2008 La place des Martyrs à Beyrouth

Page 1

Audrey
HAGE

LA
PLACE
DES
MARTYRS
 COMME
REFLET
DES
CONFLITS
SOCIO‐
 POLITIQUES
DE
LA
SOCIETE
LIBANAISE

ENSAPM
–
2008
/
2009

 
 Directeurs
du
mémoire
:
 Mr
François
CHASLIN
&
Mme
Françoise
LIVACHE


1


SOMMAIRE
:
 
 
 I
‐
AVANT
PROPOS


………………………………………………………………………………………………………..


4
 
 II
–
INTRODUCTION


……………………………………………………………………………………………………….

6
 
 III
–
DEVELOPPEMENT



 
 I
‐
EVOLUTION,
METAMORPHOSE,
URBANISATION


…………………………………………………….


8

1
–
UN
TERRAIN
HORS
LES
MURS


…………………………………………………………………………………………………



9
 2
–
AMORCEMENT
D’UN
ESPACE
PUBLIQUE


…………………………………………………………………………………

13
 3
–
EPANOUISSEMENT
MAXIMAL
:
LE
BEYROUTH
DE
L’AGE
D’OR


…………………………………………………

19

II
‐
DECHIRURE
ET
FRAGILITE


……………………………………………………………………………………….

25
 
 1
‐
LA
PLACE
DES
MARTYRS
DURANT
LA
GUERRE
DE
1975
A
L’IMAGE
D’UNE
SOCIETE
FRAGILE


……..

27
 2
‐
REVELATION
ARTISTIQUE


………………………………………………………………………………………………………….


33
 3
‐
RETOUR
AU
POINT
DE
DEPART
:
RECONSTRUCTION
NATIONALE


………………………………………………


35
 4
‐
IMPLICATION
INTERNATIONALE
DE
LA
RECONSTRUCTION


………………………………………………………...

38

III
‐
REQUALIFICATION
ET
RECHERCHE
D’IDENTITE


……………………………………………………….

40
 
 1
‐
LES
ELEMENTS
DE
LA
PLACE
AUJOURD’HUI


……………………………………………………………………………….

41
 2
‐
LA
PLACE
DES
MARTYRS,
UN
«
OPEN‐AIR
MUSEUM
»


………………………………………………………………..

45
 3
‐
LIEU
DE
REPRESENTATION
OU
MEMORIAL


………………………………………………………………………………..

48
 4
‐
FONCTION
DE
LA
PLACE
PUBLIQUE
:
FIGURE
D’INTEGRATION
ET
D’IDENTIFICATION


…………………


51

2


IV
–
CONCLUSION


……………………………………………………………………………………………………………

55
 
 VI
–
BIBLIOGRAPHIE


………………………………………………………………………………………………………..

57
 
 VII
‐
ANNEXES
:


………………………………………………………………………………………………………………..

61

1
–
BROCHURE
DE
L’EXPOSITION
LIBAN
!
 2
–
IDENTITE
DES
MARTYRS
DU
6
MAI
1916
 3
–
BROCHURE
D’INFORMATION
1995
DE
SOLIDERE
 4
–
RESULTATS
DU
CONCOURS
INTERNATIONAL
D’IDEES
2004
 5
–
PRESENTATION
DU
PROJET

«
CADAVRE
EXQUIS
LEBANESE
»
 6
–
ETUDE
CARTOGRAPHIQUE
DE
LA
PLACE
DES
MARTYRS

3


AVANT‐PROPOS

Cette
 étude
 pourrait
 s’appliquer
 sur
 une
 multitude
 de
 villes.
Il
est
clair,
pourtant,
que
plus
la
situation
est
instable,
 plus
ce
rapport
entre
place
symbolique
et
peuple
est
forte.

 
 




J’ai
choisi
de
m’intéresser
particulièrement
sur
la
ville
de
 Beyrouth
 tout
 d’abord
 par
 curiosité
 personnelle
:
 étant
 d’origine
 libanaise
 maronite,
 ayant
 vécut
 huit
 années
 à
 Beyrouth
et
ayant
déambulée
plus
d’une
fois
sur
cette
place,
 je
 profite
 de
 ce
 mémoire
 pour
 mieux
 comprendre
 cet
 attachement
entre
les
libanais
et
la
place
des
Martyrs.

 De
 plus,
 les
 évènements
 qui
 touchent
 Beyrouth
 sont
 très
 d’actualité.
 Je
 choisi
 ce
 sujet
 quelques
 mois
 après
 la
 deuxième
guerre
libano‐israélienne
de
l’été
2006.

 En
 effet,
 entre
 les
 guerres
 et
 divers
 bouleversements
 politiques,
 cette
 ville
 fut,
 ces
 derniers
 temps,
 fortement
 médiatisée.
 Criblée
 d’évènements
 et
 de
 changements
 brusques
de
situations
depuis
bien
des
années,
la
place
des
 Martyrs
 de
 Beyrouth
 semble
 être
 une
 étude
 de
 cas
 intéressante
à
approfondir.
 
 




Dans
 ce
 contexte
 toujours
 délicat,
 ma
 plus
 grande
 difficulté
fut
le
travail
sur
place
(visite
du
terrain
et
prise
de
 photo,
 mais
 aussi
 accès
 à
 de
 nombreux
 documents
 d’archive).
 Pour
 le
 premier
 reportage
 photo
 (mars
 2008),
 à
 une
période
où
des
tentes
occupaient
la
place,
je
du
jouer
le
 détective
 afin
 de
 voler
 quelques
 photos
 de
 peur
 d’être
 arrêter
ou
questionner
par
les
autorités.
 
 




Dans
cette
vague
d’actualité
sur
Beyrouth,
sur
ses
espaces
 détruits
 par
 la
 guerre
 et
 reconstruit
 par
 le
 peuple,
 de
 nombreuses
 manifestations
 artistiques
 furent
 lancées
 en
 France
et
à
l’étranger.

Deux
expositions
m’ont
principalement
intéressé.


 




La
 première
 nommée
 Beirut
concerne
 une
 exposition
 photographique
 de
 Gabriele
 Basilico
 (
 ‐
 ),
 photographe
 documentariste
 et
 architecte
 de
 formation
 .Présentée
 à
 la
 Maison
 Européenne
 de
 la
 Photographie
 en
 été
 2006,
 elle
 réunit
certaines
photos
inédites
réalisées
lors
de
la
«
Mission
 1 photographique
 de
 Beyrouth
» 
en
 1991
 (après
 la
 première
 guerre
de
1975).
 
 Basilico
recueille,
avec
humilité,
ce
suspens
entre
 le
disparaître
et
l'apparaître,
entre
la
mort
et
la
 résurrection,
et
nous
invite
à
guetter
le
miracle
 de
l'éternel
retour
de
la
vie.
Il
observe
la
ville
 comme
un
corps
vivant,
en
dévoilant
son
 anatomie.
Son
analyse
dépasse
la
simple
 reproduction
formelle
d’un
paysage
urbain
pour
 2 révéler
la
topographie. 
 
 




La
deuxième
:
L’Exposition
Liban
!,
exposée
en
été
2007
à
 la
 Cité
 Internationale
 des
 Arts,
 fut
 lancée
 juste
 après
 le
 conflit
de
l’été
2006.
A
l’initiative
de
Serge
Akl
(directeur
de
 l’Office
du
tourisme
du
Liban),
et
de
Jean
Merhi
(vidéaste
et
 responsable
des
archives‐vidéo
de
la
Maison
européenne
de
 la
 photographie),
 elle
 vise
 à
 observer
 ce
 pays
 à
 travers
 une

1

Projet collectif (Basilico, Depardon, Elkoury, Burri, Koudelka et Frank) en vue d'enregistrer la mémoire du centre ville après la fin de la guerre. Financé par la Fondation Hariri, cette mission donna lieu à la publication d'un livre : Beyrouth centre-ville. 2 Extrait du livret de l’exposition Beirut de Gabriele Basilico.

4


optique
 de
 création
 afin
 de
 le
 rendre
 un
 protagoniste
 de
 culture
et
non
de
douleur.
 
 À
ces
trois
artistes
photographes
de
France
[P.
 Lomascolo,
Anne‐Françoise
Pélissier
et
Robert
 Holden],
s’associent
également
Joanna
 Andraos
et
Caroline
Tabet,
photographes
 libanaises,
qui
abordent
les
thèmes
de
la
 destruction
et
de
l’absence
dans
un
pays
en
 3 perpétuelle
reconstruction. 
 
 




En
 plein
 milieu
 de
 l’élaboration
 de
 ce
 mémoire,
 mi‐juin
 2008,
 un
 livre
 sur
 la
 reconstruction
 de
 la
 place
 des
 Martyrs
 4 parut .
 Ce
 fut
 une
 source
 d’informations
 sur
 le
 devenir
 de
 cette
 place
 et
 son
 impact
 à
 l’échelle
 internationale.
 Cet
 ouvrage
 m’a
 également
 permis
 d’avoir
 un
 nouveau
 regard
 sur
 le
 Concours
 d’idées
 en
 planification
 urbaine
 pour
 la
 reconstruction
 de
 la
 place
 des
 Martyrs
 (Beyrouth
 2004/2005).
 
 A
quoi
fait‐on
référence
lorsqu’on
donne
au
 lieu
une
signification
si
forte
qu’il
en
vient
par
 exemple
à
incarner
à
lui
seul
le
Beyrouth
de
 l’époque
glorieuse,
ou
encore
à
synthétiser
 tous
les
malaises
de
l’après‐guerre
?
La
place
 des
Martyrs,
en
cela,
est
avant
tout
un
lieu
 porteur
d’images
multiples,
contradictoires
et
 révélatrices
à
coup
sûr
des
temps
présents,
 5 mais
aussi,
parfois,
des
temps
à
venir. 
 
 3

Extrait de la brochure Liban ! (cf.annexe 1). Patrimoine
et
guerre
:
reconstruire
la
place
des
Martyrs
à
 Beyrouth,
 Guillaume
 Ethier,
 Cahiers
 de
 l'Institut
 du
 patrimoine
de
l'Uqam,
Multimondes,
Montréal,
2008,
142
 pages. 5 Extrait de l’introduction de Patrimoine et guerre 4

La
particularité
de
la
place
des
Martyrs,
dans
une
 perspective
historique,
réside
essentiellement
dans
la
 stratification
et
l’enchevêtrement
des
rôles
qu‘elle
a
joués
 dans
l’histoire,
souvent
de
manière
simultanée.

 De
son
usage
le
plus
trivial
jusqu’à
ce
qu’il
représente
ce
 qu’il
y
a
de
plus
universel
sur
le
plan
symbolique,
cet
espace
 ne
prend
tout
son
sens
que
parcequ’il
ne
peut
aliéner
sa
 complexité,
se
réduire
par
exemple
à
l’expression
d’une
 seule
idée,
d’une
facette
de
la
vie
beyrouthine.

5


INTRODUCTION
 
 
 La
place
des
Martyrs.
 
 




Cette
recherche
ne
s’intéresse
pas
qu’à
l’histoire
de
cette
 place,
 symbole
 et
 lieu
 de
 représentation
 de
 tout
 le
 peuple
 libanais.
 A
 travers
 cet
 écrit
 consacré
 au
 noyau
 historique
 de
 la
 ville
 de
 Beyrouth,
 il
 y
 a
 une
 leçon
 urbaine
 de
 l’appropriation
de
l’espace.
 Reconnue
 par
 sa
 dimension
 symbolique
 et
 par
 l’activité
 qui
 semble
 l’avoir
 toujours
 habitée,
 la
 place
 des
 Martyrs
 a
 été
 témoin
des
grands
moments
de
l’histoire
du
Liban.
C’est
pour
 cela
 que
 son
 évolution
 semble
 être
 étroitement
 liée
 à
 celle
 de
la
nation
toute
entière.
 Parmi
 les
 seize
 communautés
 religieuses
 coexistant
 à
 Beyrouth,
 entre
 les
 nombreuses
 églises
 et
 mosquées,
 en
 plein
 cœur
 du
 marché
 économique
 et
 touristique,
 entre
 les
 sièges
sociaux,
le
parlement
et
les
cafés
trottoir,
cette
place
 est
la
bouffée
d’oxygène
du
centre
ville
de
Beyrouth.
 
 A
 l’ombre
 des
 évènements
 exceptionnels
 qui
 s’y
 sont
 déroulés
 de
 l’époque
 des
 Médicis
 et
 des
 sultans
 ottomans
 jusqu’à
 l'époque
 contemporaine,
 le
 caractère
 de
 cette
 place
 n’a
cessé
de
se
métamorphoser.

 
 




La
 place
 des
 Martyrs
 est
 considérée
 aujourd’hui
 comme
 haut
 lieu
 de
 représentation
 de
 toute
 une
 population.
 En
 reconstruisant
la
place,
on
y
ajoute
une
nouvelle
couche,
un
 nouveau
 design,
 tout
 en
 sachant
 pertinemment
 que
 nul
 n’arrivera
 jamais
 à
 voiler
 complètement
 les
 strates
 inférieures
 sur
 lesquelles
 elle
 repose.
 Comment
 cette
 place
 joue‐t‐elle
un
rôle
primordial
dans
la
recherche
d’identité
de
 son
peuple?

Ce
 mémoire
 vise
 à
 clarifier
 l’étroite
 relation
 qui
 existe
 entre
 une
 place
 publique
 et
 un
 peuple
 en
 conflit
 constant.
 Deux
 histoires
 parallèles
 se
 développent
;
 histoire
 d’une
 place,
 histoire
d’un
peuple,
qui
se
rencontrent
ponctuellement.
 
 




Comment
peut‐on
lire,
à
travers
les
différentes
strates
de
 la
place
des
Martyrs,
les
rebondissements
et
conflits
de
toute
 une
société
?

 
 Quelles
 sont
 les
 grands
 changements
 qu’a
 connu
 et
 subit
 la
 place
 des
 Martyrs
?
 Suite
 à
 quels
 évènements
?
 Est‐elle
 directement
 affectée
 par
 les
 bouleversements
 sociaux
 et
 politiques
 qui
 touchent
 le
 pays
?
 Comment
 arrivons‐nous
 à
 dégager
 ce
 dialogue
 entre
 la
 place
 des
 Martyrs
 et
 la
 société
 libanaise
?
 
 




J’ai
tout
d’abord
effectuée
une
étude
historique
(ouvrages,
 documents
 et
 photographies
 anciennes
 traitant
 sur
 le
 Liban
 et
 Beyrouth)
 afin
 de
 mieux
 comprendre
 les
 documents
 spécifiques
à
la
place
des
Martyrs.
Parallèlement,
je
me
suis
 intéressée
 aux
 courts‐métrages
 et
 documentaires
 du
 réalisateur
 libanais
 Bahij
 Hojeij,
 très
 impliqué
 quand
 à
 la
 situation
 fragile
 du
 centre‐ville
 de
 Beyrouth.
 Sur
 place,
 des
 entretiens
 avec
 le
 directeur
 général
 de
 Solidère
 (Société
 en
 charge
 du
 projet
 de
 reconstruction
 du
 centre‐ville
 e
 Beyrouth)
 et
 l’accès
 à
 des
 documents
 d’archives
 m’ont
 permis
de
pousser
mon
analyse.

 
 
 
 




Pour
répondre
aux
précédents
questionnements
‐
Quel
est
 l’impact
des
conflits
socio‐politique
de
la
société
libanaise
sur
 la
 place
 des
 Martyrs
?
 ‐
 le
 mémoire
 se
 construit
 à
 travers
 le

6


développement
 des
 trois
 phases
 importantes
 qui
 ont
 rythmées
l’histoire
de
ce
lieu.

 Trois
 phases
 qui
 concernent
 également
 le
 peuple
 libanais
;
 l’évolution
 de
 son
 état
 d’âme,
 résultat
 de
 la
 situation
 de
 l’époque.


 Ainsi,
 à
 travers
 les
 thèmes
 proposés
 (Evolution,
 Métamorphose
 &
 Urbanisation
 –
 Déchirure
 &
 Fragilité
 –
 Requalification
 &
 Recherche
 d’Identité)
 se
 dégage
 ce
 parallèle
 étroit
 entre
 la
 place
 et
 ceux
 qui
 la
 fréquentent
 au
 quotidien.

 
 
 




Depuis
 bien
 des
 années,
 Beyrouth
 est
 victime
 de
 destruction,
 de
 reconstruction.
 Touchée
 par
 de
 grand
 bouleversements
 politiques
 et
 culturels,
 ayant
 subi
 deux
 grandes
guerres.
 La
 place
 des
 Martyrs,
 élément
 historique
 de
 la
 capitale
 libanaise,
a,
malgré
tout,
survécut.

 Elle
 est,
 en
 quelque
 sorte,
 le
 reflet
 de
 toutes
 ces
 perturbations
qui
touchent
le
pays.

7


I

EVOLUTION,
METAMORPHOSE
 
et
URBANISATION

8


I
‐
EVOLUTION,
METAMORPHOSE
et
URBANISATION
 
 
 
 





Beyrouth,
interface
entre
la
mer
et
la
terre,
entre
l’Orient
 et
 l’Occident,
 a
 toujours
 été
 une
 voie
 de
 passage
 et
 l’aboutissement
 des
 grandes
 routes
 caravanières.
 Les
 multiples
 invasions
 et
 civilisations,
 qui
 au
 cours
 des
 siècles
 ont
occupé
la
ville,
ont
stigmatisé
son
tissu
urbain.
 
 




Le
 site
 de
 Beyrouth
 est
 occupé
 par
 l’homme
 depuis
 fort
 longtemps.
 C’est
 à
 l’endroit
 même
 où
 se
 trouve
 aujourd’hui
 la
 place
 des
 Martyrs
 que
 les
 premiers
 groupes
 nomades
 se
 sont
 installés.
 Elle
 jouissait
 en
 effet
 de
 nombreuses
 caractéristiques
 géographiques
:
 il
 s’agissait
 tout
 d’abord
 d’une
 vallée
 fertile
 dans
 laquelle
 coulait
 une
 rivière,
 mais
 aussi
d’un
endroit
hautement
sécurisé
(léger
retrait
derrière
 la
péninsule),
à
l’abri
des
agresseurs
venus
du
large.
 
 




La
première
civilisation
à
y
avoir
édifié
une
petite
Cité‐Etat,
 les
 Canaanéo‐Phéniciens
 (2500
 av.
 J.C.),
 va
 en
 marquer
 profondément
 l’identité
 en
 faisant
 de
 la
 ville
 un
 lieu
 de
 commerce
 et
 d’échange,
 ouvrant
 ainsi
 la
 culture
 locale
 aux
 influences
 les
 plus
 diverses
 venues
 de
 partout
 autour
 de
 la
 Méditerranée.

Les
 études
 sur
 les
 fouilles
 archéologiques
 ont
 également
 6 dégagé
une
présence
romaine
aux
alentour
de
500
av.
J.C.

1
‐
UN
TERRAIN
HORS‐LES‐MURS

Au
 gré
 des
 assaillants,
 la
 ville
 est
 fortifiée,
 puis
 pillée,
 saccagée,
démantelée
et
toujours
reconstruite
en
forteresse
 pour
empêcher
le
retour
de
l’ennemi.
 
 En
 1516,
 à
 la
 suite
 de
 la
 victoire
 du
 sultan
 Salim
 sur
 les
 Mamelouks,
 l’empire
 ottoman
 consolide,
 durant
 les
 quatre
 siècles
à
venir,
son
emprise
sur
l’ensemble
du
pourtour
de
la
 méditerranée.
 
 




Avant
 1876,
 la
 place
 actuelle
 n’était
 qu’un
 ancien
 terrain
 vacant
adjacent
au
Beyrouth
intra‐muros.

 Pour
remonter
à
la
première
appropriation
de
cette
place,
la
 place
de
la
Tour
ou
Sahet
El
Bourj,
il
faut
se
rendre
en
1553,
à
 une
 époque
 où
 Beyrouth
 se
 limitait
 à
 ses
 quelques
 trois
 milles
âmes.
 
 


Selon
 les
 premiers
 plans
 trouvés
 sur
 la
 petite
 ville
 de
 Beyrouth
 (datant
 du
 XVIème
 siècle),
 des
 murailles
 d’un
 kilomètre
et
demie
de
long
encerclaient
la
ville
sur
sept‐cents
 cinquante
mètres
de
longueur
par
quatre‐cents
de
largeur,
la
 surface
 représentant
 ce
 qu’on
 appelle
 aujourd’hui
 le
 centre
 ville
de
Beyrouth.

Vue de l’extérieur des murs de la ville

La péninsule de Beyrouth dans la Méditerranée.

6

Cf. Page suivante : dégagement des tracés romains d’après les fouilles archéologiques et à l’aide des plans actuels du centre-ville

Vue sur les murailles à partir de la mer

La péninsule de Beyrouth dans la Méditerranée.

9


à l’époque Romaine et Médiévale La place 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Schéma du tracé urbain de la Beyrouth Romaine

Croquis du Professeur Lauffray : le forum 
 romain et les monuments l’encadrant tels 
 qu’ils pourraient être intégrés dans l’actuelle 
 place de l’Etoile (Revue « Archéologie et 
 Patrimoine », n°3 janvier 1996)

Berytus Romaine : les nouvelles découvertes archéologiques du centre-ville permettent d’établir des plans de Beyrouth médiévale et romaine.

10


Beyrouth
 ne
 s’ouvrait
 à
 l’extérieur
 que
 par
 sept
 portes
 (Bab
 as‐Santiyyeh,
 Bab
 ad‐Dabbaga,
 Bab
 as‐Saraya,
 Bab
 ad‐ Darkeh,
Bab
Ya’aqub,
porte
est
1
et
2),
chacune
d’elle
confiée
 à
une
famille
grecque
orthodoxe
respectée
par
les
habitants
 de
la
ville.
 La
 porte
 située
 à
 l’extrême
 est
 de
 Beyrouth
 (Bab
 as‐Saraya
 signifiant
 «
la
 porte
 du
 Sérail
»)
 ouvrait
 directement
 sur
 la
 place
hors‐les‐murs.
 Avant
 de
 faire
 partie
 de
 la
 ville,
 et
 d’être
 reconnu
 comme
 place
 des
 Martyrs,
 on
 découvre
 ce
 lieu
 sous
 différentes
 formes.
 
 




Quand
 L’Emir
 Fakhreddine
 accède
 au
 pouvoir
 en
 1590,
 Beyrouth
est
une
petite
ville
à
l’aspect
négligé.
 Il
 fait
 venir
 des
 architectes
 de
 Florence
 pour
 construire
 son
 palais
(le
Sérail)
et
ses
jardins.
Cette
réalisation
de
quelques
 milliers
de
mètres
carrés
fut
construite
vers
le
côté
est
de
la
 ville.
 Le
 palais,
 considéré
 à
 l’époque
 comme
 une
 des
 merveilles
 d’Orient,
 comptait
 plusieurs
 ailes,
 des
 écuries
 et
 une
tour
de
guet
haute
de
vingt
mètres
de
haut.
Des
jardins
 somptueux
entouraient
le
palais,
plantés
de
différents
arbres
 venus
directement
d’Italie.
Il
aménagea
également
un
jardin
 zoologique
abritant
des
animaux
sauvages
venant
des
quatre
 coins
du
contient.
Tout
fut
détruit
en
1882.
 
 




Au
cours
du
XVIIIème
siècle,
cette
place
devient
le
meidan
 de
 Beyrouth,
 sorte
 de
 réserve
 foncière,
 situé
 en
 bordure
 extérieure
de
la
ville
intra‐muros,
temporairement
investie
à
 des
fins
militaires,
comme
l’entrainement
des
cavaliers.
 Mais
on
y
tient
aussi
des
parades,
des
foires
publiques
et
des
 marchés
alimentaires.
 
 En
 juin
 1773,
 la
 ville
 est
 fortement
 endommagée
 par
 les
 bombardements
 de
 La
 marine
 russe.
 Plus
 de
 cinq
 cents
 boulet
de
canon
déferlent
sur
la
ville,
détruisant
les
tours
de
 garde,
le
port
et
une
partie
de
la
ville.

«
Le
bruit
et
les
flammes
étaient
terribles,
Sidon,
 où
l’écho
de
chaque
coup
raisonnait,
en
 7 tremblait
» 
 
 Pendant
 la
 même
 période,
 des
 canons
 sont
 placés
 par
 Catherine
 II
 de
 Russie
 pour
 défendre
 Beyrouth
 des
 assauts
 maritimes
 (Une
 carte
 navale
 britannique
 datant
 de
 1831
 indiquait
leurs
emplacements
précis).
 Le
lieu
reconnu
alors
sous
le
nom
de
place
de
la
Tour
prend
 alors
le
nom
de
place
des
Canons.
 
 




En
1841,
la
tour
n’apparaît
plus,
les
canons
ont
déserté
 mais
 le
 Sérail
 construit
 par
 l’Emir
 Fakhreddine
 reste
 la
 plus
 8 grande
structure
de
Beyrouth
hors‐les‐murs
 .
A
part
ce
Sérail
 et
 son
 jardin,
 le
 terrain
 ne
 présente
 pas
 d’aménagement
 spécifique.
 Encerclé
au
sud‐est
par
les
étendues
de
plantations
de
mûres
 et
 au
 nord
 par
 le
 cimetière
 musulman,
 l’actuelle
 place
 des
 Martyrs
n’était
qu’une
vaste
étendue
déserte
envahie
par
les
 herbes
 folles,
 qui,
 selon
 les
 périodes
 et
 évènements,
 servait
 d’espace
de
foire
et
de
commerce.

Vue sur l’entrée est de Beyrouth

Bombardement marine russe -1773

7

Propos du consul de France à Sidon lors des bombardements de Beyrouth du 2 aout 1773 qui durèrent plus de vingt-quatre heures. 8 Cf. page suivante plan de la ville fortifiée de Beyrouth en 1841 : profitant de la présence de leurs hommes dans les environs de Beyrouth, les « royal engineers » de la flotte britannique dressent des cartes de la ville pour des raisons stratégiques. La cartographie militaire devient dès lors une science et non plus un art. Trois de ces cartes topographiques à grande échelle de Beyrouth et de ses environs trouvés dans le Public Record Office dans le Kent en Angleterre ont été publiées par Michael F. Davie pour la première fois en 1984. Ces cartes nous permettent d’imaginer la ville de Beyrouth telle qu’elle était en 1841 avec ses murailles, ses nombreuses portes (bab), son sérail ses bourjs, ses khans et ses mosquées.

11

Les « Babs » ou portes de la ville.


Beyrouth fortifiée

Carte de 1841 : la place est hors-les-murs, occupée seulement par le Sérail de l’Emir et ses jardins.

12


2
‐
AMORCEMENT
D’UN
ESPACE
PUBLIQUE

Au
 XIXème
 siècle,
 la
 société
 beyrouthine
 a
 produit
 et
 mis
 en
 scène
 des
 lieux
 publics
 qui
 étaient
 des
 espaces
 de
 méditation,
 vecteurs
 de
 la
 vie
 sociale,
 espaces
 dynamiques
 des
valeurs,
des
symboles
et
des
signes
de
la
vie
urbaine.
Ces
 places
sont
progressivement
devenues
les
dépositaires
de
la
 mémoire
urbaine
collective.
 
 




Ce
 n’est
 qu’à
 la
 fin
 du
 XIXème
 siècle
 que
 l’aménagement
 de
cette
place
des
Canons
se
pense
en
tant
que
réel
espace
 public.
 En
 1876,
 Beyrouth
 se
 diffuse
 et
 va
 dépasser
 les
 murailles
 la
 protégeant.
 La
 place
 reste
 un
 espace
 ouvert,
 dont
 les
 limites
 formelles
 ne
 sont
 pas
 établies.
 De
 tous
 les
 cotés,
l’espace
est
bordé
de
secteurs
dont
l’activité
s’organise
 en
 fonction
 de
 ce
 lieu
 de
 transition.
 De
 cette
 place
 part
 la
 route
 de
 Damas,
 processus
 d’ouverture
 sur
 le
 monde
 de
 la
 ville.

Dix
années
plus
tard,
en
1886,
sur
une
initiative
de
Hamdi
 Pacha
(gouverneur
de
la
Syrie)
et
Fakhri
Bey
(président
de
la
 municipalité
de
Beyrouth),
une
place
a
été
construite
avec
un
 jardin
 public,
 du
 style
 turc,
 à
 l’endroit
 même
 qu’occupaient
 les
jardins
de
Fakhreddine.
Dédiée
au
sultan
Abdel
Hamid
II,
 la
place
des
Canons
prendra
le
nom
de
la
place
Hamidiyé.
 
 Le
 dessin
 de
 cette
 place
 est
 inspiré
 des
 jardins
 bourgeois
 construits
en
Europe
à
la
même
époque.
En
1888,
le
n°178
du
 quotidien
thamrat
el
founoun

(les
fruits
de
l’art)
décrit,
dans
 un
article,
des
aperçus
de
cette
place
:
 
 « Sa majesté le président Fakhri Bey installera, au centre de ce parc entouré de balustrades, un monument en marbre, sur lequel seront inscrit les humbles personnes ayant offerts leurs dons pour la réalisation de cet espace. Ce jardin exceptionnel bénéficiera d’espaces pour se reposer ainsi qu’un café où l’on pourrait siroter un café en écoutant des chants patriotiques. D’autres projets d’autant plus divertissants sont prévus sur la place Hamadyé. » 
 
 Les
 ottomans
 l’agrémentèrent
 de
 jardins
 et
 de
 bassins.
 La
 place
s’organisait
autour
d’un
espace
rectangulaire
aux
coins
 arrondis,
entrecoupé
de
tracés
réguliers
traversant
un
jardin
 du
 Vieux
 Sérail
 (construit
 en
 1882)
 et
 sa
 fontaine.
 L’espace
 est
 doté
 d’un
 mobilier
 richement
 décoré
 comprenant
 des

1890 – vue direction nord sur le parc de la place Hamadyé.

Vue direction ouest de la place.

Vue sur le Sérail avec le kiosque en premier plan.

1878 : La vie en dehors les murailles de la ville

13


bassins,
un
kiosque
où
venait
régulièrement
jouer
la
fanfare
 9 turque,
un
café
et
une
toghra 
en
plein
centre.
 Le
 sérail,
 situé
 au
 nord
 de
 la
 place,
 remplaçant
 aussi
 celui
 qu’avait
fait
construire
l’Emir,
il
servit
de
siège
au
gouverneur
 de
la
ville.
 La
 place
 est
 bordée
 de
 tous
 les
 cotés
 de
 constructions
 aux
 façades
 de
 style
 néo‐oriental.
 Dans
 la
 pensée
 des
 travaux
 haussmanniens
 à
 Paris,
 un
 effet
 monumental
 est
 donné
 en
 en
 tentant
 d’aligner
 parfaitement
 les
 édifices
 le
 long
 de
 la
 rue.
 
 




Si
 l’apparence
 de
 la
 place
 semble
 typiquement
 et
 strictement
bourgeoise,
son
activité
est
très
tôt
marquée
par
 l’hétérogénéité
 et
 par
 l’enchevêtrement
 des
 fonctions
 officielles,
nobles
et
populaires.
 
 Ainsi,
 aux
 premières
 constructions
 comme
 Qichlat
 el
 Sawari
 (gendarmerie)
et
le
siège
de
la
banque
ottomane
(de
1892
à
 1906)
 s’ajoutent
 de
 nombreux
 hôtels,
 cafés,
 salons,
 restaurants
et
quelques
maisons
closes.
Plus
tard,
ce
sont
les
 commerces
 de
 toute
 sortes
 qui
 se
 multiplient
 et
 gagnent
 graduellement
 les
 rues
 avoisinantes
 dans
 des
 réseaux
 de
 souks.
 En
1906,
le
tramway
fait
son
apparition
à
Beyrouth
et
c’est
à
 cette
place
que
la
station
centrale
est
construite.
 
 L’apparition
du
tramway
au
Liban
a
donné
un
 coup
de
pouce
au
secteur
industriel
balbutiant
et
 sa
disparition
en
1965
laisse
derrière
elle
plus
 d’un
nostalgique,
rêvant
[
…
]
d’un
heureux
 10 come‐back

9

Sceau de l’autorité ottomane gravé sur une stèle de pierre. 10 Extrait de Rue
de
Damas
d’Antoine
Boulad,
Edition
SAQI,
 2008.

L’hôtel
 Khédivial,
 bien
 connu
 des
 voyageurs
 de
 l’époque,
 la
 remplacera
 les
 locaux
 de
 la
 banque.
 Les
 cinémas
 envahiront
 la
place,
renforçant
son
caractère
ludique,
étant
le
lieu
où
se
 tiennent
toutes
les
grandes
fêtes
populaires
et
parades.
 
 




Au
début
du
XXème
siècle,
la
ville
de
Beyrouth
commence
 à
se
fractionner.
L’unité
de
la
population,
autour
d’une
même
 tradition
 urbaine
 qui
 faisait
 de
 la
 ville
 historique
 une
 entité
 homogène,
fait
place
désormais
à
la
fracture
sociale.
 Entre
 1880
 et
 1910,
 la
 population
 s’accroît
 de
 75
 %.
 Mais
 dans
 sa
 course
 au
 développement,
 la
 ville
 ne
 parvient
 pas
 à
 gérer
 les
 différences
 et
 les
 résistances
 aux
 principes
 d’occidentalisation.

 Dans
 l’intervalle,
 la
 légitimité
 de
 la
 tutelle
 ottomane
 commence
 à
 être
 sérieusement
 remise
 en
 cause.
 Les
 revendications
des
mouvements
nationalistes
arabes
se
font
 de
 plus
 en
 plus
 entendre
 et
 Beyrouth
 devient
 alors
 le
 foyer
 d’une
politique
réformiste
puis
révolutionnaire.
 Face
 à
 la
 résurgence
 des
 agitations,
 les
 nobles
 préoccupations
de
la
place
des
Canons
commencent
à
passer
 au
 second
 plan.
 D’ailleurs,
 les
 évènements
 politiques
 de
 l’époque
 ne
 vont
 pas
 tarder
 à
 enterrer
 son
 image
 bucolique
 au
 profit
 d’une
 image
 institutionnelle
 beaucoup
 plus
 symbolique.
Ainsi,
en
1908,
suite
au
coup
d’état
menant
à
la
 destitution
du
Sultan
Abdel
Hamid
II
et
à
la
proclamation
de
 la
Constitution,
la
place
prend
le
nom
de
place
de
la
Liberté
et
 de
l’Union.
 
 




En
1914,
début
de
la
première
guerre
mondiale,
la
ville
de
 Beyrouth
 est
 occupée
 par
 les
 Ottomans.
 Elle
 est
 sous
 le
 blocus
des
alliés,
et
est
prise
par
la
famine.
En
cette
période,
 la
 peste
 s’installe
 dans
 les
 foyers
 et
 plus
 d’un
 quart
 de
 la
 population
meurt.
Alors
que
 la
Turquie
s’était
 engagée
 dans
 la
 première
 guerre
 mondiale,
 des
 dizaines
 de
 nationalistes
 libano‐syriens
 sont
 arrêtés
 et
 comparaissent
 devant
 la
 cour
 martiale,
inculpés
de
haute
trahison
pour
avoir
maintenu
des
 contacts
étroits
avec
les
Alliés.

14

Le Sérail en 1900.

Le kiosque du parc.

1905 - Ambiance quotidienne autour du café turc à la place Hamadyé.


La place des Martyrs au XIXème siècle 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Carte de 1879 : la ville sort de ses murailles

Carte de 
1907 : les premières lignes de tramway 
 autour de la place Hamadyé.

Les premiers tramways sur la place.

15


L’appellation
 actuelle
 de
 place
 des
 Martyrs
 date
 de
 cette
 époque
 lorsque,
 le
 6
 mai
 1916,
 quatorze
 nationalistes
 libanais
 et
 syriens
 furent
 publiquement
 pendus
 par
 Jamal
 11 Bacha,
le
gouverneur
Ottoman .
 Cette
 place
 devient
 alors
 le
 lieu
 symbolique
 et
 historique
 dédié
à
la
mémoire
des
combattants
pour
l’indépendance
et
 la
liberté.
 
 La
place
des
Canons
se
transmue
en
lieu
 d’expression
de
la
révolte
populaire
contre
 12 l’occupation
et
ses
services
défaillants. 
 
 Une
 année
 plus
 tard,
 la
 base
 militaire
 de
 l’armée
 ottomane
 est
 délocalisée
:
 le
 Vieux
 Sérail
 disparaît.
 A
 sa
 place
 s’implantera
 pour
 la
 dernière
 fois
 le
 Petit
 Sérail
 (faisant
 référence
 au
 Grand
 Sérail,
 base
 militaire
 de
 l’armée
 ottomane,
 d’une
 emprise
 plus
 importante
 mais
 assez
 éloignée
de
la
place
des
Martyrs).
 
 




Pour
chasser
ces
nuages
lourds
et
à
l’initiative
des
Français
 (le
 mandat
 français
 date
 de
 1920
 jusqu’à
 1940),
 une
 foire
 importante
fut
organisée
en
1921
et
regroupa
des
artisans
et
 des
antiquaires
venus
de
tout
le
Liban.

En
 1920,
 les
 jardins
 du
 Petit
 Sérail
 adoptent
 un
 style
 très
 quadrillé
 de
 jardin
 à
 la
 française
 la
 petite
 place
 ronde
 a
 été
 13 remplacé
par
le
Maarad 
de
Beyrouth.
Le
discret
point
d’eau
 du
 jardin
 ovale
 laisse
 place
 à
 une
 imposante
 fontaine
 rectangulaire,
 accessible
 par
 deux
 allées
 plantées
 de
 part
 et
 d’autre.
Les
voitures,
stationnées
tout
autour
et
tout
le
long
 de
la
place,
remplacent
les
calèches
et
les
kiosques.
 
 La
place
apparaît
alors
sous
un
autre
aspect
:
la
direction
de
 la
 police
 libanaise
 occupe
 les
 locaux
 de
 l’ancien
 hôtel
 Khédivial
 et
 de
 nombreux
 cinémas
 célèbres
 poussent
 entre
 les
 cafés.
 Avec
 le
 Dunia
 et
 le
 Roxy,
 le
 cinéma
 Rivoli
 reste
 le
 plus
célèbre,
remplaçant
le
Petit
Sérail,
rasé
en
1950.
 En
 1932,
 L’Opéra,
 un
 autre
 «
cinéma‐theatre
»,
 s’implantera
 là
où
rayonnait
jadis
le
palais
de
l’ancien
Emir.
 
 La
 place
 des
 Martyrs
 se
 transforme
 en
 une
 réelle
 gare
 routière
avec
ses
klaxons,
les
vociférations
des
chauffeurs,
le
 vacarme
de
la
rue,
des
commerces,
des
souks
et
le
ballée
de
 sa
population
bariolée
en
perpétuel
mouvement.
 
 Du
 côté
 sud
 du
 jardin
 a
 été
 érigé,
 en
 1930,
 un
 monument
 représentant
 les
 Martyrs.
 Une
 statue
 en
 pierre,
 les
 pleureuses,
de
Youssef
Hoyek
(1883‐1962),
sculpteur
libanais,
 grand
ami
de
Gebran
Khalil
Gebran,
symbolise
deux
femmes.
 L’une
 musulmane
 et
 l’autre
 chrétienne
 (symbolisant
 d’une
 part
les
martyrs
musulmans,
d’autre
part
les
chrétiens),
elles
 unissent
leurs
peines
avec
leurs
mains
entrelacées
et
posées
 sur
une
jarre
conservant
les
cendres
des
défunts.

 Elle
représentaient
également
l’union
des
ethnies
qui
régnait
 chaque
jour
en
ce
lieu.

La foire de 1921.

11

Cf. En annexe la liste des Martyrs. 12 Extrait de May Davie dans La formation historique de la place des Canons.

Les souks de la place des Martyrs.

13

Structure sur une place, apte à accueillir des étalages et aménagements pour des souks.

16


Considérées
 comme
 pas
 assez
 «glorieuses»,
 les
 pleureuses
 n’on
 connu
 qu’heurs
 et
 malheurs:
 Attaquées
 par
 coups
 de
 hache
 par
 un
 inconnu
 en
 1948,
 déboulonnées
 par
 un
 autre
 en
 1960,
 elles
 furent
 retrouvées
 enduites
 de
 goudron
 dans
 un
 dépôt
 avant
 d’être
 finalement
 restaurées
 et
 exposées
 dans
le
jardin
du
musée
Sursock.
 
 




En
 ce
 début
 de
 période,
 la
 place
 connut
 une
 animation
 légendaire.
 Le
 jardin
 ruisselait
 de
 bruits,
 de
 cris,
 d’interjections
 et
 de
 musique.
 Les
 calèches
 allaient
 et
 venaient
 dans
 un
 tintement
 de
 clochette
 et
 les
 cafés
 regroupaient
 les
 portefaix,
 les
 journaliers
 et
 les
 hommes
 au
 14 tarbouche 
vissé
sur
la
tête
qui
venaient
y
refaire
le
monde.
 Les
marchands
ambulants
servaient
des
limonades
fraiches
et
 15 les
 hakawatis 
 enchantaient
 l’auditoire.
 Cette
 place
 était
 synonyme
de
vie,
de
sons,
de
couleurs
et
d’exubérance.

Les pleureuses de Hoyeck

Les hakawatis.

Les portefaix..

14

Chapeau traditionnel libanais de couleur rouge. 15 Comédiens de rue qui contaient et théâtralisaient les exploits militaires dans une ambiance improvisée dans le style de théâtre de rue.

17


Beyrouth hors les murailles, début XXème siècle

Carte de 1841 à 1912 : les nouvelles voiries (zones en gris foncée), témoignent la nécessité d’une circulation plus importante et l’arrivée de traitement des tramway (premier système de transport en commun).

Carte 1920 : une place des Martyrs moins étroites, plus spacieuse, pour répondre à la création de ces nouvelles voies, de ces nouveaux flux routiers.

18


3
‐
EPANOUISSEMENT
MAXIMAL
–
LE
BEYROUTH
DE
L’AGE
D’OR
 
 
 
 




Au
 XXe
 siècle,
 Beyrouth,
 poussé
 par
 des
 facteurs
 économiques,
 sociaux
 et
 démographiques,
 connaît
 un
 essor
 spectaculaire.
 
 Elle
entame
son
ascension
commerciale,
notamment
grâce
à
 l'essor
de
l'économie
de
la
soie
dans
l'arrière‐pays.

 Tout
 au
 long
 de
 ce
 siècle,
 malgré
 les
 désaccords
 entre
 communautés
 religieuses,
 Beyrouth
 renforce
 son
 rôle
 de
 plaque
tournante
financière.

 A
 partir
 des
 années
 1960,
 la
 capitale
 draine
 les
 pétrodollars
 et
les
recycle.
C'est
le
plus
grand
centre
d'affaires
du
Proche‐ Orient,
c'est
aussi
une
République
des
Lettres
et
une
oasis
de
 liberté.

 
 Ainsi,
 la
 place
 des
 Martyrs
 était
 le
 cœur
 économique
 du
 Liban,
 la
 terre
 fertile
 des
 banques,
 les
 souks
 les
 plus
 importants
 du
 Moyen‐Orient
 et
 le
 plus
 grand
 port
 commercial
de
la
Méditerranée
orientale.
 
 




Elle
 était
 aussi
 le
 cœur
 artistique,
 là
 où
 artistes,
 penseurs
 et
philosophes
des
lumières
se
retrouvaient
dans
un
des
deux
 cafés
philosophique.
C’était
l’un
des
lieus
de
rencontre
(avec
 la
rue
Hamra),
de
tous
les
intellectuels
libanais
et
arabes
qui
 fuyaient
 les
 régimes
 autoritaires
 des
 pays
 voisins
 ou,
 simplement,
les
milieux
peu
propices
à
la
diffusion
des
idées
 progressistes.
 L’un
 des
 grands
 centres
 de
 la
 renaissance
 culturelle
 arabe,
 elle
se
dote
des
infrastructures
modernes
qui
la
feront
choisir
 en
1920
comme
capitale
du
Grand
Liban
et
siège
du
mandat
 français,
puis
de
la
République
libanaise
en
1926.

Au
cours
de
cette
période
frénétique,
à
partir
de
1950,
la
ville
 devient
 une
destination
 touristique
importante
 (surnommée
 la
Suisse
de
l’Orient),
d’où
la
construction
à
cette
époque
de
 nombreux
hôtels.

 On
 y
 trouvait
 également
 des
 divertissements
 de
 tout
 genre,
 pour
tous
les
âges
avec
les
cinémas
et
bordels.
 
 La
 petite
 ville
 cloitrée
 du
 début
 du
 siècle
 voit
 sa
 population
 monter
en
flèche
en
passant
des
quelques
trois
milles
âmes
à
 plus
de
cent
mille
au
début
du
XXème
siècle.
 
 




Sur
 la
 place
 des
 Martyrs,
 le
 22
 novembre
 1943,
 jour
 qui
 deviendra
le
jour
de
l’indépendance
du
Liban,
se
regroupa
la
 population
 pour
 célébrer
 la
 libération
 du
 leader
 national
 libanais
emprisonné
par
les
français
à
la
citadelle
de
Rachaya.

Vue sur la place avec le Petit Sérail au bout de la perspective nord aux alentours de 1930

Rassemblement le 22 novembre 1943, jour de l’indépendance

19


C’est
 avec
 l’arrivée
 du
 mandat
 français
 que
 la
 place
 acquiert
 alors,
 aux
 alentours
 de
 1950,
 son
 aspect
 quasi
 actuel
:

 Elle
 est
 élargie
 dans
 l’axe
 nord‐sud
 et
 au
 bout
 de
 la
 perspective
 Nord,
 à
 l’emplacement
 initial
 du
 Petit
 Sérail,
 la
 place
se
heurte
au
cinéma
Rivoli
qui
tourne
le
dos
à
la
mer.
 
 Un
 monument
 en
 bronze
 à
 l’effigie
 des
 martyrs,
 sculpté
 par
 un
italien
du
nom
de
Mazzucati
aux
alentour
de
1960,
prend
 la
place
des
pleureuses
de
Hoyeck.
 
 Elle
 est
 délimitée
 par
 les
 souks
 Sursock
 et
 Nourieh
 à
 l’Ouest
 et
les
«
quartiers
chauds
»
de
la
ville
à
l’Est.
 Au
Sud,
bien
qu’interrompue
par
l’intersection
de
la
rue
Emir
 Béchir,
la
place
donne
naissance
à
deux
artères
principales
de
 la
 ville,
 l’ancienne
 rue
 de
 Damas
 et
 la
 plus
 récente
 Avenue
 Bechara
El
Khoury.
 
 Ce
 Beyrouth
 de
 l'âge
 d'or
 oscille
 entre
 deux
 images
 contradictoires
:
celle
d'une
métropole
ouverte
à
tous
vents,
 ville
 ouverte
 moderne,
 à
 la
 fois
 orientale
 et
 occidentalisée,
 cosmopolite
 au
 point
 d'avoir
 développé
 une
 culture
 sans
 grand
 rapport
 avec
 ce
 qui
 l'entoure
 et
 celle
 d'une
 ville
 qui
 serait
le
berceau
de
la
culture
arabe
contemporaine.
 
 Beyrouth,
métropole
arabe
méditerranéenne
 16 occidentalisée 
 
 




C’est
 durant
 cette
 période
 que
 la
 place
 des
 Martyrs
 se
 transforme
en
un
lieu
jovial,
dynamique
et
polyvalent.

Des
 églises,
 des
 mosquées,
 des
 fontaines,
 des
 cafés,
 des
 auberges,
 des
 souks,
 des
 calèches,
 des
 tramways
 et
 des
 bus
 s’articulaient
autour
de
ce
point
de
départ
qui
était
autant
de
 zone
d’arrivée
pour
les
milliers
d’habitant
que
de
repère
,
de
 lieu
de
rencontre
et
d’échange.
 

 Le
souk,
les
autobus
rouges
et
jaunes,
les
 cinémas
et
leurs
affiches
criardes,
les
 17 marchands
ambulants
et
les
badauds. 
 
 Issu
d’un
reportage
sur
ses
souvenirs
d’enfance,
Samir
Kassir
 (1960‐2005),
 historien
 et
 journaliste
 libanais,
 mentionne
 à
 mainte
 reprise
 cette
 ambiance
 de
 foule
 bruyante
 et
 de
 voitures
américaines
rythmant
sans
cesse
l’espace.
 
 Le
cœur
de
Beyrouth
était
un
plaisir
pour
les
yeux.

 Deux
cents
ans
d’histoire
et
d’architecture
Méditerranéenne
 étaient
 encore
 préservés
 sur
 les
 façades
 d’immeubles
 qui
 rappelaient
 tour
 à
 tour
 Florence,
 Gêne,
 Marseille,
 Venise,
 Salonique
et
Istanbul.
Un
parfum
d’épices
des
anciens
souks,
 mêlé
 a
 celui
 du
 café
 renvoyé
 par
 les
 nombreux
 vieux
 cafés
 pittoresques,
flottait
sur
ces
lieux.
 
 [
…
]
Beyrouth,
ville‐jardin,
était
l’une
des
plus
 belles
villes
de
la
méditerranée
et
des
plus
 agréables
à
vivre
pour
tous
ses
habitants
sans
 distinction
d’appartenance
sociale
ou
de
 18 fortune.

17

16

Définition de Beyrouth selon l’historien Samir Kassir.

Extrait des propos de Samir Kassir dans son livre Histoire de Beyrouth. 18 Extrait de la préface de Gaby Daher dans le Beyrouth des années 30.

20

La place dans les années 50 avec le cinéma Rivoli au bout de la perspective et l’arrivée massive des automobiles.


La place du XXème siècle : lieu de divertissement

cinémas : EMPIRE, OPERA et RADIOCITY Les

Les cinémas sur la place 1937 – 1969 – 1974

Le « quartier rouge » partants de la place des Martyrs : chez Marica, filles de joie.

21


Beyrouth et le centre-ville sous l’occupation du mandat Français :

Le « Master Plan » de 1930 indiquant les nouveaux tracés de tramway et la destruction du petit Sérail

Le Plan Ecochard de 1963 montre la convergence de toutes les voies sur la place des Martyrs

22


Comme
épargné
des
horreurs
qui
agitaient
le
monde
 extérieur,
Beyrouth
continuait
à
vivre
de
sa
propre
vie
à
son
 propre
rythme,
loin
de
la
guerre
froide,
du
conflit
Israélo‐ arabe,
des
différends
entre
les
régimes
Arabes.
 
 En
ces
temps‐là,
la
place
et
son
centre‐ville
sont
symboles
de
 la
réussite
économique
et
financière
du
Liban.
 Creuset
 de
 la
 coexistence
 sociale
 et
 confessionnelle,
 les
 églises,
mosquées
et
synagogues
de
Beyrouth
représentaient
 véritablement
 une
 symbiose
 unique
 de
 cultures
 et
 de
 croyances
 différentes,
 les
 seuls
 critères
 en
 vigueur
 étant
 la
 famille,
 la
 profession,
 le
 quartier
 et
 l’amitié
 millénaire
 entre
 les
différences.
 
 




Le
 Suisse
 de
 l’Orient
 va
 voir
 le
 dynamisme
 de
 ces
 beaux
 jours
 disparaître
 brutalement,
 comme
 si
 les
 excès
 de
 la
 modernisation
effrénée
à
l’âge
d’or
avaient
servi
d’étalon
de
 mesure
à
ceux
de
la
guerre
civile.

La place dans les années 70 avec la stèle des Martyrs et l’arrivée des bus remplaçant les tramways.

23


24


II

DECHIRURE
et
FRAGILITE

25


II
‐
DECHIRURE
ET
FRAGILITE
 
 
 
 




A
partir
de
1975,
la
guerre
devient
le
langage
privilégié
de
 la
politique.

 Langage
 de
 l'imprévoyance,
 de
 l'impuissance,
 de
 19 l'irresponsabilité,
 que,
 selon
 Samir
 Kassir ,
 seul
 eût
 pu
 écarter
 «un
 personnel
 politique
 d'une
 plus
 grande
 envergure».
 

 Pour
plusieurs,
la
guerre
civile
est
le
retour
d’une
une
société
 qui
 avait
 couvé
 certaines
 dissensions
 internes
 depuis
 trop
 longtemps,
 notamment
 sur
 la
 question
 du
 traitement
 de
 faveur
réservé
à
la
minorité
maronite
par
les
Français
lors
du
 20 mandat. 
 Selon
Michel
Fani,
écrivain
libanais,
c’est
précisément
dans
le
 silence
 des
 oubliés
 de
 l’Etat,
 mais,
 plus
 généralement
 dans
 celui
 des
 oubliés
 de
 la
 modernité,
 qu’est
 née
 la
 guerre
 du
 Liban,
le
berceau
d’une
des
guerres
civiles
les
plus
sanglantes
 du
XXème
siècle.
 
 Pendant
 des
années,
obsessionnellement
 présentes
 dans
 les
 colonnes
 de
 journaux
 et
 sur
 les
 écrans
 de
 télévision,
 les
 agitations
de
la
société
libanaise
ne
tardèrent
pas
à
se
voiler
 d'incompréhensions,
à
désorienter
et
perdre
des
citoyens
de
 bonne
 volonté,
 si
 désireux
 qu'ils
 soient,
 de
 déchiffrer
 l’énigme.

Diffusé
 médiatiquement
 comme
 simple
 confrontation
 entre
 musulmans
et
chrétiens,
il
s’agit
réellement
d’une
guerre
de
 toutes
les
représentations
identitaires
à
l’intérieur
de
l’unité
 politique
libanaise,
ce
qui
explique
en
partie
les
conflits
intra
 confessionnels.
 
 Les
 médias
 projettent
 des
 images
 de
 Beyrouth
 en
 ruines,
 finissant
par
banaliser
l'horreur,

 Des
déclarations
impossibles
à
interpréter
pour
quiconque
ne
 connaissait
 que
 superficiellement
 les
 attaches
 et
 les
 visées
 des
principaux
protagonistes,
 Des
 analyses
 simplificatrices,
 reflétant
 les
 préjugés
 et
 partis
 pris
de
leurs
auteurs
plutôt
que
les
enjeux
du
conflit.

19

Samir Kassir, la Guerre du Liban, de la dissension nationale au conflit régional, Karthala (Paris) et CERMOC (Beyrouth), 1994 20 le « Pacte national » conclu en 1943 institue un système de représentation confessionnelle, dans lequel, en déclinaison selon l’importance, le président de la République est maronite, le président du Conseil (le premier ministre) est sunnite et le président du Parlement est chiite. Les dégâts du centre-ville et les barricades au début de la guerre de 1975.

26


1
‐
LA
PLACE
DES
MARTYRS
DURANT
LA
GUERRE
DE
1975,
A
L’IMAGE
D’UNE
SOCIETE
FRAGILE
 
 
 
 




En
1975,
la
guerre
éclate
entre
les
différentes
confessions
 qui
 constituent
 le
 pays.
 La
 Phalange,
 la
 plus
 importante
 des
 milices
 extrémistes
 chrétiennes
 et
 le
 mouvement
 national
 musulman
 coupe
 Beyrouth
 en
 deux
 secteurs
 antagonistes
 distincts:
 l’est
 étant
 contrôlé
 par
 les
 milices
 chrétiennes
 tandis
 que
 l’ouest
 était
 contrôlé
 par
 les
 palestiniens
 et
 ceux
 du
mouvement
national.
 
 




Durant
cette
période
de
guerre
et
les
premières
années
de
 reconstruction,
 l’image
 de
 cette
 place
 se
 rapproche
 étroitement
de
la
Potsdamer
Platz
à
Berlin.

 En
 effet,
 la
 représentation
 du
 mur
 de
 Berlin
 pour
 les
 allemands
 rappelle
 fortement
 celle
 de
 la
 «
ligne
 verte
»
 imaginaire
pour
les
libanais.
 
 




Les
 «
deux
 Beyrouths
»
 (Beyrouth‐Ouest
 majoritairement
 musulmane
 et
 Beyrouth‐Est
 majoritairement
 chrétienne)
 sont
 divisées
 par
 une
 ligne
 de
 démarcation
 que
 personne
 n’ose
pénétrer
:
la
ligne
verte.

 Traversée
par
cette
ligne
(dans
un
axe
nord‐sud
tout
le
long
 de
 la
 rue
 de
 Damas),
 la
 vaste
 place
 des
 Canons
 n’a
 jamais
 aussi
bien
porté
son
nom.

 
 Devenu
à
la
fois
espace
désert
et
champ
de
bataille,
les
 immeubles
tout
alentour
sont
devenus
du
gruyère
mais
sont
 restés
debout.
Le
monument
à
l’effigie
des
Martyrs
est
criblé
 de
balles,
amputé
mais
toujours
debout.
 
 La
 place,
 quadrillée
 par
 des
 meurtrières,
 abandonnée
 aux
 pilleurs
 et
 désertée
 par
 les
 commerçants
 du
 centre‐ville,
 devient
lieu
de
répulsion
et
d’exclusion
de
tous
contre
tous,
 un
 véritable
 No
 man’s
 land
 vidé
 de
 ses
 habitants
 et
 de
 ses
 usagers.

Terrain
 de
 chasse
 idéal
 où
 l’on
 pouvait
 rencontrer
 des
 gens
 de
 toutes
 les
 communautés,
 donc
 forcément
 celles
 des
 «
Autres
»,
 la
 ligne
 verte
 était
 non
 pas
 l’expression
 d’une
 dualité
 historique
 de
 la
 ville,
 mais
 plutôt
 celle
 de
 la
 crise
 existentielle
de
la
ville
elle‐même,
conséquence
de
l’échec
de
 l’État‐Nation
libanais.
 

 




Autrefois
 le
 cœur
 et
 le
 centre
 dynamique
 de
 Beyrouth,
 cette
 place
 se
 résume
 alors
 à
 un
 plateau
 de
 végétation
 luxuriante
;
 herbes
 sauvages
 et
 figuiers
 envahissant
 l’asphalte.
La
force
principale
du
centre‐ville
devenait
ainsi
sa
 principale
 faiblesse
:
 pour
 se
 venger
 ou
 pour
 faire
 politiquement
 pression,
 pour
 faire
 passer
 u
 n
 message
 ou
 pour
 se
 faire
 un
 nom,
 les
 milices
 commençaient
 à
 la
 considérer
comme
un
lieu
de
violence
«
légitime
»,
un
espace
 privilégié.
Comme
une
jungle
urbaine
coupant
la
capitale
en
 deux,
cette
scissure
n’a
jamais
aussi
bien
reflété
l’état
d’âme
 des
libanais
durant
cette
guerre
de
quinze
ans.
 
 A
mon
retour
au
Liban
durant
l’été
1977
à
la
 faveur
d’une
accalmie
après
la
tempête,
je
 décidai
sur
un
coup
de
nostalgie
de
me
rendre
 sur
la
ligne
de
démarcation
où
s’étaient
 déchirées
les
factions
et
les
communautés
de
 la
société
libanaise.
Khadige,
au
milieu
des
 décombres,
officiait
comme
un
ermite,
dans
 cette
rue
de
Damas
qui
ressemblait
à
un
trou
 de
mémoire.
De
part
et
d’autre,
les
belligérants
 chrétiens
et
musulmans,
libanais
et
 21 palestiniens,
avaient
échangé
leurs
plaies. 
 21

Extrait de Rue
de
Damas
d’Antoine
Boulad,
Edition
SAQI,
 2008.

27

La ligne verte en 1985 (deux images du haut) et à la fin de la guerre (1991).


Durant
la
nuit
du
douze
au
treize
août
1961,
le
«
mur
de
la
 honte
»
 est
 érigé
 en
 plein
 Berlin.
 Séparant
 physiquement
 la
 ville
 en
 Berlin‐Est
 et
 Berlin‐Ouest,
 ce
 simple
 mur
 concrétise
 ce
 qu’était
 la
 ligne
 imaginaire
 de
 la
 place
 des
 Martyrs
 pour
 Beyrouth.
Une
séparation
contrôlée
et
sans
pitié.

 Plusieurs
centaines
d’allemands
ont
perdu
la
vie
en
essayant
 de
la
franchir,
les
garde‐frontières
et
soldats
n’hésitant
pas
à
 tirer
sur
les
fugitifs.
 
 




Comme
la
place
des
Martyrs
au
Liban,
la
Potsdamer
Platz
 était,
 dans
 les
 années
 1920
 à
 1930,
 un
 des
 centres
 les
 plus
 animés
du
pays
et
d’Europe.
 La
plupart
des
bâtiments
de
la
place
furent
détruits
au
cours
 des
bombardements
intensifs
de
la
fin
de
la
Seconde
Guerre
 Mondiale.

 En
 1963,
 la
 place,
 coupée
 en
 deux,
 devint
 un
 endroit
 complètement
désolé
et
délaissé.
 
 Certaines
 scènes
 du
 film
 de
 Wim
 Wenders
 «
les
 Ailes
 du
 Désir
»,
 tournées
 en
 1987
 sur
 cette
 Potsdamer
 Platz
 dénudée,
donnent
une
bonne
image
de
ce
qu’étaient
la
place
 des
Martyrs
et
ses
environs
à
l’époque.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Durant le tournage de « Der Himmel Uber 
 Berlin » Wim Wenders, 1987 – titre français « Les Ailes du Désir ».

La
place
publique
et
le
mur
sont
le
recto
et
le
verso
d’une
 même
 réalité,
 ils
 sont
 les
 modalités
 antagoniques
 de
 la
 médiation
entre
la
Société
et
l’Etat.
 Dans
 un
 cas
 comme
 dans
 l’autre,
 c’est
 la
 responsabilité
 des
 détenteurs
du
pouvoir

face
à
la
société
qui
est
en
jeu
et
il
n’y
 a
 que
 l’une
 des
 deux
 formes
 (la
 place
 publique)
 qui
 correspond
à
l’idéal
démocratique
de
la
libre
expression
des
 citoyens.
 
 




Le
 confessionnalisme
 politique,
 la
 structure
 d'un
 Etat
 construit
 par
 la
 France
 autour
 des
 maronites,
 les
 disparités
 économiques
 et
 sociales,
 avec
 les
 «
 ceintures
 de
 misère
 »
 autour
des
quartiers
riches,
et
enfin
le
clientélisme
pratiqué
à
 leur
 profit
 par
 des
 familles
 de
 notables,
 conféraient
 à
 la
 société
 libanaise,
 en
 dépit
 de
 sa
 vitalité
 culturelle,
 une
 extrême
fragilité.
 
 Dans
cette
région
du
monde
où
notre
 appartenance
communautaire
tisse
indéfiniment
 l’écheveau
de
notre
identité,
je
n’aurai
 finalement
réussi
ni
à
devenir
Français,
ni
à
 rester
Syrien.
Pleinement
libanais,
je
ne
le
suis
 pas
pour
autant.
Ni
réellement
moi‐même
!
 J’aurai
néanmoins
appris
à
décliner
la
mort
à
 22 tous
les
temps,
sans
l’apprivoiser. 
 
 Cette
 fragilité
 interne
 sera
 soumise
 à
 rude
 épreuve
 par
 23 l'influence
 déstabilisatrice
 d'événements
 extérieurs 
 qui
 bousculent
 les
 perceptions
 superficielles
 de
 l'identité
 nationale.

La place des Martyrs, un No Man’s Land envahie par la végétation.

22

Extrait de Rue
de
Damas
d’Antoine
Boulad,
Edition
SAQI,
 2008.
 23 Impact
 des
 rivalités
 américano‐soviétiques,
 défaite
 des
 Arabes
 dans
 la
 guerre
 de
 six
 jours
 (1967),
 afflux
 de
 Palestiniens
qui
trouvent
au
Liban
une
«
base
sûre
»,
guerre
 israélo‐arabe
de
1973,
interventions
israélienne
et
syrienne.

28

Bombardement du cinéma Rivoli.


Beyrouth et le centre-ville durant la guerre de quinze ans. 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 La ligne verte 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Le mur de Berlin

29


Beyrouth et le centre-ville durant la guerre de quinze ans.

Le tracé de la ligne de démarcation dans Beyrouth et en poché gris foncé les principales zones d’affrontement.

Aperçu plus rapproché de cette ligne de démarcation sur la place des Martyrs au milieu de la guerre (1882). (Source : Michael Davie « La formation historique de la place des canons»)

30


La
 place des Martyrs en 1989 ou la ligne verte

31


A
cette
époque,
tout
événement
qui
annonce
un
espoir
pour
 certains
libanais
apparaît
à
d'autres
comme
une
menace.
 
 
 Peu
de
villes
dans
l’histoire
ont
été
aussi
 défigurées
que
Beyrouth
[
…
],
la
disparition
des
 jardins
privés
entourant
les
maisons
qui
avaient
 fait
la
beauté
de
Beyrouth,
était
devenue
 générale.
Le
ciment
envahissait
tout
et
des
 immeubles
à
l’architecture
parfois
innommable
 poussaient
çà
et
là
de
façon
anarchique,
 s’étouffant
les
uns
les
autres
et
violant
sans
 vergogne
tous
les
règlements.
La
corruption
 générale
régnant
dans
les
services
de
la
 municipalité
et
de
l’urbanisme
avait
permis
le
 massacre
cous
le
couvert
de
simples
amendes.
 La
conséquence
avait
été
l’augmentation
 24 abusive
du
nombre
d’étages
autorisés 
et
la
 suppression
presque
totale
de
tous
les
garages
 d’immeuble,
entrainant
un
engorgement
de
la
 25 circulation
et
des
embouteillages
inextricables. 
 

 
 Le
 Beyrouth
 des
 trois
 B
 (Banque,
 Baccarat,
 Bordel)
 n’existe
 plus.
 Il
 n’est
 plus
 que
 paysage
 de
 ruines
 avec
 figure
 hallucinées
ou
closes.

Les constructions « hors-normes » effectuées pendant la guerre.

24

Voir première image du haut. Extrait de la préface de Gaby Daher dans le Beyrouth des années 30 25

Les stigmates de la guerre.

32


2
‐
REVELATION
ARTISTIQUES

La
 guerre
 civile
 se
 solde
 quelque
 part
 à
 l’automne
 1990,
 quand
 l’accalmie
 temporaire
 s’avère
 durable
 et
 quand
 les
 feux
ont
été
éteints
à
peu
près
partout.
 
 La
fin
du
conflit
se
présente
avec
l’entrée
décisive
de
l’armée
 syrienne
 comme
 agent
 de
 l’ordre
 sur
 le
 territoire
 libanais
 et
 26 la
 grave
 crise
 économique 
 en
 cours
 provoquant
 l’épuisement
des
ressources
des
milices.
 
 




Après
les
souvenirs
de
ce
silence,
entrecoupé
des
bruits
de
 la
 guerre,
 pesant
 et
 lourd,
 déchirant
 et
 long,
 les
 représentations
 artistiques
 essayent
 de
 redonner
 vie
 à
 la
 place,
à
son
peuple.
 
 Un
 soir
 de
 septembre
 1994,
 la
 place
 de
 tous
 les
 martyrs,
 inondée
 de
 lumière,
 résonne
 d’espoir
 avec
 la
 voix
 de
 27 Fayrouz 
 (1935
 ‐
 ),
 plus
 grande
 chanteuse
 libanaise
 connue
 jusqu’à
présent.
Devant
quarante
mille
nostalgiques,
au
cœur
 de
la
place
libanaise
dévastée,
Fayrouz
rechante
Beyrouth.
 La
 réappropriation
 de
 la
 cité
 devait
 être
 une
 étape
 indispensable
pour
la
reconstruction
du
pays.
La
grande
diva
 donna
son
récital,
premier
moment
de
communion
collective
 pour
un
peuple
sorti
de
quinze
ans
de
brûlures.

 Les
 années
 suivantes
 Fayrouz
 ne
 reviendra
 pas
 et
 ses
 nombreux
 fans
 devront
 quitter
 la
 ville
 pour
 assister
 à
 ses
 prestations
aux
festivals
de
Baalbeck
et
de
Beiteddine.
 26

Durant la guerre, la livre libanaise a été dévaluée d’à peu près 1000% et a été virtuellement remplacée par le dollars. Depuis 1992, l’économie s’est rapidement relevée. 27 Née sous le nom de Nouhad Haddad, son nom de scène, Fairuz (orthographié Fairouz ou Fayrouz) signifie turquoise en arabe.

Plus
 tard,
 au
 lendemain
 d’une
 autre
 guerre
 (guerre
 israélo‐ libanaise
 en
 été
 2006),
 le
 célèbre
 chanteur
 pop
 Mika
 choisi
 de
clôturer
sa
tournée
mondiale
pour
son
premier
disque
sur
 cette
même
place
devant
plus
de
15
000
spectateurs.

 
 Ce
soir
là,
la
foule
en
liesse
a
remplacé
les
foules
 28 en
deuil. 
 

 
 




Parallèlement,
 le
 9
 novembre
 1989,
 le
 grand
 spectacle
 berlinois,
avec
la
chute
du
mur
de
Berlin,
symbolise
la
reprise
 de
 la
 vie
 et
 du
 dialogue
 par‐delà
 le
 mur,
 réduit
 à
 l’état
 de
 poussière.

 Huit
mois
plus
tard,
le
21
juillet
1990,
Roger
Waters
(1943‐
)
 ex
 membre
 des
 Rolling
 Stones,
 organise
 un
 concert
 sur
 la
 Potsdamer
 Platz
 vide
 de
 construction
:
 il
 se
 produit
 sur
 une
 scène
gigantesque
pour
une
représentation
de
The
Wall
afin
 de
 commémorer
 la
 fin
 de
 la
 séparation
 entre
 les
 deux
 Allemagne.
De
nombreuses
autres
célébrités
y
participèrent.

28

Les concerts sur la place : 40 000 en 1994, 15 000 en 2007

Propos du quotidien An-Nahar au lendemain du concert. L’installation temporaire en bois

33


Les
 expositions
 temporaires,
 à
 leurs
 tours,
 tentent
 de
 rythmer
et
de
dynamiser
la
place
dénudée
en
apportant
de
la
 fraicheur
 artistique
 de
 tout
 genre.
 Insolite,
 monumentale,
 traditionnel,
 les
 artistes
 se
 laissent
 approprier
 la
 place
 des
 Martyrs
d’après‐guerre.
 
 Bien
 que
 la
 dernière
 installation
 temporaire
 tienne
 le
 coup
 (un
 monument
 en
 bois
 s’élevant
 sur
 plus
 de
 douze
 mètres
 centré
au
sud
de
la
place)

les
séries
de
révélations
artistiques
 en
 plein
 air
 furent
 souvent
 vandalisées
 par
 les
 usagers
 de
 la
 place.
 
 Selon
 Nadim
 Karam,
 étudiant
 à
 l’alba
 (atelier
 libanais
 des
 beaux
 arts)
 «
trouver
 notre
 place
 sur
 la
 place
 des
 Martyrs
 29 nous
a
été
impossible
» .
L’étudiant
ayant
tenté
d’y
placer
sa
 Procession
archaïque,
elle
a
presque
été
jetée
à
la
mer.
 Les
vaches
colorées,
exposition
temporaire,
qui
effectuait
sa
 tournée
 dans
 différent
 pays,
 ont
 survécu
 un
 petit
 moment
 avant
d’être
lamentablement
malmenées.
 N’ayant
 pas
 trouvé
 sa
 place
 dans
 une
 place
 pourtant
 vide,
 l’atelier
 de
 recherche
 choisi
 la
 dissémination,
 en
 publiant
 finalement
 une
 «
installation
 sur
 papier
»
 distribuée
 à
 4000
 exemplaires.
 
 Dans
une
autre
installation
«
Beyrouth
dit
non
à
la
guerre
»,
 Nada
Sehnaoui
dispose
des
cuvettes
de
toilettes
en
enfilade,
 d’une
 blancheur
 immaculée,
 presque
 à
 l’infini,
 à
 complètement
 dérouté
 le
 passant.
 C’est
 un
 étonnant
 spectacle
 jaillissant
 de
 ce
 terrain
 vague
 pour
 dire
 non
 à
 une
 nouvelle
guerre
alors
que
les
libanais
commémorent
le
début
 de
celle
de
quinze
ans,
et
que
leurs
représentants
politiques
 peinent
à
élire
un
président.
 Le
titre
de
son
exposition
s’interroge
:
 Quinze
années
dans
les
toilettes
n’ont‐elles
pas
suffi
?
 29

Exposition Pas de Place, installation atelier de recherche alba – Nadim Karam.

Les
photographes
sont
venus
relever
un
état
des
lieux.
En
 1991,
 six
 photographes
 célèbres
 participent
 à
 la
 Mission
 Photographique
 de
 Beyrouth
 (Basilico,
 Depardon,
 Elkoury,
 Burri,
Koudelka
et
Frank).
 En
vue
d’enregistre
la
mémoire
du
centre‐ville
après
la
fin
de
 la
guerre,
ce
projet
collectif
financé
par
la
Fondation
Hariri
a
 donné
 lieu
 à
 la
 publication
 d’un
 livre
 de
 photographie
 «
Beyrouth
centre‐ville
».
 
 Les
photos
de
la
place
des
Martyrs
dévastée
ont
été
exposées
 au
Palais
de
Tokyo
à
Paris
au
temps
où
ce
lieu
était
dévolu
à
 la
photographie.

 Joseph
 Koudelka
 (1938‐
 ),
 photographe
 français
 d’origine
 tchèque,
sort
un
livre
intitulé
Chaos,
Gabriele
Basilico
(1944‐
 ),
 grand
 photographe
 «
documentariste
 italien,
 publie
 Beyrouth
 1991
 et
 Fouad
 Elkoury
 (1952
 ‐
 ),
 photographe
 français
d’origine
libanaise,
sort
Liban
Provisoire.

 
 
 
 




La
 fait
 qu’il
 y
 ait
 déjà
 eu
 un
 mur
 (concret
 ou
 imaginaire)

 rappelle
 la
 fragilité
 voués
 à
 la
 vie
 commune
 et
 montre
 en
 quoi
 la
 condition
 même
 de
 l’existence
 d’un
 tel
 lieu
 est
 également
une
arme
à
double
tranchant
qui
peut
mener
à
sa
 fermeture,
 devenant
 le
 théâtre
 de
 toutes
 les
 dissensions
 sociales.
 C’est
ce
qui
est
arrivé
à
Berlin
comme
à
Beyrouth.
 
 Les
planchers
de
ces
espaces
se
sont
effondrés,
devenant
les
 symboles
des
après‐guerres
que
parcequ’ils
sont
devenus
des
 champs
 de
 ruines,
 évoquant
 l’impossibilité
 de
 reconstruire
 l’urbanité
sans
faire
face
à
l’échec
de
sa
condition
antérieure.

34

Les diverses autres installations sur la place déserte.


3
‐
RETOUR
AU
POINT
DE
DEPART
:
RECONSTRUCTION
NATIONALE
 
 
 
 




La
 place
 est
 d’ordinaire
 une
 composante
 urbaine
 particulièrement
choyée
par
les
pouvoirs
publics.

 On
 l’aménage,
 on
 la
 restaure
 et
 on
 l’entretient
 avec
 le
 plus
 grand
soin
car
la
place
porte
à
elle
seule
l’image
de
la
ville,
ou
 du
 quartier,
 et
 par
 conséquent
 l’image
 de
 ses
 administrateurs.
 Place
 du
 pouvoir
 ou
 place
 du
 peuple,
 monumentale
 ou
 chargée
 d’affectivité,
 la
 place
 draine
 un
 public
 en
 quête
 de
 reconnaissance,
 soucieux
 de
 sortir
 de
 l’anonymat
qui
endort
la
ville.

 
 L’effet
magique
de
la
place
n’a
d’autre
raison
que
celle
d’être
 un
 lieu
 de
 valorisation
 sociale
 pour
 les
 uns
 et
 de
 dépaysement
pour
les
autres.
 
 A
 l’instar
 de
 la
 ville,
 elle
 se
 forme
 avec
 le
 temps.
 Les
 variations
que
subissent
son
architecture
et
sa
fréquentation
 témoignent
 des
 changements
 de
 goûts
 et
 de
 l’évolution
 des
 mœurs.
 Une
 place
 n’est
 jamais
 parfaitement
 achevée,
 elle
 s’adapte
aux
besoins
de
la
collectivité
tout
en
conservant
les
 30 strates
du
passé.

30

Ci contre étude sur l’évolution morphologique de cette place au cours des années avec en foncé ses délimitations et composants importants.

Depuis
la
fin
de
la
guerre
civile
libanaise,
en
1990,
le
pays
 rentre
dans
un
contexte
de
reconstruction
nationale.
 
 Dans
ce
projet,
l’opération
sur
la
Place
des
Martyrs
apparaît,
 avec
 celle
 des
 souks
 traditionnels,
 comme
 le
 projet
 fondamental
 non
 seulement
 parcequ’elle
 constitue
 une
 des
 pièces
 maitresses
 du
 patrimoine
 public
 libanais,
 mais
 aussi
 parcequ’elle
 incarne
 pour
 un
 grand
 nombre
 de
 libanais
 et
 d’étrangers
ayant
vécut
au
Liban,
toute
la
magie
de
Beyrouth
 d’avant‐guerre.
 
 




Apres
 deux
 années
 d’études
 et
 de
 mise
 au
 point,
 la
 reconstruction
du
centre
ville
de
Beyrouth
a
démarré.
 La
 société
 en
 charge
 du
 projet,
 Solidère
 (SOciété
 LIbanaise
 pour
 le
 DEveloppement
 et
 la
 REconstruction
 du
 centre‐ville
 de
Beyrouth)
a
été
constituée
par
décret
gouvernemental,
au
 31 lendemain
de
la
guerre
civile,
le
5
mai
1994. 
 
 Dans
 le
 cadre
 d’une
 politique
 globale
 de
 modernisation
 de
 tout
 le
 site,
 sur
 1.8
 million
 de
 mètres
 carrés
 ont
 été
 prévus
 des
 hôtels,
 des
 bureaux
 et
 des
 immeubles
 résidentiels
 ainsi
 qu’une
 infrastructure
 moderne
 de
 routes,
 de
 service
 publics
 urbains
et
de
travaux
portuaires
(la
réalisation
s’étendrait
sur
 25
ans).

 
 La
 place
 des
 martyrs
 deviendrait
 une
 avenue
 large
 de
 80
 mètres.
 
 
 
 
 31

Logo de Solidère et réalisations au centre-ville.

Annexe Brochure d’information Solidère de 1995

35

Maquette de projets du Master plan pour le centre-ville.


Présenté
 au
 public
 en
 1991,
 ce
 plan
 directeur
 se
 caractérise
 par
le
gigantismes
:
des
tours,
un
World
Trade
Center,
une
ile
 artificielle
 dans
 la
 baie
 de
 Saint‐André,
 des
 marinas,
 des
 tranchées
pour
voies
rapides.
Surtout,
en
lieu
et
lace
du
Burj,
 symbole
 de
 la
 division,
 une
 avenue
 «
plus
 large
 que
 les
 Champs
 Elysées
»
 exigea
 Hariri,
 débouchant
 sur
 une
 esplanade
marine.

 
 On
 pourrait
 rapprocher
 ce
 projet
 à
 une
 sorte
 de
 Dallas‐sur‐ Méditerrannée,
 sans
 aucun
 rapport
 avec
 la
 ville
 d’avant,
 ni
 même
la
ville
autour.
 Au
 dessus
 de
 tout
 cela,
 ce
 projet
 pharaonique
 réclame
 non
 seulement
 le
 déblayage
 des
 décombres,
 mais
 aussi
 la
 démolition
 de
 plusieurs
 quartiers
 qui
 avaient
 résistés
 à
 la
 guerre.

 
 Après
les
nombreuses
critiques,
Solidère
modifia
son
plan
en
 le
rendant
plus
«raisonnable».
 Les
ports
de
plaisances
et
la
promenade
sont
tombés
à
l’eau.
 Les
 démolisseurs
 sont
 quand
 même
 venus
 et
 un
 a
 un,
 les
 immeubles
 se
 sont
 écroulés.
 Quatre
 vingt
 cinq
 pourcent
 du
 patrimoine
arab‐ottoman
fut
«
bulldozé
».
 Il
fallait
bien
construire
l’avenir.

 
 Dans
ce
cadre
de
reconstruction,
les
infrastructures
de
la
ville
 ont
 été
 repensées,
 près
 de
 300
 bâtiments
 ont
 été
 restaurés
 et
 de
 nouveaux
 projets
 ont
 vu
 le
 jour.
 Ainsi,
 le
 «
nouveau
»
 centre‐ville
 que
 les
 visiteurs
 découvrent
 depuis
 l’an
 2000
 résulte
 d’une
 écriture
 qui
 relève
 de
 la
 volonté
 d’acteurs
 publics
et
privés.

La
reconstruction
nationale
toucha
la
Postdamer
Platz
à
la
 même
 époque
:
 après
 1990,
 la
 place
 retint
 de
 nouveau
 l’attention,
 spécialement
 de
 par
 sa
 localisation
 proche
 du
 centre
ville.
 Cette
 reconstruction
 se
 développe
 d’une
 manière
 assez
 différente
que
pour
la
place
des
Martyrs
:
le
conseil
municipal
 choisit
de
diviser
la
place
en
quatre
parties,
chacune
laissée
à
 un
investisseur
privé,
qui
y
implantera
son
propre
projet.
 Au
 cours
 de
 cette
 phase
 de
 reconstruction,
 Potsdamer
 Platz
 fut
le
plus
grand
chantier
d’Europe.
 
 





Comme
celui
du
devenir
de
la
place
beyrouthine,
le
projet
 en
 totalité
 fut
 objet
 de
 nombreuses
 critiques
 au
 départ,
 et
 tous
 n’apprécient
 toujours
 pas
 la
 façon
 dont
 l’endroit
 fut
 réaménagé.
 Cependant,
 la
 place
 est
 devenue
 une
 réelle
 attraction
touristique
:
un
lieu
de
shopping
pour
les
Berlinois
 et
le
rendez
vous
des
cinéphiles.

Projet d’infrastructure en cours

Maquette et vue 3D du projet.

Manifestation contre la société.

36


Projet de Reconstruction Nationale 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Master Plan de Solidère.

Autres projets proposés.

37


4
‐
IMPLICATION
INTERNATIONALE
DE
LA
RECONSTRUCTION
 
 
 
 




Afin
 d’identifier
 de
 nouvelles
 visions
 et
 conceptions
 urbaines
pour
la
place
des
Martyrs
et
le
Grand
Axe,
la
société
 Solidère
lança,
en
2004,
un
concours
international
d’idées.
 
 Le
 grand
 Concours
 international
 d’idées
 en
 planification
 urbaine
 pour
 la
 reconstruction
 de
 la
 place
 des
 Martyrs
 en
 2004
‐
2005.
 
 Ce
concours,
ouvert
et
anonyme,
s’adresse
à
la
communauté
 des
 architectes
 du
 monde
 à
 laquelle
 il
 a
 souhaité
 associer,
 lors
d’une
première
phase,
les
étudiants
en
architecture.
 




L’objet
 du
 concours
 était
 l’élaboration

 d’un
 concept
 urbain
 capable
 de
 donner
 à
 ces
 deux
 éléments
 historiques
 une
 nouvelle
 identité,
 d’engendrer
 un
 nouveau
 profil
 régional
 pour
 Beyrouth
 et
 de
 participer
 à
 la
 réunification
 de
 la
ville
qui,
une
quinzaine
d'années
après
la
guerre
du
Liban,
 se
reconstruit.
 
 Les
 projets
 devront
 offrir
 aux
 Libanais
 l’opportunité
 d’appréhender
l’aspect
archéologique
et
historique
de
la
ville
 selon
 une
 nouvelle
 dimension
 culturelle
 tout
 en
 lui
 permettant
 de
 se
 situer
 dans
 le
 réseau
 extra
 territorial
 des
 32 fonctions
d’une
cité
mondiale.
 
 
 Le
 premier
 prix,
 (accordé
 aux
 architectes
 grecques
 Antonis
 Noukaki,
Vasiliki
Agorastidou,
Lito
loannidou,
Bouki
Babalou‐ Nounaki)
 présente
 une
 proposition
 convaincante
 pour
 redéfinir
 la
 place
 des
 Martyrs.
 Le
 schéma
 dégage
 quatre
 section
sur
le
grand
axe.
Chacune
de
ces
tranches
constituant
 32

Cf. Annexes : brochure des résultats du concours international Soliderequarterly – Martyrs’ Square Grand Axis international design compétition.

une
réponse
au
contexte
dans
lequel
il
s’implante.
Le
projet
 offre
une
organisation
symbolique
des
espaces
le
long
de
cet
 axe
 pédestre,
 condensant
 le
 flux
 automobile
 sur
 la
 partie
 ouest
de
la
place.
 Ce
projet
eu
plus
de
succès
par
son
design
de
l’espace
apte
à
 offrir
 un
 nouvel
 ordre
 urbain
 sur
 lequel
 s’ajouterait
 les
 aspirations
et
attentes
de
la
communauté.
 
 




Le
processus
de
reconstruction
choisi
cherche
à
édifier
une
 nouvelle
dynamique
urbaine
en
misant
tout
sur
la
pérennité
 des
 conditions
 de
 la
 paix
 actuelle
 qui
 est
 relative
 à
 des
 facteurs
autres
que
la
seule
reconstruction
du
cadre
bâti.
 Ca
 serait
 aussi,
 pour
 les
 participants
 au
 concours,
 l’occasion
 de
 mettre
 en
 forme
 de
 nouvelles
 conceptions
 de
 la
 ville,
 d’élaborer
 ou
 de
 faire
 émerger
 de
 nouveaux
 discours
 en
 dépassant
 la
 stricte
 nécessité
 de
 «
reconstruire
»
 pour
 plonger
 dans
 un
 univers
 tiraillé
 par
 les
 fantasmes
 et
 les
 utopies
de
toutes
sortes.

38

Premier
prix
du
grand
Concours
 international
d’idées


Quelques
mois
après
le
lancement
de
ce
concours,
dans
le
 cadre
 de
 la
 Biennale
 International
 d’Architecture
 à
 Rotterdam,
 WORK
 Architecture
 Company
 (architectes
 Amale
 Andraos
et
Dan
Wood)
proposent
Cadavre
Exquis
Lebanese
–
 33 Channeling
 the
 Power
 of
 Imagination 
 sur
 la
 place
 des
 Martyrs
à
Beyrouth.
 
 Le
 sujet
 choisi
 pour
 cette
 Biennale
 à
 Rotterdam
 tourne
 autour
de
Visionary
Power,
Producing
the
Contemporary
City.
 Jamais
 tant
 de
 personnes
 n’ont
 vécut
 dans
 cet
 environnement
urbain.
 Visionary
 Power
:
 la
 production
 de
 
 la
 ville
 contemporaine
 sert
 de
 source
 et
 d’inspirations
 aux
 nouvelles
 expertises
 souhaitant
 s’impliquer
 dans
 le
 futur
 des
 villes
 du
 XXIème
 siècle.
 
 Le
concours
se
développe
tout
d’abord
sur
une
recherche
des
 fondations
 de
 la
 ville
 contemporaine
 (the
 city
 of
 today,
 the
 city
 of
 the
 future),
 précisant
 les
 forces
 ayant
 un
 impact
 spécifique
 sur
 ces
 environnements,
 aboutissant
 à
 une
 présentation
de
stratégie
aux
architectes
et
urbanistes.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Coupe
sur
la
proposition
de
WORK
architecture

33

Cf. Annexes : extrait du livre Visionary Power sur Cadavre Exquis Lebanese

L’agence
 WORK
 Architecture
 Company
 s’intéresse
 à
 ce
 thème
sur
la
ville
de
Beyrouth
et
son
centre‐ville.
 
 Derrière
un
processus
surréaliste,
leur
principale
intention
et
 d’aller
 dans
 le
 sens
 contraire
 que
 ce
 que
 propose
 Solidère
 dans
leur
projet
de
reconstruction
nationale.

 Au
lieu
de
réduire
la
ville
à
un
simple
«
master
plan
»
(où
la
 place
 se
 pense
 en
 priorité
 comme
 un
 symbolique
 fort
 et
 un
 lieu
 de
 rencontre),
 ils
 proposent
 une
 série
 de
 séquences
 de
 scénarios.

 La
 combinaison
 de
 ces
 scénarios
 aboutirait
 au
 «
Cadavre
 Exquis
Lebanese
»,


 
 Dans
une
de
ces
séquences,
ils
considèrent
les
tentes
et
non
 pas
les
gratte‐ciels
comme
véritable
symbole
de
la
modernité
 du
XXIème
siècle.

 La
 place
 revit
 son
 passé
 nostalgique
 en
 tant
 que
 point
 de
 rencontre
pour
les
débats
et
des
intellectuels.
 En
 construisant
 sur
 l’occupation
 actuelle,
 une
 épaisse
 infrastructure
de
tentes
est
développée
dans

le
centre‐ville,
 servant
 une
 série
 de
 fonctions
 allant
 de
 l’auditorium
 aux
 petits
 «
coffee
 shops
»
 où
 toutes
 les
 confessions
 se
 regrouperaient
pour
débattre.

39

Les
scénarios
à
travers
leurs
 infrastructures.


III

REQUALIFICATION
et
RECHERCHE
D’IDENTITE

40


III
‐
REQUALIFICATION
ET
RECHERCHE
D’IDENTITE

A
 travers
 une
 mosaïque
 d'îlots
 paisibles
 et
 de
 zones
 sinistrées,
la
vie
continue.
 Les
 libanais
 renaissent,
 en
 dépit
 d'une
 cruelle
 détérioration
 économique,
 dont
tous
 ne
 souffrent
 pas
 au
même
degré,
et
 d’une
alternance
de
périodes
de
calme
relatif
et
de
regain
de
 violences.
 
 




La
 réflexion
 qui
 a
 été
 engagée,
 lors
 du
 concours
 d’idée
 précédent,
 portait
 sur
 la
 capacité
 de
 réinventer
 un
 lieu
 en
 considérant
 tout
 d’abord
 son
 rôle
 historique
 de
 cœur
 de
 la
 ville,
 touché
 d’un
 passé
 «
idéalisé
»
 et
 figé
 dans
 les
 formes
 d’une
architecture
néo‐traditionnelle.

 Cette
 attention
 doit
 être
 traitée
 habilement
 étant
 donné
 la
 situation
délicate
du
passé
immédiat
de
cette
nation.
 
 A
ces
sujets
correspondent
sur
place
des
images
de
la
guerre
 s’effaçant
 difficilement,
 comme
 cette
 statue
 des
 Martyrs
 et
 cette
 impression
 de
 vide
 lissée
 par
 l’intégral
 «
bulldozage
»
 de
l’après‐guerre.

 Un
 vide
 qui
 structure
 l’absence
 du
 lieu
 de
 rencontre
 et
 de
 mixité
qu’étaient
la
place
et
son
pourtour
autrefois.

1
‐
LA
PLACE
AUJOURD’HUI

Bien
 que
 l’engouement
 politique
 prenne
 une
 place
 importante
 dans
 la
 vie
 du
 libanais,
 sa
 confession
 religieuse
 34 reste
malgré
tout
prioritaire. 
 

 




C’est
 ainsi
 qu’en
 entrant
 de
 n’importe
 quel
 coté
 sur
 la
 place,
la
première
structure
qui
nous
tombe
sur
les
yeux
est
 la
plus
récente
édifiée
de
la
place
et
du
centre‐ville.
 




La
 mosquée
 Mohamed
 el
 Amine,
 dédiée
 à
 Rafic
 Hariri
 (représenté
 par
 la
 statue
 couchée
 qui
 regarde
 vers
 Dieu
 et
 vers
le
ciel),
s’impose
au
paysage
de
manière
colossale.

 Remarquablement
 hors
 échelle
 et
 anachronique,
 elle
 écrase
 littéralement
 sa
 voisine,
 la
 cathédrale
 Saint
 Georges
 des
 maronites
 et
 monopolise
 l’image
 actuelle
 que
 veut
 donner
 cette
 place
:
 un
 terrain
 vague
 voué
 à
 la
 seule
 fonction
 de
 mémorial
de
la
personnalité.
 
 




Au
 niveau
 de
 la
 mosquée,
 au
 centre
 de
 l’espace,
 la
 stèle
 des
martyrs
n’a
retrouvé
sa
place
qu’en
été
2004.

 Criblés
d’impacts
de
balles
et
d’obus
durant
la
guerre,
elle
a
 disparu
aux
alentours
de
1980.

34

l’Etat libanais reconnaît officiellement dix-sept confessions religieuses. Les musulmans (six confessions différentes) comptent pour 59,7 % de la population, tandis qu’il y a 39 % de chrétiens (divisés en douze confessions). (CIA, The World Factbook-Lebanon sur www.cia.gov)

41

La
mosquée
Mohamed
El
Amine
et
la
stèle
 des
Martyrs
en
premier
plan
de
la
place.


Lorsque
les
restaurateurs
du
laboratoire
de
l’Université
Saint
 Esprit
 Kaslik
 ont
 achevé
 leur
 travail
 (ayant
 pris
 le
 parti
 de
 conserver
 les
 traces
 de
 la
 guerre),
 les
 martyrs
 n’ont
 pas
 directement
retrouvé
leur
place.
 La
 statue
 a
 pitoyablement
 croupi
 dans
 un
 coin
 du
 parking
 jusqu'à
 ce
 qu’on
 décide
 de
 la
 faire
 revenir,
 peut
 être
 pour
 calmer
une
population
au
bord
de
la
révolte.
 




Pour
les
générations
précédentes,
ce
retour
dans
l’histoire
 avec
la
remise
en
place
de
la
statue
à
son
socle
initial
réveille
 dans
 leurs
 âmes
 la
 nostalgie
 du
 passé.
 Pour
 la
 nouvelle
 génération,
 elle
 est
 représente
 un
 symbole
 d’espoir
 d’un
 meilleur
futur.
 
 




En
 entrant
 au
 sud
 de
 la
 place,
 l’église
 arménienne
 Altounian
–
Saint‐Paul
et
la
seule
structure
(avec
la
stèle
des
 Martyrs)
à
avoir
survécut
aux
quinze
années
de
guerre.
 A
notre
gauche,
la
bulle.

 C’est
le
nom
donné,
au
début
des
années
1990,
à
cette
coque
 ovoïdale
criblée
de
tous
les
cotés.
 Préalablement
 connu
 sous
 le
 nom
 du
 City
 Center
 (un
 ciné
 théâtre
 d’avant
 guerre),
 son
 concepteur,
 Joseph
 Philippe
 Karam,
 avait
 l’ambition
 d’en
 faire
 le
 plus
 grand
 centre
 d’affaires
 du
 Moyen
 Orient.
 Il
 resta
 cependant
 inachevé
 avant
d’être
démoli.
 Resté
 pendant
 une
 longue
 période
 un
 espace
 «
en
 marge
 de
»,
la
bulle
servit
de
point
de
rencontre
pour
y
organiser
les
 «
rave
party
»
à
l’époque
des
modes
techno,
transe
et
house.
 
 Etant
 l’un
 des
 bâtiments
 préférés
 de
 Zaha
 Hadid
 (1950‐
 ),
 grande
architecte
iranienne,
l’avenir
de
cette
coque
est
entre
 les
 mains
 de
 l’architecte
 libanais
 Bernard
 Khoury
 (1968‐
 ),
 ayant
 principalement
 œuvré
 à
 la
 reconstruction
 du
 Liban
 dévasté.

Toujours
à
notre
gauche
en
montant
la
place
vers
le
nord,
 au
 bord
 des
 trous,
 générés
 par
 les
 fouilles
 archéologiques,
 s’élèvent
deux
immeubles
:
«
l’Opéra
»
pris
par
l’enseigne
du
 Virgin
Megastore
et
l’immeuble
du
journal
An‐Nahar.
 
 Cet
 immeuble
 blanc
 et
 lisse
 de
 l’architecte
 Pierre
 El‐Khoury,
 fameux
 architecte
 libanais,
 frappé
 du
 célèbre
 logo
 du
 coq
 hurlant
du
grand
quotidien
libanais
An
Nahar,
renferme,
sur
 ses
sept
étages,
les
bureaux
de
production
du
journal.

 Au
 niveau
 du
 rez‐de‐chaussée
 s’implante
 un
 restaurant
 «
branché
»
de
la
capitale
ainsi
qu’une
librairie
au
nom
de
la
 place
librairie
«
El‐Bourj
».

 Deux
 discothèques
 situées
 au
 dernier
 et
 huitième
 étage
 du
 même
immeuble
(moitié
couverte,
moitié
terrasse)
rythment
 les
nuits
de
la
place
(le
White
et
le
Eight).
 
 




Sur
 tous
 les
 trois
 cent
 cinquante
 mètres
 de
 long,
 l’environnement
est
de
la
place
se
présente
en
tant
que

réel
 terrain
vague.
 35 Encadré
 par
 le
 récent
 projet
 immobilier
 du
 Saifi
 Village 
 (avec
 les
 façades
 inspirées
 de
 l’architecture
 traditionnelle
 36 libanaise,
 les
 ouvertures
 en
 khané 
 et
 célèbres
 cours
 centrales
 intérieures
 beyrouthines),
 ce
 terrain
 sert
 tantôt
 d’espace
 de
 stationnement
 pour
 les
 clubbers
 ou
 touristes,
 tantôt
zone
de
dépôt
pour
les
travaux
entrepris
par
la
société
 en
charge
du
terrain
(Solidère).
 L’écart
 de
 densité
 entre
 l’environnement
 est
 et
 ouest
 de
 la
 place
est
impressionnant.
 
 
 
 35

L’entreprise de Solidère étant vouée à faire du centre-ville un espace ludique, luxueux, reconstruit en en grande partie mais imitant les styles du passé, donc pensé dans un rapport superficiel avec les enjeux actuels de la ville. 36 Fenêtres traditionnelles libanaises se présentant en une série de trois arcades doubles hauteurs accolées.

42

L’église
St‐Paul
avant,
pendant
et
après
la
 guerre
de
1975
(deux
images
du
haut)
 L’ancien
Opéra,
aujourd’hui
le
Virgin.


Ce
 n’est
 pas
 par
 hasard
 si
 les
 témoins
 de
 la
 place
 d’autrefois
parlent
de
la
«
vie
»
en
ce
milieu
pour
le
décrire.
 Cet
agencement
de
pratique
et
d’usages
multiples
créait
une
 certaine
 ambiance,
 une
 expérience
 sensorielle
 complexe
 qui
 caractérisait
 la
 place
 des
 Martyrs
 et
 qui
 en
 faisait
 un
 lieu
 d’attraction.
 
 




L’expérience
 des
 usagers
 nous
 permet
 de
 définir
 la
 place
 publique
sous
trois
critères
:
la
sociologie,
le
rôle
structurant
 des
 usagers
 qui
 donne
 sens
 à
 un
 espace
 autrement
 désert,
 l’architecture,
 s’intéressant
 à
 la
 forme
 du
 lieu
 et
 son
 incidence
 sur
 son
 occupation
 et
 l’urbanisme
 et
 l’urbanisme,
 voyant
la
place
publique
à
travers
sa
fonction
dans
la
ville
et
 les
liens
qui
la
relie
au
tissu
urbain.
 Toutes
 ces
 facettes
 constitutives
 de
 l’espace
 publique
 
 se
 complètent
et
doivent
être
comprise
comme
un
tout.

An‐Nahar,
la
librairie
El
Bourj
et
les
 résidences
Saifi.

43


La place des Martyrs aujourd’hui : terrain vague ou chantier ? 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Panorama
de
la
place
des
Martyrs
aujour’dhui

44


2
‐
LA
PLACE
DES
MARTYRS,
UN
«
OPEN‐AIR
MUSEUM
»
 
 
 
 Pendant
 de
 longues
 années,
 la
 Place
 des
 martyrs
 a
 sombré
 dans
 l’oubli,
 comme
 du
 reste
 Beyrouth
 et
 tout
 le
 Liban,
 abandonnés
 au
 sort
 d’une
 guerre
 interminable,
 face
 à
 laquelle
 on
 décidait
 de
 masquer
 l’indifférence
 par
 un
 sentiment
d’impuissance.
 
 




Le
 centre
 ville,
 détruit,
 recèle
 un
 véritable
 trésor
 historique
 et
 archéologique
 représenté
 par
 les
 vestiges
 du
 Beyrouth
 ottoman,
 mameluk,
 croisé,
 abbasside,
 omeyyade,
 byzantin,
romain,
perse,
phénicien
et
cananéen.

 
 




Les
 premières
 traces
 écrites
 sur
 Beyrouth
 remontent
 au
 XIVème
 siècle
 av.
 J.C.,
 mais
 l’archéologie
 permettait
 d’affirmer
 l’occupation
 continue
 du
 site
 au
 IIème
 millénaire
 av.
J.C.
voire
plus
tôt.
 Petite
Cité‐Etat
sous
la
dépendance
de
Byblos,
Beyrouth
pris
 son
véritable
essor
durant
la
période
hellénistique.
 Son
 statut
 de
 colonie
 acquis
 sous
 la
 domination
 romaine
 en
 31
 av.
 J.C.,
 s’accompagna
 de
 la
 construction
 de
 temples
 et
 autres
édifices
publics.
 
 Les
travaux
menés
depuis
le
XIXème
siècle
et
les
vestiges
(en
 élévation
 ou
 en
 plan
 de
 ces
 monuments)
 ont
 permis
 de
 circonscrire
 le
 centre
 antique
 de
 Beyrouth.
 Ce
 centre
 correspond
 au
 cœur
 de
 la
 ville
 moderne
 mais
 ses
 limites
 allaient,
selon
ce
que
les
archéologues
avaient
pressenti,
bien
 au‐delà.
 
 La
 ville
 atteint
 son
 apogée
 entre
 le
 IVème
 et
 VIème
 siècle,
 pour
 devenir
 capitale
 régionale
 et
 un
 des
 grands
 centres
 intellectuels
 du
 bassin
 méditerranéen
 avec
 son
 Ecole
 de
 Droit,
 ainsi
 que
 la
 cathédrale
 byzantine
 Anastasia,
 enfouie

sous
 les
 décombres
 causés
 par
 le
 cataclysme
 de
 l’an
 551
 et
 jamais
retrouvée.
 
 




D’après
le
plan
des
fouilles
archéologique
de
Beyrouth
de
 juillet
2005,
on
retrouve
au
nord
de
la
place
des
vestiges
des
 civilisations
phéniciennes,
ottomanes,
mamelouk,
byzantines,
 romaines,
grecques,
hellénistiques,
perses
et
phéniciennes.
 Au
 sud
 de
 la
 place
 émergent
 des
 restes
 de
 civilisations
 37 romaines,
byzantines,
grecques
et
hellénistiques. 
 
 




Le
 prétexte
 fournit
 par
 une
 catastrophe
 est
 l’occasion
 idéale
d’investir
toute
une
fantasmagorie
du
paradis
perdu
et
 de
sa
renaissance
dans
la
ville
à
reconstruire.
 Par
l’entremise
de
l’archéologie,
le
paradoxe
fondamental
du
 réinvestissement
des
vestiges
du
passé
à
Beyrouth
consistant
 à
 donner
 une
 valeur
 symbolique
 implacable
 à
 tout
 ce
 qui
 a
 été
 transformé
 en
 ruines,
 une
 inviolabilité
 qui
 légitime,
 du
 coup,
l’entreprise
urbanistique
de
Solidère
puisque
celle‐ci
se
 présente
comme
garante
de
la
mise
en
valeur
de
la
mémoire
 du
centre‐ville.
 
 




Les
 extractions
 et
 restaurations
 archéologiques
 dans
 le
 centre‐ville
 de
 Beyrouth,
 comme
 pour
 plusieurs
 autres
 sites
 riches
en
héritage,
connu
de
nombreuses
complications.

 Le
 problème
 qui
 régnait
 tournait
 surtout
 autour
 de
 la
 quantité
de
vestiges
à
sortir
de
terre
et
à
préserver.
 
 
 
 37

Voir le plan des fouilles archéologiques du centre-ville de Beyrouth, juillet 1995, extrait du n°316 de la revue « Archéologica », octobre 1995.

45

Les
fouilles
archéologiques
après
la
 guerre.


La place des Martyrs, un « open-air » muséum.

Le
projet
du
Jerdin
du
Pardon

Les
fouilles

46


Bien
 que
 la
 guerre
 fut
 destructive
 à
 plusieurs
 échelles,
 elle
 permis,
par
la
découverte
de
ces
fouilles,
d’enrichir
le
savoir
 archéologique.
 En
 «
buldozant
»
 les
 restes
 de
 l’ancien
 cœur
 historique,
 la
 guerre
 permis
 ironiquement
 l’accès
 à
 ces
 découvertes
 historiques.
 Ainsi,
 la
 guerre
 offrit
 l’opportunité
 d’extraire
le
plus
large
site
urbain
au
monde
(60
000
mètres
 carrés).

 A
 ce
 jour,
 pas
 moins
 de
 136
 lots
 urbains
 (14
 000
 mètres
 carrés)
ont
déjà
été
sortis
de
terre,
démystifiant
peu
à
peu
les
 5000
années
de
l’histoire
de
Beyrouth.
 
 




L’une
 des
 découvertes
 les
 plus
 récentes
 de
 la
 période
 romaine
 est
 la
 route
 en
 pavée
 Nord‐Sud
 rythmée
 par
 des
 stylobates
pour
supporter
les
anciennes
colonnes
existantes.
 Plusieurs
 la
 qualifieront
 de
 la
 route
 Cardo
 Maximus
 (un
 des
 deux
axes
principaux
de
la
grille
romaine).
 Par
 pur
 coïncidence,
 cette
 route
 se
 faufile
 entre
 les
 deux
 cathédrales
 St
 Georges
 (celle
 des
 maronites
 et
 celle
 des
 orthodoxes),
 les
 rendant
 spectaculaires
 par
 ce
 gouffre
 archéologique.
 A
la
base,
ce
site
consistait
en
un
parc
archéologique.
Il
a
été
 récemment
 incorporé
 dans
 le
 projet
 du
 Jardin
 du
 Pardon
 (Hadiqat
al‐Samah).
 
 




L’idée
 de
 faire
 de
 ce
 jardin
 un
 sanctuaire
 pour
 l’introspection
 et
 la
 guérison
 vient
 de
 la
 vision
 d’Alexandra
 Asseily.

 
 Un
jardin
dans
lequel
les
personnes
pourraient
 rassembler
force
et
inspiration,
un
endroit
pour
 le
calme
et
la
réflexion.
Un
jardin
pour
 l’introspection
individuelle,
un
sanctuaire
 accessible
à
tous.
Archétypes
de
la
flore
du
 Liban,
une
rivière,
parfaitement
ensoleillée
et
 ombragée,
faisant
ressortir
une
sensation
de
 paix,
guérison,
bénédiction
et
humanité.

Selon
 Alexandra,
 le
 concept
 du
 pardon
 est
 clé
 de
 réussite
 pour
 la
 reconstruction
 et
 réhabilitation.
 Un
 lieu
 symbolique,
 réconciliant
les
générations
du
passé,
du
présent
et
du
futur.
 
 




La
 place
 des
 Martyrs
 était
 le
 pont
 de
 rencontre
 des
 différentes
communautés
et
strates
sociales
dans
le
pays.
 En
 restant
 vide
 et
 sans
 fonctions,
 elle
 ne
 participe
 pas
 à
 la
 ségrégation.
Elle
peut
pourtant
offrir
une
importante
location

 neutre
 pourvue
 d’une
 histoire
 multi‐communale
 qu’aucune
 autre
ville
n’a.


 
 




La
construction
et
déconstruction
de
la
place
des
Martyrs
 doivent
se
repenser
à
partir
de
ce
jardin.
 Dans
 le
 cas
 contraire,
 la
 mémoire
 de
 la
 guerre
 pourrait
 être
 banalisée
et
oubliée.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Vue
aérienne
du
Jardin
du
Pardon.

47

Sites
archéologiques.


3
‐
LIEU
DE
REPRESENTATION
OU
MEMORIAL

Il
y
a
quelques
années
de
là,
personne
n’aurait
osé
parier
 sur
la
renaissance
du
centre
ville
de
Beyrouth,
tant
cette
ville
 était
décimée
et
continuait
d’agir
comme
une
poudrière.

 Malgré
 une
 trêve
 de
 quinze
 années
 de
 guerre
 durant
 lesquelles
elle
fut
désertée
à
la
pointe
des
fusils,
et
malgré
la
 destruction
 de
 la
 presque
 totalité
 des
 édifices
 entourant
 la
 place,
la
place
des
Martyrs
est
redevenue
tout
naturellement,
 depuis
 la
 fin
 de
 la
 guerre
 civile,
 le
 lieu
 où
 les
 libanais
 se
 rendent
 pour
 manifester,
 défiler,
 protester
 ou
 encore
 célébrer
 lors
 des
 grandes
 occasions.
 Elle
 renait
 en
 quelque
 sorte
à
travers
le
peuple.
 
 
 




La
 manifestation
 monstre
 du
 14
 mars
 2005,
 avec
 son
 million
 de
 participants,
 a
 été
 l’une
 des
 démonstrations
 du
 rôle
 important
 que
 joue
 la
 place
 des
 Martyrs
 malgré
 sa
 fermeture
et
sa
situation
actuelle.
 Organisée
 pour
 dénoncer
 la
 présence
 syrienne
 au
 Liban
 à
 la
 suite
de
l’assassinat
de
l’ancien
premier
ministre
Rafic
Hariri
 ainsi
 qu’une
 vingtaine
 de
 personnes,
 le
 14
 février
 2005,
 soit
 un
mois
plus
tôt.
 
 Quelques
personnes,
les
premiers
jours
après
l’attentat,
plus
 d’un
quart
de
la
population
libanaise
le
mois
d’après.

 A
 croire
 que
 cette
 place
 et
 ses
 environs
 avaient
 été
 laissés
 vides
quinze
ans
durant
pour
cette
seule
journée,
que
toute
 la
reconstruction
ou,
dans
le
cas
de
cet
espace
devenu
si
vide,
 la
 déconstruction
 du
 centre
 symbolique
 de
 Beyrouth
 avait
 été
programmée
pour
accueillir
le
pays
tout
entier.

 
 Mise
 à
 part
 l'approche
 émotionnelle,
 les
 espoirs
 et
 l'engouement
 patriotique,
 il
 y
 a
 dans
 cette
 histoire
 la
 leçon
 urbaine
de
l'appropriation
de
l'espace.

La
 place
 des
 martyrs
 reste
 à
 ce
 jour
 le
 haut
 lieu
 de
 la
 représentation
et
des
contestations.

 Plus
 d'un
 an
 après
 le
 printemps
 de
 Beyrouth
 (février
 ‐
 mars
 2005),
et
prenant
en
compte
les
leçons
de
ce
dernier,
le
camp
 politique
adverse,
passé
dans
l'opposition,
va
s'y
installer.

 Ils
 ont
 employé
 une
 arme
 redoutable
 comme
 élément
 de
 repérage
et
d’identification:
la
tente.
 Représentant
 historiquement
 le
 nomadisme
 des
 tribus
 arabes
d'avant
 la
 sédentarisation,
 cette
 prise
 de
 position
 fut
 surtout
 le
 moyen
 le
 plus
 pratique
 de
 s'approprier
 l'espace
 public,
 voire
 de
 bloquer
 une
 partie
 de
 la
 ville,
 avec
 le
 minimum
de
moyens
et
le
maximum
d'efficacité.
 

 Plantées
 sur
 tout
 le
 long
 de
 la
 place,
 formant
 comme
 une
 deuxième

couche,
ces
tentes,
architecture
mobile,
nomade,
 légère
et
bon
marché
s’opposent
brutalement
à
l'architecture
 monumentale
existante.

Manifestations
du
14
Mars
2005

48


Pourquoi
 choisir
 cette
 place
 comme
 lieu
 de
 manifestation
?
 A‐t‐elle
 pris
 une
 signification
 symbolique
 trop
 importante
 pour
 être
 requalifiée
?
 Restera‐t‐elle
 comme
 une
 sorte
 de
 mémorial
géant
qu’on
ne
peut
se
permettre
de
toucher
?

 
 Si
nous
prenons,
comme
référence,
le
mémorial
de
Berlin
de
 Peter
 Eisenman,
 très
 médiatisé,
 on
 retrouve
 d’étroites
 similitudes
avec
le
site
étudié.

 Tout
 d’abord,
 la
 succession
 de
 bloc
 de
 hauteurs
 différentes
 concentrés
sur
ce
terrain
vague
en
plein
milieu
de
la
ville
de
 Berlin
 crée
 une
 rupture
 soudaine
 avec
 l’environnement
 alentour.
 Ce
 terrain,
 certes,
 chargé
 de
 blocs
 en
 béton,
 contraste
 fortement
 avec
 l’espace
 très
 dense
 alentour.
 On
 remarque
le
même
contexte
relationnel
en
regardant
le
plan
 de
situation
de
Berlin
et
de
Beyrouth.
 Il
y
a
aussi
le
fait
que
l’espace
est
homogène
par
le
fait
qu’il
 n’y
ait
pas
d’endroit
précis
pour
y
accéder
ou
en
sortir.
Il
n’y
a
 ni
 commencement,
 ni
 fin,
 mais
 un
 rassemblement
 de
 fragments
architecturaux
et
humains.
 
 «
La
place
des
Martyrs
est
devenue,
de
nos
jours,
 un
lieu
de
pèlerinage
pour
se
recueillir
sur
la
 tombe
du
président
Rafic
Hariri,
un
lieu
de
 rassemblement
pour
les
jeunes
et
les
moins
 38 jeunes.
» 
 
 




La
 situation
 trouble
 du
 Liban
 contemporain
 fait
 dire
 à
 certains
 auteurs
 que
 la
 guerre
 civile
 n’a
 peut‐être
 jamais
 vraiment
 pris
 fin
 et
 que
 la
 requalification
 de
 l’espace
 et
 la
 reconstruction
 physique
 est
 freinée
 par
 un
 manque
 de
 volonté
de
réconciliation
à
l’échelle
nationale.

Manifestations
du
14
Mars
2005

38

Extrait de l’article
 la
 «
Place
 du
 Canon
»
 racontée
 par
 Nina
Jidejian,
n°11368
du
18
mai
2005

49


La place des Martyrs, lieu de représentation.

1920

1943
INDEPENDANCE

2008

50


4
–
FONCTION
DE
LA
PLACE
PUBLIQUE
:
FIGURE
D’INTEGRATION
ET
D’IDENTIFICATION
 
 
 
 




Les
évènements
de
2005
à
2007
(attentat
de
Hariri,
guerre
 israélo‐libanaise)
 montrent
 à
 quel
 point
 les
 fondations
 de
 la
 forme
politique
de
l’Etat
libanais
demeurent
fragiles.
 
 On
 irait
 jusqu’à
 se
 demander
 si
 ces
 dix‐huit
 années
 de
 travaux
sur
la
place
des
Martyrs
constitueraient
un
motif
de
 diversion,
 dans
 le
 but
 d’étouffer,
 par
 le
 bruit
 des
 chantiers,
 les
grondements
d’une
société
en
pleine
crise,
à
l’image
de
sa
 classe
politique.
 
 




L’histoire
 de
 la
 ville
 est
 étroitement
 liée
 à
 celle
 de
 ses
 places
 quand
 celles‐ci
 sont
 le
 reflet
 de
 la
 qualité
 de
 sa
 vie
 publique.
 
 L’espace
du
public
dans
la
ville
est
entres
autres
la
place,
ce
 fragment
 de
 foncier
 destiné
 aux
 pratiques
 de
 la
 collectivité,
 un
 vide
 urbain
 fermement
 délimité
 par
 le
 domaine
 privé
 et
 un
 support
 pour
 les
 activités
 déterminées
 par
 la
 collectivité
 elle‐même.
 
 A
 part
 les
 pratiques
 urbaines
 improvisées
 qui
 témoignent,
 39 des
 le
 départ
 du
 «
désir
 de
 ville 
»
 du
 beyrouthin,
 c’est
 la
 cohabitation
 que
 l’on
 cherche
 d’abord
 à
 éviter,
 du
 moins
 veut‐on
 polir
 les
 rapports
 interconfessionnels,
 quitte
 à
 faire
 disparaître
 les
 traces
 de
 la
 guerre
 tout
 comme
 celles
 de
 l’ancien
 modèle
 d’urbanité
 beyrouthin,
 jugé
 dangereux
 et
 40 considéré
à
l’origine
de
la
guerre.

39

Expression employée par Sawsan Awada-Jalu pour signifier

le désir des citoyens d’occuper librement l’espace public après la guerre (dans Le désir de ville) 40 cf. Page suivante le désir de ville selon les époques

Pendant
un
moment,
la
place
des
Martyrs,
en
cherche
de
 qualification,
 servit
 de
 parking
 pour
 les
 clients
 du
 Virgin
 Megastore
 et
 de
 terrain
 de
 jeux
 pour
 les
 amateurs
 de
 planche
à
roulettes.
 Après
 un
 âge
 de
 gloire
 au
 service
 du
 cinéma,
 l’Opéra
 de
 Beyrouth,
bâtiment
de
style
art
déco
signé
Bahjat
Abdelnour,
 a
été
relooké
aux
couleurs
de
la
firme
internationale.
 Apres
 les
 réactions
 autour
 de
 l’Opéra
 banalisé
 puis
 la
 polémique
du
«
free
parking»,
la
place
des
Martyrs
repris
son
 aspect
 après‐guerre
:
 un
 terrain
 vague.
 Les
 skaters
 continuent
à
s’y
rencontrer.
 
 41 




Selon
 Hubert
 Tonka ,
 écrivain
 et
 collaborateur
 de
 Jean
 Nouvel,
 «
concevoir
 la
 place,
 c’est
 faire
 de
 la
 place
».
 Le
 dilemme
 est
 de
 faire
 non
 seulement
 «
de
 la
 place
»
 fonctionnelle
 mais
 aussi

 «
de
 la
 place
»
 favorisant
 la
 rencontre.

 Il
 affirme
 l’importance
 du
 geste
 architectural
 qui
 consiste
 à
 mettre
 en
 forme
 le
 lieu
 de
 la
 rencontre,
 cet
 espace
 d’arrêt
 temporaire
 s’opposant
 au
 flux,
 du
 vide
 complémentaire
 au
 plein,
de
l’ouvert
face
au
fermé.
 
 Bien
que
le
terrain
de
stationnement
et
le
terrain
de
planche
 à
 roulettes
 répondent
 à
 la
 deuxième
 partie
 du
 théorème
 de
 Tonka,
 en
 étant
 statique,
 ils
 réfutent
 l’idée
 de
 convergence
 d’une
place
publique
dynamique.
 
 

 41

Dans la place dans l’espace urbain de Jacques Sauvageot, article de Hubert Tonka « La place n’a plus de place », cahiers paysages et espaces ubains, Presses Univesitaires de Rennes, 1996. Le
parking
du
Virgin‐
pochoir
«
espace
publique
»
sur
 le
socle
de
la
statue
des
Martyrs.

51


Désirs de ville post et pré 1975 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Désir
de
ville
durant
la
guerre
 
 Comment les habitants s’approprient l’espace public

Désir
de
ville
moderne
:
 Les
jeunes
et
les
skatters
s’y
rencontrent.

52


Ainsi,
 l’histoire
 des
 places
 est
 double
:
 formelle
 et
 fonctionnelle.
La
forme
traverse
le
temps,
le
tracé
davantage
 que
l’architecture.
 Seuls
 les
 dispositions
 et
 les
 rythmes
 qui
 composent
 l’entourage
de
la
place
par
des
interventions
sur
le
domaine
 privé
 peuvent
 altérer
 et
 transformer
 sensiblement
 la
 forme,
 42 en
revanche,
la
base
reste
sensiblement
stable .
 
 Au
 contraire
 de
 la
 caractéristique
 précédente,
 la
 fonction
 subit
presque
invariablement
les
aléas
de
la
conjoncture.

 La
 place
 du
 gouverneur
 (place
 du
 Sérail)
 devient
 la
 place
 du
 peuple
 (place
 des
 Martyrs
 publique
 au
 XIXème
 siècle),
 les
 souks
 sont
 transformées
 en
 commerces,
 le
 marché
 en
 parking
mais
la
place
reste
place
car
la
notion
de
lieu
public,
 qui
 se
 construit
 tant
 sur
 des
 lois
 que
 sur
 les
 consensus,
 demeure.
 
 Compte
 tenu
 de
 la
 constance
 du
 formel
 par
 rapport
 au
 fonctionnel,
 on
 devrait
 croire
 qu’il
 n’existe
 aucune
 relation
 possible
 entre
 eux.
 Pourtant,
 à
 priori,
 le
 fonctionnel
 conditionne
dans
bien
des
cas
le
formel.
 
 Simultanément
à
son
rôle
d’échange
et
de
rencontre,
la
place
 est
devenue
une
des
figures
symboliques
de
la
ville.
Dans
une
 grande
ville,
le
nom
de
la
place
dépasse
le
concept
propre
de
 son
territoire.
Demandez
à
un
parisien,
à
un
romain
ou
à
un
 libanais
de
situer
son
lieu
de
résidence,
il
répondra
«
j’habite
 à
Bastille,
à
l’Etoile,
au
Capitole,
sur
la
place
des
Martyrs…
»,
 sans
 que
 cela
 signifie
 pour
 autant
 qu’il
 habite
 sur
 la
 place
 même.
 42

Michel-Jean Bertrand et Hiéronim Listowski « Les Places dans la ville – Lecture d’un espace public » Edition Dunod – Paris 1984 Dans le chapitre 2, « la forme », les auteurs comparent la forme de la place à une boite. La découpe au sol est la base de la boite, les façades qui d élimitent la place sont les cotés et le ciel constitue le plafond.

A
cela,
on
pourrait
supposer
deux
raisons
:
par
sa
forme,
la
 place
 est
 un
 espace
 divergent.
 Elle
 irrigue
 les
 structures
 urbaines
 voisines
 par
 les
 tracés
 et
 les
 itinéraires
 qu’elle
 conditionne.
 Par
 sa
 fonction,
 elle
 est
 un
 espace
 convergent.
 Les
éléments
attractifs
implantés
sur
ces
places
sollicitent
les
 citadins
et
provoquent
l’installation
de
nouvelles
activités.
 
 On
 pourrait
 en
 conclure
 que
 la
 place
 est
 dans
 la
 ville
 une
 figure
de
repérage
et
de
centralité.
On
s’y
donne
rendez‐vous
 car
 elle
 est
 directement
 repérable
 sur
 le
 plan
 et
 qu’elle
 est
 connue
de
tous
mais
on
s’y
rend
également
parceque
l’on
est
 convaincue
d’y
trouver
ce
que
l’on
cherche.



 
 




Implicitement
 alors,
 les
 fonctions
 de
 la
 place
 remplacent
 celles
de
la
ville
:
la
ville
ne
cesse
de
s’étendre,
cumulant
les
 nouvelles
structures
économiques,
sociales
et
urbaines.

 Elle
 devient
 de
 plus
 en
 plus
 imperceptible
 dans
 son
 ensemble.
 De
 cet
 handicap
 de
 la
 ville,
 la
 place
 acquière
 un
 double
privilège
:
par
sa
taille
réduite
plus
proche
de
l’échelle
 humaine,
par
la
concentration
des
activités
qu’elle
génère
ou
 qui
 l’on
 générée
 et
 par
 son
 pouvoir
 de
 repérage
 et
 de
 centralité
 vu
 ultérieurement,
 la
 place
 davantage
 que
 la
 ville
 devient
une
figure
d’intégration
et
d’identification.
 
 La
place
des
Martyrs
selon
Le
Robert
:
 
 Martyr
:
Origine
du
mot
:
terminologie
chrétienne,
 celui
qui
consent
à
aller
jusqu’à
se
laisser
tuer
pour
 témoigner
de
sa
foi
plutôt
que
d’abjurer.
 Par
extension,
le
mot
désigne
celui
qui
est
torturé,
 tué
pour
une
cause
ou
un
idéal.
 
 




Comme
 un
 martyr,
 cette
 place,
 torturée,
 déformée,
 remodelée,
 déguisée,
 convertie,
 semble
 vouloir
 s’éteindre
 peu
à
peu,
pour
garder
cet
anonymat
social
et
refuser
toute
 identité
 que
 nous,
 investisseur,
 citoyen,
 constructeur,
 tentons
de
lui
attribuer.
 Place
des
Martyrs,
Espace
Publique
–

 chantier

53


54


CONCLUSION
 
 
 
 




Par
 sa
 situation
 exceptionnelle
 au
 centre‐ville
 et
 par
 son
 rôle
 historique
 de
 haut
 lieu
 de
 la
 sociabilité,
 la
 place
 des
 Martyrs
 constitue,
 comme
 cœur
 de
 la
 nation
 libanaise,
 un
 lieu
 porteur
 d’images
 multiples.
 Lieu
 de
 nombreuses
 batailles,
 mais
 aussi
 lieu
 de
 représentation
 des
 particularismes
structurant
l’identité
beyrouthine
et
l’identité
 libanaise.
 Elle
est
l’image
de
la
société
et
constitue
l’objet
sociologique
 résumant
 presque
 à
 lui
 seul
 tous
 les
 problèmes
 du
 Liban
 contemporain.
 
 Sur
 le
 plan
 symbolique,
 elle
 incarne
 l’espoir
 d’une
 réconciliation
 d’envergure
 entre
 toutes
 les
 fractions
 du
 peuple.
 En
 effet,
 ce
 lieu
 a
 pris
 une
 signification
 si
 forte
 qu’il
 en
 vient
 à
 incarner
 à
 lui
 seul
 le
 Beyrouth
 de
 l’époque
 glorieuse
mais
aussi
tous
les
malaises
de
la
guerre
et
l’après
 guerre.
 Etant
 l’une
 des
 seules
 à
 jouer
 ce
 rôle
 de
 point
 de
 rencontre
de
toute
une
population,
elle
raconte
le
peuple.
 
 




Aujourd’hui,
la
Place
des
Martyrs
reflète
plus
que
jamais
la
 situation
 de
 la
 société
 libanaise.
 Il
 y
 a
 quelques
 mois,
 le
 21
 mai
2008,
les
partisans
de
l’opposition
ont
rangé
leurs
tentes,
 dénudant
à
nouveau
ce
terrain
qu’est
la
place
des
Martyrs.

 Des
fleurs
y
sont
déposées
afin
de
redonner
un
semblant
de
 vie
 à
 cette
 place
 qui,
 comme
 son
 peuple,
 n’arrive
 toujours
 pas
à
se
retrouver.

 
 Elle
n’a
toujours
pas
été
reconstruite.

 Plusieurs
 défenseurs
 de
 sa
 reconstruction
 reconnaissent
 pourtant
 le
 potentiel
 thérapeutique
 du
 design
 urbain
 et
 voient
 dans
 l’édification
 d’un
 lieu
 propice
 à
 la
 réconciliation
 la
condition
première
de
sa
réussite.

Qu’il
 s’agisse
 d’une
 place
 médiévale
 populaire,
 avec
 son
 marché
 coloré
 et
 achalandé,
 son
 église
 et
 ses
 bistrots,
 ou
 qu’il
 s’agisse
 d’une
 place
 ordonnancée
 où
 pouvoirs
 et
 institutions
 s’expriment
 et
 se
 rivalisent,
 toutes
 s’inscrivent
 dans
 ces
 relations
 mouvantes
 qui
 unissent
 aux
 différentes
 époques
les
citadins
à
leur
cadre
de
vie.
 
 Autrement
dit,
la
place
est
chargée
d’histoire,
de
l’histoire
de
 ceux
qui
l’ont
aménagée,
habitée
et
fréquentée
auparavant,
 de
 l’histoire
 de
 leur
 mode
 d’organisation
 sociale,
 de
 leur
 système
de
défense
et
de
leurs
réseaux
d’échanges.
 Par
 la
 superposition
 des
 styles,
 par
 la
 concentration
 et
 la
 diversité
 des
 activités,
 la
 place
 offre
 la
 vision
 synthétique
 d’un
vécu.
 
 




En
somme,
elle
est
le
témoignage
et
le
reflet
d’un
héritage
 historique
et
actuel.
 Pour
 toutes
 les
 raisons
 évoquées,
 on
 comprend
 mieux
 alors
 pourquoi
la
place
suscite
tant
d’intérêt
et
peut
déchainer
tant
 de
passion
sitôt
qu’on
envisage
de
la
transformer.

 Son
 pouvoir
 dans
 la
 ville
 va
 bien
 au‐delà
 de
 l’exhibition
 de
 bâtiments
 remarquables,
 de
 la
 facilité
 des
 échanges
 commerciaux
ou
de
la
fluidité
des
réseaux
de
transport
et
de
 communication.
 
 




Le
défit
aujourd’hui
est
peut‐être
d’arriver
à
se
décaler
par
 rapport
 à
 la
 situation
 actuelle
 de
 la
 population,
 considérée
 comme
 chaotique,
 toujours
 à
 la
 recherche
 d’identité,
 et
 de
 faire
 de
 cette
 place
 tout
 à
 la
 fois
 un
 lieu
 de
 mémoire
 et
 un
 lieu
 de
 rencontre.
 Ainsi,
 en
 transparence
 du
 traitement
 de
 l’espace,
 de
 l’anatomie
 du
 projet
 et
 du
 discours
 sur
 la
 place
 publique,
un
jeu
stratégique
de
l’urbain
et
de
la
mémoire
est
 à
prendre
en
compte.

55


Cette
 place,
 à
 la
 fois
 prévisible
 et
 imprévisible,
 reflet
 de
 l’homme
et
de
son
peuple,
refuse
de
disparaître.

 La
vie
reprend
toujours
le
dessus,
coûte
que
coûte,
malgré
les
 attentats,
 les
 pillages,
 les
 défaites,
 les
 destructions,
 les
 assassinats
et
les
guerres.
 
 Elle
est
le
reflet
de
ce
peuple.
 Confronté
au
problème
de
la
mémoire,
confronté
au
vide.
 Vide
qui
structure
l’absence
du
lieu
de
rencontre,
du
lieu
de
 mixité
qu’était
cette
place
avant
1975.

56


BIBLIOGRAPHIE

par
ordre
alphabétique
des
titres

LIVRES
ET
ROMANS
 
 SUR
BEYROUTH

‐Beyrouth,
 SOLIDERE
 1993
 
 ‐Beyrouth
à
travers
l’histoire,
site,
cité
et
ville
 Georges
Habib
 1976
 
 ‐Beyrouth
à
travers
les
âges
 Nina
Jidejian
 1993
 
 ‐Beyrouth‐Berlin,
deux
villes
en
comparaison
après
la
 séparation,
 Stéphanie
Birkle
et
Thomas
Shewski
 
 ‐
Beyrouth,
centre
ville,
 Fondation
Hariri

 
 ‐Beyrouth
et
le
Sultan,
 Sawsan
Agha
Kassab
et
Khaled
Omar
Tadmori
 Edition
Terre
du
Liban

‐Beyrouth,
l’Histoire
Qu’on
Assassine,

 Naji
Karam
 1996

‐
Beirut,
Reborn,
 Angus
Gavin
et
Ramez
Maalouf
 
 ‐El
Bourj,
Place
de
la
Liberté
et
Porte
du
Levant,

 Ghassan
Tueni
et
Fares
Sassine,

 Edition
Dar
An‐Nahar,
2000.

 
 ‐Heart
of
Beirut,
Reclaiming
the
Bourj
 Samir
Khalaf,
 Edition
SAQI
 2006
 
 ‐Histoire
de
Beyrouth
 Samir
Kassir
 Edition
Fayard
 2003
 
 ‐Histoire
du
Liban
des
origines
du
XXeme
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 Boutros
Dib
 
 ‐La
formation
historique
de
la
place
des
Canons
 May
Davie
 
 ‐La
guerre
du
Liban
:
de
la
dissension
nationale
au
conflit
 régional
 Samir
Kassir
 Edition
Karthala‐Cermoc
 1994
 
 ‐La
mémoire
des
Cèdres,
 Jacqueline
Massabki
et
François
Porel
 Edition
Robert
Laffont 1989

57


‐Le
Beyrouth
des
années
30,
 Gaby
Daher
 
 ‐
Les
grandes
étapes
de
l’histoire
de
Beyrouth,
 SOLIDERE
 1994
 
 ‐Les
libanais
invincibles,
 Joseph
S.Stephan
 Edition
Financier
&
CPA
 
 ‐Les
transformations
du
paysage
spatio‐communautaire
 de
Beyrouth
(1975‐1996)
 Abdelkrim
Mouzoune
 Edition
Publisud
 
 ‐Le
Liban
contemporain,
histoire
et
société
 Georges
Corm
 Edition
découverte
poche
 
 ‐
Liban
–
Chaos
Constructif
ou
Déstructif,
 Monseigneur
Joseph
Mehrej
 Edition
Université
La
Sagesse
 
 ‐Liban
:
La
culture
du
dialogue
 Antoine
Koniski
 Edition
ninar
 
 ‐
Maps
and
the
Historical
Topography
of
Beirut
 Michael
F.Davie
 
 ‐Patrimoine
et
guerre
:
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la
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 Guillaume
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 Cahiers
de
l'Institut
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l'Uqam,
édition
 Multimondes,

2008.
 
 ‐Rue
de
Damas
 Antoine
Boulad
 Edition
SAQI
 2008
 
 ‐Une
semaine
sans
la
voix
de
Samir,

 Mazen
Kerbaj,

 2005.

SUR
LA
PLACE
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LA
VILLE

‐
la
place
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 Michel‐Jean
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 1984
 
 ‐
Réinventer
le
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les
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globale,

 Cynthia
Ghorra‐Gobin,

 Edition
L'Harmattan,

 2001.
 
 ‐
Visionary
Power
–
Producing
the
Contemporary
City,
 International
Architecture
Biennale
Rotterdam
&
Berlage
 Institute
 Edition
NAi
Rotterdam

58


PERIODIQUES
ET
BROCHURES
D’INFORMATION
 
 ‐Archéologica
 plan des fouilles archéologiques du centre-ville de Beyrouth, juillet 1995 n°316, octobre 1995.
 
 ‐Du
centre
aux
territoires,
la
centralité
urbaine
à
 Beyrouth,
 Beyhum
Nabil
 Maghreb
Machrek
–
n°123‐
janv‐fev‐mars
1987
 
 ‐L’Orient
Express,

 Hors
série
publié
par
L’Orient
Le
Jour
(automne
2005),
 Hommage
à
Samir
Kassir
 
 ‐
L’Orient
Le
Jour
:
 
 ‐article
la
place
des
Canons
au
XIXeme
siècle
 de
Nina
Jidejian
(n°11499
du
19
octobre
2005)
 ‐article
la
«
Place
du
Canon
»
racontée
par
Nina
 Jidejian
 de
Nina
Jidejian
(n°11368
du
18
mai
2005)
 ‐la
guerre
civile
est‐elle
réellement
finie
?
 de
Fadia
Kiwan
 
 ‐la
cité
aux
deux
places
 texte
de
Jade
Tabet
 
 ‐le
désir
de
ville
 Sawsan
Awada‐Jalu
 Dans
Beyrouth
:
Regards
croisés,
édition
URBAMA
 1997
 
 ‐
Le
développement
et
la
reconstruction
du
centre
ville
 de
Beyrouth,
 Brochure
d’information
1995
–
SOLIDERE

LIVRES
DE
PHOTOS

‐
Beyrouth
1991,
 Gabriele
Basilico
 
 ‐
Beyrouth,
Centre
ville,

 Dominique
Eddé.
photographies
de
Gabriele
Basilico,
 Raymond
Depardon,
Fouad
Elkhoury,
René
Burri,
Josef
 Koudelka,
Robert
Frank,

 Editions
du
Cyprès,
 1992
 
 ‐
Beyrouth,
portrait
de
ville,

 Jade
Tabet,
Marlène
Ghorayeb,
Eric
Huybrecht,
Eric
 Verdeil,

 Edition
IFA,
 2001

.
Chaos,
 Joseph
Koudelka
 
 ‐
Liban
Provisoire,
 Fouad
Elkoury

SITES
INTERNET

‐www.cia.gov
 ‐www.fouadelkoury.com
 ‐www.galerieannebarrault.com/gabriele_basilico

 ‐www.onefineart.com/en/articles_arts
 ‐www.samirkassir.net

 ‐www.solidere.com
 ‐www.wikipedia.org

59


VIDEOGRAPHIE

‐
Archeological
resarch
down
town
Beyrouth,
 Bahij
Hojeij
–
A.
Salloum

 Reportage

 
 ‐
Beyrouth,
le
dialogue
des
ruines,
 Bahij
Hojeij
 1993
/
52
minutes ‐
Der
Himmel
Uber
Berlin,
 (titre
français
Les
Ailes
du
Désir
)
 Wim
Wenders
‐
1987.
 
 ‐
Vienne
la
pluie,
 de
Bahij
Hojeij
‐
Liban
 On
Line
Films
‐
LM
fiction
35
mm
90’

60


ANNEXES

1
–
BROCHURE
DE
L’EXPOSITION
LIBAN
!
 
 
 2
–
IDENTITE
DES
MARTYRS
DU
6
MAI
1916
 
 
 3
–
BROCHURE
D’INFORMATION
1995
DE
 SOLIDERE
 
 
 4
–
RESULTATS
DU
CONCOURS
 INTERNATIONAL
D’IDEES
2004

5
–
PRESENTATION
DU
PROJET

«
CADAVRE
 EXQUIS
LEBANESE
»
 
 
 6
–
ETUDE
CARTOGRAPHIQUE
DE
LA
PLACE
 DES
MARTYRS

61


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