cdn montpe
llier
SAISON 14-15 JANVIER OCTOBRE -
Marcelo Evelin
AU COMMECEMENT ETAIT LE
PUBLIC Le public ce sont des gens qui paient leurs impôts. Le public ce sont des gens qui peuvent étudier et qui vont en voiture à l’université. Le public part en vacances une ou deux fois par an. Le public ce sont des gens qui ne paient pas leur loyer parce qu’ils n’ont pas de quoi le payer. Le public c’est un pourcentage de chômeurs qui n’ont ni travail ni vacances bien sûr. Le public ce sont des gens qui ne peuvent pas étudier. Le public est solidaire dans la rue. Le public ce sont des autistes indifférents qui ne t’aident pas si tu meurs sur le trottoir. Le public aime le théâtre. Le public ne pense même pas à aller au théâtre. Le public est une question et un mystère. Alors essayer de contenter le public c’est comme obtenir un diplôme en imbécillité (et c’est une lâcheté). Divertir le public c’est le tromper et le sous-estimer. Rire avec le public est une expérience inoubliable. Pleurer avec le public arrive aussi parfois et unit les gens. Offrir au public un art qui correspond à son époque est le minimum qu’un CDN doit se proposer comme objectif. Présenter une pièce de théâtre vide de contenu ou avec un contenu ou une forme anachroniques devrait être puni par deux ans de prison. Être didactique avec le public est une idiotie qu’il faut éviter à tout prix. Le public mérite une expérience esthétique. Le public peut nous jeter des tomates. Le public c’est moi et comme je me respecte moi-même, je respecte le public. Le public a des choses à dire. Le public n’est pas condamné à un rôle passif. Le public vote pour les élections nationales et locales. Si tu donnes au public un théâtre dénué de génie, il est probable qu’il vote pour l'extrême droite. Le public peut attaquer et frapper le directeur du CDN dans le parking d’un supermarché si la programmation n’est pas intelligente ni ludique.
photo©CADDAH
cdn montpellier
Cantique des Cantiques, chapitre 4, 2006 transfert sur papier ancien rehaussé de crayons photo DR courtesy de l’artiste et Air de Paris, Paris
Philippe Quesne
Jean Luc Verna
Photo©Martin Argyroglo
© Angelos bvba
photo © Ruth Vega Fernandez
TG Stand Jan Fabre
Jan Fabre
Roger Bernart
Rodrigo García
«Tout spectateur est soit un lâche soit un traitre»
photo ©Rodrigo García
Frantz Fanon, 1961
S, RENéE inkerke, BE) • Assistance à la mise-en-scène: MIET MARTEN ENGELS, JAN FABRE • Coiffures: SAVAGAN (Bruxelles, Oost-Du y, Tilburg, NL), GEORGIOS KOTSIFAKIS, Academ Musique: WIM MERTENS (publié par USURA) • Costumes: POL Dance (Fontys MANS KOPPEL CARLIJN JAKIR, MELISSA GUERIN, NELLE HENS SVEN COPRAIJ • Performeurs: MARIA DAFNEROS, PIET DEFRANCQ, VANDENBERGHE PIETRO QUADRINO, MEREL SEVERS, NICOLAS SIMEHA, KASPER DENNIS MAKRIS, LISA MAY, GIULIA PERELLI, GILLES POLET, du UROPA FESTIVAL (Rome, IT) Troubleyn/Jan Fabre a le soutien , BE) • En co-production avec: DESINGEL (Anvers, BE), ROMAE d’O e Production re-création 2012: TROUBLEYN/JAN FABRE (Anvers Domain le avec eilli le co-accu L’Arche est éditeur et agent théâtral de Jan Fabre • spectac Gouvernement Flamand, de la Ville et la Province d’Anvers •
E
n 2012, Jan Fabre décide de remettre en scène Le Pouvoir des folies théâtrales, créée presque 30 ans plus tôt, en 1984, à La Biennale de Venise. « Une immersion de 4h dans l’univers Fabrien, tel qu’il l’a posé à l’époque de la création remarquée de cette œuvre puissante et révolutionnaire, qui n’a rien perdu de sa vitalité encore aujourd’hui. Artiste total, Jan Fabre crée des œuvres complexes, nourries de ses nombreuses références à l’art, la philosophie, l’esthétique, l’histoire du théâtre… Comme dans cette pièce magistrale qui revisite le théâtre en une performance-marathon d’une extrême contemporanéité. » Quentin Margne, inferno-magazine. com, 16 juillet 13
Le Pouvoir des folies théâtrales 13 et 14 novembre 20h
Conception , mise en scène, scénographie, lumières: JAN FABRE
h 9 1 à octobre 6 1 15auet Théâtre Jean-Claude Carrière (Domaine d’O)
photo©Robert Mapplethorpe
durée 4h sans pause, avec libre circulation
Le pouvoir des folies théâtrales (De macht der theaterlijke dwaasheden): le titre ressemble à une pose solennelle sur l’autel du théâtre. La grandeur passée du théâtre y est célébrée avec de nombreux froufrous, des fauteuils carmin et des dorures clinquantes. Le titre évoque l’écho des rumeurs dans les loges, le tintement des flûtes à champagne dans les salles de bal majestueuses, l’exaltation à l’égard d’acteurs et d’actrices en quête de sentiment, l’égarement de la scène théâtrale baroque. Le théâtre du dix-neuvième siècle y est montré comme le délassement de choix de la bourgeoisie que ces hallucinations enchanteresses agréent. Les illusions présentées ne sont plus théâtrales, elles sont « theaterlijk » (comme du théâtre; littéralement: théâtre-cadavre), un néologisme Fabrien qui, en néerlandais, s’annonce comme un service funèbre : le cadavre du théâtre est exposé sur l’autel de la salle de spectacle. Dans ce funérarium, nous lui disons adieu avec une ode qui à la fois chante les louanges du défunt et le bannit pour l’éternité dans son caveau. Le pouvoir… est avant tout une pièce historique. Elle écrit l’histoire. Non seulement dans l’œuvre de Fabre même – la production confirme définitivement sa percée internationale – mais elle dévoile également le point final auquel est arrivée l’économie de l’illusion, pour mieux le dépasser. Comme moment-clé dans l’histoire de l’illusion théâtrale, Fabre choisit la plus grande création de Wagner : L’Anneau du Nibelung. Non seulement Wagner transforme le genre de l’opéra en Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale), il est aussi le premier à éteindre la lumière dans la salle et à affranchir ainsi un média populaire en produit esthétique autonome. Le Pouvoir des folies théâtrales cite ce moment de basculement dans une scène extrêmement longue et douloureuse au cours de laquelle une actrice se voit brutalement refuser l’accès à la scène. Elle griffe, mord, séduit, jure et hurle, mais l’acteur qui garde la scène la tire et la traîne, et la repousse toujours plus violemment. Ce n’est que lorsqu’elle répond à l’énigme sans cesse répétée – « 1876 ? » – en mentionnant la date de la première de L’Anneau du Nibelung que l’accès à la scène, berceau des apparences théâtrales, lui est accordé. Parallèlement à cette évocation de l’histoire du théâtre, Fabre donne vie au conte de fées Les habits neufs de l’empereur d’Andersen. Au centre se trouve un empereur, armé d’un sceptre et d’une couronne, drapant son costume invisible autour de son corps nu et tentant ainsi d’impressionner ses sujets. Pendant presque toute la représentation, il marche à grands pas sous notre regard, impressionnant et aveuglant. Avec la démonstration de ce sublime mensonge, de cette ultime mascarade, Fabre met en scène un regnum au bout du rouleau. Son geste est à la fois une évocation et une destruction. D’innombrables scènes montrent les fastes du mensonge. Nous voulons tant croire en ces grenouilles qui se transforment en princes ou en héros qui vénèrent leur princesse. Fabre crée sa propre Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale) en projetant un enchevêtrement écrasant de tableaux de l’école maniériste, avec des citations des œuvres musicales de Richard Wagner, Richard Strauss, Othmar Schoeck, Bizet… et avec la musique minimaliste de Wim Mertens, alors que sur scène dominent des gestes épurés. C’est un tout remarquablement éclectique, dominé par la pose, l’emphase et le maniérisme. Toute cette pompe est toutefois écrasée sur scène par le sens des réalités ; par une répétition interminable et une accélération fanatique, les héros et les princesses deviennent des masses suantes, et un ballet dégénère en chorégraphie de plus en plus chancelante. La durée de l’action en temps réel envoie ainsi au tapis le mensonge de la fiction. Dans Le Pouvoir des folies théâtrales, Fabre déploie les principes du pouvoir. Avec une référence à Foucault, il dresse le portrait de la systématique de la discipline. La résistance physique des acteurs est constamment poussée dans ses dernières limites. L’uniformité des mouvements et des habits s’emparent du moindre signe d’individualité. Ordre et soumission régissent les actes sur scène. Mais à travers cette violence, ou grâce à elle, le pouvoir d’un nouveau théâtre contemporain émerge. Au-delà de Wagner. Au-delà de tous les innovateurs cités de nombreuses fois tout au long de la pièce, de Cf. FABRE 2012: 21. Cf. Jan FABRE, Conversation avec Ludo Bekkers, Tandem, 2003, p. 31. 22 Lydie Toran
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Béjart à Brook, de Mabou Mines à Müller. À la fin de la représentation, un acteur prend une actrice sur ses genoux et frappe ses fesses nues jusqu’au moment où elle ne peut plus le supporter, elle donne alors la réponse à son énigme : « 1982 ? »: « C’est du théâtre comme il était à espérer et à prévoir* », hurle l’actrice, les fesses rouges. Fabre s’inscrit lui-même dans l’histoire du théâtre. Dans le rouge, l’or et les froufrous du théâtre, formidable machine à rêves, il dissimule la mèche du real time/real action de la performance. L’explosion s’entend à des kilomètres à la ronde.
Luk Van den Dries
*pièce de Jan Fabre, créée en 1982
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ydie Toran: Bonjour Jan. Je souhaiterais débuter cet entretien portant sur le paradoxe dans votre œuvre par des questions au sujet de vos choix de titres. À mon sens, ils sont en effet caractéristiques de ce mécanisme que constitue le paradoxe. (…) Pourriez-vous nous parler de vos titres et nous expliquer comment vous les créez?
Jan Fabre: Eh bien, quand je choisis un titre, cela s’apparente pour moi à la création d’une installation: c’est comme si je faisais une sculpture avec des mots. Depuis les tous premiers, mes titres ont toujours contenu à la fois le passé et le présent. Ils recèlent toujours un double motif et un effet de miroir. C’est le cas par exemple dans le titre C’est du théâtre comme c’était à espérer et à prévoir. Je considère mes titres comme une sorte d’introduction: j’y établis la règle que le spectateur doit observer. Lydie Toran: Je suis une erreur, par exemple, convoque un mécanisme du poème ancien dont le titre reprend le premier vers de la poésie. Votre Journal de nuit et quantité de vos pièces sont très poétiques, ce qui m’a amenée quelquefois en parlant de vous et de vos créations lors de colloques à vous présenter comme un « poète », au lieu d’employer les termes de «metteur en scène », de «chorégraphe », de «plasticien » ou encore d’« auteur ». Vous reconnaissez-vous en tant que tel? Êtes-vous d’accord avec cette « définition » de vous, même si elle n’est pas définitive? Jan Fabre: C’est difficile à dire à propos de soi-même, mais ce qui est sûr, c’est que j’ai toujours considéré le langage comme un prolongement de mon travail plastique. La plupart de mes écrits sont issus des arts plastiques, de mes dessins, de mes esquisses. Prenons l’exemple de mes textes de théâtre: ils constituent une sorte de manifeste. Ils font toujours mention de ma situation en tant qu’artiste et en tant qu’être humain, à la tribune du milieu artistique et à la tribune du monde extérieur. Et en même temps, mes textes constituent une sorte de testament, de témoignage de mes pensées sur l’art, sur la manière dont j’envisage ce qu’est un acteur et ce qu’est un danseur, ce qu’est une scène, ce que veulent dire toutes ces questions qui me préoccupent. Je pense que mes textes se situent entre le testament et le manifeste. S’ils semblent poétiques, c’est peut-être parce que pour moi chaque mot est presque comme une sculpture. Chaque mot a une grande importance. Je prends chaque mot dans ma bouche et je le goûte avant de l’écrire. Donc tout est très construit. C’est la même chose quand vous lisez mes textes: le rythme, le nombre de fois où tel mot revient... Je pourrais dire que je les conçois comme des installations. Si vous les analysez, vous verrez qu’ils ressemblent toujours à une forme d’écriture kaléidoscopique. Ils contiennent toujours un effet de miroir qui réfléchit les mots et les thèmes abordés. Lydie Toran: C’est très intéressant car la relation entre les mots et les images fait depuis longtemps l’objet de recherches et de débats. Ainsi, selon Wittgenstein, nous pouvons superposer des images mais nous ne pouvons prononcer deux mots en même temps. Georges Braque a déclaré qu’ il y a un abîme entre le mot et l’image, et Hugo Ball a affirmé que le mot et l’image ne font qu’un à travers la crucifixion. Selon lui, le Christ et le Verbe incarné se confondent dans l’image ; ainsi les images et le Christ sont crucifiés. Qu’en pensez-vous? Les mots et les images sont-ils assimilables à une unité ou bien s’opposent-ils nécessairement de par leur nature? Jan Fabre: Non, je pense que mes images sont principalement créées pour les mots, et que mes mots sont créés pour les images. Dans ce sens, je suis un artiste belge. Si je songe à ma mère... Elle parlait français, elle était bourgeoise, elle était riche. Elle a traduit pour moi de nombreux poèmes français, et des chansons françaises. Mon père était pauvre, il était communiste, et il m’a familiarisé avec les images, avec les tableaux de Rubens. J’ai réuni ces deux mondes. Je pense que mon travail est une symbiose entre le texte et l’image. C’est en ce sens que je suis véritablement un artiste belge: ce que l’on trouve déjà dans la peinture flamande, c’est qu’il y a toujours du texte. Il y a toujours des mots qui transforment le regard du spectateur. Cela provient
également de la manière dont les peintres inscrivaient leur nom et leur nom de famille et donnaient parfois un titre au tableau. Cela s’apparentait à des inscriptions dans les images. Mes textes aussi sont entièrement inscrits dans des images. Lydie Toran: Dans votre Journal de nuit, à propos du bar du Musée Stedelijk, décoré par Edward Kienholz, vous avez écrit que c’est « un paradis pour artiste ; où l’on peut parler avec les morts ». Pour vous, le paradis n›est donc pas le jardin d›Eden, mais un lieu de dialogue avec les morts. D›une part je me demandais si votre conception de l›Autre Monde se rapprochait de celle de l›Antiquité grecque, avec les Enfers – dans lesquels Champs Elysées, Champs des pleurs, Tartare, etc. sont réunis – et dans lesquels les héros se rendent pour dialoguer avec les morts tel Enée, par opposition à une conception chrétienne qui sépare l›Enfer et le Paradis. Et d›autre part, je me posais la question de savoir si le fait de donner une telle place à ceux qui sont morts en parlant avec eux constituait véritablement pour vous la félicité paradisiaque. Jan Fabre (silence ; fermant les yeux): Je pense que... quelquefois il est parfois préférable de parler aux morts... parce que les morts ne peuvent pas mentir. Ce que je veux dire, c’est que la plupart du temps, les conversations que j’ai en tant qu’artiste avec des morts ressemblent à celles que j’ai avec des vivants... parce que, premièrement, je vis à un stade post mortem de l’existence et deuxièmement parce que les vivants... spéculent toujours sur le présent, tandis que les morts spéculent sur le futur. Les morts me tiennent en éveil. Ils me maintiennent en vie. Ils m’aident à aller de l’avant. Lydie Toran: Ils vous entourent? Jan Fabre: Oui ! Quand je vais au Musée Rubens, je parle à Rubens, mais il est mort, n’est-ce pas? Lydie Toran: Oui ! Donc il ne s’agit pas spécifiquement des membres de votre famille? Jan Fabre: Si, il s’agit d’eux aussi. Cela fait déjà quatre ans que je parle aux photos de mon père et de ma mère qui sont morts. Oui, heu... oui, je crois en cet état de la mort. Je crois en l’état d’être mort comme faisant partie du cycle de la vie. Lydie Toran: Mais cela n’a pas de rapport avec une religion en particulier, n’est ce pas? Parce qu’à l’occasion de certains colloques, il m’est arrivé de citer vos propos: « Ma langue n’a rien de cynique, c’est une langue presque moyenâgeuse, j’oserais presque dire une langue religieuse » ; à la suite desquels l›on m›avait demandé: « Que veut dire Jan Fabre? Quelle est sa religion, s›il en a une? » Jan Fabre: Je suis athée, grâce à Dieu ! Lydie Toran: Entendu ! Il s’agit par conséquent d’une religion spécifique que vous avez créée pour vous-même? Jan Fabre: Oui... Euh, non ! Je suis croyant. Je crois en la beauté. Je crois. Il me plaît même d’aller à l’église parce que j’aime ces lieux sacrés, ces lieux spirituels qui me rendent contemplatif. Cette contemplation, je peux aussi la vivre dans mon atelier quand je suis seul. Je suis toujours à la recherche de lieux spirituels en un sens, mais pour cela il n’y a pas besoin que ce soient des lieux de culte. Lydie Toran: À propos des morts, diriez-vous que si vous leur parlez, ils vous parlent aussi? Jan Fabre: Oui, bien sûr ! Ils me parlent, parce qu’ils parlent avec moi à travers leur travail. Ils me parlent, heu... parce qu’il y a comme une profonde racine à l’intérieur, parce qu’il n’y a rien à gagner ou à perdre. Lydie Toran: C’est très beau. Dans Journal de nuit, vous écrivez: « Peut-être faut-il avoir atteint un certain âge pour pouvoir devenir un jeune artiste ». Où se situe la jeunesse pour vous? Jan Fabre: Vous savez, mon père me disait toujours que « la jeunesse est trop belle pour être donnée aux jeunes », que « la jeunesse, il faut la mériter quand on est devenu vieux », et ça je ne l›oublierai jamais. Ça m›a toujours beaucoup plu. (Il sourit). Vous comprenez ce que je veux dire? Entretien avec Jan Fabre, Lydie Toran, Paris, le 27 novembre 2012,in Jan Fabre. Esthétique du paradoxe - Actes du colloque international d’Avignon 12/13 mai 2011 , extrait
Conférence
de Jan Fabre le 16 oct , à 12h30 à La Panacée a sit modératrice Ro Boisseau
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C
omme des anges tombés du ciel, ils arrivent sur l’immense étendue des temps d’aujourd’hui déposer leurs solitudes. Celles de notre réalité, profondément humaines, profondément éclatées. Rodrigo Garcia scrute notre monde, l’habite et en donne une vision radicale et troublante, choquante parfois, pertinente toujours. L’intensité de son texte ouvre la voie délicate de l’art du portrait, intime, personnelle, balisée par le désarroi. La référence à la peinture, de Goya à Rubens, et à la liberté de l’œuvre en atelier, ne fait qu’interroger le cours du temps et de l’histoire. Cette écriture dramatique croisée avec celle du virtuose pianiste italien, Marino Formenti, qui interprète l’intégralité de la version pour piano des Sept dernières paroles du Christ sur la croix de Joseph Haydn, donne toute la dimension de ce pique-nique. Rodrigo Garcia orchestre ici, par ses mots et ses visions, un monde suspendu à sa consommation où l’art n’est plus qu’un ornement, et nous rappelle les notes de Joseph Haydn comme pour ouvrir des lendemains apaisés. Jacky Ohayon
IC20h ICN mbre COLGO13TetA14Pnove 20h de Rodrigo Garcia
à 0 octobre 28, 29 et 3à HTH (Domaine de Grammont)
photo©Robert Mapplethorpe
durée : 2h10
Usted ha afirmado que «los escándalos se provocan por los politicos, por la distribución desigual de la riqueza entre los electos y por todos aquellos que abusan del poder (poltica, economica).» ¿Que quiere usted provocar con obras como «picnic Colgota»? Con las piezas teatrales yo aspiro a provocar experiencias estéticas. No hago panfletos. Creo que si ampliamos nuestras experiencias estéticas, somos más abiertos y aceptamos que la realidad es una montaña de interpretaciones. ¿Cómo asocia usted el Cristo con el fenómeno de la sociedad de consumo en la que vivimos? ¿Es tambien el Cristo un producto de dicha sociedad? No. Cristo y la fe cristiana no son algo banal, no puede ser que una banalidad dure siglos, no. No quiero frivolizar ese asunto. La religión comenzó siendo un alivio para las dudas. Para las dudas que los filósofos intentaron resolver por otro camino. Sabemos que no hay escalera que nos conduzca al cielo. Quiero decir, sabemos que no sabemos la verdad. No puedo burlarme de quienes se preguntan de dónde vengo y a dónde iré porque me estaría burlando de mi mismo. Vale que yo no lo hago mediante la religión, pero respeto a los desesperados y a los cobardes que necesitan de ella. El uso comercial que se ha hecho de la religión, es decir, la iglesia como sociedad anónima, sí que es puede estudiar como parte de una mercadotecnia mundial. Y el uso político que se da a la religión, se puede estudia también como otra infamia en la borgiana historia universal de la infamia, plagada de víctimas mortales.
posee una biblioteca. Intento decir que para enfrentarse a las cosas sin temor, hay que ejercitar el diálogo y debatir. ¿Sobre qué se debate ahora en una casa, en una familia? Sobre cómo llegar a final de mes con un sueldo de mierda o sobre si merece la pena salir a buscar trabajo cuando sabemos que no hay. ¿Y las familias que no sufren la crisis, qué debaten? Debaten sobre comida japonesa y gafas de Dolce y Gabana. Mientras que sus obras se inspiran por la vida cotidiana, tiene usted la sensacion de que pudiera alimentarse como artista de la crisis en Europa? Cual seria el punto mas destacable de la crisis?
R I C DU
Ponerme a hablar de la crisis de Europa no me interesa, ya tengo bastante con la radio, los periódicos y la televisión. Siempre hablé, siempre habaré, de la crisis de valores, que tiene madre: la ignorancia. ¿Usted vio algún adolescente leyendo un libro últimamente?
A R T A T L FA
¿Que piensa un autor cuanto una parte de la audiencia se va durante el espectáculo, declarandose molestado por su contenido? Pienso que ellos se equivocaron de sala, que tenían que haber entrado en el teatro de al lado. Y me da pena por el dinero que han gastado y siento tambien algo de compasión por su debilidad: cuando hay algo que me irrita, al menos yo, me quedo hasta el final. Quiero saber por qué hacen lo que hacen, por qué dicen lo que dicen, estoy capacitado para comprender y para admitir la pluralidad. Es una suerte que somos diferentes, eso nos enriquece, es un conflicto que nos enriquece. ¿Según su punto de vista, cual es el peor síntoma de la sociedad de consumo en este momento en Europa y por qué? El problema está en que ya llevamos varias generaciones de espaldas a la ética. Las familias esperan que las escuelas y las universidades se encarguen de un tabajo que les corresponde a ellos. La ética se aprende, de entrada, en la familia. Mi caso es un buen ejemplo: en casa no aprendí nada. Entonces tuve que salir por ahí a robar libros, porque no tenía dinero para comprarlos. Y aprendí ética así, nada menos que robando. No quiero decir que es ética toda familia que
Usted es argentino y vive en España. De haber tenido experiencia propia de las dos fases del colapso de una economía, ¿qué piensa sobre el «problema griego»? El problema griego… y el problema español… y el problema portugués…es la democracia. Hemos hecho de la democracia una puta. Por favor, ponga esto sin censurarlo. La gente lo va a agradecer, porque es lo que tantos piensan. Dejamos, no me pregunte como, nuestras vidas en manos de personas que no aman. Pero esto se amplía a todo el mundo. ¿Yo amo? ¿Usted es capaz de amar? Lo dudo. Creo que el hombre es una equivocación desde la aparición del lenguaje. ¿Qué hicimos con el lenguaje desde Platón hasta ahora? Pervertirlo. Me refiero al pensamieto: hemos pervertido el pensamiento y en muy poco tiempo; son escasos los siglos del hombre con lenguaje comparados a los mileños del hombre carente de lenguaje. La solución, paradójicamente, está en la poesía! Muchos poetas tienen la solucion, pero ¿usted vio alguna vez a un poítico con un libro de poesías en sus manos?
Avec Gonzalo Cunill, Núria Lloansi, Juan Loriente, Juan Navarro, Jean-Benoît Ugeux Piano Marino Formenti Musique Joseph Haydn, Les Sept dernières paroles du Christ sur la croix Création Lumières Carlos Marquerie Création Vidéo Ramón Diago Régisseur technique Roberto Cafaggini Espace Sonore Marc Romagosa Création Costumes Belén Montoliú Assistant à la mise en scène John Romão production Centro Dramático Nacional / Madrid, théâtre Garonne / Toulouse production déléguée théâtre Garonne / Toulouse coproduction Festival d’Automne à Paris Spectacle en espagnol surtitré, traduction Christilla Vasserot
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U
n groupe de ministres d’Etat d’aujourd’hui tentent de conseiller le Président Salvador Allende au cours de ses derniers jours et de sauver son gouvernement. Pourront-ils changer le cours de l’histoire ? Pourront-ils éviter les 17 années d’obscurité qui s’annoncent, et dont nous subissons encore les conséquences ? A partir de cette situation fictive, La Re-Sentida revisite et confronte plusieurs moments historiques qui révèleront l’indifférence de notre classe dirigeante et la violence politique qui a caractérisé notre pays.
L’Imagination du futur n’est pas un récit fidèle de l’histoire du Chili, que tout le monde connaît déjà, mais une fiction libre, insolente et culotée, fondée sur des faits qui ont marqué l’identité politique de notre pays. L’humour, la cruauté et le sarcasme montrent le chemin pour réfléchir à notre passé, notre futur, à ce que nous sommes et ce que nous voulons être. La Re-Sentida née en 2007, constituée par de jeunes artistes de la scène chilienne, se consacre à la recherche et à la consolidation d’une poétique capable d’incarner les pulsations, les visions et les idées de sa génération. La compagnie assume comme un devoir l’impertinence, la désacralisation de tabous et la réflexion à partir de la provocation, conférant à la création théâtrale une grande responsabilité politique et la considérant comme un outil critique, de réflexion et de construction.
net g Ma y ster y M h 0 2 à bre m du 5 au 7 nove à HTh (Domaine de Grammont) Rencontrele
avec Miet Warlop 7 nov à 10h à L’Ecole des Beaux Arts
13 et 14 novembre 20h
I
l y a un obèse affalé toute la durée du spectacle dans un trou du décor, des femmes-chevaux et des pantalons qui marchent tout seuls. Il y a des tubes de peinture qui explosent en tout sens et transforment l’espace en vaste all-over à la Jackson Pollock. Mystery Magnet est ce que Miet Warlop, artiste visuelle convertie à la scène, appelle « une boucherie de tendresse ». Cherchant son inspiration partout — dans l’art contemporain comme dans le dessin animé — elle casse, crève ou déchire avec obstination, humour et exaltation, tous les jouets de son spectacle pour mieux laisser couler le liquide tendre qui est au coeur des choses. Un spectacle tout public. Présentation Théâtre de la cité internationale Que pouvez-vous nous dire des influences qui se retrouvent dans votre travail ? J’ai indiscutablement été influencée par le modèle de la dynamique de ma famille… Je n’entrerai pas dans les détails, mais on peut dire qu’il y avait beaucoup d’imprévisible ou d’inattendu, et certaines explosions dramatiques, mais ce que j’ai surtout pu observer, c’est comment on s’est débrouillé pour dépasser tout ça... L’humour était très important dans notre famille pour compenser ou supporter ce drame – muet. Je pense que mon travail a beaucoup à voir avec tout cela. Et puis j’ai été à l’école d’art de Ghent où il y avait une grande liberté de travailler sur n’importe quel type de support. Ils nous faisaient travailler sur notre attitude dans la façon d’aborder les choses, ils m’ont appris comment les regarder, les mettre en perspective et les situer dans le monde. Ils ont fait éclaté cet univers solitaire du chez moi (et ce chez moi était un petit village dans les Flandres de l’ouest) et ils m’ont enseigné une façon de parler et de dire les choses. J’ai acquis une autre notion du bien et du mal que celle que j’avais. Des artistes comme Thomas Hirshhorn (surtout), Roman Signer, Erwin Wurm et Francis Alÿs étaient mes héros. Les films aussi m’ont beaucoup apporté ! A côté de ça, ce sont mes amis qui m’inspirent vraiment. La plupart sont également artistes ou artisans ; on discute beaucoup et on échange sur tout avec Nicolas Provost, Michael Borresmans, Raimundas Malasauskas, Michel Pornoy, Hilde d’Haeyere, Reggie Whats.
J’ai aussi remarqué que la vie n’est pas une suite de causes et conséquences et qu’elle peut donc nous surprendre par ses variations infinies, mais je crois qu’au final, les gens, les groupes et les artistes qui m’ont le plus influencée ont tous quelque part ce que j’appelle un « niveau de connerie minimum ». J’entends par là qu’on peut sentir l’honnêteté de leur caractère et la réelle recherche dans leur travail. J’aime quand un travail
reflète le plaisir que l’artiste a pris pour le faire et j’aime quand on peut sentir en même temps le sérieux qui est au bon endroit, en amont ou en aval du souffle créateur ; pas seulement dans le domaine de l’art mais dans la vie et avec les gens en général.
entre faire mal, aider et jouer nous échappe. L’horreur, c’est le moment où l’on se rend compte que l’on n’est pas quelqu’un d’autre et c’est ça qui est si effrayant. Et je crois que l’on ressent ça très souvent, à des degrés différents, dans nos vies.
Je pourrais vous parler par exemple, pour la danse de Lisbeth Gruwez et Marteen van Cauwenberghe. Pour la musique, en ce moment, ça va de Robert White à Alexander Robotnic. Je trouve que The Monks sont marrants. Le jazz aussi peut être utile pour travailler. J’aime les écrits de Raimundas Malasauskas, il y a beaucoup de niveaux de lectures à partir desquels on peut réfléchir, rire et fantasmer. J’aime l’art cinématographique de Michael Robinson et Nicolas Provost, mais si l’on parle de long-métrages, c’est Antonioni qui a ma préférence. Jeremy Deller a été inspiré par la Biennale de Venise. Roman Signer peut m’exciter. Mark Rothko peut m’apaiser si je le vois en vrai, mais pas dans un livre. J’aime aller en Italie et regarder des peintures, surtout à Rome, et surtout avec un peintre. On a beaucoup à apprendre d’eux. Louis C. K. est l’un de mes comédiens de stand-up préférés, il pourrait être un gourou, un psychologue de masse pour le monde. Ce qui m’inspire, ce n’est pas seulement l’art mais aussi des choses simples : quelqu’un qui enfonce le bout de ses doigts dans mes cheveux, ça peut réellement m’influencer, ou un voyage à travers les champs ou dans la forêt, boire un grand Frisco en haut d’une petite montagne. Les amis, l’humour, la cuisine, danser ou conduire ma voiture et laisser mes pensées affluer. J’aime la rapidité lorsque les choses avancent – c’est bien mieux de nager dans une rivière que dans une piscine.
Dans Mistery Magnet, l’histoire semble être construite simultanément à des niveaux différents, l’absence de discours donnant une singulière liberté au public. Comment travaillez-vous à ces différents niveaux de récit ?
Quand on voit Mystery Magnet, apparaît immédiatement le rapport à l’enfance, en particulier à la cruauté de l’enfance. Le corps est maltraité, toujours d’une façon drôle et cruelle à la fois. Cette relation entre l’enfance et la violence était-elle une issue consciente de votre création ? Et bien dans la pièce je vois le rapport à l’enfance à cause de cet « esprit de jeu », mais en même temps, cette malice appartient à tous les âges. Il y a aussi un côté rêveur dans la pièce ; il apparaît clairement quand la séduction devient palpable et que le beau cheval devient une image de l’aventure, de l’érotisme et de la liberté et se transforme à la fin en une grande femme. Pour moi c’est aussi de la malice, cette façon dont les choses s’étendent et voyagent dans l’espace. La dernière scène de Mystery Magnet, explosive, c’est de la « douce horreur », comme quand on sert quelqu’un si fort dans ses bras qu’en réalité on le cloue au mur, et que la limite
HUMAIN TROP HUMAIN / CDN MONTPELLIER SAISON OCTOBRE-JANVIER 2014
À l’évocation des tragédies de l’homme, notre tradition théâtrale a imposé un ton sérieux, lourd ou monotone. Le théâtre, dans notre pays, est souvent perçu comme une discipline artistique supérieure, pleine de solennité et de formalité, presque lyrique. Cela lui confère en définitive quelque chose de grave. Je crois nécessaire de lui manquer de respect, en lui insufflant une fraîcheur et une audace qui le renouvellent. Rien n’impose qu’on continue à évoquer les grands thèmes de l’humanité dans un lieu aride et obscur. Le théâtre peut amuser et ne pas être superficiel. Aucune opposition n’existe entre le fait de faire réfléchir et celui de faire rire ; ces termes ne sont pas dichotomiques. D’autres points de vue peuvent s’ouvrir : ceux de l’ironie, de la cruauté, de l’absurde et de l’humour. Ils ont un pouvoir beaucoup plus inquiétant et corrosif, et qui en somme font réfléchir. Par ailleurs l’ordre des choses a changé et le théâtre doit établir une relation avec son présent. Il a une capacité de confrontation avec son dehors. En premier lieu, nous ne pouvons pas continuer à imiter des formes et des discours artistiques passés ou dominants. Ils ont répondu à d’autres temps ; aujourd’hui ils ne sont plus à la hauteur de la situation. La tragédie et le drame nous invitent à leurs obsèques ; notre époque en fait des formes dramatiques ingénues et ridicules. Comment jouer une tragédie, quand l’authentique, celle qui se déroule à l’extérieur, nous gouverne grossièrement? Comment y faire face depuis un cube de murs noirs, éclairé par une lumière artificielle et habité par des menteurs? Comment exercer depuis cet endroit une pression sur la véritable scène politique?
accompagnant ma mère dans diverses manifestations, j’ai été témoin de la violence des militaires. Avec mon point de vue d’enfant, j’ai dénigré la dictature et admiré son contrepoint, incarné dans la figure de Salvador Allende, martyr populaire, qui incarnait une révolution démocratique et pacifique. Maintenant, ma génération, celle devenue adulte dans la période postdictature, apporte la controverse. Nous avons un regard plus critique sur le passé, nous le réévaluons pour comprendre le présent. Nous posons des questions nouvelles, des questions douloureuses qui peuvent incommoder mais nécessaires. Ce rêve valait-il la peine contre dix-sept ans de dictature et de violence? Ou contre les vingt-cinq années de « transition vers la démocratie » pendant lesquelles le système néolibéral s’est consolidé? Cette utopie était-elle possible? Pouvait-elle se réaliser dans notre pays? Ou n’a-t-elle été que le caprice d’un président bourgeois? Propos recueillis par Marion Canelas, Festival d’Avignon 2014, extraits
Vos spectacles tournent autour de l’idée de changer le monde. Comment le théâtre peut-il y participer? Ma formation académique m’a inculqué la relation inaliénable entre les pratiques artistiques et les pratiques sociales. D’autre part, elle s’inscrivait dans une longue tradition nationale de l’art socialement engagé. J’y ai acquis une éthique, une conception du devoir de l’art. Ainsi formé, j’accorde au travail théâtral une grande responsabilité politique et j’ai un ardent désir de changer la société grâce à lui. J’aimerais croire en ces paroles et prétendre que le poids du postmodernisme n’est pas tombé sur mes épaules, que les idéologies ne sont pas mortes. Mais ce que j’avance est illusoire, naïf et même absurde. J’appartiens à une autre génération, sans causes et aux convictions perméables. Mais cette conscience me donne une certaine lucidité pour réaliser les contradictions que connaît ma génération : nous obéissons à un patrimoine culturel de la philosophie et de l’éthique qui ne correspond apparemment pas à la réalité de notre époque. C’est ma profonde conviction et mon impulsion créatrice me conduit à mettre en cause chaque jour mon travail, mes convictions, ma nostalgie rêveuse et héritée. Un théâtre, aujourd’hui? Un outil d’échange social? Un théâtre politique? Est-ce nécessaire? Est-ce utile? Sommes-nous utiles? Quel changement essentiel voudriez-vous opérer dans le monde actuel?
Dans la pièce, le « Fatty » est un personnage qui a consommé le monde TOUT ENTIER. Tout le reste se passe pour lui dans sa tête. J’ai voulu faire un travail très généreux avec beaucoup d’idées, de problèmes et de beauté. Il a consommé le monde comme NOUS consommons l’art, la séduction, le désir, l’agression… tout cela se présente à lui comme un débordement de situations, d’idées, de métaphores.
Essentiellement tout. Vous êtes né en 1977. Quel est votre rapport personnel aux années Allende? J’ai vécu presque toute mon enfance dans une dictature. Évidemment, mes parents m’ont raconté les événements historiques qui l’ont provoquée ; ce qui se résume à grands traits aux années de l’Unité Populaire et au coup d’État de 1973. Durant cette période, en
Dans Mystery Magnet il y a une partie extérieure et une autre intérieure comme il y a le bout et la racine de la langue, des choses que tu clames et des choses que tu gardes pour toi, là où naissent les idées. Dans Mystery Magnet on ouvre le mur du fond pour que le public puisse découvrir l’endroit où se fabrique la magie qui nous apparaît sur la scène quand le mur est fermé. En ce sens, j’aime rendre visible l’invisible.
n ó inaci g a m I La tuà ro l fmubre d1e3 nove 20h30
Mystery Magnet créé pour le spectateur des ponts immédiats avec la peinture contemporaine. Mais comment situez-vous cette pièce au regard de l’histoire de la peinture ?
ène sc en Mise Layera Marco
Je vois Mystery Magnet comme une peinture vivante, de laquelle les acteurs sont le pinceau. La peinture est vraiment une forme d’art solitaire, intime et individuelle. J’ai beaucoup de respect pour les peintres ! Mais l’objectif ici est d’élargir le canevas et l’action de la peinture à un plan d’actions où le monde extérieur vient éclabousser la toile vierge, « libre », pour en exprimer des interprétations diverses. Je sais que dans Mystery Magnet il y a beaucoup de références aux arts, mais les arts font partie de nos vies, on vit avec, on y réfléchit et on essaye d’ajouter quelque chose, à travers des questions ou des propositions, pour créer une approche nouvelle faite de ces choses qui ont déjà existé auparavant dans la peinture, la performance et le théâtre.
1ont)5 h 9 1 à bre et 14 noveà m HTh (Domaine de Gramm durée : 45mn
Miet Warlop, propos recueillis par HTh, mai 2014
Tanghe, Laura Vanborm/Artemis Stavridi & Miet Warlop f Coenen/Christian Bakalov, Sofie Durnez, Harold Henning/Wietse Avec Ondrej Vidlar/Fernando Belfiore, Seppe Baeyens/Kristo r Nicolas Provost • Assistant à la dramaturgie Namik Mackic extérieu Regard • k • Son Stefaan Van Leuven & Stephen Dewaele Scénographie Miet Warlop assistée de : Sofie Durnez & Ian Gyselinc esarts, Brussels & Göteborgs Dans & Teater Festival festivald Kunsten Cottem & Ian Gyselinck • Production CAMPO • Co-production • Technique Piet Depoortere, Bart Vanbelleghem, Bennert Van Gent Vooruit, avec the European Union • En collaboration in the frame of NXTSTP, Avec l’aide de Culture Programme of P 14
photo©Reinout Hiel
durée : 45mn
Avec Ondrej Vidlar/Fernando Belfiore, Seppe Baeyens/ Kristof Coenen/Christian Bakalov, Sofie Durnez, Harold Henning/Wietse Tanghe, Laura Vanborm/Artemis Stavridi & Miet Warlop Scénographie Miet Warlop assistée de : Sofie Durnez & Ian Gyselinck • Son Stefaan Van Leuven & Stephen Dewaele • Regard extérieur Nicolas Provost • Assistant à la dramaturgie Namik Mackic • Technique Piet Depoortere, Bart Vanbelleghem, Bennert Van Cottem & Ian Gyselinck • Production CAMPO • Co-production Kunstenfestivaldesarts, Brussels & Göteborgs Dans & Teater Festival in the frame of NXTSTP, Avec l’aide de Culture Programme of the European Union • En collaboration avec Vooruit, Gent
photo©Reinout Hiel
conception
arlop W Miet et direction
Que reprochez-vous aux formes actuelles et dominantes de l’art?
HUMAIN TROP HUMAIN / CDN MONTPELLIER SAISON OCTOBRE-JANVIER 2014
P 15
De et avec Allexandre Santos, Andrez Lean Ghizze, Cipó Alvarenga, Cleyde Silva,Datan Izaká, Fábio Crazy da Silva, Fagão, Izabelle Frota, Jacob Alves et Marcelo Evelin Coréalisation Théâtre de la Cité internationale (Paris) ; Festival d’Automne à Paris Avec le soutien de Funarte (2008) et de la Lei de Incentivo Estadual do Governo do Piauí/SIEC/FUNDAC. Spectacle accueilli en résidence artistique au Hetveem Theater (Amsterdam) et au Centre Chorégraphique de Rio de Janeiro. Spectacle co-accueilli avec Montpellier Danse.
13 et 14 novembre 20h
M
arcelo Evelin, nom illustre de la jeune danse brésilienne, aura donc adapté trois fois le roman Hautes Terres d’Euclides da Cunha. Dans Sertao, il s’intéressait aux paysages arides du roman, dans Bull Dancing aux hommes qui le hantaient. Dans Matadouro, l’action prend le dessus. Ici, le corps devient un champ de bataille, la métaphore de mille conflits: entre centre et marges, sauvagerie et civilisation, territoires perdus et monde globalisé. Sur un quintette de Schubert, les 8 interprètes de Matadouro se vouent sans relâche à une lutte infatigable et conduisent leur corps vers un état limite, combat à mort et en rond.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler sur le roman d’Euclides da Cunha? Est-ce une façon de parler du Brésil? Vous sentez-vous un artiste ancré dans la tradition brésilienne? Euclides da Cunha est un écrivain très important au Brésil. Et puis je viens d’une région très proche du Sertao où se passe son roman. Le Sertao est une région un peu mythologique pour les Brésiliens: un endroit très désert, très pauvre, où la végétation diffère beaucoup du reste du Brésil, une terre distante avec une identité particulière, ses propres mythes, ses démons. Même si j’ai vécu à l’étranger, je reste très attaché culturellement à mon pays et travailler sur ce roman, c’était un moyen pour moi de retisser un lien avec le Brésil. Par exemple, j’utilise la figure géométrique du cercle dans Matadouro, qui est une figure très proche de nous dans le Nordeste: pour les jeux d’enfants, les danses, les discussions entre amis, on se met beaucoup en cercle. D’autre part, la guerre de Canudos que le roman raconte, il me semble qu’elle a beaucoup d’échos avec le Brésil contemporain. Le livre raconte l’histoire de gens ordinaires qui luttaient contre le pouvoir militaire, qui réclamaient seulement qu’on les laisse vivre selon leur désir. Au moment où j’ai commencé à travailler sur ma trilogie, en 2003, il me semblait que le Brésil qui grandissait, qui se développait, vivait une situation un peu comparable d’opposition entre les très riches et les très pauvres, où les désirs des uns comptaient mais pas ceux des autres. Vous avez choisi de faire une trilogie de ce roman? Oui, parce que le roman a trois parties. La Terre qui évoque la géographie ; L’homme qui parle des gens du Sertao ; et La Guerre. En fait, on dit la guerre, mais c’était plutôt une bataille. Les militaires avaient des armes très technologiques pour l’époque, et les gens en face n’avaient rien, des bouts de bois. Ils ont tous été tués. Personne ne s’est rendu. Matadouro est donc une chorégraphie de bataille? Oui et je me demandais comment le faire. Je ne voulais pas représenter une bataille. À ce moment-là, je lisais Giorgio Agamben qui parle beaucoup des corps tuables d’Auschwitz. Des corps qui ne peuvent rien faire que résister. J’étais très impressionné par cette idée de résistance même quand on sait que la situation est perdue. Cette idée nourrit la pièce. On court pendant 57 minutes et on ne court pas n’importe comment: on garde une distance réglée entre nous, on suit la musique, on a de grands couteaux attachés à notre corps qui sont le genre de couteaux utilisés pendant la Guerre de Canudos. Et cette course, littéralement c’est une bataille. Pas contre un pouvoir extérieur, mais contre l’ennui intérieur installé en nous. C’est dur de tenir, physiquement et mentalement. On a l’impression que ça ne va jamais finir, on est soumis au rythme de la musique et pas à son rythme propre. Pourquoi avoir choisi la musique de Schubert pour régler cette course? Il y a plusieurs raisons. D’abord, c’est une musique que j’aime beaucoup, une musique de mort, mais une mort assez belle, une mort d’amour. J’ai découvert après que c’est la dernière musique que Schubert a composée avant de mourir, alors qu’il était déjà malade. Une autre chose, c’est que je voulais avoir un rapport avec l’autre côté du monde. J’aurais pu choisir une musique brésilienne, mais je me serais senti enfermé. Je ne vois pas les choses si séparées entre ce monde-ci et celui-là. Enfin, Schubert était autrichien. Et c’est une façon, un peu en biais, de convoquer la figure d’Hitler, parce que Matadouro vient en partie de la réflexion d’Agamben sur Auschwitz.
Matadouro
Pour revenir sur Auschwitz, votre chorégraphie pour Matadouro semble très carcérale: les danseurs courent en rond, ils doivent respecter la distance entre eux, ce n’est pas une course joyeuse et il y a très peu de cassures, de coupures, de libérations.
Conception Marcelo Evelin Demolition Inc
h 0 2 13 et 14 novemà bre hTh (Grammont) durée 1h05
Oui, c’est quelque chose à quoi on n’échappe pas. Je voulais installer une situation sans issue. Ce n’est pas un conflit qu’on va pouvoir résoudre, c’est un conflit qui porte sur le fait d’être humain dans le monde. C’est une résistance sans espoir, littéralement, parce que le monde est un système, un système économique, un système des identités, un système rigide auquel on ne peut pas échapper. Les petites cassures, les petits accidents qu’il y a dans la pièce, ce sont comme de petits soulagements, un instant, un instant où l’on est libéré de cette force qui nous abat, un petit moment de poésie mais qui ne dure jamais.
Les danseurs sont tous revêtus de masques, est-ce une façon de renouer avec la culture populaire? Non, pas vraiment. Pendant des années, j’ai acheté des masques, sans savoir pourquoi. Des masques qui viennent d’Amérique du Sud, du Pérou, d’Équateur, mais aussi des magasins SM de Berlin, ou des magasins pour enfants. L’idée du masque, c’est de ne pas donner l’identité du visage: je ne voulais pas avoir à faire à des gens, mais à des corps, à des puissances pour reprendre le mot de Deleuze. Pour moi, cette bataille c’est une bataille des corps, des existences, pas des identités. Quand je vois de la danse, souvent, je vois les visages et ça me gêne — je voulais défigurer, cacher. Et bien sûr, il y a un rapport avec les gens qu’on amène nus devant un mur et dont on bande les yeux pour les exécuter. On dit que c’est pour les empêcher de voir la mort, mais je trouve cela hypocrite: en fait, c’est pour nous empêcher de voir la douleur des personnes. Justement les danseurs sont nus. J’aime beaucoup la nudité. Dans mon travail, ça m’a pris du temps d’accepter de demander à mes danseurs d’être nus, et de moi aussi être nu. Oui, ça m’a pris du temps d’accepter une nudité pas érotique. La nudité c’est un état de reddition, le corps est dans un état de fragilité, de vulnérabilité. Pendant la guerre de Canudos, les paysans étaient démunis de tout ; ils n’avaient rien pour lutter, rien pour se défendre. D’un autre côté je pense que la danse c’est avant tout le corps, et je pense que les vêtements donnent un côté culturel au corps dont je voulais me libérer. La nudité nous aide à essayer de devenir nous-mêmes. Ca semble paradoxal mais c’est le paradoxe de la nudité: elle contient une opposition entre la fragilité et la puissance du corps, les deux sont là en même temps. Marcelo Evelin, entretien réalisé par Stéphane Bouquet, juillet 2013, extraits
MARCELO EVELIN: «Mon travail surgit de l’entrelacs du Brésil et de l’Europe.» Marcelo Evelin a vécu de nombreuses années en Europe puis est revenu au Brésil où il a fondé à Teresina le Núcleo de Dirceu. J’aimerais que vous résumiez votre parcours dans la danse et le théâtre contemporains, ainsi que les raisons qui vous ont conduit à partir d’Europe pour revenir à Teresina. L’idée de contemporanéité dans la danse et au théâtre a commencé à m’apparaître à la fin des années 70, au Brésil, lorsque j’ai participé à un projet du Théâtre de l’opprimé avec Augusto Boal – qui revenait amnistié au Brésil. J’ai aussi commencé des cours de danse avec Klauss et Angel Vianna et Graciela Figueroa à Rio de Janeiro. Je n’ai opté pour la danse, et su que ce serait pour la danse contemporaine, qu’en 1986 à Paris, quand je suis venu étudier et que j’ai pu me rendre compte que c’était là que résidait mon champ de recherche et d’intérêt. Je suis revenu à Teresina parce que j’ai accepté la proposition de diriger un théâtre en périphérie de la ville et d’y développer un centre de création. Je commençais à sentir que mon travail n’était plus si important en Europe, et je voulais que ma danse s’intègre à un processus social et politique qui était en train d’avoir lieu au Brésil. Je sentais qu’ici je pouvais faire des choses, et que cela modifierait aussi mon propre travail. Vous êtes passé par la compagnie de Pina Bausch. Comment ce contact a-t-il influencé votre trajectoire? Cela m’a influencé totalement. Je suis parti du Brésil à la recherche de Pina, que j’avais vu danser pour la première fois au Brésil en 1980. Dans sa compagnie, le Tanztheater de Wuppertal, j’ai beaucoup appris, pratiquement tout: sur le caractère de la danse, sur la dramaturgie du corps, la présence et la vérité scénique, et les possibilités qui naissent d’une impossibilité. Pina a été pour moi comme un phare, qui brille encore aujourd’hui. Et même davantage encore aujourd’hui, parce qu’elle est partie et que je me sens quasiment responsable (comme bien d’autres) de son héritage. Comment est née la possibilité de formation du Núcleo do Dirceu, et comment se sont passés les premiers temps avec la communauté? Quelles sont vos impressions sur cette première période de travail là-bas? Tout s’est fait au Teatro Joao Paulo II, parce que l’idée était de créer une plateforme d’art contemporain dans ce lieu isolé et avec si peu d’accès à l’information. Les personnes ont commencé à surgir de là, du voisinage, cherchant quelque chose à faire. J’ai modelé petit à petit ces nécessités et ces intérêts et tout cela a donné le Núcleo do Dirceu: une sorte de « condition » créée pour stimuler et appuyer les recherches et le développement des projets personnels des personnes engagées / intéressées. L’organisation des tâches dans le Núcleo se veut horizontale et prétend considérer la production et la connaissance de l’art comme des formes collectives et collaboratives. Comment cela fonctionne-t-il dans la pratique? Notre organisation a toujours été horizontale, sans hiérarchie, mettant l’accent sur la recherche d’autonomie. Nous sommes aujourd’hui indépendants des institutions gouvernementales et nous considérons
chaque fois davantage notre travail comme partie prenante d’un processus social et politique de transformation. Il n’existe pas de modèle fixe, tout est malléable, adaptable, et ça c’est un combat permanent. Le fait de fonctionner en communauté, de travailler en collectif, est une tâche ardue, c’est impossible de décrire précisément comment ça se passe. Je crois que cela tient à une recherche constante, quotidienne et persistante. Au-delà du travail de formation et de diffusion, le Núcleo produit des spectacles, des performances, des résidences. Pourriez-vous décrire le processus créatif du groupe et l’esthétique qui s’en dégage? Il y a de tout. L’idée c’est que chacun découvre sa propre esthétique, ses propres stratégies, sa façon de formuler, et qu’il puisse partager tout cela avec les autres artistes et avec les gens de la communauté, à travers des spectacles, projets, interventions etc… Il n’existe pas « un » processus unique ni « une » manière de faire. A chaque fois nous nous organisons selon les nécessités du moment, en essayant de lier la pratique à la théorie, l’art au positionnement politique, le plaisir au travail. Diriez-vous que votre travail est le résultat d’une intersection entre des éléments authentiquement brésiliens - et présents au sein de la communauté dans laquelle vous agissez - et européens, rapportés dans vos valises après tant d’années passées à travailler hors du pays? Mon travail naît de l’entrelacement du Brésil et de l’Europe, du dedans et du dehors, de ce qui est à moi, ce qui ne l’est plus et ce qui ne m’appartiendra jamais. Je trouve que le mot « authentiquement » est très compliqué, je ne crois pas en quelque chose d’« authentique ». Mon travail est une négociation constante entre ces paramètres, ces savoirs, toutes ces références rencontrées sur mon chemin et qui ellesmêmes s’altèrent dans l’acte de faire. Comment se passe le processus de formation d’un pôle d’art contemporain lié au travail du corps dans une région du Brésil éloignée des grands centres (Rio de Janeiro et Sao Paulo) qui généralement concentrent ce genre d’initiatives? Existe-t-il un risque de dériver vers une sorte de « colonialisme culturel » dans ce contexte? Il y a beaucoup de risques. Ce que je craignais le plus c’était de faire une sorte de « transposition » fondée sur une idée post-colonialiste. Je redoutais aussi de rentrer dans le schéma du « projet social », de « travailler avec les pauvres et les déshérités », d’enseigner à « celui qui ne sait pas ». Je suis revenu dans la ville d’où je viens, au lieu où je suis né, et je connaissais bien cette réalité. Alors je me suis placé dans la peau de l’apprenti. J’ai vraiment beaucoup appris pendant ces cinq années au Brésil, bien plus que je n’ai enseigné. Quels chemins ont été ouverts pendant ces presque cinq ans de projet? Quels vestiges, ou quelles traces de votre travail perdurent (aussi bien au niveau de la communauté qu’au niveau personnel) Le travail continue, dans une résistance féroce contre l’ignorance, la xénophobie, la misère, l’indifférence, qui sont dévastatrices dans ces régions précaires. On a fait beaucoup de choses, mais il reste encore beaucoup à faire. Je ne pense pas en terme de résultats, je ne veux pas de médailles d’honneur ou de mérite, je ne me suis pas fixé un objectif à atteindre. Je veux continuer à faire, à échanger, à inventer des possibilités autres, en essayant de déstabiliser les modèles conventionnels et rigides où s’exerce un pouvoir souverain. Des sillons sont tracés, sont effacés, modifiés, suivis par les uns, déviés par les autres. L’important c’est le chemin, quel qu’il soit. L’important, c’est de continuer à faire. Quelle direction le Núcleo do Dirceu doit suivre à présent? Le Núcleo doit exploser comme un atome et ses fragments doivent se répandre librement. Mais pour le moment c’est important de rester là en tant que plateforme ouverte et autonome à Teresina, parce que nous avons besoin de continuer ce processus de décentralisation, de déplacement des axes. J’aimerais que le Núcleo se transforme en quelque chose comme de la vapeur, qui puisse entrer que les interstices des portes, qui se mélange à l’air des villes, qui enivre ; qui insuffle un nouveau type de respiration aux poumons du monde et s’installe dans les corps comme une substance invisible, mais puissante. * Marcelo Evelin, entretien avec Regina Rossi, © Goethe-Institut Brasilien-Redaktion, décembre 2010 *En 2013, Marcelo Evelin a quitté ses fonctions de directeur du Núcleo de Dirceu
Conférence tour de de??????????, au Matadouro, le 12 novembre à??h à La Panacée
HUMAIN TROP HUMAIN / CDN MONTPELLIER SAISON OCTOBRE-JANVIER 2014
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Mode d’emploi Consignes pour un théâtre sans spectateurs
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La première instruction: arrête de lire ! Comme pour les jeux (et l’électroménager), il est plus facile de découvrir les règles en jouant. Si tu préfères ne pas suivre la première instruction, voici les autres:
Des projets comme Domini públic, La Consagración de la primavera ou Pendiente de voto naissent sans l’aura que Benjamin attribuait à une grande partie de la création préindustrielle et que le théâtre s’est attaché à conserver au cours du XXe siècle. Ce sont des spectacles qui, au lieu de se baser sur la présence et les émotions de l’interprète, s’affirment sur un vide auquel les spectateurs devront faire face.
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Tu penseras que dans mes spectacles il n’y a ni acteurs ni scénographie. Tu ne pourras pas t’identifier avec les individus et objets qui devraient peupler la scène. Tes seules coordonnées seront quelques signes sur une scène où il n’y aura pas d’autres habitants que toi et les autres spectateurs. Tu seras acteur du spectacle. Il n’y aura pas de spectateurs.
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Tu seras interpelé et invité à répondre. Tu devras décider si tu continues à suivre les indications ou si tu te mets en marge. Ce sera avec tes réponses – ou tes silences – que le spectacle prendra forme. Tu seras coresponsable du spectacle. Ton rôle en tant que spectateur sera celui d’un avatar qui assume une identité pour être le héros d’une histoire. Ta responsabilité sera circonscrite au temps et à l’espace de la fiction.
Ces spectacles ne poussent pas à la participation. Ces dispositifs sont inertes jusqu’à ce qu’un ou plusieurs spectateurs leur donne vie. Si tu décides de ne pas les utiliser et qu’aucun spectateur ne le fait, le spectacle se déroulera virtuellement, comme lorsque tu lis une pièce de théâtre ou un roman.
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Aucun spectateur n’aura le privilège d’observer ce que font les autres depuis l’extérieur. Même si tu es l’un des spectateurs qui décident de ne pas participer, tu feras partie du dispositif. En suivant la même métaphore, tu fais partie du livre à partir du moment où tu décides de le lire, même si tu sautes certains paragraphes ou des chapitres entiers.
LE SACRE DU S PRINTdEu MP 18 au 21
Musique: Igor Stravinsky
Mise en scène Roger Bernat d’après la chorégraphie de Pina Bausch
bre à Carrière (Domaine d’O) novemâtr au Thé e Jean-Claude h 0 2 durée: 45 mn
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Tu prendras des décisions qui ne seront pas partagées par le reste des spectateurs. Le mécanisme tend à t’individualiser. Cette solitude, qui est plus fantasmatique que physique étant donné la présence des autres spectateurs, s’accentuera parce que, comme Agamben le souligne, le dispositif tend à l’évacuation de toute autorité1. Tu ne seras pas face à un système fort que tu devras affronter en utilisant l’union comme une arme et, par la même occasion, en créant une sensation de communauté. Ici tu te sentiras seul.
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Le dispositif t’isolera et te mettra face à tes propres désirs (de spectacle). Plutôt que d’assister à un spectacle, tu le traverseras. Et tu te demanderas pourtant ce que veut dire faire partie d’une communauté ou si cela a un sens d’en parler. En d’autres mots, tu te demanderas à quoi on fait référence quand on dit nous.
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À la différence du spectateur qui croit pouvoir juger depuis son fauteuil, tu seras immergé dans un dispositif dans lequel tu devras t’orienter sans jamais savoir si tu choisis la voie correcte. Il te sera difficile de juger et tu quitteras probablement la salle en te jugeant toi-même, en te demandant si tu as bien agi. Le spectacle n’a pourtant pas de formalisation idéale. Chaque nouvelle représentation crée de nouvelles formes.
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Le prix que tu devras payer pour jouer sera de faire partie d’un dispositif qui dans un premier temps te semblera étranger. Tu seras immergé dans un mécanisme dont tu ignores les objectifs et dont tu crains les obligations. Tu devras obéir ou conspirer ou, dans une version perverse de l’équation, obéir en conspirant. Mais, en tous les cas, tu devras payer de ton propre corps et t’engager.
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Enfin, moins une instruction qu’une consolation, selon le physicien Archibald Wheeler: « L’univers, d’une manière étrange, n’existe-t-il pas grâce à la participation de ceux qui participent? L’acte vital est l’acte de participation. La participation est le nouveau concept irréfutable offert par la mécanique quantique. Elle remplace le terme ‘observateur’ de la théorie classique qui désigne l’homme qui se sent en sécurité derrière un épais verre protecteur et observe ce qui se passe sans y prendre part.»2
Roger Bernat 1. Giorgio Agamben, Què vol dir ser contemporani?, 2008. 2. John Archibald Wheeler, Gravitation, 1973
Teorie della relatività
S
Roberto Fratini
i è detto che l’obiettivo primario di ogni teatro basato sull’interazione o interferenza tra pubblico e performance è che la collettività dia spettacolo di sé a se stessa: specie di performatività guidata che riproduce, isola e rilancia il carattere ormai incondizionatamente scenico della vita collettiva fuori dal teatro, la performance, per cosí dire, della convivenza sociale. Per lo stesso motivo, gli errori di concezione che circondano nel “teatro come realtà” il concetto di interazione, o di partecipazione o di immersione, sono molto simili alle sviste di percezione che, nella “realtà come teatro”, affliggono la recita culturale che la collettività sognante o delirante da di sé a se stessa (questo recital senza sponde è ciò che Débord aveva chiamato società dello spettacolo; che Goffman ha interpretato quasi senza variazioni come comportamento scenico nella vita quotidiana; che Baudrillard ha infine ribattezzato “schermo totale”). La gente si culla nell’illusione sconsolatamente posmoderna che il suo malore strutturale o conflittomadre sia di tipo psicologico, quando di fatto e a tutti gli effetti, la malattia primitiva della società è di ordine morale. Analogamente, benché l’intento dichiarato di molto teatro partecipativo o immersivo sia didattico, dialettico o politico, la sua maniera di operare e i suoi effetti sono più psicagogici che etici, più viscerali che intellettuali. Ma il fervore dell’esperienza come valore tende a obliterare il potenziale che l’esperienza fuori da sé può possedere in termini di riflessione sulla vita o sulla storia (l’esaltazione dell’esperienza, negli ultimi anni, maschera uno straordinario impoverimento del concetto di vita). Accade insomma che la sudorosa intensità del coinvolgimento performativo del pubblico, il valore immanente dell’esperienza offerta né cerchi né propizi il ripensamento che trasforma le esperienza in vita, e che a partire dall’esperienza dello spettatore singolo o del congiunto degli spettatori darebbe adito a ripensare storia e presente come biografia della collettività. Persino la confusione delle etichette, “partecipazione” e “immersione” sembra alludere alla strana ambivalenza di un teatro che si vorrebbe politico e che flirta quasi invariabilmente con il rituale e con i suoi accaloramenti e accanimenti. Il risultato è paradossale: essendo la dialettica nemica per definizione degli atteggiamenti mitici, cioè delle spiegazioni o dei grands récits che alimentano il rito, la liturgia e l’orgiasmo collettivo, un teatro che aspiri a dirimere o dibattere con il concorso di un pubblico reale le storture della realtà, finisce quasi sempre per appagare quel pubblico con una esperienza di commozione e coinvolgimento, una “animazione” in senso lato che ammortizza qualunque seria possibilità di dibattito. Nulla è più potenzialmente dogmatico o più mistico che l’entusiasmo partecipativo di certi teatri rivoluzionari, protestatari o contestatari.
Nel caso specifico del teatro di partecipazione, dunque, prima ancora di sdipanare la strombazzata liturgia della sua stessa copresenza e co-immanenza, il pubblico è generalmente chiamato a esprimere la sua mitologia fondamentale: credersi altra cosa da ciò che è. Credersi dunque non già pubblico (con quanto di avulso, anonimo, sostanzialmente astratto comporta la parola) ma comunità, popolo o succedaneo di una collettività già emendata del suo caos e della sua imperterrita vocazione all’ingiustizia e alla disuguaglianza; comunità innocente: credersi attore o performer à semplicemente il corollario di questa prima assunzione di ruolo, del pubblico come buon interprete di un ruolo collettivo che di fatto non è suo se non al prezzo di una finzione. La drammaturgia come arte della problematicità, modo di stanare le patologie della realtà si vede ridotta – per usare una opposizione creata da Paul Virilio, a taumaturgia, terapia miracolosa, effetto mistico di persuasione. Di qui la seconda ragione di paradosso: in un teatro che fonda sulla presenza del pubblico vero tutto il suo anelito di verità, tutto il suo riscatto dalle abiezioni e simulazioni del linguaggio, il pubblico diviene per norma la prima finzione. dubbio.
Rencontres ec le
Roger Bernat av public les 18,19, 20 et 21 novembre à l’issue s des représentation
López sé-Manuel
ray,
más Alzoga
Velarde, To
Garduño, Jo onga, Ray al ill V ía ar loza, M i Salinas de: Txalo To da et Vian llaboration ardona, Annel Estra Avec la co C gas, Diana Brenda Var nique: Txalo Toloza ch te n Directio sa go Espino vedra Vial Son: Rodri ristóbal Saa -Klara González C an Ju : éenne n Éditio e: Marie lone), nion Europ n de l’imag ylich ions (Barce utien du Fond de l’U ra cc F u s d ré ro P Conceptio eb aF ec le so Elèctrica ion: Helen exique) av re Lliure et Coordinat ersales (M /FFF, Teat sv at an n Tr er l B r va nie Roge e/INAEM ls et Festi ra y Deport ion Compag Ajuntament Cambri ps cion, Cultu Coproduct s/ ca n u d io E cc du Printem e d ·la stal nd Le Sacre tion historique. Ministerio te e d Festival In en e n id O . l’a e. Avec maine d’O ans la salle t en 1975 une adapta rs sont au Mexiqu avec le Do à entrer d h fi ectateu co-accueilli On l’invite e x. ina Bausc cl P au t ta n n ec ent. Les sp o ca sp dernier, d entrecrois s fils de 3 s’ le n èc et sa si rs es u u d tr te es écou portants es des au au public d les plus im qui divergent les un à la fois. On remet des ballets le régraphie lè n o al l’u ch ar y, e p n sk u en in et ix av u tr vo je S r n es o u D d’Ig voix. étant plusieurs cle, celui-ci On entend x du specta au p ci n ri p les acteurs
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L
e Needlapb de Jan Lauwers et son collectif : acteurs, danseurs, musiciens, est avant tout un moment de convivialité, de fête et de surprise.
Ce laboratoire de recherche qui réunit une dizaine d’artistes devient un espace singulier, où le temps de la représentation cède la place au temps de la création, avec ses matériaux éclatés, fragmentaires, issus des multiples expérimentations qui accompagnent le travail de la Needcompany.
« Nous organisons ces ʺlabosʺ deux fois par an. L’idée est née de la nécessité de continuer à inspirer ce groupe de comédiens. On prend également le temps de poser des questions fondamentales. Pourquoi montons-nous sur scène ? Quelle est encore la signification du ʺquatrième murʺ ? etc. Nous nous réunissons une semaine avant d’inviter le public. Chacun apporte de la matière sur laquelle il travaille. Parfois, cette matière resurgit plus tard, dans un spectacle conventionnel, mais souvent, elle reste inexploitée. Le Needlapb est une occasion de la tester. Pour le reste, il n’y a rien : le décor, c’est tout simplement la salle, chacun porte les vêtements qu’il aime porter, et il n’y a pas d’accessoires. Ce qui est particulier à cette formule, c’est que le temps est tellement compté que tout doit être en équilibre dès le premier instant. Ce qui est miraculeux, c’est que de fait, ça marche. Comme le disait déjà James Joyce : ce que l’artiste fait de plus intéressant, ce sont les petites choses qu’il griffonne pendant qu’il est occupé à faire autre chose. » « Le Needlapb n’est pas un atelier. On essaie des choses, mais en gardant le rythme et la forme d’un spectacle. On ne s’arrête pas de jouer, on ne reprend jamais une scène par exemple. Je pense que l’œuvre en marche est le seul but du théâtre. En ce sens le Needlapb convient très bien à notre démarche. » En somme, il s’agit pour Jan Lauwers aussi bien d’un état d’esprit que d’une façon d’envisager la création comme une forme ouverte, en chantier. D’après Irène Filiberti ; Jan Lauwers interviewé par Pieter T’Jonck, De Tijd, 25 juin 2003 et Hugues Le Tanneur, Aden, 31 mars 2004
H
omme de théâtre, écrivain, cinéaste, plasticien. Comment vous définissezvous ?
Ni metteur en scène, ni peintre, ni écrivain, ni cinéaste. Je suis simplement un artiste qui tente d’utiliser tous les médiums de la création artistique. N’est-ce pas la seule façon de survivre ? Pourquoi se limiter ? L’art ne doit pas se spécialiser. L’art commence lorsque la pensée en est encore à ses balbutiements. Laissons la spécialisation à la science ou à la philosophie. En matière d’art, je préfère utiliser d’autres termes, comme l’« hystérie ». Aux yeux des philosophes, les artistes non spécialisés sont très intéressants. Ensemble, nous finissons par atteindre une sagesse générale. Voilà le but final : parvenir à la sagesse. Mais l’échec est à chaque fois au rendezvous, et c’est cet échec que l’on nomme la beauté. Je fais appel à autant de moyens d’expression différents que possible. Au début, c’était une source de frustration, mais à présent c’est une bénédiction, je n’en ai plus peur. L’agitation que cela provoque est un moteur. Chaque médium suscite d’autres questions. Dans les arts plastiques, on doit détruire sa virtuosité, alors que dans le monde du théâtre il faut la respecter. Cela m’a pris vingt ans pour comprendre le médium « théâtre » qui est un mélange de contact avec le public, de vulnérabilité des acteurs, de virtuosité et de vanité de ce médium, d’applaudissements – la tragédie du théâtre.
Needcompany présente
NEEDLAPB XXI
de Jan Lauwers & Needcompany
20h mdebre 26 ànove Grammont) hTh (Domaine durée indéterminée
Quand j’ai commencé le théâtre, je ne m’intéressais pas au théâtre classique et je ne connaissais pas son répertoire. La première pièce à laquelle j’ai assisté était une performance de l’artiste allemand Joseph Beuys, au cours de laquelle il enlevait de la graisse d’un mur. La profonde dépression de ses performances et de ses dessins m’intéressait. C’était en 1976, une année cruciale dans ma vie de jeune artiste. J’ai vu la grande exposition de dessins de Joseph Beuys au musée d’art contemporain de Jan Hoet à Gand, c’était l’année d’Einstein on the Beach de Bob Wilson et de Philip Glass, sans oublier le premier album des Sex Pistols. En première année à l’académie des beaux-arts, je découvrais les écrits conceptuels d’Art&Language, Joseph Kosuth, et tout le monde lisait Wittgenstein. J’étais un jeune homme très inquiet, qui voulait à tout prix signifier quelque chose. Que vouliez-vous dire, à l’instant, en associant les applaudissements à une tragédie ?
ke Beckman, Anne n Barkey, Jules ure, Benoît Fa n Avec Grace Elle lie Ju , hl Petter Da Bonnema, Hans ed Toukabri, Seghers, Moham n rte aa M b, Go s. tre au tre elletti, en Catherine Trav Vanneste • oduction Chris uction Directeur de pr Demey • Prod in le jo nique Mar és rit to Au s Directrice tech de n ie • Avec le sout Needcompany s flamande
Au théâtre, les applaudissements sont un rituel magnifique. Mais en même temps, ils freinent le développement de ce médium, parce qu’ils mettent trop l’accent sur l’aspect divertissement. Les applaudissements viennent toujours comme une impulsion de groupe émotionnelle, et ils sont un très mauvais indice de qualité. Les applaudissements s’adressent aux comédiens ou aux danseurs, pas à l’art. Moins l’art est applaudi, mieux il se porte. C’est une grave erreur de penser que lorsqu’une représentation est très applaudie, c’est qu’elle était d’une grande valeur artistique!
Dans votre approche transversale, recherchez-vous en fait la Gesamtkunstwerk, l’œuvre totale ? Le mot Gesamtkunstwerk est un peu trop lié à Wagner à mon goût. Il ne faut pas remplacer Dieu par l’art. Pourtant, j’essaye de produire une œuvre aussi totale que possible. Dans mes œuvres théâtrales, différentes énergies sont toujours en action en même temps. Le centre et la périphérie ont la même valeur, ce qui crée une ouverture. À ce moment-là, le spectateur doit devenir actif. La musique a elle aussi une influence immédiate et importante sur la dramaturgie de l’image. En mettant simultanément en œuvre plusieurs médiums, le sous-texte devient plus important que le texte. Dans mes œuvres plastiques aussi, l’interaction est importante. C’est justement cela qui procure cette énergie dans les différentes chambres. Et pour vous, dans votre travail, que signifient les arts plastiques ? C’est le centre contemplatif de mon travail et de ma vie. Sans ce médium-là, les autres n’existent pas. C’est ma solitude nécessaire. Mon seul moment vraiment privé. Quel est votre rapport aux images ? Quand tout est image, quand on voit tout comme une image, tout est plus simple. On est sauvé. La vie est plus facile à digérer. Andy Warhol l’a dit très clairement. Il suffit de penser à une publicité de Coca-Cola. Ce n’est pas du Coca. C’est simplement une image. Mais qu’estce qu’une image ? Notre vocabulaire est vraiment pauvre en la matière. Si tout est image, quand donc une image est-elle une IMAGE ? C’est dans ce contexte que j’ai développé le concept de l’image-limite. Une image-limite est une image qui continue d’exister dans la mémoire. Et c’est là que se rejoignent tous les médiums dont je me sers. Que l’on sorte d’un musée ou d’un théâtre, si une image s’est ancrée dans la mémoire, cette image anéantit le temps réel et elle devient une image-limite. C’est cela qu’il faut rechercher en tant qu’artiste. L’art qui privilégie l’aspect intellectuel plutôt que les émotions est nécessaire, mais il n’est pas nécessairement le meilleur art. L’art qui se limite à insister sur l’aspect émotionnel devient vite terriblement ennuyeux. Chercher l’équilibre, voilà de quoi il s’agit. La chambre d’Isabella, un texte écrit et monté en 2004, est très sentimentale, si je peux utiliser ce mot. Dans ce spectacle, j’étais moi aussi sur scène, vêtu d’un costume blanc. Je voulais susciter une réflexion sur le fait que de nos jours, on se focalise davantage sur l’artiste que sur l’art. Mais je pense que cela n’a pas vraiment été compris. Quand Molière a écrit Le Misanthrope et en a joué le rôle principal, il a été jeté en prison car il parlait de lui-même ! C’est l’ironie du temps qui a fait que La chambre d’Isabella devienne un spectacle populaire international. En observant l’évolution de l’art de ces vingt dernières années, ou plutôt son adaptation aux aspirations de notre époque, au côté spectaculaire et glamour de notre culture, la façon dont il se manifeste en tant que phénomène mondial, je suis découragé. L’art est trop transitoire, trop soumis aux mécanismes du marché. Plus personne n’y échappe. Nous vivons à une époque lâche et mensongère. C’est la raison pour laquelle on cherche le salut dans un réalisme superficiel. Loft Story est qualifié d’avant-gardiste, et la photographie de guerre est élevée au rang d’art. On a besoin de formes très identifiables. Le fait que je ne fasse que des polaroïds d’objets que j’ai réalisés moi-même donne en fin de compte de l’importance aux polaroïds. Ils vont à l’encontre de ce réalisme. Que représente pour vous le théâtre et comment définiriez-vous votre théâtre ? Le plus intéressant, dans cette forme d’art, c’est que même lors de sa présentation, elle n’est pas récupérable. Le système vulgairement capitaliste – dans lequel doivent survivre, par exemple, un tableau et son créateur – est horriblement puissant, mais il n’a pas de prise sur le théâtre. Le théâtre est inutile et son potentiel économique trop faible. Il est donc une forme de liberté qui est à mon sens largement sous-estimée. J’ai toujours ce vieux rêve de faire un spectacle avec mille performers et un couple d’amoureux pour seuls spectateurs. Dès le départ, on a dit que mon théâtre était imagé. Alors qu’il y avait à peine un décor. Seule la présence du performer actif et pensant était importante. Lorsqu’un accessoire était nécessaire, il fallait qu’il soit indispensable, et de première qualité. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Les éléments du décor doivent être autonomes et rester intéressants lorsqu’on les regarde de près. Parallèlement, l’acteur doit continuer à réfléchir. Toujours présenter et ne jamais reproduire. Je ne dis jamais à un acteur : quand tu dis ces mots-là, tu te mets à pleurer. Je lui dis simplement qu’à cet endroitlà, des pleurs sont une éventualité. Et on verra bien ce qui arrive le soir de la représentation. Anéantir l’illusion du théâtre, et construire en même temps une nouvelle illusion. En 1986 vous créez la Needcompany. Une compagnie internationale, multilingue et interdisciplinaire de différents artistes, musiciens, acteurs et danseurs. Existe-t-il un lien avec la Factory de Warhol ? Le nom de la compagnie vient de « I need company ». Quand j’ai commencé le théâtre, en 1979, j’avais pris la résolution de n’en faire que pendant sept ans. J’ai donc arrêté en 1986, mais c’est à ce moment-là que mon vieil ami et mentor Ritsaert ten Cate, qui dirigeait à l’époque la légendaire Mickery à Amsterdam, m’a demandé de créer encore quelque chose pour lui. Je lui ai dit qu’il me
fallait une compagnie : « I need company ». Au théâtre, le travail commence par le choix des acteurs. J’y consacre beaucoup de temps. Je ne peux écrire que pour des gens qui m’inspirent, dont je suis amoureux. Des gens qui nourrissent une idée de liberté inconditionnelle, ce qui peut faire naître une indispensable relation de confiance. Ensemble, nous devons jouer nos vies. Ce sont des acteurs qui osent sans cesse remettre en question leur vanité. Lorsqu’on demandait à Warhol si tous ces gens qui gravitaient autour de lui ne le dérangeaient pas, il répondait que ce n’étaient pas les gens qui étaient autour de lui, mais lui autour des gens. Je peux parfaitement comprendre cette réponse. Vous êtes connu pour le jeu de vos comédiens, en particulier pour le paradoxe entre le jeu et le nonjeu. Comment travaillez-vous avec les différents protagonistes que vous rassemblez dans vos mises en scène ? Trouver l’autonomie d’un médium est une recherche permanente. Quand je suis metteur en scène, je ne cherche pas une forme mais un code. Dès que ce code est trop clair, je souhaite que mes acteurs luttent contre mon autorité. Et s’ils n’ont pas compris ce code, c’est raté. Je ne dicte pas pour autant les gestes de mes acteurs par rapport à mes mots. Cela pose parfois un problème à ceux qui sont entraînés à reproduire. Il faut détruire l’idée de la représentation dans le théâtre et la remplacer par la présentation. C’est le seul lien avec la performance… C’est l’acte qui compte, pas forcément le résultat. Le spectacle ne semble pas chez vous une fin en soi mais un « work in progress ». C’est là toute la différence entre présentation et représentation. Lors d’une présentation, c’est le moment lui-même, le moment de pensée, qui est le plus important pour les performers. Ainsi, le travail est constamment en évolution et ne reste jamais le même. C’est ce qui donne son importance au sous-texte. Tandis que dans le théâtre conventionnel, on met toujours l’accent sur la reproduction. Mon travail est fortement influencé par les performances des années soixante-dix, mais sans le narcissisme parfois néfaste dont le fond était souvent trop limité. Dans les années soixante-dix, et au début des années quatre-vingts, nous avons tenté d’apporter une réponse au théâtre conventionnel sclérosé. Nous avons évacué le récit linéaire au profit d’un théâtre imagé et fragmentaire et on accordait une grande importance à la présence physique des comédiens, que nous préférions appeler des « performers ». Pourtant, il y a toujours eu une grande différence avec la « performance » en tant que telle, à savoir le fait que nous travaillions avec des interprètes. Dans la performance, le performer est l’artiste lui-même. Au théâtre, la différence entre artiste-créateur et artiste-interprète est très importante. Dans les années quatre-vingt-dix, j’ai commencé à explorer de plus en plus le récit. C’est cette démarche qui a donné naissance à La Chambre d’Isabella. Ce spectacle a eu du succès car, en fait, on n’avait jamais raconté, dans ce soi-disant « métathéâtre », une histoire linéaire. Comme si les spectateurs étaient rassurés de voir que toutes ces expériences menaient bel et bien à quelque chose. Afin d’éviter de glisser vers une nouvelle forme de répertoire, j’ai imaginé les Needlapbs : des soirées uniques qui tentent de gommer autant que possible la différence entre artistes et interprètes. Moi, j’y joue plutôt un rôle de commissaire d’exposition. Les années soixante-dix ont été plus importantes que les années quatre-vingts. Quelques artistes flamands, comme Michel Laub, sont responsables d’un nouveau courant dans le théâtre. Laub faisait un théâtre extrêmement répétitif, qui date d’avant Einstein on the Beach de Wilson et Glass, et qui est davantage lié à la notion de performance. Sa troupe portait le nom très significatif de Remote Control : lui, artiste, dirigeait ses performers à distance. Cette approche annonçait déjà la fin de la notion de performance. Dans l’une de mes premières productions, je faisais courir mes interprètes sur une scène tandis qu’un sac de sable de soixante kilos tournait en rond et les faisait se renverser. Mais comme, en tant qu’artiste, je ne participais pas, j’ai fini par trouver cela déontologiquement incorrect. Le spectacle devenait une esthétisation du concept de la performance du début des années soixante-dix. Je pense que cette évolution était nécessaire. Regardez ce qui est arrivé aux Wiener Aktionisten. C’était une voie sans issue. Ce retour à la recherche de la beauté, ou plutôt, d’une redéfinition de la beauté, devenait crucial. En même temps, je lisais les écrits de Joseph Kosuth et d’autres artistes conceptuels. Cette forme d’intellectualisme extrême ne me semblait pas être la seule direction à suivre.
Quand tout est image, tout est plus simple, Jan Lauwers interviewé par Jérôme Sans, extraits
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sente é r p y an p m co d ee N
WHAT DO YOU MEAN WHAT DO YOU MEAN AND OTHER PLEASANTRIES
Dans le cadre d’un partenariat entre HTH et la Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau, à voir aussi: 2 autres y spectacles de la Needcompan programmés à Sète.
N
aître et devoir tenir le coup. That’s Tough Shit. Tough Shit n’est ni estropié ni aveugle. Mais il a une planche collée sur le visage. C’est Bad Luck. C’est son destin. Impuissant et maladroit, Tough Shit se démène en vain dans toute sa gaucherie. C’est ainsi qu’il se hisse sur la scène. Et dès qu’il se lance, son monde se révèle être une fête hilarante. Tough Shit traîne dans son sillage un groupe, The Horrible Facts : 6 caisses de résonance en bois surdimensionnées, qui l’assistent en tant qu’instruments et témoins. Sur les rythmes et les sons de son groupe occasionnel, Tough Shit se laisse emprisonner par sa propre chanson. Une chanson impossible à arrêter, tout comme la vie. Il doit continuer, et il continuera, passionnément et intensément, car il n’y a pas d’autre option.
de et avec Maarten Seghers & The Horrible Facts
h 0 2 à bre m le 27 nove à hTh (Domaine de Grammont) durée: 1h
WHAT DO YOU MEAN WHAT DO YOU MEAN AND OTHER PLEASANTRIES est un concert, une chanson pop éternelle, une danse sculpturale, une installation sonore, un spectacle comique, une performance. Sous couvert d’une absurdité apparente, Seghers déshabille la pratique de l’art avec toute son inimitable finesse, et il se fraye un passage à travers la nécessité de notre souffrance, en toute beauté et hilarité. Une vie humaine pleine d’amour et de tragédie est au cœur de ce feast of feelings.
Incroyable? Mais vrai!
spectacle tout public à partir de 4 ans
14 à 19h janvier diSète28 ercre m et du Bassin de Thau) re (Scène Nationale de
au Théâtre Moliè
Dans le monde merveilleux de Needcompany, tout est possible. Tout? Mais oui! Tu n’y crois pas ? Pourtant tes yeux voient ce qu’ils voient! L’ours qui tient un salonlavoir, le poisson qui porte un soutien-gorge, une planche à repasser qui est de mauvaise humeur, tout ça n’est pas étrange, n’est-ce pas ? Et tout ce petit monde danse ensemble, de toutes les couleurs, vraiment. Je pense que tu devrais venir regarder ça…
De Lemm&Barkey et Needcompany, chorégraphie Grace Ellen Barkey, concept visuel Lemm&Barkey, créé/dansé par Benoît Gob, Sung-Im Her, Maarten Seghers, Mohamed Toukabri, Catherine Travelletti Installation, costumes Lot Lemm, une productio
«WHAT DO YOU MEAN WHAT DO YOU MEAN AND OTHER PLEASANTRIES est un portrait de chaque être humain qui s’avère tenir le coup, par-delà toute logique, pardelà l’absurde. L’homme plein d’espoir, en lutte, dépeint comme un bruyant fanfaron. Sisyphe qui n’a plus à s’entendre dire qu’il ne réussira pas, mais Sisyphe qui veut, malgré tout, faire ses allers-retours vers le sommet de la colline. Bref, chanter la souffrance et fêter l’absurde. Cet optimisme-là est éminemment humain. »
de Needcompany.
Maarten Seghers Maarten Seghers est artiste, performer, compositeur et musicien. En 2006, il a fondé OHNO COOPERATION avec Jan Lauwers et Elke Janssens. La confrontation avec d’autres artistes et musiciens comme Jean-Marc Montera, Eric Sleichim, Nicolas Field, Rombout Willems, Egill Sæbjörnsson, Michael Fliri, Nico Leunen, Fritz Welch, Peeesseye, Pontogor, Idan Hayosh, Rachel Lowther, Jaime Fennelly, Roberta Gigante, e.a. est un élément fondamental du fonctionnement de OHNO. OHNO COOPERATION est un sous-groupe de Needcompany. Parallèlement à sa présence en tant que performer dans les œuvres de Jan Lauwers et Grace Ellen Barkey, ses compositions marquent leurs spectacles de leur empreinte singulière.
Production Needcompany, commissionné par FIDENA (Bochum) 2014 Avec le soutien des Autorités flamandes
M OO -R SH MU samedi 31 janvier 14 à 20h30 au Théâtre Molière (Scène Nationale de Sète
et du Bassin de Thau)
Mon dieu, comme on est devenu soft. Avons-nous oublié d’hurler, oublié que le théâtre/la vie est rock’n’roll ? Avons-nous oublié que le théâtre est la vie et la vie, dans le cas le plus barbant, du mauvais théâtre ? Nous devons revenir au théâtre pour nous rappeler ce qu’est la vie. Le théâtre non plus comme un miroir de la réalité, mais plus vrai que la vie même. La vitalité et la virilité sont devenues deux de nos matières premières les plus précieuses. Ce sont les champignons de Grace Ellen Barkey qui, émergeant de sous la surface, crient et poussent et enflent et assaillent. Les champignons de Barkey qui bombardent un ennemi invisible, mais aussi eux-mêmes et finalement – non, en tout premier ! – le public. Car c’est ce que veut un champignon. Ejecter ses spores et contaminer. N’est-ce pas l’essence du théâtre ?
rkey De Grace Ellen Ba le , musique origina ny pa m co ed Ne & ie, ph orégra The Residents, ch Barkey, texte Grace Ellen mise-en-scène, y, ke ar &B mm concept visuel Le r Sung-Im Her, créé et dansée pa Benoît Gob, Yumiko Funaya, Julien Faure, s, er gh Se n Maarte ri, Catherine ab uk Mohamed To uction de od pr e un , tti lle Trave oduction: pr co , ny Needcompa n) se (Es PACT Zollverein les na tio na & Inter estival (Erlangen) Figurentheater-F
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Apologize part de la reconstitution d’un accident. Cette reconstitution engendre plusieurs versions de l’évènement afin d’en cerner la réalité. Diverses, elles ont un statut trouble entre mises en scène d’un évènement réel et mises en scène d’un fantasme; elles génèrent la structure de la pièce, une réflexion sur la réalité et ses représentations hypothétiques. Ces différentes versions, dirigées par un jeune homme, mettent en scène un homme et une femme et une vingtaine d’adolescentes d’une douzaine d’années sous la forme de poupées articulées. Si la musique et les textes sont à la base de l’écriture du spectacle, ce sont autant les corps et les poupées, et de cette manière, la proposition plastique qui sont les éléments premiers de la conception du spectacle. En ce sens, cette pièce, tout en s’inscrivant dans le champ chorégraphique, relève pourtant bien d’une démarche de travail proprement marionnettique. Il s’agit d’une exploration de l’émotion qui naît du lien intime entre l’érotisme, la mort et l’immobilité perturbante de la poupée.
D
u corps artificiel au corps.
13 et 14 novembre 20h
Le travail dont je souhaite faire part résulte en premier lieu d’une rencontre entre deux disciplines artistiques, la danse et les arts de la marionnette, traitant chacune du corps mais par des médiums différents, le corps et l’objet. C’est le rapport de ces deux médiums, l’influence mutuelle du corps et du corps artificiel qui m’a fait aller de la poupée au corps et des arts de la marionnette à la chorégraphie. Le questionnement que provoque la confrontation de ces deux médiums me paraît fondamental en ce qui concerne la réflexion sur l’image, l’opinion, la perception actuelle que nous avons du corps, la manière que nous avons de le transformer pour l’idéaliser, le déshumaniser ou le rabaisser au rang d’objet. Le rapport du corps à l’objet est modifié principalement par la perception urbaine du corps. Les objets et les machines prennent corps, alors que le corps lui-même a tendance à se déshumaniser. Et si, en art, le corps est passé de l’état de corps mécanique à celui de corps libéré, il connaît actuellement une extension au-delà du champ du vivant et procède d’un mélange de réel et d’irréel. Les fantasmes et leur mise en scène, une expérience poétique. C’est d’abord une passion pour les poupées, les masques et autres objets anthropomorphes qui m’a conduite de la philosophie et des arts plastiques aux arts de la marionnette. J’ai voulu interroger les significations que peuvent avoir des corps artificiels sur scène. La poupée matérialise un antagonisme dramatique, celui d’un corps qui fait le lien entre l’érotisme et la mort. Incarnée, elle peut aussi bien évoquer l’absence, le manque, que le fantôme désincarné. Ce corps représenté a un statut intermédiaire entre le corps réel et cet autre, imaginé, simple objet néanmoins prodigieux tremplin à fantasmes. Le masque, comme le maquillage et autres types de travestissement, permettent de coller physiquement une image sur un corps qui se dérobe. Le trouble procède du fait que l’on n’arrive pas à fixer une image, et que l’on a à la fois le corps fantasmé et le corps réel sur lequel on projette le fantasme comme une image. On évoque alors ce sentiment d’indistinction qui caractérise l’expérience poétique comme peut le décrire George Bataille dans « L’Erotisme » : « La poésie mène au même point que chaque forme de l’érotisme, à l’indistinction, à la confusion des objets distincts. Elle nous mène à l’éternité, elle nous mène à la mort, et par la mort, à la continuité (...) ». C’est probablement pour ces raisons que le lien entre image et mouvement, représentation et réalité tient une place primordiale dans mon travail. (…)
Gisèle Vienne, « Érotisme, mort et mécanique Sur une expérience de travail autour des rapports du corps au corps artificiel » extraits
I APOLOGIZE
Créé en collaboration avec, et interprété par Jonathan Capdevielle, Anja Röttgerkamp, Jean-Luc Verna Lumière Patrick Riou Maquillages Rebecca Flores Création des poupées Raphaël Rubbens, Dorothéa Vienne-Pollak, Gisèle Vienne
Conception Gisèle Vienne
Textes écrits et lus par Dennis Cooper Musique originale et interprétation live Peter Rehberg
à 20h bre du 3 au 5 décemà hTh (Grammont) durée : 76 minutes
Production déléguée : DACM Coproduction : Les Subsistances / 2004/ Lyon, WP-Zimmer/Anvers avec le soutien du Centre Chorégraphique National de Grenoble dans le cadre de l’Accueil Studio 2004, du Ministère de la Culture/ Drac Rhône-Alpes, du Conseil Régional Rhône-Alpes, du Conseil Général de l’Isère, de ske/Autriche. Avec le soutien de L’Institut International de la Marionnette et de la Compagnie des Indes pour la captation.
Texto Gisèle Vienne
FALTA CORRECCION
j’ai été très surprise, pour dire que je ne suis pas le meilleur spectateur de mes pièces, mais j’ai été très surprise au moment de la sortie, ou on m’a parlé d’une pièce sombre, ultra violente, hyper choquante, pas tous mais j’ai eu des réactions comme ça un peu virulentes, je ne tombais pas complètement des nues mais un peu, et je me disais sur scène c’est très prude, ce qui est mis en scène sur scène il n’y a rien, je veux dire, je sais très bien que ça stimule mais si on analyse ce qui a sur scène mis à part une baiser et à un moment donné Jean-Luc qui se déshabille pour changer de vêtement et je pense qu’en 2005 et 2014 on s’en remet tout à fait en plus dans un coin et dans une pénombre, on est même pas dans une nudité je dirais comme ça dans une velléité provocante, en gros il n’ a rien sur scène de choquant mais c’est intéressant parce que c’est une pièce ou j’ai beaucoup de retours maintenant, les moments ou les spectateurs étaient le plus choqués et je me dis que je peux comprendre la force de ce qui les a perturbé c’est qu’ils ont imaginé des choses qui viennent d’eux évident et qu’ils n’acceptent pas d’imaginer. Je me dis que c’est un peu dans un rapport qu’ils étaient choqués par ce qu’ils imaginaient eux ou par ce qu’ils pouvaient produire dans leur imaginaire par ce je me dis il y a des spectateurs qui imaginaient des choses extravagantes mais qui étaient dans un rapport moins compliqué et des spectateurs qui ne supportaient pas ce qu’ils imaginaient mais qui venaient d’eux. Du coup je me dis c’est d’autant plus perturbant puisque l’on est dans un conflit, pas tant avec l’œuvre mais avec ce qui est en train de se passer de manière interne.
Ca c’est une question que l’on voulait te poser, c’est justement la question des tabous que ce soit sur la sexualité ou sur la violence, qu’est-ce que tu penses, quelle sont les limites actuellement de la scène ou de ce que le spectateur peut percevoir sans justement crier à la provocation, à l’ultra violence. Tout à l’heure tu parlais d’Artaud, Artaud en effet il y a la joie et la cruauté. Je pense que c’est aussi une raison que je force le trait, je pense que j’ai un esprit tordu mais pas plus que le citoyen moyen, je pense pas être plus folle que la plupart des concitoyens, je pense que c’est important de forcer le trait, qu’effectivement on représente beaucoup d’interdit sur le rapport à la mort, à la sexualité, je dirais les grands interdits connus, que l’on connait depuis les grecs, donc je dirais dans ce sens-là, je pense que l’on est tout à fait traditionnel dans la représentation de ce qui nous inquiète de ce qui peut perturber l’équilibre de la communauté c’est-à-dire le meurtre, le viol, l’inceste (Laurent le cannibalisme), ce sont tous des interdits qui sont nécessaire pour ne pas perturber l’équilibre de la communauté. Par contre il me semble important qu’il y est la possibilité de se confronter avec ces interdits de les voir d’y réfléchir de dialoguer avec et de dialoguer avec les passions internes qui nous animent qui peuvent être minime, plus extravagantes, certains ont des imaginaires plus fous, ou qui sont obsédés par des choses plus interdites d’autres moins et peu importe, je dirais que j’ai aussi envie de dire que peut-être d’aller à l’encontre d’un héritage chrétien qui nous fait croire que quand c’est mal ça se rapprocherait du mal agir alors que je pense que la mauvaise pensée puisse être exprimer, puisse être travailler, dialoguer, réfléchi, du coup il me semble que l’art est un endroit ultra évident ou un dialogue avec tous ces interdits doit être nécessairement possible. Et je pense que l’on est dans une grande dérive, ou on voit bien je pense avec une manière assez sincère que nous avons tous au moins de légères perversions, c’est-à-dire il y a un accident de voiture on a envie de voir le cadavre, des légères curiosités perverses, ce qui n’est pas grave, mais je trouve que l’on est dans un rapport hypocrite à çà.
On a tendance à penser que les images sont en 3 D et effectivement qu’elles sont constituées de différentes couches et personne n’est propre comme on le souhaiterait à la télévision. Et ben oui je force le trait peut-être pour préserver la liberté de la « mauvaise pensée » dans l’art qui à mon avis est vraiment d’un intérêt évident pour la communauté dont j’ai l’impression vraiment de travailler alors là en tant que citoyenne pour le bien de la communauté, plus je montre, entre guillemets, des horreurs plus j’ai l’impression de bien servir mon pays (rire) en toute sincérité, je sais bien que ça fait rire… mais vraiment c’est pour ça que je veux forcer le trait pour affirmer cette liberté nécessaire et pour la préserver. Je pense que de toute façon, on ne représente pas tout le monde, tout le monde n’est pas un criminel multi récidiviste avec une sexualité, on peut avoir une sexualité qui va bien dans les codes, mais même si on a une vie plus…. et un imaginaire qui rentre un peu mieux dans les rangs je pense que voilà les pièces sont parfois des miroirs grossissants mais par rapport à des pensées ou à des sensations qui animent évidement tout le monde, je veux dire que l’on est sur des ressorts et des sujets essentiels. Donc moi je suis sciée effectivement qu’on questionne la légitimité, mais je me dis que depuis le temps qu’on la questionne, tant qu’on continuera à me questionner dessus il sera nécessaire de forcer le trait. Donc c’est pour ça que l’on est si extravagant dans la représentation de l’horreur, du mal, de l’interdit, je ne considère pas que tout l’art doit être comme çà mais il faut qu’on défende aussi cette…..
Spectacle en anglais (USA) surtitré - traduction française par Laurence Viallet
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RTUGAL
A/PO ESPAÑ
Performance Flamenco (título por hacer)
FIO CONDUTOR
Conception, direction artistique, scénographie Urândia Aragão
à 20h bre m déce 0 (Domain du 16 au à2HTH e de Grammont)
L
durée 1h
e cante jondo possède ses propres règles et voici une expérience qui les esquive, pour nous retrouver seuls avec la voix et l’émotion de David Pino (cantaor de flamenco de la ville de Córdoba), qui se prête avec plaisir à cette exploration sonore, aphasique, bègue, ludique. Une proposition de Rodrigo Garcia à David et à Serge Monségu pour créer, à trois bandes, une nuit déchirante et tendre de sons ancestraux andaloux cassés en mille morceaux par la technologie.
« ll y a une légère odeur d’aiguilles de pin brûlées. Il doit y avoir un feu sur la rive sud. On est le 3 juillet, non, le 4, non, le 5 et demain nous allons à la plage. »
S
pectateur, n’aie pas peur. Tu rencontreras des fragments épars et trouver un fil conducteur dépendra de toi. Tu feras partie de ce qui arrivera. Pour que cela soit possible, tu dois reproduire ce que tu entends. L’exercice consiste en une série de monologues, de conversations quotidiennes et seul un spectateur à la fois peut écouter des fragments de ces monologues et de ces conversations anonymes.
Le spectateur est invité à partager avec le reste du public ce qu’il entend. Pour pouvoir se dérouler, ce jeu dépend de la bonne volonté de chaque spectateur. Sinon le jeu disparaît ou devient fragmenté, confus, ou simplement frustrant.
FALTA IMAGEN EN ALTA
L’axe principal de l’oeuvre est l’émergence d’un corps collectif grâce à la collaboration de chacun. Fio condutor (le fil conducteur) dramatise et rejoue des voix venant de l’espace public, des paroles enregistrées dans la ville, des histoires de vies anonymes. Le vocabulaire, la syntaxe, les façons de parler, les thèmes, les intérêts, l’argot, les répétitions et les obsessions permettent d’ entrevoir la typologie, la personnalité des voix originales.
E C N A M R O F R PE RODRIGO
0h e le 12 décembre àà La2Chapell
durée 1h
Mais, un peu comme au karaoké, l’accès aux voix se fait à travers le public qui reproduit ces discours. Une voix fait partie intégrante de l’identité d’un corps. Par la voix on peut aborder l’histoire et les textures du corps de celui qui parle. Ici, les voix du public offrent à l’audience les secrets, les intentions et les caprices cachés dans l’anonymat du tissu urbain. Ce sont les voix du public qui témoignent de l’expression, peut-être la poétique de ces différents discours répétés. Tu traverseras beaucoup d’histoires et de moments de vie. Tous ces fragments constitueront peut-être un fil conducteur avec ses motifs, ses formes reconnaissables, une possibilité que seul le bonheur de l’instant révélera. L’histoire a autant à voir avec le passé qu’avec le présent. Fio condutor évoque autant les vies anonymes se dissolvant dans l’oubli que le théâtre dans lequel ces mêmes vies sont restituées dans l’espace public. Le spectateur est libre de choisir. Tu n’auras pas le temps de réfléchir ou de filtrer l’information : tu répéteras les mots, ou pas. A toi de décider. Rui Catalão
Assistant artistique Carlos Manuel Oliveira Assistant à la dramaturgie Rui Catalão Lumières Thomas Walgrave Son David Leitão Résidences Espaço Alkantara, Atelier Re.al Coproduction Alkantara Soutiens casaBranca, Fundação Gulbenkian Fio condutor est co-produit par Départs avec le soutien du programme Culture de l’Union européenne.
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TUGAL
/POR SPAÑA
E
FALTA TEXTO
ne u r u o p nes Scè conversation après le visionnage d’un film de e k Hane l ae h Mic
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fie orre T e d e d on C l E ne ption et mise en scè
0h à 2ont) mbre ce(Domain Les 16 et 17 dàéHTH e de Gramm
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FALTA TEXTO
durée 1h
L
a pièce se compose de douze histoires qui disséminent, ça et là, les traumatismes et les fantasmes quotidiens d’un groupe de jeunes gens européens littéralement posés dans un espace indéfini. Ils incarnent les membres d’une société égarée et soumise à un fascisme quotidien et contemporaine. Avec une certaine ironie, le spectacle veut poser un regard sur ce phénomène de soumission passive, et faire prendre conscience de la dualité, voire de la schizophrénie, dont peuvent souffrir les individus qui n’ont pas conscience de cette « prise en otage ». Est-ce dû à l’héritage d’une histoire, d’une éducation, de la religion ? Tiraillés entre leurs désirs, leurs fantasmes, leurs pulsions sexuelles les plus primitives et leurs obligations sociales, les personnages des douze histoires sont constamment en conflit entre ce qu’ils veulent, ce qu’ils font et ce qu’ils disent. Tout au long du spectacle, on voit comment des personnes agissent en fonction d’une série de recommandations et de règles sociales auxquelles ils sont soumis « naturellement », qu’ils ne comprennent pas.
La force scénique du spectacle se base sur trois principaux mécanismes: l’alternance des moments de narration et de projection textuelle, le décalage entre texte et mouvement et l’omniprésence de la musique électronique, laquelle est certes un outil mais également une métonymie dramaturgique fondamentale dans la construction de la pensée de la pièce liée au concept d’aliénation et de fascisme. En fait, Scènes pour une conversation après le visionnage d’un film de Michael Haneke est un véritable exercice scénique, une recherche de laboratoire, qui veut par tous les moyens activer constamment l’imagination du spectateur indépendamment du texte, car la pièce incarne en définitive l’expression esthétique et artistique d’une pensée qui soulève l’interrogation suivante : dans quelle mesure suis-je libre de penser, d’agir et de jouir ?
Cristina Vinuesa
El Conde de Torrefie est une compagnie barcelonaise, fondée en 2009 par Tanya Beyeler (Suisse, 1980) et Pablo Gisbert (Espagne, 1982). Ils ont étudié l’art dramatique et la philosophie, mais s’intéressent également à la musique et à la danse contemporaine. Leurs travaux récents, axés exclusivement sur le vingt-et-unième siècle, présentent à travers l’oscillation effet de réel et effet réel, la relation qui existe entre l’intime et le politique, ou plus précisément entre les nouvelles formes de totalitarisme, l’aliénation intellectuelle et la notion de responsabilité et de liberté individuelle.
Avec David Mallols, Isaac Forteza, Quim Bigas, Mario PonsMacià et Tanya Beyeler Avec le soutien de Generalitat de Catalunya, résidènce Adriantic / Antic Teatre et Institut Ramón Llull • texte et dramaturgie Pablo Gisbert • lumière Marcela Prado son et arrangements Rebecca Praga • Voix en français Nicolas Chevallier • Traduction en français Cristina Vinuesa, Nicolas Chevallier • Production El Conde de Torrefiel
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La nuit du
8 de Janvier
o r t c e El it. est notre première
i
u h N
Un petit panorama sur la relation entre création digitale et musique festive / culture de discothèque. Djs, laser, et +
Est-ce qu’un producteur de musique festive peut se consacrer à la création contemporaine la plus innovante sans abandonner l’esprit hédoniste et ludique de sa musique.
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C
ette chronique de la désintégration d’un mariage s’étend sur vingt ans, en six chapitres. Bergman distille les étapesclés de la vie de couple. Il observe les travers de la vie à deux et nous raconte quelques scènes de la vie conjugale. Johan et Marianne, mariés depuis treize ans, vivent heureux en compagnie de leurs deux filles. Johan est professeur de psychologie appliquée, Marianne est avocate spécialisée dans les problèmes de divorce. Le couple, en apparence solide, se délite à partir du moment où Johan s’éprend d’une jeune femme, Paula.
“J’ai mis trois mois pour écrire cette œuvre, mais il m’a fallu un temps assez long de ma vie pour la vivre. Je ne suis pas certain que cela aurait été mieux si c’était le contraire qui s’était produit bien que cela eût été plus élégant. J’ai éprouvé comme de l’affection pour ces gens pendant que je m’intéressais à eux. Ils étaient quelquefois passablement incohérents, puérils et angoissés, quelquefois passablement adultes. Ils disent bien des sottises et parfois, certaines choses raisonnables. Ils sont anxieux, gais, égoïstes, sots, gentils, sages, désintéressés, affectueux, emportés, tendres, sentimentaux, insupportables, aimables. Le tout dans un unique mélange. Voyons maintenant ce qui se passe.” Ingmar Bergman, Scènes de la vie conjugale, Préface Editions Gallimard, extrait
Jolente De Keersmaeker, Sara De Roo, Damiaan De Schrijver et Frank Vercruyssen forment actuellement le noyau du collectif belge tg STAN. Connus en France pour leur travail de dépoussiérage des textes de répertoire et de déconstruction des mécanismes de l’illusion, afin de faire du spectateur un complice de jeu, les STAN se présentent comme un collectif d’acteurs, fondé sur le désir de travailler sans metteur en scène, sur une responsabilité partagée dans l’élaboration du sens et du commun. Le sigle que constitue leur nom reflète ce choix-là : « tg », c’est l’abréviation de « toneelspelersgezelschap » qui signifie en français « compagnie de joueurs de théâtre ». Le théâtre doit être jeu avant toute chose : un jeu montré du doigt. Les majuscules de « STAN » ne sont pas un pied de nez à Stanislavski mais l’injonction abrégée : « Stop Thinking About Names ». Si Frank Vercruyssen confie dans un entretien au Monde1 qu’il n’y faut point entendre la volonté de rompre avec l’histoire du théâtre mais plutôt le parti-pris du jeu face à l’impossibilité de se mettre d’accord ensemble sur un nom, il nous semble que dans ce refus du nom résonne aussi quelque chose du refus du metteur en scène vedette, garant du sens, et de ce désir de collectif qui est au centre de leur démarche (…). C’est Jolente de Keersmaeker qui s’est cette fois-ci prêtée au jeu de l’enquête.
MARION RHÉTY. Nous voulions d’abord revenir brièvement sur votre parcours commun en tant que membres du collectif tg STAN. Autour de quels éléments vous êtes-vous fédérés? JOLENTE DE KEERSMAEKER. Damiaan, Frank, Waas2 et moi étions ensemble au Conservatoire. Nous avons eu des professeurs comme Josse de Pauw, un acteur flamand assez connu, un acteur créateur, qui présente sa propre recherche et travaille sans metteur en scène, et Matthias de Koning, membre du collectif hollandais Maatschappij Discordia, qui nous ont beaucoup marqués. Ils prennent pour objet des œuvres de répertoire mais les travaillent de manière très collective (…). Pour tg STAN, cette rencontre avec Josse et Matthias a été le germe du collectif. Nous avons soudain pris conscience, grâce à eux, que l’acteur est un être pensant, créatif, indépendant, qui doit prendre ses responsabilités sur scène et à côté de la scène ; qu’un acteur peut travailler sans metteur en scène qui lui dise quoi faire. Josse de Pauw nous a donc dit : « Allez-y, travaillez, créez. Moi je suis là seulement pour regarder. Pour le reste, vous allez vous diviser en petits groupes, chercher des textes et travailler ensemble. » Il nous posait des questions : « Qu’est-ce que tu veux faire? Qu’est-ce que tu veux raconter? Qui es-tu? Pourquoi tu veux faire du théâtre? » C’est là qu’a vraiment commencé le travail et la prise de conscience (…). Matthias nous a amené à nous questionner sur la notion de personnage : quel est ce moi? Qu’est-ce qu’un personnage? Quelle est la relation entre moi, acteur, et le personnage? Il nous a aussi fait découvrir l’importance de notre réalité en tant qu’acteur lorsqu’on est sur scène, ici et maintenant, avec les partenaires et les spectateurs. C’est-à-dire la relation au présent qui se joue dans l’acte théâtral, l’ouverture fondamentale du jeu au public. Nous avons découvert qu’il y avait deux approches possibles du personnage, donc du jeu : la première consiste à incarner un rôle ; la deuxième me donne la possibilité d’aller vers le personnage en restant Jolente, sans chercher à ressembler le mieux possible, en me déguisant selon l’idée qu’on se fait du personnage. Après le Conservatoire, on a ensuite pris un temps chacun de son côté (…). Au terme de cette année-là, on a commencé à travailler ensemble à partir du bagage commun que le Conservatoire nous avait apporté, et plus précisément notre rencontre avec Josse et Matthias. C’était cela qu’on voulait partager. On ne supportait plus à ce moment-là que quelqu’un nous dise ce qu’on devait faire. Il y avait une énergie créative qui correspondait au désir de partager ensemble ce moment, cette recherche et ce qui, pour moi, est aussi un choix politique. Au sein du collectif tg STAN, dans sa construction, il n’y a pas de hiérarchie : ni directeur artistique, ni directeur financier. M.R. On comprend donc bien qu’au départ, votre collectif se fonde sur une envie artistique et relève de choix forts. Y avait-il également la volonté de vous positionner en contre-point de l’institution théâtrale? J.d.K. Oui et en rupture avec le travail avec des metteurs en scène classiques. Je n’ai rien contre les metteurs en scène, mais on a fait chacun l’expérience de travailler avec quelqu’un qui nous disait comment faire, comment jouer, et on s’est tous sentis enfermés dans ce rapportlà. Mais, ce n’est pas apparu du jour au lendemain, ça a été un véritable processus – et un processus mental aussi. Il s’agit de se libérer comme comédien dans cette structure. C’est donc un chemin assez long. De mon côté, j’ai mis environ cinq ans à me sentir à l’aise dans ce travail en collectif.
man TAN g er B ar m de Inpgectac e de tg S l un s
M.R. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur les pratiques de collectif que vous avez instituées entre vous, sur cette méthode de travail propre à tg STAN?
Scènes de la e l a g u conj vie du 15 au 18 janvier à 20h
J.d.K. On commence à travailler autour de la table. Quand c’est possible, on fait nos propres traductions. Lorsque ça ne l’est pas, comme sur Les Estivants parce que nous ne parlons pas russe, on rassemble quatre ou cinq traductions pour pouvoir les comparer. Chaque mot, chaque phrase sont ainsi discutés ensemble. Mais ce travail de décorticage du texte nous amène aussi à parler des personnages, de l’espace, on imagine le décor, les costumes, etc. D’habitude, il y a une personne qui fait nos costumes, sauf si on n’a vraiment pas d’argent. Elle est présente autour de la table, avec nous. Pas tout le temps, parce que pour elle ce serait ennuyeux de partager tout ce temps-là que nous passons à décortiquer le texte, mais elle nous accompagne.
h 5 1 dimancheàà HTh (Domaine de Grammont)
M.R. C’est donc vraiment un travail de discussion qui part du texte, et pas un travail d’improvisation au plateau. J.d.K. Non. Jamais. Le spectacle se fait vraiment autour de la table. C’est seulement deux semaines environ avant la première qu’on commence à faire des répétitions de texte. Une semaine avant de jouer, on monte sur scène. On essaie alors différentes constructions ou combinaisons. Sur Les Estivants, on avait vraiment une semaine. Mais naturellement, on n’arrive pas la tête ni les mains vides : on a déjà des idées et des éléments de décor récupérés dans des brocantes, etc. On ne construit rien, tout est de seconde main. D’ailleurs c’est une belle métaphore qui illustre bien notre manière de travailler : tout ce qui est sur scène a une histoire. Même une chaise. Il y a une histoire des meubles, comme il y a une histoire des personnages, mais aussi de nous, acteurs.
durée 2h30 environ
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L.L. C’est important pour vous qu’il y ait une continuité entre le temps qui est avant le spectacle et le spectacle proprement dit? J.d.K. Oui. On ne cherche pas le réalisme mais il faut que des signes de la réalité soient présents sur scène. Quand on joue un Tchekhov, on va mettre une porte ou un vieux fauteuil, par exemple, pour suggérer chez le spectateur l’idée que ce texte a cent ans. Cela doit rester transparent. Il faut que les spectateurs puissent se faire leur propre histoire. On leur donne seulement des outils, une invitation à voyager avec nous. On veut que la relation qu’on instaure avec le public puisse rester ouverte, que l’on puisse discuter du texte avec eux, qu’il y ait cette possibilité-là du dialogue. L.L. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire pour vous que le temps de passage au plateau soit assez court? J.d.K. Qu’est-ce qu’on ferait avec plus de temps? Nous ne sommes pas dans une logique de répétition. Beaucoup de gens travaillent avec le texte dès le début des répétitions et répètent cent fois une scène, en se demandant s’ils l’ont « trouvée » ou pas, jusqu’à ce que le metteur en scène acquiesce et dise que le spectacle peut commencer. Et les comédiens jouent encore trente fois la même scène, déjà répétée cent fois. Pour moi, le texte joué par ces comédiens est comme déjà mort. C’est pourquoi, dans notre travail, le mot « répétition » n’a pas grand sens et la place du public est primordiale. Le public est notre troisième joueur. L’ouverture envers le public varie bien sûr en fonction des soirs. Mais pour que l’échange ait lieu, on a besoin que le spectateur soit tenu en haleine. L.L. Le public est donc responsable avec vous du spectacle qui se construit, et du sens qui s’élabore dans le jeu? J.d.K. Le public est invité à partager. Ce serait un pas de trop de dire qu’il est responsable, mais on ne veut pas lui donner quelque chose de prémâché, « easy to eat ». M.R. En assistant à vos spectacles, un des éléments qui marque mon expérience de spectateur est la qualité de présence, on pourrait dire d’être au présent, une forme d’acuité d’un « ici et maintenant ». Est-ce lié à une part d’improvisation au moment de la représentation? J.d.K. Il y a de la liberté dans le jeu. Mais ça ne correspond pas à une recherche spécifique. C’est plutôt lié aux hasards de la représentation. Si quelqu’un ne sait plus son texte, on reprend au début de la scène. Oui, c’est vrai qu’on s’autorise à ne pas lisser les erreurs, les écarts. « Ah mon frère, ah non, je veux dire ah ma sœur ! ». Si tu nies ça, tu te places à nouveau dans une illusion, or on a voulu rompre avec cette idée. Et ça correspond aussi à un ressenti : si je laisse l’erreur, je me sens mal après. M.R. C’est une forme d’honnêteté par rapport au texte et au ressenti de l’acteur. J.d.K. Oui, ou plutôt une forme de vulnérabilité. extraits de l’entretien avec Jolente de Keersmaeker réalisé par Lise Lenne et Marion Rhéty, le 10 septembre 2010. tg STAN, «Tout ce qui est sur scène a une histoire », Agôn [En ligne], Enquête : Engouffrés dans la brèche, N°3: Utopies de la scène, scènes de l’utopie, Dossiers, Postures et pratiques du collectif, http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=1540.
Rencontres Fernandez et
avec Ruth Vega le 16 janvier Frank Vercruyssen répétition de le sal la ns da à 11h tte ne du Théâtre la Vig y lér Va ul Pa té rsi Unive et Frank Ruth Vega Fernandez blic, pu le ec Vercruyssen av la de sue l’is à janvier le 16 teur ra dé mo , représentation ger Ber t Lauren
de et avec Ruth Vega Fernandez et Frank Vercruyssen et la complicité de Alma Palacios et Georgia Scalliet e technique Tim Wouters • lumière et scénographie Thomas Walgrav Garonne Théâtre et STAN tg ion product • d’Huys An costumes
es m ancez l ba Et cendres sur Mickey Arrojad mis cenizas sobre Mickey
texte et mise en scène Rodrigo García
h 0 2 à janvier 3 2 u a 1 2 u d à HTH (Domaine de Grammont) durée 2h
13 et 14 novembre 20h
« Qui a mesuré la mer dans le creux de ses mains ? Qui a calculé avec ses paumes l’étendue du ciel ? Qui a pesé sur une balance la cime d’une montagne ? J’ai lu ça dans la Bible et j’ai entrepris de faire la liste de mes faiblesses, des renoncements et des moments fragiles dont j’arrive à me souvenir. Ensuite j’ai pensé à ce foutu ramassis de gens que j’ai eu l’occasion de rencontrer. Avant de constater qu’on finit toujours par mourir tout seul. Et avec tout ça, nous essayons de monter une pièce pleine d’espoir. Dur labeur. »
P
lus brechtien qu’on ne pourrait le penser, le théâtre de Rodrigo García divise le public, enflamme les esprits, fait parler les spectateurs (et même ceux qui n’ont pas vu les pièces !) avec une passion et une virulence incroyable. Il provoque la parole. De là à dire qu’il est provocateur, il n’y a qu’un pas, vite franchi par ceux qui se sentent mal à l’aise en face de ce qui leur est montré, et renvoyé. Mais contrairement à cette perception superficielle, Rodrigo Garcia ne fait pas un travail provocateur, ou élitiste, chic et tendance. Ceux qui s’en tiennent là étant précisément de ceux qui font le chic et les tendances. Il s’agit de lire son travail dans la durée, une valeur pas très à la mode, justement. Et de chercher les fils qui passent d’un texte à l’autre, d’un spectacle en l’autre, d’une version à la suivante. Seul compte le temps présent, désastreux, qui échappe à toute prise, et les mots pour le dire, notre seule arme, si faible et pourtant notre seul soutien. Tous les mots sont conviés, sur le plateau de Garcia : pas d’exclusion, pas d’ostracisme, pas de hiérarchie entre le noble et le vulgaire, le « cheap » et le « glamour », le populaire et le raffiné. Tous les mots sont permis. (…) * Certes, ce que ce théâtre nous montre n’est pas très agréable à voir : peu confortable d’assister, in situ, à la lente mise à mort des corps dans l’arène cathodique de la consommation. Et c’est sans doute là que les jeunes (et moins jeunes) s’y retrouvent : en utilisant la langue télévisuelle dominante, Rodrigo García la retourne comme un gant. Mais le plus frappant tient dans la tendresse du regard porté sur ce monde abîmé. Aucune morale, pas l’ombre d’un jugement porté, juste la vision rieuse d’un enfant qui vient de faire un sale coup. Oui, c’est plein de sales coups, le monde. Mais de les voir renverser, mis en jeu sur la scène, le spectateur ne peut rester indifférent. Emballé ou furieux, le monde de Garcia appelle une position ferme. Oui, c’est plein de sales coups, le monde. Exploser les codes de la morale, c’est finalement assez simple. Bien plus malicieux, bien plus judicieux le geste qui consiste à montrer que ces codes se logent partout, au fond de nous, y compris quand nous croyons, modernes, bien modernes, y avoir substantiellement échappé… C’est au fond ce geste-là que García ne cesse de reconduire. Son théâtre évite soigneusement de définir des zones pures et dégagées de toute responsabilité dans le désastre mondial — lequel concerne précisément le monde entier. Personne ne peut s’exempter des effets de la mondialisation. Personne ne peut se dédouaner de la chape morale qui déferle sur notre société moderne, elle qui s’était fondée sur la prétendue émancipation de toute loi morale. Les spectacles de Rodrigo García sont un éclatant symptôme de ce retour à l’ordre moral qui mine et infiltre tout discours, tout comportement, y compris les plus « progressistes » d’entre eux. D’où la question de la provocation, que l’on ne peut éviter, tant elle fait partie, pour une partie du public, de la réception de son travail. Elle n’est pourtant jamais proclamée par Rodrigo Garcia, et pourtant elle est bien à l’œuvre dans ses spectacles. Ou alors il faut lui donner un autre sens : naïveté assumée de penser que le théâtre peut encore « provoquer », essayer, éprouver, susciter, prolonger le geste. Mais le malentendu commence quand on se met à penser que ce qui est dit par l’auteur est ce que pense l’auteur : malentendu tragique ! Et là commence la mauvaise provocation. Il faut bien reconnaître que nos contemporains plongent parfois tête baissée dans cette ornière, et que leur regard n’est pas toujours en très bon état. Tant il est vrai qu’il se cultive, comme une langue étrangère, qu’il a besoin de matières pour s’exercer. D’où viennent ces nombreux malentendus ? Et du coup ces réactions si violentes ? Principalement du fait que Rodrigo Garcia, dans ses propositions, est absolument littéral. Il prend les choses au bien de la lettre, sans aucune volonté métaphorique — ce qui fait dire à certains qu’il n’est pas un poète. On peut d’ailleurs renverser la critique : Garcia n’est pas un poète, parce qu’il refuse la métaphore, au profit de la lettre des choses. Il est donc un adepte de la prose, dont d’aucun disait qu’elle était la vérité de la poésie. (…) * Sur scène, Rodrigo Garcia fait toujours parler quelques cauchemars récurrents, trois ou quatre, toujours les mêmes, parfois habilement déguisés. On peut les résumer dans cette petite liste, quasi exhaustive : la mise à mort de l’enfance, la torture de la nourriture, la violence politique de la porte fracassée, et l’homme
qui résiste à la chose (marchandise) comme à l’animal. Formulation par trop synthétique, mais qui a le mérite de baliser un champ d’actions dans lequel on peut faire entrer une très large part de l’écriture et de la gestuelle scénique de Rodrigo Carcia. (…) * « On est dans la merde » Et alors, on fait quoi ? Ben, on s’en sort… On a toujours l’impression que les figures en scène dans les spectacles de Rodrigo Garcia se sont repassés en boucle ce petit dialogue imaginaire. Qui ne l’est d’ailleurs finalement pas tant que cela. Les acteurs de Rodrigo Garcia sont toujours dans cette posture de l’extrême. Ils ne reculent devant aucune des conséquences de ce qu’ils énoncent. Ce qui peut bien sûr étonner, c’est qu’ils ne le font pas au nom d’un personnage qui les masque, et qui finalement, dans toute la tradition théâtrale, les dédouane de ce qu’ils sont en train de faire. Or, tout ce que l’histoire du théâtre fait faire aux acteurs est, au sens propre, monstrueux : il s’agit bien de montrer ce qui ne se montre pas. Mais ils sont eux-mêmes protégés de ce monstrueux, par le fait qu’ils l’agissent, le portent et l’interprètent au nom de personnages purement fictionnels. Rien de tels dans ce qu’ont à faire les acteurs de Rodrigo Garcia. La frontière entre ce qu’ils font et ce qu’ils sont est infra-mince. Elle n’est plus délimitée par le masque massif de personnages fictionnés. Sans doute, ce qu’ils font est fait sur une scène, mais c’est leur être propre qui se trouve convoqué pour agir et s’exposer. Dans l’entretien qui suit, l’acteur Juan Loriente s’en explique très clairement. Il montre avec finesse et honnêteté à quel point sa présence sur le plateau est parfois fortement fragilisée, précisément parce qu’il n’est pas protégé par le masque d’une fiction marquée. Les acteurs de Rodrigo Garcia ressemblent beaucoup à ceux qui sont dans la salle : ils sont jeunes, ont tous les tributs de la jeunesse mondialisée, ils parlent sa langue, adopte ses codes, des comportements. Et puis tout d’un coup : dérapage. Ils se dénudent, se recouvrent de nourriture, plongent dans le costume des héros de la consommation mondiale, Mickey ou le clown de Mac Donald. * Les esprits chagrins reprochent à Rodrigo Garcia son nihilisme et son absence de parti pris. Certes, son théâtre ne résout pas les contradictions ; on peut même dire qu’il ne met pas en scène les conflits, mais ses effets, partout où l’on peut les repérer. On remarque en effet l’absence totale de toute figure de pouvoir sur le plateau. On en voit les effets, les résultats sur les corps et les êtres. La scène ressemble à une gigantesque baratteuse, qui n’épargne rien, ni personne. Extinction du pur, du héros, du sauvé. C’est sans doute cela qui n’est pas supportable. Il y a là une vraie morale dans cette manière de montrer les corps. Comme le remarque Philippe Macasdar, directeur du théâtre Saint-Gervais à Genève, et fidèle allié de Rodrigo Garcia, il est parmi les derniers moralistes, tout en y ajoutant un côté Don Quichotte, prêt à toutes les batailles, fussent-elles illusoires et d’avance perdues. Mais les choses se compliquent encore d’un tour. Car la dénonciation de la marchandisation généralisée, en général, est elle-même critiquée de manière frontale et binaire. Le monde libéral, on le défend, ou on le combat. Avec Rodrigo Garcia, les choses sont beaucoup plus compliquées : il reste au bord du Mac Donald, crache un coup par terre, mais ne le démonte pas… on peut même penser à certains moments qu’il aime y manger un « Macdo »… il y a chez lui une sorte de tendresse pour cette addiction marchande, les marques, les fringues, les voitures, les centres commerciaux, les modes, les tendances, les jeux, les nouvelles technologies, la publicité, les parcs de loisirs, les chaînes mondiales, etc… Un univers qu’il prend au sérieux, pour le retourner avec un humour froid et tranquille, avec cette volonté de comprendre comment le monde entier est en train d’y sacrifier tête baissée. D’où l’engouement des très jeunes gens pour son théâtre. Ils y trouvent une langue qui parle la leur, et qui en même temps la montre sous son jour déguelasse. Et cela fait du bien. C’est déjà ça. Pas énorme, mais c’est déjà ça. Une boussole. Après, il faut s’en servir, et survivre. (…) * Je me souviens de cette soirée d’été, en juillet dernier à Avignon, où un cercle s’était constitué, devant la chapelle des Célestins, après la représentation de Et dispersez mes cendres sur Mickey. Une vingtaine de spectateurs se sont invectivés, avec une incroyable véhémence, pendant près d’une heure, pour dénoncer l’imposture, ou au contraire pour saluer la force inventive et le courage de l’artiste. Ce qui est frappant, quand on écoute ces prises de position (j’ai enregistré toute la conversation…), c’est l’engagement de ceux qui parlent. C’est tout entier qu’ils prennent position, et ce qu’ils disent du spectacle dit en réalité beaucoup d’eux-mêmes. Comme si les spectacles de Garcia était avant tout des matières « réfléchissantes », dans lesquelles les spectateurs se retrouvent (ou se détestent, ou détestent se retrouver). Parce qu’il parle en profondeur de ce que nous vivons — nous et pas Hamlet, nous et pas Electre. Bruno Tackels, « Mais pourquoi les spectacles de Rodrigo Garcia énervent-ils tant ? », juin 2014, extraits
En relisant le texte du spectacle, je pensais à ce vers de Borges : « Que rêvera l’indéchiffrable futur ? ». Et je me disais qu’à sa façon, ce spectacle tendait à « déchiffrer » ou à « rêver » ce futur pas si lointain qui a ses racines dans notre présent. Sauf que ce rêve a tout l’air d’un cauchemar. Le cauchemar de celui qui prend conscience de ce que la nature nous échappe de plus en plus. Par exemple, la forêt qui finit par être moins attrayante qu’Eurodisney… Est-ce bien le sens (ou un des sens) de ce spectacle ? Rodrigo Garcia - Il est vrai que le texte invite à se promener dans un territoire futuriste dévasté, ravagé et désolant. La ville comme terre en friche. Chaque adolescent comme terre brûlée. Chaque famille comme un champ stérile. Chaque école comme un désert maladroit et injuste. Chaque emploi, chaque travail, comme un bourbier. Chaque zone de la nature comme un coin dénaturé, manipulé à tour de bras et mal interprété. Je me suis efforcé de créer ce monde apocalyptique à partir de réalités et rien d’autre. En énumérant des événements et des lieux existants. Sans fictionnaliser. Par exemple, le texte qui parle d’un lac merveilleux et de ce que ce lac est devenu : on croit lire dans mon texte des passages de science-fiction, mais si l’on fait attention aux mots, on se rend compte qu’il ne parle que de l’état actuel des choses. Le texte joue un rôle essentiel dans ce spectacle. Alors comment gérez-vous la relation entre ce qui se dit, ce qui s’énonce et ce qui a lieu sur scène – car il ne s’agit bien évidemment pas seulement de dire le texte ? Comment trouvez-vous le moyen d’articuler les deux sans verser dans la simple illustration ? RG - C’est de la pure intuition. La combinaison des deux constitue la genèse de la pièce, ce n’est pas quelque chose qui vient plus tard avec la mise en scène. J’ai créé cette pièce à Rennes, au Théâtre National de Bretagne, presque sans sortir du théâtre. Quand nous sommes arrivés et qu’on nous a répartis dans différents hôtels, j’ai demandé à ce qu’on m’installe un matelas au théâtre. Je savais que c’était le seul moyen. Le matin, j’écrivais. L’après-midi, les acteurs arrivaient. Le soir, j’appelais un service de pizza à domicile. C’est comme ça que la pièce a été conçue. Des textes et des actions, en parallèle. Voilà pourquoi ils ne sont jamais illustratifs. Ils sont nés pour cohabiter, pour ne pas que l’un soit écrasé sous le poids et la domination de l’autre. Le hasard et tout ce qu’il y a autour, c’est important, à condition de faire preuve de sensibilité et d’avoir de la chance. Nuria, l’actrice, fait du saut en parachute. Ça m’a intéressé et je lui ai demandé de me prêter des vidéos de ses sauts. Quand j’ai vu Nuria en train de voler… je suis incapable d’expliquer ce que j’ai ressenti, c’était une métaphore inépuisable. Alors je lui ai dit : « Je vais essayer d’écrire un texte pour que tu le dises pendant qu’on projettera ces vidéos, mais je ne sais pas si j’arriverai à écrire un texte aussi intense que ces images, qui sont trop belles à cause de tout ce qu’elles recèlent et de ce qu’elles exigent de la part de celui qui les contemple ». Bon, ça s’est fait. Et c’est sur ce mode que tout s’est fait petit à petit. Je pense qu’il y a peut-être deux côtés dans votre œuvre. D’un côté, un poète et, de l’autre, un peintre. Mais les deux sont en étroite relation… non ? RG - C’est l’avantage de n’être ni poète ni peintre. Je crois que, du fait de ma formation et de mes goûts, je passe le meilleur de mon temps à penser. N’oubliez pas que je ne connais rien au théâtre, rien. J’ai 43 ans, ça fait 21 ans que je fais des pièces de théâtre sans m’arrêter. Et chaque fois que j’entre en répétitions, je suis mort de peur. J’ai peur que les acteurs se rendent compte, qu’ils découvrent que je ne sais pas comment résoudre tel ou tel problème s’il se présente. Que je ne sais pas générer une action dramatique, présenter un conflit. Cette réalité fait que je travaille dur et que je trouve des formes substitutives pour créer du théâtre. Quand tous ces professionnels se mettent en colère et considèrent que ce que je fais « ne fonctionne pas en tant que théâtre », ils ont raison. Si je savais faire du théâtre, je le ferais. J’écrirais des dialogues, je saurais insérer ou enlever une musique pour créer une ambiance, je commanderais un décor à un scénographe. Mais je ne sais pas faire ça. Je n’ai jamais dirigé un acteur. Entretien Théâtre du Rond-Point, 2007
Rencontres avec Rodrigo García le 22 janvier à l’issue de la représentation, modérateur Bruno Tackels
HUMAIN TROP HUMAIN / CDN MONTPELLIER SAISON OCTOBRE-JANVIER 2014
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E I L O C N A MÉL LA S à 20h DES DdRuA27GauO30Njanvier à hTh (Grammont) durée 1h20
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ressée au sommet de la montagne, au milieu des nuages, du vent et des éléments déchaînés, Isabelle contemple un panorama grandiose. On pourrait dire cela autrement: le sommet est exactement situé au sixième barreau d’un escabeau, les nuages proviennent d’une petite soufflerie à fumée, le vent d’un ventilateur rudimentaire, les éléments surgissent essentiellement d’une machine à faire des bulles de savon. Mais, dans La Mélancolie des dragons, ces deux visions finissent par n’en faire qu’une grâce à la poésie fragile de ce spectacle d’invention permanente, où tout se construit, se compose et se recompose en direct. Les spectateurs voient le monde avec les yeux d’Isabelle, qui trouve tout “super”, “incroyable”, et, dans le même temps, personne n’est dupe: cette fertilité créative de tous les instants commence toujours avec les rituels ordinaires de la vie contemporaine, rejoués sur scène, disséqués, très légèrement pervertis. C’est dans cet écart que se tient le travail de Philippe Quesne et du Vivarium studio, une mise en scène, mise en espace, autant qu’une relecture critique des habitudes grégaires des jeunes gens d’aujourd’hui. La Mélancolie des dragons propose un regard décalé sur les élans de l’amitié, la constitution d’une communauté et la création d’un univers collectif. Invitant une amie, Isabelle, à partager le spectacle de leur création, les membres chevelus d’un groupe de hard rock en plein marasme guident cette intruse curieuse — en avantpremière mondiale — au sein d’un “parc d’attractions” portatif contenu dans le coffre de leur Citroën et de leur remorque blanche. C’est du moins ce que les rockers appellent comme cela avec une certaine gêne, celle de devoir passer, eux aussi, par la “Disneyïsation” du monde. La durée du spectacle est exactement calquée sur le temps qu’il faut à la troupe (et à sa seule spectatrice) pour déployer (et voir, puis tester) les différentes attractions du parc. Sagement, Isabelle, obstinément contente et optimiste, parfois un peu sceptique mais pas trop, va parcourir une à une les stations de cette visite, qui devient, sous les yeux des spectateurs, une forme d’aventure de la croyance confrontée à l’imagination fertile de ces hommes enfermés entre eux. “Eux” sortent d’une voiture en panne. Ils sont six, plus un chien (Hermès), et sont incapables de réparer quoi que ce soit dans ce moteur récalcitrant. Par contre, ils savent porter les cheveux longs, font tourner leurs idées autant qu’eux-mêmes, et leur présence ingénieuse, mais décalée, bricolée, apprivoisant difficilement la matière, est le seul élément tangible de ce parc en devenir. Ils sont très sérieux mais inventent de drôles de cérémonies désœuvrées, entre festnoz druidique et happening bio, entre son et lumière sans trop de lumière et radiocassette de Citroën AX. Ils étalent devant Isabelle les trouvailles de leurs imaginations ordinaires qui sont autant de cérémonies à la fois dérisoires mais indispensables à leur survie d’hommes peu à l’aise dans le monde contemporain. Voici des hard rockers légèrement dépressifs, errant dans un paysage de neige qu’ils tentent de faire coller aux visions de leur pays imaginaire. Il y a là, au creux de leurs fantasmes, des fumées, des forêts, des sources, du vent dans les branches, une montagne magique, beaucoup de cheveux, des jeans et des cuirs, mais surtout de grandes formes noires gonflables où se nichent les dragons mélancoliques nés de leur esprit primitif d’enfants éternels. Et ça marche! Le Vivarium studio installe par petites touches le milieu naturel permettant aux dragons mélancoliques de venir s’acclimater sur la scène enneigée… Comme si une espèce disparue, sauf dans les livres pour enfants ou les contes et légendes celtes (qu’on lira dans la bibliothèque improvisée sur scène), pouvait reprendre vie sur le plateau par le seul fait de la croyance têtue des acteurs en leur capacité à aiguiser leur propre mélancolie, donc à stimuler leur invention créatrice. Avec cette matière, et pas mal d’humour à froid, Philippe Quesne organise patiemment des saynètes collectives, improvisées à partir de rites ludiques d’essence ultra contemporaine, détournés vers un dérèglement relatif de l’imaginaire des hard rockers vieillissant. Ce qui donne, sur le plateau, un laboratoire de situations extrêmes de l’ordinaire, un développement jusqu’auboutiste des infra expériences de la mélancolie nordique. Le titre est baudelairien, mais cette Mélancolie des dragons regarde aussi vers ce qu’on peut imaginer de l’humour islandais, saga nordique dépouillée en courtes histoires à mourir de rire, et pays où le Vivarium studio est parti en tournée en guise de sources (chaudes) d’inspiration.
Philippe Ques ne / Vivarium Studio conception, m ise en scène et scénographie avec: Isabelle : Philippe Ques Angotti, Rodo ne lpe Auté, Émilie distribution en n Tessier, Gaët cours an Vourc’h… Production: Th éâtre Nanterre -Amandiers Production à la création (2008) : Vivarium stud Festwochen (V io, coproductio ienne), Hebbel n: Wiener am Ufer (Berlin - Scène nationa ), La rose des le de Lille Mét vents ropole à Villene théâtre - Cent uv re dramatique e d’Ascq, Nouv national de Be eau - Paris, Le Foru sançon, Ménag m - Scène conv erie de Verre entionnée de des Jalles, Fest Blanc-Mesnil, ival Perspective Le Carré s de Sarrebruc Région Île-dek / avec le sout Fran ien de la du Centre Natio ce et du Parc de la Villette / avec l’Aide à la nal du Théâtre. Création
Antoine de Baecque pour le Festival d’Avignon
La Mélancolie des dragons, drôle de titre… Pour chaque projet, l’écriture commence en considérant le titre du spectacle comme un champ de recherches et d’expérimentations. Aujourd’hui, La Mélancolie des dragons: deux mots associés qui m’ouvrent un champ de possibles. Deux thèmes qui ont très largement hanté l’histoire de l’art, la littérature et la musique. Le créateur mélancolique est devenu le cliché occidental et romantique par excellence, comme en état de spleen face au monde qui avance, face à la difficulté de le comprendre et de s’en saisir. J’ai commencé le travail en pensant à cette phrase de Starobinski: L’attitude mélancolique ne peut-elle pas aussi s’entendre comme une mise à distance de la conscience face au désenchantement du monde? Concrètement le projet s’est nourri ensuite de différentes circonstances: Une tournée de L’Effet de Serge en Islande dans des paysages enneigés, nos répétitions sur le terrain des anciens studios de Georges Méliès à Montreuil, des repérages dans un dépôt de mobil home en banlieue, et le fait de créer le spectacle à Vienne en Autriche… Depuis cinq ans l’activité de notre compagnie, s’invente avec le même groupe de travail. Un répertoire composé de pièces qui se construisent les unes après les autres, les unes à partir des autres même pour être plus précis. Ainsi, La Mélancolie des Dragons s’ouvre sur la dernière scène de L’Effet de Serge, soit « un groupe d’hommes invisibles dont on ne voit que les cheveux s’agitant sur une petite musique dans une lumière rouge » tout comme L’Effet de Serge s’ouvre sur la dernière image de D’après Nature, un cosmonaute. On pourrait presque parler d’un effet de dominos, dont certains spectateurs fidèles reconnaissent les règles. Et le lien entre la mélancolie et les dragons? On pourrait dire que la pensée mélancolique peut parfois engendrer des monstres. C’est explicite par exemple dans le tableau de Goya Le rêve de la raison produit des monstres. On y voit un homme assoupi, des monstres semblent surgir de ses pensées. C’est sous-jacent dans la gravure de Dürer Melancolia. Un corps songe, rêve, absorbé dans ses pensées. Les projections de son esprit sont disposées autour de lui, comme des éléments qu’il ne parvient pas à contenir dans son esprit: l’animal, la religion, les objets de la connaissance et de la création. Tout est là, placé autour du corps mélancolique. C’est de cette manière que je conçois le dispositif scénique dans lequel les acteurs évoluent et tentent de résoudre des questions qu’ils se posent. Je pense souvent à Beckett, celui du Dépeupleur, avec la fascination entomologique pour la vie qui grouille et s’organise à partir de rien, ou encore La Vie des termites de Maeterlinck, un texte que j’aime beaucoup.
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ourquoi est-ce si inquiétant de voir un acteur traverser le plateau comme s’il marchait réellement dans son appartement? Pourquoi est-ce si fascinant d’observer un chien sur scène? Pourquoi sommes-nous troublés face à des acteurs que l’on voit en train de se parler mais que l’on n’entend pas comme si le son avait été baissé? Pourquoi la reconstitution d’une forêt miniature sur scène nous donne-t-elle froid? Pourquoi la présence d’une voiture sur scène est-elle ressentie comme une violation de l’espace? En vrac, ces quelques éléments dramatiques, agencés par Philippe Quesne dans les spectacles avec le Vivarium Studio, donnent la mesure d’un travail scénique qui par le biais d’une recherche mécanique, sorte de théâtre laborantin qui s’ingénue à modifier les conventions du genre, parvient à créer un univers aux contours incertains entremêlant le songe et la matière, le son et les mots, la fumée et la lumière, la solitude et le groupe.
Parfaitement réglé, habilement maîtrisé, le théâtre de Philippe Quesne et du Vivarium Studio suit avec un esprit de logique les remous d’un esprit inquiet. Ce décalage entre une forme de pensée structurée, articulant de manière concrète et perceptive à la fois le rapport de cause à effet, et un informe de pensée possible, donne toute la puissance de ce théâtre, qui on l’aura compris, réanime le spectateur dans un autre monde, comme s’il se réveillait d’une plus ou moins longue anesthésie et qu’il pouvait suivre les actions sans toute fois bien les comprendre. Mais que l’on s’entende bien, les spectacles, de La Démangeaison des ailes, qui prend pour thème l’envol, à L’Effet de Serge, faux one man show insolite, en passant par D’après Nature, sorte d’équivalent forestier des combats aquatiques du bateau des écologistes de Greenpeace, n’entendent pas offrir de réponses. Ce qui paraît « jouable » en revanche, et c’est l’aspect le plus optimiste de ce travail, c’est la capacité à activer un autre monde en développant pourtant des actions simples avec des objets courants mais employés à d’autres fins que celles communément admises. Aude Lavigne (février 2008), extrait
Le chien Hermès est toujours dans le spectacle? Oui, il est là, avec le même groupe d’acteurs, réunis depuis près de cinq ans pour mon premier spectacle La Démangeaison des ailes. On peut dire que tous sont maintenant devenus des « personnages ». J’aime les retrouver d’un spectacle à l’autre. On vieillit ensemble, cela fait partie du jeu. J’aime aussi reprendre et recycler des éléments de scénographie. Dans L’Effet de Serge et dans La Mélancolie des dragons, on retrouve par exemple: une machine à fumée, des branchages, une voiture, une baie vitrée, etc. Pourquoi y a-t-il tant de musiques dans vos spectacles? La partition sonore me donne les principaux repères. Je ne nourris pas les acteurs d’indications psychologiques, mais musicales. Les assemblages se font par les sons et les associations musicales. Il n’y a jamais de manuscrit avant de commencer les répétitions, même si je lis des textes pour moi. Par contre, il existe des morceaux de musique, des chansons. Cette fois pour La Mélancolie des dragons, ce sont des musiques du moyen-âge et du hard rock… Comment travaillez-vous avec les acteurs? On passe du temps ensemble, on voit des expositions, des films, on écoute de la musique... Certains participent à la construction du dispositif scénique. Répéter un spectacle c’est surtout s’autoriser à essayer des choses. On travaille à partir de matériaux hétéroclites puisés dans la littérature, les sciences humaines, les arts plastiques, le cinéma, la bande dessinée. Le spectacle se fait à partir de notations, de références, d’emprunts au vocabulaire gestuel et verbal des acteurs. C’est une composition par suggestions. La fable se dessine peu à peu.
Rencontres esne
avec Philippe Qu sue mardi 27 janvier à l’is , de la représentation igo dr Ro r teu modéra García
Entretien avec Philippe Quesne, propos recueillis par Antoine de Baecque, pour le Festival d’Avignon
HUMAIN TROP HUMAIN / CDN MONTPELLIER SAISON OCTOBRE-JANVIER 2014
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hTh est partenaire de Sonorités, dans ce cadre, il accueille deux soirées du festival, le 11 octobre et le 13 décembre
SONORITES #10 du texte au son le 11 octobre à 20h
le 13 décembre
Programme
à 18h30
à HTH (Domaine de Grammont) durée 2h30
Philippe Beck Lecture par l’auteur
“Philippe Beck entreprend de restituer la poésie à ce qu’on peut tenir pour sa vocation fondamentale : parvenir à dire ce que la langue ne semble pas, par elle-même, en état de dire. Et le faire de telle façon qu’il ne s’agisse pas d’afficher aristocratiquement qu’on est le détenteur d’une langue inouïe, ou d’une «autre langue», mais bien plutôt en présentant dans le poème la langue elle-même de telle sorte qu’y soit sensiblement démontré non seulement que ce qui semblait ne pas pouvoir être dit peut l’être, mais aussi que l’apparente évidence de l’impossibilité de ce dire résultait seulement d’une confiance insuffisante dans la langue elle-même.” Alain Badiou, La Lyre dure de Philippe Beck
La Vie est un songe // Un Opéra de Barre Phillips avec Patrice Soletti, guitare électrique & Charles Fichaux, percussions Laurent Charles, saxophones baryton et ténor: Séguismundo François Rossi, percussion Emilie Lesbros, voix: Rosaura Lionel Garcin saxophones alto et soprano Emmanuel Cremer, violoncelle Anna Pietsch, voix et danse Barre Phillips et Anna Pietsch Direction artistique et conception/écriture: Barre Phillips. Création lumière: Fritz Reinhart. La Vie est un songe de Pedro Calderón de la Barca sert de sous-texte et de structure à l’opéra de Barre Philips. Il a réalisé une partition qui agence les interventions des musiciens comme elles apparaissent dans la pièce. «Est-ce possible de faire une œuvre, un opéra, qui soit l’abstraction de tout ce que l’on aime de l’opéra classique, mais sans paroles - uniquement avec son histoire et du son instrumental ?»
Chantal
de Luc Ferrari et Brunhild Meyer (1977) diffusion électro-acoustique
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Chantal est une pièce électroacoustique réalisée entre 1977 et 1978. C’est un reportage, selon les propres termes de Luc Ferrari, sur une jeune fille, une villageoise qui vit à Tuchan dans l’Aude. Chantal est un reflet éclatant d’une époque sonore et politique. Pièce stéréophonique interprétée dans l’espace par Carole Rieussec.
epuis dix ans, les programmations du Festival Sonorités tissent des filaments du texte au son entre des points de fuite que seraient la poésie sonore, les musiques improvisées, électro-acoustiques, contemporaines, la performance ou les installations... Il a été possible d’observer des attirances et des métamorphoses entre les pôles sonores et textuels. Cette effervescence dépasse les frontières artistiques et géographiques. « Depuis 2005, nous avons collectivement créé un lieu où le sens a soufflé » aime à dire le collectif Sonorités. Didier Aschour, Carole Rieussec, J-Kristoff Camps, Anne-James Chaton, Enna Chaton, Frédéric Dumond, Emmanuel Adely, Bérangère Mabé et François Lagarde sont les membres du collectif Sonorités, ensemble ils/elles codirigent le Festival qui se déroule en octobre dans la ville de Montpellier.
au Centre Chorégraphique National de Montpellier Languedoc-Roussillon
durée: 1h
La très bouleversante confession de l’homme qui a abattu le plus grand fils de pute que la terre ait porté d’Emmanuel Adely Lecture par l’auteur
« Putain une nana qui dort avec une ceinture d’explosifs verts ça veut dire que c’est pas une maison normale avec la ménagère normale qui fait la vaisselle et torche les gamins C’est super bon signe » Emmanuel Adely travaille dans son œuvre aux rapports et aux écarts qu’entretiennent l’expression orale et l’expression écrite, à la possibilité « d’écrire comme on parle et de lire comme on dit ». C’est dans cette approche des potentialités d’atteinte d’une réalité orale par l’écrit qu’il aborde les conventions qui lient l’individu et les différentes cellules normées qui le déforment et le forment.
à 20h
durée: 1h20
Geneviève Strosser et XASAX Geneviève Strosser, alto XASAX: Serge Bertocchi, Jean-Michel Goury, Pierre-Stéphane Meugé et Marcus Weiss, saxophones Programme Iannis Xenakis (1922-2001) XAS (1987) pour quatuor de saxophones Ernest H. Papier (*1964) AXE à 4 (1993) Figure de concert pour double couple en sax Georges Aperghis (*1945) Crosswind (1996) Pour alto et quatuor de saxophones Elliott Sharp (*1951) Approaching the Arches of Corti (1995) pour quatre saxophones sopranos Giorgio Netti (*1963) Necessità d’interrogare il cielo (1995-2000) cycle pour saxophone soprano solo, la deuxième pièce: Intuire la dispiegata forma della luce... Heinz Holliger (*1939) Trema (1981) pour alto seul
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uand j’ai reçu l’invitation généreuse de Rodrigo Garcia à donner un concert au CDN de Montpellier avec mon ensemble de saxophones XASAX, je me suis d’abord posé la question du public ! Un concert de musique contemporaine pour « gens de théâtre » ? Je trouve ça bien précisément, car il me semble que le monde du théâtre est beaucoup plus contemporain que celui de la musique. Et cela concerne aussi volontiers le matériau lui-même et les conditions de création. Je considère que le monde du théâtre est vraiment dépourvu de dogmatisme et d’académisme ! XASAX s’est imposé depuis 20 ans et s’est consacré à la musique contemporaine. Mais nous avons depuis 20 ans exploré d’autres chemins en gardant un répertoire ouvert. Entretemps, son amplitude s’est élargie depuis la période baroque mais aussi médiévale jusqu’à la musique présente. Mais il y a aussi des chemins de traverse du côté de l’improvisation et du jazz. La musique du présent est presque un labyrinthe babylonien fait de positions et de traces différenciées. Nous souhaitons présenter quelques uns de ces chemins dans notre programme. Au centre, Crosswind, une œuvre que le compositeur grec Georges Aperghis a écrit pour l’altiste Geneviève Strosser et XASAX. Georges Aperghis est un représentant du théâtre musical et, à côté des productions pour le théâtre, ses compositions de musique de chambre sont traversées par l’élément de la parole et du théâtre, forgées dans cette matière. A l’opposite en quelque sorte, la pièce XAS de Yannis Xenakis ; c’est aussi notre pièce fondatrice. Ici, l’énergie des saxophones est déployée à l’état pur, entre le Chaos et l’ordre. Face à ces musiques d’ensemble poétiques et intensives, le programme propose deux solos tout à fait particuliers. D’une part la pièce pour violon Trema du compositeur suisse Heinz Holliger, qui fait surgir, avec l’aide de rapides mouvements d’archets, une harmonie par moments sculpturale. Le solo pour saxophone Intuire la dispiegata forma della luce de l’Italien Giorgio Netti, de son côté, fait entrer le saxophone soprano, connu d’ordinaire comme instrument mélodique, dans une dimension quasi harmonique, polyphonique, par l’utilisation de sons multiphoniques. Les autres morceaux du programme développent leur style dans de toutes autres directions. D’une part la pièce radicalement minimaliste Approaching the arches of corti du compositeur et musicien new yorkais Elliott Sharp. Ici, on enjoint aux quatre saxophones aigus d’explorer avec la plus grande énergie les plus petits espaces sonores et les frictions qui en résultent. Dans une toute autre direction, Axe 4 de Ernest H. Papier, est entièrement dédié à l’ensemble et aussi à l’instrument. La figure du X est ici directement inscrite dans la musique. Marcus Weiss
GENEVIÈVE STROSSER Après des études d’alto à Strasbourg avec Claude Ducrocq, Geneviève Strosser suit l’enseignement de Serge Collot et de Jean Sulem au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Elle a joué au sein des meilleurs ensembles de musique contemporaine elle a été membre de l’Ensemble Modern Francfort jusqu’en l’an 2000. Geneviève Strosser a joué au sein du Chamber Orchestra of Europe sous la direction de Claudio Abbado, Nikolaus Harnoncourt, Carlo Maria Giulini... Elle investit la musique de chambre avec des partenaires tels que Gordan Nikolitch, JeanGuihen Queyras, Muriel Cantoreggi, et fut membre du quatuor Vellinger. Geneviève Strosser se produit dans les festivals et les grandes salles européens, et en soliste avec l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, de la Radio Hilversum, de la SWR Stuttgart, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, l’Orchestre de la Bayerische Rundfunk, de la Radio de Francfort et de la SWR Fribourg. Geneviève Strosser, dont le répertoire comprend les plus grandes œuvres écrites pour alto du XXe siècle, travaille au plus proche des compositeurs vivants : George Benjamin, Heinz Holliger, Helmut Lachenmann, Stefano Gervasoni. Elle a pris part à la création de plusieurs œuvres de Georges Aperghis et joue dans ses pièces de théâtre musical (Commentaires et Machinations, Un Temps Bis, création nouvelle juin 2014) Parallèlement à ses activités d’interprète, Geneviève Strosser enseigne à la Musikhochschule de Bâle depuis 2004. A partir de septembre 2013, elle est assistante dans la classe de Jean Sulem au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Le disque-récital paru en 2011 chez Aeon a été précédé des enregistrements de ViolaViola de George Benjamin ainsi que des œuvres pour alto solo de Georges Aperghis.
X ASAX En 1992 les saxophonistes français Serge Bertocchi, Jean-Michel Goury, PierreStéphane Meugé et le suisse Marcus Weiss se sont regroupés pour fonder un nouvel ensemble de saxophone exceptionnel, XASAX. Leur expérience de solistes et aussi de chambristes, leur engagement au service de la musique d’aujourd’hui ont été le fondement de la création d’un nouveau répertoire pour le saxophone. Entretemps, beaucoup de pièces diverses, duos, trios et quatuors ont été créées par XASAX. Outre les «classiques» – oeuvres de Cage, Xenakis, Donatoni, Scelsi, Wolpe et autres – XASAX a commencé à developper un nouvel axe de son répertoire, en jouant les compositions de musiciens de jazz avantgarde comme Elliott Sharp, Alex Buess, Barry Guy, John Zorn ... Après leur travail sur le dernier opéra de Luciano Berio « Cronaca del luogo » à Salzbourg en 1999, un autre compositeur italien est au centre de leur engagement, Salvatore Sciarrino, dont XASAX a enregistré deux CD. L’intérêt général de cet ensemble est de créer un nouveau terrain pour ce jeune instrument, tout en suivant des pistes de répertoire et des connections historiques différentes, rapprochant des positions qui semblent éloignées.
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HUMAIN TROP HUMAIN / CDN MONTPELLIER SAISON OCTOBRE-JANVIER 2014
P 41
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Printemps des comédiens
Médiathèques
La maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone
Montpellier Danse
Centre Chorégraphique National
Musée Fabre
La Chapelle
Opéra Comédie
La Panacée
Plateforme des compagnies régionales
Festival textes en cours
Théâtre de la Vignette
Maisons pour tous
Festival Tropismes
Théâtres du domaine d’O
Un centre dramatique national ouvert, en collaboration avec
hTh.
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passé, Rodrigo a mis la morale au centre de ses discours théâtraux. Ceux-ci pourant ont les instruments de notre présent et de notre futur : la scénologie a une précision numérique, les lumières naissent d’une étude millimétrée de leur effet sur le « paysage ». Non pour faire de la science-fiction, mais plutôt une radiographie cruelle et fidèle de notre présent. Aussi et surtout de ce que nous ne voudrions pas voir. Pour cela aussi, merci Rodrigo! Gianfranco Capitta, Rome
Même le rire est plein de merde. (une approche du théâtre indigné de Rodrigo García)
Quand la catharsis n’est plus possible À la fin des années 1990, je me suis vu confier la direction artistique des Orestiades de Gibellina, une manifestation qui a célébré chaque année par une série de spectacles la reconstruction de cette petite et ancienne ville de Sicile occidentale, complètement détruite par le tremblement de terre de 1968. Certains avaient lieu dans la ville nouvelle (reconstruite à 20km de distance du site original), où chaque maison, chaque immeuble, église ou magasin se prévaut de la signature illustre d’un architecte ou d’un artiste de réputation internationale. D’autres trouvaient place sur la montagne à l’écart sous laquelle la vieille ville avait été ensevelie, recouverte d’une coulée de ciment blanc par Alberto Burri, une étendue plane, le Grande Cretto est marqué à sa surface par le tracé des anciennes rues. Durant presque vingt ans, bien des artistes importants ont représenté les mythologies classiques à Gibellina, de Raúl Ruiz à Mario Martone. L’Orestie d’Eschyle en particulier est revenue à plusieurs reprises. Elle raconte, et ce n’est pas un hasard, la naissance d’une nouvelle communauté civile, après le déluge de sang qui met fin au pouvoir des armées, à la guerre de Troie, à la dynastie des Atrides à Argos. Dans le strict respect religieux du rite propitiatoire, les représentations de Gibellina avaient pris le caractère d’une grande réflexion culturelle et civique, et aussi d’une participation populaire de masse. J’avais commencé à m’adresser à mes artistes “préférés”. Parmi d’autres, Pina Bausch, Christoph Marthaler et Pippo Delbono (qui réalisera ensuite ici pas moins de deux créations, Il silenzio et Il grido) m’avaient manifesté leur intérêt. J’aimais beaucoup l’idée d’interroger le mythe par rapport à la contemporanéité et à ses contradictions : ainsi le premier invité fut P 44
Lev Dodin, qui avec son Cevengur suscitait de grandes émotions et posait des questions par rapport au communisme après la révolution bolchévique, ses chances et ses échecs… Nous avons eu alors le projet de revenir interroger le caractère classique, en relisant de nouveau l’Orestie d’Eschyle, mais à la lumière des suggestions qu’en avaient tirées Pier Paolo Pasolini, auteur d’une célèbre traduction en langue italienne du texte d’Eschyle (expérience qui a ensuite directement influencé les éléments fondamentaux de son théâtre). J’ai commencé à penser et à chercher, parmi les jeunes metteurs en scène européens, qui pourrait donner libre cours à un projet aussi délicat et prenant. Rodrigo García fut certainement celui qui me fascina le plus, même si alors je le connaissais peu. À ce que je pouvais en lire sur les journaux, j’appréciais sa radicalité, sa cohérence dramaturgique, la profondeur de sa pensée qui prenait corps sur scène, son affinité avec les questions que s’étaient posés Eschyle, Pasolini et une génération qui pour la première fois se voyait « globalisée ». Je suis allé voir After Sun (combien de héros des mythologies classiques avaient tourné autour de la divinité du Soleil, de Phaéton à Médée…) et j’ai été totalement emporté. J’ai parlé avec lui après le spectacle, et le projet a aussitôt démarré. Cette longue introduction est nécessaire pour expliquer comment Rodrigo s’est ensuite retrouvé, quelques mois plus tard, parachuté dans un brûlant été sicilien, pour répéter un spectacle complètement « secret », dont il ne possédait que le projet et le texte, auquel il a continué à travailler pendant toute la durée des répétitions. Les personnes autour de lui, bien qu’elles aient été prévenues de sa manière de travailler hors des cadres habituels de la tradition théâtrale, étaient surprises et même déconcertées par les demandes « techniques » de Rodrigo : un tournebroche de rôtisserie remplis de poulets ; une impressionnante quantité d’œufs à battre chaque soir pour pouvoir « paner » les acteurs comme s’il s’agissait de côtelettes à faire cuire ; de grandes réserves de sauce tomate qui s’écoulait de douches sanglantes ; chaque soir encore, un matelas à éventrer pour y faire entrer une actrice alors qu’elle récitait des vers émouvants jusqu’aux larmes. J’ai dû interrompre mes brèves vacances
HUMAIN TROP HUMAIN / CDN MONTPELLIER SAISON OCTOBRE-JANVIER 2014
d’août pour assister aux répétitions : j’ai ainsi participé, jour après jour, à la naissance d’un futur chef d’œuvre : Agamemnon. À mon retour du supermarché, j’ai flanqué une raclée à mon fils. Dans ce titre il y avait déjà toute la nature poétique et politique d’une lecture contemporaine de la tragédie d’Eschyle. Rodrigo Garcia en effet, derrière l’allure aimable d’éternel adolescent qui le caractérise encore maintenant, possède une sagesse théâtrale riche et complexe. Sa réinvention d’Agamemnon, cité aussitôt en ouverture du titre de sa nouvelle création, déplace cependant aussitôt la violence paternelle, son aveugle et sanguinaire ubris qui a porté tant de deuil et de douleur à toute la nation grecque, vers la folie ordinaire d’aujourd’hui, non moins violente et sanguinaire, même si aimantée par les lumières et les tentations du consumérisme : Agamenòn.Volvì del supermercado y le di una paliza a mi hijo. Foudroyante image d’une colère familiale, qui pourtant voulait manifester de l’affection en emmenant la famille dîner dehors, après les courses au grand magasin, ou pour mieux dire dedans, dans l’atmosphère assourdissante et polluée d’un Mac Donald (une destination sans issue récurrente pour Rodrigo, de Pajazo à aujourd’hui). Les rites païens des courses insensées comme s’il s’agissait d’un ancien et cruel sacrifice aux dieux, et du fast food comme temple de la famille et de sa « perdition » (du sens, de la morale et de l’équilibre gastrique) dévoilent tout au long du spectacle d’autres éléments tragiques. La « tragédie » de la nourriture avant tout, source de discrimination et de gaspillage, devient la métaphore explicite de la distribution inégale et injuste des richesses : entre les hommes, les nations, les continents. La morale « progressiste » du public est mise à dure épreuve par les énormes plats qui leur sont offerts, un de salade et l’autre de spaghetti, qui ont la forme des « continents » les plus pauvres et les plus discriminés de la planète, l’Afrique et l’Amérique du Sud. Des hommes préparés et mis sous plastique comme des poulets, et des hommes passés dans l’œuf et dans la farine prêts à être fris, côtelettes indigestes d’une humanité à consommer dans un rituel sordide de survie, sans plaisir ni conscience. Tout cela pendant que le monologue d’Aga-
memnon, père autoritaire et malheureux, devient oraison funèbre d’une civilisation. Dense de douleur, d’impuissance et d’arrogance, mais soutenu par une très lucide économie politique qui ne lui permet pas de trouver la paix. Nous sommes déjà au-delà de la tragédie, au sens classique du moins. Il n’y a pas de catharsis possible, il n’y a pas de futur salut. Le consumérisme est une bacchanale indigeste, et la réaction du singulier ne trouve refuge que dans la conscience poétique, même si elle est fermée dans un sarcophage qui encore une fois prend la forme d’un objet typique de la télévente, un matelas. Jusqu’à l’image la plus bouleversante : les poulets préparés dans de petits cercueils noirs, sur lesquels flotte le drapeau américain. Et les épaules nues des acteurs, une bombe aérosol dessine la grande peur du onze septembre : les tours jumelles et l’avion qui les détruit. Un terrorisme de l’imaginaire répond désormais, sans limites, aux peurs du « terrorisme islamique ». Le spectacle de Rodrigo nous met aussi en garde contre cela. Le voyage d’Agamemnon devient un parcours pour tous les spectateurs, une épreuve physique qui rend au théâtre un nerf, une force, et une absolue « clarté » de vision du monde. Cela fait de Rodrigo García un grand artiste, sous tous les aspects du prisme théâtral. Un grand écrivain avant tout, capable d’émouvoir et de bouleverser dans l’expression de ses thèses sur le monde. Mais capable de nous donner tout cela à travers aussi des visions très fortes, qui partent de notre quotidien parmi les objets les plus banals dans leur utilisation :un frigo, un tournebroche, un matelas, le fast food. Une traversée du quotidien qui requiert une force physique extraordinaire, que les acteurs transmettent au public avec les pensées sur l’injustice sociale et la condamnation politique du monde qui nous entoure. Ce qui nous entoure est sûr et tapageur. En perdant ses oripeaux ce décor devient semblable à chaque spectateur, dans un horizon commun qui semble sans lendemain. Seules la raison et la poésie pourraient nous sauver, mais en renonçant à la facilité de nos sécurités et de nos préjugés. Comme celui de se scandaliser quand sur scène Rodrigo nous fait voir la coupable hypocrisie de tant de nos gestes quotidiens. Au lieu de Matar para comer il faut, dit-il, penser pour vivre. Comme les grands orateurs du siècle
Pour rien au monde Dieu ne rit. Ce n’est pas un blasphème, même si ça y ressemble, mais c’est la lecture stricte de la Bible où le danger du rire surgit seulement, quand un père est sur le point de sacrifier son fils. Nous ferons difficilement d’Abraham le père qui se fond dans le rite et que le comique offusque. Le problème n’a pas été que le livre d’Aristote sur la comédie ait été perdu, point du tout ; en fin de compte il y répèterait le mécanisme cathartique en le déplaçant jusqu’au bas ventre ou ses alentours. Le plus funeste a été cette entrée en matière de Baudelaire affirmant que lorsque le chrétien rit, il tremble de l’intérieur car il est peut-être en train de pénétrer dans la sphère du satanique. La fiction postmoderne du livre empoisonné, peut-être par trop plein de sémiotique dans Le nom de la rose et par habileté « d’auteur de bestsellers », ne va pas bien loin si l’on pense que tout ce qui a attrait à « l’histoire du rire » est marqué par un manque de drôlerie. La plaisanterie et particulièrement ce qui provoque le rire, ne sont pas autant liés à des répressions inconscientes, comme le prétendait Freud, qu’ils sont soumis, dans le bourbier des inepties actuelles, au sommaire délirant des journaux télé où l’on passe de la pulsion de mort à l’anecdotique sans ciller, dans une sorte de météorologie de la politique qui préfère se délecter de la « cyclogénèse explosive» plutôt que d’attaquer au scalpel la corruption structurelle du système politique représentatif. Dans une certaine mesure, Rodrigo García est un anti-représentant théâtral des turbulences d’une époque où les raisons de s’indigner sont trop nombreuses. Arthur Miller a montré que toute comédie suppose un certain rapport au rire: « lorsqu’on rit, quelle que soit la couleur du rire, on accepte l’ennemi, on lui tend la main ». J’ai du mal à imaginer Rodrigo García se livrant au « copinage» ou prétendant vouloir plaire à tout le monde, bien au contraire, il se comporte comme un voyou, il met en scène un verbiage qui ne laisse pas place à l’empathie, excepté si le spectateur délire complètement et s’il est prêt à assumer toute sorte de machinations (anti-productives) schizophrènes. Ce que l’on entend dans les pièces de Rodrigo García est un immense monologue, une vaste allocution ; l’explosion de la cohérence du dialogue, manifeste dans ses pièces, ne s’inscrit pas seulement dans la tradition du théâtre de l’absurde ou bien des rituels paradoxaux d’Antonin Artaud, car il ne s’agit pas tant de chercher « un monde parallèle au réel » que de nous projeter crûment dans la précarité du présent. Le drame se dissout car on ne cherche plus une « identification empathique », et il n’y a aucun type de processus dialectique (ce déploiement de l’étrangeté et la nécessité de la dépasser) qui se présente sous une forme téléologique, mais une immersion dans le drame du quotidien, dans tout ce qui nous arrive de désastreux, dans une contemporanéité des références. Nous ne sommes pas face à une esthétique (postmoderne) du sublimity now mais face à une expansion du sordide et de l’effrontément ridicule : nous pénétrons, avec une réelle frénésie, dans les domaines de « l’idiot intérieur ». Rodrigo García a quelque chose de « dogmatique », non pas
comme Lars Von Trier, qui, en définitive, se retrouve pris entre un pathétisme pseudo-nietzschéen et une provocation qui finit par vendre de la mélancolie à une cadence wagnérienne, mais dans une perspective qui mettrait l’accent sur la nature obsessionnelle de l’esprit, c’est-à-dire, en développant un rigorisme pessimiste qui finit lui-même par se disloquer. Il n’oublie pas que « la vie n’est qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien ». Souvenons-nous de l’inscription « dantesque » à l’entrée de l’enfer : « Par moi on va vers la cité dolente, par moi on va vers l’éternelle souffrance, par moi on va où souffre la race perdue ». J’ai l’impression que l’entrée contemporaine de ce destin eschatologico-funeste ressemble à un comptoir d’aéroport ou que l’on peut la trouver dans des endroits aussi aseptisés et « utopiques » qu’un magasin Ikea ou bien aussi gastro-répulsifs qu’un restaurant Mac Donald, autant d’enclaves ayant stimulé l’imagination théâtrale corrosive de Rodrigo García, lui, qui affectionne l’inhospitalier (en termes freudiens, ce qui est familier et qui est devenu étranger à cause d’une répression) ou qui peut même transformer le « succulent » en abjecte. Tous ceux qui se souviennent de la première fois où ils ont assisté à un spectacle de la Carnicería Teatro témoigneront d’un énorme malaise pouvant aller jusqu’au dégout total, à la colère sourde ou au rire facile. Rodrigo García est, dans tous les sens, passé maître dans l’art « d’exhiber des atrocités » et au lieu de sombrer dans le conflit oedipien, il vogue sur l’impératif contemporain : « jouis de ton symptôme ». La pensée critique brille par son absence en temps de crise généralisée, d’où cette impression que les esprits balancent entre la régression infantile et la diversion glaciaire. Après l’overdose de happy talk, nous nous abandonnons au pessimisme. Rodrigo García est, je n’exagère pas, un véritable maître du verbiage. « Il s’agit — écrit-il dans Protégez-moi de ce que je désire — de parler durant dix heures d’une façon ou d’une autre c’est-à-dire s’étendre ou tout considérer comme acquis tout dire en deux mots ou s’étendre et donner la sensation de ne jamais avoir tout dit d’en remettre une couche sans arrêt de laisser toujours les images dans la pénombre et recouvrir le verbiage de verbiage et encore du verbiage en deux mots tout ça pour captiver l’auditoire. » Au-delà de la régression freudienne et de la forclusion lacanienne, Rodrigo García tire partie du breakdown, excusez l’emploi de la terminologie de Winnicott, et conçoit un espace où le délire ne supporte ni coupe, ni interruption. Si Rodrigo García est un professionnel dans « l’art singulier du commérage», comme s’il était un anthropologue de l’ennui contemporain, prêt à enregistrer le bavardage le plus stérile qu’on puisse imaginer, les fascinants blablatages qu’on entend à la table à côté, c’est parce qu’il y a plus d’éléments pour comprendre ce qui nous arrive dans ces insignifiances que dans ce qui se veut être une « vraie » réflexion philosophique, mais qui dans bien des cas n’est qu’une compilation démesurée de chimères ou de la taxidermie académique. Par ailleurs, il pressent que tout discours engagé ou « art de la propagande » ne peut rien être d’autre qu’un oxymore, une façon de simuler un radicalisme qui succombera, en définitive, à l’inertie du « subventionné ». La révolution électronique a été, comme Burroughs le prophétise, une sorte de reproduction d’enregistrement d’accidents qui peuvent provoquer un autre accident. Le simulacre constant de proximité et de communication, cet envoutement du « mur des petits copains du like » ne fait rien d’autre que de rendre permanent l’effet Larsen. Tout est raccordé et retwitté, au point que « le degré Xerox de la culture » est, pour les junkies cybernétiques, une sorte de grotte préhistorique où tout — des fax à la trame des récits— a été effacé. Le groupe punk The Desperate Bicycles a sorti en 1978 un single dont le titre n’a pas perdu de son mordant : The médium Was Tedium. Rodrigo García ne se contente pas de cartographier l’ennui généralisé mais, avec son théâtre qui est plus pré-dramatique que post-dramatique (cette théorisation de Hans-Thies Lhemann, est d’ailleurs, particulièrement lourde) il se moque de ces « clins d’œil » propres à une culture qui est encore prise dans les mailles de la maladie historique. Son discours insistant
n’est pas cynique mais kunique en accord avec Peter Sloterdijk, c’est-à-dire qu’il se situe dans le sillage hétérodoxe de cette « secte du chien » qui était composée de solitaires excentriques, moralistes provocateurs, et opiniâtres. Diogène, à ce qu’on raconte, avait la drôle habitude d’entrer dans le théâtre quand tout le monde se précipitait vers la sortie, pour le simple plaisir de gêner et d’empêcher la circulation « rationnelle », il déféquait et forniquait en public et il enseigna aux rares fidèles qui furent capables de supporter son indécence qu’il faut assumer sans crainte devoir pisser contre le vent de l’idéalisme. Rodrigo García pratique sans cesse la parrhésie, son verbe libertaire implique, excusez le mauvais jeu de mot proustien, une recherche de l’insolence perdue. J’ai l’impression que toutes ses pièces de théâtre sont des « saynètes » dans lesquelles il propose une forme exemplaire de résistance satirique face au tsunami des « discours experts », aux cénacles des « spécialistes en tout » ou de l’académisme postmoderne. Lautréamont a souligné que la poésie se trouve partout où n’est pas le sourire. Le poète qui a proposé de définir la beauté comme la rencontre d’éléments hétérogènes « sur une table de dissection » n’a pas eu à supporter les autopsies médiatiques qui régissent notre « traitement Ludovico » inconscient. Nous vivons une époque où de mauvais comédiens ont fait de l’esthétique du pipi-caca-prout le style parfait pour la neutralisation de tout antagonisme. Il faudra affronter la tragédie en se mordant la langue à la manière de Duchamp, en se prêtant au rire ou en carnavalisant tout, car, comme nous l’avons entendu dans Golgota Picnic « En vérité‚ je vous le dis‚ qui n’a pas le sens de l’humour n’entend rien à la vie ». L’humour est un des éléments caractéristiques du théâtre de Rodrigo García qui, dans Mort et réincarnation en Cowboy, commence par la « nostalgie » que l’on porte pour le devenir historique du rire : « Le rire a subi une transformation épouvantable au long des millions d’années d’existence des êtres qui rient. J’ignore à quelle étape de son évolution le rire a cessé d’être chose rare‚ un trésor perturbateur‚ pour devenir une réitération banale. Je ne pense pas que l’homme primitif ait passé son temps à rire (pas plus qu’à grogner)‚ ni qu’il ait ri de tout. Je ne pense pas non plus qu’il ait ri en groupe. » Adorno a montré qu’Auschwitz avait eu des conséquences sur le rire. Cet événement atroce qui a obligé l’art à intégrer la barbarie, comme le fait Beckett en jetant les personnages aux ordures, ou bien en faisant de la poésie une litanie cryptique, un immense schibboleth. Rodrigo García considère le rire, ce qui est certainement impossible pour le Christ, comme un moyen de contrôle social, comme un « produit » de notre société qui est à proprement parlé dans la boîte, un son qui peut devenir vomitif, tout comme ce personnage de La forêt est jeune et pleine de vie qui nous retourne littéralement l’estomac : « le gars à la casquette imitation Adidas ». Souvenons-nous d’une inquiétante question posée par Ludwig Tieck dans William Novell : « Est-ce que je ne me déplace pas dans cette vie comme un somnambule, comme un aveugle aux yeux ouverts ? Tout ce qui m’arrive est une chimère de mon imagination intérieure ». Autour du sujet romantique tout est désert et chaos, les rêves de ladite religion de l’art ont été changés en figurines de porcelaine made in Lladró. Nous ne saurions même pas être émus devant une simple tête de mort à travers laquelle le souvenir du visage d’un bouffon nous revient, quand la descendance de Yorick est composée d’une bande de balourds qui au lieu d’exorciser la mélancolie provoquent des soupirs apocalyptiques. Rodrigo García n’a pas besoin de tirer sur les grandes voix théâtrales du passé, tel que l’aurait fait Burroughs en utilisant comme diane un portrait de Shakespeare. Il n’est pas prêt non plus à jouer les « papis » de n’importe quel nostalgique du grunge, notamment quand les nihilistes du contemporain seraient prêts à tout pour un sac Loewe, dans leur frénésie bcbg-hipster. Nous ne pouvons pas nier que le vieux pope-poli-toxicomane disait, de temps à autres, des vérités vraies, quand il déclarait par exemple qu’il nous faudrait nous protéger de nos animaux de compagnie, de nos animaux humains, et que comme il le dit dans Nova Express nous sommes « vendus à la merde pour toujours ». Rodrigo García connaît
trop « le virus du pouvoir », qui annule toutes les libertés et provoque une contagion de laideur et de ringardise. Son théâtre satirique est, en bonne partie, une ontologie du sordide. Son écriture compulsive nous offre un carnet de bord de la putréfaction contemporaine qui avec une énergie démentielle, finit par apparaître comme un vandalisme obscène. Souvenons-nous d’un passage que nous pouvons désormais considérer comme « mythique » du Festin nu : «Les jeunes voyous du rock n’ roll chambardent les rues du monde entier. Ils envahissent le Louvre et vitriolent la Joconde, ils ouvrent les grilles des zoos, des prisons et des asiles d’aliénés, ils crèvent les conduites d’eau au marteau pneumatique ». Aujourd’hui il ne suffit plus de lâcher des hordes de cochons grognonnant dans les coulisses de la Bourse, ni de faire caca sur le plancher de la salle des séances des Nations-Unies, parce qu’entre autres choses, les professionnels de la diplomatie mondiale se torchent impunément le cul avec tous les traités, les alliances et les pactes. L’effronterie de la kleptocratie globale met en grande difficulté tous ceux qui tentent de profaner l’ordre du présent, qui n’est autre, pour reprendre Bergamín, l’exalté de l’amnésie transitoire, que celui de la confusion régnante. L’œuvre de Rodrigo García est une sorte de Comédie humaine, à la manière de Balzac, basée sur l’observation minutieuse de la réalité et soumise à une brutale mise à nue. Il y a quelque chose de comique dans l’expérience moderne en tant que telle, une comédie démoniaque, non pas divine, précisément dans la mesure où l’expérience moderne se caractérise par des situations mécanisées et dépourvues de sens, par des processus dans lesquels le manque de relation est évident. Si la comédie peut être, sans aucune espèce de doute, un des meilleurs dynamiseurs de la réflexion, ou, tout au moins, l’acte qui fait descendre ce qui est mystifié de son piédestal, on peut aussi tirer parti de la parodie de l’original, comme l’ont fait selon Jameson quelques artistes postmodernes. Le danger est que la nature mimétique de la parodie peut facilement déboucher sur l’imposture. L’homme qui rit peut être atrocement touché, voilà pourquoi le parodiste en profite, sans presque prendre aucun risque, en jouant avec des dés pipés. « Notre époque — affirme Rodrigo García dans Golgota Picnic — est une aubaine pour les humoristes La post-postmodernité nous a rendus ironiques jusqu’à la moelle Vous êtes au-dessus de tout Vous connaissez tout Vous savez tout Vous avez tout vécu Vous avez bâti‚ avec moi‚ la métropole ironique Les arrêts de métro s’appellent Mordacité‚ Satire‚ Cynisme Vous ne pouvez rien faire la mine sérieuse Elle est révolue‚ l’époque où on jouait sa vie pour des causes perdues‚ où on risquait sa peau À présent‚ tout se fait avec de la distance‚ à distance‚ avec froideur et‚ paraît-il‚ intelligence. Tu parles. Peu importe qu’il s’agisse d’un maire ou d’un artiste conceptuel : vous faites des mouvements‚ des mimiques et votre auditoire esquisse illico ce petit sourire à la con qui sous-entend « je t’ai compris‚ j’ai pigé‚ j’ai saisi le clin d’œil‚ tu fais allusion à Godard‚ j’imagine » Une communauté spécialisée dans les clins d’œil En somme‚ toute votre vie n’est que clins d’œil Le jour se lève‚ têtes de nœuds Et vous ne le célébrez pas‚ vous regardez le jour se lever avec suffisance‚ vous avez votre clin d’œil qui vous place au-dessus du lever du soleil ». Nous sommes atteints d’un ironisme qui fonctionne comme camouflage à l’impuissance, nous nous délectons dans notre attitude épigonique que nous poussons, jusqu’au maniérisme, vers une esthétique du pastiche et une complicité « culturelle » qui, dans de nombreux cas, relève de la pose, ce mode de réception flasque qui n’admet pas l’hétérodoxie excepté sous la forme de ce clin d’œil d’un « copinage » pathétique.
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Après la chute des Tours du Pouvoir et la déclaration de l’état d’exception nous avons compris que plus dure serait la chute de cette «escroquerie financière ». Aujourd’hui les talibans (de toutes nations, rassemblés dans une nouvelle Internationale du Mac Djihad, comme le fait remarquer Žižek avec cynisme) vont main dans la main avec les teletubbies (des pervers polymorphes camouflés sous leur fourrure phosphorescente). Alexander Trocchi pensait que le drame de l’homme était lié au fait qu’il ne savait plus comment jouer, alors que Ian Curtis détournait cette sentence pour nous faire prendre conscience qu’en réalité ce que nous avions oublié c’était danser. Quand le trémoussage et le karaoké sont la matière première du reality show il faut se frotter à d’autres « sports de l’extrême » même s’il s’agit d’une tentative étrange de « dompter » à poil un taureau mécanique comme le font les cowboys de Rodrigo García. Au commencement était le rire, bien que, comme le note Rodrigo García, cela n’a pas duré longtemps car en réalité ce que nous considérons drôle est, en définitive, horrible. Le théâtre détraqué est une réponse « appropriée » à un paysage médiatique et social dans lequel la confession se consomme comme s’il s’agissait du plus minable des amuse-gueules. « Avouer ses joies — remarque Rodrigo García dans Golgota Picnic— est aussi stupide que mettre ses peines à nu. On partage des olives‚ des ailes de poulet grillé ou des cacahuètes et point. Basta». Nous voulons tout à la fois, nous zappons compulsivement, pris au piège des portes automatiques d’un monde policier et après tant de délires et de foutaises, voilà que nous avons encore la phobie des taches. Il faut éviter les accidents, même si c’est en nous goinfrant de ce que Rodrigo García qualifie de « maudits passe-temps », et en perdant notre temps à ricaner. Notre monde, comme le reflète l’imaginaire de Rodrigo García, amplifie la violence et fait de la peur le dernier emblème de la vie émotionnelle. Le ton général de notre époque est punk pourtant l’idée se propage que cette négativité puisse aussi être un montage. Nous ne pouvons pas cracher éternellement sur le public, et il se peut que détruire une guitare sur scène, à l’heure actuelle, ne soit rien d’autre qu’un geste académique. Un vers de Rimbaud peut définir l’état du monde : « Voici le temps des Assassins ». Nous ne sommes plus dans la « matinée d’ivresse », mais à l’issue d’un rêve, post-goyesque, qui a certainement généré des monstres. La phrase des portes de l’enfer ne cesse de revenir dans l’imaginaire obsessionnel : « Abandonne tout espoir, toi qui entre ici ». Rodrigo García sait que « si tu t’y efforces‚ tu oublieras peutêtre les mots ; mais les images‚ pas moyen de t’en libérer ». Son théâtre de l’indignation, me rappelle, sans cesse, un début pataphysique et insolent, comme si le fantôme du Père Ubu revenait et qu’il prononçait le mot clé « Merdre ». Fernando Castro Flórez, professeur d’Esthétique et Théorie des Arts à l’Université Autonome de Madrid. Critique d’art et commissaire d’expositions. Son dernier ouvrage est intitulé : Mierda y catastrofe. Sindromes culturales del arte contemporáneo.
Réflexions au sujet de l’art et du théâtre
Rien ne tient dans rien.
Notes sur la pointe des pieds sur l’œuvre de mon ami Rodrigo García. J’approche sur la pointe des pieds pour écrire sur l’œuvre de Rodrigo, j’approche sur la pointe des pieds car je suis danseuse et je comprends que ces pas imprudents et rapides, qui frôlent à peine le sol, sont la seule façon que j’aie d’écrire sur l’œuvre de Rodrigo sans en sortir échaudée. J’approche pour parler de l’œuvre de Rodrigo à travers quelques notes qui tournent autour de l’idée du débordement, qui est ce qui m’est toujours arrivé lorsque je m’approche de cette œuvre. Je leur ai donné pour titre un vers du poète Juarroz qui dit « Rien ne tient dans rien », comme si ce vers avait été écrit par les deux poètes, Roberto Juarroz et Rodrigo García, et comme si les deux poètes savaient que le débordement est l’acte le plus naturel dans l’art comme dans la vie.
************ J’ai travaillé avec Rodrigo à travers le corps, et j’ai essayé de comprendre quelle était la dimension qu’il cherchait dans les actes et les mouvements et de trouver où ma façon de les comprendre et la sienne se rejoignaient. Et presque à chaque fois je me suis retrouvée au point où les limites du corps débordent, comme si pour comprendre ce que nous cherchons il fallait arriver au moment où ce que nous cherchons commence à s’effacer et à se transformer. Nous avons construit des corps-poissons, des corps convulsés, des corps-plantes, des corps-ours, des corps d’une beauté ridicule, des corps idiots, des corps aveugles, en cherchant toujours cet instant où chaque idée devient autre chose, sans nom, sans limite. Et j’ai compris la perplexité et le vertige ressentis face à ce qui n’est pas délimité. Parfois il me semble merveilleux que nous ne soyons que de la chair et parfois il me semble terrible que tout ce que nous sommes ne soit que de la chair. Parfois il me semble merveilleux qu’il n’y ait pas de frontière dans notre corps, qu’en lui tout soit rassemblé et mélangé : l’urine et le sperme, le soupir et l’étranglement, la sensualité et la violence, les idées et les injonctions que nous donnons à notre intestin pour qu’il ne s’arrête pas. Et parfois, ce débordement continuel du corps me semble terrifiant et maintenant que je vieillis, cela me semble de plus en plus terrifiant. Parfois, des artistes m’ont enseigné que la poésie du corps ne peut cacher les muscles et les tripes d’où elle vient. Que la boue et la beauté commencent par la même lettre et qu’elles n’appartiennent pas à des catégories opposées. Parmi ces artistes, le premier sur la liste, c’est Rodrigo.
************ Dans L’avantage avec les animaux, c’est qu’ils t’aiment sans poser de questions, Patricia et Carlos me demandaient : PATRICIA : Et dis-moi : aimeraistu vivre dans d’autres couleurs ? ELENA : Non J’aimerais vivre dans d’autres mouvements CARLOS : Et dans d’autres sons ? ELENA : Non Dans d’autres mouvements J’ai souvent dansé avec ce petit dialogue collé à ma peau comme un timbre.
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HUMAIN TROP HUMAIN / CDN MONTPELLIER SAISON OCTOBRE-JANVIER 2014
Jan Lauwers
************ ************ Rodrigo m’a parlé du philosophe Emmanuel Levinas quand on faisait Estaos quietos hijos de puta. Levinas est le philosophe du visage, celui qui pensait que si nous nous regardions en face nous ne pourrions pas nous tuer. Je me souviens de Patricia Lamas dans ce film, c’était la nuit à la Puerta del Sol, sur son visage elle portait la photo du visage d’un top model ; elle regardait à travers d’autres yeux, elle trébuchait (évidemment car elle n’y voyait rien), et respirait à travers un autre nez, un poème. Je crois que l’idée du social se crée à partir d’un corps à côté d’un autre, ou d’un corps au-dessus d’un autre (selon comment on regarde). Elle naît lorsqu’un nom est accolé à un autre jusqu’à ce que, par l’accumulation de tant de noms, l’anonymat finisse par apparaître. Et je crois que cela, cette lapalissade, est le principe de la contradiction du social, le premier pas de toutes les perversions du social : l’amour, le nom et les traits de chaque visage composent un espace qui les annule et qui les efface. Chercher l’amour dans un visage sans visage a bien des chances d’être une triste expérience. Je crois que l’œuvre de Rodrigo se fonde sur cette harmonie impossible entre le nom et l’anonymat, entre le visage de chacun et la multitude, entre l’amour et l’isolement. Il existe une beauté liée à l’idée d’impossible, une beauté en soi, sur laquelle j’aimerais pouvoir écrire, mais j’ai beau essayé, je ne peux pas, pourtant je peux la nommer et dire que la beauté est le fondement de l’œuvre de mon ami Rodrigo García. La beauté, la beauté, cette beauté.
************ Après ma maladie, j’ai trouvé ce message : « Sois la bienvenue de nouveau à la vie, puisque tu insistes ».
************ Je n’aime pas le mot texte, on dirait que quand on parle de texte on ne parle pas de mots, on ne parle pas de noms ni de verbes. On dirait que quand on parle de texte on oublie le sens du mot, le sens de l’acte de nommer. Rodrigo m’a fait un cadeau pour la première de ma pièce Silencio, un très, très beau film dans lequel le mot peur s’embraser et se consumait lui-même. Il me semble que quand on parle de texte théâtral, on parle de quelque chose qui donne son contenu à une œuvre scénique et il me semble que doter le mot d’un contenu est un chemin étroit, et cela l’est aussi dans la perspective de la scène lorsqu’on cherche le contenu dans le texte. C’est pourquoi j’aime parler de mots, d’idées, de poésies mais pas de textes, car les mots servent à convoquer la réalité et le plateau est un endroit génial pour convoquer la réalité, parce qu’il est tellement irréel, tellement vide. Je pense à Rodrigo quand il dit, dans Daisy, que le mot LUNE est un mot éternel ou bien quand il parle de la douleur de dire les mots VERGER ou PLANTATION parce qu’ils représentent le temps et le destin, et quand il parle d’étoile et de baiser et de fruits des bois et d’intensité, c’est là que la scène se transforme en nom, LE NOM. Je pense aussi que la scène est un lieu idéal pour y situer le verbe, pour le construire sous nos yeux, pour lui rendre le geste qui lui est attaché. Et le théâtre de Rodrigo est le théâtre du verbe, de la pureté du geste, de la fantaisie et de la perversité du geste.
************ Nous ne pouvons pas nous éloigner des choses, pas même maintenant que la presbytie nous oblige à prendre de la distance pour y voir clair. Je me demande si l’objectivité est une distance, ce que vaut l’objectivité qui nous donne la distance.
************ La nuit où mon premier enfant est né on a trinqué avec une bouteille de whisky très, très tard dans l’hôpital complètement silencieux.
************ Une fois, Rodrigo m’a envoyé un petit texte du Comte de Lautréamont qui, je cite de mémoire, disait quelque chose comme : « Exprime la tristesse mais ne pleure jamais en public ». Ces derniers temps, mon travail est intimement lié aux larmes et à leurs traces, je suppose que cela est dû au fait que je bats en retraite et que ma mélancolie en est aiguisée, et en même temps cela m’enlève le poids de la responsabilité artistique (si lourd parfois, si bêtement lourd). Chaque fois que cette chaleur incontrôlable me monte aux yeux et que je ressens cette honte de dévoiler mes pleurs aux autres, je pense au Comte de Lautréamont et à Rodrigo et je leur dis : « C’est bien pour vous ! »
************ Je pense à la maison de Rodrigo dans les Asturies, qui se trouve littéralement au sommet d’une montagne et je me demande comment tout ce qu’il y a dedans, son œuvre, son isolement, sa musique, va pouvoir tenir dans un centre dramatique en France, et je me dis que, peut-être, ce nom de Centre Dramatique, qui m’a toujours paru disproportionné, va maintenant connaître une réalité qui ne sera pas trop petite pour lui, un lieu ouvert aux gigantesques chutes d’eau, aux écroulements, aux débordements. Même si tout espace se confond au final avec tout autre. Même si tout espace Est un jeu impossible Car rien ne tient dans rien. Elena Córdoba est danseuse, elle a collaboré en tant que chorégraphe à différents moments de l’œuvre de Rodrigo García.
Mon cher Rodrigo, C’est dans la détresse que l’on reconnaît ses amis. Et l’Europe est en détresse. L’art est en détresse. Je suis ravi que ce soit toi qui deviennes le patron à Montpellier, et cela prouve qu’il peut se passer beaucoup de bonnes choses dans ce merveilleux pays qu’est la France. Je t’écris ici quelques pensées éparses au sujet de l’art, en espérant que cela signifie quelque chose. Amicalement : L’art peut être sombre et obscur. Certaines œuvres d’art me dépriment. Certaines sont lumineuses et limpides. D’autres me font sourire. D’autres encore me font détourner le regard avec dégoût. Certaines sont virtuoses et prétentieuses. D’autres se font toutes petites, honteuses d’être ratées. Certaines sont plus marquantes que d’autres, mais toutes observent en silence, témoins entêtés des erreurs incommensurables que l’homme a commises au nom de lui-même. Et il y a une chose qu’elles ont en commun : toutes sont nées de l’amour si nécessaire pour l’homme, toujours lui, qui ne cesse d’oublier, d’oublier et d’oublier encore. Voilà précisément la fonction de l’art, et donc celle du théâtre : rendre intelligible, et donc plus supportable, cet oubli éternel. Nous vivons encore avec les séquelles du postmodernisme et de la mentalité du ‘tout est permis’, qui a souvent mené à ce que rien ne soit plus possible. Et ce à une époque où l’on aime à jeter le discrédit sur l’art. Mais l’art est coriace, et la plus grande illusion qu’ait engendrée l’art est que l’art ne serait pas nécessaire. Sans l’art, j’en suis certain, la vie dans une société de consommation ne vaut pas d’être vécue. Une vie, ça se construit, il ne suffit pas de la vivre. Mais dans le même temps, on exige de plus en plus que l’art se mêle de politique, que l’art s’engage. Que l’art cesse de prendre une posture élitiste. Un art qui ne serait pas élitiste, c’est quoi au juste ? Un art populaire, peut-être ? Fondamentalement, toute forme d’art qui se manifeste par des sentences politiques superficielles ne se réduit-elle pas au divertissement ? L’art doit être profondément ancré dans la société. L’art se joue dans la zone d’ombre où s’entrechoquent poésie et réalité, et c’est au spectateur de déterminer quelle est la signification de l’ensemble. Voilà bien la différence entre art et divertissement. L’art ne peut être utilisé à des fins strictement politiques que lorsque l’interprétation de la réalité est une confirmation de ce que le spectateur connaît déjà. Ce qui fait que le spectateur ne peut pas discerner lui-même la signification de l’ensemble, et prend simplement ce qu’il voit pour la vérité. Voilà pourquoi l’art ʺpolitiquement engagéʺ est une notion fausse qui réduit l’art à du divertissement. Parce que la politique est déjà une interprétation limitée de la réalité, et que de ce fait, l’art ne peut pas remplir sa mission, à savoir : convaincre le spectateur de ne pas avoir peur de la liberté qui naît lorsque la réalité ne se trouve pas confirmée de façon évidente. Pour dire les choses plus simplement : brûler un drapeau américain ou attribuer le rôle principal à un allochtone non pas parce qu’il est bon mais parce qu’il est allochtone, cela n’a rien à voir avec l’art, et tout avec la politique et la démagogie. La politique, c’est la politique, et l’art, c’est l’art, mais tous deux doivent se préoccuper de la vie elle-même. C’est de cela, et uniquement de cela qu’il s’agit. C’est là, et uniquement là que ces deux-là se retrouveront. Et il y a suffisamment d’autres médias pour faire de la politique. La photographie de presse, par exemple. La différence entre une image de gens affamés en Afrique et une image d’art, c’est que nous regardons ces gens en sachant bien que cela ne nous arrivera jamais. Ce sont des images dont nous exigeons qu’elles représentent LA réalité. Mais nous ne voulons pas qu’elles nous renvoient notre regard. Tandis qu’une image d’art doit toujours nous renvoyer notre regard, parce qu’elle n’entend pas simplement représenter la réalité. Parce que l’art ne pourra jamais changer le monde, et ne se fixe jamais la vérité comme but. Il renvoie le regard et pose des questions. Et c’est aux critiques et aux chercheurs de commenter ces questions. Il existe une forme d’art qui résiste haut la main aux attaques de la société du spectacle dans laquelle nous vivons aujourd’hui, et c’est le théâtre. C’est sans doute le média qui est considéré comme le plus vieillot. Il opère à trop petite échelle, et en même temps il fait travailler trop de gens, ce qui le rend assez cher et trop éphémère pour avoir la moindre valeur d’investissement. La beauté de ce média, c’est l’idée de coopération. Non pas que le théâtre soit le summum du collectif. Le collectif est une notion très floue dans le monde de l’art. J’appellerais plutôt cela une collaboration autour d’un conflit positif. Ce n’est pas d’un répertoire que le théâtre a besoin, mais d’artistes. On voit d’ailleurs clairement à quel point le média théâtral influence les autres médias artistiques : Dogville de Lars Von Trier, les Cremasters de Matthew Barney, les photos de Jef Wall, les images de Paul McCarthy. Le meilleur exemple, ce sont les gardiens dansants de Tino Sehgal. En tentant de redéfinir l’art plastique, il redécouvre le théâtre dans sa forme la plus pure. Il est nécessaire que davantage d’artistes s’impliquent dans le théâtre. Car seuls les artistes peuvent redéfinir un média. Et c’est précisément cet aspect de l’art, à savoir l’art en tant que redéfinition de lui-même, qui est encore trop souvent absent au théâtre. Seulement, le théâtre, c’est difficile. Là où l’artiste plasticien doit pulvériser sa propre virtuosité pour pouvoir aborder d’autres questionnements, le créateur de théâtre a besoin de cette virtuosité. Parce que le théâtre est un média beaucoup plus complexe, du moins le théâtre que nous prônons, toi et moi : un théâtre où tous les différents médias qui sont nécessaires se rejoignent dans l’‘image’ autonome. Si on supprime le théâtre, on supprime avec lui le média le plus intangible qui ait jamais été inventé. Le théâtre est par excellence le média qui n’a jamais changé. Il y a seulement des changements d’accents, que l’on peut attribuer à l’esprit du temps. C’est comme pour le dessin : entre un dessin de Michelange, de Beuys ou de Klimt, il n’y a pas de réelle différence. Il s’agit d’autre chose que d’originalité et d’ego ; il ne s’agit jamais, malgré tout, de renouvellement, mais d’une sorte d’archivage de tout ce qui touche à l’homme. Et c’est pour cela qu’il est parfois difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Ce sont surtout les créateurs de théâtre eux-mêmes qui ne prennent pas le théâtre suffisamment au sérieux. Mon cher Rodrigo, anarchiste imprévisible, tout ce qui est précieux est sans défense. L’échec est presque inévitable. Le tout est d’échouer en beauté. Je serai ravi de t’y aider.
Note :Toutes les pièces de Rodrigo García dont sont tirés les extraits cités sont traduites par Christilla Vasserot et publiées ou à paraître aux éditions Les Solitaires intempestifs.
Avec tout mon respect et ma joyeuse anticipation, Ton ami Jan
HUMAIN TROP HUMAIN / CDN MONTPELLIER SAISON OCTOBRE-JANVIER 2014
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AQUI PODRIA IR LA ENTREVISTA DE DAVID
>Pratique Nouveaux rythmes
La programmation du CDN est désormais semestrielle (deux programmes seront édités par saison), ce qui va permettre à HTH d’être au plus près de l’actualité de la création.
Nouveaux horaires
Nous proposons un horaire unique pour toutes les représentations. Les spectacles se jouent désormais à 20h et 15h le dimanche (avec, bien sûr, quelques exceptions…)
Nouveaux tarifs
Nous avons choisi de mettre en place une grille tarifaire simplifiée avec une offre de prix volontairement très accessibles. Pour la majorité des catégories de spectateur, les tarifs baissent.
Nouvelle billetterie dématérialisée
Nous allons proposer aux spectateurs des billets dématérialisés, c’est-à-dire une carte plastifiée avec un QR code qui présente différents avantages. • Les achats de places en ligne, par téléphone ou en billetterie seront enregistrés directement sur la carte. • Toutes les places seront mémorisées (plus de billets à retirer ni de billets égarés : tout est informatisé). • Le spectateur bénéficiera de plus de souplesse concernant les échanges de places. • Le soir de la représentation, seule la carte devra être présentée au théâtre. • Humain trop humain continuera, bien sûr, à délivrer des billets papiers aux spectateurs qui le souhaitent
Nouveau resto
« ?????????? », le nouveau lieu de restauration de HTH, géré par La pratique, sera ouvert courant octobre du ???? au ????? à midi et les soirs de représentations à partir de 18h30. http://traiteurlapratique.fr + Logo
Et toujours
Un point librairie Sauramps est ouvert dans le hall du théâtre avant et après les spectacles.
Le Pass’culture Le Pass’Culture est réservé aux étudiants de 30 ans maximum. Il permet d’obtenir des places à tarifs ultra-privilégiés dans les structures culturelles adhérentes au dispositif. Il coûte 9 €, et vous permet d’acheter vos billets (uniquement en prévente) au tarif de 5€. Renseignements: www.crous-montpellier.fr / 04 67 41 50 96
Nous conseillons aux personnes se déplaçant en fauteuil de le signaler au moment de la réservation afin que nous leur réservions le meilleur accueil.
Même lorsque les spectacles sont complets à la réservation, il reste toujours des places de dernière minute le soir de la représentation. N’hésitez pas à vous présenter directement au théâtre.
Accès théâtre Accords particuliers • Maison des chômeurs. Pour les demandeurs d’emploi en grande difficulté, un accord a été signé avec la Maison des chômeurs et le Collectif des chômeurs et précaires de Montpellier (04 67 92 74 98), pour permettre d’accéder au théâtre au tarif de 3 €. • Associations à vocation sociale. Dans le cadre de projets particuliers, certaines associations peuvent bénéficier d’un tarif préférentiel (carnet : 20 places achetées) à 5€ la place. Contact : 04 67 99 25 13. • Culture et Sport Solidaires 34. HTH soutient l’action de Culture et Sport Solidaires 34 (public en rupture sociale). www.cultureetsportsolidaires34.fr
La Billetterie Le pass hTh Le Pass hTh
30€
Humain trop humain met en place le Pass hTh*. Il est nominatif et donne accès au tarif réduit sur tous les spectacles de la programmation pendant 3 saisons. *le Pass hTh donne accès à l’Abonnement voyage. C’est-à-dire au tarif réduit dans les structures partenaires de l’Abonnement voyage : La Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau, Le Théâtre - Scène National de Narbonne, Le Mercat de les Flors à Barcelone, Montpellier Danse, Le Teatre Nacional de Catalunya à Barcelone, Temporada Alta à Gérone, Le Théâtre de l’Archipel à Perpignan, Teatre Lliure à Barcelone.
Tarifs
Général 20€ Réduit
15€
• Spectateurs détenteurs du Pass hTh • Comités d’Entreprise ou groupes, sous réserve d’un minimum de 10 places à prendre lors de la 1ère commande, Enseignants qui mènent une action avec le CDN • Spectateurs abonnés des théâtres partenaires : Domaine d’O, Théâtre Jean Vilar, Théâtre La Vignette, Opéra et Orchestre National de Montpellier, Théâtre de Nîmes, Scène Nationale de Sète, Sortie Ouest à Béziers, Théâtre Jacques Cœur à Lattes, Théâtre de Villeneuve lès Maguelone et Montpellier Danse
Etudiants, Spectateurs non imposables
10€
(uniquement sur présentation du dernier avis d’imposition),
Professionnels du spectacle
10€
Enfants, Collégiens, Lycéens
5€
pour La Nuit électro
Général 20€ Réduit
15€
pour la Perfomance Rodrigo ????
Général 20€ Réduit
15€
Humain TROP humain Domaine de Grammont - Montpellier Parking gratuit. Plan d’accès à Grammont
Groupes, CE, associations • Pour un minimum de 20 places achetées, nous vous délivrons un carnet de contremarques à 10€ la place. • Délai de réservation 15 jours au plus tard avant la série de représentation. Au-delà de ce délai, placements en fonction des disponibilités de dates et de places.
Locations réservations Achat de billets en ligne sur www.humaintrophumain.fr Vos places seront disponibles au guichet du théâtre le soir de la 1ère représentation choisie. Billetterie du théâtre Tél. 04 67 99 25 00 Domaine de Grammont Montpellier Ouverture de la billetterie : du lundi au vendredi de 13h à 18h et les samedis de représentation de 13h à 18h Autres points de vente FNAC, www.fnac.com et réseau www.francebillet.com Délais de règlement des réservations Vous pouvez réserver à tout moment. Les réservations individuelles non réglées 48h avant la représentation ne seront assurées que dans la mesure des places disponibles. Pour les groupes scolaires les places doivent être réglées 20 jours avant la représentation. Modes de règlement Espèces, chèque, carte bancaire, chèque vacances, chèque culture. Pour les paiements par courrier, merci d’adresser votre chèque en rappelant votre commande à : Humain trop humain, Domaine de Grammont - CS 69060, 34965 Montpellier Cedex 2 Vos places seront disponibles le soir de la 1ère représentation choisie au guichet du théâtre.
Navettes Un service de navettes est mis en place pour accéder au théâtre les soirs de représentations à Grammont (en partenariat avec la TAM). Aller: 3 navettes, départ Place de France, à 18h50, 19h10 et 19h30 Retour: navette 1 : 20 mn après le spectacle, navette 2 : 50 mn après le spectacle navette 3 : 1h20 après le spectacle arrivée Place de France A l’aller et au retour, tous les titres de transport TAM sont acceptés.
Autres lieux de représentations Ce semestre : Domaine d’O entrée nord : 178 rue de la Carriérasse bus 24, tram ligne 1 arrêt Malbosc Théâtre la Vignette Université Paul-Valéry, entrée directe par l’avenue Val de Montferrand tram ligne 1 : arrêt Saint-Éloi + 15mn à pied Centre Chorégraphique National Agora Boulevard Louis Blanc tram ligne 1 et 4 arrêt Louis Blanc La Chapelle 170 rue Joachim du Bellay bus 11 arrêt Cité Gély (dernier bus à 20h), tram ligne 3 arrêt Plan Cabanes + 10 mn à pied
Placement Les places sont numérotées et attribuées dans l’ordre d’inscription. La numérotation n’est valable que jusqu’à l’heure prévue de la représentation. Pour les spectacles La Imaginación del futuro, Perf Rodrigo ????????, Geneviève Strosser et Xasax, Fio conductor et la Nuit électro le placement est libre.
L’équipe Directeur Rodrigo García Directeur adjoint Nicolas Roux Collaborateur artistique Laurent Berger Administrateur Benoît Joëssel* Directeur Technique Gérard Espinosa* ADMINISTRATION Administrateur adjoint, chef comptable Gérard Loyer* Comptable Fabienne Bonnaud* Tél. 04 67 99 25 15 Secrétaire de direction Martine Bailleul* Tél. 04 67 99 25 14
PRODUCTION / COMMUNICATION / BILLETTERIE Attachée de presse, responsable de projets Claudine Arignon* Tél. 04 67 99 25 11 presse@theatre-13vents.com Responsable communication Sophie Pujadas* Tél. 04 67 99 25 21 Attachée de production, secrétaire Alice Fabbri* Tél. 04 67 99 25 08 Secrétaire communication Florian Bosc* Tél. 04 67 99 25 20 Responsable Billetterie Eva Loyer* Tél. 04 67 99 25 00 reservation@theatre-13vents.com
Responsable de l’Accueil Billetterie – Réseaux sociaux Alain Feral* Tél. 04 67 99 25 00 Standardiste – Employé de bureau Philippe Poupel* Tél. 04 67 99 25 25 Hôtes et hôtesses d’accueil Solène Mangin, Lisa Nogara, Anna Plaideau, Anaïs Razoux, Benoît Saladino, Tiffen Englebert, Marjorie Vaussenat, Valentin Garcia, Thomas Greck, Sylvain Brunerie, Pierre Peres, Philéas Diacoyannis MEDIATION Responsable des relations publiques Sandrine Morel* Tél. 04 67 99 25 13 relationspubliques@humaintrophumain.fr Attaché aux Relations Publiques Rolande Le Gal* Tél. 04 67 99 25 12 Secrétaire des relations publiques Béatrice Dumoulin* Tél. 04 67 99 25 05
TECHNIQUE Régisseur général Frédéric Razoux* Régisseur, réalisateur son et vidéo Serge Monségu* Régisseurs lumières Martine André* Bernard Lhomme* Boris Pijetlovic (contrat d’apprentissage) Régisseurs de scène Claude Champel* Valentin Dabbadie (contrat d’apprentissage) Marianne MICHELUZZI Chef atelier costumes - habilleuse Marie Delphin Tél. 04 67 99 25 09 ateliercostumes@humaintrophumain.fr
Chef atelier décors Eric Dupuis* Tél. 04 67 06 17 40 atelierdecors@humaintrophumain.fr Constructeur décors Christophe Corsini Secrétaire technique Nathalie Abner* Tél. 04 67 99 25 02 technique@humaintrophumain.fr Agents d’entretien Clara Ferreira-Maïa Karima Ouichou fax technique 04 67 99 25 27
CALENDARIO INTERIOR DE CONTRA CON TINTA FOSFORITO