Audrey HAGE
LA PLACE DES MARTYRS COMME REFLET DES CONFLITS SOCIO‐ POLITIQUES DE LA SOCIETE LIBANAISE
ENSAPM – 2008 / 2009 Directeurs du mémoire : Mr François CHASLIN & Mme Françoise LIVACHE
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SOMMAIRE : I ‐ AVANT PROPOS ……………………………………………………………………………………………………….. 4 II – INTRODUCTION ………………………………………………………………………………………………………. 6 III – DEVELOPPEMENT I ‐ EVOLUTION, METAMORPHOSE, URBANISATION ……………………………………………………. 8
1 – UN TERRAIN HORS LES MURS ………………………………………………………………………………………………… 9 2 – AMORCEMENT D’UN ESPACE PUBLIQUE ………………………………………………………………………………… 13 3 – EPANOUISSEMENT MAXIMAL : LE BEYROUTH DE L’AGE D’OR ………………………………………………… 19
II ‐ DECHIRURE ET FRAGILITE ………………………………………………………………………………………. 25 1 ‐ LA PLACE DES MARTYRS DURANT LA GUERRE DE 1975 A L’IMAGE D’UNE SOCIETE FRAGILE …….. 27 2 ‐ REVELATION ARTISTIQUE …………………………………………………………………………………………………………. 33 3 ‐ RETOUR AU POINT DE DEPART : RECONSTRUCTION NATIONALE ……………………………………………… 35 4 ‐ IMPLICATION INTERNATIONALE DE LA RECONSTRUCTION ………………………………………………………... 38
III ‐ REQUALIFICATION ET RECHERCHE D’IDENTITE ………………………………………………………. 40 1 ‐ LES ELEMENTS DE LA PLACE AUJOURD’HUI ………………………………………………………………………………. 41 2 ‐ LA PLACE DES MARTYRS, UN « OPEN‐AIR MUSEUM » ……………………………………………………………….. 45 3 ‐ LIEU DE REPRESENTATION OU MEMORIAL ……………………………………………………………………………….. 48 4 ‐ FONCTION DE LA PLACE PUBLIQUE : FIGURE D’INTEGRATION ET D’IDENTIFICATION ………………… 51
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IV – CONCLUSION …………………………………………………………………………………………………………… 55 VI – BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………………………………………………….. 57 VII ‐ ANNEXES : ……………………………………………………………………………………………………………….. 61
1 – BROCHURE DE L’EXPOSITION LIBAN ! 2 – IDENTITE DES MARTYRS DU 6 MAI 1916 3 – BROCHURE D’INFORMATION 1995 DE SOLIDERE 4 – RESULTATS DU CONCOURS INTERNATIONAL D’IDEES 2004 5 – PRESENTATION DU PROJET « CADAVRE EXQUIS LEBANESE » 6 – ETUDE CARTOGRAPHIQUE DE LA PLACE DES MARTYRS
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AVANT‐PROPOS
Cette étude pourrait s’appliquer sur une multitude de villes. Il est clair, pourtant, que plus la situation est instable, plus ce rapport entre place symbolique et peuple est forte. J’ai choisi de m’intéresser particulièrement sur la ville de Beyrouth tout d’abord par curiosité personnelle : étant d’origine libanaise maronite, ayant vécut huit années à Beyrouth et ayant déambulée plus d’une fois sur cette place, je profite de ce mémoire pour mieux comprendre cet attachement entre les libanais et la place des Martyrs. De plus, les évènements qui touchent Beyrouth sont très d’actualité. Je choisi ce sujet quelques mois après la deuxième guerre libano‐israélienne de l’été 2006. En effet, entre les guerres et divers bouleversements politiques, cette ville fut, ces derniers temps, fortement médiatisée. Criblée d’évènements et de changements brusques de situations depuis bien des années, la place des Martyrs de Beyrouth semble être une étude de cas intéressante à approfondir. Dans ce contexte toujours délicat, ma plus grande difficulté fut le travail sur place (visite du terrain et prise de photo, mais aussi accès à de nombreux documents d’archive). Pour le premier reportage photo (mars 2008), à une période où des tentes occupaient la place, je du jouer le détective afin de voler quelques photos de peur d’être arrêter ou questionner par les autorités. Dans cette vague d’actualité sur Beyrouth, sur ses espaces détruits par la guerre et reconstruit par le peuple, de nombreuses manifestations artistiques furent lancées en France et à l’étranger.
Deux expositions m’ont principalement intéressé. La première nommée Beirut concerne une exposition photographique de Gabriele Basilico ( ‐ ), photographe documentariste et architecte de formation .Présentée à la Maison Européenne de la Photographie en été 2006, elle réunit certaines photos inédites réalisées lors de la « Mission 1 photographique de Beyrouth » en 1991 (après la première guerre de 1975). Basilico recueille, avec humilité, ce suspens entre le disparaître et l'apparaître, entre la mort et la résurrection, et nous invite à guetter le miracle de l'éternel retour de la vie. Il observe la ville comme un corps vivant, en dévoilant son anatomie. Son analyse dépasse la simple reproduction formelle d’un paysage urbain pour 2 révéler la topographie. La deuxième : L’Exposition Liban !, exposée en été 2007 à la Cité Internationale des Arts, fut lancée juste après le conflit de l’été 2006. A l’initiative de Serge Akl (directeur de l’Office du tourisme du Liban), et de Jean Merhi (vidéaste et responsable des archives‐vidéo de la Maison européenne de la photographie), elle vise à observer ce pays à travers une
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Projet collectif (Basilico, Depardon, Elkoury, Burri, Koudelka et Frank) en vue d'enregistrer la mémoire du centre ville après la fin de la guerre. Financé par la Fondation Hariri, cette mission donna lieu à la publication d'un livre : Beyrouth centre-ville. 2 Extrait du livret de l’exposition Beirut de Gabriele Basilico.
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optique de création afin de le rendre un protagoniste de culture et non de douleur. À ces trois artistes photographes de France [P. Lomascolo, Anne‐Françoise Pélissier et Robert Holden], s’associent également Joanna Andraos et Caroline Tabet, photographes libanaises, qui abordent les thèmes de la destruction et de l’absence dans un pays en 3 perpétuelle reconstruction. En plein milieu de l’élaboration de ce mémoire, mi‐juin 2008, un livre sur la reconstruction de la place des Martyrs 4 parut . Ce fut une source d’informations sur le devenir de cette place et son impact à l’échelle internationale. Cet ouvrage m’a également permis d’avoir un nouveau regard sur le Concours d’idées en planification urbaine pour la reconstruction de la place des Martyrs (Beyrouth 2004/2005). A quoi fait‐on référence lorsqu’on donne au lieu une signification si forte qu’il en vient par exemple à incarner à lui seul le Beyrouth de l’époque glorieuse, ou encore à synthétiser tous les malaises de l’après‐guerre ? La place des Martyrs, en cela, est avant tout un lieu porteur d’images multiples, contradictoires et révélatrices à coup sûr des temps présents, 5 mais aussi, parfois, des temps à venir. 3
Extrait de la brochure Liban ! (cf.annexe 1). Patrimoine et guerre : reconstruire la place des Martyrs à Beyrouth, Guillaume Ethier, Cahiers de l'Institut du patrimoine de l'Uqam, Multimondes, Montréal, 2008, 142 pages. 5 Extrait de l’introduction de Patrimoine et guerre 4
La particularité de la place des Martyrs, dans une perspective historique, réside essentiellement dans la stratification et l’enchevêtrement des rôles qu‘elle a joués dans l’histoire, souvent de manière simultanée. De son usage le plus trivial jusqu’à ce qu’il représente ce qu’il y a de plus universel sur le plan symbolique, cet espace ne prend tout son sens que parcequ’il ne peut aliéner sa complexité, se réduire par exemple à l’expression d’une seule idée, d’une facette de la vie beyrouthine.
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INTRODUCTION La place des Martyrs. Cette recherche ne s’intéresse pas qu’à l’histoire de cette place, symbole et lieu de représentation de tout le peuple libanais. A travers cet écrit consacré au noyau historique de la ville de Beyrouth, il y a une leçon urbaine de l’appropriation de l’espace. Reconnue par sa dimension symbolique et par l’activité qui semble l’avoir toujours habitée, la place des Martyrs a été témoin des grands moments de l’histoire du Liban. C’est pour cela que son évolution semble être étroitement liée à celle de la nation toute entière. Parmi les seize communautés religieuses coexistant à Beyrouth, entre les nombreuses églises et mosquées, en plein cœur du marché économique et touristique, entre les sièges sociaux, le parlement et les cafés trottoir, cette place est la bouffée d’oxygène du centre ville de Beyrouth. A l’ombre des évènements exceptionnels qui s’y sont déroulés de l’époque des Médicis et des sultans ottomans jusqu’à l'époque contemporaine, le caractère de cette place n’a cessé de se métamorphoser. La place des Martyrs est considérée aujourd’hui comme haut lieu de représentation de toute une population. En reconstruisant la place, on y ajoute une nouvelle couche, un nouveau design, tout en sachant pertinemment que nul n’arrivera jamais à voiler complètement les strates inférieures sur lesquelles elle repose. Comment cette place joue‐t‐elle un rôle primordial dans la recherche d’identité de son peuple?
Ce mémoire vise à clarifier l’étroite relation qui existe entre une place publique et un peuple en conflit constant. Deux histoires parallèles se développent ; histoire d’une place, histoire d’un peuple, qui se rencontrent ponctuellement. Comment peut‐on lire, à travers les différentes strates de la place des Martyrs, les rebondissements et conflits de toute une société ? Quelles sont les grands changements qu’a connu et subit la place des Martyrs ? Suite à quels évènements ? Est‐elle directement affectée par les bouleversements sociaux et politiques qui touchent le pays ? Comment arrivons‐nous à dégager ce dialogue entre la place des Martyrs et la société libanaise ? J’ai tout d’abord effectuée une étude historique (ouvrages, documents et photographies anciennes traitant sur le Liban et Beyrouth) afin de mieux comprendre les documents spécifiques à la place des Martyrs. Parallèlement, je me suis intéressée aux courts‐métrages et documentaires du réalisateur libanais Bahij Hojeij, très impliqué quand à la situation fragile du centre‐ville de Beyrouth. Sur place, des entretiens avec le directeur général de Solidère (Société en charge du projet de reconstruction du centre‐ville e Beyrouth) et l’accès à des documents d’archives m’ont permis de pousser mon analyse. Pour répondre aux précédents questionnements ‐ Quel est l’impact des conflits socio‐politique de la société libanaise sur la place des Martyrs ? ‐ le mémoire se construit à travers le
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développement des trois phases importantes qui ont rythmées l’histoire de ce lieu. Trois phases qui concernent également le peuple libanais ; l’évolution de son état d’âme, résultat de la situation de l’époque. Ainsi, à travers les thèmes proposés (Evolution, Métamorphose & Urbanisation – Déchirure & Fragilité – Requalification & Recherche d’Identité) se dégage ce parallèle étroit entre la place et ceux qui la fréquentent au quotidien. Depuis bien des années, Beyrouth est victime de destruction, de reconstruction. Touchée par de grand bouleversements politiques et culturels, ayant subi deux grandes guerres. La place des Martyrs, élément historique de la capitale libanaise, a, malgré tout, survécut. Elle est, en quelque sorte, le reflet de toutes ces perturbations qui touchent le pays.
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EVOLUTION, METAMORPHOSE et URBANISATION
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I ‐ EVOLUTION, METAMORPHOSE et URBANISATION Beyrouth, interface entre la mer et la terre, entre l’Orient et l’Occident, a toujours été une voie de passage et l’aboutissement des grandes routes caravanières. Les multiples invasions et civilisations, qui au cours des siècles ont occupé la ville, ont stigmatisé son tissu urbain. Le site de Beyrouth est occupé par l’homme depuis fort longtemps. C’est à l’endroit même où se trouve aujourd’hui la place des Martyrs que les premiers groupes nomades se sont installés. Elle jouissait en effet de nombreuses caractéristiques géographiques : il s’agissait tout d’abord d’une vallée fertile dans laquelle coulait une rivière, mais aussi d’un endroit hautement sécurisé (léger retrait derrière la péninsule), à l’abri des agresseurs venus du large. La première civilisation à y avoir édifié une petite Cité‐Etat, les Canaanéo‐Phéniciens (2500 av. J.C.), va en marquer profondément l’identité en faisant de la ville un lieu de commerce et d’échange, ouvrant ainsi la culture locale aux influences les plus diverses venues de partout autour de la Méditerranée.
Les études sur les fouilles archéologiques ont également 6 dégagé une présence romaine aux alentour de 500 av. J.C.
1 ‐ UN TERRAIN HORS‐LES‐MURS
Au gré des assaillants, la ville est fortifiée, puis pillée, saccagée, démantelée et toujours reconstruite en forteresse pour empêcher le retour de l’ennemi. En 1516, à la suite de la victoire du sultan Salim sur les Mamelouks, l’empire ottoman consolide, durant les quatre siècles à venir, son emprise sur l’ensemble du pourtour de la méditerranée. Avant 1876, la place actuelle n’était qu’un ancien terrain vacant adjacent au Beyrouth intra‐muros. Pour remonter à la première appropriation de cette place, la place de la Tour ou Sahet El Bourj, il faut se rendre en 1553, à une époque où Beyrouth se limitait à ses quelques trois milles âmes. Selon les premiers plans trouvés sur la petite ville de Beyrouth (datant du XVIème siècle), des murailles d’un kilomètre et demie de long encerclaient la ville sur sept‐cents cinquante mètres de longueur par quatre‐cents de largeur, la surface représentant ce qu’on appelle aujourd’hui le centre ville de Beyrouth.
Vue de l’extérieur des murs de la ville
La péninsule de Beyrouth dans la Méditerranée.
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Cf. Page suivante : dégagement des tracés romains d’après les fouilles archéologiques et à l’aide des plans actuels du centre-ville
Vue sur les murailles à partir de la mer
La péninsule de Beyrouth dans la Méditerranée.
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à l’époque Romaine et Médiévale La place Schéma du tracé urbain de la Beyrouth Romaine
Croquis du Professeur Lauffray : le forum romain et les monuments l’encadrant tels qu’ils pourraient être intégrés dans l’actuelle place de l’Etoile (Revue « Archéologie et Patrimoine », n°3 janvier 1996)
Berytus Romaine : les nouvelles découvertes archéologiques du centre-ville permettent d’établir des plans de Beyrouth médiévale et romaine.
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Beyrouth ne s’ouvrait à l’extérieur que par sept portes (Bab as‐Santiyyeh, Bab ad‐Dabbaga, Bab as‐Saraya, Bab ad‐ Darkeh, Bab Ya’aqub, porte est 1 et 2), chacune d’elle confiée à une famille grecque orthodoxe respectée par les habitants de la ville. La porte située à l’extrême est de Beyrouth (Bab as‐Saraya signifiant « la porte du Sérail ») ouvrait directement sur la place hors‐les‐murs. Avant de faire partie de la ville, et d’être reconnu comme place des Martyrs, on découvre ce lieu sous différentes formes. Quand L’Emir Fakhreddine accède au pouvoir en 1590, Beyrouth est une petite ville à l’aspect négligé. Il fait venir des architectes de Florence pour construire son palais (le Sérail) et ses jardins. Cette réalisation de quelques milliers de mètres carrés fut construite vers le côté est de la ville. Le palais, considéré à l’époque comme une des merveilles d’Orient, comptait plusieurs ailes, des écuries et une tour de guet haute de vingt mètres de haut. Des jardins somptueux entouraient le palais, plantés de différents arbres venus directement d’Italie. Il aménagea également un jardin zoologique abritant des animaux sauvages venant des quatre coins du contient. Tout fut détruit en 1882. Au cours du XVIIIème siècle, cette place devient le meidan de Beyrouth, sorte de réserve foncière, situé en bordure extérieure de la ville intra‐muros, temporairement investie à des fins militaires, comme l’entrainement des cavaliers. Mais on y tient aussi des parades, des foires publiques et des marchés alimentaires. En juin 1773, la ville est fortement endommagée par les bombardements de La marine russe. Plus de cinq cents boulet de canon déferlent sur la ville, détruisant les tours de garde, le port et une partie de la ville.
« Le bruit et les flammes étaient terribles, Sidon, où l’écho de chaque coup raisonnait, en 7 tremblait » Pendant la même période, des canons sont placés par Catherine II de Russie pour défendre Beyrouth des assauts maritimes (Une carte navale britannique datant de 1831 indiquait leurs emplacements précis). Le lieu reconnu alors sous le nom de place de la Tour prend alors le nom de place des Canons. En 1841, la tour n’apparaît plus, les canons ont déserté mais le Sérail construit par l’Emir Fakhreddine reste la plus 8 grande structure de Beyrouth hors‐les‐murs . A part ce Sérail et son jardin, le terrain ne présente pas d’aménagement spécifique. Encerclé au sud‐est par les étendues de plantations de mûres et au nord par le cimetière musulman, l’actuelle place des Martyrs n’était qu’une vaste étendue déserte envahie par les herbes folles, qui, selon les périodes et évènements, servait d’espace de foire et de commerce.
Vue sur l’entrée est de Beyrouth
Bombardement marine russe -1773
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Propos du consul de France à Sidon lors des bombardements de Beyrouth du 2 aout 1773 qui durèrent plus de vingt-quatre heures. 8 Cf. page suivante plan de la ville fortifiée de Beyrouth en 1841 : profitant de la présence de leurs hommes dans les environs de Beyrouth, les « royal engineers » de la flotte britannique dressent des cartes de la ville pour des raisons stratégiques. La cartographie militaire devient dès lors une science et non plus un art. Trois de ces cartes topographiques à grande échelle de Beyrouth et de ses environs trouvés dans le Public Record Office dans le Kent en Angleterre ont été publiées par Michael F. Davie pour la première fois en 1984. Ces cartes nous permettent d’imaginer la ville de Beyrouth telle qu’elle était en 1841 avec ses murailles, ses nombreuses portes (bab), son sérail ses bourjs, ses khans et ses mosquées.
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Les « Babs » ou portes de la ville.
Beyrouth fortifiée
Carte de 1841 : la place est hors-les-murs, occupée seulement par le Sérail de l’Emir et ses jardins.
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2 ‐ AMORCEMENT D’UN ESPACE PUBLIQUE
Au XIXème siècle, la société beyrouthine a produit et mis en scène des lieux publics qui étaient des espaces de méditation, vecteurs de la vie sociale, espaces dynamiques des valeurs, des symboles et des signes de la vie urbaine. Ces places sont progressivement devenues les dépositaires de la mémoire urbaine collective. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle que l’aménagement de cette place des Canons se pense en tant que réel espace public. En 1876, Beyrouth se diffuse et va dépasser les murailles la protégeant. La place reste un espace ouvert, dont les limites formelles ne sont pas établies. De tous les cotés, l’espace est bordé de secteurs dont l’activité s’organise en fonction de ce lieu de transition. De cette place part la route de Damas, processus d’ouverture sur le monde de la ville.
Dix années plus tard, en 1886, sur une initiative de Hamdi Pacha (gouverneur de la Syrie) et Fakhri Bey (président de la municipalité de Beyrouth), une place a été construite avec un jardin public, du style turc, à l’endroit même qu’occupaient les jardins de Fakhreddine. Dédiée au sultan Abdel Hamid II, la place des Canons prendra le nom de la place Hamidiyé. Le dessin de cette place est inspiré des jardins bourgeois construits en Europe à la même époque. En 1888, le n°178 du quotidien thamrat el founoun (les fruits de l’art) décrit, dans un article, des aperçus de cette place : « Sa majesté le président Fakhri Bey installera, au centre de ce parc entouré de balustrades, un monument en marbre, sur lequel seront inscrit les humbles personnes ayant offerts leurs dons pour la réalisation de cet espace. Ce jardin exceptionnel bénéficiera d’espaces pour se reposer ainsi qu’un café où l’on pourrait siroter un café en écoutant des chants patriotiques. D’autres projets d’autant plus divertissants sont prévus sur la place Hamadyé. » Les ottomans l’agrémentèrent de jardins et de bassins. La place s’organisait autour d’un espace rectangulaire aux coins arrondis, entrecoupé de tracés réguliers traversant un jardin du Vieux Sérail (construit en 1882) et sa fontaine. L’espace est doté d’un mobilier richement décoré comprenant des
1890 – vue direction nord sur le parc de la place Hamadyé.
Vue direction ouest de la place.
Vue sur le Sérail avec le kiosque en premier plan.
1878 : La vie en dehors les murailles de la ville
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bassins, un kiosque où venait régulièrement jouer la fanfare 9 turque, un café et une toghra en plein centre. Le sérail, situé au nord de la place, remplaçant aussi celui qu’avait fait construire l’Emir, il servit de siège au gouverneur de la ville. La place est bordée de tous les cotés de constructions aux façades de style néo‐oriental. Dans la pensée des travaux haussmanniens à Paris, un effet monumental est donné en en tentant d’aligner parfaitement les édifices le long de la rue. Si l’apparence de la place semble typiquement et strictement bourgeoise, son activité est très tôt marquée par l’hétérogénéité et par l’enchevêtrement des fonctions officielles, nobles et populaires. Ainsi, aux premières constructions comme Qichlat el Sawari (gendarmerie) et le siège de la banque ottomane (de 1892 à 1906) s’ajoutent de nombreux hôtels, cafés, salons, restaurants et quelques maisons closes. Plus tard, ce sont les commerces de toute sortes qui se multiplient et gagnent graduellement les rues avoisinantes dans des réseaux de souks. En 1906, le tramway fait son apparition à Beyrouth et c’est à cette place que la station centrale est construite. L’apparition du tramway au Liban a donné un coup de pouce au secteur industriel balbutiant et sa disparition en 1965 laisse derrière elle plus d’un nostalgique, rêvant [ … ] d’un heureux 10 come‐back
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Sceau de l’autorité ottomane gravé sur une stèle de pierre. 10 Extrait de Rue de Damas d’Antoine Boulad, Edition SAQI, 2008.
L’hôtel Khédivial, bien connu des voyageurs de l’époque, la remplacera les locaux de la banque. Les cinémas envahiront la place, renforçant son caractère ludique, étant le lieu où se tiennent toutes les grandes fêtes populaires et parades. Au début du XXème siècle, la ville de Beyrouth commence à se fractionner. L’unité de la population, autour d’une même tradition urbaine qui faisait de la ville historique une entité homogène, fait place désormais à la fracture sociale. Entre 1880 et 1910, la population s’accroît de 75 %. Mais dans sa course au développement, la ville ne parvient pas à gérer les différences et les résistances aux principes d’occidentalisation. Dans l’intervalle, la légitimité de la tutelle ottomane commence à être sérieusement remise en cause. Les revendications des mouvements nationalistes arabes se font de plus en plus entendre et Beyrouth devient alors le foyer d’une politique réformiste puis révolutionnaire. Face à la résurgence des agitations, les nobles préoccupations de la place des Canons commencent à passer au second plan. D’ailleurs, les évènements politiques de l’époque ne vont pas tarder à enterrer son image bucolique au profit d’une image institutionnelle beaucoup plus symbolique. Ainsi, en 1908, suite au coup d’état menant à la destitution du Sultan Abdel Hamid II et à la proclamation de la Constitution, la place prend le nom de place de la Liberté et de l’Union. En 1914, début de la première guerre mondiale, la ville de Beyrouth est occupée par les Ottomans. Elle est sous le blocus des alliés, et est prise par la famine. En cette période, la peste s’installe dans les foyers et plus d’un quart de la population meurt. Alors que la Turquie s’était engagée dans la première guerre mondiale, des dizaines de nationalistes libano‐syriens sont arrêtés et comparaissent devant la cour martiale, inculpés de haute trahison pour avoir maintenu des contacts étroits avec les Alliés.
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Le Sérail en 1900.
Le kiosque du parc.
1905 - Ambiance quotidienne autour du café turc à la place Hamadyé.
La place des Martyrs au XIXème siècle Carte de 1879 : la ville sort de ses murailles
Carte de 1907 : les premières lignes de tramway autour de la place Hamadyé.
Les premiers tramways sur la place.
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L’appellation actuelle de place des Martyrs date de cette époque lorsque, le 6 mai 1916, quatorze nationalistes libanais et syriens furent publiquement pendus par Jamal 11 Bacha, le gouverneur Ottoman . Cette place devient alors le lieu symbolique et historique dédié à la mémoire des combattants pour l’indépendance et la liberté. La place des Canons se transmue en lieu d’expression de la révolte populaire contre 12 l’occupation et ses services défaillants. Une année plus tard, la base militaire de l’armée ottomane est délocalisée : le Vieux Sérail disparaît. A sa place s’implantera pour la dernière fois le Petit Sérail (faisant référence au Grand Sérail, base militaire de l’armée ottomane, d’une emprise plus importante mais assez éloignée de la place des Martyrs). Pour chasser ces nuages lourds et à l’initiative des Français (le mandat français date de 1920 jusqu’à 1940), une foire importante fut organisée en 1921 et regroupa des artisans et des antiquaires venus de tout le Liban.
En 1920, les jardins du Petit Sérail adoptent un style très quadrillé de jardin à la française la petite place ronde a été 13 remplacé par le Maarad de Beyrouth. Le discret point d’eau du jardin ovale laisse place à une imposante fontaine rectangulaire, accessible par deux allées plantées de part et d’autre. Les voitures, stationnées tout autour et tout le long de la place, remplacent les calèches et les kiosques. La place apparaît alors sous un autre aspect : la direction de la police libanaise occupe les locaux de l’ancien hôtel Khédivial et de nombreux cinémas célèbres poussent entre les cafés. Avec le Dunia et le Roxy, le cinéma Rivoli reste le plus célèbre, remplaçant le Petit Sérail, rasé en 1950. En 1932, L’Opéra, un autre « cinéma‐theatre », s’implantera là où rayonnait jadis le palais de l’ancien Emir. La place des Martyrs se transforme en une réelle gare routière avec ses klaxons, les vociférations des chauffeurs, le vacarme de la rue, des commerces, des souks et le ballée de sa population bariolée en perpétuel mouvement. Du côté sud du jardin a été érigé, en 1930, un monument représentant les Martyrs. Une statue en pierre, les pleureuses, de Youssef Hoyek (1883‐1962), sculpteur libanais, grand ami de Gebran Khalil Gebran, symbolise deux femmes. L’une musulmane et l’autre chrétienne (symbolisant d’une part les martyrs musulmans, d’autre part les chrétiens), elles unissent leurs peines avec leurs mains entrelacées et posées sur une jarre conservant les cendres des défunts. Elle représentaient également l’union des ethnies qui régnait chaque jour en ce lieu.
La foire de 1921.
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Cf. En annexe la liste des Martyrs. 12 Extrait de May Davie dans La formation historique de la place des Canons.
Les souks de la place des Martyrs.
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Structure sur une place, apte à accueillir des étalages et aménagements pour des souks.
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Considérées comme pas assez «glorieuses», les pleureuses n’on connu qu’heurs et malheurs: Attaquées par coups de hache par un inconnu en 1948, déboulonnées par un autre en 1960, elles furent retrouvées enduites de goudron dans un dépôt avant d’être finalement restaurées et exposées dans le jardin du musée Sursock. En ce début de période, la place connut une animation légendaire. Le jardin ruisselait de bruits, de cris, d’interjections et de musique. Les calèches allaient et venaient dans un tintement de clochette et les cafés regroupaient les portefaix, les journaliers et les hommes au 14 tarbouche vissé sur la tête qui venaient y refaire le monde. Les marchands ambulants servaient des limonades fraiches et 15 les hakawatis enchantaient l’auditoire. Cette place était synonyme de vie, de sons, de couleurs et d’exubérance.
Les pleureuses de Hoyeck
Les hakawatis.
Les portefaix..
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Chapeau traditionnel libanais de couleur rouge. 15 Comédiens de rue qui contaient et théâtralisaient les exploits militaires dans une ambiance improvisée dans le style de théâtre de rue.
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Beyrouth hors les murailles, début XXème siècle
Carte de 1841 à 1912 : les nouvelles voiries (zones en gris foncée), témoignent la nécessité d’une circulation plus importante et l’arrivée de traitement des tramway (premier système de transport en commun).
Carte 1920 : une place des Martyrs moins étroites, plus spacieuse, pour répondre à la création de ces nouvelles voies, de ces nouveaux flux routiers.
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3 ‐ EPANOUISSEMENT MAXIMAL – LE BEYROUTH DE L’AGE D’OR Au XXe siècle, Beyrouth, poussé par des facteurs économiques, sociaux et démographiques, connaît un essor spectaculaire. Elle entame son ascension commerciale, notamment grâce à l'essor de l'économie de la soie dans l'arrière‐pays. Tout au long de ce siècle, malgré les désaccords entre communautés religieuses, Beyrouth renforce son rôle de plaque tournante financière. A partir des années 1960, la capitale draine les pétrodollars et les recycle. C'est le plus grand centre d'affaires du Proche‐ Orient, c'est aussi une République des Lettres et une oasis de liberté. Ainsi, la place des Martyrs était le cœur économique du Liban, la terre fertile des banques, les souks les plus importants du Moyen‐Orient et le plus grand port commercial de la Méditerranée orientale. Elle était aussi le cœur artistique, là où artistes, penseurs et philosophes des lumières se retrouvaient dans un des deux cafés philosophique. C’était l’un des lieus de rencontre (avec la rue Hamra), de tous les intellectuels libanais et arabes qui fuyaient les régimes autoritaires des pays voisins ou, simplement, les milieux peu propices à la diffusion des idées progressistes. L’un des grands centres de la renaissance culturelle arabe, elle se dote des infrastructures modernes qui la feront choisir en 1920 comme capitale du Grand Liban et siège du mandat français, puis de la République libanaise en 1926.
Au cours de cette période frénétique, à partir de 1950, la ville devient une destination touristique importante (surnommée la Suisse de l’Orient), d’où la construction à cette époque de nombreux hôtels. On y trouvait également des divertissements de tout genre, pour tous les âges avec les cinémas et bordels. La petite ville cloitrée du début du siècle voit sa population monter en flèche en passant des quelques trois milles âmes à plus de cent mille au début du XXème siècle. Sur la place des Martyrs, le 22 novembre 1943, jour qui deviendra le jour de l’indépendance du Liban, se regroupa la population pour célébrer la libération du leader national libanais emprisonné par les français à la citadelle de Rachaya.
Vue sur la place avec le Petit Sérail au bout de la perspective nord aux alentours de 1930
Rassemblement le 22 novembre 1943, jour de l’indépendance
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C’est avec l’arrivée du mandat français que la place acquiert alors, aux alentours de 1950, son aspect quasi actuel : Elle est élargie dans l’axe nord‐sud et au bout de la perspective Nord, à l’emplacement initial du Petit Sérail, la place se heurte au cinéma Rivoli qui tourne le dos à la mer. Un monument en bronze à l’effigie des martyrs, sculpté par un italien du nom de Mazzucati aux alentour de 1960, prend la place des pleureuses de Hoyeck. Elle est délimitée par les souks Sursock et Nourieh à l’Ouest et les « quartiers chauds » de la ville à l’Est. Au Sud, bien qu’interrompue par l’intersection de la rue Emir Béchir, la place donne naissance à deux artères principales de la ville, l’ancienne rue de Damas et la plus récente Avenue Bechara El Khoury. Ce Beyrouth de l'âge d'or oscille entre deux images contradictoires : celle d'une métropole ouverte à tous vents, ville ouverte moderne, à la fois orientale et occidentalisée, cosmopolite au point d'avoir développé une culture sans grand rapport avec ce qui l'entoure et celle d'une ville qui serait le berceau de la culture arabe contemporaine. Beyrouth, métropole arabe méditerranéenne 16 occidentalisée C’est durant cette période que la place des Martyrs se transforme en un lieu jovial, dynamique et polyvalent.
Des églises, des mosquées, des fontaines, des cafés, des auberges, des souks, des calèches, des tramways et des bus s’articulaient autour de ce point de départ qui était autant de zone d’arrivée pour les milliers d’habitant que de repère , de lieu de rencontre et d’échange. Le souk, les autobus rouges et jaunes, les cinémas et leurs affiches criardes, les 17 marchands ambulants et les badauds. Issu d’un reportage sur ses souvenirs d’enfance, Samir Kassir (1960‐2005), historien et journaliste libanais, mentionne à mainte reprise cette ambiance de foule bruyante et de voitures américaines rythmant sans cesse l’espace. Le cœur de Beyrouth était un plaisir pour les yeux. Deux cents ans d’histoire et d’architecture Méditerranéenne étaient encore préservés sur les façades d’immeubles qui rappelaient tour à tour Florence, Gêne, Marseille, Venise, Salonique et Istanbul. Un parfum d’épices des anciens souks, mêlé a celui du café renvoyé par les nombreux vieux cafés pittoresques, flottait sur ces lieux. [ … ] Beyrouth, ville‐jardin, était l’une des plus belles villes de la méditerranée et des plus agréables à vivre pour tous ses habitants sans distinction d’appartenance sociale ou de 18 fortune.
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16
Définition de Beyrouth selon l’historien Samir Kassir.
Extrait des propos de Samir Kassir dans son livre Histoire de Beyrouth. 18 Extrait de la préface de Gaby Daher dans le Beyrouth des années 30.
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La place dans les années 50 avec le cinéma Rivoli au bout de la perspective et l’arrivée massive des automobiles.
La place du XXème siècle : lieu de divertissement
cinémas : EMPIRE, OPERA et RADIOCITY Les
Les cinémas sur la place 1937 – 1969 – 1974
Le « quartier rouge » partants de la place des Martyrs : chez Marica, filles de joie.
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Beyrouth et le centre-ville sous l’occupation du mandat Français :
Le « Master Plan » de 1930 indiquant les nouveaux tracés de tramway et la destruction du petit Sérail
Le Plan Ecochard de 1963 montre la convergence de toutes les voies sur la place des Martyrs
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Comme épargné des horreurs qui agitaient le monde extérieur, Beyrouth continuait à vivre de sa propre vie à son propre rythme, loin de la guerre froide, du conflit Israélo‐ arabe, des différends entre les régimes Arabes. En ces temps‐là, la place et son centre‐ville sont symboles de la réussite économique et financière du Liban. Creuset de la coexistence sociale et confessionnelle, les églises, mosquées et synagogues de Beyrouth représentaient véritablement une symbiose unique de cultures et de croyances différentes, les seuls critères en vigueur étant la famille, la profession, le quartier et l’amitié millénaire entre les différences. Le Suisse de l’Orient va voir le dynamisme de ces beaux jours disparaître brutalement, comme si les excès de la modernisation effrénée à l’âge d’or avaient servi d’étalon de mesure à ceux de la guerre civile.
La place dans les années 70 avec la stèle des Martyrs et l’arrivée des bus remplaçant les tramways.
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II
DECHIRURE et FRAGILITE
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II ‐ DECHIRURE ET FRAGILITE A partir de 1975, la guerre devient le langage privilégié de la politique. Langage de l'imprévoyance, de l'impuissance, de 19 l'irresponsabilité, que, selon Samir Kassir , seul eût pu écarter «un personnel politique d'une plus grande envergure». Pour plusieurs, la guerre civile est le retour d’une une société qui avait couvé certaines dissensions internes depuis trop longtemps, notamment sur la question du traitement de faveur réservé à la minorité maronite par les Français lors du 20 mandat. Selon Michel Fani, écrivain libanais, c’est précisément dans le silence des oubliés de l’Etat, mais, plus généralement dans celui des oubliés de la modernité, qu’est née la guerre du Liban, le berceau d’une des guerres civiles les plus sanglantes du XXème siècle. Pendant des années, obsessionnellement présentes dans les colonnes de journaux et sur les écrans de télévision, les agitations de la société libanaise ne tardèrent pas à se voiler d'incompréhensions, à désorienter et perdre des citoyens de bonne volonté, si désireux qu'ils soient, de déchiffrer l’énigme.
Diffusé médiatiquement comme simple confrontation entre musulmans et chrétiens, il s’agit réellement d’une guerre de toutes les représentations identitaires à l’intérieur de l’unité politique libanaise, ce qui explique en partie les conflits intra confessionnels. Les médias projettent des images de Beyrouth en ruines, finissant par banaliser l'horreur, Des déclarations impossibles à interpréter pour quiconque ne connaissait que superficiellement les attaches et les visées des principaux protagonistes, Des analyses simplificatrices, reflétant les préjugés et partis pris de leurs auteurs plutôt que les enjeux du conflit.
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Samir Kassir, la Guerre du Liban, de la dissension nationale au conflit régional, Karthala (Paris) et CERMOC (Beyrouth), 1994 20 le « Pacte national » conclu en 1943 institue un système de représentation confessionnelle, dans lequel, en déclinaison selon l’importance, le président de la République est maronite, le président du Conseil (le premier ministre) est sunnite et le président du Parlement est chiite. Les dégâts du centre-ville et les barricades au début de la guerre de 1975.
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1 ‐ LA PLACE DES MARTYRS DURANT LA GUERRE DE 1975, A L’IMAGE D’UNE SOCIETE FRAGILE En 1975, la guerre éclate entre les différentes confessions qui constituent le pays. La Phalange, la plus importante des milices extrémistes chrétiennes et le mouvement national musulman coupe Beyrouth en deux secteurs antagonistes distincts: l’est étant contrôlé par les milices chrétiennes tandis que l’ouest était contrôlé par les palestiniens et ceux du mouvement national. Durant cette période de guerre et les premières années de reconstruction, l’image de cette place se rapproche étroitement de la Potsdamer Platz à Berlin. En effet, la représentation du mur de Berlin pour les allemands rappelle fortement celle de la « ligne verte » imaginaire pour les libanais. Les « deux Beyrouths » (Beyrouth‐Ouest majoritairement musulmane et Beyrouth‐Est majoritairement chrétienne) sont divisées par une ligne de démarcation que personne n’ose pénétrer : la ligne verte. Traversée par cette ligne (dans un axe nord‐sud tout le long de la rue de Damas), la vaste place des Canons n’a jamais aussi bien porté son nom. Devenu à la fois espace désert et champ de bataille, les immeubles tout alentour sont devenus du gruyère mais sont restés debout. Le monument à l’effigie des Martyrs est criblé de balles, amputé mais toujours debout. La place, quadrillée par des meurtrières, abandonnée aux pilleurs et désertée par les commerçants du centre‐ville, devient lieu de répulsion et d’exclusion de tous contre tous, un véritable No man’s land vidé de ses habitants et de ses usagers.
Terrain de chasse idéal où l’on pouvait rencontrer des gens de toutes les communautés, donc forcément celles des « Autres », la ligne verte était non pas l’expression d’une dualité historique de la ville, mais plutôt celle de la crise existentielle de la ville elle‐même, conséquence de l’échec de l’État‐Nation libanais. Autrefois le cœur et le centre dynamique de Beyrouth, cette place se résume alors à un plateau de végétation luxuriante ; herbes sauvages et figuiers envahissant l’asphalte. La force principale du centre‐ville devenait ainsi sa principale faiblesse : pour se venger ou pour faire politiquement pression, pour faire passer u n message ou pour se faire un nom, les milices commençaient à la considérer comme un lieu de violence « légitime », un espace privilégié. Comme une jungle urbaine coupant la capitale en deux, cette scissure n’a jamais aussi bien reflété l’état d’âme des libanais durant cette guerre de quinze ans. A mon retour au Liban durant l’été 1977 à la faveur d’une accalmie après la tempête, je décidai sur un coup de nostalgie de me rendre sur la ligne de démarcation où s’étaient déchirées les factions et les communautés de la société libanaise. Khadige, au milieu des décombres, officiait comme un ermite, dans cette rue de Damas qui ressemblait à un trou de mémoire. De part et d’autre, les belligérants chrétiens et musulmans, libanais et 21 palestiniens, avaient échangé leurs plaies. 21
Extrait de Rue de Damas d’Antoine Boulad, Edition SAQI, 2008.
27
La ligne verte en 1985 (deux images du haut) et à la fin de la guerre (1991).
Durant la nuit du douze au treize août 1961, le « mur de la honte » est érigé en plein Berlin. Séparant physiquement la ville en Berlin‐Est et Berlin‐Ouest, ce simple mur concrétise ce qu’était la ligne imaginaire de la place des Martyrs pour Beyrouth. Une séparation contrôlée et sans pitié. Plusieurs centaines d’allemands ont perdu la vie en essayant de la franchir, les garde‐frontières et soldats n’hésitant pas à tirer sur les fugitifs. Comme la place des Martyrs au Liban, la Potsdamer Platz était, dans les années 1920 à 1930, un des centres les plus animés du pays et d’Europe. La plupart des bâtiments de la place furent détruits au cours des bombardements intensifs de la fin de la Seconde Guerre Mondiale. En 1963, la place, coupée en deux, devint un endroit complètement désolé et délaissé. Certaines scènes du film de Wim Wenders « les Ailes du Désir », tournées en 1987 sur cette Potsdamer Platz dénudée, donnent une bonne image de ce qu’étaient la place des Martyrs et ses environs à l’époque. Durant le tournage de « Der Himmel Uber Berlin » Wim Wenders, 1987 – titre français « Les Ailes du Désir ».
La place publique et le mur sont le recto et le verso d’une même réalité, ils sont les modalités antagoniques de la médiation entre la Société et l’Etat. Dans un cas comme dans l’autre, c’est la responsabilité des détenteurs du pouvoir face à la société qui est en jeu et il n’y a que l’une des deux formes (la place publique) qui correspond à l’idéal démocratique de la libre expression des citoyens. Le confessionnalisme politique, la structure d'un Etat construit par la France autour des maronites, les disparités économiques et sociales, avec les « ceintures de misère » autour des quartiers riches, et enfin le clientélisme pratiqué à leur profit par des familles de notables, conféraient à la société libanaise, en dépit de sa vitalité culturelle, une extrême fragilité. Dans cette région du monde où notre appartenance communautaire tisse indéfiniment l’écheveau de notre identité, je n’aurai finalement réussi ni à devenir Français, ni à rester Syrien. Pleinement libanais, je ne le suis pas pour autant. Ni réellement moi‐même ! J’aurai néanmoins appris à décliner la mort à 22 tous les temps, sans l’apprivoiser. Cette fragilité interne sera soumise à rude épreuve par 23 l'influence déstabilisatrice d'événements extérieurs qui bousculent les perceptions superficielles de l'identité nationale.
La place des Martyrs, un No Man’s Land envahie par la végétation.
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Extrait de Rue de Damas d’Antoine Boulad, Edition SAQI, 2008. 23 Impact des rivalités américano‐soviétiques, défaite des Arabes dans la guerre de six jours (1967), afflux de Palestiniens qui trouvent au Liban une « base sûre », guerre israélo‐arabe de 1973, interventions israélienne et syrienne.
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Bombardement du cinéma Rivoli.
Beyrouth et le centre-ville durant la guerre de quinze ans. La ligne verte Le mur de Berlin
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Beyrouth et le centre-ville durant la guerre de quinze ans.
Le tracé de la ligne de démarcation dans Beyrouth et en poché gris foncé les principales zones d’affrontement.
Aperçu plus rapproché de cette ligne de démarcation sur la place des Martyrs au milieu de la guerre (1882). (Source : Michael Davie « La formation historique de la place des canons»)
30
La place des Martyrs en 1989 ou la ligne verte
31
A cette époque, tout événement qui annonce un espoir pour certains libanais apparaît à d'autres comme une menace. Peu de villes dans l’histoire ont été aussi défigurées que Beyrouth [ … ], la disparition des jardins privés entourant les maisons qui avaient fait la beauté de Beyrouth, était devenue générale. Le ciment envahissait tout et des immeubles à l’architecture parfois innommable poussaient çà et là de façon anarchique, s’étouffant les uns les autres et violant sans vergogne tous les règlements. La corruption générale régnant dans les services de la municipalité et de l’urbanisme avait permis le massacre cous le couvert de simples amendes. La conséquence avait été l’augmentation 24 abusive du nombre d’étages autorisés et la suppression presque totale de tous les garages d’immeuble, entrainant un engorgement de la 25 circulation et des embouteillages inextricables. Le Beyrouth des trois B (Banque, Baccarat, Bordel) n’existe plus. Il n’est plus que paysage de ruines avec figure hallucinées ou closes.
Les constructions « hors-normes » effectuées pendant la guerre.
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Voir première image du haut. Extrait de la préface de Gaby Daher dans le Beyrouth des années 30 25
Les stigmates de la guerre.
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2 ‐ REVELATION ARTISTIQUES
La guerre civile se solde quelque part à l’automne 1990, quand l’accalmie temporaire s’avère durable et quand les feux ont été éteints à peu près partout. La fin du conflit se présente avec l’entrée décisive de l’armée syrienne comme agent de l’ordre sur le territoire libanais et 26 la grave crise économique en cours provoquant l’épuisement des ressources des milices. Après les souvenirs de ce silence, entrecoupé des bruits de la guerre, pesant et lourd, déchirant et long, les représentations artistiques essayent de redonner vie à la place, à son peuple. Un soir de septembre 1994, la place de tous les martyrs, inondée de lumière, résonne d’espoir avec la voix de 27 Fayrouz (1935 ‐ ), plus grande chanteuse libanaise connue jusqu’à présent. Devant quarante mille nostalgiques, au cœur de la place libanaise dévastée, Fayrouz rechante Beyrouth. La réappropriation de la cité devait être une étape indispensable pour la reconstruction du pays. La grande diva donna son récital, premier moment de communion collective pour un peuple sorti de quinze ans de brûlures. Les années suivantes Fayrouz ne reviendra pas et ses nombreux fans devront quitter la ville pour assister à ses prestations aux festivals de Baalbeck et de Beiteddine. 26
Durant la guerre, la livre libanaise a été dévaluée d’à peu près 1000% et a été virtuellement remplacée par le dollars. Depuis 1992, l’économie s’est rapidement relevée. 27 Née sous le nom de Nouhad Haddad, son nom de scène, Fairuz (orthographié Fairouz ou Fayrouz) signifie turquoise en arabe.
Plus tard, au lendemain d’une autre guerre (guerre israélo‐ libanaise en été 2006), le célèbre chanteur pop Mika choisi de clôturer sa tournée mondiale pour son premier disque sur cette même place devant plus de 15 000 spectateurs. Ce soir là, la foule en liesse a remplacé les foules 28 en deuil. Parallèlement, le 9 novembre 1989, le grand spectacle berlinois, avec la chute du mur de Berlin, symbolise la reprise de la vie et du dialogue par‐delà le mur, réduit à l’état de poussière. Huit mois plus tard, le 21 juillet 1990, Roger Waters (1943‐ ) ex membre des Rolling Stones, organise un concert sur la Potsdamer Platz vide de construction : il se produit sur une scène gigantesque pour une représentation de The Wall afin de commémorer la fin de la séparation entre les deux Allemagne. De nombreuses autres célébrités y participèrent.
28
Les concerts sur la place : 40 000 en 1994, 15 000 en 2007
Propos du quotidien An-Nahar au lendemain du concert. L’installation temporaire en bois
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Les expositions temporaires, à leurs tours, tentent de rythmer et de dynamiser la place dénudée en apportant de la fraicheur artistique de tout genre. Insolite, monumentale, traditionnel, les artistes se laissent approprier la place des Martyrs d’après‐guerre. Bien que la dernière installation temporaire tienne le coup (un monument en bois s’élevant sur plus de douze mètres centré au sud de la place) les séries de révélations artistiques en plein air furent souvent vandalisées par les usagers de la place. Selon Nadim Karam, étudiant à l’alba (atelier libanais des beaux arts) « trouver notre place sur la place des Martyrs 29 nous a été impossible » . L’étudiant ayant tenté d’y placer sa Procession archaïque, elle a presque été jetée à la mer. Les vaches colorées, exposition temporaire, qui effectuait sa tournée dans différent pays, ont survécu un petit moment avant d’être lamentablement malmenées. N’ayant pas trouvé sa place dans une place pourtant vide, l’atelier de recherche choisi la dissémination, en publiant finalement une « installation sur papier » distribuée à 4000 exemplaires. Dans une autre installation « Beyrouth dit non à la guerre », Nada Sehnaoui dispose des cuvettes de toilettes en enfilade, d’une blancheur immaculée, presque à l’infini, à complètement dérouté le passant. C’est un étonnant spectacle jaillissant de ce terrain vague pour dire non à une nouvelle guerre alors que les libanais commémorent le début de celle de quinze ans, et que leurs représentants politiques peinent à élire un président. Le titre de son exposition s’interroge : Quinze années dans les toilettes n’ont‐elles pas suffi ? 29
Exposition Pas de Place, installation atelier de recherche alba – Nadim Karam.
Les photographes sont venus relever un état des lieux. En 1991, six photographes célèbres participent à la Mission Photographique de Beyrouth (Basilico, Depardon, Elkoury, Burri, Koudelka et Frank). En vue d’enregistre la mémoire du centre‐ville après la fin de la guerre, ce projet collectif financé par la Fondation Hariri a donné lieu à la publication d’un livre de photographie « Beyrouth centre‐ville ». Les photos de la place des Martyrs dévastée ont été exposées au Palais de Tokyo à Paris au temps où ce lieu était dévolu à la photographie. Joseph Koudelka (1938‐ ), photographe français d’origine tchèque, sort un livre intitulé Chaos, Gabriele Basilico (1944‐ ), grand photographe « documentariste italien, publie Beyrouth 1991 et Fouad Elkoury (1952 ‐ ), photographe français d’origine libanaise, sort Liban Provisoire. La fait qu’il y ait déjà eu un mur (concret ou imaginaire) rappelle la fragilité voués à la vie commune et montre en quoi la condition même de l’existence d’un tel lieu est également une arme à double tranchant qui peut mener à sa fermeture, devenant le théâtre de toutes les dissensions sociales. C’est ce qui est arrivé à Berlin comme à Beyrouth. Les planchers de ces espaces se sont effondrés, devenant les symboles des après‐guerres que parcequ’ils sont devenus des champs de ruines, évoquant l’impossibilité de reconstruire l’urbanité sans faire face à l’échec de sa condition antérieure.
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Les diverses autres installations sur la place déserte.
3 ‐ RETOUR AU POINT DE DEPART : RECONSTRUCTION NATIONALE La place est d’ordinaire une composante urbaine particulièrement choyée par les pouvoirs publics. On l’aménage, on la restaure et on l’entretient avec le plus grand soin car la place porte à elle seule l’image de la ville, ou du quartier, et par conséquent l’image de ses administrateurs. Place du pouvoir ou place du peuple, monumentale ou chargée d’affectivité, la place draine un public en quête de reconnaissance, soucieux de sortir de l’anonymat qui endort la ville. L’effet magique de la place n’a d’autre raison que celle d’être un lieu de valorisation sociale pour les uns et de dépaysement pour les autres. A l’instar de la ville, elle se forme avec le temps. Les variations que subissent son architecture et sa fréquentation témoignent des changements de goûts et de l’évolution des mœurs. Une place n’est jamais parfaitement achevée, elle s’adapte aux besoins de la collectivité tout en conservant les 30 strates du passé.
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Ci contre étude sur l’évolution morphologique de cette place au cours des années avec en foncé ses délimitations et composants importants.
Depuis la fin de la guerre civile libanaise, en 1990, le pays rentre dans un contexte de reconstruction nationale. Dans ce projet, l’opération sur la Place des Martyrs apparaît, avec celle des souks traditionnels, comme le projet fondamental non seulement parcequ’elle constitue une des pièces maitresses du patrimoine public libanais, mais aussi parcequ’elle incarne pour un grand nombre de libanais et d’étrangers ayant vécut au Liban, toute la magie de Beyrouth d’avant‐guerre. Apres deux années d’études et de mise au point, la reconstruction du centre ville de Beyrouth a démarré. La société en charge du projet, Solidère (SOciété LIbanaise pour le DEveloppement et la REconstruction du centre‐ville de Beyrouth) a été constituée par décret gouvernemental, au 31 lendemain de la guerre civile, le 5 mai 1994. Dans le cadre d’une politique globale de modernisation de tout le site, sur 1.8 million de mètres carrés ont été prévus des hôtels, des bureaux et des immeubles résidentiels ainsi qu’une infrastructure moderne de routes, de service publics urbains et de travaux portuaires (la réalisation s’étendrait sur 25 ans). La place des martyrs deviendrait une avenue large de 80 mètres. 31
Logo de Solidère et réalisations au centre-ville.
Annexe Brochure d’information Solidère de 1995
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Maquette de projets du Master plan pour le centre-ville.
Présenté au public en 1991, ce plan directeur se caractérise par le gigantismes : des tours, un World Trade Center, une ile artificielle dans la baie de Saint‐André, des marinas, des tranchées pour voies rapides. Surtout, en lieu et lace du Burj, symbole de la division, une avenue « plus large que les Champs Elysées » exigea Hariri, débouchant sur une esplanade marine. On pourrait rapprocher ce projet à une sorte de Dallas‐sur‐ Méditerrannée, sans aucun rapport avec la ville d’avant, ni même la ville autour. Au dessus de tout cela, ce projet pharaonique réclame non seulement le déblayage des décombres, mais aussi la démolition de plusieurs quartiers qui avaient résistés à la guerre. Après les nombreuses critiques, Solidère modifia son plan en le rendant plus «raisonnable». Les ports de plaisances et la promenade sont tombés à l’eau. Les démolisseurs sont quand même venus et un a un, les immeubles se sont écroulés. Quatre vingt cinq pourcent du patrimoine arab‐ottoman fut « bulldozé ». Il fallait bien construire l’avenir. Dans ce cadre de reconstruction, les infrastructures de la ville ont été repensées, près de 300 bâtiments ont été restaurés et de nouveaux projets ont vu le jour. Ainsi, le « nouveau » centre‐ville que les visiteurs découvrent depuis l’an 2000 résulte d’une écriture qui relève de la volonté d’acteurs publics et privés.
La reconstruction nationale toucha la Postdamer Platz à la même époque : après 1990, la place retint de nouveau l’attention, spécialement de par sa localisation proche du centre ville. Cette reconstruction se développe d’une manière assez différente que pour la place des Martyrs : le conseil municipal choisit de diviser la place en quatre parties, chacune laissée à un investisseur privé, qui y implantera son propre projet. Au cours de cette phase de reconstruction, Potsdamer Platz fut le plus grand chantier d’Europe. Comme celui du devenir de la place beyrouthine, le projet en totalité fut objet de nombreuses critiques au départ, et tous n’apprécient toujours pas la façon dont l’endroit fut réaménagé. Cependant, la place est devenue une réelle attraction touristique : un lieu de shopping pour les Berlinois et le rendez vous des cinéphiles.
Projet d’infrastructure en cours
Maquette et vue 3D du projet.
Manifestation contre la société.
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Projet de Reconstruction Nationale Master Plan de Solidère.
Autres projets proposés.
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4 ‐ IMPLICATION INTERNATIONALE DE LA RECONSTRUCTION Afin d’identifier de nouvelles visions et conceptions urbaines pour la place des Martyrs et le Grand Axe, la société Solidère lança, en 2004, un concours international d’idées. Le grand Concours international d’idées en planification urbaine pour la reconstruction de la place des Martyrs en 2004 ‐ 2005. Ce concours, ouvert et anonyme, s’adresse à la communauté des architectes du monde à laquelle il a souhaité associer, lors d’une première phase, les étudiants en architecture. L’objet du concours était l’élaboration d’un concept urbain capable de donner à ces deux éléments historiques une nouvelle identité, d’engendrer un nouveau profil régional pour Beyrouth et de participer à la réunification de la ville qui, une quinzaine d'années après la guerre du Liban, se reconstruit. Les projets devront offrir aux Libanais l’opportunité d’appréhender l’aspect archéologique et historique de la ville selon une nouvelle dimension culturelle tout en lui permettant de se situer dans le réseau extra territorial des 32 fonctions d’une cité mondiale. Le premier prix, (accordé aux architectes grecques Antonis Noukaki, Vasiliki Agorastidou, Lito loannidou, Bouki Babalou‐ Nounaki) présente une proposition convaincante pour redéfinir la place des Martyrs. Le schéma dégage quatre section sur le grand axe. Chacune de ces tranches constituant 32
Cf. Annexes : brochure des résultats du concours international Soliderequarterly – Martyrs’ Square Grand Axis international design compétition.
une réponse au contexte dans lequel il s’implante. Le projet offre une organisation symbolique des espaces le long de cet axe pédestre, condensant le flux automobile sur la partie ouest de la place. Ce projet eu plus de succès par son design de l’espace apte à offrir un nouvel ordre urbain sur lequel s’ajouterait les aspirations et attentes de la communauté. Le processus de reconstruction choisi cherche à édifier une nouvelle dynamique urbaine en misant tout sur la pérennité des conditions de la paix actuelle qui est relative à des facteurs autres que la seule reconstruction du cadre bâti. Ca serait aussi, pour les participants au concours, l’occasion de mettre en forme de nouvelles conceptions de la ville, d’élaborer ou de faire émerger de nouveaux discours en dépassant la stricte nécessité de « reconstruire » pour plonger dans un univers tiraillé par les fantasmes et les utopies de toutes sortes.
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Premier prix du grand Concours international d’idées
Quelques mois après le lancement de ce concours, dans le cadre de la Biennale International d’Architecture à Rotterdam, WORK Architecture Company (architectes Amale Andraos et Dan Wood) proposent Cadavre Exquis Lebanese – 33 Channeling the Power of Imagination sur la place des Martyrs à Beyrouth. Le sujet choisi pour cette Biennale à Rotterdam tourne autour de Visionary Power, Producing the Contemporary City. Jamais tant de personnes n’ont vécut dans cet environnement urbain. Visionary Power : la production de la ville contemporaine sert de source et d’inspirations aux nouvelles expertises souhaitant s’impliquer dans le futur des villes du XXIème siècle. Le concours se développe tout d’abord sur une recherche des fondations de la ville contemporaine (the city of today, the city of the future), précisant les forces ayant un impact spécifique sur ces environnements, aboutissant à une présentation de stratégie aux architectes et urbanistes. Coupe sur la proposition de WORK architecture
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Cf. Annexes : extrait du livre Visionary Power sur Cadavre Exquis Lebanese
L’agence WORK Architecture Company s’intéresse à ce thème sur la ville de Beyrouth et son centre‐ville. Derrière un processus surréaliste, leur principale intention et d’aller dans le sens contraire que ce que propose Solidère dans leur projet de reconstruction nationale. Au lieu de réduire la ville à un simple « master plan » (où la place se pense en priorité comme un symbolique fort et un lieu de rencontre), ils proposent une série de séquences de scénarios. La combinaison de ces scénarios aboutirait au « Cadavre Exquis Lebanese », Dans une de ces séquences, ils considèrent les tentes et non pas les gratte‐ciels comme véritable symbole de la modernité du XXIème siècle. La place revit son passé nostalgique en tant que point de rencontre pour les débats et des intellectuels. En construisant sur l’occupation actuelle, une épaisse infrastructure de tentes est développée dans le centre‐ville, servant une série de fonctions allant de l’auditorium aux petits « coffee shops » où toutes les confessions se regrouperaient pour débattre.
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Les scénarios à travers leurs infrastructures.
III
REQUALIFICATION et RECHERCHE D’IDENTITE
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III ‐ REQUALIFICATION ET RECHERCHE D’IDENTITE
A travers une mosaïque d'îlots paisibles et de zones sinistrées, la vie continue. Les libanais renaissent, en dépit d'une cruelle détérioration économique, dont tous ne souffrent pas au même degré, et d’une alternance de périodes de calme relatif et de regain de violences. La réflexion qui a été engagée, lors du concours d’idée précédent, portait sur la capacité de réinventer un lieu en considérant tout d’abord son rôle historique de cœur de la ville, touché d’un passé « idéalisé » et figé dans les formes d’une architecture néo‐traditionnelle. Cette attention doit être traitée habilement étant donné la situation délicate du passé immédiat de cette nation. A ces sujets correspondent sur place des images de la guerre s’effaçant difficilement, comme cette statue des Martyrs et cette impression de vide lissée par l’intégral « bulldozage » de l’après‐guerre. Un vide qui structure l’absence du lieu de rencontre et de mixité qu’étaient la place et son pourtour autrefois.
1 ‐ LA PLACE AUJOURD’HUI
Bien que l’engouement politique prenne une place importante dans la vie du libanais, sa confession religieuse 34 reste malgré tout prioritaire. C’est ainsi qu’en entrant de n’importe quel coté sur la place, la première structure qui nous tombe sur les yeux est la plus récente édifiée de la place et du centre‐ville. La mosquée Mohamed el Amine, dédiée à Rafic Hariri (représenté par la statue couchée qui regarde vers Dieu et vers le ciel), s’impose au paysage de manière colossale. Remarquablement hors échelle et anachronique, elle écrase littéralement sa voisine, la cathédrale Saint Georges des maronites et monopolise l’image actuelle que veut donner cette place : un terrain vague voué à la seule fonction de mémorial de la personnalité. Au niveau de la mosquée, au centre de l’espace, la stèle des martyrs n’a retrouvé sa place qu’en été 2004. Criblés d’impacts de balles et d’obus durant la guerre, elle a disparu aux alentours de 1980.
34
l’Etat libanais reconnaît officiellement dix-sept confessions religieuses. Les musulmans (six confessions différentes) comptent pour 59,7 % de la population, tandis qu’il y a 39 % de chrétiens (divisés en douze confessions). (CIA, The World Factbook-Lebanon sur www.cia.gov)
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La mosquée Mohamed El Amine et la stèle des Martyrs en premier plan de la place.
Lorsque les restaurateurs du laboratoire de l’Université Saint Esprit Kaslik ont achevé leur travail (ayant pris le parti de conserver les traces de la guerre), les martyrs n’ont pas directement retrouvé leur place. La statue a pitoyablement croupi dans un coin du parking jusqu'à ce qu’on décide de la faire revenir, peut être pour calmer une population au bord de la révolte. Pour les générations précédentes, ce retour dans l’histoire avec la remise en place de la statue à son socle initial réveille dans leurs âmes la nostalgie du passé. Pour la nouvelle génération, elle est représente un symbole d’espoir d’un meilleur futur. En entrant au sud de la place, l’église arménienne Altounian – Saint‐Paul et la seule structure (avec la stèle des Martyrs) à avoir survécut aux quinze années de guerre. A notre gauche, la bulle. C’est le nom donné, au début des années 1990, à cette coque ovoïdale criblée de tous les cotés. Préalablement connu sous le nom du City Center (un ciné théâtre d’avant guerre), son concepteur, Joseph Philippe Karam, avait l’ambition d’en faire le plus grand centre d’affaires du Moyen Orient. Il resta cependant inachevé avant d’être démoli. Resté pendant une longue période un espace « en marge de », la bulle servit de point de rencontre pour y organiser les « rave party » à l’époque des modes techno, transe et house. Etant l’un des bâtiments préférés de Zaha Hadid (1950‐ ), grande architecte iranienne, l’avenir de cette coque est entre les mains de l’architecte libanais Bernard Khoury (1968‐ ), ayant principalement œuvré à la reconstruction du Liban dévasté.
Toujours à notre gauche en montant la place vers le nord, au bord des trous, générés par les fouilles archéologiques, s’élèvent deux immeubles : « l’Opéra » pris par l’enseigne du Virgin Megastore et l’immeuble du journal An‐Nahar. Cet immeuble blanc et lisse de l’architecte Pierre El‐Khoury, fameux architecte libanais, frappé du célèbre logo du coq hurlant du grand quotidien libanais An Nahar, renferme, sur ses sept étages, les bureaux de production du journal. Au niveau du rez‐de‐chaussée s’implante un restaurant « branché » de la capitale ainsi qu’une librairie au nom de la place librairie « El‐Bourj ». Deux discothèques situées au dernier et huitième étage du même immeuble (moitié couverte, moitié terrasse) rythment les nuits de la place (le White et le Eight). Sur tous les trois cent cinquante mètres de long, l’environnement est de la place se présente en tant que réel terrain vague. 35 Encadré par le récent projet immobilier du Saifi Village (avec les façades inspirées de l’architecture traditionnelle 36 libanaise, les ouvertures en khané et célèbres cours centrales intérieures beyrouthines), ce terrain sert tantôt d’espace de stationnement pour les clubbers ou touristes, tantôt zone de dépôt pour les travaux entrepris par la société en charge du terrain (Solidère). L’écart de densité entre l’environnement est et ouest de la place est impressionnant. 35
L’entreprise de Solidère étant vouée à faire du centre-ville un espace ludique, luxueux, reconstruit en en grande partie mais imitant les styles du passé, donc pensé dans un rapport superficiel avec les enjeux actuels de la ville. 36 Fenêtres traditionnelles libanaises se présentant en une série de trois arcades doubles hauteurs accolées.
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L’église St‐Paul avant, pendant et après la guerre de 1975 (deux images du haut) L’ancien Opéra, aujourd’hui le Virgin.
Ce n’est pas par hasard si les témoins de la place d’autrefois parlent de la « vie » en ce milieu pour le décrire. Cet agencement de pratique et d’usages multiples créait une certaine ambiance, une expérience sensorielle complexe qui caractérisait la place des Martyrs et qui en faisait un lieu d’attraction. L’expérience des usagers nous permet de définir la place publique sous trois critères : la sociologie, le rôle structurant des usagers qui donne sens à un espace autrement désert, l’architecture, s’intéressant à la forme du lieu et son incidence sur son occupation et l’urbanisme et l’urbanisme, voyant la place publique à travers sa fonction dans la ville et les liens qui la relie au tissu urbain. Toutes ces facettes constitutives de l’espace publique se complètent et doivent être comprise comme un tout.
An‐Nahar, la librairie El Bourj et les résidences Saifi.
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La place des Martyrs aujourd’hui : terrain vague ou chantier ? Panorama de la place des Martyrs aujour’dhui
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2 ‐ LA PLACE DES MARTYRS, UN « OPEN‐AIR MUSEUM » Pendant de longues années, la Place des martyrs a sombré dans l’oubli, comme du reste Beyrouth et tout le Liban, abandonnés au sort d’une guerre interminable, face à laquelle on décidait de masquer l’indifférence par un sentiment d’impuissance. Le centre ville, détruit, recèle un véritable trésor historique et archéologique représenté par les vestiges du Beyrouth ottoman, mameluk, croisé, abbasside, omeyyade, byzantin, romain, perse, phénicien et cananéen. Les premières traces écrites sur Beyrouth remontent au XIVème siècle av. J.C., mais l’archéologie permettait d’affirmer l’occupation continue du site au IIème millénaire av. J.C. voire plus tôt. Petite Cité‐Etat sous la dépendance de Byblos, Beyrouth pris son véritable essor durant la période hellénistique. Son statut de colonie acquis sous la domination romaine en 31 av. J.C., s’accompagna de la construction de temples et autres édifices publics. Les travaux menés depuis le XIXème siècle et les vestiges (en élévation ou en plan de ces monuments) ont permis de circonscrire le centre antique de Beyrouth. Ce centre correspond au cœur de la ville moderne mais ses limites allaient, selon ce que les archéologues avaient pressenti, bien au‐delà. La ville atteint son apogée entre le IVème et VIème siècle, pour devenir capitale régionale et un des grands centres intellectuels du bassin méditerranéen avec son Ecole de Droit, ainsi que la cathédrale byzantine Anastasia, enfouie
sous les décombres causés par le cataclysme de l’an 551 et jamais retrouvée. D’après le plan des fouilles archéologique de Beyrouth de juillet 2005, on retrouve au nord de la place des vestiges des civilisations phéniciennes, ottomanes, mamelouk, byzantines, romaines, grecques, hellénistiques, perses et phéniciennes. Au sud de la place émergent des restes de civilisations 37 romaines, byzantines, grecques et hellénistiques. Le prétexte fournit par une catastrophe est l’occasion idéale d’investir toute une fantasmagorie du paradis perdu et de sa renaissance dans la ville à reconstruire. Par l’entremise de l’archéologie, le paradoxe fondamental du réinvestissement des vestiges du passé à Beyrouth consistant à donner une valeur symbolique implacable à tout ce qui a été transformé en ruines, une inviolabilité qui légitime, du coup, l’entreprise urbanistique de Solidère puisque celle‐ci se présente comme garante de la mise en valeur de la mémoire du centre‐ville. Les extractions et restaurations archéologiques dans le centre‐ville de Beyrouth, comme pour plusieurs autres sites riches en héritage, connu de nombreuses complications. Le problème qui régnait tournait surtout autour de la quantité de vestiges à sortir de terre et à préserver. 37
Voir le plan des fouilles archéologiques du centre-ville de Beyrouth, juillet 1995, extrait du n°316 de la revue « Archéologica », octobre 1995.
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Les fouilles archéologiques après la guerre.
La place des Martyrs, un « open-air » muséum.
Le projet du Jerdin du Pardon
Les fouilles
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Bien que la guerre fut destructive à plusieurs échelles, elle permis, par la découverte de ces fouilles, d’enrichir le savoir archéologique. En « buldozant » les restes de l’ancien cœur historique, la guerre permis ironiquement l’accès à ces découvertes historiques. Ainsi, la guerre offrit l’opportunité d’extraire le plus large site urbain au monde (60 000 mètres carrés). A ce jour, pas moins de 136 lots urbains (14 000 mètres carrés) ont déjà été sortis de terre, démystifiant peu à peu les 5000 années de l’histoire de Beyrouth. L’une des découvertes les plus récentes de la période romaine est la route en pavée Nord‐Sud rythmée par des stylobates pour supporter les anciennes colonnes existantes. Plusieurs la qualifieront de la route Cardo Maximus (un des deux axes principaux de la grille romaine). Par pur coïncidence, cette route se faufile entre les deux cathédrales St Georges (celle des maronites et celle des orthodoxes), les rendant spectaculaires par ce gouffre archéologique. A la base, ce site consistait en un parc archéologique. Il a été récemment incorporé dans le projet du Jardin du Pardon (Hadiqat al‐Samah). L’idée de faire de ce jardin un sanctuaire pour l’introspection et la guérison vient de la vision d’Alexandra Asseily. Un jardin dans lequel les personnes pourraient rassembler force et inspiration, un endroit pour le calme et la réflexion. Un jardin pour l’introspection individuelle, un sanctuaire accessible à tous. Archétypes de la flore du Liban, une rivière, parfaitement ensoleillée et ombragée, faisant ressortir une sensation de paix, guérison, bénédiction et humanité.
Selon Alexandra, le concept du pardon est clé de réussite pour la reconstruction et réhabilitation. Un lieu symbolique, réconciliant les générations du passé, du présent et du futur. La place des Martyrs était le pont de rencontre des différentes communautés et strates sociales dans le pays. En restant vide et sans fonctions, elle ne participe pas à la ségrégation. Elle peut pourtant offrir une importante location neutre pourvue d’une histoire multi‐communale qu’aucune autre ville n’a. La construction et déconstruction de la place des Martyrs doivent se repenser à partir de ce jardin. Dans le cas contraire, la mémoire de la guerre pourrait être banalisée et oubliée. Vue aérienne du Jardin du Pardon.
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Sites archéologiques.
3 ‐ LIEU DE REPRESENTATION OU MEMORIAL
Il y a quelques années de là, personne n’aurait osé parier sur la renaissance du centre ville de Beyrouth, tant cette ville était décimée et continuait d’agir comme une poudrière. Malgré une trêve de quinze années de guerre durant lesquelles elle fut désertée à la pointe des fusils, et malgré la destruction de la presque totalité des édifices entourant la place, la place des Martyrs est redevenue tout naturellement, depuis la fin de la guerre civile, le lieu où les libanais se rendent pour manifester, défiler, protester ou encore célébrer lors des grandes occasions. Elle renait en quelque sorte à travers le peuple. La manifestation monstre du 14 mars 2005, avec son million de participants, a été l’une des démonstrations du rôle important que joue la place des Martyrs malgré sa fermeture et sa situation actuelle. Organisée pour dénoncer la présence syrienne au Liban à la suite de l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri ainsi qu’une vingtaine de personnes, le 14 février 2005, soit un mois plus tôt. Quelques personnes, les premiers jours après l’attentat, plus d’un quart de la population libanaise le mois d’après. A croire que cette place et ses environs avaient été laissés vides quinze ans durant pour cette seule journée, que toute la reconstruction ou, dans le cas de cet espace devenu si vide, la déconstruction du centre symbolique de Beyrouth avait été programmée pour accueillir le pays tout entier. Mise à part l'approche émotionnelle, les espoirs et l'engouement patriotique, il y a dans cette histoire la leçon urbaine de l'appropriation de l'espace.
La place des martyrs reste à ce jour le haut lieu de la représentation et des contestations. Plus d'un an après le printemps de Beyrouth (février ‐ mars 2005), et prenant en compte les leçons de ce dernier, le camp politique adverse, passé dans l'opposition, va s'y installer. Ils ont employé une arme redoutable comme élément de repérage et d’identification: la tente. Représentant historiquement le nomadisme des tribus arabes d'avant la sédentarisation, cette prise de position fut surtout le moyen le plus pratique de s'approprier l'espace public, voire de bloquer une partie de la ville, avec le minimum de moyens et le maximum d'efficacité. Plantées sur tout le long de la place, formant comme une deuxième couche, ces tentes, architecture mobile, nomade, légère et bon marché s’opposent brutalement à l'architecture monumentale existante.
Manifestations du 14 Mars 2005
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Pourquoi choisir cette place comme lieu de manifestation ? A‐t‐elle pris une signification symbolique trop importante pour être requalifiée ? Restera‐t‐elle comme une sorte de mémorial géant qu’on ne peut se permettre de toucher ? Si nous prenons, comme référence, le mémorial de Berlin de Peter Eisenman, très médiatisé, on retrouve d’étroites similitudes avec le site étudié. Tout d’abord, la succession de bloc de hauteurs différentes concentrés sur ce terrain vague en plein milieu de la ville de Berlin crée une rupture soudaine avec l’environnement alentour. Ce terrain, certes, chargé de blocs en béton, contraste fortement avec l’espace très dense alentour. On remarque le même contexte relationnel en regardant le plan de situation de Berlin et de Beyrouth. Il y a aussi le fait que l’espace est homogène par le fait qu’il n’y ait pas d’endroit précis pour y accéder ou en sortir. Il n’y a ni commencement, ni fin, mais un rassemblement de fragments architecturaux et humains. « La place des Martyrs est devenue, de nos jours, un lieu de pèlerinage pour se recueillir sur la tombe du président Rafic Hariri, un lieu de rassemblement pour les jeunes et les moins 38 jeunes. » La situation trouble du Liban contemporain fait dire à certains auteurs que la guerre civile n’a peut‐être jamais vraiment pris fin et que la requalification de l’espace et la reconstruction physique est freinée par un manque de volonté de réconciliation à l’échelle nationale.
Manifestations du 14 Mars 2005
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Extrait de l’article la « Place du Canon » racontée par Nina Jidejian, n°11368 du 18 mai 2005
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La place des Martyrs, lieu de représentation.
1920
1943 INDEPENDANCE
2008
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4 – FONCTION DE LA PLACE PUBLIQUE : FIGURE D’INTEGRATION ET D’IDENTIFICATION Les évènements de 2005 à 2007 (attentat de Hariri, guerre israélo‐libanaise) montrent à quel point les fondations de la forme politique de l’Etat libanais demeurent fragiles. On irait jusqu’à se demander si ces dix‐huit années de travaux sur la place des Martyrs constitueraient un motif de diversion, dans le but d’étouffer, par le bruit des chantiers, les grondements d’une société en pleine crise, à l’image de sa classe politique. L’histoire de la ville est étroitement liée à celle de ses places quand celles‐ci sont le reflet de la qualité de sa vie publique. L’espace du public dans la ville est entres autres la place, ce fragment de foncier destiné aux pratiques de la collectivité, un vide urbain fermement délimité par le domaine privé et un support pour les activités déterminées par la collectivité elle‐même. A part les pratiques urbaines improvisées qui témoignent, 39 des le départ du « désir de ville » du beyrouthin, c’est la cohabitation que l’on cherche d’abord à éviter, du moins veut‐on polir les rapports interconfessionnels, quitte à faire disparaître les traces de la guerre tout comme celles de l’ancien modèle d’urbanité beyrouthin, jugé dangereux et 40 considéré à l’origine de la guerre.
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Expression employée par Sawsan Awada-Jalu pour signifier
le désir des citoyens d’occuper librement l’espace public après la guerre (dans Le désir de ville) 40 cf. Page suivante le désir de ville selon les époques
Pendant un moment, la place des Martyrs, en cherche de qualification, servit de parking pour les clients du Virgin Megastore et de terrain de jeux pour les amateurs de planche à roulettes. Après un âge de gloire au service du cinéma, l’Opéra de Beyrouth, bâtiment de style art déco signé Bahjat Abdelnour, a été relooké aux couleurs de la firme internationale. Apres les réactions autour de l’Opéra banalisé puis la polémique du « free parking», la place des Martyrs repris son aspect après‐guerre : un terrain vague. Les skaters continuent à s’y rencontrer. 41 Selon Hubert Tonka , écrivain et collaborateur de Jean Nouvel, « concevoir la place, c’est faire de la place ». Le dilemme est de faire non seulement « de la place » fonctionnelle mais aussi « de la place » favorisant la rencontre. Il affirme l’importance du geste architectural qui consiste à mettre en forme le lieu de la rencontre, cet espace d’arrêt temporaire s’opposant au flux, du vide complémentaire au plein, de l’ouvert face au fermé. Bien que le terrain de stationnement et le terrain de planche à roulettes répondent à la deuxième partie du théorème de Tonka, en étant statique, ils réfutent l’idée de convergence d’une place publique dynamique. 41
Dans la place dans l’espace urbain de Jacques Sauvageot, article de Hubert Tonka « La place n’a plus de place », cahiers paysages et espaces ubains, Presses Univesitaires de Rennes, 1996. Le parking du Virgin‐ pochoir « espace publique » sur le socle de la statue des Martyrs.
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Désirs de ville post et pré 1975 Désir de ville durant la guerre Comment les habitants s’approprient l’espace public
Désir de ville moderne : Les jeunes et les skatters s’y rencontrent.
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Ainsi, l’histoire des places est double : formelle et fonctionnelle. La forme traverse le temps, le tracé davantage que l’architecture. Seuls les dispositions et les rythmes qui composent l’entourage de la place par des interventions sur le domaine privé peuvent altérer et transformer sensiblement la forme, 42 en revanche, la base reste sensiblement stable . Au contraire de la caractéristique précédente, la fonction subit presque invariablement les aléas de la conjoncture. La place du gouverneur (place du Sérail) devient la place du peuple (place des Martyrs publique au XIXème siècle), les souks sont transformées en commerces, le marché en parking mais la place reste place car la notion de lieu public, qui se construit tant sur des lois que sur les consensus, demeure. Compte tenu de la constance du formel par rapport au fonctionnel, on devrait croire qu’il n’existe aucune relation possible entre eux. Pourtant, à priori, le fonctionnel conditionne dans bien des cas le formel. Simultanément à son rôle d’échange et de rencontre, la place est devenue une des figures symboliques de la ville. Dans une grande ville, le nom de la place dépasse le concept propre de son territoire. Demandez à un parisien, à un romain ou à un libanais de situer son lieu de résidence, il répondra « j’habite à Bastille, à l’Etoile, au Capitole, sur la place des Martyrs… », sans que cela signifie pour autant qu’il habite sur la place même. 42
Michel-Jean Bertrand et Hiéronim Listowski « Les Places dans la ville – Lecture d’un espace public » Edition Dunod – Paris 1984 Dans le chapitre 2, « la forme », les auteurs comparent la forme de la place à une boite. La découpe au sol est la base de la boite, les façades qui d élimitent la place sont les cotés et le ciel constitue le plafond.
A cela, on pourrait supposer deux raisons : par sa forme, la place est un espace divergent. Elle irrigue les structures urbaines voisines par les tracés et les itinéraires qu’elle conditionne. Par sa fonction, elle est un espace convergent. Les éléments attractifs implantés sur ces places sollicitent les citadins et provoquent l’installation de nouvelles activités. On pourrait en conclure que la place est dans la ville une figure de repérage et de centralité. On s’y donne rendez‐vous car elle est directement repérable sur le plan et qu’elle est connue de tous mais on s’y rend également parceque l’on est convaincue d’y trouver ce que l’on cherche. Implicitement alors, les fonctions de la place remplacent celles de la ville : la ville ne cesse de s’étendre, cumulant les nouvelles structures économiques, sociales et urbaines. Elle devient de plus en plus imperceptible dans son ensemble. De cet handicap de la ville, la place acquière un double privilège : par sa taille réduite plus proche de l’échelle humaine, par la concentration des activités qu’elle génère ou qui l’on générée et par son pouvoir de repérage et de centralité vu ultérieurement, la place davantage que la ville devient une figure d’intégration et d’identification. La place des Martyrs selon Le Robert : Martyr : Origine du mot : terminologie chrétienne, celui qui consent à aller jusqu’à se laisser tuer pour témoigner de sa foi plutôt que d’abjurer. Par extension, le mot désigne celui qui est torturé, tué pour une cause ou un idéal. Comme un martyr, cette place, torturée, déformée, remodelée, déguisée, convertie, semble vouloir s’éteindre peu à peu, pour garder cet anonymat social et refuser toute identité que nous, investisseur, citoyen, constructeur, tentons de lui attribuer. Place des Martyrs, Espace Publique – chantier
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CONCLUSION Par sa situation exceptionnelle au centre‐ville et par son rôle historique de haut lieu de la sociabilité, la place des Martyrs constitue, comme cœur de la nation libanaise, un lieu porteur d’images multiples. Lieu de nombreuses batailles, mais aussi lieu de représentation des particularismes structurant l’identité beyrouthine et l’identité libanaise. Elle est l’image de la société et constitue l’objet sociologique résumant presque à lui seul tous les problèmes du Liban contemporain. Sur le plan symbolique, elle incarne l’espoir d’une réconciliation d’envergure entre toutes les fractions du peuple. En effet, ce lieu a pris une signification si forte qu’il en vient à incarner à lui seul le Beyrouth de l’époque glorieuse mais aussi tous les malaises de la guerre et l’après guerre. Etant l’une des seules à jouer ce rôle de point de rencontre de toute une population, elle raconte le peuple. Aujourd’hui, la Place des Martyrs reflète plus que jamais la situation de la société libanaise. Il y a quelques mois, le 21 mai 2008, les partisans de l’opposition ont rangé leurs tentes, dénudant à nouveau ce terrain qu’est la place des Martyrs. Des fleurs y sont déposées afin de redonner un semblant de vie à cette place qui, comme son peuple, n’arrive toujours pas à se retrouver. Elle n’a toujours pas été reconstruite. Plusieurs défenseurs de sa reconstruction reconnaissent pourtant le potentiel thérapeutique du design urbain et voient dans l’édification d’un lieu propice à la réconciliation la condition première de sa réussite.
Qu’il s’agisse d’une place médiévale populaire, avec son marché coloré et achalandé, son église et ses bistrots, ou qu’il s’agisse d’une place ordonnancée où pouvoirs et institutions s’expriment et se rivalisent, toutes s’inscrivent dans ces relations mouvantes qui unissent aux différentes époques les citadins à leur cadre de vie. Autrement dit, la place est chargée d’histoire, de l’histoire de ceux qui l’ont aménagée, habitée et fréquentée auparavant, de l’histoire de leur mode d’organisation sociale, de leur système de défense et de leurs réseaux d’échanges. Par la superposition des styles, par la concentration et la diversité des activités, la place offre la vision synthétique d’un vécu. En somme, elle est le témoignage et le reflet d’un héritage historique et actuel. Pour toutes les raisons évoquées, on comprend mieux alors pourquoi la place suscite tant d’intérêt et peut déchainer tant de passion sitôt qu’on envisage de la transformer. Son pouvoir dans la ville va bien au‐delà de l’exhibition de bâtiments remarquables, de la facilité des échanges commerciaux ou de la fluidité des réseaux de transport et de communication. Le défit aujourd’hui est peut‐être d’arriver à se décaler par rapport à la situation actuelle de la population, considérée comme chaotique, toujours à la recherche d’identité, et de faire de cette place tout à la fois un lieu de mémoire et un lieu de rencontre. Ainsi, en transparence du traitement de l’espace, de l’anatomie du projet et du discours sur la place publique, un jeu stratégique de l’urbain et de la mémoire est à prendre en compte.
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Cette place, à la fois prévisible et imprévisible, reflet de l’homme et de son peuple, refuse de disparaître. La vie reprend toujours le dessus, coûte que coûte, malgré les attentats, les pillages, les défaites, les destructions, les assassinats et les guerres. Elle est le reflet de ce peuple. Confronté au problème de la mémoire, confronté au vide. Vide qui structure l’absence du lieu de rencontre, du lieu de mixité qu’était cette place avant 1975.
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BIBLIOGRAPHIE
par ordre alphabétique des titres
LIVRES ET ROMANS SUR BEYROUTH
‐Beyrouth, SOLIDERE 1993 ‐Beyrouth à travers l’histoire, site, cité et ville Georges Habib 1976 ‐Beyrouth à travers les âges Nina Jidejian 1993 ‐Beyrouth‐Berlin, deux villes en comparaison après la séparation, Stéphanie Birkle et Thomas Shewski ‐ Beyrouth, centre ville, Fondation Hariri ‐Beyrouth et le Sultan, Sawsan Agha Kassab et Khaled Omar Tadmori Edition Terre du Liban
‐Beyrouth, l’Histoire Qu’on Assassine, Naji Karam 1996
‐ Beirut, Reborn, Angus Gavin et Ramez Maalouf ‐El Bourj, Place de la Liberté et Porte du Levant, Ghassan Tueni et Fares Sassine, Edition Dar An‐Nahar, 2000. ‐Heart of Beirut, Reclaiming the Bourj Samir Khalaf, Edition SAQI 2006 ‐Histoire de Beyrouth Samir Kassir Edition Fayard 2003 ‐Histoire du Liban des origines du XXeme siècle Boutros Dib ‐La formation historique de la place des Canons May Davie ‐La guerre du Liban : de la dissension nationale au conflit régional Samir Kassir Edition Karthala‐Cermoc 1994 ‐La mémoire des Cèdres, Jacqueline Massabki et François Porel Edition Robert Laffont 1989
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‐Le Beyrouth des années 30, Gaby Daher ‐ Les grandes étapes de l’histoire de Beyrouth, SOLIDERE 1994 ‐Les libanais invincibles, Joseph S.Stephan Edition Financier & CPA ‐Les transformations du paysage spatio‐communautaire de Beyrouth (1975‐1996) Abdelkrim Mouzoune Edition Publisud ‐Le Liban contemporain, histoire et société Georges Corm Edition découverte poche ‐ Liban – Chaos Constructif ou Déstructif, Monseigneur Joseph Mehrej Edition Université La Sagesse ‐Liban : La culture du dialogue Antoine Koniski Edition ninar ‐ Maps and the Historical Topography of Beirut Michael F.Davie ‐Patrimoine et guerre : reconstruire la place des Martyrs à Beyrouth, Guillaume Ethier, Cahiers de l'Institut du patrimoine de l'Uqam, édition Multimondes,
2008. ‐Rue de Damas Antoine Boulad Edition SAQI 2008 ‐Une semaine sans la voix de Samir, Mazen Kerbaj, 2005.
SUR LA PLACE ET LA VILLE
‐ la place dans l’espace urbain Jacques Sauvageot, Edition cahiers paysages et espaces ubains, Presses Univesitaires de Rennes, 1996. ‐ Les places dans la ville – lecture d’un espace public, Michel‐Jean Bertrand et Hiéronim Listowski Edition Dunod 1984 ‐ Réinventer le sens de la ville, les espaces publics à l'heure globale, Cynthia Ghorra‐Gobin, Edition L'Harmattan, 2001. ‐ Visionary Power – Producing the Contemporary City, International Architecture Biennale Rotterdam & Berlage Institute Edition NAi Rotterdam
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PERIODIQUES ET BROCHURES D’INFORMATION ‐Archéologica plan des fouilles archéologiques du centre-ville de Beyrouth, juillet 1995 n°316, octobre 1995. ‐Du centre aux territoires, la centralité urbaine à Beyrouth, Beyhum Nabil Maghreb Machrek – n°123‐ janv‐fev‐mars 1987 ‐L’Orient Express, Hors série publié par L’Orient Le Jour (automne 2005), Hommage à Samir Kassir ‐ L’Orient Le Jour : ‐article la place des Canons au XIXeme siècle de Nina Jidejian (n°11499 du 19 octobre 2005) ‐article la « Place du Canon » racontée par Nina Jidejian de Nina Jidejian (n°11368 du 18 mai 2005) ‐la guerre civile est‐elle réellement finie ? de Fadia Kiwan ‐la cité aux deux places texte de Jade Tabet ‐le désir de ville Sawsan Awada‐Jalu Dans Beyrouth : Regards croisés, édition URBAMA 1997 ‐ Le développement et la reconstruction du centre ville de Beyrouth, Brochure d’information 1995 – SOLIDERE
LIVRES DE PHOTOS
‐ Beyrouth 1991, Gabriele Basilico ‐ Beyrouth, Centre ville, Dominique Eddé. photographies de Gabriele Basilico, Raymond Depardon, Fouad Elkhoury, René Burri, Josef Koudelka, Robert Frank, Editions du Cyprès, 1992 ‐ Beyrouth, portrait de ville, Jade Tabet, Marlène Ghorayeb, Eric Huybrecht, Eric Verdeil, Edition IFA, 2001
. Chaos, Joseph Koudelka ‐ Liban Provisoire, Fouad Elkoury
SITES INTERNET
‐www.cia.gov ‐www.fouadelkoury.com ‐www.galerieannebarrault.com/gabriele_basilico ‐www.onefineart.com/en/articles_arts ‐www.samirkassir.net ‐www.solidere.com ‐www.wikipedia.org
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VIDEOGRAPHIE
‐ Archeological resarch down town Beyrouth, Bahij Hojeij – A. Salloum Reportage ‐ Beyrouth, le dialogue des ruines, Bahij Hojeij 1993 / 52 minutes ‐ Der Himmel Uber Berlin, (titre français Les Ailes du Désir ) Wim Wenders ‐ 1987. ‐ Vienne la pluie, de Bahij Hojeij ‐ Liban On Line Films ‐ LM fiction 35 mm 90’
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ANNEXES
1 – BROCHURE DE L’EXPOSITION LIBAN ! 2 – IDENTITE DES MARTYRS DU 6 MAI 1916 3 – BROCHURE D’INFORMATION 1995 DE SOLIDERE 4 – RESULTATS DU CONCOURS INTERNATIONAL D’IDEES 2004
5 – PRESENTATION DU PROJET « CADAVRE EXQUIS LEBANESE » 6 – ETUDE CARTOGRAPHIQUE DE LA PLACE DES MARTYRS
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