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édito
Sainte futile
la presse féminine ? Il est vrai qu’elle a tendance à jouer avec ses couvertures en sur-valorisant des thèmes accrocheurs et saisonniers comme les « spécial maigrir », « spécial maillot », ou autres « sexe : êtes vous voyeuse ou exhibo ? » Mais n’est-ce pas là, l’apanage de la presse en général ? Car si les « féminins » forcent le trait en couverture, la récurrence des thèmes de premières pages – les fameux « marronniers » dans le jargon de la presse – ne sont pas un moyen accrocheur propre à la presse féminine. Les couvertures des news-magazines ou magazines économiques suffisent à le prouver : « le salaire des cadres », « le prix de l’immobilier », « le classement des grandes écoles », … Ceux qui s’arrêtent à cette façade qualifiée de « répétitive » ou « racoleuse » se privent donc des richesses éditoriales et iconographiques des magazines féminins. Sa puissance d’influence est d’autant plus forte qu’elle est largement sous-estimée et négligée de par son apparente futilité. Cette superficialité qu’on lui associe fait sans nul doute partie des traits caractéristiques de la presse féminine, comme le désir de cultiver l’innovation, l’esprit d’élégance et le glamour qui sont aussi ceux de la mode. uperficielle
Cela étant posé, il serait sans doute plus intéressant de dépasser cette idée d’une presse féminine futile pour étudier dans quelle mesure elle a contribué en sourdine à l’émancipation des femmes au niveau politique, économique et de façon plus individuelle. Jusqu’à aujourd’hui, peu d’ouvrages majeurs ont été consacrés à ce sujet par les historiens de la mode. Or, en faisant l’impasse sur cette presse, on occulte son histoire, les nombreux collaborateurs qui l’ont enrichie, mais surtout le rôle capital qu’elle a joué, et qu’elle joue encore, dans la construction des attitudes et des comportements.
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' A I T O U J O UR S été fascinée par les belles choses. Certes, rares sont ceux qui s'extasient devant des mochetés, alors disons plutôt que je suis admirative des choses soignées et bien finies. Un fil conducteur qui suit son cours puisque, du plus loin que je me souvienne, il me semble avoir toujours été précise et consciencieuse lorsqu'il s'agissait de me servir de mes dix doigts. Plus petite, cela se traduisait au travers de mes carnets de poésie auxquels j'appliquais un soin tout particulier. J'évoque ceci non pas pour me gargariser d'un quelconque talent d'illustration, mais parce que cette évocation me renvoie directement à un autre épisode: celui où ma mère m'avait dévoilé une chose précieuse qu'elle gardait comme jalousement. J'imagine maintenant qu'elle avait fait cela pour me souffler quelque inspiration pour mes dessins. Il s'agissait d'un exemplaire du Miroir des Modes • de 1901. Je ne vais pas vous faire croire que mon projet de diplôme est sous-jacent depuis ce jour là, mais il est certain que la découverte de cette pépite était loin de me laisser indifférente. J'avais beau être soigneuse, mon bureau était souvent en désordre. Si bien que ma mère avait fait réaliser une copie du magazine pour éviter d'abimer l'original. À cette époque j'avais dix ans et les silhouettes de femmes que je découvrais au fil des pages me semblaient atteintes de ballonnements sévères. Mon pronostic s'écroula alors que je découvrais les us et coutumes du port du corset de l'époque. Les différents articles se succédant montraient ainsi comment porter sa toilette en mettant en avant cette silhouette si particulière en fonction des activités : « toilette de plage », « toilette de visite », « robe de ville », « toilette de réception », « toilette d'intérieur », « toilette de promenade ». Une rigueur donc, qui contrastait avec cette cambrure et ce ventre proéminent qui m'amusaient tant. Puis
s'ensuivaient les pages « Modes pour dames » avec ses illustrations de corsages, de boléros, de vestes-blouses et de jupes longues, mais aussi des modèles de patrons dans « La couturière », des modèles de dentelle dans « La dentelle moderne », différentes présentations de coiffures ou autres accessoires pour cheveux dans « Coiffures à la mode » et autres conseils dans « La beauté et la santé ». Les encarts publicitaires situés dans les dernières pages ne manquaient pas de charme non plus, bien que le « Suzodont, pour les dents et l'haleine » avait à mes yeux un petit goût de parodie. Ce magazine avait donc deux statuts à mes yeux : un objet précieux, du fait de son ancienneté, de l'odeur de son papier, de ses sublimes illustrations et du soin qu'avait pris ma mère à sa conservation, mais aussi quelque chose de décalé qui portait à sourire aux vues des publications qui se faisaient alors. Un magazine désuet en somme, mais d'un charme fou. Toujours est-il que l'image de la femme ne m'a plus quittée. Et la presse féminine non plus. Si bien que quelques années plus tard, pas beaucoup plus grande, j'avais demandé à mon père quelles études il fallait entreprendre pour travailler au sein d'un magazine. Sa réponse fut sans appel, il fallait étudier le journalisme. Ô désarroi, cette perspective me laissa pantoise. Mon cursus scolaire s'est donc déroulé de façon assez classique dans une branche littéraire avec option Arts Plastiques. Puis, lorsque le choix des études supérieures s'est mis à poindre, j'ai cherché une école me permettant de travailler la photographie, avec l'idée plus ou moins consciente que cela me permettrait d'effleurer un champ créatif largement exploité dans la presse féminine. Or, en faisant mes premiers pas dans cette école j'ai découvert le champ du graphisme et les possibilités qu'il m'offrait. J'ai cette impression, un peu honteuse, d'avoir découvert ce domaine un peu tard. Mais j'ai aussi ce sentiment que mon cheminement a suivi un hasard heureux, guidé par cette envie enfouie que je n'avais jamais vraiment formulée. Ce mémoire représente une mise au point de mon approche au design graphique, de mes connaissances en dehors de ce champ créatif et les possibles passerelles qui s'y greffent. Il marque aussi la fin d'un cycle d'étude qui s'est fondu avec des préoccupations plus anciennes. À travers ce travail d'écriture, je souhaite retranscrire à la fois une approche personnelle et une démarche d'analyse, pour expliquer tout l'intérêt et l'engouement que j'éprouve pour la presse féminine.
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Le Miroir des Modes, couverture, juillet 1901
édito, sainte futile p. 4 avant-propos p. 12 la presse féminine p. 3
histoire, typologies & spécificités de la presse féminine p. 15
p. 16 la famille aristocratique p. 19 la famille bourgeoise p. 23 la famille populaire p. 26 une presse contestée p. 28 presse papier & presse web, variantes & évolutions
les formes de créativité en jeu dans la presse féminine p. 32
p. 36 les couturiers Gabrielle Chanel p. 38 Azzédine Alaïa p. 40 Issey Miyake
les designers graphiques & designers artistiques p. 66
Alexey Brodovitch p. 69 Jean Widmer p. 72 Roman Cieslewicz p. 75 Peter Knapp
p. 78 les typographes Herb Lubalin p. 81 Marian Bantjes p. 83 Yulia Brodskaya p. 86
projet
p. 43 les artistes Annette Messager p. 45 Barbara Kruger p. 47 Nicole Tran Ba Vang
p. 88 la récurrence de certaines formes dans mon travail graphique p. 89 le fait-main p. 91 le motif
p. 49 les illustrateurs René Gruau p. 51 John-Paul Thurlow p. 54 Garance Doré
p. 93
p. 56 les photographes Edward Steichen p. 59 Man Ray p. 61 Jean-Paul Goude p. 64 Sacha
p. 104
un certain regard sur la presse féminine p. 96 je l'aime, mais quand même...
conclusion
p. 109 glossaire p. 114 bibliographie p. 120 table des illustrations
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les deux grands témoins que sont l’histoire et la sociologie pour l’analyse de la presse féminine française, on peut selon Vincent Soulier, auteur de Presse féminine, la puissance frivole, distinguer trois familles principales : « ces trois familles recoupent les ordres traditionnelles qui, de l’Ancien Régime à nos jours, structurent notre société : l’aristocratique, la bourgeoisie et la populaire. » 1 Si ces classes sont aujourd’hui beaucoup plus difficiles à définir, puisque beaucoup moins étanches, elles continuent néanmoins d’imprégner l’imaginaire collectif des français. Il faut ajouter que cet ensemble de trois familles, avant de fusionner dans la seconde moitié du XX e siècle, pouvait être sous divisé en deux branches cousines. La première, dite « intellectuelle », est la moins connue de nos jours. Elle est engagée, féministe et imprégnée de valeurs culturelles. Cette catégorie s'est aujourd'hui dissoute dans un ensemble plus large. La seconde, la branche « sensuelle », est la plus repérable puisqu’elle diffuse la mode, les recettes de cuisine, les conseils de beauté, mais aussi ceux qui sont liés à la vie conjugale. C’est cette abondance d’images qui a tendance à occulter l’aspect intellectuel de cette presse et qui la discrédite chez un certain nombre de lecteurs. Dans les trois parties qui suivent, nous allons découvrir les spécificités de chacune de ces trois branches, établir une chronologie des parutions liées à cette presse et, au travers de chacune d'elles, mettre en exergue leurs caractéristiques. n c onvo q u ant
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SOULIER Vincent, Presse féminine, la puissance frivole, l'Archipel, Paris, 2008, p. 30
la famille aristocratique de la presse féminine, plus communément appelée aujourd'hui presse « de luxe » est la plus ancienne puisqu’elle débute sous le règne de Louis XV et ne concerne alors que l’élite féminine alphabétisée. Elle est la branche la plus prestigieuse de l'arbre généalogique, celle qui fait la mode et bouleverse notre vision esthétique du corps féminin. e « g r at i n »
Durant le XVII e siècle, plusieurs revues se succèdent, telles Le Courrier de la Nouveauté (lancé en 1758) et Le Journal des Dames (lancé en 1759). Initialement consacrées à la littérature, ces revues abordent peu à peu le sujet de la mode. Le Cabinet des modes apparaît quatre ans avant la Révolution et propose aux lectrices des conseils sur leur toilette, des recettes de cuisine et l’actualité de la vie à Versailles. Il est le premier journal à dénoncer le poids trop douloureux du corset et à encourager les femmes à privilégier leur confort. Durant le Directoire, Le Journal des Dames et des Modes { 1 } est lancé. Il promulgue entre autre, conseils de beauté, de toilettes, de parfums et consacre certaines de ses pages à des gravures de mode. À la restauration, la presse féminine disparaît au détriment de revues de mode luxueuses. C’est la naissance de L’Observateur de la mode, du Petit Courrier des dames ou encore de L’Album des modes et nouveautés. La parisienne coquette et active, mise en scène dans ces revues, devient alors l'exemple de la femme à suivre. Après la Première Guerre Mondiale, la presse américaine avec Harper’s Bazaar { 2 } et Vanity Fair, confère à la haute couture française un prestige mondial. Avec les années folles, on voit se multiplier les magazines de mode pointus, où les illustrations sont dorénavant particulièrement
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soignées : Le Jardin des modes, La Femme chic, La Revue de la femme. Elles mettent en avant la silhouette « garçonne » devenue à la mode, et dévoilent les nouvelles silhouettes en I des femmes, laissant derrières elles les cambrures en S que leur infligeaient les corsets. Les années 1920 sont aussi celles du lancement de deux magazines prestigieux, encore présents aujourd’hui : Vogue et L’Officiel de la couture et de la mode { 3 }. Le premier est lancé aux États-Unis puis investi Paris et Londres, ce qui assure un immense rayonnement à son nouveau ton, teinté de charme et de raffinement. Le second est à ses débuts, et selon ses propres revendications, un « organe de propagande et de défense de toutes les industries de la nouveauté » . C’est aussi la période où la photographie entre dans la presse féminine de luxe. Des collaborations avec des photographes prestigieux, tels Edward Steichen, Rewin Blumfeld et Lee Miller en découlent. En France, ce sont les photographies novatrices d’Irving Penn et de Richard Avedon (cassant l’image des mannequins figés des studios, en les photographiant en pleine rue), qui apportent au Vogue un rayonnement jamais atteint. La personnalité d’Edmonde Charles-Roux, sa rédactrice en chef , y est pour beaucoup. Son principe de base est d’insuffler de nouvelles idées auprès de l’élite féminine de l’époque qu’elle côtoie. Influencée par celles qui font l’opinion, la mode promue dans son magazine est alors copiée par le plus grand nombre. Un peu plus tard, dans les années 1970, la libération sexuelle et le démocratisme ambiant bousculent la presse féminine de luxe. Le talent des photographes Helmut Newton et David Bailey apporte une vague d’érotisme - qualifiée dans les années 1990 de « porno-chic » - et redonne à cette presse son statut de « faiseuse de mode ». L’arrivée des années 1990 annonce un autre tournant dans le domaine de la photographie de mode avec la starification des mannequins phares Linda Evangelista, Cindy Crawford, Naomie Campbell et Claudia Schiffer, exaltée par le photographe Peter Lindberg. Les années 2000 marquent elles, l’arrivée de nouveaux créateurs épris de haute couture : John Galliano, Vivienne Westwood, Alexander Mc Queen, Tom Ford, Martin Margiela, Dominique Leroy, Helmut Lang… Dans le même mouvement, les photographes abandonnent l’image des « super » tops des années 1990 pour valoriser le naturel et les mannequins androgynes (avec Kate Moss comme mannequin phare). Enfin, depuis 2005, on constate un nouveau basculement stylistique dans la presse féminine de mode. Suite à de nombreux scandales liés à la maigreur des mannequins, on remarque aujourd'hui des modèles qui veulent promouvoir le retour au naturel, à l'équilibre personnel et aux formes sensuelles, « afin d'en finir avec la starification excessive des tops-modèles qui faisait de l'ombre aux vêtements et, par là même, aux créateurs. » 1 1
SOULIER Vincent, Presse féminine, la puissance frivole, l'Archipel, Paris, 2008, p. 59
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La famille aristocratique est donc la presse féminine qui participe de la façon la plus active au mythe de la haute couture. Avec ses prix de vente sélectifs (4,90 € pour Vogue, 5 € pour Numéro, 5,95 € pour L'Officiel) permettant de cibler une lectrice aisée, la diffusion de la presse féminine de luxe ne dépasse que très rarement les 100 000 exemplaires, et se nourrit du succès international du luxe français. Elle reste la presse la plus influente dans sa quête de représentation de l’air du temps : la faiseuse de mode par excellence. Ainsi, si l’élitisme connaît un renouveau, une extraordinaire diversité de magazines féminins plus démocratiques revendiquent leur part en promouvant la diversité des styles. Aujourd’hui, au travers de la profusion des silhouettes proposées, chacun peut choisir la sienne et en jouer à partir d'autres types de magazines qui sont étudiés ci-après.
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la famille bourgeoise
bourgeoise de la presse féminine voit le jour après la Révolution française, avec l’avènement d’une nouvelle classe dirigeante urbaine liée à la démocratie et à l’égalité des chances. On l’appelle presse « généraliste – haut de gamme » ou « sélective », et son caractère engagé lui permet d’être ancrée dans la réalité des combats féministes. Elle s’inscrit dans la lignée d’une catégorie sociale active, urbaine et entreprenante dans ses trois strates (haute, moyenne et petite). Il s’agit de la famille la plus diversifiée puisque depuis son apparition dans la seconde moitié du XIX e siècle, elle a modelé notre approche de la sexualité, de la beauté et de la santé. a branche
À la période de l’abolition des privilèges se profile un nouveau magazine féminin, les Annales de l’Éducation et du sexe, journal des demoiselles { 4 } qui voit le jour sous la plume de Mme de Mouret en 1790. Ouvertement féministe, son engagement est lié à la condition des femmes, à l’alphabétisation des jeunes filles, mais aussi à la revendication de droits nouveaux (deux ans plus tard, et grâce notamment à des articles parus dans la presse féminine, le mariage civil et la législation du divorce sont instaurés). Avec la Monarchie de juillet, une nouvelle génération de presse féminine engagée voit le jour et se diversifie. Deux raisons à cela : une volonté nouvelle pour les femmes d’accéder à des emplois publics, et une récente évolution de l’industrie textile dont la presse féminine se fait l’ambassadrice en développant dans ses pages modes des conseils de plus en plus prisés pour éviter les moindres fautes de goûts. Après le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte et l’instauration du Second Empire, l’hebdomadaire L’Avenir des femmes (rebaptisé ensuite Le Droit des femmes) fait son apparition grâce à Léon Richer, journaliste et
créateur de l’Association pour le droit des femmes en 1869. Sa rédactrice en chef, Maria Deraismes a bien compris la force de l’influence de la presse féminine sur les pouvoirs français. Son action mène à d’importantes évolutions (projet de la recherche en paternité de 1870, l’autorisation d’ouvrir un livret de caisse d’épargne à son nom pour les femmes et l’enseignement secondaire pour les jeunes filles). Avec la loi de 1881 proclamant la liberté de la presse, d’autres revues voient le jour dans la lignée de L’Avenir des femmes : L’Harmonie sociale, La revue féministe, Le Journal des femmes, Le Conseiller des femmes, La Tribune des femmes… Toutes ces revues sont soucieuses d’apporter à leurs lectrices une reconnaissance, un statut de citoyenne libre et assumé. Ce foisonnement de parutions féministes est en phase avec les bouleversements de l’époque : entre 1860 et 1914, le nombre d’employées de bureau passe de 95 000 à 843 000. Voyant son influence perdre du terrain, l’Église Catholique française apporte aussi sa contribution au dialogue déclenché par la presse féminine en créant en 1897 Le Féminisme chrétien. Le credo de ce bimensuel tenait en une phrase : « La femme peut être féministe sans renier aucune des croyances de sa vie religieuse, aucun des préceptes de sa foi morale, aucune des traditions de sa foi politique même. » Elle y réclame la liberté d’accès aux emplois pour les femmes, l’égalité des salaires, la recherche en paternité pour les mères célibataires et la libre disposition de ses biens pour la femme mariée. Le plus bel engouement pour la presse féminine militante au début de la III e République est indéniablement marqué par le lancement du quotidien La Fronde, le 9 décembre 1897 par Marguerite Durand. Elle fait de cette presse un support ancré dans son temps, comprenant l’actualité dans le domaine politique, économique, social, culturel et sportif, tout en combattant pour l’affirmation des droits des femmes. En revanche, elle n’utilise jamais sa revue pour encourager au vote des femmes, considérant que pour obtenir ce droit, il faut en amont que les femmes soient éduquées, d’où ce combat constant de l’éducation de celles-ci mené dans son quotidien. En 1905, Marguerite Durand met fin à cette aventure en déclarant : « Notre œuvre à ceci de particulier qu’elle triomphera le jour où le féminisme sera assez puissant pour se passer d’elle, j’estime que ce jour-là est arrivé. » Capitale dans l’histoire de la presse féminine, La Fronde permet de prouver que les préoccupations des femmes ne se limitent pas aux tâches ménagères, mais à tous les sujets liés à leur société, et aux rôles qu’elles y jouent. La Première guerre Mondiale va permettre à la presse féministe bourgeoise de faire un bond considérable, liée à l’émancipation acquise par les femmes durant les quatre années de guerre. Modes de la femme de France marque ainsi, avec la concurrence de l’époque, l’effacement entre presse féminine et presse de mode. Elle est pionnière dans la mise en place du
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système d’échange entre abonnées, ce qui permet de mettre en avant les idées, les témoignages, et les points de vue des lectrices. À cette époque, le modèle anglo-saxon fait rage et son influence sur les deux magazines français les plus internationalisés n’est pas sans conséquences. Les femmes françaises éprouvent alors une fascination pour la démocratie américaine (grâce, notamment, à son ouverture au suffrage universel depuis 1920). Dans le même temps, les années 1930 voient se développer l’industrie cosmétique, ce qui favorise la floraison d’une nouvelle génération de magazine, qui vont en faire une large promotion. En 1933, Eugène Schuller, dirigeant de la nouvelle Société française de teinture inoffensive pour cheveux (rebaptisée trente ans plus tard L’Oréal), lance le magazine Votre beauté { 7 }. Il y diffuse l’image de la femme moderne « à la mode américaine » qui arbore désormais un hâle subtil. Il promulgue des conseils sur l’hygiène de vie, la gymnastique régulière et la diététique. Il est aussi le premier magazine de cette catégorie à dévoiler des corps nus en couverture. Ce leitmotiv du souci du corps et de son entretien se généralise à l’ensemble de la presse féminine. En 1937, un magazine (toujours dans les kiosques en 2010) est lancé par Jean Prouvost : Marie-Claire { 6 }. Son principe consiste à donner aux lectrices du véritable journalisme et non le bla-bla féminin habituel tout en racontant des histoires qui les concernent. Avec son franc parler et, non sans humour, il bouscule les habitudes. Hygiène, diététique, santé, climat, stars, mode, couple, que le sujet soit léger ou grave, Marie-Claire s’engage, soutient, dénonce ou simplement raconte les histoires de son temps. Le premier numéro du magazine Elle { 5 } est lancé le 21 novembre 1945 par Hélène Gordon-Lazareff, avec comme présentation: « Le magazine sera chargé du plus de féminité possible, avec du sérieux dans la frivolité, de l’ironie dans le grave ». Elle s’inspire de la presse américaine et fait évoluer sa revue en introduisant la technologie de la quadrichromie (jusqu’alors les photos étaient « mises en couleur ») . Elle est aussi un précurseur en matière de mode. Elle encourage les lectrices à ne pas suivre aveuglément les trouvailles des créateurs, mais à trouver leur propre style, en s’inspirant plutôt qu’en copiant. Entre 1946 et 1953, Hélène Gordon-Lazareff confie le poste de rédactrice en chef de son magazine à Françoise Giroud. Cette dernière s’empare alors de sujets tabous, jusque là interdits dans les autres rédactions de l’époque (le sujet des « amants » entre autres). Aujourd’hui, le magazine est diffusé à 340 000 exemplaires en moyenne et continue d’allier féminisme et féminité. Après 1948, la presse française s’inspire de celle d'outre-atlantique. Cette révolution dans le sillage de la presse américaine contribue largement à la diffusion d’une culture plus libre. Un autre magazine associé au charme discret de la bourgeoisie est lancé en 1980, Madame Figaro. Avec une pérennité moindre, elle s’appuie sur le modèle démocratique américain,
saupoudré de valeurs typiquement françaises. L’hebdomadaire milite alors pour « l’éternel chic à la française », pour le retour du style BCBG mis à mal depuis la fin des années 1960. La même année, Élisabeth Lefebvre lance le mensuel Biba avec un état d’esprit similaire, mais qui s’adresse à une catégorie de femmes plus jeunes et plus urbaines alors confrontées à trois types de vie : celle du bureau, de la maison et de la vie intime. Fidèle à sa tradition du style français, elle marque les esprits en installant sa rédaction dans l’un des lieux les plus chics de la capitale française : la place Vendôme. Dans les années 1960, l’affirmation de la jeunesse comme phénomène sociologique voit éclore une presse féminine ciblée sur les très jeunes femmes. Salut les copains ! et Mademoiselle Âge tendre visent une classe d’âge aux codes vestimentaires distincts, qui suit l’influence des groupes musicaux importés des États-Unis. Puis se succèdent 20 ans et Jacinthe dans la lignée de jeunes provinciales de bonne famille. Avec les années 2000, les lancements s'accélèrent : Isa, Muteen, Muze et Mademoiselle Figaro. Ces nouvelles parutions visent un lectorat plus jeune, et s’appuient sur la complicité intergénérationnelle des lectrices. Elles mettent ainsi en évidence, et avec humour, la fonction « existentielle » de la presse féminine qui permet le partage, la solidarité des femmes, au-delà des comportements et des générations. La branche bourgeoise de la presse féminine a donc trouvé sa source dans la volonté de suivre et d'accompagner les femmes dans leur émancipation. Elle s'est toujours intéressée à leur condition, tout en traitant des rubriques traditionnelles – mode, beauté ou vie de couple. Des trois branches de la presse féminine, elle est la plus engagée et a su aborder les combats féministes sans négliger la féminité, selon les revendications des rédacteurs. Elle est aussi l'expression d'un autre facteur essentiel à la presse féminine : « la création d'un lien entre les femmes et la mise en exergue de leur connivence, leur solidarité, le partage d'une communauté de destins en tant que femmes, au-delà des différences de comportements ou de générations. » Nous avons tous vécus ou constatés ceci à un moment de notre vie, ce moment ou une lecture fait écho en nous et que l'on souhaite la faire partager. Il m'est souvent arrivée de trouver dans ma chambre un magazine ouvert à une page. Le fait de marquer un article, qui pouvait être drôle ou éclairant (parfois même les deux), était selon moi une façon de mettre l'accent sur une justesse d'esprit que les mots parfois ne nous permettent pas. Initiation à mots couverts, par magazines interposés, la lecture partagée entre une mère et sa fille d'un magazine féminin participe de la maîtrise du rôle d'initiatrice pour la première, de l'acceptation des codes initiatiques pour la seconde.
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la famille populaire
féminine populaire a connu son essor lors de la III e République avec les nouvelles lois scolaires assurant l’alphabétisation des filles. Elle est liée à la société de consommation et a connu un renouveau ces dernières années avec l’émergence du phénomène « people ». Elle contribue, dans la seconde moitié du XX e siècle, à diffuser profondément dans le corps social les audaces, les innovations, les modes et les normes des familles aristocratiques et bourgeoises. La force de la presse féminine populaire provient de sa large diffusion : des trois catégories, c’est elle qui détient le monopole. a presse
Après la révolution de 1848, un collectif d’ouvrières crée le mensuel La Politique des femmes, qui dés le premier numéro, appelle à l’élargissement du droit de vote aux femmes (chose qui ne se fit qu’un siècle plus tard). Cette presse s’intéresse aussi de près à la mode, notamment dans Liberté, Égalité, Fraternité pour tous et toutes. Après la Seconde Guerre Mondiale, la Revue des travailleurs a une influence essentielle, notamment pour les conseils liés à la maternité. Avec le début de la III e République, la presse arborant la « couture pratique » et « la couture à faire chez soi » remporte un large succès : La Mode pour tous, Mode-Caprice, La Mode de Paris et le plus important, Le Petit Écho de la mode { 8 }. L’insertion de romans feuilletons et de patrons gratuits font bondir les ventes. Contrairement à la presse féminine parisienne, la presse populaire, consciente du peu d’intérêt porté aux mondanités de ses lectrices, met en place une information concrète, pratique et aussi économique. Modes & travaux { 10 } et Mon Ouvrage, lancés respectivement en 1919 et 1922, défient vivement la concurrence en s'inspirant de la recette de Modes
de la femme de France : les échanges de points de vues entre la rédaction et les lectrices. En 1934, le Franco-Américain Paul Winbler publie Confidences et apporte un renouveau avec le concept des « histoires vraies » qui avaient un succès phénoménal chez les lectrices américaines. Puis en 1947, Nous Deux { 9 } introduit le roman photo. Bien plus tard, en 1982, Prisma voit le jour, puis deux ans plus tard Femme Actuelle. Partant du principe que les femmes des années 1980 sont « multifacettes », ces revues sont pour les lectrices, l’occasion d’avoir dans un même magazine des articles consacrés à la mode, la santé, la beauté, la décoration, les voyages, la vie de couples, les enfants et ce, de façon accessible. Pour Alex Ganz, leur fondateur, cette presse correspond à une attente des lectrices, lasses des magazines féminins hauts de gamme, sophistiqués et onéreux. Mais malgré un fervent engouement pour la presse de cœur, une nouvelle génération va tout bousculer sur son passage : la presse people. Le précurseur de ce renouveau est l’hebdomadaire Voici, lancé en 1987. Usant des paparazzi et d’un ton insolent, Voici met en exergue les petits et gros défauts des célébrités, allant parfois jusqu’à devoir, à la suite de poursuites judiciaires, payer de lourdes indemnités à celles-ci. Depuis son lancement en 1987, jusqu’au systématisme du mensuel Glamour né en 2004, la pagination people des féminins ne cesse d’augmenter. Dans ce concept du people new style, on trouve ainsi des stars et starlettes du cinéma, de la télévision, de la chanson, mais aussi de la jet-set ou des produits issus de la télé-réalité. En 2003, Public voit le jour et cible les jeunes lectrices, friandes des stars du petit écran. Quant à Closer créé en 2005, qui se définit comme « l’hebdomadaire féminin nouvelle génération », il use d'une promotion télévisuelle importante et d'une politique de « prix agressif ». À l’époque, le succès de Voici encourage le groupe Prisma Presse à lancer un nouvel hebdomadaire en 1993 : Gala. Contrairement à Voici, les clichés sont réalisés avec l’approbation des célébrités qui y sont dévoilées. Sélectif et respectueux, il est aussi plus apprécié des annonceurs de luxe, mais aussi le plus « féminin », puisqu’il dénombre 70% de lectrices contre 66% de femmes par exemple pour le lectorat de Voici. Aujourd’hui, cette presse féminine est en pleine forme et plus que jamais présente avec des méthodes de plus en plus poussées pour s’immiscer dans la vie privée des célébrités. Ce succès peut néanmoins laisser perplexe au vu des couvertures arborées : « Les stars à la plage », « Les stars sans maquillages », « Les stars et la chirurgie esthétique », sont autant d'accroches récurrentes qui ressemblent à un mauvais scénario des aventure de Martine. Est-ce la prétendue proximité avec les « people » qui
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plaît au lecteur ? Est-ce leurs vies prétendument tumultueuses ou leurs « dérapages » qui fascinent tant ? À moins que ce ne soient les images proposées qui permettent aux lecteurs de s'identifier un peu plus. Une sorte de reflet du miroir qui semble davantage fonctionner avec des photographies « paparazzées » qu'avec les images « léchées » des autres catégories de presse déjà évoquées. En 2007, Voici, Closer et Public atteignaient ensemble le chiffre record de vente de 1 946 433 exemplaires diffusés : depuis l’été 2006, la progression a bondi de 14,5 %. Le succès de cette presse semble donc loin de s'essouffler.
une presse contestée
moitié du XIX e siècle, la presse féminine, alors en pleine expansion, fait l'objet de critiques très vives, tant de la part des courants de pensée marxistes que des adeptes d'une morale traditionnelle (c'est à dire en France, majoritairement catholique). Ce double rejet est né en même temps que la haute couture, la presse de mode et les grands magasins, dans la société du Second Empire qui fut celle de l'envolée du capitalisme. À la fois méprisée et crainte pour sa capacité à faire la mode et à promouvoir des normes nouvelles aux yeux des femmes, la presse féminine est ainsi rejetée par les esprits conservateurs pour sa dimension commerciale, qu'illustre la profusion des pages de publicité. epuis la seconde
Deux reproches distincts sont adressés à la presse féminine : d'une part, sa superficialité détourne la femme des vrais enjeux ; d'autre part, en tant que vecteur privilégié de la mode, elle participe par là même du système capitaliste. Ce qu'il est amusant de noter, c'est que ses deux principaux détracteurs vont tous deux développer une publication de magazine féminin. Participant de cette idée selon laquelle il faut orienter l'information à destination de ses adhérents et sympathisants, la mouvance marxiste se dote de la Revue des travailleuses alors que l'Église Catholique lance Le Féminisme chrétien. Les mouvements féministes se sont aussi souvent insurgés devant les parutions de la presse féminine. En 2002, lors des Rencontres sur l'image de la presse féminine, les féministes militantes du mouvement Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'aide aux citoyens) manifestaient l'hostilité que leur inspirait cette presse.
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En témoigne le compte rendu de Claudine Basco, membre du Conseil scientifique d'Attac 1 :
« La presse féminine a-t-elle une véritable liberté d'expression, sachant qu'elle ne doit pas évoquer de sujets trop polémiques, afin de conserver ses annonceurs ? Or les annonceurs sont très conservateurs et n'acceptent qu'un modèle standardisé de femmes avec des articles de société peu dérangeants qui peuvent faire consensus avec la publicité, d'où une certaine monotonie des sujets qui enferment les femmes dans la futilité. Quand certains magazines parlent de l'avortement, du racisme, des féministes, ils voient leur budget pub diminuer, ce qui les oblige à l'autocensure, il leur est difficile d'évoquer l'éthique sur l'étiquette, ou les conditions de travail dans leurs usines textiles. »
Pourtant, l'analyse éditoriale et publicitaire de magazines comme Elle et Marie-Claire contredit à chaque parution les propos d'Attac, puisque ces deux journaux traitent systématiquement l'ensemble de ces sujets sensibles, tout en étant les magazines féminins les plus investis publicitairement. Enfin, la critique la plus vive et la plus courante dont est coutumière la presse féminine est relative à l'importance des campagnes publicitaires présentes dans chacune de ses publications (pour exemple, l'édition française du Vogue de septembre 2007 comptabilise deux-cent soixantedix pages de publicités). Or cette presse se finance et se nourrit du succès international du rayonnement des marques françaises et plus particulièrement celles du luxe. Parallèlement, au travers de la presse féminine, les marques bénéficient d'un support de communication largement diffusé. Ces dernières investissent même dans des agences qui calculent le rapport entre le budget publicitaire investi et le rédactionnel journalistique consacré par les magazines à leur marque. Mais la presse magazine ne peut porter seule le poids d'une telle critique. La télévision, la radio et même internet s'adonnent aux mêmes pratiques, et si la critique sur ce point de vue doit exister, ce n'est pas en pointant tel ou tel média du doigt, mais en reconsidérant l'ensemble de notre système capitaliste. Pour ma part, et c'est peut être parce qu'avec le temps je m'y suis habituée, les publicités dans les magazines ne me choquent pas outre-mesure. J'aime au contraire observer l'esprit que chacune des marques aime promouvoir et constater leurs évolutions au fil des saisons.
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Rencontres sur l'image de la femme dans la presse féminine, Théâtre du Gymnase, Marseille, 2002, http://www.france.attac.org/
presse papier & presse web, variantes & évolutions de la presse féminine est d'être le reflet de l'air du temps. Cela est d'autant plus vrai aujourd'hui lorsque l'on constate que son support ne se limite plus désormais à la presse écrite. Cela a débuté aux prémices d'Internet, lorsque cette presse a donné jour à une multitudes de sites Internet féminins : Elle.fr, ouvert en 1995, auquel se succèderont Aufeminin.com, femmeactuelles.fr, Psychologies. com, Marie-Claire.fr, Glamour.com ou Madame.Lefigaro.fr. Par définition, ces sites ne sont plus dans « l'ère Gutenberg », mais ils la prolongent avec cette volonté de s'adapter aux nouveaux supports de communication. Plus récemment, l'année 2010 a vu apparaître au sein du groupe Lagardère Active un nouveau magazine, Be. En plus de la version magazine hebdomadaire, le support se décline sur les mobiles (via des applications téléchargeables) et sur Internet, mais d'une façon tout à fait nouvelle. Alors que les anciens magazines s'étaient appliqués à retranscrire l'esprit de leur publication au travers de leurs sites (en ne dévoilant toutefois pas le contenu de la version papier, mais en misant sur des contenus dédiés à l'actualité dans le domaine de la mode, à des tests, aux horoscopes ou encore à une partie « people »), ce dernier entend mettre en place une communauté de jeunes femmes, les « Bees » qui sont tout à la fois lectrices du magazine, actives sur le web via le site be.com et sa déclinaison communautaire (directement inspiré du réseau social Facebook), et consommatrices grâce au e-commerce (les lectrices peuvent directement acheter des articles mis en avant par le site). Grâce à cette communauté, les lectrices peuvent donc donner leur avis sur tel article par le biais d'un forum, et chose nouvelle, ces derniers peuvent être publiés dans un prochain numéro (dans un article consacré aux réactions que ces derniers ont suscitées). J'ai moi-même fait l'expérience en m'inscrivant ne des caractéristiques
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à cette communauté de « Bees » { 15 }. Et suite à un commentaire tout à fait pertinent que j'avais posté sur la toute fraîche séparation entre le basketteur Tony Parker et l'actrice Éva Longoria { 16 }, j'ai découvert ce dernier dans la publication suivante de la version papier. On peut ainsi se questionner sur cette frontière entre lecteurs et rédacteurs qui semble de plus en plus mince et permissive sur ses contenus et par là même sur le statut des journalistes de demain. La récente apparition des tablettes tactiles a aussi apporté son lot de nouveautés en matière de presse magazine. Pour ces dernières, il est désormais possible de télécharger des applications qui permettent une autre lecture de cette presse. Ici, deux possibilités : le téléchargement d'une application gratuite (type Elle, Glamour, Grazia) qui permet un regard succinct du magazine en question, sans possibilité d'accéder aux articles développés dans la version papier, soit le téléchargement d'applications payantes, qui elles dévoilent le contenu du magazine tel que nous pourrions l'acquérir en kiosque, et valorisées par des contenus dits « exclusifs ». J'ai pu faire l'expérience de cette lecture interactive au travers de l'application Vogue développée sur i-Pad { 11 } { 12 } { 13 }, sur lequel j'ai visionné deux numéros différents. La première différence avec les applications gratuites se trouve dans le mode de navigation. Pour celles-ci, les doubles pages se succèdent de façon linéaire. S'il n'était pas question d'écran ni de contenu, on pourrait parler d'une version « littérale », sans innovations particulières. Pour la version payante en revanche, le mode de lecture jongle entre la navigation horizontale et verticale, et le passage d'une page à une autre se fait par une animation de page que l'on tourne. Des animations { 14 }, des vidéos et des éléments interactifs s'intègrent
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même à la lecture, ce qui justifie l'intérêt de l'existence d'une telle application vis à vis de la presse écrite. Ici, la version interactive est donc pensée selon son support. Néanmoins, nous ne sommes qu'aux prémices des possibilités qu'offrent ces tablettes tactiles et au vue de leur récente apparition, on peut imaginer que ces nouveaux modes de lecture vont se développer bien davantage afin de se différencier de la presse papier. Je reste néanmoins sceptique sur l'attrait exclusif des lecteurs pour une version interactive de la presse féminine. Pour ce qui est de la presse relative à l'actualité en général, Internet et sa quasi-instantanéité marque des points vis-à-vis de la presse écrite et l'on peut se poser la question de sa viabilité. Mais en ce qui concerne la presse féminine, et pour avoir testé les deux versions sur une même parution du magazine Vogue, j'ai du mal à imaginer la possible suppression de la version papier. Sans tomber dans le sempiternel débat relatif à la disparition du papier en faveur de l'écran, il me semble que l'avenir de la presse féminine se joue au travers des possibilités spécifiques qu'offrent ces deux supports. Ainsi, pour la version en kiosque, on pourrait voir un retour aux grands formats, davantage appropriés à la valorisation des images • (ce qui est pour l'instant loin d'être la cas, puisque nombres de magazines développent en parallèle de leur version papier « classique », une publication plus petite car facilement transportable) ; pour la version sur tablette tactile, le développement des illustrations interactives permettraient de mettre en valeur le contenu des masses de données de plus en plus importantes. Pas question donc de trancher entre tel ou tel média, mais bien de puiser dans chacun d'eux les avantages les plus appropriés à sa diffusion.
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précédente, nous avons pu apporter certains commentaires au discrédit envers la presse féminine. Nous avons pu également constater son évolution et son cheminement auprès des femmes. Néanmoins, pour dépasser les préjugés d'une presse futile, il faudrait se détacher des idées reçues qui l'entourent. ans la partie
Superficielle ? Certainement. Car en étant directement liée au monde de la mode, la presse féminine joue sur le terrain des tendances qui saisons après saisons se renouvellent. Ceci fait d'elle une « science instable », un support en constante évolution et donc peu propice aux théories ancrées. Peu soucieuse de l'image de la femme ? On pourrait le croire. Tout d'abord au travers des dossiers développés dont la pertinence ne semble pas évidente (« 18 pages pour comprendre (et dégommer) tout ce qui me fait grossir », « Oh ouiiiiiii ! Comment j 'ai découvert une nouvelle zone érogène » 1 ). Non, leur but n'est pas de toucher un public de lectrices démunies de matière grise. L'objectif en fait est d'aborder un thème inscrit dans l'air du temps en le traitant avec une plume légère que seuls ces sujets permettent. L'image de la femme peu aussi paraître écorcher par le biais de sa représentation que l'on nous donne à voir au travers des pages. Cette dernière y apparaît sublimée : les silhouettes sont longues et filiformes et le temps ne semble pas avoir de prise sur les visages. Certes, mais qui est vraiment dupe ? À vrai dire, j'ai moins de difficulté à assimiler ces images sublimées que les prétendus problèmes liés à l'identification qu'elles engendrent. Les modèles photographiés ont avant tout vocation à présenter des produits de consommation. Libre à nous de les réinterpréter 1
Accroches tirées de la couverture de Biba, n° 362, avril 2010
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de façon consciente et intelligente en faisant fi de cette fascination béate que les réfractaires de la presse féminine aiment nous prêter. Or, en dénigrant la presse féminine, ce n'est pas seulement sa prétendue légèreté qui est mise à mal, c'est aussi tout un ensemble de créateurs qui ont construit et participé à cette presse, en assumant cette collaboration au travers de créations élaborées. Couturiers, artistes, illustrateurs, photographes, directeurs artistiques et typographes sont autant de corps de métiers qui gravitent autour de la presse féminine. Ce sont aussi et surtout des pratiques artistiques directement liés au champ du design graphique. C'est pourquoi j'ai choisi de traiter dans cette partie des différents « artistes » au sens large du terme dont j'ai un jour découvert le travail et dont la pratique et la démarche ont déterminé la mienne.
les couturiers Gabrielle Chanel
le domaine des couturiers en présentant Gabrielle Chanel peut nous paraître peu surprenant puisque nous sommes tous conscients de la renommée internationale dont jouit cette griffe. J'ai néanmoins choisi d'y faire référence, non pas pour participer de cette fascination frénétique, mais pour soulever des points de son histoire qui me semblent intéressants. e choix d'aborder
Gabrielle Chanel { 17 } ouvre sa maison de couture en 1913. Elle est alors dans une mouvance de libération du corps de la femme, dans la lignée direct de Paul Poiret qui la débarrasse en 1906 de la contrainte du corset. Elle privilégie une simplicité soigneusement étudiée, et des tenues pratiques à porter en toutes circonstances. Au niveau vestimentaire elle réinvente les codes. Alors que les vêtements sont étriqués et contraignants, elle supprime la taille et dessine des coupes qui permettent une plus grande liberté de mouvement tout en conservant le savoir-faire propre liée à la haute couture. C'est elle aussi qui invente le concept de la « petite robe noire » { 19 }, une robe courte et légère dont les lignes simples et la couleur sombre s'adaptent à toutes les occasions. Cette création est néanmoins décriée par certains de ses détracteurs de l'époque qui attribuent au noir le signe de veuvage ou de vêtements attribués aux domestiques. Parmi ses autres innovations, on recense ses bijoux fantaisie semi-précieux, ses sacs à main en cuir matelassé et ses tailleurs souples en tweed. Ce qui est intéressant dans ses créations, c'est de constater à quel point ces petites révolutions imprègnent encore la marque Chanel aujourd'hui, dont la direction artistique est désormais attribuée à Karl Lagerfeld { 18 }. Car si l'on considère que la mode est en perpétuel mouvement, Chanel nous prouve qu'elle n'est en fait qu'un continuel recommencement en réinterprétant
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à chaque collection ses pièces maîtresses, contribuant ainsi à l'imaginaire collectif lié à cette griffe. D'autres marques ont leur nom associé à une pièce emblématique, comme Yves Saint Laurent et son smoking féminin, Burberry et son trench-coat, mais Chanel détient une aura particulière qui semble la maintenir au-dessus de toutes.
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Azzédine Alaïa
dont on connaît le nom de façon un peu abstraite, dont on entend parler au moment des défilés ou que l'on retrouve en paratexte dans les séries de mode des magazines. Pour moi Azzédine Alaïa { 21 } faisait partie de ceux là. Malgré tout, je remarquais que son nom n'était pas dans toutes les bouches, ni dans n'importe quelle publication. Un nom donc, qui ne faisait pas directement écho (contrairement à d'autres dont on visualise tout à fait l'univers) mais dont la certaine discrétion laissait planer comme un parfum réservé aux initiés. En m'y intéressant davantage, j'ai découvert un univers particulier. l est des couturiers
Azzédine Alaïa naît en 1940 en Tunisie et, tout jeune, sa créativité instinctive se nourrit des exemplaires de Vogue d'une amie française de sa mère. Il intègre une École des Beaux-arts, puis répond à une offre d'emploi chez un couturier, apprend à coudre et se met à reproduire les robes de Haute Couture pour ses proches. Peu de temps après il s'installe à Paris. Après un passage éclair au sein de la maison Dior, dont il se fait mettre à la porte après avoir passé cinq jours à coudre des étiquettes, il se met à travailler durant deux saisons auprès de Guy Larroche, chez qui il se forme à son futur métier. En 1960, il devient l'intendant et le couturier de la famille Blégiers, personnalité fortunée qui durant cinq années le mêlera à la haute société parisienne { 22 }, une clientèle qui le suivra lorsqu'il lancera sa propre griffe. Dans les années 1970, il réalise sa première collection prêtà-porter pour Charles Jourdan. Cette dernière n'est pas bien accueillie. Néanmoins, les journalistes de mode s'intéressent à cette élégance moderne. Sous son propre nom, le succès s'ensuit grâce notamment à la création d'une esthétique du vêtement qu'il baptise « seconde peau » { 20 } et qui dessine les corps féminins de façon sensuelle. Des récompenses et
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des expositions consacrées à ses créations finiront d'ancrer son succès. Mais ce qui fait la particularité d'Azzédine Alaïa, ce n'est pas seulement son parcours singulier ni son esthétique particulière. C'est aussi un mode de production qui définit sa propre pensée sur la mode •. Alors que les autres maisons de couture vivent au rythme effréné de deux collections annuelles, Azzédine Alaïa présente ses collections en dehors du calendrier officiel, sans se soucier de l'agenda des semaines de la mode. Cela confère à sa griffe un statut hors norme dont chaque présentation devient un événement particulier. C'est aussi un pied de nez au diktat de ce milieu qui impose des innovations constantes. Ainsi, en prenant le parti d'une création mesurée et imprévue, ses créations acquièrent un statut d'autant plus précieux.
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Issey Miyake
a griffe Issey Miyake m'est très chère car elle m'évoque des souvenirs personnels. En 1992, Issey Miyake sortait son parfum L'eau d'Issey { 26 }. Ma mère s'est alors très vite appropriée cette eau aux senteurs marines. J'ai grandi dans ses effluves. Mon père était lui peu sensible à ce doux sillage, si bien que ma mère s'est peu à peu détournée de ce parfum. Elle a néanmoins conservé tous ses flacons dans une vitrine et il m'arrive parfois d'ouvrir l'un d'entre eux et de faire l'expérience d'un retour vers le passé étonnant. On a tous ressenti, je pense, cette émotion : celle un parfum au détour d'une rue qui évoque une personne ou nous renvoie à une époque. Même si aujourd'hui elle ne le porte plus, c'est le parfum auquel je l'identifie. Plus récemment, et toujours lié à Issey Miyake, j'ai fait une expérience tout aussi émouvante. Début mars, j'ai pris quelques jours pour me rendre à Paris. Par un heureux hasard, la semaine de la mode s'y déroulait au même moment. J'avais donc, en parallèle des expositions que je voulais voir, annoté les lieux et dates des défilés qui s'y déroulaient. Ainsi, alors que je venais de visiter l'exposition consacrée à Sacha à l'Institut Néerlandais, je me suis rendue compte qu'à deux pas de là, sur la place de la Concorde, le défilé Issey Miyake allait avoir lieu. Arrivée sur place, je tentais de faire bonne figure malgré les cartons d'invitation présents dans chaque main. Dans une file qui s'était formée, j'ai alors demandé à une jeune femme si ce fameux carton était un indispensable laisser-passer. Il l'était et l'inquiétante humiliation de me faire refouler allait grandissante. Et alors que la jeune femme à mes côtés donnait un coup de téléphone à une amie de façon tout à fait décontractée, je finissais de ronger mes derniers ongles. En raccrochant, elle m'a dit qu'une amie ne pouvait pas assister à la présentation et m'a tendu l'invitation nominative qui lui était réservée. J'ai ainsi été rebaptisée Sabine Bourgeois et j'ai pu assister à mon tout
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premier défilé. La première bonne surprise venait du carton lui-même : une enveloppe aux motifs géométriques { 31 } contenant le carton d'invitation { 33 } et un origami { 32 }, réalisés par le graphiste japonais Tadanori Yokoo (il a réalisé les cartons d'invitation pour les défilés Issey Miyake de 1980 à 1997, s'est arrêté au moment ou Naoki Takizawa a repris la direction artistique de la marque en 1998, puis a de nouveau collaboré avec la marque à partir de 2003 pour chaque défilé femme). Il faut savoir qu'Issey Miyake est l'un des premiers créateurs japonais à présenter en 1973 ses défilés à la fashion week de Paris. Le vêtement, son rapport avec le corps et avec les contingences de la vie contemporaine, l’innovation technologique, l’étude des techniques artisanales ont été et sont toujours les sujets d’investigation favoris de ce Japonais diplômé de l’école de la Chambre syndicale de la couture parisienne en 1966. Et c’est en chercheur qu’il s’est lancé dans des expériences sur les matières, mélangeant étoffes naturelles et tissus synthétiques, testant les textures, les froissant, les twistant, les tordant… Parmi ses créations phares, on recense sa ligne A-POC (A piece of cloth) { 29 } pour laquelle il utilise une machine à tisser unique, dont le secret est confiné dans ses ateliers, et qui permet de créer des vêtements à couper soi-même selon des lignes prédéfinies. Il est aussi à l'origine de la ligne de vêtements Pleats Please (littéralement : des plis, s'il vous plaît) { 24 } { 25 }, dont il inverse les procédés habituels de plissage en commençant d'abord par couper et coudre avant de plisser. Des modèles qui glissent sur le corps comme en apesanteur et « rebondissent » à chaque pas, donnant l’impression d’une démarche élastique. Des vêtements sans entraves, gracieux, qu’on peut rouler dans une valise et qui en ressortent sans faux pli. Les logotypes A-POC, Pleats Please et plus récemment Baobao (basée sur la technologie des sacs Bilbao de Pleats Please, la ligne devient une marque à part entière) incarnent d'ailleurs une petite révolution dans le domaine de la mode. Alors que les maisons de couture veillent à maintenir leur identité de façon intemporelle en s'appuyant sur un simple lettrage, ces logos signifient une idée plutôt que la personnalité du créateur. Ils expliquent le concept même du vêtement ou de l'accessoire qu'ils représentent. Ainsi A-POC reprend le système de découpe lié à cette marque { 30 }, Pleats Please les fameux plissés dans la forme des lettres du logo { 23 } et Baobao les facettes qui composent les plis et les arêtes de ses sacs { 27 } { 28 }. La seconde bonne surprise fût bien évidemment le défilé lui-même et la mise en scène si particulière qui contribue à l'identité de cette griffe. Au sol se trouvaient trois bandes de papier (d'environ 4 mètres sur 50 centimètres) réparties le long du podium et maintenues au sol à chaque extrémité par deux assistants. Ces derniers ont alors réalisé des pliages avec ces bandes { 34 }, clin d'œil direct à l'énigmatique origami qui se trouvait dans le carton d'invitation. Les pliages finis, les mannequins
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commençaient à défiler sur le podium, dans des tenues sobres et sombres. Arrivés à hauteur des bandes, les assistants les « habillaient » de ces vêtements de papier. L'habit fini, elles continuaient de défiler, laissant la place aux autres mannequins et à la succession de ces vêtements éphémères qui naissaient sous nos yeux. Le « cérémonial » terminé, les mannequins se sont placés au bout du podium et sont alors arrivés d'autres modèles vêtus de la version textile de ces vêtements { 34 }. La collection Automne-Hiver 2011/2012 nous apparut alors, défilant sur un air de piano épuré et enjoué, placé au bout du podium. Cet épisode reste émouvant parce qu'il est lié à un créateur que j'affectionne particulièrement. Il m'a permis de mettre, l'espace d'un instant, un pied dans cet univers réservé aux initiés et de découvrir l'effervescence de ces évènements si particuliers. Un grand merci à Sabine Bourgeois !
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les artistes Annette Messager
'est au travers d'un de mes cours d'arts plastiques du lycée, consacré au corps dans l'art, que j'ai été amenée à découvrir le travail d'Annette Messager. Influencée par le surréalisme et par le féminisme dans le contexte des années 1970, son travail s'inscrit dans le courant dit « des mythologies individuelles », qui marque un regain d'intérêt pour l'autobiographie et la narration . Par l'utilisation de pratiques modestes proches de l'art brut { 35 }, des arts premiers (l'objet talisman), de l'artisanat, voire de l'art de vivre (les tâches quotidiennes) ou des productions de l'enfance (la pratique récurrente du jeu), Annette Messager cherche à savoir à partir de quel moment une création appartient au domaine de l'art. Son œuvre intitulée Mes vœux { 36 } m'a beaucoup marquée. Elle y assemble des photographies de corps fragmentés de manière à constituer un rond suspendu (format souvent associé au genre du portrait à la Renaissance) par des ficelles où les différents formats photographiques et les différents détails de visages et de corps se juxtaposent. Ce que je trouve intéressant ici, c'est l'aspect global de l'œuvre qui évoque un miroir et où l'on s'attend à découvrir un portrait. Or, la multiplicité des fragments de corps qui se chevauchent ne nous permettent pas de le reconstituer : le portrait se révèle impossible. Au cours de l'exposition « Cover Girls » présentée à la Galerie des Galeries à Paris (exposition consacrée à onze artistes portant un regard décalé sur l'esthétique de la femme véhiculée par l'univers de la mode •), j'ai découvert l'œuvre Legs d'Hans-Peter Feldman { 37 } qui selon moi fait écho à l'œuvre précédemment citée d'Annette Messager. Il s'agit d'une collection méthodique de trente et une photographies réalisées à partir d'images découpées dans des magazines
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de mode. Hans-Peter Feldman est un collectionneur méthodique dont les réalisations en séries se caractérisent aussi par un refus tenace d'utiliser le moindre mot pour expliquer ou titrer ses œuvres. Une manière pour lui d'affirmer que le système des images populaires possèdent son langage et sa logique poétique propre •. Il nous présente ainsi dans cette œuvre une sorte d 'étude visuelle lyrique sur l'ensemble des positions de jambes que les femmes (portant une jupe) peuvent prendre. Dans ces deux œuvres, on retrouve l'idée de fragmentation et de collection méthodique que j'ai moimême développé dans ma production. J'affectionne aussi particulièrement les Collections de proverbe d'Annette Messager. Cette œuvre consiste en une anthologie d’idées reçues sur la femme, brodées à la main par l’artiste sur des pièces de coton blanc. Avec une certaine espièglerie, elle renvoie les spectateur aux clichés de l'inconscient collectif. Elle pose ainsi la question du féminin sans s'engager dans le féminisme et met en avant, comme par provocation, un art populaire méprisé : la broderie. En parodiant cette technique artisanale, l'artiste détourne le signe d'une soumission à une condition dévalorisée, et en souligne la forme de beauté. L'ouvrage de dame comme ouvrage d'art. Et inversement.
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Barbara Kruger
'est assez récemment que j'ai découvert le travail de Barbara Kruger, au cours de l'exposition Elles présentée en 2009 au Centre Pompidou. Son œuvre Untitled (What big muscles you have ! ) { 38 } m'avait alors interpellée, tant par le choix d'un visuel uniquement typographique que part l'ironie grinçante aux allures de propagande. Son parcours m'a alors éclairéé. Au départ, Barbara Kruger a suivi une formation de graphiste. Profession qu'elle exerce dans les années soixante, notamment pour le magazine Mademoiselle. De cette expérience, elle retient un vocabulaire visuel fort et une construction des images médiatiques. Elle découvre à cette même période la pratique de l'art conceptuel qui place la langage au cœur du processus artistique. Elle se met alors à rassembler des photographies parmi celles produites par les médias et procède à une critique des représentations dans la publicité, le cinéma, ou la télévision. Elle conçoit des photomontages qui trouvent leur inscription sur de nombreux supports : affiches, tee-shirts { 41 }, sacs plastique... , comme autant de stratégies pour déplacer les langages publicitaires. Ses œuvres sont conçues sur le même principe (schéma identique des identités visuelles des marques qui, au travers de leur langage visuel propre, permettent d'être identifiées au premier coup d'œil) : des photographies en noir et blanc, avec surimposition de texte soulignés d’un cadre rouge { 40 }. L’effet d’intimidation qu’elles produisent vise à saisir le spectateur, à lui faire ressentir la situation évoquée. Cependant, l’appropriation des langages médiatiques n’est pas littérale. Barbara Kruger crée un écart ; par exemple, contrairement à la publicité qui imprime directement l’imagination, l’œuvre de Barbara Kruger force le spectateur à décoder
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le message { 39 }, quitte à le laisser sans réponse. Ainsi, au travers de son œuvre évoquée plus haut, on décèle une ironie sur les stéréotypes véhiculés par les médias de façon générale. « What big muscles you have ! », écrit en lettres rouges, barre un texte composé d’une multitude de doux petits noms dont l’accumulation suscite immanquablement un effet comique : « My lordship », « My Lancelot », « My great artist », « My professor of desire », « My Rambo », « My Popeye »... Mais la tonalité générale n’est pas celle-ci. Cette réappropriation à l’œuvre doit être finalement comprise non pas comme une exclusion de l’autre sexe, mais comme un partage qui, visant l’universel dépasserait le genre. Ayant été longtemps exclue du discours sur l'art, Barbara Kruger fait partie de ces artistes qui considèrent le mot comme un enjeu: ils investissent le discours critique, retournent le mot en leur faveur, en font un nouveau matériau de l'œuvre et réinventent les modes de narration •.
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Nicole Tran Ba Vang
'est en découvrant le programme de l'exposition « Ultra Peau » { 42 } qui s'est déroulée au Palais de Tokyo en 2006, que j'ai été pour la première fois confrontée au travail de Nicole Tran Ba Vang. Ses photos, ses corps habillés de nudité m'ont beaucoup interpellée. Sa façon de jouer sur l’être et le paraître par le biais du détournement de la mode et de fondre l’habillement avec la peau m'a à la fois intriguée et séduite. Nicole Tran Ba Vang appartient d’abord au milieu de la mode : elle était styliste avant de devenir artiste. Dans son travail, elle pose la question du statut du vêtement comme reflet de la mode, soulignant l’importance du paraître. Mais les images de Tran Ba Vang sont légères. Ayant côtoyé ce milieu, elle joue avec les codes de la mode, qu’elle transforme en principes qui structurent son travail •. Depuis 1999, les images sont présentées par « saisons », au rythme d'une ou deux par an, sur le mode des créations de couture. Telle collection estivale joue des marques du soleil en suggérant un hâle ou les marques du maillot. (Sans titre 03, série « Collection Printemps-Été 2000 », 2000) { 44 }. Une autre série se saisit du « retour » de la fourrure pour offrir la possibilité d’endosser ou d’ôter poils ou absence de poils (Sans titre 08, série « Collection Automne-Hiver 2000/01 », 2000) { 43 }. On peut ainsi voir dans ses changements rapides et radicaux, une réponse aux injonctions des magazines féminins. La peau devient alors une métaphore du vêtement : apte à des changements perpétuels. Une sorte de corps caméléon dont la chair va même jusqu'à adopter un total look (Anne-Claire, série « Collection Automne-Hiver 2003/04 », 2003) { 45 }. Si ces images peuvent nous suggérer un certain dégoût (en référence à la
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torture et aux écorchés), il n'en est pas moins vrai qu'elles suggèrent un potentiel comique : on pense ainsi au roi du conte d'Andersen (Les Habits neufs de l'empereur, 1837) dont ses prétendus habits neufs sont inexistants, laissant son corps nu à la vue de tous. L’utilisation de mannequins, l’usage dominant d’un fond blanc ou grisé signalant la prise de vue en studio, jouent également un rôle important en transposant d’emblée le motif potentiellement violent dans les codes « esthétisants ». Cela crée une certaine anesthésie visuelle : en travaillant les photos comme celles des magazines de papier glacé, les corps affublés de fermetures Éclair ou sur lesquels la couture à même la peau évoque un aspect clinique, voire la chirurgie esthétique. Ces corps vêtus-dénudés ont également une charge érotique : il y a surtout celui de la femme et ses sous-vêtements (un soutien-gorge, des bas, un corset, le cliché érotique des talons aiguilles…) . Mais il y a aussi celui de l’homme, dont le torse affublé de poils évoque la part animale. Ces images ne peuvent pas ne pas évoquer certaines publicités de grands couturiers, ou des magazines de mode. Ainsi, les photographies techniquement « parfaites » de Nicole Tran Ba Vang sèment le trouble dans notre esprit, car au-delà du rôle social du corps, elle interroge la notion même d’altérité : le corps serait une frontière entre moi et l’autre, il serait un écran. Mais cet écran semble transparent sous ces vêtements faits de peau. Les visuels publicitaires qui font écho à son travail révèle combien aujourd'hui le corps se rêve. Ses photographies ne sont donc pas seulement des changements de peau, mais bien un changement d'image liée à celle-ci.
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les illustrateurs René Gruau
de René Gruau appartiennent à un univers que j'apprécie tout particulièrement. Avec ses silhouettes chics et ultra-féminines il a su retranscrire à travers ses illustrations une image de la femme tout en subtilité. Sa réalisation pour la marque de cosmétique Rouge Baiser { 46 }, où il dessine une femme à la bouche-cerise masquée d'un bandeau noir, est un visuel dont la sensualité me touche particulièrement et dont le charme indélébile est à l'image de l'ensemble de son œuvre. es images
Encore adolescent, René Gruau est contraint de renoncer à son projet de devenir architecte pour gagner sa vie. Très bon dessinateur, il publie ses premiers dessins en Italie à l’âge de quinze ans. Sa rencontre avec la rédactrice du magazine milanais Lidel est décisive et l’oriente vers l’illustration de mode. Il obtient plusieurs commandes pour ce magazine. Vers 1930, il s’installe à Paris, où il commence à avoir une certaine renommée et travaille pour des magazines telles que Marianne, L’album du Figaro, Fémina, Marie-Claire et L’Officiel de la Mode et de la Couture. L’ art de René Gruau au travers de ces magazines portera haut dans le monde l’idée d’une élégance française, « spéciale et souveraine ». C'est aussi la période durant laquelle il rencontrera Christian Lacroix pour lequel il réalisera, en 1947, la première publicité pour le parfum Miss Dior et qui marquera le début d'une collaboration de quarante années { 48 }. À partir de cette date, il fait des séjours réguliers aux États-Unis et collabore au Vogue américain, à Harper’s Bazaar et à Flair. Peu après, il réalise ses légendaires affiches pour Rouge Baiser ainsi que celles des Bas Scandale { 47 }. À partir de 1955, la photographie supplante le dessin dans la plupart des magazines de mode et René Gruau travaille
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désormais surtout pour la publicité, plus précisément dans le domaine de la publicité de mode (parfums, cosmétiques, lingerie, accessoires de mode, prêt-à-porter, tissus). Juste après, vient sa première affiche pour le Lido auquel il collabore pendant vingt-neuf ans { 49 }. Par la suite, René Gruau continue de créer des dessins publicitaires mais revient de temps en temps au dessin de mode : il travaille ainsi pour Elle, Madame Figaro, L’Officiel de la Mode et de la Couture et Vogue, jusqu'à sa disparition en 2004.
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John-Paul Thurlow
'est au travers du troisième numéro de la revue It's Nice That { 51 }que j'ai découvert John-Paul Thurlow. Dans cette publication, il fait partie des artistes qui nous présentent leur travail { 50 }. Au travers de cette production liée aux couvertures de magazine, j'ai compris que les « gribouillages » ajoutés aux véritables publications laissaient présager un regard particulier sur cette presse. Avant d'entamer une création plus personnelle, John-Paul Thurlow est reconnu en tant que directeur artistique londonien, travail qui le maintiendra pendant plus de dix ans dans la sphère commerciale. Il ressent alors le besoin de produire uniquement pour lui, visant une sorte de projet thérapeutique. Il a alors l’idée de reproduire à sa manière les couvertures de magazines qu’il apprécie. Derrière ce projet, il y a deux ambitions. La première consiste à rendre hommage aux acteurs de la presse magazine, qu'il affectionne particulièrement et dont il regrette que l'objet soit trop souvent considéré comme une marchandise jetable •. La seconde est d'utiliser ce matériau répandu et largement consommé en le transformant en objet singulier •. Ainsi, il s'applique à reproduire les couvertures de magazine au crayon à papier ou au stylo bic, de la façon la plus fidèle possible. Dans son processus de création intervient alors un basculement où le visuel « léché » laisse place à des annotations plus personnelles et à des éléments supplémentaires qui égratignent la « perfection » de départ. Le résultat va donc plus loin que la simple copie, il tend à dévoiler un envers écorché de cette prétendue vérité affichée en couverture. Il choisit les magazines en consultant les parutions des kiosques. Il laisse libre cours à ses coups de cœur en projetant l'idée ou l'émotion qui pourront permettre un nouveau rayonnement à la couverture.
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Pour lui, un bon magazine doit signifier une attitude, une dynamique, une identité forte et une grande faculté à « illuminer » un thème. Une sorte de fenêtre sur un autre monde. Ainsi, en fonction du travail qu'il projette, son choix va se tourner vers des magazines spécifiques. S'il tend vers la sarcasme, il choisira un exemplaire de Vice { 53 }, enclin à ce penchant. En revanche, s'il cherche la fascination, il sélectionnera une édition étrangère d'un magazine de luxe, comme Vogue, afin que le texte n'entache pas la distraction artistique des images. Ses différentes inspirations lui font ainsi choisir le magazine Interview pour son approche décalée, Purple pour ses images de mode joyeusement prétentieuse ou Acne Paper pour son format. Dans un autre registre, il est aussi très sensible aux zines indépendants, davantage propices à une créativité libérée •, loin des diktats commerciaux des grands noms de la presse féminine. Ses créations ont récemment donné lieu à une exposition intitulée « 100 Covers exibition » à la galerie KK Outlet de Londres, présentant une sélection de cent de ses couvertures. De cette exposition est né un ouvrage, Covers { 52 } qui regroupe la centaine d'œuvres sélectionnées pour l'occasion.
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John-Paul Thurlow, couverture d'un exemplaire du magazine Vogue
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Garance Doré
{ 56 } fait partie de cette lignée de blogueuse de mode qui a investi la « toile ». Dans ce domaine, c'est un farouche précurseur. Elle ouvre son blog dédié au domaine de la mode en 2006, une pratique alors innovante (par la suite, des centaines de blogs du même type émergeront, avec plus ou moins de succès). Avant d'entamer sa « carrière » de blogueuse, elle réalise des illustrations pour des magazines. Une certaine frustration de ne pas avoir de retour de la part de ses lecteurs l'encourage à ouvrir son propre blog. Plus libre, plus spontané, elle commence à poster des illustrations, auxquelles viennent s'ajouter assez vite des bribes de texte { 55 }. Puis s'ajoutent des photos et des vidéos, qui parlent des ses voyages, de ses rencontres et des défilés auxquels elle assiste. Son influence, elle la mesure alors qu'une vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter lui confie qu'après qu'elle ait publié un article sur un vêtement, les ventes de celui-ci ont littéralement explosé. Dans son domaine, c'est aujourd'hui une référence. Malgré l'impossible désignation de son métier (ni véritablement photographe, ni réellement journaliste), elle est aujourd'hui incontournable dans son domaine : vingtsix mille lecteurs la suivent quotidiennement. Son succès { 57 } provient de cette proximité qu'elle entretient avec le lecteur. Légère mais pas niaise, chic mais pas snobe, connaisseuse mais pas érudite, elle nous fait partager son quotidien et consciente de sa magie, nous le fait partager volontiers. arance Doré
J'ai découvert son blog en 2008, au hasard des digressions rhizomiques que nous permet internet. J'ai alors consulté son blog depuis sa création et j'ai été frappé par son évolution. De ses premiers posts intimistes à ses collaborations actuelles de directrice artistique { 54 }, on ne peut que s'étonner et se questionner sur ce statut si particulier. Si le talent y est pour
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beaucoup, on peut aussi noter les passerelles étonnantes qui relient les champs de création autour de la presse féminine ou plus largement autour du domaine de la mode. Dans ces deux cas, ce sont ces changements constants qui les discréditent. Lorsque ces changements s'appliquent au domaine de diffusion, cela devient une force.
Garance Doré, portrait de Demi Moore réalisé pour une édition collector du Elle Uk, 2010
les photographes Edward Steichen
ne vous est pas familier, ses photographies le sont forcément. J'ai découvert Edward Steichen durant ma deuxième année de design graphique au cours de recherches sur la dentelle associée au corps. J'avais alors été fascinée par le portrait qu'il avait réalisé de Gloria Swanson { 58 } pour le magazine américain Vanity Fair . Cette photographie de l'actrice devant laquelle il dispose un tissu orné de dentelle me semblait, et me semble encore aujourd'hui, d'une féminité exquise. i son nom
Edward Steichen naît au Luxembourg, puis grandi aux États-Unis où sa famille émigre en 1881. Ses études à la Milwaukee Art Students vont l'amener à explorer deux champs créatifs : la peinture et la photographie. C'est dans cette seconde pratique artistique qu'il va exceller. Edward Steichen est déjà un photographe connu aux États-Unis et en Europe quand, en 1923, Condé Nast, propriétaire des magazines Vogue et Vanity Fair, lui propose d’en devenir le directeur du service photographique. On le considére alors comme le plus grand portraitiste vivant, et à cette époque on commence à aller vers ce phénomène contemporain d’un art délibérément frivole. Les photographies demandées pour Vogue et Vanity Fair relèvent alors du genre de la photographie de mode et du portrait de célébrité, les deux se confondant souvent. Le poste ouvre instantanément à Steichen un contact direct avec les plus grands artistes, acteurs, athlètes, musiciens, écrivains et hommes politiques de son temps. Les vêtements sont fournis par les plus grands couturiers. Les lectrices, habituées aux images du baron de Meye (précédent photographe phare du groupe Condé Nast qui part travailler chez Harper's Bazaar) ne doivent pas être choquées
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57
Edward Steichen, Vogue, couverture, 1er juillet 1932, Courtesy Condé Nast Archive, New York, Condé Nast Publications
par un changement de style. Steichen commence donc par des images pictorialistes, faites à la lumière du jour renforcée par une seule lampe pour éclairer les modèles. Progressivement, il baisse l’intensité de l’éclairage, préférant la pénombre mystérieuse aux lumières pailletées du baron de Meyer, pour exprimer le luxe et la séduction. Les images évolueront ensuite, en plein accord avec Condé Nast et le nouveau directeur artistique venu d’Allemagne, Mehemed Fehmy Agha, vers un aspect qui sert une mise en page simple, pure et clairement lisible. L’image de Steichen devient plus dépouillée et structurée, les ombres tracent des obliques vigoureuses, les éclairages se multiplient. Il travaille avec une importante équipe de collaborateurs chargée de veiller à la mise en place du décor, de l’éclairage, du maquillage, de la coiffure, de l’impression des tirages et de la lithographie, change souvent de lieu pour renouveler ses images et l'envie de faire de la photographie. Des artistes photographes vont alors reprocher à Steichen son engagement auprès du groupe Condé Nast. Il se défend par ses mots : « il n’est pas une époque où le meilleur de ce qui a été produit n’ait été incarné par l’art commercial ; […] l’artiste était ce que l’on pourrait appeler un attaché de presse magnifié [ et] la pression commerciale est une incroyable force productrice. Les artistes, à de rares expressions près, sont de piètres producteurs » 1 . Steichen ira jusqu’à déprécier la photographie délibérément artistique européenne incarnée par le dadaïsme, le futurisme, le surréalisme et les collages du Bauhaus, « au nom de ce qu’en dépit de son éclat, elle ne serait qu’une photographie imitant servilement la peinture » 1 . Loin d'être touché par ces attaques, Steichen va davantage affirmer son travail. Il ne cède pas aux contorsions provocantes de la photographie glamour qui commence à voir le jour à Hollywood. Il y oppose un érotisme mondain, élégamment retenu, et qui sert une idée moderne de la beauté des corps. Il transforme les vamps en idoles. Il exige enfin que Condé Nast publie toutes ses photographies avec la mention de son nom, montrant à quel point il revendique son travail de photographe de mode. Les qualités objectives du vêtement l’intéressaient peu. Un modèle désirable est selon lui, un modèle dont on veut (aussi) porter les vêtements. Steichen travaille sur ce positionnement et transforme ainsi toute photographie de mode en portrait : la photo d’abord, le reste suit.
1
Galerie photo, « Portraits d' Edward Steichen », http://www.galerie-photo.com/edward-steichen.html
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59
Man Ray
fait partie de ces artistes jouissant d'une grande renommée dont on a tous en tête soit une technique, soit un travail en particulier. Il fait néanmoins partie de ses artistes qui ont travaillé pour la presse féminine et dont ce « chapitre créatif » nous est peu souvent donné à voir. an Ray
Man Ray débute sa carrière artistique au travers de la peinture puis, au cours de sa carrière, il touche à la photographie, au cinéma, à l'artisanat, au dessin et même à la décoration. Comme nous l'explique Merry A. Forsta dans l'introduction d'un ouvrage consacré à l'artiste, Man Ray « appliqua tous les moyens et matériaux disponibles à la création de son œuvre. Pour lui, il n'existait pas de frontières entre les divers modes d'expression artistique ; tous n'étaient que des outils à employer dans le processus de création •. » 1 En 1915, alors qu'il prépare sa première exposition à la galerie Daniel de New York, il constate que les reproductions professionnelles de ses travaux ne lui conviennent guère. Il se met donc à les photographier lui-même et découvre alors un champ d'expérimentation vaste. Il développe de nombreuses techniques comme la solarisation { 60 }, l'épreuve négative, la distorsion, l'image floue { 62 }, ou encore cette invention à laquelle il donnera son nom: la rayographie (technique sans appareil qui permet d'obtenir des images dans une chambre noire à partir d'objets posés directement sur la surface sensible). Lorsqu'il arrive à Paris en 1921, il rencontre les artistes du mouvement dadaïste qui sont séduis par son anarchisme esthétique et avec lesquels il va collaborer dans les années qui suivent. À cette même époque, il rencontre également le couturier Paul Poiret. Il réalise alors des photos de mode { 61 } qui sont publiées dans les magazines dont Fémina, Harper's Bazzar { 59 }, Vanity 1
Merry A. Foresta, Man Ray, Photo Poche, Paris, 1992, p. 5
60
Fair et Vogue qui contribuent à le faire connaître. Pour ses réalisations, il bénéficie d'une mise en page qui valorise ses photographies où la solarisation, la surimpression, le gros plan et la mise en scène surréaliste témoignent de son imagination et de son génie. Mais son vrai talent est surtout d'avoir saisi le rôle intermédiaire de la photographie entre l'art et la vie. Toujours selon Merry A. Foresta, « tout au long de sa carrière, il ne douta jamais du potentiel de ce médium qui pouvait simultanément servir le document et l'œuvre d'art, la science et la métaphore, la réalité et le fantasme » 1 . La photographie comme source d'expérience qu'il a su adapter à l'avant-garde esthétique de son époque, et ce, même au travers de la presse féminine.
1
o.p.
61
Jean-Paul Goude
nombreux à avoir en tête un travail de Jean-Paul Goude qui a marqué notre esprit. Pour ma part, ce sont les affiches qu'il réalisa pour les Galeries Lafayette. J'étais familière de ce grand magasin pour mes virées shopping. Et je me souviens de l'apparition de ces images si particulières. Ses affiches si gaies et pleines d'humour me semblaient d'une justesse et d'une fraîcheur folle, en prise directe avec l'air du temps. ous sommes
Jean-Paul Goude a été marqué très jeune par une certaine image de la femme. Cette fascination est née en assistant aux cours de danse que dispense sa mère. Captivé par les corps, les mouvements et l'indéfinissable grâce des danseuses, il cherche à les reproduire en les crayonnant. Une autre source d'inspiration va façonner son univers : il la trouve à côté de chez lui, au zoo de Vincennes. Non loin du zoo, se trouve le Musée des colonies et ses grandes fresques qui représentent des femmes africaines, maghrébines et annamites dénudées, qui l’obsèdent et qui vont, plus tard, avoir une influence sur le choix de ses muses ou partenaires. En grandissant, le dessin devient une véritable passion, et il décide de poursuivre cette voie en s'inscrivant, après l'obtention de son baccalauréat, aux Arts Déco de Paris. Fort de son talent et de son entregent, il devient en 1964 l'illustrateur des magasins du Printemps. Puis, en 1970, alors qu'il n'a jamais travaillé a de mises en pages, il est nommé directeur artistique du magazine Esquire. Il entre dans les années 1980 avec sa compagne et muse Grace Jones et se tourne alors vers la publicité dont il va bousculer les codes. Cet aspect multiculturel, « ethnique » que nous avons abordé précédemment, vont alors refaire surface : Grace Jones dans sa cage
62
{ 73 } , les petits personnages des publicités Kodak qui déambulent
dans la savane ou encore le rugissement du lion dans la publicité Perrier. Sa notoriété va même le porter à répondre à une commande du gouvernement. En 1989, il organise un défilé pharaonique sur les ChampsÉlysées à l’occasion du bicentenaire de la Révolution Française { 71 } { 72 }. Cette manifestation grandiose contribuera à asseoir sa popularité et sa notoriété internationale. En 1992, Jean-Paul Goude installe Vanessa Paradis sur une balançoire pour vanter les mérites d'un parfum Chanel. Quelques années plus tard, ce sera au tour de Carole Bouquet d'être sublimée par l'artiste pour Chanel n° 5. Chaque fois, il frappe juste et étonne par sa fraîcheur créatrice. En 2001, les Galeries Lafayette lui confient la réalisation de ses campagnes publicitaires { 74 }. Pour l'occasion, il se choisit une nouvelle muse, Lætitia Casta { 68 } { 69 } { 70 }, dont il décline la beauté sur des affiches teintées d'humour et d'optimisme. Ce qui est frappant dans son parcours, c'est de constater combien sa pratique est identifiable. Que se soit dans le domaine de la photographie, de la publicité ou de la presse, il a su apporter une esthétique personnelle et singulière qui signe l'ensemble de ses réalisations.
63
Jean-Paul Goude, Esquire, couverture, L'Art du graffiti, photo retouchĂŠe, 1974
64
Sacha
n m'intéressant aux photographes ayant gravité dans le monde de la monde, j'ai découvert Sacha, reconnue pour ses collaborations avec les magazines Elle et Marie-Claire. J'ai pu découvrir son travail d'un peu plus près au cours d'une exposition que lui consacrait l'Institut Néerlandais de Paris intitulée « Sacha, photographe de mode » 1 { 65 } . Autant que son travail photographique, son travail de recherche en amont (qui était aussi présenté) m'a beaucoup marquée. En effet, dans des vitrines accolées à ses tirages photographiques, on pouvait s'immerger dans l'univers de l'artiste par le biais de carnets personnels { 66 } •. Sorte de carnets de tendances, on y découvrait des miniatures de tirages, des croquis préparatoires, de véritables polaroïds plus personnels et de nombreuses annotations. L'ensemble était mis en page avec une rigueur toute particulière, dans lequel les courbes de son écriture adoucissaient le tout. Sacha Van Dorssen - plus connue sous le nom de Sacha – découvre Paris en 1963. Elle choisit de s'y établir et le paysage urbain constituera pour elle un intéressant réservoir de décors. Elle fait la rencontre du directeur artistique du magazine Elle, Peter Knapp, qui lui commande ses premières images. Premières photos, premiers voyages, Sacha alterne photos en studios et extérieurs. D'un point de vue technique, Sacha a une manière de préparer et d'orchestrer les prises de vue qui lui est propre et pour une part liée à la photographie argentique. En 1977, elle aborde une étroite collaboration avec le mensuel MarieClaire { 64 } qui va se poursuivre jusqu'en 1999. Elle devient l'un des piliers du magazine en publiant presque chaque mois des séquences qui portent la marque de son style photographique. Ses photographies sont également publiées dans les autres éditions étrangères du titre et 1
« Sacha, photographe de mode », Exposition du 20 janvier au 20 mars à l'institut Néerlandais de Paris, Commissaire de l’exposition Gabriel Bauret.
{1}
{3}
{2}
{ 1 } Journal des Dames et des Modes, 31 Janvier 1819, Gravure 1791 { 2 } Harper’s Bazaar, n° 1, novembre 1867 { 3 } L’Officiel de la couture et de la mode, n° 1, couverture, 1921
{ 6 }
{ 4 }
{ 7 }
{ 5 }
{ 4 } { 5 } { 6 } { 7 }
Journal des Demoiselles, couverture, 1849 Elle n° 1, 21 novembre 1945 Marie-Claire n° 14, 4 juin 1937 Votre beauté, couverture, février 1937
{ 8 }
{ 8 } Le Petit Echo de la Mode n° 9, couverture, 1er mars 1925 { 9 } Nous deux n° 112, couverture, 1949 { 10 } Modes et Travaux, couverture, décembre 1929
{ 9 }
{ 10 }
{ 11 }
{ 12 }
{ 13 }
{ 11 } Vogue n° 915, mars 2011, comparaison entre la version papier et l’application pour Ipad du magazine du même mois { 12 } Vogue n° 915, mars 2011, comparaison entre la version papier, p. 318, et l’application pour Ipad du magazine du même mois
{ 14 }
{ 13 } Vogue n° 915, mars 2011, comparaison entre la version papier, p. 300, et l’application pour Ipad du magazine du même mois { 14 } Vogue n° 915, mars 2011, comparaison entre la version papier, p. 322, et l’application pour Ipad du magazine du même mois
{ 15 }
{ 16 }
{ 15 } Page de profil personnelle sur le site Be.com, pseudo : Chaminette { 16 } Magazine Be, 26 novembre 2010, p. 61
{ 17 }
{ 19 }
{ 18 }
{ 17 } Chanel avec son inévitable cigarette et ses bijoux préférés, photographie prise par Man Ray { 18 } L’héritage de Chanel : à la façon d’un autoportrait, Karl Lagerfeld a rassemblé ce qui signifie pour lui entrer en possession de cet héritage { 19 } Dessin de Gabrielle Chanel, la fameuse « petite robe noire »
{ 20 }
{ 21 }
{ 20 } Grace Jones dans une robe « seconde peau » d’Azzédine Alaïa { 21 } Azzédine retouchant une de ses robes « seconde peau » sur Grace Jones { 22 } Azzédine et le mannequin Farida, tirage photographique découpé et ruban adhésif, réalisé par Jean-paul Goude
{ 22 }
{ 23 }
{ 26 }
{ 24 }
{ 27 } { 28 }
{ 29 }
{ 30 }
{ 25 }
{ 23 } { 24 } { 25 } { 26 } { 27 } { 28 } { 29 } { 30 }
Logo Pleats Please, pour Issey Miyake Collection Pleats Please, printemps-été 2011 Visuel pour la collection Pleats Please, 2011 Parfum L’eau d’Issey, Issey Miyake Sac Baobao, collection printemp-été 2011 Logo Bilbao, pour Issey Miyake Visuel pour la collection A-POC, 2011 Logo A-POC, pour Issey Miyake
{ 31 }
{ 32 }
{ 31 } Enveloppe contenant le carton d’invitation pour le défilé Automne-Hiver 2011/2012 d’Issey Miyake { 32 } Origami contenu dans l’enveloppe { 3 3 } Carton d’invitation du défilé Automne-Hiver 2011/2012 d’Issey Miyake, recto/verso
{ 33 }
{ 34 }
{ 34 } Photographies réalisées lors du défilié Automne-Hiver 2010/2011 d’Issey Miyake, mars 2011
{ 35 }
{ 36 }
{ 37 }
{ 3 5 } « Annette Messager prend «Libé» dans ses filets », Libération, mardi 6 juillet 2004, première édition n° 7200, p. 1, 17 & 21 { 3 6 } Annette Messager, Mes Voeux, 1988 { 37 } Hans-Peter Feldmann, Legs, 31 photographies, 2008
{ 38 }
{ 39 }
{ 40 }
{ 41 }
{ 3 8 } Barbara Kruger, Sans titre (What big muscles you have ! ), 1987 { 3 9 } Barbara Kruger, Sans titre (I shop therefore I am), 1987 { 40 } Esquire, mai 1992, couverture créée en collaboration avec l’artiste Barbara Kruger { 41 } Édition de tee-shirts présentés par GAP et le Whitney Museum of American Art de New York, 2008
{ 42 }
{ 43 }
{ 45 }
{ 44 }
{ 42 } « Ultra Peau », Palais de Tokyo, du 25 avril au 21 juin 2006 { 43 } Nicole Tran Ba Vang, Sans titre 08, série « Collection Automne-Hiver 2000/01 », 2000 { 44 } Nicole Tran Ba Vang, Sans titre 03, série « Collection Printemps-Été 2000/01 », 2000 { 45 } Nicole Tran Ba Vang, Anne-Claire, série « Collection Automne-Hiver 2003/04 », 2003
{ 46 }
{ 48 }
{ 49 }
{ 47 }
{ 46 } René Gruau, publicité pour le Rouge Baiser, 1949 { 47 } René Gruau, publicité pour les Bas Scandale, 1952 { 48 } René Gruau, publicité du parfum Miss Dior, années 1950 { 49 } René Gruau, image réalisée dans les années 1960 pour le Lido
{ 50 }
{ 52 }
{ 53 }
{ 51 }
{ 50 } Article consacré à John-Paul Thurlow, It’s nice that, n° 3, avril 2010, p. 96 { 51 } John Paul Thurlow, publication du 13 avril 2010, « It’s Nice That & TNT Merch » présentant l’article consacré à l’artste dans It’s Nice That { 52 } Covers, édition regroupant cent illustrations de John-Paul Thurlow { 53 } Ilustration d’une couverture du magazine Vice, John-Paul Thurlow, 2009
{ 54 }
{ 57 }
{ 54 } Image tirée d’une série de mode extraite du Vogue Nippon du mois de février, avril 2010 { 55 }
{ 5 5 } Garance Doré, publication du 21 avril 2011, « California Diary #12, Cool Colors » { 5 6 } Garance Doré { 57 } Article consacré aux blogs de mode, dont celui de Garnace Doré, Glamour n° 67, octobre 2009, p. 48
{ 56 }
{ 58 }
{ 5 8 } Edward Steichen, Gloria Swanson, 1926, Bromure d’argent, 24,2 x 19,3 cm, Collection Gruber
{ 5 9 } « The Consensus of Opinion », article de mai 1936 paru dans Harper’s Bazaar, photographie : Man Ray, mise en page : Alexey Brodovitch
{ 59 }
{ 60 }
{ 62 }
{ 61 }
{ 6 0 } Man Ray, Fashions by Radio, 1934 { 61 } Man Ray, Mode, 1925 { 62 } Man Ray, La marquise Cassati, 1922
{ 63 }
{ 64 }
{ 66 }
{ 67 }
{ 65 }
{ 63 } Couvertures de magazines signées Sacha dans la presse française et étrangère { 64 } Sacha, Marie-Claire, 1995 { 65 } « Sacha, photographe de mode », Institut Néerlandais de Paris, catalogue d’exposition, photographie réalisée en 1971 { 66 } Carnet de note de la photographe Sacha { 67 } Sacha, 1979, publicité pour Yves Saint Laurent, La Menera, Marrakech, concept KHA pour l’agence mafia, réalisation Antoine Kieffer
{ 68 }
{ 69 }
{ 71 }
{ 70 }
{ 73 }
{ 72 }
{ 74 }
{ 68 } Jean-Paul Goude, Mode Homme, dessin préparatoire, 2003 { 69 } Jean-Paul Goude, Mode Homme, photo découpée, 2003 { 70 } Jean-Paul Goude, Laieticia Casta: l’homme, Galeries Lafayette, affiche, 2003 { 71 } Jean-Paul Goude, extrait du carnet du bicentenaires de la Révolution Française, techniques mixtes, 1988 { 72 } Vue du défilé du bicentenaire de la Révolution Française, les valseuses du Maghreb, 1989 { 73 } Jean-Paul Goude, Grace en cage, photo peinte, Roseland Ballroom, New York, 1978 { 74 } Jean-Paul Goude , campagne publicitaire pour les Galeries Lafayette, 2011
{ 75 }
{ 79 }
{ 76 }
{ 78 } { 75 } Tips on your figers, article issu du niméro d’avril 1941 d’Harper’s Bazaar, photographe: Herbert Matter, directeur artistique: Alexey Brodovitch
{ 77 }
{ 76 } Utra Violet, article issu du numéro d’août 1958 d’Harper’s Bazaar, photographe : Richard Avedon, directeur artistique: Alexey Brodovitch { 77 } Mainbocher, article issu du niméro de juin 1955 d’Harper’s Bazaar, photographe: Richard Avedon, directeur artistique: Alexey Brodovitch
{ 78 } Alexey Brodovitch, Harper’s Bazaar, août 1940 { 79 } Alexey Brodovitch, Harper’s Bazaar, avril 1951
{ 80 }
{ 84 }
{ 81 }
{ 82 }
{ 83 }
{ 80 } Jardin des Modes, double page, septembre 1967, 21x28 cm, Jean Widmer { 81 } Jardin des Modes, double page, avril 1963, 21x28 cm, Jean Widmer { 82 } Jardin des Modes, double page, mars 1963, 21x28 cm, directeur artistique: Jean Widmer { 83 } Publicité Yves Saint Laurent, Jardin des Modes, directeur artistique: Jean Widmer, 1960 { 84 } Série d’annonces presse pour les Galeries Lafayette, entre 1960 et 1963
{ 85 }
{ 86 }
{ 87 }
{ 88 }
{ 85 } Roman Cieslewicz, Kamikaze, revue d’information panique, couverture et double page, Paris, Christian Bourgeois éditeur, 1976 { 86 } Roman Cieslewicz, Gâteux aux bas Dim, photomontage dans la série « Changement de climat », 1976 { 87 } Roman Cieslewicz, Harem, couverture pour l’agenda Prisunic, agence M.A.F.I.A. , 1968, Paris, { 88 } Roman Cieslewicz, Vogue, photomontage, photographies : Ronald Traeger, 1966
{ 89 }
{ 92 }
{ 90 }
{ 93 }
{ 91 }
{ 89 } { 90 } { 91 } { 92 } { 93 }
Peter Knapp, Elle, double page, 1965 Peter Knapp, doubles pages de plusieurs numéros du magazine Elle Peter Knapp, série d’annonces presse pour les Galeries Lafayette Peter Knapp, Elle, pages Courrèges, 1965 Peter Knapp, Elle, couverture, 1965
{ 94 }
{ 97 }
{ 95 }
{ 98 }
{ 94 } Herb Lubalin, Avant Garde Gothic, années 1970 { 96 }
{ 95 } Herb Lubalin, Eros, couverture, 1962 { 96 } Herb Lubalin, U&lc, couverture, 1981 { 97 } Herb Lubalin et Tom Carnase, logotype Mother & Child, projet pour un magazine non publié, États-Unis, vers 1965 { 98 } Peter Knapp, carte de voeux, 1972
{ 99 }
{ 100 }
{ 99 } Marien Bantjes, typographie en sucre, 2008 { 100 } Marien Bantjes, I wonder, Thames & Hudson, 2010, p. 1, 2, XIV, XV, 10, 11, 74, 75, 174 et 175
{ 101 }
{ 101 } Yulia Brodskaya, différentes réalisations de l’artiste
65
des suppléments comme Marie-Claire Bis, dont les parutions suivent le rythme des saisons. Elle montre les réalisations de jeunes créateurs pour lesquelles la rédaction du magazine prend parti, aussi bien que les valeurs établies des grandes maisons de couture. Sacha met en scène l'actualité de la mode et ses images s'appuient sur des décors sans cesse renouvelés. Sacha s'éloigne parfois des images habituelles de la mode portée par des mannequins : elle fait de la beauté, photographie des accessoires, se laisse porter par d'autres thèmes d'inspiration, par l'envie d'explorer d'autres voies, d'autres manières de montrer la mode, ou de montrer d'autres modes. Plus récemment, c'est à l'occasion de ses collaborations avec le magazine Bloom qu'elle compose des natures mortes dont certaines nous rappellent la peinture de son pays d'origines. Parallèlement à son intense production d'images pour les magazines { 63 }, Sacha noue des relations avec de grandes maisons de couture comme Yves Saint-Laurent { 67 } ou certains des fleurons de ce que l'on appelle l'industrie du luxe : Hermès et Louis Vuitton. Elle apporte sa collaboration aux publications de ces maisons ou à certaines de leurs prestigieuses campagnes de publicité. Ce qui me plaît dans son travail, c'est son style empreint de légèreté et de spontanéité qui mêle l'instantané à des scènes d'un grand naturel. Au travers de ses photographies, elle témoigne de la diversité de la création dans le domaine de la mode. La mode et la beauté constituent son principal motif de création, sans limiter la première à la seule représentation du vêtement et en permettant à la seconde d'exister sous les traits d'un geste ou d'un simple regard.
Les designers graphiques & directeurs artistiques Alexey Brodovitch
'ai choisi de m'intéresser à cet emblématique graphiste car au travers de ses révolutions éditoriales, il a influencé toute une génération de graphistes qui, en suivant sa voie, son eux-même devenus des créateurs de renom (à l'image de Peter Knapp que nous évoquerons plus tard). Après des études d'art à Saint-Pétersbourg abandonnées en 1914 pour combattre en tant qu'officier de cavalerie, Alexey Brodovitch se retrouve en 1920 à Paris. Il découvre sa voie par le biais des arts décoratifs en collaborant aux célèbres Ballets Russes de Serge de Diaghilev, puis intègre la rédaction des revues Arts et Métiers graphiques et Cahiers d'art. De 1928 à 1930 il devient directeur artistique du magasin parisien Aux Trois Quartiers dont il est responsable de la publicité, de l'aménagement des vitrines et des décorations intérieures. Il quitte la France pour les ÉtatsUnis et part enseigner le graphisme publicitaire au sein de la Pennsylvania Museum of Industrial Arts. Il crée le Design Laboratory, un département consacré à cette discipline et fréquenté notamment par Irving Penn. En 1934, il est invité à prendre la direction artistique d'Harper's Bazaar, à l'initiative de se rédactrice de mode Carmel Snow. Créé en 1867, c'est dans les années trente et grâce à sa collaboration avec Alexey Brodovitch que sa réputation est au plus haut. C'est alors un magazine très convoité par les graphistes et les photographes, envieux de collaborer à cette gazette illustrée qui se présente dès son premier numéro comme « A Repository of Fashion, Pleasure and Instruction » . C'est à cette même période que le photographe Martin Munkasci va intégrer l'équipe d'Harper's Bazaar { 78 } { 79 }. Selon Gabriel Bauret (auteur de l'ouvrage Alexey Brodovich, aux éditions Assouline, 1998 ) le trio Snow-Brodovitch-Munkasci « entreprend un travail décisif : la photographie étant au centre du dispositif » 1 . Mais 1
BAURET Gabriel, Alexey Brodovitch, éditions Assouline, Paris, 1998, p. 7
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Alexey Brodovitch, Harper's Bazaar, couverture, octobre 1947
à lui seul, Alexey Brodovitch va en moderniser l'allure du point de vue graphique. Sa pratique consiste à organiser l'espace de la double page selon trois éléments principaux : la photographie, le texte et le blanc de la page { 76 }. Ainsi, « si Brodovitch apparaît dans le domaine de la direction artistique comme un pionnier, c'est entre autres parce que, historiquement, il est l'un des premiers exploitant pleinement les nouvelles capacités du magazine à imprimer de la photographie, même s'il a encore souvent recours aux illustrations pour les couvertures » 2 . Avant son arrivée à Harper's Bazaar, les pages des magazines sont souvent saturées d'éléments de toutes sortes. Il va privilégier des mises en pages aérées : sur ses doubles pages, il laisse apparaître généreusement le blanc du papier sur lequel il dispose souvent une seule image d'un côté et un simple pavé de texte de l'autre. Ce style qui le caractérise permet à la fois de mettre en valeur la forme tout en mettant en évidence le contenu. Quant aux caractères typographiques, le contexte des écoles russes formalistes et les avant-gardes artistiques européennes vont l'influencer à ses débuts, mais il se détache progressivement des fantaisies en matière de composition et donne une grande place au caractère Bodoni dans ses réalisations. Brodovitch ne se borne pas à mettre en page des documents préexistants et participe à l'élaboration des prises de vue soit en guidant, soit en inspirant le photographe. Il considère la photographie pour elle-même et lui donne la même force que les mots { 77 } •. Cette conception repose sur une collaboration avec des photographes de talents (Man Ray, Erwin Blumenfeld, Irving Penn, Richard Avedon) avec lesquels il travaille et entretient un dialogue approfondi. Cette ouverture d'esprit, il va l'appliquer de la même manière au magazine lui-même en l'ouvrant à d'autres thèmes que celui du vêtement. C'est sous cette mouvance, et avec la complicité de Carmel Snow, qu'Alexey Brodovitch suggère et impulse la publication de reportages signés Henri Cartier-Bresson et de quelques autres grandes figures de l'agence Magnum Photos. Désormais, les rubriques d'Harper's Bazaar ne se limitent plus à la mode, à la beauté et à la cuisine. Ce changement, Brodovitch va le traduire par diverses expérimentations graphiques. Il compose ses doubles pages avec des effets de parallélisme, de symétrie ou de miroir, procède au recadrage, à la démultiplication, à la répétition d'une même figure { 75 }, joue des échelles différentes et explore des possibilités typographiques en relation avec l'image qui l'accompagne. Ainsi pendant plus de vingt ans, il invente des combinaisons entre images et typographie qui font de cette période l'un des moments les plus riches d'Harper's Bazaar sur le plan visuel. Alexey Brodovitch constitue aujourd'hui une figure incontournable pour tous ceux qui appartiennent aux champs du graphisme et de la photographie. 1
BAURET Gabriel, Alexey Brodovitch, éditions Assouline, Paris, 1998, p. 8
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Jean Widmer
intéressant et nécessaire de regarder en arrière pour se rendre compte de l'héritage culturel et graphique dont nous bénéficions aujourd'hui. Jean Widmer en fait sans nul doute parti. Il est l'une des figures majeures qui ont profondément marqué le paysage graphique des années 1960 à nos jours. l est toujours
Né en Suisse en 1929, il fait ses études dans une école d'art appliquée de Zurich sous la direction de Johannes Itten, ancien professeur au Bauhaus. De cet enseignement, il garde une rigueur et une modernité créative qui seront reconnues de tous ses collaborateurs. Il arrive en France en 1953 et termine ses études aux Beaux-arts de Paris. Avec d'autres créateurs suisses, il participe à la création de l'École Suisse, mouvement qui tend à privilégier la visibilité de l'information au détriment de tout artifice visuel. En 1959 débute une collaboration de deux ans au sein des Galeries Lafayette. Considérées comme une institution parisienne, les Galeries Lafayette vendent alors des produits textiles et des accessoires de façon très conventionnelle (dans les catalogues, les produits ne sont pas présentés mais seulement référencés). En tant que directeur artistique, Jean Widmer tente alors une approche nouvelle : plutôt que de présenter sagement les produits, il va créer un univers commun à ces derniers dont chacun tirera un bénéfice. Aujourd'hui nous sommes habitués à voir les marques communiquer sur les images plutôt que sur les produits. En effet, les grandes marques sont devenues expertes en la matière et n'hésitent plus à collaborer avec des réalisateurs de renom pour élaborer de véritables mini-films. Dernier exemple en date, le dernier spot publicitaire du parfum Miss Dior Chérie pour lequel Sophia Copolla est passée derrière la caméra pour développer l'imaginaire de la marque
Dior. Selon Fabien Pfaender, qui a consacré une thèse à Jean Widmer, ce processus de communication est loin d'être ancré dans les années 1960 en France « ou le pragmatisme commercial fait régner classicisme et austérité. La démarche de Jean Widmer au sein des Galeries Lafayette est donc une entreprise osée et moderne devenue aujourd'hui pratique courante. Certes cette idée n'est pas de Widmer seul car elle est déjà en vogue aux États-Unis, mais il est parmi les premiers à la concrétiser en France » 1. Les produits de mode présentés aux Galeries Lafayette deviennent alors sujets à des mises en scène que Jean Widmer va traduire au travers notamment de la photographie { 84 }. Comme nous l'explique le Modalogue, blogueur qui s'est intéressé au graphiste dans l'un de ses articles 2 , « l'univers crée par Jean Widmer prétend montrer au consommateur que les Galeries sont le lieu où se fait la mode, sans pour autant montrer le vêtement » . Le message devient alors atmosphérique et des constantes visuelles participent de l'identité des Galeries Lafayette : le logotype bien sûr, mais aussi les images en noir et blanc (contrainte d'édition de l'époque), des jeux typographiques soignés et variés, des modèles présentés sans décors sur un fond uni généralement clair, une mise en page originale et géométrique. Néanmoins, contraint par les impératifs de la publicité, Jean Widmer tend vers davantage de liberté et souhaite créer des compositions plus audacieuses. Il quitte les Galeries Lafayette et rejoint Le Jardin des modes en 1961 en tant que directeur artistique et photographe { 83 }. Destiné à des lectrices cultivées et aisées, ce magazine présente la mode de façon novatrice, où les impératifs et seuil d'acceptabilité des compositions sont beaucoup plus lâches. Cela permet à Widmer d'affranchir son travail des contraintes commerciales et sa démarche artistique s'en voit améliorée. Il commence par renouveler le logo, puis les couvertures qu'il traite comme de véritables affiches. Il s'inspire alors des courants artistiques du XX e siècle (Dada, Pop Art, Lettrismehypergraphie, etc) pour créer un vocabulaire esthétique qui gravite autour du détournement, de l'humour et de l'émotion, mais conserve toujours cette robustesse structurelle qui le caractérise { 80 } { 81 } { 82 }. Cette nouvelle approche graphique va générer une mise en page nouvelle, en rupture avec le modèle classique du magazine de mode. En 1969, il quitte le Jardin des modes pour fonder son agence Visuel Design. Il conçoit de nombreuses identités visuelles dont le Centre Pompidou, la signalétique des Autoroutes du Sud de la France ou l'Institut du monde arabe. La rigueur au service de l'image est un fer de lance du travail de Jean Widmer et dans la conception précise et rigoureuse, il fait encore référence. 1
Fabien Pfaender, Jean Widmer, http://www.lueffyworld.net/documents/these/rapport/20041201dossierwidmer(9mo).pdf 2
Le Modalogue, Jean Widmer, un graphiste à la mode, article du 20 juin 2008, http://www.lemodalogue.fr/2008/01/mode-homme/jean-widmer-un-graphiste-a-la-mode/
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Jean Widmer, Jardin des Modes, couverture, janvier 1967
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Roman Cieslewicz
e Roman Cieslewicz,
j'avais en tête des images en noir et blanc très contrastées { 87 }, des séries de collage mais aussi une pratique de l'affiche abondante. La visite d'une récente exposition (du 1 er février au 31 mai 2011 à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, à Paris) m'a permis de découvrir plus en détail ce graphiste comptant parmi les plus importants dans la deuxième moitié du XX e siècle. Roman Cieslewicz, graphiste d'origine polonaise, est l’un des créateurs de l’école polonaise de l’affiche, dont les principes les plus importants sont la simplicité et la clarté de l’expression plastique, l’utilisation des signes synthétiques, de métaphores poétiques, et la richesse des moyens d’expression. Il produit un grand nombre d’affiches, de photomontages et de dessins de presse, tout en s’occupant d’édition, de typographie, de photographie et d’exposition. Il fut membre de l’Association des Artistes Graphiques Polonais, de l’Alliance Graphique Internationale (AGI), et de l’International Center for the Typographic Arts. De 1959 à 1962, il est directeur artistique de la revue Ty i ya (Toi et moi) à Varsovie, dont le principe graphique imaginé par Roman Cieslewicz s'inspire des journaux occidentaux. Lors d'un de ses nombreux voyage à Paris, il rencontre Peter Knapp, alors directeur artistique du magazine Elle qui, séduit par les couvertures de la revue Ty i ya, l'invite à travailler pour l'hebdomadaire. Il y entre en tant que maquettiste et illustrateur, puis accède au poste de directeur artistique entre les années 1966 et 1969. Fasciné par le flot d'images imprimées qu'il découvre en France et dont il va désormais extraire l'essentiel de ses sources iconographiques, il se rapproche de l'esthétique du pop art. Il réalise des collages principalement en noir et blanc, privilégiant la technique du trait qui consiste à renforcer les
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Roman Cieslewicz, Ty i ja, n째10, couverture, octobre 1962
contrastes en effaçant les demi-teintes. Jusqu'aux années 1980, il réalise les horoscopes de ce même magazine, jouant sur les juxtapositions de façon sérielle et récurrente des vignettes photographiques et imagine ses « collages répétitifs ». Parallèlement, il participe à une collaboration artistique et graphique avec la magazine Vogue. En 1976, les travaux personnels de Roman Cieslewicz connaissent des changements de climat. Évolutions qui sont annoncées d'emblée dans sa campagne publicitaire pour la gamme de maquillage Lancaster « Zinzolins » en 1971. Lassé du noir et blanc, qu'il considère un peu trop mécanique, il laisse jaillir la couleur. Il privilégie par ailleurs une autre technique : en associant deux éléments distincts, il en crée un troisième. Non sans humour et dérision, Roman Cieslewicz nous emmène désormais dans un monde baroque et mystérieux où les fragments d'œuvres de Rembrandt, Ingres et Fougeron tutoient des images d'actualité { 86 }. Ses travaux se distinguent par des associations d’idées et par une structure recherchée. Il s’inspire alors beaucoup des créations de l’avant-garde constructiviste russe des années 1920 et du groupe polonais Blok. Sa pratique de l'affiche est par ailleurs primordiale dans sa production. Il aime utiliser des détails dans celles-ci qui, à force de transformations et de répétitions, deviennent un signe clair ; il exploite les ressources de la trame et de l’effet de multiplication de l’image réfléchie dans un miroir. Il met également à profit les expériences de l’op-art (ou art optique), grâce auxquelles ses affiches donnent une impression de vibration et de pulsation, gagnant un effet de tridimensionnalité illusoire. Il est aussi enchanté par le collage et le photomontage : il y trouve des possibilités nouvelles et particulièrement intéressantes, qu’il exploite d’une façon novatrice { 88 }. Attiré par les icônes de la rue, les journaux, l'actualité politique et culturelle de son temps, il élabore des créations à l'aide de ciseaux et de colle qui sont le reflet de son temps. C'est dans cet esprit qu'il lance l'éphémère périodique Kamikaze, revue d'information panique { 85 }, chez Christian Bourgois, en 1976 (les n° 2 & 3 sont édités par Agnès B., en 1991 et 1997). Il y confronte des photographies de presse, par paires en double page, sous un titre abrupt ou ironique. Une semaine avant la disparition de Roman Cieslewicz (en 1996), la galerie du Jour l'avait rencontré pour mettre au point le principe d'une deuxième exposition de ses œuvres, qu'aurait accompagnée la publication du Kamikaze n° 3. Cette publication posthume devient le point fort de l'exposition puisqu'elle reste sa dernière création. Il est désormais considéré comme un graphiste de référence, dont les images particulièrement novatrices semblent encore aujourd'hui d'une contemporanéité étonnante.
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Peter Knapp
caractérise d'emblée la personnalité de Peter Knapp : il s'agit de son ouverture aux autres, doublée d'une grande curiosité. Le métier de directeur artistique n'a d'ailleurs de sens que s'il joue de cette attitude et c'est tout à la fois ce positionnement et sa pratique qui m'ont donné envie de me pencher davantage sur ce grand nom du graphisme. ne qualité
Peter Knapp étudie pendant quatre ans à l'École des beaux-arts de Zurich (Kunstgewerbeschule) alors dirigée par Johannes Itten, luimême ancien professeur au Bauhaus en Allemagne. De cette formation, profondément liée à des modes de pensée et des principes liés au Bauhaus, il garde à la fois un principe d'ouverture et de synthèse qui se traduit par une vision interdisciplinaire de la création. Il passe ainsi d'une pratique artistique à une autre : graphisme, peinture, photographie, image animée sont autant de domaines qu'il explore avec une facilité certaine. De cet enseignement, il prendra également conscience de son goût pour les compositions simples et épurées. La célèbre formule « less is more » de Mies van der Rohe, l'un des architectes les plus emblématiques du Bauhaus, semble planer sur bon nombre de ses travaux. Lorsqu'il arrive à Paris, c'est avec la volonté d'étudier aux Beaux-Arts. Il n'y restera que quelques mois. Il est embauché en 1953 dans un formidable vivier de créateurs : les Galeries Lafayette { 91 }. Sous la direction de Jean Adnet, il travaille sur les affiches et les vitrines du magasin, puis ses qualités professionnelles et humaines vont lui permettre d'accéder au poste de directeur artistique ; il n'a alors que vingt-quatre ans et dirige une équipe de quinze graphistes. Comme nous l'explique Gabriel Bauret dans son ouvrage consacré à Peter Knapp 1, il se passionne pour Alexey Brodovitch, célèbre directeur artistique du magazine Harper's Bazaar, et tente d'en 1
BAURET Gabriel, Peter Knapp, éditions du Chêne, Hachette Livre, Paris, 2008
introduire l'esprit dans l'imagerie du grand magasin. La typographie l'intéresse aussi beaucoup, en particulier la création de logotype ou le travail qui consiste à les redessiner. Il va alors réaliser ou intervenir sur un certain nombre de marques importantes : Barclay, célèbre maison de disques, la NRF du prestigieux éditeur Gallimard, et les quatre lettres du journal Elle { 93 }. Sa solide réputation dans Paris va l'entrainer dans une nouvelle activité, les magazines de mode. Il prend la direction artistique de Nouveau Fémina (une version plus moderne d'une publication du début du XX e siècle) et rencontre Hélène Lazareff qui a repris la direction de ce magazine. Bien que mineure cette mission lui permet d'entrer dans le monde de la presse écrite, amorçant une collaboration de cinq décennies avec des journaux et des éditeurs majoritairement français. D'origine Suisse, on aurait pu attendre de Peter Knapp une pratique graphique bien particulière. Au contraire, il se débarrasse de ses principes de mise en pages liés à la géométrie, de compositions systématiquement aérées, ou d'utilisations successives d'une même portion d'espace (le gabarit) qu'il juge encombrants. Selon lui, cette esthétique d'uniformité conduit à l'ennui. Il envisage donc chaque double page comme un terrain de jeu, propice aux expérimentations, loin d'une construction mécanique qui nuirait à sa spontanéité •. En 1959, Peter Knapp rejoint Hélène Lazareff au sein d'un hebdomadaire qu'elle crée en 1945 : c'est le début d'une longue collaboration au sein du journal Elle (Peter Knapp parle alors plus volontiers d'un journal que d'un magazine car sa vocation est autant liée à l'information qu'à la mode { 89 } ). Ensemble, ils vont mettre l'accent sur la lisibilité des images en agrandissant le format des photographies. Le rythme de la parution hebdomadaire incite à prendre en compte l'actualité, d'être en phase avec un pays qui bouge, se modernise et s'enrichit { 90 } (période des « Trente Glorieuses » ) . Dans les années 1960, le passage de la Haute Couture au prêt-à-porter opère un tournant important dans la mode : un processus de démocratisation qui engendre une révolution industrielle et économique. Alors que les magazines mensuels américains Vogue et Harper's Bazaar restent attachés à la haute couture, au luxe et donc à une forme d'élitisme, le Elle d' Hélène Lazareff va orienter sa publication de façon à rendre accessibles au plus grand nombre les sujets qui le composent chaque semaine en reflétant ce que les femmes vivent au quotidien. Un magazine accrocheur pour chaque lectrice comme l'explique Peter Knapp : « Il fallait que celle-ci lise tout. De la première à la dernière ligne. Et si la lecture ne l'occupait pas deux heures, on ajoutait une nouvelle ou un roman. » 1 Cela va se traduire dans le travail de Peter Knapp par une recherche de rythme visuel et typographique en phase avec cet élan de modernisation : compositions en diagonale (en réaction contre l'esthétique horizontale et verticale de l'école de Zurich), utilisation de polices de caractère de façon imagée grâce au dessin libre, au pochoir ou au pinceau, réalisation de 1
BAURET Gabriel, Peter Knapp, édition du Chêne, Hachette Livre, Paris, 2008, p. 30
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véritables trames narratives pour les images de mode { 92 }. Lorsqu'il quitte Elle en 1966 (en 1974, il refera tout de même un passage de trois ans à la tête de la direction artistique de ce magazine qui l'a rendu célèbre), c'est avec une certaine saturation de l'esthétique toujours plus idéalisée de ce que la mode exige. Par la suite, il travaille pour de nombreuses publications mais ne se limite plus seulement au domaine de la mode. Selon lui, ce franchissement des frontières n'est nullement contradictoire. Au contraire, franchir les barrières afin de manier les images de façon innovante, voilà ce qui lui importât toute sa vie.
Peter Knapp, Elle, couverture, 1963
les typographes Herb Lubalin
concerne la typographie même, qui plus est lorsqu’elle s’allie à l’ornement, il est impensable de pas aborder celui qui en révolutionna l’approche : Herb Lubalin. Fasciné par les possibilités qu’offrent les lettres, Lubalin voit au travers de la typographie un outil fantastique et novateur. Pour lui, elle fait appel à l’émotif, au ressenti, et les courbes sinueuses dont il agrémente ses lettres tendent vers une approche sensible du lecteur pour le mot •. En 1970, avec la collaboration d’Aaron Burns, il révolutionne la typographie de ses cinq cent dernières années en créant l’Avant-Garde Gothic { 94 }, un caractère qui présente un nombre inhabituel de ligatures : les pavés de texte sont par conséquent très denses, mais restent d’une visibilité exemplaire grâce à un dessin de lettre très distinctif. Ce caractère, destiné à favoriser l’expression des graphistes, est une révolution dans le champ visuel du mot. Il permet au titrage du magazine d’être au plus près du sujet abordé et au logotype de s’accorder de façon saisissante avec l’esprit de la marque dont il est le représentant électif. J'ai découvert ce typographe alors que j'entamais ma première année en design graphique à l'ESAC et cela s'est fait par le biais d'une de ses créations les plus emblématiques, le logo Mother & Child { 97 }. Je me souviens d'avoir trouvé cette création incroyablement parfaite. Quand on se penche davantage sur son travail, on découvre à quel point son œuvre est magistrale : logotypes, lettrage { 98 }, titres de magazines et jaquettes sont autant de domaines sur lesquels il s'est penché et dans lesquels il a excellé. Dans le domaine éditorial, deux créations ont plus particulièrement marqué les esprits. Tout d'abord sa collaboration en tant que directeur artistique du magazine Eros { 95 }, lancé en 1962 par Ralph Ginzburg, sur le thème de la sexualité en pleine expansion dans la contren ce qui
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Herb Lubalin, Eros, n° 3, couverture, 1962
culture américaine. Herb Lubalin réalise son logotype et se charge de l'ensemble de la maquette de la publication. Mais après seulement quatre numéros, la revue est jugée pour obscénité et son aventure tourne court. Les photos jugées alors intolérables à l'époque représentaient une femme blanche enlaçant un homme noir. Sa revue U&LC { 98 } (Upper & Lower Case, littéralement « capitales & bas de casse » ) ensuite, un journal créé en 1973 qui va révolutionner l'approche typographique. En 1970, l’industrie de la typographie compte environ cent cinquante fabricants de machines (on dira imprimantes aujourd’hui) à composer / ou à saisir du texte. Chaque fabricant draine autour de lui entre cent et trois mille clients essentiellement des ateliers de composition indépendants, mais aussi intégrés dans les journaux ou l’édition. L’idée novatrice de ce journal provient d'un des collaborateurs d'Herb Lubalin, Aaron Burns qui va proposer un programme de création unique et original auquel les industriels sont invités à s’abonner. Moyennant des redevances trimestrielles, ils reçoivent quatre fois par an les dessins d’une nouvelle collection de caractères. Ce journal est un franc succès. Tiré à six cent mille exemplaires et lu par plus d'un million de lecteurs, il va pénétrer gratuitement dans tous les milieux créatifs de la planète. Toutes les agences de publicité, tous les studios de graphisme du monde entier reçoivent le même jour et quatre fois par an, une édition spéciale qui annonce la création d’une nouvelle collection de caractères. Herb Lubalin était un passionné de la lettre qui aimait la typographie expressive des mots. Il a créé des mots qui font sens, dont le graphisme prolonge la sémantique pour aller projeter au plus profond de nos inconscients une image qui va nous marquer et faire sens. On peut parler d’une œuvre graphique à partir du moment où l’ensemble du travail d’un artiste reflète la volonté d’un discours, d’une vision unique et d’une continuité dans sa logique de création. Ainsi, la force de Herb Lubalin résidait dans la conjugaison de deux univers, le texte et l'image : le texte comme image et l’image qui vient renforcer le texte.
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Marian Bantjes
'est en feuilletant l'ouvrage de Stefan Sagmeister intitulé Things I Have Learned In My Life So Far que j'ai découvert le travail de Marian Bantjes. Les créations présentées étaient réalisées à base de sucre en poudre. Ce projet a débuté sur sa table de cuisine. Habituée à manger des céréales au petit-déjeuner, elle avait pris l'habitude de jouer avec le sucre qui se déposait sur la table et de créer des formes. Ainsi, elle décida d'utiliser cette technique pour cette œuvre (six créations au total), toutes réalisées à la main et sans croquis préparatoires { 99 }. Après avoir passé vingt ans dans les domaines du design graphique et de la typographie, elle change sa façon de travailler en donnant une approche plus personnelle à ses réalisations. Là où son travail de designer graphique consistait à suivre une stratégie, sa production d'aujourd'hui est davantage tournée sur ses propres centres d'intérêts avec pour principe de créer au bénéfice de ses clients, tout en satisfaisant son approche singulière et personnelle dans ce domaine. Les choses qui l'intéressent dans son travail sont les structures visuelles, l'inattendu et toute chose qui force la réflexion, et c'est pour cette raison qu'elle reste attachée aux systèmes et aux motifs. Grâce à eux, elle crée un langage visuel où l'ornementation et le mot se fondent •. Ainsi, en regardant ses visuels, on peut comprendre qu'il y a quelque chose à lire mais, malgré les nombreux éléments qui le composent, cela ne s'avère pas impossible. Son questionnement autour du motif et du graphisme comme stimulant de la recherche l'a poussée à réaliser un livre intitulé I Wonder { 100 }. À travers celui-ci, elle se questionne. Pour elle, expérimenter la recherche, c'est expérimenter l'étonnement. Dans cet ouvrage, elle explore les possibilités de cette pratique ornementale. Elle utilise ses propres typographies
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comme terrain d'essai, créant une interdépendance entre les textes et les images comme une sorte de force séduisante. Selon elle, le mariage entre l'art et l'information est sous-utilisé dans la littérature des adultes. Elle s'interroge ainsi sur cette richesse négligée qui pourrait tendre vers une richesse intellectuelle. Or aujourd'hui, il existe un mécanisme par lequel ce type de graphisme ornemental annule le sérieux du contenu. Au travers de cet ouvrage, elle tente donc de travailler autour de ces idées sensibles en tentant de redonner une crédibilité à l'ornement. Dans sa pratique en général, l'artiste graphiste se pose aussi la question sur sa propre technique, car la minutie de ses travaux nécessite un temps de création considérable. Cela en vaut-il vraiment la peine? Oui, selon elle, car le travail visuel imaginatif est extrêmement important dans notre quotidien. Ainsi, s'il lui arrive d'être inspirée par des livres, des magazines, des films ou même des conversations, elle pense aussi qu'en publiant son travail inhabituel et intriguant dans les médias, celui-ci peut permettre d'ouvrir les esprits en générant une sorte d'imagination fertile dans nos esprits. Une société pleinement opérationnelle et riche a besoin selon elle d'être sensible à toute pratique et discipline qui permet de préserver les rouages de l'inspiration et de l'imagination. C'est pour cela qu'elle persiste dans cette pratique minutieuse et qu'elle travaille pour la sphère commerciale ou dans le domaine public. Pour que son travail soit exposé, remarqué et qu'il puisse susciter de l'inspiration pour que chacun soit capable d'en retirer quelque chose.
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Yulia Brodskaya
Yulia Brodskaya, Nico, n°4, couverture, été 2009
'est au travers de la couverture de la parution n°4 du magazine Nico (magazine bi-annuel luxembourgeois qui offre un regard sur les talents émergents dans la sphère de la mode, de la photographie, de l'art, de l'illustration et de la création de façon plus générale) que j'ai découvert Yulia Brodskaya. C'est une graphiste d'origine russe qui vit et travaille aujourd'hui à Londres comme freelance. Son style est nettement identifiable : par le biais de l'illustration papier, elle donne vie à
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la typographie { 101 }. Elle travaille ainsi le papier en lui donnant un aspect ornemental, soit par le biais de création colorée, soit par une utilisation du blanc qui confère à ses créations une allure de dentelle. Elle développe cette technique graphique alors qu'elle cherche un procédé typographique efficace autour de son prénom pour présenter son travail à des clients potentiels. Cette expérimentation va être un véritable déclic pour la réalisation de ses futurs travaux. L'élaboration de ses créations nécessite un temps considérable : pour chacune d'elle, la confection nécessite entre deux et trois jours de travail. Pour les choix des typographies, elles utilise des fontes déjà existantes qu'elle modifie et interprète de façon variée. Dans une interview accordée dans le n° 165 d'Étapes Graphiques, elle confie aussi ce ressenti d'un regain d'intérêt pour des créations plus artisanales dans le champ du graphisme qui selon elle, est une réaction aux créations graphiques saturées d'effets numériques •. Aujourd'hui, très sollicitée, elle travaille majoritairement dans la sphère éditoriale pour les magazines, les couvertures de livres et la publicité.
la rĂŠcurrence de certaines formes dans mon travail graphique 88
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le fait-main
mon projet personnel, faisons un détour par des préoccupations plus anciennes. La notion de « fait-main » tout d'abord. Celle-ci m'a toujours attirée et fascinée. Avec un voisin cordonnier d'un côté, et une voisine couturière de l'autre, je pense avoir identifié la source. Une semelle amochée ? Un trou dans mon jean préféré ? Il me suffisait de me rendre chez l'un ou l'autre pour les réparer. Je pouvais ainsi côtoyer leurs ateliers et regarder les outils, sentir les cuirs, toucher les tissus, m'attarder sur les différentes variétés de boutons et autres bobines de fils, mais aussi feuilleter les différents magazines dans lesquels ils puisaient leurs inspirations. Je pouvais aussi observer leurs mains s'affairer avec le souci de rendre « l'opération » invisible. Il arrivait que ce ne soit pas le cas : le trou de mon tee-shirt avait été remplacé et enjolivé par des perles de sequin ou autres motifs cousus... Pour comprendre l'intérêt que je porte à cette notion, on pourrait remonter à mon approche de l'art de façon plus générale. Je ne vais pas sombrer dans le discours éculé du « j'ai toujours aimé dessiner, peindre ou prendre des photos donc la voie artistique s'est imposée d'elle même ». Je nuancerai plutôt en disant que, du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été sensible au domaine créatif. Et l'encouragement de mes parents dans cette voie y est indéniablement pour beaucoup. Ma première approche dite « théorique » de l'art remonte aux enseignements d'Arts Plastiques suivis au lycée. J'y fait référence avec plaisir car ces cours étaient tout à fait mémorables et des générations d'élèves pourraient le confirmer. Au delà de ce clin d'œil, j'ai surtout découvert durant ces années des artistes comme Annette Messager, Nicole Tran Va Vang, Orlan ou encore Louise Bourgeois qui sont restées pour moi des références. Des artistes femmes donc, au travail lié au vant d'aborder
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féminin et/ou féministe (je précise toutefois que je ne revendique en rien une approche féministe dans mon travail. C'est un travail qu'il faut considérer mais auquel je ne m'identifie nullement) qui m'ont marquée par leurs œuvres et leur approche créative personnelle et singulière •. Lorsque j'ai débuté mes études supérieures à Pau, j'ai vécu l'année propédeutique dans le prolongement de la pratique que j'avais acquise au lycée. Cela s'est davantage compliqué lors du passage en deuxième année et du choix entre ses deux options : art ou design graphique. Je me suis alors trouvée à la croisée des chemins entre le domaine de l'art qui me semblait davantage familier et le domaine du design graphique dans lequel j'avais tout à apprendre (discipline déjà abordée par la plupart des élèves de ma promotion). Aucun suspens puisque vous savez aujourd'hui quel a été mon choix, en revanche beaucoup de sueurs froides pour ma part à la découverte de mes nouveaux outils, les logiciels de création. J'ai donc développé un axe de recherche, le motif que j'évoquerai plus tard, qui m'a permis de mieux les appréhender. Avec le temps, ces outils sont devenus familiers. Mais lorsque mon projet de diplôme a commencé à germer, j'ai ressenti un besoin de m'en détacher. Mes premières productions ont donc été réalisées loin de tout outil informatique en renouant avec une pratique manuelle •. De cette pratique longue et minutieuse a découlé l'envie d'une production mettant l'accent sur ce principe. Bien sûr, l'utilisation des outils informatiques ont aussi leur place dans mon travail, mais la pratique du fait-main est une notion que je tiens à mettre en avant dans ma production.
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le motif
de projet personnel s’inscrit dans la continuité de travaux réalisés sur les thèmes du motif et de l’ornement. Liées à la couture et à la broderie, ces créations sont associées à la femme et ainsi considérées comme mineures, superficielles et frivoles. Des adjectifs que l’on retrouve aujourd’hui lorsque l’on évoque la presse féminine. Ces questionnement et recherches ont été d’abord dirigés vers le motif lui-même. À partir de quelle base construit-on un motif ? De quelle façon le dupliquer, l’agencer, le donner à voir ? Que raconte t-il ? Ma première démarche, amorcée en deuxième année de design graphique, a consisté en l’élaboration d’une bibliothèque de formes, toutes liées au domaine de la couture et de la broderie : fil, bobine, ciseaux, bouton, ruban, aiguille, dé à coudre… Préalablement traitées en rayographie, je les ai retravaillées de façon à n’en garder que la silhouette. Ces objets, dont la fonction première permet de faire exister physiquement des formes, deviennent alors les éléments graphiques de base d’un nouveau motif. Une façon de renverser la boîte à couture pour mieux la décortiquer. Le « jeu » de la composition peut alors commencer. Grâce à la multiplication des formes, à la modification des échelles et aux différents placements dans la page, la forme simple se juxtapose avec un agencement du tout. Cela donne alors lieu à une lecture en deux temps : une appréciation globale de la composition, puis un regard plus minutieux sur les éléments qui la composent. Une deuxième étape se greffe alors. Celle de la réintroduction de ce motif à même le corps. Superposée sur la peau à l’aide d’un vidéoprojecteur, cette expérimentation a généré une série de photos qui privilégient davantage les correspondances entre la forme du motif et les courbes du corps. La peau devient alors matrice d’art et génère une double lecture, encore. a démarche
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Cette approche m’intéresse, car elle donne à voir, tout en invitant le spectateur à y regarder de plus près. Une façon de donner de l’importance à un élément isolé, en passant d’abord par le séduisant de la globalité •. Je pense alors aux ouvrages féminins réalisés depuis des siècles et à ces même activités manuelles qualifiées de « travaux de bonnes femmes ». Car ce qui relève de la couture et de la broderie touche aussi au vécu des femmes, à ce qui fut longtemps le seul enseignement auquel elles eurent accès. Ces activités étaient alors loin d'évoquer le simple agrément décoratif. Elles rimaient davantage avec la rigueur, l'isolement et le fastidieux. Je me dis alors que face à cette soumission, face à ces activités manuelles auxquelles les hommes les ont cantonnées, le souci du détail dans leurs créations devait être aussi brillant et aiguisé que les messages subliminaux qu’elles y ont glissé. Ainsi ce labeur, cette tâche longue et fastidieuse, mais néanmoins emprunte de courbettes et de coquetteries est à l’image de la femme et de son histoire. Ainsi, ces expérimentations m'ont permis de dégager une liste de mots-clés à l'origine de mon projet personnel. Certains ont été évoqués précédemment comme le fait-main, l'ornement, le motif, la broderie, la femme. D'autres sont apparus au cours de mes lectures avec des notions telles que le textile, le jeu, le carnet de tendance, la mode, la frivolité. Cette grammaire m'a permis de mettre en exergue l'axe de travail de mon projet personnel : la presse féminine.
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un certain regard sur la presse féminine à chacun d'évoquer son propre rapport à la lecture d'un magazine féminin, les réponses seraient évidemment variées. Globalement, par l'approche différente qu'en ont les hommes et les femmes, mais aussi par la « consommation » individuelle. i l'on demandait
Ratissons large, la consultation d'un exemplaire dans la salle d'attente d'un dentiste pour commencer. Tout le monde a fait cette expérience, ce geste machinal tendu vers la pile de magazines, dont les exemplaires écornés, tâchés, ou pour les moins chanceux dépourvus de couvertures se superposent depuis plusieurs saisons. Si certains s'y penchent de façon tout à fait décomplexée, d'autres plus frileux, y plongent en espérant y trouver un réconfort dans la tragédie de leur attente. Premier point notable : la presse féminine détend. Autre exemple, la lecture sur la plage. Une lecture occasionnelle donc, mais où le lecteur est 100 % consentant. Le magazine doit néanmoins arborer une accroche en couverture en rapport avec l'activité prévue. Ici, le bikini étant à la fête, le choix d'un magazine arborant un spécial « les stars, leur cellulite et leurs maillots » ne sera que plus pertinent. Car oui, la peau lisse et photoshopée n'est pas l'unique fond de commerce de la presse féminine en général. La cellule adipeuse fait même les « choux-gras » de certaines publications. Deuxième point notable : la presse féminine (en dehors des retouches photographiques) nous fait relativiser. Parlons maintenant de la lecture magazine du dimanche. Abonnée ou non, la lectrice s'octroie un moment de détente régulier auprès de son (ou ses) magazine préféré. Elle est en alerte devant chaque sujet d'actualité et marque l'angle de la page à chaque nouvelle trouvaille judicieuse. Feignant une lecture assidue de son journal, monsieur juste derrière n'en perd pas
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une miette. Troisième point notable : la presse féminine nous éclaire. Enfin, dernier exemple, la lectrice avertie. C'est une acheteuse frénétique de magazines dans lesquels elle puise son arsenal de tendances, de bons plans et de conseils psycho pointilleux. Chaque sortie, même de jour, se doit d'être une représentation à l'image des perpétuels renouveaux vestimentaires. Il arrive parfois qu'au détour d'une virée shopping l'innovation la transcende : son enthousiasme se manifeste alors par un « Oh p***** ! Comment il pète ce fut' ! » (« Diantre ! Quel magnifique pantalon ! »), langage aussi fleuri que sa chemise liberty. Quatrième et dernier point notable : la presse féminine nous ancre dans l'air du temps. Que l'on en soit coutumier ou que l'on s'y adonne de façon occasionnelle, la lecture de la presse féminine reste donc, avant tout, une distraction dans laquelle la multitude des publications s'adapte à un certain lecteur, en développant un ton et un langage visuel qui lui correspondent. Pour ma part, et bien que ces exemples soient assez hétéroclites et caricaturaux, je me suis retrouvée tour à tour dans l'ensemble des cas de figure évoqués plus haut. Néanmoins, mon engouement pour cette presse a réellement émergé lorsque la troisième situation est devenue prédominante. Ma mère était alors abonnée au magazine Elle et je me souviens que déjà très tôt, son arrivée dans notre boîte aux lettres chaque vendredi était synonyme de petit plaisir exquis. Cette assiduité a commencé un été : je me revois vautrée dans l'herbe du jardin de mes parents, dévorant la publication fraîchement arrivée, mes avants- bras ankylosés par les « fourmis » qui me rappelaient qu'un tel affalement n'était pas des plus approprié. Bref, une lecture pleine de plaisir dont je scrutais le
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moindre cartel de texte pour ne pas en perdre une miette. Cela me prenait bien deux bonnes heures et alors que je refermais la couverture, il me tardait déjà la semaine suivante pour assouvir ma boulimie sévère. Le magazine Elle a donc été mon premier coup de cœur. J'ai ensuite découvert Glamour et une tripotée d'autres publications qui ont commencé à me laisser sur ma faim. Des mises en pages agréables et des images léchées oui, mais des articles, parfois redondants ou surfaits dont le titre seul suffisait à me faire tourner la page. Avec les quelques magazines que j'accumulais, je me suis alors mise à collectionner ces images qui à elles seules, ou parfois agrémentées d'un titre ou d'un paratexte, avaient pour seul critère d'être belles. Et lorsque ma sélection fut assez conséquente, j'en ai retapissé l'armoire de ma chambre avec un agencement méthodique. Telle image pouvait faire écho à une autre, celle-ci pouvait se superposer à celle-là, etc. J'ai eu un grand plaisir à confectionner ce patchwork d'images et les visiteurs de ma chambre me le rendaient bien. Il est arrivé que des personnes découvrant cette armoire, s 'assoient sur le lit qui lui faisait face pour décrypter cet ensemble en s'en approchant progressivement afin d'en examiner un par un chaque élément. Le texte était minime mais il semblait que le regard en fasse une véritable lecture. Et le simple fait d'entendre dire « c'est beau » était pour moi une grande fierté. Cela fait plus de dix ans que j'ai fait cela et mon armoire est restée en l'état. Avec le temps, certaines images ont disparu ou d'autres n'ont pas été replacées à leur exacte position après une chute. Mais peu importe, à mes yeux elle n'ont pas pris une ride. Elles sont pour moi un idéal figé qui invite à la contemplation.
je l'aime, mais quand même ... 96
coup de cœur en matière de presse féminine a été évoqué dans la partie précédente, il s'agit du magazine Elle. Pour ce cas précis, ce n'était pas tant ces images de mode ou les thématiques qui me plaisaient, que le ton développé au fil des pages. C'est ainsi que j'ai découvert des journalistes à la plume légère mais aiguisée, dont j'ai au fil des lectures, pu reconnaître le style dès les premières lignes. Alix Girod de l'Ain, journaliste pour le magazine Elle mais aussi écrivain, est selon moi le meilleure exemple de cette écriture enjouée au ton juste. On peut ainsi la découvrir dans des notes succinctes relatives à l'actualité en général, au travers d'un dossier spécial (ou elle s'immerge en général dans un univers particulier) et parfois même en tant qu'auteur de l'édito. Selon moi, elle excelle dans le billet et nombre de fois je suis partie d'un grand éclat de rire en la lisant. Lorsque je me suis penchée sur d'autres publications, j'ai découvert d'autres journalistes faisant écho à ce style, telles Audrey Diwan dans le magazine Glamour ou encore Daphné Burki chez Be. Or, bien qu'étant consciente qu'on ne peut prétendre à des nominations au prix Goncourt pour les articles de presse féminine (du moins pour les plus populaires), d'autres magazines sont non seulement démunis d'articles de fond, mais apportent de surcroît des commentaires tout à fait anecdotiques sur un sac, des chaussures ou une chemise dont on pourrait allégrement se passer. On a ainsi droit à une succession de pages mêlant petites photos et bribes de textes qui semblent jouer davantage sur le rapport texte/ image que sur une pertinence textuelle véritable. La presse dite « people » est friande de ce procédé, et bien que cette catégorie de presse m'afflige, au delà du fait de « poser son cerveau » je ne m'explique son engouement que par la succession de lectures courtes qu'elle procure, avec la possibilité on premier
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d'avoir une lecture simple et rapide sans véritable fil continu. Aussi, je me suis dirigée vers une presse féminine plus luxueuse. J'ai alors découvert des magazines comme Vogue, L'Officiel ou Numéro. Des magazines plus onéreux certes mais qui en « imposaient » plus que ce que j'avais pu voir jusqu'à maintenant. En effet, pour la presse féminine dite luxueuse, la quasi-totalité des parutions sont mensuelles et frisent les trois cent pages, soit un volume considérable. Leur format aussi est différent : plus important que les hebdomadaires traditionnels, les images s'y trouvent valorisées ; ajouté à cela l'utilisation d'un papier couché pour un rendu fini sublimé. Enfin, la mise en page est plus soignée : contrairement au foisonnement de typographies colorées dans des publications comme Glamour ou Be, ici le texte est majoritairement composé de didones, où prédominent le blanc et le noir, et dont les blocs de texte aérés permettent une lecture relativement sereine en retrait de la masse d'informations dont les magazines féminins nous assomment parfois. Il y a aussi des magazines que j'ai découverts plus tard, alors que je débutais mes études de graphisme et que je devenais peut-être aussi plus sensible à l'harmonie visuelle des pages. Je recense ici trois magazines. Citizen K tout d'abord, puisqu'il se situe à mi-chemin entre la presse « luxueuse » évoquée juste avant, et celle-ci, au langage visuel plus singulier. Premier élément : c'est un trimestriel. Beaucoup de pages donc (environ quatre cent), un papier couché, des images de modes « léchées », mais surtout des jeux typographiques particulièrement soignés (notamment pour les titres). Un autre trimestriel : WAD ; avec ce magazine, ayant pour descriptif « about urban fashion & culture », on n'est plus totalement confiné dans la sphère de la presse féminine. Ici, on fricote avec ses codes •, tout en invitant volontiers le lecteur masculin. Il n'y sera jamais question
par exemple de dossier « baby blues » ou des trois kilos à perdre avant l'été (d'ailleurs la couverture, en dépit du titre, est dépourvue de texte) mais plutôt de tendances de façon élargie. Le papier n'est pas couché, mais la couverture peut être agrémentée de sur-brillance, d'un aplat argenté, ou d'un unique visuel à impact. La grille est changeante d'un numéro à l'autre, les éditos et les sommaires toujours étonnants. Dans le cas du trimestriel, on peut évidemment se dire que le cycle de parution est favorable s'il s'agit de tendances au sens large du terme, ce dernier étant « délesté » des articles consacrés à l'actualité. En effet, cette dernière exige un rythme effréné aux magazines hebdomadaires et constitue une source possible d'erreurs (il m'est arrivé de constater deux photos identiques placées l'une à côté de l'autre, avec pour légende deux noms de personnalités différentes, ou encore un article dont la fin avait été tronquée pour laisser place, à la page suivante, au début d'un autre). Les trimestriels prennent donc plus de recul. Le traitement des doubles pages, le confort de lecture, le soin typographique apporté aux titrages et la place des images, y sont de fait plus soignés. Clin d'œil néanmoins au magazine Jalouse, qui avec sa parution mensuelle, parvient à maintenir une élégance innovante dans un esprit différent, mais néanmoins sur le chemin des deux publications précédemment évoquées. Petite parenthèse supplémentaire pour souligner que les éditions Jaloux, dont Jalouse et L'Officiel font partie, est le seul groupe où l'on peut lire et disposer de l'ensemble des magazines de ce dernier de façon tout à fait gratuite et sans restriction. Véritable mine d'or, cet outil permet de visualiser chacune des publications en pleine page et de se documenter sur les tendances en matière de mode, de mise en page ou de typographie, et d'observer ainsi les différents évolutions en fonction des époques. Ultime partie et dernière catégorie de magazines. Aujourd'hui, c'est un peu ceux que je place au dessus de la pile. Disons plutôt sur la plus haute étagère de ma bibliothèque, uniquement dédiée à mes sacro-saints magazines (les planches commencent à flancher, ça sent mon 2012 à moi). Il s'agit d'une catégorie un peu spéciale, puisque les magazines que nous allons voir ont un parti pris singulier qui devient le fil rouge de leur singularité. Penchons-nous sur le magazine intitulé Magazine tout d'abord. Fondé en 1999 par Angelo Cirimèle, Magazine est une sorte de « métamagazine ». Un magazine des magazines qui décortique la presse magazine •. L'idée ? Faire connaître cette presse « tendance » en faisant de chaque numéro un évènement : à nouvelle parution, directeur artistique différent. Idée soufflée par le directeur artistique Yorgo Touplas à partir du cinquième numéro, à qui la charte graphique est confiée au départ. À partir d'une même « partition », chaque directeur artistique est amené à interpréter la maquette de départ de Yorgo en fonction de son approche personnelle du graphisme. Cette façon d'aborder le magazine
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Magazine, nº1 - volume 2, directeur artistique : Yorgo Tloupas, photographes : Babette Pauthier, Mark Righo, David Titlow, automne 2010
de façon différente lui apparaît alors qu'il constate deux mouvances à la fin des années 1990. La première concerne le statut même du magazine : certains disparaissent des kiosques pour réapparaître dans des musées, des concept-stores ou des galeries. Ils accèdent alors au statut d'objets de consommation comme les autres, mais doublés de convoitise. La seconde lui vient alors qu'il regarde la télévision et qu'il trouve que les meilleures émissions sont celles qui parlent de télé (« Le Zapping », « Arrêt sur image »). Faire un magazine sur les magazines se met alors à germer. Presse indépendante, donc emprise aux libertés variées, le résultat de Magazine tutoie d'avantage un dispositif d'art contemporain ou littéraire que la presse de monsieur pantoufle. Et c'est ce qui fait sa particularité. Encore que, Magazine ne se contente pas d'orienter uniquement son identité autour de la culture du magazine : art, mode et design graphique font aussi partis de la recette. Cette approche singulière permet à Magazine d'apporter un regard sur l'étendue de cette presse en s'approvisionnant souvent à l'étranger (Purple, Sexymachinerie, Spector... ) . Donner à voir ce qu'il se passe ailleurs, c'est aussi un pied de nez à ce que l'on gobe volontiers au quotidien. Les ingrédients du succès selon son fondateur ? « Low cost, hight quality ». Magazine est alors gratuit, une façon de jouer avec les hasards de distribution, quasiment dépourvu de publicité et uniquement parisien. Après onze ans dans cette ligne de conduite, Magazine change de formule à l'automne 2010, avec une version payante, disponible en kiosque ou sur abonnement et … avec davantage de publicités. Un autre objet donc, avec l'ambition de s'attacher « à garder un regard curieux, quitte à le détourner de ce qu'indique le doigt pointé » 1 Ce 1 er avril, une exposition à la galerie 12Mail a Paris à été mise en place pour présenter et aussi confronter l'ancienne et la nouvelle formule. À vrai dire, lorsque je suis tombée sur cette seconde formule à la rentrée de septembre 2010, j'ignorais les nouvelles ambitions (ou nouveaux impératifs) de Magazine et j'ai d'abord cru à une sorte de plagiat. Mais lorsque l'on passe la couverture, le contenu est bien là. Et si le format, le dos carré et les publicités nous laissent penser qu'ils ont vendu leur âme au diable, le sticker ingénieux sur chaque couverture (ou se regroupe le texte) qui cache puis dévoile un élément, les cahiers textes bien pensés plus étroits que le format et l'utilisation de différents papiers, ne font que confirmer la pérennité du bien pensé et bien-pensant Magazine. Un autre magazine, bien qu'on l'assimile plus volontiers à une revue, me semble particulièrement intéressant, il s'agit d'Égoïste. Lancé en 1977 par Nicole Wisniak, cette revue se caractérise par une périodicité « spasmodique », comme aime à la définir cette dernière. En effet, en plus de trente ans d'existence, on recense la parution de quinze numéros seulement • . Égoïste c'est aussi un format imposant, un traitement en noir et blanc et un total de deux-cent quatre-vingt dix pages pour presque 1
Angelo Cirimele, Magazine, extrait de l'édito du n° 1 - volume 2, automne 2010, p. 7
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Égoïste, n° 16, tome I, couverture, photographe : Ellen von Unwerth 2011
trois kilos. Chaque nouvelle publication se compose de deux tomes édités à trente-cinq mille exemplaires. Si la première parution de 1977 n'avait pas connu un grand engouement (il ne s'en était alors vendu que mille exemplaires sur un tirage de quatre mille), Égoïste jouit désormais d'une renommée dont les exemplaires s'arrachent littéralement. Cet engouement s'explique par ses pages signées par les plus grands noms de la photographie – ont notamment collaboré Richard Avedon, Helmut Newton ou Bettina Rheims - et de la littérature – avec Françoise Sagan, Alexandre Jardin ou Clémence Boulouque - . La dernière parution date de 2006, le n° 16 tant attendu ne devrait donc pas tarder à faire parler de lui. Enfin, nouveau venu en janvier 2011 dans les kiosques pointus, Exhibition Magazine est une publication créée par quelques-uns des grands acteurs de l'industrie du luxe (Chanel, Givenchy, Christian Dior… ) qui, à chaque numéro, se propose de s'arrêter sur un objet du quotidien. Avec une publication annuelle, cent-quarante pages et un format imposant (33 x 44 cm) dans la lignée de la revue Égoïste évoquée précédemment, Exhibition Magazine se veut clairement haut de gamme. On peut d'ailleurs souligner le choix d'un tel parti en matière de format qui va à l'encontre de la presse généraliste. En effet, celle-ci développe de plus en plus, en parallèle des parutions standards, des formats « pocket » qui mettent en avant le côté pratique (facilement transportable dans un sac à main par exemple). Exhibition Magazine rassemble parmi ses contributeurs des personnalités diverses, issues du monde de la mode, de l'art, mais aussi des hommes politiques et même des chefs étoilés. Le thème du premier numéro est celui du rouge à lèvres. Ce sont les photographes Guido Mocafico, Solve Sundsbo (tous deux collaborateurs très réguliers du magazine Numéro) et Richard Burbridge, le maquilleur Tom Pécheux et le chef pâtissier Pierre Hermé qui se sont penchés sur cette thématique, dont les associations sont parfois surprenantes. Le premier numéro a été publié à cinq mille exemplaires. Les amateurs doivent déjà parier sur la thématique du prochain numéro.
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Exhibition Magazine, Lipstick Issue, n° 1, couverture, Automne-Hiver 2010, Printempe-Été 2011
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ans mon quotidien,
la presse féminine tient une place importante. Elle fait à la fois référence à une approche personnelle sensible et à un intérêt prononcé pour le domaine de la mode, de l'art et du graphisme gravitant autour. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une fascination passive et béate. Dans mon cheminement, il est important d'observer cette presse dans son ensemble. Comme chacun d'entre nous, je constate sa présence dans les kiosques, dans les publicités à la télévision, sur les panneaux publicitaires ou même en tête de gondole des caisses de supermarché. Je remarque aussi des publications moins exposées, à la diffusion limitée et aux points de ventes restreints. Un éventail de publications important donc, dans lesquelles chacune développe un vocabulaire et une esthétique singulière. Je me suis servie de cette matière comme d'une sorte de boîte à outils, un réservoir immense de formes dans lequel je peux puiser. Pour moi, ce support est aussi paradoxal puisqu'il est à la fois un matériau de création et une distraction, une presse que j'apprécie mais qui me questionne tout autant. J'entretiens ainsi deux attitudes en parallèle, celle de lectrice et celle de créatrice, dans laquelle je cherche un point de croisement. Je peux ainsi m'abandonner à la lecture d'une publication tout en entretenant l'envie d'intervenir sur celle-ci. Ma démarche s'inscrit dans cette volonté d'établir une passerelle entre ses deux attitudes, de tester dans quelle mesure, en se l'appropriant, la presse féminine peut être une source créative. Mon positionnement repose sur cet attrait, avec pour objectif la volonté d'appropriation d'une lectrice qui tend à disposer de ce support comme matière de création. Un basculement donc de lecteur passif vers une posture active qui tend vers une interprétation qui lui est propre.
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Le développement de ce mémoire porte aussi un regard plus général sur les possibilités que nous offre le champ du graphisme. Il est intéressant de constater à quel point ce domaine de création peut être enrichissant. Loin des préoccupations purement intrinsèques, il nous offre la possibilité d'établir des liens avec nos propres intérêts et contribue au regard singulier de chacun.
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glossaire Accroche : une ou deux phrases en tête d'article, destinée(s) à retenir, « accrocher » l'attention du lecteur. S'emploie aussi en publicité, avec le même objectif. Agence : structure organisée pour collecter l'information, la mettre en forme et la redistribuer aux médias (presse écrite, radio, télévision), aux grandes entreprises et aux pouvoirs politiques. L'Agence France Presse, Reuter, United Press ou Associated Press sont les agences les plus importantes dans le monde. De la même façon, une agence photo recueille des photographies qu'elle revend ensuite.
Lorsqu'elle a un titre, on l'appelle “filet”. Dans un cadre, elle devient “encadré”. Canard : au XVIe siècle, fausse nouvelle. Désigne aujourd'hui, familièrement, les journaux. Peut être affectueux ou péjoratif, selon le contexte. Caviarder : autrefois, rayer à l'encre noire un passage de texte ou un texte entier, à des fins de censure. Aujourd'hui, opérer dans un article des coupes qui en altèrent le sens. À ne pas confondre avec sabrer. Chapô, chapeau : texte d'introduction qui « coiffe » un article, généralement présenté en plus gros et en caractères gras. À mi-chemin du résumé et de l'accroche, il concentre en quelques lignes l'essentiel de l'information. Le chapô fait partie de la titraille.
Angle : façon de traiter un sujet, qui déterminera le plan de l'article. Par exemple, on peut traiter d'un conflit social à partir de différents points de vue : celui des pouvoirs publics, des syndicats, des usagers, etc.
Chiens écrasés : le plus bas degré de la hiérarchie des informations. Dans l'argot journalistique, c'est l'équivalent des faits divers. « Faire les chiens écrasés » signifie couvrir les faits les moins importants, voire les plus sordides.
BAT (« bon à tirer ») : dernier contrôle des pages avant le départ pour l'imprimerie. C'est l'ultime étape de correction possible.
Claviste : successeur (souvent de sexe féminin) des linotypistes dans les années 1970-1980, aux débuts de la composition informatique. La claviste écrivait sur ordinateur les articles des journalistes. Le quotidien Libération se distinguait alors par des « Notes de la claviste » (NDLC), commentaires libres (et parfois sauvages) aux articles. Aujourd'hui, presque tous les journalistes écrivent directement leurs papiers sur leur ordinateur.
Bidonner : en argot du métier, rapporter des faits « bidons », c'est-à-dire falsifier ou inventer des informations. Bouclage : mise en forme définitive d'une page (texte et images) avant correction et BAT. En principe, au bouclage, on ne peut plus rien changer. En pratique, notamment dans les quotidiens, c'est le moment où des pages peuvent être refaites, si tombe une information importante.
Col (abréviation de « colonne ») : mode de mise en page des textes, composés et alignés en colonnes, à lire les unes après les autres. Dans un quotidien, le nombre de cols consacrées à un article indique son importance. Exemple : avec « cinq cols à la Une », un Bouillon : ensemble des invendus d'une publication texte est très en vedette. (différence entre le tirage, nombre d'exemplaires Composer, composition : transformer un manuscrit imprimés, et la diffusion, nombre d'exemplaires (écrit à la main ou saisi sur ordinateur) en texte vendus). imprimé, tel qu'il apparaîtra dans le journal. Bourdon : oubli d'un ou plusieurs mots dans un article, qui rend la phrase ou le paragraphe incompréhensible. Différent de la coquille. Brève : par opposition au dossier ou à l'enquête, la brève est un texte court (dix lignes maximum).
Copie : texte, article. Voir pisse-copie. Coquille, couille : faute d'orthographe, d'impression. L'univers des typographes étant, historiquement, essentiellement masculin, le mot « coquille » s'altère
bien sûr en « couille », de registre argotique. Corps : taille d'un caractère. Plus la « force de corps » est élevée, plus la lettre est grosse. Traditionnellement, le corps se mesure en points. Exemple : un texte en corps 6 est difficile à lire (6 points font un peu moins de 2 mm de haut). Les textes des magazines vont du corps 10 au corps 12. Un titre sera composé en corps 48 et plus. Déontologie : ensemble des règles morales et des devoirs d'une profession. Les journalistes français se doivent de respecter une « Charte des devoirs professionnels », rédigée en 1918 par un syndicat des journalistes alors naissant. Dépêche : le mot s'appliquait, autrefois, à toute forme de communication rapide (par porteur, pigeon voyageur, télégramme, par exemple), quel qu'en fût l'émetteur. À l'heure des transmissions électroniques, une dépêche est d'abord une information diffusée par une agence. Écho : désigne, au départ, toute nouvelle ou rumeur répétée par quelqu'un. S'applique à présent plus particulièrement aux informations mondaines ou locales d'un journal. Le journaliste chargé de cette rubrique s'appelle un « échotier ». Écrans : utilisé pour écrans d'ordinateurs. D'abord limité à la composition des textes dans les années 1970, l'usage de l'informatique s'est, peu à peu, étendu à la maquette, à la mise en couleurs, au traitement des photos, etc. Aujourd'hui, une salle de rédaction se présente d'abord comme une forêt d'écrans. Édito (abréviation de « éditorial »): rédigé par le rédacteur en chef ou le directeur de la rédaction, l'éditorial est un texte de réflexion et de commentaire, soit en réaction à une actualité donnée, soit en réaffirmation périodique de l'orientation de la publication. Fait divers : événement plus ou moins important qui ne relève ni de l'actualité mondiale, ni de la politique, ni de l'économie. Le fait divers est un accroc à l'ordre social, le plus souvent malheureux : accident de toute sorte, catastrophe aérienne, drame conjugal, enlèvement, mort d'une star, etc. Il est intéressant de savoir, par exemple, que jusqu'à ces dix dernières années, les journaux
soviétiques ne relataient pas les faits divers, qui auraient traduit une faille du système. En argot journalistique, le fait divers se dit chien écrasé. Fanzine (contraction de fanatic magazine) : une publication imprimée périodique ou apériodique, institutionnellement indépendante, créée et réalisée par des amateurs passionnés pour d'autres passionnés. Ce type de publication est fortement ancré dans la philosophie « do it yourself », popularisée par le mouvement punk. Feuillet : unité de mesure de la longueur d'un article : 25 lignes de 60 caractères, blancs (espaces) compris, soit 1500 caractères (ou signes). Frigo : en radio / télévision plus particulièrement, désigne les reportages « gardés au frais » et en réserve en attendant leur diffusion (argotique). S'emploie aussi, avec le même sens, en presse écrite, et devient alors synonyme de marbre. Gazette : mot un peu désuet désignant un quotidien ou une revue (hebdomadaire ou mensuelle). La Gazette de Théophraste Renaudot, fondée en 1631, fait ainsi figure d'ancêtre de la presse moderne. Hebdo (abréviation de « hebdomadaire ») : revue paraissant une fois par semaine. Info / infos génés (abréviation d' « information ») : compte rendu des faits et événements, matière première de l'activité du journaliste. Les pages d'infos génés (abréviation d' « informations générales ») sont celles qui, dans un quotidien régional, regroupent les informations de portée nationale (par opposition aux pages locales). Inter (abréviation d' « intertitre ») : titre intermédiaire (une phrase ou quelques mots), composé en plus gros, en couleur, en gras…, qui rythme les colonnes de texte, de façon à en rendre la lecture moins fastidieuse. En théorie, il devrait suffire de lire le chapô et l'inter pour connaître les informations essentielles d'un article. Journaleux : nom péjoratif du journaliste. Journaliste : personne qui a pour principale activité rétribuée de collaborer à un journal - tel est, en tout cas, le critère d'attribution de la carte qui, en France, atteste de l'appartenance à la profession. La France
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compte aujourd'hui autour de 28 000 journalistes, dont 39% de femmes. Le terme recouvre des fonctions très diverses et hiérarchisées, du rédacteur de base au directeur de la rédaction, en passant par le reporter (qui enquête sur le terrain), le secrétaire de rédaction, le chef de service, etc. Légende, légender : court texte accompagnant une photo ou un dessin et visant à lui donner un sens. En théorie, aucune photo ne devrait paraître sans sa légende. Lino : abréviation, selon le contexte, de « linotype » (machine à composer les textes, ancêtre des claviers d'ordinateurs) ou « linotypiste » (personne qui travaillait sur cette machine). Les linotypistes étaient souvent des hommes, sauf au journal La Croix où, au moins jusqu'à la fin des années 1960, on trouvait des religieuses devant les claviers des linotypes. Magazine : publication périodique, le plus souvent illustrée, de pagination variable, traitant de sujets généralistes ou parfois spécialisés. Marbre : de Gutenberg aux années 1970, désigne la table (de fonte, et non de marbre, d'ailleurs) sur lesquelles sont montées les pages d'un journal ou d'un livre avant leur impression. Maintenant que ces tables ont disparu des ateliers, le marbre désigne les articles en réserve (en presse écrite). Marronnier : en argot journalistique, sujet qui revient de façon cyclique au fil des saisons, comme les feuilles des arbres. Exemples : les régimes amaigrissants juste avant l'été, la rentrée des classes, les fêtes de fin d'année, etc. Mastic : mélange de lignes ou de paragraphes dans une col. Le mastic se commettait surtout à l'époque où l'on composait avec des lignes et des blocs de plomb susceptibles d'être intervertis. Morasse : au temps de la composition au plomb, dernière épreuve de lecture, obtenue en appliquant sur la page montée encrée une feuille de papier aplatie à la brosse. Trop d'encre rendait la feuille noire et, donc, illisible. Le mot lui-même vient de l'italien « moraccio » (noiraud). Montage : assemblage des textes et des photos qui composent une page.
Ours : au XIXe siècle, surnom donné au patron d'une imprimerie. Ce dernier, juridiquement responsable de ce qu'il publiait, était tenu de mentionner son nom et son adresse sur livres et journaux. Par extension, l'ours désigne aujourd'hui l'endroit où, dans une publication, sont répertoriés les noms et fonctions des collaborateurs (rédaction, services commerciaux et administratifs) avec, toujours, celui de l'imprimeur. Paparazzo : photographe de presse, travaillant à son compte ou pour une agence, habile à traquer la photo non officielle, difficile, voire « interdite ». Désigne particulièrement les photographes chasseurs de stars, ne reculant parfois devant rien pour obtenir des clichés dont le public est friand et que les journaux à scandales s'arrachent à prix d'or. Ces voleurs d'image cachent souvent d'excellents professionnels, dont les photos révèlent des situations scandaleuses soigneusement dissimulées. Le mot lui-même est attribué au cinéaste italien Federico Fellini, lors du tournage de La Dolce Vita en 1957 : las de voir les photographes tourner autour de Monica Vitti, sa vedette, il les aurait traités de « paparazzo », du nom d'un de ses anciens condisciples. Papier : autre nom pour article, copie. Pétouille: désigne une petite irrégularité dans une image. Pige, pigiste : au XIXe siècle, la pige était la quantité de travail qu'un typographe devait effectuer en un temps et pour une rémunération donnés. Désigne aujourd'hui le mode de rémunération d'un journaliste pigiste, payé à la ligne ou à l'article. Depuis 1974, la loi française attribue à ces « indépendants » les mêmes droits qu'aux journalistes salariés. Pilonner : détruire les exemplaires invendus (dans une cuve où ils sont broyés avec un pilon). On dit aussi « mettre au pilon ». Pisse-copie : surnom péjoratif et argotique du journaliste qui noircit dix feuillets là où un suffirait. Traditionnellement payés à la ligne, les pigistes peuvent parfois céder à la tentation de « pisser » plus de copie que nécessaire. Prote : contremaître dans un atelier d'imprimerie.
Quadri : abréviation de « quadrichromie », procédé d'impression en couleurs à partir de quatre tons de base (rouge-violet, jaune, bleu et noir). Rédacteur en chef : journaliste responsable d'une rédaction (ou d'un secteur de celle-ci dans les journaux très importants). Autorité suprême après le directeur de rédaction et le directeur de publication, représentant légal du journal. Reportage, reporter : enquête sur le terrain donnant lieu à un compte rendu (de l'anglais report, relater) sous forme d'article ou ensemble d'articles. Le reporter est le journaliste chargé de ce type d'enquête. Il peut être reporter photographe, grand reporter, radio reporter… Le reporter incarne le globe-trotter curieux de tout, vivant d'une plume talentueuse et réfléchie. Revue : publication périodique spécialisée dans un domaine précis. Rewriting, rewriter : de l'anglais rewrite, récrire. Adaptation d'un texte (trop long, trop court, mal écrit, etc.) avant publication. Le rewriter est le journaliste chargé de cette tâche. Roto (abréviation de « rotative », pour « presse rotative »): machine sur laquelle sont imprimés les journaux et magazines. Rubrique : ensemble d'articles réguliers, couvrant plusieurs aspects d'un même domaine. Sabrer : opérer d'importantes coupures dans un texte trop long, mais sans altérer l'esprit de celui-ci. Ce qui est différent du caviardage. Scoop : information exclusive, c'est-à-dire que l'on est seul à posséder, au moins pour quelques minutes. Rêve absolu de tout journaliste ou rédacteur en chef, difficile à concrétiser : pratiquement toutes les agences diffusent les mêmes informations en même temps.
Signe : lettre, signe de ponctuation, blanc entre les mots sont des signes. Le signe est l'unité de base du feuillet. Calculer le nombre de signes d'un papier permet de prévoir la surface qu'il occupera dans la page. Les Anglo-saxons ne comptent pas au signe, mais au mot. Tartiner : traiter d'un sujet qui ne le mérite guère de façon beaucoup trop longue (argotique). Voir tirer à la ligne. Tirage : nombre d'exemplaires imprimés. Ne pas confondre avec la diffusion, nombre d'exemplaires réellement vendus (ou offerts en promotion). La différence entre les deux est le bouillon. La santé d'un journal est aussi tributaire de son audience : on considère que chaque numéro vendu est lu par plusieurs personnes ; l'audience est donc égale à la diffusion multipliée par un coefficient donné (2 pour un quotidien, entre 3 et 5 pour un mensuel). Plus le chiffre obtenu est élevé, plus le journal peut espérer séduire les publicitaires, et donc gagner de l'argent. Tirer à la ligne : à peu près synonyme de pisser de la copie ou de tartiner. Mais on peut aussi tirer à la ligne quand on a du mal à boucler un papier, même s'il ne fait que deux feuillets. Titraille : ensemble des éléments d'un titre (surtitre, titre principal, sous-titre), dont la diversité typographique est destinée à attirer le regard. Typo (abréviation de typographie ou de typographe, selon le contexte) : désigne à la fois un ensemble de techniques d'impression et la manière dont un texte est composé. C'est-à-dire le caractère utilisé et son corps. Un(e) typographe est celui (ou celle) qui travaille dans un des domaines de la typographie. Tourne : suite d'un article commencé sur une page et se terminant sur une autre.
Une : première page d'un quotidien : véritable Secrétaire de rédaction : journaliste chargé de veiller vitrine, elle doit véhiculer, outre la ou les à la bonne réalisation du journal. Sauf si ce dernier information(s) capitales, l'image du journal tout possède son équipe de rewriters, le secrétaire de entier, et donner envie de l'acheter. rédaction reprend les textes, rédige chapôs, inters et légendes, travaille les titres, puis contrôle les étapes de fabrication jusqu'au BAT. Dans un quotidien, il peut aussi faire les maquettes.
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bibliographie
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Ouvrages lus - BUCI-GLUCKSMANN Christine, Philosophie de l'ornement d'Orient en Occident, Galilée, Paris, 2008 - CHAUVEAU Jonathan, Cover Girl, Bernard Chauveau, Paris, 2011 - MONDZAIN Marie José, La mode, Les petites conférences, Bayard, 2009 - SOULIER Vincent, Presse féminine, la puissance frivole, l'Archipel, Paris, 2008 - TORANIAN Valérie, Pour en finir avec la femme, essai, Grasset, Paris, 2004 - WIDMER Jean, Jean Widmer, Co-édition la Maison du Livre de l'image et du Son, les éditions du Demi-Cercle, Paris, 1991 - Delpire & Cie, Poche, Paris, 2009
Ouvrages consultés - BAURET Gabriel, Alexey Brodovitch, éditions Assouline, Paris, 1998 - BAURET Gabriel, Peter Knapp, édition du Chène, hachette livre, Paris, 2008 - FIELL Charlotte & FIELL Peter , Contemporary Graphic Design, Taschen, Cologne, 2007 - HELLER Steven, De Mertz à Emigre et au delà: Graphisme, et magazines d'avant-garde au Xxe siècle, Phaidon, Paris, 2005 - JONES Terry & RUSHTON Susie, Fashion Now 2, Taschen, Cologne, 2005 - JUBERT Roxane, Graphisme, typographie, histoire, Éditions Flammarion, Paris, 2005 - KLEIN Naomi, No logo, la tyrannie des marques, Babel, Paris, 2003 - MENDES Valérie, DE LA HAYE Amy, La mode au Xxe siècle, Thames & Hudson, Paris, 2004 - MESEGUER Laura, TypoMag, typography in magazines, Index Books, Barcelone, 2010 - MORINEAU Camille, DEBRAY Cécile, BAJAC Quentin, Elles @ Centre Pompidou, Artistes femmes dans les collections du musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris, 2009 - PARR Martin et BADGER Gerry, Le Livre de photographies: une histoire volume II, Phaidon, Paris, 2007 - POYNOR Rick, La loi du plus fort, la société de l'image, Pyramid, Paris, 2002 - REYES Fabiola, Typo, fuente de inspiracion, Monsa, Barcelone, 2007
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Revues - Étapes n°165, édition Pyramid, Paris, février 2009 - Égoïste n°16, volume I & II, avril 2011 - Exhibition n°1, Lipstick Issue, Paris, janvier 2011, http://exhibition-magazine.com/ - It's Nice That n°3, Londres, Will Hudson & Alex Bec, avril 2010, http:// www.itsnicethat.com/ - Le Tigre n°4 (nouvelle formule) 5e année, Paris, avril 2010, http://www. le-tigre.net/
Magazines Abonnement - Elle, hebdomadaire, directrice de la rédaction: Valérie Toranian, publication du Groupe Lagardère France - Grazia, hebdomadaire, directrice de la rédaction: Yseult Williams assistée d'Emmanuelle Christ, publication du groupe Mondarory France - Jalouse, publication mensuelle avec dix numéros par an (février / mars / avril / Mai / juin-juillet / août / septembre / octobre / novembre / décembre-janvier), directrice de la publication: Marie-José Susskind-Jalou,
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directrice de la rédaction & rédactrice en chef: Jennifer Eymère, Éditions Jalou, France - L'Officiel, publication mensuelle avec dix numéros par an (février / mars / avril / Mai / juin-juillet / août / septembre / octobre / novembre / décembre-janvier), directrice de la publication et de la rédaction: Marie-José Susskind-Jalou, Éditions Jalou, France - Magazine, publication trimestrielle avec quatre numéros par an, (mars / juin / septembre / décembre), rédacteur en chef: Angelo Cirimele, ACPAngelo Cirimele édition, Paris, France, http://magazinemagazine.fr/# - Vogue, publication mensuelle avec dix numéros par an (février / mars / avril / Mai / juin-juillet / août / septembre / octobre / novembre / décembre-janvier), rédactrice en chef: Emmanuelle Alt, publication du groupe Condé Nast International LTD Autre - Agnès B., Point d'ironie, http://www.pointdironie.com/in/ironie_us.html - Égoïste, n°16, tome I - Exhibition magazine, Lipstick Issue, n°1, janvier 2011, http://exhibition-magazine.com/ - It's nice that, n°3, avril 2010, http://www.itsnicethat.com/ - Le miroir des modes, juillet 1901 - Six, n° 3, 1989 - The Last Magazine n°6, printemps 2011, http://thelast-magazine.com/
Webographie Graphisme - B-42, http://www.editions-b42.com/ - Colophon, http://welovecolophon.com/search/?Last=mag - Frédérique Daubal, http://www.daubal.com/ - Hugo & Maris, http://www.hugoandmarie.com/ - Kesselskramer, http://www.kesselskramerpublishing.com/ - Ian Wright, http://www.mrianwright.co.uk/ - John-Paul thurlow, http://johnpaulthurlow.blogspot.com/ - Manystuff, http://www.manystuff.org/?p=6476 - No zine, http://www.nozine.com/index.html - Peepshow Collective, http://www.peepshow.org.uk/main.htm - Sarah Khan, http://kahn.sarah.free.fr/html/visuels_typographie1.htm - Sgustok Designhttp://sgustokdesign.com/ - /5, http://new-papers.com/barra5/index.php?/projects/45/
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Schouler, Fendi) Loïc Pringent, Arte France, 2010 - The day before, volume II, (Versace, Diane von Furstenberg, Nina Ricci, Narcisso Rodriguez, Jeremy Scott, Alexander Wang), Loïc Pringent, Arte France, 2011 - The September Issue, R.J Cutler, diaphana édition vidéo, 2009
Autres - SCHOTT Ben, Les Miscellanées de Mr. Schott, Allia, Paris, 2008 - COLLECTIF, Book is a book drawing by numbers, Lendroit éditions, Rennes, 2008
table des illustrations
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{ 1 } Journal des Dames et des Modes, 31 Janvier 1819, Gravure 1791, http://www.magasinpittoresque.be/la-mode/journal-des-dames-1819.htm { 2 } Harper’s Bazaar, n°1, novembre 1867, http://sylvaine92.over-blog.com/article-gravures-de-mode-anciennes-le-petitcourrier-des-dames-62590736.html { 3 } L’Officiel de la couture et de la mode, n°1, couverture, 1921, « Bazaar through the years », http://www.harpersbazaar.com/magazine/140-years/bazaar-140-lookbook { 4 } Journal des demoiselles, couverture, 1849, Bibliothèque d'étude et du patrimoine, http://www.bibliotheque.toulouse.fr/titres-pg02.html { 5 } Elle n°1, 21 novembre 1945, Elle, http://www.elle.fr/Mode/Histoire/Mode-annees-40/(page)/diaporama/(offset)/0/ (img_diapo_elle)/684708 { 6 } Marie-Claire n°14, 4 juin 1937, Pillpat, http://www.flickr.com/photos/taffeta/2163752195/in/photostream/ { 7 } Votre beauté, couverture, février 1937, Votre Beauté, http://www.votrebeaute.fr/archives/ { 8 } Le Petit Echo de la Mode, n°9, couverture, 1er mars 1925, Gatochy, http://www.flickr.com/photos/gatochy/224095740/in/set-72057594128114212 { 9 } Nous deux n° 112, couverture, 1949, http://monsieurpoireau.blogspot.com/2008_05_01_archive.html { 10 } Modes et Travaux, couverture, décembre 1929, Will you look at that, http://will-you-look-at-that.blogspot.com/2006_08_20_archive.html { 11 } Vogue n°915, mars 2011, comparaison entre la version papier et l’application pour Ipad du magazine du même mois, photographie personnelle { 12 } Vogue n°915, mars 2011, comparaison entre la version papier, p. 318, et l’application pour Ipad du magazine du même mois, photographie personnelle { 13 } Vogue n°915, mars 2011, comparaison entre la version papier, p. 300, et l’application pour Ipad du magazine du même mois, photographie personnelle { 14 } Vogue n°915, mars 2011, comparaison entre la version papier, p. 322, et l’applcation pour Ipad du magazine du même mois, photographie personnelle { 15 } Page de profil personnelle sur le site Be.com, pseudo : Chaminette, http://www.be.com/chaminette/ { 16 } Magazine Be, 26 novembre 2010, p. 61 { 17 } Chanel avec son inévitable cigarette et ses bijoux préférés, photographie prise par Man Ray, SEELING Charlotte, La Mode au siècle des créateurs, 1900-1999, Könemann, Paris, 1999, p.110 { 18 } Dessin de Gabrielle Chanel, la fameuse « petite robe noire », SEELING Charlotte, La Mode au siècle des créateurs, 1900-1999, Könemann, Paris, 1999, p.116 { 19 } L’héritage de Chanel : à la façond’un autoportrait, Karl Lagerfeld a rassemblé ce qui signifie pour lui entrer en possession de cet héritage, SEELING Charlotte, La Mode au siècle des créateurs, 1900-1999, Könemann, Paris, 1999, p. 112 { 20 } Grace Jones dans une robe « seconde peau » d’Azzédine Alaïa, { 21 } Azzédine retouchant une de ses robes « seconde peau » sur Grace Jones, I want to be a Roitfeld, juillet 2009, http://www.iwanttobearoitfeld.com/carine-roitfelds-favorites/2009/7/25/grace-jones. html { 22 } Azzédine et le mannequin Farida, tirage photographique découpé et ruban adhésif, réalisé par Jean-paul Goude, http://www.jeanpaulgoude.com/ { 23 } Logo Pleats Please, pour Issey Miyake, http://mds.isseymiyake.com
{ 24 } Collection Pleats Please, printemps-été 2011, http://mds.isseymiyake.com_printemps été 2011 { 25 } Visuel pour la collection Pleats Please, 2011, http://mds.isseymiyake.com_printemps été 2011 { 26 } Parfum L’eau d’Issey, Issey Miyake, http://www.isseymiyakeparfums.com/ { 27 } Sac Bilbao, collection printemp-été 2011, http://mds.isseymiyake.com_printemps été 2011 { 28 } Logo Bilbao, pour Issey Miyake http://mds.isseymiyake.com { 29 } Visuel pour la collection A-POC, 2011, http://mds.isseymiyake.com_printemps été 2011 { 30 } Logo A-POC, pour Issey Miyake http://mds.isseymiyake.com { 31 } Enveloppe contenant le carton d’invitation pour le défilé Automne-Hiver 2011/2012 d’Issey Miyake, scan personnel { 32 } Origami contenu dans l’enveloppe, scan personnel { 33 } Carton d’invitation du défilé Automne-Hiver 2011/2012 d’Issey Miyake, scan personnel { 34 } Photographies réalisées lors du défilié automne-hiver 2010/2011 d’Issey Miyake, mars 2011, photographies personnelles { 35 } « Annette Messager prend « Libé » dans ses filets », Libération, mardi 6 juillet 2004, première édition n° 7200, p. 1, 17 & 21 { 36 } Annette Messager, Mes Voeux, 1988, Margherita Leoni-Figini, le corps dans l'oeuvre, Centre Pompidou, Direction de l’action éducative et des publics, février 2006 { 37 } Hans-Peter Feldmann, Legs, 31 photographies, 2008, catalogue de l'exposition de Jonathan Chauveau à la galerie des galerie, Cover Girl, Bernard Chauveau, Paris, 2011, p. 11 { 38 } Barbara Kruger, Sans titre (What big muscles you have ! ), 1987, MORINEAU Camille, DEBRAY Cécile, BAJAC Quentin, Elles @ Centre Pompidou, Artistes femmes dans les collections du musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris, 2009, p. 37 { 39 } Barbara Kruger, Sans titre (I shop therefore I am), 1987, http://fontsinuse.com/barbara-kruger-kim-kardashian-futura/ { 40 } Esquire, mai 1992, couverture créée en collaboration avec l’artiste Barbara Kruger , http://fontsinuse.com/uploads/2010/10/esquire-howard-stern.jpg { 41 } Édition de tee-shirts présentés par GAP et le Whitney Museum of American Art de New York, 2008, http://www.dexigner.com/news/14902 { 42 } « Ultra Peau », Palais de Tokyo, du 25 avril au 21 juin 2006, http://www.palaisdetokyo.com/fr/presse/communiques/nivea/cpniveafr.html { 43 } Nicole Tran Ba Vang, Sans titre 08, série « Collection Automne/Hiver 2000/01 », 2000, http://www.tranbavang.com/photography/collection-printempsete-2000-selectedworks/ { 44 } Nicole Tran Ba Vang, Sans titre 03, série « Collection Printemps-Été 2000/01 », 2000 , http://www.tranbavang.com/photography/collection-printempsete-2000-selectedworks/ { 45 } Nicole Tran Ba Vang, Anne-Claire, série « Collection Automne/Hiver
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2003/04 », 2003, http://www.tranbavang.com/photography/mnehiver-200304/ { 46 } René Gruau, publicité pour le Rouge Baiser, 1949, http://www.renegruau.com/category/kiss/ { 47 } René Gruau, publicité pour les Bas Scandale, 1952, http://www.renegruau.com/category/pub/ { 48 } René Gruau, publicité du parfum Miss Dior, années 1950, http://www.renegruau.com/category/parfum/ { 49 } René Gruau, image réalisée dans les années 1960 pour le Lido, http://www.renegruau.com/category/pub/ { 50 } Article consacré à John-Paul Thurlow, It’s nice that, n° 3, avril 2010, p. 96, http://shop.itsnicethat.com/products/its-nice-that-issue-3 { 51 } John Paul Thurlow, publication du 13 avril 2010, « It’s Nice That & TNT Merch » présentant l’article consacré à l’artste dans It’s Nice That, http://johnpaulthurlow.blogspot.com/2010/04/its-nice-that-my-page.html { 52 } Covers, édition regroupant cent illustrations de John-Paul Thurlow { 53 } Ilustration d’une couverture du magazine Vice, John-Paul Thurlow, 2009, Contra, ideas. People. Culture. , publication du 29 avril 2009, « John Paul Thurlow Magazine Cover Illustrations » http://thinkcontra.com/blog/john-paul-thurlow-magazine-coverillustrations/ { 54 } Image tirée d’une série de mode extraite du Vogue Nippon du mois de février, avril 2010, http://www.garancedore.fr/2011/04/14/my-editorials-my-prints-charming/ { 55 } Garance Doré, publication du 21 avril 2011, « California Diary #12, Cool Colors », http://www.garancedore.fr/2011/04/21/california-diary-12-cool-colors/ { 56 } Garance Doré, http://www.garancedore.fr/a-propos/ { 57 } Article consacré aux blogs de mode, dont celui de Garnace Doré, Glamour n°67, octobre 2009, p. 48 { 58 } Edward Steichen, Gloria Swanson, 1926, Bromure d’argent, 24,2 x 19,3 cm, Collection Gruber, La photographie du XXe siècle, Museum Ludwig Cologne, Taschen, Cologne, 2005, p. 665 { 59 } « The Consensus of Opinion », article de mai 1936 paru dans Harper’s Bazaar, photographie : Man Ray, mise en page : Alexey Brodovitch, BAURET Gabriel, Alexey Brodovitch, éditions Assouline, Paris, 1998, p.66 & 67 { 60 } Man Ray, Fashions by Radio, 1934, http://www.manray-photo.com/catalog/index.php { 61 } Man Ray, Mode, 1925, Man Ray, Photo Poche, Paris, 1992, p. 97 { 62 } Man Ray, La marquise Cassati, 1922, Man Ray, Photo Poche, Paris, 1992, p. 13 { 63 } Couvertures de magazines signées Sacha dans la presse française et étrangère, Institut Néerlandais de Paris, photographie personnelle { 64 } Sacha, Marie-Claire, 1995, Hôtel Biltmore, architecture de Franck Lloyd Wright, Phoenix Arizona, mannequin Belinda, modèle chanel, rédactrice Geneviève Delaunay, coiffure Massato, Institut Néerlandais de Paris, photographie personnelle { 65 } « Sacha, photographe de mode », Institut Néerlandais de Paris, catalogue d’exposition, photographie réalisée en 1971, Paris, mannequin Vibeke Vnudson, lunettes Pierre Marly, rédactrice Simone Bergman, http://www.institutneerlandais.com/index.php?frprogramme&newsdetail=20110120-279_Sacha&highlight=sacha { 66 } Carnet de note de la photographe Sacha, photographie personnelle { 67 } Sacha, 1979, publicité pour Yves Saint Laurent, La Menera, Marrakech, concept KHA pour l’agence mafia, réalisation Antoine Kieffer,
photographie personnelle { 68 } Jean-Paul Goude, Mode Homme, dessin préparatoire, 2003 { 69 } Jean-Paul Goude, Mode Homme, photo découpée, 2003 { 70 } Jean-Paul Goude, Laieticia Casta: l’homme, Galeries Lafayette, affiche, 2003 { 71 } Jean-Paul Goude, extrait du carnet du bicentenaires de la Révolution Française, techniques mixtes, 1988, Paris, http://www.jeanpaulgoude.com/ { 72 } Vue du défilé du bicentenaire de la Révolution Française, les valseuses du Maghreb, 1989, http://www.jeanpaulgoude.com/ { 73 } Jean-Paul Goude, Grace en cage, photo peinte, Roseland Ballroom, New York, 1978, http://www.jeanpaulgoude.com/ { 74 } Jean-Paul Goude , campagne publicitaire pour les Galeries Lafayette, 2011, http://www.galerieslafayette.com/ { 75 } Tips on your figers, article issu du niméro d’avril 1941 d’Harper’s Bazaar, photographe: Herbert Matter, directeur artistique : Alexey Brodovitch, Alexey Brodovitch, BAURET Gabriel, Alexey Brodovitch, éditions Assouline, Paris, 1998, p. 58 & 59 { 76 } Utra Violet, article issu du numéro d’août 1958 d’Harper’s Bazaar, photographe : Richard Avedon, directeur artistique: Alexey Brodovitch, Alexey Brodovitch, BAURET Gabriel, Alexey Brodovitch, éditions Assouline, Paris, 1998, p. 86 & 87 { 77 } Mainbocher, article issu du niméro de juin 1955 d’Harper’s Bazaar, photographe: Richard Avedon, directeur artistique: Alexey Brodovitch, Alexey Brodovitch, BAURET Gabriel, Alexey Brodovitch, éditions Assouline, Paris, 1998, p. 48 & 49 { 78 } Alexey Brodovitch, Harper’s Bazaar, août 1940, BAURET Gabriel, Alexey Brodovitch, éditions Assouline, Paris, 1998, p.135 { 79 } Alexey Brodovitch, Harper’s Bazaar, avril 1951, BAURET Gabriel, Alexey Brodovitch, éditions Assouline, Paris, 1998, p.128 { 80 } Jardin des modes, double page, septembre 1967, 21x28 cm, Jean Widmer, Jean Widmer, Histoire du graphisme en France, Michel Wlassikoff, Les Arts décoratifs, Dominique Carré Éditeur, Paris, 2005, p.206 { 81 } Jardin des modes, double page, avril 1963, 21x28 cm, Jean Widmer, Jean Widmer, Histoire du graphisme en France, Michel Wlassikoff, Les Arts décoratifs, Dominique Carré Éditeur, Paris, 2005, p.206 { 82 } Jardin des modes, couverture, mars 1963, 21x28 cm, directeur artistique: Jean Widmer, Jean Widmer, Histoire du graphisme en France, Michel Wlassikoff, Les Arts décoratifs, Dominique Carré Éditeur, Paris, 2005, p.183 { 83 } Publicité Yves Saint Laurent, Jardin des Modes, directeur artistique : Jean Widmer, 1960, Alliance Graphique International, Jean Widmer, http://www.a-g-i.org/?lid=2245&tmp l=images&imgid=20056 { 84 } Série d’annonces presse pour les Galeries Lafayette, entre 1960 et 1963, Histoire du graphisme en France, Michel Wlassikoff, Les Arts décoratifs, Dominique Carré Éditeur, Paris, 2005, p.197 { 85 } Roman Cieslewicz, Kamikaze, revue d’information panique, couverture et double page, Paris, Christian Bourgeois éditeur, 1976, Histoire du graphisme en France, Michel Wlassikoff, Les Arts décoratifs, Dominique Carré Éditeur, Paris, 2005, p. 266 { 86 } Roman Cieslewicz, Gâteux aux bas Dim, photomontage dans la série
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« Changement de climat », 1976, Histoire du graphisme en France, Michel Wlassikoff, Les Arts décoratifs, Dominique Carré Éditeur, Paris, 2005, p. 266 { 87 } Roman Cieslewicz, Harem, couverture pour l’agenda Prisunic, agence M.A.F.I.A. , 1968, Paris, Roman Cieslewicz, collection design & designer n°21, Pyramid, Paris, 2004, p.62 { 88 } Roman Cieslewicz, Vogue, photomontage, photographies : Ronald Traeger, 1966, Roman Cieslewicz, collection design & designer n°21, Pyramid, Paris, 2004, p. 34 { 89 } Peter Knapp, Elle, couverture, 1965, Histoire du graphisme en France, Michel Wlassikoff, Les Arts décoratifs, Dominique Carré Éditeur, Paris, 2005, p. 205 { 90 } Peter Knapp, doubles pages de plusieurs numéros du magazine Elle, Histoire du graphisme en France, Michel Wlassikoff, Les Arts décoratifs, Dominique Carré Éditeur, Paris, 2005, p. 205 { 91 } Peter Knapp, série d’annonces presse pour les Galeries Lafayette, exposition consacrée à Peter Knapp, Galerie Anatome, du 19 novembre 2008 au 14 février 2009, Michael Levy, Typolover Typoloverhttp://www.typolover.com/graphic_design_ galleries.htm#peter { 92 } Peter Knapp, Elle, pages Courrèges, 1965, Histoire du graphisme en France, Michel Wlassikoff, Les Arts décoratifs, Dominique Carré Éditeur, Paris, 2005, p. 206 { 93 } Peter Knapp, Elle, couverture, 1965, BAURET Gabriel, Peter Knapp, édition du Chène, hachette livre, Paris, 2008, p. 33 { 94 } Herb Lubalin, Avant Garde Gothic, années 1970, Peter Gabor, Herb Lubalin, à l'Avant Garde de la Création typographique, 2 novembre 2010, http://paris.blog.lemonde.fr/category/herbert-lubalin-tribute/ { 95 } Herb Lubalin, Eros, couverture, 1962, Peter Gabor, Herb Lubalin, à l'Avant Garde de la Création typographique, 2 novembre 2010, http://paris.blog.lemonde.fr/category/herbert-lubalin-tribute/ { 96 } Herb Lubalin, U&lc, couverture, 1981, Peter Gabor, Herb Lubalin, à l'Avant Garde de la Création typographique, 2 novembre 2010, http://www.typogabor.com/ herb-lubalin/pages/herb_lubalin_090.html { 97 } Herb Lubalin et Tom Carnase, logotype Mother & Child, projet pour un magazine non publié, États-Unis, vers 1965, Graphisme, typographie, histoire, Roxane Jubert, Flammarion, Paris, 2005, p.315 { 98 } Peter Knapp, carte de voeux, 1972, Herb Lubalin: Art Director, Graphic designer and typographer, American Showcase Inc, New York, Print & American Showcase éditeurs, Snyder, Gertrude & Peckolick, Alan, 1985 { 99 } Marien Bantjes, typographie en sucre, 2008, Stefan Sagmeister, Things I have Learned in My Life So Far, Harry N Abrams, 2008 { 100 } Marien Bantjes, I wonder, Thames & Hudson, 2010, p. 1, 2, XIV, XV, 10, 11, 74, 75, 174 & 175 { 101 } Yulia Brodskaya, différentes réalisations de l’artiste, http://www.artyulia.com/ index.php/Illustration
Les écrits ont été composé avec : SangBleu dessiné par Ian Party & Maxime Buechi pour la fonderie B+P Swisstypefaces Déclinaisons utilisées:
SangBleu BP Light SangBleu BP Light Italic SangBleu BP Hairline Italic SangBleu BP Sans Light SangBleu BP Sans Light Italic SangBleu BP Sans Hairline Italic Helvetica Neue Bold dessiné par Max Miedinger Imprimé sur papier conquéror crème, Vergé 90 gr et blanc couché 135 gr. Relié à la main.
Audrey Leroy Mémoire de fin d'études, 5 e année Design graphique & Multimédia, ESAP de Pau Juin 2011
Aux personnes qui enjolivent ma vie. À mes parents, Philippe & Catherine Leroy, Ludovic Fabre, Bérénice Lancontrade, Émilie Toursel. Merci à Jessie Aureyre, Mélanie Rasch, Grégory Lahore & Fabrice Mallorca
À ma grand-mère, Claudine Lorenz.