Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP)
Pertinence des associations de neuroleptiques Pilotes : Dr Hélène Villeneuve Psychiatre et Anne-céline Ballet, pharmacienne Dr Philippe Bénichou, psychiatre Dr Hervé Cocaud, psychiatre Dr Nicolas de Carolis, pédopsychiatre Mme Daupiard, infirmière Jasmin Dr Jean Christophe Edy, psychiatre Dr Anne-Cécile Janin, psychiatre Mme Edwige Payet, Cadre de santé Journée gestion des risques ARS 28 octobre 2011
Problématique • Depuis l’arrivée des médicaments neuroleptiques, les perspectives pour les patients schizophrènes se sont considérablement améliorées. • Cependant, plusieurs études mettent en évidence un risque de mortalité cardiovasculaire 2.5 fois plus important chez les schizophrènes traités par neuroleptiques (1) (2) • Plusieurs facteurs de risques sont identifiés : – intoxication tabagique – mauvaise hygiène alimentaire, – plus grande tendance à l’alcoolisme et à l’usage des substances toxiques – risque de torsades de pointe liés à certains neuroleptiques
Problématique • Une étude prospective sur 10 ans a montré que plus le nombre de neuroleptiques prescrits était élevé, plus l’espérance de vie était réduite (4). • Les conférences de consensus préconisent les neuroleptiques en monothérapie ou à défaut des associations argumentées et régulièrement réévaluées. • Certaines associations sont déconseillées par L’AFSSAPS en raison des risques majorés de torsades de pointe mais restent utilisées • Dans ce contexte, il nous a paru intéressant de pouvoir évaluer la pertinence des associations de neuroleptiques.
Contexte local : analyse un jour donné des prescriptions de neuroleptiques à l’EPSMR suivi sur 5 ans 0,5
80%
0,0
4,1
5,4
100%
0,5
0,0
7,1
4,7
41,5
41,6
52,7
54,3
49,5
44,9
45,3
48,0
60% 40% 20% 0% NOV 2006 n=205 MONOTHERAPIE
FEV 2007 n=197 BITHERAPIE
SEPT 2009 n=192 TRITHERAPIE
OCT 2011 n=196 QUADRITHERAPIE
Contexte A l’EPSMR, la monothérapie par neuroleptique concerne la moitié des prescriptions hospitalières. Quels sont les risques liés aux associations ? • Majoration des effets secondaires : – risques cardiovasculaires : torsades de pointes, tachycardie supraventriculaire, risque thrombogène, AVC .. – Syndrome extrapyramidal, sédation, prise de poids … • Diminution de l’observance Dans cette étude, nous avons choisi de nous intéresser au risque de torsades de pointe (TP).
Objectif de l’EPP • Principal : Evaluer la pertinence des associations de neuroleptiques en analysant la balance bénéfice /risque • Secondaire : Sensibiliser les prescripteurs et les équipes paramédicales – A l’importance de la surveillance des facteurs de risque de torsade de pointe – À l’importance d’une réévaluation régulière des associations « à risque »
Matériel et méthode • Audit clinique par 6 psychiatres de 31 dossiers de patients hospitalisés comportant des associations de neuroleptiques • Audit croisé • 3 parties sur la grille d’audit élaborée à partir des référentiels : – 1) facteurs de risque de TP liés au patient / au traitement – 2) bénéfice clinique attendu de chaque traitement • Alternative à l’association ? Autre classe thérapeutique : benzodiazépines ou antihistaminiques ? Prescription « si besoin » • Arguments cliniques pour justifier l’association ?
– 3) Bilan : synthèse en présence des 6 psychiatres afin de déterminer la pertinence de l’association
Nb patients avec n facteurs de risque
RĂŠsultats (1) : facteurs de risque de torsades de pointe liĂŠs aux patients 18
16
16 14
11
12 10 8 6 4 2
1
2
1
0
Aucun facteur 1 Facteur de 2 facteurs de 3 facteurs de 5 facteurs de de risque risque risque risque risque
Résultats (2): facteurs de risque de torsades de pointe liés au traitement • 31 ordonnances – 25 avec 2 neuroleptiques – 6 avec 3 neuroleptiques
58 associations « à risque » • 54 risques d’allongement du Qt dont 15 déconseillées par l’AFSSAPS • 2 risques de bradycardie • 2 risques d’hypokaliémie
Analyse pharmaceutique des associations
Medt hypokaliemiant 3%
Medt bradycardisant 3%
Allongement Qt déconseillé / afssaps 26%
Allongement Qt 68%
Résultats (3) : pertinence ? réévaluation ? 120
100
100 80
72
80
83
60 40 20 0 Association Pertinente
Neuroleptique en bithérapie n=25
Ass. réévaluée dans les 3 derniers mois Neuroleptique en trithérapie n=6
Bithérapies : 72% pertinentes // 80% réévaluées Trithérapies : 100% pertinentes // 83% réévaluées
Résultats : 77% d’associations pertinentes et justifiées pour les raisons suivantes : – Dangerosité psychiatrique – Schizophrénie multirésistante avec chacun des traitements à la dose maximum autorisée - Période transitoire lors de la recherche de la posologie efficace, mise sous NAP prévue, switch de traitements différents. - Benzodiazépines non utilisables : échec préalable, efficacité insuffisante dans les troubles anxieux psychotiques, risque d’accoutumance et de toxicomanie - Inefficacité des antihistaminiques dans certaines psychoses.
Résultats : 23% d’associations non pertinentes - Prescription d’une association déjà essayée et inefficace - Poursuite d’un traitement inefficace en monothérapie en association - Prescription illogique d’un neuroleptique à dose désinhibitrice et d’un autre à visée sédative - Prescription d’emblée de 2 neuroleptiques - L’absence d’éléments cliniques justifiant du maintien d’une bithérapie instaurée en garde mais non réévaluée
Résultats : surveillance adaptée ? • Présence d’un ECG dans 42% des dossiers • Présence d’une kaliémie dans 60% des dossiers Ce que disent les recommandations : En absence de modification de traitement, ou de l’état clinique
Actions d’améliorations : des supports dans le livret du médicament
Actions d’amélioration •Analyse pharmaceutique : préconisation régulière de surveillance ECG et kaliémie •Sensibilisation des internes à chaque semestre •Indicateur de pôle qualitatif depuis 2010
Conclusion • Le traitement par monothérapie neuroleptique reste la règle mais s’avère en pratique souvent difficile • Les associations sont possibles avec une surveillance des facteurs de risque (Kaliémie et ECG) et une réévaluation régulière du traitement retrouvées dans le dossier du patient. Au-delà de l’EPP .. • En 2011, 2 cas signalés de morts subites de patients traités par neuroleptiques ont fait l’objet d’une revue de mortalité pluridisciplinaire transmise au centre de pharmacovigilance de Bordeaux. • Ces revues ont mis en évidence une surveillance des patients conformes aux recommandations • Elles ont conduit à une nouvelle réflexion pour optimiser … • Le suivi des ECG et de la kaliemie dans le dossier informatisé • La lecture des ECG avec la coopération de cardiologues • Le bilan somatique d’entrée à l’aide de l ’expertise des urgentistes à proximité des centres d’accueil psychiatriques • Le relais avec le médecin traitant pour la poursuite de la surveillance biologique et cardiaque.
Merci de votre attention ..
Bibliographie • 1) Harris EC, Barraclough B « Excess mortality of mental disorder » Br J psychiatry 1998 ; 173 : 11-53 • (2) Brown S « Excess mortality of schizophrenia » Br j psychiatry 1997 ; 171 : 502-508. • (3) Prescrire rédaction « Troubles graves du rythme ventriculaire, morts subites et neuroleptiques » revue prescrire 2002 ; 227 : 276-281. • (4) Waddington JL, Youssef HA « Mortality in scizophrenia. Antipsychotic polypharmacy and absence of adjunctive anticholinergics over the course of a 10 year prospective study. Br J psychiatry 1998 ; 173 : 325-9. • (5) D. Ames, J. Camm, P. Cook : Comment minimiser les risques associés à un allongement significatif de l’intervalle QTc chez les personnes souffrant de schizophrénie. Recommandations consensuelles du cardiac Safety in Schizophrenia Group : L’encéphale, 2002 ; XXVIII : 552-562.
Référentiels 1) Conférence de consensus sur les stratégies thérapeutiques à long terme dans les psychoses schizophréniques, 13 et 14 janvier 1994, Paris « l’analyse des pratiques cliniques en France montre que l’association de deux ou plusieurs neuroleptiques à polarité distincte est relativement fréquente. (…)Cette pratique n’est validée par aucun étude contrôlée (..) En l’état actuel des connaissances, toute prescription comportant deux neuroleptiques doit être argumentée et périodiquement réévaluée » 2) Fiche de transparence AFSSAPS du 01/10/98 et RMO journal officiel du 14/11/98 sur les neuroleptiques : « Il n’y a pas lieu, dans le traitement d’entretien de la psychose, d’associer 2 neuroleptiques, même s’ils sont à polarité distincte, sauf si leur prescription est argumentée et périodiquement réevaluée ». 3) Communiqué de presse de l’AFSSAPS du 21 décembre 2001 « interactions médicamenteuses des neuroleptiques donnant des torsades de pointe » : l’association des neuroleptiques suivants donnant des torsades de pointe est déconseillée (dogmatil, droleptan, haldol, largactil, melleril, nozinan, orap,solian, tercian, tiapridal,,,). Toute association avec le Barnetil (sultopride) est contre-indiquée (produit non disponible sur l’EPSMR).
4) Conférence de consensus sur les schizophrénies débutantes : diagnostic et modalités thérapeutiques, 23 et 24 janvier 2003, Paris. « la monothérapie doit être privilégiée si possible sous forme orale » 5) Practice guideline for the treatment of patient with schizophrenia second édition, 2004 édité par l’American Psychiatric Association : « the abscence of evidence for combinaitions of antipychotics does not mean that there are no patients who are best treated with such a combination. However their use should be justified by strong documentation that the patient is not equally benefited by monotherapy. (..) Practitioners should be aware that combination therapies increase side effects and drug interaction as well as increased costs and decreased adherence. »
6) Recommandations consensuelles du cardiac safety in schizophrenia group : comment minimiser les risques associés à un allongement significatif de l’intervalle QTC chez les personnes souffrant de schizophrénie (5). Les facteurs aggravant les conséquences de l’allongement de l’intervalle Qt sont les suivants : sexe féminin, syndrome du QT long congénital, présence d’une maladie cardiovasculaire sous jacente, insuffisance hépatique et rénale, hypothyroïdie, antécédents d’AVC, hypokaliémie, usage d’alcool ou de substances toxiques, co-prescription de médicaments allongeant l’intervalle QT 7) Recommandations AFSSAPS et HAS du 01/06/05 « sujet âgé et psychotropes » Les sujets âgés de plus de 75 ans ou de plus de 65 ans et polypathologiques sont les plus à risque de iatrogénèse ; la toxicité est majorée lors de l’association de médicaments ayant des effets indésirables communs.