La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif - pratiques et recherches –
Enfance, Art et Langages ACTES DU COLLOQUE | 24 et 25 septembre 2013 | FRANCE – BELGIQUE - QUEBEC
Remerciements Enfance, Art et Langages remercie ses invités pour la qualité de leur interventions, ainsi que les partenaires et équipe sur place qui ont permis la tenue de ce colloque.
Ce colloque s’inscrit dans le cadre de la Convention de recherche 2012-14 qui lie : Enfance, Art et Langages - Caisse des écoles de Lyon La DSDEN du Rhône Université Claude Bernard - Lyon 1 - ESPE Université Lumières - Lyon 2 - Équipe d'accueil Éducation Cultures et Politiques L'Institut Français de l'Éducation
Organisateurs Christine Bolze et Marion Gronier pour EAL ainsi que : Alain Kerlan, Jean Paul Filiod, Christian Lallier, Luc Trouche, Nicolas Favelier et Claudine Potok Partenaires Ville de Lyon, Caisse des écoles de Lyon - Enfance, Art et Langages, Institut Français de l'Éducation, Université Lyon 1 - ESPE, Université Lyon 2 Laboratoire Éducation Culture et Politique et Centre Max Weber (UMR 5283) et le Ministère de la Culture et de la Communication. En partenariat avec la DSDEN du Rhône, l'Opéra de Lyon et l'École Normale Supérieure de Lyon Réalisation des actes Jean-Paul Filiod, Alain Kerlan, Christian Lallier, Christine Bolze, Caroline Bruguière, Nadège Galakhoff Montage vidéo Mélodie Tabita, Christian Lallier
Sommaire
SOMMAIRE
2
INTRODUCTION
3
LE PHENOMENE RESIDENCES D’ARTISTE
4
Alain Kerlan
L’entrée des artistes
4
LES RESIDENCES EN RECHERCHE
12
M. Evreux
L’Opéra à l’École 12
F. Carraud
Classe artistique : Quelle influence sur le travail enseignant ?
15
C. Choquet
De la boîte noire au troisième espace
34
M-C Le Floch
Le projet MUS-E® À Lille
41
J. P. Filiod
Résider en résidence - Un détour par l’espace
49
S. Necker
Evaluer l’EAC en partenariat ! Etude de cas
56
M. Lemonchois La participation d’élèves à la création d’un conte avec professionnels N. Montoya
62
Réflexions comparatives sur les résidences d’artiste : vers la fin d’une rhétorique de l’exception ?
82
ARTS ET ARTISTES A L’EPREUVE DE LA RESIDENCE
95
M. Buscatto
Le travail artistique en mutations - Dynamiques et tensions
95
Table ronde
L’art et l’artiste au risque de la résidence C. Lallier avec A. Damani, C. Hurtig-Delattre, C. Llobet et M. Mercier
104
Dialogue
Alain Kerlan, dialogue et interview avec Christian Ruby
106
Table ronde
Des formes esthétiques entre « œuvre » et « production » J. P. Filiod avec J. Lefebvre, D. Cerclet et E. Eudes
107
CLOTURE
110
Marie-Christine Bordeaux, Grand témoin du colloque
110
ANNEXES
122
Les annexes contiennent une bibliographie ainsi que des fiches expériences décrivant la majorité des dispositifs artistiques cités dans ces interventions, n’hésitez pas à vous y référer.
A c tes d u Col lo que : la rés iden ce d ’ar tis te en mi lie ux s c ola ire et é duca ti f
Introduction Les 24 et 25 septembre 2013 s'est tenu à Lyon un colloque intitulé : La résidence d'artiste en
milieux scolaire et éducatif – pratiques et recherchesCes journées de réflexions organisaient la rencontre et surtout l'échange entre artistes, pédagogues et chercheurs. Venus de différents pays de la francophonie, les intervenants se sont ainsi concertés sur la place centrale qu'occupent les résidences d'artistes et sur leurs impacts dans les
milieux éducatifs. Deux journées riches en hypothèses et débats que nous vous
présentons dans ces Actes numériques.
Afin de faciliter votre lecture, voici un rappel des contenus approchés : Ouverture par Alain Kerlan : L'entrée des artistes. La première journée a été dédiée aux résidences qui ont été abordées sous deux angles : la présentation fine et illustrée de dispositifs avec sept exemples français, belges et québécois (en annexe), puis les observations et analyses des chercheurs qui les ont étudiées. Chacune de ces interventions a été transcrite dans ce document dans la partie Les résidences en recherche.
La deuxième journée a privilégié l'approche artistique des résidences. Aussi, après une conférence de Marie Buscatto sur les mutations de ce travail artistique et un dialogue entre les philosophes Alain Kerlan et Christian Ruby, trois tables rondes se sont succédées pour mieux appréhender les notions de risque, d'œuvre et de production… Les travaux de cette journée ont été filmés et montés pour ces actes et sont introduits dans la partie Arts et Artistes à l’épreuve de la résidence ; vous trouverez dans ce document des liens vers
les vidéos en question.
Observatrice attentive des journées de travail, Marie-Christine Bordeaux a tenu le rôle de grand témoin du colloque et en a fait la synthèse dans sa conférence de clôture.
3|Pa g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e ph éno mèn e résidence s d’ a rt ist e
Le phénomène résidences d’artiste L’entrée des artistes ALAIN KERLAN ,
philosophe, professeur des universités en Sciences de l’éducation
à l’Université Lumière – Lyon 2
La préoccupation du commencement, de
l’incipit, est sans doute commune au travail artistique et à l’exercice philosophique, et plus largement à l’exercice de la pensée et de l’expression, quel qu’en soit le matériau. Un titre à cet égard n’est pas une étiquette apposée après-coup. J’ai choisi d’intituler cette conférence introductive d’un colloque consacré aux résidences artistiques en milieu éducatif : « L’entrée des artistes », et non pas, par exemple : « Des résidences
Par où commencer ? Le choix de placer ce colloque sous cette expression : « l’entrée des artistes », n’obéit pas
au
seul
plaisir
d’une
métaphore
circassienne. Encore que… L’art à l’école, c’est tout de même un sacré cirque dans la classe ! Dans la forme scolaire ! J’entends encore l’exclamation d’une professeure des écoles exerçant dans une école maternelle accueillant un artiste en résidence dans le cadre
du
programme
Enfance,
Art
et
artistiques à l’école, pourquoi comment ? ».
Langages (EAL) : « Quand je vois comment
Je voudrais brièvement m’en expliquer, dans
l’artiste travaille, je me demande si son cerveau est
la mesure où ce choix n’engage pas
vraiment fait comme le mien ! ». Déclaration
seulement la forme, mais bien aussi le fond
pleine d’humour, et qui évoquera à nombre
de mon propos.
d’entre nous quelques souvenirs, mais dont l’humour
fait
état
d’une
expérience
marquante, et significative.
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Ac te s du Collo que : L e ph éno mèn e résidence s d’ a rt ist e
L’expérience de la résidence, l’expérience
buterions inévitablement sur cet écueil si
partagée de la résidence, voilà ce qui me
nous prétendions définir d’emblée ce qu’est
semble constituer le point d’entrée le plus
«
approprié
dans
les
scolaire », et si nous nous enfermions dans
réflexions
que
notre
la recherche d’une définition préalable et
colloque. En effet, et nous le verrons très
canonique. Il y a de fait sous le même terme
vite, la toute première caractéristique des
des pratiques fort diverses, et c’est cette
résidences qui nous réunissent est leur
diversité et cette effervescence qui doivent
diversité, multipliée de surcroît par la
être préservées.
les
questions
voudrait
et
aborder
une
résidence
artistique
en
milieu
diversité des expériences qu’elles suscitent, diversité qui décourage par avance et rend vaine toute tentative de définition préalable.
Ce que dit la charte nationale Il existe vous le savez une « charte nationale » concernant les résidences d’artistes, qui fait
Se saisir d’une diversité, et non la réduire
l’objet d’une circulaire parue en mars 2010. Son intitulé exact est le suivant : « Charte
Mon intention toutefois n’est nullement
nationale
d’éviter la notion de « résidence », elle va
pédagogique des résidences d’artistes ». Elle
être au contraire incessamment interrogée,
distingue :
illustrée, mise en perspective ici même
-
:
la
dimension
éducative
et
La résidence de création ou d'expé-
pendant deux jours. Il s’agit d’éviter l’écueil
rimentation, qui développe une activité
du formalisme ou du nominalisme. Auguste
propre de conception d'une œuvre et
Comte lui-même, père comme on le sait du
des actions de rencontre avec le public
positivisme,
pratique
de façon à présenter les éléments du
consistant à commencer une réflexion ou un
processus de création tout au long de
exposé par une définition générale de leur
l'élaboration de l'œuvre. Sa durée est
objet. Il qualifiait non sans humour cette
variable, de plusieurs semaines à
pratique de « dogmatisme puéril ». Nous
plusieurs mois, et elle n'aboutit pas
dénonçait
cette
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Ac te s du Collo que : L e ph éno mèn e résidence s d’ a rt ist e
-
nécessairement à un spectacle, une
l’éducation, lequel stricto sensu ignore le
exposition ou une publication.
terme comme la notion de « résidence ».
La résidence de diffusion territoriale, qui s'inscrit en priorité dans une stratégie
de
développement
local,
selon deux axes : diffusion large et diversifiée de la production des artistes et actions de sensibilisation. -
La
résidence
association,
Au-delà de la définition : le mot et la chose Distinguons donc le mot et la chose. Cette affaire des « résidences artistiques en milieu scolaire » me semble comporter deux enjeux,
qui
correspond à une présence artistique dans un établissement culturel, sur une durée de deux à trois ans. Elle a une triple mission de création, de diffusion et de sensibilisation.
lesquels bien entendu s’entrecroisent. Il y a bien un enjeu du côté des mots, de la dénotation comme de la connotation des mots, le choix même du terme « résidence » est au cœur de cet enjeu, mais il y a tout autant un enjeu du côté des choses sous les
Une école, un collège ou un lycée peut
mots, et les choses, entendons par là les
accueillir des artistes en résidence. Cette
pratiques et les dispositifs dans leur diversité
modalité particulière est appelée « résidence
sous la même étiquette.
en établissement scolaire ».
Ce
que
cette
notion
de
«
résidences
Nous avons bien lu : pour la charte et dans sa
artistiques en milieu scolaire » nous invite à
façon de peser les mots, la résidence en milieu
interroger,
scolaire est une modalité de la résidence
croisement où les chemins de l’art et les
association, avec sa triple mission. Nous
chemins de l’éducation en viennent à se
l’aurons bien constaté : jusque dans son titre,
rencontrer
cette charte pèse méticuleusement ses termes
carrefour que je me propose d’examiner.
entre d’un côté le langage de la « résidence »,
c’est
et
donc
ce
carrefour,
s’interpénétrer.
C’est
ce
ce
***
qui est celui de l’art et de la culture, pas celui de l’école, et le langage de l’école et de 6|Pa g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e ph éno mèn e résidence s d’ a rt ist e
Cette question, ce désarroi, je ne l’ai Posons
donc
à
nouveau
la
question
:
Pourquoi aujourd’hui des artistes à l’école ? Pourquoi « l’artiste en tant qu’artiste » comme
pas
entendu
comme
une
demande
« pédagogique » ou « didactique ». Ce professeur ne se serait nullement satisfait d’un discours sur le partenariat, qui avait
partenaire éducatif, sinon recours éducatif ?
d’ailleurs été largement exposé. Non. Sous l’inquiétude bien compréhensible, se tenait
L’artiste et/ou l’enseignant Je
voudrais
ouvrir
en
même « stupéfiant », « scandaleux », au sens
rapportant un cri du cœur. Pas le mien. Il
étymologique : ce dont il avait été question,
s’agit du cri du cœur d’une enseignante en
et ce dont il est aussi question dans ce
arts
à
colloque lyonnais, ce n’est pas de la place et
Beaubourg, en janvier 2007, lors d’une des
du rôle de l’art en éducation, à l’école, mais
dernières sessions d’un important colloque
bel et bien de l’entrée de l’artiste en tant
international consacré à l’évaluation des
qu’artiste dans le champ éducatif, dans le
activités
domaine des missions de l’école.
plastiques.
cette
un constat assez simple mais décisif et
La
scène
artistiques
et
réflexion
se
situe
culturelles.
Silencieuse peut-être jusque-là, et à l’écoute des
communications
issues
du
monde
entier, une participante avait pris la parole pour
ne
poser
qu’une
seule
mais
douloureuse question : « Mais nous autres,
professeurs d’arts plastiques, que devenons-nous dans tout cela ? ». Il n’avait été question, au cours ces journées, en effet, que des artistes
Je crois que c’est en effet une bonne question : « Pourquoi des artistes à l’école ? Et pourquoi aujourd’hui » ? « Pourquoi des artistes dans l’école par les temps qui courent ? » Je ne prétends pas y répondre, mais à l’orée de ce colloque, je me propose d’ouvrir au moins quelques pistes.
et des dispositifs d’éducation artistique faisant appel aux artistes.
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Ac te s du Collo que : L e ph éno mèn e résidence s d’ a rt ist e
Une première piste :
Une seconde piste :
sous le signe partagé de l’esthétique
l’artiste « à la place » de l’enseignant ?
Je ne développerai pas la première piste, elle
Je me contenterai sans trop de commentaires
veut simplement rappeler que ce qui nous
de vous soumettre quelques réponses :
occupe
Une première réponse à minima : celle
s’inscrit
dans
un
mouvement
général, dans une dynamique d’ensemble
d’Erutti, plasticienne, qui a été en résidence
affectant l’éducation et l’école, non sans
à EAL : Seul un artiste peut introduire l’élève,
relation avec la société et la culture dans son
l’enfant, dans une véritable expérience
ensemble : la montée en puissance d’un certain nombre de valeurs ou de dimensions que l’on peut qualifier de façon générale
esthétique, l’enrôler dans une authentique démarche artistique, parce que lui seul l’habite
pleinement.
Réponse
discutable
d’esthétique : redécouverte du sensible, du
sans doute, qui fait trop l’impasse sur le
corps, de l’imagination, de l’émotion, de la
partenariat, mais qui a le mérite de nous
singularité… Autant d’éléments en effets plus proches du vocabulaire de l’art et de l’esthétique que de celui de la rationalité scientifique. Il m’est arrivé de théoriser ce
mettre
en
face
d’interrogations
dérangeantes mais incontournables : L’appel aux artistes vise-t-il à « mieux faire » ce que l’enseignant seul ne peut accomplir, ou à
mouvement en avançant l’hypothèse d’un
faire « autre chose, autrement » ? Ne
basculement du modèle éducatif, longtemps
désigne-t-il pas en creux l’existence d’une
et encore assez largement d’inspiration rationnelle-scientifique, vers un « modèle esthétique en éducation ». Cette considération générale ne répond pas
limite inhérente à l’enseignement dès lors qu’il s’agit du pouvoir éducatif de l’art ? La réponse de Gérard Garouste : Interrogé sur l’apport de l’artiste à ces élèves en
toutefois à la question angoissée de mon
difficultés accueillis par des artistes en
professeur d’arts plastiques. Pourquoi des
résidence à La Source, lieu éducatif créé par
artistes « en chair et en os » ? Cette question
le peintre, Gérard Garouste m’avait fait la
ouvre la seconde piste.
réponse suivante : « Ce que l’artiste apporte
d’abord
?
Une
nécessaire
et
salutaire 8|Pa g e
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Ac te s du Collo que : L e ph éno mèn e résidence s d’ a rt ist e
déstabilisation. Ce n’est pas l’absence de normes,
contre la logique scolaire, le règne de
mais la capacité à produire, travailler, déplacer la
l’expliquer/comprendre.
normativité
qui
».
importe…
qu’explicitait
une
Un
propos
autre
réponse,
métaphorique, comparant les rôles et les
Une troisième piste :
places
de
le Cheval de Troie dans la forme scolaire
l’échiquier.
Une troisième piste pourrait s’appeler méta-
L’artiste a tous les privilèges de la diagonale
phoriquement « la piste du Cheval de
du Fou, voire ceux de la Reine (le Fou est
Troie » : l’artiste dans l’école contre l’école,
néanmoins
pour desserrer - voire défaire - l’étau de la
comparatives
l’enseignant
aux
de
l’artiste
pièces
choisi
de
pour
sa
et
portée
métaphorique, on l’aura compris), tandis que
forme scolaire.
l’enseignant se trouve consigné au pré-carré
À suivre cette piste, on est aussitôt appeler
du Roi, au champ-clos royal. Esthétiquement,
à être attentif à ce que « l’entrée de l’artiste »
si je puis dire, le maître-roi est nu…
inéluctablement
Je pourrai enfin emprunter à Marc Le Bot, ou
Ses effets sur la forme scolaire. Il s’agit
du moins envisager à partir de ses propos
d’effets spatiaux, temporels, relationnels,
sur l’art, une troisième réponse, pas très
déjà bien documentés, et qu’on retrouvera
éloignée de celle de Garouste, à première
assurément dans les communications et
vue : « J’appelle art, déclare Le Bot, ces effets
discussions de ce colloque.
de perturbation que l’artiste produit dans un
Dans cette perspective, à un premier niveau,
langage par ailleurs très normalisé, et par lesquels il rompt la communication. Il n’y a rien à
Les
objets
de
protestation
qui
habituels
de
l’art
constituent
s’oppose perception
aux
une
modes et
de
compréhension. Et donc du même coup, ajouterai-je, une sorte de machine de guerre
dans
l’école.
nous pourrions analyser l’entrée des artistes dans
comprendre. Il s’agit d’affronter ».
bouscule
l’école
comme
un
processus
de
« déscolarisation », de « dé-disciplinarisation » des arts. Ce n’est pas là quelque chose d’anodin, bien au contraire. Cela touche nécessairement à la nature même de l’école, ou plus exactement de la forme scolaire. Cela peut être lu comme l’indice d’un 9|Pa g e
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Ac te s du Collo que : L e ph éno mèn e résidence s d’ a rt ist e
changement
profond,
certes
encore
Les pistes précédentes oublient une donnée
souterrain, voire marginal, qui fait signe vers
essentielle. Elles n’interrogent pas du côté
une autre école…
des artistes eux-mêmes. Pourquoi en effet
À un second niveau, dès lors, nous touchons à des processus et à des enjeux qui débordent «
de
l’éducation
beaucoup artistique
l’enjeu »,
de
puisqu’ils
concernent le devenir de l’école elle-même, du modèle éducatif, et procèdent d’une vision critique et d’une visée de rupture avec l’état des choses. L’artiste pour changer
l’école, pour changer une école qui doit
les artistes d’aujourd’hui acceptent-ils voire même revendiquent-ils - d’entrer dans l’école ? Pourquoi « y vont-ils » ? Comment comprendre ce double mouvement, de l’art(iste) contemporain vers l’école et le champ éducatif, d’artistes « en « demande d’école », d’un côté, et de l’école en demande d’art(tistes) contemporains, de l’autre ?
changer, mais ne peut changer par elle-
Voici la thèse que je défendrai : Si l’art et les
même. C’est la lecture maximale que je
artistes d’aujourd’hui sont impliqués et
proposerai de la politique éducative des arts
sollicités dans le champ éducatif, si même ils
menée un temps par Jack Lang. L’image du
s’y engagent, c’est parce qu’il y a dans l’art
cheval de Troie, donc. Et une réponse à mon
d’aujourd’hui et la démarche artistique
professeur d’arts plastiques.
d’aujourd’hui, qu’elle se déploie sur le plan visuel, sur le plan émotionnel, ou sur ceux
L’art d’aujourd’hui, l’école d’aujourd’hui : des préoccupations en partage Reste toutefois au moins une question, ouvrant une quatrième piste : mais pourquoi les artistes en tant qu’artistes « y vont-ils » ? Pourquoi l’art contemporain est-il aussi un
de l’énergie ou de la pensée, quelque chose qui touche aux questions et aux problèmes éducatifs chose
qui
aujourd’hui touche
«
majeurs, à
la
quelque
source
de
l’éducation » pour notre monde. L’art et l’éducation ont en commun des questions et des problèmes majeurs.
art engagé dans l’école ? 10 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e ph éno mèn e résidence s d’ a rt ist e
Ces questions, ces problèmes, me semblent graviter autour de trois points : 1) l’individu,
le sujet « comment éduquer, former le sujet
Je m’en tiendrai là, puisqu’il s’agit d’ouvrir
aujourd’hui ? Comment se « fabrique » le
et de baliser notre espace de recherche. Ce
sujet contemporain ? 2) la créativité, la
ne sont en l’état que des pistes. Je ne doute
création, et derechef l’origine : que recouvre
pas
la demande de création et de créativité qui
échanges les croiseront plus d’une fois.
que
vos
communications
et
nos
concerne aujourd’hui chacun ? 3) la norme,
la loi : comment fabriquer de la norme et de la normativité tout en invitant chaque sujet à « être lui-même » ? Qu’est-ce que l’art a à nous apprendre là-dessus ? ***
11 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Les résidences en recherche L’Opéra à l’École MARIE EVREUX , Opéra de Lyon, chargée de médiation culturelle
Un projet artistique
Un projet d’étude
L’Opéra à l’école est un projet artistique et
Une
culturel initié à la rentrée 2011 par l’Opéra de
de l’Education (l’IFÉ) accompagne les acteurs
Lyon pour une durée de trois ans dans une
du projet en réalisant une étude, L’Opéra aux
école élémentaire et un collège de Vénissieux.
Minguettes, qui comporte deux volets :
Le projet se construit autour de deux axes :
rencontres et ateliers avec des artistes et des techniciens, spectacles et épétitions. Le
projet
est
piloté
par
le
pôle
de développement culturel de l’Opéra, en partenariat avec l’Éducation Nationale et la ville de Vénissieux. Il reçoit le soutien financier et matériel de plusieurs mécènes : la Fondation d’entreprise Total, la Fondation d’entreprise France Télévisions et l’entreprise
de
terrain
à
Français
travers
la
Christian Lallier ;
nature de l’opéra, la musique, le théâtre,
Des activités de découverte de l’Opéra :
étude
l’Institut
des interactions sociales, portée par
par sept artistes, mêlant, en écho à la
Une
de
méthodologie de l’observation filmée
Des ateliers de pratique artistique menés
la danse et les arts plastiques ;
équipe
Une enquête compréhensive portée par le Centre Alain Savary construite à partir d’une
démarche
d’observation
et
d’analyse sur ce qui se vit et ce qui se joue au cours de cette expérience du point de vue des professionnels engagés dans l’action et des élèves. Cette enquête s’appuie sur l’observation et l’utilisation d’outils de la recherche en sciences sociales : enquêtes par questionnaires, entretiens et groupes de travail.
Clairefontaine. 12 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Le pôle de développement culturel avait déjà
action culturelle et artistique d’ampleur
travaillé avec des équipes de recherche lors
à l’école sur :
de la réalisation des projets participatifs
-
les participants et les cadres d’actions ;
Kaléidoscope 1 et 2.
-
l’organisation
La
question
de
la
commande
des
enseignements
et
les méthodes d’apprentissage ;
d’une
évaluation et de son financement se pose
-
les dynamiques de partenariat ;
désormais en amont des projets et la
-
les processus de création artistique, les pratiques des artistes.
formulation des attentes s’affine. Les attentes de l’Opéra pour ces études sont les suivantes :
Apport méthodologique afin d’aider les parties prenantes (artistes, opérateurs culturels, partenaires) à prendre du recul
L’étude tend à évaluer la traduction de ces postulats dans le réel, avec une finalité opérationnelle : quels éléments favorisent la réussite du projet ? Comment faire évoluer le dispositif ?
tout au long de la mise en œuvre du projet ;
Confirmer
des
intuitions,
réajuster
certaines propositions en cours de projet ;
Capitaliser sur les éléments de réflexion
Au terme de deux années de projet, des points de satisfaction se dégagent :
mis en avant par les chercheurs pour
La relation partenariale construite entre l’équipe de recherche, l’Opéra et les
construire de nouveaux projets.
enseignants soutenue par un retour régulier
croise
questionnements
les
problématiques
des
différents
et
acteurs
de
l’étude
dialogue entre tous les acteurs.
ou d’amender les postulats de départ du Il
l’avancée
contribue à instaurer la confiance et le
Ce projet d’étude a pour objectif de valider
projet.
sur
Le
partage
questions
des des
observations chercheurs
et sur
les les
(institutions culturelles, éducatives, tutelles)
pratiques sont des apports essentiels
dans le but de préciser les impacts d’une
pour prendre du recul et remettre en perspective les actions et ce qui les fonde. 13 | P a g e
Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Toutefois des questionnements subsistent :
La présence de chercheurs contribue à nourrir des attentes qui ne sont pas réalistes (justification « scientifique » d’une plus-value d’une action artistique à l’école par exemple), dans un contexte où l’on encourage une vision utilitaire
Les temporalités de la recherche et des établissements culturels ne sont pas les mêmes
:
travailler
sur
des
études
d’impact dans un calendrier d’action contraint (les trois ans du projet) s’avère complexe
et
induit
une
étude
des
impacts à moyen terme uniquement.
des pratiques culturelles.
Pour en savoir plus : -
Sur le projet l’Opéra à l’école : www.opera-lyon.com
-
Rapports de recherche : rapports intermédiaires de l’IFE et rapports d’études relatifs aux projets Kaléidoscope. Contacter Stéphanie Petiteau et Marie Evreux : d.culturel@opera-lyon.com
14 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Classe artistique expérimentale au collège : Quelle influence sur le travail ordinaire des enseignants ? FRANÇOISE CARRAUD ,
maître de conférence en Sciences de l’Education ISPEF,
Université Lumière – Lyon 2
Des artistes à l’école : source d’innovation et d’amélioration ?
Depuis des décennies, les gouvernements
Les résidences d’artistes en milieu scolaire,
successifs ont produit et mis en œuvre des
comme les différents partenariats avec des
réformes de multiples natures avec pour
artistes, sont souvent présentés comme des
objectif explicite une meilleure efficacité du
innovations pédagogiques, innovations qui
système et, plus ou moins implicitement, une
sont elles-mêmes envisagées comme des
visée
« améliorations » du système scolaire qui
enseignantes.
pourraient, voire devraient, produire des
professionnelles étaient déficientes, comme si
effets positifs sur les résultats scolaires des
elles étaient à l’origine des mauvais résultats
élèves, notamment ceux qui sont les plus en
des élèves. Or les chercheurs qui ont étudié ces
difficultés. Cette question de l’amélioration du
réformes et leurs effets, ne peuvent toujours
système et de la progression des résultats des
mettre en évidence des relations de causalité
élèves au regard des évaluations nationales et
entre ces transformations organisationnelles,
internationales est épineuse. Elle est souvent
didactiques ou pédagogiques et les résultats
mise sur le devant de la scène politique et
des élèves, et ne peuvent guère statuer sur leur
médiatique
efficacité (ou inefficacité).
qui
parle
aussi
d’efficacité,
d’efficience voire de productivité de l’école. Elle
est
renforcée
par
les
problèmes
d’insertion sociale et professionnelle des élèves devenus adultes.
de
transformation Comme
si
des
pratiques
ces
pratiques
Cela ne signifie certes pas qu’il n’existe aucune
relation
transformations
entre ou
ces
évolutions,
innovations
et
les
résultats scolaires des élèves, cela ne signifie 15 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
pas non plus, comme certains le prétendent,
« Les démarches d’innovation et d’expérimentation
que les enseignants résisteraient à tout
relèvent de la conduite du changement dans un
changement
et
empêcheraient
toute
système complexe ».
progression du système. Mais la multiplicité des variables qui influent sur les réussites ou
Ainsi les projets de ces résidences d’artistes
échecs scolaires, leurs différents liens et
sont toujours motivés par un effet escompté
interconnexions,
sur les résultats scolaires des élèves soit
le
rôle
des
contextes
éminemment variables et influents eux-
directement,
aussi, rendent difficile la mise en évidence de
modification des pratiques pédagogiques des
facteurs favorisant, de manière avérée et
enseignants. C’est pourquoi la plupart des
univoque, la réussite scolaire de tous les
projets
enfants, quels que soient leurs milieux
notamment la mesure des résultats des
sociaux et familiaux.
élèves. Mais certains prévoient également de
Pour autant, à l’heure actuelle, l’innovation ou
mesurer les effets de ces résidences sur les
l’expérimentation pédagogique, les pratiques
pratiques enseignantes, car comme le disent
innovantes sont, non seulement mises à
les acteurs : « On sait que tout cela coûte très
l’honneur (avec certes beaucoup d’ambiguïtés),
cher ». Mais le malentendu est parfois grand
mais aussi prescrites par l’institution elle-
car tous les enseignants n’anticipent pas de
même : voir notamment l’article 34 de loi
la
d’orientation de 2005, mais également le rôle
professionnels : la plupart estimant que la
du DRDIE (Département de la Recherche et du
présence d’artistes, les pratiques artistiques
Développement,
de
réalisées par les élèves sous la conduite
l’Expérimentation) institué au sein de la
d’artistes, ou encore les sorties, visites ou
DGESCO,
(Conseillers
spectacles artistiques peuvent combler un
Recherche-Développement,
écart culturel, apporter aux enfants des
Innovation et Expérimentation). Dans le Vade-
formes de prérequis culturels leur permettant
mecum Innover pour une école des réussites
de mieux suivre et acquérir les apprentissages
(rédigé par le DRDIE), il est noté que :
proprement scolaires, sans qu’il soit pour
et
Académiques
de
des
l’Innovation
CARDIE
et
soit
prévoient
même
indirectement
des
manière
par
évaluations,
ces
la
et
changements
16 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
autant nécessaire de modifier les dispositifs
départementale visant le développement de la
de ces apprentissages scolaires.
danse et de la musique et soutenue par le
C’est dans ce contexte général que peuvent être étudiées les résidences d’artistes en milieu scolaire et notamment le travail de la classe artistique expérimentale du collège de
Conseil Général. Il a été proposé au rectorat de l’académie, qui a recommandé ce collège, et il est soutenu par plusieurs organismes et fondations. Il a « pour objectif d’intégrer les
pratiques artistiques dans un projet pédagogique
La pinède1.
transdisciplinaire pour favoriser la réussite scolaire et éducative de l'élève. […] prévenir les difficultés à l’école et développer l’ambition scolaire »2.
Un collège, une expérimentation et une recherche
Il vise aussi à « transformer les pratiques
Ce collège intégré au programme ECLAIR scolarise
un
peu
plus
de
500
élèves,
population largement issue de l’immigration
professionnelles » : « […] La fréquentation régulière
des
artistes
et
la
confrontation
permanente des démarches pédagogiques et artistiques obligent à une grande ouverture d’esprit
et marquée par un fort taux de chômage. Les
et à beaucoup d’inventivité pour tirer le meilleur
résultats scolaires sont inférieurs d’environ
parti d’une relation forcément complexe. Les effets
20 % à la moyenne départementale. Les
sont prioritairement attendus du côté des
enseignants
(une
soixantaine)
sont
peu
nombreux à rester au-delà de quelques
enseignants mais concernent aussi nécessairement les artistes »3.
années. Mais il existe un noyau stable, composé d’enseignants expérimentés, dont
L’observation,
l’équipe engagée dans ce projet.
scientifiques
Le projet de la classe artistique expérimentale
comme l’accompagnement et le suivi du
est
projet, prévus dès l’origine par les initiateurs,
dû
à
l’initiative
d’une
association
l’étude de
cette
et
l’évaluation
expérimentation,
1
Le nom du collège a été transformé afin de respecter l’anonymat et la confidentialité des enquêtés, comme le veut la déontologie des sciences sociales (même si cet anonymat est parfois difficile à tenir, notamment dans le cas de recherches réalisées dans le cadre de projets expérimentaux, et subventionnées par des commanditaires qui souhaitent rendre publiques leurs actions). 2
Présentation du projet sur le site internet de l’association.
3
Idem
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
sont
assurés
par
une
équipe
de
cinq
chercheurs du laboratoire Éducation, cultures
et
politiques,
recherche
issus
de
distinctes
:
disciplines Alain
Kerlan
l’art à l’école, coordonne l’ensemble ; Céline Choquet (dans le cadre de sa thèse de doctorat) étudie les résultats du dispositif sur les parcours des élèves tout au long des quatre années de collège ; Marie-Christine (psychologie
de
l’éducation)
s’intéresse à l’évolution de l’estime de soi des élèves inscrits dans cette classe ; Samia Langar (dans son mémoire de master 2) a rendu
compte
de
l’influence
de
cette
expérimentation sur les familles et leurs relations à l’école ; et moi-même qui travaille sur
les
questions
de
professionnalité
enseignante à partir des théories de l’activité. C’est
ainsi
que
depuis
le
début
de
l’expérimentation (en 2009), je cherche à comprendre les effets de ce dispositif de classe
artistique
sur
le
travail
majeures ? Pour quelles conséquences ?
de
(philosophie de l’éducation), spécialiste de
Pipérini
quelle manière ? Quelles sont les influences
des
enseignants : ce dispositif modifie-t-il le
La démarche est de type ethnographique : il ne s’agit pas d’une évaluation au sens habituel du terme mais d’une description détaillée de l’activité ordinaire et du sens que les acteurs donnent à cette activité. Comme le dit l’historien Bernard Lepetit ma première question est « comment ça marche ? » et non «
pourquoi
cela
ne
marche-t-il
pas
mieux ? »4. Dans ce sens l’évaluation n’est pas réalisée de l’extérieur, elle n’est pas produite par les chercheurs indépendamment des acteurs : elle est dévolue aux acteurs eux-mêmes. Ce sont eux qui évaluent, c’està-dire qui déterminent la valeur de leur activité : quel sens, quelle valeur donnent-ils à
leur
activité
professionnelle
dans
ce
contexte spécifique de travail qu’est la classe artistique expérimentale, au sein d’un collège situé dans un quartier sensible c’est-à-dire en difficulté économique et sociale ?
travail ordinaire des enseignants ? Si oui de
4
Les Formes de l'expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, 337 p. (page 11)
18 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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L’organisation de la classe artistique…
formation pour les enseignants avec les artistes, des temps de réunions hebdomadaires, et de
La mise en œuvre du projet a nécessité une organisation rigoureuse élaborée par les enseignants
eux-mêmes
en
nombreuses visites et spectacles pour lesquels les enseignants accompagnent les élèves.
2009-2010.
Les pratiques artistiques, les artistes et leurs
Pour que les élèves suivent chaque semaine
compagnies ont été choisis par le collectif
deux ateliers artistiques de trois heures
des enseignants et des commanditaires du
chacun (soit deux demi-journées dans la
projet : en classe de 6ème, il s’agissait de
semaine), sans avoir un emploi du temps plus
danse contemporaine ; en 5ème, de théâtre et
chargé que celui des autres classes de
d’écriture ; en 4ème, musique et écriture (avec
sixième, le nombre d’heures de cours de
le même écrivain que l’année précédente) ; et
chaque discipline a été réduit sur l’ensemble
en 3ème (2013-2014) une compagnie de
de l’année scolaire (au prorata de leur part
théâtre a mêlé différents arts : écriture,
respective dans l’emploi du temps). Les
théâtre, musique, vidéo… L’enquête n’ayant
enseignants, tout en ayant moins d’heures de
pas porté sur le processus de choix de ces
cours avec les élèves de cette classe, doivent
compagnies et de ces artistes, il est difficile
cependant effectuer l’ensemble de leurs
de dire précisément comment et sur quels
heures de service, c’est pourquoi ils sont
critères ils ont été élus.
alternativement présents pendant les temps d’ateliers conduits par les artistes (en fonction du nombre d’heures « abandonnées » au profit de ces ateliers)5. À cela s’ajoutent des temps de résidences ou de mini-résidences avec les artistes (et auxquels assistent les enseignants
concernés),
des
journées
D’une certaine manière, les projets artistiques ou culturels font partie de l’histoire de ce collège : dans les entretiens, les enseignants évoquent leur goût pour le travail à plusieurs qui les encourage à demeurer dans l’établissement. C’est ainsi qu’ils ont immédiatement adhéré au
de
Cette « présence » a fait l’objet de nombreuses discussions et reste un point névralgique du projet : quel est le rôle de l’enseignant pendant ces ateliers ? Quelle posture ? Quelle influence sur le travail des artistes (en sachant que tous les enseignants sont amenés à être présents à des différents moments de l’année, quel que soit leur degré d’engagement dans le projet) ? Quelle influence sur le travail en classe des enseignants ? Sur les relations entre enseignants et artistes ? C’est sur ces points que nous poursuivons notre étude (cf. deuxième partie de ce texte). 5
19 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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projet proposé par un de leurs collègues (ancien
En 2012-2013 : quatre entretiens avec
dans l’établissement) et ont œuvré à constituer
des enseignants nouvellement engagés
une équipe complète pour une même classe.
dans le projet.
Ceci ne doit pas faire oublier que tous les enseignants
de
la
classe
artistique
Et juin 2014 : neuf entretiens, avec la
(une
quasi-totalité de l’équipe enseignante.
douzaine) ne sont pas engagés au même
Ces entretiens, qui durent entre une
niveau : tous ne participent pas à toutes les
heure et une heure trente, portent
réunions ou aux temps de formation, mais ils
toujours sur l’activité concrète des
ont tous, d’une manière ou d’une autre, accepté
enseignants.
le principe et l’organisation de cette classe. Le questionnement général et les principales
… et de la recherche correspondante
questions de recherche concernent le travail ordinaire dans le contexte de cette classe
L’enquête concernant les enseignants et leurs pratiques professionnelles, est principalement basée sur des entretiens individuels, avec quelques moments d’observation, notamment pendant les réunions collectives.
artistique expérimentale : le fait de travailler au sein d’une équipe d’enseignants enrôlés dans le même projet, de se réunir très régulièrement avec des collègues et avec différents
acteurs
intervenants
dans
ce
En 2010-2011 : dix entretiens ont été
projet, de déléguer une partie de son temps
conduits,
enseignants
de travail à des artistes, sur des temps
différents, à deux moments dans l’année
scolaires, tout en participant à ces temps de
scolaire (décembre et juin).
pratique artistique, contribue-t-il, ou non, à
En 2011-2012, deux longs entretiens
modifier ou à transformer les pratiques
(début juillet) avec deux enseignants
ordinaires de ces enseignants, au sein de
différents : l’un nouvellement entré dans
leurs propres classes ? Le fait de participer
le projet et l’autre déjà interviewé l’année
aux ateliers artistiques, de voir les élèves
précédente et moteur du projet (tous
engagés
deux s’apprêtant à quitter le collège).
impulsées et coordonnées par des artistes,
avec
cinq
dans
des
pratiques
artistiques
20 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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de les accompagner lors de spectacles, ou à
compte l’histoire de l’individu (son histoire
l’occasion
prestations
personnelle, sociale, technique et culturelle)
publiques, a-t-il une influence sur le travail
et s’intéresse aux systèmes de références,
ordinaire de ces enseignants ?
valeurs et normes que cet individu met en
de
leurs
propres
Pour traiter ces questions, pour saisir et analyser d’éventuelles transformations du travail ou des pratiques professionnelles
œuvre
au
cours
de
son
activité
professionnelle. C’est dans ce sens que nous utilisons ce terme ici.
ordinaires des enseignants, il importe de
Pour saisir cette professionnalité comme
clarifier le sens donné aux expressions « travail
système de normes et de valeurs en acte,
ordinaire » ou « pratique professionnelle
nous nous intéressons aux discours des
ordinaire ». Notre intérêt, ancien, pour le
enseignants sur leur activité concrète. Il ne
travail ordinaire et quotidien des enseignants
s’agit pas de faire apparaître et de récolter
est
de
des représentations, ou des discours de
« professionnalité » définit à partir des travaux
rationalisation sur le travail, mais de faire
du sociologue Aballéa (1992) pour qui la
raconter le travail par le détail, par le menu,
professionnalité est un système de normes et
pour, à partir du récit de l’activité même,
de valeurs en acte. Ce terme, venu de l’italien
saisir les normes du travail qui sont en jeu et
professionalità,
années
ce que à la suite de Schwartz (1997) nous
soixante-dix par les syndicats italiens des
appelons les processus de re-normalisation
usines FIAT, désigne un patrimoine commun
du travail, en situation et en contexte.
ancré
dans
utilisé
le
dans
concept
les
que les ouvriers veulent défendre et faire reconnaître, une somme de connaissances, de
capacités
et
expériences.
Ainsi
la
professionnalité suppose un métier, une expertise (des savoirs et des cod’mpétences) et un système de références normatives ou de valeurs (déontologie, éthique), un univers moral. En effet, la professionnalité prend en
La recherche étant en cours, les résultats sont encore partiels et provisoires : ils concernent tout d’abord le travail enseignant au sein de la classe puis, dans un second temps, ils traitent du travail des enseignants au sein des ateliers de pratiques artistiques conduits par les artistes. 21 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Premiers résultats :
ou de « scolariser » le travail artistique est
à propos du travail
souvent évoqué collectivement et repris individuellement. Les enseignants craignent
enseignant dans la classe
de
« Éviter d’instrumentaliser les pratiques artistiques »
les
dimensions : notamment préparer les cours, mettre
en
œuvre
tout
en
assurant
l’organisation et le contrôle du groupe classe, ou encore évaluer les acquisitions des élèves. À ces principaux aspects, assez bien connus et répertoriés par les chercheurs, s’ajoutent des activités invisibles ou cachées, mal connues : des tâches matérielles, organisationnelles ou
Ainsi, les entretiens conduits la première année ont fait apparaître que la classe artistique expérimentale ne modifiait pas, ou peu, le travail ordinaire et habituel des enseignants en ce qui concerne le travail de
adaptations,
des
cours.
habituelles
Au-delà pour
apports
de
la
classe
eux,
des les
enseignants semblent d’abord s’accorder sur le fait que travailler avec cette classe particulière ne nécessite pas de modifications spécifiques. Le risque d’« instrumentaliser »
préoccupations
scolaires
liées
aux
programmes et progressions. Comme si les bénéfices attendus pour les élèves risquaient d’être perdus ou gâchés par cette forme scolaire qui, si elle est implicitement acceptée comme cadre (ou « genre ») de leur propre travail, est tout aussi implicitement refusée, du
moins
en
partie,
quand
il
s’agit
d’autres types d’apprentissages, notamment de nature artistique. La
encore relationnelles ou émotionnelles.
conception
les
artistique en les faisant coïncider avec
Le travail enseignant comporte différentes
les
stériliser
plupart
des
enseignants
affirment
cependant « faire des ponts » ou des liaisons entre le
contenu
des ateliers et leurs
enseignements, selon le degré de proximité entre la discipline enseignée et la pratique artistique (EPS et danse, usage de la langue anglaise en lien avec des artistes anglais, etc.), et notamment en cours de français, qui est bien revendiqué comme une matière artistique parce qu’elle « travaille sur la sensibilité ». Mais il faut « faire attention à ne pas
surinvestir
l’atelier
d’objectifs
pédagogiques ». Encore une fois, il s’agit 22 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
d’éviter de « pédagogiser » ou « didactiser »
habituellement
les activités artistiques, de les conformer à
bousculent bien le travail des enseignants,
une forme scolaire qui serait stérilisante. Dans
fortement normalisé par la forme scolaire et
le même temps, le travail des artistes, qui ne
ses exigences en termes de programmes,
se conforme pas à ce modèle, déstabilise
programmations et progressions. Mais les
quelque peu le travail des enseignants. Pour
tensions
nombre d’entre eux, il semble que l’absence
l’organisation et la mise en œuvre les
de programmation, le fonctionnement « un
activités artistiques et les activités scolaires,
peu trop improvisé », ont été gênants. Même
bien ressenties par les enseignants, ne
si les enseignants se sont « adaptés », cela les
semblent pas affecter leur propre activité
a parfois empêchés de « faire des liens avec la
professionnelle et leur adhésion à la forme
classe » et les apprentissages, en vocabulaire
scolaire comme genre professionnel.
ou
consacré
aux
contradictions
cours,
entre
par exemple. Les entretiens conduits les années suivantes n’ont pas démenti cette volonté de ne pas trop remettre en question la conception et le
Des transformations relationnelles dans la conduite de la classe
déroulement des activités scolaires, des
Quelle que soit la discipline concernée, les
cours et des apprentissages disciplinaires. Il
enseignants décrivent une « manière de faire
ne faut cependant pas sous-estimer les effets
cours
de la classe artistique sur le temps scolaire et
« classique ». Il s’agit d’abord de reprendre le
l’organisation même des cours (qui sont
travail fait à la maison et demandé lors du
passés de cinquante minutes à une heure
cours précédent (leçons ou exercices), puis
trente)6. Ainsi il apparaît que le projet de la
de mener une réflexion, individuelle et
classe artistique et la participation des élèves
collective, à partir de textes, de documents
à
artistiques
ou d’exercices, pour stabiliser (le plus
plusieurs heures par semaine, sur le temps
souvent par écrit) des connaissances qui
des
ateliers
de
pratiques
traditionnelle,
magistrale
»,
Voir Carraud, F. (2012). « Expérimentation dans un collège ECLAIR. Le travail enseignant entre logique scolaire et logique artistique ». In Sociologies Pratiques, n° 25, Le collège en question : des professionnels au cœur des tensions. 6
23 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
devront ensuite être apprises ou appliquées
D’une manière générale, les enseignants
dans un exercice pour le cours suivant. À
constatent que les élèves sont beaucoup
chaque fois, le travail demandé est noté au
moins enclins à la moquerie que dans leurs
tableau et copié par les élèves dans leur
classes habituelles : ils se respectent mieux
agenda. Le fait de travailler en équipe a
et osent davantage intervenir en cours à
permis
et
l’oral, ils lèvent le doigt et participent
d’adopter cette « procédure » pour toute
volontiers, ce qui crée une dynamique de
l’année. Dans ce cadre relativement stable,
classe plus agréable pour les enseignants.
les manières de conduire le groupe et les
Dans le même registre, et en lien avec la
individus
dimension
aux
enseignants
quant
à
elles
d’expliciter
sont
toujours
précédente,
les
enseignants
instables, sujettes aux aléas des interactions
constatent que ces élèves sont plus assurés :
et des humeurs individuelles et collectives.
ils ont davantage confiance en eux et osent
Et ce sont ces activités professionnelles, liées
s’exprimer, ils sont également plus à l’aise
aux relations des enseignants avec les élèves
dans leur corps et vont plus volontiers au
ou des élèves entre eux, qui ont été le plus
tableau. Enfin, s’agissant des apprentissages,
transformées
les enseignants ont remarqué que ces élèves
par
la
classe
artistique
expérimentale.
sont plus curieux, ouverts et intéressés par
Trois ensembles de transformations peuvent être identifiés : les changements d’ordre politique
(le
«
vivre
ensemble
»),
les
changements d’ordre psychologique ou affectif (l’« estime de soi »), les changements d’ordre cognitif ou comportemental (la « curiosité » et le « goût de l’effort »).
les nouveaux apprentissages. Parfois certains estiment même que ces élèves sont plus exigeants et qu’il faut leur proposer des activités plus riches (par exemple, en anglais, des chansons d’un autre niveau). Tous les enseignants interrogés trouvent les élèves plus épanouis, plus ouverts, plus autonomes et plus engagés dans le travail scolaire. Mais, au-delà
de ces convergences, la
question de l’autorité et de la discipline scolaire reste un point d’achoppement. 24 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Respecter et faire respecter l’ordre scolaire
qui, souvent, restent en partie dans l’ombre du « sale boulot »8. Cette visibilité a aussi
En effet, tout au long des années de déroulement du projet, quels que soient les enseignants et les artistes, les exigences d’ordre et de discipline (silence, immobilité, etc.) et les injonctions relatives à ces exigences ont fait l’objet de divergences entre ces deux groupes professionnels. Et si les écarts entre le travail des artistes et celui des enseignants n’ont, finalement, que peu interrogé le travail enseignant relatif aux contenus
d’enseignement
et
à
leur
organisation, ils ont été bien plus difficilement vécus, par rapport aux modes de régulation de la relation pédagogique et aux contrôles corporels et comportementaux. En effet, c’est au niveau de la discipline comme norme de régulation, que les écarts ont pu être perçus et vécus comme de réelles divergences, désaccords assez vivement dénoncés, même à mots couverts, tant par les enseignants que
implicitement
contribué
à
re-normaliser
collectivement des normes souvent intégrées comme individuelles. Plusieurs enseignants ont longuement relaté comment, le fait de voir le travail des artistes, ou d’autres collègues,
le
fait
de
constater
leurs
différentes manières de contrôler le groupe et de faire respecter l’ordre scolaire, a influencé leur propre conception de la discipline
et
de
la
régulation
des
comportements des élèves. D’autres ont davantage insisté sur les écarts de perception et d’intervention. Cette question de la gestion de la discipline, de la mise au travail des élèves et de leur engagement dans l’activité est particulièrement visible lors des d’ateliers eux-mêmes. Ainsi ces temps de pratiques artistiques ont-ils fait l’objet d’investigations plus poussées lors des entretiens réalisés la seconde et la troisième année.
par les artistes7. Dans le même temps, le projet de la classe artistique a donné une plus grande visibilité à ces normes disciplinaires
Quelques entretiens menés avec les artistes, par des collègues, ont montré que ces artistes étaient eux-mêmes en désaccord, voire en conflit, avec les attitudes et les pratiques des enseignants. 7
La notion de « sale boulot », formalisée par le sociologue Hughes, a été reprise par Payet à propos de l’école (1997) et nuancée par Barrère (2003). 8
25 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Des
résultats
en
cours
de
La présence des enseignants était donc
formalisation : le travail des
obligatoire (puisque effectuée dans le cadre
enseignants au sein des ateliers de pratiques artistiques
se déroulaient pendant une à deux demipar
semaine),
les
enseignants
étaient toujours présents (en fonction de leurs heures de service). En règle générale, si ces ateliers étaient conduits par un (ou plusieurs)
artistes,
un
enseignant
était
également présent pendant la première partie (qui durait une heure trente) et un autre durant la seconde partie (qui durait aussi une heure trente). Chaque enseignant ne restant présent lors des ateliers que durant quelques mois. Ceci sans oublier la présence régulière des chercheurs et autres observateurs,
ainsi
que
celle
n’était que très peu organisée, prévue, planifiée, aucune tâche n’étant « prescrite ».
Lors des ateliers de pratiques artistiques (qui
journées
de leur service d’enseignement), mais elle
des
commanditaires du projet. Au final, plusieurs adultes, ayant des statuts et des rôles très distincts, étaient présents en même temps, dans un même lieu, avec le même groupe d’élèves.
Et, lors des entretiens, la plupart des enseignants
disent
leur
malaise
:
leur
sensation de ne rien avoir à faire, de ne pas travailler et même « d’être payés à ne rien faire ». Pourtant, lorsqu’ils décrivent, en détail, leur activité, celle-ci apparaît riche et variée, même si elle n’est pas « prescrite ». Ainsi, peu à peu, en fonction des contextes et des artistes intervenant, à partir du travail qu’ils
ont
l’habitude
de
réaliser,
les
enseignants « inventent » de nouvelles formes de travail qu’ils adaptent en situation. Comme le résume l’un d’entre eux : « Petit à
petit, je me suis rendu compte que mon travail c’était d’être là, ce n’était plus un souci… ». Au fil des entretiens, cette formule, « Être là », renvoie nécessairement à différentes façons d’être là, à différents rôles et différentes postures qui peuvent être entremêlés. Ainsi les enseignants veulent à la fois « garder [leur]
rôle de prof » et « délaisser [leur] position », ce qui est « un peu difficile » disent-ils. Ainsi ils peuvent « jouer » plusieurs rôles en même 26 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
temps (« conjuguer les rôles ») ou passer de l’un
point est sujet à controverses, nous l’avons
à l’autre en explorant toutes les nuances d’un
vu. Tous les enseignants s’interrogent :
continuum qui va du rôle de prof à celui
quand doivent-ils intervenir pour ramener le
d’élève
calme ? Le font-ils trop ou trop peu ? Même
en
passant
par
celui
d’artiste,
d’entraineur ou de coach.
s’ils en discutent avec les artistes (et avec leurs collègues) les seuils de perception du désordre sont très variables : selon les
Rôle de prof
enseignants, selon les artistes, selon les
Tous les enseignants signalent qu’ils doivent « être prof » pour tout ce qui concerne l’organisation du travail des élèves : « tout ce qui est institutionnel ne concerne pas les artistes » dit l’un d’eux. Ainsi ce sont eux qui vont chercher les élèves dans la cour, font l’appel
(avec
parfois
des
difficultés
techniques quand l’ordinateur de la salle prévue pour les ateliers ne fonctionne pas), font installer les élèves (en demandant de poser les cartables, les vêtements, ou de les récupérer à la fin), s’attachent à obtenir le calme,
etc.
Plusieurs
expliquent
qu’ils
organisent, et parfois prennent eux-mêmes en charge, un rituel pour débuter la séance, pour
faire
du
lien
avec
les
séances
précédentes.
jours, les « moments de flottement, de bazar » sont jugés graves ou pas. En effet, cette perception du désordre, imminent ou avéré, varie non seulement d’un individu à l’autre mais aussi d’un jour à l’autre, selon les contextes et les situations, en fonction de ce qui a pu se passer les heures ou les jours précédents, dans la classe, dans le collège, dans le quartier. De même, les modalités d’intervention pour assurer ou retrouver le calme peuvent varier : depuis le petit claquement de lèvres presqu’imperceptible, les haussements de sourcils ou le regard appuyé en direction d’un élève, jusqu’au déplacement physique vers un de ces élèves pour le morigéner, le mettre à l’écart, l’exclure ou le punir, ou seulement le
En tant que professeurs, ils se sentent
maîtriser par une présence proche, en
chargés de la discipline et estiment devoir
passant par les remontrances collectives, les
faire respecter et régner l’ordre scolaire. Ce
propos moralisateurs ou les menaces… 27 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Les
gestes
professionnels
destinés
à
ordinaires, nous avons vu que c’était assez
contrôler les individus et le groupe, parfois
rare. Malgré tout cela existe, de manière
infimes ou minuscules, sont extrêmement
discrète, et si les effets à long terme sur leur
nombreux. Si tous les enseignants n’usent
travail ordinaire sont difficilement mesurables,
pas des mêmes gestes dans des situations
ils ne sont pas négligeables. « Être prof » c’est
qui peuvent sembler proches, tous se sentent
encore réexpliquer, reformuler les consignes :
investis de cette mission de contrôle et de
rester auprès de petits groupes ou d’élèves
surveillance.
particuliers, et redire ce que l’artiste a
Du côté des artistes, il semble que les interventions des enseignants soient souvent embarrassantes, envahissantes
voire (mais
importunes aucune
ou
enquête
rigoureuse n’a été faite sur ce point, et les discours et perceptions doivent également différer selon les personnes et les contextes). Alors que pour les enseignants, il apparaît clairement qu’ils doivent agir, que c’est leur rôle : « Je sentais qu’il fallait que j’intervienne, que
je prenne la parole et là c’était mon rôle de prof ». Pour certains, il est même de leur devoir de « donner ou transmettre son autorité » à l’artiste : « lui donner son autorité, il me semblait que ça
passait par moi », par exemple en lui faisant sentir qu’ils sont tous deux « sur la même
longueur d’ondes ». « Être prof » cela peut être aussi reprendre des éléments du travail fait en atelier lors des cours
demandé à tous, redire, répéter, encore et encore… Tout en stimulant les élèves, en les motivant, en les engageant dans les activités proposées
et
veillant
à
maintenir
cet
engagement, motivation ou intéressement. Ce travail de reformulation et de stimulation pourrait conduire à jauger et corriger les élèves, mais si les enseignants sont présents pour aider et accompagner, ils ne s’autorisent pas à juger ou évaluer. Par une forme d’accord tacite,
les
pratiques
d’évaluation
des
apprentissages artistiques, paroles ou gestes, sont réservés aux artistes. Les enseignants peuvent
évaluer,
comportements
corriger
inadéquats
ou mais
punir
les
pas
les
activités artistiques. Dans ce sens ce travail d’accompagnement individualisé des élèves ou des petits groupes, renvoie davantage à un rôle d’entraîneur, voire de coach, qu’à un rôle d’enseignant au sens strict. 28 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
« Être coach »
« Jouer à l’élève »
Un coach est aussi un entraîneur, un mentor
La plupart des enseignants (sauf ceux qui se
ou un conseiller, un accompagnateur9. Dans
sont refusés à « jouer le jeu » mais c’est resté
ce sens les enseignants expliquent être
exceptionnel et momentané) se sont, à divers
souvent dans cette position de celui qui donne
moments, volontairement enrôlés comme
des conseils, qui aide individuellement, qui
élèves, notamment lors des échauffements :
encourage : « qui entoure l’élève dans ce qui lui est
comme les élèves ils peuvent enlever leurs
demandé ». Ce travail d’accompagnement
chaussures, s’asseoir par terre, faire des
personnalisé, de coaching, est rarement
exercices corporels ou d’écriture, danser,
effectué par les enseignants dans leur classe,
jouer d’un instrument… Et ne craignent pas de
quand ils doivent faire cours, contrôler le
perdre leur autorité ou prestige de prof en
groupe et l’engager dans le travail scolaire.
faisant
Alors que, durant les ateliers, un enseignant
préparaient
explique de manière détaillé qu’il « n’est pas
représentation théâtrale, certains enseignants
entraineur mais capitaine », c’est-à-dire membre
ont également choisi de « remplacer »
du groupe, chef d’équipe : « celui qui dit qu’il
des élèves : « […] et donc là je m’asseyais sur une
faut y aller, qu’il faut pousser la montagne » et que
chaise, je savais pas trop quoi faire, qui dire […]
les élèves suivent par mimétisme. Cette
j’étais un peu mal à l’aise […] je trouvais que j’étais
attitude de coach, à mi-chemin entre le prof qui enseigne, qui réexplique et reformule, et l’artiste qui dirige le groupe et le travail,
cela.
Parfois, un
quand
spectacle
les ou
élèves une
assez inutile […] et puis je me suis mis à remplacer les élèves absents ». Et cet enseignant de poursuivre : « Et alors du coup j’ai ressenti ce que
ressentaient les enfants, j’étais comédien à ce
glisse aussi, imperceptiblement vers le rôle
moment-là, ça a donné de l’énergie au groupe, un
d’élève. Et tous les enseignants rencontrés
groupe qui n’était pas facile ».
ont, à un moment ou un autre, endossé ce rôle d’élève.
Beaucoup
d’enseignants
se
sont
complètement mobilisés, engagés, immergés dans l’activité proposée par l’artiste et se
9
Voir Rey (2012). Dictionnaire historique de la langue française.
29 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
sont sentis « à égalité » avec les élèves. Ils ont
peuvent demander aux élèves (ce qui parfois
alors éprouvé des émotions fortes, partagé
les interroge vivement12). De plus, même en
des « moments uniques », « inoubliables » avec
participant de manière active et engagée aux
certains d’entre eux. Ce qui peut être analysé
activités proposées par les artistes, les
comme un « partage du sensible10 », une
enseignants restent toujours vigilants pour
expérience
et
contrôler le groupe et les écarts disciplinaires
émotionnelle commune, est souvent évoqué
éventuels : « [participer comme un élève] ne
à propos de la préparation des productions
m’interdisait pas de faire une remarque à un élève si
publiques des élèves (et de ce qui leur
nécessaire […] je gardais ce statut d’enseignant, là ».
apparaît
danger
Et pour garder ce statut d’enseignant et faire
publique) ou encore au sujet des spectacles
des remarques aux élèves, il leur fallait
auxquels ils ont assisté ensemble11.
endosser, souvent en même temps, un autre
Mais « être élève » reste un jeu, un jeu qui
rôle : celui d’observateur.
même
esthétique,
comme
une
profondément
sensorielle
mise
en
émouvant,
a
ses
limites : non seulement les enseignants savent percevoir où les artistes veulent les conduire, quand ils ne connaissent pas par avance le déroulement ou les objectifs de l’activité (que les élèves ignorent), mais surtout ils peuvent choisir de « ne pas se livrer,
ne pas s’engager ou s’exposer à titre personnel ». Ils « n’exposent pas leur intimité », ils « ne
mettent pas en jeu leur personnalité » alors qu’ils ont le sentiment que c’est ce que les artistes 10
Un double rôle pour toujours rester observateur En effet, tous les enseignants expliquent que, tout en faisant les échauffements ou les exercices demandés par les artistes (danse, écriture
ou
autre),
ils
font
un
effort
d’observation des élèves pour à la fois réagir, intervenir
si
principalement
besoin, pour
mais
mieux
aussi
et
comprendre
Rancière, J. (2000).
Ce point sera travaillé ultérieurement à la suite des derniers entretiens conduits (juin 2014) : le partage d’émotions fortes (entre enseignants et élèves), à l’occasion de la classe artistique, influence-t-il le travail ordinaire et la professionnalité des enseignants ? 11
Ce point, important, sera également discuté ultérieurement : le choix d’activités ou de pratiques artistiques liées à l’art contemporain a-t-il une influence sur le travail des enseignants, dans la classe et dans les ateliers ? Les pratiques artistiques personnelles des enseignants ont-elles aussi une influence ? 12
30 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
l’activité de leurs élèves et également en
personnes. Elles engagent les enseignants
rendre compte : « moi j’avais un double rôle,
dans une re-normalisation de leur travail, au
même en théâtre je ne prenais pas de notes mais je
moment des ateliers, et sans doute aussi, de
me souvenais et je notais juste après tout ce qu’il
manière discrète, au moment des cours,
s’était passé » ; « et en écriture je notais pendant, et je faisais l’atelier ». Ils prennent donc souvent des notes, font des comptes rendus pour leurs
même s’ils continuent de conduire les apprentissages de la même manière et de suivre les mêmes programmes.
collègues. Pour observer ils ne restent pas toujours immobiles, assis dans un coin de la pièce, ils se déplacent et, quand ils sont auprès des élèves ils peuvent également les aider
Avant de conclure, provisoirement, il est intéressant de développer quelque peu un autre rôle : celui d’assistant de l’artiste.
(mais aussi rester silencieux à côté d’eux). Et l’on voit bien de quelle manière les
Assistant de l’artiste
différents rôles assumés par les enseignants
Assurer l’organisation matérielle, maintenir
lors des ateliers peuvent se chevaucher ou
la discipline, garantir l’ordre scolaire, faire le
s’imbriquer, s’entrecroiser parfois même se
lien avec l’institution, etc., autant d’activités
contredire
toujours
qui, tout en relevant du métier d’enseignant,
enseignants, ils sont aussi « coachs »,
sont aussi des tâches qui complètent, aident
« élèves », « observateurs », « animateurs »
ou assistent les artistes qui en sont dégagés.
disent-ils parfois ou encore « assistants » :
Mais, au-delà de cette répartition des tâches,
autant
qui
qui place les enseignants au service des
débordent le travail ordinaire. Ces activités
artistes et qui peut s’analyser en termes de
ne sont pas codifiées, ni par les programmes,
division
ni par la formation, ni même par le métier (au
enseignants cherchent à assister les artistes
sens d’un collectif professionnel). Elles ne
dans la conjugaison de leur travail artistique
sont pas formalisées et restent toujours à
et pédagogique. La mise en œuvre de cette
« inventer » au fur et à mesure, à ajuster en
intention et de cette assistance, qui n’est pas
situation en fonction des contextes et des
sans ambivalence et ambiguïté, demande
car,
d’activités
s’ils
qui
sont
dépassent,
sociale
du
travail,
certains
31 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
beaucoup de temps et de disponibilité et va
et le statut d’enseignant, et l’autonomie
au-delà des exigences ordinaires du temps
recherchée
dans
de travail enseignant. En effet, cela nécessite
enseignant
ne
beaucoup
et
d’artiste, certains, parfois, cherchent à être
informelles, de longs temps de discussion
des « collègues », « à égalité » avec eux. Cette
(avant ou après les ateliers), des entretiens
question de l’égalité, ou plutôt de l’inégalité
téléphoniques qui semblent essentiels à
des statuts sociaux (et économiques) des uns
certains enseignants qui envisagent même
et des autres, est essentielle même si elle
des préparations communes avec certains
toujours passée sous silence à propos des
artistes. Ainsi, même si c’est de manière
résidences d’artistes en milieu scolaire. Elle
marginale et est particulièrement lié aux
devrait être (et sera) davantage travaillée
individualités (enseignants comme artistes),
pour mieux mettre à jour, analyser et
certains enseignants se placent volontiers
comprendre les tensions et contradictions
aux côtés des artistes pour travailler « avec »
entre les professionnels dans leur travail
eux. Ils cherchent alors à bien comprendre
quotidien dans les établissements.
de
rencontres,
formelles
le
travail13.
revendique
Si la
aucun posture
les intentions, démarches et propositions des artistes, tout en désirant, plus ou moins explicitement,
les
«
rapzprocher
»
des
enseignants, en leur suggérant d’adopter une
Conclusion
démarche
Pour conclure provisoirement, il faut insister
plus
pédagogique
avec
des
objectifs (« une direction ou un cap », « être dans
sur
une idée de programme »), et des propositions
enseignants
« moins complexes, plus lisibles ». Ainsi cette
proposées
position d’assistant, assurée et assumée par
partager des émotions, par exemple quand
les enseignants, qui tend à les mettre dans
un artiste interpelle un élève qui se tient à
une position de dépendance par rapport aux
l’écart et parvient à le faire s’exprimer, ou
artistes, est parfois en tension avec la posture
quand les élèves parviennent à improviser et
13
le
fait
que aux
aux
la
participation
activités
élèves
leur
des
artistiques permet
de
Voir Dubet, F. (2006). Injustices. L’expérience des inégalités au travail.
32 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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« sont vraiment dans une démarche artistique ».
Sans négliger le fait que ces émotions
Plusieurs enseignants sont encore vivement
artistiques adviennent dans le cadre de l’art
émus quand ils en parlent. Cette émotion et ce
contemporain
partage des émotions peuvent être analysés
enseignants à cette forme d’art, comme leurs
d’un point de vue sociologique : le travail
propres expériences et pratiques artistiques,
émotionnel,
les
réalisées dans leur vie personnelle, ont une
émotions, même s’il est caché ou invisible, fait
influence sur leur travail au sein de cette
bien partie du travail enseignant et doit être
classe artistique expérimentale.
le
travail
sur
ou
avec
et
que
le
rapport
des
analysé comme tel. C’est une des dimensions de la professionnalité enseignante qui fera l’objet de nos prochaines réflexions.
33 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
De la boîte noire au troisième espace CELINE CHOQUET , doctorante en Sciences de l’Education, Université Lumière – Lyon 2
La présentation suivante repose sur un
performances
observatoire de résidences d’artistes dans
normes ». Ces remarques subjectives voire
une classe artistique de collège, située à
excessives pour certaines ne nous interrogent
Montpellier. Nous présenterons quels sont
pas moins sur ce qui se joue objectivement au
les effets de l’art sur les jeunes, les aptitudes
sein de l’expérience esthétique partagée avec
et
l’artiste et, en son centre, une relation enfant-
facultés
stimulées
par
l’éducation
artistique et particulièrement la relation
inattendues
voire
«
hors
adulte en pleine mutation.
entre les élèves et les artistes. Le terrain de notre recherche se situe dans Durant la dernière décennie, les pratiques
une classe artistique expérimentale, un
artistiques et culturelles dans le champ
projet
socio-éducatif prennent de l’importance au
permettant aux élèves de rencontrer des
niveau international et particulièrement en
formes d’art diverses et des artistes aux
France, dans des écoles principalement
approches différentes au sein du collège. Les
situées dans des quartiers fragilisés au
enfants ont atelier toutes les semaines et
niveau socio-économique. Cependant, il
sont en immersion trois jours par trimestre
existe peu de recherches qui permettent une
dans des centres culturels (CCN, théâtres…).
véritable évaluation des effets de l’éducation
En 6ème, la résidence s’est tournée vers la
artistique de manière à mieux comprendre
danse (6h/semaine) pour commencer avec la
les processus qui s’y créent.
compagnie Les Gens du quai, dirigée par
De nombreux constats étonnent et parfois émerveillent les acteurs de tels projets : le travail avec l’artiste conduit l’enfant à des
longitudinal
de
quatre
ans,
Anne Lopez ; en 5ème, les enfants ont abordé le théâtre avec la compagnie de L’Astrolabe de Nicolas Pichot (3h/semaine) et l’écriture 34 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
avec Jean-Daniel Dupuy (1h30/quinzaine) ;
capacités d’individus en pleine construction
en 4ème, l’expérience de l’écriture a été
personnelle,
prolongée et le théâtre a fait place à la
impalpables et intimes relevant du sensible
musique avec Maguelone Vidal (3h/semaine)
et du cognitif ? Fulgurances, hasards ou réels
et enfin en 3ème, l’année tourne autour d’une
acquis, c’est ce que la recherche tente de
approche d’« art total » avec la compagnie de
cerner grâce à des méthodes qualitatives
Mathias Beyler (3h/semaine), abordant le
empiriques complémentaires (observations
théâtre, la danse, la musique, la radio,
filmées et entretiens avec les artistes et avec
l’écriture, la poésie...
les enfants, en individuel et en groupe). Le
capacités
somme
toute
chercheur n’est pas là pour conforter une Nous avons régulièrement des remarques venant des acteurs du projet (enseignants, éducateurs, artistes…) sur diverses capacités fines dont font preuve les jeunes : « j’admire
de quoi ils sont capables », « un lâcher-prise et une confiance totale », « une immersion totale », « ils sortent de cette identité d’élève pour devenir danseur »... Il s’agit de remarques subjectives et non de constats objectifs face aux réels effets de l’art et aux capacités des jeunes. En effet,
selon
quelle
théorie
l’enfant
ou
l’adolescent ne serait-il pas capable de certaines performances au point de nous en étonner ? Et a contrario, des observations sporadiques
extérieures
suffisent-elles
réellement pour tirer des conclusions sur les
demande béhavioriste afin de satisfaire les objectifs d’une commande institutionnelle, ne présentant un système que par ses interactions sans chercher à en comprendre le fonctionnement interne, la Boîte noire, en l’occurrence la pédagogie déployée par les artistes. Ce qui doit être au centre de notre modèle d’analyse est ce qui se joue entre l’artiste et les enfants, à l’intérieur de l’espace spécifique qu’instaurent la présence et le travail de/avec l’artiste, alliant les mondes de l’art et de l’école, pour former un Troisième
espace, concept proposé par Richard Deasy1, caractérisant l’éducation artistique comme un lieu socialisant aux normes spécifiques, nous le verrons plus loin dans cette présentation. Nous cherchons donc à mieux comprendre la
1
Third space, When learning matters, R. J. Deasy, L. M. Stevenson, Arts Education Partnership, 2005.
35 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
relation subjectivante qui se crée en atelier,
Durant
cette
recherche,
nous
évaluons
tout en conservant l’exigence de maintenir
qualitativement les effets de l'art, mais
trois principaux domaines où sont repérables
surtout, nous cherchons à en comprendre le
les effets de l’art.
fonctionnement. Puisqu’il y a donc une insuffisance en termes d’évaluation des effets de l’art, il est nécessaire de construire un modèle théorique et cette expérimentation de classe artistique est propice pour mettre à l’épreuve notre hypothèse concernant la compréhension de la relation enfant-artiste et définir l’espace qui s’y crée. Ainsi, nous nous attacherons à comprendre comment et
Sur le plan de la recherche, il y a déjà de nombreux travaux publiés à ce propos : un aperçu
précis
existe
dans
les
pourquoi cette relation pédagogique basée sur l’expérience esthétique est fructueuse et quels en sont les enjeux.
communications du Symposium Européen et
Dans le cadre de cette communication, nous
International de Beaubourg de 20072. Les
avons
effets de l'art sont déjà assez bien repérés
théoriques qui ont retenu notre attention
par les travaux existants et nous avons pu
pour rendre compte des effets de l’art selon
les rassembler essentiellement dans trois
nos trois axes d’observation.
sélectionné
quelques
modèles
domaines : la cognition, le développement
En ce qui concerne le versant cognitif, les
personnel et la socialisation. Mais il s’agit
travaux d’Howard Gardner et Ellen Winner3
d’effets recensés largement inexpliqués,
avec le Project Zero permettent de dégager
faute de modèle théorique.
de l’éducation artistique essentiellement des capacités
«
perceptives, productives et
Publiées dans l’ouvrage Evaluer les effets de l'éducation artistique, Symposium international et européen de recherche, Paris, 2008, La Documentation Française/Centre Georges Pompidou. 2
3
Evaluer les effets de l'éducation artistique, op. cit., p. 69 & p. 145.
36 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
réflexives ». Selon eux, parmi ces capacités
mais surtout pour qu’il se réalise de façon optimale
cognitives, huit catégories de schèmes de
en tant qu’être humain », le processus de
pensée sont stimulés en atelier d'art, à
création est ainsi appréhendé dans ce qu’il a
savoir
la maîtrise d'une technique ;
de plus éducatif et individualisant pour la
l'investissement et la persévérance ; l'imagination ;
personne, développant une autonomie et
l'expression ; l'observation ; la réflexion ; l'extension
affirmant sa subjectivité par l’expérience
et la recherche ; la compréhension du monde
créative.
:
«
artistique ». Nous pouvons donc noter que ces capacités travaillées en atelier forment une approche intellectuelle complète : fonctions réceptives, expressives et raisonnement. La notion de mémoire n’est pas mise en avant dans ces travaux mais bien présente. Toutes ces fonctions cognitives sont à la fois spécifiques à l’expérience esthétique et généralisables à toute expérience de vie et d’apprentissage.
la
notion
de
socialisation,
pour
laquelle nous nous réfèrerons à plusieurs recherches
distinctes,
permet
d’ouvrir
l’expérience sensible individuelle vers un partage collectif. Pour cela, les travaux de Pippa Lord5 et la métaphore de l’expérience artistique comme un Triangle d’apprentissage
mutuel nous éclairent sur la nécessaire cohésion entre les artistes, les enseignants et les élèves.
S’agissant du développement personnel, les travaux de Pierre
Enfin,
Gosselin4
et ce qu’il
nomme l’Autorité intérieure met en avant « une tendance profonde incitant à être auteur de
ses pensées, de ses actions et de ses œuvres (…) qui
Richard Deasy6 présente quant à lui cette rencontre comme menant à l’ouverture d’un
Troisième espace, une sorte de sortie sans sortir de la classe, un lieu qui n’est ni
favorise ainsi le développement d’une forme
purement un atelier ni une classe, un espace
d’autorité qui porte à transcender ce qui a été
esthétique de création, formateur et source
proposé ». Selon lui, « Si l’on entraîne l’élève à
d’échanges démocratiques au sein de l’école.
créer, ce n’est pas simplement pour qu’il s’exprime,
4
Evaluer les effets de l'éducation artistique, op. cit., p. 255.
The arts-education interface : a mutual learning triangle ?, J. Harland, P. Lord, A. Stott, K. Kinder, E. Lamont, M. Ashworth, NFER, 2005. 5
6
Third space, op. cit.
37 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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En somme, plusieurs travaux sont éclairants,
de l'artiste dans la classe avec les enfants, dès lors
d’autant plus si on les met en relation. Ils
que l'artiste pense et agit en tant qu'artiste, relève
convergent vers un « espace d’apprentissages
d'une autre logique que la logique didactique commandée par les attentes et les formes scolaires
mutuels » entre les artistes, les élèves et les
établies, une logique obéissant plutôt à ce que
enseignants, ne se réduisant pas seulement
nous pourrions appeler un esprit d'atelier ».
à un triangle mais ouvrant justement une nouvelle aire éducative dépassant la forme scolaire, et relevant de normes spécifiques.
Voilà donc l'hypothèse sur laquelle nous nous sommes basés, à savoir que « l'artiste,
en tant qu'artiste avec les enfants, ouvrirait un
Il se crée ainsi un espace où les adultes et les
espace d'actions et de compétences nouvelles, une
adolescents échangent d’égal à égal, tous
zone proximale de développement singulière ». La
apprennent et forment une communauté de
Zone proximale de développement, selon la
réussite partagée, l’art et le sensible donnant
théorie de L. S. Vygotski8, explique que pour
du sens à la vie et aux projets de chacun. Le
qu’un enfant puisse vraiment progresser, il a
modèle d’analyse va donc nous permettre
besoin d’être accompagné par une personne
d’évaluer et de comprendre cet espace et ses
qui puisse anticiper ses apprentissages et
effets spécifiques.
ainsi le guider correctement à son propre
Pour tenter de le comprendre et notamment
niveau de compréhension. Ici, c’est cet
ce qui caractérise la relation enfant-artiste,
échafaudage
nous avons travaillé avec Alain Kerlan7
propose à l’enfant qui porte à croire que sa
autour d’une hypothèse qu’il a proposée
présence provoquerait quelque chose de
depuis plusieurs années, notamment au
particulier dans cette capacité à être à la fois
Symposium de Beaubourg, qui emprunte aux
devant et à côté du jeune, dans l’expérience
théories de L. S. Vygotski et qui propose de
esthétique, le guidant vers l’autonomie, la
considérer la présence et le travail de l'artiste
conscience de soi et l’affirmation de sa
dans la classe avec les enfants sous un
subjectivité dans le groupe classe.
pédagogique
que
l’artiste
éclairage vygotskien : « La présence et le travail
7
Evaluer les effets de l'éducation artistique, op. cit., p. 241.
8
Pensée et langage, L. S. Vygotski. Editions sociales/Messidor, Paris, 1985 (1933).
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Nous pouvons illustrer comme suit l’espace pédagogique des ateliers, avec, en son centre, l’expérience esthétique et la subjectivation.
Nous travaillons à une reformulation de
d’approfondir la compréhension de cet
notre hypothèse qui ne se réduit pas au seul
espace
concept
de
zone
proximale
de
et
peut
être
emprunté
à
la
psychanalyse de D. W. Winnicott9 et son
développement et qui conserve le parallèle
concept
entre l’idée de proximité et de distance. Un
transitionnel ou encore dénommé espace de
autre
création.
cadre
9
théorique
nous
permet
d’espace
potentiel,
espace
D.W. Winnicott, Jeu et réalité, Folio Essais, 2005.
39 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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Pour conclure cette brève présentation, dès
personne, de l’adulte en devenir. La relation
lors que nous nous intéressons au contenu
entre l’adolescent et l’artiste engage la
de la Boîte noire que constitue l’éducation
subjectivité de chacun, des critères moraux
artistique,
de
et rationnels sont présents aux côtés de
nombreuses capacités travaillées en ateliers
critères sensoriels et esthétiques, les valeurs
par les élèves : des capacités cognitives,
objectives de réussite sont complétées par
sociales et personnelles, des savoir-faire,
les
des savoir-être, au monde et à soi, une
personnelle, encourageant la confiance et
conscience au niveau sensible et rationnel,
l’autonomie chez ces adultes de demain.
nous
pouvons
relever
valeurs
subjectives
de
formation
en somme une éducation globale de la
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Le projet MUS-E® à Lille MARIE-CHRISTINE LE FLOCH , maître de conférences en Sociologie, Université Lille
Cette
contribution
l’évaluation artistique
sur qui
aborde
un
projet
associe
deux
l’effet
de
d’éducation artistes
à
un enseignant dans chacune des dix classes d’une école élémentaire de la métropole lilloise. Ce projet MUS-E® a lui-même des effets sur les pratiques éducatives et le développement des enfants. La question de l’évaluation comprend par conséquent plusieurs niveaux d’analyse. Le premier concerne les fondements de l’évaluation, le second ses résultats en termes de progrès pour les enfants et le troisième rend compte de modifications des cadres spatiotemporels et des postures professionnelles du travail éducatif. Nous
présentons
Les normativités en éducation Toute évaluation repose sur des critères. Ils s’appuient sur des normativités que l’on peut rapporter à des univers de justice et de grandeurs (Boltanski, Thévenot, 1991) car l’école se trouve au carrefour de plusieurs univers
normatifs.
Dans
un
projet
d’éducation artistique, les artistes et les enseignants s’appuient sur des critères différents mais aussi sur des compromis et des convergences. Si l’école se trouve dans plusieurs mondes (Derouet, 2000) et on peut préciser qu’avec les
projets
d’éducation
artistique,
les
normativités de la Cité civique rencontrent ceux de la Cité inspirée. Mais l’école se
ainsi
successivement
les normativités à l’œuvre en éducation, l’effet de l’expérience esthétique vécue par les enfants et en dernier lieu la forme scolaire en travail.
trouve aussi confrontée aux injonctions de la « réussite scolaire », de productivité (taux de réussite), de « plus-value » éducative et de réputation pour leur école et leur quartier. Les enseignants et les enfants sont, à travers des directives mais aussi plus largement les normes et les représentations des acteurs 41 | P a g e
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dans la Cité industrielle, la Cité marchande et
corporelle, la présence d’esprit et de corps, le
la Cité du renom, pour reprendre ces mêmes
tout dans le plaisir physique et la joie d’un
catégories. Le bien commun et la citoyenneté
accomplissement.
visée se présentent donc davantage comme un problème que sous la forme d’une évidence. Différentes normativités travaillent ainsi les critères d’évaluation et la Cité par projet sert de référence commune. L’évaluation se présente au fond comme celle d’une dynamique en cours, tenant compte des étapes de son développement.
L’observation régulière en atelier montre des différences mais aussi des convergences dans l’expression de ces critères. Elles portent sur la place du plaisir, le rôle des émotions, les normes d’expression et de participation. Pour les artistes, le plaisir apparait comme une fin en soi et se confond d’une certaine manière avec celui de la réalisation d’une
Tels qu’ils sont formulés par les enseignants
œuvre. Pour les enseignants, il s’agit plutôt
et les artistes, les critères d’évaluation ont
d’un « carburant » qui soutient des efforts,
leurs spécificités. Au-delà des apprentissages
prix à payer de la satisfaction. L’émotion,
du socle de compétence et du respect de
force d’inspiration pour les artistes, reste
règles collectives, les professeurs des écoles
associée, pour les enseignants à l’émotivité et
attendent
deviennent
à la timidité. Pour les artistes, le plaisir du jeu
capables de se concentrer dans l’observation
et de l’activité se confond avec la motivation.
ou la comparaison d’objets ou de documents.
L’exaltation des sens engendre la création
Ils doivent montrer de l’énergie mais, en
comme par la magie. L’émotion est intégrée à
même temps, être capable de la maîtriser et
l’action créatrice, performance en elle-même.
faire preuve d’attention, de patience et de
Pour les enseignants, le plaisir motive l’effort
persévérance pour aller au bout d’un projet.
consenti pour un objectif de réussite et de
que
les
enfants
Pour les artistes, la liberté est première. Les enfants doivent oser s’exprimer selon les diverses pratiques artistiques proposées, travailler leur aplomb qui passe par l’aisance
valorisation du travail réalisé. Ce dernier passe par l’expression des désirs et la recherche de cette réussite mais aussi par la maîtrise de l’émotivité.
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Pour
les
artistes,
l’expression
et
la
C’est
en
fonction
de
cette
normativité
participation reposent sur l’estime de soi et un
négociée et ajustée que sont saisis les progrès
mieux-être de l’enfant. On peut parler d’une
pour les enfants.
individuation réussie fondée sur la confiance en soi et la capacité à se donner ses propres normes, selon une injonction à l’authenticité (Taylor, 1991) dans le travail de création. Pour les enseignants, il faut se montrer expressif, créatif et se situer en s’intégrant dans un collectif, selon une norme de participation. Les normes
d’expression
sont
celles
de
formulations correctes, de résultats clairs et acceptables, pendant que la démarche et le regard
artistiques
accordent
toute
leur
importance au brouillon et à l’élaboration. On
peut
ainsi
saisir
une
convergence
autour d’un compromis qui devient normatif : il « faut » sortir de la gêne (effacement, moqueries,
masques)
et
de
l’angoisse
scolaire, se donner ses propres règles pour une autonomie et la formation d’un jugement éduqué.
Les
d’expression,
normes de
d’authenticité,
participation
voire
d’implication apparaissent clairement comme normativités contemporaines de l’éducation.
Des progrès pour les enfants Au cours de la recherche nous avons pu saisir l’expérience esthétique des enfants à travers des moments de révélation, révélation de soi, à soi à travers le regard d’autrui, selon une perspective d’inspiration hégélienne qui peut être illustrée par la relation amoureuse. Cette expérience
débouche
sur
de
nouvelles
dispositions à travers l’ouverture de l’espace personnel et social de l’enfant. Les savoirs existentiels, comme les définit Merleau-Ponty
renvoient
à
une
certaine
manifestation de la vérité de soi, une capacité sensible de l’enfant à se révéler, à oser se montrer sous un jour inédit. Ce type de savoirs soutient l’enfant dans l’affirmation de son identité personnelle. Ces savoirs traduisent une certaine qualité à être, une perception et une attention particulière, la découverte d’une harmonie dans un processus créatif, la capacité de faire, de choisir, de s’exposer. Mathéo par exemple qui était absent de toute implication scolaire a pu oser exprimer un 43 | P a g e
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avis, choisir un thème, des partenaires et se
dialogique de l’identité constitue l’une des
laisser porter par la musique. Clément a pu
trois vecteurs de la construction identitaire
sortir d’un trouble sévère.
avec la dimension pragmatique (savoir en
L’expérience du succès personnel a une dimension narcissique mais elle réside aussi dans le fait de se sentir relié à quelque chose qui dépasse l’expérience ordinaire, quelque chose que l’on contemple et qui change le
action) et la dimension narrative (se dire se raconter) (Ricœur, 1990). Ces trois dimensions sont présentes dans les expériences vécues par les enfants dans le projet MUS-E® tel qu’il se déroule dans cette école.
regard que l’on porte sur soi. Au lieu de se
La reconnaissance de leurs qualités donne de
sentir menacé par des regards qui jugent, on
l’audace aux enfants. Ceux-ci prennent des
peut montrer de nouvelles dispositions,
risques et montrent un nouveau rapport aux
connaître un succès et se sentir porté par
étapes de réalisation d’un objectif. Cette
l’admiration des autres. L’apparition de ces
boucle vertueuse rend à nouveau possible
dispositions
l’horizon,
une pédagogie des erreurs qui deviennent
change le point de vue. Un voile se lève sur
des étapes. Inévitables et nécessaires dans
un monde que l’on découvre : celui de
tout apprentissage, elles sont surmontées à
formes nouvelles, de signes non perçus
la
jusque-là, de couleurs inhabituelles, un
académiques ou non académiques. Leur
monde de relations jusque-là inaccessibles
prise en compte est inégale dans le cadre des
ou incompréhensibles. Lila initialement en
évaluations standardisées mais on peut les
échec est devenue leader de sa classe pour
saisir par un suivi des parcours montrant,
les
par exemple, l’excellence en dessin de
nouvelles
apprentissages
ouvre
depuis
qu’elle
est
reconnue pour ses qualités. À la suite des philosophes, la sociologie de la construction de l’identité sociale a insisté sur le « caractère interlocutoire » du moi et cela tout au long de la vie. Cette dimension
faveur
de
ces
progrès
scolaires
Clément. En outre, les enfants ont pu décrire par eux-mêmes certains de leurs progrès :
Evaluation de compétences par les enfants eux-mêmes « Nous avons appris à manipuler différentes matières –plastique, tissus, carton, papier terre-, à utiliser un pistolet à colle sans se 44 | P a g e
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brûler, à coudre sans se piquer, à découper avec un cutter, à peindre en dosant la quantité de peinture, à nettoyer et à ranger les pinceaux ».
nécessairement à l’orchestration demandée
« Nous avons appris à travailler seul, à aider les camarades et à aller jusqu’au bout- d’une idée- ».
Dans le contexte d’une école, les cadres
aux éducateurs dans le contexte scolaire.
habituels du travail quotidien bougent au cours du déroulement des ateliers.
Le travail de création est aussi collectif, il invite à sentir l’interdépendance ainsi que la place trouvée et occupée dans un groupe. Au cours d’un projet de classe, un bagage de sens commun se constitue et devient une véritable culture de la classe. Cette culture commune permet de transcender bien des conflits ou
Les cadres scolaires en travail Le travail conjoint d’éducation des enseignants et des artistes transforme l’espace solaire, ses rythmes ainsi que les rôles inscrits dans les relations pédagogiques.
moqueries, à travers des références à ce qu’on
L’espace des ateliers invite au mouvement aux
a vécu ensemble (connivences, private jokes).
gestes plus spontanés et aux actes de parole.
La circulation des savoirs facilite ainsi la
Le projet Muse dans l’école où s’est déroulée
régulation des relations.
la
Pour conclure ici, l’expérience esthétique et la
réappropriation des locaux scolaires. Les
possibilité de la partager fait sauter des
ateliers peuvent se dérouler dans les salles
verrous. Les progrès sont constatés dans les
de classe, dehors (il y a trois cours), dans les
livrets de compétences. Des enfants peuvent
salles vides d’une ancienne école contiguë, à
retrouver
construction,
l’extérieur (land art par exemple) ou dans
personnelle pour chacun d’entre eux, selon une
des espaces intermédiaires (atelier photo
logique propre à l’équation singulière de leur
dans un hall). Les cadres temporels des
trajectoire. Pour autant, même si le respect de
séquences et du rythme scandé par les
ces singularités fait partie des normativités
récréations et les sonneries sont maintenus
contemporaines, l’expression et l’affirmation
mais ne sont pas systématiquement pris en
personnelle des enfants ne se prêtent pas
compte dans le déroulement des ateliers.
le cours de leur
recherche,
est
l’occasion
d’une
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Ces configurations nouvelles sont propices
l’état de concentration des enfants qui,
au mouvement plus libre des enfants et
cependant, s’ajuste à l’implication dans le
invitent
travail
à
des
formes
nouvelles
de
création.
Ce
ré-ancrage
de
d’expression : occuper l’espace physique et
l’apprentissage dans le cours de l’action ou
sonore d’une grande salle, apprendre la
de la fabrication desserre des contraintes
discrétion dans un couloir quand les autres
habituelles
classes ont besoin de calme pour travailler.
occasionnelle d’ennui ou de précipitation
Au cours de ces ateliers, les enseignants et
du
rythme
scolaire,
source
infructueuse.
les artistes interviennent en coprésence ou
Avec MUSE, « on peut respirer à fond », une
de manière séparée selon le projet et l’état
enseignante CP
d’avancement de ce dernier. Par exemple dans
l’écriture
d’un
conte
dramatique
destiné à être mis en scène, la comédienne prend des demi- classes dans la phase d’invention et d’écriture dictée, puis la classe entière travaille en répétition, en présence de l’enseignante et de la comédienne.
d’une nouvelle respiration. temporalités
sont
de la patience et de l’adaptation des interventions en fonction des progrès de chacun et de la progression d’ensemble. En bousculant les cadres de la forme scolaire, le projet d’éducation artistique modifie les prises de rôle et les styles de relation
Le temps de l’inspiration est aussi celui
Les
Le temps de l’inspiration est également celui
pédagogique. Les
modifiées
ateliers
d’éducation
artistique
par
fonctionnent comme une invitation à sortir
l’intervention partagée des enseignants et
des rôles prescrits ou à changer de style.
des artistes. Finir un dessin, obtenir un
En
résultat individuel (maquette) ou collectif
occasionnelle,
(scénette à savoir par cœur, bien interprétée)
imprévues, des professeurs d’école et des
devient plus important que l’heure de la
artistes opèrent un nouveau réglage dans
montre ou le temps de récréation. Cela ne
leurs interventions. Certains d’entre eux
supprime pas le besoin de pause rappelé par
demeurent
coprésence à
directe, l’épreuve
attachés
à
continue de
leur
ou
relations
identité 46 | P a g e
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professionnelle initiale. D’autres, à l’inverse,
Avec le projet MUS-E on voit bouger la forme
laissent
gré
scolaire. Le plus souvent, les adultes gardent
de la situation. Travailler ensemble produit
la main mais il arrive que des enfants
divers
fil
s’emparent davantage de la conduite d’un
du temps, l’activité et l’idée que chacun
atelier. Enfants et adultes sont en effet sur un
se fait de son métier.
pied d’égalité dans une expérience esthétique
évoluer
leur
ajustements
et
pratique
modifie,
au
au
Parmi les rôles prescrits, ce qu’on appelle la régulation normative est révélatrice des rouages de la forme scolaire. Selon les
qui bouleverse les représentations les plus répandues sur le développement des enfants, selon une métaphore de stades ordonnés.
contextes, une force de rappel est exercée
L’école en France n’en finit pas de se
par les enfants ; elle implique sa prise en
réconcilier avec le corps et les sens longtemps
charge. Assurer la discipline permet de libérer
séparés des œuvres de l’esprit. L’expérience
l’autre intervenant qui peut alors se consacrer
esthétique
à l’initiation artistique ou technique. Incarner
perception que l’on a du monde et des autres.
ce rôle peut être vécu comme une manière de
Le suivi du parcours des enfants montre des
tenir sa place, de rester maître de la classe.
moments de révélation qui se traduisent par
Mais il peut aussi être endossé à contre cœur,
une ouverture de leur espace personnel et
comme une corvée qui prive l’adulte du plaisir
social. Les postures de moquerie peuvent
d’une participation plus spontanée. À certains
ainsi évoluer vers le respect de qualités
moments de fort engagement des enfants,
différentes
cette force de rappel disparait et la régulation
dispositions
peut être abandonnée pendant l’activité. De
L’éducation artistique milite sans réserve
même, la transmission des consignes et
pour le respect des singularités et du
l’évaluation des résultats, tâches ponctuées
développement
de critiques ou d’encouragements, peuvent
également le problème de leur mise en
faire l’objet d’une redistribution émotive et
musique en déplaçant la question d’un
affective du travail d’éducation.
renouveau dans l’éducation morale.
sensible
et
l’accès enrichit
peut
à la
personnel
modifier
de
la
nouvelles
subjectivité.
mais
pose
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Bibliographie Baeza C., Le Floch M-C., Loeffel L., Nosalik P., Perugorria C., 2013, Effets de l’éducation artistique à
l’école. Exemple du projet MUS-E, Rapport pour l’association Courant d’Art, Université de Lille III, PROEOR-CeRIES, Dec, 2013. Boltanski L., Thévenot L., 1991, De la justification. Les économies de la grandeur. Gallimard, Paris. Derouet J-L. (Dir.), 2000, L’école dans plusieurs mondes, D Boeck Université, Bruxelles. Taylor C., 1991, Le malaise de la modernité, Cerf Humanités, Paris. Taylor C., 1998, Les sources du moi. La formation de l’identité moderne, Seuil, Paris. Ricœur P., 1990, Soi-même comme un autre, Seuil, Paris.
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Résider en résidence - Un détour par l’espace JEAN PAUL FILIOD , maître de conférence en Sociologie, Université Lyon 1 – ESPE
Résidence, résider : de l’Espace aux espaces de familiarité Parlerait-on de résidences d’artistes sans parler de l’espace ? Comme le temps, comme les objets, l’espace fait partie des évidences
L’invite est ici faite de s’attarder sur l’espace, à travers quelques résultats obtenus au fil de dix ans de recherche sur le terrain d’Enfance,
Art et Langages, programme lyonnais de résidences d’artistes en école maternelle1.
du quotidien. Dans l’espace toujours nous
Dire résidence fait résonner le verbe résider, et
sommes, sans cesse traversés par lui autant
d’autres avec lui : habiter, demeurer, rester. Un
que nous le traversons. C’est sans doute
artiste qui réside est supposé rester (au moins
pour cela que nous l’interrogeons peu,
un peu), s’être approprié a minima des
préférant, lorsqu’il s’agit d’artistes en milieu
espaces, devenus lieux, espaces de familiarité,
scolaire ou/et éducatif, les questions sur "la
partagés avec d’autres acteurs : enfants-
place de chacun dans le partenariat”, sur le fait
élèves2, enseignants, Atsem3, autres adultes,
de savoir si l’artiste est ou non “pédagogue”,
professionnels ou non. Cette appropriation
s’il n’est pas “instrumentalisé” par l’École, si
est-elle
les enfants “s’épanouissent” ou non, si les
l’artiste ait au moins le sentiment d’être en
inégalités entre eux sont réduites, etc. Ces
résidence, expression censée aussi signifier
sujets, évidemment légitimes et cruciaux,
qu’il n’est pas intervenant (et encore moins, si
dématérialisent toutefois les réalités de la
l’on veut bien s’étonner du drôle de destin de
rencontre entre artistes et milieux éducatifs.
certains mots, demeuré) ?
1
suffisamment
durable
pour
que
Pour plus de détails, on peut télécharger les rapports de recherche et le bilan d’activités sur www.eal-lyon.fr
Je remobilise ici l’expression utilisée depuis 2005 dans les rapports de recherche (cf. note 1) et utilisée plus récemment dans Necker, S. et Filiod, J. P. (2014). Le sensible au pluriel. Jeux de cadres en contexte d’éducation artistique, STAPS, 103, 87-99. Cette expression a pour finalité de prendre en compte en toute circonstance le double statut, générationnel et scolaire, des êtres concernés. 2
3
Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.
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Un lieu, des clefs, des lieux : une appropriation paradoxale ?
écoles à mettre l’artiste « au centre ». Peu d’architectures le permettent, et dans le cas
La présence effective de l’artiste dans l’école ne semble jamais être autant interrogée que
contraire, les acteurs compensent :
des flèches au sol ou sur les murs
lors des premiers jours, où les équipes
invitent à un parcours menant au lieu
engagées dans ces partenariats se demandent
de l’artiste et parfois jalonné de
bien quel endroit lui sera dédié.
décors, liés ou non au travail de l’artiste ou/et des enfants-élèves ;
Les écoles n’ont pas été construites pour accueillir des artistes, ni, d’ailleurs, d’autres catégories
de
professionnels.
les artistes, au fil du temps, se
Leur
déplacent, pour signaler ou rappeler
architecture est conçue pour différentes
leur présence, prenant alors l’habitude
fonctions, attribuées à diverses pièces :
d’être là aux heures d’entrée et de
salles de classe, salle des maîtres, tisanerie,
sortie, à la cantine, etc.
cour de récréation, salle de motricité…et aucune personne de l’extérieur n’y est prioritairement attendue. Comme si l’école était conçue une fois pour toutes, étant ainsi pleinement un établissement (au secondaire comme au primaire).
contexte local, qui détermine le choix du lieu à
l’artiste.
minima, le font-ils au point de s’être approprié une sorte de « chez-soi » ? Ce qui peut sousentendre d’avoir les clefs de la maison. À ma connaissance, cette question ne fait pas partie des choses réglées une fois pour
À cette réalité spatiale générale s’ajoute le
dédié
Alors, puisque les artistes « résident » a
La
spécificité
de
l’architecture du bâtiment, la variation du nombre de classes, la loi qui n’autorise plus les enseignants à bénéficier d’un logement de fonction, autant de paramètres qui orientent ce choix. Parfois, on incite les
toutes au début de la résidence. Dans la pratique – ce que j’énonce-là ne résulte pas d’une étude systématique, qui reste donc à faire, l’artiste a parfois les clefs, souvent non. Ne pas les avoir, c’est se soumettre aux horaires de l’école, que l’artiste soit avec les élèves ou non. L’artiste fait ainsi comme beaucoup d’autres travailleurs : il rationalise 50 | P a g e
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ses espaces-temps, cherchant même à les
du photographe, le « studio » du musicien,
optimiser. Mais pour certains, la qualité de la
qui porte avec lui des sons, paramètre
résidence tient à la possibilité de venir sur
supplémentaire
des temps particuliers, tôt le matin, tard le
localisation. Quant au chorégraphe, rien de
soir, le week-end, les vacances scolaires.
tout cela. Ou tout. Il investit souvent
Car, si l’artiste conserve un fonctionnement
plusieurs espaces de l’école, voire l’école
qui consiste à se laisser porter par une idée,
tout entière, l’espace pouvant même être
une envie, un essai, intimement liés au
central dans son projet. Le visiteur peut ainsi
travail de création et à la mise en jeu d’un
se faire surprendre par des corps en
« univers artistique » (selon l’expression des
mouvement dans un espace scolaire jusque-
appels à projets), une résidence digne de ce
là très balisé et défini.
nom impliquerait que l’artiste ait les clefs.
Pourtant, il y a bien la « salle de motricité » ou
Mais en même temps, on peut résider sans
« salle d’évolution », mais souvent, les
posséder le pouvoir total sur les seuils du bâtiment, alors… Alors,
le
choix
de
la
chorégraphes refusent de s’y installer, pour que les pratiques scolaires et artistiques ne
un
soient pas confondues. Cette volonté de
inventaire, même partiel, renvoie de la
distinguer les pratiques conduit justement,
variété : une « BCD 4 », un « espace couchettes »,
parfois, à restreindre l’activité artistique
une « salle goûter »,« une sorte de salle de jeux »,
autant que possible à ce lieu, et ce, pour
une ancienne salle de classe, deux salles de
plusieurs raisons :
classe
revenons
dans
les
deux
aux
lieux,
premières
dont
années
de
donner une identité au travail artistique ;
résidence, puis une seule la troisième, du fait
reconduire autant que possible un
d’une création de classe…La recherche d’un lieu adéquat tient aussi compte de la ou des disciplines de référence de l’artiste : il y a
climat, spécifique à ce lieu ;
protéger les autres lieux de l’école, notamment les classes, qui doivent
l’« atelier » du plasticien mais aussi le « labo »
4
Bibliothèque Centre Documentaire.
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être elles aussi préservées, identifiées
que les chorégraphes. Outre leur « atelier »,
comme le lieu du travail dit « scolaire ».
les plasticiens investissent la cour, les
On relèvera le paradoxe de cette distinction : l’étanchéité
des
lieux
peut
signifier
une protection des permanences culturelles de l’École, autant qu’une reconnaissance à part entière de l’activité artistique au sein de l’école (l’établissement) ou de l’École (l’institution).
couloirs, la BCD, le hall d’accueil ; voire les toilettes,
qu’on
encombre
ou
qu’on
transforme en jardin, pour faire prendre conscience ce qu’est un volume ou faire comprendre
qu’on
peut
aménager
diversement des espaces construits. En conséquence, ce sont aussi les liens entre les différents espaces qui sont modifiés, les
Le lieu et l’espace, la station et le mouvement « Dans la plupart des langues indo-européennes,
l'idée d'habiter est rendue par deux verbes, dont l'un exprime une relation de possession », habiter, « et l'autre l'idée d'une halte dans un mouvement », rester ou demeurer5. L’appropriation doit donc être pensée comme station en propre (le lieu) et comme station dans une relation intime au mouvement (l’espace).
seuils se révélant alors mouvants : les portes des classes s’ouvrent, sans que cela affecte les activités, tolérant mieux la circulation des élèves. Cette mobilité a une raison d’être bien différente de celle qu’on imagine souvent (la fuite), les élèves ayant intériorisé la logique des limites et la spécificité du travail
proposé.
Toutefois,
tous
les
enseignants ne réagissent pas de la même manière à ces modifications spatiales : une enseignante arrivée dans une des écoles qui
Ainsi, si résider en résidence s’entend
avaient
comme l’appropriation d’un lieu dédié à
fermait systématiquement la porte ; et obtint
l’artiste, cela passe aussi par celle de
sa mutation dès l’année suivante.
intégré
cette
nouvelle
pratique
plusieurs lieux et par le déplacement et le mouvement. Cette réalité ne concerne pas
5
Sivignon Michel. Du verbe habiter et de son amère actualité. Revue de géographie de Lyon. Vol. 68 n°4, 1993, p. 216.
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Des changements professionnels sous l’angle de l’espace L’approche spatiale permet ainsi d’aborder
voyage. Ils le prennent, ils racontent, c’est un vrai échange ». Les deux autres espaces sont « la BCD, tout ce qui tourne autour de l’album, y compris les objets pour raconter l’histoire, et un espace avec
la question du changement des pratiques
du matériel à disposition, des matériaux, pour faire
professionnelles. Chez les enseignants6, les
du collage, se faire plaisir ». « La manipulation »
exemples ne manquent pas, notamment via la
devient
dynamique générée par la polarité lieu de
d’apprentissage : « la semaine prochaine, on va
l’artiste – classe. L’exemple qui suit est
travailler le jus de raisin : ils apportent des jus de
exceptionnel, mais mérite d’être exposé, car le
raisin achetés en grande surface, mais ils vont avoir
« bouleversement » vécu par cette enseignante
3 kilos de raisin, avec chacun leur grappe et ils vont
de petite section, survient après une bonne vingtaine
d’années
d’habitudes
pro-
fessionnelles engrangées. Ces changements concernant sa classe et sont survenus la troisième et dernière année de résidence d’une
un
préalable
à
tout
processus
partir de la grappe et faire du jus de raisin, avec leurs mains ». Prégnance du corps, de l’expérience sensorielle, les danses et les chants ont pris une nouvelle place, en combinant contrainte :
« on fait un grand cercle » et liberté : « s’ils veulent chanter et danser, ils le font ».
artiste identifiée comme marionnettiste, mais qui
est
aussi
plasticienne,
conteuse,
chanteuse, musicienne.
Il
n’en
va
pas
différemment
avec
les
« albums ». « Aussitôt qu’un album est découvert, il est joué, et quand les enfants ont bien acquis les
Commençons par l’espace. Exit la répartition
référents lexicaux et spatiaux, qu’ils ont vécu
en « coins classiques : BCD, coin cuisine, garage,
l’histoire avec leurs tripes, leurs émotions, je passe
etc. », il y a désormais « trois espaces ». « Un
au support, à l’album papier, en petits groupes. Et
grand espace est prévu pour les marionnettes » et
seulement après, je le mets dans la bibliothèque.
pour une marionnette spécifique, qui passe « tous les week-ends chez un enfant différent » : c’est « très porteur parce qu’elle a son carnet de
Plus tard, je les vois, ils reprennent l’album et ils racontent l’histoire ». L’album est là, « c’est classique », mais « on fait autrement : je fais revivre l’histoire en mobilisant la pâte à modeler,
Pour les Atsem, voir D. Boukacem, J.P. Filiod, Entre-tenir sa place : les Atsem au travail, Rapport de recherche IUFM – Université Lyon 1, Ville de Lyon, 2011. Pour les artistes, voir J.P. Filiod, Des artistes dans l’école : brouillages et bricolages professionnels, Ethnologie Française, vol. XXXVIII, no 1, 2008, p. 89-99 Sur les mutations du travail artistique en général, voir la contribution de M. Buscatto dans ces mêmes Actes. 6
53 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
des objets, qui prennent place pas loin du support
avec des photos, on se dit ce qui va se passer le
dans le coin BCD ». La connexion est ainsi faite
matin (…). Si, plus tard, un enfant s’angoisse, je
avec la variété de matériaux, regroupés dans
reviens sur cette bande de la matinée, et je lui dis
« un grand carton, avec plein de trucs dedans, et c’est eux qui choisissent le medium qu’ils ont envie de coller ». L’enseignante se tient à distance :
« J’observe, de l’extérieur, les choix qu’ils font, et ça
“où on en est ? qu'est-ce qu’il te reste ?”, il voit où il en est, on repart ». Un regroupement au niveau du tableau est toutefois maintenu : directrice de l’école, l’enseignante partage
me donne des indications sur ce qu’ils sont. On les
son poste avec une autre, à qui elle ne veut
met trop dans “papier-crayons-peinture” tout de
pas « imposer (…) un bouleversement total ».
suite. Et la créativité, elle y est plus. Ils sont normés,
Mais, ce support au déroulé du matin, « ma
ça c’est clair ».
collègue l’utilise », « elle est ravie ».
Il n’y a pas pour autant absence de normes.
Enfin, un autre rituel a pris place, celui de
Les sciences sociales nous ont au moins
« dire Bonjour à chaque enfant, avec un vrai temps
appris cela : pas de vie sociale sans normes.
pour le faire
Mais
surprenante, mais la manière de le faire
ce
terme,
dans
la
bouche
de
». La pratique peut être
l’enseignante, signifie l’imposition d’une
contredit
contrainte aux enfants et l’absence de remise
bonjour”. La pratique a été importée par
en question des habitudes. Ainsi les « rituels »,
l’artiste, qui, pour chaque jour passé à
qui font partie de la panoplie professionnelle
l’école, visitait chacune des dix classes en
de
Censés
début de journée pour s’annoncer par un
« structurer » et « rassurer l’enfant », ils ont
« Bonjour » dit sur un ton et un temps dont la
lieu le matin après le temps d’accueil, au
singularité a été remarquée par beaucoup.
moment du « regroupement » des élèves
Selon l’enseignante, « elle a une manière de le
devant l’enseignant et le tableau. Pour notre
dire qui marque, elle dit “Bienvenue”, elle a fait
enseignante, « tels qu’ils se font habituellement,
comprendre qu’il fallait accueillir un enfant de 3 ans
ça n’a pas de sens pour les enfants. (…) Ils doivent
comme un être à part entière. Depuis, je le fais, et
pas écouter la maîtresse qui dit “c’est lundi,
les enfants sont contents qu’on se dise Bonjour ».
l’enseignant
de
maternelle.
l’adage
“C’est
simple
comme
gnagnagna”… ». Elle revendique toutefois un
« rituel » central, « le déroulement de la matinée : 54 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
La dynamique spatiale : motifs discrets et attention des acteurs Le choix de cet exemple est-il antinomique avec
la
problématique
de
l’artiste
en
résidence ? Non. Que cela concerne les changements dans la classe ne doit pas faire oublier que ce sont la présence et les manières de faire de l’artiste qui provoquent ces changements : le rituel du Bonjour, mais aussi le grand carton aux matériaux en tout genre, laisser faire les enfants et les observer à distance, la marionnette qui voyage… sont des pratiques mises en œuvre par l’artiste dès la première année. (On ajoutera, sans savoir si cela joue un rôle, que, dans cette école, l’artiste avait les clefs.) Une autre objection pourrait concerner la nature des changements. Ceux qui rêvent d’un
Enfin, on pourrait se dire que l’enseignante, directrice de l’école et plus proche de la retraite que de l’entrée dans le métier, se permet de fait plus de choses. Il n’en est rien : « Pendant les deux premières années, je
n’osais pas me lancer. Et l’artiste, c’est elle qui m’a permis de dire “Ose !”.J’avais peur, je n’osais pas me lancer, j’avais peur de ne pas être dans la lignée institutionnelle ». L’élan fut ainsi donné, mais rien n’aurait pu être fait aussi aisément sans le « soutien à 100 % de l’inspectrice » de circonscription. Ainsi, si le détour par l’espace nous permet de prêter attention aux choses concrètes (presque au sens de l’anglais, où concrète signifie concret, mais aussi béton), il ne peut faire l’économie des acteurs et de l’attention qu’ils
portent
eux-mêmes
à
ces
changements, si discrets soient-ils.
bouleversement de la culture scolaire ne sont sans doute pas servis… même si la suppression des rituels avec ces « petite section » (dire la date, compter les absents, poser l’étiquette personnelle, dire le temps qu’il fait…) relève de la rupture. Mais on retiendra surtout que les changements apportés s’inscrivent dans un rapport discret au quotidien, un des motifs innovants de ces résidences.
55 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Evaluer l’Éducation artistique et culturelle en partenariat Des extraits vidéo pour s’entendre, ou pas ! Etude de cas SOPHIE NECKER ,
maître de conférences, ESPE Lille Nord de France, Laboratoire
RECIFES, sociologue associée au CDWEJ
MILTON PAULO NASCIMENTO DE OLIVEIRA ,
danseur, chorégraphe,
improvisateur et artiste associé en matière de danse au CDWEJ
Entre
2011
programme
texte expose des résultats issus de ce
Comenius Regio réunit deux
travail1 autour d’une étude de cas. La
structures œuvrant à la présence des arts et
méthode de collecte de données retenue
des artistes dans les écoles ; l’une belge : le
repose
Centre
pour
l’évaluation. Ainsi, elle valorise la pluralité
l’Enfance et la Jeunesse (CDWEJ), l’autre
des regards subjectifs sur une même réalité.
européen
et
2013,
Dramatique
un
de
Wallonie
française : Enfance, Art et Langages (EAL). Il vise à questionner l’évaluation de l’éducation artistique
et
culturelle
à
l’école
pré-
élémentaire (dite « maternelle »).
sur
le
sens
étymologique
de
L’expérience de l’atelier en présence d’un(e) artiste,
sa
teneur,
ses
enjeux
est
appréhendée par le croisement de points de vue à partir d’une question : que disent des
Conduite par Jean-Paul Filiod et Sophie
acteurs différents (artistes, enseignant(e)s,
Necker, la recherche-développement de ce
personnels
programme
travaillant sur un même lieu, avec les mêmes
sociologie,
européen anthropologie,
fait
dialoguer
sciences
éducatifs
associés),
mais
de
enfants-élèves2, de situations émergeant du
l’éducation et sciences et techniques des
travail avec un(e) artiste ? L’intérêt est de
activités physiques et sportives. Le présent
mettre en valeur ce que les acteurs des
Cf. Necker, S. et Filiod, J. P. (2014). Le sensible au pluriel. Jeux de cadres en contexte d’éducation artistique, STAPS, 103, 87-99 ; Filiod, J. P. et Necker, S. (2013). Évaluer l’éducation artistique : l’expérience au croisement des points de vue. In Collectif, cARTable d’Europe. Approche du concept d’évaluation en éducation artistique à partir de résidences d’artistes à l’école. Lyon et Strépy-Bracquegnies : Caisse des écoles de la ville de Lyon et CDWEJ, 45-49. 1
Nous remobilisons l’expression que nous avons choisi d’utiliser dans les publications citées (cf. note 1), afin de prendre en compte en toute circonstance le double statut, générationnel et scolaire, des êtres concernés. 2
56 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
ateliers et les chercheurs considèrent comme
Dans cette contribution, à partir d’un extrait
significatif et pertinent, mais aussi d’étendre
vidéo retenu par Milton Paulo Nascimento de
les interactions entre les terrains pour
Oliveira en vue d’un entretien avec Sophie
développer la réflexion sur l’évaluation.
Necker, nous discutons les consensus et dissensus observés dans le croisement des
Pour les quatre écoles (deux françaises, deux belges) accueillant un(e) artiste et participant à la recherche, la confrontation de points de
points de vue, ce qu’ils peuvent nous apprendre de l’expérience en éducation artistique et de son évaluation.
vue s’opère par une succession d’étapes : -
Le filmage d’une séance de travail avec
tapis, Alice monte sur le tapis3
artiste et enfants-élèves. -
Le visionnage de ce film par le chercheur
et
par
chaque
acteur
travaillant avec cette classe. Chacun, seul, relève des passages qu’il trouve significatifs. -
La rencontre de chaque acteur en entretien individuel, sur la base des données filmées. Les échanges portent sur ce que chacun a relevé de marquant.
-
L’extrait vidéo : Sauter maintenant sur le
Un entretien collectif avec ces mêmes acteurs. Le chercheur propose une sélection de passages significatifs et de ce que chacun a pu en dire.
Présentation Au cours de l’atelier qu’il conduit auprès d’enfants-élèves âgés de 2,5 à 4 ans, Milton Paulo Nascimento de Oliveira propose au groupe de « traverser » trois tapis alignés en « dansant très vite ». Pendant qu’un ou deux enfants-élèves évoluent sous le regard de l’artiste,
les
autres
certains
étant
déjà
sont
spectateurs
passés,
;
d’autres
attendant leur tour. Le jour du filmage, la classe n’est pas au complet. Les adultes peuvent alors accorder du temps à chacun, individuellement. Cela permet aux enfants-
3
L’extrait est ainsi intitulé par l’artiste.
57 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
élèves
d'explorer
les
consignes
de
en
particulier
son
hypothèse
sur
le
mouvement tout en gardant leur singularité
balancement d’Alice.
et sans pour autant se faire emmener, voire
« J’ai observé [Alice] (…) qui était dans le fond,
parfois effacer, par la force du groupe.
en attendant assise sur le tapis. Je sentais Paulo
qu’elle était en train déjà de s’organiser pour
Nascimento de Oliveira retient de ce temps
faire son passage, elle était déjà en train de
En
entretien
individuel,
Milton
de travail, un extrait de trois minutes, centrant son attention sur Alice, alors âgée de 2 ans et 7 mois. Cet extrait est situé dans les dernières minutes de la séance. Il débute
capter, de préparer son corps dans son mouvement, ce balancement qu’elle faisait vers l’avant, vers l’arrière, où elle engageait les jambes, elle était déjà dans un dessin de saut parce que comme c’est un passage sauté, il
lorsqu’Alice attend son tour, assise sur les
faut sauter et quand on saute, on plie les
tapis réservés aux spectateurs. Elle est
jambes, on penche le torse vers l’avant, il y a ce
attentive,
des
rapport du corporel qui homologue le haut et le
enfants-élèves. L’extrait prend fin à l’issue
bas qui commence à se connecter et donc, elle
de la traversée des tapis par Alice, seule.
commence à créer ce va-et-vient aussi. (…) elle
elle
observe
le
passage
est en train de se préparer » Entretien individuel, avril 2013
Pourquoi avoir retenu cet extrait ? En entretien, Milton Paulo Nascimento de Oliveira repère chez Alice attendant son tour, les prémisses de l’action de traversée à venir. Par
décomposition
du
mouvement
et
interprétation des indices pris sur la posture et
l’attitude
de
l’enfant-élève,
l’artiste
montre qu’Alice est déjà dans l’activité, alors même qu’elle n’est pas encore engagée dans la traversée : elle prépare son mouvement. Milton Paulo Nascimento de Oliveira appuie
S’appuyant
sur
l’extrait,
Milton
Paulo
Nascimento de Oliveira pointe les étapes par lesquelles Alice est passée au cours de l’atelier (ce jour-là) : elle est d’abord avec lui puis, avec une autre enfant-élève puis, seule dans la traversée. L’extrait présente cette dernière évolution. L’artiste affirme alors que dans son attitude, Alice a changé (cette fois-ci à l’échelle temporelle de l’année) : elle a gagné en autonomie. Faisant référence
58 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
au Body-Mind Centering4, il conduit son
en place, où elle revisite ce chemin et là, le fait
analyse et repère des traces d’« intelligence
de devoir tomber, aller par terre, le fait de se
dans le parcours du mouvement » :
lever, la façon dont elle s’est mise debout, elle
« Là on la voit [Alice], elle monte toute seule, je
était très à l’aise, vraiment très intelligente dans son parcours de mouvement »
lui tends la main, elle ne prend pas ma main.
Entretien individuel, avril 2013
Elle va toute seule, elle tombe tout de suite, donc elle était déjà dans un élan et elle n’avait
En
pas besoin comme avant, que je la prenne par
Nascimento de Oliveira signifie. Il marque
la main, que je la place sur le tapis. (…) Elle
l’évolution – positivement connotée – de
repousse encore une fois le sol et à un moment
l’attitude et du mouvement d’Alice, au fil des
donné, elle se redresse au niveau de la tête, en
ateliers du projet et de cet atelier. Non
repoussant le sol et elle passe vers la position quatre pattes, elle fait le transfert vers les bras, elle plie les jambes et elle se lève. C’est incroyable, ce moment où, tout de suite, on oublie Alice, qui était un peu immobile, avec un
retenant
cet
extrait,
Milton
Paulo
seulement elle a gagné en « autonomie », mais elle développe également un mouvement « habité », « complexe », anticipé, où elle a « trouvé ses appuis » et « ses articulations ».
corps statique (…). C’est incroyable ces microchangements, transformations qu’elle a pu développer dans son parcours. Voilà, c’était un peu ce que j’ai observé et (…) en lisant le livre de Body-Mind Centering5, qui parle de ce
Pluralité des regards subjectifs sur l’expérience d’Alice, pour une pratique du regard pluriel
schéma de développement qui est le schéma
En
homologue, qui est l’avancée vers l’avant, le
Nascimento
recul vers l’arrière dans ce plan sagittal, le
plusieurs extraits vidéo pour ce qu’ils
rapport avec les bras et les jambes où l’enfant
révèlent
est en train de découvrir le quatre-pattes, il y a aussi ce rapport avec la nuque. C’est très présent chez Alice, ces schémas qui se mettent
entretien
de
individuel, de
Oliveira
l’expérience
Milton
Paulo
choisit
ainsi
d’Alice
dans
l’atelier. Dans cette même étape de collecte, l’enseignante explique ne pas souhaiter
Il s’agit d’une méthode d’éducation somatique par le mouvement créée par Bonnie Bainbridge Cohen. Pour des détails, voir : www.bodymindcentering.com 4
5
Nouvelles de Danse, 50 : Sentir, ressentir et agir. L’anatomie expérimentale du Body-Mind Centering®, Contredanse, 2002
59 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
rendre significative l’activité d’Alice car au
Enseignante : « Alice, c’est toujours… (…) "Tu
moment du filmage, cette enfant-élève est
viens ? Tu vas être dans l’atelier plasticine [pâte
dans la classe depuis peu de temps. En
à modeler]." (…) parfois, j’installe les autres et
entretien collectif, le chercheur revient sur
je ne sais plus dans quel atelier elle était, parce
l’extrait « Sauter maintenant sur le tapis, Alice monte sur le tapis » choisi par Milton Paulo Nascimento de Oliveira. L’artiste et l’enseignante disent tous deux la lenteur d’Alice et s’accordent sur les conséquences délétères
qu’elle
pourrait
avoir
sur
le
parcours et le vécu scolaires de l’enfantélève
(en
classe
et
dans
le
groupe).
que ça fait bien 10 minutes que je lui ai dit de s’asseoir là. Tu sens, chez elle… [qu’elle n’est] pas à l’aise, [qu’elle] verrouille un peu tout ce qu[’elle] peu[t] verrouiller. (…) Artiste : « moi je vois quelqu’un qui est
effectivement dans une lenteur, dans un corps qui ne répondait pas. (…) comme si elle avait envie, mais que le corps ne répondait pas. Et là [dans l’extrait retenu], je sens que le corps
Toutefois, les indices prélevés par l’artiste et
répond parce que (…), c’est le sourire
l’enseignante pour analyser et discuter
maintenant qui est présent, qui est vivant et
l’extrait vidéo, les cadres qu’ils mobilisent
que le corps répond. Il y a un courant qui
pour interpréter et attribuer une valeur à
passe » Entretien collectif, juin 2013
l’expérience d’Alice diffèrent. L’enseignante renvoie la lenteur de l’enfant-élève au
Cette étude de cas (le cas n’étant pas Alice,
mauvais choix de ses parents de l’amener à
mais l’extrait présentant l’activité d’Alice)
l’école en poussette. Pour l’enseignante, ce
rend
mode de déplacement explique « sa lenteur et
son corps qu’elle découvre de façon différente par rapport aux autres qui descendent et qui marchent, qui ne viennent pas en poussette ». La poussette serait un frein à l’autonomie et à liberté motrice d’Alice.
compte
interprétations
de
la
possibles
pluralité d’une
des même
réalité. La façon de voir et d’interpréter retenue dépend – entre autres choses – d’un système de valeurs, de connaissances, de repères normatifs que le regardeur s’est construit. Donner la possibilité (des moyens,
60 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
des outils6, du temps, des espaces…) aux équipes
en
partenariat
de
verbaliser,
d’expliciter, de partager, discuter, débattre ces cadres apparaît comme une condition nécessaire
à
l’appréciation
fine
des
comportements d’enfants-élèves et de leur complexité,
à
la
compréhension
des
connaissances en jeu dans l’expérience vécue en ateliers… Soit une condition nécessaire à un partenariat bienveillant et constructif.
Milton Paulo Nascimento de Oliveira souligne l’intérêt de l’outil vidéo. En tant qu'artiste, situé toujours au milieu des enfants-élèves, la vidéo lui permet une vision plus large de l'atelier, de prendre de la distance pour pouvoir observer ce qui se passe à l'intérieur comme à l’extérieur de l'espace de danse. 6
61 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
La participation d’élèves du primaire à la création d’un conte musical avec des artistes professionnels MYRIAM LEMONCHOIS ,
professeure département de didactique, Université
de Montréal – Québec
EMELINE OUVRARD , auxiliaire de recherche, Université de Montréal – Québec
Introduction et problématique Il est largement reconnu que l’éducation artistique
favorise
le
développement
personnel et social des enfants, mais peu d’études ont effectivement démontré l’existence réelle de ces effets (Valentin, 2006). Il manque des recherches pour comprendre pourquoi est favorisé ce développement
en
fonction
des
expériences des élèves dans les projets artistiques (Burnard et Swann, 2010). Il est difficile de déterminer, dans la littérature de recherche, si les effets sont causés par la pratique artistique ou par les
innovations
pédagogiques
qui
l’accompagnent (Fraisse, 2008). À titre d’exemple : le travail collectif est souvent adopté lors des projets artistiques, et il semble
permettre
d’améliorer
les
compétences sociales. Mais l’effet est-il dû aux expériences artistiques ou au
dispositif pédagogique mis en place ? Seule
la
spécificité
de
l’expérience
artistique permet d’affirmer la plus-value apportée
par
l’éducation
artistique
(Lauret, 2008), il est donc important de comprendre la participation d’élèves à des activités artistiques, en se centrant sur les spécificités de ce type d’activités, sans négliger les formes d’intervention pédagogique qui en découlent. Les deux dernières décennies ont vu la multiplication des interventions d’artistes dans les écoles et certains affirment qu’il ne peut y avoir de projets artistiques sans participation (Lacroix et Mouraux, 2003). Quant à Ramsey White et Rentschler (2005),
ils
affirment
participation
développe
que
cette
l’intégration
sociale. Par ailleurs, il n’existe pas toujours de participation authentique des élèves dans les projets (Hart, 1992). Dans 62 | P a g e
Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
certains
projets,
simplement
les
élèves
présents,
sont
ailleurs
ils
par
exemple,
le
programme
d’enseignement
au
primaire
de
de la
prennent part aux prises de décisions
Nouvelle-Écosse (CSAP, 2006, p. 130).
(Guetzkow, 2002). Si de nombreuses
Finalement, la question de savoir quelles
recherches ont porté sur la participation
formes de participation l’école peut
des élèves dans le cadre de projets, le
intégrer
désaccord entre les points de vue des
comme des acteurs sociaux reste entière.
auteurs est peut-être la conséquence d’un manque de définition de la participation (Merli,
2002).
C’est
pourquoi
il
est
nécessaire de définir précisément ce qu’on entend par participation des élèves afin de mieux en comprendre les effets.
pour
reconnaître les élèves
D’une manière générale, la clef de la réussite de la participation des enfants est le partenariat enfants-adultes (Cook et
collab., 2004). La même constatation est faite par les chercheurs qui ont étudié les pratiques pédagogiques des artistes dans
De la Convention Internationale des
les écoles : les pratiques des artistes les
Droits de l’Enfant – CIDE - (ONU, 1989)
plus
découle une définition de la participation
recherchent une coparticipation et une
des enfants reliée à la reconnaissance de
coconstruction entre les élèves et les
leur parole. Depuis, l’UNICEF demande
artistes (Craft, 2005). Actuellement, les
aux milieux scolaires de développer la
recherches sur les interventions d’artistes
participation
(Lansdown,
dans les écoles — les plus récentes et les
2005). Mais la participation reste encore
plus approfondies — se sont déroulées en
peu développée à l’école (Brougère et
Grande-Bretagne, où, depuis 2002, un
Vandenbroeck, 2007) ou alors seulement
important programme de partenariats
dans le cadre d’une éducation à la
artistiques et culturels, intitulé Creative
citoyenneté (Pagoni, 2009). De plus, elle
Partnership, a été institué avec les écoles
est parfois définie comme une contrainte,
(Burnard et Swann, 2010). Ces recherches
évaluée en termes d’énergie dans la
ont fait ressortir plusieurs points saillants
réalisation de la tâche, comme l’indique,
concernant la relation entre élèves et
des
enfants
signifiantes
sont
celles
qui
63 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
artistes : c’est une relation qui diffère de
artistique ait lieu, l’artiste doit diriger son
celle de l’enseignant avec les élèves
acte volontairement en formulant une
(Galton, 2008 ; Pringle, 2008) parce que
intention artistique, afin de maximiser les
l’artiste se place à côté des élèves
potentialités de l’œuvre et la rendre plus
(alongside) (Chappell et Craft, 2009). Les
intelligible,
interventions des artistes dans les écoles
(Ilhareguy, 2008, p. 72). Pour autant, le
signifiante
et
intéressante
aborder
travail ne se limite pas à une résolution de
autrement les élèves (Chappuis et collab.,
problème qui consisterait à surmonter des
2008, p. 135). Le contexte des projets de
contraintes de départ. Si l’artiste vise
création
donc
intentionnellement à réaliser ce qu’il
forme
pressent, il n’est pas toujours en mesure
particulière de participation dans les
de pleinement déterminer les contours de
écoles.
son
seraient
pertinent
une
autorisation
avec pour
des
à
artistes
étudier
est
une
œuvre
dès
le
début
de
son
élaboration. L’intention artistique est un
complexe
intentionnel
composé
d’interactions entre intentions initiales et
Contexte théorique Spécificité de la création artistique Reprenant Genette lorsqu’il affirme qu’il
n’y a d’œuvre qu’à la rencontre active d’une intention et d’une attention (Genette, 1992, p. 8), nous avons défini la spécificité de la création artistique autour de ces deux notions : intention et attention. Le premier élément propre à l’art, selon
intentions d’ajustement (Ilhareguy, 2008). Le processus de création consiste en une mise à l’épreuve d’intentions artistiques, l’artiste expérimentant et vérifiant la pertinence de ses intentions artistiques dans l’expérience de leur matérialisation ou de leur conceptualisation (Ilhareguy, 2008). Au cours du processus de création, l’artiste est donc amené à faire des choix parmi ses intentions.
Genette (1997), est la considération de la fonction intentionnelle. Pour que l’activité
64 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
Genette
(1997)
appelle
«
attention
esthétique », l’attention de l’œuvre et de ses éléments
de
contenu
matériels
et
conceptuels afin de les apprécier. Mais cette attention intense et rigoureuse concerne aussi l’activité du créateur : l’œuvre est le résultat d’une composition où chaque intention est soumise à l’appréciation. L’artiste ne peut vérifier et évaluer la pertinence de ses intentions artistiques qu’à partir de sa propre sensibilité (Lemonchois, 2003). Toute création artistique repose sur
l’appel à la nécessité intérieure (Kandinsky, 1989), dans lequel l’artiste puise ses mobiles (Guisgand, 2002) et qui joue un rôle de verdict sensible pour mettre à l’épreuve
des
intentions
artistiques
Participation Depuis la publication de la CIDE (ONU, 1989), la participation de l’enfant a fait l’objet d’un nombre croissant de projets concrets et de recherches (Lansdown, 2001). Dans ces travaux, la définition de la participation découle directement de l’article 12 de la CIDE qui octroie aux enfants le droit d’avoir un rôle actif dans leur propre existence et de participer aux décisions
les
concernant
(Lansdown,
2001). Et les chercheurs constatent que le degré le plus élevé de la participation des enfants consiste dans leur implication à des prises de décision avec des adultes, parce que ce sont celles qui ont un impact durable sur l’ensemble de la collectivité
(Ilhareguy, 2008).
(Cook et collab., 2004). En adoptant cette
Si le créateur évalue ses intentions artistiques
définition de la participation, il s’agit de
à partir de sa sensibilité, il doit, par ailleurs,
chercher à comprendre comment les
toujours avoir en tête le regard d’autrui.
artistes impliquent les élèves dans des
L’artiste pour être reconnu doit montrer qu’il
prises de décision.
est non seulement singulier (un être unique dont l’œuvre est originale) mais aussi
universel (capable de toucher chacun et tous en même temps) (Heinich, 2005). L’art n’est pas seulement une pratique solitaire, c’est aussi une pratique sociale.
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Craft (2005) et Galton (2008), qui ont étudié la participation d’enfants à des projets avec des artistes, constatent que cette participation est authentique, si les enfants ont un rôle dans le processus de création. Étant donné que la participation 65 | P a g e
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
étudiée dans notre recherche se déroule
montréalaise pour tous. Ce programme
dans le contexte particulier de projets de
accorde un soutien financier pour la
création avec des artistes dans des
réalisation de résidences de création
écoles, nous avons porté notre attention
dans des écoles publiques francophones
sur
qui
et anglophones de l’ile de Montréal. Les
accompagne la mise à l’épreuve des
projets Libres comme l’art ont pour
intentions artistiques, pour déterminer
objectif de faire participer des élèves à un
les ajustements nécessaires à la réussite
projet
de l’œuvre. Dans ce contexte et afin
professionnelle sur plusieurs mois et ils
d’étudier la participation d’élèves du
sont
primaire à un projet de création avec des
artistique et la pertinence des activités
artistes, trois objectifs ont été définis : 1)
proposées dans les écoles. Les jeunes
Analyser comment les artistes sollicitent
entrent
la participation des élèves en milieu
démarche
scolaire
comment
alors que les artistes alimentent leur
l’appel à la nécessité intérieure module la
travail créatif au contact des élèves.
participation des élèves ; 3) Définir le
Toutes les disciplines artistiques sont
statut de l’élève lors de sa participation
admissibles
au processus de création avec les artistes.
douzaine de projets de ce type étant
le
processus
;
2)
de
décision
Comprendre
de
création
sélectionnés
ainsi
en
sur
leur
contact
artistique
au
artistique
qualité
avec
une
professionnelle,
programme.
Une
financés chaque année, nous en avons sélectionné un au hasard pour réaliser cette étude. Ce projet a permis la
Méthodologie Sujets La recherche a porté sur un des projets du programme Libres comme l’art, créé par le Conseil des Arts de Montréal, Le Conseil des Élus de Montréal et l’École
participation d’élèves de 2e et 3e cycle du primaire à un projet de création de conte musical avec des artistes : une classe de 3e cycle a réécrit un conte traditionnel japonais, une autre de 2e cycle a appris à jouer du shinobue, écrit et sélectionné 66 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
des séquences musicales, et deux autres
La méthode de recherche a été élaborée à
du 2e cycle ont sélectionné des thèmes
partir d’une recension de la littérature de
musicaux joués. Deux artistes, l’une
recherche impliquant des enfants. La
Japonaise et l’autre Québécoise, sont
sociologie de l’enfance considérant les
intervenues conjointement. Toutes les
enfants comme des participants à part
deux étant co-auteures du conte, mais
entière
l’une d’elles étant à l’initiation du projet,
d’interpréter
c’est cette dernière que nous avons
(James et Prout, 1990), au même titre que
rencontrée en entretien.
les adultes (Christensen et Prout, 2002),
(Sirota,
l’approche
la méthode de recherche a consisté en individuels
avec
une
artiste et un enseignant et des entretiens collectifs avec les élèves, avec auparavant des observations lors des interventions des
artistes
pour
propre
expérience
d’infantiliser
les
reconnaitre leur point de vue (Alderson,
De type descriptif (Van der Maren, 1987),
entretiens
évite
capables
enfants : il s’agit d’entendre et de
Instrumentation
des
leur
2005),
en
concevoir
les
questions. Parce que la recherche a bénéficié d’une subvention de recherche octroyée par le Bureau de la recherche, du développement et de la valorisation de l’Université de Montréal, son comité d’évaluation scientifique en a approuvé la
2000). Le guide d’entretien auprès des élèves a donc tenté de respecter les éléments essentiels lors de la conduite de recherche auprès d’enfants, déterminés par Clark et Moss (2001). Tout d’abord, les élèves ont pu témoigner de leurs expériences des élèves, comme des experts, c’est-à-dire comme les autres participants
adultes.
Ensuite,
une
certaine souplesse était présente dans la conduite des entretiens : de mode semidirectif, l’ordre et la formulation des questions ont été adaptés aux enfants.
valeur scientifique.
67 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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Déroulement
entretiens ont été effectués : un en fin de
Les entretiens ont pu être réalisés auprès de trois groupes d’élèves, chaque groupe étant composé de trois élèves différents issus
des
différentes
classes
ayant
participé au projet. Ces entretiens ont duré environ quarante minutes chacun. Faire parler les élèves sur ces concepts complexes, tels que ceux que nous avons définis dans notre contexte théorique, s’est
avéré
difficile.
Les
projet, auprès de l’enseignant spécialisé en musique, qui a accompagné le projet dans les classes y participant, et deux entretiens avec l’artiste, initiatrice et responsable du projet, un entretien en début de projet, avant les observations dans les classes et un entretien à la fin du projet. Les entretiens avec les adultes participant ont duré en moyenne une heure.
premières
L’analyse des notes d’observation nous a
questions de l’entretien qui consistaient à
permis de construire un guide d’entretien
leur demander ce qu’ils avaient aimé le
et de déterminer les questions que nous
plus et ce qu’ils avaient aimé le moins
voulions
dans le projet, ainsi que ce qu’ils avaient
questions d’ordre générales sur le projet,
imaginé du projet avant de le commencer,
le
nous ont permis d’avoir un recueil de
questions réunies sous trois thèmes
mots et d’expressions que nous avons
principaux : le processus de prise de
réutilisé pour reformuler nos questions le
décision, l’appel à la nécessité intérieure,
plus simplement possible. Par ailleurs,
la relation aux élèves.
guide
poser.
Après
d’entretien
quelques
contenait
des
nous avons adapté le déroulement du guide d’entretien à l’ordre d’apparition des thématiques que les élèves abordaient au cours de l’entretien, nous contentant ainsi de reformuler leurs propos pour les
Le point de vue des enfants a été croisé celui
des
adultes.
Afin de pouvoir réaliser les observations et les entretiens dans les écoles, l’obtention d’un
inviter à être plus précis.
avec
Considérations éthiques
Trois
autres
certificat
d’éthique
auprès
de
l’Université de Montréal s’est avérée nécessaire, ainsi que des formulaires de 68 | P a g e
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consentement
de
participation
à
la
recherche, un destiné à l’enseignant, un à l’artiste et un autre aux parents des élèves. L’obtention du consentement des élèves leur a été demandée de manière orale. Les données ont été anonymisées, les
participants
ne
devant
pas
être
identifiés lors du traitement des données et de la diffusion des résultats.
Résultats La participation des élèves sollicitée par les artistes Le projet de création avec les artistes s’est toujours déroulé dans la salle de classe réservée aux cours de musique. Malgré cela, les enfants nous disent que
Méthode d’analyse des résultats
ce n’est pas comme à l’école. Les élèves ont
Les entretiens avec les élèves, l’artiste et
eu des difficultés à expliquer pourquoi,
l’enseignant
mais en reformulant leurs propos nous
analysés
de
ont
été
transcrits
manière
puis
thématique
en
avons eu quelques réponses.
fonction des objectifs de recherche. Ils
Tout d’abord, les élèves disent que le
ont été analysés une deuxième fois en
projet a un côté mystérieux, car ils n’ont
écoutant le fichier audio, afin de mieux
pas su avant la présentation du projet
cerner le discours des enfants. Lors de
final, ce que serait le résultat de leur
l’écoute, l’analyse a été effectuée de
travail. Le projet de création a été réparti
manière linéaire, au fur et à mesure de
entre plusieurs classes : une classe a
l’écoute : les chercheurs interrompant
réécrit l’histoire, une autre a appris à
leur
jouer
écoute
pour
transcrire
leurs
du
shinoboe
pour
créer
des
interprétations faisant appel au cadre
séquences musicales et deux autres
théorique ou aux données recueillies lors
classes ont choisi toutes les autres
des observations. Les résultats sont
séquences
présentés en fonction des objectifs de la
ailleurs, la mise à l’épreuve d’intentions
recherche
artistiques implique une modification de
et
des
thèmes
issus
de
l’analyse des entretiens.
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musicales
du
conte.
Par
la création au fur et à mesure de son 69 | P a g e
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avancement : c’est nous qui a fait l’histoire…
ce ne sont pas les élèves qui jouent, mais
mais on sait pas quoi ça fait tout ensemble,
des artistes professionnels. L’artiste qui
nous disent les élèves. Les élèves ont bien
dit intervenir depuis 15-20 ans dans les
compris que le projet se construisait au
écoles reconnaît que des projets comme
fur et à mesure et pensent que cela
cela, c’est assez unique. Cet aspect est assez
diffère des autres projets dans l’école.
déroutant pour les participants : au début
Pour les élèves, c’est un projet mystérieux aussi parce qu’il diffère des autres projets d‘intervention d’artistes à l’école. Des élèves nous disent avoir pensé au
du projet, l’enseignant et les élèves nous ont
dit
avoir
été
étonnés
par
le
déroulement du projet qui impliquait seulement de faire des choix musicaux.
début du projet qu’ils allaient continuer à
Lorsque nous demandons aux élèves ce
jouer de la flute à bec et faire un spectacle de
qui est différent entre l’enseignant et
fin d’année, comme tout le temps. Certains
l’artiste, un élève cite un exemple de
élèves ont même imaginé que les artistes
séquences de pratique du shinobue, l’une
feraient tout le travail de création et
avec
qu’eux joueraient seulement quelques
interventions
morceaux. Les interventions d’artistes se
enseignant de musique :
déroulent souvent sur une courte période
l’artiste
japonaise et
l’autre
durant
ses
avec
leur
Moi je trouve que c’est meilleur avec Y (l’artiste
et ont pour objectif de présenter une
japonaise), plus facile, parce qu’avec P. (leur
œuvre, de réaliser un atelier avec les
enseignant de musique), avec lui on pratique,
élèves ou d’aider l’enseignant à réaliser
avec Y., on pratique et en même temps on
une création des élèves montrée à l’école. Les projets Libres comme l’art sont originaux parce qu’ils visent une création professionnelle, c’est-à-dire destinée à un large public, et qu’ils séparent les aspects
techniques
des
aspects
de
création, ainsi dans les projets musicaux
choisit des choses, et puis après on donne son opinion si on aime cela. Lorsque le projet a été présenté en début d’année aux élèves, ils n’avaient pas imaginé avoir un rôle aussi important. Ils ne sont pas habitués à être consultés pour participer à des prises de décisions : c’est 70 | P a g e
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souvent leur enseignant qui choisit ce
décidé d’y aller avec des votes et que j’ai noté
qu’ils doivent faire et selon eux, c’est
pour avoir une espèce d’idée de ce qui plaisait le
correct, parce qu’après tout c’est lui le prof,
plus à la majorité. Le processus de création
nous disent-il. L’une des particularités du
artistique
projet retenue par les élèves est leur
programmation horaire comme les cours,
participation à des prises de décision.
les contraintes de temps ont donc eu des
Le fait que le projet se déroule dans la classe a impliqué une adaptation du projet aux contraintes scolaires. L’enseignant et les élèves ne nous nullement parlé des contraintes scolaires, peut-être parce qu’ils les vivent au quotidien et qu’elles sont des habitus inhérents à l’école, auxquels on finit par ne plus penser. Mais elles ont été pesantes pour l’artiste, même
ne
répond
pas
à
une
implications sur le type de relation avec les élèves : j’aurai trouvé cela intéressant
d’avoir un peu plus de temps, travailler peut-être un peu plus en équipe, pour avoir un rapport plus égal, nous dit l’artiste. En début de séance, l’artiste commence par présenter le travail du jour :
On a trouvé pas mal d’ambiances, mais il nous reste quelques moments du spectacle où là on ne sait pas quoi, alors c’est pourquoi on est en
si le projet n’était pas le premier qu’elle ait
classe ce matin, on a besoin de ton avis ; c’est
fait dans des écoles. La contrainte la plus
parce qu’on a plusieurs choix, et on n’arrive pas
dérangeante pour l’artiste a été celle du
à se décider.
temps si on avait eu plus de temps, j’aurai peut-
Lors de chaque séance d’une heure, les
être essayé d’explorer les segments musicaux et
artistes présentent aux élèves diverses
de creuser un peu plus les choix. L’artiste
versions musicales et elles les consultent
aurait préféré travailler avec les élèves sur
pour la mise à l’épreuve de ces intentions
des périodes plus longues que celles qui
artistiques. Elles ont donc délégué une
lui étaient allouées sur l’heure du cours
partie de leur travail en demandant aux
avec l’enseignant spécialisé en musique. À
élèves d’en déterminer les ajustements
cause de la contrainte de temps, l’artiste a
nécessaires. Quand nous demandons aux
dû adopter une procédure particulière
élèves ce que cela leur fait, ils répondent :
pour le recueil des choix des élèves : j’ai
moi, j’aime ça parce que si c’est eux tous seuls 71 | P a g e
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qui les prennent, c’est comme si nous on
S’ils le mettent là, on serait content, parce que
participait pas parce qu’on donne pas notre
notre choix est mis dans le spectacle, mais si
opinion. Pour les élèves, la notion de
jamais ils sont pas là, on se dirait au moins
participation est bien reliée à l’idée de
qu’on s’est laissé exprimer, même s’ils les ont pas mis, au moins on a pu dire notre
prendre des décisions personnelles.
personnalité, les choix qu’on a choisis.
Dans l’ensemble, de nombreux choix des élèves
ont
été
incorporés
dans
la
réalisation : on a respecté leurs choix
musicaux, les instruments, tout cela on ne les a pas remis en question, nous dit l’artiste. Selon l’enseignant, les élèves
Les élèves ajoutent qu’ils se sont sentis
comme des créateurs, créatrices parce qu’ils ont pu exprimer leur personnalité dans le processus de création, même si tous leurs choix n’ont pas été intégrés dans le produit final.
ont reconnu leurs choix dans le produit final et il nous rapporte des propos
avait choisi cela, ben oui, c’est ma phrase. Mais
L’appel à la nécessité intérieure et la participation des élèves
toutes les décisions prises par les élèves
Le processus de création exige de porter
n’ont pas été incorporées dans le projet.
une
Par ailleurs, jamais les décisions qui ont
matériaux qui peuvent être insérés dans
été prises par les enfants n’ont jamais été
l’œuvre,
considérées comme des choix définitifs,
séquences
le processus de création impliquant de
intentions artistiques est parfois difficile
mettre
pour les élèves. Dans ce projet de
entendus après le spectacle : ah oui, on
à
l’épreuve
des
intentions
attention
dans
esthétique
le
cas
musicales.
sur
observé, Formuler
les
les des
artistiques. Mais les élèves semblent ne
création,
pas avoir été gênés par le fait que les
initiales
décisions qu’ils avaient prises n’étaient
artistes, mais elles ont été mises à
pas définitives ou qu’elles n’aient pas été
l’épreuve par les élèves qui ont dû faire
incorporées dans le produit final :
appel à leur nécessité intérieure afin de
les ont
intentions été
artistiques
formulées
par
les
rendre un verdict sensible et prendre des 72 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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décisions
pour
les
ajustements
enseignant semble faire référence à ce
des
choix
des
que Bachelard appelle la surveillance
artistes
intellectuelle de soi (Fabre, 2003), un
arrivaient en classe avec trois ou quatre
outil nécessaire à la pensée scientifique
versions d’une même séquence pour les
qui nous empêche de croire à la première
faire
leur
idée venue. Si l’enseignant spécialiste en
demandaient de choisir parmi celles-ci
musique renvoie parfois les élèves à leur
celles qu’ils pensaient correspondre le
intériorité,
mieux. Après mise en contexte, l’artiste
l’enseignante généraliste leur demande
demandait aux élèves de réfléchir en
rarement : c’est pas vraiment une habitude,
fermant les yeux parce qu’elle pense qu’il
nous disent les élèves. Et lorsque cela
lui semblait important de renvoyer les
arrive, c’est uniquement en dehors des
élèves à leur intériorité : je vais le faire moi-
apprentissages scolaires, par exemple
même, pour avoir le senti, parce que c’est très
pour demander aux élèves s’ils veulent
kinesthésique, c’est les sons, faut les sentir,
aller dehors quand il fait chaud. Les
nous dit-elle.
élèves
Lorsqu’on demande à l’enseignant ce
l’enseignante ne veut pas qu’on copie les
qu’il pense de cette manière de faire, il
personnes, parce que quand on va juste dehors
nécessaires. séquences
Lors
musicales,
écouter
aux
les
élèves.
Ils
nous répond que lui aussi le demande dans ses cours aux élèves : on veut bien
les
pensent
élèves
qu’à
pensent
ce
que
moment-là,
et qu’on a rien à faire (…) là ce sera plate. D’après cet exemple, l’intériorité renvoie
leur faire prendre conscience de cela, le faire
au maître intérieur, tel que défini par
réfléchir, le faire questionner sur tout cela. Ce
Durkheim (1938) : l’élève doit y faire
qu’on
appel
remarque
d’emblée
lorsqu’on
pour
y
trouver
une
vérité
compare les propos de l’artiste et ceux de
universelle, le juste et le bien. Si le maître
l’enseignant concernant l’appel
la
intérieur chez Durkheim renvoie à un
nécessité intérieure, c’est que l’artiste a
habitus moral (Fabre, 2003), l’appel à la
parlé de sentir quand l’enseignant parle
nécessité intérieure de l’artiste n’est pas
de réfléchir et de questionner. Cet
du même ordre. Elle ne renvoie ni à un
à
73 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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bon comportement social (Durkheim,
et les attentes d’un public. L’élève doit se
1938)
poser
ni
à
un
bon
comportement
comme
artiste,
c’est-à-dire
intellectuel (Fabre, 2003). Lorsque les
comme être unique parlant au nom et en
artistes partagent avec les élèves leurs
direction de tous (Maulpoix, 1998, p. 63).
intentions artistiques, ils leur demandent
Lorsque les artistes et les élèves se
de faire appel à leur sensibilité.
retrouvent
Les artistes demandent aux élèves de faire appel à leur sensibilité et en même temps, ils rappellent aux élèves que la
partenaires
créateur, adopte
dans
l’apprentissage une
l’acte
artistique
perspective
culturelle
indispensable à la pratique artistique.
mise à l’épreuve sensible implique le regard de l’autre. Les consignes des artistes
contiennent
à
la
fois
une
dimension personnalisante et de l’autre une
dimension
généralisante.
La
dimension personnalisante apparaît dans les consignes des artistes : ce que tu
préfères ; ce que tu penses ; ça va être toi qui va décider. Et les artistes rappellent ainsi aux élèves la dimension généralisante en leur demandant par exemple : imagine-toi que
tu arrives au spectacle et là tu entends…
Le statut de l’élève lors de sa participation au processus de création En déléguant une partie de leur travail de création aux élèves, les artistes leur ont reconnu une expertise : celle de pouvoir évaluer
la
pertinence
d’intentions
artistiques. Les artistes ont accordé aux élèves
une
expertise
:
celle
d’une
personne agissante, c’est-à-dire capable
Trouves-tu que cela nous met dans l’ambiance
de faire des choix éclairés dans des
de la forêt japonaise, de la forêt de bambous et
situations dont il maîtrise et comprend
que cela ouvre un conte japonais ? Les artistes
les enjeux (Lacroix et Mourault, 2003). Et
accompagnent les élèves dans le travail
étant donné que les artistes n’ont pas
d’explicitation de l’intention artistique en
vérifié
leur montrant qu’elle est un compromis
possédaient réellement cette expertise,
entre un projet d’expression personnelle
nous pouvons dire qu’elles ont d’emblée
auparavant
si
les
élèves
74 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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reconnu les élèves compétents pour
n’est pas capable d’avoir totalement
participer
décisions
confiance dans leurs compétences : c’est
artistiques. L’artiste que nous avons
sûr que ce n’est pas ce que je pense au début là,
rencontrée justifie ainsi cette posture : ce
volontairement. Et il ajoute : peut-être que je
que j’ai essayé de leur dire que c’est eux les
ne
spécialistes, à partir du moment où je leur
personnellement. Je ne pense jamais qu’ils
donne le contexte et leur fais écouter
pourront faire certaines choses. Il cite en
différentes musiques, je ne vois pas pourquoi ils
exemple : souvent j’aurai envie de leur faire
ne seraient pas capables de choisir, puisqu’ils
écouter de la musique, telle que de l’opéra… « oh
ont une sensibilité. Les élèves ont vraiment
non, ils n’aimeront pas cela. Ça va rire et puis ils
eu l’impression qu’on les reconnaissait
n’aimeront pas cela ». Je m’enlève le droit de
comme compétents et se sont sentis
faire cela et je vois que cela pourrait très bien se
aux
prises
de
valorisés : Ce que j’ai préféré c’est choisir les
leur
fais
pas
assez
confiance,
passer. L’enseignant ne pense donc pas
musiques, parce que c’est des choix à nous, et
d’emblée que les élèves sont compétents.
pas des choix à d’autres. Au début du projet,
Les principes didactiques, quelles que
les élèves n’ont pas imaginé qu’on leur
soient les disciplines, reposent toujours
confierait des tâches propres à l’artiste.
sur l’idée que les élèves ne sont pas
Être reconnu comme expert est un rôle
compétents et que le rôle de l’enseignant
apprécié des élèves, mais qui n’est pas
est de les amener à le devenir.
habituel à l’école.
Lorsque
L’enseignant reconnaît qu’il y a un
participation des élèves, elle affirmait son
décalage entre l’attitude de l’artiste
ignorance en affirmant qu’elle ne savait
envers les élèves et la sienne : elles avaient
pas quelles musiques il fallait choisir en
au départ confiance en leurs idées, en leurs
rappelant plusieurs fois au cours d’une
capacités, en leur effort, en leur motivation.
même période et à toutes les périodes :
Même s’il valorise ses élèves en leur
moi je ne sais pas, c’est vous qui savez. Le
disant ah ça vous êtes bons pour cela ;
travail au sein du projet devait se faire
c’est comme cela que je voudrais qu’on
dans un esprit égalitaire : toutes les
travaille tout le temps, il reconnaît qu’il
opinions pouvaient être entendues, étant
l’artiste
a
sollicité
la
75 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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donné qu’elle étaient issues de personnes
elle se déroule dans un contexte scolaire
considérées comme compétentes dans
en respectant ses contraintes. Les élèves
leur créativité et leur sensibilité artistique.
n’ont
En adoptant cette attitude, l’artiste a eu
artistiques mais ils ont participé à leur
l’impression que les élèves ressentaient
mise à l’épreuve et ont pu prendre des
un certain inconfort et qu’ensuite ils se
décisions
questionnaient :
nécessaires à la production artistique.
Je pense qu’ils ne sont pas habitués, qu’ils sont
Les élèves ont pris des décisions d’ordre
toujours dans un rapport maitre-élève, le
artistique et par de là se sont sentis
maitre sait tout, l’élève ne sait rien. Et là de les mettre dans un processus de coéducation, de
pas
développé
quand
des
aux
intentions
ajustements
reconnus comme compétents et dans une
cocréation, ils ne sont pas habitués à cela. Et
relation égalitaire avec l’artiste.
c’est la difficulté, la surprise.
Les élèves pensent que les artistes n’ont
Cela peut être en effet déroutant pour les
pas exercé une autorité sur eux, tout
élèves qu’un adulte qui prend la place de
comme,
son enseignant n’en sait pas plus que lui.
enseignant, mais que le prof, quand il est
parfois,
peut
le
faire
leur
prof, il est sévère. Ils rappellent ainsi que dans le rôle d’explicateur de l’enseignant induit
Discussion des résultats
inégalitaire.
Les résultats exposés ci-dessus nous ont permis
de
principale
répondre de
la
à
la
question
recherche
pour
comprendre la participation d’élèves du primaire à un projet de création avec des artistes.
Nous
avons
vu
que
une
cette
participation diffère sur de nombreux points de la participation demandée aux élèves habituellement en classe, même si
relation Les
pédagogique
propos
des
élèves
rappellent ceux de Rancière (1987), lorsqu’il affirme que l’artiste a besoin de
l’égalité comme l’explicateur a besoin de l’inégalité (p. 54). La reconnaissance des élèves, dans un rapport égalitaire entre adultes
et
enfants,
n’est
pas
sans
rappeler le projet d’émancipation décrit par Rancière (1987, 2009). Chez Rancière (2009), si l’instruction est basée sur un 76 | P a g e
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rapport savant
inégalitaire et
un
entre élève
un
maître
ignorant,
l’émancipation se base sur la prémisse d’une égalité des intelligences du maître et de l’élève qui leur permet d’échanger
leurs aventures intellectuelles (Rancière, 2009, 23). Il nous paraît intéressant d’interpréter les résultats à la lumière des travaux de cet auteur, car la définition de la
participation
empruntée participation
à
la et
interchangeables,
que CIDE
nous
avons
implique que
émancipation comme
soient
dans
les
publications du centre de recherche de l’UNICEF (Lansdown, 2005).
que l’élève a cherché en jugeant de l’attention
que
l’élève
à
porter
en
vérifiant par lui-même ce qu’il a trouvé. Pour
Rancière
(1987),
la
leçon
émancipatrice de l’artiste est d’effectuer une double démarche : ressentir et faire partager ce qu’il ressent. Cela ne signifie pas copier l’œuvre d’un artiste mais adopter une attention et une attitude de recherche propre à l’art pour dire et faire partager son rapport à soi, aux autres et au monde dans des matériaux a priori arbitraires et dont il faut forcer la résistance pour pouvoir se dire (Rancière, 1987). Cet auteur rappelle ainsi que la
Prendre pour point de départ l’égalité,
vertu première de notre intelligence est la
c’est donc partir non pas de ce que l’élève
vertu poétique (Rancière, 1987, p. 120).
ignore, mais de ce qu’il sait et de vérifier
Selon Rancière (2009), l’art de nos jours
s’il a usé de son intelligence (Rancière,
relève d’un régime esthétique qui lui
1987). Dans notre recherche, nous avons
octroie une valeur émancipatrice dans la
constaté que les artistes ont demandé
mesure où la propriété d’être de l’art
aux élèves de justifier leurs choix. Ils leur
n’est
ont demandé de rendre compte de leur
perfection technique, mais reflète une
volonté de donner du sens, en montrant
volonté de partager une appréhension du
que leur nécessité intérieure a bien été
sensible.
sollicitée. Ils ont donc joué ici un rôle
Rancière (1987), nous pouvons dire que
identique à celui du maître ignorant
le rôle pédagogique de l’artiste est de
décrit par Rancière (1987) en vérifiant
donner
dépendante
de
Reprenant
à
voir
faire
critères
les
de
propos
l’art
de
de
pour
77 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
apprendre
à
en
faire
soi-même
;
l’émancipation
de
Rancière,
comme
apprendre de celui qui vient en homme
capacité des individus à se démarquer
émancipé pour aider le novice sur le
des
chemin
(Rancière, 2009). Le projet d’émanciper
de
l’intelligence
poétique
à
identités
qu’on
leur
assigne
partager la parole muette de l’émotion en
par
maniant l’arbitraire de la langue — dans
progressives
le cas étudié le langage musical. Il
l’éducation, où expression de soi et
semblerait que développer une posture
enseignement artistique sont intimement
d’auteur à l’école consiste à mettre en
mêlés (Lemonchois, 2011). Mais dans la
œuvre
classe, le rapport de pouvoir entre élève
un
régime
esthétique
de
l’art
est
né
enseignant
dans
les
écoles
(1890-1920)
de
l’enseignement des arts, c’est-à-dire un
et
est
un
pouvoir
mode d’enseignement dans une égalité
d’assujettissement et l’expression de
des sujets, enfants et adultes.
l’élève ne suffit pour être émancipatrice. C’est parfois même au contraire une
Parce que la création artistique relève à la
source additionnelle d’assujettissement :
fois d’un régime de singularité et d’un
l’élève qui se dévoile par l’expression
régime de communauté (Heinich, 2005),
artistique se met en danger, en particulier
elle
lieu
celui d’être jugé par l’enseignant, comme
privilégié dans lequel le sujet peut se dire
lorsque celui-ci l’évalue en fonction des
tout en participant à la culture. Les
étapes du développement graphique.
artistes par leur expérience d’auteur
Pour que l’éducation ait une valeur
peuvent
émancipatrice,
constitue
aider
d’évidence
les
élèves
un
dans
la
il
ne
suffit
pas
de
construction de leur propre posture
demander aux élèves de s’exprimer par
d’auteur. La notion d’auteur permet de
l’art, mais de leur demander de faire
penser l’aptitude du sujet à produire du
l’effort
social, par sa position de sujet et par sa
sensible. L’appel à la nécessité intérieure
force
conjugue
renvoie
critique aussi
(Bertucci, à
la
2007).
Elle
définition
de
de
partager
des
leur
dimensions
expérience
à
la
fois
personnelle et sociale ; il exige un 78 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
compromis entre expression personnelle
participants (les élèves, l’enseignant et
et attentes du public. Par la mise à
l’artiste) dans le cadre d’un projet de
l’épreuve d’intentions artistiques avec
résidence de création dans une école
des artistes, les élèves peuvent approcher
primaire montréalaise. Les résultats ont
une posture d’auteur.
permis de comprendre la participation d’élèves du primaire à un projet de création avec des artistes. Nous avons vu que cette participation diffère sur de nombreux
Conclusion Parce
que
les
points de la participation demandée aux projets
d’intervention
d’artistes dans les écoles se multiplient, que cela soit au Québec ou dans d’autres pays, et qu’il existe des évidences non démontrées sur la participation des élèves, la recherche a eu pour objectif principal de comprendre quelle était leur participation dans
ce
contexte,
en
adoptant
une
définition précise de la participation. Par ailleurs parce qu’il est important de
élèves habituellement en classe, même si elle se déroule dans un contexte scolaire en respectant ses contraintes : les élèves ont pu prendre des décisions en faisant appel à leur nécessité intérieure, tout en prenant en
compte
les
attentes
d’un
public
potentiel. Cette participation repose sur la reconnaissance
en
amont
de
la
compétence des élèves, dans une relation égalitaire entre adultes et enfants.
prendre en considération dans ce type de
La recherche n’a étudié qu’un seul projet
projets, la spécificité des expériences
de résidence d’artistes dans une école. Il
artistiques, la recherche s’est appuyée sur
s’agissait d’une étude pilote pour mettre à
deux
l’épreuve
de
leurs
aspects
essentiels
:
l’approche
théorique
et
l’intention artistique et l’appel à la nécessité
méthodologique d’une recherche de plus
intérieure qui caractérise l’attention de
grande ampleur sur différents projets
l’artiste. De type descriptif, la méthode de
d’intervention d’artistes dans des écoles de
recherche a permis de recueillir dans des
l’Ile de Montréal. Elle nous a permis
entretiens semi-directifs les propos des
d’évaluer la pertinence de notre cadre 79 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
théorique
et
recherche,
d’affiner
en
d’entretiens
nos
particulier
auprès
des
outils les
de
guides
élèves.
De cette étude pilote, une autre question émerge.
Actuellement,
plusieurs
Mais
recherches sur l’engagement scolaire des
comme il s’agit d’une étude sur un corpus
élèves reprennent le concept de sentiment
restreint ses résultats ne peuvent être
d'efficacité
généralisables et doivent faire l’objet de
théorisé par le psychologue Albert Bandura
vérification dans d’autres recherches.
(1997). Ce concept désigne la croyance que
Cette étude nous a permis d’observer une forme de participation dans un contexte scolaire qui implique une reconnaissance de la compétence des élèves comme prémisse,
alors
qu’habituellement
la
compétence de l’élève y est reconnue comme émergent
finalité. :
Plusieurs
Que
devient
questions la
valeur
émancipatrice de ces projets à plus ou moins long terme ? Pourrait-elle être développée dans d’autres apprentissages scolaires ? Pour mieux comprendre les apports d’une telle participation dans les apprentissages
disciplinaires,
nous
aimerions effectuer une recherche pour comparer les pédagogies des enseignants et
des
artistes,
dans
le
contexte
d’apprentissages disciplinaires par projets, qui
sont
des
formes
pédagogiques
relativement proches des interventions d’artistes dans les classes.
(self-efficacy),
personnelle
possède un individu de ses compétences pour atteindre un but et serait source de réussite scolaire et même de résilience. Les recherches montrent que les élèves se désintéressent
des
activités
dans
lesquelles ils se sentent peu efficaces (Bandura, 1997). Le degré de perfection attendu est extrêmement élevé ou flou dans le domaine des arts lorsque les critères
de
perfection
technique
ou
d’appréciation subjective sont des critères d’évaluation. Par conséquent, l’évaluation des
réalisations
conséquence
de
des
élèves
miner
le
a
pour
sentiment
d’efficacité personnelle des élèves en arts, parce qu’elle consiste à adopter une évaluation
normative
basée
sur
la
comparaison (Ames, 1992), en arts avec un idéal inaccessible (le génie artistique), ou à adopter une attitude culpabilisante pour l’élève
(Ames,
1992),
qui
ne
peut
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re che rc he
comprendre la subjectivité de l’appréciation
la compétence de l’élève est reconnue
par l’enseignant de sa réalisation. Il n’existe
comme finalité. Adopter un enseignement
aucune
sentiment
des arts basé sur la reconnaissance de
d’efficacité comme source d’engagement
l’expertise sensible des élèves pour prendre
dans les apprentissages artistiques et nous
des décisions d’ordre artistique est-il
nous interrogeons sur la diminution de
envisageable ? Ce type de participation est-
l’intérêt des élèves pour les arts au fur et à
il
mesure de leur scolarité. Cette étude nous
didactiques des disciplines, et en particulier
a
de
en enseignement des arts ? Et si, oui,
participation dans un contexte scolaire qui
permet-il une amélioration du sentiment
reconnait la compétence des élèves comme
d’efficacité personnel des élèves ?
recherche
permis
sur
d’observer
le
une
forme
transférable
dans
la
plupart
des
prémisse, alors qu’habituellement à l’école
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83 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 | enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Réflexions comparatives sur les effets spécifiques des résidences d’artiste dans les dispositifs d’éducation artistique et culturelle : vers la fin d’une rhétorique de l’exception ? NATHALIE MONTOYA ,
maître de conférences en sociologie, Laboratoire du
changement social et politique, Université Paris-Diderot Réflexions à partir d’une double enquête menée sur deux dispositifs d’éducation artistique et culturelle porté par le conseil général de Seine Saint Denis (Culture et Art au Collège, Résidence In Situ)
Depuis un peu plus d’une dizaine d’années,
raison de leur caractère encore trop peu
les recherches menées en sciences sociales
nombreux,
sur l’éducation artistique et culturelle se sont
l’examen singulier des dispositifs (types de
développées de façon importante. Si nous
moyens
disposons
coordination, forme des projets etc.) sur des
aujourd’hui
de
travaux
importants sur l’histoire de l’éducation artistique et culturelle, sur les processus socio-politiques qui ont présidé à son développement
par
expérimentations
et
dispositifs et si nous pouvons désormais nous
appuyer
sur
un
certain
nombre
d’enquêtes menées sur les projets euxmêmes, très peu de recherches se sont intéressées
aux
effets
différentiels
des
projets entre eux. Les enquêtes empiriques
ont
eu
consacrés
tendance
au
projet,
à
replier
type
de
réflexions générales sur « l’art à l’école ». L’étude
que
nous
avons
menée,
avec
Géraldine Bozec et Anne Barrère, sur le dispositif de résidence artistique In Situ, un an après avoir mené une étude sur le dispositif Culture et Art au Collège1, visait à explorer les effets spécifiques propres à la forme « résidence artistique » (par comparaison avec une forme plus ordinaire de projet d’une quarantaine d’heures). Quels sont les
sur l’éducation artistique et culturelle, en 1
Bozec Géraldine, Barrère A., Montoya N. Les parcours « La Culture et l’Art au Collège » : enquête sur un dispositif d’éducation artistique et culturelle, Laboratoire CERLIS, Université Paris-Descartes, février 2013. Le rapport et la synthèse peuvent être téléchargés ici : www.seine-saint-denis.fr/La-Culture-et-l-Art-au-College.html 82 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
apports spécifiques d’une résidence d’artiste
L’enquête sur In Situ a été menée au
dans un collège, lorsqu’on les compare avec
printemps
les processus engagés, par ailleurs, dans les
limitée en temps et en moyen que celle
projets d’éducation artistique et culturelle ?
réalisée sur la CAC (Culture et l’Art au
20133.
L’enquête
était
plus
Collège). Une dizaine d’entretiens ont été
Le dispositif de résidence In Situ du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis Les artistes en résidence accueillis dans In Situ, 10 à 11 chaque année, signent un cahier des charges précis2. Ils s’engagent à poursuivre un travail de création personnel et à être présents au collège entre trente et quarante jours par an. Ils doivent s’associer à un lieu culturel en Seine-Saint-Denis et organiser des sorties avec les collégiens. Ils bénéficient d’un espace dédié au sein de l’établissement. Comme le dit la charte du dispositif, « artistiquement, il s’agit de développer des projets inédits, et de développer le travail en direction du public collégien en permettant le suivi, le contact et l’échange avec un artiste dans le cadre d’une démarche spécifique. La résidence d'artiste au sein du collège permet de rendre présente la création au plus près de la communauté scolaire. Elle offre un espace d'ouverture, de réflexion et d'expression auquel les collégiens peuvent être associés individuellement ou collectivement, charge aux partenaires du projet d’imaginer des moments de rencontre, de découverte et d’échange ». La résidence comporte des moments de passage obligés de l’acte inaugural à la restitution finale en passant par un certain nombre de points d’étapes.
menés avec des artistes et des enseignants, 12 séances de travail ont été observées et 6 groupes d’élèves de 3 à 4 élèves sur deux résidences ont été interrogés lors d’entretien collectif ; 6 sur 10 des résidences In Situ menées
en
2012-2013
ont
ainsi
été
examinées, par entretien ou observation. Par ailleurs les réunions de préparation de deux résidences de l’année 2013-2014 ont été observées
et
quelques
résidences
des
années passées ont été évoquées dans les entretiens menés les années précédentes avec les acteurs de Culture et Art au Collège. Comme pour l’étude sur les parcours CAC, nos questionnements portaient sur l’examen des processus sociaux mobilisés par ces projets et sur la saisie et l’analyse de leurs effets sur l’école et sur le rapport aux arts et à la culture des élèves concernés4.
2
La présentation du dispositif In Situ est téléchargeable ici : www.seine-saint-denis.fr/IMG/pdf/charteinsitu-2.pdf
3
Pour une présentation détaillée de l’enquête CAC, peu exploitée ici, cf. le rapport cité plus haut.
4
Le rapport d’étude n’est pas encore achevé et devrait être bientôt disponible sur le site du conseil général de Seine-Saint-Denis (prévue pour décembre 2014). 83 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
L’étude comparative sur les deux dispositifs
-
Afférentes à ces deux facteurs un
permettait ainsi d’observer les processus
ensemble de variables à la durée et la
engagés
et
nature de la présence de l’artiste dans la
culturelle lorsqu’un ensemble restreint de
classe changeait également : l’artiste
variables changeaient :
disposait d’une salle qui lui était affectée
-
-
par
l’éducation
artistique
La variable temps est sans doute celle
dans le collège (pour créer et travailler
qui marque le plus significativement la
avec les élèves), et de fait était installé
différence entre les deux dispositifs.
dans le collège au côté de l’équipe
La seconde variable, d’importance pour
pédagogique.
comprendre l’engagement des artistes dans ces projets, tient à l’esprit de la commande passée aux artistes dans chacun des dispositifs par les acteurs du Conseil Général. Dans le cadre d’In Situ, les artistes sont soumis à une injonction partiellement contradictoire : s’ils sont libres de mener leur création comme ils l’entendent
dans
l’espace
de
la
résidence, le conseil général attend d’eux qu’ils mènent avec une classe un
Les premières exploitations de l’enquête montrent
que
les
résidences
d’artistes
exacerbent les effets et les enjeux des projets d’éducation artistique et culturelle : si les tensions provoquées par les projets peuvent être plus fortes, la forme scolaire est retravaillée de façon plus significative par ces expériences et la familiarisation des élèves avec les objets culturels et les pratiques artistiques plus notables.
travail sur l’année qui donnera lieu à une présentation
finale.
L’injonction
à
produire avec les élèves est à la fois moins forte (il s’agit d’une résidence, et non pas d’un projet à mener avec les élèves) et plus exigeante.
84 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Les résidences exacerbent
contradictions tout en offrant des espaces de
les tensions et les contradictions
collaboration plus larges et plus ouverts.
propres au projet d’éducation artistique et culturelle
Dans une résidence, à cause de la durée et de la liberté offerte à l’artiste, la dimension erratique du processus créatif avec les élèves
Des formes de collaboration artistes-enseignants plus ouvertes et plus périlleuses Les enquêtes ont souvent soulignées les difficultés soulevées par l’entrée des artistes à l’école : les habitudes de travail des acteurs éducatifs d’une part, et des artistes et des acteurs culturels d’autre part, sont toujours pensées comme difficilement compatibles. Les artistes ignoreraient les codes et les
est accentuée, tandis que l’attente placée dans le projet et ses effets est plus forte.
Lors de la réunion préparatoire d’une résidence, un professeur de français demandait à l’artiste : « Ce qu’il va falloir se poser comme question, c’est là où vous voulez les emmener ». « On va voir ensemble » répondait l’artiste, évoquant à nouveau ses thèmes. L’enseignante insistait en rappelant que les thèmes allaient intéresser les élèves mais que le « problème c’était de savoir comment faire devant les élèves ». L’artiste s’en tenait à des réponses évasives sur un travail qu’il convenait de construire au fur et à mesure.
normes scolaires tandis que les acteurs éducatifs auraient du mal à comprendre les artistique
Cette ouverture des méthodes de travail avec
(caractère indéterminé du travail en cours,
les élèves, permise par le temps de la
rythmes irréguliers, logique de projet etc.).
résidence, exacerbe les tensions et amène
S’il existe de nombreux exemples de projets
les artistes et les enseignants à inventer de
qui démentent ces représentations stéréo
nouvelles formes de collaboration, entre les
typiques des mondes scolaires et culturels,
contraintes des institutions scolaires et les
les enquêtes tendent à montrer que les
différentes formes d’attentes placées dans
projets d’éducation artistique et culturelle
ces projets.
tendent à actualiser et à mettre en scène ces
« On navigue à vue » disait une enseignante au
oppositions. Les résidences d’artistes dans
moment de la restitution finale du projet de
les établissements scolaires accentuent ces
résidence sur lequel elle était engagée. « C’est
formes
spécifiques
du
travail
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
souvent du hors-piste », « on monte sur un bateau
cours d’écriture de l’artiste engagé dans le
et on ne sait pas toujours où l’on va arriver ».
projet : tout d’un coup dépossédés d’une
« L’aventure » au long cours engagée par la
œuvre dans laquelle ils ne se reconnaissaient
résidence accentue le sentiment d’incertitude
pas, ils ont interrompu brutalement, en
des acteurs éducatifs engagés dans les
excluant l’artiste du collège, toute forme de
projets d’éducation artistique. Elle élargit les
collaboration possible. Il est remarquable que
possibilités
les
d’après nos enquêtes, le temps long passé
enseignants qui se saisissent différemment
dans les collèges par les artistes, accentuent
de cette ouverture. Entre le retrait total
les tensions souvent présentes dans les
(absence systématique des enseignants en
projets d’éducation artistique et culturelle
classe, difficulté à communiquer) observé
davantage qu’elles ne stabilisent les formes
dans deux résidences), et un engagement
de collaborations, toujours bricolées, dans ce
exacerbé (présence systématique en classe,
type de projet.
de
collaboration
pour
velléité de co-création du projet avec l’artiste etc.) qui peut donner lieu à des malentendus et des tensions, les enseignants cherchent souvent pendant quelques mois la « juste
Exacerbation des tensions autour de « l’oeuvre finale »
place », les modes de collaboration les plus
D’après nos enquêtes sur in Situ, ces
efficaces
tensions
et
les
plus
confortables.
Ces
sont particulièrement fortes
à
moments d’ajustements et de recherches
l’approche de la fin de l’année et du moment
peuvent
de restitution finale, sur laquelle des attentes
donner
lieu
à
des
tensions même
divergentes sont souvent placées. Pour les
conduire à l’abandon de la résidence, dans
opérateurs du Conseil Général les moments
des
l’occurrence,
de
mené
nos
résidences constituent la vitrine officielle du
surinvestissement
des
dispositif : des élus, des responsables
enseignants dans l’une des résidences, les
administratifs des services culturelles ou de
avait amenés à jeter l’opprobre sur l’œuvre en
l’inspection académique y sont conviées très
extrêmement
cas
l’année
fortes
qui
exceptionnels. où
observations,
nous le
peuvent
En
avons
restitution
finale
de
chacune
des
86 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
officiellement
événement
etc. Nous avons assisté à des négociations
culturel soutenu par le Conseil Général. Lors
parfois délicates sur les formes de ces
de ces présentations, entre invités, on
restitutions (degré d’achèvement du travail
échange
et
présenté, ouverture au public, jauge et nature
esthétiques des travaux présentés par les
de la présentation etc.), significatives de
artistes et les élèves. L’un des opérateurs du
l’accentuation des tensions propres aux
dispositif nous confiait avoir été très déçu
résidences d’artiste.
sur
comme
les
à
un
qualités
formelles
lors d’une résidence précédente, par un travail final qui n’était pas à la hauteur du travail habituellement réalisé par ces deux
Une forme scolaire retravaillée
artistes ; interrogés un peu plus tard, ces
en profondeur par l’installation
derniers disaient avoir respecté le travail des
durable des artistes
élèves et s’en être tenu à ce qu’il était possible de faire avec une classe de primoarrivant, peu engagée dans le projet d’après eux. Pour les artistes, ces attentes
sont
parfois difficiles à comprendre car elles contrastent avec la liberté qui leur ait donné en début de résidence de créer à leur rythme et selon l’avancée du travail avec les élèves. Pour certains, l’exigence de restitution met en péril et dénature le travail d’atelier, d’avancées à petits pas, réalisé avec les élèves. Du côté des équipes pédagogiques, la tendance est à inclure ces moments de restitution dans les événements festifs de fin d’année : fêtes de collège ouverte aux familles, journées de présentation des projets
L’installation durable d’une manière de travailler alternative à la forme scolaire Notre enquête sur les parcours CAC avait montré que l’un des effets les plus notables des projets d’éducation artistique à l’école tenait
à
la
retravaillaient installation
façon la
d’un
«
dont forme
les
projets
scolaire
curriculum
»
:
alternatif,
ouverture de l’espace-temps scolaire, formes pédagogiques nouvelles, transformation de l’ambiance
etc.
Les
résidences
In
Situ
accentuent les traits de cette transformation, pour l’installer plus significativement dans l’espace scolaire. 87 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Interrogés sur les projets qu’ils mènent avec
Il est intéressant que les élèves associent ici
les artistes, les élèves évoquent longuement
le temps passé par l’artiste dans le collège
et en détail les types d’activités qu’ils ont
(elle « venait » tous les jours ») avec le sens
réalisées dans les résidences. L’installation
donné au projet : leur faire ce plaisir et se
sur l’année du travail avec l’artiste lui
faire
confère un statut d’activité légitime au sein
directement lié à sa manière de présenter
de l’espace scolaire, mais spécifiques dans
son travail de création, le projet a un sens
ses
pour ces jeunes filles parce qu’il s’inscrit
modalités
de
travail
et
dans
les
exigences qui lui sont associées.
« Enquêtrice : Mais vous savez pourquoi elle est là A. [artiste en résidence] ?
plaisir.
Si
l’idée
de
plaisir
est
dans le temps, et dans un temps dont elle présume que l’artiste fait un usage libre (« elle n’est pas obligée d’être là »).
Elève 1 : Non. Enquêtrice : Ça vous étonne ?
Un peu plus tard, à propos des formes de
Elève 1 : Depuis le temps qu’elle est là, ça nous étonne plus. Au début on pensait que c’était pour une journée, on se disait elle veut quoi, pourquoi elle est là.
travail
Elève 2 : On croyait que ça allait nous rajouter des heures. Elève 3 : On croyait que c’était pour une journée. Enquêtrice : Vous ne vouliez pas le faire ? Elève 2 : Non, c’est qu’on ne savait pas au début. Elève 1 : Moi je croyais que c’était pour une seule journée. En fin de compte, je vois elle venait tous les jours. Au début de l’année, on se disait, elle veut quoi, elle sert à quoi, elle va nous faire quoi, mais finalement, on se rend compte. Enquêtrice : Et elle est là pour quoi à votre avis ? Elève 1 : Ben pour nous faire plaisir. Elève 2 : Et pour se faire plaisir à elle. Enquêtrice : Comment ? Elève 2 : Ben, avec…En faisant partager ce qu’elle aime. (...) C’est pas pareil, elle est pas obligée d’être là ».
engagé
par
l’artiste,
les
élèves
opposaient là encore le travail avec les enseignants à celui mené par l’artiste :
Elève 1 : Les profs ne servent à rien. Ils font que crier, nous exclure, crier, ils nous apprennent rien. A… elle nous a jamais collé, elle nous a exclu qu’une fois. Elève 2 : Non, on peut sortir notre téléphone elle dit rien. Enquêtrice : Et ça vous trouvez ça bien ? Elève 1 : Bah oui. Enquêtrice : Ah, les règles sont pas claires avec A…. ? Elève 1 : Voilà c’est ça qui est bien – tant que tu travailles, tant que tu ne fais pas n’importe quoi, c’est ça qui est bien. Tant que tu travailles et que tu rigoles c’est bon. (...) Elève 2 : Pour nous c’est pas une prof, c’est quelqu’un qui est venu comme ça ».
88 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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Non sans contradiction mais avec beaucoup
relation dans la durée avec l’artiste et la
de fermeté, ces élèves désignent un équilibre
pratique artistique, permet plus fortement et
fragile entre indiscipline et concentration,
plus durablement que dans les parcours
équilibre permis par l’ignorance des règles
CAC,
scolaires de l’artiste et supporté par son
cependant (il n’y a « que dans le projet avec A
engagement
qu’elle travaille »), à l’institution scolaire des
personnel
qui
semble
être
propice au travail et à l’intérêt de ces élèves
de
raccrocher,
de
façon
limitée
élèves à la limite du décrochage.
pour leur travail. « Tant que tu travailles et que tu
rigoles c’est bon » : c’est clairement l’idée d’un travail appliqué, mais accompli dans le plaisir, qui engage ces élèves dans le projet et le distingue de l’ordinaire des cours (« qui ne
servent à rien »).
Vers des « artistes-enseignants» ? L’enquête comparative montre que ces contradictions sont également accentuées lorsqu’il s’agit de comprendre le rôle et la place de l’artiste dans les établissements
de
dans lesquels ils sont en résidence. Les
raccrochages scolaires ponctuels, de l’aveu
artistes sont face aux élèves sans être
même de cette élève :
considéré, et sans se penser eux-mêmes
Cet
équilibre
autorise
des
formes
« Elève 1 : C’est gentil de sa part de vouloir faire le projet. Elle était à fond dans le projet. Je voyais qu’elle voulait vraiment finir. Nous aussi on voulait vraiment finir, on était à fond…quand il fallait accrocher les élastiques, c’était que moi et A…. (...) Elève 1 : J’ai vu qu’on pouvait travailler tranquillement en s’amusant et tout, là, du coup j’ai travaillé. Mais qu’avec elle. Y’a que le projet avec A…. où je travaille. Les autres cours, je fais n’importe quoi sauf avec A ».
comme enseignants. Ils travaillent à la réalisation d’un projet artistique, mais au sein d’un collège, avec une classe qui les contraint à faire preuve de pédagogie, d’autorité et d’une connaissance relative du fonctionnement de l’institution. Lorsqu’on les compare aux artistes qui interviennent dans les projets Culture et Art au Collège, il
Absente du collège pendant plus d’un mois,
semble que les artistes en résidence soient à
souvent exclue pour indiscipline, cette élève
la fois plus proches des enseignants, et plus
avait décroché, d’après ses propres mots des
libres de se réaliser comme artiste au sein
autres cours. Là encore, l’installation d’une
des établissements scolaires. 89 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Dans une résidence, les artistes s’installent
de changer de projet en cours d’année, d’en
pour une année, avec les moyens qui sont
débuter plusieurs à la fois en fonction du
ceux des enseignants : en plus d’avoir un
déroulement de la résidence. La présence
rendez-vous régulier avec une classe, une
dans le collège infléchit leur travail en même
demi-journée par semaine, tout au long de
temps qu’elle offre un espace pour s’y
l’année,
salle
déployer pleinement : la résidence pousse
uniquement consacré à leur travail, ils
les artistes à habiter le collège par leur
fréquentent la salle des profs, ils ont leurs
pratique de création.
ils
disposent
d’une
habitudes à la cantines, connaissent les CPE, les surveillants, les autres enseignants du collège et sont plus au fait des règles de
Pour les élèves, les artistes en résidence sont également perçus « comme des profs, qui ne
seraient pas tout à fait des profs ». « C’est comme un
l’établissement scolaire. L’un des artistes en
prof, mais qui viendrait de l’extérieur et qui n’est pas
résidence participait même au conseil de
obligé d’être là » disait un élève. Les élèves sont
classe et donnait son avis sur l’engagement
sensibles aux rapports qu’instaurent les
des élèves dans le projet. Bref, dans les
artistes, différents de ceux qu’ils entretiennent
résidences, les artistes s’installent dans les
avec leurs enseignants : les artistes sont en
établissements au côté des enseignants, en
général plus bienveillants, moins au fait des
endossant une partie de leurs pratiques et
codes disciplinaires, plus attentifs.
habitudes au collège. La résidence est également l’occasion de déployer et d’explorer sur la longueur les possibilités de création au sein du collège. Ils ont
accès
à
davantage
d’espace
pour
exposer leurs œuvres et commenter leur façon de travailler : dans leurs salles, mais
« Elève 1 : Les autres profs quand on fait n’importe quoi ils nous ignorent, vous voyez. Alors on s’arrête. Alors que A. (artiste en résidence) elle nous calcule toujours un truc, elle va nous dire arrêter, elle va nous parler pendant 10 minutes, et nous ça va nous donner encore plus envie de rire. Enquêtrice : Donc il vaut mieux qu’elle ne le fasse pas ? Elève 2 : Ben oui. Mais elle ne le sait pas. Faut ne pas lui dire. »
également comme on l’a vu parfois dans les couloirs, le CDI, la cour etc. La durée leur laisse le temps de chercher avec les élèves, 90 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Comparé au parcours Culture et Art au
Certains
Collège, les artistes en résidence s’intègrent
l’acquisition d’une forme de sensibilité
davantage à la vie de l’établissement, au côté
durant les résidences, de façon peut être
des autres enseignants. En résidence, les
plus évidente, plus détaillée que lors des
artistes sont à la fois plus profs et plus
entretiens menés avec les artistes des
artistes. Bien qu’elle soit sujette à polémique
parcours Culture et Art au Collège.
en
France,
l’expression
«
Artistes-
enseignants » (« teaching artist »), employée sans complexe aux Etats-Unis pour désigner le travail mené par les artistes dans les établissements scolaires, qualifierait très
des
artistes
témoignaient
de
« Enquêtrice : Sur leur perception de la musique classique, vous avez eu des témoignages ? M… : Ils ne sont pas très bavards. (...) Enfin ce n’est pas tellement dans les mots que je vois les choses, mais dans les actes, leur façon de se tenir au concert, ou les questions qu’ils posaient quand il y avait des intervenants, la pertinence...
bien la position paradoxale des artistes
Enquêtrice : vous sentiez qu’il y avait une écoute ?
en résidence.
M… : je sens qu’il y avait une sensibilité ». Entretien avec M…musicien, accueilli en résidence 2012-2013
Une familiarisation plus grande avec la pratique artistique
artistes engagés dans les projets avait une
méconnaissaient
pour parfois
l’artiste avec lequel
les
élèves,
qui
la
pratique
de
ils travaillaient. La
connaissance des œuvres des artistes est bien plus sensible dans les résidences In Situ.
d’élèves
attestent
avec la pratique des artistes en résidence.
Dans les parcours CAC, la pratique des
variable
témoignages
également d’un processus de familiarisation
Une plus grande familiarité avec le métier d’artiste
visibilité
Les
« Enquêtrice : C’est quoi son métier à A…? Elève 1 : Plasticienne Elève 2 : Elle fait ce qu’elle aime. Elle fait des tournées. Elle accroche des œuvres. (...) Elève 1 : Pour nous c’est artiste c’est quelqu’un qui sait ce qu’il veut, c’est quelqu’un qui sait ce qu’il va faire…pas comme nous. (...) Mais artiste tu montres ce que tu fais, tu fais découvrir aux gens ce que tu fais. Enquêtrice : Pourquoi vous dites qu’elle aime bien son métier A… ? Elève 1 : Ben je ne sais pas, elle est souriante. En plus c’est quelque chose qu’elle a fait. Elève 2 : Elle aime bien les couleurs. Elle aime bien les lignes ». 91 | P a g e
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Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Etre
artiste
pour
ces
élèves,
ou
plus
rapports
au
monde,
des
valeurs,
des
exactement plasticienne, c’est « choisir et
représentations de sa place dans la société
aimer ce qu’on fait » et « le montrer ». Leurs
davantage que de transmettre un goût pour
formulations
les
maladresses familiarité
dénotent,
en
d’expression,
avec
la
façon
dépit
des
objets
culturels
ou
artistiques.
La
une
certaine
rencontre avec l’art, les œuvres, et la
qu’à
l’artiste
pratique artistique est alors dotée dans cette
d’habiter sa pratique.
perspective d’une fonction émancipatrice
Enquêtrice : Qu’est-ce qu’elle vous a appris A… ?
(« ouvrir le champ des possibles ») qui prime
Elève 1 : Son métier c’est trop bien.
sur les dimensions esthétiques des objets
Enquêtrice : C’est quoi son métier ?
mobilisés. Il semble que cette ambition
Elève 1 : Artiste. C’est trop bien. Enquêtrice : C’est ça qu’elle vous a appris ? Elève 1 : Oui, c’est trop bien. Et puis elle nous a appris à accrocher des élastiques, à mettre des couleurs ».
éthique soit moins prévalente dans les résidences artistiques ou plutôt qu’elle soit reconfigurée, retissée autour de la pratique ;
La transmission est double pour ces élèves :
l’installation de la pratique dans la durée, qui
la découverte d’une pratique plasticienne
la banalise et permet de la découvrir en
(mettre des couleurs) est associée à la
profondeur, relègue à l’arrière-plan les
compréhension d’un rapport au travail vécu
espoirs de transformation radicale associés
comme un plaisir (« trop bien »).
au caractère exceptionnel de la rencontre avec les œuvres d’art. Moins extraordinaire,
Un rééquilibrage des ambitions éthiques et esthétiques
l’expérience de la résidence amène ses
L’enjeu des projets d’éducation artistique et
spécificités d’une pratique avant d’en faire
culturelle, réside souvent principalement
ressortir les valeurs éducatives. Dans les
pour les acteurs culturels qui les portent
résidences, il est autant question d’amener
dans leur dimension éthique et dans leur
les élèves à réaliser une œuvre, et à partager
ambition de transformation de la personne ;
la démarche de création de l’artiste que
il s’agit souvent de façon plus ou moins
de
explicite dans ces projets de transmettre des
d’éveiller les valeurs de citoyenneté.
différents acteurs à se recentrer sur les
transformer
les
représentations
ou
92 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
D’ailleurs,
les
artistes
accueillis
en
résidences se révèlent prudents, et pour certains extrêmement sceptiques, lorsqu’il s’agit d’évoquer les effets de leurs actions dans le collège.
« L’idée c’est qu’ils aient des moyens d’être aussi ouverts que la vie est ouverte. En théorie tout leur est accessible, mais dans la pratique, il faudrait pouvoir les aider plus à être autre chose que ce à qu’ils s’imaginent être prédestinés. À l’évidence, il y a beaucoup d’autres urgences que celle de s’instruire sur l’art... Même pour être artiste et vivre de ça, il ne faut pas juste savoir dessiner, il faut aussi savoir faire un book, savoir se comporter en «société», il y a un côté de réseau, il faut savoir saisir une opportunité, être fiable, lire un contrat, pouvoir négocier... (...) Pour retirer le bon, le vrai efficace de la résidence, l’art c’est le prétexte, mais tout le concret qui se passe, c’est cette dimension autre, ouverture, qui apporte la confrontation de deux univers différents. C’est pour ça que les échanges en-dehors du collège sont si importants. Et pas forcément pour voir de l’art ». Entretien avec A…, plasticienne, accueillie en résidence 2012-2013
l’idée d’assumer certains besoins de compétences, certains manques de compétences, et ça y a toujours pourquoi pas les compétences de quelqu’un d’autre. Dire que oui, c’est possible, quel que soit le truc. Et d’ailleurs, ils n’y croyaient pas trop quand ils faisaient les boîtes. Pour eux, c’était abstrait jusqu’à ce qu’ils se retrouvent les mains dans la peinture. L’aventure, c’est tout le chemin... Enquêtrice : Tu penses à tous leur avoir transmis cette idée ? A… : Oui, je pense. Enfin peut-être pas l’idée précisément, mais bon. Enquêtrice : A quoi tu vois ça ? A… : Leur enthousiasme, le fait que quand on s’est mis à réaliser les choses, ils savaient quoi faire ».
Dans
les
résidences,
les
éducatrices générales des
ambitions
artistes sont
portées par une pratique régulière avec les élèves ; ces ambitions se nouent autour d’une prise en compte plus précises des difficultés des élèves et de la possibilité pour la pratique artistique de revêtir une fonction
plasticienne
éducative générale. Par rapport aux projets
comparait la résidence à un « pansement
de taille plus modeste comme les CAC,
inadapté à une plaie trop grande ». Et
plutôt qu’à une rencontre exceptionnelle,
pourtant c’est bien par la pratique qu’elle
parfois encore décrite comme un choc, c’est
avait eu le sentiment de transmettre à ces
à la découverte d’une pratique et de ses
élèves la possibilité d’entreprendre.
difficultés, dans la durée, que les artistes en
Un
peu
plus
tard,
cette
« A… : Ce qui me plairait de leur avoir transmis, c’est la possibilité de l’entreprenariat, au sens d’entreprendre un projet en autonomie, avec
résidence prêtent des vertus éducatives.
93 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : L e s ré side nc e s en re cherc he
Conclusion : la fin de la rhétorique de l’exception ?
général, reconnu comme tel par les élèves, que
Les projets d’éducation artistique et culturelle
des élastiques, faire un film de science-fiction
sont souvent examinés à l’aune de leur
ou un clip vidéo, réaliser un concert), d’une
caractère exceptionnel. La rencontre entre les
œuvre (en cours de création) ou de la
univers culturels et scolaires est généralement
singularité d’une relation avec un artiste en
pensée comme rare et précieuse, vectrice de
particulier.
changements d’autant plus radicaux qu’elle
lorsqu’on les compare à des projets de taille
est
plus
extraordinaire.
Les
études
de la spécificité d’une pratique (travailler avec
sur
les
Si
modeste,
les
résidences
tendent
à
d’artistes,
exacerber
les
résidences artistiques permettent de sortir de
tensions propres aux projets d’éducation
cette pensée magique qui prête à l’éducation
artistique, et à en accentuer les effets sur
artistique et culturelle de façon générale (et
l’école et sur la culture, elles permettent
donc plus ou moins indifféremment à tous les
également de saisir les effets différenciés de
projets
vertus
chacune des pratiques engagées, de chacun
miraculeuses de pallier les manques de
des modes d’engagement ou de collaboration
l’institution
réalisations
mobilisées dans des contextes spécifiques.
inachevées du projet de démocratisation de la
C’est sans doute dans ce travail comparatif,
culture. La résidence d’artiste, en installant
sensible aux situations particulières, attentif à
durablement la présence des artistes dans les
la diversité des moyens et des méthodes
collèges d’une part, et le travail mené avec les
engagés dans les dispositifs, que réside pour
élèves dans l’emploi du temps scolaire d’autre
les chercheurs en sciences sociales une piste
part,
espace
féconde d’interrogations et de réflexions, qui
d’expérimentation pour les acteurs culturels et
soient à même de désenchanter les propos
éducatifs
la
militants tenus sur l’éducation artistique et
mobilisation des pratiques artistiques dans
culturelle sans tomber dans une dénonciation
l’espace scolaire. Les premières enquêtes
unilatéralement critique, aveugle aux effets
menées sur les résidences le montrent : il y est
avérés mais toujours singuliers, de ces projets.
qui
s’en
réclament)
scolaire
offre
des
un
et
les
les
véritable
ressorts
propres
à
moins question de l’ethos de l’artiste en 94 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
Arts et artistes à l’épreuve de la résidence Le travail artistique en mutations - Dynamiques et tensions MARIE BUSCATTO , professeure d’université en Sociologie, Université Paris 1 – Sorbonne Note de lecture : ce texte est intimement lié à des extraits vidéo du colloque. Pour une meilleure compréhension, visionnez les vidéos au fur et à mesure de votre lecture.
Depuis le début des années 1960, les arts ont
Comment rendre compte de ce paradoxe ?
pris une place croissante dans les sociétés
Que nous dit-elle sur le travail artistique et,
occidentales, sous l’influence croisée d’une
plus largement, sur la vie d’artiste à l’aube
impulsion politique visant la démocratisation
du XXIe siècle ?
culturelle, de l’avènement des industries culturelles de masse et de l’intérêt croissant de la population pour les biens et les pratiques artistiques. Parallèlement à cette montée
des
pratiques
culturelles
et
artistiques, amatrices et professionnelles, de la petite enfance au grand âge, a crû de manière forte le nombre de femmes et d’hommes qui aspirent à devenir artistes, voire à vivre de leur pratique artistique de manière professionnelle. Et cette croissance n’a pas été empêchée par les faibles chances de succès et la multiplication des difficultés
Il s’agit ici de dépeindre et de comprendre les dimensions objectives et subjectives du travail artistique justifiant un fort engagement de soi dans une activité pourtant si risquée, si incertaine, si difficile à vivre et si peu rémunératrice pour une grande majorité des artistes. Ce texte se fonde sur des travaux de recherche portant aussi bien sur les arts reconnus de longue date, comme la littérature, la musique classique, les arts plastiques, le théâtre ou la danse classique, que sur les arts plus récemment définis comme tels, à l’image
d’emploi et de travail.
95 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
du cirque, de la bande dessinée, de la musique
disparaissent dès les deux premières années
rap ou de la danse contemporaine1.
d’exercice (Coulangeon, 2004).
Des artistes toujours plus nombreux et soumis à de grandes difficultés d’emploi et de travail
Ou encore, l’essentiel des écrivain-e-s qui
Sous
sociales,
–
crû
les
sociale, traduction, etc. (Lahire, 2006).
professionnels
et
Les artistes identifiés varient ainsi grandement
amateurs, dans les arts dits majeurs – théâtre,
selon les critères choisis : rémunérations liées à
danse, musique classique, arts plastiques ou
l’activité artistique, auto-déclaration, exposition
littérature –, mais également dans les arts dits
d’œuvres ou pratique artistique effective, temps
mineurs, en voie de légitimation – cirque
consacré à l’activité, appartenance à une
contemporain, musiques « populaires » ou
association
bande dessinée. Ces artistes sont nombreux et
« sentiment » d’être un-e artiste.
l’effet
culturelles
de
et
populations
ces
mutations
économiques
d’artistes,
ont
ont publié au moins une fois chez un éditeur exerce
souvent difficiles à dénombrer du fait du grand flou que caractérise le mot artiste. Prenons au hasard deux exemples français des problèmes que pose le dénombrement des artistes.
un
autre
enseignement,
ou
à
métier
pour
journalisme,
un
syndicat
vivre
animation
d’artistes,
Or, ce que révèle plus largement cette difficulté à compter les artistes est de fait la grande difficulté de leurs conditions de travail et
d’emploi
:
forte
précarité,
faibles
Si on trouve plus de 25 000 musicien-ne-s
rémunérations au regard des qualifications
interprètes
qu’à
engagées, cumul d’activités, risques sérieux
l’échéance de 10 ans, une fois le premier
d’échecs, souffrances physiques ou tensions
engagement
subjectives nombreuses…
déclaré-e-s,
il
professionnel
s’avère
déclaré,
la
probabilité de toujours exercer la musique de manière professionnelle est de 45 % alors même que 20 % de ces musicien-ne-s
Et plus largement encore, apparaît ainsi la faible part de ceux et de celles qui vivent, au moins de manière principale, de leur art. L’essentiel des musiciens de rap, des poètes
1
Les points traités ici ont été développés et approfondis dans deux textes publiés par nos soins (Buscatto, 2014, 2012).
96 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
ou des écrivain-e-s ne vit pas de son art et la plupart des danseur/se-s, circassien-ne-s, musicien-ne-s
de
jazz,
cinéastes
ou
comédien-ne-s en vit de manière secondaire, ou du moins en exerçant son art de manière différente de celle qui les « définit », de leur point de vue, comme artiste (professorat, animation,
doublage,
musiques
«
com-
merciales », accompagnement, traduction…). Comprendre le travail artistique dans nos sociétés contemporaines suppose donc de rendre
compte
d’un
tel
investissement
subjectif des artistes dans leur art.
Extrait vidéo Vocation : 01min50 Pour conclure, les artistes et les différents membres des mondes de l’art définissent prioritairement leur activité comme une nécessité qui s’impose à eux et à elles, expliquant en retour aussi bien l’acceptation des difficultés inhérentes à sa réalisation – difficultés
Justifier l’entrée dans le travail artistique : l’appel à la « vocation » Le travail artistique a longtemps relevé de manière principale du registre du métier et de l’habilité. Au-delà des variations entre arts
matérielles
et
psychologiques
rencontrées dans l’exercice de l’activité d’artiste – que la continuation de l’activité dans le temps pour une partie d’entre eux et elles, malgré les difficultés répétées auxquels ils et elles sont parfois confronté-e-s.
au fil du temps s’est cependant construit
Et ce constat se répète, que l’enquête porte
un passage progressif, lent et controversé,
sur le cirque contemporain (Cordier, 2009)
du « régime du métier » au « régime
les écrivain-e-s (Heinich, 2008 ; Lahire,
professionnel » et, enfin, au « régime de
2006 ; Naudier, 2007 ; Sapiro, 2007), les
vocation » (Moulin, 1992 ; Heinich, 1996)
musicien-ne-s classiques (François, 2009),
aujourd’hui observé dans les différents arts.
de jazz (Buscatto, 2004) ou de rap et électro (Jouvenet,
2006),
les
danseurs
et
les
danseuses de l’Opéra de Paris (Laillier, 2011), 97 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
de hip-hop (Faure, 2004) ou contemporain-
Ainsi, les musiciens de rap ou électroniques ou
e-s (Sorignet, 2004), les plasticien-ne-s
les musicien-ne-s de jazz décrivent aussi bien
(Oughabi, 2014) ou encore les acteurs et les
leur attachement émotionnel à la création de
actrices
français-e-s
leur musique que le prix qu’ils et elles sont
(Bensa, 2006 ; Menger, 1997 ; Paradeise,
prêt-e-s à payer pour aller jusqu’au bout de
1998) ou grec-que-s (Karakioulafis, 2014)…
leur démarche créative. Les « petits boulots »,
professionnel-le-s
le long apprentissage social et musical fait d’imitation des autres et d’acceptation de
Une « passion » dévorante pour l’activité artistique
« galères » et de « plans » incontournables, les échecs et les difficultés musicales, financières
La vocation s’accompagne aussi le plus
ou humaines sont, pour ces individus, autant
souvent de discours affichant une passion
de prix à payer pour réaliser leur passion de
pour
manière « authentique ».
l’activité
artistique.
L’attachement
démesuré à l’activité, l’incapacité à échapper aux idées créatives, le besoin intense de s’exprimer par la création ou encore l’intensité des émotions sont autant de traits qui caractérisent chez ces artistes un rapport passionné au travail artistique. Cette passion ne se réalise pas au hasard. Elle concerne de
Extrait vidéo Trajectoires : 01min53
manière principale l’activité censée permettre à l’individu d’exprimer son « être », ses
d’« authenticité », et ce, même si elle est de
Une passion justifiant de continuer « quand même »
fait secondaire dans l’activité quotidienne
La passion pour la création artistique devient
pour la plupart des artistes qui, de fait, ne
ainsi un élément clé de l’engagement de ces
réussissent guère à vivre de leur passion.
artistes qui font le « choix » de continuer sur
pensées « profondes » et de faire ainsi preuve
cette piste alors même que capacité à en vivre 98 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
et reconnaissance artistique ne sont que
la création musicale avec leurs « potes » sur
rarement au rendez-vous. La passion pour
disque ou en concert.
l’activité artistique choisie – écrire ses poèmes, jouer sa musique, créer ses installations ou monter son spectacle - soutient alors l’effort parfois démesuré que suppose le maintien dans une activité qui donne souvent lieu à une reconnaissance sociale et personnelle limitée et surtout bien inférieure aux justifications vocationnelles
données
pour
expliquer
l’entrée dans l’activité artistique. Cette passion se maintient parfois sous le
Enfin, même s’ils ou elles effectuent l’essentiel de leur activité professionnelle sur un mode soit alimentaire, soit professionnel, dans l’art ou à l’extérieur du domaine artistique (Bureau, Perrenoud, Shapiro, 2009), dont l’école est un exemple
évident
(Filiod,
2008), l’activité
artistique investie de manière personnelle est redéfinie comme celle qui exprime leur personnalité,
leurs
qualités
créatives
et
personnelles, leurs aspirations intimes.
signe de la vocation, le temps devant donner l’occasion ou la possibilité à l’artiste d’être enfin reconnu-e comme un-e artiste à part entière par ses pairs, voire même par la critique ou les producteurs. Mais la passion peut se dissocier de la vocation pour devenir le ressort principal du temps et de l’énergie consacrés à monter des projets souvent onéreux et peu rémunérateurs à l’image de ces écrivain-e-s qui consacrent leur temps libre, une fois leur activité professionnelle accomplie, à écrire des romans ou des
Une organisation collective de trajectoires passionnées Les manières dont les unes et les autres (re)construisent leur rapport à l’activité artistique, entre vocation et passion, ne se
font
pas
grandement
au des
hasard
et
dépendent
conditions
collectives
de production, de reconnaissance et de rémunération à l’œuvre dans les mondes de l’art fréquentés par ces artistes.
poèmes chers à leur cœur ou des musicien-
D’une part, certain-e-s artistes se voient
ne-s de rap ou électro ou de jazz qui
défini-e-s
enchaînent les « petits boulots » alimentaires
formation dans l’élite comme une « main-
afin de libérer du temps et de l’énergie pour
d’œuvre » compétente et bien formée sur le
par
leur
seul
parcours
de
99 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
marché du travail qui peut l’accueillir. C’est
Le possible accès à l’intermittence du
le cas probant des musicien-e-s d’orchestre
spectacle disponible pour ces musicien-ne-
(Lehmann, 2002), des danseurs et des
s renforce encore leurs chances de vivre de
danseuses de l’Opéra de Paris (Laillier, 2011)
la musique même si elle n’est pas celle qu’ils
ou des violonistes-virtuoses (Wagner, 2004).
et elles aspirent à créer et à jouer de manière
En
principale.
effet,
ayant
passé
les
nombreuses
Une
même
situation
est
épreuves de formation et de sélection mises
rencontrée pour les danseurs et danseuses
sur le chemin d’une carrière d’élite, mêmes
(Rannou, Roharik, 2006) ou les comédien-
les artistes qui ne peuvent réaliser leur
ne-s et acteurs/trices professionnel-le-s
vocation à plein se voient doté-e-s d’une
dans les travaux déjà cités. En revanche,
valeur
permet
rares sont les écrivain-e-s ou les poètes
des reconversions au sein même de l’art
(Dubois, 2011) qui peuvent imaginer vivre de
qu’ils et elles affectionnent.
leur art. Les enquêtes révèlent ainsi de
professionnelle
qui
leur
D’autre part, dans la plupart des autres mondes
de
l’art,
les
possibilités
de
(re)construction de la passion se révèlent bien plus nombreuses, mais aussi plus difficiles
d’accès
et
donc
largement
nombreux/ses
enseignant-e-s
(très
majoritaires chez les poètes selon Dubois) ou
des
journalistes,
mais
aussi
des
assistant-e-s sociales, des mères au foyer ou des allocataires sociaux.
dépendantes des opportunités présentes sur
Ne pas vivre de son art étant la règle,
les marchés du travail. Par exemple, les
l’investissement
musicien-ne-s de jazz peuvent envisager de
vocationnel va plutôt dépendre des signes de
vivre de la musique sur un marché du travail,
reconnaissance reçus par les pairs, les
certes très concurrentiel et saturé, mais
critiques ou les éditeurs dans des cercles
ouvert du fait des nombreuses possibilités
parfois très fermés – la poésie expérimentale
offertes à un-e musicien-ne de jazz bien
ou la composition contemporaine – et des
formé-e – événements commerciaux, soirées
manières dont chacun et chacune justifie à
privées,
lui-même ainsi qu’à autrui son propre
spectacles,
enseignement
ou
accompagnement musical (Buscatto, 2004).
subjectif
sur
un
mode
rapport à l’activité artistique. 100 | P a g e
Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
Seule une vocation, définie comme une « nécessité intérieure », justifierait chez ces artistes de s’engager dans de tels efforts.
Extrait vidéo Savoirs : 02min18
S’accompagnant d’une entière passion pour
Un travail très exigeant qui suppose un lourd engagement personnel
« son » art, cette vocation peut certes
Or, c’est bien par la seule vertu de la passion
s’épuiser au fil du temps, notamment lorsque
et/ou de la vocation qui guident les individus
l’aspiration artistique peine à se réaliser. Mais
concerné-e-s
le maintien dans la production artistique
que
ces
efforts
sont
effectivement acceptés. Si la passion guide
«
quand
bien l’implication dans le travail artistique, elle
engagement de soi, souvent passionné, qui
ne doit pas masquer les apprentissages, les
explique largement que certains individus
contraintes, les efforts et les difficultés que
continuent à se définir comme artistes alors
traverse la plupart des artistes étudié-e-s.
même
que
même
»
l’activité
suppose
bien
professionnelle
un
ne
permet guère de s’accomplir comme artistes et que la reconnaissance artistique est faible. Ces engagements passionnés sont enfin le
Conclusion
fruit de mécanismes collectifs qui tiennent efforts,
aussi bien à la définition historique du travail
individuels et collectifs, disciplinés et parfois
artistique contemporain sous le registre de la
douloureux,
:
vocation qu’aux modalités d’emploi et de
les conditions de travail et d’emploi sont
reconnaissance à l’œuvre dans les mondes de
souvent difficiles et les chances de voir
l’art ou aux contextes familiaux, scolaires,
leurs aspirations artistiques reconnu-e-s
sexués ou sociaux dans lesquels évoluent les
sont faibles.
individus artistes.
Les
artistes
font
pour
de
multiples
exercer
leur
art
101 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
Références bibliographiques Bense Ferreira Alves Celia Précarité en échange. Enquête sur l’implication au travail, Paris, Éditions Aux lieux d'être, 2006. Bureau Marie-Christine, Perrenoud Marc, Shapiro Roberta (dir.) L'artiste pluriel : démultiplier l'activité pour
vivre de son art, Lille, P.U. du Septentrion, 2009. Buscatto M. « Aux fondements du travail artistique. Vocation, passion ou travail ordinaire ? ». In Leroux Nathalie, Loriol Marc (dir.) Le travail passionné, Paris, Eres, 2014, à paraître. Buscatto Marie « Travail artistique ». In Bevort Antoine, Jobert Annette, Lallement Michel et Arnaud Mias (dir.) Dictionnaire du travail, Paris, PUF, 2012, p. 798-803. Buscatto, Marie « De la vocation artistique au travail musical : tensions, compromis et ambivalences chez les musiciens de jazz », Sociologie de l’art, OPuS 5, 2004, p. 35–56. Cordier Marine Le cirque sur la piste de l’art. La création entre politiques et marchés, Thèse de sociologie, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, décembre 2009. Coulangeon Philippe Les Musiciens interprètes en France. Portrait d'une profession, Paris, La Documentation française, 2004. Dubois Sébastien Le métier des poètes, document de travail, www.poesiecontemporaine.fr/jce/documentset-travaux, Consulté le 10 mai 2012. Faure Sylvia « Institutionnalisation de la danse hip-hop et récits biographiques des artistes chorégraphes »,
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102 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e Jouvenet Morgan Rap, techno, électro... Le musicien entre travail artistique et critique sociale, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006. Karakioulafis Christina « Être acteur professionnel en Grèce : un travail de passion ou un emploi comme les autres ? ». In Leroux Nathalie, Loriol Marc (dir.) Le travail passionné, Paris, Eres, 2014, à paraître. Lahire Bernard La Condition littéraire. La double vie des écrivains, Paris, La Découverte, 2006. Laillier Joël « La dynamique de la vocation : les évolutions de la rationalisation de l’engagement au travail des danseurs de ballet », Sociologie du travail 53, 2011, p. 493–514. Lehmann Bernard L’orchestre dans tous ses éclats. Ethnographie des formations symphoniques, Paris, La Découverte, 2002. Menger Pierre-Michel La profession de comédien. Formation activités et carrières dans la démultiplication
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103 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
Table ronde L’art et l’artiste au risque de la résidence
Animateur
CHRISTIAN LALLIER , anthropologue-cinéaste, IFE – ENS Lyon
Invités
ABDELKADER DAMANI , directeur de Veduta, Biennale d’Art Contemporain de Lyon CATHERINE HURTIG-DELATTRE,
enseignante,
résidences
d’artistes
Enfance,
Art et Langages
CAMILLE LLOBET , artiste plasticienne, résidences d’artistes Enfance, Art et Langages MARC MERCIER , directeur du Festival Instants Vidéos et artiste vidéo - Marseille
Que vient donc faire un artiste dans une
intervenant extérieur. Mais, que se passe-t-il
école ? Témoigner de son art, faire découvrir
quand l’artiste s’installe dans l’école, au
son activité, initier à sa pratique artistique ?
quotidien… qu’il s’engage aux côtés des
Parfois, bien davantage… Les ateliers de
enseignants dans une pratique pédagogique
l’artiste engagent les enfants dans des jeux
au long cours, pendant un an voire plusieurs
d’expression qui les obligent à travailler
années… ?
leurs cadres de socialisation : la mise en représentation de soi supposant de se sentir en confiance avec autrui…
Une résidence d’artiste désigne un lieu de création pour les artistes, au sein d’une institution publique ou privée, pour une
L’artiste vient transmettre sans le devoir
durée déterminée. Quant est-il de l’artiste en
d’enseigner. En cela, il se distingue de
résidence dans un milieu éducatif et dans un
l’enseignant et n’appartient pas à l’institution
établissement scolaire en particulier ?
scolaire. Il apparaît alors souvent comme un 104 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
Cette fois, la résidence ne vise pas tant à
En posant d’emblée la question de la mise en
favoriser le processus de création de l’artiste
risque de l’art et de l’artiste en résidence, il
lui-même qu’à lui demander de produire une
s’agit de s’interroger sur l’enjeu d’une telle
expérience esthétique, de réaliser un projet
pratique éducative. En effet, s’il n’y a pas de
artistique, pour les élèves.
risque pour l’artiste alors c’est qu’il n’y a pas
Dès lors, comment l'artiste parvient-il à concilier ou à maintenir sa propre créativité
d’enjeu à l’intégrer dans une école. En quoi le milieu scolaire met-il l’artiste à l’épreuve ?
dès lors qu'il s'engage à développer la
On se demandera donc ce que le milieu
créativité d'autrui ? Que produit l’artiste en
scolaire fait à l'art et à l'artiste, en mettant à
résidence dans un milieu éducatif : s’agit d’une
l'épreuve les conditions de sa créativité.
œuvre ou d’une simple expérience ? Mais, si il ne s’agit pas d’une œuvre alors est-il encore un artiste ? Et si il n’est plus un artiste à part entière, en tant qu’il ne produit pas d’œuvre, alors qu’elle est son statut ? Un intervenant extérieur… mais précisément, la notion de « résidence » semble vouloir rompre avec celle d’un intervenant qui désigne le caractère
Cette attention portée sur la prise de risque de l’artiste vise donc à interroger l’interaction qui se construit entre l’artiste et l’enseignant et à travers laquelle se joue une relation sans doute
plus
complexe
entre
l’institution
artistique et l’institution éducative.
ponctuel de la relation.
La Table Ronde en vidéo Lien YouTube [01:14:19]
105 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
Alain Kerlan, dialogue et interview avec Christian Ruby
ALAIN KERLAN , philosophe professeur des universités en Sciences de l'Education à l'Université
Lumière
Lyon
2,
Laboratoire
Education
Cultures
et
Politiques.
Invite
CHRISTIAN RUBY ,
philosophe, directeur de la revue Raison Présente, auteur de
nombreux ouvrages consacrés à l’art contemporain.
Les résidences d’artistes ne sont qu’une modalité institutionnelle de l’éducation artistique et culturelle en milieux scolaire et éducatif. Néanmoins, la rencontre entre ces deux univers, l’art et l’éducation, soulève de nombreuses interrogations. Quels sont les points de tension et de convergence entre l’institution éducative et l’institution artistique ? Quel sens donner à l’entrée de l’artiste en milieu scolaire sur le plan esthétique? Quels sont les effets de cette rencontre sur les parties-prenantes ? Sans prétendre y répondre, les deux interlocuteurs tentent au cours d’un dialogue d’apporter des pistes de réflexion à ces interrogations.
Dialogue de philosophes Lien YouTube – 38min01
106 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
Table ronde Des formes esthétiques entre « œuvre » et « production »
Animateur
JEAN-PAUL FILIOD , maître des conférences en Sociologie, Université Lyon 1 - ESPE
Invités
JULIE LEFEBVRE , artiste danseuse chorégraphe Compagnie La Fabrique fastidieuse, résidences d’artistes en écoles maternelles Enfance, Art et Langages – Lyon
DENIS CERCLET ,
maître de conférences en anthropologie à l’Université Lyon 2,
membre du Centre de Recherches et d’Etudes Anthropologiques (CREA)
EMELINE EUDES ,
docteure en esthétique environnementale et coordinatrice du
programme Artistes intervenants en milieu scolaire à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris (de 2011 à 2013)
Au
cours
de
interrogerons
cette le
table
statut
ronde, des
nous
formes
esthétiques produites dans le cadre des résidences d’artistes, notamment la manière dont on nomme ces « formes ».
Ce terme, productions, suggère une valeur matérielle issue d’un faire, mais il sousentend aussi que ces formes, produites par des gens qui ne sont pas artistes, ne
Pour l’intitulé, nous avons mobilisé deux
méritent pas d’être qualifiées d’œuvres,
termes courants :
terme distinctif d’un monde de l’Art qui
–
l’un, œuvre, est plutôt associé à l’artiste ;
–
l’autre, production, est plutôt associé
continue d’avoir besoin de distinction.
aux élèves, enfants ou adolescents, mais peut-être aussi adultes, voire grands adultes. 107 | P a g e Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
En fait, derrière ce mot œuvre, qui semble
à Queneau ou Perec, mais dont le Frésident-
faire problème à pas mal de gens, il y a
Pondateur (dixit l’oulipo.net de 2014) est
sans
doute
l’ombre
du
chef-d’œuvre,
François
Le
Lionnais,
mathématicien
et
version supérieure de l’œuvre, symbole de
ingénieur chimiste, fondateur du Collège de
l’excellence, du sublime, de l’exceptionnel,
Pataphysique
bref, tout le contraire de l’ordinaire et de la
mondiale et résistant notoire pendant celle-
banalité supposés de la production.
ci. L’OULIPO, qui compta parmi ses membres
après
la
seconde
guerre
Marcel Duchamp, aura donc nombre de Cependant, en nous calant sur la racine du mot œuvre, des résonances affleurent avec d’autres mots : ouvrage, ouvrier, sans oublier l’ouvroir, qui désigne, dans une communauté religieuse, le lieu des travaux en commun. Ces mots peuvent alors donner un sentiment de rapprochement avec la
production. Et avec la mention de l’ouvroir, cette famille de mots nous fera bien sûr penser, puisque la création et la créativité sont concernées par ce colloque, à des mouvements culturels inscrits dans ce qu’on pourrait presque appeler une tradition, celle des OU-x-PO, « ouvroirs de quelque chose
descendants, à commencer par l’OULIPOPO pour la littérature policière, et avant l’arrivée de tant d’autres : OUPEINPO, OUTRAPO, OUBAPO, OUPHOPO, OUCIPO, OURAPO, OUMAPO, OUMUPO,
pour la peinture, la tragicomédie, la bande dessinée, la photographie, la cinématographie, la radiophonie, les marionnettes, la musique. Les arts sont donc bien présents, mais nous sommes plutôt à un carrefour, celui des arts, des sciences et de la littérature, comme le prouveront
ensuite
l’OUARCHPO,
l’OUJARPO
l’histoire,
l’OUHISPO, et
l’informatique,
l’OUINPO,
l’OUCUIPO
(pour
l’architecture,
le
jardinage, la cuisine).
potentielle », lieux d’élaboration de possibles à partir de contraintes formelles.
Que
d’ouvroirs
!
Que
d’œuvres
!
Que de productions ! À l’origine, il y a l’OULIPO, OUvroir de Littérature POtentielle, communément associé
108 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que : A rt s e t a rt ist e s à l’ ép reu ve d e la résid enc e
Et dans l’art, il y a d’autres mots : créations,
Ou sommes-nous dans un contexte d’art en
pièces, installations, performances, voire
contexte : art social, art public, résidence
formes tout simplement. Au-delà de ces
d’artiste en milieu scolaire et éducatif… ?
termes, la question du statut se pose en
Mais puisque l’art est en contexte, on
regard
pourrait penser que cela reste de l’art, sauf
des
contextes
où
ces
formes
prennent naissance et place. Sommes-nous
peut-être aux yeux du Monde de l’Art…
dans un contexte artistique ? Un monde de
l’art, pour se rappeler d’Howard S. Becker ?
La Table Ronde en vidéo Lien YouTube [01 :14 :19]
109 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que Gran d t émoin
Clôture Grand témoin MARIE-CHRISTINE BORDEAUX,
maître
des
conférences,
GRESEC,
Université
Stendhal – Grenoble 3
Je commencerai cette synthèse par quelques
difficile à appréhender du point de vue
remarques transversales sur les enjeux de
des outils qui structurent traditionnellement
l’éducation artistique, tels qu’ils se trouvent
l’éducation (classes, horaires, programmes),
réactualisés
ou
les
permet de combiner de l’exceptionnel et de
résidences
d’artistes
des
l’ordinaire et de s’inscrire dans des stratégies
établissements scolaires. Ensuite, je me
de long terme. Je conclurai sur le rôle
réfèrerai
croissant des collectivités, phénomène qui
à
l’«
reconfigurés au
archéologie
dans sein
»
de
ces
résidences : comme toute innovation -
concerne
contrairement à une vision répandue de
d’éducation artistique et culturelle, mais qui,
l’innovation comme pur surgissement de
dans le cas particulier des résidences, appelle
l’inédit -, les résidences d’artistes en milieu
quelques remarques du point de vue de
scolaire ont une histoire, qui montre que ce
l’ancrage des projets dans le temps et du
dispositif
point de vue de l’impératif de généralisation.
s’ancre
dans
une
conception
l’ensemble
de
la
politique
récurrente du rôle de l’art dans la société
des institutions et de la demande sociale.
Les enjeux de l’éducation artistique et culturelle dans les résidences en établissements scolaires
J’aborderai
dont
Le premier enjeu est celui du partenariat, qui
les résidences ont évolué, quels usages y sont
est dans les « gènes » de l’institutionnalisation
associés, et comment ce dispositif longtemps
de l’éducation artistique. Dès le congrès
considéré comme hors normes, coûteux,
d’Amiens Pour une école nouvelle en 1968,
aussi bien que dans l’histoire de l’école et de ses réformes, et qu’il s’adapte aux évolutions
ensuite
la
manière
110 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que Gran d t émoin
l’éducation artistique est étroitement mêlée à
inscription avérée dans le monde de l’art et
des
de la culture, capacité à intervenir dans un
enjeux
de
transversalité,
société
:
créativité,
modernité,
formation
de
projet pédagogique, formation attestée par
citoyens éclairés et impliqués. Les écoles sont
des diplômes ou par l’expérience, co-
encouragées à coopérer avec des acteurs
élaboration d’un projet commun avec un ou
extérieurs et à faire une large place aux
des
pratiques
et
l’éducation artistique ont eu constamment le
médiatiques. La culture dont il est question à
souci de dissocier le partenariat culturel aussi
cette époque déborde largement le champ de
bien
l’art, car elle inclut jusqu’aux industries
l’Éducation (le lien avec les entreprises et plus
culturelles. Les exemples cités dans les actes
largement avec le marché de l’emploi) que de
du congrès se réfèrent aussi bien au théâtre,
son
aux arts plastiques qu’aux médias (journaux,
(l’intervention à la petite semaine, le travail
radio, télévision). Le partenariat est présenté
alimentaire). Ils ont développé un modèle
comme
ouverture
spécifique du partenariat, que Françoise
réciproque entre la société et la sphère
Buffet avait proposé de nommer « partenariat
éducative.
se
culturel d’éducation » (Buffet, 1998 : 17-23)
précisera plus tard avec la mise en place de
pour bien le distinguer des autres formes de
dispositifs conjoints culture / éducation. Elle
partenariat dans le secteur éducatif : ce
servira à définir les formes de l’agir tout
modèle opère un va-et-vient constant entre
autant que le sens de l’action. À partir de
le dedans (l’école) et le dehors (les lieux
1983, le partenariat est défini par les
culturels, le champ de l’art), tendant à une
ministères de la Culture et de l’Éducation,
certaine forme de convergence entre les
selon des normes qui restent aujourd'hui à
objectifs de l’éducation et ceux de la culture,
peu
et transcendé par la notion d’intérêt général.
artistiques,
la
près
culturelles
condition
La
notion
d’une
de
inchangées
partenariat
concernant
les
intervenants : reconnaissance par les DRAC de
la
qualité
patrimonial
du
chez
travail le
artistique
partenaire
ou
culturel,
enseignants.
de
son
versant
Les
origine
mercantile
promoteurs
historique
ou
de
dans
utilitariste
Le partenariat a été longtemps étudié dans sa dimension interindividuelle, entre un artiste et
un
enseignant.
Lorsque
l’éducation 111 | P a g e
Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que Gran d t émoin
artistique s’est trouvée, dès la fin des années
atelier
1980, confrontée au problème général de la
également un élément précurseur, ainsi que
démocratisation
fallu
la forme du contrat, par lequel l’artiste
cependant repenser l’assise du partenariat
recevait une bourse et non un salaire. Les
dans d’autres cadres que ceux des ateliers et
résidences portaient enfin une question
des options : ce fut l’époque des jumelages,
toujours posée, mais rarement résolue dans
sites
les ateliers de pratique artistique : le lien avec
culturelle,
expérimentaux,
aménagement
des
il
a
plans
rythmes,
locaux, parcours
culturels (qui resurgissent aujourd'hui dans la
un
(que
j’évoquerai
processus
de
plus
création
bas)
en
était
cours
d’accomplissement.
loi de refondation de l’école). La dimension interindividuelle
du
partenariat,
très
prégnante dans les projets menés à l’échelle d’une classe, est alors complétée par un partenariat
d’organisation1,
centré
sur
l’impératif de généralisation, la mise en cohérence
au
niveau
territorial,
et
sur
l’établissement scolaire tout entier, voire le bassin d’éducation comme territoires de référence.
Face
à
résidences
d’artistes
cette
évolution,
apparaissent
les
d’une
certaine façon comme une préfiguration, dès les années 1980, d’enjeux qui ont émergé au début des années 1990. Le refus des interventions régulières en classe de type
Le deuxième enjeu est relatif aux effets de l’éducation artistique. Face à des affirmations souvent entendues, prêtant à l’intervention de l’artiste un pouvoir réel et direct sur l’amélioration de performances scolaires ou de comportements sociaux chez les enfants, on peut - toutes proportions gardées, bien entendu, et avec une pointe d’humour établir un parallèle avec la delphinothérapie et la controverse dont elle fait l’objet2. Les recherches scientifiques (qui s’opposent en cela
à
certaines
recherches
financées)
établissent que le dauphin ne soigne pas, qu’il « agit » indirectement, comme un
Françoise Buffet (1998 : 19-20) propose une typologie du partenariat en trois points : d’impulsion (institutionnel) ; de projet (définissant les responsabilités de chacun et les cadres matériels) ; de réalisation (logiques d’action, stratégies). Nous avons utilisé dans plusieurs études cette grille en l’adaptant aux avancées des politiques d’éducation artistique, également en trois points : partenariat de réalisation (entre acteurs de terrains) ; d’organisation (au niveau des structures locales) ; d’impulsion (au niveau politique) (Bordeaux, Deschamps, 2013 : 42-45). 1
On trouve une intéressante synthèse de cette controverse dans Jacinthe Baribeau, Geneviève David et Serge Larrivée, « Critique du modèle neurophysiologique de la delphinothérapie - Sonophorèse et écholocation », Revue de psychoéducation, vol. 35, n° 2, 2006 : 399-417. 2
112 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que Gran d t émoin
élément transformateur du contexte et de
le rôle reconnu à chacun, l’occupation de
l’entourage de l’enfant en raison de la
l’espace, le temps consacré à la connaissance
croyance
pouvoir
mutuelle et à la conception d’un projet
thérapeutique et en raison de la mobilisation
commun, la question de la transversalité des
physique, affective, sensorielle déployée pour
savoirs et des pratiques, etc.
diffuse
dans
son
aboutir à une rencontre entre un enfant malade et un animal considéré à la fois comme auxiliaire thérapeutique et comme l’incarnation
de
forces
échappant
à
la
connaissance rationnelle. C’est pourquoi il me semble qu’il faut prendre au sérieux les artistes lorsqu’ils évoquent la spécificité de leur rôle et la distance qu’ils souhaitent préserver
vis-à-vis
d’objectifs
scolaires,
comportementaux, cognitifs pourtant bien observables dans les retombées des projets menés en classe, tout en affirmant leur engagement social auprès des enfants et des jeunes. Ainsi que le rappelle régulièrement Alain Kerlan, l’enjeu de l’éducation artistique, c’est de changer l’école, c'est-à-dire l’acte même d’enseigner, et non de compléter l’école ou de trouver remède à certaines de ses limites. Dans le cas des résidences d’artistes, on voit bien comment la résidence n’est
pas
unidirectionnelle,
centrée
sur
l’enfant, mais au contraire en prise avec l’ensemble de la communauté éducative, par
Le troisième enjeu est celui de la médiation. Je laisse de côté une question pourtant importante, celle d’une situation somme toute assez classique, où l’artiste, seul en scène (il s’agit de « scène » au sens sociologique), représenterait à lui seul le monde de l’art et de la culture auprès des enfants, dans un face-à-face sans médiation, ni médiateur autre que l’enseignant ou l’ATSEM. En somme, sans médiateur culturel, ou plus précisément : sans médiateur du monde culturel. Je me centrerai plutôt sur les institutions médiatrices. Un rôle me semble, en effet, insuffisamment étudié de ce point de vue : c’est celui joué par Enfance, Art et Langages, qui agit comme un « traducteur » permanent entre différents mondes : monde de la culture, monde de l’éducation, mondes vécus par les enfants et les familles, sphère politique. Un « traducteur » ne se définit pas uniquement par des opérations menées par et sur le langage, bien qu’il s’agisse d’une 113 | P a g e
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Ac te s du Collo que Gran d t émoin
fonction majeure de la médiation, dont les
médiateur
traces écrites sont nombreuses dans le cas
résidences invitent à dépasser les tensions
des résidences (conventions, contrats, récits
récurrentes entre éducation et médiation,
d’expérience, évaluations, etc.) qui font aussi
dont
appel à de très nombreuses interactions
Loyrette (2013 : 8-9). Selon ce rapport, ces
verbales. Il se définit aussi par la production
tensions
de normes, dimension toujours importante
l’Éducation nationale privilégie des objectifs
dès lors qu’il s’agit de la sphère éducative.
«
Les normes sont ambivalentes : elles cadrent
programmes scolaires) tandis que la culture
l’action et peuvent limiter l’imagination des
privilégie des objectifs « plus larges » et
acteurs en présence. Elles peuvent aussi être
« humanistes ». Elles se cristallisent, du point
considérées comme des repères cristallisant
de vue des institutions culturelles, dans
les leçons de l’expérience, à condition d’être
l’opposition entre deux directions : relations
évolutives et de rester des outils au service
avec
d’une démarche. Dans le cas des résidences,
artistique ») et « politique de publics ». En
cette fonction de médiation (certains diraient
effet, la médiation, en tant que pratique
d’accompagnement ou d’ingénierie de projet)
professionnelle, repose sur l’idée que l’école
est particulièrement importante, et cela dès
n’est pas le seul vecteur d’éducation à la
les années 1980, comme ce fut notamment le
culture, et que l’âge scolaire n’est qu’un des
cas avec l’association Savoir au Présent,
âges possibles pour des apprentissages
association très active dans l’organisation de
culturels non formels.
résidences dans toute la France, et qui ne se bornait pas à l’organisation concrète du faceà-face entre enseignants et artiste. Le rôle joué par des structures d’accompagnement telles que Savoir au présent ou Enfance, Art et Langages permet d’élargir la question de la médiation au-delà de la seule figure du
culturel.
témoignait
sont
monde
particulier,
récemment
fondées
fonctionnels
le
En
»
sur
le
rapport
l’idée
(l’adéquation
scolaire
(«
les
que
aux
éducation
Faute de pouvoir citer d’autres enjeux, je m’en tiendrai à un dernier enjeu, que je formulerai par une question : dans quelle mesure
les
résidences
d’artistes
accomplissent-elles un objectif d’éducation artistique et culturelle ? Je m’appuie, pour poser cette question, sur l’idée maintenant 114 | P a g e
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Ac te s du Collo que Gran d t émoin
communément admise et relativement bien
souvent en prise les acteurs de ces projets
ancrée institutionnellement que l’éducation
(enfants, communauté éducative, artistes) est
artistique et culturelle ne se définit pas
dans les murs de l’école. Certes, des sorties
seulement par la co-présence d’enseignants,
culturelles
d’élèves et d’artistes engagés dans un projet
apprentissages culturels sont certainement
commun.
plus
présents. Mais ce n’est pas leur existence qui
fondamentalement, par la combinaison de
est visée par la question posée, c’est plutôt
trois expériences de l’art : esthétique, par le
leur place dans les objectifs des projets, dans
contact avec les œuvres et les lieux ;
leur réalisation et dans leur évaluation.
Elle
se
définit,
sont
prévues,
et
des
artistique, par l’élaboration personnelle d’un langage et d’une forme ; symbolique et culturelle, par l’appropriation de ressources culturelles, la réflexivité, la formation de l’esprit critique la confrontation des points de vue. Les résidences sont conçues sur le principe de l’immersion (présence longue, cohabitation, apprivoisement progressif) et non sur celui de la rupture (présence plus ou moins
ponctuelle,
activités
parfois
inconcevables dans un système éducatif traditionnel, temps fort et visible d’un projet mené
par
ailleurs
toute
l’année
par
l’enseignant). Pour le dire autrement : sur le principe
de
la
proximité
et
de
la
familiarisation et non sur celui de l’étrangeté ou de l’altérité entre acteurs éducatifs et acteurs culturels. La scène qui met le plus
Les résidences d’artistes en milieu scolaire ; permanences et évolutions Je voudrais maintenant faire un retour vers le premières formes de résidences dans les établissements scolaires, en m’appuyant à la fois sur mon expérience personnelle de mise en place de résidences au cours des années 1980, en lien avec l’association Savoir au Présent, et sur les actes d’un colloque organisé
en
1990
par
cette
même
association, avec l’appui des ministères concernés3. À cette époque, les résidences en milieu scolaire sont une extension des résidences en entreprises, dans les usines et dans divers lieux de vie et de travail. Les mêmes règles y sont prescrites, en particulier
Actes du colloque École / Milieu scolaire / Milieu artistique. Quels échanges, quels réseaux, quelles pratiques, ministères de la Culture, de l’Éducation nationale, de l’Agriculture, Savoir au Présent, Palais du Luxembourg, 16-18 mai 1990. 3
115 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que Gran d t émoin
le fait de ne pas demander à l’artiste d’animer
quel point, à cette époque, le discours est
d’ateliers de pratique ou de faire don d’une
limité4, faisant ainsi une large place au
œuvre réalisée dans le cadre de la résidence.
discours
Il
dominantes
était
également
recommandé
de
d’artiste dans
et
donc
aux
le
champ
de
valeurs l’art
:
commencer la résidence sans programme
autonomie par rapport à la demande sociale
préalable d’activités, le but étant que chaque
ou
lieu d’accueil invente progressivement les
rupture,
formes de la rencontre. Les résidences sont
académiques ou disciplinaires. Ce discours
conçues selon un référentiel assez strict, sous
est assez largement relayé par Savoir au
la responsabilité du chef d’établissement,
présent qui défend un point de vue centré sur
destiné
l’altérité
à
laisser
singuliers et non
émerger
des
projets
normés selon les règles
politique,
dévalorisation
fondamentale
des
des
savoirs
acteurs
en
présence et la spécificité du rôle de l’artiste :
personnellement À l’époque où se tenait le colloque de 1990, que
avant-garde,
« L’école ne peut attendre de l’artiste qu’il assure
pédagogiques.
alors
singularité,
les
résidences
une
activité
éducative
ou
culturelle. L’institution scolaire atteint des buts culturels parce que l’artiste dans sa pratique relève
d’artistes
de l’artistique. […] La médiation culturelle doit
concernaient tous les types d’établissements
s’appuyer sur les fondements de la création
scolaires, le point de vue de l’Éducation
artistique ». Cette idée, qui consiste à
nationale était formulé essentiellement par
présenter l’action de l’artiste comme d’autant
l’Inspection générale des arts plastiques,
plus efficace (ou en tout cas efficiente) qu’il
focalisée sur la différenciation entre les
s’affranchit de tout référence à une pratique
professionnalités respectives de l’enseignant
ou à un savoir-faire pédagogique, reste
d’arts plastiques et de l’artiste. Aucun apport
aujourd'hui très prégnante dans les discours
n’est repérable pour les problématiques liées
d’artistes, mais elle l’est de moins en moins
au primaire et à la maternelle, c'est-à-dire à
dans
l’enseignant
de
préoccupées par la qualité de la transmission
l’institution culturelle, on est frappé de voir à
et par les compétences nécessaires pour
polyvalent.
Du
côté
les
discours
des
institutions,
« La meilleure résidence d’artiste semble être son atelier », affirme ainsi un représentant de la Délégation aux arts plastiques du ministère de la Culture. 4
116 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que Gran d t émoin
assurer cette qualité. De plus, elle est à
domaine, Jean-Paul Fourmentraux5. Y faire ou
relativiser par l’observation concrète des
non figurer une expérience menée dans un
résidences que j’ai organisées, ou plus
établissement scolaire peut, selon les cas,
récemment par l’examen des vidéos réalisées
renforcer ou affaiblir ces stratégies. La même
dans les classes lyonnaises coordonnées par
question s’est posée à propos des ateliers
Enfance, Art et Langages, où l’on voit
artistiques dans le champ social, comme l’a
fréquemment
posture
analysé Pierre-Alain Four (2003 : 207-227),
d’explication, de facilitation, de soutien,
mais les actions menées en milieu carcéral,
d’accompagnement.
geste
hospitalier ou dans les quartiers en difficulté
professionnel expliqué et partagé par les
ont connu une progression en légitimité
artistes se jouent les enjeux d’une co-
supérieure par rapport à celles menées en
éducation, d’une pédagogie active et d’une
milieu scolaire.
les
artistes
Autour
en
du
méthode non formelle, bien qu’elle se déroule dans un contexte formel, celui de l’école.
La question de la mention des résidences dans les CV est réapparue au cours de ce
Il est intéressant de noter que déjà à cette
colloque, et semble toujours poser quelques
époque, les organisateurs et institutions
problèmes, malgré une réelle progression de
partenaires se plaignaient des stratégies de
cette
légitimité des artistes, qui ne mettaient pas
changements
en
l’éducation artistique et culturelle comme
visibilité
leur
participation
à
des
question,
à
la
majeurs
faveur :
de
trois
l’affirmation
de
résidences en milieu scolaire. Les curriculum
composante
vitae (CV) d’artistes diffusés auprès des
culturelles ; la raréfaction des soutiens
institutions culturelles ne mentionnaient pas,
publics en matière de culture et le besoin de
dans la plupart des cas, ce type d’expérience.
diversifier
Or, les CV sont un outil important des
artistes ; le pilotage par les collectivités
stratégies de légitimation dans le champ
territoriales (qui par ailleurs financent la
artistique, comme l’a montré, dans un autre
culture) de dispositifs qui échappent ainsi à
les
stratégique
sources
des
de
politiques
revenus
des
Fourmentraux (2011 : 79-82) montre comment, dans le cas des coproductions entre artistes et scientifiques, l’examen des curriculum arte (des artistes) et des curricumum vitae (des ingénieurs informaticiens) permet d’analyser les modes d’attribution de valeur artistique ou scientifique, et les stratégies de valorisation artistique d’activités hybrides relevant de la recherche-création. 5
117 | P a g e Enfance, Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Ac te s du Collo que Gran d t émoin
une connotation trop scolaire. La longue
entre
durée des résidences et l’importance des
domination des unes envers les autres. Or,
crédits qui y sont affectés contribuent aussi à
nous savons que les difficultés de l’éducation
cette légitimation. La notion de résidence
artistique et culturelle tiennent certes à des
elle-même relève d’un vocabulaire de l’action
problèmes concrets de mise en œuvre, mais
publique centré sur la création et le créateur,
plus profondément à des conflits de valeurs
au contraire des ateliers de pratique artistique
et de représentations entre la culture de
et des autres dispositifs de type « classe à
l’école et la culture du champ artistique
PAC » : la résidence d’artiste reste un
contemporain. Elles tiennent aussi à une
dispositif
tension
identifié
majoritairement
par
rapport à des espaces non scolaires.
représentations conflictuelles de la relation artistes
et
pourrait supposer
enseignants,
que
dépassées par
l’on
trente
années de construction institutionnelle du partenariat entre culture et éducation, sont toujours
présentes.
Ce
cultures
historique,
l’institutionnalisation
J’ai entendu au cours des échanges que les
entre
les
constat
peut
s’expliquer de deux façons. D’une part, la culture doit être appréhendée « au pluriel », selon les termes de Michel de Certeau qui postulait que son analyse ne peut être que polémologique6, afin de mettre en évidence une de ses dimensions majeures : les conflits
et
les
rapports
présente de
bien
de
avant
l’éducation
artistique, dès la création des enseignements artistiques
à
l’école,
entre
deux
représentations opposées des visées de cet enseignement7 et, plus largement, de l’acte même d’enseigner. D’autre part, malgré la très grande hétérogénéité des « carrières » d’artistes (au sens sociologique du terme), malgré le fait que dans certains domaines (arts plastiques, danse, musique) les artistes ont dans leur grande majorité suivi une formation supérieure spécialisée, la critique de l’école reste très prégnante dans leurs discours. Cette critique est une transposition
À propos de l’activité culturelle de la production des non-consommateurs, considérée à tort comme passive et marginalisée par la dimension productiviste de l’économie culturelle, Certeau relève que « la relation des procédures avec les champs de force où elles interviennent doit […] induire une analyse polémologique de la culture. […] la culture articule des conflits et tour à tour légitime, déplace ou contrôle la raison du plus fort » (1990 : XLIV). 6
On peut se référer notamment à l’histoire de l’enseignement du dessin puis des arts plastiques, et plus particulièrement aux « scènes primitives » décrites par Bruno Duborgel à propos des visions opposées – utilitaristes ou esthétiques – développées par Eugène Guillaume et Felix Ravaisson (1990 : 72-74). Une synthèse historique réalisée en 1996 par Marie-Jeanne Brondeau-Four et Martine Colboc-Terville (« Du dessin aux arts plastiques. Repères historiques et évolutions jusqu’en 1996 ») peut également être utilement consultée sur le site de l’académie de Mayotte. 7
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Ac te s du Collo que Gran d t émoin
de la critique de l’académisme, en art comme
identité
ailleurs, et également une façon d’héroïser le
compétence artistique ; soit en tant que
regard rétrospectif que posent les artistes sur
simples « travailleurs culturels » (Menger,
leur parcours en soulignant son caractère
2003), présents à un moment de leur vie
singulier
vocation,
professionnelle auprès de certains groupes
d’opposition, de résistance. Curieusement,
sociaux sans pour autant considérer y avoir
alors qu’une critique sociale aujourd'hui
des missions ou une vocation particulières.
par
le
régime
de
professionnelle
centrée
sur
la
largement répandue reproche à l’école le caractère
structurel
de
sa
dimension
inégalitaire, les artistes perdurent dans une critique plutôt psychologisante de l’école, génératrice d’ennui, incapable de déceler les talents, les individualités et de développer le plaisir d’apprendre. Ce faisant, ils présentent leur rôle de deux manières : soit sous le régime d’une vision « romantique » de la transmission8, qui convient assez bien au temps souvent bref de leur intervention auprès des enfants et à la préservation d’une
De l’exceptionnel à l’ordinaire : la question des changements d’échelle Un des reproches principaux qui pouvait être fait aux résidences d’artistes par l’Éducation nationale au cours des années 1980 était le caractère exceptionnel et coûteux de ces opérations. Face aux valeurs « inspirées » qui prédominaient dans les discours culturels faisant
la
promotion
des
résidences,
l’Éducation opposait les valeurs « civiques »9 et critiquait le caractère sporadique de ces
À cet égard, les artistes se présentent souvent comme des figures de l’enseignant idéal selon leurs propres normes, c’est-à-dire libertaire et anti-système. Dans ses travaux sur l’école ou sur l’illettrisme, Bernard Lahire a largement critiqué cette vision d’une pédagogie romantique et vertueuse. « L'enseignant romantique - dont l'un des modèles est partiellement livré dans le film de Peter Weir Le Cercle des poètes disparus - ne fait en définitive que jouer le rôle bien connu des lecteurs de Max Weber, rôle du ‘prophète’ face au ‘prêtre’ comme ‘fonctionnaire du culte’. Ce modèle d'enseignant privilégie l'expérience événementielle vécue par rapport à l'exercice quotidien, la spontanéité ou le happening pédagogique par rapport à la progression continue dans un corps de savoirs et, au fond, la démarche intérieure et volontaire par rapport à l'action extérieure et imposée. Il privilégie ainsi, sans s'en rendre compte, ceux qui ont déjà constitué au cours de leur socialisation antérieure les démarches et les motivations internes par rapport à ceux qui ne les ont pas encore constitué[es] et qui ont besoin pour cela d'une action pédagogique spécifique. » (Lahire, 1997 : 6). Par ailleurs, dans un cadre relevant plutôt de la formation des adultes, Lahire critique les postures adoptées par les associations luttant contre l’illettrisme, considérant comme populistes certaines de leurs affirmations, par exemple : « Le même fond populiste amène ATD à développer la conception d’une pédagogie radicalement romantique (antitechniciste, anti-institutionnelle, antiautoritaire, égalitaire) où l’apprentissage se déroulerait dans la joie permanente » (Lahire, 1999 : 53) 9 En référence à des catégories développées par Boltanski et Thévenot, les « valeurs inspirées » privilégient l’excellence (plus que la simple qualité professionnelle) la spécificité de la démarche artistique, l’autonomie du monde de l’art, la singularité de la démarche, l’innovation, l’avant-garde ; les « valeurs civiques » s’attachent davantage à l’égalité d’accès, au droit à la culture, à la culture facteur d’identité ou bien commun, à l’héritage, au sens commun (Bordeaux, Deschamps, 2013 : 25-27). 8
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Ac te s du Collo que Gran d t émoin
projets, l’impossibilité de les généraliser
que l’intervention de la collectivité territoriale
aussi
cadrage
peut changer la donne, à condition de
pédagogique préalable. Ce ne fut sans doute
maintenir son effort sur la durée. À Lyon,
pas le cas dans toutes les régions, mais dans
toutes les écoles maternelles de l’éducation
les territoires où j’ai eu l’occasion de monter
prioritaire ont été, sont ou seront concernées
des projets, rien ne se serait fait sans le
par une résidence d’artiste. L’appel à projets
volontariat des chefs d’établissements et des
permet de cadrer l’impératif de qualité du
directeurs d’écoles en lien avec les élus de
côté des artistes ainsi que la cohérence avec
leur ville, le rectorat et les inspections
le projet d’école. La durée, qui est fixe, mais
académiques
peut dans certains cas être négociée, est
bien
que
l’absence
restant
en
de
dehors
de
l’impulsion et du suivi de ces actions.
pensée
pour
garantir
des
effets
seulement sur les enfants, mais Aujourd'hui, les résidences sont reconnues par l’Éducation nationale et font même l’objet d’une
circulaire
spécifique10.
Des
interministérielle collectivités
les
revendiquent comme un outil important de leur politique croisée de soutien à la création et d’éducation artistique. Elles les organisent concrètement de manière à les rendre accessibles. L’expérience d’Enfance, Art et Langages à Lyon, ainsi que celle d’autres territoires comme la Seine Saint Denis (pour les collèges) ou le Nord Pas de Calais, montre
non
aussi et
surtout sur la communauté éducative, ce qui est la condition de l’ancrage des nouvelles pratiques développées à l’occasion de la résidence. À la fin de la résidence, les écoles ont la possibilité de continuer à mener des projets culturels, contrairement à bien des projets
où,
une
fois
le
spectacle
ou
l’exposition terminés, on passe à autre chose. Au cours de la résidence, les artistes sont en général amenés à animer des ateliers, dans le cadre d’un projet de recherche artistique coélaboré avec les équipes pédagogiques.
La circulaire (Éducation nationale, Enseignement supérieur et recherche ; Agriculture ; Culture et Communication) n° 2008-059 du 29 avril 2008 « Développement de l'éducation artistique et culturelle » précisait déjà que « les résidences d’artistes seront développées pour permettre aux élèves de suivre au plus près la création dans différents champs, des phases de recherche jusqu’à la réalisation. Elle a été complétée récemment par la Circulaire (Éducation nationale ; Agriculture ; Culture et Communication) n° 2010-032 du 5 mars 2010 « Charte nationale : la dimension éducative et pédagogique des résidences d'artiste », qui définit les résidences en milieu scolaire comme une des catégories possibles des résidences d’artistes. 10
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Ac te s du Collo que Gran d t émoin
politique concertée et durable. Il y a là matière On voit donc, d’une certaine manière, ces résidences répondre point par point aux critiques dont elles pouvaient faire l’objet, et devenir un des instruments d’une politique territoriale de l’éducation artistique visant la généralisation. Ce format de projet, qui était exceptionnel
par
son
ampleur
et
à réflexion pour ceux qui seraient tentés de voir
dans le
instrument
parcours culturel l’unique
de
la
généralisation.
Les
résidences permettent de poser la question, à mon avis nécessaire, de la diversité des dispositifs et des échelles de projets.
son
ambition, peut aujourd’hui faire l’objet d’une
Bibliographie Bordeaux Marie-Christine, Deschamps François, 2013, Éducation artistique, l’éternel retour ? Une
ambition nationale à l’épreuve des territoires, Toulouse : Ed. de l’Attribut (coll. La Culture en questions) Buffet Françoise (dir.), 1998, Entre école et musée, le partenariat culturel d’éducation, Lyon : PUL (coll. Travaux et documents) De Certeau Michel, 1990 (première éd. 1980), L’Invention du Quotidien, I. Arts de faire, Paris : Folio (coll. Essais) Duborgel Bruno, 1990, « Scènes de l’enseignement artistique », in Daniel Lagoutte., Les arts plastiques
contenus, enjeux et finalités, Paris : A. Colin, (Coll. Formation des enseignants), p. 71-90 Four Pierre-Alain, 2003, « La démocratisation culturelle à l’épreuve des ateliers de pratiques artistique », in Olivier Donnat (dir.), Regards croisés sur les pratiques culturelles, Paris : La Documentation française (coll. Questions de culture), p. 207-227. Lahire Bernard, « Démocratisation, formes scolaires et techniques intellectuelles », Actes du colloque « Défendre et Transformer l’École pour tous ». Marseille. 3-4-5 octobre 1997, mis en ligne sur www.r-lecole.fr Lahire Bernard, 1999, L’Invention de l’ « illettrisme », Paris : La Découverte Menger Pierre-Michel, 2003, Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme, Paris : Seuil (La République des Idées)
Actes du colloque École / Milieu scolaire / Milieu artistique. Quels échanges, quels réseaux, quelles pratiques, ministères de la Culture, de l’Éducation nationale, de l’Agriculture, Savoir au Présent, Palais du Luxembourg, 16-18 mai 1990
L’éducation artistique et culturelle dans les musées et monuments nationaux, rapport de mission confiée à Henri Loyrette et conduite par Catherine Guillou, ministère de la Culture, juillet 2013
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Annexes Bibliographie Fiches expériences : exemples de dispositifs o Art à l’école o Enfance, Art et Langages o Témoignage Bérengère Valour o IN SITU o L’Opéra à l’école o Libres comme l’art o Les Escholiers de la Mosson o MUS-E® à Lille
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Actes du Colloque Bibliographie
Bibliographie sélective Les résidences, Les artistes ANDRE, Sophie.
L'inscription de la résidence d'artistes en milieu rural et sa pertinence dans le développement culturel local. Mémoire de DESS Développement Culturel et Direction de projet sous la direction de Jacques Bonniel, Faculté d’Anthropologie et de Sociologie. Lyon : Université Lyon 2, 2004, 117 pages. socio.univ-lyon2.fr/IMG/pdf/doc-557.pdf
BECKER, Howard S.
Les mondes de l’art. Paris, Flammarion, 1988 (1982), 379 pages. BONNIEL, Jacques. Résidences d’artistes : définition et contextes artistiques, institutionnelles et historiques in Les
résidences d'artistes en questions. Lyon : Agence Musique et Danse Rhône-Alpes, collection Clef de 8, 2005, pp.14-18. BORDEAUX, Marie-Christine, DESCHAMPS François.
L’Éducation artistique, l’éternel retour ? Une ambition nationale à l’épreuve des territoires. Toulouse : Ed. de l’Attribut (coll. La culture en questions), 2013, 172 pages. BOURDIEU, Pierre. L’invention de la vie d’artiste, Actes de la recherche en sciences sociales. 2, 1975, pp. 67-94. BUSCATTO, Marie (sous la dir.). L’art et la manière : ethnographie du travail artistique. Ethnologie française numéro consacré à l’art au travail. N°2008/1. Paris : CNRS – PUF, 2008, p 5-13. www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ETHN_081_0005
CHABANNE, Jean-Charles ; PARAYRE, Marc ; VILLAGORDO, Eric.
La rencontre avec l’œuvre. Eprouver, pratiquer, enseigner les arts et la culture. Actes des journées d’études scientifiques JEPEAC, Perpignan, octobre 2009. Paris : L’Harmattan, 2012, 392 pages. DEKENS, Gregory ; GINEVRO, Daniela.
Art, Petite Enfance, Etc., Morlanwelz, Lansman Editeur, 2012, 68 pages. FILIOD, Jean Paul. L’innovation en mode pluriel et relatif. L’exemple de l’éducation artistique et culturelle et d’un dispositif présenté comme “innovant”, Socio-logos. Revue de l'Association Française de
Sociologie, no 7, 2012. socio-logos.revues.org/2661
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Actes du Colloque Bibliographie
FOURNEL, Yves. Des artistes à la maternelle. Entretien avec l’adjoint au maire de Lyon délégué à l’éducation.
L’observatoire. N°42. Grenoble : Observatoire des politiques culturelles, juillet 2013, 3 pages. GODBOUT, Line.
Guide de l’artiste en milieu scolaire Pour faciliter l’intégration des arts et de la culture en éducation. Canada Moncton : Association acadienne des artistes professionnel.le.s du Nouveau-Brunswick, 2011, 60 pages. www.aaapnb.ca/centrederessources/files/centrederessources/AAAPNB-guide-artiste-milieu-scolaire-2012.pdf
HEINICH, Nathalie.
Etre artiste. Cinquante questions. Paris : Klincksieck, 1996. JORI LAZZARINI, Héloïse. Sous la direction de Alain Vulbeau.
L’éducation artistique et culturelle, entre attentes sociales et réponse à la crise de l’école. Etude comparée France – Québec des représentations des acteurs de l’EAC dans les terrains défavorisés. Université Paris Ouest Nanterre-La défense, 2012, 142 pages. KERLAN, Alain.
Conférence : Ce que l’artiste « fait » à l’école… De la maternelle au lycée et à l’université. L’engagement éducatif de l’art, Séminaire Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains Condorcet, Avignon, 20 juillet 2012, 20 pages. www.meirieu.com/ECHANGES/kerlan_artiste.pdf LAMY, Yvon ; LIOT, Françoise.
Les résidences d’artistes. Le renouvellement de l’intervention publique dans le domaine des arts plastiques : enjeux et effets, in CALLEDE Jean-Paul, Métamorphoses de la culture, pratiques et politiques en périphérie, MSHA, Bordeaux, 2002, p.213-234. MENGER, Pierre-Michel.
Portrait de l’artiste en travailleur. Paris, Seuil 2003, 96 pages. MONOD-JUHEL, Charline.
Autour de la résidence d’artiste : évolution et extensions du principe de résidence d’artistes. Mémoire de master 2 professionnel Développement culturel et direction de projet. Lyon : Université Lumière Lyon 2, 2009, 141 pages.
cARTable d’Europe. Approche du concept d’évaluation en éducation artistique à partir de résidences d’artistes à l’école. Belgique : CDWEJ et EAL, mai 2013, 64 pages. www.calameo.com/read/002562879c00dc508de0e
Vade-mecum pour monter une résidence d’artiste à l’école. Paris : DSDEN, Inspection de circonscription de la Goutte d’Or, octobre 2012, 4 pages. 18b-gouttedor.scola.ac-paris.fr/IMG/pdf/Vade-mecum_residence_d_artiste_oct_2012.pdf
Développer une résidence d’artistes. In La Scène. N° 49. Nantes : Millénaires, été 2008, 20 pages.
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Actes du Colloque Bibliographie
La résidence d’artistes plasticiens en milieu scolaire. Compte-rendu des rencontres des 15 et 16 novembre 2007 à Auxerre – Salle de l’Assemblée départementale, Conseil général de l’Yonne. Auxerre : Centre d’art de l’Yonne, 2008, 49 pages. www.mediationculturelle.net/wp-content/uploads/résidence-artiste-à-lécole.pdf
Textes officiels France
Circulaire N°2013-073 du 3 mai 2013 « Le parcours d’éducation artistique et culturelle ». Paris : ministère de la Culture et de la Communication, 4 pages, 2013. www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=71673
Éducation artistique et culturelle. Charte nationale : la dimension éducative et pédagogique des résidences d'artistes. Circulaire n° 2010-032 du 5-3-2010. Bulletin officiel n°10 du 11 mars 2010. Paris : ministère de l’Education nationale, 2010. www.education.gouv.fr/cid50781/mene1003709c.html
Circulaire N° 2006/001 du 13 janvier 2006 relative au soutien à des artistes et à des équipes artistiques dans le cadre de résidences. Paris : ministère de la Culture et de la Communication, 7 pages, 2006. mediatheque.cite-musique.fr/mediacomposite/cim/_Pdf/70_Institutions_Circresidences.pdf
Belgique – Wallonie
Le Décret du 24 mars 2006 relatif à la mise en œuvre, la promotion et le renforcement des Collaborations entre la Culture et l'Enseignement. 12 pages. www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/30655_001.pdf
La circulaire 2200 du 20/02/2008 concernant le décret du 24 mars 2006 relatif à la mise en œuvre, la promotion et le renforcement des collaborations entre la Culture et l’Enseignement. 8 pages. www.enseignement.be/hosting/circulaires/upload/docs/2394_20080220104436.pdf
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Actes du Colloque Bibliographie
Données d’observation et de recherche par expériences ENFANCE, ART ET LANGAGES - LYON FILIOD, Jean Paul ; NECKER, Sophie. Evaluer l’éducation artistique : l’expérience au croisement des points de vue. cARTable d’Europe, approche du concept d’évaluation en éducation artistique à partir de résidences d’artistes à l’école. Belgique et France : CDWEJ et EAL, 2013, pp. 45-49. FILIOD, Jean Paul, BOUKACEM, Dalila ; COSNIER, Brigitte ; PINOT, Françoise ; SEGUI, Fernando. Trois études sur le dispositif Enfance, Art et Langages, Lyon : Université de Lyon : université Lyon 1-IUFM, 2011, 153 pages. www.eal.lyon.fr Présentation : « Rapport de recherche développant les 3 thématiques suivantes : Trace d'enfance, d'arts et de langages : paroles d'élèves ; Entre-tenir sa place : les Atsem au travail ; Arts dans l'école, arts hors-l'école : les motifs d'une rencontre. » Filiod, Jean Paul ; avec COSNIER, Brigitte ; DUVILLARD, Jacques ; LADRET, Geneviève ; PINOT, Françoise et VIDON, Michel. Quand l’éducation artistique ne va pas de soi. Enfance art et langages, programme lyonnais d'éducation artistique et culturelle en école pré-élémentaire, 2e phase. Lyon : Université Lyon 1 - IUFM, INRP, Caisse des Ecoles de Lyon EAL, 2007, 100 p. FILIOD, Jean Paul (sous la dir.) Recherche-développement sur le programme Enfance Art et Langages. Bilan de trois ans de recherche (2005-2008). Lyon : 2008, 46 pages. www.eal.lyon.fr - Rapport de 2007 : Quand l’éducation artistique ne va pas de soi. - Rapport de 2006 : La place, le statut et les usages des arts à l’école maternelle. KERLAN, Alain (sous la dir.) Des artistes à l’école maternelle. Lyon : SCEREN-CNDP, Enfance, Art et Langages, 2005, 190 pages.
C E N T R E D R A M A T I Q U E D E L A W A L L O N I E P O U R L ’E N F A N C E E T L A J E U N E S S E – L O U V A I N L A -N E U V E (B E L G I Q U E ) NECKER, Sophie ; Filiod, Jean Paul Evaluer l’éducation artistique : l’expérience au croisement des points de vue. cARTable d’Europe. Approche du concept d’évaluation en éducation artistique à partir de résidences d’artistes à l’école. Belgique : CDWEJ et EAL, mai 2013, pages 45-49. www.calameo.com/read/002562879c00dc508de0e
L’Instant Marionnette, un projet du CDWEJ, film réalisé par J-B. Gabriel, 2006.
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Actes du Colloque Bibliographie
I N S I T U E T C U L T U R E E T A R T A U C O L L E G E – C O N S E I L G E N E R A L S E I N E -S A I N T -D E N I S BARRERE, Anne ; MONTOYA, Nathalie ; PEQUIGNOT, Bruno (ss la coordination et responsabilité scientifique). Les parcours « La culture et l’art a collège » : enquête sur un dispositif d’éducation artistique et culturelle. Paris : Université Paris-Descartes, Laboratoire CERLIS, février 2013, 14 pages. fr.calameo.com/read/00063492458629ea01db7
LES ESCHOLIERS DE LA MOSSON - MONTPELLIER CARRAUD, Françoise. Expérimentation dans un collège ECLAIR. Le travail enseignant entre logique scolaire et logique artistique. In Sociologies pratiques 2012/2 n°25. KERLAN Alain (sous la dir.) Les moissons de la Mosson. La scène et l’écriture. Rapport établi à l’intention d’Hérault Musique Danse. Lyon : Lyon : Université Lyon 2, Equipe d’Accueil Education Culture et Politique, octobre 2012, 48 pages. KERLAN, Alain (sous la dir.) Les moissons de la Mosson. Que la danse commence ! Rapport établi à l’intention d’Hérault Musique Danse. Lyon : Université Lyon 2, Equipe d’Accueil Education Culture et Politique, septembre 2011, 37 pages. recherche.univ-lyon2.fr/ecp/ressources/axe-3/LES%20MOISSONS%20DE%20LA%20MOSSON.pdf/view
LANGAR Samia (sous la direction d’Alain KERLAN) Les relations Parents-Collège : Quelles médiations pour la classe artistique ? Rapport établi à l’intention d’Hérault Musique Danse. Lyon : Université Lyon2, Septembre 2011, 55 pages. recherche.univ-lyon2.fr/ecp/ressources/axe-3/RAPPORT%20MEDIATION%20LANGAR%20DEF..pdf/view
L’O P E R A A L ’ E C O L E - L Y O N MAIRE SANDROZ, Marie-Odile ; STEFANI, Patrick. L’Opéra aux Minguettes. Ce que l’art fait à l’école, ce que l’école fait à l’art… Premier rapport intermédiaire de l’étude compréhensive. Lyon : Contribution du Centre Alain Savary, Agence qualité éducation, IFÉ/ENS Lyon, septembre 2012, 86 pages.
A R T I S T E S I N T E R V E N A N T E N M I L I E U S C O L A I R E , ENSBA – P A R I S LEMAIRE, Vincent ; DEAM, Nina. L’effet chenille. Pais : Beaux arts de Paris les éditions, 2012, 64 pages. Projet conduit dans les écoles de Saint-Ouen avec L’ENSBA de Paris et les Fondations Rothschild en 2011-2012.
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Actes du Colloque Bibliographie
Sites internet : expériences de résidences d’artistes FRANCE Seine-Saint-Denis Conseil
Général
de
la
Seine-Saint-Denis,
In Situ, 31 pages.
fr.calameo.com/read/00063492480be20e94fc7
In Situ et CAC - www.seine-saint-denis.fr/-Education-artistique-et-culturelle-.html Montpellier Classe artistique expérimentale Les Escholiers de la Mosson. Hérault Musique Danse. www.heraultmusiquedanse.fr/classe-artistique.html
Petites Galeries - www.ac-montpellier.fr/sections/ia34/actualites-ia34/mini-residence-artiste Rennes Les
résidences
d’artistes
de
Rennes.
rennes.iconito.fr/index.php/blog?blog=les_r_sidences_d_artiste
Les résidences d'artiste à l'école : dispositif Ville de Rennes/DRAC. Métropole Rennes, 1page. metropole.rennes.fr/politiques-publiques/culture-education-vie-sociale/la-culture/mise-en-partage-de-laculture/?no_c
Rhône-Alpes La Caravane des dix mots - fr-rhonealpes.caravanedesdixmots.com Lyon Les Résidences d’artistes en maternelle – Enfance, Art et Langages - www.eal.lyon.fr L’Opéra à l’école - Opéra de Lyon www.opera-lyon.com/opera-citoyen/developpement-culturel/lopera-a-lecole/
Nord Contrat Local d’Education Artistique (CLEA) - www.clea-intercommunal.fr Côte d’Or Résidences longues - www.cotedor.fr/cms/lang/fr/pid/4884 Créteil UNE ARTISTE en RESIDENCE au Lycée Saint-Exupéry de Créteil acl.ac-creteil.fr/domaines/residence/residence-st-exupery.doc
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Actes du Colloque Bibliographie
INTERNATIONAL Belgique - La Louvière Centre Dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse (CDWEJ) www.cdwej.be/index.php?pid=1&mid=1000
Canada - Montréal C2S Arts et Evénements - www.c2sarts.org Suisse - Genève Academia d’Archi : Orchestre en classe. www.accademia-archi.ch/index.php?option=com_content&view=article&id=50&Itemid=137
Sites internet : artistes intervenants au cours du colloque Yves Henri - www.yveshenri.com Julie Lefebvre - lafabriquefastidieuse.com/index.php?/project/julie/ Milton Paulo Nascimento de Oliveira - www.dancersproject.com/browse/DancersBio.php?ID=4546 Arnaud Theval - www.arnaudtheval.com/2-50-autofiction.php Camille Llobet www.eal.lyon.fr/enfance/sections/fr/residences/les_artistes/artistes_en_residenc/?aIndex=1
Bérengère Valour www.eal.lyon.fr/enfance/sections/fr/residences/les_artistes/artistes_des_ancienn/?aIndex=2
Marc Mercier - www.instantsvideo.com/blog/fr/archives/category/accueil ou instantsvideo.over-blog.com
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Fiche expérience
Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif
L’art à l’école Dispositif porté par le Centre dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse (CDWEJ) à la Louvière (Belgique). Les résidences d’artistes prennent place dans des établissements scolaires de tous niveaux, des crèches aux établissements d’études supérieures pour une durée d’une année scolaire. www.cdwej.be
© A. Valentin
© CDWEJ
Centre dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse Rue des Canadiens 83 7110 Strépy-Bracquegnies Belgique Tél. : +32 64 66 57 07 Courriel : info@cdwej.be
Directrice du CDWEJ Sarah Colasse
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Présentation du projet Le CDWEJ (Centre dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse) existe depuis 1982. Lié au secteur du théâtre jeune public, il travaille au rapprochement entre monde artistique et monde éducatif en proposant des spectacles pour le jeune public ainsi qu’un vaste projet sur l’ensemble de la Wallonie : l’opération « Art à l’Ecole ». Ce dispositif permet la mise sur pied d’une soixantaine de résidences d’artistes par
saison.
Ces
résidences
se
déroulent
dans
des
crèches,
des
écoles
du fondamental (maternelles et primaires), des écoles du secondaire et des Hautes Ecoles pédagogiques. Nous les appelons davantage « ateliers » que « résidences ». Un atelier équivaut à une dizaine de demi-journées de prestation pour l’artiste en classe.
LA RECHERCHE L’opération « Art à l’Ecole », dans ses contours actuels, existe depuis 2004. Le CDWEJ a pris un tournant en 2000 avec la mise sur pied d’un projet ministériel : d’un travail avec des animateurs, il est passé à un travail avec des artistes en création exclusivement. Dans l’idée d’emmener les élèves dans un véritable processus artistique, les plonger dans un bain de recherche, un chemin, loin de toute certitude, de toute recette… Dans l’idée également de valoriser la singularité de chacun, de l’affirmer en tant que ferment de création au sein du collectif.
Par ailleurs depuis 2011, dans le cadre du projet européen cARTable d’Europe conduit avec Enfance, Art et Langages (cf. fiche expérience EAL), le CDWEJ s’est assuré la collaboration de la sociologue Sophie Necker pour une recherchedéveloppement sur la question du sensible. Plus d’informations sur : cartabledeurope.over-blog.com
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Partis pris des ateliers Art pour tous. L’enjeu principal du dispositif consiste à mettre les jeunes en contact avec les arts dès le plus jeune âge, de revendiquer une place importante pour les arts dans la société, de défendre la politique de l’art pour tous. Partenariat. L’atelier se déroule presqu’exclusivement en temps scolaire, avec la classe dans son entièreté. Il repose sur la complémentarité des compétences artistiques/pédagogiques de l’artiste et l’enseignant partenaires. La mise en œuvre de cette philosophie du partenariat trouve ses influences… en France, précisément via la parole de Jean-Claude Lallias, responsable à l’époque de l’Anrat, que le CDWEJ avait invité en conférence lors des prémisses de l’opération. Pour articuler ce partenariat artistes/enseignants, des formations réunissent artistes, enseignants et médiateurs culturels à l’entame du travail avec les jeunes. Ici, autre source d’influence française, c’est Marcelle Bonjour et le dispositif Danse au Cœur qui nous ont inspirés pour la mise sur pied de ces modules de formation. Triangulation. Il est un autre partenariat d’importance chez nous : celui qui nous lie à nos Partenaires culturels - Points de chute. Ils sont une vingtaine de centres culturels locaux et régionaux à avoir rejoint le CDWEJ. Ce travail avec les médiateurs culturels est capital. Pour rapprocher ces deux mondes que sont l’art et l’école, il s’avère toujours juste et sain d’avoir une structure qui offre un cadre (en l’occurrence, ici, le CDWEJ) et qui accompagne sans faire ingérence dans les projets (CDWEJ et le centre culturel en lien avec l’école). La collaboration avec nos Partenaires culturels - Points de chute nous permet d’opérer un véritable travail de proximité, de mise en lien avec les œuvres, les propositions culturelles… Elle nous permet également de rester attentifs aux spécificités, aux besoins, aux attentes de chaque région. Co-construction. Artistes, enseignants, médiateurs culturels… tous contribuent à construire et voir grandir cette opération. Eclectisme. Les ateliers se déroulent dans des régions parfois très différentes et dans des écoles très diverses elles aussi. Âges, milieux sociaux, types d’enseignement, types de publics… Cette diversité est une revendication et un atout. Elle permet d’œuvrer au décloisonnement, à la rencontre et dévoile chaque année ses richesses tant en formations que lors des réunions et des Rencontres « Art à l’Ecole ». 3|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Balisage. Une saison « Art à l’Ecole » est très structurée, balisée et demande un véritable engagement pour tout qui y participe : réunions, formations, Rencontres « Art à l’Ecole » où se retrouvent les élèves qui présentent et découvrent les différents chemins artistiques parcourus…
MARGE DE PROGRESSION Chaque médaille a son revers, chaque situation, son paradoxe. Concernant le CDWEJ stricto sensu :
Sur sa faim ? La Belgique est petite mais in fine, le territoire d’action du CDWEJ, lui, est plutôt grand. Pour pouvoir compter sur la diversité préconisée, il est important de maintenir un certain nombre d’ateliers. Cependant, pour donner l’accès à ce type de projets à un maximum d’enseignants, d’écoles, de jeunes… nous veillons à ce que les ateliers tournent et que ce ne soit pas chaque fois les mêmes établissements qui en bénéficient. Mais quid de ces écoles qui souhaitent tant poursuivre et approfondir une démarche artistique ? Quid des brasiers qu’on allume et qu’on ne laisse pas « prendre » sur le long terme ? Il peut être très frustrant pour tous de ne pas pouvoir développer plus en avant un partenariat qui mériterait de l’être, une exploration artistique avec de nouveaux élèves…
Cadre >< souffle ? Une des grandes forces de l’opération est sa structure et son balisage (cf. plus haut). Il est cependant important de rester vigilant à y préserver du souffle, de la liberté, de nouveaux possibles, du temps pour se poser et évaluer ce qui s’y passe, pour évaluer la structure en elle-même. Le danger serait de nous voir nous retrouver à « fonctionner ». L’art à l’école ne peut simplement « fonctionner », l’art à l’école doit « vibrer ».
Nos pistes pour tenter d’éviter les écueils énoncés :
Artistique. Un travail accru avec des artistes associés invités à repenser le projet avec nous. Nous venons par exemple de mettre sur pied « L’Assemblée des Rêveurs », espace de réunions avec la direction (trois rencontres sur l’année) où, avec six artistes, l’opération est remise en perspectives. 4|Page
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Gestion. Octroyer davantage d’autonomie aux binômes artiste/enseignant, aux Partenaires culturels - Points de chute… Favoriser encore davantage les prises d’initiatives…
Collaborations. Les projets internationaux tels que celui qui nous lie présentement à Enfance, Art et Langages sont des espaces de confrontation, de rencontre et de construction qui peuvent permettre de prendre de nouveaux souffles, d’entrevoir la chose quotidienne sous un autre angle et de creuser des thématiques d’importance.
Concernant le contexte institutionnel belge francophone :
La culture : une possibilité ou un droit ? Un décret a vu le jour en 2006, cosigné par la Ministre de l’Enseignement et la Ministre de la Culture. Ce décret encourage les ponts entre arts et écoles en finançant des projets sélectionnés par une commission. Il reconnait d’ailleurs le CDWEJ comme Partenaire privilégié. Ce système a le mérite d’exister mais pose la question suivante : veut-on proposer l’art à l’école sur base du bon-vouloir des personnes en présence (enseignants, directions, inspection…) ou bien adopte-t-on une politique claire et cohérente pour rendre accessible la pratique artistique à TOUS les élèves ? Cette question en entraîne aussitôt une autre : qu’entend-t-on par art à l’école ? Pour notre part, nous défendons bien entendu le principe de travailler AVEC des artistes. Or, cela engendre des coûts. Or, cela bouscule les pratiques. Ce qui n’est certes pas toujours évident à gérer mais ô combien essentiel pour proposer de véritables démarches artistiques et pour garder une société en mouvement…
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Pilotage Le CDWEJ est subsidié principalement par la culture. Un contrat-programme le lie au – ou à la – Ministre en charge des arts de la scène. Ce contrat est renouvelable tous les quatre ans.
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Fiche expérience
Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif
Enfance, Art et Langages Programme de résidences d’artiste en école maternelle à Lyon. La résidence se prolonge trois années au sein d’une même école, située prioritairement en territoire fragilisé. Ce dispositif soumis au regard de chercheurs et accolé à un centre ressources. www.eal.lyon.fr
er
Ecole maternelle les Tables Claudiennes (Lyon 1 ), résidence de Camille Llobet, plasticienne, 2012-13
Ecole maternelle Gilbert Dru (Lyon 7
ème
),
résidence de François Cini, plasticien, 2008-2009
ème
Ecole maternelle Combe Blanche (Lyon 9
), résidence de Myriam Soltani Azad, plasticienne musicienne, 2012-2013
ENFANCEARTETLANGAGES Les Subsistances 8 bis quai Saint Vincent 69001 Lyon Tél. : +04 78 38 62 10 Courriel : enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Directrice Christine Bolze
Assistante projet Anaïs Lavot
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience EAL
Présentation du programme de résidence ENFANCEARTETLANGAGES coordonne un programme de résidences d’artiste en école maternelle pariant sur l’intérêt de l’art et de la création comme langage sensible et fondateur pour le petit enfant. Ce projet original est né à Lyon en 2002 d’un partenariat entre la Ville et des ministères de l’Education Nationale et de la Culture. Le principe est simple : un artiste, quelle que soit sa discipline, s’installe au cœur de l’école maternelle, pour une implantation délibérément longue durant trois années. S’engage alors dans cette durée, un travail d'équipe entre les enseignants, le personnel de l'école, les parents, les équipements culturels de la ville. Enfance, Art et Langages a initié en douze ans, une quarantaine de résidences d’artiste. Chaque année environ 1.200 enfants sont concernés, principalement dans les quartiers priorisés de la ville.
Au-delà de la démocratisation scolaire et culturelle, la démarche de l’artiste observée puis partagée régénère des pratiques scolaires dans de nouveaux modèles éducatifs. Ce processus est soumis au regard de chercheurs en sciences-humaines depuis dix ans. Chaque année, ils produisent des analyses et un propos sur l’expérience artistique à l’école (disponible sur le site internet : www.eal.lyon.fr). Basé aux Subsistances, un centre de ressources en parallèle des résidences, propose documentation, éditions, DVD, colloques, formations sur l’art et l’enfance.
Résidence d’artiste, de l’usage du terme par Enfance, Art et Langages
La dénomination Résidence d’artiste a été choisie dès 2002 à Lyon pour caractériser l’installation d’un artiste dans une école maternelle de la ville. Les Italiens d’Emilie Romagne, dont l’expérience lyonnaise s’est inspirée avaient retenu le mot atelieriste pour nommer l’artiste à l’école. Pourquoi Résidence d’artiste ? Parce que ce terme emprunte plus au monde de l’art qu’à celui de l’enseignement. Le dispositif lyonnais prétend bouleverser l’organisation ordinaire de l’école. Il faut des mots forts, voire étrangers pour bousculer l’ordinaire et s’autoriser une expérience autre. Le dispositif Enfance, Art et Langages entend offrir aux hôtes de l’école les espaces temps et lieu de la résidence. De ceux qui résident, qui habitent l’école. 2|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience EAL
LA RECHERCHE Les résidences en maternelle au sein d'Enfance, Art et Langages (ou EAL), font l'objet depuis 2004, d'études, d'observations et d'analyses par des chercheurs-universitaires, enseignants du premier degré et formateurs en ESPE. Les recherches nourrissent les acteurs des résidences (enseignants, ATSEM1 et artistes) et vice-versa. Les résultats sont communiqués par la publication de rapports, par ailleurs partagés lors de séminaires. L’ensemble des documents produits est accessible sur le site internet d’EAL. Des outils vidéo en ligne, Propositions ouvertes pour l’action professionnelle, décryptent des situations spécifiques.
Les questionnements sur l'art et l'enfance sont au cœur de la démarche d'Enfance, Art et Langages. Le pôle recherche est régi par des conventions triennales avec l'Université Lyon1ESPE, l’EA Education, culture et politique – Lyon2 et l’IFE.
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Agent Territorial Spécialisé en Ecole Maternelle 3|Page
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Partis pris du programme Rencontrer la démarche d’un artiste Plasticien, danseur, ou musicien, l’artiste en résidence partage son univers avec les enfants, les enseignants, les ATSEM, les parents d’une école. Cet artiste n’est pas un pédagogue, pas un éducateur, pas un animateur. Il n’est pas chargé d’enseigner. N’enseigne pas de techniques artistiques, il ne réalise pas d’œuvre non plus dans l’école. Il n’a pas de classe, il a un atelier et occupe aussi les couloirs et les recoins. Il intervient dans l’école avec de petits groupes d’élèves provenant d’une seule classe ou de plusieurs. C’est à la fois très simple et assez inhabituel. Il doit trouver ses marques. L’équipe de l’école aussi. Cela peut prendre un peu de temps et beaucoup de tâtonnements… Que fait-il ? Il introduit dans l’école sa démarche artistique : sa manière de travailler, de voir et d’interroger le monde. Ce qu’il cherche, comment il cherche, la palette de ses matériaux, ses référents théoriques, artistiques, son imaginaire, ses langages et ses propres réalisations qu’il donne à voir. Les productions expérimentées ou réalisées avec les enfants sont le résultat de ce processus. Ce processus fonde la résidence d’artiste en maternelle.
Expérimenter Un certain nombre d’artistes invitent les enfants à entrer dans leur univers artistique, en expérimentant des dispositifs, en proposant des expériences à vivre : expérience d’élaboration d’une intention et d’un projet, expérience de perception en toute audace et en toute sécurité, expérience de soi, expérience esthétique, expérience de l’usage d’outils ou de matériaux peu habituels à l’école, expérience à partir de petits dispositifs inventés et propices à mobiliser les imaginaires. Par exemple : un gant rétroviseur, il s’agit d’un gant d’enfant en laine sur lequel l’artiste greffe un petit miroir, le gant devient un outil d’exploration. Ou encore des courbes de niveau tracées à la craie tout un après-midi, sur le goudron de la cour autour d’une flaque d’eau qui s’évapore sous le soleil, cartographie éphémère. L’enfant est au cœur de la résidence en étant au cœur de l’expérience: il réfléchit, projette, propose, explore, tente, observe, perçoit. Il est présent, concentré, « il va jusqu’au bout » disent les enseignants.
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Interroger les pratiques professionnelles On dit fréquemment que la résidence d’artiste provoque dans l’école un choc des
mondes. Une directrice évoquait « un bouleversement joyeux ! ». L’artiste bouscule et détourne les usages de l’école, les hiérarchies, les flux, les circulations, les espaces, les temps, les matériaux, les mots… Ce bouleversement ne va pas sans heurts que le dialogue cependant, résout. Le dialogue pour mieux se connaître et se comprendre mais aussi pour renouveler les pratiques professionnelles, développer le sens de l’observation et de l’analyse. Intégrer les contextes sans leur être soumis, mettre à distance, interroger les routines, chercher le sens de l’action, aller plus loin et finalement non seulement, comprendre les détournements propres à l’artiste ou à la résidence, mais les souhaiter et les provoquer.
QUESTIONNEMENT EN COURS… 1) Un projet d’équipe L’artiste réside non pas dans une classe, mais dans l’école. Il travaille avec les enfants mais aussi les adultes : les enseignants et les ATSEM, les parents aussi. Faire équipe malgré les nominations tardives et les mouvements de personnels fréquents, malgré les différences de métiers, de cultures professionnelles, malgré les hiérarchies autoritaires… Les temps de concertation sont indispensables. Si des problèmes traversent les équipes, la résidence les révèle, ne les résout pas toujours…
2) Trois ans de résidence et après ? Les premières résidences d’artiste d’Enfance, Art et Langages datent de 2003, 12 ans d’expérience... Une capitalisation, une certaine expertise, des savoir-faire sont là, indéniablement acquis par les acteurs artistes-enseignants-ATSEM. Mais essentiellement acquis individuellement. Transforme la pratique au sein de la classe mais la dynamique au sein de l’école s’émousse assez vite… On peut s’interroger plus globalement sur le partage de ces bénéfices dans chacun des métiers. Le parcours culturel (artistique ?) de l’enfant développé par la circulaire de mai 2013 pourrait apporter des réponses et permettre des aboutissements avec 5|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience EAL
la réforme des rythmes éducatifs. Rendre les métiers plus réflexifs est possible à condition d’avoir ou de prendre le temps de la réflexion.
3) Résidences d’artiste : une méthodologie de l’action culturelle de territoire ? Les résidences décryptées au filtre des recherches livrent une foule de bénéfices pour ceux qui en font l’expérience. Mais qu’en font les commanditaires ? qu’en disent ceux qui les financent ? Comment passer de l’expérimentation, non pas à la généralisation mais à l’essaimage des principes positifs découverts là ? Construire d’autres projets, d’autres formes en conservant la substantifique moelle des résidences ? Alain Kerlan nous dit qu’il manque encore à l’éducation artistique et culturelle un modèle théorique pour en permettre la diffusion cohérente… Nous comptons sur les chercheurs pour avancer en ce sens. Et nous essayons de convaincre par l’énumération d’arguments, afin de dépasser la mise en place d’actions artistiques pour affirmer des politiques d’éducation artistique et culturelle.
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience EAL
Pilotage Enfance, Art et Langages a été créé à Lyon en 2002 à l’initiative de la Ville de Lyon et des ministères de la Culture et de l’Education Nationale. Le dispositif bénéficie aujourd’hui d’un financement majoritaire de la Ville de Lyon (directions de l’Education et de la Culture), et d’un soutien de la DSDEN du Rhône, de la DRAC Rhône-Alpes, et de l’ACSé. EAL est intégré à l’établissement public Caisse des Ecoles de Lyon.
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Témoignage
Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif
Enfance, Art et Langages Bérengère
Valour ,
artiste
chorégraphique livre le témoignage de son expérience d’artiste immergée durant trois ans au sein des maternelles Mermoz A et Mermoz B (Lyon 8ème).
Propos d’artiste Ma démarche d’artiste « Tous les hommes sont libres et égaux dans le déploiement de leur sensibilité », Jacques Rancière. Cette phrase symbolise pour moi l’enjeu majeur de mon travail. C’est dans « tout ce qui met en lien », que je me nourris et m’inspire pour proposer une approche du quotidien par un corps conscient. Le principe des créations in situ, de l’improvisation ou de la composition instantanée, sont les bases du mouvement que je crée.
Vivre la résidence Pour commencer, ce qui caractérise Enfance, Art et Langages et qui étaye l’emploi du terme résidence à mon sens, c’est l’échelle du projet : -
échelle de temps : 3 parfois 4 ans ;
-
échelle d’espace : toute l’école, toutes les classes sont concernées.
Puis il y a l’idée d’interprète et d’auteur qui diffère dans l’approche d’une résidence. Pour moi, dans la résidence en milieu scolaire, l’artiste doit se positionner comme auteur. La question des disciplines et surtout de la formation dans ces disciplines est à prendre en compte dans le démarrage d’un projet de résidence. Par exemple, la formation d’un danseur est avant tout une formation d’interprète alors que le cursus de l’école des Beaux-arts est beaucoup plus basé sur la démarche personnelle de chacun. 1|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche témoignage Bérengère Valour
En ce qui concerne ma résidence, le terme de résidence peut sembler plus ou moins approprié si l’on prend en compte les besoins particuliers d’une recherche chorégraphique (grand espace, sol adapté) ; mais pourtant, ce terme est nécessaire et opportun car il symbolise une présence particulière, une présence dans tous les temps et tous les espaces de l’école. Se faire une place dans l’école, c’est avant tout comprendre comment l’équipe fonctionne, quels sont les moments forts, les rituels presque « chorégraphiques » et, petit à petit, s’immiscer discrètement dans ses moments (les petits-déjeuners partagés, les moments de repas, les temps de récréation dans la cour) pour que la confiance s’installe. Il m’a semblé que nous avons toujours beaucoup avancé dans ces temps informels, assises ensemble sur des petites chaises face à la cour et aux enfants.
Et c’est une question de présence dans tous les sens du terme : -
La présence physique (enfants, artiste, enseignants, ATSEM) nous sommes bien tous ensemble dans l’école.
-
La présence à soi-même (enjeux pour les enfants dans la pratique artistique mais aussi pour les adultes de l’école qui ne peuvent entrer dans le processus que s’ils se distancient de la situation proposée et vécue au présent).
-
La présence à l’instant, qui pour moi est l’étape suivante, celle qui demande d’être à la fois physiquement là, présent à soi-même, et présent avec les autres pour faire et vivre ensemble.
Et la résidence implique que la présence soit perçue malgré l’absence physique par exemple. Par plusieurs stratagèmes, nous avons essayé de faire en sorte que ma présence à l’école soit continue malgré mes périodes de travail à l’étranger. Pendant ces trois ans de résidence j’avais envie de partager ce que je vivais en dehors de l’école avec les enfants, les enseignants, les ATSEM. J’envoyais des mails, des cartes postales, des flyers de spectacles, j’invitais d’autres artistes à venir proposer un extrait de spectacle. Des musiciens à faire des moments de sortie des classes en musique, tous les artistes invités étaient des personnes proches de mon univers et participaient de fait à la compréhension plus globale de qui je suis et de ce que je fais.
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche témoignage Bérengère Valour
Il y a, je crois, le faire et aussi le laisser faire. Lancer des propositions, et voir ce qu’elles produisent. C’est aussi comme ça que je travaille. On voit ce qui marche et ce qui ne marche pas une fois qu’on a essayé. Et à partir de ça on peut discuter, préciser, affiner.
La question de la langue, des langues Une fois la confiance établie, il faut encore parler la même langue ou plutôt trouver un langage commun pour le projet. Et dans mon cas, c’est le langage du corps, le langage sans mots que j’ai essayé de transmettre de trois façons différentes, trois expériences communes et partagées sur trois plans : -
Une expérimentation par le corps lors des réunions – dansée (une heure de danse /une heure de paroles).
-
Invitation à une générale d’un spectacle à l’Opéra pour un spectacle dont je faisais partie.
-
Aller voir un spectacle ensemble, tous en tant que spectateurs, pour que chacun exprime et assume ses impressions, sa sensibilité.
Offrir les conditions matérielles de la création Il y a aussi le fait important que l’utilisation du mot résidence dans le milieu artistique renvoie à une mise à disposition d’espace et de temps mais aussi de moyens matériels qui offrent des conditions de travail pour inventer et créer. Or, une résidence Enfance, Art et Langages donne également les moyens de créer, et quand ce n’est pas en termes d’utilisation de l’école comme d’un lieu de répétition, c’est, en tous cas, en permettant de co-produire financièrement des projets de création.
La question de l’après –résidence Trois points d’interrogation après deux années de recul : Mon projet de départ consistait à lier deux écoles engagées ensemble dans la résidence. J’avais pris le parti de faire les mêmes propositions dans les deux écoles, mais je n’ai pas eu assez de recul sur leurs impacts différents surtout la première année Je me suis rendu compte assez tard qu’en fait, j’avais fait deux résidences ! Et je dirais que l’une a bien marché et l’autre moins bien. 3|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche témoignage Bérengère Valour
C’est un état de fait, mais si l’école a des problèmes ou des tensions internes, alors la résidence, avec la venue d’une personne extérieure, dévoile ces difficultés. Parfois pour les surmonter ; parfois pour les exacerber. Dans les deux écoles, nous avons inventé deux formes différentes pour ne pas passer de tout à rien après la troisième année passée ensemble : « projet parachute », « semaine des arts »… Ces projets « atterrissage » m’ont permis de voir que les apports, les changements dus à la résidence, sont plutôt visibles chez les personnes individuellement et beaucoup moins dans le fonctionnement global de l’école ou de l’équipe. Pour conclure je dirai que si le terme « résidence » se définit par un lieu de recherche dans lequel on vit un temps donné en cherchant des idées, des réponses alors l’école pourrait être considéré comme une résidence longue (…15 ans minimum !) où les équipes changent mais où la création individuelle et collective est toujours singulière et n’est jamais achevée.
Complément vidéo
Cette vidéo est un extrait d’atelier conduit par des artistes dans le cadre d'un stage Enfance, Art et Langages - Inspection d'académie du Rhône en 2010. Les participants devaient composer un court solo à partir d'une écoute musicale puis danser à plusieurs leur propre partition à l'écoute des autres. L'idée de cette expérience conduit à vivre corporellement et personnellement une situation de création artistique, tel qu'on la propose aux enfants dans le cadre des résidences. Les participantes sont des ATSEM, des enseignantes et une artiste plasticienne de différentes écoles EAL.
Extrait vidéo : 04min 26 4|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Fiche expérience
Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif
IN SITU Programme de résidences de création d’une année scolaire entière dans les collèges publics de la Seine-Saint-Denis. En lien avec une structure culturelle, tous les champs de la création artistique contemporaine. L’artiste est accueilli pour mener un travail artistique personnel, poursuite d’un travail de création en cours, ou mise en œuvre d’un travail spécifique pour la résidence. www.seine-saint-denis.fr
© Eric Garault/Picture Tank 2011
© Eric Garault/Picture Tank 2011 Photographies réalisées durant l’année 2010/11 par Eric Garault dans le cadre de sa résidence IN SITU itinérante.
Hôtel du Département Direction de la Culture, du Patrimoine, des Sports et des Loisirs Mission « La Culture et l’Art au Collège » Esplanade Jean Moulin 93006 Bobigny Responsable de la Mission Dominique Bourzeix Tél. : 01 43 93 85 45 Courriel : dbourzeix@cg93.fr
Chargée de Mission Yasmine Di Noia Tél. 01 43 93 76 77 Courriel : ydinoia@cg93.fr
Chargée de Mission Cathie Losson Tél. : 01 43 93 85 45 Courriel : closson@cg93.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience IN SITU
Présentation des résidences d’artistes au collège Le dispositif IN SITU a été créé en 2007. Il consiste à mettre en place, chaque année, onze résidences de création dans les collèges publics de la Seine-Saint-Denis. Concrètement, après un travail de repérage croisé, les artistes sollicités par le Département sont invités en résidence dans un des collèges du département durant une année, sur l’équivalent d’une journée par semaine d’activités scolaire. Tous les champs de la création artistique contemporaine sont concernés. Les artistes sont accueillis pour mener un travail artistique personnel. Il peut s’agir de la poursuite d’un travail de création en cours ou la réalisation d’un projet spécifique, imaginé pour l’occasion. Une structure culturelle est systématiquement associée à la résidence et a la charge de concevoir, avec le résident, un parcours culturel et de le mettre en œuvre. Un local est dévolu à l’artiste au sein du collège pour lui permettre de travailler sur place et matérialiser sa présence dans les lieux.
A noter, sur l’ensemble des éditions, 72 artistes et collectifs y ont participé, 62 collèges en ont bénéficié sur 32 villes, et plus de 20 formes de création contemporaine ont été proposées sachant que, chaque année, aussi bien les artistes que les collèges sont nouveaux.
In Situ : le guide pratique / www.seine-saint-denis.fr/In-Situ-le-guide-pratique.html Ce guide pratique, recense les passages obligés, les conseils, les rappels méthodologiques pour faire des résidences la plus belle réussite possible.
LA RECHERCHE Ce dispositif s’est inspiré d’un ensemble de préconisations formulées par le laboratoire de sociologie ESCOL/ESSI (Paris 8) dans le cadre d’une recherche-action menée en 2005/2006, dont l’objet était de mettre en évidence les conditions propres à favoriser des processus d’acculturation scolaire.
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience IN SITU
En 2014, un rapport commandé par la Mission Culture et Art au Collège à Nathalie Montaya sociologue, maître de conférences à l'Université Paris Diderot s’apprête à paraitre. En 2013, un rapport d’enquête a été produit par le laboratoire d’études du CERLIS (Centre de recherche sur les liens sociaux, Université Paris-Descartes) présentant les principaux résultats d’une recherche collective qui visait à évaluer le dispositif « La Culture et l’Art au Collège » (CAC), financé et piloté par le Conseil général de la Seine-Saint-Denis. Cette étude vise à nourrir la réflexion sur les enjeux de l’éducation artistique et culturelle par une analyse proprement sociologique des représentations et des expériences des acteurs qui y sont engagés sur le terrain. Plus d’informations sur : www.seine-saint-denis.fr/La-Culture-et-l-Art-au-College.html
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience IN SITU
Partis pris du programme Ces résidences de création ont pour but d’expérimenter une rencontre entre des projets artistiques et éducatifs en milieu scolaire, dans une synthèse qui se veut exemplaire. Artistiquement, il s’agit de développer le travail en direction du public collégien en permettant le suivi, le contact et l’échange avec un artiste dans le cadre d’une démarche spécifique. La résidence permet de disposer, tant pour l'artiste que pour les collégiens, d'un temps d'exception vécu au quotidien, en et hors temps/rythmes scolaires habituels, laissant une place possible aux relations directes avec l'artiste dans le cadre de son travail. Elle vise à faciliter l'échange, l'interaction et la rencontre entre la communauté scolaire et l'artiste. Si toute expérience de résidence implique le développement d’une dimension d’accueil et la construction réciproque d’un lien, cela doit se faire dans l’acceptation et le respect du risque expérimental qui constitue l’enjeu de toute création artistique. Il s’agit aussi de créer les conditions du réinvestissement pédagogique de la situation au bénéfice des élèves, de leur développement et de leur apprentissage. La résidence, qui est intégrée dans le volet culturel du projet d’établissement, doit être le point d’appui d’un projet transdisciplinaire mené par une partie de l’équipe enseignante. C’est néanmoins toute l’équipe qui doit être mobilisée sur les enjeux de la résidence : si une ou deux classes seulement sont concernées par un travail plus approfondi en lien avec l’artiste, pour autant la résidence doit induire des effets sur l’ensemble de l’établissement. Et, au-delà du collège, sur le territoire de proximité.
ACQUIS ET MARGE DE PROGRESSION Le défi permanent d’IN SITU est de faire la preuve qu’un projet de mise en partage d’une œuvre et de son processus de création peut s’envisager dans un lien étroit avec les enseignements sans pour autant devenir un «super » support pédagogique. On peut se réjouir que nombre de professeurs, encouragés par leurs chefs d’établissements, arrivent à dépasser les logiques de programme et à construire des séquences pédagogiques à la fois pertinentes et respectueuses du projet artistique. Mais, malgré le recul de sept années et la preuve qu’une telle démarche est possible,
c’est toujours cet aspect qui inquiète les enseignants lorsqu’ils
abordent une résidence. 4|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience IN SITU
Une autre source de satisfaction est de n’avoir jamais dû céder sur la qualité intrinsèque des projets artistiques, l’institution scolaire se révélant plus apte qu’on ne l’imagine à accueillir des propositions originales voire radicales, artistiquement parlant. Enfin, il est satisfaisant de constater que d’année en année, nous avons pu conserver au dispositif une souplesse dans son organisation et dans son contenu et que, là encore, l’institution scolaire a plutôt « joué le jeu » et adapté son fonctionnement pour faciliter les choses même si, çà et là, des rigidités peuvent subsister. Sans oublier que tout cela a pu exister et se déployer grâce à un portage politique déterminé et convaincu qui, aujourd’hui encore, place l’éducation artistique et culturelle au nombre des priorités départementales.
Néanmoins, il s’agit, encore et toujours, d’œuvrer à la connaissance mutuelle de ce que sont les enjeux et les contraintes de chaque acteur de ces résidences. Les chartes, les vadémécums, les séances d’immersion dans les univers artistiques sollicités ou les approches progressives de la vie de classe n’y suffisent pas et il faut continuer à faire preuve d’imagination pour réduire les zones d’incompréhension qui peuvent vite altérer les dynamiques à l’œuvre. Autre aspect interrogé sans véritable réponse : la difficulté à positionner l’élève comme un acteur à part entière de ces résidences, et non comme un simple bénéficiaire. Et un (petit) regret: le constat que ces résidences, pour marquant qu’ait pu être leur déroulement, tombent vite dans l’oubli et ne font pas trace dans les établissements qui les ont accueillies (sauf exception à découvrir ici en zoomant en mode satellite sur le collège Delaune de Bobigny).
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience IN SITU
Pilotage Le Département est l’opérateur et l’unique financeur du dispositif (250.000 € par an sous forme de bourse de création), en partenariat avec l’Education nationale (DSDEN et Rectorat), la DRAC d’Ile de France et son réseau d’acteurs culturels. Deux chargées de mission en assurent le suivi.
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Fiche expérience
Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif
L’Opéra à l’école Op éra de Lyo n Résidences de sept artistes danseurs, comédiens, plasticiens, musiciens durant trois années scolaires (2011-2014) au sein d’une école élémentaire et d’un collège voisins à Vénissieux (69). Expérience soumise au regard de chercheurs. developpement-culturel.opera-lyon.com
© B. Stofleth - Répétition au Studio du Ballet, juin 2013
© B. Stofleth – Représentation à l’Amphi de l’Opéra, juin 2013
Opéra de Lyon Place de la comédie 69203 Lyon cedex01 Tél : 04 69 85 54 54 Courriel : d.culturel@opera-lyon.com Pôle de développement culturel de l’Opéra Responsable Stéphanie Petiteau
Chargée de médiation culturelle Marie Evreux
Chargé de production Ghislain Lenoble
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Opéra à l’école
Présentation des résidences d’artistes au collège L’Opéra national de Lyon a implanté un projet artistique de trois ans dans le quartier des Minguettes à Vénissieux. Les enfants scolarisés à l’école Anatole France puis au collège Elsa Triolet bénéficient d’une expérience artistique de longue durée qui devrait les accompagner et les soutenir dans leur passage, parfois difficile pour certains, de l’école primaire au collège. La durée devrait aussi permettre de mesurer les impacts réels d’un tel projet sur l’ensemble de la communauté scolaire. L’Opéra à l’école est un projet artistique et culturel initié à la rentrée 2011 par l’Opéra de Lyon pour une durée de trois ans dans une école élémentaire et un collège de Vénissieux. Cet investissement culturel se concrétise, tout d’abord, par la présence de trois puis jusqu’à sept artistes en résidence. Ensuite, d’autres artistes, permanents de l’Opéra, interviennent ponctuellement. Les enfants et les jeunes inscrits dans ce projet suivent un parcours de découverte de l’Opéra de Lyon et de ses métiers. Ils participent aussi, en 2014, à la création d’un spectacle qui se produit à l’Opéra de Lyon et lors d’événements organisés à Vénissieux même.
LA RECHERCHE Une recherche « l’Opéra aux Minguettes » a été commanditée dès l’origine du projet par l’Opéra de Lyon à l’Institut Français de l’Education (IFÉ). Elle comporte deux volets : -
une approche par l’anthropologie filmée confiée à Christian Lallier.
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une enquête « compréhensive » menée par le Centre Alain-Savary. Le Centre Alain-Savary est une composante de l’Agence Qualité Education (AQÉ) de l’IFÉ - ENS de Lyon, en tant que centre national de ressources sur les pratiques éducatives dans les établissements et territoires confrontés à d'importantes difficultés sociales et scolaires. Le Centre conduit des études dans le but d’apporter un appui aux acteurs de l'éducation visant ainsi à développer la réussite scolaire et à réduire les inégalités.
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Opéra à l’école
L’étude porte sur les points suivants : -
La connaissance des publics d’action et bénéficiaires du projet en identifiant les profils sociologiques, les habitudes et pratiques culturelles.
-
L’impact de l’action sur les participants (élèves et leurs familles, enseignants, artistes) et les cadres d’actions (projets d’écoles, réseau ECLAIR).
-
L’analyse des dynamiques de partenariats.
La parution de ses résultats de recherches est attendue pour la fin novembre 2014 avec une synthèse numérique librement accessible en ligne. Concernant le rapport complet, il pourra être consulté sur demande via le Pôle Développement Culturel de l’Opéra. L’équipe de recherche rend des rapports intermédiaires. La première année d’observation (2011-2012) a fait l’objet d’un premier rapport intermédiaire. Un deuxième rapport intermédiaire mené par le centre d’études Alain Savary est paru en 2013. Ces documents sont accessibles à la demande auprès du Pôle Développement Culturel de l’Opéra.
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Opéra à l’école
Partis pris Le projet l’Opéra à l’école s’inscrit dans la lignée d’une action territoriale concertée de long terme. Les différents partenaires approuvent les objectifs et participent à la définition des contenus en amont du projet. Ils sont consultés régulièrement, notamment via la réunion du comité de pilotage du projet. Le projet fait l’objet d’une
convention
entre
l’Opéra
de
Lyon
et
les
Services
départementaux
de l’Education Nationale du Rhône. Elle se décline dans les établissements scolaires comme suit : -
À l’école par un avenant à l’axe culturel du projet d’école.
-
Au collège par le contrat d’objectifs et un cahier des charges annuel. Les actions de l’Opéra de Lyon de développement culturel font également l’objet d’un suivi au sein du comité de pilotage institutionnel qui réunit tous les financeurs publics de l’établissement (Ville, Etat, Région, Département) ainsi que l’Education Nationale.
-
Enfin, les actions de l’Opéra de Lyon sur la ville de Vénissieux font l’objet d’une convention entre la Ville et l’Opéra, signée pour trois ans et assortie d’un plan d’actions annuelles.
Au-delà d’une
du
contenu
communication
institutionnel régulière
du
entre
le
partenariat, pôle
de
le
projet
fait
développement
l’objet culturel,
les établissements scolaires, la circonscription de Vénissieux Sud, et les autres partenaires (école de musique, services de la Ville de Vénissieux, etc).
SATISFACTIONS… Au terme de deux années de projet (septembre 2013), des points de satisfaction se dégagent : -
Les élèves acquièrent des compétences fondamentales pour apprendre (expression orale, mémoire, concentration, confiance et estime de soi, posture réflexive…) et grandir (maîtrise des émotions, engagement individuel pour
un
objectif
commun…).
Ils
manifestent
également
leur
plaisir
de partager des moments conviviaux et de se sentir devenir « experts » dans les disciplines artistiques. 4|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Opéra à l’école
-
Le projet permet aux adultes-intervenants (enseignants, artistes, opérateurs culturels) de développer de nouvelles compétences professionnelles (cointervention) et de réinterroger certaines pratiques (évaluation).
-
La relation partenariale construite entre l’équipe de recherche, l’Opéra et les enseignants, soutenue par un retour régulier sur l’avancée de l’étude, contribue à instaurer la confiance et le dialogue entre tous les acteurs.
… ET MARGE DE PROGRESSION Les questionnements actuels : -
La relation aux familles, envisagée initialement comme un axe majeur par l’équipe de l’Opéra, reste ponctuelle et parcellaire. Les informations -orales et écrites- et les invitations régulières à découvrir différentes étapes du projet (dans les établissements scolaires et à l’Opéra) n’ont pas suffi. De nouvelles modalités d’action avec les familles sont envisagées pour la suite (participation à des ateliers de pratique artistique qui leur soient dédiés en dehors de l’univers scolaire notamment).
-
La présence de chercheurs contribue à nourrir des attentes qui ne sont pas réalistes (justification « scientifique » d’une plus-value d’une action artistique à l’école par exemple), dans un contexte où l’on encourage une vision utilitaire des pratiques culturelles.
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Opéra à l’école
Pilotage Le projet est piloté par le Pôle de développement culturel de l’Opéra de Lyon, en partenariat avec l’Education nationale et la Ville de Vénissieux. Il reçoit le soutien de l’ACSé, Clairefontaine et les Fondations Total et France Télévisions.
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Fiche expérience
Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif
Libres comme l’art Programme de résidences de création avec le milieu scolaire pour les artistes professionnels avec l’appui d’un lieu de diffusion professionnel. La résidence se déroule sur l’année scolaire dans des écoles primaires ou des écoles secondaires de l’ile de Montréal au Québec, à raison d’une dizaine de rencontres entre le ou les artiste(s) et les élèves d’une ou plusieurs classes. Son originalité consiste à amener les élèves à participer au processus de création des artistes. Il fait actuellement l’objet d’une recherche pour évaluer ses impacts sur les artistes, les élèves et les enseignants. www.artsmontreal.org/fr/programmes/libres-comme-lart
Résidence des artistes Ximena Holuigue et Geneviève Godin, en 2011-2012 dans une école primaire. Cette résidence a été appuyée par le Centre Turbine (centreturbine.org), qui développe des espaces d’expérimentation jumelant pratiques actuelles en art et en pédagogie.
Conseil des arts de Montréal Édifice Gaston-Miron 1210, rue Sherbrooke Est Montréal (Québec) H2L 1L9 514-280-2599 Canada Conseillère en cinéma et littérature Réjane Bougé rbouge.p@ville.montreal.qc.ca
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Libres comme l’art
Présentation de ce dispositif La participation au processus de création des artistes Le Conseil des arts de Montréal (CAM), la Conférence régionale des élus de Montréal (CRÉ) et le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) ont annoncé le lancement officiel de Libres comme l’art le 21 octobre 2008. Mais ce programme existait déjà à titre expérimental depuis quelques années dans des écoles primaires de Montréal en milieu défavorisé. En effet, ce programme de résidence avait été élaboré par le Programme de soutien à l’école montréalaise (PSEM) pour être inséré dans sa mesure « accès aux ressources culturels » parmi les sept qu’il développe afin de favoriser la réussite des élèves issus de milieux défavorisés et de milieux défavorisés pluriethniques. Dernièrement, le PSEM a changé de nom, pour s’appeler désormais Une école montréalaise pour tous et a été rattaché directement au MELS, tout en gardant ses principales lignes directrices.
Bien que la définition «classique» d’une résidence de création suppose que l’artiste ou l’organisme artistique dispose d’un espace adéquat pour la réalisation du travail de création d’une œuvre, il est à noter que, selon la discipline exercée par l’artiste ou les artistes, et la disponibilité des locaux à l’école où se déroule la résidence, l’espace alloué à la création peut varier d’une résidence à l’autre. La plupart des disciplines artistiques sont admissibles soit : les arts visuels, les arts médiatiques, le cinéma et la vidéo, la danse, la littérature, les métiers d'art, la musique, les nouvelles pratiques artistiques, les arts du cirque et le théâtre.
Parce que les projets Libres comme l’art doivent aboutir à une œuvre qui répond aux exigences de professionnalisme artistique1 du Conseil des arts de Montréal, le projet de résidence doit être porté par un lieu de diffusion professionnel, soit un lieu principalement voué à la diffusion d’œuvres artistiques ou littéraires et dirigé par un professionnel qui fait la sélection des artistes ou des écrivains qu’il présente.
1
Définition de « professionnalisme artistique » tel que l’entend le CAM : « On entend par artiste
professionnel, tout artiste qui, ayant acquis sa formation de base, possède une compétence reconnue par ses pairs, crée, interprète ou publie des œuvres pour diffusion dans un contexte professionnel, se voue principalement à la pratique de son art et reçoit une rémunération pour les œuvres qu'il réalise. » 2|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Libres comme l’art
Les activités mises en place dans le cadre de ce programme doivent s’adresser :
aux élèves fréquentant les écoles primaires publiques ciblées par Une
école montréalaise pour tous ;
aux élèves fréquentant les écoles secondaires publiques de l’île de Montréal (à l’exception des écoles ou des classes à vocation artistique).
L’originalité
du
programme
de
résidence
Libres
comme
l’art
consiste
en
l’importance accordée à la participation des élèves au processus de création ou des artiste(s) lors de la sélection des dossiers. Ces résidences d’artistes sont donc des projets significatifs en rupture avec d’autres projets artistiques dans des écoles, puisqu’elles se déroulent sur une longue durée et constituent des situations où les adultes et les enfants doivent prendre des décisions ensemble pour créer une réalisation artistique professionnelle.
Participer au processus de création Les artistes sont sélectionnés sur dossier à partir de la présentation de leur projet de création et des activités prévues avec les élèves. Les résidences de création Libres comme l’art impliquent les élèves dans un projet de plusieurs semaines avec des artistes professionnels en fonction de trois aspects : l’appréciation artistique, la rencontre avec divers aspects de la création et la participation à la création (proposer des idées, gérer une partie du projet…). Lorsque les élèves participent au processus de création en partenariat avec un artiste, ils peuvent comprendre que l’expression artistique n’implique pas seulement un désir d’expression, mais aussi un travail
de recherche des moyens à mettre en œuvre pour
dépasser
les contraintes. Ce travail consiste en une mise à l’épreuve des procédés de création. Le processus de création implique d’entrer dans un processus décisionnel. Les élèves sont donc amenés à soumettre des idées aux artistes et à exercer des choix artistiques avec eux.
Faire des choix artistiques Le travail ne se limite pas à une résolution de problème qui consisterait à surmonter des contraintes de départ. Si l’artiste vise intentionnellement à réaliser ce qu’il pressent, il n’est pas toujours en mesure de pleinement déterminer les contours de son 3|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Libres comme l’art
œuvre dès le début de son élaboration. Au cours du processus de création, les élèves sont donc amenés à faire des choix artistiques en collaboration avec les artistes. Le processus de création consiste en une mise à l’épreuve d’intentions artistiques, l’artiste expérimentant et vérifiant la pertinence de ses intentions artistiques dans l’expérience de leur matérialisation ou de leur conceptualisation. Les artistes formulent parfois les intentions mais invitent toujours les élèves à les mettre à l’épreuve. Ainsi ils demandent aux élèves de faire appel à leur sensibilité et en même temps, ils leur rappellent que la mise à l’épreuve sensible implique le regard de l’autre, donc une certaine forme d’objectivité. Par conséquent, dans ces résidences, la participation des élèves au processus de création diffère sur de nombreux points de la participation demandée aux élèves habituellement en classe, même si elle se déroule dans un contexte scolaire en respectant ses contraintes : les élèves peuvent prendre des décisions en faisant appel à leur nécessité intérieure, tout en prenant en compte les attentes d’un public potentiel.
LA RECHERCHE En 2012, le Conseil des Arts de Montréal et la Conférence régionale des élus de Montréal ont mandaté Myriam Lemonchois, professeure à l’Université de Montréal, pour réaliser une recherche sur les impacts des projets Libres comme l’art sur les élèves, les enseignants et les artistes (2013-2014). Ce projet de recherche a été élaboré suite à une recension de la littérature de recherche sur les projets de résidence d’artistes dans des écoles dans quatre pays : États-Unis, Grande-Bretagne, Australie et Canada afin de déterminer d’un côté les difficultés rencontrées par les chercheurs, de l’autre les apports pédagogiques et les apports artistiques constatés. Une dizaine de résidences en cours ou terminés ont été sélectionnées, certaines se déroulant au primaire, d’autres au secondaire, et l’ensemble essayant de couvrir l’ensemble des disciplines artistiques admissibles au programme Libres comme l’art. La méthodologie de recherche adopte une approche qualitative avec plusieurs instruments de collecte de données : des entretiens semi-directifs avec des artistes, des enseignants et des groupes d’élèves ayant participé au projet Libres comme l’art. Quelques résidences ont pu faire l’objet d’observations approfondies durant leur durée. Les résultats de la recherche doivent être présentés à l’automne 2014. 4|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Libres comme l’art
Paroles d’élèves, d’artistes ou d’enseignants Lors de la création d’un conte musical avec des élèves du premier cycle du primaire, jamais les décisions qui ont été prises par les enfants n’ont été considérées comme des choix définitifs par les artistes. Mais les élèves semblent ne pas avoir été gênés par le fait que les décisions qu’ils avaient prises n’étaient pas définitives ou qu’elles n’aient pas été incorporées dans le produit final :
S’ils le mettent là, on serait content, parce que notre choix est mis dans le spectacle, mais si jamais ils ne sont pas là, on se dirait au moins qu’on s’est laissé exprimer, même s’ils les ont pas mis, au moins on a pu dire notre personnalité, les choix qu’on a choisis. Les élèves ajoutent qu’ils se sont sentis comme des créateurs, créatrices parce qu’ils ont pu exprimer leur personnalité dans le processus de création, même si tous leurs choix n’ont pas été intégrés dans le produit final. Une élève ajoute :
Ce que j’ai préféré c’est choisir les musiques, parce que c’est des choix à nous, et pas des choix à d’autres. L’enseignant reconnaît qu’il y a un décalage entre l’attitude de l’artiste envers les élèves et la sienne : les artistes avaient au départ confiance en leurs idées,
en leurs capacités, en leur effort, en leur motivation. Lorsque les artistes ont sollicité la participation des élèves, ils affirmaient ignorance en affirmant ne pas savoir quelle musique. Le travail au sein du projet devait se faire dans un esprit égalitaire : toutes les opinions, y compris celles des élèves, pouvaient être entendues, étant donné qu’elles étaient toutes issues de personnes considérées comme compétentes dans leur créativité et leur sensibilité artistique. Les élèves pensent que les artistes n’ont pas exercé une autorité sur eux, tout comme, parfois, peut le faire leur enseignant, mais que le prof, quand il est prof,
il est sévère. Ils rappellent ainsi que dans le rôle d’explicateur de l’enseignant induit une relation pédagogique inégalitaire. Les propos des élèves rappellent ceux de Rancière (1987), lorsqu’il affirme que l’artiste a besoin de l’égalité comme
l’explicateur a besoin de l’inégalité (p. 54). La reconnaissance des élèves, dans un rapport égalitaire entre adultes et enfants, n’est pas sans rappeler le projet d’émancipation décrit par Rancière (1987, 2009).
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Libres comme l’art
Pour les artistes intervenir auprès de jeunes enfants ou d’adolescents est un défi. Une artiste rapporte son expérience en début de projet :
ça a été un défi pour moi et peut-être un peu plus complexe pour eux (les élèves). Parce que je ne suis pas arrivée en disant on va faire ça ça ça et ça va donner ça. Parce que je ne le savais pas. Je voulais vraiment cette fois-là y aller en création complète tout en ayant une matière première qui était définie : les adolescents. Un élève du secondaire dit qu’avant le projet avec les artistes, il allait à l’école par obligation sans y prendre plaisir : c’était « fais ce que t’as à faire puis tu rentres
chez toi après ». Et ce même élève constate que durant la résidence : On a créé des liens avec les artistes, mais aussi dans le projet, il y a aussi les enseignants qui sont impliqués puis ça aussi ça a fait des liens aussi. Une autre élève du secondaire : Moi je trouve que ce projet m’a appris qu’on peut
aller vers d’autres affaires, ben pas d’autres affaires, mais d’autres projets pour s’intéresser… Parce que moi, habituellement, j’étais toujours « je fais mes affaires, je fais mes affaires ». Je voulais rien savoir d’autres affaires. Mais quand tu t’aventures dans quelque chose que tu connais pas, t’apprends quelque chose de nouveau, tu vois que c’est intéressant.
Identité Montréal Nord, murale réalisée en mars 2010 par Patrick Dionne et Miki Gingras (Diasol) en collaboration avec des élèves du secondaire. Ce photomontage a été réalisé avec des caméras obscura, un Brownie 1957 pellicule couleur 2 1/4. La lentille a été retirée pour mettre un sténopé, tous les gens ont été photographiés dans des poses d'environ 8 à 12 secondes. La résidence a duré environ 7 mois et le montage environ 4 ou 5 mois. 6|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience Libres comme l’art
Pilotage Ce dispositif de résidence d’artistes a été élaboré par programme par le Conseil des Arts de Montréal (www.artsmontreal.org), la Conférence régionale des élus de Montréal (credemontreal.qc.ca ) et le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du
Sport
(MELS)
par
son
programme
Une
École
montréalaise
pour
tous
(www.ecolemontrealaise.info).
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Fiche expérience
Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif
La classe artistique Collège les Escholiers de la Mosson De septembre 2011 à juillet 2014, une classe de collégiens bénéficie (de la 6ème à la 3ème) d’un vaste parcours de pratiques artistiques intégrées aux enseignements et conduites par des artistes, dans le but de favoriser la réussite scolaire des élèves. www.heraultmusiquedanse.fr
© HMD
© HMD
Depuis de nombreuses années Hérault Musique Danse œuvre pour favoriser la rencontre entre les artistes et les élèves et la pratique d’une discipline artistique. Les bilans témoignent de l’impact positif des pratiques artistiques sur le développement personnel des élèves. Mais de tels projets restent trop souvent à l’initiative d’un ou deux enseignants, et n’étant pas inscrits dans la durée et encore moins intégrés au projet pédagogique de la classe, les bénéfices potentiels sont sous exploités. Hérault Musique Danse, le Conseil général de l’Hérault et le collège les Escholiers de la Mosson (ECLAIR) ont perçu la nécessité d’aller plus loin et ont conçu une alternative pédagogique en s’appuyant sur les pratiques artistiques. Choix a été fait de travailler avec des artistes ayant une réelle activité de création et d'explorer différentes formes d'art. La participation des artistes sort de l'habituelle logique d'intervention sous forme d'atelier et doit nourrir leur propre recherche. Les mêmes élèves de « La classe artistique » bénéficient du dispositif durant quatre années.
Hérault Musique Danse Tél. : 04 67 45 71 10 Courriel : contact@heraultmusiquedanse.fr Chargée de mission Françoise Heulin
Directrice Sabine Maillard
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Présentation de la classe artistique Les pratiques artistiques sont inscrites dans le projet pédagogique de la classe et dans l’emploi du temps des élèves, chaque enseignant cédant une part de son volume horaire annuel aux pratiques artistiques. Les élèves bénéficient chaque année et pendant 4 ans d’environ 150 heures de pratique artistique réparties sous forme d’ateliers hebdomadaires de 3 heures et de trois mini-résidences de 3 ou 4 jours. Il est important de signaler que les élèves n’ont pas été sélectionnés : la composition de cette classe ne s’est pas faite sur le volontariat mais sur des critères classiques de constitution d’une classe. Les “pratiques artistiques”, sont ici considérées comme un terme générique désignant à la fois les ateliers de pratique, la rencontre avec les œuvres, le spectacle vivant, le regard du spectateur. Un partenariat a donc été élaboré avec trois structures culturelles de la ville de Montpellier (le théâtre Jean Vilar, le Centre Chorégraphique National et le domaine d’O).
o
En 2010/2011 (6ème), présence de la Cie de danse Les Gens du Quai dirigée par Anne Lopez.
o
En 2011/2012 (5ème), présence de la Cie de théâtre de l'Astrolabe, et l’écrivain,
Jean-Daniel Dupuy. o
En 2012/2013 (4ème), Présence de la musicienne saxophoniste Maguelone
Vidal et de l’écrivain Jean-Daniel Dupuy. o
En 2013/2014 (3ème), présence de la compagnie de théâtre U Structure Nouvelle
LA RECHERCHE Cette expérimentation, est accompagnée et évaluée par Alain Kerlan, philosophe de l’éducation et membre de l’EA Education Cultures et Politiques (Lyon2/ENS/IFE). Une équipe de recherche « Art et éducation » constituée par Françoise Carraud, Céline Choquet, Samia Langar, et Marie-Christine Pipérini a d’ores et déjà produit deux rapports de recherche en 2011 et un 2012.
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
L’évaluation et la recherche scientifique concernent l’impact des pratiques artistiques sur les apprentissages, le développement personnel des élèves et le lien social mais aussi la transformation des pratiques des enseignants.
La synthèse du rapport scientifique réalisée par Alain Kerlan sur ces quatre ans de classe artistique à Montpellier est accessible dès la fin octobre 2014 via le site Hérault Musique Danse.
Pour plus d’informations sur les différents documents disponibles :
www.heraultmusiquedanse.fr/observations-et-evaluations.html
recherche.univ-lyon2.fr/ecp/ressources/axe-3
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Partis pris OBJECTIFS ET ATOUTS Quatre principes fondamentaux avaient été retenus :
Mettre la pratique artistique au centre de la pédagogie, tout en garantissant l’intégralité des enseignements obligatoires. Par pratique artistique on entend aussi bien l’expérimentation physique en atelier (du côté de la création) que la découverte culturelle et l’histoire des arts (du côté de la réception).
Ne pas opérer de sélection dans le recrutement des élèves de la classe. La classe artistique de 6e est constituée de la même manière que les autres classes, sans désir de spécialisation artistique.
S’appuyer sur le travail d’équipe entre les enseignants des différentes disciplines et les artistes représentant la diversité des champs artistiques.
Respecter le travail de l’artiste en reconnaissant la contribution éducative de l’art sans l’instrumentaliser à des fins pédagogiques.
Les effets positifs constatés en classe de 6e s’affirment au fil des ans, aussi bien au niveau collectif qu’individuel car les pratiques artistiques créent une alchimie positive dans la classe. Les enseignants et l’équipe de recherche ont déjà noté des progrès en matière de relation aux autres, d’estime de soi, de confiance en soi et d’ouverture au monde par la fréquentation régulière des œuvres et des artistes qui stimule une curiosité intellectuelle qui fait souvent défaut aux élèves. L’acquisition est aussi remarquable en termes d’autonomie, avec la prise en charge par les élèves de leur vie d’élève dans la classe et en dehors de la classe, et en termes d’écoute des consignes qui favorise une plus grande rapidité dans la mise au travail. Concernant les résultats scolaires ce n’est pas spectaculaire, mais contrairement aux autres classes, les élèves perturbateurs n’arrivent pas à tirer la classe vers le bas et les bons élèves s’autorisent à être bons ; cette classe obtient des résultats satisfaisants au sein de cet établissement mais ces derniers restent faibles au regard des moyennes nationales (il faut toutefois rappeler que le collège est classé en zone d’éducation prioritaire). 4|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
La méthode de travail, proposée et coordonnée par Hérault Musique Danse est construite
sous
forme
de
réunions
de
régulation
et
de
modules
de
Formation/Action/Recherche. Elle adopte ainsi un processus d’observation, d’analyse et de régulation interne qui permet d’identifier, de noter et de signifier les effets sur les élèves et sur l’équipe pédagogique ce qui permet aussi d’éclairer le dispositif, de le reconsidérer et de re-questionner les objectifs, de façon à pouvoir décider avec justesse de la suite des événements. Cette méthode de travail est inédite en collège et semble répondre au désir des enseignants de travailler “autrement” et “ensemble” et a de ce fait un effet dynamisant sur l’ensemble de l’équipe enseignante et éducative. La
classe
artistique
est
aussi
repérée
comme
classe
pilote
au
sein
de
l’établissement. L’élaboration du projet pédagogique a amené l’équipe enseignante et éducative à s’interroger sur la structuration du temps de l’élève : un nouvel emploi du temps, mis en place dès la rentrée 2010 pour les élèves de la classe artistique, propose des séances d’1h30 (au lieu des 55 minutes ordinaires) pour permettre une installation plus efficiente des élèves dans l’activité scolaire. Ce nouvel emploi du temps qui s’est révélé très positif à la fois pour les élèves et pour les enseignants a été adopté par tout le collège à la rentrée 2011.
MARGE DE PROGRESSION Lors de la présentation de son rapport scientifique de l’année de 4e, Alain Kerlan souligne deux éléments dominants :
Tout d’abord, il constate la difficulté pour l’enseignant de s’inscrire réellement dans l’atelier ; Il s’interroge particulièrement sur la place, et les rôles que l’artiste réserve ou assigne aux enseignants et relève aussi la difficulté pour ces derniers d’être, lors d’un atelier, à la fois participant, garant de l’ordre scolaire, pédagogue et observateur.
D’autre part Alain Kerlan relève une anxiété très présente chez l’élève malgré l’impact positif de la pratique artistique concernant la découverte de soi, une aisance relationnelle entre eux et avec les adultes et la capacité à se projeter dans l’avenir. Ce caractère anxiogène serait donc peut être à interroger du côté du collège et de la scolarité « ordinaire », mais il précise aussi que la classe de 4e est, pour tout élève, une classe charnière, où les problématiques de l’adolescence sont exacerbées, même en dehors de la question des pratiques artistiques. 5|Page
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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Pilotage Le projet est coordonné par l’association Hérault Musique Danse. HMD est conventionné par le Conseil général de l'Hérault et la Direction Régionale des Affaires Culturelles du Languedoc-Roussillon. Le projet reçoit le soutien de la Fondation de France, la Caisse des dépôts direction régionale du Languedoc-Roussillon, la Fondation BNP Paribas, la Maïf, La Fondation d'entreprise La Mondiale, l'ACSE ainsi que la Ville et l'Agglomération de Montpellier dans le cadre du CUCS. La Fondation de France a récompensé la classe artistique par un “Laurier national” en 2012.
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Fiche expérience
Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif
MUS-E ® à l’école Samain Trulain - Lille L'école d'application Samain Trulin à Lille expérimente la mise en place d'ateliers MUS-E® pour l'ensemble de ses dix classes et sur une période de cinq ans. Le principe du programme MUS-E® repose sur l'intervention hebdomadaire d'un ou deux artiste(s) autour d'un projet de pratiques artistiques, spécifique à chaque classe. www.mus-e.fr
© Marc Helleboid
© Danièle Bertotto
Tél. : (+33) (0) 3 88 56 99 75 Courriel : info@mus-e.fr
Directrice artistique Isabelle Marx
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Présentation du dispositif MUS-E® en général Le programme MUS-E® introduit les arts à l'école primaire en proposant une pratique artistique régulière à un public d'enfants de 6 à 11 ans d'écoles dites « sensibles ». Le projet a la vocation de participer à la prévention de la violence, du racisme et de l'exclusion sociale, à travers l'ouverture aux différentes cultures et l'éveil du potentiel créatif de chacun. Les ateliers sont animés par des artistes professionnels, en temps scolaire et en présence des enseignants. Ils durent une année scolaire, à raison d'une intervention d'1h30 par semaine, soit 45 heures par an. Le projet est conçu en amont avec la direction de l’école et l’enseignant, présent lors des séances; et peut regrouper plusieurs disciplines. Dans l’idéal, les ateliers s’inscrivent sur plusieurs années scolaires consécutives avec les mêmes enfants, comme c'est le cas à l'école d'application Samain Trulin à Lille. MUS-E® défend : o
la notion de démarche artistique où l'enfant expérimente, se trompe, s'investit dans un parcours personnel et collectif ;
o
la pratique artistique : ancré dans l’expérience, les ateliers stimulent le plaisir de la découverte, la curiosité, l’intérêt et l’accès à d’autres savoirs, savoir-être et savoir-faire ;
o
l'art comme outil de communication pour accéder à des cultures différentes pour promouvoir l’ouverture, le lien social, l’apprentissage et le respect des différences.
En œuvre dans 11 pays, le programme MUS-E® s’adresse aujourd’hui à environ 55.000 enfants de 550 écoles primaires, grâce à l’appui de l’Union Européenne, de nombreux gouvernements nationaux et régionaux et de partenaires privés. Près de 1.000 artistes sont impliqués dans ce programme. Le projet MUS-E® « Music at School » fut initié en 1993 par Yehudi Menuhin. Il s'inspire pour ce faire, du concept d'éducation musicale du compositeur, ethnomusicologue et pédagogue hongrois Zoltán Kodály, qui pensait que la musique devait faire partie du quotidien et qu'elle devait être accessible à tous. Yehudi Menuhin élargit le concept de Kodály en l'adaptant à la réalité actuelle de la multiculturalité. L'association Courant d'Art coordonne le programme MUS-E® depuis 2006 en France. 2|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif Fiche expérience CDWEJ
Présentation de l’expérience MUS-E® à Lille Entre 2009 et 2011, l’école Samain Trulin bénéficie de 2, puis 3 projets MUS-E® pour l'établissement. En 2011, l’équipe enseignante demande l'étendue du programme à l'ensemble de ses dix classes en faisant le pari que l’ouverture culturelle combinée avec le dire permettra d'améliorer le lire et l’écrire. Ainsi depuis trois ans, ce projet concerne dix classes soit les 203 enfants de l’école, du CP au CM2, les dix enseignants et onzeq artistes s’y rattachant. La directrice de l’école et Courant d'Art assurent la coordination d’ensemble, suivi également par l’inspecteur et le conseiller pédagogique de la circonscription. Chaque classe est engagée dans un projet bi-disciplinaire et spécifique, en lien avec son projet de classe et celui de l'école. Cela permet d’articuler des apprentissages à visée scolaire et esthétique. Les enseignants choisissent parmi les disciplines suivantes : danse, théâtre-conte, arts plastiques/visuels ou cirque. Cette année, onze artistes interviennent tout au long de l'année dans l'école, à raison d'un ou deux artistes par classe (les artistes peuvent intervenir sur deux projets différents). Il ne s’agit pas d’une résidence d’artiste, au sens strict du terme mais les artistes sont installés durablement dans l'école, dans et hors les salles de classes selon l’évolution d’une œuvre en marche.
Les ateliers, centrés autour de la pratique, se caractérisent par une forte et continuelle sollicitation des enfants : le projet artistique évolue au cours de l'année dans une démarche participative des enfants selon un échange constant entre eux, l'artiste et l'instituteur. Le projet se transforme avec les enfants, grâce à leurs apports, leurs idées, ce qui en fait d'une part toute la richesse et ce qui leur permet d'autre part d'y adhérer totalement en se l'appropriant. Ils sont acteurs de leur création, utilisant les outils amenés par l'artiste, accompagnés par leur instituteur, le tout créant une dynamique de confiance, de responsabilisation et de créativité. Les ateliers sont complétés par, au moins, une visite culturelle (exposition, concert, représentation théâtrale, ..). Des temps de performances et d’expositions devant les parents sont prévus afin de présenter des résultats ou les étapes du projet traversées par les enfants, durant et à l'issu de l'année scolaire. 3|Page Enfance Art et Langages | Les Subsistances à Lyon 04 78 38 62 10 |enfance-art-langages@mairie-lyon.fr
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LA RECHERCHE Une évaluation a été commandée auprès d’universitaires sur la période 2011-2013, soit les deux premières années de la mise en place de ce projet de cinq ans, à partir d’une recherche de terrain (Rapport sur des « effets de l’éducation artistique à l’école », Baeza C., Le Floch M-C., Loeffel L., dec 2013). Ce rapport est disponible sur le site de Mus-e, dans la rubrique Galerie/Documents à télécharger et également ici.
En prenant appui sur le cadre général de réflexion du réseau MUS-E® et sur la philosophie de l’évaluation propre au programme MUS-E® France, la recherche avait pour objectif d’évaluer les effets des pratiques d’éducation artistique sur les apprentissages, la qualité du vivre ensemble dans la classe et plus largement dans l’école (comportement, attitude des élèves) ainsi que le développement personnel de chaque enfant. L’objectif était plus précisément d’articuler ces dimensions de la vie des élèves à partir d’une hypothèse : les pratiques d’éducation artistique réunissent les conditions d’un « apprendre autrement » générateur d’un mieux-être des élèves. Le propre des dispositifs et des situations d’éducation artistique est en effet de faire bouger les frontières du « scolaire » ainsi que les catégories de l’éducation et de l’enseignement : les instruments de ces déplacements en sont les artistes eux-mêmes, ce qu’ils apportent et ce qu’ils disent de leur engagement dans ces actions éducatives au sein des écoles ; les enseignants et leurs motivations à s’engager dans ce type de projet, les croyances qui les inspirent ; l’art en tant que tel comme objet non scolaire ; les dispositifs en eux-mêmes et les situations qui tendent à bousculer les normes traditionnelles de la forme scolaire, en particulier l’espace et le temps, les modalités du travail scolaire, la place accordée à la créativité, à la sensibilité et au corps des enfants. Au fond l’hypothèse était que dans le bouleversement de « l’ordinaire scolaire » se trouveraient les conditions d’un rapport de l’enfant à lui-même favorisant une meilleure estime de soi, une meilleure appréciation de ses compétences, une capacité d’action plus importante sur lui-même et sur son environnement, une plus grande autonomie.
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Partis pris du dispositif Des ateliers de pratique artistique L’art est abordé à travers une pratique régulière. Ainsi les artistes MUS-E® orientent leur méthodologie vers l'expérience directe : il s'agit non pas d'apprendre de l'art, mais par l'art. L'art est au service du participant en activant ses ressources, tant comme individu que comme être social. La priorité doit être donnée à un investissement dans les domaines du rythme, l’espace, la perception sensorielle, le jeu et l’imaginaire. Apprendre, c’est faire des expériences concrètes. Entrer dans un processus de création L’artiste doit rendre accessible le processus de création, se servir de sa méthode et de son expérience, et permettre aux enfants de développer leur potentiel de créativité. Il met sa vision au service des enfants pour leur donner d’autres perspectives pour s’exprimer, entrer dans un processus de création personnelle et collective. Un rôle-clé dans l’éducation de la multiculturalité Les ateliers constituent un excellent moyen d'aborder des cultures différentes et ainsi promouvoir l’ouverture, le lien social et l’apprentissage et le respect des différences. Une collaboration étroite enseignant-artiste L’artiste crée toutes les conditions pour que les enseignants puissent collaborer étroitement au déroulement du projet, dans le respect du projet global de l'école. L’enseignant est toujours présent lors des interventions. Il participe aux séances selon une dynamique propre à chaque binôme artiste-enseignant. Pas d'obligation de productions ! Mettant les enfants au centre des ateliers, pleinement sollicités sans être contraints, le programme MUS-E n'exige pas la mise en place d'un « rendu final »! Ainsi enseignant et artiste conviennent avec les enfants de la possibilité/envie/pertinence d'une restitution et de sa forme (étape de travail, blog, exposition, représentation...).
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MARGE DE PROGRESSION 1. Sur le long terme : 1 an voire plus MUS-E® a la spécificité d'inscrire son action dans la régularité et la durée : 30 séances par an réparties au fil de l’année, sur une période d'un an minimum avec les mêmes élèves ; afin que chaque enfant puisse bénéficier de 45 heures de pratique artistique par an. Il s'agit de passer de la simple sensibilisation à une pratique régulière source d'apprentissages multiples y compris d'apprentissages fondamentaux. À ce jour, ce point semble aller à l'encontre de la structuration des programmes scolaires.
2. Une forme scolaire en mouvement Si les ateliers reposent sur la dynamique du binôme enseignant-artiste, celle-ci n'est pas aussi évidente à mettre en place et à vivre. Des concertations régulières entre les artistes et les enseignants sont nécessaires pour clarifier les attentes, le fonctionnement du partenariat, chercher des solutions aux problèmes soulevés par certains enfants ou par le groupe, négocier les limites de territoire de l'artiste et de l’enseignant. En cas de besoin, Courant d'Art accompagnent les artistes et enseignants dans ce processus délicat.
3. La diversification et pérennisation des partenariats Les ateliers (intervention, matériel, transport, sortie) sont entièrement financés par Courant d'Art. La recherche de financements constitue la principale mission et difficulté de Courant d'Art. À ce jour, à la vue des spécificités de chaque territoire et de nos moyens pour la coordination, il nous est difficile d'étendre le programme à davantage de villes (malgré les demandes). D'où une réflexion sur une nouvelle structuration à l'image d'autre pays européens, telle que l'Italie ou l'Espagne.
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Pilotage Depuis 2006, et en qualité de coordinateur national, l'association Courant d'Art a la mission de construire et développer un réseau sur le territoire français, en partenariat avec d'autres associations implantées dans différentes villes qui œuvrent aussi en faveur de l'éducation artistique. Les premiers ateliers MUS-E® furent initiés à Strasbourg dans le cadre de la politique de la Ville (à ce jour 85 % de financements publics). Grâce aux dons privés, le réseau MUS-E® France s'est étendu en 2008, 2009 et 2010 aux villes de Paris, Lyon et Nancy. La Fondation de l'Orangerie soutient également le programme MUS-E depuis 2009 et finance désormais 12 classes MUS-E ® à Lille. Depuis son implantation en France, le programme MUS-E® a touché 4.350 enfants dans cinq grandes villes françaises grâce à l’implication de 83 artistes.
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