SOMMAIRE Edito par Alain Marsaud p. 05 et 06 Avant propos par Philippe Leroux
p. 08
Françoise Laury p. 11 Séries : Street Picture / Résidents / L'île Suivi d' À propos de Françoise Laury Philippe Leroux p. 39 Séries : Réminiscence Part 2 / RDP Suivi d' À propos de Philippe Leroux Alain Marsaud p. 75 Séries : Enfouissement / Réjections 2 / Réjections Suivi d' À propos d'Alain Marsaud Anne Karthaus p. 99 Séries : Tous les chemins / Un temps photographié Pérégrinité dans la ville nouvelle Suivi d' À propos d'Anne Karthaus Légendes / crédits p. 126 et 127
A ÉDITORIAL
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out l’intérêt d’une publication en ligne sous la forme d’un webzine pourrait se justifier par la fonctionnalité et la souplesse du support de communication, un effet de mode, le prix, la puissance de diffusion à travers le maillage démultiplié des « millions d’amis », mais il est un autre intérêt, beaucoup moins problématisé et qui consiste à être là où sont les images. Sans chercher le moins du monde à minimiser l’importance des publications papier, il faut tout de même se rendre à l’évidence que la présence de la photographie dans les réseaux sociaux, qu’elle soit vernaculaire ou prétendument artistique, représente l’écrasante majorité de la pratique photographique et mieux encore, c’est aux photographes amateurs que revient cette première place.
Ainsi, tout cohabite sur le web, la photographie artistique, les mises en scènes individuelles, les photos de vacances, la documentation professionnelle, les images de nous et de nos espaces intimes… L’insignifiant anecdotique côtoie le document d’Histoire, le trivial donne le change au noble et au respectueux dans une cohabitation de toutes les images.
Je suis intimement persuadé que la publication d’un magazine en ligne reste largement tributaire de ce voisinage et de ces interactions des images entre elles au point de ne jamais pouvoir prétendre être totalement extérieure au support de diffusion lui-même. Si on pousse la réflexion un peu plus loin on peut même ajouter que de nouvelles esthétiques sont en train de naître de ces modes de diffusion par le jeu démultiplié de la cohabitation. Certes, un cloisonnement existe, des hiérarchies et des critères de distinction construisent des points de vues, organisent les repaires pour que le regardeur puisse s’y retrouver, mais le régime de circulation fait qu’on passe malgré tout d’une image à l’autre et que la contamination s’opère dans ce jeu infini. La surabondance iconique sur le web et la généralisation d’une forme de nivellement peut s’apparenter à une sorte de « all over » des images auquel il convient d’échapper. On sait aussi que le flux, loin de faire disparaître ce qu’on y dépose, peut à l’occasion amplifier jusqu’à l’extrême un objet qui, en d’autres circonstances, serait resté insignifiant.
Les photos d’Abu Ghraib sont certes choquantes en elles-mêmes, mais sans doute moins par leur barbarie constituée que par la valeur d’exposition dans les réseaux. La proximité instaurée avec nous, l’indifférence de leur cohabitation avec d’autres images configurent de façon troublante la cartographie dérangeante d’un nouvel espace saisi entre banalisation et retournement.
Aussi toute publication sur le net est-elle, dans des proportions variables, tendue entre ces deux pôles : le premier aspire le tout dans l’indifférenciation et le second l’exhibe jusqu’à la déformation. Entre les deux pourtant prend place ce qui peut faire écart, ce qui, dans les plis constitués, peut creuser le point de vue, le déplacer sur une orbite à partir de laquelle une nouvelle visibilité se fait jour. Dans cet esprit, nous invitons, pour le partager, des photographes et collectifs à venir dans cet espace d’échange, de confrontation et de construction. Notre présence sur le net prend acte de la photographie d’aujourd’hui et quand bien même l’expression n’est qu’un « passe-partout galvaudé », nous voulons croire à l’idée que nous sommes placés à un endroit privilégié qui nous permet une perception de formes émergentes susceptibles de repositionner notre appréhension du médium mais aussi de la réalité dans laquelle nous vivons. Comme cet espace ne saurait en aucun cas se réduire à une simple forme réceptacle d’informations, l’esprit qui prévaut trouve un substrat favorable pour se développer dans ce qui sera un projet de création, de liberté et bien sûr d’expression.
Dans cet esprit, notre dessein est évidemment de repérer la pertinence d’esthétiques singulières, souvent peu visibles, de les mettre en relation et de conforter les individualités en vue d’un partage et non d’une quelconque mise en concurrence. Sur ce territoire sans frontières matérielles, toutes les productions de qualité, exigeantes dans leurs questionnements ou positionnements, en tension pour repenser le medium dans son impureté depuis la capture jusqu’à la diffusion, tout comme le décloisonnement des pratiques, peuvent avoir droit de cité. Alain MARSAUD
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Arimes 0 # Avant propos.
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ous avons porté à quatre ce désir d'un espace d'écriture, de réflexion, avec toute l'énergie et la fougue qui caractérisent la jeunesse. Aujourd'hui, avec la sortie en ligne de notre magazine c'est un peu comme un rêve qui devient réalité grâce au web, et c'est précisément là qu'est toute la magie, dans la multitude des possibles et des actions qui s'ouvrent à nous avec l'accès à internet. Ce qui relevait hier de l'impossible challenge, du parcours du combattant destructeur, est désormais devenu réalisable en quelques heures. Réunir une équipe, mettre en forme un projet éditorial commun, est certes un travail qui fait appel à des compétences et des ressources matérielles , auxquelles se posent les questions de diffusion et de communication. Mais avec quelle souplesse et quelle facilité internet nous offre les outils pour répondre à ces besoins, à tous les besoins, les vôtres et les nôtres. Tous les désirs et les projets. Quelle formidable liberté d'accès ? Indéniablement! Quelle crainte également de se fondre! De se perdre dans cette multitude numérique! Comme nous le rappelle Alain Marsaud dans son avant propos, les enjeux se situent bien sur la toile, qu'ils soient sociétaux, économiques et culturels. Car finalement qu'est-ce que le web sinon qu'une image, le calque de ce que nous sommes, la somme de nos actions, de nos parcours de vie. Les réseaux sociaux sont jeunes et les pratiques qui les accompagnent également. Les outils évoluent rapidement, demain la lecture sur support numérique sera un acte banal.
Le Collectif Àquatre se lance dans l'aventure, sans trop savoir, comme beaucoup, mais avec générosité et une bonne dose de naïveté. Pas de regard blasé dans notre démarche et surtout pas de discours cloisonné dans nos colonnes. Nous montrerons et partagerons simplement ce que nous aimons, sans concession et avec gourmandise. Alors certainement ce N°0 porte en lui les "stigmates juvéniles" d'une motivation qui est le propre des aventures quand elles débutent, les traces d'un tâtonnement réfléchi et d'une volonté indiscutable ! Nous pensons que la moindre des politesses est de nous présenter, c'est chose faite avec cette première parution. Aujourd'hui tous les 4, demain tous les... C'est une naissance, un fil dont nous ferons une pelote, une grosse pelote, nous en rêvons. Philippe LEROUX
Franรงoise LAURY
STREET PICTURE Pratiquer la ville, partir à sa découverte, c’est forcément emprunter la rue. Je décide de me soustraire à la ville «visible», celle que l’on visite et opte pour sa périphérie. Sans destination aucune, je passe d’une rue à l’autre en observant l’architecture qui la compose, sensible au surgissement d’un objet d’une forme ou d’une couleur. Tout au long de ce parcours visuel, je perçois la rue comme une suite de tableaux différents, j’observe ces assemblages et ces jonctions que l’esthétique involontaire de la rue produit, avec toujours le même point de vue, celui du passant. Françoise Laury Londres 2011
RÉSIDENTS “Le désir de l’homme de se rapprocher de la nature n’a produit aucune ville, elle a décomposé les villes en tissu suburbain et elle a du même coup détruit l’architecture.” Augustin Berque Dans cette série, commencée en 2009, j’esquisse le comportement de jeunes gens dans leur environnement quotidien au plus près de la nature.
L’ÎLE 7 octobre 1492 «On vit passer un grand nombre d’oiseaux qui se rendaient quelque part au sud-ouest. (...) L’Amiral décida d’abandonner la route de l’ouest et de mettre le cap à l’ouest sud-ouest». extrait du Journal de bord de Christophe Colomb. L’île est toujours le théâtre d’histoires. Une multitude d’histoires que se superposent et s’inscrivent dans le paysage. Rien de figé en somme, ici les habitants ont quitté les lieux, en tout abandonnant, d’autres viendront sans doute ; les bords de l’île sont poreux. Pour certains, c’est une utopie ; ce petit bout de terre en porte les stigmates, pour d’autres un lieu de passage illusoire. Cette île je l’ai vue, mais reste à voir. Saint Domingue mars 2012
A propos de Françoise LAURY Françoise Laury est née en 1961. Elle étudie la photographie à Paris et installe en 1991 un studio de prise de vue à Manosque avec son mari. Elle répond à des commandes en photographie publicitaire et industrielle. À partir de 2000, elle emménage à Aixen-Provence, opte pour la chambre photographique et travaille pour des architectes, avec un réel intérêt pour l'objet architectural et le paysage urbain. Elle oriente son travail autour des questions du territoire, du paysage industriel et urbain, du jardin au travers de séries photographiques. Ces photographies ont été exposées successivement au Musée d'art contemporain de Châteauneuf-le-Rouge, au Musée de la photographie de Nijni Novgorod en Russie et plus récemment à la Fondation Vasarely à Aix-en-Provence. Actuellement elle continue ses recherches autour du paysage avec sa dernière série "Une île".
Pourquoi et comment êtes-vous devenue photographe ? Aussi loin que remontent mes souvenirs, la photographie a toujours été présente. Peu de meubles dans l’appartement familial, mais des images : l’album et les peintures de mon père... Je n’ai pas de certitude sur le pourquoi. Je sais juste que j’aimais la poésie et la photographie. Comment je suis devenue photographe ? De manière intuitive, je me suis dirigée vers ce que j’aimais. Il y a eu le temps de la formation, des rencontres, du métier et du déplacement... Avez-vous le sentiment de pratiquer un certain type de photographie ? Avant oui, mais plus maintenant. Comment vous positionnez-vous, vous et votre travail dans une photographie actuelle ? Je ne me suis jamais posée la question, aussi j’ai juste envie de répondre par la citation de Roland Barthes «le contemporain est l’inactuel», opter pour un écart volontaire afin de mieux percevoir et saisir son temps. Que vous inspire le concept "d'instant décisif" ? C’est une idée qui a eu le mérite d’engendrer d’autres idées contradictoires. Quels sont les photographes et les images qui ont influencé votre travail ? Stephen Shore, Susan Hiller et puis plus proche, Rémy Marlot.
Quel sens peut-on donner à l’acte photographique dans un contexte de mondialisation et d’explosion des pratiques ? Mondialisation, explosion des pratiques, accès libre à la diffusion, tout contribue à la profusion des images... Si l’acte photographique implique la maîtrise, le numérique et son «tout automatique» induit la non-maîtrise. Le photographe se trouve dans une situation de l’après-coup, ne pouvant influer que partiellement sur des processus largement indépendants de lui. Comment pérenniser et trouver de nouveaux débouchés pour une photographie d’application qui disparait, quelle mutation se profile ? Si le marché de la photographie d’application n’a plus de débouchés, le savoir-faire disparaît, cela va de soi. Le déplacement s’impose... pour les photographes concernés, la suite de leur parcours est à inventer. Que vous inspire ce noème de la photographie: « Ca-a-été » ? Roland Barthes s’est interrogé sur la nature de la photographie,» percevoir ce qu’elle signifie n’est pas impossible si l’on fait appel à la réflexion». De nouvelles questions se posent à l’ère du numérique… Je me demande face à ces millions de photos, retouchées ou pas, dans ce flux incessant du web et de sa rapidité comment ne pas se retrouver «à côté de la plaque» quant à la pertinence de nos interrogations et de notre réflexion. Tout va si vite ! Qu’attendez-vous du collectif Àquatre ? Qu’il me permette de voir en bonne compagnie !
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Philippe LEROUX
RÉMINISCENCE Photographier c’est donner vie à l’instant dans un mouvement perpétuel. C’est inviter la mémoire, la sienne et celle des autres, à jouer avec le temps. Je photographie les miens, ma famille, pour être dans ce déplacement perpétuel, ne pas figer l’instant et échapper à un immobilisme calendaire. Dans cette exécution répétée, l’acte photographique s’est transformé, le processus a évolué pour aller vers un travail spécifique, intimement lié à la photographie de famille. Réminiscence est née d’un double constat: Premièrement, naturellement, la photographie de famille porte en elle ses propres procédures, une forme de plastique involontaire. Elle crée quotidiennement des échanges (anniversaires, naissances, vacances, rencontres, départs, etc.), dans des géographies partagées. Elle crée de l’intérieur des multitudes d’histoires, de tragédies, de chorégraphies. Elle est le théâtre dans lequel s’exprime une infinie quantité de drames et de sentiments. Ici les dialogues ne sont pas joués, ils ne sont pas le résultat d’un travail, d’une mise en scène, d’une procédure, les installations ne sont pas le fruit d’une démarche, elles occupent l’espace sans intention artistique volontaire.
Deuxièmement, les savoir-faire, les démarches expérimentales, les formes expressives et les écritures photographiques, échouent dans leur tentative de recréer «une proximité» propre à la photo de famille, elles s’en approchent, mais sans se défaire d’une distance et d’un recul qui porte la trace, l’empreinte d’un acte photographique fruit d’un choix esthétique et d’une procédure argumentée. Réminiscence pose la question de la photographie de famille comme moyen d’expression universel. La photographie de famille s’émancipe des «lois» et des «genres», elle les dépasse, les transcende, elle se défait des signes temporels, des procédés et techniques, pour mieux acquérir sa propre autonomie. Réminiscence n’est pas un projet esthétique dans une œuvre, c’est une histoire qui se poursuit depuis longtemps, qui s’enrichit, qui commence.
RÉMINISCENCE Part 2 À travers ces paysages, Philippe Leroux incarne de manière poétique le sens premier du mot diptyque… «2 éléments joints par une charnière pouvant se rabattre l’un sur l’autre sans endommager la face intérieure de chacun.» Ces images en vis-à-vis donnent cette même sensation d’une communion délicate de 2 temps saisis sous des climats différents que le photographe, placé au centre, choisit de faire se rejoindre. Chaque temps semble confier à l’autre son vécu. J’imagine les souvenirs de l’un se refermer sur ceux de l’autre en secret. Je vois aussi en chacun le gardien de l’histoire de l’autre. Si un jour les souvenirs de l’un s’oublient à sa mémoire, l’autre sera là pour lui rappeler son temps passé. Ces diptyques questionnent aussi ce basculement singulier lorsqu’une personne cesse d’exister dans la mémoire d’autres êtres, que le dernier témoin disparaît. Commence alors un temps sans chair, sans pensées, sans sens. Un temps qui se mure en disparition définitive… sauf si quelque part ont été déposés en traces photographiques des fragments du passage. Philippe Leroux nous fait vivre tous ces temps : du temps vécu de l’instant jusqu’au temps amputé de la survivance.
Son travail me fait penser à l’entomologiste de La femme des sables qui, pour trouver des insectes doit se placer dans les conditions d’un temps long, patient, un temps de l’infime avant de trouver éventuellement trace… Et puis, le sable s’emmêle, inexorablement, il enfouit tout, on ne peut y échapper mais tous les jours sans répit, l’entomologiste sort de son trou et recommence… Les espaces de Philippe Leroux possèdent cette force de patience, d’endurance et de répétition. Son univers est d’une beauté ténue. La délicatesse et la profondeur de son regard restituent le tremblé de la vie. Même dans la douleur, ses mondes demeurent doux. Chaque image est un souffle, rien n’est asséné. Tout est suggéré, effleuré mais ancré dans une profondeur sensible de pensées, d’émotions et d’intuitions. Mina Cairn
RDP Nous sommes des promeneurs. Nos déplacements sont ponctués d’une infinité de petits riens. Ils composent notre paysage quotidien, ils alimentent nos conversations, nous accompagnent malgré nous, discrets et banals. Nous ne les remarquons pas, nous passons sans les voir, rien de particulier aujourd’hui, et pourtant… Nous empruntons des parcours aveugles, les regards tournés vers l’intérieur, plein des milles préoccupations qui nourrissent nos vies. J’ai décidé d’adopter une marche patiente, guidée par le fil de mon imagination, portée par un plaisir gourmand. L’observation permanente banalise, la vision d’ensemble exclue. Je fais le choix de m’arrêter sur ce qui laisse indifférent, sur ce qui constitue la trame d’un paysage, d’un territoire. Je pratique une photographie primitive, ancrée dans la terre. Herbes folles et buissons, pierres et cailloux, objets et individus composent un inventaire prosaïque, parfois fragmentaire. Le mutisme des choses contribue à un équilibre salvateur dans notre contemplation du monde. Pas question de faire parler la roche et la souche, leur silence obstiné répond à nos déambulations loquaces.
Je tente une approche photographique dans le respect de ce silence obstiné. J’ai le sentiment d’un retour aux sources, d’un retour aux choses essentielles, plaisir des textures à même le sol, des matières et des formes qui surgissent, des gestes et des attitudes ancestrales. Abandon des sens retrouvés. Simplicité mais pas simplisme. Dépouillement. Ecriture déshabillée des mots qui l’encombrent, écriture tactile et odorante. Photographier c’est marcher, c’est passer progressivement du statut de randonneur assoupi à celui de rêveur éveillé, c’est se défaire des objectifs à atteindre et des lourdes procédures. Dans mas pas ? Rien de particulier. La démarche n’est pas gratuite, elle n’est pas accessoire. Point de contraintes dans le choix des outils. Je collecte, simplement, au gré du temps et des p’tits bonheurs. Vision émerveillée de l’enfance ? C’est là. Rien de particulier et tout.
A propos de Philippe LEROUX Né en 1964, Philippe Leroux a été formé à la photographie en studio et au tirage d’exposition à Marseille où il exerce depuis le métier de photographe. Ses travaux l’ont amené à collaborer avec la presse nationale, notamment Courrier International, la Croix et le Nouvel Observateur. Il réalise également de nombreuses commandes institutionnelles en région PACA. En 2007, suite à un voyage en chine, il réalise une série Baptisée « Made in Fuping « qui est présentée à la Galerie Collection des Ateliers d’art de France l’été 2008 et à La Galerie Empreintes à Aydat en octobre de la même année. En 2009 il compte parmi la sélection officielle des Boutographies à Montpellier avec «Made in Fuping». En 2010 son travail est présenté à la Galerie de la «Fontaine Obscure» à Aix en Provence et à la Galerie FOCALE à Nyon en Suisse dans le cadre du Festival de film Documentaire «Visions du Réel». Il fait partie de la sélections officielle des 20èmes «Itinéraires des photographes voyageurs» en avril 2011 à Bordeaux avec «Réminiscence». Il participe également, aux projections du Jury des 11èmes Boutographies de Montpellier en mai 2011 avec son travail sur la photographie de famille. Il remporte à cette occasion Le Coup de cœur du magazine AZART PHOTO qui récompense le travail d’un photographe participant à la projection du Jury. En novembre 2011 son travail «Réminiscence» est présenté pour les «Regards croisés» du festival PHOT’AIX, au musée des Tapisseries à Aix-en-Provence.
Comment et pourquoi êtes-vous devenu photographe ? Par la force des choses, il est certaines fois des rencontres décisives. À l’adolescence, je me suis retrouvé en foyer, j’étais en situation d’échec scolaire, nous suivions des cours dans une petite classe derrière laquelle l’enseignant avait aménagé un petit laboratoire noir et blanc, après la classe, il nous initiait au développement et au tirage. Je ne sais pas pourquoi on devient photographe, plus que plombier ou que dentiste, un peu par vocation et par nécessité ? Faire de la photographie signifie autre chose. Avez-vous le sentiment de pratiquer un certain type de photographie ? Non. Ma pratique s’inscrit dans la réflexion, elle évolue et se transforme dans la confrontation des idées, dans le questionnement constant. Comment vous positionnez-vous, vous et votre travail, dans une photographie actuelle ? Actuel veut dire « qui existe au moment présent «, une photographie actuelle n’a pas de sens. Toute pratique « actuelle « devient datée dans l’instant qui suit. Je ne suis pas à l’aise avec ce concept, ma position se situe ailleurs, dans le plaisir et loin des dogmes, dans la multitude des temporalités. Que vous inspire le concept « d’instant décisif « ? Un sentiment de claustrophobie, de panique. Quels sont les photographes et les images qui ont influencé votre travail ? Il y a surtout des livres, des histoires ; Marie d’Egypte de Jacques Lacarrière, Pierre Jourde, Sylvie Germain, Anna Karénine de Léon Tolstoï. Pour la photographie, je citerai : Donigan CUMMING, John BALDESSARI, Annette MESSAGER, et tant d’autres choses encore…
Quel sens peut-on donner à l’acte photographique dans un contexte de mondialisation et d’explosion des pratiques ? Il semble évident que la prolifération des pratiques gadgétise les images, malgré tout il est «prématuré» pour en mesurer les répercussions quant à une éventuelle banalisation de l’acte photographique. J’ai tendance à penser que dans ce contexte d’explosion des flux, des sources et des outils, la révolution numérique joue en la faveur de la photographie, dans sa présentation, dans une exigence renforcée et une création débridée. Comment pérenniser et trouver de nouveaux débouchés pour une photographie d’application qui disparaît, quelle mutation se profile ? On retrouve là encore la question de la multiplicité des sources avec l’avènement du numérique et du web qui ont complètement bouleversé les pratiques professionnelles. Le métier de photographe ne peut plus s’exercer et se concevoir comme à la fin du 20ème siècle. Tout le monde fait de la photo et la partage en ligne. Ce qui était de la seule compétence du professionnel hier est aujourd’hui accessible à tous, formations et stages, diversité et coût des outils, diffusion par internet, etc. Les enjeux se sont déplacés des marchés connus, presse, édition et publicité, vers le champ des actions culturelles ; multiplication des rencontres et festivals, des prix et des bourses, des workshops, etc. La mutation ne se fait pas sans douleur, mais elle a l’avantage de repositionner le débat loin des abus et dérives corporatistes, plus près des nouveaux enjeux sociaux-économiques et sociaux-culturels. Que vous inspire ce noème de la photographie: « ça-a-été » ? Une impasse explorée. Qu’attendez-vous du collectif Àquatre ? Tout.
Alain MARSAUD
WEBZINE (a.m.) Comme beaucoup je me suis passionné dès l’adolescence pour la photographie. Si ces années d’apprentissage et de découvertes comptent en termes de maîtrise technique, de connaissances de tous ordres, c’est plus, pour ce qui me concerne, à la persévérance d’un seul projet, celui d’archiver méthodiquement la totalité de ma production que je me sens redevable. Pour autant, la quasi-obsession de ne rien perdre, d’enregistrer de façon boulimique à hauteur de mes capacités financières, n’ouvrait au départ sur aucun projet artistique, sur aucune démarche articulée autour d’une quelconque réflexion. En revanche, pour un grand nombre d’entre elles, il s’agissait bel et bien de photos vernaculaires, conçues à des fins illustratives, documentaires, familiales, ou simples adjuvants de la mémoire. Avant de pouvoir envisager quoi que ce soit, il fallut en passer par le long séjour des limbes à l’intérieur de mes archives pour qu’au détour des années 90, le projet esthétique vienne à se constituer.
L’ENFOUISSEMENT Plusieurs images m’ont alerté en cours de route sur le chemin que j’avais ouvert. La première a été prise à Satna en Inde, en 1976. On y voit un homme gravir ce qui ressemble à des marches mal ajustées. Manifestement l’homme est pauvre, sa démarche incertaine et le décor en piteux état. Il s’agit d’une photo de l’instant, celui de la saisie fragile d’une figure incertaine qui semble disparaître, se fondre pour s’évanouir dans la matière même qui le révèle. Cette idée de l’effacement, de la disparition, de l’anéantissement imminent ou déjà là, continue de nourrir, aujourd’hui encore, certaines de mes images. Mais, pour moi, tout l’enjeu de cette photo tient dans l’équilibre qui s’établit entre la nécessité d’appuyer sur l’obturateur pour saisir au bon moment une forme en passe de disparaître, (la figer), et en même temps essayer de retenir la dimension de disparition, que les constituants matériels du décor mettent en place.
Aujourd’hui encore, beaucoup de mes photos souscrivent à ce jeu, à cette forme de modération, et j’ai décliné en de nombreuses postures photographiques les moyens pour tenir l’objet remarquable dans une perception tempérée, parfois décalée, souvent métaphorisée où le feuilleté spatio-temporel de l’image, prise entre passé, présent et avenir, est souvent plus important que son seul ici maintenant. Sans nul doute, rétrospectivement je constate aussi que ce thème de l’enfouissement a beaucoup à voir avec l’archivage méthodique auquel je me suis livré.
L’ARCHIVE ET SES INSTANCES INDÉCISES Une bonne partie des photos produites entre les années 70 et 90 sont des photos vernaculaires qui ne permettent pas aujourd’hui de revendiquer une démarche, une appropriation esthétique au sens d’adéquation entre projet de capture et projet d’expression. Les velléités artistiques qui les motivent se limitent à la notion de retrait et d’effacement pour certaines, mais ne suffisent pas à l’édification complète de mes attentes. Alors, que faire des images que l’on continue inlassablement d’accumuler et qui ne semblent pas revendiquer une véritable volonté d’art ? Je me suis rendu compte que ces images, bien que pétrifiées dans l’instant de leur prise de vue, une fois engagées dans le système archival, continuaient de se déplacer et qu’à chaque nouvelle entrée dans l’organe de mise en culture ainsi opéré, des variations, des ouvertures, des glissements, des rencontres, des renvois, des préfigurations, des échos plus ou moins éloignés changeaient l’ordre initial et les certitudes. Du même coup, l’archive devient ce lieu ouvert du transit des images. Dans la lente décantation interne, la patiente rumination des motifs, le temps trouve de nouvelles virtualités et en lieu et place d’une coupe brutale de celui-ci, c’est un mille-feuilles de temporalités que nous avons en cristallisation d’autant que, des temps diachroniques et extérieurs, appartenant à un imaginaire collectif, commencent leur insidieuse pénétration digestive. À condition bien entendu d’appréhender l’archive comme antichambre, zone de latence des images pour attendre la bonne rencontre, le réveil de l’assoupi et le souffle en devenir.
Poïétique à coup sûr, la démarche vaut dans les deux sens : les images internes à l’archive en sortent pour dialoguer entre elles mais aussi pour nourrir la vision de nouvelles images à appréhender dans le champ de la réalité. À l’instant décisif cartier-bressonnien toujours nécessaire, vont, dans la logique d’une gestation des images, succéder ce que j’appelle les instances indécises, car j’ignore dans l’immédiateté de la photo ce qu’elle va devenir, quelles formes elle pourrait prendre, quel sens elle va rencontrer, et quelles opportunités elle va développer. Laisser du temps au temps de l’image, car l’instant décisif est autant un angle vif qu’un angle mort. Je suis toujours surpris, la photo réalisée, de découvrir des choses que je n’avais ni vues, ni convoquées ni même pensées et l’archive est ce formidable creuset où une vraie alchimie des images peut s’opérer. Comme chacun sait, les photos vernaculaires ont la plupart du temps peu ou pas de pérennité et pour tout ce qui les apparente à la photographie amateur, peu de visibilité. Mon projet artistique peut se penser en aval de la capture des images dans un long et incontrôlable processus de décantation-restitution-métamorphose-agrégation… ou, en amont, quand l’archive convoque la partie manquante et construit à sa manière l’élément absent et nécessaire de l’ensemble qu’elle infléchit.
LES REJECTIONS PHOTOGRAPHIQUES REJECTIONS II
Pour filer la métaphore cynégétique, il convient de se rappeler tout ce qu’évoque la notion d’instant décisif : capture, proie, prédation, attente embusquée, instantanéité, déclenchement… autant de renvois qui font du photographe un pur chasseur. Mieux, c’est sa proie qu’il exhibe en trophée triomphant, en pure victoire sur l’impermanence du réel. L’étape d’enregistrement passée, commence alors ma réflexion sur les images. Je montre rarement les photographies natives réalisées à la source, même si l’acte photographique revêt une relative importance. Dans mon cas, la capture reste secondaire au regard de ce que devient l’image des années après sa saisie, une fois que le bruit du monde éteint en elle lui donne la possibilité de s’entretenir avec d’autres à travers des liens, des passages. Les rejections photographiques sont à la photo ce que les pelotes de rejections sont aux oiseaux de proie : des agrégats de formes où ne reste du réel que sa part insoluble.
Les photographies avant transformation en matériaux de base appartenaient au régime des images difficilement visibles. Elles pouvaient se revendiquer des icônes documentaires, familiales, amateurs, compulsionnelles… en somme, à l’écrasante majorité des photographies faites sur la surface du globe et que presque personne ne voit tant elles restent enfermées dans le cercle restreint du privé ou de l’intime. Les installations, performances ou mises en scène auxquelles je me livre dans la série Rejections II constituent une réflexion sur le devenir de ces images, la possibilité ultime de surseoir à leur complète disparition dans un processus de poétisation, rumination du monde de mes images dans un projet artistique. Les paysages réceptacles où elles habitent sont autant d’ouvertures à un ensemble plus vaste et plus englobant. Aussi, ce processus de décantation ne cherche rien d’autre qu’à récupérer le potentiel d’iconicité qui est propre aux photographies dès lors que celles-ci délaissent leur fonction de document mémoriel.
LES REJECTIONS PHOTOGRAPHIQUES REJECTIONS I
L’autre série, Rejections I, pose exactement les mêmes questions, mais il s’agit davantage de collages au sens d’adjonctions, juxtapositions d’éléments et surtout où je ne me mets pas en scène physiquement. Les espaces sont des espaces purement plastiques qui n’ont rien à voir d’une quelconque façon avec ceux du réel dans lequel nous agissons. La paraffine y joue un grand rôle, ambigu à souhait comme le système des archives puisqu’elle relance la tentation d’une monstration toute en dissimulant et retenant. En cette occasion encore, je veux instruire le procès d’une photo qui échoue à se transmettre en tant qu’entité constituée et qui ne délivre que des bribes de son intégrité, comme si elle pouvait avoir perdu une part de sa corporéité.
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A propos de Alain MARSAUD Je suis né en 1950 en Vendée. J’ai découvert la photographie à l’université (Lettres). Pendant un temps, le photojournalisme a pu me tenter et dans cette perspective j’ai commencé à faire de longs voyages un peu partout dans le monde. Mais le cours des choses en a décidé autrement. J’ai fait des études d’arts plastiques et suis devenu enseignant. Dans ce contexte, j’ai commencé à reconsidérer ma pratique. J’en suis tout naturellement venu à penser la relation de la dimension documentaire du médium en association à des recherches plus plastiques, nourries par des questionnements singuliers. Sur la photographie Je suis toujours très intéressé par la photographie documentaire, mais je n’en fais pas une fin en soi. Elle s’inscrit dans le processus de création en constituant l’étape préalable, le matériau initial. Mes prises de vue font l’objet d’un archivage minutieux dans un système de rangement qui m’est propre. L’archive devient potentiellement le lieu à partir duquel tout peut devenir. Longtemps après la prise de vue, les photos se déplacent encore sous forme de rencontres, de rejections après un temps de décantation, de fictions ou d’anamnèses. C’est à partir de mon catalogue d’images que se fait la réflexion sur le monde extérieur. Du même coup, je m’interroge sur le statut de toutes ces images vernaculaires qui ne sont pratiquement jamais vues, jamais diffusées et je cherche à leur formuler un devenir, à pourvoir à leur endroit une autre visibilité qui leur correspond mieux. À une certaine période, j’ai pratiqué la sculpture et ma production photographique continue largement de dialoguer avec cet art. J’ai exposé en Guadeloupe des photographies et des sculptures. Ensuite en Allemagne (Fribourg) puis des photographies seules dans divers lieux du sud de la France (Aix-en-Provence, Arles) ainsi que dans divers pays d’Europe au sens large (Russie, Autriche, Allemagne).
Comment et pourquoi êtes-vous devenu photographe ? Depuis le lycée et aussi parce que mon père avait un appareil et ensuite par mes études d’art. J’ai beaucoup voyagé dans le monde et la photographie m’a toujours accompagné. J’essaie de penser avec les formes de la photographie. Avez-vous le sentiment de pratiquer un certain type de photographie ? Je suis du côté d’une photographie très plasticienne, mais non dépourvue de philosophie. Je m’intéresse à ce que l’on peut faire avec des images vernaculaires dans un projet de création artistique. Comment vous positionnez-vous, vous et votre travail dans une photographie actuelle ? Mon travail et la réflexion théorique qui l’accompagne forment une poïétique ou ma pratique du médium photo se veut une réflexion sur la possibilité de visibilité et d’exposition d’images qui, de toute évidence, n’avaient pas cette vocation ou qui n’ont pas su rencontrer la bonne occasion. La question est : que deviennent ces images si elles ne sont pas montrées selon les modalités usuelles du monde contemporain dans le temps court de leur production ? Quelle réflexion cela amène-t-il dans le champ de la photographie ? Que vous inspire le concept «d’instant décisif» ? Je le prends pour quelque chose de très important, mais qui reste au demeurant très instinctif et surtout qui ne peut être en aucun cas un diktat et surtout je m’en amuse en le déclinant en « Instances indécises » dans ma pratique personnelle.
Quels sont les photographes et les images qui ont influencé votre travail ? Sans contestation, je citerais Tom Drahos, Pascal Kern, et Patrick Tosani, Sandy Skoglund, Joachim Mogarra... Pour les images, sans hésitation, la peinture du 17ème siècle et la sculpture du 20ème. Quel sens peut-on donner à l’acte photographique dans un contexte de mondialisation et d’explosion des pratiques ? L’acte photographique concerne cet intervalle d’espace et de temps mis en tension au moment d’appuyer sur l’obturateur. Sa dimension prédatrice, souvent ritualisée dans un geste plus ou moins symbolique, peut, dans certains cas, éclipser l’image qu’il était censé produire. Néanmoins, le contexte de diffusion mondialisée amplifie comme une chambre d’échos les postures individuelles en une démultiplication infinie où l’horizon des pratiques paraît malgré tout assez nivelé. Sur le fond, cela ne change rien à l’acte lui-même, mais seulement dans le panorama général d’une « spécularisation » plus ou moins aventureuse, on notera l’absence de connaissances sur l’histoire récente de la photographie pour la grande majorité des acteurs. Un acte photographique sans connaissances n’est pas sans risque. Comment pérenniser et trouver de nouvelles débouchées pour une photographie d’application qui disparaît, quelle mutation se profile ? La posture de photographe, si elle est maintenue dans le seul respect de la pureté du médium est intenable. Le photographe est un écrivain, un peintre, un plasticien, un raconteur d’histoire, un cinéaste… La photographie d’application, je ne la connais pas, mais je suppose qu’elle aussi se redéfinit en permanence. Que vous inspire ce noème de la photographie: « Ça-a-été » ? Cela m’inspire une pensée datée, celle d’une époque où l’analyse des formes était fortement déterminée par la linguistique et le structuralisme en général. Roland Barthes manque à parler de la photographie à travers ce noème. Pour moi une photo ne se ramasse pas sur un temps révolu, mais sur des temporalités multiples : avant l’acte, pendant et après. L’image photographique est toujours une forme en devenir. Qu’attendez-vous du collectif Àquatre ? J’attends du collectif la possibilité d’un travail en commun sur des projets en relation avec des publics différents en vue d’un partage de la photographie plus ouvert, plus réactif en termes d’adaptation, plus en échange.
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Anne KARTHAUS
TOUS LES CHEMINS... «Tous les chemins… » est le projet photographique qui a, sans le vouloir, dévié ma route, m’a écartée de ma trajectoire initiale; pour m’investir totalement dans ma démarche artistique, et venir m’installer en France.. Il débute dans le nord, en Belgique et se dirige vers le sud, vers l’Espagne. Il a comme prétexte Saint-Jacques de Compostelle… «J’ai photographié la marche. J’ai photographié en marchant. J’ai marché, j’ai regardé, j’ai photographié. Parfois, je n’ai regardé pas, j’ai photographié, j’ai marché, j’ai continué à avancer. Tout s’est répété. Les images, les photos, ont bougé, avancé, se sont déroulées, déployées. J’ai trié, assemblé, choisi des fragments d’une improbable ligne du temps. J’ai fait des inventaires aussi... Tout s’est répété. J’ai marché, j’ai photographié, j’ai avancé … Je suis allée jusqu’à Compostelle. »
UN TEMPS PHOTOGRAPHIÉ «Tous les chemins... » a dévié ma route et incité des arborescences : La première arborescence devient « Un temps photographié », un questionnement sur le temps, la durée, l’attente, la patience autant que l’impatience, l’absence, la solitude, le vide… l’instant, le moment ... c’est l’histoire d’une obsession... d’une obsession sur le temps, la durée. C’est l’histoire d’une réflexion photographique sur le temps. Cela concerne une répétition, cela concerne le « non-temps », cela concerne le « hors-temps » . Le temps est devenu une obsession. Le temps est devenu mon obsession, mon obsession photographique. Le temps est devenu mon obsession photographique, pendant un temps, pendant un temps donné, pendant un temps photographié » J’ai choisi d’alors photographier tous les jours ou presque cette improbable ligne du temps … «Quatre mois, à la montagne, c’est l’hiver, l’hiver 2003, quatre mois, tous les jours, pendant quatre mois, il fait froid, tous les jours je fais des photos, c’est important, le temps c’est important, je fais des photos, des photos du temps, quatre mois, à la montagne, une photo, des photos, il fait froid, il y a la photo, c’est important, je fais des photos, je photographie le temps, quatre mois à la montagne, c’est rythmé, le temps est rythmé, et puis le temps passe, et puis je photographie, je photographie le temps, je photographie depuis ma fenêtre, tous les jours, une photo, tous les jours des photos,
tous les jours, combien de temps, il fait froid, il neige, pendant quatre mois, je photographie, c’est important, le temps c’est important, c’est rythmé, le temps est rythmé, c’est le soir, c’est le matin, le temps passe, tous les jours une photo, c’est important, tous les jours je fais des photos, je photographie depuis ma fenêtre, il neige, il fait froid, tous les jours, tous les jours une photo, le temps est rythmé, je photographie, je photographie la montagne, il neige, pendant quatre mois, à la montagne, tous les jours, combien de temps, combien de temps reste-t’il, je photographie, je photographie le temps, c’est l’hiver, il fait froid, tous les jours, tous les jours une photo, je photographie depuis ma fenêtre, il fait froid, tous les jours je fais des photos, tous les jours, c’est important, tous les jours, le temps passe, je photographie le temps, combien de temps reste-t’il, le temps passe, et puis c’est fini, la montagne c’est fini, le temps est passé, l’hivers est fini, quatre mois à la montagne, c’est fini, c’est passé, le temps est passé, c’était important.
Trois mois, trois mois à la mer, c’est l’été, l’été 2003, il fait chaud, tous les jours pendant trois mois, combien de temps, je photographie, tous les jours des photos, le temps passe, c’est le rythme, tous les jours une photo, pendant combien de temps, je photographie la mer, je fais des photos, c’est important, tous les jours, le temps c’est important, c’est rythmé, le temps est rythmé, il fait chaud, c’est l’été, pendant combien de temps, pendant trois mois, il fait chaud, tous les jours je photographie, je photographie le temps, tous les jours une photo, combien de temps, tous les jours, pendant trois mois, tous les jours une photo, il fait chaud, je photographie la mer, combien de temps, pendant trois mois, c’est le soir, c’est le matin, c’est rythmé, tous les jours des photos, à la mer, pendant trois mois, il fait chaud, pendant combien de temps, combien de temps restet’il, tous les jours, c’est important, tous les jours des photos, je photographie la mer, combien de temps, trois mois à la mer, le temps est important, tous les jours, tous les jours je fais des photos, c’est le rythme, la mer, je photographie la mer, tous les jours, il fait chaud, et puis c’est fini, l’été c’est fini, le temps passe, le temps est passé, trois mois à la mer, c’est fini, le temps est passé. C’est l’automne, je photographie la mer, tous les jours, je fais des photos, le temps est important, tous les jours, c’est rythmé, le temps est rythmé, tous les jours une photo, c’est l’automne, c’est l’hiver, tous les jours, je photographie le temps. C’est l’automne, c’est l’hiver, le temps avance, le temps passe. Le temps est passé…» Anne Karthaus, 2003
PÉRÉGRINITÉ DANS LA VILLE NOUVELLE Entrée dans le dédale du chemin, lors de la deuxième arborescence, mes cheminements photographiques vont se perdent dans la ville, et mon errance se poursuit à Toulon, où j’ai vécu pendant 7 ans, avec « Pérégrinité dans la ville nouvelle ». Les images ont été réalisées alors que j’appréhendais la ville, alors que je me perdais dans ces rues inconnues. Je découvrais Toulon, ses ambiances, ses couleurs, sa lumière… j’ai pris des notes photographiques de mes découvertes urbaines… pour dire cette ville où la vie me permettait de m’installer. Pour dire cette ville, qui comme moi, semblait prendre un nouveau souffle, un nouvel élan… Pour tenter d’exprimer cette cité, qui par ses aménagements urbains, ses travaux, semblait prendre un nouvel essor ! Il ne s’agit ni d’un reportage proprement dit, ni d’un quelconque inventaire… mon seul parti pris a été celui de la spontanéité quand, tout d’un coup, une harmonie prenait forme à mes yeux… quand un passant composait avec l’architecture… quand une lumière habillait un immeuble… … à ce projet photographique, se sont ajoutés des fragments temporels, des fragments vidéographiques basés sur le temps du découvrir, du percevoir, du discerner… un temps d’approche pour se familiariser avec cette nouvelle ville et si possible m’y amarrer… avec… hasards, fortunes, incidences, intervalles, espaces, entrebâillements, répits, pauses, circonstances, chances, bonheurs…
«Je marche dans la ville, je marche dans la ville nouvelle. J’avance, je regarde, je m’étonne, je découvre, je photographie. Je photographie la ville. Je photographie la ville encore inconnue. Nous faisons connaissance, nous nous découvrons. Je marche, j’évolue, je découvre, j’avance, j’admire, je m’arrête, je cadre, je photographie. Je marche encore, je découvre à nouveau, je m’étonne par ci, je photographie par là. J’avance dans la ville. Je me dirige vers la droite, je pars à gauche. Je me perds, je regarde, je reviens sur mes pas. Nous faisons connaissance, nous nous découvrons. Je trouve tout beau, parfois je photographie, parfois je ne photographie pas. Je croise des individus, des regards sont parfois échangés, je croise des inconnus, des inconnus qui sont quelquefois capturés, photographiés. Ils sont là, dans la ville nouvelle, ils font partie de la ville nouvelle. Je marche, j’avance, je découvre, parfois je photographie. Je regarde, je m’étonne, nous faisons connaissance. Je m’étonne de toujours m’étonner.
La ville est belle, je la photographie. Je marche, j’avance dans la ville nouvelle. Je ne me lasse jamais de ce que je découvre, je ne me lasse jamais de la nouvelle ville. La nouvelle ville devient moins nouvelle, la nouvelle ville est toujours belle. Parfois je ne me perds pas, parfois je ne reviens pas sur mes pas. Je continue à photographier, je cadre encore, j’ai encore envie de m’étonner, je m’étonne encore. La nouvelle ville est toujours belle. Les inconnus sont toujours des inconnus. Les inconnus sont souvent capturés, photographiés. J’avance encore, je marche dans les rues moins nouvelles, je m’étonne encore d’encore m’étonner. Je pars vers la droite, je me dirige à gauche, j’aime avancer, j’aime me perdre dans la nouvelle ville. J’avance encore, je découvre encore, j’admire encore. Je marche encore, j’évolue encore, je photographie encore. Je regarde, je cadre, je photographie, je m’arrête, j’admire. Je photographie la ville nouvelle.» Anne karthaus, 2008
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A propos de Anne KARTHAUS Artiste photographe belge, mes chemins photographiques m’ont écartée de ma trajectoire initiale pour m’investir totalement dans ma démarche artistique et venir m’installer en France. En résumé, mon concept photographique est comparable à mon concept de vie, proche de mon cheminement personnel, ils sont intimement liés. Ils sont accrochés l’un à l’autre comme une arborescence peut l’être à un fichier. Ma démarche photographique se situe dans le champ de la narration, elle s’articule en plusieurs morceaux pour se composer dans la succession.... avec une obsession pour la déambulation photographique, l’errance... Le passage... labyrinthe... transition.... suspension... temps... moment... absence... solitude... nostalgie... «Tous les chemins…» est le projet photographique qui a, sans le vouloir, dévié ma route. Il débute dans le nord et se dirige vers le sud et a comme prétexte St-Jacques de Compostelle… il a été exposé entre autre en 2008 à la Galerie la «Tête d’Obsidienne» de La Seyne/mer / en 2006 à la 1ère rencontre sur l’Image Contemporaine de Draguignan / en 2005 au Parcours d’Art Contemporain d’Avignon et à l’ E.S.P.A.C.E. Peiresc de Toulon / en 2002 au Centre Wallon d’Art Contemporain la Châtaigneraie de Liège en Belgique... en octobre 2012 il sera au Centre d’Art Sébastien de St Cyr/mer. Les arborescences accrochées à ce projet; «Un temps photographié» / «Péregrinité dans la ville nouvelle» / «une Vi(ll)e... ailleurs» et le travail en cours «Bruits de fond»... ont été exposés entre autre en 2009 au Musée de la photographie de Toulon / en 2008 à la Galerie Ste Réparate de Nice / en 2007 au Musée des tapisseries lors du Festival Regards Croisés d’ Aix en Provence / en 2004 à La Villa Aurélienne de Fréjus.
Comment et pourquoi êtes-vous devenue photographe ? Je n’ai pas envie de répondre à cette question, elle est trop liée à mon histoire familiale Avez-vous le sentiment de pratiquer un certain type de photographie ? Oui, ma photographie est proche de la narration... elle s’articule en plusieurs morceaux pour se composer dans la succession et se montrer le plus souvent sous forme d’installation. Comment vous positionnez-vous, vous et votre travail dans une photographie actuelle ? Ma manière de photographier n’est pas à proprement parler actuelle même si je la situe dans une photographie contemporaine... parce qu’elle part du sens, elle s’articule autour d’un concept, elle est idée avant d’être créée et son installation, sa monstration y participe tout autant. Que vous inspire le concept «d’instant décisif» ? Rien, ou des banalités, je le crains. Je suis loin de cet instant décrit par Henri Cartier-Bresson... c’est antinomique ce que je vais dire, mais il me semble que l’instant décisif varie dans le temps... ce qui semble ne pas être «décisif» maintenant dans cet instant, le sera peut-être plus tard... à moins qu’il ne l’ait été précédemment ? ou alors?... à moins qu’il ne le soit jamais! Quels sont les photographes et les images qui ont influencé votre travail ? August Sander, Bernd et Hilla Becher, Sophie Calle, Martin Parr...
Quel sens peut-on donner à l’acte photographique dans un contexte de mondialisation et d’explosion des pratiques ? L’arrivée de l’ «I-photographie» apporte un engouement pour la photographie et la consommation d’images via les réseaux sociaux entre autres. L’image est omniprésente dans notre société... c’est là que la vigilance s’impose... donner du sens... avoir une réflexion artistique... être vigilant quant au discours... l’acte photographique pour ma part, c’est questionner... la société, soi-même, les deux ? Aux photographes de faire les choix qui leur conviennent le mieux... Que vous inspire ce noème de la photographie: « Ca-a-été »? Ça est toujours... ça le restera toujours... l’objet d’une pensée... photographique... Oui, la photographie est d’abord une pensée... qui se figera par la suite dans une image... cadrée ou non... Qu’attendez-vous du collectif Àquatre ? En premier lieu; découvrir... ensuite; partager...créer... interroger...chercher...réfléchir...rester curieuse...agir...
Françoise LAURY série / Street Picture - 6 photographies sans titre série / Résidents - 3 diptyques sans titre. série / L’île - 5 photographies sans titre.
p. 13 à 17 p. 20 à 25 p. 27 à 33
Philippe LEROUX série / Réminiscence Part 2 - 5 diptyques sans titre.
p. 43 à 55
Pièces de 70cm/70cm contrecollées du Dibond en caisse Américaine
série / RDP - 12 photographies sans titre.
p. 57 à 69
Alain MARSAUD série / Enfouissement - titre : Satna, Inde 1976. série / Enfouissement - titre : Olympie, 2002. série / Enfouissement - titre : Villelaure, Provence 1996.
p. 79 p. 80 p. 81
série / Réjections 2 - titre : Tour du Monde. série / Réjections 2 - titre : La pêche miraculeuse. série / Réjections 2 - titre : Voyage en Grèce.
p. 85 p. 86 p. 87
série / Réjections 1 - séquence de 5 photographies sans titre 1. série / Réjections 1 - Sans titre 2 et 3.
p. 90 et 91 p. 92 et 93
Anne KARTHAUS série / Tous les chemins - «les arbres» (1999-2008).
p. 101
82cm/102 cm - pièce unique
«autoportait» (1999- 2008). p. 102 et 103 14cm/134cm - pièce unique
série / Un temps photographié - «la caravane» (2003).
p. 106 et 107
frise de 9cm/450cm - pièce unique
«les pommes de pin» (2003). p. 108 série / Pérégrinité dans la ville nouvelle - «la famille au Mont Faron» 2004-2008. p. 111 «la gare» 2004-2008. p. 112 « le téléphérique rouge» 2004-2008. p. 113 «le banc» 2004-2008. p. 114 «l’Arsenal» 2004-2008. p. 116 «bd de la République» 2004-2008. p. 117 «les barrières blanches» 2004-2008. p. 118 « le Clémenceau» 2004-2008. p. 120
Direction artistique : Philippe LEROUX Réalisation et conception : Vincent ALBERTINI
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Collectif