urbain
Régénérer les grands ensembles
Rédaction, édition déléguée
sous la direction de Ariella Masboungi
Chez le même éditeur :
Frédérique de Gravelaine
Penser la ville par le paysage, 2002 Penser la ville par la lumière, 2003 Nantes - La Loire dessine le projet, 2003 (bilingue français-anglais) Penser la ville par l’art contemporain, 2004 Gênes - Penser la ville par les grands événements, 2004 Bilbao - La culture comme projet de ville, 2001, réédition 2005 (bilingue français-espagnol) Penser la ville heureuse, Renzo Piano, 2005
es opérations ambitieuses, susceptibles de faire référence pour un renouvellement durable des grands ensembles ne manquent pas : c’est le premier enseignement de cet ouvrage, qui présente de nombreux exemples, en France comme en Europe (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Espagne). Seconde leçon : les démarches se sont élargies, au-delà des périmètres classiques des quartiers. La question des grands ensembles doit se traiter dorénavant à l’échelle de la ville, de l’agglomération : valorisés, reliés aux centres, ces territoires se révèlent comme porteurs des développements futurs. Cet ouvrage croise les paroles de concepteurs, d’élus, de maîtres d’ouvrage et de divers autres partenaires qui, investis depuis longtemps sur ces questions, témoignent tous de leurs démarches avec exigence et conviction.
L
À paraître en 2006 : – Faire la ville par le partenariat, Birmingham – Lotissements
Éditions DGUHC (disponibles à la direction générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (MTETM) : Chantier Rome (bilingue français-anglais) Projet urbain n° 22, 2000
Régénérer les grands ensembles
Collection Projet
Régénérer les grands ensembles
À ce jour une trentaine de rencontres a eu lieu, traitant alternativement de grands sujets thématiques et de monographies ou portraits de ville. Elles ont toutes été suivies de publications à l’adresse d’un public varié : professionnels, services administratifs, élus, étudiants ou chercheurs. Le présent ouvrage restitue la teneur de l’atelier Projet urbain qui s’est déroulé à Paris le 17 juin 2004.
Préface de Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement.
Sous la direction de Ariella Masboungi, architecte urbaniste en chef de l’État, chargée de la mission Projet urbain auprès du directeur général de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction (ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer), dirigeant les ateliers Projet urbain.
Autour de Roland Castro, François Grether, Djamel Klouche, Philippe Panerai, Bernard Paris, Gérard Penot, Gilles Rousseau, Alain Sarfati. Des élus: Pierre Albertini, Jean-Yves Chapuis, François CornutGentille, Brigitte Fouré, Patrick Rimbert.
Frédérique de Gravelaine, écrivaine, consultante, en charge de la rédaction et de l’édition déléguée des livres de la collection Projet urbain, a mené les enquêtes préparatoires et postérieures à l’atelier – en collaboration avec Carlos Gotlieb, architecte urbaniste. Armelle Lavallou, journaliste, a participé à la rédaction de certains articles.
Des maîtres d’ouvrage : Stéphane Dambrine, Pierre Joutard, Jean-Luc Poidevin.
Cet ouvrage a été réalisé par le ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, direction générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction, en association avec les Éditions de la Villette.
Ainsi que Sophie Body-Gendrot, Jordi Borja, Claude Brévan, Serge Brunet, Christine Cecchini, Jean Frébault, Kaye Geipel, Gérard Le Bihan et Dominique Mouillaux.
Publié avec la contribution de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
es ateliers Projet urbain sont des lieux d’échanges et de débats qui visent à constituer un savoir sur les enjeux, les concepts et les méthodes des projets urbains. Institués en 1993 par la direction en charge de l’urbanisme au ministère de l’Équipement, ils étudient des expériences présentées par leurs concepteurs ou leurs maîtres d’ouvrage, afin d’en dégager les pistes susceptibles de guider, à l’avenir, l’aménagement des villes.
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© Toute reproduction, même partielle, des textes, infographies et documents parus dans le présent ouvrage est soumise à l’autorisation préalable des éditeurs : le ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, DGUHC, et les Éditions de la Villette, quel que soit le support de la reproduction. ISBN : 2-915 456-19-4
Publié avec la contribution de
Projet Urbain
© Éditions de la Villette et DGUHC ISBN : 2-915 456-19-4
15 €
Merci à Miguel Chevalier qui nous a amicalement confié son œuvre Cité radieuse, 1993, reproduite en entier page 158 et dont le graphisme a largement inspiré cet ouvrage (couvertures et pages 14 à 16, 46 à 48, 78, 108, 126 à 128 et 140), ©Adagp.
RÉGÉNÉRER LES GRANDS ENSEMBLES sous la direction de
Ariella Masboungi
Rédaction, édition déléguée
Frédérique de Gravelaine
Projet Urbain
SOMMAIRE 4
Jean-Louis Borloo Réussir la rénovation des grands ensembles
6
François Delarue Un nouveau paysage se dessine
8
Philippe Van de Maele Pour une transformation durable, en profondeur
40
Antoine Grumbach Réparer la ville
43
Gérard Penot Prendre la place
47
DES OPÉRATIONS DE RÉFÉRENCE
48
Quelles stratégies par rapport au modèle des grands ensembles ?
117
Frédérique de Gravelaine Bijlmermeer, lieu de toutes les réparations
148
Christine Cecchini Ambition de qualité à toutes les échelles
120
Jordi Borja En Espagne, une situation nuancée
150
Gérard le Bihan Coordination et maîtrise d’ouvrage
122
Sophie Body-Gendrot Aux États-Unis, associer prévention et répression
151
Serge Brunet Le renouveau urbain dynamise l’ensemble
par Ariella Masboungi
10
12
15
Ariella Masboungi Donner des références
52
Ariella Masboungi Une définition qui guide l’action
PAROLES DE CONCEPTEURS
16
Du remodelage à la rénovation
17
Hommage
« Le génie tranquille » de Pierre Riboulet par Ariella Masboungi
78
Rouen, Berlin [Marzahn], Troyes [Cité des Provinces], Pantin [Les Courtillières], Paris XIIIe [Rue Nationale], Montreuil [Cité Bel Air], Lorient [Quai de Rohan], Villeneuve-la-Garenne [La Caravelle], Metz-Borny, Orléans [La Source], Nancy [Le Plateau], Marseille [Les Flamants], Londres [Stonebridge]
Innover ? Des valeurs d’usage pour mieux vivre
127
PAROLES D’ACTEURS
128
Stratégies des élus
129
Pierre Albertini Partager le projet
132
François Cornut-Gentille Faire de la politique
134
Brigitte Fouré Choisir la qualité
152
136
Patrick Rimbert Réintégrer ces quartiers dans la ville
138
Jean-Yves Chapuis Vivre en intelligence
140
Maîtrise d’ouvrage et autres acteurs du projet
141
Règles d’or de l’action
142
Jean-Luc Poidevin Un processus à organiser
144
Stéphane Dambrine Une politique d’agglomération forte et ambitieuse
146
Pierre Joutard Oser démolir mais apporter une qualité exceptionnelle
147
Dominique Mouillaux Tenir la distance
par Ariella Masboungi
20
De l’îlot Fougères (Paris XXe) à Double Couronne (Saint-Denis)
23
Roland Castro Reconstruire avant de démolir
25
Philippe Panerai Faire une banlieue ordinaire et belle
28
François Grether Introduire du mouvement
30
82
Djamel Klouche Intensifier à partir du réel
32
Gilles Rousseau Programmer pour féconder
34
Alain Sarfati Insuffler de la valeur
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Bernard Paris Régénérer par une stratégie de projet
Grenoble [Teisseire], Trélazé [Les Plaines], Amiens [Quartiers Nord – Ecopolis], Vaulx-en-Velin, Manchester [Hulme], Glasgow [Crown Street], Allonnes [Quartier de Chaoué], Lyon [La Duchère], Vénissieux [Les Minguettes], Saint-Dizier [Le Vert-Bois], Nantes [Malakoff-Pré Gauchet], Agglomération bordelaise [Les Hauts de Garonne]
108
Expériences étrangères
109
Carlos Gotlieb Démolition/reconstruction en Europe
113
Kaye Geipel En Allemagne, expérimentations morphologiques et culturelles
CONCLUSIONS
152
Claude Brévan La spirale ascendante
156
Jean Frébault La rénovation urbaine n’est qu’une des composantes de la politique de la ville
159
BIBLIOGRAPHIE
© Atelier Bernard Paris et Atelier des paysages.
Bernard Paris
RÉGÉNÉRER PAR D. R.
UNE STRATÉGIE DE PROJET
Bernard Paris, architecte urbaniste, intervient souvent dans les quartiers d’habitat social, fréquemment associé au paysagiste Alain Marguerit.
a transformation de la ville sur elle-même représente une aventure humaine et urbaine sans précédent à l’échelle du territoire. Des sommes aussi importantes que celles dévolues à la construction des grands ensembles vont être dépensées dans les prochaines décennies mais avec la difficulté nouvelle que ces quartiers sont habités et que la gestion de la dimension humaine est éminemment complexe. Malgré l’importance de l’enjeu, nous sommes trop peu nombreux à réfléchir sur ces questions et construire la ville autrement, mailler, diversifier, introduire de la mixité… Il faudrait que la nouvelle génération se mobilise sur ces thèmes. Mais le travail d’urbaniste n’est pas reconnu à sa juste valeur, avec ses études préalables sous-payées et l’obligation de recourir à des procédures d’appels d’offres pas toujours limpides pour pouvoir poursuivre une action dans la durée. À partir des opérations sur lesquelles nous travaillons avec Alain Marguerit, voici quelques points d’ancrage de nos démarches.
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LE TEMPS, L’HISTOIRE ET LA GÉOGRAPHIE Je préfère parler de stratégie de projet plutôt que de projet urbain. La stratégie se construit sur quelques objectifs fondamentaux (principes de trames, caractéristiques des îlots…) qui vont constituer l’armature de transformation du quartier et que l’on va réaliser au plus vite sur le site. Le temps fait partie de la stratégie. Le contenu programmatique, sa répartition dans l’espace, doivent être assez souples pour permettre l’adaptation aux évolutions inévitables dans le temps de la réalisation, qui est toujours très long.
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Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
Quartier Mermoz, à Lyon: donner des capacités d’évolution à un tissu qui en était dépourvu, en ouvrant le quartier sur ses franges, en y créant un axe fort qui traverse les barres de logements, en différenciant les espaces.
Un site reprend du sens si l’on révèle sa géographie d’origine et si l’on prend en compte son histoire. À Vaulx-en-Velin, le projet s’inscrit dans la trame verte développée à l’échelle de la ville et retrouve des tracés anciens en lien avec l’histoire de cette ancienne plaine maraîchère. Dans le quartier Saint-Jean à Villeurbanne, la nouvelle image donnée aux tours les transforment en vrais signaux urbains ; à Montélimar, nous conservons et changeons l’usage et l’image d’une tour qui devait être démolie ; à Vallauris nous essayons de reconstituer les terrasses de l’ancien quartier des Oliviers… Force est de constater que la mémoire urbaine est très courte et presque tous les grands ensembles des années 60 ont perdus leur cohérence par rapport aux objectifs d’origine, au fil des séquences d’aménagement. À Vaulx-en-Velin par exemple, le métro structurant la liaison avec la ville centre n’a pas été réalisé, la construction du Grand Vire, centre commercial de 25 000 m2, a interrompu l’axe central est-ouest, fédérateur de la plupart des équipements. Comment éviter sur les projets actuels de nouvelles pertes de cohérence ? La simplicité et la force des éléments constituant la stratégie urbaine, la souplesse d’adaptation des programmes, et la présence des concepteurs du projet dans toutes les phases de réalisation sont des garanties essentielles. S’y ajoute la nécessité d’un portage politique fort : la transformation de la ville constitue un acte politique qui n’a de chance d’aboutir que dans la mesure où les décisions sont validées et portées de façon claire par les élus et les administrations partenaires des projets.
DÉMOLIR OU PAS ? Après une longue période pendant laquelle la démolition a été taboue, nous voici dans la démolition à outrance érigée en principe. Cela risque de conduire à de graves erreurs d’objectifs, puisqu’une partie importante des problèmes à traiter sont davantage sociaux que structurels. Il faut bien sûr remplacer peu à peu un parc social vieillissant et démolir, mais avec discernement et à partir d’analyses objectives, ce qui n’est malheureusement que rarement le cas. Les principes de financements transversaux sont bons mais la course au guichet unique est négative. Pour certains projets, plus médiocres que ceux qu’ils remplacent, les temps de retour ne seront plus de trente ans comme pour les grands ensembles mais de quelques années seulement. Mon expérience d’architecte conseil dans le département du Nord est à ce titre représentatif : 8 à 10 000 logements vont être démolis malgré une demande énorme et une vacance quasi nulle. On remplace souvent de petites barres R + 3 ou R + 4 par de l’habitat individuel selon une idéologie très présente ici comme ailleurs, avec ses conséquences – étalement en contradiction avec le développement durable, difficultés de déplacements, répétitivité, anonymat, déficit d’échanges sociaux… Le projet de démolition des immeubles de Jean Renaudie sur le quartier du Courghain à Grande Synthe est par exemple selon moi un non sens. Des corrections sont à apporter mais l’inadaptation de la structure urbaine à la population qu’elle abrite ne peut justifier en elle-
Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
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Régénérer par une stratégie de projet
© Atelier Bernard Paris et Atelier des paysages.
Bernard Paris
même la démolition du contenant. C’est le contenu qui est « malade » et c’est lui qu’il faudrait faire évoluer. La démolition nécessitant la libération des lieux de tout occupant, on pourrait imaginer d’opérer une transfusion sociale, suivie d’une démarche patrimoniale. En matière de démolition, l’analyse du bâti existant devrait être développée sous la responsabilité des concepteurs du projet d’ensemble car ce travail doit prendre en compte la composition urbaine, la qualité structurelle, l’état technique, l’évolutivité, la typologie des logements, l’état d’entretien… La réponse ne peut être seulement quantitative. À Villeurbanne sur le quartier Saint-Jean, nous n’avons démoli aucun logement, 4 % sur le quartier Mermoz de Lyon et 35 % à La Duchère, peut-être 70 % à Vaulx-en-Velin sur le Mas du Taureau. Ces décisions sont le fruit d’une réflexion globale, validée par les instances politiques. La démolition, un des éléments du projet, ne peut représenter un objectif isolé du contexte urbain, technique ou social. Cela paraît évident alors que la vacance a pratiquement disparue et que les besoins, en logements en général et sociaux en particulier, sont énormes et non satisfaits.
MIXITÉS EN TROMPE L’ŒIL La mixité demande à être contrôlée et si nécessaire corrigée au cours de la vie d’un quartier. Il y a trente ans, les logements sociaux proposaient une mixité des populations et de leurs revenus. « Faire de l’accession » n’a de sens que si l’on précise la typologie, les surfaces, les montages financiers… Veut-on des familles primo accédantes ou des produits de défiscalisation qui amèneront des locataires ? Des outils de suivi doivent absolument mesurer les risques de constitution de nouveaux ghettos de façon préventive.
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Cette aventure de mutation des grands ensembles constitue une occasion formidable de mutation et de régénération des villes, aujourd’hui obsolètes entre des centres patrimonialisés et des banlieues dévalorisées. Relever ce défi majeur demande de mettre en place un plan en trois temps:
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Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
La Zaïne à Vallauris: recoudre les franges du quartier, remailler, démolir un tiers des logements, reconstituer les terrasses de l’ancien quartier des Oliviers: « un site reprend sens si l’on révèle sa géographie d’origine et son histoire ».
LE TEMPS DE LA RÉFLEXION ET DE LA CONCEPTION : – Poser les problèmes à la bonne échelle à travers un cahier des charges posant les bonnes questions. – Recruter une équipe de concepteurs compétents dotés des moyens contractuels de rémunération et de pérennité sur le temps de la conception mais aussi celui de la réalisation. – Mettre en place une stratégie qui permette à la fois l’inscription dans le site des éléments fondateurs du projet et la souplesse d’évolution pour faire face aux besoins réels dans 3, 5, 10 ou 15 ans. Il faut valoriser ce qui sera conservé, en complémentarité avec les éléments reconstruits. Mailler, recoudre, rapiécer, faire fonctionner ensemble le quartier concerné avec les quartiers voisins. Travailler sur le parcellaire afin de distinguer le public du privé et que ce dernier puisse muter demain, comme dans n’importe quel quartier. Se méfier de la résidentialisation qui ne peut être érigée en principe mais seulement constituer un moyen. – Avoir un projet porté sur le moyen et long terme par les élus et les financeurs. LE TEMPS DE LA RÉALISATION : – En cas de démolition de bâtiments, leur libération préalable peut nécessiter des opérations tiroirs, notamment pour les activités commerciales. Le déménagement des populations est un moment difficile, dont la prise en charge vise à réduire le traumatisme au minimum et à créer les conditions optimales à une réinsertion si possible heureuse. – Inventer de nouvelles manières de travailler, tant pour le montage des opérations que la réalisation, dans un objectif de partenariat public-privé. Les équipes de maîtrise d’œuvre doivent être rémunérées (si possible plutôt par l’aménageur que par le promoteur) si l’on veut attirer des concepteurs de qualité et casser les habitudes sclérosantes. Cela ne coûte rien ou presque, en regard des sommes globales en jeu et du risque à terme de se tromper sur les formes et les images produites. – L’équipe de maîtrise d’œuvre de conception reste, pendant tout cette phase, garante des objectifs de cohérence et de qualité : définition des cahiers des charges et des cahiers de prescriptions urbaines, paysagères et architecturales, études de faisabilité, appels de candidatures, choix des équipes appelées à concourir, commissions techniques, jurys, puis accompagnement des projets jusqu’au choix des couleurs ou de la signalisation… – De façon régulière, des bilans et vérifications d’objectifs permettent de comparer les intentions de départ et de les réorienter si nécessaire. – Le portage politique arbitre les problèmes, qui ne manquent pas d’apparaître. LE TEMPS DE GESTION : la gestion devient ensuite celle d’un quartier ordinaire, dans lequel les mutations s’organisent en essayant de maintenir la diversité formelle et fonctionnelle.
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« De l’aspect des espaces publics et de leur accessibilité dépendent l’agrément de la vie dans le quartier mais aussi son ouverture et son appartenance à la ville »: [1] plan général d’aménagement des espaces publics (qui intègre la création de la ZAC voisine, au nord); [4] [5] ouverture du jardin des Buttes (projet et réalisation);
Inscrire le quartier dans la ville
La stratégie d’insertion du quartier dans la ville s’ordonne par la conquête de l’espace public et des liens forts avec les quartiers environnants. Philippe Panerai intervient ainsi au-delà même du périmètre initial.
lors que ce grand ensemble vieillissant (1 300 logements, 2 800 habitants aux conditions de vie souvent précaires) manifeste les signes d’une dégradation, la municipalité de Grenoble décide d’agir sans attendre que la situation devienne dramatique. Elle lance une étude de définition légère à l’automne 1997, remportée par Philippe Panerai en mars 1998, et affirme la fermeté de son engagement en ouvrant le premier chantier dès l’été 1998. Sept ans plus tard, la moitié des travaux est réalisée et les décisions prises pour la seconde partie. L’ensemble des interventions, tant sur l’espace public que sur les bâtiments, exige peu de démolitions: 200 logements seulement dans la première phase.
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Étape préalable à toute action, la clarification du foncier permet de faire entrer le grand ensemble dans le droit commun. Un plan d’alignement définit les limites entre espaces publics gérés par la Ville et propriétés foncières des bailleurs (logements) ou de la Ville (équipements). Cette fragmentation permet de composer des « unités résidentielles », d’attribuer à chaque bâtiment un territoire que les habitants peuvent s’approprier, dont
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ils peuvent discuter entre eux les choix d’aménagement puis les négocier avec le bailleur – un processus qui a transformé les relations des locataires à leur propriétaire. La transformation du quartier s’opère d’abord par le travail sur l’espace public: requalifier les voies principales, prolonger les rues qui relient le quartier à la ville, soigner les points d’accroche, créer des espaces de vie agréables… Est ainsi constituée une véritable place, au carrefour de deux voies où passent des transports en commun : en reconstruisant là des équipements devenus vétustes (un centre social, la Poste, une bibliothèque) et des commerces, la place devient un lieu de rencontre entre les habitants des différents quartiers qu’elle dessert. Au cœur du grand ensemble, le jardin des Buttes est délimité, dessiné, suffisamment écarté des immeubles pour que les habitants soient protégés du bruit. Au pied des immeubles, des jardins privatifs sont réservés aux logements des rez-de-chaussée. Diversifier, pour faire du grand ensemble un quartier comme les autres, partager le patrimoine: 180 logements ont quitté le portefeuille de l’office HLM, bailleur unique, récupérés par la SEM, 80 rachetés par des locataires et les 200 reconstruits partagés entre les deux bailleurs. C’est aussi faire intervenir différents architectes : B. Paris ou Roda-Klimine-Kopff pour les logements, Chapuis
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© Panerai Petermüller pour tous les documents.
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et Royer (médiathèque), L. Saava (supermarché Atac)… Et leur transmettre quelques règles du jeu simples : ajouter systématiquement des balcons quand il n’y en avait pas, agrandir les cuisines tant que possible, redéfinir les entrées… « En somme, faire en sorte que la vie devienne un peu plus agréable à l’intérieur des logements. » Enfin, c’est mêler les échelles : les terrains sans affectation révélés par le partage du foncier peuvent accueillir des constructions nouvelles – petits équipements, petits collectifs et maisons individuelles : le grand ensemble étant bordé à l’est et à l’ouest par des quartiers de pavillons, y apporter des échelles diverses contribue à son intégration dans la ville.
[6] refonte de la place Cocat, à l’articulation avec les autres quartiers. [2] [3] Réhabilitation des immeubles, avec agrandissement des cuisines, ajout de balcons, halls d’entrée (B. Paris architecte).
Maîtrise d’ouvrage : Ville de Grenoble, Actis (Office HLM, ex Opale), SEM Grenoble Habitat. Maître d’œuvre : Philippe Panerai Dominique Petermüller. Calendrier et programme Étude de définition : automne 1997-mars 1998. Chantier du jardin des Buttes : été 1998. Résidentialisations Démolitions Coût global : 46 millions d’euros (2/3 pour l’habitat, 1/3 pour l’espace public et les équipements). Le coût des aménagements de « résidentialisation » (hors bâtiment) représente 3 800 € par logement.
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[1] Le site en 1990 et [2] le plan de référence: les espaces publics, colonne vertébrale de ce quartier de centralité, croisent maille
viaire et maille verte et mettent en situation les équipements anciens (comme la mairie, sur la place de
la Nation [3] et nouveaux (comme le lycée [5]). La rue principale [4]: réussir à y associer commerces, activités
et logements a demandé beaucoup de ténacité. [6] Aménagement d’espaces publics dans le quartier de la Thibaude.
Vaulx-en-Velin Tisser des liens entre des morceaux de ville
e travail de l’architecte urbaniste Bernard Paris et du paysagiste Alain Marguerit à Vaulx-en-Velin s’ancre d’abord dans la géographie d’une ville verte dont 57 % de la surface est classée boisée – a contrario de son image. Le projet prend forme à la croisée de deux histoires, celle du site, plaine maraîchère dont le parcellaire a conservé la trace des déplacements du Rhône, et celle de la ZUP bâtie entre 1968 et 1978, trahie par une double rupture : la desserte par des transports en commun efficaces n’a pas été assurée et la construction d’un centre commercial de 25 000 mètres carrés, le Grand Vire, a séparé les parties ouest et est de la ZUP, bloquant en son milieu l’axe qui devait irriguer la cité et fédérer ses équipements. La faillite du Grand Vire après le départ de ses enseignes importantes et la décision de le détruire prise par la municipalité en 1989 donnent l’occasion de retrouver une continuité en créant un nouveau centre urbain.
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Une stratégie pour résister dans la durée L’objectif, « édifier un quartier de centralité, fédérateur, qui participe directement au renouvellement des quartiers périphériques »,
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s’insère dans le cadre du GPU (grand projet urbain) prolongé en GPV en 2000. Des structures assez fortes et simples pour pouvoir évoluer tout en conservant l’essentiel vont permettre de conserver la cohérence dans la durée, souci prioritaire de l’équipe pour assurer une pérennité qui a fait défaut jusqu’alors. Bernard Paris et Alain Marguerit cherchent à répondre aux multiples violences faites à ce territoire, depuis l’urbanisation qui a vu sa population passer de 10 000 à 45 000 habitants en dix ans (environ 40 000 au début des années 2000, des familles venues de tous les continents) jusqu’à la destruction du centre commercial. Intervenant ici depuis 1989 et sans doute pour une dizaine d’années encore, ils restent avec le maire, Maurice Charrier, la mémoire du projet. La permanence est aussi garantie par la qualité du dialogue engagé entre les élus, les acteurs du projet, les habitants. La maison du quartier en a été un outil important : déplacée plusieurs fois au fil des opérations tiroirs, elle est un lieu de réunion, de visites, de travail et d’échanges avec la population. Pour mélanger les couches sociales, le maire a organisé des réunions par ordre alphabétique. À l’échelle de l’agglomération, un partenariat complexe mobilise les acteurs publics (Ville, État et Communauté urbaine) et garantit la continuité de l’opération malgré les aléas du marché. Le périmètre de travail ne se contente pas de la ZAC mais fédère les ZUP ouest et est et les deux quartiers historiques nord et sud. Une structure simple et forte La colonne vertébrale est assurée par les espaces publics, réalisés dès la première phase : « Dessinés clairement, ils créent les fondations du futur centre, supports des relations entre les quartiers, les équipements, les habitants », dit Alain Marguerit. Ils s’appuient sur la trame verte et la trame viaire, rétablissent les liaisons nord-sud niées par la ZUP, mettent en situation urbaine [...]
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Une stratégie de projet plus qu’un projet urbain : inscrire très vite sur le site quelques points forts, tenir ce qui semble essentiel dans la composition générale – la trame viaire, la trame verte, les alignements, l’épannelage, la superposition des fonctions – et conserver pour le reste une grande liberté, qui permette de saisir les opportunités, d’accueillir les évolutions impossibles à prévoir.
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Manchester [Grande-Bretagne]
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D. R. (gauche et droite).
Innover ? Des valeurs d’usage pour mieux vivre
Le jardin de ville, à la charnière entre le nouveau centre et les quartiers au sud. Atelier des paysages.
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Vaulx-en-Velin
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Partenariat public/privé
Hulme les équipements existants (hôtel de Ville, centre culturel, écoles d’architecture et des travaux publics de l’État, planétarium, palais des sports). Ces espaces publics bénéficient de la « qualité lyonnaise », car la Communauté urbaine construit en périphérie avec les mêmes matériaux et le même vocabulaire, la même qualité de finition que dans le centre : « Ces matériaux nobles et durables apportent une image fondatrice essentielle. » La première phase a mis en place la rue commerçante: relativement resserrée, avec des alignements et un épannelage homogène R + 4 à R + 6, intermédiaire entre les quartiers historiques et les R + 10 à R + 15 des ZUP, « de façon à répondre à la forte demande d’un quartier de transition, très repérable par les habitants ». La volonté de diversité conduit à superposer les fonctions, à composer des îlots aux copropriétés complexes : tous les bâtiments ont des commerces au rezde-chaussée, les immeubles d’habitation et de bureaux comme le lycée, ce qui ne s’est pas fait sans long combat: « Il a fallu de la ténacité, tout le monde nous avait prévenus que ce serait impossible, mais c’était un point essentiel à nos yeux. » Poursuivre vers les autres quartiers La deuxième phase, après la démolition du Grand Vire, met en œuvre d’autres types d’outils: à chaque concours, des maquettes de détail s’intègrent à la maquette générale. Les factures architecturales varient, alors que l’alignement, l’épannelage, les matériaux et l’objectif de qualité sont conservés – « une architecture au service de la composition urbaine, non une architecture objet », dit Bernard Paris. La dernière étape, depuis 2004, poursuit l’action vers les quartiers périphériques. Bernard Paris et Guéric Péré (ILEX paysagiste) étudient le Pré de L’Herpes et le Mas du Taureau – dont les quelques 2 300 logements posent d’importants problèmes de relogement. Le programme de démolition sera donc lent et, en attendant, les réhabilitations et les aménagements publics doivent assurer une certaine qualité de vie aux habitants. L’axe commerçant fédérateur va se prolonger vers ces autres quartiers, pour les animer, recoudre et donner de l’épaisseur au tissu bâti, effacer la coupure autoroutière.
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Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
Maîtres d’ouvrage publics et financement : Ville, Grand Lyon, État, Région, Conseil général, OPAC. Aménageur: SERL avec la SEMDEV. Maîtres d’œuvre : Atelier des paysages, Alain Marguerit, et Atelier de la Gère, Bernard Paris. Programmes : logements (100 000 m2), activités, bureaux (50 000 m2), commerces (10 000 m2), lycée (20 000 m2), jardin public (8 000 m2). 1re tranche (100 000 m2 SHON) achevée en 2006. 2e tranche (50 000 m2) : étude de composition (2005). Maîtres d’ouvrage privés : Spirit Grand Sud, Eiffage Immobilier, Casino. Maîtres d’œuvre logements, commerces, bureaux : AABD, Babylone Avenue, Ruby Colin, Rheinert, Tarlier et Genoud, Unanime, Xanadu ; équipements : BBC, Le Gerau, Rochas.
Un partenariat public/privé crée un nouveau quartier, support d’un renouveau économique et social.
ulme fut l’une des plus importantes opérations de grands ensembles en Grande-Bretagne, réalisée entre 1962 et 1972, 5 000 logements dans des barres, une île de 264 ha, coupée de la ville et vite devenue un quartier à problèmes : conflits entre les communautés, environnement anonyme avec séparation entre circulation piétonne et circulation des véhicules… Depuis 1992, le Hulme City Challenge met en place un programme de 37,5 millions de livres pour résoudre les problèmes sociaux, économiques et urbains du quartier, grâce à un partenariat entre les secteurs publics et privés, des entreprises et des associations locales. Pour manager cette initiative, la Ville de Manchester crée une joint venture company, Hulme Regeneration, qui associe les résidents, des housing associations ainsi que divers organismes publics et privés. Le développement de Hulme s’appuie sur un guide destiné aux promoteurs et aux
H
concepteurs (Rebuilding the City – a Guide to Developpement). Un Master Plan formule quelques règles : créer un réseau de rues très clair, favoriser l’animation par une certaine densité, composer des espaces publics bien calibrés. Un plan de composition urbaine assez classique retrouve l’ancien axe structurant qui avait été effacé : Stretford Road, prolongée par un nouveau pont vers le centreville, devient une véritable High Street commerçante. Malheureusement, le bâtiment de l’université récemment construit au milieu de l’axe oblige la rue à un contournement acrobatique. Le Master Plan devient le support des infrastructures et des îlots, que se partagent secteur public et promoteurs privés. Généralement, les programmes privés ont préféré de manière assez banale des typologies de terraced houses. Les interventions publiques ont fait un effort d’innovation, tel le projet Homes for change (architectes : Mills, Beaumont, Leavey, Channon) qui propose à des coopératives d’activités et d’habitat un îlot complexe dans lequel les espaces s’organisent avec subtilité.
Le nouveau quartier rase l’opération des années 60 qui avait démoli presque tous les anciens terraced housing du site pour créer des barres, notamment quatre Crescent blocks (barres courbes); il retrouve l’ancien axe qui avait été effacé: Stretford Road, prolongée vers le centre par un nouveau pont, devient une High Street commerçante.
Programme : 4000 logements démolis (appartenant à la Ville) ; 4 100 environ construits (1 800 maisons individuelles, 2 300 en collectif) dont 1 800 propriété municipale, 900 locatif social, 450 locatif privé, 800 accession.
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Innover ? Des valeurs d’usage pour mieux vivre Changer l’image
Centralités
Diversifier
Stratégies
Innover ? Des valeurs d’usage pour mieux vivre Désenclaver
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Centralités
Lyon Diversifier
Stratégies
Le plateau de la Duchère, 120 ha boisés surplombant la Saône. Le plan du projet à l’horizon 2012 : valoriser les qualités de paysage, relier
© ALLIADE/Petitdidier-Prioux-Ruffie.
© Jacques Léone.
Désenclaver
Lyon
à la ville alentour, revitaliser le cœur du quartier. Les démolitions permettent de désenclaver et de construire des logements diversifiés. Les premiers concours promoteurs/concepteurs permettent d’espérer des logements novateurs, respectueux de principes HQE, valorisant le
Lyon
site. Ainsi les « maisons plateaux » lauréates du concours Archi’Nova, dirigé vers les jeunes architectes et soucieux d’innovation (Cédric Petitdidier
architecte, Alliade promoteur). Ci-dessous, la tour dite « panoramique », un des bâtiments emblématiques conservés.
Diversité, diversité
La Duchère © Anatome/Mission GPV Lyon La Duchère.
a cité, construite au début des années 60, souffre autant de son enclavement (aggravé par le relief) que d’une mauvaise image dans l’agglomération (ses barres en frontière visuelle sur la ligne de crête). Elle a perdu beaucoup de ses habitants (de 20 000 à 12 000), connaît des difficultés sociales et la déshérence de son centre commercial. À partir d’un important programme de démolition (1 500 logements détruits sur 5 500), la reconstruction organise un nouveau maillage des voies autour d’îlots en U et de généreux espaces publics. Trois barres sont réhabilitées, dont un bel immeuble de Jean Dubuisson, et une tour dite « panoramique ».
L
Désenclavement, centralité L’équipe en charge du projet urbain s’organise autour du même duo d’urbanistes qu’à Vaulx-en-Velin, Alain Marguerit et Bernard Paris, à qui s’ajoute Pascal Gontier, architecte spécialiste du développement durable. Leur approche : s’attaquer à « l’un des dysfonctionnements majeurs de cet urbanisme des années 60, son rapport au sol ». Avec pour objectifs la volonté de « rééquilibrer l’im-
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plantation du bâti pour constituer un cadre plus urbain » et la recherche d’une dynamique sociale et économique, la stratégie urbaine décline 7 points : Désenclavement : dorénavant bien reliée à la ville car branchée directement sur l’autoroute et sur le pont d’Ecully, la Duchère est traversée par un nouvel axe estouest qui la relie aux communes voisines et aux pôles d’emplois. Paysage : les valeurs paysagères du site sont au centre de la démarche, en particulier le Vallon, les Balmes, les vues lointaines sur les monts du Lyonnais… Cette attention au paysage inspire toutes les échelles du projet, de la plus large (le territoire) à la plus quotidienne (les usages) en passant par la lisibilité générale des espaces. Maîtrise et qualité des espaces publics, qui valorisent la place du piéton et la lisibilité du maillage. Centralité : pour revitaliser le cœur du plateau et son centre commercial, une esplanade polarise les activités – équipements, écoles, commerces. Architecture en cohérence avec la topographie et les qualités paysagères : à la place des longues barres, des immeubles moins imposants, dotés d’entrées directes sur les rues, de parkings en sous-sol. Mixité et diversité: le pourcentage de logements sociaux passe de 80 à 60 % et divers promoteurs privés participent à la reconstruction, développant des types de logements variés. Cette diversité de l’offre doit permettre des parcours résidentiels et favoriser une vraie mixité sociale.
Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
Le thème du développement durable influence le projet sur plusieurs de ses composantes, manière de revisiter la composition urbaine: il marque autant la gestion de l’eau, l’éclairage, les transports ou la biodiversité que la qualité HQE des constructions et leur implantation en fonction de l’orientation, ou la volonté de conserver de l’espace libre et du sol perméable… Maîtrise d’ouvrage, rapidité, partenariats L’opération s’organise de façon originale, à partir d’une double maîtrise d’ouvrage : La mission GPV assure la conduite globale (mobilisation des outils, des partenaires, des moyens), en lien avec les territoires dans lesquels la Duchère s’inscrit : Ville de Lyon, bassin d’emploi, agglomération. « Nous mettons le quartier en mouvement pour l’ouvrir sur son environnement », dit Bernard Badon, son directeur. La S ERL (SEM du Grand Lyon, avec son département Renouvellement urbain) est l’aménageur unique de la ZAC GPV La Duchère : espaces publics, voiries, remembrement foncier, commercialisation. Elle intervient dans le cadre du projet global et de ses dimensions sociales, scolaires, économiques. Avec un impératif, la rapidité : changer la physionomie du quartier avant 2008. Le GPV obéit donc à un calendrier vigoureux: premières démolitions en 2003 (600 familles relogées), premiers chantiers en 2005; construction d’ici 2008 de plus de 1 000 logements, de nombreux équipements (bibliothèque, [...]
Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
© Jacques Léone.
Un site fabuleux, la troisième colline de Lyon, 120 hectares boisés surplombant la Saône. Le projet ouvre et valorise la structure paysagère pour y créer un quartier accessible, équilibré, attractif : une forte cohérence, pour accueillir la plus grande diversité possible de programmes, d’architectures, d’acteurs.
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Centralités
Diversifier
Innover ? Des valeurs d’usage pour mieux vivre
Stratégies
Désenclaver
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Le plateau des Minguettes, un repère dans l’agglomération
lyonnaise. Le concept, croquis d’Antoine Grumbach: 4 entités
Centralités
Vénissieux Diversifier
Stratégies
© MARIGNAN/Devillers-Yoon.
Désenclaver
Lyon
Deux autres exemples des 8 lots de logements lauréats des consultations
[...]
promoteurs/concepteurs de 2004. Agence Devillers (Tae-Hoon Yoon arch.) pour le
groupe Marignan: diversité des échelles, des typologies et des situations.
© Grand Lyon.
Lyon
Vénissieux
La Duchère
Les Minguettes
sports, maison des fêtes, groupes scolaires…) et aménagement des espaces publics ; fin de la deuxième phase en 2012. Et pendant toutes ces phases, un impératif est maintenu : ne pas attendre la fin du projet pour améliorer le quotidien des habitants, en requalifiant les espaces de vie comme en intervenant sur la formation, l’insertion, la vie culturelle… L’action se décompose en territoires de projet, délimités en fonction du phasage des constructions et de leur contenu programmatique. À la diversité des programmes répond la multiplicité des acteurs et le choix d’une qualité architecturale variée
et innovante. Une consultation de promoteurs/concepteurs a choisi en 2004 les opérations à venir sur trois des territoires de projet, présentés en huit îlots, eux-mêmes composés de plusieurs unités à bâtir : cette structure permet une approche fine, capable de réagir à l’évolution des marchés et de diversifier au maximum les opérateurs. Chaque équipe réalise au maximum 6 000 m2, les îlots prévoyant plusieurs types de logements (social, intermédiaire, accession), des commerces, des services… Budget global prévisionnel du GPV : 500 millions d’euros, dont la moitié en investissements privés. 13 partenaires financiers publics.
© COGEDIM-RIC/Leboucq.
Patricia Leboucq pour Cogedim: épouser la pente, multiplier les orientations.
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Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
se superposent – la cité jardin, la rue des écoles, le droit
urbain commun, les identités collectives (marché, sport, écoles).
Mettre en place des processus
Après les traumatismes de la ZUP et des démolitions, le projet traite le moyen terme, prépare les conditions des évolutions futures, amorce des mécanismes de renouvellement permanent.
a ZUP des Minguettes : sur un plateau battu par les vents, 9 500 logements, une logique accablante de 60 tours semblables, achevées en 1965. Dans cette cité de 30 000 habitants, pas un seul logement neuf n’avait été construit en 35 ans. Démocratie, quartier emblématique, a été démoli en 1994 (650 logements en 10 tours murées depuis 10 ans) mais le projet de reconstruction est resté dans les cartons, malgré une consultation très médiatisée : les promoteurs privés ne sont pas venus, le métro annoncé non plus. Il a fallu du temps pour se remettre de cet échec, relancer une réflexion globale avec Antoine Grumbach.
L
« Le projet tient avant tout dans le diagnostic » L’architecte urbaniste interroge l’histoire (comment le préfet a décidé de bâtir ce plateau vide sans tenir compte du fait que la ville s’était jusqu’alors construite à l’abri des vallées) et la géographie, très mal connue (le plan des courbes de niveaux manquait). Les écoles en préfabriqués avaient été plantées sur les pentes, des terrains quasi inconstructibles, récupérables aujourd’hui pour des jardins. « Nous avons donc réalisé un atlas, pour [...]
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Conclusions par…
La spirale ascendante
D. R.
Claude Brévan et Jean Frébault
Claude Brévan, déléguée interministérielle à la Ville jusqu’en 2005, après avoir été DDE de l’Eure-et-Loire et des Yvelines, adjointe de Jean Frébault à la direction de l’architecture et de l’urbanisme, conseiller technique en charge de l’urbanisme auprès de deux ministres de l’Équipement.
Claude Brévan
ne pèsent pas lourd dans la communauté. À force d’être véhiculés, les discours outrés contrarient lourdement les chances de s’en sortir. Ces quartiers ont une histoire, des gens y vivent, y ont vécu et vieilli… Y intervenir implique de se situer dans une continuité, même s’il y a des évolutions fortes, des ruptures : il ne s’agit pas de construire en terrain vierge mais de prendre en compte ces histoires de vie. Cela suppose de débattre autour du projet, que les habitants soient absolument convaincus d’un véritable changement entre l’avant et l’après, en particulier que le regard porté sur eux et sur le quartier sera plus valorisant.
UNE STRATÉGIE DE PROJETS Claude Brévan
LA SPIRALE ASCENDANTE a formule de Bernard Paris décrivant « une aventure humaine et urbaine » permet de sortir de l’éternel débat entre le social et l’urbain. Entre l’une et l’autre approche, des tuilages existent mais pas de recouvrement complet. Le mot « social » décrit diverses réalités : la vie collective du quartier, le quotidien, les conflits entre voisins mais également le développement et la promotion des personnes. Donc à la fois des parcours collectifs et une somme de parcours individuels. Le projet urbain ne redonnera pas du travail à tout le monde comme il ne réglera pas les problèmes de santé – même si un quartier plus digne peut améliorer les choses. La part sociale n’est ni un « accompagnement » ainsi que l’a rappelé avec force Pierre Albertini, ni un « volet » mais un projet de développement à part entière. Ainsi le projet urbain, essentiel à la qualité de la vie du quartier, et le projet de développement, doivent être conduits simultanément.
L
DU RESPECT, DES NUANCES Dans cette aventure humaine et urbaine, les notions de respect et de considération revêtent une importance particulière, soulignée par les élus. Plus que de participation ou de consultation, il s’agit de donner à des populations très diverses le sentiment qu’elles appartiennent à une communauté, la communauté nationale et la communauté de la cité : par exemple faire sentir aux habitants du quartier Malakoff qu’ils sont Nantais. Paradoxalement, cette volonté de respect risque d’être contredite lorsque, au moment du diagnostic, on dramatise la situation pour convaincre de financer des interventions lourdes. Les tableaux dressés décrivent une population particulièrement démunie, au chômage, malade… En quoi ils ne traduisent pas la réelle diversité des situations, ne rendent pas compte du regard que beaucoup d’habitants portent sur la vie de leur quartier, moins sévère et, surtout, moins négatif. Éviter de généraliser permet de mettre en valeur le positif – en particulier l’énergie et la solidarité, la vie sociale souvent plus intense que dans d’autres secteurs de l’agglomération. Il n’est pas question de défendre un point de vue idyllique mais de le nuancer et de ne pas renvoyer aux populations l’idée qu’ils vivent dans un quartier délabré, dont les habitants
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Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
Il est vrai qu’il s’agit d’une stratégie, dans laquelle s’insèrent des projets, plutôt qu’un grand projet au sens strict. Nous sommes tous conscients que décrire dans le détail les opérations sur cinq ans relèverait d’une sorte d’imposture. Cette stratégie, structurée par quelques éléments affirmés dès le début, définit l’ambition. C’est à ce niveau qu’il faut oser prendre des risques, s’engager dans des opérations extraordinairement difficiles, jugées a priori impossibles : à Vaulx-en-Velin, s’attaquer au centre commercial, détruire 25 000 m2 de commerces ayant un statut privé, pour les reconstruire à côté, semblait un pari déraisonnable. À Saint-Dizier, le contrat de plan provisionnait un simple giratoire à l’entrée du quartier, censé se reconstruire derrière le talus de la Nationale 4 : il a fallu tenir bon pour que ce mur tombe, bien que les sommes impliquées ne soient pas faramineuses. À Corbeil, faire sauter la dalle et ses couches superposées de parking, fermées depuis des décennies, demandait du courage, mais de ce préalable dépendait toute véritable transformation. Le culot stratégique peut aussi consister à reconnaître que des retouches relativement modestes, des évolutions lentes, vont suffire. Certains quartiers bénéficient d’une trame modulable, qui permet d’intervenir par actions progressives : Sarcelles a une très bonne trame urbaine, qui permet de modifier un îlot après l’autre, de transformer un centre commercial obsolète, sans qu’il soit nécessaire de démolir des hectares.
UN TRAVAIL CONSIDÉRABLE Sérieuse difficulté à laquelle nous allons nous heurter, ces projets exigent un travail considérable : complexes, tous nécessitent pour être menés au niveau de qualité désiré une préparation technique, de la concertation, de longues étapes entre les intentions et leur traduction sur le terrain… Cela va demander de nombreux professionnels et le nombre insuffisant de concepteurs et de techniciens impliqués va poser de plus en plus de problème alors que les projets se multiplient. Les élus expérimentés connaissent la lourdeur de ces tâches, savent qu’il n’y a pas de bielle directe entre l’idée générale et sa réalisation. En cette matière, il n’y a pas de grands et de petits problèmes. Tout fait projet et un petit obstacle peut s’avérer plus long à franchir qu’une difficulté diagnostiquée comme majeure au départ. Il faut donc être aussi modeste que pragmatique. Et faire preuve de ténacité, car le découragement guette souvent : un projet ressemble à une course d’obstacles, dont les herses se lèvent les unes après les autres.
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La spirale ascendante
© Hermine Cléret.
Claude Brévan
Il faut une stratégie de maîtrise d’ouvrage – différente de la stratégie du projet – qui commence par exposer clairement les conflits d’enjeux. Croire que tous les acteurs pourraient partager les mêmes enjeux est une idée fausse, qui ne peut conduire qu’à un projet médiocre. Un projet ambitieux ne fait jamais consensus. Les règles d’arbitrage doivent être fixées dès le départ pour échapper aux absurdes compromis qui tentent de satisfaire tout le monde. La stratégie de maîtrise d’ouvrage remet à leur place les procédures, qui ne font pas le projet mais sont à son service. Cependant, quelques ajustements réglementaires restent nécessaires car il y a encore trop de lourdeurs dans ce domaine.
LUTTER ENSEMBLE CONTRE LES IDÉES REÇUES Les idées reçues sont la chose du monde la mieux partagée, et il nous faut sortir de l’idée que les poncifs sont toujours l’affaire des autres. Les concepteurs en ont, l’État bien évidemment, les politiques aussi, quand ils ne se sont pas confrontés personnellement à la réalité des choses. Ces présupposés ont de lourdes conséquences, par exemple lorsqu’on associe trop rapidement formes urbaines et insécurité. Sophie Body-Gendrot montre comment, aux États-Unis, la notion de grand ensemble regroupe des formes urbaines très diverses, avec des quartiers de maisons individuelles devenus des lieux de grande criminalité. Des formes urbaines presque semblables vivent de manières extrêmement différentes, tout est affaire de contexte. Autre poncif: l’unité urbaine. Il s’avère qu’une ligne de tramway reliant véritablement les populations et les quartiers assure mieux l’unité urbaine que l’uniformité architecturale. Le traitement unitaire de ce tramway dans toute sa traversée de la ville fait davantage pour le sentiment communautaire que la volonté de créer des quartiers ressemblant aux autres. Une ville se compose de formes urbaines diverses et les pastiches de cité traditionnelle auraient des effets négatifs dans les grands ensembles. Cette complexité demande une maturité professionnelle : le discours des concepteurs les plus expérimentés a beaucoup évolué, depuis dix ou quinze ans, les approches sont plus modestes, empreintes d’autocritique – consciente ou inconsciente – sur la place de l’œuvre et la démarche de création dans ces interventions : l’ère du concepteur démiurge semble révolue. Reste à effectuer un travail de transmission et de compa-
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Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
La rénovation de Double Couronne à Saint-Denis (Pierre Riboulet et Florence Crépu, architectes coordinateurs). « Le projet urbain, essentiel à la qualité de la vie du quartier, et le projet de développement, doivent être conduits simultanément. »
gnonnage vis-à-vis des jeunes générations, pour qu’émerge la relève. J’entends aussi une inquiétude assez partagée sur la question des modèles : il faut en effet avoir le courage de plaider des dossiers qui n’entrent pas dans une sorte de modèle, avec son quota minimum de démolition. Faisons confiance aux élus pour démontrer que des solutions diverses existent, sans dogmatisme. Chaque projet urbain est unique.
LES DÉLAIS ET LES MOYENS Le temps du projet est confronté à l’impatience, aux inquiétudes des habitants. La chasse aux temps morts s’avère essentielle, dépendante des mécanismes de prise de décision. Je suis donc inquiète que la question de l’opérateur soit oubliée par certains projets, alors qu’elle reste centrale pour le respect des délais. Lorsqu’il s’agit de projets complexes portant sur des aires importantes, faire face à une multiplicité d’acteurs va obliger à consacrer trop de temps à la coordination. La mise en œuvre ne fonctionne pas comme un puzzle d’opérateurs qui tous, spontanément, interviendraient de manière synchrone sur un territoire. Des chefs de file doivent émerger rapidement, SEM, OPAC, établissements publics ou services techniques puissants. La question des moyens financiers n’est pas à minimiser, même si elle ne s’est effectivement pas encore posée, comme le souligne Jean-Luc Poidevin: les demandes présentées les premières ont toutes été financées, ceux qui avançaient plus vite bénéficiant du retard des autres. Mais personne ne peut garantir que ces basculements de financement resteront longtemps possibles. Cette rapidité, nous l’appelons évidemment de nos vœux. Et nous serons d’autant mieux armés pour plaider le besoin de crédits que sera démontrée notre capacité à les consommer à un rythme accéléré, à créer l’urgence. Pour conclure, je citerais Jean-Marie Delarue, le premier délégué interministériel à la Ville, disant récemment : « L’impatience manifestée par certains habitants n’est pas celle de voir leur quartier totalement réhabilités, de voir un bonheur parfait régner sur la terre, mais celle de voir s’amorcer, enfin, non pas cette spirale descendante dans laquelle ils se savent, et se trouvent effectivement pris depuis plusieurs décennies, mais la spirale inverse, avec la conviction qu’elle ne s’interrompra plus ».
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La rénovation urbaine n’est qu’une des composantes de la politique de la ville Jean Frébault
origine ethnique, effet territorial, ségrégation scolaire). Certains domaines exigent un travail soutenu, pour renforcer les discriminations positives ou pour établir un dialogue véritable entre rectorats, élus et équipes de la politique de la ville. Une meilleure coordination des acteurs reste un objectif essentiel.
D. R.
PISTE 2 – MIEUX ARTICULER PROJET URBAIN ET PROJET SOCIAL ; Jean Frébault, président de la 5e section du Conseil général des Ponts et Chaussées.
Jean Frébault
LA RÉNOVATION URBAINE N’EST QU’UNE DES COMPOSANTES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE a politique de la ville, mise en place en France il y a un peu plus de vingt ans, a vu ses moyens amplifiés, face à des problèmes qui en même temps se sont aggravés. Le « vivre ensemble » est devenu un défi majeur pour la société urbaine tout entière, pour les acteurs publics comme pour les citoyens, et les processus de ségrégation, de fragmentation socio-spatiale des territoires, ne concernent pas les seuls quartiers dits « défavorisés », comme l’ont mis en évidence des évaluations et recherches récentes (voir bibliographie). Les politiques publiques doivent agir sur différents leviers en même temps et mieux combiner l’action sur le cadre bâti et l’organisation de l’espace (le « hard ») avec l’action sur le champ du social au sens large (le « soft »), ciblée sur les différentes populations concernées. De l’avis de beaucoup d’observateurs, le « soft » est en retard sur le « hard », décalage que met en évidence, par contraste, la dynamique lancée avec la création de l’ANRU. Le défi concerne la qualité des projets urbains (pas encore gagné partout) mais aussi leur articulation avec le projet social. Un projet urbain de qualité perdrait impact et crédibilité si l’emploi, l’insertion sociale, la lutte contre les inégalités marquaient le pas, si les habitants ne trouvaient pas dans ces transformations ambitieuses des réponses à leurs préoccupations.
L
PISTE 1 – AMPLIFIER ET TERRITORIALISER LES POLITIQUES PUBLIQUES DE DROIT COMMUN, DANS TROIS DOMAINES CLÉS : ACCÈS À L’EMPLOI, ÉDUCATION, ACTION SOCIALE La politique de la ville a été trop souvent considérée comme substitut des politiques de droit commun. Il s’agit donc de les remettre en avant, en intégrant dans leur finalité la lutte contre les disparités socio-territoriales et en les coordonnant mieux entre elles. Par exemple : compenser de manière plus significative les handicaps que cumulent les habitants des quartiers d’habitat social (faible qualification, chômage des jeunes,
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Projeturbain / Régénérer les grands ensembles
TRAVAILLER AUX DIFFÉRENTS ÉCHELLES Pour que ces deux volets ne soient pas déconnectés, il faut penser davantage ensemble l’action sur le social et sur l’urbain. Inscrire l’action sur l’espace dans une finalité sociétale (projet social, économique, culturel…) doit permettre de donner des perspectives aux habitants en place et à ceux dont le départ est envisagé, comme de travailler sur l’attractivité de ces quartiers dès lors qu’une plus grande mixité est recherchée. Le débat sur l’importance des démolitions doit être éclairé par ces différents regards, avec la recherche de solutions phasées dans la durée et en tenant compte de la spécificité de chaque situation. Urbanistes et aménageurs ont le devoir de se demander systématiquement en quoi leurs projets vont modifier la vie sociale et l’insertion économique, s’inscrire dans une politique de peuplement plus équilibré aux différentes échelles. Comment une recomposition de l’espace peut-elle favoriser la mixité, la sécurité, le lien social avec d’autres quartiers, le partage des usages et la convivialité ? Aider à lutter contre la ségrégation scolaire ? Être appropriée par les habitants ? La prise en compte des dimensions temporelles s’avère tout aussi nécessaire, les projets devant assumer à la fois une ambition sur le long terme et des améliorations à court terme qui répondent aux aspirations des habitants. Pour être efficace, l’action urbaine implique une intervention à l’échelle d’un territoire élargi: sur les franges des quartiers, sur les transports en commun comme outil de mixité, de sécurité, de valorisation urbaine. Essentielle également, l’ambition de favoriser une répartition plus équilibrée du logement social dans les agglomérations.
PISTE 3 – REVISITER LE MODÈLE D’INTÉGRATION À LA FRANÇAISE La question du lien social interroge de plus en plus les limites du modèle d’intégration à la française – alors que, de leur côté, les Britanniques s’inquiètent de leur modèle communautariste. Le décalage ressenti entre le discours officiel (l’égalité républicaine) et la réalité vécue a des conséquences négatives (repli identitaire, terrain favorable à l’intégrisme religieux, stigmatisation, amalgames simplificateurs…) parfois surmédiatisées dans le débat public. De nouvelles approches méritent donc d’être explorées. Certains préconisent de collaborer autrement avec le monde associatif, sans l’instrumentaliser, et de davantage favoriser les capacités d’initiative locale, dans la sphère citoyenne, individuelle et collective. Au fond derrière ces débats, il y a bien la question « quelle ville voulons nous ? » – quelle société urbaine et quelle organisation des territoires.
[*] Ce texte reprend, en les actualisant, des extraits d’une intervention à un débat tenu en 2003 à Lyon sur le thème : « Revisiter la politique de la ville – Réflexions sur les politiques publiques à l’épreuve des faits ».
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Directeur de collection: Alain Lecomte, directeur général de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction www.urbanisme.equipement.gouv.fr www.logement.gouv.fr Rédaction, édition déléguée: Frédérique de Gravelaine Conception graphique: Laurent Ciry, l.ciry@wanadoo.fr Achevé d’imprimer par Reflex Graphic, 93200 Saint-Denis (France)
Dépôt légal 1re édition: décembre 2005 N˚ d’éditeur: 2-903539 ISBN : 2-915456-19-4
Éditions de la Villette, 144, avenue de Flandre, 75019 Paris, France mel: editions@paris-lavillette.archi.fr téléphone +33 (0)1 44652358 télécopie +33 (0)1 44652328 www.paris-lavillette.archi.fr/editions Diffusion France, Belgique et Luxembourg: inextenso diffusion Distribution et diffusion export: Volumen
urbain
Régénérer les grands ensembles
Rédaction, édition déléguée
sous la direction de Ariella Masboungi
Chez le même éditeur :
Frédérique de Gravelaine
Penser la ville par le paysage, 2002 Penser la ville par la lumière, 2003 Nantes - La Loire dessine le projet, 2003 (bilingue français-anglais) Penser la ville par l’art contemporain, 2004 Gênes - Penser la ville par les grands événements, 2004 Bilbao - La culture comme projet de ville, 2001, réédition 2005 (bilingue français-espagnol) Penser la ville heureuse, Renzo Piano, 2005
es opérations ambitieuses, susceptibles de faire référence pour un renouvellement durable des grands ensembles ne manquent pas : c’est le premier enseignement de cet ouvrage, qui présente de nombreux exemples, en France comme en Europe (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Espagne). Seconde leçon : les démarches se sont élargies, au-delà des périmètres classiques des quartiers. La question des grands ensembles doit se traiter dorénavant à l’échelle de la ville, de l’agglomération : valorisés, reliés aux centres, ces territoires se révèlent comme porteurs des développements futurs. Cet ouvrage croise les paroles de concepteurs, d’élus, de maîtres d’ouvrage et de divers autres partenaires qui, investis depuis longtemps sur ces questions, témoignent tous de leurs démarches avec exigence et conviction.
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À paraître en 2006 : – Faire la ville par le partenariat, Birmingham – Lotissements
Éditions DGUHC (disponibles à la direction générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (MTETM) : Chantier Rome (bilingue français-anglais) Projet urbain n° 22, 2000
Régénérer les grands ensembles
Collection Projet
Régénérer les grands ensembles
À ce jour une trentaine de rencontres a eu lieu, traitant alternativement de grands sujets thématiques et de monographies ou portraits de ville. Elles ont toutes été suivies de publications à l’adresse d’un public varié : professionnels, services administratifs, élus, étudiants ou chercheurs. Le présent ouvrage restitue la teneur de l’atelier Projet urbain qui s’est déroulé à Paris le 17 juin 2004.
Préface de Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement.
Sous la direction de Ariella Masboungi, architecte urbaniste en chef de l’État, chargée de la mission Projet urbain auprès du directeur général de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction (ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer), dirigeant les ateliers Projet urbain.
Autour de Roland Castro, François Grether, Djamel Klouche, Philippe Panerai, Bernard Paris, Gérard Penot, Gilles Rousseau, Alain Sarfati. Des élus: Pierre Albertini, Jean-Yves Chapuis, François CornutGentille, Brigitte Fouré, Patrick Rimbert.
Frédérique de Gravelaine, écrivaine, consultante, en charge de la rédaction et de l’édition déléguée des livres de la collection Projet urbain, a mené les enquêtes préparatoires et postérieures à l’atelier – en collaboration avec Carlos Gotlieb, architecte urbaniste. Armelle Lavallou, journaliste, a participé à la rédaction de certains articles.
Des maîtres d’ouvrage : Stéphane Dambrine, Pierre Joutard, Jean-Luc Poidevin.
Cet ouvrage a été réalisé par le ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, direction générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction, en association avec les Éditions de la Villette.
Ainsi que Sophie Body-Gendrot, Jordi Borja, Claude Brévan, Serge Brunet, Christine Cecchini, Jean Frébault, Kaye Geipel, Gérard Le Bihan et Dominique Mouillaux.
Publié avec la contribution de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
es ateliers Projet urbain sont des lieux d’échanges et de débats qui visent à constituer un savoir sur les enjeux, les concepts et les méthodes des projets urbains. Institués en 1993 par la direction en charge de l’urbanisme au ministère de l’Équipement, ils étudient des expériences présentées par leurs concepteurs ou leurs maîtres d’ouvrage, afin d’en dégager les pistes susceptibles de guider, à l’avenir, l’aménagement des villes.
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© Toute reproduction, même partielle, des textes, infographies et documents parus dans le présent ouvrage est soumise à l’autorisation préalable des éditeurs : le ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, DGUHC, et les Éditions de la Villette, quel que soit le support de la reproduction. ISBN : 2-915 456-19-4
Publié avec la contribution de
Projet Urbain
© Éditions de la Villette et DGUHC ISBN : 2-915 456-19-4
15 €
Merci à Miguel Chevalier qui nous a amicalement confié son œuvre Cité radieuse, 1993, reproduite en entier page 158 et dont le graphisme a largement inspiré cet ouvrage (couvertures et pages 14 à 16, 46 à 48, 78, 108, 126 à 128 et 140), ©Adagp.