Fiche de plaidoyer | De l’inconstitutionnalité de l’article 230 du Code pénal

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De l’inconstitutionnalité de l’article 230 du Code pénal Fiche de plaidoyer

Avec le soutien de l'Institut français de Tunisie

Tunis, mars 2021 www.adlitn.org



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De l’inconstitutionnalité de l’article 230 du Code pénal Fiche de plaidoyer

Élaborée par :

Pr. Wahid FERCHICHI et Mohamed-Amine JELASSI

Tunis, mars 2021

Avec le soutien de l'Institut français de Tunisie

L'illustration de la couverture est réalisée par l'artiste Othmen Selmi pour la Legal Agenda; Nous le remercions vivement ainsi que la Legal-Agenda pour avoir accepté que nous utilisions cette oeuvre.


De l’inconstitutionnalité de l’article 230 du Code pénal « La criminalisation de l’homosexualité porte atteinte à la dignité humaine » Cour d’appel de Tunis 17 mai 20191

L’homosexualité masculine et féminine est criminalisée par l’article 230 du Code Pénal (C.P.)2, mais c’est surtout l’homosexualité masculine qui fait l’objet de répression judiciaire et policière. De surcroit, l’homosexuel peut être menacé si son identité sexuelle est manifestée en public. Cela s’explique par l’application ou la simple existence de l’article 230 criminalisant les relations sexuelles en privé entre adultes consentants de même sexe. Sa simple existence permet aux autorités de harceler, d’intimider ou de recourir à des pressions inappropriées pour leur extorquer des déclarations et des aveux. En outre, le terme « sodomie » utilisé dans l’article 230 dans sa version française et Liwat et mousahaqa dans la version en langue arabe ; sont vagues et imprécis. Par conséquent, cette imprécision a engendré une atteinte aux principes constitutionnels de non-discrimination et de l’égalité devant la loi ainsi qu’aux droits et libertés garantis par la Constitution de 2014. 1- Publié et commenté en langue arabe sur le lien suivant : https://cutt.ly/Lk5MvsU Et en langue anglaise : https://english.legal-agenda.com/tunisian-court-defendsadvocacy-of-homosexual-rights/ 2- La traduction exacte du texte arabe de l’article 230 du C.P. est la suivante : « E’liouat (homosexualité masculine) ou El Mousahaka (homosexualité féminine), si elle ne rentre dans aucun des cas prévus aux articles précédents, est punie de l’emprisonnement pendant trois ans.


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L’article 230 contredit les principes constitutionnels du droit pénal : 1.1. L’article 230 se contredit avec le droit à un procès équitable

L’article 27 de la Constitution garantit à tout inculpé le droit à un procès équitable « qui lui assure toutes les garanties nécessaires à sa défense en cours de poursuite et lors du procès. » Or, des avocats représentants des hommes arrêtés et soupçonnés d’avoir commis l’acte de « sodomie » ont déclaré que la police les avait rudoyés, insultés et menacés de leur faire avouer qu’ils étaient homosexuels, et avait tenté de les persuader de subir un examen anal.3 Selon l’article 29 de la Constitution : « Nul ne peut être arrêté ou détenu sauf en cas de flagrant délit ou sur la base d’une décision judiciaire… » ; D’où on se demande : quel est le cas flagrant délit en matière de sodomie (liwat et mousahaqa)? D’ailleurs en se référant aux termes mêmes de l’article 230 du C.P. nous réalisons qu’ils ne précisent pas le sens de la sodomie. Par la suite, cet acte incriminé par le C.P. est vu comme un acte contre nature et immoral. Il s’agit même d’un acte inscrit dans les crimes moraux puisque l’article 230 se situe dans la Section III du C.P. intitulée « Attentats aux mœurs ». Les articles 49 et 102 de la Constitution, font des tribunaux et des magistrats les garants des droits et libertés. Parmi ces droits : le droit à un procès équitable. L’article 108 de la Constitution garantit à tous les citoyens et à toutes les citoyennes le droit à un procès équitable et dans un délai raisonnable ainsi que l’égalité devant la justice. Mais, une fois comparu devant la justice, la personne homosexuelle n’est pas traitée de manière égale aux personnes comparues pour d’autres motifs. L’article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (P.I.D.C.P.) dispose : « tous sont égaux devant les 5


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tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial ». Dans plusieurs affaires, les tribunaux se basent sur des preuves illégales comme le test anal pour condamner des personnes soupçonnées d’avoir commis l’acte de « sodomie ». Le juge n’engage pas une enquête pour vérifier si les aveux des accusés ont été extorqués sous la contrainte. Il ne vérifie pas si les procès- verbaux rédigés par la police étaient signés par les accusés sous la contrainte.

1.2. L’article 230 ne respecte pas le principe de la présomption d’innocence En vertu du principe de la présomption d’innocence (article 27 de la Constitution), lorsqu’un accusé affirme au cours du procès qu’il a été contraint de faire une déclaration, il incombe à l’accusation de prouver que les déclarations de l’accusé ont été faites de son plein gré.4 Cependant, les pratiques policières et judiciaires violent les droits suivants : Le droit de ne pas être forcé de s’incriminer soi-même et le droit de garder le silence. Egalement, le droit à un avocat (article 29 de la Constitution) est souvent violé lors de la détention ou de l’arrestation. Les accusés sont souvent menacés voire même agressés dans le poste de police afin de leur faire avouer qu’ils étaient homosexuels. L’article 14(3) (g) du Pacte international des droits civils et politiques (P.I.D.C.P.) dispose : «toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : […] A ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable. 4- Comité des droits de l’Homme : Observation générale 32, Article 14. Droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable. Paragraphe 41. CCPR/C/GC/32 23 août 2007. 6


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1.3. Le crime de sodomie sanctionne l’intention et non les faits : Ceci se contredit avec la primauté de droit. L’article 2 de la Constitution tunisienne dispose : « La Tunisie est un Etat civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et de la primauté du droit. Il n’est pas permis d’amender cet article. » La primauté de droit exige selon les normes et standards internationaux que le texte de loi soit clair, accessible et compréhensible. La Cour européenne des droits de l’Homme a précisé cette condition en jugeant qu’une loi « devra être formulée de façon suffisamment précise pour permettre aux citoyens d’y adapter leur conduite : ils doivent être en mesure, si besoin avec des conseils appropriés, d’anticiper, dans la mesure du raisonnable selon les circonstances, les conséquences que toute action pourra produire.5 » Toutefois, le terme « sodomie » est vague et fait l’objet de plusieurs interprétations. Quel est le sens de la sodomie : un acte purement sexuel (rapport sexuel par voie anale) ou s’agitil d’un acte à connotation sexuelle (rapport sexuel par voie buccale, attouchements, baisers) ? Cette imprécision entraine que l’acte de sodomie est défini selon un critère subjectif qui dépend du référentiel de chaque acteur responsable de l’application de la loi. Les décisions judiciaires en la matière le prouvent : les tribunaux ne jugent pas les faits, mais la moralité des accusés: « les accusés… sont venus à cette ville pour y répandre cette obscénité, ayant clairement une intention de répandre leur vice et d’y convertir d’autres personnes, et de se retourner contre les enseignements et les fondements de la société, et contre son identité. »6 5- The Sunday Times c. Royaume- Uni, 26 avril 1979, note 25, para. 49. 6- Jugement Tribunal de Première Instance de Kairouan n°6782 du 10 décembre 2015.

‫ وهم قدموا إىل المدينة ش‬،‫المتهم� يمارسون اللواط بشكل جماع‬ ‫ي ن‬ «،‫لن� هذا الفحش‬ ‫ألن‬ ‫ي‬ ‫ش‬ ‫ والوقوف ضد تعاليم المجتمع‬،‫ف ي� محاولة واضحة الستقطاب آخرين ون�الرذيلة‬ ‫ »وهويته‬.

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Dès lors, le juge s’éloigne des principes de la neutralité, l’impartialité et l’égalité devant la justice, le juge met en œuvre des concepts préétablis, dictés par la culture dominante et devient le garant de ses « bonnes mœurs » au lieu d’être le garant principal des droits et libertés (articles 49 et 102 de la Constitution).

1.4. Le crime de sodomie ouvre la voie devant des moyens de preuve douteux et illégaux Selon l’article 30 de la Constitution : « Tout détenu a droit à un traitement humain qui préserve sa dignité ». L’article 10.1 du P.I.D.C.P. pose le même principe selon lequel : « Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Dans ce sens, le Comité des droits de l’Homme exige que : « les Etats parties devraient veiller à ce que tous les lieux de détention soient exempts de tout matériel susceptible d’être utilisé pour infliger des tortures ou mauvais traitements.7 » Toutefois, le flou entourant la qualification de l’acte de sodomie et tous autres actes qui se rapportent à la sodomie, laisse au juge l’indispensable pouvoir discrétionnaire pour ordonner par n’importe quel moyen la preuve de cet acte, même si ce moyen est illégal : il s’agit notamment du test anal et de l’utilisation de présomptions contre la personne ; des moyens très dangereux en matière pénale. Les Tribunaux continuent de se fonder sur des indices et des présomptions de culpabilité qui brisent le droit au respect de la vie privée, ainsi que la violation de l’interdiction de la torture et des pratiques inhumaines et dégradantes. A titre d’exemple, même en l’absence de tout rapport sexuel entre personnes de même sexe, la police peut se baser sur d’autres indices en fouillant par exemple le téléphone ou l’ordinateur du soupçonné. 7- Observation Générale 20, Article 7 (quarante-quatrième session, 1992), Compilation des commentaires généraux et Recommandations générales adoptées par les organes des traités, U.N. Doc. HRI\GEN\1\Rev.1 (1994), para. 11. 8


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2. La pénalisation de l’homosexualité porte atteinte aux libertés constitutionnelles La pénalisation de l’homosexualité est en contradiction avec la Constitution de 2014 ainsi qu’avec le Droit international des droits humains. L’article 230 du Code pénal viole les libertés constitutionnelles suivantes :

2.1. La violation du principe de non-discrimination et de l’égalité devant la loi L’article 21 de la Constitution est clair : « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination ». L’article 21 pose le principe de non-discrimination en termes généraux. Dès lors, le principe de non-discrimination peut être alors étendu à d’autres motifs d’interdiction, par exemple à l’orientation sexuelle. Une lecture qui est conforme à celle des instruments internationaux des droits humains. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (D.U.D.H.) ainsi que le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (P.I.D.C.P.) (article 2) prévoient que la discrimination basée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou tout autre situation doit être interdite. La D.U.D.H. et le P.I.D.C.P. interdisent la discrimination basée sur une liste non exhaustive, en employant l’expression « notamment ». Le principe de non-discrimination peut être alors étendu à d’autres motifs d’interdiction, par exemple à l’orientation 9


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sexuelle, puisque la liste des motifs couverts n’étant pas close. Le Comité des droits de l’Homme affirme que le « terme “sexe” utilisé à l’article 2, paragraphe 1, et à l’article 26 doit être considéré comme comprenant l’orientation sexuelle.8 » Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels affirme aussi: « la garantie de non-discrimination prévue dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels comprend l’orientation sexuelle.9 » De même ; la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a cité « l’orientation sexuelle » comme motif de non-discrimination.10 Toutefois, l’article 230, en criminalisant la sodomie (l’homosexualité masculine et féminine selon la version en langue arabe) exerce une exclusion et/ou une restriction sur la base de l’orientation sexuelle qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance et l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits humains. La personne homosexuelle est traitée comme un criminel. Elle est mise à l’écart, et discriminée par la loi pénale qui ne traite pas de la même façon l’orientation hétérosexuelle et homosexuelle. Si tous les êtres humains sont égaux en dignité, en humanité, ils sont égaux en droits aussi. De même, si la loi ne traite pas sur un pied d’égalité toutes les personnes, c’est qu’elle considère que certaines sont moins humaines que les autres pour des raisons sociales, religieuses ou autres. Ainsi, l’orientation sexuelle d’une personne ne doit pas être un obstacle à la réalisation des droits consacrés par la Constitution et par les instruments internationaux des droits humains.

8- Document CCPR/C/50/d/499/1992, par. 8.7.Affaire Toonen. 9- Orientation sexuelle : Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 20 (non-discrimination en matière de droits économiques, sociaux et culturels), par. 32. 10- 245/02, Zimbabwe Human Rights NGO Forum c/ Zimbabwe (2006) AHRLR 128 (CADHP 2006) (21e Rapport d’activité de la Commission), par. 169. 10


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2.2. La violation du droit à la vie privée L’article 21 de la Constitution dispose: « l’Etat garantit aux citoyens et citoyennes les libertés et les droits individuels et collectifs… »; De même l’article 24 dispose: « L’Etat protège la vie privée… »; Quant aux instruments des droits humains, l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose, « nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation, et que « toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ». La vie sexuelle fait partie de la vie intime des personnes ; et une composante fondamentale de la vie privée ; et vu l’ambiguïté du crime de sodomie ; la personne homosexuelle se heurte dans ce cadre à des intrusions dans sa vie privée qui peuvent porter atteinte à son honneur et à son droit à la discrétion. Des conversations intimes ont été lues par la police et citées dans le texte d’un jugement rendu par un tribunal national.11 En toute connaissance de cause, l’article 230 dont les dispositions ne sont pas claires et qui répriment un acte qui touche à la vie privée d’une personne homosexuelle peut engendrer une immixtion qualifiée d’arbitraire.

«…( ‫قص�ة عىل هاتف وليد مع نجم‬ ‫ وحيث أجرى الباحث معاينة إلرساليات‬-11 ‫ي‬ ‫ن‬ 1757‫جناح المحكمة االبتدائية بصفاقس قضية عدد‬ ‫الثا�)» حكم‬ ‫المتهم ي‬ ‫ي‬ ‫غ� منشور‬ ‫ ي‬.2016 ‫ مارس‬9 ‫بتاري ــخ‬. 11


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2.3. L’atteinte à la dignité et à l’intégrité physique ; l’article 230 légitimant la torture et les traitements inhumains et dégradants L’article 23 de la Constitution dispose : « l’État protège la dignité de l’être humain et son intégrité physique et interdit la torture morale ou physique. Le crime de torture est imprescriptible » De même, l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 énonce que « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». L’application de l’article 230 entraine le recours systématique des juges à un examen médical (le test anal) ayant pour objectif de prouver le rapport anal. Sur cette base les jugent condamnent à des peines privatives de liberté des hommes après avoir été forcés à subir un examen visant à prouver le rapport anal.12

12- Tunisie: les victimes accusées: violences sexuelles et violences liées au genre en Tunisie. Synthèse Par Amnesty International, 25 novembre 2015, n° d’index: MDE 30/2827/2015. p. 41. En septembre 2015, la police judiciaire avait convoqué « Marwan » pour l’interroger après que des agents avaient trouvé son numéro dans le téléphone d’un homme ayant été tué. D’après l’avocat de Marwan, ce dernier a avoué avoir eu des rapports avec l’homme en question après que des policiers l’ont giflé et menacé de le déshabiller et de le violer, ainsi que de l’inculper de meurtre s’il n’avouait pas. Le 11 septembre, Marwan a fait l’objet d’un examen anal forcé au sein du service médicolégal de l’hôpital Farhat Hached de Sousse, à la demande du Tribunal. 12


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2.4. La pratique du test anal entraine une condamnation de l’Etat tunisien : Sur le plan international : Lors de l’examen du troisième rapport périodique soumis par la Tunisie en 2016, le Comité des Nations Unies contre la torture a condamné l’utilisation d’examens anaux forcés destinés à trouver des « preuves » contre des personnes accusées d’homosexualité. Conséquemment, cet examen médical est en contradiction avec l’article 23 de la Constitution de 2014, pour son incertitude, insuffisance et immoralité en tant que moyen de preuve. De même, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a déclaré que les examens anaux forcés peuvent être assimilés à de la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant.13 Sur le plan national : En 2017, le Conseil national de l’Ordre des médecins a publié un communiqué, le 3 avril 2017, intitulé : « le consentement dans le cadre de l’expertise médicale »14 dans lequel l’Ordre considère que les examens anaux portent atteinte à la dignité. En 2018, la Commission des libertés individuelles et de l’égalité a proposé l’interdiction des tests anaux.15 En 2020, l’Instance Nationale pour la Prévention de la Torture recommande de mettre fin aux tests anaux tout en considérant que ces tests violent la dignité de l’individu, et portent atteinte à son intégrité physique. Ils sont également

13- Conseil des droits de l’Homme, Trente et unième session, « rapport du rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », a/HRC/315,57/ janvier 2016, p. 6 et s. 14- Ordre des médecins, Conseil national, Communiqué du 3 avril 2017, « le consentement dans le cadre de l’expertise médicale ». Disponible sur : http://www.ordre-medecins.org.tn/templates/ja_biz/pdf/communiques/com_ avr_17_consent_expertise.pdf 15- La Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE), rapport, 1 juin 2018, p. 122 et p. 124. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/ rapport-colibe.pdf 13


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considérés comme des formes de torture.16 En 2020 aussi ; et dans son Rapport final (publié au journal officiel en date du 24 juin 2020); l’Instance vérité et dignité (IVD) a condamné fermement le recours au test anal.

2.5. L’article 230 viole des restrictions relatives aux droits et libertés L’article 49 de la Constitution de 2014, pose le cadre des restrictions

apportées aux droits et libertés constitutionnellement protégés. L’article 230 se contredit avec la nécessité d’un Etat civil et démocratique : S’agissant de relations consenties entre personnes du même sexe, l’homosexualité ne porte pas atteinte à l’ordre public ou la défense nationale ou la santé publique ou les droits d’autrui. Ces relations sont pratiquées en privé. Elles évoquent la vie intime des personnes de même sexe. Elles ne touchent pas à la moralité publique. La moralité publique est déterminée dans le cadre d’un Etat civil et démocratique et non pas selon des critères moraux et subjectifs. L’Etat civil est fondé sur la citoyenneté, la primauté du droit et la protection des droits et des libertés. Une condition sine qua non pour un Etat démocratique est de respecter les libertés individuelles. Or, en pénalisant l’homosexualité, l’Etat ne respecte pas les personnes homosexuelles. L’article 230 se contredit avec le principe de proportionnalité : Eu égard aux abus de la police qui brisent l’intimité des personnes homosexuelles en fouillant leurs téléphones portables ou les discussions sur les réseaux sociaux car soupçonnées d’avoir commis l’acte de « sodomie », l’équilibre entre les exigences et les buts des restrictions est absent. Incontestablement, l’article 230 ne répond pas à la condition de la proportionnalité. ‫ف‬ ‫التفك� والنقاش حول ظروف احتجاز وإيواء‬ ‫التألي� الخاص بورشات‬ ‫ي‬ ‫ التقرير ف ي‬-16 ‫ت‬ ‫ز‬ ‫ت‬ ‫ن‬ ‫ال� التأمت‬ ‫األشخاص ي� وضعية هشة يب� القواعد الدولية واالل�امات الوطنية ي‬ 15 .‫ص‬. 2019 ‫ أفريل‬19 ‫ إىل‬2017 �‫ديسم‬ 20 ‫من‬. ‫ب‬ 14


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L’article 230 ouvre la voie aux abus des autorités publiques. De ce fait, criminaliser l’homosexualité n’est pas au service de l’intérêt général. Néanmoins, criminaliser les pratiques sexuelles entre personnes de même sexe crée une réaction sociale négative (l’homophobie) et crée un terrain favorable au chantage et aux harcèlements et menaces. Dans ce sens, le Comité des droits de l’Homme a appelé la Tunisie dans ses observations générales adoptées le 27 mars 2020, à « abroger l’article 230 du Code pénal et former les agents responsables de l’application des lois à la nécessité de respecter la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre17. » Il en est de même de l’Instance Vérité et Dignité18 et de la COLIBE qui ont recommandé clairement d’abroger l’article 230.

17- Le Comité des droits de l’Homme a examiné le sixième rapport périodique de la Tunisie (CCPR/C/TUN/6) à ses 3692e et 3693e séances (voir CCPR/C/ SR.3692 et 3693), les 3 et 4 mars 2020. Le Comité a adopté, le 27 mars 2020, les observations finales. Voir paragraphe 20. 18- Cette recommandation figure dans le rapport final de l’Instance publié le 27 mars 2019. Rapport disponible sur le lien suivant: www.ivd.tn/rapport/ 15


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A la lumière de ce qui a été avancé, nous proposons : L’arrêt immédiat de la pratique du test annal; et condamner fermement toute personnes qui le pratique; L’abrogation totale de l’article 230. L’acte de « sodomie » ne doit pas faire l’objet d’une disposition pénale. Les relations sexuelles en privé entre adultes consentants doivent être décriminalisées et non seulement dépénalisées. L’amendement du code pénal en le purifiant de toute disposition susceptible d’être utilisée par les autorités pour poursuivre les personnes homosexuelles telles que les actes criminalisés sous les expressions : « les attentats à la pudeur et l’outrage aux bonnes mœurs. »

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