extérieure de l’hospedería sur laquelle on peut distinguer la structure maîtresse des poutres du toit et les piliers qui forment l’unité structurelle de l’hexagone. La peinture blanche sur les panneaux courbes correspond à une étude d’Albrecht Dürer.

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1980 à 1981. Vue intérieure de l’hospedería, sur laquelle on distingue clairement les trois composantes de l’enveloppe du périmètre : les murs de maçonnerie qui s’élèvent depuis le sol et la frise de panneaux courbes qui pendent de la toiture, ainsi que la rencontre des deux : les fenêtres et les ouvertures.

1980 à 19981, salle et vue des murs extérieurs.

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Hospedería des dessins A l’origine, le projet est parti d’une grande toile de murs palissade qui ne divisent pas, qui ne sont pas unis totalement et qui, dans leurs interstices, comportent des espaces habitables : l’atelier et l’hospedería. On l’agrandit au fur et à mesure qu’arrivent les enfants et on la pense à travers la production de différentes activités de groupe : une exposition, un repas, etc. On a divisé l’intérieur en deux secteurs : le plus intime et le public, au moyen de portes vitrées. Sur un mur intérieur constitué de briques posées en diagonale, se trouvent deux carrés peints en blanc. Ce sont des « unités lumineuses dans lesquelles la lumière se reflète ». Dans la construction, qui s’est faite avec les ressources dont on a disposé, on a placé des chaises et une série de prototypes dessinés par Ricardo Lang. L’œuvre est située à côté de l’atelier de prototypes, comme une extension à cet espace.

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Vues intérieures et extérieures de l’hospedería des dessins

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Cubicula Locanda La Cubicula Locanda a été construite entre mai 2007 et août 2008. La Cubicula Locanda est un ancien projet datant des débuts de la Ciudad Abierta, dont on ne construisit dans un premier temps qu’un seul trait indicatif. A l’origine, elle se situait près d’autres hébergements. Poétiquement, elle devait être habitée par des étudiants, des voyageurs et des gens de passage. On la pensa aussi flexible, dans le sens où elle aurait pu se situer à divers endroits à travers le temps, en rapport avec le caractère passager de ses habitants. Il n’y a pas de traces de ce premier moment, seulement un témoignage oral. Plus de 30 ans après, on entama une seconde étape, cette fois plus définitive, afin qu’elle soit habitée par un poète. Sa construction fut réalisée en suivant fidèlement l’origine : elle fut bâtie par panneaux dans les ateliers de la Ciudad Abierta, puis transportée à dos d’hommes par les étudiants de l’école, dans un acte poétique, jusqu’à sa position actuelle. Elle est située au milieu des dunes et ne permet pas l’accès des voitures. Tous les chemins et aucun à la fois y conduisent, car les traces des pas sont constamment effacées par le vent, celui-là même qui rend le sable toujours vierge de traces, métaphore poétique qui nous illumine et nous guide depuis le début : recommencer à ne rien savoir. Le nom Locanda provient du poème « Zone » de Guillaume Apollinaire.

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L’hospitalité naît avec les routes, comme une vertu que l’on exerce envers les pèlerins et les voyageurs, en les accueillant et en leur prêtant l’assistance qui leur est due, en répondant à leurs besoins. Déjà, sur les anciens chemins de Perse, et ensuite sur tous les chemins qui conduisent à Rome, il devait exister des lieux, distants les uns des autres d’une journée de voyage, qui recevaient les pèlerins, comme par exemple La Caupona, de mauvaise réputation, fréquentée par les vagabonds, les prostituées et les voyageurs pauvres ; la Tabernae, plus proche d’un hôtel moderne (Nos tavernes possèdent-elles encore cette dimension de repos à travers la boisson et le repas chaud ?) ; les antiques Locanda, également hospederías et hôtels de pèlerins. Il exista finalement les mansio. Littéralement, le mansio  dérive de « manere » (qui signifie « lieu où passer la nuit durant un voyage ») et constituait une étape officielle sur une route romaine, tenue par le gouvernement central et à l’usage des officiers et des négociants qui y venaient pendant leurs voyages à travers l’Empire. Les mansio étaient gérées et supervisées par un officier nommé mansionarius, que nous connaissons maintenant comme aubergiste, c’est-à-dire celui qui a la charge d’une hospedería. L’élément commun à tous ces lieux était la table, l’élément principal de l’hospitalité, qui servait tant au service des repas qu’à la réunion d’étrangers s’étant croisés sur la route. Le lieu ne se limitait pas seulement à la nourriture et à la boisson, mais provoquait également la rencontre des hôtes. La forme de cette rencontre n’est autre que la conversation. Dans la langue espagnole, l’hôte est à la fois celui qui est reçu et celui qui reçoit, celui qui est reçu dans une maison étrangère, comme l’hospedería. On appelle hôte celui qui héberge et celui qui est hébergé.

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Zone Guillaume Apollinaire (Fragmento)

Ép o uvant é t u t e v o i s des s i né dans le s ag at e s de S ain t - V it Tu ét ai s t ri s t e à mo uri r l e j o ur o ù t’y v is Tu res s embl es au Lazare affo l é pa r le jo u r L es ai g ui l l es de l ’ho rl o g e du quart ie r ju if v o n t à re bo u rs Et tu recul es aus s i dans t a v i e l ent e m e n t En mo nt ant au Hradchi n et l e s o i r e n é c o u t an t Da n s l es t avernes chant er des ch an s o n s t c h è qu e s

Te v o i ci à M ars ei l l e au mi l i eu des pas t è qu e s Te v o i ci à C o bl ence à l ’hô t el du G é an t Te v o i ci à Ro me as s i s s o us un néf lie r du J apo n

Te v o i ci à A ms t erdam avec une j eun e f ille qu e t u t ro u v e s be lle e t qu i e s t laide Elle do i t s e mari er avec un ét udi ant de Le y de On y l o ue des chambres en l at i n C u bic u la lo c an da Je m’en s o uv i ens j ’y ai pas s é t ro i s jo u rs e t au t an t à G o u da

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Tu es à P ari s chez l e j ug e d’i ns t ru c t io n Com me un cri mi nel o n t e met en é t at d’arre s t at io n

Tu es fai t de do ul o ureux et de j o ye u x v o y ag e s Avant de t ’apercevo i r du mens o ng e e t de l’âg e Tu as s o uffert de l ’amo ur à vi ng t et à t re n t e an s J’a i v écu co mme un fo u et j ’ai perdu m o n t e m ps Tu n’o s es pl us reg arder t es mai ns e t à t o u s m o m e n t s je v o u drais s an g lo t e r Sur t o i s ur cel l e que j ’ai me s ur t o u t c e qu i t ’a é po u v an t é

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Atelier de travail Cet atelier fut conçu pour donner sa place au travail dans la Ciudad Abierta, en particulier la réalisation de structures métalliques. Son intérieur est conçu sur un sol qui a les caractéristiques d’une table, c’est-à-dire horizontal et disponible, sur lequel on peut tracer la structure à réaliser. L’œuvre a une superficie de 467 m de large sur 1400 cm de long, et s’élève en parallélépipède de 767 cm de haut qui permet de disposer d’un cube d’une aire suffisante pour la soudure à l’arc. Son intérieur est éclairé par une couverture translucide et par une frange de fenêtres recyclées de 10 pieds de haut sur tout son périmètre. On trouve également une passerelle à 10 pieds de haut pour observer le travail sans l’interrompre. L’œuvre comporte des murs inclinables pour permettre le passage des travaux jusqu’aux patios qui les entourent. Œuvre initiée en 1985. Elle est constituée principalement d’une structure en bois recouverte de plaques de fibrociment

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Le Mégaptère « Mégaptère » est le nom pris par cette œuvre, à l’origine destinée à être l’hospedería chargée d’abriter et de protéger la bibliothèque de la Ciudad Abierta. Jusqu’à aujourd’hui, on n’est parvenu à ériger dans la Ciudad Abierta qu’une sorte de « première pierre ».

Il s’agit d’une pierre de béton qui fixe dans l’espace une « dimension », une « orientation » et une « position » initiales, aptes à donner lieu à une hospedería au programme encore inconnu.

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Le Mégaptère a gagné son nom à partir d’un acte poétique, mais sa forme initiale, sa taille, son orientation et sa position, laissent en permanence une interrogation quant à la forme définitive de l’hospedería à laquelle l’ensemble donnera lieu.

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Ce Mégaptère rend de manière discontinue les dimensions propres de l’habitat, et c’est précisément cette discontinuité qui lui confère la taille de l’hospedería qu’il accueillera. La taille, en revanche, est une « vertu des dimensions » que nous devons trouver à chaque fois.

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Le Mégaptère comme orientation et position Le thème de la position dit le lien entre l’œuvre et le sol. Ce Mégaptère laisse le sol libre. Il s’appuie sur six points en établissant une horizontale dont la distance par rapport au sol varie entre 1.80 et 6 mètres. Cette horizontale principale mesure la sinuosité de l’environnement. Mais c’est en plus la référence de tous les horizons que la nouvelle hospedería introduira pour les placer entre la sinuosité naturelle et l’horizontale abstraite. Le Mégaptère déploie dans l’espace une place de ciment d’une épaisseur unique de 15 cm, qui génère des piliers et des dalles d’une largeur identique, pour construire un champ spatial apte à produire d’infinies versions de l’hospedería qui abritera les livres de la Ciudad Abierta. C’est cet « animal maladroit » mais puissant, capable d’être identifié à des programmes aujourd’hui inconnus, que nous avons appelé Mégaptère. Il s’agit d’une plaque structurée, qui forme un support apte à accueillir de légers miradors en cristal, en métal ou en bois, qui reçoivent gratuitement la dimension, l’orientation et la position depuis cette enveloppe. 108


HospederĂ­a rose des vents Les Cellules

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Dans cette œuvre qui se situe au pied des dunes, on a placé quatre tables. Dans les quatre habitations – unités unipersonnelles de résidence – se partagent l’espace commun de la cuisine. La table dépasse les dimensions de l’enceinte qui la contient, ce qui fait qu’une partie d’elle sort à l’extérieur. Les actes et les entractes, origines d’autres lieux, dans ce cas les Cellules, ont lieu entre les champs du jardin de l’étendue, l’espace pour le sport et la zone des hospederías. Ainsi, on en déduit le sens de la mesure, avec la résidence et le sol qui s’expose aux habitants sous la forme des planches d’un théâtre.

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Pour cette œuvre d’approximativement 80 m², on a étudié les velux ou fenêtres de toit, élément qui réunit la lumière du jour sur une aire supérieure du ciel de l’intérieur et qui serait l’ « amplitude de l’ajustement de l’intérieur ». On veut et on s’assure que les dunes donnent de la lumière à la vue sur la trace, qui sont « encadrées », comme des chambres de lumière.

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Accès sud oriental

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Accès aux chambres, à la cuisine et aux toilettes.


Salle de musique 1972

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I ci, d a ns ce l i eu, l a s al l e de mus i que, Sous l ’i ncl i nai s o n des murmures , du v e n t e t de la m e r. On devi ne une di mens i o n-l umi ère. L a pl us haut e i ns t ance de l a fo rme se co ns t rui t dans l ’équi l i bre de ce qu i s e v o it et s e t o uche avec ce qui ne s e t ou c h e pas et que l ’o n v o i t à pei ne, le pl an ne reço i t pas une o ri ent at i o n f ix e , la s al l e es t s ans o ri ent at i o n préal a ble po u r le s pe rs o n n e s e t le s o bje t s , c’est po urquo i el l e peut accuei l l i r de s ac t e s po é t iqu e s a vec s o n o ri ent at i o n i ndevi nabl e. Au cent re, par un phéno mène t he rm o dy n am iqu e , les g o ut t es de pl ui e t o mbent à pe in e , se fo rme une co l o nne d’un es pace rare , raré f ié . C’es t ai ns i que no us ent endo ns l a m u s iqu e . Divinat i o n s pat i al e et no n pas cal c u l t e c h n iqu e de la lu m in o s it é , p a r l ’urg ence du mo ment de fo ndat io n , confi ant e dans l e fai t qu’au bo rd d e la m e r, c e qu i e s t t e m pé ré e s t f av o rable .

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Hospedería de l'errant La première œuvre, initiée en 1981, fut réalisée avec des éléments métalliques et de maçonnerie donnés à la Ciudad Abierta. De celle-ci, on ne parvint à construire que sa structure primaire. Elle resta exposée aux effets destructeurs du temps, jusqu’à ce que, grâce au projet de recherche, elle puisse être replacée en tant que quête d’une graduation des énergies de l’intempérie. La deuxième étape de cette œuvre, remodelage et reformulation de la première, incarne formellement l’identité du projet comme investigation, en ce qu’elle s’intègre dans le programme du conseil national de recherche scientifique, en se soumettant de la sorte aux rigueurs de la révision du projet et de la méthode propres à ce genre de processus. Ce projet reconnaît, fondamentalement, deux champs d’investigation propres aux énergies naturelles du climat : le premier est en rapport avec la luminosité ; le second, avec le vent. Par conséquent, on manipule deux concepts et dispositions qui définiront les caractéristiques de l’enveloppe : les fuselages et les jalousies, répondant ainsi respectivement à l’énergie éolienne et lumineuse. Les fuselages sont conçus comme des éléments techniques capables de faire face aux effets fluides du vent et de la pluie ; les jalousies sont utilisées comme un dispositif de contrôle de la luminosité. Ainsi protégé, l’intérieur est conçu comme un espace de résidence, d’étude et de contemplation. En parallèle, on mène des recherches sur l’effet virtuel de l’impact d’un cube sur le manteau extérieur, de sorte que la forme puise son origine tant en réaction aux forces ou aux effets naturels qu’en résultat à une volonté plastique associée à une opération géométrique. L’effet corrosif du vent côtier est un thème d’investigation constant et, dans ce cas particulier, on a eu recours aux laboratoires des fluides et à un tunnel expérimental. Le projet, à travers l’outil des jalousies, des auvents profonds et des vitraux, cherche à obtenir une valeur lumineuse intermédiaire entre la pénombre propre aux constructions traditionnelles de maçonnerie et la lumière excessive de l’architecture en verre.

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Vues extérieures et détail intérieur de l’hospedería de l’errant.

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La Frange "agorale" 1971 « … la Ciudad Abierta ne voit pas l’espace en tant que paysage mais comme une manifestation de sa liberté, liberté sans option, sans autre option que le Pacifique et la mer intérieure… si nous considérons l’espace comme un paysage, nous restons tournés vers le Pacifique et la terre devient un envers… » (cahier sur les actes d’ouverture et de fondation de la Ciudad Abierta) Une autre annotation des textes sur les actes d’ouverture des terrains, « le sable permet de poser sur un pied d’égalité l’océan et la terre »… Comment l’architecture répond-elle à ces affirmations ? On projette sur l’étendue un trait, un grand sillon, que l’on nomme une « Frange agorale », car il faut en premier lieu habiter la potentialité de la verticale, « …pour que le sol et le ciel apparaissent comme tels… » (Alberto Cruz, 1971, parti architectonique de la Ciudad Abierta). Le premier trait est le premier, pour tous.

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1996 A propos d’une réflexion sur le vide, la continuité, l’image des villes. Les lieux émettent un message. C’est l’analyse de l’architecte Ignas de Sola Morales. Terrain vague. Nous pouvons comprendre que cela fait également référence à des lieux en attente, à ce qui peut être aperçu, à première vue, imprécis mais aussi reflet de ce qui entoure, des structures productives de consommation. Dans ce sens, ces lieux peuvent correspondre à une « contre-image », tant dans le sens de sa critique que dans celui de sa possible alternative, comme espace du possible. C’est dans ce contexte de réflexion que fut invitée la Ciudad Abierta, en 1996, à Barcelone UIA, pour exposer ces franges, l’invention d’encadrer ce qui avait été habité jusqu’à aujourd’hui. Comment l’architecture de l’Amereida a-t-elle répondu à cette invitation ?

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2008 / 2020 Ciudad Abierta, ville parc, parc culturel côtier et de récréation, ce nom est fixé par un décret suprême qui entre de nouveau en vigueur avec l’instrument régulateur qui remplace le PIV et qui sera officialisé dans peu de temps, le PREMVAL, plan régulier métropolitain de Valparaíso. Ce nouvel instrument possède une vision des espaces verts dans la ville et applique le standard fixé par l’OMS, qui est de 9 à 13 m² d’espace vert par personne. Les architectes et les designers savent bien que l’indicateur ne suffit pas et que la façon d’habiter un lieu, la manière d’y accéder sont des facteurs essentiels. Comment l’architecture répond-elle à ce que requiert l’urbanisme de la ville ? Considérons le chemin comme une frange seuil de 1.5 km de longitude, comme un belvédère.

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2008 / ..... A propos des réflexions qui ont eu lieu dernièrement dans la Ciudad Abierta et qui entrent en résonance avec les réflexions qui ont pu exister au niveau urbanistique, étant donné le passage de la ville à la métropole, dans lequel se trouve la ville de Valparaíso. Dans ces réflexions sur les composantes qui constituent la propriété, se sont joints à nous des paysagistes, des botanistes, des agronomes, des géographes et des sociologues. Des distinguos se sont révélés et une autre Ciudad Abierta nous est apparue, d’autres dimensions qui résonnent parfaitement avec la poétique de Amereida, comme par exemple le marais de Mantagua, lequel se trouve à l’intérieur des terres. Différentes études ont caractérisé ce lieu comme l’un des plus représentatifs de la région. Il s’agit d’un couloir biologique qui nous demande une grande attention et qui représente une possibilité d’hébergement pour d’autres disciplines et d’autres métiers. Comme répond l’architecture d’Amereida ? En déterminant une frange pour relier ces disciplines ou métiers qui contemplent discrètement l’étendue, la frange publique de l’eau et les visiteurs qui viennent du nord et se dirigent vers le Cap Horn. La mouette Franklin.

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Atelier de prototypes Positionnement et dessin

La place d’accès. Il s’agit d’un intérieur destiné au travail des élèves de design industriel, inclus comme une partie de la place d’entrée dans la Ciudad Abierta. L’accès à l’atelier comprend une prolongation du sol naturel qui s’élève sous la forme d’un carré de 14 x 14 mètres qui interrompt au minimum le paysage. C’est une dalle qui forme le sol, et le sol qui s’élève à la manière d’une rampe. C’est une place surélevée et à certaines occasions le piédestal d’une sculpture. On élève avec le toit le mouvement de la dune, ce qui permet de maintenir le profil pour que le tout demeure aérodynamique.

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Se cacher n’est pas disparaître, c’est soustraire une dimension à l’espace. Le sol occulte la tridimensionnalité du volume, là où le lieu est une partie de l’architecture et où celle-ci se confond avec le sol. La tridimensionnalité doit se découvrir et on la découvre par la manière d’y accéder : la rampe forme une diagonale située au coin de la place, elle descend et on se retrouve par surprise dans un espace lumineux. Les murs d’accès pénètrent dans l’œuvre par la diagonale et à l’intérieur ils forment deux parvis qui se transforment en meubles pour les machines et les outils. Au milieu du parvis se trouve une chaussée publique pour la contemplation du travail des designers.

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Utilisation originale de l’atelier L’intérieur de l’atelier (piliers) possède une trame qui forme une sorte de forêt, laquelle démontre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un intérieur dépouillé ou de grands éclairages. Il ne s’agit pas d’un atelier de production mais d’un atelier-classe qui étudie, observe et construit des œuvres de design, des prototypes. Dans ce sens, il est le fidèle reflet des fondements de la Ciudad Abierta : vie, travail et étude. 127


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Extension américaine Un éloge de la sculpture, la réalité poétique de l’Amérique Le questionnement autour de la sculpture actuelle en Amérique nous amène à considérer, dans une vision historique, ce qu’elle a été depuis son origine jusqu’à maintenant. La civilisation dont nous héritons a mis en relation cet art avec la verticalité. J’imagine que cette réalité a à voir avec la condition humaine. L’homme debout. Alors sont nées les premières manifestations de grande taille, les menhirs, ces pierres longues levées au prix d’un grand effort collectif par des communautés qui partagent une sorte d’identité. Ce levage de la sculpture s’est pratiqué en Occident depuis les origines jusqu’à nos jours. C’est seulement depuis le XXe siècle et maintenant que sont apparues des initiatives qui remettent en question cette réalité. Le soubassement, ou base, est un élément omniprésent et la confirmation de la vocation verticale de la sculpture occidentale. A ce qu’il semble, ce levage est d’une certaine façon relié à la mort et la transcendance. L’Europe, un continent vieux et peuplé, a connu une croissance vers le haut ; son air est tout en haut, sa libération en haut, avec toutes les résonances que dénote une telle déclaration. Parmi les sculpteurs du XXe siècle, Brancusi est celui qui, mieux que personne, a offert un témoignage de la verticalité du désir européen. Cet artiste extraordinaire réalisa en 1938 la pièce « Colonne sans fin », dans laquelle cette œuvre au caractère modulaire s’élevait depuis le sol jusqu’à une hauteur considérable et sans variation. Cette œuvre pose clairement sa base dans la terre et l’extension vers le ciel est permise par toute la technologie de l’époque.

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D’une certaine façon, c’est la déclaration catégorique que l’aventure européenne se fait de la terre au ciel. Un autre sculpteur, Aristide Maillol, contemporain du précédent, fait un signe à notre modernité avec une œuvre extraordinaire dans laquelle sa muse Pormone, qui représente la rivière, gît étendue, comme plongée dans l’eau avec la tête sous le soubassement qui la soutient. Je prends ces exemples pour revenir à l’Amérique et me rendre compte que, deux fois par an, une rivière aérienne passe audessus de ma maison, dans un vol immense quant à sa taille et à sa distance. Il s’agit de la mouette de Franklin, oiseau migrateur qui, d’année en année, de pôle en pôle et d’aller en retour englobe ce « supercontinent » dans sa totalité. Lorsqu’enfin l’Europe accède à l’Amérique, elle se retrouve face à une étendue et l’utilise librement pour la première fois. C’est cette possibilité d’extension sans limites qui séduit le découvreur, le conquistador, le colonisateur. C’est pourquoi, en prenant en compte les signes que l’observation nous procure, nous offrons cette sculpture à l’actualité américaine avec trois propriétés singulières : –

Le modulaire : la sculpture est composée de modules égaux dont l’assemblage constitue un tout

favorisant l’unidirectionnel. –

Le sans fin : la sculpture ne propose ni début, ni fin. Dans les faits, elle pourrait s’étendre à l’infini.

L’aérien : la sculpture, qui s’étend comme l’horizon, n’est pas directement reliée au sol.

Elle présente une indépendance ou dislocation de la base. C’est ainsi que nous prétendons donner des réponses à la question première.

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Travesía la Colombe Rocha, Uruguay La municipalité avait un projet de rénovation urbaine pour une zone de la station balnéaire sur l’ancienne trace qui formait l’axe et le transit spontané des visiteurs de fin de semaine, lesquels à la fin de leur journée de plage se dirigeaient vers un hôtel avant leur départ par le train jusqu’aux villes de l’intérieur des terres. Nous nous trouvons sur cet axe piétonnier rénové qui relie actuellement le bord de mer à une extrémité et de l’autre un centre culturel – l’ancien hôtel –, dans une zone destinée à la récréation et aux jeux pour enfants. Ainsi, au bord de cette chaussée, nous avons voulu réaliser une œuvre qui rende compte de la lecture dans des espaces en plein air habités par l’homme. Pour cela, nous avons voulu introduire la composante du vide dans le signe alphabétique que nous lisons habituellement dans son épaisseur et son contraste au travers d’une impression. Nous avons pensé que l’une des directions favorables était de s’approprier la lettre comme un corps cubique, de sorte que celle-ci se lise entièrement dans le vide lumineux qu’elle forme. Nous sommes partis de la question de comment situer ces corps typographiques, qui épelaient un grand poème de 234 lettres. Cependant, le sens de la forme trouvait sa logique avec cette page d’Amereida à laquelle appartenaient ces lettres, laquelle page, vers après vers, mot après mot, déplaçait la rencontre de l’objet-texte que nous avions entre les mains, celle-là même que nous pensions devoir élever vers le ciel. L’objet-texte ne fut pas élevé, mais au contraire il vient raser le sol, comme un parvis. Nous avons aboli la verticalité, car nous voulions avant tout, pouvoir lire la cavité des lettres, qui comme un voile provoquerait l’apparition d’un sol typographique qui s’élèverait du bas. Cette expérience nous mena à la controverse à propos de l’objet de lecture et de comment il devait se poser et apparaître. Un an plus tard, avec cet élan propre à quiconque pouvant revoir avec distance ce qu’il a réalisé, nous avons érigé près de ce parvis de lecture des hampes verticales qui, comme des signaux à la merci de possibles regards, abattent au rythme du vent un jeu de lettres mobiles, comme un contrechamp par rapport à celles qui reposent, fixes, sur un sol que nous pouvons nommer à proprement parler une trace de lecture. 133


Vue de l’œuvre, hampes et lettres cubiques du poème.

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Travesía Ponta do Seixas Cénotaphe a Godofredo Iommi, Joao Pessoa, Brasil

Projection de la Croix du Sud en Amérique, en distinguant le point « Lumière ».

Parcours terrestre entre Valparaíso et le point « Lumière » à Punta Seixas.

Cette travesía va de Valparaíso jusqu’au point le plus oriental du continent, point que le poème d’Amereida appelle « Lumière ». Elle va à la rencontre de la lumière du soleil du premier matin américain. Les professeurs Patricio Cáraves, David Jolly, Juan Carlos Jeldes, Andrés Garcés, Marcelo Araya, Herbert Spencer, Michele Wilcomirsky, ainsi que le taller de 1ère année de plan commun d’architecture, design d’objets et design graphique, participent à un voyage sur la terre de six jours aller, trois jours de travail, et sept jours de retour en traversant ce qui, en ligne droite, représente 4732 km. L’œuvre de la travesía érige 20 verticales qui forment un seuil. Les verticales supportent trois « cartes » sur lesquelles le poème Synoptique de la travesía est projeté en ombres ; la sculpture a été édifiée près des verticales Ponta do Seixas. 137


La Verticale Les 20 verticales doubles préfabriquées avec des profils tubulaires d’acier de 2 mm, dans les ateliers de la Ciudad Abierta à Valparaíso, puisent leur origine dans une étude de la verticalité qui commence avec l’observation de la ville. Les pièces de 6 mètres de long se divisent en 3 sections qui se brisent légèrement en angle. Ces sections sont définies selon les nombres musicaux et leurs relations harmoniques établis par L.B. Alberti dans L´Architectura de la Reaedificatoria, en prenant ainsi indistinctement pour chaque paire de verticales, les relations sesquialtère (3:2), tierce (4:3), diapason (2:1), triple (3:1), quadruple (4:1) qui sont décrits dans le livre IX, Chapitre IV du traité d’Alberti. A Punta Seixas, l’ensemble des 20 paires de verticales se place sur un terrain vague traversé par un sentier piéton qui conduit de la partie la plus haute jusqu’à la plage Seixas, formant ainsi un seuil donnant sur l’ouverture.

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Le Poème Synoptique Cette travesía va, au point « Lumière », rencontrer la première lumière du matin, qui est la matière même de l’œuvre entreprise. Cette lumière dessine le poème de la travesía intitulé « Poème Synoptique » qui est rendu lisible dans l’ombre projetée sur trois cartes de bois peint en blanc suspendues dans la trame des verticales élevées : « Sur les cartes de Punta do Seixas on ne fixe pas le lisible, on ne fixe pas une lecture, on fixe quelque chose qui est antérieur, qui la provoque. On fixe les corps opaques qui jettent l’ombre de ce contraste lisible. On fixe les éléments d’une circonstance lumineuse (…). Les cartes sont lisibles à la lumière du matin, les traits s’étirent et se désarticulent au fur et à mesure que le soleil monte, jusqu’à disparaître, le tout dans un transit imperceptible du soleil, qui va de la lisibilité à l’illisibilité, de la lecture à l’observation, et qui se recompose chaque matin. »

Poème lisible

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Le poème désarticulé dans les ombres qui se dessinent au fur et à mesure de la journée.


Sculpture " Ponta do Seixas " La sculpture “Ponta do Seixas” du sculpteur José Balcells est apportée par la travesía pour faire partie de l’ensemble. Elle est assemblée et montée près des verticales. On la fixe sur deux appuis qui s’ancrent au sol et sur un point qui la relie à l’une des verticales.

Vue générale de l’œuvre.

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Travesía ruedo del bosque Pangal, Maullín, région X, Chili La travesía est un moment pendant lequel on abandonne le connu pour pénétrer dans l’inconnu, un moment pour matérialiser une observation commune et offrir à l’endroit choisi un morceau d’école, de poésie, de pensée américaine. L’œuvre se situe dans une forêt d’aromos1 noirs dans la zone de Pangal, région X, Chili. Le sol rejoint les arbres à différentes hauteurs. Les rampes pivotent avec le mouvement des arbres, par le biais d’une construction qui reprend la lecture de la forêt, et restent suspendues au milieu de celle-ci, s’intégrant à son mouvement. Le vert de la mousse environnante traduit le soin avec lequel on protège le lieu dans lequel se place l’œuvre. Les tableaux de lumière définissent un parcours lumineux de l’œuvre, en l’annonçant depuis le lointain, et invitent ainsi à s’approcher. Les dalles sur lesquelles sont inscrits les mots du poème « Vases communicants » génèrent un espace de vie dans le dessin, dans la lecture spatiale de la parole, et définissent un autre parcours, le parcours graphique de celle-ci.

1. Arbres de la famille des acacias.

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Dans une mer verdâtre L’œuvre s’insère dans une mer verte composée de multiples détails. La verticalité des arbres est muée en horizontalité. Dans cette œuvre, l’orientation des lignes pures semble avancer à travers la forêt. C’est dans le rai de lumière qu’apparaît ce lieu pour s’arrêter, pour observer et écouter comment le bruit des vagues qui entourent Pangal se mêle et s’unit avec le sifflement du vent, avec le grincement des arbres, avec les gouttes de pluie qui passent à travers la chevelure formée par les feuilles pour descendre et atterrir sur ce lieu de pause. La pluie, ce rideau qui n’abandonne jamais ces terres, est ici traduite en tant que lumière de l’œuvre, une lumière qui, tout comme un attrape-rêves, est capturée par un voile de fils. Sur ceux-ci, une infinité de minuscules gouttes dessinent encore et encore la lumière traversante, cette lumière itinérante de l’Océan Pacifique qui, depuis Valparaíso, s’offre comme un cadeau à ces terres.

Feuillage. Plaine tressée de lumières et d’ombres, de macro et de micro, à l’endroit où l’œuvre serait posée. Lecture du lieu et origine de l’œuvre. De quelle manière doit-on intervenir ? De quelle manière devons-nous nous positionner ici ?

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Caravelle lumineuse qui, en se mouvant constamment, va en direction du fleuve Maullin. Elle apparaît et disparaît selon la perspective. La lumière apporte la présence du minime à travers des rideaux d’eau qui, par leur brillance, annoncent et, en s’approchant, proclament la beauté de la goutte, de la lumière suspendue.


Lumière suspendue A la travesía s’applique une forme de construction de la lumière. Cette forme est lumière en ellemême et c’est également la ligne qui dessine une brillance. Le treillis de fils génère un voile, voile qui recueille la lumière et retient l’eau de la rosée sous forme de gouttes. De ces gouttes résulte la permanence de la lumière, la brillance répandue dans l’espace, le secret des voiles. Les voiles se découvrent en deux étapes : la première, dans la distance, où le treillis est la partie visible et où l’on devine une totalité qui s’annonce sous forme de lumière ; la seconde, la partie gestuelle des voiles qui apparaît à leur approche. L’aperçu de la goutte renferme une image inversée de la réalité.

Annonce lumineuse. Les voiles de lumière apparaissent dans la forêt comme de véritables phares qui annoncent sa présence. De grandes rampes, de simples lignes constructives sont subtilement touchées par de délicates gouttes qui remplissent les espaces créés pour elles. Les fils prennent vie et resplendissent, illuminant la forêt.

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Poème « Vases Communicants » Poème composé en commun au cours de la célébration de la Saint-François, le jeudi 5 octobre 2006, dans la Ciudad Abierta, au Chili. L’ordre donné au poème lors de sa lecture dans l’atelier d’Amereida fut établi par les élèves qui indiquaient par quelle partie on commençait et comment se poursuivait la lecture.

4 Métamorphose

5

7

Bédouine faite de vent

L’écume répand la porte

Vertige de la glace

Blanc 180

1

Ou base du pied pierreux

Plaisant orangé familial

Froid de la paix

Le mouvement de la lumière

Qui fait le diamant

La partition du bord

J’ai une étoile

fausse l’eau vaincue

Et surprend dans le roulement

Rend silencieux

La vastitude de l’esprit me traverse

L’ardeur pacifique du précipice

Soulagement

Les ailes de l’ardeur

Qui soit

L’agôn conjugué

Le proclament

8

3

6

2

Dans le ciel

Ici le matin découvre

Ce qui est différent éloigne

Foyer impossible

Le changement de temps

Dans la discrétion

Dans la croix le désir réunit

Dans la fièvre et le vent propose

Presque rien

Du schéma ce qui est beau

Et ne déteste pas la mer si elle

Pose et change

N’importe qui non

D’ailes en croisement

chausse

Combien ?

Léger

Le rythme de la paire de ma partie

Antonomase de la limite

Quand ?

La trace véloce de la magnitude

Castillan

Le sol de l’air

Suffisante

Parallèle égaré dans les fleurs

Plein

Juste

Pied

Dans le bonheur conduit à l’astre

A nouveau

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Travesía Ile Mocha Région VII du Biobio, Chili Il s’agit d’un voyage réalisé par deux tallers : 1ère année de design de plan commun et 4e année d’architecture, 2009. La travesía puise son origine dans la ville de Valparaíso et, grâce à des bus, des bateaux, des avions, des charrettes et de la marche, parvient à sa destination : la côte ouest de l’île Mocha, située à 34 km à l’ouest de la ville de Tirua, dans la VIIe région du Chili.

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Emplacement La travesía, en tant que tout, œuvre et participants, se situe dans la partie nord-ouest de l’île, face au Pacifique. Pour cela, chaque taller se charge de pallier aux différentes dimensions quotidiennes de ce voyage poétique, en fabriquant les toilettes et les salles à manger.

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Œuvre de travesía

Processus de construction et étayage de piliers. Construction de la plateforme supérieure

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Construction de la plateforme supérieure


Proposition architecturale L’œuvre cherche à construire un seuil entre l’extérieur et l’intérieur de l’île, la plage, en proposant un arrêt spatial à travers la constitution de la dimension verticale de l’étendue. On construit le Pavillon de l’île Mocha, une œuvre qui est habitée dans le geste de monter, se situer et descendre. Un séjour arrêté et momentané dans le parcours habituel du lieu, ce mouvement constant au bord de l’Océan Pacifique.

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Œuvre achevée de la travesía, le Pavillon de l’île Mocha.


Travesía São Paulo XXXe biennale de São Paulo Le taller de 3e année de design graphique réalise sa travesía de la ville de São Paulo dans le cadre de la XXXe biennale d’art de São Paulo, où se trouve la Ciudad Abierta qui fut invitée à exposer. Etant donné qu’en 2012, plusieurs tallers dirigèrent leur travesía vers la ville de São Paulo, le taller de design graphique chercha la manière de donner une forme et d’honorer l’invitation qu’on lui offrait. Cette forme et cette figure fut trouvée et finalement réalisée à travers des récitals poétiques. Les récitals poétiques furent préparés par les élèves du taller. Chaque groupe sélectionna les textes qui furent lus dans chacun des récitals, ceux-là même qui correspondent à des extraits de Amereida I, extraits des livres « Naufrages » de Alvar Nuñez Cabeza de Vaca et « Lettres de voyage », d’Americo Vespucci. Dans le taller s’organisèrent les chantiers des différentes interventions, ce qui signifie déployer un récital poétique comme un mode d’intervention dans une biennale d’art. Les chantiers de « pré-travesía » considérèrent des facteurs comme le costume, la chorégraphie et les mouvements, en répondant à un calcul pensé, depuis la conception de chaque récital et les voix, lesquelles furent sélectionnées et préparées.

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Les récitals furent pensés comme un contact direct avec les visiteurs de la biennale d’art, c’est pourquoi la façon de s’approcher d’eux fut par le biais du cadeau. Le cadeau fut un objet graphique qui prenait en compte les textes de lecture de chaque récital ainsi que d’autres informations. Tout ceci fut soigneusement travaillé par chaque groupe du taller, pour que cela corresponde à un travail graphique et lumineux. Ces cadeaux furent exposés sur les tables qui structuraient la figure du récital poétique. Après chaque récital, les chargés du taller retiraient alors ces objets graphiques de chaque table et les donnaient aux spectateurs du récital. De cette manière, l’œuvre de la travesía resta une figure éphémère, dans laquelle seulement les actions de voir, écouter et palper concrétisaient la présence dans ce lieu. Le cadeau du présent (temps), de l’être dans le lieu (espace) fut la forme et la figure par lesquelles le taller de 3e année de design graphique se situa dans les travesías de São Paulo.

Recital poétique Bienalle de Arte São Paulo

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Travesía à Santa Cruz de la Sierra Capitale poétique du continent américain Point 0. La première donnée fondamentale réside dans le fait que nous puisons notre origine dans la poésie, car, selon Amereida, derrière chaque lumière se trouve le signe qui voile et dévoile le sens. Qui d’autre que la lumière peut donner l’origine, car elle n’apparaît que poétiquement ? La poésie nous a permis de nous rendre compte qu’étant en Amérique, nous devions nous occuper de notre être américain, et que le fait de s’occuper du continent n’était pas une conquête, mais plutôt : « dévoiler, déchirer le voile – dit la voix – travesía et non découverte ou invention ». La travesía du continent américain est comme la construction d’une donation. Mais le mot « travesía », pour un architecte, tombe sur un terrain fécond. Il tombe entre nos mains pour que nous voyions quelque chose d’élémentaire : l’architecte est celui qui construit sa maison à l’homme, il rend l’étendue habitable, et c’est en cela que nous reconnaissons que l’habitat dans l’espace n’obéit pas une condition naturelle mais construite.

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Ainsi, l’espace habitable n’est pas seulement l’étendue qui comprend directement nos corps, mais il va plus loin, par exemple avec notre regard. Cette étendue dont nous comprenons la présence et que nous ne pouvons ni prendre ni remplir, nous la nommons dans un premier temps « lointain ». Nous distinguons que l’habitat humain répond à une simultanéité de « lointains » actuels dans lesquels nous sommes immergés, et peut-être de « lointains » potentiels, oubliés, ignorés, tus ou présents. Avec ces faits simples mais radicaux, nous sommes partis pour parcourir l’Amérique, pour ressentir sa grandeur, pour ériger une dimension habitable qui puise son origine dans la travesía même du continent. Nous avons tenté d’ériger une étendue pure, ce qui nous a amenés à élever des œuvres de travesía qui seraient des abstractions de l’acte primordial de s’arrêter. S’arrêter, qui ne signifie pas passer au large, comme dans les Indes, mais rester en Amérique. Dans cette tâche, nous avons été confrontés à ce que nous appelons « le détail ». Détail : L’œuvre architecturale dans son édification, comporte des étapes que l’on peut appeler intermédiaires. Ainsi, on parle par exemple de gros œuvre, qui sera ensuite terminé, pour arriver en dernier lieu à ce qui sera sa réalité lumineuse, à la construction lumineuse dans laquelle il est possible de vivre et d’être. Dans l’œuvre de travesía, le détail nous a été révélé comme quelque chose d’essentiel, une condition sans laquelle rien n’existe, une part de l’ouvrage terminé, qui permet d’arriver à la construction de la lumière dans laquelle on habite. Ce fragment parvenu au terme, nous l’avons nommé « détail ». Ainsi, chacune des œuvres de travesía réalisées a donné lieu à l’acte primordial de s’arrêter face et dans une proximité par rapport à des détails qui entrent en relation avec le lointain. Ces œuvres ainsi fondées sur la parole poétique et élevées sur ces points de l’Amérique nous amènent à la considération suivante.

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L’architecture qui donne une maison à l’homme s’occupe de la ville – le lieu de la plénitude de la vie humaine. Et, à quel endroit la ville est-elle ce qu’elle est ? C’est l’acropole, lieu où l’on pense, où l’on élabore et construit ce qui est en rapport avec la ville. Ainsi, toute œuvre d’architecture est en relation avec l’acropole. Notre civilisation s’oriente vers les actions de penser, d’élaborer la dimension de l’acropole dans le continent américain et nous commençons à deviner que, pour y parvenir, il faut parcourir les grandes étendues et construire les petites dimensions ou détails qui relient le lointain et le proche. Et c’est peut-être avec ce mode de fonctionnement que nous arriverons à la compréhension et à la construction de la capitale de l’Amérique Santa Cruz de la Sierra.

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Travesía caleta tubul Province d'Arauco, Region del Biobio, Chili Le Cantar de Ad Ripam ou le jeu de la conversion du Bas en Haut, est une œuvre qui se place au bord de la plage de Tubul, lieu qui accueille le séjour reposant et célèbre la communion entre le continent et la mer. C’est un lieu de réunion avec une vue sur le Pacifique, orienté nord-sud dans son axe majeur, placé à un point d’échange entre le village et la plage, face à la mer du golf d’Arauco, Région du Biobio, Chili. Il s’agit d’une place de petite taille, construite sur la base d’une superficie, légèrement surélevée par rapport au sol par des planchers courbes en bois de cyprès. Chaque plancher correspond à une pièce récupérée sur les coques de quelques-uns des bateaux détruits et traînés sur la terre par le récent tsunami (mars 2010) dans la zone. Une fois les morceaux découpés, nous avons travaillé pour que la beauté du bois apparaisse. Nous les avons poncés et vernis, puis disposés en plaçant la courbe convexe vers le haut, à une hauteur qui nous permette de nous protéger du vent et de nous allonger sur les courbes douces. Ainsi, le bas habituel des bateaux traînés à terre a été transformé en une série de calottes convexes. L’« œuvre vivante » d’un bateau, c’est la coque et c’est la forme qui exprime sa relation avec la mer. Lorsque nous les voyons à terre, nous comprenons qu’ils ne sont pas à leur place et ils semblent abandonnés. Ainsi, avec cette œuvre, on ne voit des bateaux que la face visible par les plongeurs pêcheurs de fruits de mer. Dans ce sens, le Bas est devenu Haut.

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L es ca r ènes bri s ées Pour Jorg e M i chael Même le co urag e d’A bdi as Entr e les eaux s e refro i di t Sa ns Vero ni ca l e r yt hme cha ngeant de ces crêt es Qua nd dans l e mi ro i r d u temps po ur J érémi e Elles sont déj à des s o ns d e la tr a ns fo rmat i o n d ’une p et i t e Ro s e Da ns l’es pri t de l a cro i s s ance (…) Et humb l e dans l ’act e l umi neux r ep ose le ro i Davi d encor e pl us bri l l ant .

Poème de Manuel Sanfuentes. A partir des noms des embarcations, les mots repris dans l’acte poétique de Tubul. Photographies de l’œuvre.

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Travesía Las Hualtatas Ville Enclave : refuge pour arrieros Localité située dans la 4e région de notre pays, sur les flancs de la cordillère des Andes. Il s’agit d’une enclave dans laquelle se regroupent les animaux en descendant de la cordillère ; c’est sa situation privilégiée qui lui permet de faire partie de l’ancien chemin de l’Inca, qui part de Cuzco et passe par les terres chiliennes. Itinéraire long qui nous fait pénétrer à pied dans la cordillère des Andes. Nous nous trouvons face à un paysage sauvage dans lequel nous nous confrontons à l’expérience de la difficulté liée aux distances, paysage qui nous offre, par son aspect fondamental, la possibilité d’y projeter et de recevoir du public.

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Gouverner le territoire. L’enclave : l’équivalent En arrivant, on peut voir le lieu de l’œuvre et, depuis cet endroit, on voit les différents versants où apparaissent les chemins qui permettent d’y accéder, générant ainsi une relation entre apercevoir et être aperçu. Equivalence entre ce que l’on subit et ce qui apparaît, où le versant de montagne devient présent de même que ce qui l’entoure, révélant un lieu d’habitation en vis-à-vis. Le sommet est en hauteur, tel un piédestal entouré de multiples versants, exposant la personne à l’altitude qui l’entoure. Cime – ciment – siège, la cime s’incorpore au parcours et devient une épaisseur qui consolide un espace situé à une altitude commune.

Le ciel de l’œuvre et l’empreinte des versants apparaissent simultanément. Depuis la hauteur je gouverne le sol. Ce sont les peupliers qui identifient l’enclave et lui donnent sa verticalité.

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Le chantier de l’œuvre avance à différentes hauteurs. Le corps touche la pente, et le fond (extension – montagne – hauteur) reste cantonné dans un espace proche


L’œuvre. La structure apparaît comme une épaisseur qui se superpose et qui permet d’apercevoir l’étendue. Elle émerge de la pirca (mur de pierres sèches) et se positionne.

Arbre et œuvre – Epaisseur qui enracine. 1. Le particulier, l’unique génère une circulation autour de lui. 2. Le fondamental, taille qui permet de reconnaître l’arrivée dans un lieu, orientation. / 3. Le feuillage, seuil de repos sous lequel on est abrité. / 4. L’ensemble, chaque arbre en particulier participe au multiple dans l’espace.

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La séquence du repos Arriver à un refuge, c’est comme se séparer de ce que l’on transporte avec soi, monture, chargement, fatigue, et se fondre dans un espace qui repose, pour y manger ou pour se laver. Le programme de l’œuvre est pensé en fonction de ce dont se satisfait le corps qui se restaure ; elle est conçue comme une séquence de l’extérieur vers l’intérieur, la séquence du repos.

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Travesía de Las Hualtatas Un acte pour un refuge d’arriero Travesía réalisée en 2009 et menée à bien par le taller de 3e année d’architecture avec les professeurs Jorge Ferrada et Claudio Villavicencio. La travesía commence par un « s’en aller », marcher, depuis le village de Valle Hermoso jusqu’à la première plaine habitable que l’on trouve en descendant de la cordillère. Première ou dernière étape de la transhumance d’été, elle se place en enclave fondamentale sur le parcours du berger avec ses animaux. On arrive à cet endroit avec le poids de celui qui a marché sous le soleil sans s’arrêter. Las Hualtatas est comme une découverte, à l’horizontale, près de la rivière Pama, comme un repère.

La marche depuis Valle Hermoso jusqu’au secteur de Las Hualtatas est d’approximativement 10,3 km. Son emplacement est en rapport avec la trame des éléments naturels qui s’y trouvent, ce qui rend compte d’une vie qui est orientée et régie par ces composantes. Au sud, l’enclave est entourée par une rivière qui est cachée par la végétation. Quelques percées permettent de la traverser. Elle dispose d’un enclos et d’un entrepôt.

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Le signal L’action d’arriver et de voir L’œuvre qui nous ouvre l’étendue qui précède la cordillère est le refuge commencé par un autre taller en 2010. L’objectif est de donner au lieu la dimension sociale et institutionnelle propre à un siège et, en même temps, celle de l’habitat du berger. Il existe trois dimensions spatiales dans l’enclave :

1. On arrive à l’enclave en annonçant que l’on entre ; l’action d’arriver et de

distinguer culmine avec la lumière aveuglante et le murmure de la rivière.

2. Un refuge se suffit à lui-même. Cependant, un « siège », tout en étant

ascétique, doit convoquer une rencontre avec « l’autre ».

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3. La relation des bergers avec les « autres » est hiérarchisée.


L’étendue tapissée de ciel La dimension Ciel et Sol On parvient au squelette structurel du refuge en lui ôtant son enveloppe. Apparaît alors une dimension de ciel « gagné ». Le ciel, en pénétrant dans le siège, acquiert une dimension et donne de l’ampleur au reste. C’est une trame lumineuse qui reste imprimée à l’intérieur. La dimension de « sol » s’établit en tant que dimension fondamentale : d’une part, elle forme un parvis, un espace inaugural ; d’autre part, elle rend compte d’un « au-delà » qui ne peut être atteint que par la perception des sons et par un aperçu, révélant ainsi la totalité de l’étendue.

La structure attrape le ciel à l’intérieur d’elle-même. Elle situe le corps et l’inscrit dans la trame. Le nouveau terre-plein forme un parvis. Il s’élève devant celui qui marche et constitue les sols du siège. Le bruit de la rivière est très fort mais celle-ci reste invisible. Les feuillages sont telle une jalousie pour l’eau qui se laisse apercevoir.

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Le berger Le voile transitoire A. L’habitat dans l’enclave est constamment interrompu par le mode

de vie du berger qui, sur cette étendue, est le plus proche d’un « vaet-vient » avec le ciel et le sol comme horizon. L’interruption porte en elle le temporaire et le transitoire. On distingue trois dimensions : B. A. Le bruit des chèvres qui va en augmentant et annonce leur venue.

A peine les distingue-t-on, elles se fondent dans l’étendue. C. B. Un voile s’approche, rapidement. Ensuite, le sifflement et l’appel du

berger. D. C. Finalement, le fait de disparaître dans le lointain rend compte

d’une profondeur et d’un « plus loin ». D. La précision de l’espace du berger révèle une ampleur qui permet de recevoir un « autre » à cet endroit.

Le berger et ses chèvres sont le voile du transitoire. Ils rendent compte d’un temps, d’un rythme et d’une mobilité possible.

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Le berger raconte : « Maintenant, je suis le plus vieux de la rivière, je me regarde très peu dans le miroir, je n’ai pas le temps. Ici, on est toujours pressé, mais on peut quand même être ensemble, il y a toujours de la place pour une personne en plus. »


Travesía Las Hualtatas II Sur le lieu : Las Hualtatas Le cas exposé ici fait référence à la travesía réalisée par le taller de 3e année en novembre 2008 dans le secteur de la cordillère de Las Hualtatas, à l’intérieur des terres de Combarbala, dans la région VI de Coquimbo. Le lieu prend sa signification dans l’habitation et se présente comme une enclave, une obturation géographique qui offre une ouverture. Le plan existant entre les montagnes, c’est-à-dire les étendues verticales, ainsi que les éléments à l’intérieur de cette ouverture (pirca et saules) confèrent sa singularité au lieu, mais pas sa taille. On contemple pour fonder. Je « con-temple », faisant référence à « je fais un temple » ou un croisement d’un tracé du ciel, à l’unisson avec une référence géographique prise dans ce lieu dans sa relation avec le ciel, le sol et le fond.

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« L’auréo l e du s i l l o n L a li t ani e de l ’œi l L e l evant s ’év ei l l e, s o us l a paupi ère de la c ô t e , L a fl eur qui av ant ét ai t pays ag e i m po s s ible , On s épare l es g rai ns , l ’él év at i o n é v e ille Sur l e s ent i er du cro i s ement

Du fro i d g émi t L’ext rémi t é de l ’ai r, l a co nt i nui t é du v is ag e L’ét o i l e du po uce Quel qu’un t o uj o urs

L’a ng e s ’abs ent e, brûl e dans l e reg ard Da n s l e v ent rés i de l a ci me dans l e dé bu t  ; L a ri v e s ’arro ndi t , l es nuag es empilé s L a trace ant i ci pe L e j o ur en pl us . »

Poème « la mer en haut », récité lors de l’acte poétique réalisé dans les vestiges de l’œuvre de la travesía Curamavida (novembre 1986, plaine de Curimauida, à l’intérieur de Combardala). Cet acte fut réalisé par le taller de 3e année d’architecture, le samedi 22 novembre 2008.

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Sur le lieu et l’œuvre Lors de la travesía réalisée par le taller de 3e année d’architecture en novembre 2008 à Las Hualtatas, secteur de la cordillère qui fait partie de la route des bergers du secteur de Combardala, on construit, ou plutôt on démarre la construction d’un refuge qui, étant donné le manque de temps, ne parvient pas à son terme. On propose à travers cette œuvre, comme un signe de s’ouvrir au lieu pour former ainsi une unité qui donne sa complétude à l’enclave, et de la sorte crée une dimension. Cette dimension est complétée par l’habitat, par le fait de donner un lieu qui pallie à sa carence (la nécessité d’un refuge pour les éleveurs) et qui soit une potentialité dans cet environnement.

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Œuvre : refuge-pavillon On construit une sorte de premier pavillon, le refuge, que l’on pense compléter avec un espace salon lors d’une prochaine travesía, sur le mode d’une enceinte adaptable aux besoins de celui qui y passera et y vivra. Dans ce premier temps, on veut construire une aire, un ciel qui reçoive, celui qui arrive et qui soit un point de rencontre, orienté vers le nord. L’espace est comme un salon, il ouvre la vue de l’habitant vers toute l’étendue. C’est une résidence avec vue, tout en restant un refuge, mais dans lequel l’extérieur est présent.

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Travesía Hermenegildo Rio Grande do Sul, Brésil Nous avons réuni nos tallers de design graphique et d’objets sur ce qui est commun à leurs fondements pour réaliser une travesía de l’Amérique. Nous sommes partis avec les bases du métier et de la poésie : la première nous vient de l’observation de la lumière, de l’horizon naturel et construit par l’homme dans la baie de Valparaíso ; la seconde nous est donnée par Amereida, quand on y nomme l’Atlantique « Lumière » et le Pacifique « Aventure »1. Nous allons ainsi à la recherche de cette lumière qui nous mènera jusqu’à l’autre côté du continent. « Où un nom ou naissance ? »2 à Hermenegildo, 33° de latitude Sud, dans ce qui ressemble à un bord et ce qui équivaut à un parallèle, là où naît la lumière, nous apporterons la lumière du soir. L’aventure consiste à réunir la luminosité observée ici, sur la côte Pacifique, et celle de la côte Atlantique et de construire le fondement de la manifestation de ce parcours temporel de la lumière, de façon à ce qu’elle se rende présente à celui qui, pas à pas, accède à cette mer de l’Atlantique. Il s’agit d’une tâche lumineuse et rythmique, pour que ce qui évolue et ce qui est mobile devienne un seuil élevé pour celui qui le traverse. Pour rendre manifeste cette lumière, il ne faut pas seulement la retenir mais aussi modifier sa texture entre les plis et les replis des superficies propres qui la reçoivent et la reflètent aux alentours, sur les facettes des différents cadres successifs sur lesquels se pose la luminosité. Les fragments mobiles, dans chacune de ces facettes, accentuent les éclats et les graphies de couleurs unifient sa lecture et valorisent les plans en en faisant une trame.

1 Se référer à la carte de l’Amérique avec l’image de la Croix du Sud. 2 Plusieurs auteurs, Amereida, 1967. P. 128

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Vue générale et détail de l’œuvre.

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Travesía Iruya 2004 « Nous aimons en premier lieu l’arbre qui se suffit à lui-même pour retenir la lumière et le contre-jour dans chaque feuille, et pour retenir dans la rumeur de son feuillage humide toute lointaine et imperceptible brise ». Amereida

Première vue du village d’Iruya. On distingue seulement une église et quelques petites maisons.

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La route Pour arriver à notre destination finale, nous dûmes nous séparer de la moitié de notre équipement. Tout laisser dans le village le plus proche et partir vers un village encore plus petit, dans des véhicules deux fois plus petits que des bus, qui passeraient par les étroits chemins jusqu’aux falaises.

Le lieu Le village d’Iruya se situe entre d’immenses montagnes escarpées, sur l’altiplano argentin. Il compte approximativement 1000 habitants, une église et un collège qui nous reçoivent, nous donnent un espace de travail et nous laissent réaliser nos tâches, tout en nous observant avec curiosité. Surtout les 178

enfants.


Le cadeau au village En remerciement le village d’Iruya pour son hospitalité et sa façon de nous recevoir si ouvertement, on constitue un album avec une série de gravures (sérigraphies) du lieu, qui représentent ce que l’on a trouvé, observé et dessiné.

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L’œuvre : sons au vent Les pièces créées par chacun des étudiants composent l’œuvre de la travesía. Toutes différentes, subtilement accrochées à des barres croisées, elles se laissent bercer par le vent en produisant un léger son lorsqu’elles se touchent entre elles

Sculpture réalisée avec des tiges d’aluminium et des morceaux de plaques d’aluminium placées près de la rivière d’Iruya.

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Travesía à Marimenuco Région de l'Araucanie, 2012 L’apparition de la forme. Nous comprenons que le We-txipantu était très important dans leurs vies, dans les relations entre le rituel et le quotidien. Etant donné qu’il n’existe pas de lieu constitué pour la célébration, nous avons pensé ce fait comme l’occasion de créer une œuvre, car cela articulait les relations sociales et culturelles du lieu. Les enfants maintiendraient en vie leurs traditions, cela irradierait dans la communauté et constituerait un lieu qui transcenderait l’école. Nous avons pensé, à partir de ce qui est configuré par les actes et en écoutant madame Rosario, que le cercle serait présent comme quelque chose d’irréductible, qui nous donnerait en plus la possibilité de créer et de construire en rond. Nous avions le site pour commencer et la première chose résidait dans l’acte architectural de We-txipantu. L’observation et l’écoute faisaient apparaître des conditions habitables, et révélaient l’acte d’habiter autour du feu et le fait d’entourer, ou plutôt de faire une ronde.

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On nous avertit que l’espace pour le We-txipantu devait obéir à trois principes fondamentaux ; 1. Le sol en terre, car il était important de rester en contact avec le Mapu (la terre), et d’établir une continuité entre le plan horizontal qui est fertile et donne la vie. 2. Le foyer : le foyer se trouve au centre, touche le sol et reste une référence à l’orient. Autour du feu se transmet le savoir ancestral. C’est là que les plus âgés éduquent les plus jeunes. Autour du feu, on attend le lever du soleil, il organise la vie communautaire sur la terre. 3. L’accès est orienté vers le lever du soleil, vers l’orient (Pwel Mapu), qui correspond au lieu des dieux, des esprits bienfaisants, des ancêtres. C’est là que l’on demande l’aide divine, que l’on parle aux dieux, et c’est au foyer, au centre, que l’on contrôlait le lever du soleil durant toute l’année. Selon ces trois principes, nous traçâmes le lieu selon une dimension donnée par la quantité d’enfants qui vont à l’école, 22 en tout. L’articulation de ces principes constituait l’acte architectural.

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Les principes génèrent les éléments architecturaux. Nous commençâmes par faire une ronde, l’élément qui articule ces trois principes et qui construit le tracé de l’étendue. Cet élément devait constituer une limite, mais également une épaisseur. Nous observâmes la dimension du couloir de l’école, où les corps arrêtent leur rythme face au soleil, situation publique du climat et arrêt, épaisseur différente à celle des accès aux habitations. A Marimenuco, le communautaire brille comme une épaisseur. Le cercle est une limite courbe, et l’épaisseur prend une plus grande splendeur lorsque les élèves nous donnent à observer une ronde à cet endroit, comme cet après-midi où nous nous y trouvâmes. La ronde serait orientée dans ce sens et depuis cet endroit serait généré l’élément articulateur de cet espace, sa structure radicale d’étendue. Cela ressemblerait à un balcon en spirale

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L’acte de faire une ronde orientée, en ayant référencé le ciel et les alentours. Un balcon qui fait apparaître la relation que les Pehuenches avaient avec le lointain et le ciel. On construisit un mur comme un balcon en spirale qui entourait le périmètre vide du foyer, en établissant des pauses et des montées, augmentant la valeur de l’orientation. Il est important de regarder le ciel, parce que c’est là que se trouvent les divinités qui gouvernent le monde surnaturel et naturel, qui possèdent une étroite relation avec les gens à qui elles accordent des faveurs ou des dons. Elles habitent dans la Wenu mapu (« terre d’en-haut »). Nous avions donc l’axe et l’acte reconnaissable, et grâce à la fermeture nous devions obtenir l’espace du We-txipantu qui était un Ruca, qui traduit tant le lieu de vie que le lieu du lever du soleil ; Ruca étant dans ce sens l’endroit du nouvel an Mapuche.

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Travesía Puerto Williams Commune Cap Horn Déjà, en octobre 2006, la travesía semble prendre l’une de ses plus grandes magnitudes : nous sommes plus de 185 et nous voulons aller au bout du monde, à Puerto Williams, aujourd’hui rebaptisée commune du Cap Horn. Et c’est vers cette destination que nous partons. Finalement, nous voyageons sur quatre vols et pendant quatre jours de suite, en partie en faisant des bonds sur le territoire, le reconnaissant parfois depuis la hauteur. Depuis Punta Arenas, des bus nous mènent à Ushuaia et, depuis cet endroit, le fait de ne pas disposer du catamaran prévu nous oblige à utiliser un zodiac semi rigide pour huit passagers, embarcation qui a dû faire 25 voyages pour nous faire tous traverser le Canal de Beagle entre Ushuaia et Puerto Navarino, aussi bien à l’aller qu’au retour. De là, nous nous rendons à Puerto Williams soit par un chemin de terre, soit avec les patrouilleurs de la Marine. La logistique de la route de la travesía a pris de telles dimensions qu’en arrivant à Puerto Williams il a été nécessaire de commencer à gérer et à coordonner le retour. L’œuvre consista à reconnaître en premier lieu le désir de donner la forme du parc à la frange près de la rivière Ukika. A partir de là, l’intention a été de construire le sol horizontal d’un horizon franchement vertical. Puerto Williams est la destination la plus au sud qui nous avons envisagée et elle le restera certainement pendant longtemps, mais nous continuerons sans aucun doute à persévérer dans cet entêtement à aller encore plus au sud, car cette destination sud nous ouvre la route pour reconnaître le présent de cette extrémité de l’Amérique et cette relation, comme un don, devient finalement un cadeau.

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Fjords de la Patagonie occidentale

Puerto Williams depuis le Canal de Beagle

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TravesĂ­a du Beagle Ushuaia-Puerto Navarino.

Territoire de l’Ile Navarino


Récupération du siège de Villa Ukika

Travesía du Beagle Ushuaia-Puerto Navarino.

Sculpture de l’œuvre de la travesía, célébration de l’Acte d’Inauguration de l’œuvre.

Accès au nouveau Parc Ukika.

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Travesía Rio de Janeiro 2008 Œuvre de la travesía On commence à préparer la travesía avec l’objectif de rapporter une démonstration ou une exposition qui intègrent l’acte de célébration et le cadeau. On considère le voyage à Rio de Janeiro comme l’occasion de se rendre dans une université partenaire, la PUC de Rio. Les tallers qui réalisent l’entreprise de la travesía, 3e année de design graphique et d’objets, ont une idée initiale puisée dans les « actes et célébrations » réalisés antérieurement. Ces actes se constituaient à travers des colonnes qui convoquaient et dans lesquelles le cadeau apparaissait comme une surprise. De même qu’elle est une instance de présentation, Valparaíso est montrée à travers des images qui emphatisent certaines particularités de la ville pour les faire apparaître dans la ville de Rio. L’œuvre est une démonstration réalisée à un bas coût, elle est légère et démontable de manière à être transportée d’un pays à l’autre. Comme on ignore à quel endroit elle émergera, la démonstration est auto transportable.

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Tableaux d’exposition des colonnes.

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Le voyage et sa pause, à travers la construction d’un arrêt pour offrir les repas. L’habilitation d’une table et de superficies dessinées pour approvisionner et préparer des aliments pour 50 personnes nous permet d’avancer sans restriction de route et de pouvoir établir nos repas à n’importe quel endroit.

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On parvient à se limiter à 20 colonnes dans lesquelles on peut trouver des portions de nourriture et des boissons. Dans sa forme finale, elle doit offrir la possibilité de conserver et de distribuer les aliments et les vins pour 100 invités, et à la fois contenir des images photographiques et des textes poétiques qui déclarent « comment et quand il y a une ville ». La travesía pense à se rendre présente dans un autre lieu, comme cette œuvre qui voyage et qui attend son apparition pour entrer en communion avec un « autre » qui l’attend ailleurs. C’est pourquoi on constitue une construction éphémère qui voyage et qui se déplie pour être dévoilée à d’autres habitants d’une ville. C’est une manière de concevoir et de garantir les qualités d’un objet de design, les caractéristiques propres de celui qui pense et habite à l’intérieur. La construction doit être montée en 15 jours, durant lesquels les propositions, les exécutions et les conclusions sont réalisés dans l’école d’architecture et de design de Valparaíso, Chili, et les finitions et le montage à Rio de Janeiro, Brésil. A travers l’œuvre, on voit l’évidence de l’expérience menée à bien par le taller : la maîtrise géométrique acquise dans les plis et les replis d’un plan en carton, de fines particularités qui se maintiennent avec de légers mais importants changements, l’expérience d’autres montages dans des espaces publics, l’adresse dans la définition des diagrammes, la participation à des actes poétiques, la conquête du temps avec le travail constant et infatigable d’une équipe de plus de 30 élèves et l’expérience d’autres travesías.

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Travesía Asunción Paraguay, 2007 Réalisée entre le 4 et le 16 novembre. Nous sommes partis en bus de la ville de Santiago, en direction de l’Argentine, par le col Los Libertadores, et nous avons continué vers le nord est pour arriver, au deuxième jour de voyage, à la frontière du Paraguay par la ville de Clorinda. Nous sommes arrivés à Asuncion aux alentours de 6 heures du soir.

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L’œuvre a été réalisée dans le campus de l’Université Catholique d’Asuncion situé dans le centre de la ville. L’endroit est une étendue d’espaces verts avec une série d’immeubles connectés par des couloirs, au sol très horizontal et humide. C’est au cœur de cette relation entre le naturel et le bâti que nous avons décidé de placer l’œuvre. Il s’agit d’un seuil de rencontre pour se rapprocher du naturel. Il se compose d’unités discrètes qui forment 44 détails situés sur une structure plus grande. La relation entre les deux dimensions laisse apparaître la totalité de cette place seuil. 194


La densité donnée au détail qui sert à construire le tout est due à la lumière contenue à l’intérieur et aux hauteurs par rapport aux horizons nus.

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Les détails furent dessinés et découpés en pièces de bois fendues de 120x120 cm (6 et 9 mm). On utilise de la colle froide et des clous pour les assembler en deux unités discrètes qui forment un détail de 160 cm de haut. On a tracé sur les détails des traits de peinture blanche qui montraient les lumières et les ombres du volume orienté. Etant donné que nous n’avions pas de ciment, nous avons inventé un type de fondation pour les cadres de bois de 5 mètres de haut : un système préfabriqué avec des tubes et des dalles de béton. Le lien entre la fondation en béton et les piliers composés de bois a été réalisé avec des barres de fer. Œuvre constituée de trois cadres de bois comme supports, reliés à leur extrémité par une pièce horizontale de grande longueur, appelée linteau.

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Travesía las Lástimas (peine, souffrance morale) Le destin

Bajo las Lastimas, Région de Los Rios Du 1er novembre au 16 novembre. (Les premiers partent le samedi 24 octobre pour préparer le campement).

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Les participants

Maria Jesus Nicolas Felipe Macarena Fernanda Nicole Arlette Paulina Andrea Rodrigo Alejandro Valentina Yshe-Keuk Karen Paola Carolina Andrea Andrea Nicole Patricio Andres Diego Antonio Camilo Mario Camila Constanza Maria Ximena Cristina Elizabeth Antonia Marcela Beatriz Inti Maria Ignacia Daniela Alejandra Fernanda Andrea Celeste Caterina Joaquin Jose Alejandra Sofia Melanie Carolina Valentina Maria Cristian Alejandro Jose Antonio Javiera Francisca Jaime Ignacio Eloisa Trinidad Constanza Leticia Andrea Daniel Ignacio Camila Maria Rodrigo Alejandro Begoña Andrea Tuare Nicole

Abarca Cruz Abarca Lagos Alamos Rojas Ampuero Rodriguez Avalos Purralef Calderon Barrera Campos Sanchez Carrera De La Barra Chavez Gatica Cifuentes Rodriguez Contreras Olivares Cortes Carvajal Fernandez Arroyo Fernandez Vasquez Garces Quevedo Gomez Fuentes Gongora Venegas Gonzalez Yañez Guzman Sepulveda Labra Reynolds Ladron De Guevara Soto Mardones Ortega Martel Pinochet Montenegro Allegro Morales Almonacid Navarrete Cabero Navarro Bravo Ortiz Espinoza Palma Soto Perez Moena Pizzagalli Andreani Riveros Gonzalez Santiagos Espinosa Serrano Caceres Soto Aguayo Varela Arce Vargas Carramiñana Vega Calquin

Sebastian Maria Jose Beatriz Francisca Alejandra Valeska Paula Andrea Edgar Mauricio Esteban Ricardo Carolina Carola Rodrigo Alberto Matias Rafael Vanessa Marisol Cecilia Alexandra Daniela Ignacia Nicolas Eduardo

Taller Arquitectura 7ª Etapa

Taller Diseño Plan Común

Manuel Marcelo Isabel Margarita Herbert Eric Cristóbal

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Bustamante Jorquera Arreño Maldonado Galleguillos Castillo Gonzalez Gonzalez Hevia Alvarez Ibañez Quispe Marin Carvajal Moraes Zambrano Oberreuter Gallardo Piña Piña Urrutia Pieper Valenzuela Jaña Vera Aguilar Vera Perez Verdejo Bravo

Sanfuentes Araya Reyes Spencer Caro Hughes Profesores

Juan Jose Eduardo Flavio Paula Alejandra Maria Belen Miriam Rocio Tomas Martin Viviana Mackarena Martin Andres Maria Constanza Ronald Francisco Francisco Javier Daniel Sebastian Marcela Andrea Joaquin Alfredo Tamara Alejandra Benjamin Renzo Francisco Diego Rene Edith Fabiola Francisca Alejandra Barbara Francisca Daniela Andrea Rodrigo Osvaldo Roberto Ignacio Nestor Ignacio Cristobal Marcelo Margarita Ximena Cristopher Ulises Ramiro Javier Alvaro Sebastian Felipe Eduardo Rony Felipe Francisco Mario Alejandro Maria Angelica Karen Andrea Jaime Gabriel Andrea Montserrat

Aldunce Soto Baumann Oyola Becerra Arellano Becker Seco Borquez Jorquera Caceres Cevallos Camps Eltit Carcamo Aguero Carvajal Ferrer Clunes Alcayaga Collao Silva Cornuz Palacios Cruz Valdivia Davanzo Montt Duran Wendt Echeverria Edwards Espinace Olguin Fernandez Hermosilla Gajardo Tapia Gonzalez Varas Iturra Cosmelli Jimenez Silva Labraña Jara Leiva Cruz Lopez Droguett Montenegro Varas Navarrete Barria Opazo Gomez Oyanedel Pizarro Perez Aguilera Pino Avendaño Rubio Herrera Sanchez Alvarez Suazo Arancibia Ureta Villarroel Varas Madrigal Venegas Torres Taller Arquitectura 8ª Etapa


Le voyage

Nous avons réalisé le voyage par étapes : d’abord, 4 à 6 heures de bus sur la route, ensuite environ 2 heures supplémentaires dans un bus local qui nous a approchés de la cordillère, puis encore 2 autres heures de marche vers notre premier arrêt : Las Mulas. C’est là que nous avons passé la nuit et c’est de là que nous sommes partis pour notre dernière étape à cheval qui a duré 7 heures, jusqu’à l’arrivée à notre destination. 199


El Poema y la Obra

L’ét at de v i vre en t rans i t De quel que l i eu l à-bas en pai x De l a pas s i o n i népui s abl e

C’es t l a ri ches s e de veni r de l ’i n t é rie u r De l ’i mag e de l ’harmo ni e Qui s urg i t dans l e ci el s ubi t eme n t La t erre en ro nd

Se fo ndant avec l e dés i r A l a renco nt re des races l i bres dan s l ’as t re Que l e vo y ag e di s s embl abl e de l ’hi s t o i re C o mprend dans s es l ang ues

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Travesía las Lástimas Espace d’une construction commune

L’expérience de la première travesía en tant qu’élève m’apparaît comme l’expérience de l’entrée même dans le métier de designer, dans l’environnement d’une construction commune, la contemplation de l’œuvre qui surgit d’un taller, non pas en tant qu’individu particulier mais comme quelqu’un qui fait partie d’un corps plus grand et qui porte, en groupe, ce qui 201

est entre nos mains.


Co-participation Je dis cela par rapport au fait que les relations humaines doivent être centrées sur la co-participation, sur la liberté d’expression de tous les participants, sur la construction conjointe et la croissance synchronique de chacun, sur la coordination du faire pour ainsi parvenir à édifier des système composés par une infinité d’interactions entre les personnes, en les mettant en relation avec leur environnement, en les invitant à observer.

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Viaje a caballo desde Las Lástimas a Las Mulas, Linares, Región de los Ríos, Chile


Autopoïèse et l’unité discrète Je me réfère au terme d’autopoïèse, porté par les biologistes chiliens Humberto Maturana et Francisco Varela, pour nommer la condition des organisations des systèmes vivants dans une production continue d’euxmêmes et de la construction de la connaissance. A partir de cela, je comprends l’élève comme cette unité discrète qui compose le taller. Nous entendons par autopoïèse, dans ce cas spécifique, la reproduction de cette unité discrète qui constitue la collectivité et dans le sens de la formation de l’élève dans son métier, ainsi que dans l’acquisition de la connaissance. Je ne parle pas d’un savoir, mais du fait de connaître et de comprendre ce qui nous entoure. Le savoir implique la certitude et celle-ci nie la réflexion. Le savoir ancre, empêche d’avancer, c’est pourquoi nous arrivons plutôt ici à un endroit où l’on ne sait rien avec exactitude, plutôt, on connaît. Je termine en disant que cette répétition considère une façon d’être, de faire et d’habiter le continent, et que c’est grâce à tout cela que l’œuvre a la possibilité d’émerger

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Fragment du poème dans l’œuvre de la travesía.

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Travesía Las Lástimas Région du Maule, printemps 2008, vallée de la rivière Achibueno La vallée de Huanquivilo puise son origine dans le déplacement d’une énorme masse de glace qui avança vers la mer il y a des milliers d’années. Elle se situe dans la cordillère des Andes centrales et comporte deux sorties : l’une s’étend vers le nord, vers la vallée de la rivière Maule et l’autre se déplace 30 km vers le sud, donnant origine à la vallée de la rivière Achibueno. Les deux chemins laissent leur sillon en forme de U, caractéristique des grandes et vertes prairies de la cordillère. La colonne de glace nord avança légèrement plus rapidement que son homologue du sud. Les deux vont en quête de la vallée fluviale la plus proche pour s’évacuer. Au terme de l’ère jurassique, la bande de glace la plus rapide rompt la petite muraille qui la sépare de la rivière Maule et elle arrête ainsi l’avancée de la bande la plus lente, seulement à 1 km de la percée de la roche qui la sépare de la rivière Achibueno (Géographie physique du Chili, Société Chilienne d’Histoire et de Géographie). Ce processus inachevé génère une marche de 1000 m de haut qui divise la forêt de la steppe d’altitude. En contrebas, se trouve la vallée fluviale en forme de V, à 900 m au-dessus du niveau de la mer. Cette charnière, un flanc de roche mésozoïque, sépare des aires climatiques radicalement distinctes et favorise la croissance de deux entités naturelles différentes : la forêt et les pâturages d’altitude.

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C’est du XVIIe siècle (1650) que nous parviennent les premiers témoignages qui parlent du genre de vie nomade des pehuenches, les habitants natifs de la zone, « qui se nourrissent de pignes et de viande de cheval et des bovins qui paissent dans les herbages de la cordillère, en faisant commerce ou en permettant le passage de groupes de malfrats, de hors-la-loi, de vagabonds, de brigands et de délinquants qui se dirigeaient, par les cols de la Lagune de Dial, vers l’autre face des Andes pour acheter du sel, voler des chevaux, etc. » (Vagabondage et Société frontière du Chili, Mario Gongora). Durant la colonisation, cette marche de 1000 m, qui commença à être nommée col de Las Lastimas, se transforma en un passage dangereux creusé dans la roche, en une limite naturelle par laquelle on emportait ou on amenait des animaux. Le passage devint le seul lieu adapté au passage des troupeaux et à leur montée vers les prés d’été.

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Dans la forêt, avant de monter vers la cordillère, avant d’ « entrer » (lorsqu’un berger se trouve dans les prés d’été, on dit qu’il « va vers l’intérieur »), c’est justement dans ce lieu d’accès que commence un culte vernaculaire représenté par de petits autels creusés dans les troncs des arbres. C’est dans ces endroits sacrés que l’on rend grâce de ne pas avoir perdu la vie ou perdu ses animaux, et c’est ainsi que naît le culte à la mémoire de Saint-Sébastien martyr. Ce lieu de la travesía, nous ne le dépasserons pas, nous resterons dans la charnière, pour la restauration de l’autel.

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Pour arriver à cet endroit, il a été nécessaire d’établir un lien et un ordre avec les trois entités mentionnées précédemment : le lieu, l’homme et le rite. Cet organisation correspond à une structure qui part de la nécessité de véhiculer 100 élèves depuis la rivière jusqu’au pied du massif andin. Cela correspond à quelques 70 km dans des voitures tout terrain et à 30 km à cheval, en suivant le cours de la rivière Achibueno. La logistique pour mener à bien cette entreprise consista en une division des élèves en groupe de dix, chacun de ces groupes étant à la charge d’un berger. Ces dix bergers de subdivisèrent en deux groupes de 50 élèves à la charge d’un contremaître ou mayoral. Enfin, ces contremaîtres étaient sous la responsabilité de patriarches du couloir de la cordillère habité le plus proche, Los Hualles, où nous les contactèrent pour réaliser la montée. De cette façon, nous fûmes guidés par des personnes qui habitent le lieu et qui le parcourent constamment, qui le dominent, le connaissent et le respectent plus que quiconque. Ce sont ceux que l’on appelle les « baqueanos ». C’est ainsi qu’avec 100 chevaux et 60 mules de charge, en deux jours de voyage, nous parvînmes au pied de Las Lastimas, où nous restâmes deux semaines pour construire un lieu de repos et de restauration destiné aux bergers qui descendent du périlleux col.

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Travesía Colliguay Printemps 2011 Le premier territoire habité par les Espagnols qui arrivèrent au Chili fut la zone située entre le fleuve Aconcagua au nord et le fleuve Itata au sud. Cette bande de terre est traversée longitudinalement par un massif de faible altitude appelé cordillère de la Côte. C’est dans la zone nord de cette bande, entre le fleuve Aconcagua et le Maipo, que fut établi le centre administratif et politique du pays. Cette région entre deux fleuves de presque 5000 km² est délimitée au couchant par l’Océan Pacifique et à l’Orient par la ligne de sommets de la cordillère des Andes. Ce territoire donna lieu, dans ses vallées étriquées, à la fondation des villes les plus importantes de la colonie : Santiago, Melpilla, Rancagua, San Felipe, Los Andes et le port de Valparaíso. Déjà, dans les premières années de la Colonisation, cette cordillère fut utilisée comme pâturage et pour le transport des animaux depuis les zones basses jusqu’aux prés d’altitude, générant une importante culture de transhumance saisonnière qui rendit nécessaire la subdivision du territoire. La communauté fut l’unité de base de la division territoriale et elle est encore en vigueur actuellement. La forme physique de séparation de la terre se fit à partir de murs de pierre qui parcouraient les flancs des montagnes. La division territoriale pour les pâturages dans la zone de Colliguay donne son origine à un réseau de pircas (murs de pierres) d’environ 300 km de long au-dessus de 1000 m d’altitude.

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La travesía réalisée en novembre 2011 naît d’une étude faite antérieurement sur ce réseau de murs dans les montagnes. Les élèves recherchent les anciennes constructions en récupérant le tracé original, dessinant un repère sur la terre qui permet l’élévation d’un modèle qui expose la situation du réseau de pircas. Cet objet d’exposition se transforme en une ride de plus sur le terrain qui le reçoit et s’incorpore à un ordre de fracture des vallées et des montagnes qui l’entourent. Cela permet à l’observateur de participer à un tout, celui de la structure du massif, et de lui donner de cette façon une orientation intuitive.

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Travesía Puerto Guadal 2004 Lac General Carrera, Région de Aysen, Chili (46.83º S/72.70ºW) La vie, le travail et l’étude sont simultanés durant le temps de la travesía. Le poème Amereida – fruit de la première travesía réalisée en 1965 – nous invite au voyage à travers le territoire pour reconnaître ce qui est proprement américain. « Colomb ne vint jamais en Amérique, il cherchait les Indes, et dans sa quête cette terre fait irruption comme un cadeau ».

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Le défi posé par cette travesía, menée à bien par le taller de 1ère année d’architecture et par dix étudiants diplômés durant 24 jours, consista à recréer le lien entre le lac et le village de Guadal. Nous avons repris une petite pointe qui avance dans le lac et nous avons donné sa forme à l’œuvre. C’est le lieu où se situa le premier quai, formant un endroit propice à la contemplation, 214

face au vaste horizon du lac et à l’abri du vent.


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Travesía Corral 2012 Dimensions Initiales L’école d’architecture et de design PUCV, depuis sa création, a une profonde et étroite relation avec la poésie. C’est cette relation qui a amené à poser la question de la condition d’être américain. Cette question sur la réalité américaine et sur l’identité qu’elle implique fut déjà posée pour la première fois lors du projet de reconstruction des églises du sud du Chili, réalisé après le tremblement de terre de 1960. En 2012, l’école d’architecture et de design PUCV a fêté ses 60 ans d’existence, et le taller de 1ère année de design a décidé de se rendre à Corral, plus précisément à la paroisse de Corral, parce que ce temple est une œuvre qui contient profondément les fondements les plus originels et premiers de notre école. C’est pour cette raison que la paroisse constitue un exemple pour les étudiants qui débutent dans ces disciplines.

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Le lieu Le point de départ est Valparaíso et Corral se trouve à 986 km. C’est une commune du sud du Chili, dans la XIVe région de Los Rios. Elle se situe à 22 km de la ville de Valdivia, dans la baie où débouche le fleuve Valdivia, face à localité de Niebla. Le port de Corral constitue le principal port de Valdivia et est le plus ancien du sud du Chili. C’est là qu’en 1850 arrivèrent les premiers colons allemands. Aujourd’hui la ville compte 3584 habitants. Cette travesía dura 16 jours, du 23 octobre au 7 novembre 2012 et un groupe de 47 personnes y participa, dont 40 élèves du taller et 5 professeurs.

Acte poétique Sitiales del Fuerte

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Œuvre : Place de l’archipel L’œuvre intervient sur un bout de terrain sans utilisation définie, dans la paroisse de Corral, à côté de l’église et d’un terrain multifonctions. Donnant forme aux sentiers originels, la construction de ce tracé génère de nouveaux espaces. Ces espaces sont abordés par le taller en 5 groupes pour proposer diverses manières de l’habiter. La proposition de l’œuvre touche à trois aspects dans sa définition : le fondement depuis l’observation, l’incorporation et l’appropriation du territoire, et la volonté constructive qui accueille le geste du corps. Ainsi, l’œuvre laisse sa place au métier, étant donné qu’elle a la réelle magnitude d’une œuvre de design.

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Travesía San Andrés 1984 Región d'Atacama, Chili Au beau milieu d’un endroit désertique, celui-là même où se trouve la route pour l’Argentine, là où l’encaissement des montagnes de la cordillère fait que le ciel et la terre s’unissent en altitude, là, au pied des sommets, on a creusé dans le sol deux petites places délimitées avec de la liparite taillée – pierre du lieu – et plus loin, sur un versant voisin, on trace un signe dessiné par des plaques de métal enfoncées dans la terre. «  …i l y a deux s i èc le s de s jé s u it e s de s s in aie n t mét i cul eus ement le s île s de f le u v e s … … ils c h an t aie n t e n c o re – s u c c é dan t au x premi ers cart o g rap h e s de la c ô t e – l’e au

Le s m o n t ag n e s é t aie n t à pe in e é b a u c h é e s…

mai s …

mai nt e n an t

ah o ra

No us dev o ns no us appu y e r s u r t o u t é lé m e n t qu i apparais s e à l’u n is s o n  » ¹

« … C’est pourquoi, pour ceux qui transitent sur le chemin international, le signe de la sculpture et la petite place apparaîtront comme un signal qui annonce une occupation de la cordillère. Mais les sentiments et les pressentiments se vivent aussi dans les détails. Ainsi, ceux qui arriveront et passeront à cet endroit pourront imaginer de quelle sorte d’ermitage il s’agit. Nous nous trouvons dans une cordillère qui conserve les traces des Incas. En ce qui concerne la durée, les pierres posées et les lignes bénies peuvent très bien rester pendant longtemps. »2 1. Varios Autores, Amereida , 1967. p 92. 2. Varios Autores, Amereida Travesías 1984 a 1988. sección 8a.

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Le signe sur le versant de la montagne.

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Petite place de pierre liparite taillĂŠe


Travesía Cajón del Maipo Région Metropolitana, Chili C’est au travers de ce legs d’œuvres graphiques réalisées dans le champ de la rubrique et à l’abri de l’empreinte qui trace et sillonne que l’on trouve ce qui est caché sous terre : de magnifiques neiges éternelles dans ce sol dressé et élevé de la cordillère des Andes. Il s’agit alors de la grandeur, ici exprimée avec le trait d’une luminosité extrême et d’un blanc éphémère, celui de la neige, ou pourrait dire qu’il s’agit à peine d’un signe qui, aussitôt qu’il resplendit, disparaît dans le massif de la cordillère.

C o m m e n t recevo i r l ’Am é riqu e dé v o ilé e  ? Dév o i l er,

dé c h ire r le v o ile

à t rav e rs

– n o u s dit la v o ix –

Traves í a

qu i n ’e s t n i u n e dé c o u v e rt e n i u n e in v e n t io n 1

1 Plusieurs auteurs, Amereida, 1967. P. 25

Sa plénitude va de pair avec le régime de brièveté et de légèreté imposé par ce territoire dont la vastitude, la plupart du temps naturelle et incommensurable, impose une œuvre éphémère. Il existe déjà plusieurs expériences de rubriques et, avec elles, plusieurs interprétations de la grandeur du continent, royaume où le graphisme doit être interrogé par la grandeur, comme une envie de dimension. 223


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Travesía La Serena 1988 Proclamation poétique patronne des métiers en Amérique « Cette travesía se présente de la manière suivante : d’abord, la page ouverte, la parole énoncée. Le poème et ses notes. Ensuite toujours une page ouverte. La parole faite, pouvons-nous dire. Ceci sur des photographies qui montrent et démontrent ce que veut dire le « faire ». Ensuite, les pages de la réalisation de la travesía, de son commencement à sa fin. Puis les plans de l’œuvre, depuis la dimension de l’œuvre qui s’élève. On poursuit avec la conception et le travail des sept professeurs avec un groupe d’élèves, chacun sur sa page ouverte. Enfin, les pages de la sculpture, du design graphique, du design d’objets, pour terminer avec les photographies de l’acte de finition de la travesía. L’unité de la présentation correspond alors à ce qui est conçu et réalisé en commun, au sein d’une communauté dans laquelle tous se trouvent l’un à côté de l’autre et regardent la même chose : en revanche, sur la page ouverte de chaque professeur, qui se trouve toujours à côté de tous et qui regarde aussi toujours la même chose, on voit qu’il le fait au travers d’une certaine couleur. Celui-ci à travers le rouge, celui-là du bleu, etc… Car l’unité ne dépend pas de l’unification, mais ne dépend pas non plus de la dispersion. Ce n’est qu’en parcourant le continent à la recherche d’une vision unique que l’on se trouve en présence de ce qui est unique à son étendue, là où il est dit que ce qui n’est pas unique n’est pas dispersion. C’est une autre expérience. Une expérience qui ne peut s’éprouver que dans les travesías.

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Quelque chose n’est pas inclus dans cette présentation. Il s’agit d’un petit cahier au sujet de la ville de La Senena, de ce qu’Amereida peut signifier pour son destin. Il fut présenté aux autorités civiles et religieuses, afin qu’elles donnent leur approbation à la travesía. Cela signifie donc une anticipation à celle-ci. Et nous comprenons que cette anticipation gît entre les mains de ceux qui veillent sur la ville. Cela – à ce qu’il nous semble –, est quelque chose de réel. Car dans les œuvres d’ouverture et de fondation – comme le sont les travesías d’Amereida –, on coopère plutôt par anticipation qu’en essayant de donner des modèles. Il faut alors se poser la question de la relation entre ce cahier et cette présentation-là. La réponse est la suivante : il en va de même que dans cette vision en rouge ou en bleu des professeurs. Tout cela dit bien l’espace, celui qui s’ouvre sur la relation entre poésie et architecture »1. 1 Plusieurs auteurs, Amereida, Travesías 1984 à 1988, 1989, p. 209

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Travesía de las Estaciones Du signe à l'objet Le taller de 2e année de design d’objets achève sa travesía de huit jours en faisant une boucle dans la région de l’Araucanie, touchant ses limites andines et côtières, points géographiques dont le groupe fait l’éloge avec l’invention d’un appareil qui entrera en dialogue avec chacune des situations du lieu : la mer et la montagne. Le taller conforme les œuvres à réaliser au temps public de l’habitat dans l’espace, thématique abordée pendant l’année scolaire. Cela signifie que, lorsque l’on parle de l’habitat, on n’est pas dans le contexte de ce qui est établi dans l’espace, mais plutôt, de ce que le temps établit.

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Le parcours Partie de Valparaíso, la travesía est parvenue à la ville de Victoria (entrée dans la zone connue comme Araucanie andine), puis s’est dirigée vers Curacautin, pour continuer son chemin jusqu’à Lonquimay, en longeant le Parc national Conguilio, traversant les lacs Galletué et Icalma. Ensuite, la travesía s’est poursuivie de Melipeuco (qui dans la langue Mapudungun signifie « rencontre des quatre eaux ») à Curarrehue ; la descente vers la mer l’a conduite via Theodoro Smith au lac Budi et s’est arrêtée à Puerto Dominguez, via Carahue.

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Le signe Un espace prend vie lorsque son dessin est reconnu par une communauté, c’est pourquoi il est nécessaire que les communautés reconnaissent dans les objets quelque chose d’elles-mêmes, afin que se produise une appropriation et, par conséquent, une intégration sociale. Le taller a recherché dans les images locales et a compris que, pour les habitants de ces terres, l’intégration des signes de leur cosmovision dans leurs attributs et leurs parures est essentielle, de même que s’intègre dans ces signes leur processus de fabrication, indépendamment du niveau technologique de ceux-ci.

Le signe et l'œuvre « Le signe en tant qu’objet artistique n’attendrait pas la catégorie d’œuvre, mais évoluerait dans un univers de signifiants distinct de celui de l’œuvre achevée. Cela ressemblerait à une forme originelle qui renvoie à une œuvre possible, une ébauche de l’œuvre (…). Il s’agit simplement de quelques instants, pour que les hommes puissent concevoir l’idée d’une forme de l’œuvre, comme une étoile filante (…). Le signe est alors une sorte de signal matériel, une référence, un indice qui marque une possibilité de l’œuvre. »

Traduction formelle du « Guñelve », étoile mapuche.

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L'objet Dans le voyage, la lueur de la planète Vénus, porteuse du jour et lumière d’une étoile solitaire, fut l’objet d’un questionnement au sujet de l’étoile à cinq branches dessinée par frère Pedro Subercaseaux, et nous l’adoptâmes comme le signe avec lequel nous dessinerions notre œuvre. Ce jeu créatif de porter le signe à l’objet nous conduisit à l’invention consistant à intégrer dans l’objet le signe, la matière et le lieu. La proposition se traduisit par sa géométrie faite de modules triangulaires, unités discrètes, fabriquées dans du bois local, dans lesquels la partie et le tout dans la forme permettaient, d’une part, de rendre explicite le signe dans sa forme et, d’autre part, de générer une spatialité qui permettent de l’habiter.

Œuvre à la mer, station Puerto Dominguez.

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Œuvre à la montagne, station Currarehue


Travesía Futaleufú Région de los Lagos, Chili Avant d’entamer la travesía, nous sommes allés observer la ville ici, à Valparaíso, pour dessiner les corps qui déambulent dans les rues et sur les places, qui parcourent les espaces publics, et nous nous sommes arrêtés sur les postures et les gestes. Nous avons distingué dans cette grande diversité les mouvements qui vont avec la gravité et le corps au repos. Nous avons appelé ces postures « aplomb ». Parapet qui accueille et reçoit les postures avec aplomb. Nous sommes partis sans définition précise du parapet. Nous sommes allés à sa rencontre, nous avons construit dans l’espace pour le trouver. Les constructions en architecture, d’un point de vue artistique, ne se définissent pas, elles se nomment, car dans l’art il n’y a que de la singularité. On pourrait penser qu’il s’agit d’une idée originale, mais ce n’est pas le cas. C’est une investigation architecturale, une réflexion que nous menons depuis des années. Nous voulons nous situer au cœur de la créativité de ceux qui pensent, projettent et construisent la ville. Nous proposons l’existence de parapet, détail et complètes, en tant que mots qui ne font pas de la poésie mais qui s’approchent d’elle. Le détail naît d’un acte poétique dans les sables de la Ciudad Abierta, à l’endroit du théâtre. On l’élabore également dans l’approche de la travesía vers la capitale poétique de l’Amérique qui a commencé à Ovalle, là où on l’a construit comme une forme primaire.

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Travesía San Francisco Province de Cordoba, Argentine En 2003, on célébrait les 400 ans de l’ordre des Franciscains en Amérique. De nombreuses villes et de nombreux villages du continent portent le nom du Saint. Nous avons choisi San Francisco à Cordoba, Argentine, pour commémorer le poète et Saint Patron de notre école. Ce à quoi on ne peut renoncer et qui fixe la vertu de l’œuvre réside dans le texte. Un ensemble de cinq fragments du texte poétique de Saint-François d’Assise, « Cantique des Créatures », qui se comprend comme un chant d’exaltation et de recueillement devant la création. Dans cette œuvre, nous avons voulu construire la possibilité de reconnaître le patron en tant que saint et poète. C’est pourquoi nous l’avons nommée « Oratoire pour le Pèlerin », car elle forme un petit espace de pause, où l’on peut rester devant les extraits du poème. Imprimé sur des petites plaques de cristal travaillées comme des jalousies, ils constituent la couronne d’une colonne. Ce corpus de lumière est élevé par une enveloppe de profils qui permettent de lire le texte en levant les yeux vers le ciel. Chaque colonne se distingue par sa rotation, de telle sorte que les textes se lisent entre des fragments de ciel, dans un sens ou dans l’autre sur le parcours total. L’œuvre intervient avec un bleu intense jusqu’à un horizon moyen, qui, comme un voile, se démarque par son autonomie par rapport à la verdure dominante du parc botanique, lieu où elle se situe. Aujourd’hui, c’est un site de rencontre et de déclamation pour les poètes et les artistes

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L oa d o seas , Seño r mí o , p or tod a s l as cri at uras , esp ecia lm ent e po r mi s eño r Hermano e l S o l; p ues p or el haces el dí a y no s al umbras .

Lo ado s e as , m i S e ñ o r, po r la H e rm a n a

Y él es bel l o y radi ant e co n g ran es pl en do r;

n u e s t ra Madre Tie rra,

y a ti, Altí s i mo , l l ev a l a s i g ni fi caci ó n.

la c u al n o s s u s t e n t a y g o bie rn a, y pro du c e f ru t o s div e rs o s ,

L oa d o seas , Seño r mí o , po r el Hermano V ie n t o

c o n c o lo ridas f lo re s y h ie rba.

y p or el Ai re y el Nubl ado y el Ser eno y t o do el t i empo

Lo ado s e as , m i S e ñ o r, po r aqu e llo s

según el cual das a l as cri at uras s u s ust e n t o .

qu e po r t u am o r pe rdo n an y s o s t ie n e n e n f e rm e dad y t ribu lac ió n .

L oa d o seas , Seño r mí o , po r l a Hermana Ag u a,

B ie n av e n t u rado s lo s qu e s o s t ie n e n e n p a z;

la cua l es muy út i l

po rqu e , po r Ti, ¡ O h Alt ís im o !

y humild e y preci o s a y cas t a.

h an de s e r c o ro n ado s .

Cántico a las Criaturas (Fragmento) San Francisco de Asís

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Coronaciones de las columnas de la obra "Oratorio para el Peregrino".

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Travesía du désert d’Atacama 2006 Un arrêt soumis à l’intempérie L’œuvre se positionne comme un intérieur qui permet de se reposer et d’y passer la nuit pour celui qui va sur le chemin traversant la cordillère de Domeyko, depuis Baquedano jusqu’à l’oasis de Peine, village de l’Atacama qui fut l’un des principaux tambos du Chemin de l’Inca, là où s’arrêtaient les caravanes sur la route de la Vallée de Copiapo. Traverser la vaste étendue désertique, jusqu’à ce que l’arrêt permette de voir ces espaces dans la crudité de leur intempérie, tant durant la journée que pendant la nuit. Deux extrêmes du temps atmosphérique qui forment les limites de l’habitat humain.

Nous arrivons à la conclusion que l’habitat dans le désert se situe entre deux extrêmes : être à l’extérieur âpre, baignés à tout moment par une lumière crue qui nous fane ; et être sous la voûte céleste, enveloppés par l’air froid de la nuit. L’amplitude du climat constitue les limites de l’habitat sur cette étendue.

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La trajectoire solaire comme génératrice de l’enveloppe L’œuvre de la travesía est un cube de 320 cm d’arête, qui contient à l’intérieur un grand rocher. La forme et la perméabilité du cube répondent à la trajectoire solaire de cette latitude. Celui-ci, comme un prisme, intègre cette loi et la décompose en façons d’être, permettant d’habiter les deux extrêmes du temps atmosphérique de cette amplitude américaine. Par le biais de son enveloppe, le cube tempère la lumière du jour, permettant de rester à l’ombre dans les parapets extérieurs. Dans le même temps, il rend possible l’entrée des rayons du soleil jusqu’au rocher, lequel les absorbe et les stocke pour les libérer par inertie thermique durant la nuit, sous forme d’une chaleur dont profiteront ceux qui dormiront à l’intérieur du cube

Chantier de construction de la structure maîtresse du cube, avec des côtés en acier soudé.

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Transport du cube vers l’intérieur du désert, à la recherche du rocher qui se logera dans son sein.


« Doucement, la plupart du temps, la travesía met en doute presque toutes nos convictions. Elle conduit avant tout l’architecture elle-même à une abstraction plus grande que le chiffre. L’architecture, en se mêlant à la parole poétique, s’ouvre à des rythmes impensés. Que sont les murs, par exemple ? Que sont les toits ? Existe-t-il déjà une façon d’être hébergés sans eux ? Mais que signifient de telles questions ? L’œuvre humaine n’est plus vue comme symbiose ni comme rupture avec la nature. L’histoire même pourrait ne plus être une remémoration mais plutôt la narration de sa propre naissance en temps qu’histoire, et les actes fondamentaux, toujours des multiples d’une autre architecture impensée. » 1. Varios Autores, Amereida II, 1986. p 45.

Chantiers d’installation de l’enveloppe translucide et opaque, selon la trajectoire solaire.

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Vue de l’œuvre dans le désert, à mi-chemin entre Baquedano et Peine.


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Travesía Puñihuil Côte Pacifique du nord de l’île de Chiloé, Chili L’œuvre est un « tracé » de bois qui se courbe et descend le long d’un rocher. Sous ce tracé se trouve un siège qui permet au corps de s’appuyer pour regarder l’horizon et écouter le vent qui génère un murmure sur les profils carrés d’aluminium, sur lesquels on peut lire les fragments d’un poème choisi pour illuminer l’œuvre. Cette œuvre propose une dimension de « site » qui permet une petite promenade avant de s’asseoir face à l’horizon. Le geste est similaire à celui d’un chien qui tourne sur lui-même en reconnaissant le lieu dans sa totalité avant de se coucher au sol. Le vent est un élément primordial dans cette œuvre, tant pour la construire que pour l’inclure comme une dimension sonore dans l’œuvre. Il s’agit de ne pas l’omettre ni le nier mais de le rendre encore plus évident. Il s’agit d’un tracé qui tourne sur lui-même, qui s’attrape et s’abaisse, qui se fait sol pour pouvoir exister au milieu de la force du vent inclément. Celle-ci et toute œuvre de travesía n’est pas une idée que l’on veut mener à bien. Ce n’est pas un projet que l’on veut prouver. Ce n’est pas, en synthèse, un test de laboratoire que l’on veut vérifier. Une travesía demande une forme pour faire apparaître avec évidence ce que le lieu laisse émaner. Une œuvre de travesía est alors un moment révélateur du lieu apparent. Une œuvre de travesía est toujours un aspect du métier, elle est un jeu indépendant de la réalité contingente, mais, surtout, une œuvre de travesía est une volonté productrice d’une forme qui dépend du cadeau que le lieu nous fait. Savoir lire ce cadeau est la trouvaille que toute travesía construit comme une possibilité du métier, seulement si l’on sait écouter ce que le lieu réclame pour lui-même.

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Vues de l’œuvre et cube avec un poème.

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Travesía Porto Seguro Du Pacifique à l’Atlantique, pour recevoir l’étendue américaine

Du Pacifique à l’Atlantique, pour recevoir l’étendue américaine.

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Nous avons organisé les bus, la moitié avec des matelas pour dormir à tour de rôle.


La travesía est un mouvement à travers le continent, où l’on ressent l’étendue. La contemplation est une ouverture pour recevoir ce qui parvient à l’œil et, de manière active, on l’enregistre avec le croquis.

L’étendue possède au moins deux façons d’être retenue, dans un croquis qui recherche la fidélité aux corps, et une deuxième façon qui se veut fidèle au sens de grandeur, de dimension, en ne maintenant que l’horizon 250


Le campement est le moyen d’établir l’œuvre, toute activité est tournée vers sa construction. Ainsi, le temps s’organise en journées de travail qui consistent à imprimer à la matière ce qui a été Le travail du taller est la construction d’une harmonie entre l’apport individuel, qui est toujours une solitude positive, et le travail de groupe

Le campement est la forme de vie commune qui permet d’œuvrer, avec la dimension du renoncement qui permet d’obtenir le plus qui donne l’occasion d’œuvrer.

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contemplé de l’étendue.

La travesía réunit dans un temps originel de l’acte poétique la possibilité de vie, travail et étude que demande une œuvre qui s’érige comme un présent à la terre et à ses habitants.


Cette œuvre veut être une pause entre l’espace mesuré de la ville et l’étendue naturelle de la rive. S’arrêter en Amérique est un acte primordial, la possibilité de la contemplation, d’entendre ses urgences.

Un seuil entre la plage et la ville, pas seulement l’utilité de l’ombre, mais une offre au regard et au passage possible qu’ouvre l’art

Depuis la hauteur, la rencontre entre la mer et la terre démontre sa qualité de don.

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Le corps érigé qui se donne aux habitants.


Notre présent Il nous faut présenter ici et maintenant à Lausanne dans ces planches qui ressemblent à des cerf-volants sur le point de s’envoler........ Il nous faut provoquer et attirer l’ouvert «ce presque apparent qui résulte de notre condition poétique » Pour cela et seulement pour cela nous osons annoncer l’invitation de Hölderlin «ven a lo abierto amigo» oui_si «viens à l’ouvert ami» L’ouvert - acte en tant que tel acte similaire à celui d’ouvrir soudainement la fenêtre dans une chambre que l’on trouve fermée: entrent alors la lumière, l’air, les arômes Et le temps et l’espace se re-créent au sein de leur présent alors il faut s’attarder sur les mots Ville Ouverte et Travesías........ Ville qui doit être ouverte et chercher l’incessant retour vers son non-savoir Travesías qui doivent tracer et continuer à tracer l’épique d’Amereida

Amereida «l’Eneide d’Amérique» cette première Travesía qui observe notre Amérique d’un regard dégagé par lequel l’oeil de l’office et de la poésie s’allient dans un seul regard capable d’entrevoir l’oeuvre et de la mener à terme d’accueillir l’innocence de l’extension et de recevoir la découverte. Alors il faut sortir parcourir les Travesías: partir de Valparaíso de la Ville Ouverte et des sables qui s’échappent de la main - partir chaque année «tels des oiseaux migrateurs» qui entament leurs desseins «loin» pour revenir savoir partir savoir arriver et devoir en cela être présent Ainsi la ville attend dans son savoir-attendre pour qu’en l’ouverture l’hospitalité repose et demeure


L’hospitalité qui pour nous consiste à entendre l’autre et à lui dire qui nous sommes -de sorte que le nous soit un seulest devenue au fil du temps la pièce maîtresse de l’ouverture Ainsi la ville doit laisser place à tout le monde et à tous les offices. Au consentement à la non domination des uns sur les autres. A la beauté qui émerge à la lumière de tout le travail de l’atelier. «Atelier de l’ouvert» nous l’avons appelé; et ici, sur les rives de ce grand lac «Taller Lausanne Valparaiso» nous l’avons appelé Partageant - ceux qui habitent près du lac et ceux qui habitent près de l’océan Pacifique les «plaisirs» d’une oeuvre faite avec bonheur et vécue avec envie

Nous avons voulu confondre vie, travail et étude en tentant de faire jaillir notre condition du fond même de l’être et de sa gratitude humaine primitive Nous avons façonné ce jaillissement pour qu’il prenne place dans un affleurement constant et qu’il y demeure – Ainsi son mystérieux voyage Pour tout cela nous empoignons la poétique, celle-là même qui s’exerce au travers des travesías et nous soulevons la Ville qui se doit d’être ouverte afin qu’en cet être obstiné se blotisse son sens intime Dès lors il apparait clair qu’à la manière d’un exploit il ne reste d’autre option que celle de donner vie, travail et étude – que celle de remettre, d’emboiter le pas, puis le suivant – un à un – comme battent des ailes…….. Il nous faut nous abandonner avec la confiance d’un oiseau en plein vol et reconnaître en la certitude suprême du vol l’aventure de notre liberté sans option


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