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Déplacement Instable

DÉPLACEMENT INSTABLE MOUVEMENT | VIBRATION | ILLUSION D’OPTIQUE

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DÉPLACEMENT

NSTABLE

Yaacov AGAM · Pol BURY · Horacio GARCIA ROSSI · Walter LEBLANC Julio LE PARC · François MORELLET Francisco SOBRINO Jesús-Rafael SOTO · Joël STEIN · Victor VASARELY · YVARAL

10 OCTOBRE - 21 NOVEMBRE 2019

MOUVEMENT, VIBRATION, ILLUSION D’OPTIQUE

« Ces œuvres existent moins comme objets à examiner que comme des générateurs de réponses perceptuelles dans l’œil et l’esprit du spectateur ». C’est par ces mots que William C. Seitz, conservateur du Museum of Modern Art (MOMA) de New York, présenta l’exposition The Responsive Eye dont il était le commissaire.

Nous étions alors en 1965, soit dix ans après l’exposition Le mouvement à la galerie Denise René, considérée aujourd’hui encore comme l’acte de naissance du cinétisme, et accompagnée du Manifeste jaune, son texte fondateur. Victor Vasarely, entouré de 7 autres artistes dont Yaacov Agam, Pol Bury, Alexander Calder, Jean Tinguely et Jesús-Rafael Soto y présentaient leurs conceptions personnelles du mouvement.

En rupture avec la peinture de chevalet jugée trop intellectuelle, l’art cinétique regroupe, dès ses débuts sur la scène européenne durant les années 50, des démarches individuelles et collectives. Celles-ci visant à faire aboutir une idée datant du début du siècle chez certains artistes abstraits, notamment ceux liés à l’abstraction géométrique : dégager une méthode capable de créer un langage plastique à portée universelle.

Par leur rigueur méthodique à contre-courant de l’art d’Après-Guerre où domine l’abstraction lyrique et l’expressionnisme abstrait, les artistes cinétiques conçoivent l’œuvre comme une réalisation plastique issue d’une conception précise et rationalisée, une proposition visuelle par rapport à laquelle le spectateur est invité à réagir avec ses facultés naturelles de perception. La littérature, la culture artistique et tous prérequis intellectuels ne sont d’aucune utilité face aux œuvres cinétiques : chacun peut, grâce à un alphabet plastique compréhensible de tous, s’approprier l’œuvre personnellement. Yvaral le résumait ainsi en ces termes : « En bref, il s’agit pour nous de libérer " l’œil de l’esprit ", en éliminant tout critère extra-plastique ».

Cette prédominance de la question visuelle s’appuie alors essentiellement sur une démarche expérimentale en rapport avec les lois physiques et les découvertes scientifiques et techniques de l’époque. « Sommes-nous des chercheurs ? Sommes-nous encore des artistes ? » s’interrogent ainsi les membres du G.R.A.V (Groupe de Recherche d’Art Visuel), fondé en 1961 par Horacio Garcia Rossi, Julio Le Parc, François Morellet, Francisco Sobrino, Joël Stein et Jean-Pierre Vasarely dit Yvaral. A la frontière de ces deux mondes, ils créent un alphabet visuel, une véritable esthétique constituée de formes géométriques simples et de couleurs pures. Associées entre elles dans une parfaite maîtrise des matériaux choisis, elles offrent un nombre presque infini de combinaisons.

La conception de l’œuvre cinétique ne doit donc rien au hasard ; elle est le fruit d’une méthode rigoureuse et scientifique. L’œuvre ainsi créée, parfaitement v oulue et exacte, offre pourtant un champ de possibilités immesurables : en se mouvant dans l’espace, chaque spectateur pourra la percevoir et se l’a pproprier différemment.

« J’aspire avec un minimum de choix et une grande économie de moyens, à concevoir et réaliser des expériences aux multiples possibilités », résume ainsi Horacio Garcia Rossi. Ouverte et en mouvement, l’œuvre revalorise la place du spectateur, alors libéré des schémas de compréhensions prédéfinis. Elle le sort d’une attitude considérée comme passive et contemplative, pour l’engager à une participation active. La figure de l’artiste est désacralisée, c’est le spectateur, par ses facultés normales de perception, qui donne son sens aux expériences proposées.

Le mouvement est obtenu de différentes manières. Sans jamais le réaliser véritablement, les œuvres bidimensionnelles, comme celles de Vasarely, utilisent des combinaisons de formes géométriques simples, aux contours nets et des couleurs en aplats formant une illusion d’optique. D’autres œuvres en plan sollicitent le mouvement du spectateur lui-même à la manière des prismes de Yacoov Agam. D’autres intègrent le mouvement : ce sont les boîtes lumineuses d’Horacio Garcia Rossi, les œuvres « pénétrables » de Jesús-Rafael Soto ou les systèmes de néons de François Morellet. Enfin, certaines expériences collectives ont abouti à une sollicitation directe du spectateur à qui l’on propose de manipuler les œuvres, à la manière de la manifestation Une journée dans la rue, organisée en 1966 par le G.R.A.V. dans les rues de Paris.

Par le biais de cette recherche plastique et de sa dimension ludique et poétique, l’art cinétique poursuit une stratégie de démocratisation de l’art, en lien avec les préoccupations de l’époque : ainsi sollicité jusque dans son quotidien, l’homme accroit ses facultés de perception visuelle et poursuit dans son environnement la recherche de ces phénomènes. Ces artistes ne visent rien de moins que la fin de l’art personnel pour une élite raffinée et l’avènement d’un art capable de s’intégrer dans la vie de tous les jours afin de répondre aux aspirations sensorielles de l’homme.

« Nous voulons intéresser le spectateur, le sortir des inhibitions, le décontracter. Nous voulons le faire participer. Nous voulons le placer dans une situation qu’il déclenche et qu’il transforme. Nous voulons qu’il s’oriente vers une interaction avec d’autres spectateurs. Nous voulons développer chez le spectateur une forte capacité de perception et d’action.» Le G.R.A.V. résume ainsi son rapport au spectateur, à l’homme, dans Assez de mystifications, texte accompagnant sa participation à la 3 e Biennale de Paris en 1963.

Les impressions sensorielles et poétiques, les illusions d’optiques déroutantes et les interactions entre les spectateurs produites par ces œuvres où l’œil est moteur rencontrent un succès fulgurant. L’art cinétique se diffuse alors dans la culture populaire, ce qui est suffisamment rare pour être signalé. On le retrouve dans le cinéma, la musique, la mode, sur les couvertures de livres ou les pochettes d’album, et bien d’autres domaines. Le cinétisme portait en lui un rêve de diffusion globale, soutenu par la multiplication, et ses attentes ont été comblées puisque la société, à l’échelle internationale, s’est totalement appropriée cette esthétique.

Ce faisant, le cinétisme a pu un temps être assimilée à une sorte de folklore pop et psychédélique. En consacrant de grandes rétrospectives à ces artistes (En 2013, Le Parc au Palais de Tokyo, Soto au Centre Pompidou et Dynamo au Grand Palais, dernièrement l’hommage à Vasarely au Centre Pompidou), les institutions muséales ont porté un regard nouveau sur l’art cinétique en mettant en lumière toute l’étendue de sa richesse esthétique, expérimentale, et sociale.

Assez de mystifications, la 2 e Biennale de Paris est ouverte ; le Groupe de Recherche d’Art Visuel, Paris, 1961. Tract distribué à la 2 è Biennale de Paris, 1961, G.R.A.V.

ŒUVRES WORKS

YAACOV AGAM

First 4 days of creation 1961 Huile sur toile Oil on canvas 38,5 x 46 cm - 15 1/8 x 18 1/8 in

Sensibilité III 1961 Bois, ressort et métal polychromé Wood, spring and polychrome metal 25,3 x 28 x 9 cm - 10 x 11 x 3 1/2 in

JESÚS-RAFAEL SOTO

" Pour moi, l’œuvre n’existe pas indépendamment du spectateur et de son mouvement. "

VICTOR VASARELY

" Le créateur est le catalyseur intuitif de toutes les informations de son temps. "

Ara 1977 Acrylique sur toile Acrylic on canvas 150 x 150 cm - 57 1/2 x 57 1/2 in

Les artistes du Groupe de Recherche d'Art Visuel. De gauche à droite : Julio Le Parc, Joël Stein, Horacio Garcia Rossi, Francisco Sobrino, François Morellet et Jean-Pierre Yvaral .

GRAV GROUPE DE RECHERCHE D’ART VISUEL 1960 - 1968

Horacio GARCIA ROSSI · Julio LE PARC · François MORELLET Francisco SOBRINO · Joël STEIN · Jean-Pierre YVARAL

Nous voulons intéresser le spectateur, le sortir des inhibitions, le décontracter. Nous voulons le faire participer. Nous voulons le placer dans une situation qu'il déclenche et qu'il transforme. Nous voulons qu'il s'oriente vers une interaction avec d'autres spectateurs. Nous voulons développer chez le spectateur une forte capacité de perception et d'action.

HORACIO GARCIA ROSSI

JULIO LE PARC

Alchimie 241 1996 Acrylique sur toile Acrylic on canvas 60 x 60 cm - 23 5/8 x 23 5/8 in

FRANCOIS MORELLET

I prefer Π

S’il y a une dimension plastique des mathématiques, c’est la géométrie. Tracez une droite verticale, une droite horizontale, mettez une flèche au bout de chaque droite, rajoutez plus et moins l’infini de droite et de gauche… et c’est là que les ennuis commencent pour tous ceux, qui comme moi, sont paresseux, qui aimeraient bien se promener dans l’infini, ce huit penché, serpent qui se mord la queue et symbolise l’univers dans la plupart des mythologies, mais reculent devant cet Himalaya de calculs et d’équations et ne retiennent des mathématiques que la poétique. Heureusement pour nous, il y a François Morellet qui lui a le courage de la règle et du rapporteur.

Quand on montre une œuvre de François Morellet, elle occupe l’espace tout entier, immédiatement : accrochez une œuvre de François Morellet chez vous et l’infini vous appartient. Comme pour répondre à ceux qui prétendaient que ses néons sont durs et froids, il donne aujourd’hui des « lunatic neons » et « weeping neons ». Le néon, pleureur et changeant, inscrit la lumière dans l’œuvre de François Morellet qui pénètre ainsi dans la quatrième dimension. Il joue et se joue systématiquement de la géométrie, et refuse l’image romantique de l’artiste pour se plier aux lois de la physique.

I prefer Π est la déclinaison systématique du cercle dans tous ses états, en anglais à cause des allitérations et du merveilleux palindrome. Mettre Π en néon, néant, décomposer le cercle n’est-ce pas le nier, nier la perfection de cette forme parfaite pour mieux la sublimer ? Confier une exploration systématique à un nombre irrationnel dont les décimales s’étendent à l’infini, même s’il est remarquable, c’est obéir à ses lois jusqu’aux hasards de la trigonométrie, rationaliser jusqu’à l’irrationnel. Il ne faut pas l’oublier, iconoclaste et démystificateur, François Morellet écrit bien pour dire des choses intelligentes. Entre Roland Barthes et Jacques Lacan il se joue des mots aussi bien que de la géométrie donnant aux paresseux, et aux autres, une vision immédiate de l’infini mathématique.

Lunatique Neonly 4 quarts n°9 Unique, 2002 Acrylique sur toile sur bois, 4 quarts de néon blanc répartis au hasard de Π transformateur, fils électriques Acrylic on canvas on wood 4 quarters of white neon randomly distributed from Π transformer, electric wires 170 x 140 cm - 66 7/8 x 55 1/8 in

FRANCISCO SOBRINO

Déplacement instable 1961 - 1969 Plexiglas Plexiglass 55 x 218 cm - 21 5/8 x 85 7/8 in

BOÎTES A LUMIÈRE

JULIO LE PARC

Continuel-Lumière-Cylindre 1962-97 Bois, source lumineuse, métal, moteurs Wood, metal, engines EA 2/5 48 x 31 x 14 cm - 18 7/8 x 12 1/4 x 5 1/2 in

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