Les équilibristes. Bon sens-fiction pour une sobriété heureuse.

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Les équilibristes

Bon sens-fiction pour une sobriété heureuse Arnaud de Palange. ENSAPLV 2014. Projet de fin d’études. Milieux habités.



Les équilibristes

Bon sens-fiction pour une sobriété heureuse Arnaud de Palange. ENSAPLV 2014. Projet de fin d’études. Milieux habités.


note d’intuition Il s’agit là d’un projet futuriste qui voudrait réactiver l’ancestral. Une fiction cherchant l’équilibre, la juste mesure, le juste à-corps, entre science et bon sens. Ce qui suit n’est pas de la science-fiction. C’est une bon sens-fiction.



mémoire

« Les dessins d’architecture et les photographies sont peut-être sans importance, néanmoins le projet lui-même représentait la volonté de ne plus dessiner l’architecture mais de l’extraire des choses elles-mêmes et de la mémoire. »

Aldo rossi, Autotbiographie scientifique, 1988. Editions Parenthèses.

Giuseppe Penone. Tree of Versailles. 2002.



Nous sommes en 2050 après Jesus-Christ et toute la France (et la planète entière) est occupée. Occupée par de grands enjeux environnementaux, sociaux et mentaux*. Toute ? non !

* Se référer à Felix Guatari, Les trois écologies, éditons Galilée, 1989.



Un petit village fondĂŠ ex-nihilo,



entourĂŠ par quatre autres petits villages qui, autrefois, furent aussi fondĂŠs ex-nihilo,



voudrait rĂŠsister encore et toujours.



résistance

« La résistance c’est l’espoir »

Luigi Snozzi



cohérence territoriale Qu’espérer pour nos territoires ? Comment pourrons-nous résister à l’étalement urbain ? Le SCOT imaginé par Bernard Reichen pour l’agglomération de Montpellier instaure des limites franches entres les espaces urbains et les espaces naturels. Des périmètres définissent différentes insularités, dans lesquelles une densité maximale sera recherchée.


les perspectives opérationnelles à moyen et long terme permettent d’ancrer l’armature du projet dans le territoire.

www.montpellier-agglo.com

SCOT Samedi 11 février 2006

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confort Mais où se trouve le juste équilibre entre densité et confort ? Jusqu’à quel point peut-on construire la ville sur la ville ? Les statistiques prévoient que nous serons 9 milliards de terriens d’ici 2050. La population mondiale a triplé en un siècle. Lorsque des densités critiques auront été atteintes, comment allons-nous nous établir sur nos territoires ?

Harvey Wiley Corbett, City of the future.1913.



Proximité Comment pourrons-nous maintenir une proximité avec la campagne ? Pourrait-on imaginer reconquérir les espaces naturels ?

« La crise de l’habitat d’aujourd’hui vient en grande partie du fait qu’on a dissocié le toit de la nourriture »

Yona Friedman



ménager S’établir sur des espaces naturels, les anciens l’ont bien fait après tout. En prenant soin. En ménageant plutôt qu’en aménageant dirait Martin Heidegger.

Le Mont Saint-Michel



formes vernaculaires Autrefois, les quatre autres villages avaient cette forme.



compacité Ils abritaient chacun environ 1 millier d’habitants. Leur forme était compacte et dense. Des ruelles étroites favorisaient un microclimat ombragé et protégé du Mistral. De la pierre, du bois. Une proximité avec la campagne, l’agriculture, les terres nourricières. Mais ça c’était avant. Avant les années 60 à 75.

André Derain. Cadaques. 1910.



diffusion Aujourd’hui ces villages ont cette forme là. Une forme diffuse, le résultat de l’étalement pavillonnaire. Le pavillon, la maison dont on peut faire le tour. Cette ville molle est également basée sur l’usage de l’automobile. Dans ces zones, une question se pose....



(où) suis-je ?

Série photographique de Julien Chapsal. 2007-2010.



expansion

Gilles Clément. Dessins pour la biennale d’art de Melle, 2009. L’évolution des sociétés envisagée comme une expansion progressive des habitats au détriment de l’espace libre.



enceinte Autrefois, il existait entre la ville et la campagne une limite franche. Une enceinte contenait la ville, principalement pour des raisons dĂŠfensives.

Ambrogio Lorenzetti, L’allÊgorie du bon et du mauvais gouvernement. Palais communal de Sienne, 1339.



hybridité Aujourd’hui quel lien intime y’a t-il entre ville et campagne ?

Agnes Denes. Wheatfield - A Confrontation. Manhattan. 1982.



quiété Faut-il renouer avec l’enceinte pour garantir cette proximité ? Dans le village d’Astérix, si l’on fait abstraction de la fraîcheur parfois un peu douteuse du poisson, il y fait bon vivre. C’est une vie rêvée.



rêver A-t-on encore le droit de rêver ?

« La ville-nature devrait comporter des observatoires et des auditoriums pour écouter les « pulsations cosmiques » (Stockhausen), et mille « cités des sciences ». On nous accusera encore de rêver. Mais la ville est faite de rêves et nous risquons bien de laisser à nos descendants les squelettes urbains qui témoigneront de notre incapacité à rêver. » Chris Younes et Benoit Goetz. Mille milieux. Revue Web Le portique, 2010. Moebius, le voyage d’Hermès, 2011



rêve éveillé L’île d’utopie de Thomas More. Une insularité à la fois isolée, et connectée au reste du monde par ces sortes d’amarres. Utopie, du latin “eu-topos”, qui signifie en dehors du lieu. Une utopie est donc nécessairement décontextualisée. Pour le projet je préfèrerais donc parler d’un rêve, d’un rêve éveillé.

Thomas More. Utopia. Gravue de Ambrosius Holbein. 1518.



village urbain Pour Yona Friedman, le village urbain, c’est l’image d’un monde moins dépendant du monde extérieur. Pour lui, l’enceinte, la limite, permettent de retrouver une échelle plus humaine et plus soutenable. Il recommande une division cellulaire de nos établissements humains et nous renvoie à la notion de groupe critique.



la leçon grecque Cette notion de groupe critique, les Grecs en eurent déjà l’intuition lorsqu’ils fondèrent les premières cités basées sur la démocratie. En effet ils décidèrent de limiter la population à 10 000 habitants par cité, conscients qu’au delà de ce nombre critique, le dialogue entre les citoyens, la gestion des ressources et des déchets s’avéraient difficiles. Une fois ce groupe critique atteint, l’un des citoyens quittait la cité pour en fonder une nouvelle, une ville ex-nihilo. Ici, le plan pour la ville de Palatia, une ville contenue par ses remparts, imaginé par Hippodamos de Millet, le père de la grille urbaine. Le père, d’une ville mise au carreau.



mise au carreau Un croquis du site vu du ciel, exprimant la manière dont les méandres d’anciennes lagunes ont peu à peu été mises au carreau par la main de l’homme.



mise au carreau L’apparition de la perspective à la renaissance, procédant d’une mise au carreau de l’espace.

Piero Della Francesca. La flagellation du Christ. Palazzo Ducale, Urbino, Italie. Vers 1455.



mise au carreau Le plan correspondant à la scène.

Piero Della Francesca. La flagellation du Christ. Palazzo Ducale, Urbino, Italie. Vers 1455.



mise au carreau

Andrea Palladio. Villa Rotonda. Vincenza. 1571.



mise au carreau

Jacques Tati. Playtime. 1967.



mise au carreau

Evariste Richer. Day snow, night snow. 2007.



mise au carreau

Sol Lewitt. Open Geometric Structure 3. 1990.



mise au carreau

Zone Pavillonnaire. Los Angeles, Californie.



Mies Van Der Rohe

Ludwig Mies Van Der Rohe. High-rise superblocks, Lafayette park. Detroit 1946.



les salins de Villeneuve-lès-Maguelone Quelque part sur le littoral méditérranéen, entre Sète et Montpellier, sur les terres de Villeneuve-lès-Maguelone, se trouve une ancienne exploitation salinière. On y pêchait le sel.



complicité A la fin du 19° siècle, l’homme a mis au carreau ce paysage, et ce en toute complicité avec les éléments naturels, l’eau, la terre, le soleil, le vent, le vivant. L’eau prélevée dans la mer, passait de bassins en bassins, des bassins de moins en moins profonds, s’évaporait et se concentrait en sel. Au terme d’un lent processus s’étalant de mars à septembre des gâteaux de sels étaient récoltés dans les derniers bassins. Ces bassins que l’on appelle les cristalisoirs. Le site salinier est ceinturé par un canal périphérique permettant d’éviter la salinisation des terres mitoyennes. Les salins se présentent ainsi comme un système de limites incluses les unes dans les autres.



salaire, du latin salarium Dans l’antiquité le salarium désignait la ration de sel fournie aux soldats. Il a pu être employé comme monnaie d’échange. Il a été indispensable à la conservation des aliments. Le sel est intimement lié à la notion de travail. Il y a d’ailleurs une analogie entre la pêche du sel et le processus créatif. En effet le projet, quel que soit le domaine, implique de traverser différents états: tantôt se concentrer, tantôt s’évaporer, laisser décanter les choses, prendre le temps de faire cristaliser ses idées. Et puis le projet, souvent, on s’en fait une montagne.

Sur la photographie, les sauniers marchant sur les cristalisoirs, à l’arrière plan, le bosquet de pins du mas Beauregard, à coté duquel s’installe le projet.



cammelles D’ailleurs le sel aussi, on en fait des montagnes.



cayrelles D’anciennes cayrelles, ces digues artificielles constituées de piliers de chataîgner remplis de tourbe et de roseaux. En arrière plan, l’ancien entrepôt et son rythme régulier de colonnes en pierre.



traces Ce qui reste de l’ancien entrepôt. Des colonnes en pierres. Le bois s’est peut-être évaporé, mais la pierre est restée.



Le site, pris entre l’eau et le ciel...



...entre la terre et l’eau...



...entre le ciel et la terre.

« Le paysage c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent » Michel Corajoud

A gauche, le bosquet de pins du mas Beauregard, à coté duquel s’installe le projet.



carré L’emprise du village. Un carré de 336 mètres de coté. Une surface de 11 hectares. Une population pouvant varier entre 1000 et 1500 habitants.



manger L’emprise des terres agricoles, 300 hectares, nécessaires à l’autosuffisance alimentaire de 1000 personnes, ou de 1500 personnes si l’on exclut la production de viande et de lait.

« Il y a quatre grandes questions : d’où venons-nous? Qui sommes-nous? Où allons-nous? Et qu’est ce qu’on va manger ce soir? » Woody Allen, Hannah et ses sœurs, 1986



L’enceinte. Un carré.



mis au carreau.



mis au carreau.



mis au carreau. Une trame de 4 mètres régule l’ensemble du plan. De l’enceinte à la pièce.

« Le plan est une société de pièces. [...]. La société de pièces c’est l’endroit où il fait bon apprendre, bon travailler, bon vivre. » Louis Kahn, Silence et Lumière, éditions du Linteau, 1996.



La version pointilliste.



pro-mixité Le village. Son enceinte. Son cardo. Son decumanus. Ses bassins de lagunage en périphérie. Il filtre ses eaux usées Il produit son électricité. Il traite, recycle ou revalorise ses déchets. Le village contient une “ pro-mixité ” C’est à dire toutes les fonctions nécessaires à la vie.

1 forum / administration 2 halles 3 bibliothèque / centre d’art 4 école 5 arènes 6 l’observatoire 7 silo d’eau (parking + eau pluviale) 8 le pied de l’immeuble 9 réserve d’eau potable


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En réalité l’unité de production fermière et artisanale, ainsi que la recyclerie, sont disjointes afin d’écarter toutes nuisances sonores ou olfactives.



le dur Le socle du village est en pierres massives. La structure de l’immeuble, en béton préfabriqué.



le souple le reste du village est en bois, en paille, en terre, ou tout autre matériau naturel succeptible de garantir la réversibilité du bâti.



résistant à la vie Cette couche souple est résistante à la vie. Elle est apte à muter au fil du temps. Elle s’adaptera aux évolutions des modes d’habiter et des structures familiales.



héliocentrisme Le bâti s’organise en amphithéâtre face au soleil. Le soleil, et sa course à la fois immuable et saisonnière.



strates



terrain de stabilité Les enclos. Les équipements. La place. L’arène. Les squares. La trame de pierre. La trame tridimensionnelle de l’immeuble. Une trame “all-over”. Une trame de 4 mètres. Une architecture support. Prête à réceptionner la vie.



la vie Les diversitÊs. Les singularitÊs. L’inattendu.





promenade dominicale Gaston est lépidoptèrophile. Sa passion, c’est les papillons. Une passion qu’il a transmise à ses enfants. Depuis leur tout jeune âge, il aime leur rappeler que chacun de nos gestes, si petits soient-ils, peuvent entrainer de grands mouvements.

A l’arrière plan, une vue du village, contenu par son enceinte en pierres massives.



limite Dichotomique.



porosités Mais une limite poreuse.

«Je regarde du haut des remparts de la ville. La campagne ne fait pas étalage de villas et de fermes. Il y en a certes beaucoup, mais elles sont cachées et défendues. [...] Et le mur auquel je m’appuie participe du secret de l’olivier, dont le feuillage, telle une couronne tenace et poreuse, laisse filtrer le ciel de mille fentes». Walter Benjamin Au premier plan, un des bassins de phytoépuration des eaux usées.



eau du ciel, eau du sol. Le cycle de l’eau. Le tapis volant, sur la toiture belvédère de l’immeuble, récolte les eaux de pluie dans le “silo d’eau”, le croisement entre un château d’eau et un parking silo. Les eaux de pluie permettront d’alimenter les laveries, d’arroser les plantes, de faire la vaisselle, ou encore de tirer la chasse. L’eau potable est pompée dans la nappe phréatique, elle même alimentée par les pluies et par l’eau recyclée des bassins de phytoépuration.

« L’eau que l’on boit a déjà été bu maintes et maintes fois » Gilles Clément

Des chiffres : L’eau recouvre 72 % de la surface du globe. 97 % de l’eau présente sur terre est salée. Des 3 % d’eau douce restants, deux tiers sont glacés. L’eau constitue 65 % du corps humain.



Recyclage Hubert Robert, dit “ Hubert des ruines ”. Cette scène, c’est l’expression du dur et du souple. Ce qui perdure, et ce qui peut être réinventé.

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Antoine Lavoisier

Hubert Robert. A l’hermite. 1775.



conglomérats Un agglomérat est un ensemble d’éléments disparates réunis selon une procédure donnée. Tandis qu’un conglomérat est un ensemble d’éléments réunis par empathie. La construction en pierre et en bois, comme toute autre système constructif préfabriqué procédant d’assemblages simples ou d’empilements, permet une réversiblité. Les éléments peuvent être disjoints et réemployés. Le béton armé quant à lui marie le béton et l’acier. Ces deux matériaux ne peuvent pas se lier de manière pérenne car ils ne réagissent pas aux conditions climatiques de la même manière. Ils sont difficilement dissociables et recyclables. Enfin, leur fabrication est très coûteuse en énergie grise et en eau. A l’heure actuelle le béton armé coulé en place est le système dominant sur le marché de la construction. Il faut 200 litres d’eau pour produire 1 m³ de béton. Il faut 20 litres d’eau pour produire 1 kg d’acier. Il faut en moyenne 20 kg d’acier pour armer un 1 m³ de béton. Bref, il faut 600 litres d’eau pour produire 1 m³ de béton armé.

« Quand je construis un bâtiment en pierres massives, je construis une carrière pour les générations suivantes »

Gilles Perraudin

Gilles Perraudin. Chai viticole. Vauvert. 1998.



La pierre, c’est ce qui reste. Sur le site archéologique de la cité punique de Kerkouane, en Tunisie...



...ou sur le site des Salins. La pierre, c’est la souplesse pÊrenne.



enclos L’enclos. L’unité de base du projet. Un carré de 24,50m de côté. Lui-même subdivisé en quatres carrés de 130 m2 chacun. Un socle d’inertie thermique. Un plan libératoire. L’enclos définit la règle du jeu. Plus stricte est la règle, plus grande est la liberté d’interprétation.



la part indispensable d’interprétation La maison en longueur du pianiste. La maison des Blanchard. Une co-résidence pour gens de passage. La maison aux poches de lumières.



Des maisons en bandes. La maison “éclair”. La maison de Camille et Damien, deux passionnés qui donnent des cours de cuisine à leur domicile.



grille Pour l’immeuble, même combat. S’il ne fait pas l’unanimité. Sa structutre, elle, fait l’unité.



Et les gens, les singularitĂŠs.



Ces gens, qui ont choisi d’habiter le ciel.

Les planchers bois séparant les niveaux ont une épaisseur de 50 cm. Ils intègrent les réseaux et assurent l’isolement acoustique. Les poutres et les poteaux sont préfabriqués. Ils ont un profilé en H afin d’optimiser la quantité de béton et d’accueillir la descente des réseaux. Pour rêver, nous partirons du principe que le béton est armé avec de la fibre de roseau.



demain


15 ans plus tard


marges de manoeuvres Aujourd’hui Octave, apprenti-compagnon, réalise les finitions d’un élément de façade pour les Blanchard, qui attendent un heureux évènement et souhaitent transformer leur maison. Justin, compagnon-maître, vient quant à lui d’achever la rénovation d’un des modules de la bibliothèque. Dans l’atelier, une seule devise :

« Ce qui mérite d’être fait, mérite d’être bien fait. »



plan


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empilement dĂŠtail constructif



Le module préfabriqué des Blanchard. Une chaise de Jean Prouvé.



Jean Prouvé. Un adepte des façades modulaires préfabriquées.



Le module de la bibliothèque.



copier Copié sur celui de la bibliothèque d’Exeter. Un élément manifeste des principes de décomposition de Louis Kahn. Entre la structure et le remplissage, entre la fenêtre qui éclaire l’espace, et la fenêtre qui éclaire le plan de travail.

Louis Kahn. Bibliothèque d’Exeter. Exeter, New Hampshire. 1972.



coller Carl est le chevalier des arts et des lettres du village. C’est lui qui gère ce lieu dédié à l’art et à la littérature. C’est lui aussi qui a commandé à François Morellet l’éclairage en plafond, et la sculpture à Xavier Veilhan.



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La coupe sur la grande halle d’exposition. Sa toiture en coque de bateau renversée.

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copier Copiée sur la toiture du centre d’art de Vassivière, dessiné par Aldo Rossi. Finalement, tout est là. Est-il nécessaire de vouloir toutjours tout réinventer ? Ré-actualisons. Recyclons.



recycler Le recyclage, valable à l’échelle urbaine...

Gilles Clément. Dessins pour la biennale d’art de Melle, 2009. L’évolution des sociétés envisagée comme une réécriture des principes de vie au sein d’un même espace (recyclage).



malléabilité ...mais aussi à l’échelle architecturale. Dans l’immeuble un appartement a récemment été transformé en bureaux.




Bernard y a installé son agence. Juste en dessous de son appartement, situé au 20ème et dernier étage. En dehors du boulot, Bernard pratique la drague. Il aime confier aux femmes qu’il habite le ciel. Mais les femmes ont souvent le vertige. Aussi, ces derniers temps, il s’est dit qu’il était peut être plus judicieux de leur jeter des avions en papier.


le bien voir Pendant ce temps là, comme à son habitude lorsqu’il est de repos, Caspar contemple l’horizon depuis le belvédère situé sur le toit de l’immeuble. Il aime s’imaginer que d’ici, il perçoit la courbure de la terre. Caspar travaille à l’aéroport de Montpellier. Il y est aiguilleur du ciel. Ce jour là, en voyant passer ce drôle d’oiseau, il se dit que celui-ci finira bien par se retrouver dans une botte de foin.



douceur et fermeté En réalité, l’avion a finalement atterri dans le patio d’une maison. Entre ses ailes était inscrit un message :

« Jeune homme bien sous tous rapports, 30 ans, architecte, pilote de chasse et funambule, cherche jeune femme douce et ferme, passionnée par les avions en papier. Me contacter au (+33)0617773915. »



tubes de gouaches Depuis, dans les rues du village, des rumeurs planent. Elle l’aurait composé ce numéro. Mais Gustave, l’artiste-peintre, n’a que faire de ces commérages. Ce matin même, un drône lui a livré de nouvelles gouaches. Il explique à son mécène qu’il part sur-le-champ à Montpellier pour peindre dans le jardin des plantes.

Ici, Gustave Courbet, matériel de peinture au dos, s’adressant à Alfred Bruyas. L’apparition du tube de peinture accompagne les impressionistes. Pour ces peintres, c’est le début de la mobilité.



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mobilités Au même moment. Giorgio, qui tient un restaurant dans les halles du village, s’empresse d’aller à Sète chercher du poisson frais. La veille il a failli se battre avec un client qui prétendait que le sien ne l’était pas. Il sera arrivé à bon port dans huit minutes exactement. Il aime emprunter le viaduc automatisé. Pendant ce court voyage il contemple le paysage du littoral, se laissant encore surpendre lorsque le véhicule traverse soudainement une canopée. Il a entendu dire que ce moyen de transport aérien, outre le fait qu’il soit rapide et régulé automatiquement, permettrait d’éviter ce que l’on appelle des ruptures territoriales. En effet sous le viaduc, les animaux peuvent migrer d’une niche écologique à une autre. Les gens, les sangliers, les tracteurs peuvent vaquer à leurs occupations, tandis que d’autres gens relient un point à un autre de manière fulgurante.

Temps de trajet Paris-Marseille au fil de l’histoire : 15° siècle : 10 à 14 jours à cheval 1873 : 16h 25min (premier chemin de fer) 1913 : 10 h 25 min 1962 : 7 h 10 min 2014 : 3 h 00 min (ligne à grande vitesse) En un siècle, ce temps de trajet à été plus que divisé par 3.



enjambĂŠes Pas si fous ces romains.

Hubert Robert. Le pont du Gard. 1787.



Le viaduc traversant le paysage.



Pour les plus courtes distances, des sentiers battus automatisĂŠs.



Finalement le village...



...les anciens villages...



...et d’éventuels nouveaux villages...



...sont connectés de manière physique ou virtuelle, entre eux, mais également au monde entier via la toile numérique. Il est question de co-existences et de transmission.



co-existences

Gilles Clément. Schéma des échanges proches et lointains. Biennale de Melle, 2009



transmission Le forum C’est le prolongement couvert de la place. Un espace polyvalent. Un vide à définir et à redéfinir. Propice aux spectacles, aux prises de décisions collégiales, aux conférences, aux festivités, aux tournois de ping pong, et à la diffusion des connaissances. Chaque premier dimanche du mois, tous les passionnés de jardinage se retrouvent dans le forum pour échanger sur leurs découvertes. Ils échangent entre eux, avec les autres villages, mais également avec le monde entier via la toile numérique. Aujourd’hui Gérard prend la parole. Il explique que des solidarités empathiques existent entre les fleurs et les légumes. Photographies à l’appui, il montre que dans son jardin, des oeillets d’inde protègent choux et tomates.



économie de moyens C’est une salle en sifflet afin d’échapper aux échos flottants. Les pierres massives sont posées avec de légers désaffleurements pour mieux disperser le son. Des poutres en béton assurent le franchissement (de 23 à 27 mètres). Elle sont à géométrie variable. C’est à dire que leur hauteur varie proportionnellement à l’intensité des efforts qui les traversent. Dans le projet le béton n’est utilisé que de manière nécessaire et suffisante. Il est question d’une économie de moyens.


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lumière La scène est éclairé zénithalement par un dispositif que l’on ne devine pas d’entrée. Au sud, une série de demi-fermes soulèvent la toiture, laissant couler sur la scène une lumière filtrée. Les poutres reposent sur des poteaux en béton, assurant la transmission des charges. Poteaux et poutres intègrent les équipements techniques et des matériaux absorbants.


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rencontre Des couvre-joints en laiton assurent la transition entre les poteaux béton et les remplissages en pierre massive.

« Le joint, c’est la célébration de la rencontre des matériaux. » Kenneth Frampton



rencontrer L’école est le lieu de la transmission par excellence. L’endroit où l’on se révèle, aux autres et à soi-même. Aujourd’hui c’est mardi. Basile et ses camarades animent la classe, bien conscients que le mardi, tout est permis.



faire, défaire, refaire l’école. Quelles formes prendra l’école de demain ? Sera-t-elle en constante réinvention ? Pourra-t-elle être le lieu des perméabilités, entre les disciplines et entre les âges ? Comment réintroduire de l’effervescence dans ce lieu dédié à la découverte ?



second jour Le dispositif architectural est simple. Un débord de toiture important protège des rayonnements solaires directs au Sud. Tandis que la façade nord est éclairée en second jour. Un mur de pierre est frappé par le soleil puis restitue une lumière amortie aux sein des locaux. Une stratégie récurrente dans le projet. L’occasion de rappeler qu’il faut 4 fois plus d’énergie pour produire une frigorie qu’une calorie, et que pour cette raison nous devons privilégier la thermique d’été. Autrement dit, une quête de l’ombre.

La charpente, très simple, autorisera la création d’espaces en mezzanine.



soleils qui tuent Dans les halles, autre lieu de la rencontre, de grandes demi-fermes soulèvent la toiture pour baigner les espaces de lumière. Les apports solaires sont gérés par les protections adéquates. Des brises-soleil horizontaux au Sud. Des lames verticales et mobiles pour se protéger des soleils rasants d’Est et Ouest. “ Ces soleils qui tuent ” comme on dit dans le Sud.



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Domesticité vivre...

Giotto. Extrait de la fresque de l’église de San Fortunato. Todi, Ombrie, Italie. vers 1300.



...et travailler.

Antonello da Messina. St J茅r么me dans son cabinet de travail. 1475.



Jérôme est écrivain. Il achève aujourd’hui son dernier roman, l’histoire d’un homme qui murmurait à l’oreille des lions. C’est Bernard qui lui a dessiné cette maison. Jérôme s’y sent bien. Il l’habite différemment selon les saisons.

Au premier plan, le paon défendant fièrement la gamelle d’eau.



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nomadisme saisonnier Une maison à Ghardaïa dessinée par André Ravereau. André Ravereau, un architecte qui a dans toute sa carrière, a uniquement construit 5 maisons. Cette coupe révèle une attention particulière aux situations climatiques, aux conforts saisonniers, mais également aux bonnes distances. En quête de proximités négociées.

André Raverau, villa à Ghardaïa, vallée du M’zab, Algérie, 1976.



contact Une ombre, une brise, un regard. Finalement, ce qui est fondamental, ce sont les atmosphères.

Croquis d’André Ravereau



atmosphères Impression Soleil levant, la toile de Claude Manet qui donna son nom à l’impressionisme. Une peinture qui exprime un moment de la journée, témoigne d’une température, d’une hygrométrie, bref, des dimensions sensibles des lieux.

Claude Monet. Impression soleil levant, 1872.



Ces lieux parés, à nous mettre à nu.

Willy Ronis. Nu provençal. 1949.



L’Éveil du crépuscule Tables et chaises de camping sont sorties. Au calme. On est pas bien là, paisible. Après une journée ensoleillée. Dans un champs à l’odeur du blé fraîchement coupé, tandis que la terre, elle, restitue une douce tiédeur. On est en manches courtes. Le village est tout près. Et l’on devine le lointain. En effet, tandis que le soleil offre ses derniers frémissements, apparait l’immensité d’une constellation de mondes dans le monde, et dans laquelle les petites choses ont tant d’importance. Les petites choses, ces instants qui nous tiennent en éveil.

Collage sur une illustration de Anton Von Hertbruggen, Memoires of a suburban utopia, 2012





Mes plus chaleureux remerciements à toute l’équipe du pôle d’enseignement Milieux Habités. Que leur enseignement soit lié au mémoire ou au projet, merci à Chris Younes, Antonella Tufano, Xavier Bonnaud, Mathias Rollot, Thibault Barbier, Edouard Ropars, Thibaud Babled et Jérôme Sigwalt. Un remerciement particulier à Didier Rebois, qui m’a offert durant cette année de précieuses marges de manoeuvres. Pas de hasard, que des rencontres.


Les équilibristes

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