PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé Expériences comparées et état des lieux en Tunisie Etude élaborée par : Dr. Mohamed Amine JELASSI Dirigée et préfacée par : Pr. Wahid Ferchichi
Etude élaborée dans le cadre du Projet « Twensa Kifkom ! »
Tunis 2020
Présentation du projet "Twensa Kifkom" « Twensa kifkom » (Tunisien.ne.s comme vous) est un projet en partenariat entre l’organisation Avocats Sans Frontières (ASF), l'Association Tunisienne de Défense des libertés individuelles (ADLI) et l’Association DAMJ pour la Justice et l’Egalité (DAMJ). Ce projet a pour objectif global de contribuer à la lutte contre toutes les formes de violence et de discrimination subies par la communauté LGBTQI+ en Tunisie. C’est un projet d'une durée de deux ans (2018-2020) et se focalise sur trois objectifs spécifiques interdépendants : 1. Faciliter l’accès aux services d’aide légale adaptés aux besoins des personnes LGBTQI+ ; 2. Renforcer les capacités des organisations de la société civile pour plaider conjointement en faveur des libertés individuelles ; 3. influencer les politiques publiques par le biais d’une campagne grand public et par des actions de plaidoyer".
/ Caractéristiques techniques / Format : 155 x 235 mm Papier : OFFSET 100 gr / 300 gr couché mat Volume : 382 pages Edition : 1ère Edition Mai 2020 / Impression Offset - Heidelberg Conception graphique : ALPHAWIN STUDIO - 2020 Illustration couverture : Anis Menzli / ALPHAWIN STUDIO - 2020 Nombre de tirage : 250 exemplaires ISBN : 978-9973-0976-6-8 © ADLI. Tous les droits d’auteurs sont réservés à l’Association Tunisienne de défense des
libertés individuelles
Table des matières Préface et cadre de l’étude : Pr. Wahid Ferchichi
6
Introduction
19
1- Questionnements et problématique
21
2- Terminologie
27
Première partie : Les exemples comparés de la dépénalisation/ décriminalisation de l’homosexualité
34
Section I : Les Etats-Unis : de la décriminalisation de l’acte à la
36
reconnaissance de l’identité Paragraphe 1: Une lente décriminalisation juridique
36
A. Une tentative de décriminalisation bloquée par la Cour suprême
37
B. Une dépénalisation freinée par les acteurs du système pénal
41
C. Une décriminalisation désormais acquise
49
Paragraphe 2 : La revendication d’une reconnaissance de l’identité homosexuelle
52
A. Un militantisme se heurtant à une politique conservatrice
53
B. Un militantisme s’épanouissant dans un climat politique libéral
56
Section II : Les personnes homosexuelles en France, « du bûcher à la mairie »
61
Paragraphe 1 : Les acteurs de la pénalisation de l’homosexualité
64
A. La décriminalisation freinée par une panoplie d’acteurs
64
B. Une image négative de l’homosexualité véhiculée par l’approche médicale
67
Paragraphe 2 : La lenteur du processus de la décriminalisation
70
A. Une décriminalisation de l’homosexualité face à des discriminations persistantes
70
B. De la reconnaissance de l’identité homosexuelle à l’affirmation de l’égalité
80
Section III : L’Inde, « la moralité populaire ne peut pas dicter les droits
91
constitutionnels » Paragraphe 1 : Un processus de décriminalisation de longue haleine
92
A. Un combat pour l’égalité des droits des homosexuels
93
B. Le combat pour une acceptation sociale de l’homosexualité
99
Paragraphe 2 : Un processus de décriminalisation acharné
104
A. La mise en oeuvre de la Constitution de 1991, un facteur de décriminalisation
105
B. Le tâtonnement de la Cour suprême en matière de décriminalisation
107
Section VI : L’Afrique du Sud, l’orientation sexuelle et les droits des personnes
113
L.G.B.T.: Première en Afrique Paragraphe 1 : La lutte contre un Etat homophobe
114
A. De la lutte contre le racisme à la lutte contre l’homophobie
115
B. La lutte dans le cadre de la solidarité politique
119
Paragraphe 2 : La lutte contre les pratiques sociales homophobes
123
A. La lutte contre l’homophobie devant la Cour constitutionnelle
124
B. Vers une « dépénalisation sociale » de l’homosexualité
130
Deuxième partie :
137
Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie 1. La définition du plaidoyer 2. Les formes du plaidoyer 3. L’objectif du plaidoyer 4. Les axes du plaidoyer
138 138 139 139
Section I : Les axes juridiques de la dépénalisation
141
Paragraphe 1 : De la peine non-justifiée de l’article 230 du Code pénal
141
A. L’article 230, une arme répressive
142
B. La sodomie, un acte incriminé sans victime
147
Paragraphe 2 : De l’inconstitutionnalité de l’article 230 du Code pénal
154
A. De la violation des droits et libertés
155
B. La violation des restrictions relatives aux droits et libertés
161
Paragraphe 3 : Une urgente révision de la politique pénale
166
A. Une politique pénale garantissant la dignité humaine
166
B. Une législation pénale protectrice des libertés individuelles
170
Section II : L’état des lieux de l’activisme L.G.B.T.
184
Paragraphe 1 : La cause L.G.B.T, un chantier énorme
186
A. La résistance du militantisme L.G.B.T
187
B. Le tournant majeur de la cause L.G.B.T
200
Paragraphe 2 : Un chantier énorme désormais déclenché
211
A. Planifier pour surmonter les obstacles
211
B. Les prémices de la dépénalisation de l’homosexualité (résultats atteints)
233
Conclusion générale
261
Annexe : liste des entretiens
274
Bibliographie
275
A. Bibliographie en langue française
275
B. Bibliography in English
279
C. المراجع باللغة العربية
282
English synthesis of the study
285
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Dépénaliser, ou la longue marche 6
vers l’égalité et la dignité Par le professeur Wahid Ferchichi
Dépénaliser, ou la longue marche vers l’égalité et la dignité Préface de Wahid FERCHICHI1
« Les lois anti-homosexuelles seront regardées dans le futur comme aussi fautives que l’Apartheid. »2
Lorsque Desmond Tutu, l’un des architectes de la paix et de la transition en Afrique du Sud, déclare avoir honte des lois anti-homosexuel(le)sen les comparant aux lois de l’Apartheid, il résume clairement cette reconnaissance d’une humanité fautive à l’égard de l’une de ses composantes, pendant très longtemps objet de discrimination, d’acharnement et de persécutions regrettables ! Cette déclaration de Desmond Tutu renseigne aussi sur les longs processus de dépénalisation engagés par ceux et celles qui ont cru à l’égalité et à la dignité de chaque individu. Malgré les différences culturelles, sociales, religieuses, politiques, économiques des États qui ont dépénalisé les rapports sexuels entre adultes du même sexe, consentants et en privé ; les points communs de la pénalisation et par suite, de la dépénalisation, sont très révélateurs à plus d’un titre, illustrant plus précisément l’évolution et le passage d’une humanité discriminante et stigmatisante à une humanité plus sensible à l’humain et à sa dignité.
1. D’une pénalisation in-justifiée Que l’on soit en Inde, aux Etats Unis d’Amérique, en Afrique du Sud en France (et aujourd’hui en Tunisie) la pénalisation de l’homosexualité a été justifiée (et l’est jusqu’à aujourd’hui en Tunisie) par les mêmes raisons. 1
Professeur agrégé en Droit à l’Université de Carthage et cofondateur de l’Association tunisienne de défense des
2
Desmond Mpilo TUTU, né en 1931, Prix Nobel de la Paix 1984, Président de la Commission Vérité et Réconciliation
libertés individuelles (www.adlitn.org) d’Afrique du Sud (19951998-), auteur de « Prisonnier de l’espérance », 1983 et « Dieu fait un rêve », Paris, Desclée de Brouwer, 2008.
7
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1.1. Des raisons morales omniprésentes Les raisons d’ordre moral sont très souvent invoquées pour pénaliser les rapports ou les relations, ou encore l’apparence des personnes, étant à la fois utilisées pour expliquer les motifs sociaux de la pénalisation et pour conforter les motifs « pseudo-scientifiques »- physiques permettant de justifier son maintien. Des raisons sociales : tous les exemples étudiées dans le cadre de cette recherche (et bien d’autres) ont évoqué la raison sociale (ratio socialis). L’homosexualité est un crime contre la collectivité. Ceci permettait (permet encore dans un peu plus d’une cinquantaine de pays, dont la Tunisie), de sanctionner les rapports sexuels entre adultes de même sexe, consentants et en privé. De même, sur le plan juridique, pour justifier le fondement ratio socialis de l’incrimination de l’homosexualité, on a avancé l’idée selon laquelle l’absence de victime directe (l’acte incriminé étant commis par des adultes consentants) ne devait pas occulter le fait que la victime principale était ici la collectivité dans son ensemble, touchée dans ses valeurs morales. Il semble alors logique de confier à la loi et au juge le soin de combattre ce fléau et d’empêcher que de tels actes, considérés comme étant infâmes, ne se propagent dans la société. Ainsi, l’idée d’une morale
8
sociale (populaire) pouvait (et peut) guider le droit et le juge. En Tunisie, ces mêmes raisons issues de la moralité sociale et populaire sont toujours invoquées par l’État et les organisations qui portent plainte contre ceux et celles qui défendent l’abrogation de l’article 230 du Code pénal (qui punit l’homosexualité masculine et féminine de 3 ans d’emprisonnement)3.
3
Tribunal de 1ère instance de Sousse : le 22 septembre 2015, un jeune de 22 ans a été condamné à un an d’emprisonnement pour s’être livré à des activités homosexuelles après avoir été forcé à subir un examen visant à prouver le rapport anal. Voir le rapport de Human Rights Watch : Tunisie : Des hommes poursuivis en justice pour homosexualité Des abus ont été commis pendant la garde à vue et en prison. https://www.hrw.org/fr/ news/201629/03//tunisie-des-hommes-poursuivis-en-justice-pour-homosexualite; -Tribunal de 1ère instance de Kairouan jugement n°6782 du 10 décembre 2015 : l’affaire des jeunes de Kairouan ; - Tribunal de 1ère instance de Tunis, jugement en référé n° 60753 du 23 février 2016, Chef du contentieux de l’Etat v. Association Shams ; - Jugement en référé du Tribunal de 1ère instance de Tunis n° 88184 du 14 février 2018, Syndicats des Imams v. Association Shams, commentaire de Wahid FERCHICHI, Disponible sur: http://legal-agenda.com/article.php?id=4240; -Cour d’appel de Tunis, jugement en référé, n°37442, du 17 mai 2019,Chef du contentieux de l’Etat v. Association Shams, commentaire de Wahid FERCHICHI, « La Cour d’Appel de Tunis affirmant la légalité de l’association Shams et annonçant «la pénalisation de l’homosexualité touche à la dignité humaine» », Legal Agenda, 3 juillet 2019 (en langue arabe). Disponible sur : http://legal-agenda.com/article.php?id=5710 ; disponible en anglais sur http:// legal-agenda.com/en/article.php?id=5831 ; Cour de Cassation, n°40730 du 21 février 2020, voir https://76crimesfr. com/202022/02//tunisie-echec-du-proces-contre-lassociation-militante-shams/
Des raisons « pseudo-scientifiques » et « physiques » : jusqu’à récemment les Etats objet de l’étude ont évoqué des raisons « pseudo-scientifiques » pour résister à la dépénalisation. Cette idée est basée sur le « naturel » et le « contre nature ». Ainsi, selon une approche physiologique stricte, seuls les rapports vaginaux entre hommes et femmes relèveraient de la sphère des actes naturels et tout acte en-dehors de ce cadre serait contre-nature, même pratiqué entre individus de sexes différents. Les actes homosexuels feraient ainsi partie de la sphère plus large des actes contre nature, qui peuvent êtres hétérosexuels ou homosexuels. Cette approche nature/contre-nature, qui a été largement utilisée dans les jugements des tribunaux, américains, indiens, sud-africains, continue à être consacrée par les magistrats tunisiens dans des jugements récents4. Toutes ces raisons ayant conduit à la pénalisation officielle de l’homosexualité par les textes juridiques et les décisions de justice continuent de justifier le maintien, voie le renforcent d’une telle norme. 9
1.2. Des raisons légales : « Tant que le texte existe, les juges l’appliquent » L’existence d’un texte juridique devient la raison fondamentale de la pénalisation. « Tant que le texte existe, les juges l’appliquent » et continuent à condamner des milliers de personnes à la prison, et quelque fois au bannissement! Les Etats, ont formalisé l’incrimination dans leur droit pénal et cette formalisation basée à l’origine sur différentes raisons morales, s’est transformée elle-même en une raison « immuable » de pénalisation. La loi est là, les différentes raisons socio-morales viennent l’appuyer et la renforcer. Ainsi, l’application de la loi (al. 2 art. 331 du Code pénal français) par le juge français, jusqu’en 1982, a été à l’origine de milliers de condamnations à des peines privatives de libertés. 4
Voir le rapport de Human Rights Watch : Tunisie : des hommes poursuivis en justice pour homosexualité Des abus ont été commis pendant la garde à vue et en prison, https://www.hrw.org/fr/news/201629/03//tunisiedes-hommes-poursuivis-en-justice-pour-homosexualite); -Tribunal cantonal de Hammamet, jugement n°55026 du 19 janvier 2017, non publié. voir https://www.realites.com.tn/201703//le-transgenre-hela-libere-souscaution/,http://kapitalis.com/tunisie/201821/09//apres-4-jours-de-detention-la-transgenre-hela-en-liberteprovisoire/) ;
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Les juges indiens condamnaient jusqu’en septembre 2018 les homosexuels à des peines de prison à vie en se référant à l’article 377 du Code pénal. De même, le régime sud-africain de l’Apartheid condamnait jusqu’en 1995 les personnes homosexuelles (notamment les plus démunies de la population noire) sur la base de la loi pénale (Section 20 A of the Sexual Offences Act). Le texte se transforme donc en l’unique raison de condamnation ! Cette situation est d’autant plus inquiétante lorsque l’on s’attaque aux défenseur(e)s des droits humains des personnes homosexuelles, en les accusant d’être contre la loi ! Les illustrations sont très nombreuses : aux Etats Unis d’Amérique, en Afrique du Sud, en Inde et, plus récemment en Tunisie. En effet, l’un des griefs formulé par le Chef du Contentieux de l’Etat à l’encontre de l’Association Shams, c’est de défendre la dépénalisation de l’homosexualité. Cet argument, très dangereux aux yeux du représentant du contentieux de l’Etat devait entraîner entre autres, selon lui, la dissolution de l’association5. Reste que souvent, pas très convaincu.e.s de la disposition pénalisant l’homosexualité, les juges appuient leur argumentation en revenant aux arguments sociaux, moraux, physiques, pseudo-scientifiques ce qui constitue
10
aussi un point commun dans la démarche légale et judiciaire de la pénalisation. Il arrive également que l’argument légal soit utilisé d’une manière ironique : souvent les personnalités politiques ou les juristes favorables au maintien de la pénalisation invoquent l’argument selon lequel les articles incriminant l’homosexualité sont rarement appliqués. Cet argument a notamment été utilisé en France au sujet de l’alinéa 2 de l’article 331 du Code pénal ; ainsi qu’en Inde, pour affirmer que l’article 377 du Code pénal n’a été appliqué que 200 fois en 150 ans ; ou encore en Tunisie, où les détracteurs de la dépénalisation invoquent le nombre peu élevé d’applications de l’article 230!Or, cet argument quantitatif est très dangereux, puisqu’il confère une légitimité à des dispositions liberticides en se basant seulement sur le nombre d’applications auxquelles elles donnent lieu. Tous ces arguments ont donné lieu durant des siècles à des discriminations et persécutions innombrables, ainsi qu’à des milliers d’injustices et d’exécutions, 5
Cour d�appel de Tunis, jugement en référé, n°37442, 5 du 17 mai 2019, Chef du contentieux de l�Etat v. Association Shams, commentaire de Wahid FERCHICHI, « La Cour d�Appel de Tunis affirmant la légalité de l�association Shams et annonçant « la pénalisation de l�homosexualité touche à la dignité humaine », Legal Agenda, 3 juillet 2019 (en langue arabe), disponible sur : http://legal-agenda.com/article.php?id=5710 page consultée le 4 juillet 2019. Le même article est disponible en langue anglaise : http://legal-agenda.com/en/article.php?id=5831
des vies détruites et des avenirs avortés6. Comment donc ces mêmes pays qui exécutaient les homosexuels, leur faisaient subir les sanctions les plus atroces (castration, bannissement, torture, exclusion sociale) ont-ils pu, après des siècles de condamnation, dépénaliser des actes qu’ils considéraient jusque-là comme étant des plus abominables ?
2. A une dépénalisation basée sur l’égalité et la dignité Partout dans le monde, le processus de dépénalisation est résulté d’une synergie des mêmes facteurs : le temps et les stratégies de plaidoyer.
2.1. Le temps et l’endurance Toutes les expériences de dépénalisation témoignent de l’importance du facteur temps. Certains processus ont duré de très longues décennies. En France, le processus entamé en 1789, n’a abouti qu’en 1982 avec le vote de l’égalité de la majorité sexuelle, quelle que soit l’orientation sexuelle de la personne7, et ce n’est qu’en 2013 qu’a été voté le mariage pour tous, une égalité des droits, pour le mariage et non pour l’adoption8. De ce fait, le processus continue pour pouvoir reconnaître un jour le droit des couples ou des personnes homosexuelles à l’adoption. En Afrique du Sud, le plaidoyer engagé à partir de 1989 n’a abouti qu’en 1995, avec l’intégration dans la Charte des Droits (The Bill of Rights) de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Cette première étape a été suivie par un long processus pour établir l’égalité des droits. Il est toujours remarquable de constater que les processus de dépénalisation sont certes longs, lents et épuisants ; au même titre que les batailles pour établir l’égalité des droits. D’où ce n’est qu’en 2006 que la Cour suprême Sud-africaine a considéré la loi sur le mariage (celle de 1961) inconstitutionnelle, puisque fondée sur la discrimination à l’égard des couples du même sexe ! 6
Pour prendre un exemple relativement récent du point de vue de l'Histoire, il est pertinent de citer le destin tragique des personnes homosexuelles durant l'époque nazie : 5 000 à 15 000 homosexuels seraient décédés dans les camps de concentration. Voir:http://auschwitz.org/en/history/categories-of-prisoners/homosexuals-aseparate-category-of-prisoners/robert-biedron-nazisms-pink-hell/. Selon une étude récente, il est estimé que pas plus que 10 000 homosexuels sont décédés en raison des persécutions nazies ; voir Dagmar HERZOG, Sexuality and GermanFascism, Berghahn Books, Oxford, 2005, p. 344.
7 8
En adoptant la loi n°82683- du 4 août 1982 portant abrogation de l�article 331 (al. 2) du Code pénal. Loi n° 2013404- du 17 mai 2013 autorisant le mariage des couples de personnes de même sexe (JORF n°0114 du 18 mai 2013, Texte n°3, p. 8253).
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Ces longs processus de dépénalisation ne doivent pas occulter de possibles revirements dans certaines expériences et notamment en Inde et aux Etats Unis d’Amérique : une pénalisation, une dépénalisation, un retour vers la pénalisation, une re-dépénalisation. Ainsi, en Inde, après 150 ans de pénalisation des rapports homosexuels (art. 377 du Code pénal de 1860), la Haute Cour de Delhi a décriminalisé l’homosexualité le 2 juillet 2009, jugeant que le fait d’ériger les rapports entre personnes adultes consentantes de même sexe en une infraction était une violation de leurs droits fondamentaux. Toutefois, le 11 décembre 2013, La Cour Suprême Indienne a re-pénalisé les rapports homosexuels en jugeant l’article 377 conforme à la Constitution au motif qu’en 150 ans, moins de 200 personnes homosexuelles avaient été poursuivies en violation de cet article9. Il a fallu attendre le 6 septembre 2018 pour que la Cour suprême indienne prononce l’inconstitutionnalité de l’article 377 du Code Pénal indien10. Aux Etats Unis d’Amérique, la première tentative de décriminalisation a été bloquée par la Cour suprême dans une affaire relative aux lois anti-sodomie11. A ce niveau, la loi de la Géorgie pénalisant la sodomie a été déclarée constitutionnelle
12
par la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt « Bowers v. Hardwick » rendu en 198612. 17 ans après cet arrêt, le 26 juin 2003, l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis (Lawrence v. Texas) a déclaré inconstitutionnelle la loi pénale antisodomie du Texas13. Cette décision historique a été renforcée par une réforme législative : en 2009, le Président Obama a signé la loi « Matthew Shepard and James Byrd Jr. Act », qui élargit la législation de 1969 sur les crimes de haine pour y inclure ceux basés sur l’orientation sexuelle, le genre ou le handicap. Donc, les revirements ne doivent pas freiner les tentatives de dépénalisation et surtout la persévérance. 9
Cour supreme Suresh Kumar Kaushal vs Naz Foundation and others du 11 décembre 2013, Ananya Das, «Analysis
10
NavtejJohar v. Union of India. The Supreme Court of India, criminal original jurisdiction writ petition
of LGBT rights in India», International Journal for Emerging Research and Development, vol. 1, Issue 2, pp. 1014-. (criminal) n° 76 of 2016. Pour plus d›informations, veuillez consulter : https://www.sci.gov.in/supremecou rt/20162016_14961/14961/_Judgement_06-Sep-2018.pdf 11
Rappelons à ce niveau que plusieurs Etats des Etats Unis d�Amérique ont adopté des lois anti-sodomie, parmi lesquels l�Alabama, qui réprime ces actes d�une peine de 2 à 10 ans d»emprisonnement, l�Alaska (1 à 10 ans d›emprisonnement), l�Arizona (5 à 20 ans d�emprisonnement), le Connecticut (30 ans d�emprisonnement) et le Delaware (3 ans d�emprisonnement et $1000 d�amende).
12
La Cour Suprême des Etats-Unis, 30 juin 1986, (478 U.S. 186), Bowers v. Hardwick. https://www.oyez.org/ cases/1985140-85/
13
Texas Sodomy Statute. V. Jason Pierceson, Courts, Liberalism, and Rights: Gay Law and Politics in the United States and Canada, Temple University Press, Philadelphia, 2005, pp. 7778-.
En effet, la ténacité des défenseur.e.s des droits humains, la lutte contre la discrimination et la stigmatisation constituent une constante dans la lutte pour la dépénalisation. Une ténacité qui a pu rallier des décideurs et des juges justes et courageux.
2.2. Les acteurs de la dépénalisation Les processus de pénalisation divergent au niveau des protagonistes mais convergent au niveau des résultats : Au niveau des défenseur.e.s des droits humains, les 4 expériences étudiées révèlent la formation de mouvements des droits des personnes LGBT sous forme de collectifs, coalitions, forums… avec souvent, une formation prenant le leadership. A ce niveau, l’exemple sud-africain est très intéressant : « le mouvement des droits des gays a réussi à faire intégrer les droits des gays14 dans un projet politique plus large qui appelle à la justice sociale et qui s’oppose à toutes les formes de discrimination15 ». En Inde, le mouvement pour l’abrogation de l’article 377 était soutenu par la Fondation Naz et d’autres organisations telles que le collectif d’avocats Lawyers Collective, lié à la Fondation Naz, ou Voices Against 377, coalition d’associations L.G.B.T. et de militants des droits humains et des femmes16. Il en était de même aux Etats-Unis et en France. Aux Etats-Unis, la création de Stonewall en 1969 et, en France, la formation de Front homosexuel en 1971 par des héritiers de mai 1968, ont marqué la lutte pour les droits des personnes LGBT et l’effervescence associative en la matière a permis une certaine réconciliation entre les responsables politiques et les personnes homosexuelles, les associations ayant progressivement acquis le statut d’interlocutrices incontournables des pouvoirs publics au cours des années 198017. 14 15
Mais, sans mentionner l�expression «droits des gays» expressément. Graeme REID, « The Canary of the Constitution. Same-Sex Equality in the Public Sphere », Social Dynamics, vol. 36, n° 1, 2010, pp. 3851-. Voir notamment: Patrick AWONDO, Peter GESCHIERE and Graeme REID, « Une Afrique homophobe ? Sur quelques trajectoires de politisation de l�homosexualité : Cameroun, Ouganda, Sénégal et Afrique du Sud », « Nationalismes sexuels », Raisons Politiques, n°49, 2013, pp. 95 - 118.
16
Radhika RAMASUBBAN, Political intersections between HIV/AIDS, sexuality and human rights: a history of resistance to the anti-sodomy law in India”, Global Public Health, vol. 3(2), 2008, pp. 22 - 38.
17
Voir Antoine IDIER, Les aliénas au placard, l�abrogation du délit d�homosexualité (1977 - 1982), France, Editeur Cartouche, 2013 et, du même auteur, Archives des mouvements LGBT+, une histoire de lutte 1890 à nos jours, France, Textuel, 2018.
13
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Aux Etats Unis, les évènements du bar Stonewall ont en effet déclenché un mouvement acharné pour l’égalité des droits des personnes LGBTQI+. D’ailleurs Matthew TODD, est revenu sur les évènements new-yorkais de juin 1969dans un ouvrage récent, relatant la naissance du mouvement et son rôle dans la dépénalisation de l’homosexualité, un combat qui a duré 40 ans (1969 à 2009)18. Cette démarche de se constituer en mouvement pour l’égalité voit désormais le jour en Tunisie. En effet, au sein du mouvement pour les libertés individuelles (qui a officiellement vu le jour en janvier 2016, dans le cadre du collectif civil pour les libertés individuelles), une Coalition des associations LGBTQI++ s’est constituée19. L’une des plus grandes réalisations de ce mouvement a été l’élaboration et la présentation du premier rapport alternatif à ce sujet et sa soumission à la procédure onusienne de l’Examen Périodique Universel de la Tunisie (Genève 2017) sur les droits des personnes LGBTQI++ en Tunisie20. En tout état de cause, ce qui confère davantage de force aux mouvements d’activistes tient au soutien dont ils bénéficient de la part de décideurs (politiques) 14
convaincus et courageux et de magistrats épris de justice.
2.2. Des personnalités politiques convaincues Toutes les expériences ont révélé la part active prise par différentes personnalités politiques dans la dépénalisation de l’homosexualité dans un premier temps et l’établissement de l’égalité des droits dans un deuxième temps. A ce niveau, le contexte politique favorable en Afrique du Sud post Apartheid l’a été grâce à trois grandes figures politiques : Edwin Cameron, qui a participé à la lutte antiApartheid en tant qu’avocat ouvertement gay ayant intégré les instances du Congrès national africain (ANC) en 199021, Nelson Mandela le grand leader charismatique et Desmond Tutu, qui a clairement annoncé : «Les lois anti-homosexuelles 18
Matthew TODD, Pride : l�histoire du mouvement LGBTQ pour l�égalité, Préface de Fréderic MARTEL, Riad Bittouche (Traduction), Editions Gründ, 2019.
19
Voir Jinène LIMAM, Les associations LGBTQI++ en Tunisie, émergence d�un nouveau militantisme humain, Tunis, ADLI, 2017, disponible sur le lien suivant : http://adlitn.org/sites/default/files/1._etude_associations_lgbtqi_fr.pdf
20
Rapport des parties prenantes, Examen périodique universel de la Tunisie, 3ème cycle mai 2017, Coalition Tunisienne pour les droits des personnes LGBTQI, disponible sur le lien suivant : http://adlitn.org/sites/default/files/rapport-upr-lgbt.pdf
21
Christophe Broqua, « L�émergence des minorités sexuelles dans l�espace public en Afrique », « La question homosexuelle et transgenre en Afrique », Politique Africaine, n°126, 2012, pp. 5 - 23.
seront regardées dans le futur comme aussi fautives que l’Apartheid». Grâce à ce militantisme acharné et à l’influence de ces figures emblématiques de la « Nation arc-en-ciel », l’ANC a accepté formellement de reconnaître les droits des gays et lesbiennes et d’inclure dans le Bill of Rights l’orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination22. En France, le rôle joué par François Mitterrand et son Garde des sceaux Robert Badinter a été déterminant dans l’abolition de la peine de mort d’une part et l’abrogation de l’alinéa 2 de l’article 331 du Code pénal d’autre part, dernier fief criminalisant les comportements homosexuels. Il en a été de même du rôle du président François Hollande et du parti socialiste français dans la légalisation du mariage pour tous. Aux États- Unis, alors que le président Eisenhower signait en 1953 un Ordre pour que « le gouvernement ne recrute pas de collaborateurs homosexuels », il a fallu le courage du Président Obama, qui a signé en 2009 la loi « Matthew Shepard and James Byrd Jr. Act » élargissant la législation de 1969 sur les crimes de haine pour y inclure ceux basés sur l’orientation sexuelle, le genre ou le handicap. En Tunisie, certains hommes et femmes politiques ne manquent pas de courage : lors des élections législatives et présidentielles de 2019, de nombreux candidats se sont prononcés en faveur des libertés individuelles d’une manière générale et de l’abrogation de l’article 230 en particulier23. Ces personnalités pourraient être la « locomotive » permettant de faire passer une éventuelle réforme du Code pénal ou l’adoption du Code des libertés individuelles, incluant l’abrogation de l’article 23024.
22
Pierre de Vos, “The ‘inevitability’ of same-sex marriage in South Africa’s post-apartheid state”, South Africa Journal on Human Rights, n°23, 2007, p. 435.
23
Parmi ces candidats, certains sont aujourd�hui membres de l�Assemblée des représentants du peuple ou du Gouvernement ou occupent des postes de secrétaires généraux de partis politiques : ElyesFakhfaf (actuel Chef du gouvernement), Mohamed Abbou (actuel ministre d�État de la fonction publique et de la réforme administrative), Lotfi Zitoun (ministre des collectivités locales), Mohsen Marzouk (Secrétaire général du Parti Mach3rouTounis), Mehdi Jomoaa (Secrétaire général du Parti Al Badil), les leaders du parti Afek (Yassine Brahim et Rim Mahjoub) D�autres se sont retirés de la vie partisane, comme Bochra BEL HADJ HAMIDA. Voir : Rapport, Les libertés individuelles et l�égalité dans les campagnes électorales de 2019, Observatoire du droit à la différence et Collectif civil pour les libertés individuelles, Tunis, 2019, disponible sur le lien suivant : http://adlitn.org/sites/default/ files/1._rapport_lib_indiv_dans_les_campagnes_electorales_de_2019_version_integrale.pdf
24
Rapport, L�appropriation de la proposition du code des libertés individuelles par les acteurs politiques, élaboré par Mohamed Anoir Zayani, Tunis, ADLI, ATFD, FIDH et LTDH, 2020, disponible sur le lien suivant : http://adlitn.org/ sites/default/files/2._etude_appropriation_du_codil_fr_ar_web.pdf
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
2.3. Des magistrats épris de justice Les personnes arrêtées pour homosexualité finissent souvent devant un tribunal chargé d’évaluer leur comportement, mais les lois pénalisant l’homosexualité n’échappent pas à la justice, car elles finissent par aboutir devant des juges généralement chargés d’examiner leur constitutionnalité. Dans de telles situations, la plupart des juges épris de justice ont ouvertement déclaré que les lois et dispositions pénalisant l’homosexualité étaient injustes et discriminantes et qu’elles portaient atteinte à la dignité humaine, tant en Inde qu’en Afrique du Sud, aux États Unis ou en Tunisie. En Afrique du Sud, malgré la constitutionnalisation de l’interdiction de la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle, de nombreuses lois étaient restées en vigueur et continuaient à discriminer les personnes homosexuelles. Le rôle du juge a alors été déterminant pour la proclamation de leur inconstitutionnalité et la garante de l’égalité de tous/toutes devant et par la loi. Dans un jugement unanime, la Cour constitutionnelle a confirmé la décision d’invalidité en s’appuyant sur le droit à l’égalité, le droit à la dignité et le droit au respect de la vie privée. Elle a jugé contraires à la Constitution les lois en cause,
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ainsi que la règle de common law qui criminalisait l’homosexualité25. De même, le juge Sachs estima que le fait qu’il n’y ait en droit sud-africain aucune disposition permettant aux deux requérantes et à toutes les personnes se trouvant dans leur situation de se marier légalement constituait une rupture de l’égalité de traitement des personnes. Selon lui, cette inégalité de traitement était fondée sur un critère illicite : l’orientation sexuelle26. Aux États-Unis, l’arrêt de la Cour suprême (Lawrence v. Texas) du 26 juin 2003 a déclaré inconstitutionnelle la loi pénale anti-sodomie du Texas27. Dans cet arrêt, la 25
National Coalition for Gay and Lesbian Equality and Another v. Minister of Justice and Others, 1998 (12) BCLR 1517 (CC), 1999 (1) SA 6 (CC)
26
Alexander ABOTSI, « De la régulation des choix de société par la promotion des droits fondamentaux. Les enseignements de la Cour constitutionnelle sud-africaine », Revue juridique Thémis, n°43, 2009, p. 429 et s.
27
Texas Sodomy Statute. V. Jason Pierceson, Courts, Liberalism, and Rights: Gay Law and Politics in the United States and Canada, Temple University Press, Philadelphia, 2005, pp. 77-78. En fait, le premier État des États-Unis à abroger sa loi contre la sodomie a été le Kentucky en 1992, suivi en 1993 par le Nevada, en 1995 par le district de Colombie, en 1996 par le Tennessee, en 1997 par le Montana, en 1998 par la Géorgie et Rhode Island, en 1999 par le Maryland, en 2001 par l�Arizona et le Minnesota et en 2002 par l’Arkansas. De nombreux autres États n�ont pas abrogé leurs lois anti-sodomie : l�Alabama, la Caroline du Nord et la Caroline du Sud, la Floride, l�Idaho, le Kansas, la Louisiane, le Michigan, le Mississippi, le Missouri, l�Oklahoma, l�Utah et la Virginie..
Cour a élargi le champ d’application de la privacy aux rapports sexuels entre adultes consentants en privé, en jugeant que « le gouvernement n’a pas sa place dans les chambres à coucher des adultes consentants, qu’ils soient gays ou hétéros ». En Inde, la haute Cour de Delhi a été la première, dans une ambiance politiquement hostile à la dépénalisation, à se prononcer au sujet de l’illégalité de la pénalisation de l’homosexualité en ces termes : «le fait d’ériger les rapports entre personnes adultes consentantes de même sexe en une infraction est une violation de leurs droits fondamentaux ». Cette décision, contredite dans un premier temps par la Cour Suprême indienne en 2013, puis confirmée par la même Cour en 2018, a repris les mêmes arguments que la Cour de Delhi, à savoir l’égalité devant la loi, la non-discrimination et la protection de la vie et de la liberté individuelle. Elle énonce notamment que : « La moralité populaire ne peut pas dicter les droits constitutionnels», en affirmant que« [L]’adoption de la Constitution, était, d’une certaine façon, un instrument pour réaliser la moralité constitutionnelle et un moyen de combattre la moralité sociale dominante de l’époque». Il s’agit là d’une décision qui tranche par rapport au populisme ambiant qui envahit de plus en plus les États aux quatre coins du monde, de la Hongrie aux États-Unis, en passant par l’Italie, la Grande Bretagne, la Pologne, l’Autriche, le Brésil, les Pays-bas et même la Tunisie. En Tunisie, malgré le populisme montant28 et le nombre assez élevé de condamnations annuelles sur la base de l’article 23029, certaines décisions judiciaires témoignent d’une sensibilité aux droits humains, mais aussi à l’Etat de droit, un Etat juste qui préserve la dignité humaine. Ainsi, dans les procès intentés contre l’association Shams (qui milite pour l’abrogation de l’article 230 et la défense des personnes à sexualité non normative), les positions des magistrats méritent d’être signalées en ce qu’elles se sont avérées justes et courageuses, y compris au niveau de la Cour de cassation. En effet, les procès intentés par le Chef du Contentieux de l’Etat pour suspendre l’association se sont tous soldés par un échec, tant en première instance (décision du 23 février 2016) qu’en appel (17 mai 2019) ou en cassation (21 février 2020). 28
Voir le rapport du Collectif civil pour les libertés individuelles sur L�Etat des libertés individuelles en Tunisie 2019: le danger du populisme, Tunis, 2020, disponibles sur le site : adlitn.org rubriques publications.
29
Voir les rapports annuels du Collectif civil pour les libertés individuelles sur L�Etat des libertés individuelles en Tunisie, disponible sur le lien suivant :http://adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_li_2019_version_integrale.pdf
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
La décision de la Cour d’Appel s’est notamment basée sur le principe de la dignité humaine et sur l’absence de contradiction entre les activités de l’association et les principes de la Constitution tunisienne. La Cour a conclu que l’association visait, par le biais de ses activités sur les minorités sexuelles, à « préserver la dignité humaine et à empêcher de lui porter atteinte sur la base de l’orientation sexuelle » et qu’elle « ne violait pas les lois internes, en particulier les principes fondamentaux énoncés dans la Constitution tunisienne, comme indiqué dans l’article 3 du décret-loi sur les associations ».
Cette conclusion de la Cour nous incite à nous interroger sur la stratégie de plaidoyer à adopter ? Dans un contexte politique mouvant mais assez populiste, quelles leçons retenir des expériences des États ayant déjà dépénalisé l’homosexualité ? Ces deux questions fondamentales ont suscité l’intérêt de l’Association Tunisienne de défense des libertés individuelles qui, dans le cadre du Projet Touensa Kifkom, avec ses partenaires (ASF et Damj), partage avec toutes ses lectrices et tous ses lecteurs et avec les défenseur.e.s des droits humains en général et des droits des personnes LGBTQI++ en particulier, cette nouvelle publication recherche-
18
plaidoyer, élaborée par le chercheur de l’ADLI, Dr. Mohamed Amine JELASSI, qui a mené cette étude sous mon étroite direction, qu’il en soit remercié. Rappelons enfin que l’histoire retiendra certainement les paroles et les positions justes et dignes telles que celles formulées par la Cour suprême américaine, en décidant que « Le gouvernement n’a pas sa place dans les chambres à coucher des adultes consentants, qu’ils soient gays ou hétéros »30, ou par la Cour Suprême Indienne qui a décidé que : «La moralité populaire ne peut pas dicter les droits constitutionnels »31.
En 2019 deux Etats africains ont dépénalisé l’homosexualité : l’Angola en janvier et le Botswana en juin…
30 31
USSC, 26 juin2003, Lawrence v. Texas. Cour suprême de l�Inde, 6 septembre 2018, NavtejJohar v. Union of India.
Introduction
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Appliquer le Droit pénal à l’homosexualité présente un risque. De ce fait, les textes de loi inclusifs, généraux et qui manquent de clarté, conduisent à plusieurs dépassements et abus ainsi qu’aux arrestations arbitraires. Ainsi, ces textes imprécis exposent notamment les détenus à des pratiques médicales humiliantes. De surcroit, il arrive que les règles de Droit pénal visent certaines personnes, sur la base de l’orientation sexuelle, en criminalisant leurs actes et sans respecter les exigences d’un Etat civil et démocratique. Là, on assiste à la « tyrannie » d’une norme sociale dominante qui est traduite dans la règle pénale en fonction du contexte social. En plus, cette «tyrannie » n’est pas sans conséquence sur les droits et libertés de ces personnes32. “Parce que l’Etat considère que ces groupes d’individus sont des criminels, ceci crée une homophobie parrainée par l’Etat qui se transmet aux membres de la société, qui ont le sentiment que, dans certaines situations, cela leur accorde le droit de discriminer, et très souvent intimider et harceler les homosexuels33”. De même, les lois criminalisant l’homosexualité incite la société à participer à la surveillance, d’une manière qui correspond aux buts recherchés par la police et 20
les autorités. Partant de ce fait, ces lois s’inscrivent dans un contexte d’espionner pour le compte de l’Etat et au nom de la société. Et, « même sans les appliquer, la présence des lois annonce toujours l’inégalité, augmente la vulnérabilité et renforce le statut de second degré dans tous les domaines de la vie34 ». En Tunisie, les pratiques sexuelles entre adultes consentants de même sexe (sodomie selon l’expression utilisée par le législateur dans la version en langue française du Code pénal35), pratiquées en privé, sont « punies de l’emprisonnement pendant trois ans » aux termes de l’article 230 du Code pénal. Ce dernier qui criminalise la sodomie, est qualifié comme étant une règle juridique homophobe36.
32
Mohamed Amine Jelassi, Minoré-e-s et discriminé-e-s, le Droit facteur d�inégalité, l'Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles (ADLI), Tunis, 2018, pp. 41 et ss.
33
Joshua Hepple, «Will Sexual Minorities Ever Be Equal? The Repercussions of British Colonial “Sodomy” Laws», The Equal Rights Review, vol. 8, 2012, p. 51.
34
Ryan Goodman, “Beyond the Enforcement Principle: Sodomy Laws, Social Norms and Social Panoptics,” California Law Review, vol. 89, n° 3, May 2001, pp. 643 - 740.
35
L’expression sodomie ou liouat. Cette expression renvoie à l'homosexualité masculine qui est réprimée par le C.P., le texte arabe emploie également l'expression El Mousahaka pour faire référence à l'homosexualité féminine.
36
Wahid Ferchichi, « L'homosexualité en Droit tunisien ou de l'homophobie de la règle juridique », in, Monia Lach’heb et Eric Fassin (dir.), Être Homosexuel au Maghreb, IRMC- Karthala, Paris, 2016, p. 171 et ss..
INTRODUCTION
1. Questionnements et problématique Pourquoi posons- nous la question de dépénalisation de l’homosexualité ? Tout d’abord, l’individu dont les actes sont réprimés par le Droit pénal sur la base de son orientation sexuelle est exclu de la société. Porteur de stigmate, l’homosexuel est confronté au rejet. Il s’agit du rejet de la différence avec une forte connotation morale. Par conséquent, il choisit de ne pas révéler sa vraie identité sexuelle dans « l’espace public, un espace hétéronormatif ».37 Ensuite, la société tunisienne comme la plupart des sociétés a construit le modèle de la conjugalité hétérosexuelle exclusive selon la règle en matière de relations amoureuses, sexuelles et comme fondement de la cellule familiale. On peut donc déduire que l’homosexualité présente un écart aux normes dominantes, normes elles-mêmes soumises aux changements sociaux et historiques. Dès lors, les personnes homosexuelles ou ceux qu’on peut appeler les personnes à sexualité, identités ou expressions de genre non-normatives continuent à se cacher d’une part, du fait que la sexualité présente un tabou. D’autre part, elles choisissent d’être discrètes pour des raisons sociales, religieuses et légales, voire, même professionnelles parfois. C’est ainsi que, ces personnes « cachent encore leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Elles dissimulent, d’ores et déjà, leur orientation sexuelle ou leur identité de genre car elles redoutent de subir des préjudices de la part de membres de leur famille, de leurs amis, de leurs voisins, de la société en général ou des autorités étatiques. Résultat : les réactions face à la révélation de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre (le coming out 38) peuvent prendre les formes suivantes : violences, discrimination, mariage forcé, torture, viol, meurtre, etc »39.
37
Marianne Blidon, « La casuistique du baiser », EchoGéo, n° 5, 2008, disponible sur URL : http://echogeo.revues. org/5383 ; DOI : 10.4000/echogeo.5383 page consultée le 20 juin 2019.
38
Coming out : C’est un « processus qui comprend un changement d’une présentation privée à une présentation publique de soi en tant que gay. » A Elfin Moses and Robert O Hawkins, Counseling lesbian women and gay men: a life-issues approach, Mosby, Saint Louis: C. V., 1982, p. 97.
39
Sabine Jansen et Thomas Spijkerboer, Feeling homophobia : Demandes d’asile liées à l’orientation sexuelle et à l’identité sexuelle en Europe, Vrije Universiteit Amsterdam, Amsterdam, septembre 2011, p.37.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
En effet, « ce qui frappe si l’on observe les codes sociaux tunisiens, c’est le silence fait autour de l’homosexualité. Comme si elle n’existait pas. Sa présence ne se livre qu’en creux »40. En outre, on aborde la question de la dépénalisation parce qu’on a remarqué que l’Etat s’immisce dans le choix libre de l’individu dans l’autodétermination, dans le choix de son identité et plus précisément l’Etat détermine l’identité sexuelle normative et pénalise celle qui est non- normative. Faut - il laisser à l’Etat le pouvoir de décider de l’orientation ou de l’identité sexuelle d’un citoyen ?, alors que l’article 21 de la Constitution prévoit que « L’État garantit aux citoyens et aux citoyennes les libertés et les droits individuels et collectifs. Il leur assure les conditions d’une vie digne ». D’emblée, l’orientation sexuelle est l’attraction érotique et émotionnelle de deux personnes du même sexe diffère de l’identité sexuelle qui est la conscience de soi, le fait de se définir en tant qu’homosexuel(le) ou gay. Ainsi le fait de criminaliser la « sodomie » se contredit avec les dispositions de cet article, car, la simple existence d’une loi pénale criminalisant la « sodomie » nie la dignité de l’individu. Dès lors, 22
l’Etat s’ingérant dans l’orientation ou de l’identité sexuelle d’un citoyen n’assure guère les conditions d’une vie digne.
Le mot « homosexualité » tel qu’il est choisi dans l’intitulé de cette étude renvoie- t-il à l’homosexualité en tant qu’orientation sexuelle ? Ou en tant qu’identité sexuelle ? La société ainsi que les institutions de l’Etat confondent identité sexuelle et orientation sexuelle, pratique sexuelle ou acte sexuel et le comportement d’un individu. Très souvent, l’expression « homosexualité » en Tunisie regroupe toutes ces composantes. Généralement, la police peut arrêter un individu identifiable à travers sa tenue vestimentaire ou ses gestes ou même sur la base d’objets perquisitionnés. Dès lors, dans cette étude le mot « homosexualité » est employé pour désigner à la fois identité et orientation. Et c’est dans le but de protéger les personnes homosexuelles qui ne sont pas souvent arrêtées pour l’acte de « sodomie », pour ce qu’ils font, mais plutôt pour ce qu’ils sont. C’est l’identité sexuelle qui est donc l’objet de protection et surtout de violation et d’incrimination. 40
Florence Martin, « Ecran pour tous ? Personnages gays dans trois films phares tunisiens », Africultures : « homosexualités en Afrique » n°96, décembre 2013, L’Harmattan, Paris, p. 109.
INTRODUCTION
Incontestablement, l’identité est la composante essentielle de l’état civil et de la reconnaissance de sa personnalité juridique. Conséquemment, condamner l’identité sexuelle c’est ne pas lui reconnaitre sa personnalité juridique, car, toute personne est titulaire de droits et d’obligations. Il essentiel aussi de noter que l’individu n’est pas défini par rapport à son activité sexuelle comme il n’est pas défini par rapport à son activité commerciale, civile ou autre. Bien évidemment, un individu est défini par rapport à son humanité, et pour le fait qu’il soit né libre et égal en dignité et en droits. Egalement, l’individu est le citoyen qui participe à la vie publique de son pays, c’est à dire qu’il participe à la gestion des affaires du pays tout en étant titulaire de droits et d’obligation sans discrimination aucune41.
Est-ce possible de dépénaliser l’homosexualité en Tunisie ? La possibilité de la dépénalisation de l’homosexualité se situe dans le cadre de ce que BENKERT appelle, « la défense du droit de chacun à disposer de son corps (…). En 1869, dans une lettre ouverte au ministre prussien de la justice, il demande la dépénalisation de ce qu’il appelle alors « l’homosexualité » : il s’agit de la première apparition publique de ce terme. BENKERT pense que les actes sexuels privés librement consentis ne doivent pas relever du droit pénal. Il organise un curieux mariage entre le préfixe grec « homos » (semblable) et la racine latine « sexus » (sexe) afin de faire un néologisme qui serait scientifiquement crédible : le terme « homosexuel » est né »42. En Tunisie, un courant conservateur adopte une vision hostile de l’homosexualité. L’homosexuel est, alors, perçu comme une personne malade43, un criminel, et un apostat.44 41
Habib Nouisser, Changer de sexe en Tunisie, ou quand le Droit confisque les identités, l’Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles (ADLI), Tunis, 2018.
42
Malick Briki, Psychiatrie et homosexualité, lectures médicales et juridiques de l’homosexualité dans les sociétés occidentales de 1850 à nos jours, Presses universitaires de Franche-Comté, Besançon, 2009, p. 46.
Les termes « homosexuel» et « homosexualité » auraient été inventés en 1869 par un écrivain et journaliste hongrois de langue allemande Karl-Maria Benkert. 43
Sachant qu’en 1973, l’association des psychiatres américains a décidé de retirer l’homosexualité de la liste des maladies mentales dans le manuel diagnostic et statistique des maladies mentales. Sur la scène internationale, au début des années 90 l’O.M.S. a retiré l’homosexualité de sa liste des maladies. Patrice Corriveau et Jean-François Cauchie, « Les mœurs homoérotiques ou l’éternel retour à la faute morale et au corps impur. Quand les maux se retranchent derrière les mots » in Patrice Corriveau et Valérie Daoust (dir.), « la régulation sociale des minorités sexuelles », P.U.Q., Québec, 2011, p.56.
44
L’homosexualité est considérée par ce courant comme « un acte contre nature qui a des répercussions négatives et dangereuses sur la santé, la famille et la société et peut même induire à l’extinction de la race humaine » .135 . ص،1998 ، تونس، الخدمات العامة للنشر مطبعة الوفاء، الجرائم األخالقية، قانون جنائي خاص،عبد اهلل األحمدي
23
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Cela représente un triple danger qui explique la nécessité de se rendre visible, afin de surmonter le danger de la pénalisation de l’homosexualité. Selon l’article 230 du C.P., l’homosexualité est passible de 3 ans de prison. Les homosexuels doivent-ils, pour autant, écoper de la peine, au même titre qu’un meurtrier ou un voleur ? La finalité de cette peine consiste-t-elle à les dissuader? Et permettrait- elle au condamné de se réinsérer dans la société ? Qualifier l’homosexualité de comportement contre nature, « a fait que l’homosexuel présumé qui agit contre nature, est aussi, tout à la fois, accusé de péché contre Dieu, contre l’Homme, et contre la société »45. Cependant, le courant moderniste a adopté un discours des droits humains qui appelle à la dépénalisation de l’homosexualité. De ce fait, il considère que l’identité sexuelle fait partie des droits humains, dont le droit au respect de la vie privée et l’intimité : ce qu’on appelle les « droits de la sexualité ».46 Si l’approche conservatrice considère que les rapports homosexuels présentent un danger pour la société, l’approche moderniste estime que la peine infligée aux personnes homosexuelles met en péril leur existence et peut mener au suicide. 24
En effet, cette répression de l’article 230 C.P., « peut créer une peur et une anxiété, parce que cela représente pour (l’homosexuel) un fardeau moral qu’il soit réprimé et la peur de la peine pourra entraver le développement psychologique et social de l’individu47 ». Ainsi, l’inefficacité de la peine a été prouvée, ce qui a conduit plusieurs régimes juridiques à la supprimer. Cela est expliqué par le fait qu’elle viole les droits humains.
45
Ginette Pelland, L’Homophobie - Un comportement hétérosexuel contre nature, Québec Amérique, Québec, 2005, p. 64.
46
Voir : Wahid Ferchichi, « L’homosexualité en droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique », in Monia Lach’heb et Eric Fassin (dir.), Être Homosexuel au Maghreb, IRMC- Karthala, Paris, 2016, pp. 171 - 195.
«العالقات: وحيد الفرشيشي و نزار صاغية، في،» بين تجريم القانون الجزائي و حق احترام الحياة الخاصة: «الجنسية المثلية في القانون التونسي:وحيد الفرشيشي .54-78 . ص،2009 بيروت، تقرير من إعداد جمعية حلم.» دراسة عامة عن قوانين الدول العربية مع تقريرين عن لبنان و تونس: المثلية في قوانين العقوبات ]http://legal-agenda.com/article.php?id=402&lang=ar[ . 2013 جوان، المفكرة القانونية،» المثلية وفحوص العار في تونس، «السياسة:وحيد الفرشيشي .2016 نوفمبر10 آخر زيارة للموقع 47
Wahid Ferchichi, “Law and homosexuality: Survey and analysis of legislation across the Arab world”, working paper prepared for the Middle East and North Africa, “consultation of the Global Commission on HIV and the Law”, 27 - 29 July 2011, p.9. http://bibliobase.sermais.pt:8008/BiblioNET/upload/PDF/0576.pdf dernier accès 6 juin 2015.
INTRODUCTION
Une affirmation publique de l’identité sexuelle en Tunisie, est-elle possible ? Une action engagée par les personnes homosexuelles afin de se rendre visible sur le plan social par le biais des associations ou des médias etc., fait qu’ils encourent un risque. « Ce que cherche un minoritaire c’est de se rendre visible aux yeux des
autres, afin qu’ils reconnaissent son existence et la spécificité du point de vue qu’il défend48 ». Le but de cette visibilité est de s’opposer aux comportements publics de la majorité et de développer un comportement contraire à celui qui met en avant l’identité majoritaire, car ces comportements publics qui contribuent à l’invisibilité nient l’existence d’un problème de racisme, ignorent ou simplifient les problèmes.49 Dans tous les cas, l’invisibilité, un choix ou une nécessité, fait que ces personnes adoptent un style de vie non conforme sur le plan social. Indubitablement, la présence d’homophobie et de transphobie correspond à une réalité sociale et juridique qui affecte la manifestation publique de l’identité sexuelle, du fait qu’elle soit alimentée par des dynamiques sociales, économiques, politiques et religieuses favorables et défavorables aux minorités sexuelles. Quand on aborde l’identité sexuelle, on vise aussi la « diversité sexuelle et de genre » face au modèle dominant d’hétérosexualité légitimement et légalement accepté publiquement. En effet, la diversité sexuelle « propose d’englober la
pluralité comportementale et identitaire50 ». Bien que certaines sociétés soient plus ouvertes à la diversité sexuelle, d’autres ignorent ou rejettent cette notion. Donc et dans ce dernier cas, l’homosexuel peut être menacé si son identité sexuelle est manifestée en public. Cela s’explique par l’application ou la simple existence de lois qui criminalisent les relations sexuelles en privé entre adultes consentants de même sexe.
48 49
Véréna Aebischer et Dominique Oberlé, Le groupe en psychologie sociale, Dunod, Paris, 2016, p. 80. Wei Sun, Minority invisibility: An Asian American experience, University Press of America, Lanham (Maryland), 2007, p. 8. “Minority invisibility denies the existence of a racial problem by consciously, deliberately or non-deliberately overacting, ignoring or simplifying the problems”.
Voir notamment: Christian Promitzer, Klaus-Jurgen Hermanik and Eduard Staudinger (dir.), (Hidden) Minorities: Language and Ethnic Identity Between Central Europe and the Balkans, LIT Verlag Münster, Berlin, 2009. 50
Line Chamberland, Blye W. Frank et Janice Ristock, « Présentation », in Line Chamberland , Blye W. Frank et Janice Ristock (dir.), Diversité sexuelle et constructions de genre, Presses de l’Université du Québec, Québec, 2009, p. 3.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Leur simple existence permet d’ores et déjà, aux autorités de harceler, d’intimider ou d’extorquer quelque chose aux personnes homosexuelles. Souvent, ce sont les comportements des personnes qui révèlent leur identité sexuelle et qui leur causent des intimidations par les autorités. Puisque la manifestation en publique est difficile pour certaines personnes appartenant à des minorités sexuelles, la situation des lesbiennes et des personnes transgenres et transsexuelles est souvent plus difficile à documenter. Par contre, l’homosexualité masculine fait l’objet de plus d’attention médiatique et politique. Ceci la rend plus visible publiquement et favorise le développement de connaissances sur les personnes homosexuelles. D’ailleurs, quand la personne accepte d’être publiquement désignée comme telle, c’est assumer une identité et « en finir avec la honte et avec la clandestinité
longtemps associées au vécu homosexuel51 ». Cela contribue aussi à accélérer le processus de la dépénalisation de l’homosexualité et à rompre avec les pratiques de l’Etat humiliantes et 26
discriminatoires contre les personnes homosexuelles. Manifester publiquement son identité sexuelle, c’est aussi revendiquer une protection et une reconnaissance de droits : « Une stratégie de visibilité maximale
a son importance dans la lutte pour la reconnaissance de droits égaux aux personnes qui vivent l’homosexualité. Promouvoir et revendiquer haut et fort une identité homosexuelle peut être une option gagnante sur le plan politique, puisque rendant plus malaisé la négation de cette réalité52 ». Mais, l’affirmation publique de l’identité sexuelle des personnes L.G.B.T.Q.I. ne peut pas être reçu aisément par la société tunisienne ni adoptée par les normes juridiques. Comme ni la société ni le législateur ne sont familiers avec la terminologie utilisée pour désigner les personnes L.G.B.T.Q.I., les expressions « transgenre » ou « transsexuel » peuvent paraitre aux agents de la police judiciaire comme à certains juges étranges. 51
Michel Dorais, « Evolution et enjeux du concept de diversité sexuelle » in Patrice Corriveau et Valérie Daoust (dir.), La régulation sociale des minorités sexuelles l’inquiétude de la différence, Presses de l’Université du Québec, Québec, 2011, p. 17.
52
Michel Dorais, Idem, p. 17.
INTRODUCTION
Par ailleurs, c’est un travail de longue haleine qui est actuellement fait par les associations défendant les droits de ces personnes minorisées et discriminées. A cet égard, Ludovic Mohamed Zahed souligne l’importance des mouvements sociaux et la mobilisation des militants homosexuels pour faire pression sur le gouvernement afin de soutenir leur cause. Il cite ainsi l’exemple de l’Afrique du Sud qui devient en 1996 le premier pays au monde à conclure dans sa Constitution l’interdiction de toute discrimination liée à l’orientation sexuelle.53
2. Terminologie - Processus Le terme « processus » du latin « pro »: pour et « cessus »: aller vers l’avant. Le mot indique un sens, une marche en avant qui peut être positive ou négative, désigne un phénomène évolutif, une succession de transformations, une succession de phases toutes liées entre elles et qui se reproduisent avec régularité54. Selon le dictionnaire Larousse, un processus est un « enchaînement ordonné de faits ou de phénomènes, répondant à un certain schéma et aboutissant à quelque chose. C’est aussi une « suite continue d’opérations, d’actions constituant la manière de faire, de fabriquer quelque chose » ou une manière que quelqu’un, un groupe, a de se comporter en vue d’un résultat particulier répondant à un schéma précis.55 - Pénalisation : « Il y a pénalisation lorsque le législateur incrimine un comportement qui ne l’était pas jusqu’au là56 ». - Dépénalisation et décriminalisation « sont deux techniques qui témoignent du caractère permissif du législateur. La première consiste dans la correctionnalisation ou l’abaissement de la peine ou toute forme de dessaisissement du système pénal au profit d’une autre variante, civile, administrative, ou de médiation. 53
Ludovic Mohamed Zahed, L.G.B.T. musulman.es, du placard aux Lumières !, Editions CALEM, Marseille, 2016, pp. 38-42. Voir notamment Christophe Broqua, « L’émergence des minorités sexuelles dans l’espace public en Afrique », in Christophe Broqua (dir.), La question homosexuelle et transgenre, Politique Africaine, n°126, KARTHALA Editions, Paris, 2012, pp. 5-23.
54
Processus dégénératifs: Unité d�enseignement 2.7 De Hélène Labousset Piquet, Carole Siebert p. 1.
55
Dictionnaire Larousse
56
Hélène Labousset-Piquet et Carole Siebert, Processus dégénératifs: unité d'enseignement 2.7, Elsevier Masson, S.l., 2013, p. 1. L�auteur cite aussi : M. Delmas-Marty, Modèles et mouvements de politiques criminelles, Economica, Paris, 1983, p. 169.
27
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
La décriminalisation a pour effet de faire disparaitre du Droit pénal un comportement incriminé57 ». Dans cette étude, nous utiliserons le mot « décriminalisation » pour les exemples comparés car l’acte qui était incriminé ne l’est plus. Le mot « décriminalisation » ne signifie pas forcément l’égalité en droits ni la disparition de toute forme de discrimination. M. Michel Van de Kerchove présente les différentes approches de la décriminalisation et de la dépénalisation58. « La décriminalisation est définie comme le processus tendant à rendre licites d’un point de vue juridique des faits antérieurement sanctionnés par la loi pénale ». La dépénalisation est définie comme le processus qui tend à convertir des formes d’infractions pénales en infractions administratives ou civiles en substituant à la peine une sanction extra-pénale ». Une autre approche montre que la dépénalisation est la conséquence de la décriminalisation. Elle définit la décriminalisation comme « la suppression 28
de l’incrimination et, par voie de conséquence, celle de la peine, tandis que la dépénalisation est définie comme toute forme d’atténuation ou de modification des sanctions applicables aux infractions, y compris, par conséquent, leur suppression totale ». Une approche différente emploi le terme dépénalisation dans son sens large consistant dans un « affaiblissement de la réaction sociale qui tantôt abandonne la voie proprement pénale, tantôt la modère, tantôt y substitue d’autres voies moins traumatisantes et plus efficaces ». Alors que dans son sens étroit, elle consiste à « maintenir l’incrimination, mais à atténuer plus ou moins la répression, la rendant en fait exceptionnelle et plus douce ». Par contre, « la décriminalisation, conçue comme une forme particulière de dépénalisation au sens large, consiste à cesser d’incriminer un comportement tout au moins sous une certaine qualification. (...) Elle vise dès lors non seulement la cessation totale de l’incrimination, mais encore la simple disqualification de l’infraction et de manière peu cohérente Le maintien de la qualification avec peines 57 58
Annie Beziz- Ayache, déjà cité, pp. 195-196. Michel Van de Kerchove, Le Droit sans peines: aspects de la dépénalisation en Belgique et aux Etats-Unis, Publications Faculté St Louis, Bruxelles, 1987.
INTRODUCTION
sensiblement différentes dans le sens d’une moindre rigueur ». La décriminalisation consiste en « la pleine reconnaissance juridique et sociale du comportement décriminalisé » et « la reconnaissance d’un droit légitime à un mode de vie qui était précédemment contraire à la loi »59. - Dépénalisation de droit La dépénalisation de droit « consiste dans le processus tendant à réduire ou à supprimer la compétence juridique du système pénal à infliger des peines à l’égard de personnes ou de comportements déterminés60. » « Il nous semble possible de caractériser comme des formes de dépénalisation de droit les abandons de poursuite assortis ou non d’une transaction de la part du ministère public ou de l’administration compétente pour exercer l’action publique, lorsque, dans le cadre des pouvoirs d’appréciation qui sont les leurs, ils limitent la compétence d’intervention du système pénal à l’égard de certains comportements, en vue de soustraire ceux-ci à l’application des peines prévues61. » - Dépénalisation de fait La dépénalisation de fait « consiste dans le processus tendant à réduire ou à supprimer l’application de peines, sans qu’intervienne aucune modification dans la compétence juridique de ce système à les infliger.62 » « Toute forme de dépénalisation réalisée à l’intervention des différents agents d’application de la loi pénale (juge, ministère public, police, administration) aussi bien qu’à l’intervention des simples particuliers devrait être considérée comme une dépénalisation de fait63 ». - L.G.B.T.Q.I.: Une expression adoptée par les personnes concernées pour s’autodésigner dans le discours politique et la défense des droits humains. On peut, aussi, les appeler les personnes à sexualité, identités ou expressions de genre non-normatives. Cette expression « tend à couvrir les différentes 59 60
M. Delmas-Marty, Modèles et mouvements de politiques criminelles, Economica, Paris, 1983, p. 206. Michel Van de Kerchove, Le Droit sans peines: aspects de la dépénalisation en Belgique et aux Etats-Unis, Publications Faculté St Louis, Bruxelles, 1987, p. 326.
61
Michel Van de Kerchove, idem, p. 323.
62
Michel Van de Kerchove, ibid, pp. 323 - 324.
63
Michel Van de Kerchove, ibid, p. 324.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
manifestations de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre »64. - L’orientation sexuelle fait référence à « la capacité de chacun à ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers des individus du sexe opposé, de même sexe ou de plus d’un sexe, et d’entretenir des relations intimes et sexuelles avec ces individus ». - L’identité de genre fait référence à « l’expérience intime et personnelle du sexe faite par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris une conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou divers) et d’autres expressions du sexe, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire ».65 - Gay et homosexuel En 1969 apparut le terme « gay », repris d’un ancien terme de l’amour courtois, et adopté par la population homosexuelle américaine afin de supprimer l’effet social, médical et la stigmatisation suscités par le terme « homosexuel ».66 Les homosexuels préfèrent d’ailleurs être désignés par les termes « Gay » et
30
« Lesbienne ». Ultérieurement, divers auteurs ont également défini le terme « hom"osexuel » en y attribuant différentes nuances. Selon W. H. Masters et V.E. Johnson, 64
En anglais: Lesbian, gay, Bisexual, Transsexual, Queer and intersexual. Souvent la terminologie utilisée par des organes conventionnels internationaux et par d'autres instances de défense des droits humains est : « minorités sexuelles » et qui demeure absente du répertoire législatif et jurisprudentiel en Tunisie. « Discrimination fondée sur l�orientation sexuelle et l�identité de genre en Europe », Editions du Conseil de l�Europe, Starsbourg, 2012, p. 21. Voir aussi : Salwa Hamrouni, « L�orientation sexuelle en Droit international », in Wahid Ferchichi (dir.), Le corps dans toutes ses libertés, Publications de l�association Tunisienne de défense des libertés individuelles (ADLI), Tunis, 2017, pp. 158 - 168. Cf. Etude sur: « Les associations LGBTQI++ en Tunisie : Emergence d�un nouveau militantisme humain », réalisée par Mme Jinane Limam et préfacée par M. Wahid Ferchichi, l�association Tunisienne de défense des libertés individuelles, Tunis, octobre 2017, p. 12 et s. https://tn.boell.org/sites/default/ fles/1._etude_associations_lgbtqi_fr.pdf
65
« Les principes de Jogjakarta : Principes sur l�application de la législation internationale des droits humains en matière d�orientation sexuelle et d�identité de genre », La Commission internationale de juristes et le Service international pour les droits de l�Homme, mars 2007, p. 8. http://yogyakartaprinciples.org/wap-content/ uploads/201608//principles_fr.pdf Voir pour ce qui est des Principes de Jogjakarta: Hafidha Chekir, « de la conférence du Caire à celle de Jogjakarta : les avancées en matière de droits sexuels », in Wahid Ferchichi et Hafidha Chekir (dir.) droits sexuels, droits humains à part entière, ADLI, Tunis, 2017, pp. 72 - 95.
66
Donald J. West, L�homosexualité, Dessart, Bruxelles, 1971.
INTRODUCTION
l’homosexualité signifie « Un désir ou une activité sexuelle entre des membres d’un même sexe ». C’est-à-dire « l’attirance érotique de quelqu’un pour un autre du même sexe67 ». Ces définitions de l’homosexualité sont restrictives car ils se limitent à l’acte sexuel. Alors que dans cette étude nous utilisons le mot « homosexualité » au sens large, pour renvoyer tant à l’orientation sexuelle qu’à l’identité sexuelle. Le mot « gay » signifie l’homosexuel et la vie homosexuelle. En effet, c’est un terme politique.68 Alors que, le mot « homosexuel » décrit les sentiments et les comportements et désigne les personnes attirées par les personnes du même sexe. L’expression renvoie aux femmes et hommes, mais les femmes homosexuelles préfèrent qu’on les appelle « lesbiennes ».69 - Les homosexuels Donald J. West énonce également la classe d’« homosexuel exclusif »70 ou « obligatoire», c’est-à-dire des personnes n’éprouvant aucune attirance érotique de type hétérosexuel ou ressentant cette tendance à un degré nettement inférieur par rapport à leur attirance homosexuelle. Souvent, ce sont les homosexuels exclusifs qui revendiquent la reconnaissance d’une identité homosexuelle. Il existe des homosexuels dits «occasionnels»71 car ils connaissent des relations homosexuelles à défaut de ne pouvoir être en relation avec des personnes hétérosexuelles, et il est rare que ces relations homosexuelles perdurent hors du contexte de cette homosexualité occasionnelle et temporaire. Il est difficile voire rare que cette catégorie de personnes revendiquent une identité homosexuelle. - Queer Terme d’origine anglo-saxonne, réapproprié par les communautés L.G.B.T.Q.I. de manière à en faire un symbole d’auto-détermination et de libération plutôt 67
William Masters et Virginia Johnson, Les réactions sexuelles, Paris, Laffont, 1966.
68
Chuck Stewart, Gay and Lesbian Issues: A Reference Handbook, ABC-CLIO, Oxford, 2003, p. 375.
69
Sherry Joseph, “Gay and Lesbian Movement in India”, Economic and Political Weekly, vol. 31, n°33, August 17, 1996, note 1, p. 2233.
70
Donald J. West, L�homosexualité, Dessart, Bruxelles, 1971
71
Donald J. West, ibid.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
qu’une insulte, qui fait référence à toute idée, pratique, personne ou identité allant à l’encontre des normes structurant le modèle social hétéronormatif. En ce sens, le terme connote d’une auto-représentation contestataire.72 Compte tenu de cette terminologie absente dans la législation tunisienne, et jusqu’ici, ignorée par le juge et apparemment, par les institutions de la République tunisienne, il est nécessaire de passer par plusieurs étapes au niveau normatif comme au niveau institutionnel afin de l’utiliser dans le processus de la dépénalisation. De surcroit, surmonter les dangers de la criminalisation de l’homosexualité nécessite un lent processus de mobilisation, de contestations et d’affirmation de son existence dans la société ; processus passant par une prise de conscience collective de son identité, le retournement d’une oppression vécue collectivement, la revendication et la conquête de droits et libertés, comme tous les citoyennes et citoyens.
Ab initio, les expériences de lutte pour la dépénalisation de l’homosexualité dans le monde ont permis aux personnes homosexuelles de sortir de l’ombre et de 32
revendiquer leurs droits. Sans nul doute, dans les pays qui criminalisent l’homosexualité, internet est l’arme des personnes homosexuelles, « à l’ère de la globalisation et de l’internet, il n’y a plus de communauté isolée et qui ne soit pas au courant de débats, luttes et gains au niveau des droits des homosexuels dans le monde73. » Jusqu’au là, en Tunisie, les réseaux sociaux ont joué un rôle incontournable, des associations pour la défense des droits des personnes L.G.B.T. qui ont été créées après 2011 utilisaient facebook pour mobiliser les gens et faire entendre les voix des personnes homosexuelles à l’opinion publique afin de faire pression sur le gouvernement. Après la chute du régime le 14 janvier 2011, la vie privée et les sujets tabous sont étalés en public et certaines questions privées font, désormais partie du domaine politique, à l’instar de l’orientation sexuelle, qui en principe touche la vie privée, est évoquée par le terme « dépénalisation de l’homosexualité. » 72
Lexique LGBT sur la diversité sexuelle et de genre en milieu de travail, Chambre de commerce gay du Québec, février 2014.
https://cclgbtq.org/wp-content/uploads/2015/12/Lexique-LGBT.pdf 73
Pierre Hurteau, Homosexualités masculines et religions du monde, Editions L’Harmattan, Paris, 2017, p. 11.
INTRODUCTION
Discrimination, rejet, harcèlement, menace, inégalité devant la loi et devant la justice. L’homosexuel est réprimée doublement : sur le plan pénal et par la société. Par conséquent, un contre- pouvoir émerge après le 14 janvier 2011, les mouvements sociaux, la société civile, les O.N.G. militantes en matière des droits des L.G.B.T. ou des droits humains. D’emblée, tous ces acteurs appellent avant tout à l’affirmation de l’égalité en droits. Ils appellent, ainsi, à reconnaitre une citoyenneté complète aux personnes homosexuelles. Vu la spécificité du contexte socio-juridique tunisien par rapport à celui des autres pays où les processus de décriminalisation/dépénalisation de l’homosexualité étaient différents d’un pays à l’autre. Le contexte tunisien de la dépénalisation est encore dans la phase « lutte », deuxième phase après avoir étalé le sujet en public. Pour arriver à la phase finale, comment la Tunisie va-t-elle tirer avantage de ces expériences comparées afin de faire réussir le processus de la décriminalisation/ dépénalisation de l’homosexualité ? Dans un premier temps, nous allons analyser les exemples comparés de dépénalisation de l’homosexualité dans les pays où les lois criminalisant l’homosexualité ont été abrogées ou déclarées inconstitutionnelles (Première partie). Dans le deuxième, à partir de ces exemples, nous allons déterminer les axes de plaidoyer de dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie (Deuxième partie).
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Première partie 34
Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Les rapports sexuels entre personnes de même sexe étant pénalisés, cela a pour conséquences : -
L’augmentation des arrestations d’hommes « supposés » homosexuels ou ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.
-
L’augmentation des agressions homophobes et la difficulté ou l’impossibilité pour les victimes d’avoir accès à la justice de peur d’être arrêtés et condamnés pour homosexualité alors que les responsables de ces agressions ne sont pas poursuivis en justice. D’abord, l’analyse des exemples comparés de la dépénalisation de l’homosexualité
nous montre comment la pénalisation des rapports sexuels en privé entre personnes de même sexe viole les droits des personnes homosexuelles à savoir la liberté, la dignité et l’égalité qui s’y rapportent. Ensuite, à travers les différents exemples, on remarque qu’il est incontestablement urgent que la dépénalisation doit s’accompagner d’une part, d’une purification de l'arsenal législatif des dispositions discriminatoires, et d'autre part, la pénalisation de l'homophobie est inéluctablement une phase par laquelle le processus de dépénalisation doit passer. En outre, malgré le contexte différent de chaque exemple comparé, le processus est passé dans ces pays presque par les même étapes, principalement, par la décriminalisation, puis par la revendication de l'égalité et de la non-discrimination jusqu'à l'affirmation des droits. De surcroit, les processus de dépénalisation étaient aussi marqués par un militantisme associatif L.G.B.T. très puissant et influent aux Etats-Unis (Section I), en France (Section II), en Inde (Section III) et en Afrique du sud (Section VI). Ces associations adoptaient plus ou moins les mêmes méthodes et ont fait face à plusieurs acteurs afin d'atteindre un seul but qui est non seulement la décriminalisation de l'homosexualité mais aussi l'égalité en droits.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Section I Les Etats-Unis : de la décriminalisation de l’acte à la reconnaissance de l’identité La décriminalisation de l’acte homosexuel ou l’abrogation des lois dites « antisodomie » visait plutôt la protection des libertés que la reconnaissance de l’acte sexuel entre personnes de même sexe. Parmi ces libertés, le respect de la vie privée et intime des individus (the right to privacy)74. Le mot tel qu’utilisé en Droit constitutionnel américain englobe le respect de la vie privée lato sensu et a fortiori le respect de la vie privée stricto sensu (l’intimité)75. Garantir cette liberté en décriminalisant la « sodomie » n’était pas une entreprise facile, car l’abrogation des lois « anti-sodomie » est passé par des étapes dures et longues pour les personnes homosexuelles (paragraphe 1). Il en résulte qu’un mouvement homosexuel est apparu afin d’appeler non seulement à la décriminalisation et de mettre fin à la répression policière mais aussi de revendiquer une reconnaissance juridique et sociale de l’identité homosexuelle 36
(paragraphe 2).
Paragraphe 1: Une lente décriminalisation juridique L’identité et l’orientation sexuelles des homosexuel-l-es étaient menacées par les dispositions puritaines en vigueur dans plusieurs Etats des Etats-Unis et qui punissaient les comportements sexuels «déviants», «contre-nature» ou «bestiaux». En effet, l’expression « crime contre nature » a été déterrée par le juriste anglais William Blackstone et qui a permis d’accuser les homosexuel-l-es en recherchant des preuves irréfutables afin de réprimer l’acte de « sodomie »76. 74
Tripathi Shivnath, “Right to Privacy as a Fundamental Right: Extent and Limitations”, June 17, 2017. Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=2273074 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.227307“Right to privacy is a bundle of rights. Black’s Law Dictionary says that ‘right to privacy’ is a generic term encompassing various rights recognized to be inherent in concept of ordered liberty, and such rights prevent government interference in intimate personal relationship’s or activities, freedoms of individual to make fundamental choices involving himself, his family, and his relationship with others”. Voir aussi, Lloyd L. Weinreb, “The Right to Privacy”, Social Philosophy and Policy, vol. 17, Issue 2, Summer 2000, pp. 25-44.
75
Dans ce sens, on entend dire par la vie privée au sens strict tout ce qui se rapporte à l�intimité et à ce que l�individu ne souhaite pas exposer, chose qui interdit toute sorte d�immixtion de la part de l�Etat. V. Philip Chapman, «Beyond Gay Rights: Lawrence v. Texas and the Promise of Liberty, William and Mary Bill of Rights Journal, vol. 13, 2004, p. 245.
76
William Blackstone, Commentaries on the law of England, livre 4, chapitre 15, « offenses contre les personnes (17651769) ». Cité par Malick Briki, Psychiatrie et homosexualité, Presses Univ. Franche-Comté, Besançon, 2009, p. 34.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
En effet, l’expression para physin (contre nature) existait déjà depuis la Grèce antique. C’est justement Platon qui considère dans son ouvrage Les Lois que le désir de s’accoupler avec une personne du sexe opposé est donné par la nature (kata physin) tandis que le désir pour les personnes du même sexe est para
physin(contre nature).77 Ainsi, jusqu’en 1961, cinquante Etats des Etats-Unis possédaient des lois dites « anti-sodomie » et qu’en 1986, 24 Etats possédaient encore des lois semblables78. Ce n’est qu’en 2003 que la Cour suprême des Etats-Unis a déclaré inconstitutionnelles toutes les lois « anti-sodomie » (C). Cette lenteur dans le processus de décriminalisation n’est pas seulement mesurée en fonction du temps mais aussi par rapport aux différents acteurs qui interviennent dans le système pénal et qui ont contribué tant à la criminalisation qu’à la décriminalisation de l’acte de « sodomie » (B). Ces acteurs appliquaient les lois en vigueur et qui étaient déclarées avant la décision de 2003 comme constitutionnelles et par la suite légitimer la répression des homosexuel-l-es (A). 37
A. Une tentative de décriminalisation bloquée par la Cour suprême Les Etats-Unis ont pénalisé l’homosexualité, à travers des lois réprimant l’acte de la « sodomie », c’est-à-dire aussi bien le sexe anal que le sexe oral et parfois même d’autres pratiques sexuelles jugées infamantes79. Ces lois dites « anti-sodomie » interdisaient les rapports sexuels entre personnes de même sexe car contraire aux bonnes moeurs. Dans certains Etats des Etats-Unis, était pénalisée et qualifiée de sodomie toute pratique sexuelle non reproductive (dont la fellation)80.
77
V. Wahid Ferchichi, « L�homosexualité en Droit tunisien ou de l�homophobie de la règle juridique », in, Monia Lach’heb et Eric Fassin (dir.), Être Homosexuel au Maghreb, IRMC- Karthala, Paris, 2016, p. 182.
V. Platon, Les Lois, in oeuvres complètes, trad. du grec Léon Robin, tome II, Paris, Gallimard, 1950, pp. 651 - 652. 78
Stéphane Garneri, « Le Droit constitutionnel et les discriminations fondées sur l�orientation sexuelle », Revue française de Droit constitutionnel, n°40, 1999, p. 732.
79
Alabama 2–10 ans d’emprisonnement, Alaska 1–10 ans d’emprisonnement, Arizona 5–20 ans d’emprisonnement, Connecticut 30 ans d’emprisonnement, Delaware 3 ans d’emprisonnement et $1000 amende.
80
Richard Weinmeyer, “The Decriminalization of Sodomy in the United States”,
American Medical Association Journal of Ethics, November 2014, vol. 16, n°11, pp. 916 - 922.
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
En se référant à la définition traditionnelle de la « sodomie » en Droit américain, on remarque qu’il englobe tout rapport sexuel avec l’animal et les oiseaux, ainsi que tout rapport sexuel avec un homme ou une femme par voie anale ou buccale.81 Dans ce sens, l’Etat de Géorgie dispose d’une loi criminalisant la « sodomie »82, qui la définissait comme « tout acte sexuel impliquant le sexe d’une personne et la bouche ou l’anus d’une autre personne ». Cette loi a été déclarée constitutionnelle par la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt « Bowers v. Hardwick » rendu en 198683. Un policier est entré sans demander permission dans la chambre à coucher de Michael Hardwick, un homosexuel, alors qu’il pratiquait la « sodomie » avec son partenaire dans l’intimité de sa chambre. Après avoir été arrêté dans sa maison pour violation de la loi anti-sodomie de Géorgie, Hardwick a contesté la constitutionnalité de cette loi en avançant l’argument selon lequel ses dispositions violent la Constitution notamment la nonimmixtion de l’Etat dans la vie privée des individus. D’où la question qui se posait devant la Cour suprême était de savoir si les rapports intimes entre personnes de même sexe faisaient partie des droits garantis par la Constitution. Or, la question 38
que la Cour devrait poser porte sur la liberté et non pas sur « le droit à la sodomie » puisque les individus arrêtés pratiquaient l’acte de sodomie en privé dans leur domicile et non pas en public84. La Cour a jugé que la Constitution fédérale ne protège pas les rapports sexuels entre personnes de même sexe et que le droit au respect de la vie privée (privacy) ne doit pas s’étendre à « la sodomie entre homosexuels ». De plus, la Cour a limité ce droit à des aspects touchant la famille, le mariage ou la procréation.85 81
“A person who carnally knows in any manner any animal or bird, or carnally knows any male or female person by the anus, or with the mouth, or voluntarily submits to such carnal a dead body, is guilty of sodomy”.
John C. Klotter, Criminal law, Anderson Publishing Company, Cincinnati (Ohio), 2001, p. 145. 82
“The Crimes Against Nature”, Journal of Public Law, n°47, 1967, p.159. Georgia law annotated 1967, § 16-6-2(a) (1984).
83
La Cour Suprême des Etats-Unis, 30 juin 1986, (478 U.S. 186), Bowers v. Hardwick.
https://www.oyez.org/cases/1985/85-140 84
Sur « la criminalisation des relations homosexuelles entre adultes consentants » aux Etats-Unis, Stéphane Garneri, « Le Droit constitutionnel et les discriminations fondées sur l�orientation sexuelle », Revue française de Droit constitutionnel, n°40, 1999, p. 730.
Voir aussi : John L. Hollis, “Criminal Law, Sexual Offenses, Sodomy, Cunnilingus State v. Putnam”, Natural Resources Journal, vol. 8, 1968, p. 531. 85
“The right of privacy under the Constitution did not extend to consensual homosexual sodomy (…) the right of privacy had been extended to areas such as education and child rearing, family relationships, procreation, marriage, contraception and abortion.”
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Par conséquent, selon la Cour il est impossible d’admettre le droit à un comportement homosexuel protégé par la Constitution fédérale, même lorsqu’il est commis dans un lieu privé. La Cour suprême des Etats-Unis en justifiant la constitutionnalité de la loi de Géorgie86, adopte une vision traditionnelle animée par l’image dominante de la sexualité « normale » qui se concorde avec la « moralité publique ». Les arguments avancés par la Cour oscillent entre la préservation des bonnes moeurs de l’opinion majoritaire et le conservatisme de la société américaine : - Le droit au respect de la vie privée ne couvre pas les rapports entre personnes de même sexe. Le juge White qui a rédigé l’opinion de la Cour a considéré que l’acte de sodomie ne constitue pas une liberté fondamentale garantie par la Constitution et que le droit au respect de la vie privée ne s’étend pas à la « sodomie » entre homosexuels consentants. - Les treize colonies fondatrices possédaient toutes des lois anti-sodomie qui étaient adoptées au moment de la ratification des amendements constitutionnels (dont le 14ème amendement ratifié en 1868). Les interdictions de la sodomie ont des racines anciennes qui remontent à l’adoption des amendements constitutionnels. Par conséquent, il est facétieux de considérer que les rapports entre personnes de même sexe constituent un élément du droit au respect de la vie privée. - La Cour suprême décline toute compétence qui consiste en l’extension du droit au respect de la vie privée aux rapports consensuels entre homosexuels. - La Cour suprême se base sur la moralité publique Le juge White a considéré que « le droit à la sodomie n’est pas profondément enraciné dans les traditions et l’histoire de la Nation ». L’opinion publique représentant la majorité de la population concernant la moralité de la « sodomie homosexuelle » a fourni un argument raisonnable pour soutenir la loi de Géorgie. Il s’agit du fondement rationnel sur lequel repose la loi et selon la majorité la sodomie est immorale et inacceptable. 86
Cf Randi Maurer, “Bowers v. Hardwick: A Giant Step Back for Privacy Rights”, Loyola of Los Angeles Law Review, vol. 20, 1987, pp. 1013 - 1054.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Comme dans tous les arrêts de la Cour suprême, l’opinion de la majorité est mise en doute par une ou plusieurs opinions dissidentes. En effet, l’opinion dissidente du juge Blackmun rejette l’argument de la moralité publique en considérant que les libertés individuelles font partie de la vie de l’individu. Ce dernier appartient à lui-même et non pas aux autres ni à la société. Dès lors, les libertés individuelles ne doivent pas être limitées par l’opinion de la majorité. La moralité n’est rien que la représentation d’une opinion populaire. Le juge Stewart a précisé dans son opinion dissidente dans l’arrêt « Young »87 que les garanties de la Charte des droits (Bill of Rights) ont été conçues pour protéger contre les limites posées par la majorité aux libertés individuelles. Cette position a été réaffirmée par la Cour suprême dans l’arrêt Eisenstadt88 dans lequel il a été décidé que la moralité ne peut pas déterminer les règles de conduite pour les individus dans leur maison et par la suite ne peut être une justification pour régir les rapports intimes et secrets des individus de même sexe ou de sexe opposé. Le juge Blackmun a considéré aussi que la protection des droits ne contribue pas forcément à la protection de l’ordre public mais plutôt parce que ces droits 40
constituent une partie centrale de la vie d’un individu89. En répondant à l’argument relatif à l’adoption des lois anti-sodomie au moment de la ratification des amendements constitutionnels, le juge Blackmun a considéré qu’« il serait révoltant qu’une loi n’ait pas d’autre justification que son adoption à une époque lointaine, surtout lorsque les raisons qui ont mené à cette adoption ont disparu au fil du temps et que la loi en question demeure simplement par répétition aveugle du passé90 ». Le droit au respect de la vie privée (privacy) comprend le privilège de l’individu de concevoir ses propres affaires, sauf celles qui constituent un comportement offensif. Mais, quels sont les critères selon lesquels on peut déterminer un « comportement offensif » ?
87
Young v. American Mini Theatres, Inc., 427 U.S. 50 (1976) (Stewart, J., dissenting).
88
L�arrêt Eisenstadt v. Baird du 22 mars 1972, n° 70-17.
89
Randi Maurer, “Bowers v. Hardwick: A Giant Step Back for Privacy Rights”, Loyola of Los Angeles Law Review, vol. 20, 1987, p. 1027.
90
O. W. HOLMES, “The Path of the Law”, Harvard Law Review, 1897, p. 469, cité dans l�arrêt Bowers, 199 (opinion dissidente du juge Blackmun).
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
A défaut d’une réponse en Droit américain, on se réfère à la jurisprudence belge concernant le mode de détermination de l’opinion publique dans le domaine des bonnes moeurs et leur rapport avec la sexualité, le juge se base sur des indices tirés de l’existence ou de l’absence de scandale, considérée comme « un des moyens de déterminer si la pudeur publique est offensée91 ». Dès lors, en appliquant ce mode qui détermine le caractère offensif de l’acte, on peut déduire que « le droit au respect de la vie privée - comprend, sauf pour les comportements offensifs, le privilège de l’individu de planifier ses propres affaires. Chaque américain a le droit de choisir la vie qu’il souhaite, faire ce que lui fait plaisir, et aller où il veut92 ». Ainsi, Hardwick n’a pas été arrêté pour un comportement jugé « offensif » comme le viol, l’homicide ou le vol mais plutôt pour un comportement inoffensif qui consistait en une relation sexuelle entre adultes consentants en privé. Enfin, selon l’opinion dissidente du juge Blackmun, la loi de Géorgie n’est pas conforme au 14ème amendement de la Constitution des Etats-Unis car elle viole le principe de l’égale protection des lois. Cet amendement dispose : « (...) Aucun Etat ne pourra faire appliquer des lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des Etats-Unis; aucun Etat ne pourra non plus priver une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale, ni refuser à quiconque relève de sa juridiction une égale protection des lois93 ». Néanmoins, ce principe est ignoré par les acteurs du système pénal lorsqu’ils acharnent à criminaliser l’acte de « sodomie ».
B. Une dépénalisation freinée par les acteurs du système pénal Les acteurs du système pénal interviennent dans un processus de criminalisation et/ou de dépénalisation qui se répartit en deux phases : une phase de criminalisation primaire et une phase de criminalisation secondaire. En effet, les deux phases sont interdépendantes, car, « aux phases de criminalisation primaires et secondaires inhérentes au processus pénal correspondent corrélativement des phases de dépénalisation primaires et secondaires auxquelles sont associés des agents de 91
Michel van de Kerchove, Le Droit sans peines: aspects de la dépénalisation en Belgique et aux Etats-Unis, Publications Fac St Louis, 1987, p. 232.
92 93
Selon l’opinion concordante du juge Douglas dans l�arrêt Roe. Randi Maurer, “Bowers v. Hardwick: A Giant Step Back for Privacy Rights”, Loyola of Los Angeles Law Review, vol. 20, 1987, p. 1018 and following.
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nature diverse94 ». Avant d’expliquer la dépénalisation ou la décriminalisation, il faut passer par les différentes phases de criminalisation. « Par processus de criminalisation primaire, nous entendons tous les processus et les actes sociaux qui contribuent à la pénalisation par le législateur de certains comportements et/ou actes triés à partir de la gamme totale des comportements humains95 ». Tels sont les processus des acteurs primaires (1). Tandis que pour la criminalisation secondaire, elle consiste en « l’ensemble des actions mises au point, parfois spontanément, par les acteurs les plus proches du terrain96 » ou les acteurs secondaires (2).
1- Les acteurs primaires En 1962, l’American Law Institute a adopté dans le Model Penal Code, un texte selon lequel, le rapport sexuel n’est pas criminalisé quand il est entretenu entre deux adultes consentants, en privé et sans créer de trouble publique. Par contre, lorsque cet acte est pratiqué en public, cela constituerait une obscénité, c’est-àdire une « indécence publique »97. En dépit de ce texte, certains Etats ont fait preuve de résistance et ont continué
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de criminaliser la sodomie. Ainsi, au milieu des années 1980, l’homosexualité reste passible d’une peine dans la moitié des États, et la crise du sida mobilise tant les forces des militants homosexuels que la décriminalisation de l’homosexualité passe provisoirement en seconde urgence, et ne reprend qu’au début des années 199098. Parmi les effets des lois anti-sodomie en vigueur aux Etats-Unis avant l’arrêt Lawrence v. Texas, une « homophobie » institutionnelle a été instaurée par le biais de la prise de mesures discriminatoires à l’égard des personnes homosexuelles dans plusieurs domaines. Ainsi, l’impératif de sécurité nationale était, souvent, utilisé comme justificatif d’une discrimination dans le domaine de la fonction publique. Par exemple, en 1953, le Président Dwight D. Eisenhower a signé un 94
Michel van de Kerchove, Le Droit sans peines: aspects de la dépénalisation en Belgique et aux Etats-Unis Publications Fac St Louis, 1987, p. 297.
95
Patrick Hebberecht, « Les processus de criminalisation primaire », in: Déviance et société, 1985, vol. 9, n°1, p. 59.
96
Stéphane Engueleguele, Justice, politique pénale et tolérance zéro, Editions L’Harmattan, Paris, 2010, p. 15.
97
Richard Weinmeyer, “The Decriminalization of Sodomy in the United States”, American Medical Association Journal of Ethics, November 2014, vol. 16, n° 11, pp. 916-922.
98
Marc Stein, Rethinking the Gay and Lesbian Movement, Routledge, New York, 2012, “LGBT and queer activism beyond 1990”, pp. 182-190.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
executive Order n°1045099 selon lequel le gouvernement ne doit pas recruter de collaborateurs homosexuels. Des salariés puissent se voir refuser un emploi ou être licencié pour le simple fait qu’il/elle soit homosexuel-l-e. Tel est l’exemple des salarié(e)s connu(e)s comme homosexuel(le)s de la chaîne de restaurants Cracker Barrel Country Store, licenciés collectivement en 1991 parce que la direction avait décidé de ne plus employer de personnes « dont la préférence sexuelle ne relev[ait] pas des valeurs normales qui sont le fondement de la famille dans notre société100 ». A ce stade il faut noter que le licenciement d’un employé en raison de son identité et/ou orientation sexuelle n’est pas jugé illégal dans la majorité des États puisque l’administration fédérale a autorisé les Etats fédérés à légiférer en matière de contrats de travail. Une évolution à ce niveau a été l’introduction d’une loi promulguée par l’administration Obama en juin 2014. Désormais, tout licenciement pour cause d’orientation sexuelle non hétéro-normée ou d’identité transgenre au sein des entreprises liées par un contrat à un organisme fédéral est jugé illégal101. Pendant son premier mandat, le Président Obama était déterminé pour améliorer le statut des personnes homosexuelles et interdire toute forme de discrimination sur la base de l’identité de genre ou l’orientation sexuelle. Avant la promulgation de cette loi, l’administration Obama a opté pour une politique pénale qui réprime les actes homophobes dans un objectif de préserver la dignité des personnes homosexuelles et afin d’assurer leur sécurité. Cela montre que la décriminalisation n’est suffisante mais elle doit être accompagnée de la garantie de droits et de la répression des pratiques institutionnelles homophobes. Afin de lutter contre l’homophobie, en 2009, le Président Obama a signé la loi « Matthew Shepard and James Byrd Jr. Act », qui élargit la législation de 1969 sur les crimes de haine pour y inclure ceux basés sur l’orientation sexuelle, le genre ou le handicap. Executive Order 10450. “Security requirements for Government employment”.
99 100
Michel Antoine, « Sexualité, discrimination à l�embauche, et droit du licenciement aux États-Unis », in, Claudine
Raynaud (dir.), Sexualités américaines, Regards théoriques, réponses institutionnelles, Presses universitaires François-Rabelais, Tours, 1997, p. 117-137. 101
Denis Stokkink (dir.), LGBTQ et discrimination professionnelle en Europe et aux Etats-Unis, notes d�analyse,
décembre 2016, RSE et Diversité, p. 4. http://www.pourlasolidarite.eu/sites/default/files/publications/files/na-2016-div-lgbtq.pdf
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Néanmoins, l’homophobie peut émaner de l’Etat surtout lorsque la répression vise tant la personne que l’acte qu’il a commis.
2- Les acteurs secondaires Les acteurs secondaires ou du terrain interviennent en phase secondaire afin de mettre en œuvre de la loi pénale. Ils interviennent soit pour faire respecter la loi et réprimer les personnes homosexuelles (b). Soit à travers le système pénal à contrôler le comportement homosexuel ou la personne sur la base de l’acte de sodomie (a).
a. Une justification « scientifique » de la répression des homosexuels L’approche médicale des homosexuels aux Etats-Unis qui considérait l’homosexualité comme une maladie mentale a justifié l’immixtion dans l’identité sexuelle des individus102. En effet, cette immixtion s’inscrit dans un contexte d’une répression médicale qui s’opère à travers le contrôle médical de la « sodomie » par le biais de la psychiatrie et la psychanalyse. Ainsi, opérant dans le système pénal, « la psychiatrisation de l’homosexualité ne s’est pas substituée à la répression
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pénale: elle l’a plutôt accompagnée103 ». La psychiatrisation de l’homosexualité peut s’entendre comme étant une « médicalisation à des fins politiques ». Elle intervient en Allemagne au cours des années 1860-1880, dans le double contexte d’un paragraphe pénal poursuivant les actes commis entre des hommes104. Cette médicalisation a conduit à une « pathologisation » de l’homosexualité basée sur des théories médicales. Vue comme une sexualité « anormale », l’homosexualité se situe dans la catégorie des relations sexuelles non procréatives. Selon Michel Foucault le savoir/pouvoir médical a développé quatre dispositifs d’expertise sur le sexe: « la pédagogisation de la sexualité juvénile, l’hystérisation 102
Dans le discours médical concernant l�homosexualité, il faut distinguer entre la médecine légale dont les
théoriciens sont: Johann Ludwig Casper, Ambroise Tardieu et Cesare Lombroso. Et La psychiatrie, dont les théoriciens sont: Richard von Krafft-Ebing, Albert Moll, Jean Martin Charcot, et Victor Magnan. Et les théoriciens psychanalytiques tels que: Sandor Rado, Irving Bieber, Cornelia B. Wilbur, et Charles Socarides. 103
Malick Briki, Psychiatrie et homosexualité, Presses Univ. Franche-Comté, Besançon, 2009, p. 57.
104
Thierry Delessert, « Pathologisation du sexe dans la société. Perspectives, historiques et questionnements de nos
catégories de pensée sur la sexualité », dépendances, n°60, juin 2017, p. 15.
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du corps féminin, la psychiatrisation des plaisirs non procréatifs et la socialisation des conduites procréatrices105 ». La psychiatrisation des plaisirs non procréatifs s’est fondée sur un discours psychiatrique qui était différent selon les époques. Vers la fin du dix-neuvième siècle l’homosexualité était considérée comme une tare, une dégénérescence. Ainsi, la personne homosexuelle était l’objet de la psychiatrie qui appelait à soigner le malade homosexuel ou « le sodomite » qui « se transforme à partir du 19ème siècle en une subjectivité particulière, un individu atteint d’une quelconque perversion. Bref, il devient un malade qu’il faut soigner et dont la société doit se protéger106 ». Quant au discours psychiatrique du début du vingtième siècle, l’homosexualité était toujours regardée comme une inversion sexuelle, c’est à dire comme une anomalie psychique, mentale ou de nature constitutive. Dans ce sens, l’homosexualité ne renvoie pas seulement à un comportement sexuel, mais fait plutôt référence à une maladie psychologique et à une pathologie sociale.107 La psychiatrie américaine conservait l’homosexualité dans la catégorie des psychoses (catégorie des pathologies délirantes telles que la paranoïa ou les troubles schizophrènes). Il fallait attendre 1974, sous la pression des « mouvements homosexuels »,
l’American Psychiatric Assocation (APA) a décidé de rayer l’homosexualité de sa liste des maladies mentales. Cela marque la fin des années de stigmatisation et de répression des homosexuel-l-es108. Traiter l’homosexualité comme une maladie mentale n’était pas sans conséquences sur l’identité de la personne homosexuelle ainsi que sa dignité. En effet, aux Etats-Unis, le corps médical traitait l’homosexualité comme une maladie mentale avec des méthodes indignes. Tout a commencé avec des traitements sous la forme de « thérapies de conversion109 » qui recourent aux 105
Voir Michel Foucault, Histoire de la sexualité, T. 1. La volonté de savoir. Paris, Gallimard, coll. Tel, 1976.
106
Patrice Corriveau et Valérie Daoust (dir.), la régulation sociale des minorités sexuelles, Presses Universitaires du
Québec, Québec, 2000, p. 76. 107
David Shesko Joseph, « La question de l�homosexualité », Cahiers jungiens de psychanalyse, 2010/2 (N° 132), pp.
117-126. 108 109
Line Chamberland et Blye W. Frank, Diversité sexuelle et constructions de genre, PUQ, Québec, p. 158. Jack Drescher, Ariel Shidlo, Michael Schroeder, Sexual Conversion Therapy: Ethical, Clinical and Research
Perspectives, CRC Press, London, 2018, p. 88.
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électrochocs et aux vomitifs. Ces pratiques employées aux Etats-Unis remettaient en cause l’identité et l’orientation sexuelles des personnes homosexuelles. Ces thérapies qui étaient conçues pour « guérir » les homosexuels consistaient en : Des réorientations sexuelles, des électrochocs et des prises d’hormones. Les thérapeutes recourent à un traitement à base d’injection massive de testostérone ou en utilisant l’aversion, qui consiste à faire subir des électrochocs au sujet tout en lui montrant des images d’actes homosexuels afin de l’en dégoûter110. Ces thérapies étaient non seulement une sorte d’exercice d’une pression sur le libre choix mais conduisaient aussi les individus qui l’ont subi au suicide. L’un des Etats qui commencé à interdire les thérapies de conversion était New Jersey lorsque son gouverneur a signé, le 19 août 2013, une loi interdisant les thérapies de conversion sexuelle sur les mineurs de moins de 18 ans. Jusqu’en 2012 et quoique 14 Etats aient interdit ces thérapies, au niveau fédéral il n’y aucune loi qui les interdit. Néanmoins, les thérapies de conversion ont été interdites de facto en 2015 par la Cour Suprême des Etats-Unis. C’est dans l’affaire King v. Christie qu’elle rejette
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la plainte de militants anti-gay qui voulait voir autoriser une thérapie destinée aux jeunes homosexuels. Contrairement à Malte, l’interdiction de telles thérapies ont été interdites en décembre 2016 de jure en prévoyant même une sanction pénale à toute personne de la santé qui tient à prescrire une thérapie de conversion ou thérapie de reconversion sexuelle, qui aura pour objet de « changer, réprimer ou éliminer l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle d’une personne et / ou l’expression du genre ».
b. Une répression policière Dans la phase de la mise en application de loi pénale appelée criminalisation secondaire, un problème se pose quant à l’étendue des pouvoirs de ces acteurs « les plus proches du terrain » comme la police. Cette dernière, peut en abuser lorsqu’elle exerce sa compétence dans le cadre du système pénal pour infliger des peines à l’égard des personnes ou des comportements déterminés. “Sexual orientation therapies commonly referred to as conversion or reparative therapies have been developed for individuals who sense themselves to be homosexuals and find this identity incongruent”. 110
Gonzague de Larocque, Les homosexuels, Le Cavalier Bleu, Paris, 2003, p. 47.
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Sachant que l’acte de punir est identifié à la dernière phase de pénalisation. Il est précédé de multiples autres phases: poursuite, inculpation, mise en accusation, déclaration de culpabilité. Toutes ces phases sont remises en question lorsque la police ne respecte pas les conditions de la légalité et procède à des arrestations arbitraires sur la base d’une loi qui criminalise un acte ou un comportement déterminé comme pour le cas des personnes homosexuelles. • Des arrestations massives et arbitraires La pénalisation des actes et comportements « homosexuels » a conduit à la répression policière. La mise en application de la loi anti-sodomie se rapporte à des « règles de moralité ». Cette loi s’applique aux bars, rassemblements, et aux manifestations111. La police s’acharne contre les homosexuels et procède à des arrestations arbitraires et massives sur la base d’indices et dans les lieux publics comme les lieux étiquetés « gay » et les jardins publics. La première moitié des années 1950 était marquée par une répression policière accrue et les pratiques de chantage auxquelles se trouvaient soumis les homosexuels menacés par la loi112. Aux Etats-Unis, la « législation puritaine » interdit le travestissement et la danse entre hommes113. Situé dans Christopher Street, à New York, le Stonewall Inn est un des seuls bars à clientèle homosexuelle de la ville, toléré par la police contre pots-de-vin réguliers du patron. L’endroit subit de fréquents contrôles, avec leur cortège d’injures, d’humiliations et de chantage. La descente de police de la nuit du 27 juin 1969 déclenche pour la première fois une rébellion des clients interpellés, puis de tout le quartier de Greenwich Village114. 111
Christy Mallory, Amira Hasenbush, and Brad Sears, “Discrimination and harassment by law enforcement officers
in the LGBT community”, The Williams Institute, March 2015, p. 5. https://williamsinstitute.law.ucla.edu/wp-content/uploads/LGBT-Discrimination-and-Harassment-in-LawEnforcement-March-2015.pdf 112
Lynn Dumenil, The Oxford Encyclopedia of American Social History: Men’s-YMCA, Oxford University Press, Oxford,
2012, pp. 399-400. 113
Dans la ville de Columbus Ohio une loi qui date de 1848 interdit le déguisement en faisant prendre l�habit d�un
autre sexe ou d�une autre condition. Molly McGarry et Fred Wasserman, Becoming Visible: An Illustrated History of Lesbian and Gay Life in TwentiethCentury America, New York, Penguin Studio, 1998. 114
Christian Hermansen, « Stone Wall émeute de (27 juin 1969) », Encyclopédie Universalis en ligne.
https://www.universalis.fr/encyclopedie/emeute-de-stonewall/
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Comme au Canada, les personnes homosexuelles n’échappent pas aux arrestations et descentes dans les bars « gays ». L’exemple le plus le plus frappant de l’intensification des arrestations est celui de la descente au bar « Truxx ». C’était la plus grosse arrestation de masse depuis les événements d’octobre 1970.115 Un soir d’octobre 1977, ce sont plus de 140 hommes qui se font arrêter par des policiers armés de mitraillettes dans le bar de la rue Stanley. «La plupart sont accusés de s’être trouvés dans une maison de débauche, quant aux autres, ils sont accusés de grossière indécence116 ». • Des accusations sur la base de preuves malhonnêtes Les personnes homosexuelles sont heurtées à la provocation et au harcèlement policier dans les lieux publics. Les policiers utilisent leur pouvoir pour intimider ces personnes surtout dans les lieux fréquentés par des « gays ». La police utilisait tous les moyens officiels et non-officiels pour réprimer les homosexuell-es. Elle ciblait des gens pour une sorte de « culpabilité géographiques » parce qu’ils fréquentaient des lieux « codifiés homosexuels ». De même, pendant les années 1970 des descentes policières ont été observées 48
et des recherches révèlent qu’il y a eu une surveillance policière accrue des mouvements homosexuels avec une nouvelle application de la loi sur les maisons de débauche contre les saunas et les bars gays117. Face aux abus de la police, les acteurs judiciaires se révèlent comme les acteurs qui portent secours aux personnes homosexuelles en mettant en oeuvre les libertés constitutionnelles. La pénalisation de la sodomie est, de surcroît, une atteinte à ces libertés.
115
Ross Higgins, « La régulation sociale de l�homosexualité: de la répression policière à la normalisation », in Patrice
Corriveau et Valérie Daoust (dir.), la régulation sociale des minorités sexuelles, Presses Universitaires du Québec, Québec, 2000, p. 69. Parmi les mesures restrictives de la répression policière on cite: la surveillance des endroits publics tels que les parcs et les cinémas et l�emploi par la police d�une stratégie de prise au piège. Arrestations en masse dans les établissements commerciaux. La police est intervenue dans des fêtes gays. Ficher les homosexuels dans les clubs. Les policiers débarquent et demandent les pièces d�identité et les notaient en détail pour les ajouter au système des fiches qu�ils maintenaient sur la population homosexuelle, pp. 7580-. 116
Ross Higgins, De la clandestinité à l�affirmation. Pour une histoire de la communauté gaie montréalaise, Comeau
et Nadeau, Montréal, 1999, pp.126-130. 117
La loi sur les maisons de débauche (incorporée dans le Code criminel canadien en 1892) a été appliquée contre
les saunas et les bars gays et a servi pour arrêter des personnes accusées de s�être retrouvées dans de tels établissements.
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A ce stade, le juge Kennedy précisa toute l’étendue conférée à la liberté: « le droit d’être libre va au-delà des limites spatiales. La liberté présuppose l’autonomie du sujet qui comprend la liberté de pensée, de conscience, d’expression, et la liberté de comportement dans l’intimité ». Cette revalorisation de l’interprétation matérielle de la clause de due process of law118 du 14ème amendement apparait donc dans l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, Lawrence v. Texas de 2003, marquant la première étape de la décriminalisation de l’homosexualité aux Etats-Unis.119
C. Une décriminalisation désormais acquise Une des revendications des mouvements LGBT a été réalisée à savoir, la décriminalisation des pratiques sexuelles en privé entre adultes consentants. A cet égard, la Cour Suprême des Etats-Unis a joué un rôle incontournable dans la consécration des libertés constitutionnelles dans le cadre de la vie intime des personnes de même sexe (1) Mais, la décriminalisation n’est que le début d’un long combat consolidé par des revendications s’inscrivant dans un contexte de l’égalité en droits et non pas seulement comme il l’était avant les années 1990 dans un souci de visibilité (2).
1. La décision de la Cour Suprême des Etats Unis (la décriminalisation primaire) Le 26 juin 2003, l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis (Lawrence v. Texas) a déclaré inconstitutionnelle la loi pénale anti-sodomie du Texas120 en dépit du fait qu’auparavant, d’autres Etats n’ont pas abrogé les lois anti- sodomie, parmi lesquels on cite: Alabama, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Floride, Idaho, Kansas, Louisiane, Michigan, Mississippi, Missouri, Oklahoma, Utah et Virginie121. Ce jugement a aussi comme conséquence que les États ne peuvent 118
Il existe deux types de la Due Process clause. Une partie relative aux« garanties juridiques fondamentales » en
matière de liberté et de propriété (Substantive Due Process) et une partie relative aux « garanties procédurales fondamentales » (Procedural Due Process). Alan B. Morrison (editor), Fundamentals of American Law, New York University School of Law, Oxford University Press, New York, 1996, p. 180. 119
Jean-Pierre Duprat et Élisabeth Zoller, « Les grands arrêts de la Cour Suprême des États-Unis », Revue
internationale de Droit comparé, vol. 62, n°3, 2010, pp. 841-845. 120
Texas Sodomy Statute. V. Jason Pierceson, Courts, Liberalism, and Rights: Gay Law and Politics in the United States
and Canada, Temple University Press, Philadelphia, 2005, pp. 77-78. 121
Le premier État à abroger sa loi contre la sodomie est le Kentucky en 1992. Puis, suivent en 1993 le Nevada, en
1995 le District of Columbia, en 1996 le Tennessee, en 1997 le Montana, en 1998 la Géorgie et Rhode Island, en 1999 le Maryland, en 2001 l�Arizona et le Minnesota, et en 2002 l’Arkansas.
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plus fixer un âge de majorité sexuelle pour les rapports homosexuels, différent de celui fixé pour les rapports hétérosexuels. De même, ces lois ont été déclarées inconstitutionnelles122 car elles violaient le 14ème amendement à savoir la clause de l’égale protection des lois. L’arrêt « Lawrence v. Texas » rendu par la Cour suprême des E.U. en 2003 a renversé celui qui a été rendu en 1986 et a annulé le Texas Sodomy Statute estimant que les lois pénalisant les pratiques homosexuelles doivent être abolies. La Cour a élargi à l’opposé de l’arrêt Bowers le champ d’application de la
privacy aux rapports sexuels entre adultes consentants en privé, en jugeant que « le gouvernement n’a pas sa place dans les chambres à coucher des adultes consentants, qu’ils soient gays ou hétéros ». Non seulement l’acte de « sodomie » a été décriminalisé à travers la garantie de la privacy, mais aussi, la Cour reconnait implicitement l’identité homosexuelle. L’homosexualité devient grâce à cet arrêt une identité plus qu’un comportement qui est reconnue par l’institution judiciaire. Cette reconnaissance institutionnelle va dans le sens de permettre aussi une reconnaissance publique de l’identité 50
homosexuelle sous la garantie constitutionnelle de la protection égale123.
2. Appuyer la décriminalisation En réponse à la répression policière, un mouvement anti-répression est né. Les mouvements de ce genre passent par deux voies afin de faire passer leurs revendications. Des voies non officielles par le biais des mobilisations dans la rue. Ou par des voies officielles en sollicitant le gouvernement et le parlement de prendre les mesures nécessaires afin de mettre fin à la répression policière et mettre la pression pour dépénaliser l’homosexualité. Dans le dessein de protéger les droits personnes homosexuelles, le combat pour l’égalité continuait. Malgré l’annulation des lois anti-sodomie, qui constitue une étape marquante de l’évolution des droits des lesbiennes et des gays. Les 122
Sheldon Bernard Lyke, “Lawrence as an Eighth Amendment Case: Sodomy and the Evolving Standards of Decency”,
William & Mary Journal of Women and the Law , vol.15, issue 3, 2009, pp. 633-661. Joseph J. Wardenski, “A Minor Exception: The Impact of Lawrence v. Texas on LGBT Youth”, Journal of Criminal Law and Criminology, vol. 95, issue 4, summer 2005, pp. 1363-1410. 123
Jill D. Weinberg, “Remaking Lawrence”, Virginia Law Review, vol. 98, October 2012, pp. 61-70.
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lois discriminatoires étaient encore en vigueur. Et c’est justement là où on assiste à « une professionnalisation du mouvement »124, le rôle de ce dernier est dorénavant d’appuyer la décriminalisation. Auparavant appelé le mouvement gay et lesbien américain, celui-ci a posé les bases des réformes sociales, juridiques et politiques dans les années cinquante, soixante, soixante-dix et quatre-vingt. Cependant, à d’autres égards, il a été remplacé par le mouvement LGBT et Queer dans les années 1990 et 2000, les combats de ces années s’articulent, en effet, autour de l’égalité des droits. « Si les mouvements sociaux des années 1970 aspirent à la Révolution, ceux des années 1990 tendent à l’intégration, non pas tant pour des raisons idéologiques que pour des contraintes pratiques. L’homosexuel cesse d’être un sujet politique, pour devenir un sujet de droit dans le cadre d’une revendication formulée dans des termes juridiques125 ». Dans ce sens, les droits des LGBT adressent, désormais, divers enjeux, notamment, l’intimidation dans les écoles ou encore le mariage entre personnes de même sexe. Dès lors, pour appuyer la décriminalisation, les militants plaide, d’ores et déjà, pour la mise en place des mesures de lutte contre la discrimination et pour la reconnaissance des relations entre conjoints de même sexe, dans la mesure où il s’agit là des questions-clés dans les politiques LGBT aux Etats-Unis. Abordant la décriminalisation du côté du militantisme LGBT nous ramène à analyser l’évolution du mouvement et comment on est passé d’un mouvement qui milite contre la société afin d’acquérir une visibilité à un mouvement revendicatif d’une identité luttant contre les discriminations, l’inégalité et la violence.
124
Guillaume Marche, La militance LGBT aux États-Unis. Sexualité et subjectivité, Presses universitaires de Lyon,
Lyon, coll. « SXS Sexualités », 2017. 125
Daniel Borrillo, « La réception des revendications LGBT et des droits LGBT : un regard critique. Les discriminations
fondées sur le sexe, l�orientation sexuelle et l�identité de genre », May 2017, Angers. Conférence de Daniel Borrillo, Colloque international « Les discriminations fondées sur le sexe, l�orientation sexuelle et l�identité de genre. Université d�Angers 11/05/2017. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01527430/document
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Paragraphe 2 : La revendication d’une reconnaissance de l’identité homosexuelle Abroger le texte pénalisant les rapports sexuels entre personnes de même sexe ne résout pas le problème. Hélas, les personnes homosexuelles font face à plusieurs formes de discrimination, de harcèlement et de violence. Par conséquent, c’est l’identité de l’homosexuel-l-e qui est en jeu et lorsque cette identité est criminalisée, ses droits sont automatiquement abrégés. Dès lors, les activistes se mobilisent pour les droits de ces individus non seulement pour demander la décriminalisation de l’homosexualité mais aussi pour condamner et appeler à la pénalisation des actes qui violent les droits des homosexuels, « cet activisme se concentrait surtout sur des enjeux visant à distinguer le statut identitaire homosexuel de l’activité criminelle126 ». Par ailleurs, la condamnation du harcèlement policier dans les bars gays, la décriminalisation de la sodomie, la lutte contre la discrimination en milieu de travail et le droit à l’adoption sont ainsi divers domaines sur lesquels les activistes ont décidé de se pencher. 52
M. Guillaume Marche identifie trois cycles, marqués par une évolution similaire allant pour chacun de la revendication d’un positionnement politique « différentialiste »127 et sexualisé vers celui d’un positionnement assimilationniste désexualisé : Le mouvement homophile des années 1950-60 qui revendiquait, à ses débuts, « une identité collective homosexuelle distincte de l’hétérosexualité » avant de minimiser cette différence tout en adoptant un positionnement qui mettait en avant une respectabilité désexualisée. Le mouvement gai de libération qui commença par revendiquer une sexualité homosexuelle épanouie, libérée du carcan thérapeutique, et qui s’est transformé dans les années 1970 en un mouvement communautariste ayant pour objectif de convaincre la majorité de son innocuité. Enfin, l’activisme visible et provocateur des « années SIDA » qui cèdera la place, aux débuts des années 1990, à des revendications intégrationnistes, en particulier, celle du droit au mariage128.
126
Martin Dupuis, Same-sex marriage, legal mobilization, and the politics of rights, Peter Lang, New York, 2002, p. 13.
127
Guillaume Marche, La militance LGBT aux États-Unis. Sexualité et subjectivité, Presses universitaires de Lyon, coll.
« SXS Sexualités », Lyon, 2017, p.33, p. 37, et p. 45. 128
Guillaume Marche, ibid, p. 45.
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D’ores et déjà, on peut déduire que le militantisme homosexuel des deux premiers cycles s’inscrit dans un climat politique marqué par une histoire conservatrice (A). Alors que le troisième a bénéficié d’un climat politique plus ou moins libéral dans lequel les militants homosexuels ont pu arracher étape par étapes des revendications identitaires (B).
A. Un militantisme se heurtant à une politique conservatrice Le militantisme homosexuel est troublé par le conservatisme de la société américaine et du puritanisme qui pèse lourd depuis l’indépendance des 13 colonies américaines. Forcée du « placard »129, harcelé par la police, criminalisé par l’Etat, l’homosexuell-e se trouve violé dans sa vie intime, sa « liberté d’être laissé en paix » est bousculée. Dès lors, les débuts du militantisme homosexuel étaient calmes et la majorité des homosexuel-l-es ont choisi l’invisibilité (1). Mais, lorsque la répression policière était accrue et que ces personnes se trouvaient humiliées, discriminées et forcées de vivre comme l’Etat le veut, elles se sont révoltées et ont choisi la visibilité (2).
1. Des militants dans l’ombre Dans les années 1960, l’homosexualité figure toujours dans la liste de maladies mentales de l’American Psychiatric Association, ce qui a renforcé la répression policière et le contrôle des bars gays auxquels on refusait de donner l’autorisation de vendre l’alcool et dans certains Etats on interdisait la danse entre hommes en boite de nuit.130 Par ailleurs, un pas très modeste dans l’histoire du mouvement homosexuel était fait par la North American Conference of Homophile Organizations (NACHO) qui est né 1967 mais qui n’a pas exercé une grande influence en matière des droits des personnes homosexuelles.
129
Les thérapies de conversion qui laissent croire aux personnes homosexuelles qu�elles sont malades qu�elles
peuvent êtres guéris. 130
L�Etat de Virginie interdisait la vente des boissons alcoolisées aux homosexuel-l-es depuis 1934 et jusqu�en 1991.
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L’association a été dissoute en 1970. Ses revendications131 sont à la base des droits politiques et qui sont principalement la décriminalisation des rapports sexuels entre adultes consentants et que le comportement sexuel ou l’orientation sexuelle ne doivent pas être un motif de discrimination dans plusieurs domaines. Néanmoins, le discours médical qui classe l’homosexualité dans la catégorie des maladies mentales et la promotion des thérapies de conversion comme étant une des méthodes efficaces pour guérir la « déviance » étaient les cause de stigmatisation des homosexuels qui ont choisi de rester invisibles. Ce n’est qu’à la fin des années 1960 et au début des années 1970 que les mobilisations homosexuelles ont acquis une visibilité considérable. En effet, le 27 juin 1969, c’était une date qui a amorcé « le mouvement gay américain », les habitués du bar Stonewall Inn se rebellent contre les forces de police qui ont fait une descente comme chaque soir depuis les années 1960. Les affrontements de Stonewall marquent « une étape clé de l’émancipation gay ». Malgré le fait que les policiers, habitués à des rafles tranquilles, les affrontements se transforment soudainement en un affrontement de trois jours, « la tension monte 54
inhabituellement : les contrôles d’identité se transforment en affrontements dans la rue (...): c’est le début du mouvement de libération homosexuelle, qu’on appelle depuis lors Stonewall132».
2. Des militants désormais affichés Les homosexuel-l-es ont choisi la visibilité dans le cadre d’un mouvement social, spontané et apolitique qui occupe la rue pour faire entendre leurs revendications. Ce mouvement vise principalement à dénoncer et à lutter contre l’homophobie sociale et institutionnelle, ainsi que de montrer une bonne image des homosexuelles qui étaient pendant longtemps dans le placard et porteurs de stigmates. C’est dans un but aussi de montrer que « l’homosexualité n’est pas un problème en elle -même, le problème c’est l’attitude de la société envers elle133 ». 131
«Homosexual Bill of Rights Adopted at the 1968 Chicago NACHO meeting»:
.1. Private consensual sex between persons over the age of consent shall not be an offense. 2. Solicitation for any sexual acts shall not be an offense except upon the filing of a complaint by the aggrieved party, not a police officer or agent. 3. A person’s sexual orientation or practice shall not be a factor in the granting or renewing of federal security clearances or visas, or in the granting of citizenship. 4. Service in and discharge from the Armed Forces and eligibility for veteran’s benefits shall be without reference to homosexuality. 5. A person’s sexual orientation or practice shall not affect his eligibility for employment with federal, state, or local governments, or private employers. 132
Julien Picquart, Pour en finir avec l’homophobie, Editions Léo Scheer, Paris, 2005, p. 102.
133
Hank Johnston and John A. Noakes (editors), Frames of Protest: Social Movements and the Framing Perspective,
Rowman and Littlefield, New york, 2005, p. 58.
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En juin 1970, la première manifestation comprenant quelques centaines de personnes sous les slogans « Come Out », « Gay Pride », « Gay is Good » et « Gay
Power ». Des marches anniversaires ont également lieu à San Francisco et Los Angeles, ouvrant ainsi l’ère de la visibilité et appelant à la libération sexuelle134. Depuis, le principe est que chacun peut vivre librement sa sexualité, dans le respect de la liberté d’autrui135. Ce mouvement s’inscrit dans la lignée du camp, style né dans les premiers bars gays de Californie et de Manhattan, très actifs à la fin des années 1960 dans l’affirmation de la visibilité, notamment par l’outrance dans le langage, les vêtements, les actions militantes, principe d’une rupture fondée sur l’affirmation d’une sexualité hors des normes. Au contraire, Human Rights Campaign (HRC), fondé en 1980 et toujours dominant dans le mouvement LGBT, a banalisé le sexe, valorisé le consumérisme communautaire, limité l’engagement à la conquête de « droits ». Malgré un succès pour le mariage, assimilation institutionnelle majeure, toute signification politique de l’homosexualité et du transgenrisme est rejetée Par ailleurs, la gay pride ou la marche des fiertés qui a commencé aux Etats-Unis et s’est internationalisée par la suite, est une manifestation qui a donné une grande visibilité aux homosexuels et à leurs revendications qui ne cessaient d’évoluer depuis la première marche organisée en 1970. Ainsi, « depuis 1986 la manifestation réunit associations, médias et commerces gays. Le nombre de participants ne cesse de croitre: de 4000 en 1991 à 700.000 en 2003 (...). Cette manifestation sert de tribune pour revendiquer égalité des droits entre homosexuels et hétérosexuels ou une lutte accrue contre l’homophobie136 ». Au début des années 1980, le SIDA a été découvert. Depuis, des millions de personnes ont été contaminées et la plupart d’entre elles en sont mortes. Aux États-Unis, en effet, le SIDA continue à affecter principalement des hommes. Cela a contribué de manière significative à la visibilité des homosexuel-l-es mais surtout a donné une image négative qui associait la contamination à la sodomie entre hommes.
134
Cf. Éric Fassin, « Homosexualité et mariage aux États-Unis », in, Actes de la recherche en sciences sociales, vol.
125, décembre 1998, pp. 63-73. 135
Hugues Moutouh, « La question de la reconnaissance du couple homosexuel : entre dogmatisme et empirisme »,
Recueil Dalloz, Numéros 25 à 44, p. 369. 136
Gonzague de Larocque, Les homosexuels, Le Cavalier Bleu, Paris, 2003, p. 54.
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Par conséquent, un climat d’hostilité s’installe vis-à-vis les personnes homosexuelles et le mouvement gays. On parle même à l’époque d’une « homosexualisation du sida137 », d’où, « le mouvement gay et lesbien avait perdu de son caractère offensif pour s’appuyer principalement sur ses groupes de pression dans une stratégie plutôt intégrationniste (…) le SIDA a alors donné des homosexuels une image encore plus monstrueuse aux yeux des centristes et des personnes plus conservatrices. […] Le SIDA a servi de justification à une hostilité et une violence plus ouvertes à l’encontre des lesbiennes et des gays138 ». Or, ce climat d’hostilité n’a pas bloqué le travail du mouvement homosexuel, plutôt, il a donné un nouveau souffle au mouvement afin de penser à une nouvelle perspective de travail qui ne se laisse pas influencer par les valeurs de la société américaine conservatrice. Dès lors, ce mouvement va profiter d’un climat politique libéral afin de continuer son combat.
B. Un militantisme s’épanouissant dans un climat politique libéral Revendiquer une identité sexuelle différente et revendiquer une sexualité 56
homosexuelle, telles sont les deux premières phases du mouvement homosexuel aux Etats-Unis. La troisième phase débouche sur des formes de militantisme plus poussé et qui comporte des revendications multiples. Ces dernières reposent sur des positions anti-assimilationnistes, cherchant à transformer en profondeur la société américaine conformiste (1). Durant cette phase le mouvement homosexuel acquière davantage de visibilité et remportent plusieurs victoires (2).
1. Un militantisme anti-assimilationniste La reconnaissance et l’application de droits revendiqués par les personnes homosexuelles est une question primordial dans le contexte politique des 137
Dennis Altman, « AIDS: The Politicization of an Epidemic », Socialist Review, n°78, November - December 1984,
pp. 93-109. Référence électronique traduite en français : Dennis Altman, « Sida : la politisation d�une épidémie [1984] », Genre, sexualité et société [En ligne], n°9, Printemps 2013, mis en ligne le 01 juin 2013, consulté le 05 avril 2019, URL : http://journals.openedition.org/gss/2802 ; DOI : 10.4000/gss.2802 138
Guillaume Marche, « Le mouvement gai et lesbien américain face au SIDA », L�Homme et la Société, 2002/1
(n°143-144), p. 188. L�auteur cite l�entretien réalisé à San Francisco le 19 mars 1993 ; Carmen Vázquez était alors responsable des politiques de santé auprès de la communauté gaie et lesbienne pour la municipalité de San Francisco.
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démocraties libérales comme les Etats-Unis. Le militantisme a évolué sous la forme de revendications « radicales » pour militer en faveur d’un droit à la différence. Ces revendications ont été inscrites à l’agenda politique tels que, « les exemples du mariage pour les personnes de même sexe et les législations contre les crimes haineux sont des symboles forts des luttes politiques considérées comme étant prioritaires dans les pays où l’homosexualité n’est plus criminalisée139 ». Contrairement au Canada, où certain-e-s militant.es utilisent la stratégie d’assimilation pour acquérir des droits, sans remettre en question les cadres et institutions qui régissent la société. Les militant.es homosexuel-l-es américain. es rejettent les valeurs de la société traditionnelle conservatrice et rompent avec le conformisme. Aux Etats-Unis, le mouvement homosexuel a souhaité construire une image différente de l’homosexuel-l-e pour affirmer qu’ils sont différents et qu’ils adoptent un mode de vie « hors la norme ». Cependant, et comme il est le cas aux Etats-Unis, un autre mouvement de militants homosexuels se distancie du premier au Canada140 ». Ce mouvement radical aux Etats-Unis a produit une culture LGBT à la fois variée et polarisée par les inégalités sociales. Une nouvelle « culture gay » s’installe et tente de changer la société américaine.
2. Un militantisme remportant plusieurs victoires Une des batailles menées par le mouvement gay est celle d’éliminer l’exclusion des personnes homosexuelles de l’armée. C’est par les recours devant des juridictions fédérales civiles que la question de l’interdiction professionnelle faite aux homosexuels de servir dans les forces armées s’est jouée depuis des années et se joue toujours. En 2010, le Président Barack Obama a promulgué une loi historique permettant aux homosexuels de servir ouvertement dans l’armée américaine abrogeant 139
Ryan Conrad, Against Equality. Queer revolution, not mere inclusion, AK Press, Chico, California, 2014.
140
Laurie Pabion, Le processus de construction de l’identité collective du mouvement queer montréalais : perspectives
militantes francophones, Université de Montréal Département de science politique, Faculté des Arts et des Sciences, Mémoire présenté en vue de l�obtention du grade de Maîtrise en science politique, Février 2016, pp. 23-24. « Au Canada, un autre militantisme radical, qui refuse de jouer le jeu de l’acceptation sociale, se renforce et cherche à valoriser les différences au travers de l’expression d’identités et de modes de vie hors-normes ».
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un texte controversé de 1993 interdisant aux soldats américains d’afficher leur homosexualité. Une des conséquences de cette abrogation, en 2015 le ministre de la défense américain a annoncé que les gays et les lesbiennes peuvent servir dans l’armée. En mai 2016, l’Armée de terre américaine est désormais dirigé par un responsable ouvertement homosexuel. De même, les personnes transgenres pourront désormais servir ouvertement dans l’armée américaine et recevoir les soins médicaux appropriés de la part du système de santé militaire.141 La bataille menée par le mouvement gay et la puissante organisation de défense des droits fondamentaux des personnes homosexuelles a mené, notamment, à la légalisation du mariage gay. A l’occasion de l’arrêt Obergefell v. Hodges142 rendu par la Cour Suprême des Etats-Unis en 2015 et qui a considéré que le mariage entre deux personnes de même sexe est une liberté fondamentale comme pour les couples de sexe opposé, le juge conservateur Anthony Kennedy, a ajouté son vote à celui des quatre juges progressistes de la Cour Suprême. « Le 14e Amendement [garantissant 58
l’égale protection de tout ceux sur le territoire] requiert d’un Etat qu’il célèbre un mariage entre deux personnes de même sexe ».
141
June 9, 2015 - Secretary of Defense Ash Carter announces that the Military Equal Opportunity policy has been
adjusted to include gay and lesbian military members. 142
Leonore Carpenter et David Cohen, « A Decision Unlike Any Other: Obergefell and the Doctrine of Marital
Superiority », The Georgetown Law Journal Online, 2015, p. 128. Ludovic Pierre, L�arrêt Obergefell v. Hodges et la consécration des unions homosexuelles à travers tous les EtatsUnis par le juge constitutionnel, Mémoire réalisé par Université Catholique de Louvain, faculté de droit et de criminologie, 2016-2017.
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Vivre sa sexualité en cachette en raison de menaces des poursuites judiciaires, du rejet et des intimidations sociales et de discrimination, a poussé les personnes homosexuelles à sortir du placard pour revendiquer une visibilité. De surcroit, le trio péché, puis crime et maladie transformait la vie des LGBT aux Etats-Unis en une prison. Revendiquer la visibilité était intimement lié à la lutte pour l’abrogation des lois anti-sodomie qui étaient en vigueur presque dans tous les Etats des Etats-Unis jusqu’en 2003. La première victoire est celle de la décision rendue par la Cour Suprême des E.U. statuant que ces lois étaient inconstitutionnelles et qu’elles violaient la clause de l’égalité devant la loi.143 La deuxième étape suite à ce succès est d’emblée, de renforcer la décriminalisation. Logiquement, la situation des personnes homosexuelles toujours confrontées aux discriminations et à la violence aboutira à de nouvelles revendications, cette fois-ci ce n’est plus de plaider pour la reconnaissance sociale mais c’est plutôt de militer pour une reconnaissance juridique. Cette dernière se traduira dans l’adoption de lois qui répriment l’homophobie et qui va jusqu’à la reconnaissance des couples homosexuel-l-es, la victoire emportée par les LGBTQ en 2015144.
143
Philip Chapman, «Beyond Gay Rights: Lawrence v. Texas and the Promise of Liberty”, William and Mary Bill of
Rights Journal, vol. 13, 2004, p. 245. 144
Ludovic Pierre, L�arrêt Obergefell v. Hodges et la consécration des unions homosexuelles à travers tous les Etats-
Unis par le juge constitutionnel, Mémoire réalisé par Université Catholique de Louvain, faculté de droit et de criminologie, 2016-2017.
59
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Les dates-clés dans le processus de la décriminalisation de l’homosexualité aux E.U. - 1953 : Le Président Dwight D. Eisenhower a signé un executive Order n°10450145 selon lequel le gouvernement ne doit pas recruter de collaborateurs homosexuels. - 1962 : L’American Law Institute a adopté dans le Model Penal Code, un texte selon lequel, le rapport sexuel n’est pas criminalisé quand il est entretenu entre deux adultes consentants, en privé et sans créer de trouble publique. - 1974 : L’American Psychiatric Assocation (APA) a décidé de rayer l’homosexualité de sa liste des maladies mentales. - 1986 : L’arrêt de la Cour suprême des E.U. « Bowers v. Hardwick » déclare constitutionnelle la loi de l’Etat de Géorgie criminalisant la sodomie. - 1993 : La loi « Don’t ask, don’t tell » (« Ne rien dire, ne rien demander ») a été votée par le Congrès, sous le mandat du Président Bill Clinton. Elle interdit à toute personne qui « montre une propension, ou qui a l’intention de s’engager dans des actes homosexuels, de servir dans l’armée américaine ». 60
- 2003 : L’arrêt de la Cour suprême des E.U. (Lawrence v. Texas) a déclaré inconstitutionnelle la loi pénale anti-sodomie du Texas. - 2009 : Le Président Obama a signé la loi « Matthew Shepard and James Byrd Jr.
Act », qui élargit la législation de 1969 sur les crimes de haine pour y inclure ceux basés sur l’orientation sexuelle, le genre ou le handicap. - 2010 : Le Président Barack Obama a promulgué une loi permettant aux homosexuel-l-e-s de servir ouvertement dans l’armée américaine - 2013 : L’Etat de New Jersey a signé une loi interdisant les thérapies de conversion sexuelle sur les mineurs de moins de 18 ans. - 2014 : L’introduction d’une loi promulguée par l’administration Obama en juin 2014. Désormais, tout licenciement pour cause d’orientation sexuelle non hétéro-normée ou d’identité transgenre au sein des entreprises liées par un contrat à un organisme fédéral est jugé illégal. - 2015 : L’arrêt Obergefell v. Hodges rendu par la Cour Suprême des E.U. jugeant que le mariage entre deux personnes de même sexe est une liberté fondamentale comme pour les couples de sexe opposé. 145
Executive Order 10450. “Security requirements for Government employment”.
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Section II Les personnes homosexuelles en France, « du bûcher à la mairie » L’évolution de la situation des homosexuels en France est décrite par l’expression du Professeur Patrice Corriveau « du bûcher à la mairie146 » qui reflète la complexité du processus de la décriminalisation de l’homosexualité en France. En outre, cela explique comment on est passé de la négation du droit à la vie aux personnes homosexuelles à la célébration des mariages des couples homosexuels. Cependant, il faut noter qu’il s’agissait d’un passage lent et difficile, d’un Etat qui tue ses citoyens « sodomites » sur la base du fait qu’ils ont commis un acte contre nature, à un Etat qui reconnait officiellement le couple homosexuel. Egalement, brûler les homosexuels vivants, les torturer, les persécuter, les humilier étaient les formes de la répression de l’homosexualité qui ont disparu des années plus tard. En parallèle, la décriminalisation a continué avec la reconnaissance de l’identité et l’affirmation des droits des homosexuels. Dans ce sens, les personnes homosexuelles en France faisaient l’objet de sanctions pénales plus cruelles que celles qui étaient appliquées aux Etats-Unis où la sodomie était passible dans la plupart des Etats d’une peine privative de liberté147 alors qu’en France la peine était corporelle et par la suite elle est devenue une peine de prison Avant de passer à l’analyse des paragraphes de cette section. Il faut montrer l’évolution du terme « sodomie » en France. - Sous l’Ancien Régime, il n’était pas question d’homosexualité (identité), mais de sodomie ; Terme qui désignait un acte et non une catégorie de personnes. « Sodomie » désignait l’acte au-delà de l’homosexualité des temps modernes. L’homosexualité a été résumée à la pratique de la sodomie car il s’agit d’un acte qui n’aboutit pas à la génération. 146
Patrice Corriveau, La Répression des homosexuels au Québec et en France: du bûcher à la mairie, essai, Sillery,
Éditions du Septentrion, 2007. 147
Aux Etats-Unis quelques Etats appliquaient au 19ème siècle une peine corporelle. Les lois de l�État de Delaware
prononcent la peine de mort contre six crimes différents. Dans le Nouveau Jersey, tout individu condamné en récidive pour meurtre, viol, incendie, vol, faux et sodomie, est puni de mort.
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Dans la traduction anglaise de la Renaissance, « sodomie » n’a pas sa connotation actuelle. « Le terme couvre tout acte sexuel quel qu’il soit, entre gens de n’importe quel sexe, autre qu’une pénétration vaginale en position du missionnaire ». Et encore : « Le sens médiéval du mot -sodomie- était -pénétration anale- quel que soit le sexe des partenaires, ou « acte dans lequel la femme est au-dessus de l’homme ou commis avec un animal148 ». Comme le souligne Florence Tamagne : « l’accusation de sodomie visait une forme d’acte sexuel et non une catégorie de personnes : ainsi même si du Moyen Âge au 18e siècle des homosexuels en furent victimes, les lois sur la sodomie pouvaient s’appliquer à des relations hétérosexuelles, à la bestialité et même de manière beaucoup plus vague à l’hérésie et à la trahison149 ». - Cependant pendant les temps modernes, après 1791 date de l’abrogation du texte criminalisant l’acte, la « sodomie » désignait aussi bien l’homosexualité (une catégorie de personne : l’homosexualité masculine) que l’acte. Par conséquent, la répression continuait et les homosexuels étaient arrêtés sur la base de textes incriminant des actes tels que l’attentat à la pudeur et à la moralité publique sur la base des plaintes déposées auprès des services de la
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police des moeurs par des citoyens. « Il faut souligner ce glissement vers la fin du 18e siècle dans l’emploi du terme « sodomie », qui finira par désigner essentiellement l’homosexualité masculine. De plus, cette évolution est marquée par l’emploi de plus en plus courant à la fin du 18e siècle du terme « pédéraste » devenant le terme emblématique dans le langage courant qui signifiera homosexuel masculin. Le crime de sodomie fut donc appliqué surtout à des homosexuels masculins150 ». De nombreux autres termes ont été inventés ou ré-inventés au cours du 19e et au début du 20e siècles « antiphysique », « inversion, inverti », « similisexualisme, similisexuel », «troisième sexe », «unisexualité, unisexuel », « uranisme, uraniste, 148
Normand Rousseau, La bible démasquée: Incohérences et contradictions, Louise Courteau, Québec, 2010, pp.
63-65. Cf. aussi, Flora Leroy-Forgeot, Histoire juridique de l�homosexualité, collection « Médecine et société», Paris, PUF, 1997. 149
Florence Tamagne, « Homosexualités, le difficile passage de l�analyse des discours à l�étude des pratiques »,
Histoire et sociétés, n° 3, 2002, p. 6. 150
Thierry Pastorello, « L’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et
pénal », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], n°112-113, 2010, mis en ligne le 01 juillet 2013, consulté le 07 octobre 2015. URL : http://chrhc.revues.org/2151 pp. 197-208.
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uranien», etc151. ln fine tous renvoient plus ou moins à ce que l’on appelle aujourd’hui « homosexualité », c’est-à-dire aux pratiques et/ou à l’identité sexuelle(s) d’un individu « qui éprouve une appétence sexuelle plus ou moins exclusive pour les individus de son propre sexe152 ». Dès lors, ce que nous allons analyser dans le premier paragraphe ce sont les deux phases relatives au processus de la décriminalisation de l’homosexualité. D’une part, la première concerne celle qui s’étend de l’Ancien Régime jusqu’à 1791 durant laquelle la « sodomie » désigne l’acte sexuel (pratiques sexuelles). La deuxième (fin du 18ème siècle), c’est-à-dire après la décriminalisation, la « sodomie » désigne une catégorie de personnes (comportements). Nous employons le terme « sodomie » pour la première phase pour renvoyer à l’acte sexuel. Alors que nous utilisons les termes « homosexualité » ou « homosexuel » pour la deuxième phase afin de se référer aux comportements sexuels, puisque la répression était maintenue et visait une catégorie de personnes à la fin du 18ème Siècle et pendant le 19ème Siècle. Pour le deuxième paragraphe par contre, ce n’est guère un problème de répression ni d’usage de termes, mais c’est plutôt, les discriminations dont font l’objet les personnes homosexuelles ainsi que l’affirmation de l’égalité en droits. Nous employons, ainsi, le terme « homosexualité » pour désigner tant l’acte que l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle. En somme, le processus de la décriminalisation montre que le lien de la loi pénale avec la religion était étroit et justifiait « le châtiment » réservé aux homosexuels. La sanction pour sodomie est soutenue par un discours moral, social et médical qui fragilise le processus de la décriminalisation (Paragraphe 1) En France, le but était la réalisation de l’égalité des droits, l’égalité devant la loi et la reconnaissance de l’identité plutôt que la lutte pour la décriminalisation. Mais, l’obstacle était l’existence de lois homophobes et discriminatoires qui ralentissait le processus de la décriminalisation et celui de la réalisation de l’égalité des droits (Paragraphe 2).
151
Claude Courouve, Vocabulaire de l�homosexualité masculine, Paris, Payot, 1985, pp. 129- 137.
152
Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1998.
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Paragraphe 1: Les acteurs de la pénalisation de l’homosexualité Les différents acteurs de la société française ont contribué à l’affirmation de la répression juridique de l’homosexualité, malgré la décriminalisation qui a eu lieu depuis 1791. De surcroit, ces acteurs visaient plus une catégorie de personnes à savoir les personnes homosexuelles masculines que l’acte de sodomie. La société considérait, d’emblée, l’homosexualité comme un acte abominable qui menace le modèle traditionnel de la famille (A). Quant à la médecine, elle classait l’homosexualité dans la liste des maladies mentales (B).
A. La décriminalisation freinée par une panoplie d’acteurs Aux 18ème et 19ème siècles, la sodomie masculine était considérée comme immorale et un péché aux yeux de la société française. Et ce puisque les relations sexuelles n’étaient acceptées que pour la procréation et non pour les plaisirs. Par conséquent, au cours de la première partie du 19ème siècle, les pratiques et les comportements homosexuelles étaient stigmatisées (1) et réprimées par la police (2).
1. La décriminalisation à l’épreuve de la vision sociale de l’homosexualité
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Vers la fin du 18ème siècle et au début du 19ème siècle, l’homosexuel visible présentait une menace à la société, non pas exclusivement pour l’acte de sodomie, mais aussi, pour son homosexualité qui devient très visible en public. Michel Foucault parle d’une « spécification de l’être homosexuel »: « L’homosexuel du XIXe siècle est devenu un personnage : un passé, une histoire et une enfance, un caractère, une forme de vie; une morphologie aussi, avec une anatomie indiscrète et peutêtre une physiologie mystérieuse153 ». Pendant cette époque, la sodomie masculine était considérée comme la source de tous les maux. En effet, la société française du 19ème siècle liait la visibilité des comportements sexuels entre personnes de même sexe à l’instabilité sociale et aux maladies. Des termes spécifiques décrivaient les pratiques homosexuelles en tant que « outrage à la nature », « vice honteux », « venin », « peste », « goût honteux », « désordres infâmes », « hideux péché », « vice monstrueux », « vice contre-nature », «sujet odieux et dégoûtant ». Ainsi, ces comportements 153
Irène Théry, Distinction de sexe (La): Une nouvelle approche de l�égalité, Odile Jacob, Paris, 2007, p. 599. L’auteure
cite Michel Foucault, Histoire de la sexualité de Michel Foucault, Tome 1 : la volonté de savoir, Gallimard, Collection : Bibliothèque des histoires, Paris, 1976.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
incarnent le désordre et sont également perçues comme vecteur de maladies vénériennes154. Par ailleurs, la sodomie a été supprimée du Code pénal en 1791 suite à une rupture entre le Droit et la religion après la Révolution française contrairement aux Etats-Unis où la culture religieuse puritaine influençait l’action des institutions fédérales. Contrairement aux Etats-Unis où le puritanisme régnait, la société n’était pas prête à accepter ni à reconnaitre un tel comportement perçu comme « déviant » et « contre nature ». Or, la révolution française a mis en place une société fondée sur une séparation du religieux et du politique. D’ailleurs, la place dévolue à la religion est d’une minime considération. La politique a contribué à la « sécularisation » de la société française puisque le pouvoir n’est plus basé sur la religion, mais, il est plutôt politique. La légitimité de ce pouvoir émane de la nation française qui est unie, dorénavant, par des valeurs dont la religion n’en fait pas partie. Ainsi, « par le biais de la Révolution s’établit un premier processus de laïcisation. Il confère aux individus comme à l’Etat une autonomie face à la religion. Il s’ensuit ... une déchristianisation réelle155 ». Conséquemment, la transgression de la morale ne doit plus constituer un crime en soi. Pour qu’il y ait crime, il faut qu’il y ait une victime. Résultat : le flou des incriminations disparaît.156 D’emblée, la société française avait une réputation d’une relative tolérance sexuelle en la comparant à la société anglo-américaine puritaine. En France, les relations entre personnes de même sexe n’ont été déclarées légales qu’après que la révolution ait aboli les lois « anti-sodomie ». Mais, il faut noter que la décision fortuite de décriminaliser la sodomie était dans le cadre d’un projet général de séculariser le code civil français.157 154
Voir Thierry Pastorello, « Stigmatisation et identification des pratiques homosexuelles masculines à travers des
membres des classes populaires parisiennes au cours de la première partie du XIXe siècle », L’Atelier du Centre de recherches historiques, n°08, 2011, URL : http://journals.openedition.org/acrh/3808 ; DOI : 10.4000/acrh.3808 155
David Simard, La laïcité, Editions Bréal, Rosny, 2006, p. 86.
156
Marie-Hélène Renaut, Histoire du droit pénal: du 10ème siècle au 21ème siècle, Paris, PUF, 2005, p. 100.
157
Julian Jackson, Living in Arcadia: Homosexuality, Politics, and Morality in France from the Liberation to AIDS,
University of Chicago Press, Chicago, 2009, p. 20 “The significance of decriminalization of sodomy should not be overemphasized... the decision was probably a fortuitous consequence of the general project to secularize the legal code”.
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La perception sur la France a été largement partagée. Comme le montre l’histoire de L’écrivain irlandais Oscar Wilde qui risquait la peine de mort car accusé de sodomie. Ses amis l’ont poussé à fuir son procès en quittant vers la France où les actes pour lesquels il était accusé en Grande Bretagne ne constituent pas des crimes.158 Quoiqu’elle soit décriminalisée, la sodomie (en tant qu’acte) ne veut pas forcément dire que l’homosexualité (en tant qu’identité) est décriminalisée. La personne homosexuelle est identifiable à travers son comportement ou son style vestimentaire, il est réprimé par la police sur la base d’autres textes de loi qui criminalisent certains actes et ce dans un souci de protéger la société car la visibilité des comportements homosexuelles faisaient peur à la société.
2. La décriminalisation à l’épreuve de la répression policière Les dénonciations des personnes homosexuelles n’étaient pas basées sur la religion mais plutôt sur un argument moral à savoir la lutte contre l’indécence publique vu que les personnes homosexuelles étaient très visibles. Même si la sodomie a été décriminalisée, ces personnes étaient encore persécutées. Non seulement l’identité homosexuelle n’est pas reconnue mais
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aussi, il y avait une confusion entre les sentiments et l’amour homosexuel et la prostitution surtout lorsque la police traquent les personnes homosexuelles dans les jardins publics. Ainsi, les rapports de police datant des années 1820 à 1840 comportent souvent des amalgames entre l’homosexualité dans les lieux publics et la prostitution, on parle de prostitution en tout genre. Surtout à la fin du 18e siècle, la police exerçait un contrôle systématique des actes homosexuels159. D’où l’apparition des « patrouilles de pédérastie ». Il y a aussi une autre assimilation que pratiquent ces policiers et qui ira en s’amplifiant au cours du 19ème siècle : c’est l’assimilation entre la prostitution et l’homosexualité. Deux phénomènes que ces hommes perçoivent en contrôlant parcs et jardins publics160. Sous l’autorité d’un inspecteur, ces patrouilles inspectent les lieux suspects et procèdent à des arrestations. Les policiers contrôlaient aussi les lieux fermés 158
Julian Jackson, Living in Arcadia: Homosexuality, Politics, and Morality in France from the Liberation to AIDS,
University of Chicago Press, Chicago, 2009, pp. 18-19. 159
Michel Rey, « Police et sodomie à Paris au XVIIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1982, tome
XXIX, pp. 113-124. 160
Joseph Merrick, “Commissioner Foucault, inspector Noël, and the « pederasts » of Paris, 1780-3”, Journal of the
social history, 1998, vol. 32, n° 2, pp. 288-307.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
que l’on soupçonnait d’être fréquentés par des homosexuels : marchands de vin, maisons de jeux et hôtels. L’objectif de cette répression policière n’était pas d’éradiquer les subcultures sodomites, la répression visait la protection de la jeunesse et de la famille. Il s’agissait en fait d’empêcher la trop grande visibilité de ces subcultures sodomites161. Quoique la religion se soit détachée du système pénal, la condamnation de la sodomie trouve un support théorique s’inscrivant dans un discours moral et religieux dans les écrits des médecins.
B. Une image négative de l’homosexualité véhiculée par l’approche médicale Au 19ème siècle l’homosexualité était synonyme de dégout, elle est surtout rejetée par les classes bourgeoises. Malgré la sécularisation de la société française, la conception religieuse de la moralité publique a été reproduite par la médecine en incitant la bourgeoisie à se prémunir contre les risques d’une dépravation généralisée des moeurs qui occasionnerait une dégénérescence de la nation.162 « La médecine et la psychiatrie tendent à remplacer la religion et la législation dans la définition sociale de la normalité. En devenant une perversion, l’homosexualité eut durant un siècle le rare privilège d’être combattue à la fois comme maladie, comme crime et comme péché163 ». D’ores et déjà, l’approche médicale conservatrice, basée sur une reproduction des moeurs peut être analysée à partir de deux aspects : « la science médicolégale s’intéresse progressivement à la pratique de la sodomie à partir du début du 19ème siècle, son objectif est moins de construire le stéréotype du personnage se livrant à de tels actes (psychiatrie) que de distinguer les traces physiques que la sodomie est supposée laisser sur le corps (médicine légale)164 ».
161
Voir Michel Rey, « Parisian homosexuals. Create a life style 1700-1750: the police archives » in Wayne R. Dynes
(dir.), History of homosexuality in Europe and America, New York, Garland pub., 1992, pp. 282-283. Olivier Blanc, L’amour à Paris : au temps de Louis XVI, Paris, 2002, pp. 100-102. 162
Voir Patrice Corriveau, La Répression des homosexuels au Québec et en France: du bûcher à la mairie, essai, Sillery,
Éditions du Septentrion, 2007. 163
Jean-François Cauchie et Patrice Corriveau, « Les moeurs homoérotiques ou l�éternel retour à la faute morale et
au corps impur. Quand les maux se retranchent derrière les mots », in La régulation sociale des minorités sexuelles, PUQ, Québec, 2000, p. 51. 164
Michael Sibalis, « l�homosexualité masculine à l�époque des lumières et des révolutions, 1680-1850 », in, Robert
Aldrich (dir.), Une histoire de l’homosexualité, éditions du Seuil, Paris, 2006, pp. 103-124. Cf. Malick Briki, Psychiatrie et homosexualité, Presses Universitaires Franche-Comté, Besançon, 2009, p .38.
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Dès lors, l’approche médicale reflète d’une part une construction stéréotypée de l’homosexualité (1). D’autre part, cette approche emploi des moyens inhumains et dégradant portant atteinte à l’intégrité physique (2).
1. La psychiatrie, une construction stéréotypée de l’homosexualité La psychiatrie a contribué, à la fin du 19ème siècle, à la constitution des stéréotypes de l’homosexualité. En effet, la littérature médicale sur l’homosexualité était marquée par la confrontation des définitions contradictoires, et par la multiplication de vocables concurrents, supposés cerner au plus près la réalité homosexuelle (inversion, uranisme, unisexualité, travestissement, bisexualité, hermaphrodisme psychique, sentiment sexuel contraire...)165. L’homosexuel passe du statut de criminel à celui de malade mental. « Du pécheur ou du criminel qu’il était par ses actes, le sodomite se transforme à partir 19ème siècle en une subjectivité particulière, un individu atteint d’une quelconque perversion. Bref, il devient un malade qu’il faut soigner et dont la société doit se protéger166 ». De même, le discours médical éprouve une hostilité envers les homosexuels qui
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a suscité la réprobation sociale. Ainsi, « l’homosexuel devient, au cours du XIXème siècle, la figure paradigmatique du pervers masculin les actes sexuels sans dessein procréateur sont dorénavant des aberrations ou perversions sexuelles167 ».
2. La médecine légale, un moyen stigmatisant l’homosexualité La stigmatisation de l’homosexualité était renforcée par la médecine légale et la méthode qu’elle emploie. A ce stade, des enquêtes et des travaux étaient menés par les médecins légistes dans la première partie du 19ème siècle à l’occasion de poursuites judiciaires à l’encontre d’hommes soupçonnés d’outrage aux moeurs.168 165
Florence Tamagne, « Genre et homosexualité. De l�influence des stéréotypes homophobes sur les représentations
de l�homosexualité », Vingtième Siècle. Revue d�histoire, 2002/3, n°75, pp. 61 à 73. 166
Jean-François Cauchie et Patrice Corriveau, « Les moeurs homoérotiques ou l�éternel retour à la faute morale et
au corps impur. Quand les maux se retranchent derrière les mots », in La régulation sociale des minorités sexuelles, PUQ, Québec, 2000, p. 76. 167
Régis Revenin, « De l�homosexualité masculine en France, de la monarchie de Juillet à la Première Guerre
mondiale », Revue d’Histoire des Sciences Humaines, 2007/2, n° 17, pp. 23 à 45. Pierre -Jean- Georges Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, Paris, Caille et Ravier, 1815, p. 239.
168
Les travaux comme ceux de Pierre -Jean- Georges Cabanis s�intéressent à l�homosexuel « pédéraste passif sont surtout fondés sur des primats moraux, « ces discours médicaux utilisent une phraséologie morale. Il est impératif de déconstruire ce type de discours pour en percevoir les motivations morales. Notamment on remarque l�emploi régulier de certains termes : « vice infâme », « goût vil et impétueux », « infamie », « goût abominable » ».
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
En somme, la médecine légale part de la condamnation morale pour aller vers les traits physiques de la pédérastie. En analysant l’objet de la médecine légale de la moitié du 19ème siècle, on remarque qu’elle intervient afin d’éclairer les juridictions lors de crimes ou d’abus sexuels. C’est « dans le cadre d’accusations d’outrages aux moeurs, le praticien désigné doit chercher sur le corps des prévenus la preuve du délit. Cette science médicale se situe donc dans une transition entre le traitement légal et le traitement médical de l’homosexualité169 ». Par ailleurs, la police faisait appel à la médecine légale afin de prouver la culpabilité de la personne homosexuelle. En effet, le Code pénal français adopté en 1810 sous le règne de Napoléon décriminalise l’homosexualité en abrogeant l’expression de « crime de sodomie ». Cependant, le Code a gardé l’expression « attentats aux moeurs » utilisée comme fondement par la police pour réprimer l’homosexualité visible en public. Parmi les outils du Code pénal à la disposition des agents de la police, il y a principalement les articles 330 à 334 du Code pénal de 1810. L’article 330 sanctionne les outrages publics à la pudeur et constitue une arme juridique contre les rencontres dans les lieux publics.170 Par conséquent, les homosexuels n’ont pas échappé à la répression policière. De ce fait, la police appliquait des articles du Code pénal comme l’article qui punit l’attentat à la pudeur de même que le blasphème, la magie ou le sacrilège. La répression des personnes homosexuelles continue sous une autre forme. La police utilise des textes plus généraux sur l’attentat à la pudeur et l’incitation des mineurs à la débauche. La décriminalisation n’a pas supprimé la répression des homosexuels, par contre, elle a été durcie par le biais de l’action de la police soutenue par le voisinage. Voir aussi, Thierry Pastorello, « La stigmatisation particulière du pédéraste passif dans les enquêtes de médecine légale dans la premiere partie du XIXe siècle », L’Atelier du Centre de recherches historiques [O03.1 | 2009, Online since 13 January 2010, connection on 24 April 2019. URL : http://journals.openedition.org/acrh/1850 ; DOI : 10.4000/acrh.1850 169
Nicolas Dobeldower, « Univers carcéral et sexualité masculine sous la Restauration » in Regis Revenin, Hommes
et masculinités de 1789 à nos jours : contribution à l�histoire du genre et de la sexualité en France, Ed. Autrement, Paris, 2007, pp. 42-53. 170
Voir Romain Jaouen, L’inspecteur et l’« inverti » : la police face aux sexualités masculines à Paris, 1919-1940,
Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018.
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Dans ce paragraphe nous avons démontré comment l’abolition du crime de sodomie ne signifiait pas ipso facto l’abolition de la répression des homosexuels. Ceci s’explique par le fait que la décriminalisation de l’homosexualité est un long processus à la fois social et juridique en France171 contrairement aux Etats-Unis où c’était un long processus juridique. En France, malgré la décriminalisation qui remonte à 1791, le processus d’une décriminalisation et une dépénalisation totale ne s’est opérée que lentement à cause des discriminations et des inégalités qui persistaient.
Paragraphe 2 : La lenteur du processus de la décriminalisation La répression que nous avons évoquée dans le paragraphe précédent nous a montré une image de l’homosexuel traqué, agressé, médicalisé, torturé, change de posture, car l’homosexuel même s’il n’est pas réprimé il demeure discriminé (A) sur la base de textes de lois qui ne garantissent pas une entière égalité de droits pour les personnes homosexuelles dans certains domaines dont la nécessité de reconnaitre l’identité homosexuelle et de réaffirmer l’égalité des droits (B). 70
A. Une décriminalisation de l’homosexualité face à des discriminations persistantes Dépénaliser ne veut pas dire approuver, et la peur de voir certains milieux tirer à cet égard des conclusions erronées d’une réforme de la législation ne constitue pas une bonne raison de conserver celle-ci jusque dans ses aspects injustifiables172. D’abord, les associations L.G.B.T. se sont publiquement exposées dans un contexte électoral, puis dans le champ des partis politiques dans un but de lutter plus largement pour l’égalité en droits et non seulement pour les droits sexuels. Ensuite, et à cet égard, la recherche d’une réconciliation entre les responsables politiques et les personnes homosexuelles s’est traduite par une mobilisation accrue des associations L.G.B.T. De ce fait, ces associations deviennent des interlocutrices incontournables des pouvoirs publics dans les années 1980 (1).
171
Thierry Pastorello, « L’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et pénal »,
Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n°112-113, 2010, pp. 197-208. 172
Cour Européenne des droits de l’Homme, Dudgeon c. Royaume-Uni, 1981, para. 61.
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De plus, l’élection présidentielle de 1981 et l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir s’est accompagné avec l’engagement politique des responsables en vue de lutter contre les discriminations anti-homosexuelles et d’affirmer l’égalité en droits (2).
1. Une mobilisation politique pour mettre fin aux discriminations L’émergence d’un nouveau militantisme homosexuel brise tous les tabous entourant la question de l’homosexualité. A priori, la lutte contre la répression sexuelle est remplacée par un discours sur l’égalité des droits et la lutte contre les discriminations. Dans ce cadre, imposer la question des sexualités dans l’arène politique était un enjeu majeur pour les militant(e)s homosexuel-l-es. D’emblée, ces militants ont tenté de se rendre visibles dans le milieu politique et d’y imposer la question de l’homosexualité sous l’angle d’un débat autour des discriminations et de l’égalité dans la société française depuis les années 1970.173 De surcroit, à partir des années 1980, les militant(e)s ont continué d’imposer la question homosexuelle non seulement dans les partis politiques mais encore dans le débat public. Dans ce cas, il s’agit en fait d’une question de l’affirmation identitaire. Ainsi, « les premières manifestations visibles de l’homosexualité dans le champ politique au cours de la cinquième République s’inscrivent dans le sillage du mouvement de « libération gay » et sont le fait d’activistes qui font irruption dans le processus électoral174. » Mais, ce n’est point une entreprise facile à imposer la question de l’homosexualité dans les partis politiques. Sachant que dans les années 1970, la droite au pouvoir se caractérisait par un rejet frontal de l’homosexualité. C’est justement la raison pour laquelle, il a fallu attendre les années 1980 pour une réelle mobilisation au sein du Parti Socialiste sur le sujet.175
173
Massimo Prearo, « Le moment 70 de la sexualité : de la dissidence identitaire en milieu militant », Genre, sexualité
et société [En ligne], n°3, Printemps 2010, mis en ligne le 18 mai 2010. URL : http://journals.openedition.org/ gss/1438; DOI : 10.4000/gss.1438 174
Jean-Yves Le Talec, « Sortir des placards de la République : visages de l�homosexualité dans le monde politique
français », L’Homme et la Société, n° 189-190, 2013/3, p. 126. 175
Jean-Luc Romero, « Des responsables politiques français mal à l’aise face à l’homosexualité: d’un tabou à un sujet
électoraliste », Bulletin d’histoire politique, « Homosexualités et politique en Europe », vol. 18, n° 2, hiver 2010, pp. 53-66.
71
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Par ailleurs, la question de l’homosexualité était aussi abordée par les médias. En effet, elles offrent, plus ou moins, une image de l’homosexualité fidèle à la réalité de celles et ceux qui la vivent. Or, entre les années 1970 et 1980, la question n’était pas traitée de la même façon. Totalement inexistante dans les médias durant les années 1960, l’image de l’homosexualité commence à se construire dans les années 1970. A titre d’exemple, le 18 mars 1970, sur Europe 1, Michel Lancelot consacre son émission « Campus à l’homosexualité ». Jean-Louis Bory, l’une des premières figures du militantisme gay, y participe et donne une image respectable de l’homosexualité selon les annonceurs.176 Toutefois, l’homosexualité était représentée dans les médias comme une sorte de pitié compassionnelle (l’émission de radio diffusée le 10 mars 1971 qui s’est terminée dans un grand désordre car les militants ont pris d’assaut la scène de la salle) mais également de façon médicalisée souvent en présence de neuropsychiatres, (l’émission de Philippe Bouvard diffusée en 1977).177 En réaction à ces représentations de l’homosexualité dans les médias, les militants
72
gays ont créé leurs propres médias afin de faire face à l’image caricaturale de l’homosexuel véhiculée par la télé et la radio. Citons à titre d’exemple le magazine Gai Pied et la radio Fréquence Gaie. Ainsi, ce magazine lutte contre les préjugés traditionnels et les discours dépréciatifs. Gai Pied est allé même jusqu’à pointer du doigt le traitement journalistique des agressions à l’encontre des homosexuels dans la presse généraliste, nationale ou régionale.178 Plus tard, dans les années 1980 et avec l’arrivée du sida, les représentations de l’homosexualité vont changer. Toutes les figures de la lutte anti-sida sont représentées. En 1987, Jean-Paul Aron offre au Nouvel observateur une interview intitulée « mon sida » qui permet de connaitre la vie d’un malade du sida à une 176
V. Jackson Julian, « Arcadie: sens et enjeux de « l’homophilie » en France, 1954-1982 », Revue d’histoire moderne
et contemporaine, vol. 53, n°4, 2006, pp. 150-174. 177
Alexandre Marchant, Le discours militant sur l’homosexualité masculine en France (1952- 1982) : de la discrétion
à la politisation, Mémoire de Maîtrise d’Histoire contemporaine, Université Paris X Nanterre, Ecole Normale Supérieure de Cachan, 2004-2005, pp. 210-211. 178
Alexandre Marchant, ibid, p. 296.
Voir notamment, Luc Pinhas, « La revue Masques et les éditions Persona : une aventure éditoriale et culturelle pionnière au service de la communauté LGBT en France », Mémoires du livre, n°2, vol. 9, 2018, pp. 1-30. L’article traite du magazine Gai pied et la revue Masques.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
époque où aucun traitement véritablement efficace n’est possible.179 Par la suite, le traitement médiatique de l’homosexualité va devenir si favorable à cette cause, d’une manière que les questions L.G.B.T. sont devenues des questions incontournables du débat politique français. De prime abord, les journalistes interrogent les candidats à l’élection présidentielle autour de la question de l’homosexualité. Ainsi, au mois de novembre 1980, Alain Krivine affirme que « la répression des homos est une affaire d’Etat ». Le candidat de la Ligue communiste révolutionnaire explique : « l’émancipation des homosexuels est une lutte politique et subversive. [...] les homosexuels auraient d’abord tort de faire le choix sur le seul candidat qui en parlerait. Pour ma part, j’aborderai la question dans le cadre de toutes les oppressions180. » Pareil, en décembre 1980, Huguette Bouchardeau était interrogée par Franck Arnal : elle rappelle le soutien du Parti socialiste unifié aux revendications homosexuelles, qu’elle lie à un « combat général pour une expression plus libre de la sexualité181 ». Ensuite, c’est au tour des hommes politiques d’être interrogés sur la question. Robert Badinter est incontestablement l’homme politique le plus connu pour son combat vis-à-vis les droits des personnes homosexuelles. Invité par TF1 en juin 1976, Robert Badinter évoque l’homosexualité. À Bruno Masure qui l’interroge sur le droit au corps, Robert Badinter répond ainsi : « Quand vous allez au-delà, et bien c’est tout naturellement le droit aux rapports sexuels, qui est une part de l’épanouissement du corps (...) et il était temps de proclamer aussi le droit au corps de tous, y compris des homosexuels qui doivent être traités comme les autres. » A travers ce discours, on peut déceler que s’engage résolument Robert Badinter dans une affirmation de l’égalité en droits pour les personnes homosexuelles. Il faut également rappeler la déclaration de François Mitterrand lorsqu’il avait promis le 28 avril 1981 au Palais des congrès que : « L’homosexualité doit cesser d’être un délit. » 179
Arnaud Mercier, « Les médias comme espace scénique Information sur le sida et émergence dans le champ
politique », in Pierre Favre (dir.), Sida et politique. Les premiers affrontements (1981-1987), Paris, L’Harmattan, 1992. 180
Antoine Idier, Les alinéas au placard. L’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), éditions cartouche,
Paris, 2012, p. 156. 181
Antoine Idier, ibid, p. 156.
73
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
De surcroit, le militantisme L.G.B.T. en France variait entre un militantisme discret, un militantisme qui veut s’imposer, puis, un militantisme qui demande des revendications précises. La première marche des fiertés en France a eu lieu en 1971 alors que les homosexuels ont fait irruption au défilé des syndicats du 1er mai182. Le mouvement s’est développé dans les années 1980. Le mouvement a fait l’objet d’une large couverture médiatique et a vu la participation de plusieurs personnalités publiques. On pourrait la nommer la marche de la visibilité pour sortir de la honte et revendiquer l’égalité des droits et l’affirmation de l’identité sexuelle. • Du militantisme discret au militantisme radical… Contrairement aux Etats-Unis où le mouvement gay a commencé dans un cadre revendicatif et violent qui a résulté en 1977 en l’assassinat d’un homme politique ouvertement homosexuel et une figure populaire qui militait pour les droits des homosexuels.183 Par contre, en France, Arcadie, discrète et soucieuse de ne pas choquer l’opinion publique, est une association homophile qui « cherche à faire évoluer petit à petit le regard de la société sur l’homosexualité, en offrant une image «acceptable»
74
et «discrète»184 ». Pour les partisans de la libération homosexuelle, la discrétion était perçue comme honteuse, et la recherche de la respectabilité comme une intériorisation de l’oppression185. En 1971, commence une nouvelle ère, un militantisme homosexuel héritier de mai 68 en France et de Stonewall aux Etats-Unis, avec le Front homosexuel d’action révolutionnaire. Il se présente comme un mouvement gay radical qui participe de l’irruption de l’homosexualité dans la politique. Ce mouvement fondé en 1971 est, donc, en rupture radicale avec les conceptions d’Arcadie. « Pour Arcadie, la science et la biologie, en expliquant l’existence de l’homosexualité, devaient permettre de mettre fin à la répression dont souffrent 182
Voir Goetzmann, Stéphanie. « L’homosexualité : du secret à la fierté », Sociétés, vol. 73, n° 3, 2001, pp. 71-78.
183
Harvey Milk un des premiers hommes politiques américains à avoir assumé publiquement son homosexualité. Il
a été assassiné le 27 novembre 1978. Harvey Milk, An Archive of Hope: Harvey Milk’s Speeches and Writings, University of California Press, London, 2013. 184
Voir Antoine Artous, Didier Epsztajn, Patrick Silberstein, France des anneés 1968, Ed. Syllepse, Paris, 2008.
185
Julian Jackson, « Arcadie: sens et enjeux de « l’homophilie » en France, 1954-1982 », Revue d’histoire moderne &
contemporaine, vol. 53, n°4, 2006, pp. 150-174.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
les homosexuel-le-s 186». D’emblée, il pose comme primat que l’homosexualité est politique ce qui signifie que l’émancipation homosexuelle passe nécessairement par la lutte politique et que l’homosexualité en elle-même est politique, « la priorité est donc de faire sortir les homosexuels de la honte, voire de la haine de soi, et donc de la discrétion187 ». Ainsi, une des méthodes qui a été utilisée était de s’imposer dans un défilé du 1er mai afin de faire admettre aux mouvements de gauche la légitimité des luttes homosexuelles et, plus largement, faire entrer dans le champ de la politique des luttes qui en sont exclues. • Jusqu’à un militantisme revendicatif Des mouvements revendicatifs homosexuels vont émerger avec les événements de Mai 68 et à la fin des années soixante-dix se produit un changement significatif dans l’esprit des homosexuels. En effet, en adoptant pour se désigner le terme gay188. Le terme « gay », adopté d’abord par les « homosexuels » dans les années 1920 pour se reconnaitre, a été popularisé dans les années 1960 par les mouvements gays afin de se distancier des interprétations qui ont médicalisé l’homosexualité, mais aussi pour s’affirmer sur un plan identitaire. En plus, le militantisme revendicatif est une forme de contestation sociale qui marque la prise de la parole par les homosexuels afin de faire des revendications, « le mouvement gay se transforme à la fin des années 1970. Son projet politique n’est plus exactement le même et se déplace. L’affirmation d’une parole homosexuelle et de son caractère politique n’est plus centrale, mais la fin des années 1970 est davantage marquée par des luttes concrètes, sur le terrain du droit, pour faire changer la législation.189 ». De même, dans les années 80, les premières années sida sont marquées par une phase de déni et de stigmatisation. Les pouvoirs publics ne se mobilisent guère. L’épidémie du sida bouleverse, alors, la priorité des causes et donne naissance à de nouveaux mouvements, tels Aides ou Act up. 186
Olivier Jablonski et al., Santé gaie, L’Harmattan, Paris, 2010, p. 24.
187
Olivier Jablonski et al., Ibid, p. 28.
188
Goetzmann, Stéphanie. « L�homosexualité : du secret à la fierté », Sociétés, vol. 73, n° 3, 2001, pp. 71-78.
189
Antoine Idier, Les alinéas au placard. L’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), éditions cartouche,
Paris, 2012, pp. 15-17.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Fondée en 1989 sur un modèle américain, l’association Act Up Paris a choisi de faire du sida un enjeu de lutte politique en même temps que l’objet d’une mobilisation homosexuelle. Dans les années 1980 le sida a suscité des réactions d’angoisse brassant les craintes et les tabous d’’épidémie, d’homosexualité et de mort. Dès lors, Act up a cherché à retourner ce double stigmate en identité revendiquée et positive.
2. Un engagement politique pour l’affirmation de l’égalité en droits L’affirmation de l’égalité en droits s’est accompagnée par la mise en oeuvre des promesses politiques (a) ainsi qu’à travers le soutien des partis politiques de mouvements L.G.B.T. (b)
a. La mise en œuvre des promesses politiques Sept mois après l’élection de François Mitterrand190, premier président socialiste de la cinquième République, que l’Assemblée nationale se penche sur une promesse du candidat: mettre fin aux discriminations qui touchent les personnes homosexuelles dans le Code pénal (d’après les conseils avisés de Robert Badinter).191
76
Malgré la décriminalisation de la sodomie en 1791, l’homophobie des lois persistait et l’Etat adopte une politique passive à l’égard des personnes homosexuelles. En effet, « même dans les pays où la législation est libérale, il s’agit seulement de la partie supérieure de l’iceberg qui pèse sur la vie de tous les jours des homosexuels sous la forme de discriminations diverses192 ». D’abord, parmi les mesures discriminatoires, sous le régime de Vichy, on parle de «re-pénalisation» de l’homosexualité. Mais, en réalité, il s’agit de la pénalisation des relations sexuelles ou intimes entre personnes de même sexe dès lors que l’une d’elles est mineure (moins de 21 ans à l’époque), sous prétexte de protection de l’enfance. L’article 331 du Code pénal définit les peines encourues par les individus reconnus coupables d’attentats à la pudeur et l’alinéa 2 concernait les actes d’homosexualité commis sans violence à l’égard d’un mineur âgé de 15 à 18 ans. 190
Elu Président de la République française le 10 mai 1981.
191
Jean-Luc Romero, « Des responsables politiques français mal à l’aise face à l’homosexualité: d’un tabou à un sujet
électoraliste », Bulletin d’histoire politique, « Homosexualités et politique en Europe », vol. 18, n° 2, hiver 2010, pp. 53 et s. 192
« Discrimination à l�égard des homosexuels », Assemblée parlementaire du Conseil de l�Europe, 8 juillet 1981,
Doc. 4755, p. 38.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Ensuite, pour assurer l’égalité en droits pour les personnes homosexuelles, de telles dispositions doivent être abrogées. C’est dans ce sens que Robert Badinter nommé dans le poste de Garde des sceaux le 23 juin 1981, et connu pour son inlassable combat contre toutes les formes d’injustice, porte le projet de dépénalisation de l’homosexualité visant la suppression du « délit d’homosexualité » du Code pénal. De surcroit, Robert Badinter défend sa position devant l’Assemblée Nationale en invoquant les droits humains et en soulignant que la situation des personnes homosexuelles est marquée par l’arbitraire, l’intolérance, le fanatisme et la discrimination. En outre, devant l’Assemblée Nationale, il conclut son discours par ces phrases restées célèbres «l’Assemblée sait quel type de société, toujours marquée par l’arbitraire, l’intolérance, le fanatisme ou le racisme a constamment pratiqué la chasse à l’homosexualité. Cette discrimination et cette répression sont incompatibles avec les principes d’un grand pays de liberté comme le nôtre. Il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels comme à tous ses autres citoyens dans tant de domaines. La discrimination, la flétrissure qu’implique à leur égard l’existence d’une infraction particulière d’homosexualité les atteint « nous atteint tous » à travers une loi qui exprime l’idéologie, la pesanteur d’une époque odieuse de notre histoire. Le moment est venu, pour l’Assemblée, d’en finir avec ces discriminations comme avec toutes les autres qui subsistent encore dans notre société, car elles sont indignes de la France193.» Pour l’opposition, c’est Jean Foyer, ancien Garde des Sceaux de De Gaulle, qui mène la charge, condamnant un gouvernement qui veut, dit-il, «réhabiliter l’homosexualité». Il poursuit: «Ce que vous voulez, en réalité, c’est proclamer par la loi l’abrogation d’une morale et l’instauration d’une morale différente. La morale que les socialistes récusent, ce n’est pas seulement celle de la tradition judéo-chrétienne à laquelle j’ai personnellement l’honneur d’adhérer, c’est aussi la morale laïque, ce qu’affirmaient avec force les moralistes qui, au début de la 3ème République ».194 193
Journal Officiel de la République française du 21 décembre 1981, page 5367 et suivantes.
194
Antoine Idier, Les alinéas au placard. L’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), éditions cartouche,
Paris, 2012, pp. 143-144 et pp. 182-183.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Toutefois, et vu que le candidat socialiste François Mitterrand avait promis d’abroger un certain nombre de mesures discriminatoires envers les homosexuels, promesses mises en oeuvre à partir de 1981. D’ailleurs, lorsque François Mitterrand est élu le 10 mai 1981. Le magazine Gai Pied, salue cette victoire d’une manchette restée célèbre: «7 ans de bonheur!».195 En 1982, le projet de loi relatif à la modification du Code pénal a été adopté.196 Telle est l’année qui marque la fin de la discrimination dans l’âge de majorité sexuelle, en adoptant la loi n°82-683 du 4 août 1982 portant abrogation de l’article 331 (al. 2) du Code pénal197. En conséquence, les actes impudiques ou contre nature commis avec un mineur (15 ans) du même sexe (homosexualité) ne seront plus punis de peines correctionnelles. Ainsi, la majorité sexuelle qui était fixée à 18 ans, contre 15 ans pour les hétérosexuels, avec l’abrogation de l’article 332-1 du Code pénal, elle passe à 15 ans pour tous198. De même, d’autres mesures avaient suivi l’élection de François Mitterrand: le 12 juin 1981, Gaston Defferre, ministre de l’intérieur envoie une circulaire aux services de police pour mettre fin au fichage des personnes homosexuelles et au contrôle d’identité sur les lieux de drague.
78
Parallèlement, Edmond Hervé, ministre de la santé, avait annoncé la fin de la prise en compte de la classification de l’OMS selon laquelle l’homosexualité était une « maladie mentale ».199 Dans la même perspective, la loi Quilliot, en juin 1982200, supprime la mention pour les locataires de devoir se comporter en bon père de famille. Dans la même perspective de l’engagement politique de garantir l’égalité des droits, le discours sur l’engagement a changé à la fin des années 1990. En effet, il 195
Gai pied, juin 1981, n°27.
http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=1060 196
Jean-Luc Romero, « Des responsables politiques français mal à l’aise face à l’homosexualité: d’un tabou à un sujet
électoraliste », Bulletin d’histoire politique, « Homosexualités et politique en Europe », vol. 18, n° 2, hiver 2010, pp. 53-66. 197
Journal officiel du 5 août 1982, p. 2502.
198
L’article de loi est adoptée définitivement le 27 juillet 1982 (lire le compte rendu de la séance dans le Journal
Officiel du 28 juillet 1982, pages 4873 et suivantes). Thierry Pastorello, « L’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et pénal », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n°112-113, 2010, pp. 197-208. 199
Antoine Idier, Les alinéas au placard. L’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), éditions cartouche,
Paris, 2012, p. 12. 200
Loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
n’est plus question d’engagement spécifique dans un militantisme homosexuel, mais d’une préoccupation plus globale en faveur de l’égalité des droits. Comme le précise Bertrand Delanoë: « Je suis militant de la Ligue des droits de l’Homme, de plusieurs associations contre le racisme et l’antisémitisme et je me suis rendu très souvent à des débats, des colloques organisés par la communauté homosexuelle [...] Pour moi, même si j’ai un vécu particulier, tout ça c’est le même combat pour la liberté de l’individu, son droit à l’égalité [...]201 ».
b. La lutte des mouvements L.G.B.T. soutenue par les partis politiques La formation de groupes ad hoc centrés sur l’homosexualité débute dans la mouvance du Parti socialiste (PS), avec les associations Homosexualité et socialisme (Jean -Paul Pouliquen, 1983) et Gais pour les libertés (Henri Maurel, 1984), cette dualité reflétant deux courants au sein du PS. Puis d’autres groupes émergent, cette fois à droite, avec les Gays libéraux (proches des Républicains indépendants giscardiens) et l’éphémère Association progrès, espoir, liberté (APEL, 1992), associée au Rassemblement pour la République (RPR). Au fil des années 1990, d’autres partis politiques intègrent directement dans leurs structures des groupes ad hoc : la Commission nationale lesbienne, gay, bi, trans et intersexe de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), puis du Nouveau parti anticapitaliste (NPA); la Commission gais et lesbiennes des Verts ; la Commission fier s/fières et révolutionnaires du Parti communiste (PC), et enfin GayLib à Démocratie libérale puis à l’Union pour un mouvement populaire (UMP).202 Sans nul doute, la phase revendications a été consolidée par la présence des partis politique dans le combat pour l’égalité. Parallèlement, la phase reconnaissance était plus dure et longue du fait que cette fois ci le paysage politique était divisé quant à l’affirmation de l’égalité concernant certains droits.
201
Interview de Bertrand Delanoë, Zone interdite, diffusée le 22 novembre 1998. Sous ses mandatures, la Mairie a
soutenu des associations telles que le Centre LGBT, SOS Homophobie, le Festival de films gais et lesbiens. Bertrand Delanoë est un homme politique français. Membre du Parti socialiste et il était sénateur de 1995 à 2001. Cité par Jean-Yves Le Talec, « Sortir des placards de la République : visages de l�homosexualité dans le monde politique français », L’Homme et la Société, n° 189-190, 2013/3, p. 136. 202
Laurent Olivier, « Ambiguïtés de la démocratisation partisane en France (PS, RPR, UMP) », Revue française de
science politique, vol. 53, n° 5, 2003, p. 785.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
B. De la reconnaissance de l’identité homosexuelle à l’affirmation de l’égalité Gay et homosexuel; les deux expressions n’ont pas le même sens. La première renvoie à l’identité alors que la deuxième renvoie à l’orientation sexuelle. Les revendications ne sont plus la reconnaissance de l’homosexualité (orientation, pratique sexuelle) mais plutôt la reconnaissance d’une identité, d’un style de vie déterminé. Pour le réaliser il faut, d’une part, réprimer les actes homophobes qui sont liés à la visibilité des homosexuels (1). D’autre part, légitimer la visibilité « gay » à travers une affirmation graduelle des droits (2).
1. Le renforcement de la lutte contre l’homophobie Il s’agit dans ce cadre de supprimer et d’interdire les loi et pratiques discriminatoires, ainsi que la répression de l’homophobie. De surcroit, les sanctions pénales prévues contre les agressions homophobes doivent prendre en considération que l’homophobie est une circonstance aggravante. Mais, cela passe d’abord par l’abrogation des lois liberticides et 80
discriminatoires à l’encontre des personnes homosexuelles. Depuis 2003 en France, l’homophobie est considérée comme circonstance aggravante lors de crimes liés à l’homophobie ou l’orientation sentimentale et sexuelle203. Dans la même lignée d’une sévère lutte contre l’homophobie, en 2004, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, punit sévèrement les crimes et délits commis en raison de l’orientation sexuelle. Cette loi prévoit que « les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l’infraction est commise à raison de l’orientation sexuelle de la victime204 ». Le législateur a renforcé la protection contre l’homophobie en 2017 en vertu de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Cette loi comporte plusieurs dispositions, parmi lesquelles celles modifiant le Code pénal, et qui ont pour principal objet d’améliorer la lutte contre les discriminations. Ces dispositions, figurant aux articles 170 à 177 de la loi, tendent principalement à : « ... généraliser les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie et créer une circonstance aggravante générale de sexisme ». 203
Depuis la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Chapitre IX : « Dispositions relatives à la
lutte contre l�homophobie ». 204
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Ainsi, l’article 132-77 du Code pénal définissait la circonstance aggravante d’homophobie applicable à certaines infractions. Ses dispositions prévoient une aggravation lorsque le crime ou le délit « est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son sexe, son orientation sexuelle ou identité de genre vraie ou supposée, soit établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l’une de ces raisons205». De même, l’impératif de sécurité sanitaire est souvent évoqué comme justificatif d’une discrimination206 ce qui peut alimenter l’homophobie sous prétexte de se protéger. Dès lors, les personnes homosexuelles peuvent être discriminées dans le domaine de la santé. En effet, pour le don du sang, la loi interdisait aux homosexuels de donner le sang. Cette interdiction est apportée par la circulaire du 20 juin 1983 relative à la prévention de l’éventuelle transmission du SIDA par transfusion sanguine (DGS/3B n° 569). Cette circulaire classait les personnes homosexuelles parmi les « populations à risque »207. Il fallait attendre 2016 pour interdire cette discrimination et ce en vertu de la loi de modernisation du système de santé, du 26 janvier 2016 a complété l’article L.211- 6 -1 du Code de la santé publique en ajoutant un deuxième alinéa : « (…) Nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ». La loi interdit le don du sang sans avoir respecté un an d’abstinence. En matière de Droit de la famille, l’adoption est interdite aux personnes homosexuelles puisqu’elle est seulement un droit garanti aux hétérosexuels. Par ailleurs, en 2008, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France pour avoir refusé l’adoption à une homosexuelle. La requérante alléguait avoir subi, à toutes les phases de la procédure de demande d’agrément en vue d’adopter, un traitement discriminatoire fondé sur son orientation sexuelle et portant atteinte à son droit au respect de la vie privée.208 205
Voir Bulletin officiel du ministère de la justice français (BOMJ) n°2017-04 du 28 avril 2017 - JUSD1712060C, pp.
2 et s. 206
Lauren Leblond, « L’impératif de sécurité sanitaire comme justificatif d’une discrimination (L’exclusion des
hommes homosexuels du don de sang) », La Revue des droits de l’homme [Online], 9 | 2016, Online since 04 March 2016. URL : http://journals.openedition.org/revdh/2059 ; DOI : 10.4000/revdh.2059 207
La circulaire du 20 juin 1983 relative à la prévention de l’éventuelle transmission du SIDA par transfusion sanguine
(DGS/3B n° 569). À l’heure actuelle, l’exclusion permanente des hommes « ayant eu des rapports sexuels avec un homme » trouve sa place dans l’arrêté du 12 janvier 2009 fixant les critères de sélection des donneurs de sang (NOR : SJSP0901086A), dans l’annexe II-B. 208
Cour EDH, 22 janvier 2008, E.B contre France.
81
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
La France a été donc condamnée sur la base de la référence au mode de vie, à l’orientation sexuelle de la requérante pour justifier le refus d’agrément à l’adoption. La fonction publique offre un autre exemple de discrimination marquée. Dans certains pays, tels que la France, le Code de la fonction publique contient des articles soulignant la nécessité d’avoir une bonne conduite pour pouvoir entrer dans la fonction publique. Des dispositions de ce genre sont souvent interprétées au détriment des personnes homosexuelles209. Il demeure donc clair que la dépénalisation n’est pas synonyme d’une pleine liberté et encore moins d’une pleine égalité, notamment sur un plan juridique, et les personnes coupables d’homophobie ne peuvent pas être inquiétées par la justice. En effet, l’homosexualité n’était pas punie en tant que telle pénalement, mais elle était réprouvée tout au long du 19ème siècle par la mentalité bourgeoise.
In fine, la décriminalisation ne suffit pas pour assurer l’égalité des droits des personnes homosexuelles, pour ce faire, il faut que les lois changent pour que les discriminations s’effacent. 82
2. La lutte contre l’isolement social et politique Les mobilisations des personnes homosexuelles varient selon la nature des activités menées sur le terrain. Or, un des objectifs qui est le même, c’est de réclamer un droit à l’indifférence. Les marches de fiertés portaient sur des sujets virulents comme la nécessité d’adopter le contrat de solidarité (Pacs/ Pacte civil de solidarité) (a) et sur l’accès des couples homosexuels à l’adoption (b).
a. Le Pacte civil de solidarité (PACS) Erigé sur le modèle du mariage, le PACS apparaît désormais comme une construction intermédiaire sur le chemin menant les couples homosexuels vers l’union matrimoniale. Mais, cette loi parait incomplète et encore discriminatoire.210
209
« Discrimination à l�égard des homosexuels », Assemblée parlementaire du Conseil de l�Europe, 8 juillet 1981,
Doc. 4755, p. 38. 210
Le PACS est institué par la loi n°99-944 du 15 novembre 1999. Ce texte est complété par la loi n° 2006-728 du 23
juin 2006 et la loi n°2007-1223 du 21 août 2007. La loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité. JO du 16 novembre 1999, p. 16959.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
• Une loi incomplète La proposition de la loi relative au PACS a constitué le clivage de la classe politique française. A l’opposé de la droite qui s’est prononcée contre la proposition de loi, la gauche a pris presque unanimement la défense du PACS.211 Avec cette loi, le Code civil a introduit le concubinage, qui s’était progressivement développé par le droit, tandis que la jurisprudence avait écarté le concubinage homosexuel.212 D’emblée, les personnes homosexuelles réclament des droits qui les protègent, notamment dans leur vie de couple. Pour autant, la jurisprudence est en leur défaveur. Deux arrêts de la cour de Cassation ont jugé qu’ : « [un] conjoint en union libre doit être compris comme ayant entendu avantager deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux, sans pour autant s’unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu’un couple constitué d’un homme et d’une femme » (soc., 11 juillet 1989) et « le concubinage ne peut résulter que d’une relation stable et continue ayant l’apparence du mariage, donc entre un homme et une femme » (civ. 3e, 17 décembre 1997). Aux termes de l’article 1er de cette loi, « Le PACS est un contrat conclu entre deux personnes majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ». Toutefois, le législateur n’a fait que le définir dans un article unique, sans le réglementer quant à son régime et ses effets qui ont été précisés par les juridictions au gré des affaires. • Une loi qui demeure discriminatoire La volonté des couples de personnes de même sexe de se voir reconnaître un statut pour assurer leur pleine admission sociale, a conduit le législateur à créer le PACS qu’il a également ouvert aux couples hétérosexuels. Il répondait à une volonté de privatisation de l’union213 et à une nécessité de protection juridique des couples de même sexe.
211
Jean-Loup Vivier, Le pacte civil de solidarité: un nouveau contrat, L’Harmattan, Paris, 2001, p. 13.
212
Cass. soc., 11 juil.1989 (2 arrêts), Bull. civ. n° 514 et 515 ; Cass. civ. 3ème, 17 déc. 1997, Bull. civ. n°225
213
Wilfried Rault, « Entre droit et symbole, les usages sociaux du pacte civil de solidarité », Revue française de
sociologie, n°3, vol. 48, 2007, p.555 et ss.
83
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Cependant, le PACS n’a pas satisfait toutes les revendications des militants gays. En effet, il n’offre pas les mêmes droits que le mariage de sorte que la fermeture de ce dernier aux couples homosexuels leur interdisait de bénéficier des mêmes droits que les couples hétérosexuels214. Dès lors, la loi qui a introduit le pacs est discriminatoire. Au vu que cette loi ne met pas fin à l’inégalité des conjugalités, le mariage demeurait réservé aux couples hétérosexuels. Jusqu’à ce que le maire de Bègles215 décide, d’interpréter le Code civil en faveur des couples de même sexe. En effet, suite au mariage de deux hommes célébré à Bègles le 5 juin 2004 par le député-maire Noël Mamère, la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 mars 2007, a statué que « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme.216 » Dans le même contexte, les juges se sont également opposés au droit de filiation pour les familles homoparentales : pas d’adoption simple de l’enfant du conjoint de même sexe217, pas d’inscription dans les registres de l’état civil pour les enfants issus d’une gestation pour autrui218, pas de congé parental pour la compagne pacsée d’une mère lesbienne.219
84
Discriminatoire et incomplète, cette loi n’offre pas le droit au mariage pour les couples de même sexe, « le PACS n’est pas le mariage », rappelait sans cesse la Garde des Sceaux, Élisabeth Guigou, dans chaque séance parlementaire.220 Toutefois, l’idée de l’amélioration du PACS221 est venue suite à des événements qui ont eu lieu tant sur le plan national que sur le plan international. 214
Sylvain Bernard et Alicia Oudaoud, La singularité du Pacs. 2013.
https://halshs.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/850246/filename/_La_singularitA_du_pacs.pdf Françoise Dekeuwer-Défossez, « Pacs et famille, Retour sur l’analyse juridique d’un contrat controversé », RTD. civ. 2001, p. 529 et s. 215
Bègles est une commune du sud-ouest de la France, dans la banlieue sud de Bordeaux, située dans le département
de la Gironde en région Aquitaine. 216
Cass. 1er Civ, 13 mars 2007 cité par Daniel Borrillo, « Mariage pour tous et filiation pour certains : les résistances
à l’égalité des droits pour les couples de même sexe », Droit et cultures, n°69, 2015, pp.179-220. 217
Cass. 1er Civ. Arrêt n° 221 du 20 février 2007. Cité par Daniel Borrillo, ibid.
218
Cass. 06/04/2011 : affaire des jumelles nées aux USA. Cass. 13/09/2013. Cité par Daniel Borrillo, ibid.
219
Cass. 11/03/2010, n° 09-65.853. Cité par Daniel Borrillo, ibid.
220
Daniel Borrillo, ibid.
221
Les marches organisées par les associations L.G.B.T. suivantes appelaient aussi à l’amélioration du Pacs. En 2007,
le Pacs est réformé, notamment en matière successorale. Le partenaire défunt peut depuis faire bénéficier au partenaire survivant de leur logement commun.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Sur le plan national, l’annonce de l’agression d’un trentenaire, Sébastien Nouchet, « brûlé vivant parce qu’il est homo », a provoqué une vague d’émotion médiatique. Egalement, des manifestations « anti-homophobie » sont immédiatement organisées par les associations homosexuelles (Act-Up, InterLGBT) et certaines formations politiques (les Verts, le PCF).222 Sur le plan international, des événements permettront de maintenir la pression médiatique. Le 12 février 2004, à la veille de la Saint Valentin, dans un acte de désobéissance civile qui en a surpris plus d’un, Gavin Newsom, le maire tout juste élu de San Francisco, a donc commencé à marier des couples de même sexe (plusieurs milliers en l’espace d’une semaine).223 Parallèlement, en Europe et dans le monde, de nouveaux pays autorisent le mariage homosexuel : les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2003, l’Espagne et le Canada en 2005, la Suède en 2009, le Portugal en 2010 et le Danemark en 2012. Le débat politique autour de l’amélioration de la situation des couples pacsés était partagé. La droite ne souhaitait pas touché à la famille, elle s’est contentée de compléter le dispositif de lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Quant aux socialistes, le PACS n’avait jamais été conçu comme un point de départ vers l’égalité totale mais comme le seul compromis possible pour mettre fin aux discriminations.224 Soucieux de rétablir l’égalité entre les couples quelle que soit leur orientation sexuelle, l’idée d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels se développe dans un but de faire bénéficier les couples homosexuels des même droits que les couples hétérosexuels.
b. Vers la reconnaissance des couples homosexuels La reconnaissance des couples homosexuels s’inscrit dans le fait que la loi privait les personnes homosexuelles de certains droits sur la base de leur orientation sexuelle surtout en matière du Droit de la famille concernant le mariage et l’adoption. On peut dire que d’ores et déjà, l’ouverture du « mariage pour tous » représente le pas supplémentaire dans le processus de démocratisation de la vie privée, 222
Jean-Yves Le Gallou, de La tyrannie médiatique, éditions VIA ROMANA, Paris, 2013, pp. 136- 138.
223
Baptiste Coulmont et Sébastien Chauvin, « Les origines du mariage », Vacarme, n° 27, vol. 2, 2004, p. 78.
224
Daniel Borrillo, ibid.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
puisque le droit au mariage est une composante du respect de la vie privée et de l’égalité dans le mariage. Mais, le chemin était long, ainsi que la loi a fait l’objet d’affrontements idéologiques virulents.
• Un long chemin pour la conquête de l’égalité En 2006, l’année qui précède la présidentielle, 600 000 personnes se pressent encore à la Marche des fiertés et les partis de gauche s’engagent tous sur l’extension du mariage aux conjoints de même sexe. Mais c’est surtout grâce au mariage à Bègles surmédiatisé, que la question du mariage deviendra désormais politiquement possible. Elle sera intégrée, huit ans plus tard, dans le programme politique de François Hollande225. En effet, il n’est encore que candidat à la présidence de la République, il force la gauche socialiste jusqu’alors réticente à déposer enfin une proposition de loi étendant le mariage aux conjoints de même sexe.226 Suite à cet engagement, le 7 novembre 2012, le Premier ministre soumet au Conseil des ministres le projet de loi « ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe » (enregistré à l’Assemblée nationale le 7 novembre 86
2012 sous le n°344). Conformément aux promesses présidentielles, le projet de loi s’inscrit dans une logique de lutte contre les discriminations et d’affirmation du principe d’égalité. Le texte a été débattu à l’Assemblée nationale à partir du 29 janvier 2013. Les débats ont duré plus de 100 heures et 5 000 amendements ont été discutés. Le 23 avril 2013, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi par un scrutin public. 566 députés ont participé au vote, 331 ont voté pour l’adoption du projet de loi, 225 ont voté contre, 10 se sont abstenus. A la suite de l’adoption du texte, soixante députés et soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel qui a mis un mois pour se prononcer sur la conformité du projet de loi à la Constitution.
225
Journal Le Parisien, « 26 janvier 2012 : le candidat François Hollande présente ses «60 engagements pour la
France» ». http://www.leparisien.fr/election-presidentielle-2012/les-60-engagements-pour-la-france-de-francoishollande-26-01-2012-1830405.php 226
« Mai 2013 : Hollande impose le Mariage pour tous », Journal le Parisien, 13 mai 2017.
http://www.leparisien.fr/politique/mai-2013-hollande-impose-le-mariage-pour-tous-13-05-2017-6944307.php
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Le 17 mai 2013, la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe227 a été promulguée.228 Néanmoins, le projet de loi relatif au mariage pour tous a connu des affrontements idéologiques et a suscité de nombreuses protestations.
• Les affrontements idéologiques autour du « mariage pour tous » Plusieurs manifestations et des dérapages verbaux et physiques anti-mariage gay et des affrontements ont éclaté229. D’emblée, les débats autour de cette loi ont été longs et houleux, donnant lieu à des manifestations anti -mariage pour tous. D’abord, le débat autour du « mariage pour tous » oscillait entre partisans, défenseurs du principe d’égalité, et ses opposants, inquiets d’une remise en cause des fondements de la famille. Ensuite, le débat porte essentiellement sur deux points majeurs : la nature même du mariage et la parentalité. Quant au point portant sur la nature du mariage, les opposants au projet de loi avaient soutenu que l’ouverture du mariage au couple de même sexe entraînerait une «désexualisation» du droit et que le mariage demeure une institution à part entière et une « structure fondamentale de la civilisation », car, il a pour finalité la reproduction de l’espèce. Concernant la parentalité, selon les opposants l’homoparentalité supprimera l’altérité père / mère qu’ils considèrent comme essentielle à la construction de l’enfant.230 Cette thèse a, notamment, été défendue par l’Union nationale des associations familiales qui a prétendu que la réforme bouleverserait pour chacun son «état
227
Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. JORF n°0114 du 18
mai 2013, Texte n°3, p. 8253. 228
Le débat parlementaire sur le « mariage pour tous », 23 avril 2013.
https://www.vie-publique.fr/focus/debat-parlementaire-mariage-pour-tous.html 229
Mariage gay voté : réactions, manifestations, débordements... revivez la journée historique du 23 avril https://
www.huffingtonpost.fr/2013/04/23/en-direct-mariage-gay-journee-historique-23-avril_n_3137473.html 230
Pour le sujet sur le débat autour de la loi relative au mariage pour tous, Voir :
Irène Théry (dir.), Mariage de même sexe et Filiation, Le Seuil, Paris, 2013. Frédéric Rouvière, « Le concept d’homoparentalité : une analyse méthodologique », Gazette du Palais, 2013, pp.5-9. Gérard Aschieri, « Mariage pour tous: quels enjeux? » Hommes et Libertés, n° 161, Mars 2013, pp. 12-15.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
civil» et engendrerait une remise en cause de notre «pacte social».231 Toutefois, pour les proposants le mariage est un droit, cela renvoie à ce qu’il soit le droit pour chaque individu quelle que soit son orientation sexuelle/ de se donner un projet de vie avec la personne qu’il aime et de fonder famille. Dans le même sens, le discours de Proposition voyait la famille, comme creuset des solidarités par excellence, ce n’est pas uniquement « affaire d’hormones et de gènes », c’est « une construction une volonté c’est reconnaître un enfant ».232 Aussitôt adoptée, le premier mariage homosexuel est célébré le 29 mai 2013 à la mairie de Montpellier à peine à deux semaines de la promulgation de la loi du « mariage pour tous ». Cependant, dans les premiers mois d’application de la loi, plusieurs maires opposés au mariage pour tous refusent d’unir les couples de même sexe, invoquant une « clause de conscience ». Ils saisissent le Conseil d’État du sujet, qui transmet une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Ce dernier, dans une décision du 18 octobre 2013, écarte une telle clause. Il considère que le service public d’état civil doit être neutre et « qu’eu égard aux fonctions de l’officier de l’état civil - le maire ou ses adjoints -
88
dans la célébration du mariage», la loi sur le mariage pour tous «n’a pas porté atteinte à la liberté de conscience.233 »
231
Philippe Guez, « Le mariage pour tous ou le changement dans la continuité », Journal de Droit Comparé du
Pacifique, n°20, 2014, pp.87-111. 232
Elisa Ravazzolo, « Du « mariage pour tous » à la « manif pour tous » : la construction discursive d’un conflit
sociopolitique dans le débat parlementaire », Synergies Italie, n°10, 2014, pp. 116-117. 233
Décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013 du Conseil constitutionnel - M. Franck M. et autres (Célébration du
mariage - Absence de “clause de conscience” de l’officier de l’état civil)
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Les dates-clés du projet de loi relative au « mariage pour tous » entre 2012 et 2013.234
- 6 janvier 2012 : le candidat François Hollande présente ses «60 engagements pour la France» dont le 31ème prévoit «le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels». - 30 juin : mobilisation exceptionnelle pour la Gay Pride parisienne qui rassemble 60.000 personnes, selon la police, «largement plus d’un demi-million», selon les organisateurs. - 3 juillet : le Premier ministre Jean-Marc Ayrault réaffirme ce projet dans son discours de politique générale à l’Assemblée nationale. - 14 septembre : polémique après des propos de l’archevêque de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin, selon lequel le mariage homosexuel serait «une rupture de société» risquant de favoriser la levée d’autres interdits comme la polygamie et l’inceste. Protestants, juifs et musulmans s’opposent aussi au projet. - 15 septembre : des maires se disent prêts à refuser de célébrer les mariages homosexuels. - 3 novembre : «Ne pas reconnaître la différence sexuelle serait une supercherie qui ébranlerait un des fondements de notre société», déclare le cardinal archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois. - 7 novembre : adoption du projet en Conseil des ministres - 17 novembre : plus de 100.000 opposants au projet - dont 70.000 à Paris, selon la police - manifestent à l’appel d’un collectif, «La Manif pour tous». Le lendemain, des catholiques intégristes mobilisent à leur tour 9.000 manifestants à Paris (police). Echauffourées avec des féministes. - 20 novembre : Hollande reconnaît la possibilité pour les maires hostiles au mariage homosexuel d’invoquer leur «liberté de conscience» afin de déléguer leur signature à des adjoints. - 16 décembre : 60.000 (chiffre police) à 150.000 (chiffre organisateurs) personnes, manifestent à Paris pour le projet. 234
« Mariage pour tous» : de la proposition Hollande au projet de loi ».
https://www.rtl.fr/actu/mariage-pour-tous-de-la-proposition-hollande-au-projet-de-loi-7757432188
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
- 3 janvier 2013 : 340.000 (police) à 800.000 (organisateurs) personnes manifestent à Paris contre le projet. - 27 janvier : les partisans de la réforme manifestent à Paris . Il y a 125.000 personnes. selon la police, 400.000 selon un organisateur. - 29 janvier : début du marathon parlementaire. - 23 avril : Le texte porté par la garde des Sceaux, Christiane Taubira, est adopté le à l’issue de 136 heures de bataille.
L’égalité entre les couples homosexuels et hétérosexuels réalisée par la loi de 2013 ouvrant le mariage pour les couples de même sexe est une grande victoire dans l’histoire du militantisme L.G.B.T. Mais, le combat n’a pas encore fini car d’autres formes discriminations persistent encore. A titre d’exemple, le projet de loi sur l’ouverture de la PMA à l’ensemble des 90
femmes homosexuelles doit s’effectuer en été 2019 afin de garantir l’égalité dans le domaine de la santé reproductive. D’ores et déjà, la décriminalisation n’est pas suffisante pour une totale égalité de droits. Cela peut être expliqué par le fait que l’homophobie soit toujours un phénomène social difficile à éradiquer. Ainsi, la loi ne peut pas cerner tous les actes homophobes, dans la rue ou dans d’autres endroits, qui risquent de paralyser les droits des personnes homosexuelles. Dès lors, des acteurs non-étatiques jouent un rôle incontournable dans le processus de la lutte contre l’homophobie. Le sport par exemple est un monde qui peine à briser le tabou autour de l’homosexualité. C’est la raison pour laquelle, plusieurs sportifs cachent leur orientation sexuelle. Afin de remédier à l’homophobie dans le milieu sportif, le magazine l’équipe propose un numéro spécial, pour son supplément week-end, autour de la question de l’homophobie dans le sport sous le titre de « le sport face à l’homophobie : embrassez qui vous voudrez ». Sur la couverture, deux joueurs de water-polo qui s’embrassent dans le bassin.235
235
Le magazine l’équipe n°1920, mai 2019.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Section III L’Inde, « la moralité populaire ne peut pas dicter les droits constitutionnels » La dignité, la liberté et l’égalité sont les composantes essentielles et inaliénables qui se rapportent à la garantie des droits des individus. Par conséquent, l’Etat ne doit pas seulement garantir des droits, mais, s’abstenir aussi de porter atteinte à la jouissance et à l’exercice de ces droits. Or, la dignité peut être confisquée par l’Etat lorsque ce dernier s’immisce dans chaque aspect de la vie privée des individus, tant pour les aspects extrinsèques que pour ceux qui sont intrinsèques. La sexualité en fait partie, l’intimité est son aspect intrinsèque, l’identité est son aspect extrinsèque. La loi en criminalisant ces deux aspects, remet en cause le principe de nonimmixtion dans la vie privée des individus et prive l’individu de sa dignité. Telle est la loi qui criminalise les pratiques en privé entre adultes consentants de même sexe. A première vue, on croit que c’est l’acte sexuel qui est réprimée alors qu’en pratique, le constat est que l’existence d’une telle loi réprime, notamment, l’identité sexuelle ou de genre. Une panoplie d’acteurs intervient afin d’annuler les dispositions répressives de la vie privée sexuelle des individus. Dans ce cas, la justice joue un rôle crucial dans le processus de l’abrogation de cette loi. Soutenue par des groupes d’individus qui militent pour récupérer la dignité des personnes discriminées et criminalisées sur la base de leur orientation sexuelle236, la justice donnera vie à la Constitution, la loi suprême du pays. Au vu que la jurisprudence a joué un rôle incontournable dans le processus de la dépénalisation, nous allons présenter brièvement l’organisation du système juridictionnel indien. A l’instar de la Cour suprême des E.U., en vertu de la Constitution indienne de 1950, l’autorité judiciaire suprême fut attribuée à la Cour suprême de l’Inde.
236
Alok Gupta, “Section 377 and the Dignity of Indian Homosexuals”, Economic and Political Weekly, vol. 41, n° 46,
November 18-24, 2006, pp. 4815-4823.
91
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
La Cour suprême, est la plus haute juridiction de l’Inde au sommet d’une structure pyramidale comprenant 21 High Courts (Haute Cour) et presque 15 000 tribunaux subordonnés (tribunaux de district et tribunaux inférieurs) répartis à travers ce vaste pays d’1,2 milliard d’habitants. La Cour suprême est l’interprète en dernier ressort de la Constitution, le gardien des droits fondamentaux des citoyens, et de l’État de Droit (rule of law). C’est aussi la Cour d’appel et de dernier ressort dans toutes les matières, qu’elles soient civiles, pénales ou autres.237 Par ailleurs, en Inde, ce processus est tantôt long du fait qu’il soit passé par plusieurs étapes (Paragraphe 1), tantôt acharné (Paragraphe 2), car, les défenseurs des droits des L.G.B.T. ont résisté malgré les échecs. Cette résistance a fini par une victoire, à savoir, la décriminalisation de l’homosexualité par la Cour suprême de l’Inde.
Paragraphe 1 : Un processus de décriminalisation de longue haleine Le Code pénal indien a été adopté le 6 octobre 1860238 consacre un chapitre « aux atteintes à l’intégrité de la personne », dont l’article 377 intitulé « Des délits contrenature » punit, « les relations charnelles contraires à l’ordre de la nature » d’une 92
peine d’emprisonnement à vie239. A travers cette section du Code pénal indien on constate que le Droit contrôle le corps de l’individu ainsi que les activités sexuelles s’y rapportant et ce à travers la moralité sociale. Afin d’éliminer l’idée de la moralité sociale qui exclut la personne homosexuelle de la protection juridique et le stigmatise, des groupes d’individus et des associations mènent un long combat pour décriminaliser l’homosexualité qui passe par la revendication de l’égalité des droits (A) et l’acceptation sociale de l’homosexualité (B). 237
La composition, la compétence et le statut de la Cour suprême sont fixés par le chapitre IV de la Ve partie (art. 124
à 147) de la Constitution de l’Inde. N.R. Madhava Menon, « La Cour suprême de l’Inde : statut, pouvoir juridictionnel et rôle dans la gouvernance constitutionnelle », Cahiers du Conseil constitutionnel (en ligne), n° 27 (Dossier : Inde), janvier 2010. https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/la-cour-supreme-de-l-indestatut-pouvoir-juridictionnel-et-role-dans-la-gouvernance 238
Hana Rousse, « Légalisation de l’homosexualité en Inde, illustration de l’activisme de la Cour Suprême indienne
», La Revue des droits de l’homme [Online], Actualités Droits-Libertés, URL : http://journals.openedition.org/ revdh/4791 ; DOI : 10.4000/revdh.4791 239
« Quiconque a de son propre gré un rapport charnel contre l�ordre de la nature avec un homme, une femme ou
un animal sera puni de prison à vie, ou d�une peine d�emprisonnement dont la durée peut aller jusqu�à dix ans, et sera aussi susceptible de recevoir une amende. Explication : La pénétration suffit à constituer le rapport charnel nécessaire au délit décrit dans cet article. »
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
A. Un combat pour l’égalité des droits des homosexuels L’homosexualité est résumée à la pratique de la sodomie. Cette idée reçue stigmatise l’homosexualité. Elle a notamment permis de criminaliser l’homosexualité doublement. Une criminalisation de facto qui peut être décelée des pratiques policières et de la stigmatisation qui en résulte. Dans ce cas, le combat est entravé par le conservatisme de la société (2). Une criminalisation de jure qui renvoie à la répression des pratiques sexuelles entre deux adultes consentants de même sexe en privé qui se résume dans la politique homophobe de l’Etat (1).
1. Une homophobie parrainée par l’Etat La discrimination et l’homophobie dont fait preuve la loi pénale, ne tire pas son origine de la culture indienne mais seraient apparues avec l’adoption par le gouvernement colonial britannique du Code pénal en 1860240. « L’homophobie est principalement le produit de la moralité judéo-chrétienne qui se propage dans plusieurs parties dans le monde à travers le colonialisme européen qui a exporté sa moralité et ses lois dans d’autres contextes locaux241. » Dès lors, l’article 377 du Code reprend à peu près mot à mot la législation criminelle anglaise existante et parle de « rapports charnels contre nature »: d’un homme avec un homme ou avec une femme ou encore de bestialité méritent une peine d’emprisonnement de dix ans ou à perpétuité. Robert E. Goss a souligné que l’homosexualité n’est pas explicitement citée dans les textes fondateurs de l’hindouisme. Par contre, l’homosexualité masculine était punie moins durement: un homme forçant un autre à pratiquer l’acte de sodomie avec lui se devait de se baigner tout habillé.242 Quant à la loi pénale réprimant l’homosexualité, Ruth Vanita remarque qu’en Inde personne ayant eu des relations homosexuelles n’a jamais fait l’objet de peine de mort. Les personnes homosexuelles, selon elle, n’ont pas été persécutées de manière systématique avant le 19ème siècle. Malgré l’existence de peines sévères prévues par cet article 377 du Code pénal, peu de cas se seraient trouvés devant 240
Pierre Hurteau, Homosexualités masculines et religions du monde, Editions L’Harmattan, Paris, 2017, p. 42.
241
Sanjeev Kumar, LGBT Community in India: A Study, Educreation Publishing, New Delhi, 2019, p. 60.
242
Robert E. Goss, “Hinduism”, in Timothy F. Murphy (Editor) Reader’s Guide to Lesbian and Gay Studies, Taylor and
Francis, London, 2000, pp. 281-282.
93
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
les tribunaux jusqu’à nos jours.243 Mais, cela n’a pas empêché l’Etat de persécuter les homosexuels. En effet, la loi s’est transformée en un outil de harcèlement qui justifie les violences et les humiliations des homosexuels par la police. « Ces violations comprennent l’extorsion, le harcèlement, la maltraitance, la détention illégale et le viol. Tout ceci est exercé par la police sous le couvert d’une légitimité fournie dans le cadre du Droit pénal. Cette violence est, notamment, souscrite par les codes sociaux de l’intolérance à l’égard des sexualités queer244 ». L’article 377 du Code pénal était une arme de harcèlement contre les homosexuels qui risquaient d’être soumis aux menaces des maîtres- chanteurs et à d’autres pressions. Cette loi pouvait même paralyser le travail des activistes L.G.B.T. en Inde qui militaient pour son abrogation. Selon un rapport publié par l’O.N.G. Human Rights Watch, un militant L.G.B.T. de l’association Bharosa Trust, une association qui lutte contre les discriminations à l’égard des personnes vivant avec le VIH/Sida, a été arrêté le 8 juillet 2001 et 94
emprisonné pendant 47 jours. La police a perquisitionné les lieux et a saisi du matériel qu’elle a qualifié d’obscène. Il s’agissait de livres sur le genre et la sexualité ainsi que des paquets de préservatifs dans les locaux de l’association pour les utiliser comme une preuve de « perversion ». La police argumentait devant la Cour que le militant gay et ses collègues faisaient partie d’un groupe pour la promotion de l’homosexualité.245 En réponse à ces pratiques anti-gay, Naz Foundation International a rejoint
Bharosa Trust dans son combat contre l’homophobie de l’Etat et de l’article 377. Ces deux organisations ont décidé en juillet 2001 de contester la constitutionnalité de l'article 377 devant la justice. 243
Ruth Vanita and Saleem Kidwai (Editors), Same-Sex Love in India: Readings from Literature and History, Palgrave
Macmillan, New York, 2001, pp. 191 et s. Voir aussi Joseph Sherry, The Law and Homosexuality in India, CEHAT. International Conference on Preventing Violence, Caring for Survivors: Role of Health Professionals and Services in Violence. Nov 28-30, 1998. YMCA, Mumbai, pp.150-154. 244
Arvind Narrain, “The Articulation of Rights around Sexuality and Health: Subaltern Queer Cultures in India in the
Era of Hindutva”, Health and Human Rights, vol. 7, n°2, 2004, “Sexuality, Human Rights, and Health”, 2004, p. 149. 245
Jayshree Bajoria, “The Indian Activist Jailed for Being Gay”, September 8, 2018.
https://www.hrw.org/news/2018/09/08/indian-activist-jailed-being-gay
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Dans le même contexte de la lutte contre l’homophobie de l’Etat, on cite le « livre rose »246 qui a ouvert la voie pour l’égalité des droits des personnes homosexuelles. Il s’agit d’un rapport qui relate en détails les expériences des personnes homosexuelles en Inde. Ce rapport a été publié en 1991 par le collectif
AIDS Bhedbhav Virodhi Andolan. Le rapport a brisé le silence autour du sujet de l’homosexualité, il a, aussi, exposé les violations des droits des homosexuels par les autorités. Un autre exemple de l’effet préjudiciable de l’article 377 sur la prévention du VIH a eu lieu en 1994, quand un groupe de médecin a proposé que des préservatifs soient distribués aux détenus à la prison de Delhi où un nombre élevé de rapports sexuels entre personnes de même sexe a été signalé. Les autorités de la prison ont rejeté cette proposition sous le prétexte que la distribution de préservatifs est une manière de tolérer un acte criminalisé. De même, pour les organisations travaillant sur la prévention du VIH, il était difficile de communiquer avec les individus qui sont marginalisés sur la base de leur sexualité afin de leur fournir des informations et des services247. Les groupes de militants L.G.B.T. ont signalé qu’ils faisaient l’objet de discrimination et de violence dans la rue à l’occasion des marches ou activités qu’ils organisent dans le cadre de la défense des droits des L.G.B.T. Ces militants ont aussi attiré l’attention concernant les personnes transgenres vivants avec le VIH et qui continuent de trouver des difficultés d’accès aux traitements médicaux. Parallèlement, l’association Indian Gay and Lesbian Empowerment (MINGLE) a enquêté sur les discriminations dans le milieu de travail contre les personnes homosexuelles qui peuvent aller jusqu’au licenciement injustifié.248 La loi pénale réprimant l’homosexualité est rédigée en termes vagues, génériques et ambigües. Par conséquent, ses dispositions ont produit des impacts négatifs sur la vie des personnes homosexuelles.
246
Less Than Gay: A Citizens’ Report on the Status of Homosexuality in India, AIDS Bhedbhav Virodhi Andolan, 1991.
247
Geetanjali Misra, “Decriminalising homosexuality in India”, Reproductive Health Matters, vol. 17, n° 34, November
2009, p. 22. Voir aussi: Partha Chatterjee, “AIDS in India: police powers and public health”, The Lancet, vol. 367, 2006, pp. 805-806. 248
“Country Reports on Human Rights Practices for 2013, India”. United States Department of State, Bureau of
Democracy, Human Rights and Labor, p. 61. https://www.state.gov/documents/organization/220604.pdf
95
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
2. La lutte entravée par les tabous d’une société conservatrice La possibilité pour les associations L.G.B.T. de porter plainte pour l’abrogation de l’article 377 est, incontestablement, une avancée pour les personnes homosexuelles. Pour autant, elle ne saurait masquer les acteurs étatiques et nonétatiques conservateurs qui dominent dans la société indienne. A titre d’exemple, afin de montrer le conflit entre les associations et les autorités lorsqu’il s’agit d’un sujet tabou en Inde comme l’homosexualité, la pandémie de Sida, qui a constitué l’un des défis majeurs dans le champ de la santé à la fin du 20ème siècle, a donné lieu à une importante mobilisation de la société civile. Il convient de remarquer que dans les années 1990, le VIH/Sida, son arrivée en Inde liait la pandémie à l’homosexualité. Partant de ce constat, en 1992, la police de Delhi a arrêté 18 hommes dans un parc public. De ce fait, l’accusation n’était pas sur la base qu’ils étaient arrêtés en flagrant délit mais plutôt se donner à des pratiques homosexuelles. L’homosexualité 96
est
généralement
perçue
comme
un
sujet
tabou,
particulièrement, par le gouvernement. Ainsi, le débat public sur l’homosexualité est empêché par le fait que la sexualité sous n’importe quelle forme est rarement débattue ouvertement.
Naz Foundation, basée à Delhi, a déposé une action d’intérêt public auprès de la Haute Cour de Delhi en 2001 en vue de l‘abrogation de l’article 377 et qui était aussi soutenu par d’autres associations telles que le collectif d’avocats Lawyers
Collective, lié à la Fondation Naz, et Voices Against 377, coalition de L.G.B.T. et militants des droits de l’homme et de la femme. Ce mouvement qui luttait pour la décriminalisation de l’homosexualité a dû faire face aux réticences et au conservatisme du Gouvernement de l’Union indienne. Dans sa défense de l’article 377 devant la Haute Cour de Delhi, le Gouvernement affirmait en effet que la décriminalisation de l’homosexualité « ouvrirait les vannes aux comportements délinquants », faisant allusion à la pédophilie, et que l’homosexualité était « un vice social » et le « reflet d’un esprit pervers »249.
249
Arvind Narrain, “The Articulation of Rights around Sexuality and Health: Subaltern Queer Cultures in India in the
Era of Hindutva”, Health and Human Rights, vol. 7, n°2, 2004, “Sexuality, Human Rights, and Health”, 2004, p. 157.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
La Haute Cour a retenu les arguments des avocats du gouvernement voulant que l’homosexualité soit une importation occidentale, étrangère à la culture indienne et que cette loi ait pour but de protéger l’ordre social et d’éviter les sévices sexuels, notamment envers les enfants.250 En 2009, dans l’affaire Naz Foundation, le ministère des Affaires Intérieures a justifié le maintien de l’article 377 par des motifs de protection de la santé et de la morale, mais la Haute Cour de New Delhi a estimé que la morale publique ne constituait pas un intérêt légitime pour l’État et que la loi en question n’était pas rationnellement liée aux finalités législatives. La Haute Cour s’est appuyée sur les affaires Dudgeon et Toonen pour en déduire ce principe251. A l’opposé des associations qui luttent pour la dignité des homosexuels en Inde, d’autres organisations ultraconservatrices de l’Hindouisme moderne comme
Shiv Sena, Vishwa Hindu Parishad et Rashtriya Swayamsewak Sangh, ont déclaré que l’homosexualité est étrange à la culture et à la tradition indiennes et qu’elle était importée par les européens, les américains ou du sud de l’Asie. En 1998, les activistes de ces organisations ont attaqué violemment les salles de cinéma projetant un film sur les lesbiennes: Fire.252 Or, le fait que le gouvernement soit conservateur et rejette l’homosexualité ou que certaines associations soient hostiles au sujet de l’homosexualité. Ceci n’a pas empêché des associations L.G.B.T. à prendre la relève pour aborder le sujet en public dans le cadre de l’appel à la décriminalisation de l’homosexualité. Cette action militante a suscité la mobilisation de plusieurs associations pour travailler sur la tolérance et l’égalité des droits des personnes homosexuelles. Les dispositions de l’article 377 réprimant l’homosexualité qui sont considérées anti-gay et pas seulement anti-sodomie ont renforcé le fait que l’homosexualité soit un tabou parmi les juges, les policiers, et d’autres associations et la société en générale. 250
Voir Joanne Csete, “India Epidemic of Abuse: Police Harassment of HIV/AIDS Outreach Workers in India”, July
2002, Human Rights Watch, Asian Division, vol. 14, 5 (C): 19. 251
Naz Foundation v. Government of NCT of Delhi and Others, Haute Cour de Dehli à New Delhi, Inde, 2009. Voir:
Sexual Orientation, Gender Identity and Justice: A Comparative Law Casebook (Geneva: International Commission of Jurists, 2011) p.1. http://icj.wpengine.netdna-cdn.com/wpcontent/uploads/2012/05/Sexual-orientationgender-identity-and-Justice-report-2011.pdf 252
Jeffrey S. Siker, Homosexuality and Religion: An Encyclopedia, Greenwood Publishing Group, London, 2007, pp.
125-126.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Donc, la répression touche la pratique sexuelle et s’étend à l’identité sexuelle. Selon une première interprétation de la loi pénale anti-gay, « le rapport contre nature » est réprimé car il s’agit d’un rapport non-procréatif. Ce qui fait que cet article soit lié nécessairement à l’homosexualité masculine telle que perçue par la population ainsi que les Cours qui ont adhéré à cette image du rapport contre nature.253 De même, l’ambigüité des termes de l’article 377 a cédé la place à l’imagination du juge qui l’applique au cas par cas en disposant ainsi d’un large pouvoir de manoeuvre de déterminer quels sont les types d’actes sexuels qui seront qualifiés de crimes contre nature. Par ailleurs, ces dispositions interprétées en termes génériques ont induit à la violation de la vie privée des personnes homosexuelles, car, elles se concentrent sur l’acte sexuel anal en privé entre deux adultes consentants254. Dès lors, l’Etat « s’invite dans les chambres à coucher des individus255 ». De cette manière, la criminalisation des actes homosexuels signifie que les personnes qui les pratiquent demeurent en marge de la société, puisque cette loi met en place une intolérance des conduites et des attitudes homophobes. 98
De ce fait, les personnes homosexuelles sont harcelées dans tous les lieux d’où l’institutionnalisation d’une homophobie et d’une discrimination à l’encontre de ces personnes. A fortiori, plusieurs hommes et femmes cachent leur orientation et préférences sexuelles sous l’image de l’hétérosexualité et ce, au travail, devant les amis (es), auprès de la famille ou partout ailleurs de peur d’être poursuivis en justice ou d’être menacés, rejetés et intimidés. Allant à l’encontre des normes structurant le modèle social hétéronormatif, les personnes L.G.B.T. ou celles qu’on désigne sous l’expression queer sont confrontées à des comportements sociaux d’intolérance. Afin de surmonter cet obstacle, les expressions des sexualités queer « sont devenu(e)s incorporés dans les institutions comme, la famille, les médias, le milieu du travail, en posant les manières selon lesquelles la société perçoit et parle autour des personnes queer.256 » 253
Alok Gupta, “Section 377 and the Dignity of Indian Homosexuals”, Economic and Political Weekly, vol. 41, n° 46,
November 18-24, 2006, pp. 4815-4823. 254
Geetanjali Misra, “Decriminalising homosexuality in India”, Reproductive Health Matters, vol. 17, n° 34,
Criminalisation, November 2009, pp. 21-22. 255
L’expression est citée dans l’arrêt de la Cour suprême des E.U. dans l’arrêt Lawrence v. Texas de 2003.
256
Arvind Narrain, “The Articulation of Rights around Sexuality and Health: Subaltern Queer Cultures in India in the
Era of Hindutva”, Health and Human Rights, vol. 7, n° 2, Sexuality, Human Rights, and Health, 2004, pp. 146 et ss.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Or, le rejet était aussi incarné dans le discours politique. Comme l’étaient les propos tenus le 4 juillet 2011 par le Ministre de la Santé de l’Union indienne, lors d’une conférence sur le Sida à Delhi, rappellent que la bataille pour l’acceptation sociale de l’homosexualité en Inde est loin d’être gagnée. Il affirmait, en effet, que « les relations sexuelles entre hommes ne sont pas naturelles257 ». D’emblée, la reconnaissance des droits pour les personnes homosexuelles et la décriminalisation totale et efficace de l’homosexualité doivent s’accompagner d’une acceptation sociale de l’homosexualité, comme l’explique Arvind Narrain: « A un premier niveau, nous parlons de droits : le droit d’aimer les personnes de notre choix quel que soit le genre ou l’orientation sexuelle, le droit d’être libéré de toute violence, le droit de ne pas être l’objet de discrimination et, plus important, le droit à la vie elle-même. A un autre niveau plus fondamental nous parlons de la liberté de créer un monde différent, un monde qui ne serait pas gouverné par le cadre restrictif de l’hétérosexualité et de la patriarchie258 ». D’où le combat pour une acceptation sociale de l’homosexualité afin de sortir du cadre restrictif de l’hétérosexualité qui ne reconnait pas les variétés sexuelles.
B. Le combat pour une acceptation sociale de l’homosexualité Accepter l’homosexualité socialement et même sur le plan institutionnel exige qu’elle ne soit pas régie par le cadre hétéronormatif. Ce cadre crée les conditions propices à l’homophobie. Celle-ci est exprimée dans l’espace public par l’Etat, les médias et les organisations politiques259. En effet, « l’homosexualité en Inde s’est construite dans un contexte religieux, social et culturel qui lui est propre260 ». Malgré le contexte difficile les homosexuels osent de plus en plus investir l’espace public et revendiquer leur identité, revendiquer des droits et surtout une protection égale par la loi et l’égalité devant la justice. Dans le cas indien, la possibilité pour les homosexuels de porter plainte pour discrimination est incontestablement une avancée considérable dans le processus de décriminalisation. Dans le cadre du combat pour l’égalité des droits ce sont les associations militantes pour les 257
« En Inde, un ministre qualifie l’homosexualité de «maladie» et provoque un scandale », Le monde du 5 juillet
2011. https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2011/07/05/en-inde-un-ministre-qualifie-l-homosexualitede-maladie-et-provoque-un-scandale_1545203_3216.html 258
Arvind Narrain, “Queer people and the law”, Seminar, n°524, April 2003, pp. 41-44.
259
Voir Om Prakash Dwivedi and V. G. Julie Rajan (Editors), Human Rights in Postcolonial India, Routledge, London, 2016.
260
Pierre Hurteau, Homosexualités masculines et religions du monde, L’Harmattan, Paris, 2017, p. 46.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
droits L.G.B.T. et des droits humains (1) qui ont contribué à changer les mentalités et à faire entendre les voix des personnes homosexuelles. Le féminisme a joué également un rôle exceptionnel en le comparant avec d’autres pays car le mouvement féministe a laissé une grande empreinte en la matière (2).
1. La lutte dans le cadre d’organisations militantes Plusieurs activistes qui oeuvrent à promouvoir et protéger les droits humains liés à l’acceptation de l’homosexualité militent dans des associations et des groupes de défense des droits des L.G.B.T. en Inde (a). L’argument de la santé était le premier à employer pour agir en justice (b).
a. Le militantisme dans le cadre des associations L.G.B.T. Le militantisme était une force motrice de la visibilité des homosexuels. Ceci a ouvert, aussi, l’accès aux personnes homosexuelles aux services de santé et aux événements sociaux. Il faut sans aucun doute rappeler dans le cadre de cette visibilité, un événement qui a marqué les personnes homosexuelles surtout celles qui n’osent pas
100
révéler leur homosexualité, celui du prince indien Manvendra Singh Gohil, fils du Maharadja de l’Etat de Rajpipla, qui en 2006 a révélé son homosexualité. Sachant que le titre du maharajah, le deuxième plus haut rang de pouvoir dans l’histoire de la culture hindoue, est toujours très symbolique dans une société conservatrice choquée par ce genre de révélations.261 Depuis, le prince qui milite pour les droits des L.G.B.T. a lancé une campagne de financement pour construire, dans l’enceinte de son palais de 60 000 m2, un centre d’accueil pour les membres de la communauté L.G.B.T. reniés par leur famille. La construction de ce complexe se fait sous l’égide de Lakshya Trust, une O.N.G. qu’il a créée en 2000 pour promouvoir la tolérance sexuelle et une meilleure prévention du VIH. Si cette association travaille sur le volet prévention et protection en matière des droits des personnes homosexuelles. D’autres associations militent en employant d’autres outils qui mettent la pression sur le gouvernement. 261
Sanjeev Kumar, LGBT Community in India: A Study, Educreation Publishing, New Delhi, 2019, p. 66.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Dénoncer les répressions policières, revendiquer le droit au respect de l’orientation sexuelle262 non-normative et l’abrogation de l’article 377 tels étaient les principaux axes des organisations militantes qui ont joué un rôle incontournable dans le processus de la décriminalisation de ‘homosexualité en Inde. Afin de réaliser leurs objectifs, ces organisations emploient divers moyens allant de la dénonciation, les manifestations dans la rue, jusqu’à ester en justice. C’est à partir des années 1990, face aux violences policières, le mouvement L.G.B.T. s’est peu à peu incarné dans des organisations militantes dans certaines grandes villes, notamment, Mumbai, Delhi, Kolkatta et Chennai. Il s’agit de : Naz Foundation, Lakshya Trust, Sangama, Sahodaran, SWAM, Queerala. Le mouvement gay indien avait pour objectif l’affirmation du droit de vivre dans le respect et la dignité leur différence sexuelle. Selon Arvind Narrain, la lutte pour les droits des homosexuels remonte approximativement à 1993, avec l’organisation, à Delhi, d’une première manifestation de protestation contre la violence policière à l’encontre des L.G.B.T.263
b. La santé sexuelle, argument des militants pour ester en justice La première association ayant revendiqué l’abrogation de l’article 377 était l’association AIDS Bhedbhav Virodhi Andolan (ABVA) qui lutte contre la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH/Sida. ABVA a porté plainte devant la Haute Cour de Delhi en 1994, demandant l’abrogation de l’article 377 sur la base qu’il viole la vie privée des individus. Néanmoins, l’affaire a été rejetée car l’association n’avait pas les moyens de payer un avocat à plein temps pour s’occuper de l’affaire.264 Par ailleurs, il faut noter que l’émergence de l’activisme L.G.B.T. a coïncidé avec la présence de l’épidémie du Sida en Inde dans les années 1990 et l’acceptation du prêt de la Banque mondiale pour la prévention et le contrôle du Sida en Inde. 262
Parmi les pionniers à mettre de l’avant le droit à l’orientation sexuelle, il y a eu dans les années 1980 le fondateur
du premier magazine gay, Bombay Dost, Ashok Row Kavi. 263 264
Arvind Narrain, « Queer people and the law », Seminar, n°524, April 2003, pp. 41-44. Geetanjali Misra, “Decriminalising homosexuality in India”, Reproductive Health Matters, vol. 17, n° 34,
“Criminalisation”, November 2009, pp. 22-23.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
D’abord, ce qui a mobilisé les associations L.G.B.T. était la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle lorsque cette association a commencé à distribuer des préservatifs aux détenus et que l’administration refusait. Ensuite, ABVA a utilisé l’argument de la discrimination contre ces catégories vulnérables d’individus afin de revendiquer l’abrogation de l’article 377. « L’épidémie du sida a eu pour effet d’amener sur la place publique des discussions concernant les populations clé, en y incluant les personnes ayant des relations homosexuelles265 ». Mais, la réaction de l’Etat peut être caractérisée d’homophobe. L’Inde a mis en en place une politique répressive pour contrôler le Sida en 1989, en adoptant une approche de prudence à l’égard des travailleuses de sexe, les consommateurs de drogues injectables et d’autres groupes à risque élevé afin de leur faire subir des tests. Par conséquent, ces catégories vulnérables y compris les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes étaient forcées de se faire dépister et même emprisonnées pour plusieurs mois à Chennai, Mumbai et Goa.266 Afin de remédier à cette politique homophobe, Naz a fait avancer l’argument de la santé et de prévention des MST. Son travail et la lutte juridique qu’elle a
102
engagée ont permis d’avoir un portrait plus éclairé des pratiques homosexuelles en Inde. En effet, comme le faisait remarquer un document de Naz en 1997267, plusieurs hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes ont aussi des relations sexuelles avec des femmes et sont souvent mariés, et les pratiques homosexuelles sont fréquentes entre adolescents.268 La lutte juridique diffère dans sa méthode et ses arguments d’une association à une autre. Quant au féminisme il a choisi l’argument de l’égalité.
2. La lutte du féminisme Queer Ce qui marque l’expérience indienne dans le processus de la décriminalisation est la lutte des lesbiennes pour l’abrogation de l’article 377. Dans ce cadre, Nithin Manayath estime d’ailleurs que « les groupes lesbiens en Inde ont joué un rôle plus radical et politique, car ils venaient des mouvements 265
Pierre Hurteau, Homosexualités masculines et religions du monde, Editions L’Harmattan, Paris, 2017, p. 42.
266
Dube Siddharth, Sex, Lies and AIDS, Harper Collins, New Delhi, 2000, p. 4.
267
Cf. Shivananda Khan, “MSM and HIV/AIDS in India”, Naz Foundation International, January 2004.
268
Patralekha Chatterjee, « AIDS in India : police powers and public health », in The Lancet, 11 March 2006.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
de femmes. [...] C’est par les groupes de femmes et groupes lesbiens que le mouvement gay a rejoint le réseau plus large des mouvements sociaux269. » De surcroit, la voix des personnes homosexuelles s’est faite entendre à diverses reprises, par exemple lors des manifestations de 1998 contre les violences déclenchées par des fondamentalistes hindous suite à la sortie du film Fire de la réalisatrice Deepa Mehta, qui met en scène l’homosexualité féminine. Ce film a, par ailleurs, suscité une controverse chez les féministes qui y dénoncent une vision caricaturale de l’homosexualité féminine et une justification indirecte du patriarcat. C’est la raison pour laquelle, ces organisations, portant un engagement politique et adoptent majoritairement une approche libérale du féminisme basée sur l’égalité270. Parmi lesquelles les organisations féministes L.G.B.T. ou queer. Sans nul doute, les lesbiennes jouent un rôle primordial dans les combats féministes. Ces militantes représentent, d’ores et déjà, une des composantes du milieu L.G.B.T. En effet, « Les militantes lesbiennes en question n’ont pas le moindre besoin qu’on collecte ou qu’on récupère leurs voix. Elles ont leur propre accès aux médias, elles sont hautement instruites271. » Dans les années 1980, certaines lesbiennes de New Delhi qui étaient actives dans les mouvements féministes ont formé deux groupes. L’un, The Delhi Group, était un groupe de discussion. L’autre, Sakhi (en Hindi, « la meilleure amie d’une femme », réinterprété pour signifier « amantes »), a créé les premières archives lesbiennes de l’Inde. Certaines membres du Delhi Group et de Sakhi étaient parmi des co-fondateurs/co-fondatrices du Red Rose Rendez-Vous Group (Groupe du rendez-vous de la Rose rouge), une formation L.G.B.T.Q. plus large ainsi nommée en raison de ses réunions autour d’une table marquée par une rose rouge, dans un
269
Nithin Manayath, “Happy Together”, Tehelka, vol. 5, issue 41, October 18, 2008.
270
Le féminisme libéral défend les principes de la démocratie et l�égalité entre l�homme et la femme, se diffère du
féminisme radical qui promeut le différentialisme et affirme la spécificité entre la femme et l�homme. le féminisme marxisme qui inscrit la lutte contre l�oppression de la femme dans la longue liste des combats à mener contre toutes les autres formes de discriminations; le féminisme postmoderne qui stigmatise comme répressives les structures et les normes qui fondent la société androcentrique et patriarcale. Marie-Geneviève Pinsart, Genre et bioéthique, Vrin, Paris, 2003, p. 7. 271
Paola Bacchetta, « Quand des mouvements lesbiens à Delhi questionnent les « Théories féministes
transnationales » », Les cahiers du CEDREF, n°14, 2006, pp. 173-204.
103
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
café très connu, l’India Café272.273 Au sein du mouvement féministe, les lesbiennes mettent en avant la nécessité de garantir et protéger leurs droits. A cet égard, plus de quarante groupes créaient la Campaign for Lesbian Rights (CALERI). Des membres du Delhi Group et de
Sakhi jouèrent un rôle central dans ce processus. Durant les trois mois suivants, les militant∙e∙s de CALERI organisèrent des manifestions et des vigiles. Elles/ils distribuèrent plus de 7.000 exemplaires d’un tract rédigé collectivement, intitulé
Myths and Reality - Lesbianism (« Mythes et Réalité - Lesbianisme »), tinrent des assemblées générales publiques, accordèrent des interviews à la presse et rédigèrent leurs propres rapports et articles274. Si la longueur du combat se rapporte aux différentes étapes par lesquelles les militants sont passés afin d’arriver à la décriminalisation de l’homosexualité. La dureté des étapes du processus de décriminalisation renvoie au contenu des revendications, aux méthodes utilisées et à la résistance surtout que les associations militantes ont saisi la justice depuis les années 1990 jusqu’à 2018 l’année de la victoire. 104
Paragraphe 2 : Un processus de décriminalisation acharné Acharné, dur, accrocheur, Le combat pour l’égalité des droits des personnes homosexuelles n’était pas seulement long, mais aussi, acharné car, la décriminalisation était le résultat d’une résistance. La résistance a donné lieu à une première victoire du mouvement L.G.B.T. en 2009 lorsque la Haute Cour de Delhi s’est prononcée pour la dépénalisation des rapports sexuels entre adultes de même sexe (A). Cependant, cet arrêt ne concerne que 2 % de la population. Dans le reste du pays, l’homosexualité était encore passible de dix ans de prison. Quatre ans plus tard cet arrêt a été renversé par la Cour suprême de l’Inde en 272
Le café se trouve à Connaught Place, au centre de Delhi.
273
Paola Bacchetta, “Re-Scaling Trans/national “Queerdom”: 1980s Lesbian and ‘Lesbian’ Identitary Positionalities in
Delhi”. Antipode, special issue “Queer Patriarchies, Queer Racisms, International”, vol. 34, n°5, 2002, pp. 947-973. Paola Bacchetta, « Quand des mouvements lesbiens à Delhi questionnent les « Théories féministes transnationales
274
» », Les cahiers du CEDREF, n°14, 2006, pp.173-204. Voir aussi Arvind Narrain, “The Articulation of Rights around Sexuality and Health: Subaltern Queer Cultures in India in the Era of Hindutva”, Health and Human Rights, vol. 7, n° 2, 2004, “Sexuality, Human Rights, and Health”, pp. 142-164.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
2013. Tandis qu’en 2018 la même Cour a rejoint la Haute Cour de Delhi dans la mise en oeuvre de la Constitution pour la protection des droits des personnes homosexuelles. D’où le tâtonnement de la Cour suprême quant à la question de la décriminalisation (B).
A. La mise en oeuvre de la Constitution de 1991, un facteur de décriminalisation Le but principal de la décriminalisation n’était pas seulement l’abrogation de l’article 377, mais aussi, la reconnaissance de l’identité homosexuelle. Le mouvement pour l’abrogation de l’article 377 était soutenu par la Fondation Naz et d’autres organisations tels que le collectif d’avocats Lawyers Collective, lié à la Fondation Naz, ou Voices Against 377, coalition de L.G.B.T. et militants des droits humains et de la femme275. Afin de renforcer la pétition déposée auprès de la Haute Cour de Delhi, les associations Naz Foundation et Lawyers Collective ont joint à la requête des témoignages de personnes lésées par l’article 377 et un grand nombre de militants des droits humains ont formé une coalition d’O.N.G.276 pour attaquer la constitutionnalité de l’article 377. La coalition était formée dans un but pour montrer au gouvernement que la lutte pour les droits des L.G.B.T. n’est pas une affaire exclusive aux associations L.G.B.T. A l’issue de la création de la coalition. Les membres de chaque association ont joué un rôle primordial pour la promotion des droits des L.G.B.T.
Voices Against 377 a lancé une grande campagne pour mobiliser le public, les médias, les professionnels de la santé et les étudiants à travers des manifestations et des conférences de presse.
The Lawyers Collective a organisé des réunions avec des groupes locaux dans plusieurs grandes villes. La pétition signée par la coalition et les personnes victimes de l’application de l’article 377 conteste que l’article 377 viole les droits fondamentaux garantis par la 275
Radhika Ramasubban,“Political intersections between HIV/ AIDS, sexuality and human rights: a history of
resistance to the anti-sodomy law in India”, Global Public Health, vol. 3(2), 2008, pp. 22-38. 276
Il s’agit d’organisations non-gouvernementales comme CREA (une organisation féministe), Talking About
Reproductive and Sexual Health Issues (TARSHI), Nirantar, the Nigah Media Collective, et Prism. Des organisations qui travaillent et militant pour les droits relatifs à la sexualité et les droits humains.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Constitution indienne: le droit à l’égalité devant la loi (article 14), le droit à la nondiscrimination (article 15), le droit aux libertés fondamentales (article 19) et le droit à la vie et au respect de la vie privée (article 21). La Haute Cour de Delhi du 2 Juillet 2009 qui décriminalise l’homosexualité a jugé que le fait d’ériger les rapports entre personnes adultes consentants de même sexe en une infraction est une violation de leurs droits fondamentaux. Qualifiant l’article 377 d’atteinte aux droits fondamentaux tels que inscrits dans la Constitution indienne, la Haute-Cour adopte les arguments de la requête de la coalition en jugeant que la loi viole les droits fondamentaux à la vie, à la liberté et à l’égalité inscrits dans les articles 14 (égalité devant la loi), 15 (non-discrimination en fonction de la religion, de la race, de la caste, du sexe et du lieu de naissance) et 21 (protection de la vie et de la liberté individuelle). Concrétisant les droits fondamentaux, la Cour souligne que la Constitution indienne est caractérisée par l’inclusion. Cette inclusion est, en effet, enracinée dans la société indienne dans tous les aspects de la vie quotidienne. La Cour note, aussi, que ceux et celles qui sont perçus par la société comme étant déviants ou 106
différents ne doivent pas être exclus ou ostracisés277. Vu les persécutions et les menaces auxquelles sont exposées les personnes homosexuelles, la question à laquelle la Cour devrait porter une réponse n’était pas de savoir si l’homosexualité a heurté les valeurs de la famille et de la société mais plutôt si les personnes L.G.B.T. ont subi un préjudice en appliquant l’article 377. Dès lors, l’apport de cet arrêt était d’avoir fait rentrer l’homosexualité dans le cadre légale. Ainsi que d’élever l’orientation sexuelle au statut des catégories constitutionnellement protégées. Par ailleurs, la décriminalisation réalisée par cet arrêt ne signifie pas déréglementation. Lorsque des dispositions discriminatoires sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre sont toujours en vigueur, par exemple, dans le domaine du Droit de la famille ou dans le domaine du Droit de travail, nous n’avons pas encore atteint l’objectif d’établir l’égalité en droits278. 277
Shah GK, Muralidhar S. Delhi High Court Judgement. Naz Foundation v. Government of National Capital Territory
of Delhi. 2 July 2009. Cité par Geetanjali Misra, “Decriminalising homosexuality in India”, Reproductive Health Matters, vol. 17, n° 34, “Criminalisation”, November 2009, pp. 20-28. 278
Geetanjali Misra, “Decriminalising homosexuality in India”, Reproductive Health Matters, vol. 17, n° 34,
“Criminalisation”, November 2009, p. 25.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Néanmoins, la divergence des visions quant au sujet de l’homosexualité a créé un conflit entre les différents groupes, d’une part les défenseurs des droits humains et les groupes conservateurs et religieux, d’autre part. Par conséquent, le sujet de la constitutionnalité de l’article 377 a été ré-examiné par la Cour suprême de l’Inde qui avait deux différentes visions dans trois affaires portées devant sa juridiction.
B. Le tâtonnement de la Cour suprême en matière de décriminalisation Aborder la question de la décriminalisation de l’homosexualité devant la Cour Suprême de l’Inde n’était pas évident. C’est le militantisme des groupes des droits humains et des activistes L.G.B.T. que la contestation de l’article 377 était devenue possible devant cette Cour. Le combat L.G.B.T., judicieusement conduit, a amené à démontrer la violence causée par l’existence de telles dispositions injustes. Ces dernières servaient de base pour justifier de facto le harcèlement et les persécutions simplement sur la base des comportements qui pourront être qualifiés d’homosexualité. Mais, la Cour suprême n’était pas aussi motivée pour assimiler les arguments présentés par les militants et défenseurs des droits humains. Résultat : la Cour a refusé dans un premier temps de déclarer l’invalidité de l’article 377 (1). Quelques années plus tard et grâce à la résistance des militants et le renouveau de leurs méthodes de défense. Ils ont réussi à arracher « le droit à la dignité homosexuelle », la Cour suprême de l’Inde a déclaré inconstitutionnel l’article 377 (2).
1. Une décriminalisation bloquée par la Cour suprême de l’Inde Suite à l’arrêt de la Cour suprême Suresh Kumar Kaushal vs Naz Foundation and
others279 du 11 décembre 2013, l’homosexualité a été re-criminalisée et l’article 377 déclaré constitutionnel. Malgré le fait que le gouvernement n’a pas interjeté appel, des groupes religieux et un astrologue ont réussi à attaquer l’arrêt de la Haute Cour de Delhi280. Des arguments divergents ont été présentés à la Cour. Les appelants rejetaient la décision de la Haute Cour et appelaient au maintien de l’article 377 au nom de la moralité sociale. 279
Ananya Das, “Analysis of LGBT rights in India”, International Journal for Emerging Research and Development, vol.
1, Issue 2, pp. 10-14. 280
Pierre Hurteau, Homosexualités masculines et religions du monde, Editions L’Harmattan, Paris, 2017, p. 43.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Selon l’appelant, l’article 377 est neutre sur le plan du genre et comprend toutes les pratiques des relations charnelles nonobstant le genre. Il ne viole pas le droit au respect de la vie privée. Le jugement de la Haute Cour affecte la structure sociale de l’Inde et le système du mariage le sera aussi et par conséquent, les jeunes auront tendance à pratiquer l’homosexualité. De l’autre côté, les défendeurs s’accrochaient à l’abrogation de l’article 377 jugé inconstitutionnel car il violait les droits constitutionnels des personnes homosexuelles. Selon les arguments de Naz Foundation, l’article 377 sert à légitimer la discrimination à l’encontre des minorités sexuelles. Les membres de cette association réclament notamment que l’article 377 est préjudiciable quant à la vie des personnes ainsi qu’à la santé publique comme le fait qu’il présente un obstacle aux programmes de prévention contre le Sida/VIH. Son impact est néfaste sur la vie des personnes homosexuelles et sert d’une arme par laquelle la police les maltraite. Alors qu’en 2009 la Haute Cour de Delhi a mis en avant le caractère inclusif de la Constitution indienne. En 2013, la Cour suprême de l’Inde281 rejette ce caractère 108
en jugeant que l’article 377 est constitutionnel et ne viole pas la Constitution. Ses dispositions ne criminalisent pas une catégorie déterminée de personnes, une identité ou une orientation. Au contraire, elles régissent les pratiques sexuelles quel que soit l’identité ou l’orientation. Un des arguments de la Cour est quantitatif, en décidant que l’article 377 est constitutionnel car en 150 ans moins de 200 personnes homosexuelles ont été poursuivies en violation de cet article. La Cour suprême de l’Inde a décidé qu’il était du ressort du législateur, et non de la justice, de faire modifier ou abroger la loi sur ce sujet. Cette remise en cause des droits des personnes homosexuelles avait incité les militants à engager de nouvelles procédures judiciaires. Or, la Cour ne semble pas être convaincue par les arguments du mouvement L.G.B.T. à savoir l’argument de la santé ainsi que celui relatif à la liberté et à l’égalité du fait de l’application de l’article 377. Dans le but de la décriminalisation des rapports sexuels en privé entre personnes de même sexe, les militants ont fait preuve de résistance en employant des 281
Supreme Court India, Civil Appeal No.10972 of 2013, 11 December 2013. https://www.sci.gov.in/jonew/
judis/41070.pdf
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
arguments plus pertinents surtout que la lutte pour l’abrogation de cet article n’est pas a fortiori lié au nombre de personnes jusqu’au là poursuivies et arrêtées sous l’égide de l’article 377, mais plutôt, aux intimidations, au harcèlement, aux menaces, au chantage, à la maltraitance, et aux discriminations auxquels les personnes homosexuelles font face chaque jour de leur vie. Dès lors, la constitutionnalité de l’article 377 devrait être interprétée et évaluée d’une manière qualitative. En effet, l’existence de cet article remet en cause les droits constitutionnels qui sont garantis pour tous les citoyens y compris les personnes homosexuelles et non pas seulement la majorité282. Tel était le raisonnement de la Cour suprême qui a décidé 5 ans après que la criminalisation des rapports sexuels entre adultes consentants est inconstitutionnelle.
2. Une inconstitutionnelle criminalisation de l’homosexualité Déclarer l’inconstitutionnalité de la criminalisation des rapports entre adultes consentants du même sexe était basée sur deux principaux arguments : préserver la vie privée (a) et la primauté des droits constitutionnels sur la moralité sociale (b).
a. L’orientation sexuelle, composante de la vie privée Ce qui distingue la Cour suprême de l’Inde dans le processus de la décriminalisation est la mise en œuvre de la Constitution en soulignant que les droits qui y sont garantis ne reflètent pas seulement la vision de majorité. Dans un arrêt de 2017, Puttaswamy v. Union of India283 la Cour suprême a jugé que l’orientation sexuelle d’une personne était un « attribut essentiel de la vie privée », Selon la Cour, le respect de la vie privée ou privacy, est intimement lié à la vie, la liberté et la dignité. Il s’agit d’un droit naturel inaliénable « l’orientation sexuelle est une composante de la vie privée la discrimination contre un individu sur la base de l’orientation sexuelle est profondément offensant à la dignité et à l’estime de soi de l’individu l’égalité exige que l’orientation sexuelle de chaque individu dans la société soit protégée sur un pied d’égalité. »
282
David Paternotte, The Lesbian and Gay Movement and the State: Comparative Insights into a Transformed
Relationship, Routledge, London and New York, 2016, pp. 94 and following. 283
Puttaswamy v. Union of India. The Supreme Court of India, civil original jurisdiction writ petition (civil) n° 494
of 2012, 24 august 2017.
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Les personnes qui ont porté plainte étaient un groupe de 20 étudiants de l’Indian
Institutes of Technology. Ce groupe a demandé à la Cour de statuer au sujet de l’article 377 qui viole les articles 14, 15, 16, 19 et 21 de la Constitution et d’assurer le droit d’égalité devant la loi de telle manière qu’il n’y ait pas de discrimination sur la base de l’orientation sexuelle. Cet arrêt a, immanquablement, facilité la tâche pour le mouvement L.G.B.T. afin d’attaquer une nouvelle fois en justice l’article 377 en utilisant presque les mêmes arguments retenus par la Cour suprême.
b. La moralité constitutionnelle l’emporte sur la moralité sociale Le 6 septembre 2018, la Cour suprême indienne a déclaré inconstitutionnel l’article 377 du Code Pénal indien.284 Quoiqu’en 2003, la Cour suprême fût la Cour de la majorité qui prononçait sa décision en l’adaptant à la moralité de la majorité. En 2018, la Cour apparait comme une institution résolument activiste et « contre-majoritaire »285. La pétition déposée auprès de la Cour suprême n’a pas abordé les questions de la « moralité » ou qu’est- ce que c’est le « sexe naturel ». La partie défenderesse a souligné les écarts entre l’article 377 et les droits garantis par
110
la Constitution indienne, qui assurent le respect de la vie privée, la liberté et la non- discrimination. D’emblée, les droits qui ont été repris par la Cour dans sa décision étaient les mêmes que ceux mis en oeuvre par la Haute Cour de Delhi en 2009: l’égalité devant la loi, la non-discrimination et la protection de la vie et de la liberté individuelle. Lors de leurs plaidoiries, les avocats ont fait de la décriminalisation de l’homosexualité une question d’égalité, et non de morale. Cette « morale » si souvent invoquée pour condamner l’homosexualité a été brandie comme l’un des derniers reliquats de la colonisation britannique, celui de la morale victorienne.
284
Navtej Johar v. Union of India. The Supreme Court of India, criminal original jurisdiction writ petition
(criminal) n° 76 of 2016. https://www.sci.gov.in/supremecourt/2016/14961/14961_2016_Judgement_06-Sep-2018.pdf 285
Hana Rousse, « Légalisation de l’homosexualité en Inde, illustration de l’activisme de la Cour Suprême indienne », La
Revue des droits de l’homme [Online], Actualités Droits-Libertés, URL : http://journals.openedition.org/revdh/4791 ; DOI : 10.4000/revdh.4791
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
En s’inspirant des arguments des plaidoiries, la Cour suprême de l’Inde a adopté une approche interprétative qui autorise d’adapter la Constitution aux circonstances changeantes. Elle a, en outre, jugé que les Cours constitutionnelles disposent d’un rôle spécial qu’elles jouent dans ce processus afin de donner vie à la Constitution de manière que cette dernière ne devienne un document aux lettres mortes. La Cour expose ainsi le principe directeur de son interprétation constitutionnelle en mettant en avant la moralité constitutionnelle qui protège et garantit les droits des personnes homosexuelles « Nous ne devons pas oublier que les pères
fondateurs ont adopté une Constitution inclusive comportant des provisions qui n’ont pas seulement permis à l’Etat, mais également, parfois, commandé à l’Etat de mettre en oeuvre des actions de discrimination positive afin d’éradiquer la discrimination systématique opérée à l’encontre des segments rétrogrades de la société, ainsi que l’exclusion et la censure qui ont été mises en oeuvre par les prétendues castes supérieures à l’égard des communautés vulnérables. (...) [L]’adoption de la Constitution, était, d’une certaine façon, un instrument ou véhicule pour réaliser la moralité constitutionnelle et un moyen de combattre la moralité sociale dominante de l’époque.» La Cour déduit que l’article 377 ne devra plus s’appliquer aux rapports sexuels entre adultes consentants. L’article est « arbitraire » et « la communauté L.G.B.T. est titulaire des mêmes droits que les autres. Les visions majoritaire et la moralité populaire ne peut pas dicter les droits constitutionnels ». Grâce à l’arrêt de la Cour suprême de l’Inde, « la décriminalisation de l’homosexualité représente pour les minorités sexuelles en Inde un pas de plus pour vivre en dignité. L’annulation de l’article 377 garantira la confiance en soi parmi la communauté L.G.B.T. qui donnera lieu à une acceptation progressive mais aussi continue des minorités sexuelles de la part de leurs familles et de la société286 ».
286
Shaminder Takhar, “Hidden desires. Hinduism and sexuality”, in Yvette Taylor and Ria Snowdon (Editors), Queering
Religion, Religious Queers, Routledge, New York, 2014, p. 235.
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Avant le 19ème siècle, en Inde, la société était plus tolérante et la sexualité n’était pas cruellement réprimée. Cependant, après la loi promulguée par le pouvoir colonial, la perception quant à la sexualité et ses variétés a changé. La loi est, désormais, devenue un outil de répression, de violence, de harcèlement par la police. Par conséquent, les droits constitutionnels ont été bafoués sur la base de l’orientation sexuelle. En parallèle, les pouvoirs publics adoptaient une vision restrictive des droits qui répondent à la moralité sociale, réprimait et discriminait les pratiques charnelles entre personnes de même sexe. De surcroit, la société et la police faisaient l’amalgame entre pédophilie, viol et homosexualité. Ainsi que lorsque la population a été touchée par la pandémie du VIH/Sida, les groupes religieux trouvaient un terrain favorable pour la condamnation de l’homosexualité. C’est sans nul doute que la vision a commencé à évoluer grâce au militantisme des défenseurs des droits humains qui travaillaient sur plusieurs volets, principalement, la santé sexuelle, la société et le Droit. C’est précisément cette résistance qui a poussé la justice indienne à adopter une approche libérale de la 112
Constitution et pour la société. Au début, les militants L.G.B.T. ont remporté la victoire devant la justice après que la Cour ait prononcée l’inconstitutionnalité de l’article 377 en optant pour une vision ouverte et libérale qui protège les personnes homosexuelles par les libertés garanties dans la Constitution indienne. Mais, cette victoire était partielle car limité au territoire de New Delhi. Les groupes religieux ont profité de l’occasion et ont contesté l’article 377 devant la Cour suprême de l’Inde afin de demander l’affirmation de la criminalisation des rapports entre adultes de même sexe en avançant l’argument de la moralité sociale et ils ont eu gain de cause. Il a fallu par la suite attendre 2018, les militants et défenseurs des droits humains ont renforcé leur pétition devant la Cour suprême en utilisant les arguments d’un arrêt rendu par la même Cour dans lequel elle a décidé que la vie privée est une composante de l’orientation sexuelle. Cette fois-ci, la Cour suprême a interprété la Constitution en faveur des personnes homosexuelles en considérant que la moralité constitutionnelle l’emporte sur la moralité sociale. Cette dernière ne reflète pas l’esprit de la Constitution et ne respecte guère les principes d’égalité et de non-discrimination.
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Section VI L’Afrique du Sud, l’orientation sexuelle et les droits des personnes L.G.B.T. : première en Afrique L’Afrique du Sud a vécu près d’un demi-siècle dans un système institutionnel de discrimination raciale. L’héritage de Nelson Mandela, en Afrique du sud, marque incontestablement, la fin de l’apartheid entre Blancs et Noirs, mais aussi la reconnaissance des droits des homosexuels. D’emblée, il s’agit d’une avancée unique sur le continent. Ainsi, les personnes homosexuelles ont le droit de se marier, et d’adopter des enfants. L’Afrique du Sud est le pays le plus gay friendly du continent africain est un des rares du monde où la Constitution287 est en avance sur les mentalités. Ce fut cela aussi, Nelson Mandela. L’Afrique du Sud est le premier à se doter d’une Constitution qui interdit la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. L’Afrique du sud souffrait d’un régime de ségrégation raciale « l’apartheid », qui persista jusqu’à 1994 et fût accompagné par une lutte acharnée. En 1994, l’apartheid a été aboli. Cette abolition a été accompagnée par une consécration des droits fondamentaux et l’adoption d’une Constitution. L’Afrique du sud adhère à un modèle d’unité nationale et adopte une politique pour l’élimination de toute forme de discrimination raciale.288 De surcroit, la lutte pour les droits des personnes homosexuelles ainsi que pour la dépénalisation de l’homosexualité s’est accompagnée par la lutte contre le régime raciste de l’apartheid. Par conséquent, les militants L.G.B.T. ont formé des alliances politiques avec des organisations anti-apartheid qui ont occupé une grande place dans les activités de défense des droits fondamentaux. A cet égard, l’argument de ces mouvements est que leur lutte s’inscrit dans le même cadre que la lutte contre l’apartheid. A savoir, les deux mouvements luttent contre l’oppression. 287
Constitution de la République d�Afrique du Sud, Entrée en vigueur: 4 février 1997 Adoptée le 18 décembre 1996.
La Constitution de la République d’Afrique du Sud a été adoptée par l’Assemblée constituante le 11 Octobre 1996, certifiée par la Cour constitutionnelle le 4 décembre, 1996 et signée par le Président Nelson Mandela le 10 décembre 1996. 288
Voir : Ousmane Barry, « De l’ANC à la Constitution Sud-Africaine : Continuité ou rupture dans la protection des
droits fondamentaux? », Revue québécoise de Droit international, n°10, 1997, pp. 3-74.
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Or, l’adversaire change selon qu’on avance dans le processus de dépénalisation. Jusqu’à l’abolition du régime de l’apartheid, la lutte des militants visaient un Etat homophobe (Paragraphe 1). Alors qu’après, la lutte est devenue contre une société homophobe (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La lutte contre un Etat homophobe Le système social et juridique de l’apartheid ne protégeait pas les préférences sexuelles des personnes homosexuelles. Parce que l’orientation sexuelle de ces personnes déviait de la norme. Ainsi, les personnes homosexuelles et transsexuelles étaient condamnées, rejetées et réprimées par la loi pénale et civile.289 Avant l’abolition de l’apartheid, les lois érigent en infraction les relations consenties entre personnes de même sexe. Dans l’Afrique du sud coloniale, ces lois s’inspiraient du système Common law des puissances coloniales, fondé sur les règles morales chrétiennes prédominantes. En vertu de ces principes, la sexualité était exclusivement associée à la procréation.290 114
Ce qui est marquant dans l’expérience sud-africaine, c’est le fait que le contexte social et politique national a joué un rôle crucial dans le développement des mouvements nationaux gays et lesbiens. En effet, « le mouvement gay et lesbien n’est pas seulement dépendant des mouvements de solidarité sociale et autres alliés, il doit aussi « rentrer » dans le modèle d’émancipation d’autres groupes de la société qui ont été reconnus par les autorités comme valides et justifiés291. » Toujours dans le même sens, l’Afrique du Sud a connu l’émergence d’autres mouvements identitaires comme celui de la libération et de la lutte contre la politique ségrégationniste. Profitant de ce contexte, les mouvements L.G.B.T. ont développé leurs revendications.
289
Mark Gevisser, “A different fight for freedom: A history of South African lesbian and gay organisation from the
1980s to the 1990s” in Mark Gevisser and Edwin Cameron (editors), Defiant Desire Gay and Lesbian Lives in South Africa, Routledge, New York and London, 1995, pp. 14-86. 290
H de Ru, “A historical perspective on the recognition of same-sex unions in south Africa”, Fundamina, n°19, vol.
2, 2013, pp. 221-250. 291
Barry D Adam, Jan Willem Duyvendak and André Krouwel, “Gay and Lesbian Movements beyond Borders?”,
in Barry D. Adam (Editor) The Global Emergence of Gay and Lesbian Politics, National Imprints of a Worldwide Movement, Temple University press, Philadelphia, 1999, pp. 344-376.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Donc, la lutte contre un Etat homophobe peut être analysée à travers deux angles : une lutte dans un contexte politique et social à la fois contre le racisme et contre l’homophobie (A) et une lutte dans un cadre de solidarité politique (B).
A. De la lutte contre le racisme à la lutte contre l’homophobie Deux types d’activisme L.G.B.T. ont émergé en Afrique du sud. Le premier type représenté par des associations qui ont travaillé sur les questions des droits des personnes L.G.B.T. indépendamment du contexte politique de libération (1). Alors que d’autres associations militantes ont avancé la cause des droits des personnes L.G.B.T. dans le contexte politique de la lutte contre l’apartheid (2).
1. La lutte pour les droits des personnes homosexuelles en rupture avec la lutte contre le racisme La première association gay The Gay Association of South Africa (GASA) a été créée à Johannesburg en 1982. Cette association se présentait comme un lieu de rencontres sociales pour les hommes homosexuels et blancs de la classe moyenne. Mais, les membres de cette association ne portaient pas d’objectifs politiques. L’association a, notamment, décidé de ne pas associer ses activités avec le mouvement des Noirs. A noter aussi que certains membres ne souhaitaient pas voir la présence de Noirs dans l’association.292 L’arrestation du militant Noir et membre du groupe pour les manifestations antiapartheid Simon Nkoli en 1986 a révélé les contradictions au sein de l’association GASA. La International Lesbian and Gay Association (ILGA), a éjecté GASA pour la raison que cette dernière n’a pas montré son opposition et son indignation de l’arrestation de Simon Nkoli.293 La GASA disparait en 1986 et prend sa place le National Law Reform Fund (NLRF) qui a appliqué le modèle de mobilisation conservateur de GASA. Le NLRF a concentré ses efforts sur la révision des lois qui criminalisent l’homosexualité mais sans s’engager dans la lutte contre l’apartheid. 292
Bart Luirink, Moffies: Gay Life in South Africa, Rustica Press, Cape Town, 2000, p. 21.
Sheila Croucher, “South Africa’s Democratisation and the Politics of Gay Liberation”, Journal of South African Studies, vol. 28, 2002, p. 324. 293
Gustavo Gomes da Costa Santos, “Decriminalising homosexuality in Africa: lessons from the South African
experience” in Corinne Lennox and Matthew Waites (Editor(s)), Human Rights, Sexual Orientation and Gender Identity in The Commonwealth, School of Advanced Study, University of London, Institute of Commonwealth Studies, London, 2013, p. 318.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Le NLRF a, aussi, soutenu la candidature d’un membre du Parti national294 dont les idées politiques étaient pour les droits des homosexuels. Cependant, se dissocier du contexte politique n’a pas été au service du militantisme L.G.B.T. C’est la raison pour laquelle un deuxième type d’activisme est apparu. Ainsi, ce type de mouvement L.G.B.T. a choisi une stratégie de mobilisation de l’opinion publique autour du sujet de l’orientation sexuelle. Ce mouvement a commencé à s’associer avec les mouvements anti-apartheid, particulièrement, avec le Congrès national africain (ANC)295.
2. La lutte pour les droits des personnes homosexuelles rejoint la lutte contre l’apartheid Le mouvement L.G.B.T. est entré en contact avec les acteurs clés afin de mener des négociations politiques. En plus, il a réussi à participer activement dans le processus du lobbying qui a mené à l’adoption de l’actuelle Constitution sudafricaine de 1996. Graeme Reid a précisé que « le mouvement des droits des gays a réussi à faire 116
intégrer les droits des gays296 dans un projet politique plus large qui appelle à la justice social et qui s’oppose à toutes les formes de discrimination297 ». Partant de ce constat, certains membres progressistes du mouvement international anti-apartheid ont saisi l’opportunité pour insérer la question des droits des gays et des lesbiennes dans l’agenda de l’ANC.298 Dans le but de faire entendre les voix des L.G.B.T., le mouvement international anti-apartheid a envoyé plusieurs lettres à l’ANC exigeant des déclarations publiques concernant l’avis de l’ANC par rapport aux droits des gays et lesbiennes dans le cadre du mouvement de libération. 294
Le Parti national : suite à la victoire de ce Parti aux élections législatives de 1948 en Afrique du sud, des lois
ségrégationnistes fondées sur le principe du développement séparé des races (apartheid) ont été adoptées. 295
African National Congress
296
Mais, sans mentionner l’expression “droits des gay” expressément.
297
Graeme Reid, « The Canary of the Constitution. Same-Sex Equality in the Public Sphere », Social Dynamics, vol.
36, n° 1, 2010, pp. 38-51. Voir notamment: Patrick Awondo, Peter Geschiere and Graeme Reid, « Une Afrique homophobe ? Sur quelques trajectoires de politisation de l’homosexualité : Cameroun, Ouganda, Sénégal et Afrique du Sud », « Nationalismes sexuels », Raisons Politiques, n°49, 2013, pp. 95-118. 298
Eric C. Christiansen, “Ending the apartheid from the closet: Sexual orientation in the South African constitutional
process”, International Law and Politics, vol. 32, 1997, p. 1023. Voir aussi: Ronald Louw, “Sexual orientation”, South African Human Rights Yearbook, vol. 8, Issue 1, January 1997, p. 260.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
En réponse à ces lettres, Thabo Mbeki, membre de l’ANC, a déclaré en novembre 1987, publiquement que l’ANC s’engage à lutter pour les droits des gays et lesbiennes en Afrique du sud. Dans le même contexte, Desmond Tutu, fervent défenseur des droits des gays et des lesbiennes, qui avait rédigé une lettre en faveur de la prise en compte de l’orientation sexuelle dans la nouvelle Constitution en écrivant : « les lois anti-homosexuelles seront regardées dans le futur comme aussi fautives que l’apartheid299. » Les militant(e)s gays et lesbiennes ont continué de faire pression sur l’ANC300 et surtout grâce à une figure emblématique, Edwin Cameron qui a participé à la lutte antiapartheid en tant qu’avocat ouvertement gay ayant intégré les instances de l’ANC en 1990. A la suite des bouleversements politiques du début des années 1990, les militants homosexuels se trouvent bien placés pour faire pression sur l’ANC qui épouse bientôt leur cause. La pression faite sur l’ANC venait surtout après l’arrestation en 1984 du célèbre activiste sud-africain pour les droits des homosexuels, Simon Nkoli, qui a été accusé de trahison, en compagnie de l’avant-garde du leadership sud-africain.301 Les liens entretenus avec l’ANC marquent l’émergence d’un deuxième type d’activisme, dont la lutte pour les droits des personnes homosexuelles était associée à la lutte contre le régime de l’apartheid. Citons l’exemple de l’association Lesbian and Gays against Oppression (LAGO) qui a été créée dans la région du Cap occidental en 1986. Il s’agit, en fait, de la première association gay et lesbienne qui a des liens directs avec les groupes antiapartheid.302
299
Frédéric Martel, Global Gay. Comment la révolution gay change le monde, Flammarion, Paris, 2013.
300
Christophe Broqua, « L’émergence des minorités sexuelles dans l’espace public en Afrique », « La question
homosexuelle et transgenre en Afrique », Politique Africaine, n°126, 2012, pp. 5-23. 301
Mark Gevisser, « Homosexuality in Africa. An Interpretation », in Kwame Anthony Appiah et Henry Louis Gates
(Editors), Africana. The Encyclopedia of the African and African American Experience, Basic Civitas Books, New York, 1999, pp. 961-963. 302
Eric C. Christiansen, “Ending the Apartheid of the Closet: Sexual Orientation in the South African Constitutional
Process”, New York University Journal of International Law and Politics, vol. 32, n° 997, 2000, p. 1023
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
L’association avait un programme activiste politique. Le but central était de situer la lutte gay et lesbienne dans le contexte de la lutte pour la libération.303 En 1987, LAGO s’est métamorphosée sous la forme de l’organisation des activistes lesbiennes et gays. En 1991, elle devient l’organisation de l’action gay et lesbienne (OLGA) qui s’est affiliée au front démocratique uni anti-apartheid304. Son programme sur la question des droits des lesbiennes et des gays était inscrit dans l’agenda de la lutte pour la libération. Les activités d’OLGA se sont développées et devenues plus spécialisées dans la région du Cap occidental grâce au nombre d’adhérents qui n’a pas cessé de s’accroitre depuis la fin de 1989. Une des premières activités était la tenue d’une série de réunions avec le lesbian sexuality group (un sous-groupe d’OLGA) qui adopte une approche féministe afin d’attirer le grand nombre possible de femmes. Pour faire entendre les voix des lesbiennes, ce groupe a décidé de changer de nom pour devenir le lesbian caucus afin d’élargir son programme et faire intégrer la promotion de la visibilité lesbienne dans les structures politiques de la région du Cap occidental. Par conséquent, le lesbian caucus a réussi à maintenir une 118
présence consistante des représentants d’OLGA dans les réunions de women’s alliance305. La deuxième association qui entretenait des liens avec les mouvements antiapartheid est : the Gay and Lesbian Organisation of the Witwatersrand (GLOW). Après son acquittement, Simon Nkoli, activiste gay, anti-apartheid, est devenu le Président de l’association Gays and Lesbians of the Witwatersrand (GLOW)306. Son association était perçue comme faisant partie du mouvement contre l’apartheid. Il a souligné que la lutte contre l’homophobie et le racisme sont inséparables307 : « Je suis Noir et je suis gay. En Afrique du Sud je suis opprimé parce que je suis un homme noir et je suis opprimé parce que je suis gay. Alors lorsque je me bats 303
Edwin Cameron and Mark Gevisser, Defiant Desire: Gay and Lesbian Lives in South Africa, Routledge, London and
New York, 2013, pp. 298-299. 304
The anti-apartheid United Democratic Front.
305
Women’s Alliance est un groupement d’associations féministes.
306
Jacklyn Cock, “Engendering gay and lesbian rights: The equality clause in the South African Constitution”, Women’s
studies international forum, n°6, 2003, pp. 35-45. 307
Gustavo Gomes da Costa Santos, “Decriminalising homosexuality in Africa: lessons from the South African
experience” in Corinne Lennox and Matthew Waites (Editor(s)), Human Rights, Sexual Orientation and Gender Identity in The Commonwealth, School of Advanced Study, University of London, Institute of Commonwealth Studies, London, 2013, pp. 313-337.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
pour ma liberté, je dois me battre en même temps contre ces deux oppressions ». Il y’a de ce fait une corrélation importante entre la lutte contre le racisme et la lutte contre l’homophobie.308 Par ailleurs, les mouvements gays et lesbiens qui se sont associés avec la coalition politique ont réussi à attirer l’attention dans un but d’inclure l’orientation sexuelle dans la Bill of Rights. L’ANC a accepté formellement de reconnaitre les droits des gays et lesbiennes ainsi que d’inclure dans la Bill of Rights l’orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination.309 La réussite du mouvement gay et lesbien s’explique par la stratégie adoptée pour la lutte pour leurs droits dans un cadre large qui comprend notamment la lutte contre le régime oppressif de l’apartheid. Ce cadre était conforme à la société en général car il aspire à la lutte pour les droits humains et la libération de l’opprimé310. Résultat : Dans un premier temps, l’ANC a fait des droits fondamentaux le moyen et le but de la lutte contre l’apartheid. Le Congrès ne pouvait durablement continuer d’ignorer le sort des homosexuels sud-africains, dont certains faisaient partie de ses rangs. Il fallait donc changer d’orientation politique. Ainsi, dans un deuxième temps (en mai 1992), l’ANC s’engagea formellement et publiquement à protéger les personnes homosexuelles, promettant de leur offrir un statut juridique dans une Afrique sud libérée de l’apartheid311. L’engagement de l’ANC a mis en place une politique de solidarité de laquelle les mouvements de lutte pour les droits des personnes L.G.B.T. ont profité.
B. La lutte dans le cadre de la solidarité politique Les activistes L.G.B.T. ont mené des négociations politiques et ont créé des alliances politiques avec les dirigeants politiques pour la protection des droits humains. Le but était de faire intégrer les droits sexuels dans le projet démocratique pour la nouvelle démocratie de l’Afrique du sud. 308
Bart Luirink, Moffies: gay life in southern Africa, David Philip, Cape Town, 2000.
Frédéric Martel, Global Gay. Comment la révolution gay change le monde, Flammarion, Paris, 2013. Pierre de Vos, “The ‘inevitability’ of same-sex marriage in South Africa’s post-apartheid state”, South Africa Journal
309
on Human Rights, n°23, 2007, p. 435. 310
Pierre de Vos “A bridge too far? History as context in the interpretation of the South African Constitution”, South
Africa Journal on Human Rights, n°17, 2001, pp. 9-16. 311
Derrick Fine and Julia Nicol, “The Lavender lobby: working for lesbian and gay rights within the liberation
movement”, in Edwin Cameron and Mark Gevisser (Editors), Defiant Desire: Gay and Lesbian Lives in South Africa, Routledge, New York, 1995, pp. 269-277. Markd F. Massoud, “The evolution of gay rights in South Africa”, Peace Review, vol. 15, Issue 3, 2003, pp. 301-307.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Le contexte politique favorable était idéal pour les militants d’adopter leur stratégie de plaidoyer (2). En parallèle, d’autres militants ont cherché le soutien des personnalités influentes dans la politique sud-africaine (1).
1. Un contexte politique favorisant la lutte pour les droits des personnes homosexuelles La Nation arc-en-ciel s’est imposée en tant que modèle politique depuis la lutte pour la fin de l’apartheid sous l’égide de Nelson Mandela et en tant que précurseur des droits des personnes L.G.B.T. en Afrique et dans le monde grâce à une Constitution avant-gardiste. Par souci de justice sociale et guidé par le principe des droits humains, Mandela a «promu les droits des gays à travers une idée de réconciliation nationale et d’inclusion312». Les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre pourraient provenir du compagnonnage politique313 avec des personnes homosexuelles. De cette manière, le militantisme L.G.B.T. a profité du contexte politique, ainsi, « la politique de solidarité du mouvement antiapartheid (comprenant des organisations L.G.B.T.); et 120
le fait que les leaders sud-africains en exil aient été influencés pendant plusieurs dizaines d’années par les luttes sur les questions de genre et les droits sexuels qui avaient lieu ailleurs dans le monde314 » a encouragé les militants à chercher des alliés afin de faire entendre leurs revendications devant les membres de l’ANC.315 Nelson Mandela, dès son accession à la présidence de la Rainbow nation, propose de dépénaliser l’homosexualité, vestige obsolète hérité du colonialisme britannique et de l’apartheid.316 Nommé magistrat par Nelson Mandela en 1994 et engagé en faveur de la cause homosexuelle, Edwin Cameron lutta par souci de justice sociale et en accord avec le principe des droits humains, afin de faire figurer l’interdiction de toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle.317 312
Anthony Manion, directeur de l’ONG sud-africaine GALA (Gay and Lesbian Archives) cité dans : Frédéric Martel, «
LGBT: Comment Mandela a fait de l’Afrique du Sud une nation vraiment arc-en ciel », slate.fr. 313
En termes généraux, « le compagnonnage est un système de transmission des connaissances par l’apprentissage qui
est enraciné dans sa communauté et recréé en permanence pour s’adapter à l’évolution des environnements sociaux ». 314
Patrick Awondo, Peter Geschiere and Graeme Reid “Homophobic Africa? Towards a More Nuances View”, African
Studies Review, vol. 55, n°3, décembre 2012, p.161. 315
Albie Sachs, “Constitutional Developments in South Africa”, New York University Journal of International Law and
Politics, n°28, 1996, p. 695. 316
Nelson Mandela, Birth of a freedom fighter. Long walk to freedom, Back Bay Book, New York, 1995, pp.129-193.
317
Frédéric Martel, Global Gay. Comment la révolution gay change le monde, Flammarion, Paris, 2013.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
2. Les stratégies de lutte pour insérer l’orientation sexuelle dans la nouvelle Constitution Lors de la rédaction de la Constitution intérimaire plusieurs militant(e)s gays et lesbiennes ont pris part dans la lutte contre l’apartheid et ils ont travaillé ensemble avec des dirigeants politiques très influents au sein de l’ANC (le comité). En 1993, des avocats homosexuels ont créé la fondation pour l’égalité et ils ont préparé une proposition au comité technique sur les droits fondamentaux. Dans cette demande, le groupe a réclamé au comité d’inclure le concept « orientation sexuelle » dans la Constitution provisoire. Cependant, les avis concernant la manière avec laquelle cette clause sera rédigée étaient partagés. Certains ont proposé qu’elle soit tout simplement insérée sous l’expression : l’égalité de tous devant la loi ». D’autres appelaient à ce qu’elle soit énumérée avec les autres motifs illicites de discrimination. La victoire d’inclure l’orientation sexuelle dans la Constitution intérimaire a motivé plusieurs gays et lesbiennes activistes à créer en 1994 la National Coalition for Gay
and Lesbian Equality. L’objectif principal de cette Coalition était de concentrer tous les efforts dans une seule et unique demande: maintenir le concept « orientation sexuelle » dans la version finale de la Constitution.318 Edwin Cameron a aidé la Coalition à tracer les stratégies du plaidoyer pour la dépénalisation. Pour ce faire, il a élaboré une liste de droits qui seront inscrits dans la nouvelle Constitution selon l’importance de revendications et qui a été reprise par les militant-e-s homosexuel-le-s afin de prôner pour l’égalité sur le plan juridique et politique. Cette stratégie est appelée : une liste de tâches (shopping list)319. Cette liste énumère les revendications principales qui varient entre celles qui sont plus faciles à accomplir (l’égalité de l’âge du consentement pour les homosexuels et les hétérosexuels, abolir les lois anti-sodomie) à celles qui sont controversées (l’adoption et le mariage des couples du même sexe). 318
Jonathan Berger, “Getting to the Constitutional Court on time: a litigation history of same-sex marriage”, in
Melanie Judge, Anthony Manion, and Shaun de Waal (Editors), To Have and to Hold: The Making of Same-sex Marriage in South Africa, Jacana Media, Johannesburg: Fanele, 2008, pp. 17-28. 319
Edwin Cameron, “Sexual orientation and the constitution: a test case for human rights”, inaugural lecture, Centre
for Applied Legal Studies, University of the Witswatersrand, 1992. Edwin Cameron, “Sexual Orientation and the Constitution: A Test Case for Human Rights”, South African Law Journal, vol. 110, pp. 450–472.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Par conséquent, ces stratégies ont abouti à ce qu’une des revendications a été réalisée, à savoir, l’âge du consentement qui a été rendu identique entre hétérosexuel-l-e-s et homosexuel-l-e-s. Auparavant, l’âge de la majorité sexuelle était 19 ans pour les personnes homosexuelles et 16 pour les personnes hétérosexuelles. Il fallait attendre 2007 (9 ans après que la Cour constitutionnelle avait déclaré la loi anti-sodomie inconstitutionnelle) pour que la loi pénale soit modifiée et l’âge de la majorité sexuelle soit rétabli à 16 ans pour les deux orientations320. Malgré l’entrée en vigueur de la loi pénale de 2007, l’inégalité quant à l’âge de la majorité sexuelle supprimée par cette loi a été, notamment, déclarée inconstitutionnelle en 2008 par l’arrêt de la Cour constitutionnelle Geldenhuys v
National Director of Public Prosecutions. La Cour constitutionnelle a jugé que l’ancienne loi a perpétué les stéréotypes associés aux relations sexuelles entre personnes de même sexe et a également déduit que les actes homosexuels sont pervers. Cette déduction est en contradiction avec le droit à l’égalité et aux valeurs de la Constitution comme la dignité, l’égalité 122
et la liberté. Ces dispositions constituent véritablement une discrimination injuste basée sur l’orientation sexuelle en prévoyant des âges de majorité sexuelle différents pour les personnes de même sexe et les personnes de sexe opposé321. Toujours dans le contexte des victoires, mais cette fois-ci, il s’agit d’une victoire législative par le biais d’adoption de lois anti- discrimination via l’embauche, le logement et tous les lieux dans lesquels les personnes homosexuelles étaient mis sur liste noire, et la création d’un pacte civil permanent reconnaissant le partenariat domestique (pensions, aide médicale, assurance, héritage). En 1998, le parlement a adopté la loi sur l’équité en matière d’emploi322. En effet, cette loi protège les citoyens de la discrimination en milieu du travail sur la base de l’orientation sexuelle. En 2000, des garanties similaires ont été traduites dans la nouvelle loi relative à la promotion de l’égalité et de la prévention de la discrimination injuste. D’emblée, cette loi interdit le discours de haine et toute forme de harcèlement et de discrimination basée sur des motifs interdits dont 320
Criminal law (sexual offences and related matters) amendment act 2007. Cette loi a aborgé la loi ancienne Section
14(1) of the Sexual Offences Act, 1957. 321
Geldenhuys v National Director of Public Prosecutions and Others (CCT 26/08) [2008] 26 November 2008.
322
The Employment Equity Act, n° 55 of 1998.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
l’orientation sexuelle.323 Après l’abolition de l’apartheid et l’instauration d’un régime démocratique basé sur une Constitution libérale assortie d’une Cour constitutionnelle qui contrôle le respect du texte suprême, le combat des personnes homosexuelles s’est orienté vers la lutte contre les pratiques d’une société homophobe.
Paragraphe 2 : La lutte contre les pratiques sociales homophobes L’abolition du régime de l’apartheid a fait naitre un Etat libéral et démocratique. L’Afrique du Sud est donc considérée comme étant un défenseur et un promoteur des droits humains au niveau régional et international324. Le seul et unique Etat en Afrique qui se situe à l’avant-garde d’un combat pour une dépénalisation universelle de l’homosexualité. Comme l’illustre l’exemple de la résolution 17/19325 « Droits de l’Homme, orientation sexuelle et identité de genre » qui était à l’initiative de l’Afrique du sud. Dès lors, nous pouvons déduire que l’Afrique du sud postapartheid est un Etat protecteur des personnes homosexuelles. Comme le montre les victoires du mouvement L.G.B.T. devant la Cour constitutionnelle. Cette dernière a invalidé et a déclaré inconstitutionnelles les lois homophobes en adoptant une lecture qui consacre la vision universelle des droits humains. On pourra, d’ores et déjà, parler d’un activisme des tribunaux sud-africains ainsi que d’une Constitution et d’une Cour constitutionnelle gay-friendly (A) Or, le défi qui reste à relever est de lutter contre les violences et les crimes homophobes qui paralysent le processus de dépénalisation. Ceci s’explique par le fait que les pratiques sociales homophobes prévalent326. Ainsi, l’Etat est en mesure 323
The Promotion of Equality and Prevention of Unfair Discrimination Act 4 of 2000.
324
Mandela. Nelson « South Africa’s future foreign policiy » Foreigh Affairs, vol. 72 (5), novembredécembre 1993, p. 93.
Nahla. Valji ; Dire. Tladi, « South Africa’s foreign policy: between idealism and the realpolitik of being sur
an
emerging
power
»,
opendemocracy.net,
le
19
juin
2013,
disponible
:http://www.opendemocracy.net/openglobalrights/nahla-valji-dire-tladi/southafrica%E2%80%99s-foreign-
policy-between-idealism-and-realpolit 325
Résolution 17/19 intitulée « Droits de l’homme, orientation sexuelle et identité de genre » le 17 juin 2011 lors
de la 17ème session du Conseil des droits de l’Homme. Présentée par l’Afrique du Sud cette résolution, soutenue par 85 états exhortait le OHCHR de mener une étude internationale afin de rendre compte des lois, violences et discriminations à l’encontre des personnes sur la base de leur orientation sexuelle et identité de genre. 326
Patrick Awondo, Peter Geschiere et Graeme Reid, « Une Afrique homophobe? Sur quelques trajectoires de
politisation de l’homosexualité : Cameroun, Ouganda, Sénégal et Afrique du Sud », Nationalismes sexuels, Raisons Politiques, n°49, 2013, pp. 95-118.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
de renforcer les lois afin d’assurer une protection juridique efficace aux personnes homosexuelles (B).
A. La lutte contre l’homophobie devant la Cour constitutionnelle La dépénalisation doit s’accompagner d’une suppression des lois et des pratiques discriminatoires afin de réaliser une reconnaissance effective de l’égalité en droits quant à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre (2). A ce stade, la jurisprudence constitutionnelle est la clé de voute, pour la mise en oeuvre des droits fondamentaux et l’invalidation des lois discriminatoires, elle fait parler la Constitution (1).
1. La Cour constitutionnelle sud-africaine : une jurisprudence progressiste La Cour constitutionnelle régule de prime abord les choix de la société à travers la consécration des droits fondamentaux. En plus, la Cour se revendique la compétence de transformer la société, d’où la nature transformative de la Cour. Se rapprochant du travail des militants des droits humains, le travail de la Cour constitutionnelle s’inscrit dans un activisme jurisprudentiel. Un activisme, 124
d’emblée, transformatif de la Cour elle-même. La transformation s’explique par le fait que la Cour devient une institution militante plutôt qu’une simple institution d’application de la loi. Ainsi, « il est clair que jusqu’à présent le constitutionnalisme transformatif est une philosophie activiste visant l’émancipation sociale et politique à travers des moyens de contrôle légaux. Cela nécessite forcément une approche activiste dans la détermination des droits327. » La nature transformative pousse la Cour à examiner les situations des discriminations cachées et de jouer le rôle de faire la promotion de l’égalité, même si ce rôle se contredit avec les attitudes sociales qui prévalent. L’activisme de la Cour s’est déjà traduit dans les décisions de la Cour, particulièrement, celle relative à l’abrogation des lois pénalisant les rapports sexuels entre adultes consentants de même sexe. L’engagement de la Cour constitutionnelle est de garantir la suprématie de la Constitution, mais aussi, de mettre en oeuvre la nature transformative de la 327
Eric Kibet and Charles Fombad, « Transformative constitutionalism and the adjudication of constitutional rights in
Africa », African Human Rights Law Journal, n° 2, vol. 17, pp. 340-366.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Constitution afin de l’adapter aux changements de la société328. Dans ce sens la Cour se voit comme un organe responsable de la transformation de la société en une société ouverte, démocratique et pluraliste. La Cour constitutionnelle sud-africaine est « souvent appelée à intervenir dans les grands débats de société, et à faire des choix en lieu et place des institutions politiques élues. la Cour, chaque fois qu’elle intervient dans le débat de société, fait primer les droits fondamentaux, quelle que soit la pression qui accompagne le sujet en cause. Ce faisant, le juge constitutionnel sud-africain se retrouve souvent en avance sur le politique et la société sans craindre de voir sa légitimité contestée329. » A la lumière des droits reconnus aux personnes homosexuelles, il est évident que le travail de la Cour s’inscrive dans le contexte des droits humains. En effet, le constituant lui-même a pris l’initiative de la protection des personnes homosexuelles, en incluant expressément le concept d’«orientation sexuelle» dans les critères illicites de discrimination, « l’État ne peut injustement discriminer directement ou indirectement toute personne en raison de la race, le genre, le sexe, la grossesse, le statut marital, l’origine ethnique ou sociale, la couleur, l’orientation sexuelle, l’âge, l’infirmité, la religion, la morale, la croyance, la culture, la langue et la naissance330 ». Cette protection constitutionnelle a eu pour effets immédiats la dépénalisation de l’homosexualité en 1998331. La Cour constitutionnelle de l’Afrique du sud prime l’individu sur la société. Elle consacre les droits fondamentaux même au détriment de la culture majoritaire qui rejette l’homosexualité. « La politique jurisprudentielle en matière d’homosexualité participe d’une révolution culturelle. Et cette révolution semble plutôt en bonne marche, preuve en est ce propos d’un correspondant de la chaîne BBC : «Qu’il fait 328
“Assessment of the Impact of Decisions of the Constitutional Court and Supreme Court of Appeal on the
Transformation of Society”, Final Report (Consitutional Justice Report). Prepared for The Department of Justice and Constitutional Development by the Democracy, Governance and Service Delivery Research Programme of the Human Sciences Research Council, in partnership with the Nelson R Mandela School of Law of the University of Fort Hare. November 2015. Sur le concept de la nature transformative voir p. 37. http://www.justice.gov.za/reportfiles/2017-CJPreport-Nov2015.pdf 329
Alexander Abotsi, « De la régulation des choix de société par la promotion des droits fondamentaux. Les
enseignements de la Cour constitutionnelle sud-africaine », Revue juridique Thémis, n°43, 2009, pp. 367-368. 330
Le chapitre 2 : 7-39 de La Déclaration des droits fondamentaux prévoit à la section 9 : Égalité
331
Gouvernement de l’Afrique du Sud, Chapter 2 – Bill of Rights, info.gov.za
125
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
beau d’être homosexuel en Afrique du Sud» »332. Or, les pratiques de certaines institutions réprimaient les personnes homosexuelles et les privaient et/ou empiétaient sur certains droits garantis par la Constitution. Des dispositions pénales réprimaient la sodomie étaient encore en vigueur malgré le fait que la Constitution interdit la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle. Les personnes physiques et personnes morales de droit privé peuvent saisir la Cour constitutionnelle, non seulement en appel d’une décision d’un juge ordinaire, incluant la Cour suprême, mais aussi directement sans passer par les tribunaux ordinaires. En effet, réaliser l’égalité des droits pour les personnes homosexuelles a été conquis par le biais des tribunaux sur la base des droits inaliénables énoncés par la Constitution de 1996. Les activistes sud-africaine(e)s ont usé du principe de Stare
decisis333 (règle du précédent) pour dénoncer l’inconstitutionnalité de certaines lois et ainsi façonner les droits relatifs à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Profitant de l’abolition du régime de l’apartheid et de l’adoption d’une Constitution 126
libérale et humaniste. Les militants L.G.B.T. ont commencé à attaquer des lois discriminatoires devant la Cour constitutionnelle. La National Coalition for Gay and Lesbian Equality (NCGLR) a axé son plaidoyer sur les droits fondamentaux de la Constitution pour porter la question homosexuelle devant le juge constitutionnel.334 Cette coalition composée de 65 organisations a commencé deux ans après l’adoption de la Constitution à mettre en oeuvre la shopping list préparée par l’avocat et le Professeur Edwin Cameron. A partir de 1998, les activistes gay ont commencé à attaquer en justice les lois homophobes et discriminatoires qui privent les personnes homosexuelles de leurs droits constitutionnels. 332
Alexander Abotsi, « De la régulation des choix de société par la promotion des droits fondamentaux. Les
enseignements de la Cour constitutionnelle sud-africaine », Revue juridiqueThémis, n°43, 2009, p. 425. 333
Bruces Davies. Douglas, «Comment: South Africa is not a “Rainbow Nation” if you’re gay », pinknews.co.uk, le 16
janvier 2013, disponible sur : http://www.pinknews.co.uk/2013/01/16/comment-south-africa-is-not-a-rainbownation-if-youre-gay/ 191 Gustavo Gomes da Costa Santos, “Decriminalising homosexuality in Africa: lessons from the South African experience” in Corinne Lennox and Matthew Waites (Editor(s)), Human Rights, Sexual Orientation and Gender Identity in The Commonwealth, School of Advanced Study, University of London, Institute of Commonwealth Studies, London, 2013, pp. 313-337. 334
Natalie Oswin, “The End of Queer (as we knew it): Globalization and the making of a gay-friendly South Africa”,
Gender, Place and Culture, February 2007, vol. 14, n°1, p 99.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
Dès lors, on peut expliquer le militantisme L.G.B.T. en termes plus claires. Les militants sont, en fait, passés de plaider sur le plan politique afin de faire pression pour faire passer des lois qui éliminent et interdisent les discriminations, à militer devant la juridiction constitutionnelle dans le but de contester la constitutionnalité d’une ou des loi(s) homophobe(s). L’argument principal utilisé devant cette juridiction était celui de revendiquer l’égalité.335
2. Une jurisprudence protégeant les droits des homosexuels Dans les affaires portées devant la Cour constitutionnelle, la NCGLR s’est concentrée sur trois thèmes relatifs à l’égalité : la décriminalisation de la sodomie (a), l’égalité en matière d’immigration (b) et l’égalité dans le choix du partenaire (c).
a. La décriminalisation de la sodomie La National Coalition for Gay and Lesbian Equality (NCGLR) a contesté la constitutionnalité de la loi pénale qui criminalisait les rapports sexuels en privé entre personnes adultes, consentant et de même sexe. L’argument le plus influent et puissant employé par la NCGLR était, la loi réprimant la sodomie violait le principe de l’égalité et de la non-discrimination. La Cour a retenu cet argument en se basant sur la dignité humaine afin d’interpréter le principe de l’égalité tel que garanti par la Constitution. La Cour a, en outre, adopté une analyse individualisée de l’impact de la discrimination sur les homosexuel.le.s. A ce stade, la problématique que la Cour s’est posée était de savoir si les dispositions anti-sodomie visaient la personne ou l’acte ? Portée devant la Cour constitutionnelle, l’affaire Gay National Coalition336, se rapporte à un jugement d’inconstitutionnalité émanant de la Cour supérieure de Johannesburg. La Cour constitutionnelle était appelée à valider cette décision. Le litige portait sur les règles de Droit suivantes: la règle de common law selon laquelle la sodomie est une infraction, le Code de procédure pénale qui criminalise la sodomie, la loi de 1957 sur les offenses sexuelles qui interdit les pratiques sexuelles entre hommes ainsi que la loi de 1987 sur les officiers de la sécurité qui interdit aux agents les pratiques homosexuelles. Dans un jugement 335
Graeme Reid, « The Canary of the Constitution. Same-Sex Equality in the Public Sphere », Social Dynamics, vol.
36, n° 1, 2010, pp. 38-51. 336
National Coalition for Gay and Lesbian Equality and Another v. Minister of Justice and Others, 1998 (12) BCLR
1517 (CC), 1999 (1) SA 6 (CC)
127
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
unanime, la Cour constitutionnelle confirma la décision d’invalidité en s’appuyant sur le droit à l’égalité, le droit à la dignité et le droit au respect de la vie privée. Elle jugea contraires à la Constitution les lois en cause ainsi que la règle de
common law qui criminalise l’homosexualité. La Cour a, aussi, jugé que les hommes homosexuels constituant une minorité dans la société qui a souffert dans le passé des formes de désavantage, chose qui a violé leur dignité et leur identité individuelle337.
b. L’égalité en matière d’immigration Les activistes de la NCGLR ont porté une deuxième affaire devant la Cour constitutionnelle338 pour contester la constitutionnalité de l’article 25 de la Loi de 1991 relative à l’entrée et au séjour des étrangers sur le territoire sud-africain. La loi facilitait l’immigration des étrangers conjoints de Sud-Africains ainsi que les conjoints des résidents permanents. Le législateur avait employé les termes « époux» et «épouses» pour désigner les bénéficiaires de ce traitement préférentiel. Dans un premier temps, les militants homosexuels attaquèrent avec succès cette loi devant la Haute Cour du Cap. 128
S’agissant d’une question relative à la constitutionnalité d’une loi, la Cour constitutionnelle saisie, rend un jugement unanime, sous la plume du juge Ackermann. Quoique la Cour ait rejeté la demande de l’association homosexuelle d’inclure les conjoints ou partenaires homosexuels dans les concepts d’époux et d’épouses, le juge Ackermann considéra favorablement la question de la discrimination contre les homosexuels et il arriva au constat suivant: le législateur, en garantissant l’obtention d’un permis aux étrangers époux et épouses de SudAfricains et de résidents permanents, tout en ignorant le cas des étrangers ayant une relation homosexuelle stable avec des Sud- Africains et des résidents permanents, opère une discrimination injuste contre les homosexuels sud-africains et leurs partenaires étrangers. Une telle discrimination ne se justifiait pas dans une société démocratique ouverte fondée sur la dignité, l’égalité et la liberté.
337
H de Ru, “A historical perspective on the recognition of same-sex unions in south Africa”, Fundamina, n°19, vol.
2, 2013, p. 235. 338
National Coalition for Gay and Lesbian and Others v. Minister of Home Affairs and Others II, 2000 (1) BCLR 39
(CC), 2000 (2) SA 1 (CC). Les affaires portées par la coalition devant la Cour constitutionnelle sont citées l’article d’Alexander Abotsi, « De la régulation des choix de société par la promotion des droits fondamentaux. Les enseignements de la Cour constitutionnelle sud-africaine », Revue juridique Thémis, n°43, 2009, pp. 426-427.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
c. L’égalité dans le mariage En Afrique du sud, la loi sur le mariage, défini comme l’union entre un homme et une femme, ne permettait pas aux personnes de même sexe de se marier. L’affaire Fourie339 traite du sujet du mariage homosexuel. Deux lesbiennes, Marie Fourie et Cecilia Bonthuys, vivant en couple depuis plus d’une décennie au vu et au su de leur entourage, se présentèrent devant l’officier d’état civil pour lui demander deux choses. La première était de certifier que leur union valait mariage au sens du Marriage Act 25 of 1961, la loi sud-africaine sur le mariage. La seconde était la conséquence de la première: elles demandaient à l’officier d’enregistrer leur union en tant que mariage au sens de la loi. L’officier d’état civil refusa d’accéder à cette double demande au motif que, selon la loi et les règles de common law, le mariage, en Afrique du Sud, ne peut être célébré qu’entre l’homme et la femme. Pour l’état civil, il s’agissait là d’une condition de fond. Les deux lesbiennes intentèrent alors une action devant les tribunaux afin de faire invalider la législation et la règle de common law qui faisaient obstacle à leur droit fondamental au mariage et à l’égalité de traitement. Se joignant aux deux requérantes, la NCGLR soutient que le Marriage Act 25 of 1961 n’était pas conforme à la Constitution puisque, s’agissant des personnes habilitées à se marier, l’article 30 (1) de cette loi faisait exclusivement référence aux termes «mari» et «femme», ignorant les personnes homosexuelles qui désirent se marier. La question posée à la Cour était de savoir si les personnes de même sexe ont le droit de se marier au même titre que les hétérosexuels. La Cour a déclaré que la loi de 1961 est incompatible avec la Constitution. Se fondant sur la Constitution ; le droit à l’égalité (article 9) et le droit à la dignité (article 10), le juge Sachs estima que le fait qu’il n’y ait en droit sud-africain aucune disposition permettant aux deux requérantes et à toutes les personnes se trouvant dans leur situation de se marier légalement constituait une rupture de l’égalité de traitement des personnes. Selon lui, cette inégalité de traitement est fondée sur un critère illicite: l’orientation sexuelle.340
339
Minister of Home Affairs and Another v. Fourie and Others, with Doctors for Life International (first amicus curiae),
John Jackson Smyth (second amicus curiae) and Marriage Alliance of South Africa (third amicus curiae), 2006 (3) BCLR 355 (CC) ; 2006 (1) SA 524 (CC), ci-après Fourie. 340
Alexander Abotsi, « De la régulation des choix de société par la promotion des droits fondamentaux. Les
enseignements de la Cour constitutionnelle sud-africaine », Revue juridique Thémis, n°43, 2009, pp. 429 et ss.
129
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Le Parlement sud-africain était dans une situation de compétence liée; il s’est donc incliné devant la décision de la Cour constitutionnelle. Malgré la pression d’un certain électorat, les députés ont adopté la Civil Union Act n° 17 de 2006, entrée en vigueur le 30 novembre 2006. Dès lors, le mariage homosexuel a été légalisé en Afrique du Sud.341 C’est la trilogie de droits à la dignité, l’égalité et la vie privée qui forme le socle de la politique jurisprudentielle en matière de la mise en place de l’égalité des droits des personnes homosexuelles. La Cour constitutionnelle est une cour sensible à l’individu et à la singularité qui ne se plie pas à l’opinion publique. Elle ne rend pas de jugements populaires mais des jugements qui mettent au premier rang les libertés individuelles. « Les décisions de la Cour constitutionnelle ont décrit les personnes gays et lesbiennes comme des individus particulièrement vulnérables, qui ont besoin de la protection de la loi afin de corriger les années de préjudice et de discrimination juridique342 ». Or, la lutte pour la dépénalisation de l’homosexualité demeure fragilisée par une société homophobe. D’où la nécessité de criminaliser toutes les formes d’homophobie afin de garantir une protection juridique efficace aux personnes
130
homosexuelles.
B. Vers une « dépénalisation sociale » de l’homosexualité La « dépénalisation sociale » ou en d’autres termes, la pénalisation des pratiques sociales homophobes est incontestablement une phase cruciale dans le processus. D’ores et déjà, les militants L.G.B.T. s’occupaient des questions juridiques afin de décriminaliser la sodomie, de reconnaitre tous les droits aux personnes homosexuelles et d’affirmer leur identité. Le résultat obtenu était : Le législateur ne criminalise plus les actes de ces personnes. En parallèle, les lois ne discriminent plus et l’Etat n’est plus homophobe. Par contre, c’est la société qui pénalise, réprime et demeure homophobe. 341
Christophe Broqua, « L’émergence des minorités sexuelles dans l’espace public en Afrique », « La question
homosexuelle et transgenre en Afrique », Politique Africaine, n°126, 2012, pp. 5-23. Gouvernement de l’Afrique du Sud, « n°17 of 2006 : Civil Union, Act, 2006 », Government Gazette, info.gov.za. 342
Gustavo Gomes da Costa Santos, “Decriminalising homosexuality in Africa: lessons from the South African
experience” in Corinne Lennox and Matthew Waites (Editor(s)), Human Rights, Sexual Orientation and Gender Identity in The Commonwealth, School of Advanced Study, University of London, Institute of Commonwealth Studies, London, 2013, p. 331.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
L’effroyable haine homophobe est dans une certaine mesure héritée d’une certaine culture qui rejette l’homosexualité en Afrique et considère qu’elle est une importation occidentale. Dès lors, les individus se permettent de sanctionner les personnes homosexuelles par conviction qu’ils sont en train de les corriger. Dès lors, le travail des militants L.G.B.T. s’oriente vers la société (1) en exigeant de l’Etat d’accomplir ses obligations et de combattre les violences et les crimes homophobes et de genre (2).
1. La lutte des militants L.G.B.T. contre la violence homophobe Particulièrement, les homosexuels noirs subissent encore une homophobie brutale dans les townships343. Pour ces homosexuels qui vivent dans les townships, la gay pride n’est qu’un discours de libération, qui ignore la réalité vécue par les homosexuels noirs et une manière pour ceux qui ont les ressources pour obtenir la notion d’une citoyenneté gay libre et unie344. Depuis la fin de l’apartheid, les droits des homosexuels sont garantis par la Constitution et ceux-ci sont protégés par la loi. Or, le taux de mortalité criminelle est élevé, les crimes homophobes, les violences à l’encontre des transsexuels et surtout les viols de lesbiennes sont fréquents. La Constitution reste un idéal qui se détache de la réalité sociale. La loi sur l’égalité adoptée en 2000 (The Equality Act) réprime les crimes de haine, lorsque les individus sont visés sur la base de leur appartenance à un groupe. Ce type de crime comprend les actes commis sur la base de l’orientation sexuelle.345 Par ailleurs, de nombreux rapports de différentes ONG de droits humains dénonçant une « épidémie » de violence à laquelle sont confrontées les personnes homosexuelles346. Selon le rapport soumis par la Commission des droits de l’Homme de l’Afrique du sud, l’attention était attirée sur l’alarmante situation des lesbiennes. Le 343
Canton en français. Les townships en Afrique du sud sont des quartiers pauvres qui se sont développés en
périphérie des grandes villes principalement pendant l’apartheid. 344
Ernest van der Wal, “Queer carnival, gay pride, and postapartheid identities”, in Christopher Pullen (editor) LGBT
Transnational Identity and the Media, Palgrave Macmillan, London, 2012, p. 96. 345
“Hate crimes: The rise of ‘corrective’ rape in South Africa”, ActionAid, March 2009.
https://www.actionaid.org.uk/sites/default/files/publications/hate_crimes_the_rise_of_corrective_rape_in_ south_africa_september_2009.pdf 346
Sophie Blitman, « Homos loin d’être égaux », Alternatives internationales, n°53, Décembre 2011.
131
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
phénomène croissant du viol correctif dans les écoles dans tout le pays concernant des jeunes garçons qui croient que les lesbiennes ont besoin d’être violées afin que leur orientation sexuelle soit corrigée.347 Les activistes L.G.B.T. soulignent que ce type de viol est récurrent surtout dans les townships et vise les lesbiennes.348 En 2003, le Forum for the Empowerment of Women (FEW) a été créé comme organisation dédiée spécialement pour travailler avec les lesbiennes noires qui vivent dans des milieux marginalisés. A partir de cette année l’activisme qui associait l’homophobie à la violence contre les femmes a commencé à émerger. Auparavant, en Afrique du sud postapartheid, l’activisme était divisé entre celui s’occupe des questions des violences contre les femmes et celui qui travaille sur les questions L.G.B.T. Les initiatives prises par le FEW et The Rose Has Thorns ont mené des plaidoyers et des interventions. Grâce à leurs activités, les liens ont été établis entre le viol, la race et l’identité sexuelle. Dès lors, ces initiatives ont constaté que les lesbiennes noires qui habitent dans les quartiers pauvres comme Alexandra, sont confrontées 132
à des menaces quotidiennes en lien direct avec leur identité sexuelle.349 A cet égard, les militants L.G.B.T. mènent des actions éducatives et de sensibilisation, et cherchent à donner aux personnes L.G.B.T. des moyens d’agir pour lutter contre les crimes de haine, le harcèlement et l’injustice. Par exemple, depuis 2010, des efforts en vue de faire connaitre les violences antilesbiennes en Afrique du sud, ont commencé quand Ndumie Funda, une lesbienne noire qui habite à Gugulethu, a essayé d’obtenir des signatures sur le site web
Change.org afin de demander une rencontre avec le ministre de la Justice. Funda a, aussi, appelé à l’application de la peine de mort à l’encontre de ceux qui commettent le « viol correctif » qui vise à corriger l’orientation sexuelle de la personne victime. Elle est aussi la fondatrice de l’association Luleki Sizwe, dont la mission principale est d’assurer un refuge sécurisé pour les lesbiennes noires qui ont survécu au viol 347
“Report of the Public Hearing on School-based violence”, 2008, South African human rights commission, p. 9.
Charlayne Hunter-Gault, Corrective Rape: Discrimination, Assault, Sexual Violence, and Murder Against South Africa’s L.G.B.T. Community, Agate Digital, Chicago, 2015. 348
Nonhle Mkhize et al., The country we want to live in: Hate crimes and homophobia in the lives of black lesbian
South Africans, Human sciences research council, Cape Town, 2010. 349
Nonhle Mkhize et al., ibid. p. 6.
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
anti-lesbienne.350 Selon les militants la montée de la violence homophobe provient du fait que les institutions de l’Etat ne prennent pas au sérieux les plaintes des personnes victimes d’agressions homophobes. Ils notent aussi que les autorités ne prennent pas en main les affaires des crimes commis contre les personnes homosexuelles. Les activistes ont, donc, utilisé des moyens juridictionnels et politiques afin d’amener l’Etat à prioriser les questions de violences et des crimes homophobes. Parallèlement, la Haute Cour du Cap a statué dans une affaire de meurtre d’une femme lesbienne qui était lynché et poignardé par un groupe d’hommes dans un township à Khayelitsha près du Cap en février 2006. La Cour pour la première fois reconnait explicitement que la femme lesbienne a été tuée au motif de son orientation sexuelle.351 Quant aux moyens politiques, en 2011, les activistes de l’association Luleki Sizwe ont envoyé une lettre au ministre de la Justice dans laquelle ils se plaignaient de l’inaction du gouvernement envers le contexte de la violence homophobe et de genre. Le résultat était positif car le gouvernement a accepté de créer une équipe
ad-hoc composée de représentants d’ONG et des ministères. D’ailleurs, l’objectif était de trouver une feuille de route commune pour lutter contre la violence de genre. Or, la dépénalisation de l’homosexualité, a, inopportunément, suscité des réactions enflammées. Il en résulte que dans de nombreux cas, la fureur a conduit à des agressions contre de jeunes hommes, mais aussi de lesbiennes. Les viols collectifs des lesbiennes sont devenus monnaie courante, ainsi, les associations lesbiennes sont en première ligne des protestations.352
350
Madhumita Lahiri, “Crimes and Corrections: Bride Burners, Corrective Rapists, and Other Black Misogynists”,
Feminist Africa, n°5, 2011, p. 121 et s. 351
Sylvie Namwase and Adrian Jjuuko (editors), Protecting the human rights of sexual minorities in contemporary
Africa, Pretoria University Law Press, Pretoria, 2017, p. 123. 352
Voir Ruth Morgan et Saskia Wieringa, Tommy Boys, Lesbian Men, and Ancestral Wives : Female Same-Sex
Practices in Africa, Jacana Media, Johannesburg , 2005; Robert Lorway, « Defiant Desire : Female Sexual-Gender transgression, Namibia », American Ethnologist, vol. 35, n° 1, 2008, pp. 20-33; Ashley Currier, Out in Africa : LGBT Organizing in Namibia and South Africa, University of Minnesota Press, Minneapolis, 2012 ; Nonhlalhla Mhkize et al., The Country We Want to Live in : Hate Crimes and Homophobia in the Lives of Black Lesbians South Africans, HSRC Press, Cape Town, 2010.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
2. Une homophobie sociale tuant les personnes homosexuelles Suite au résultat d’une enquête de terrain de juin à novembre 2012 en Afrique du Sud, Amnesty International publie qu’ « au moins sept personnes dont six lesbiennes ont été tuées dans des actes violents ciblés et motivés selon toute apparence par leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ». Ces actes d’une violence extrême s’inscrivent dans un phénomène répandu dans la plupart des townships : « le viol correctif », le terme « correctif » est utilisé pour qualifier le viol des lesbiennes dans le sens où le viol serait commis pour « guérir » ces femmes de leur homosexualité/bisexualité. Il s’agit d’une punition pour obliger l’individu à se plier aux règles établies par les normes sociales et culturelles en matière de sexualité comme si violer était juste et le fait d’être lesbienne était mal. Le plus souvent, les attaques sont le fait de proches, de connaissances ou d’inconnus et se produisent dans des lieux privés (comme le domicile) et/ou des espaces publics isolés, où les lesbiennes sont suivies ou dans lesquels elles sont amenées contre leur gré. Certains hommes vont même jusqu’à guetter les mouvements d’une lesbienne (du fait de sa visibilité, par présomption, ou parce 134
qu’ils la connaissent) et planifient leur attaque dans l’objectif de lui donner une leçon pour la transformer en « vraie femme ».353 Dans les townships, certaines lesbiennes sont plus « reconnaissables » que d’autres car en plus d’être visibles, elles entretiennent une apparence « masculine » et sont de ce fait visibles. Selon Mark Gévisser, une des particularités de l’Afrique du Sud contemporaine est la floraison d’une sous culture lesbienne issue de la classe ouvrière urbaine noire354. Elles ont revendiqué le droit de vivre indépendamment des hommes et assumé leur sexualité dans l’espace public. Ayant devenue une question d’identité, les lesbiennes, les bisexuelles soit toutes autres personnes dont le genre ne se conforme aux attentes sociales en terme de genre (surtout les MtF355) vivent dans 353
Human Rights Watch, « We’ll show you, you’re a woman. Violence and discrimination against Black lesbians and
Transgender Men in South Africa, 2011. https://www.hrw.org/report/2011/12/05/well-show-you-youre-woman/violence-and-discrimination-against-blacklesbians-and Voir aussi: Yolanda Mufweba, “Corrective rape makes you an African woman”, Saturday Star, 7 novembre 2003, disponible sur : http://www.iol.co.za/news/south-africa/corrective-rape-makes-you-an-africanwoman-1.116543 354
Mark Gévisser, « The South African women living in fear of rape. In South Africa, a black
lesbian subculture has flowered ‘corrective rape’ must not stifle it », theguardian.com, le 14 mai 2011. 355
Male-to-female (personne identifiée comme homme à la naissance qui s’identifie comme femme)
Première partie | Les exemples comparés de la dépénalisation / décriminalisation de l’homosexualité
la crainte quotidienne d’être brutalisées, violées ou tuées par des hommes356. D’autre part, les personnes homosexuelles les plus vulnérables et qui ne sont pas en sécurité sont les militantes lesbiennes. Pour l’activiste MTF Bianca Laban: « ce qui fait mal c’est que ce n’est pas la première d’entre nous à avoir été tuée et nous ne savons pas ce qu’il arrivera après l’enterrement. Les gays et les lesbiennes ne sont pas en sécurité et je ne peux m’enfuir d’ici ». Fikile Vilakazi membre de Coalition of African Lesbians (CAL est une organisation lesbienne sud-africaine), indique que « l’homosexualité est vue comme une importation de l’Ouest. Nous sommes vues comme des traitres visà-vis de la culture et de la tradition. Une sorte de force impérialiste qui attaque le mode de vie africain357». En 2012, la jeune militante lesbienne Noxolo Nogazwa, violée, frappée et poignardée à plusieurs reprises jusqu’à la mort par plusieurs hommes en raison de son orientation sexuelle et Duduzile Zozo, retrouvée morte chez elle avec une brosse de toilette dans le vagin après avoir été violée le 30 juin 2014, illustre l’état d’extrême urgence dans lequel se trouvent les lesbiennes noires dans les townships.358 Graeme Reid souligne l’échec de l’Etat à faire face à l’homophobie sociale malgré l’existence d’une Constitution avant-gardiste et d’une législation gay-friendly. « En dépit des succès révolutionnaires en termes de législation et de politique, l’expérience sud-africaine révèle également les limites de la loi. La Constitution demeure un idéal, parfois très éloigné de la réalité. Le très haut niveau des violences de genre, notamment les viols ciblés de lesbiennes, est symptomatique du fossé qui existe entre les idéaux de la Constitution et la vie quotidienne359. 356
Amnesty International, « Quand aimer devient un crime. La criminalisation des relations entre
personnes du même sexe en Afrique Subsaharienne », 2013. https://www.amnesty.org/download/ Documents/8000/afr010012013fr.pdf 357
Robyn Dixon, « In South Africa’s Townships, being Gay can be Fatal », LA Times, May 27, 2011,
disponible sur : http://articles.latimes.com/2011/may/27/world/la-fg-south-africa-gay-killings-20110528 358
Amnesty International, « Noxolo Nogwaza. Militante assassinée en raison de son orientation
sexuelle », 2013. Voir aussi : Bruce Mutsvairo, Digital Activism in the Social Media Era: Critical Reflections on Emerging Trends in SubSaharan Africa, Springer, London, 2016, p. 241. 359
Graeme Reid, « The Canary of the Constitution. Same-Sex Equality in the Public Sphere », Social Dynamics, vol.
36, n° 1, 2010, pp. 38-51.
135
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Alors que la plupart des mouvements anticoloniaux africains se sont basés sur une célébration d’une masculinité hautement hétérosexuelle, reléguant les femmes à un rôle auxiliaire, les mouvements sud-africains ont englobé les droits des femmes et ceux des homosexuels.360 L’Afrique du Sud a poursuivi sur sa lancée, notamment en autorisant l’adoption par les couples de même sexe en 2002, en adoptant une loi sur la reconnaissance juridique du genre en 2004, et en ouvrant le mariage aux couples de même sexe en 2006361. Malgré tous ces accomplissements, les lois qui criminalisent l’homophobie nécessitent des mesures d’application pour réprimer sévèrement les pratiques sociales homophobes. De surcroît, les violences et les crimes homophobes deviennent monnaie courantes en Afrique du sud post-apartheid. Ainsi, un climat d’impunité dans lequel la violence s’intensifie et s’installe. Cette impunité est surtout renforcée par l’inaction et l’échec des services de police pour prévenir 136
la violence contre la population lesbienne et trans.362 Dès lors, le processus de dépénalisation en Afrique du sud est inachevé.
360
Patrick Awondo, Peter Geschiere et Graeme Reid “Homophobic Africa? Towards a More Nuances View”, African
Studies Review, vol. 55, n°3, décembre 2012, pp. 145-168. 361
« Quand aimer devient un crime. La criminalisation des relations entre personnes de même sexe en Afrique
subsaharienne ». Amnesty International, 2013, p. 16. 362
Helen Moffett, « These women, they force us to rape them: Rape as narrative of social control in post-apartheid
South Africa », Journal of Soutern African Studies, vol. 32, n°1, March 2006, pp. 129- 144.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
137
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
1. La définition du plaidoyer Le plaidoyer peut se définir comme « la défense active d’une idée ou d’une cause exprimée dans des stratégies et des méthodes qui influencent les opinions et les décisions de personnes et d’organisations ». En général, le plaidoyer prend des formes diverses qui vont d’actions de persuasion (lobbying) lors de rencontres de haut niveau à la réforme de politiques de discrimination fondée sur le genre. Initialement, l’objectif du plaidoyer était de mettre fin à l’injustice dans le monde en faisant valoir les droits des femmes.363 De surcroit, le plaidoyer est généralement engagé en faveur des droits humains afin de plaider pour une réforme législative par exemple ou de mettre fin aux violations de certains droits. Dans le même contexte des droits humains, notre étude se situe dans le cadre d’un plaidoyer en faveur des droits des personnes L.G.B.T. En effet, des associations locales engagent des actions nationales et internationales (au niveau de l’O.N.U. par exemple) de plaidoyer. D’emblée, ces associations attirent l’attention des 138
autorités sur les violations des droits des personnes L.G.B.T. Ce plaidoyer comprend, ainsi, une panoplie d’actions visant à appuyer, recommander, préconiser, soutenir, défendre et plaider une cause ou une idée se rapportant directement aux droits des personnes L.G.B.T.
2. Les formes du plaidoyer Il existe diverses formes de plaidoyer, parmi lesquelles on cite: Lobbying : Tentative d’influence dans le but de promouvoir une cause ou un intérêt particulier. Le lobbying cible habituellement des décideurs, des dirigeants et des personnes dont l’action influence ou oriente la cause ou l’intérêt. Les personnes ou groupes de personnes qui font du lobbying sont appelées groupes d’intérêt ou groupes de pression. Mobilisation : Ensemble d’efforts ayant pour but d’acquérir du pouvoir ou de rassembler des groupes spécifiques ou des groupes d’intérêt, en particulier dans des communautés, et consistant par exemple à organiser des événements, des meetings, des manifestations, des campagnes, etc. 363
UNESCO, Guide pour l’égalité des genres dans les politiques et les pratiques de formation des enseignants, Paris,
2017, p. 105.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Formation initiale et continue : Formes particulières d’activités de plaidoyer en direction d’un groupe ou de groupes d’intérêt qui ont le pouvoir, l’influence et la capacité nécessaires pour effectuer des changements souhaités. Recherches : Activités de plaidoyer visant à produire des informations, des documents et des ressources pertinents qui seront utilisés à l’appui d’un thème de plaidoyer ou des changements souhaités. Procédures et activités de réglementation : Actions en justice visant à imposer le respect de droits particuliers, ainsi que la promulgation, le contrôle et le respect de lois et de règlements qui protègent les droits humains, notamment des personnes défavorisées et vulnérables.364
3. L’objectif du plaidoyer En Tunisie, le principal objectif du plaidoyer des défenseurs des personnes L.G.B.T. est la dépénalisation des relations sexuelles en privé entre personnes du même sexe. Toutefois, la mobilisation autour de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre dépasse largement ce but. Des militant.e.s ont réclamé de mettre fin à toutes les formes de violence, y compris l’interdiction des tests anaux comme moyen de preuve.365 Ils/elles se sont mobilisé.e.s pour empêcher les arrestations arbitraires, les tentatives de chantage par des policiers et les traitements dégradants, humiliants et inhumains auxquels les personnes homosexuelles sont exposées pour prouver l’acte de sodomie.
4. Les axes du plaidoyer D’abord, le plaidoyer couvre l’affirmation de l’égalité en droits. Pour ce faire, les associations militantes plaident pour une garantie de tous les droits fondamentaux 364
Les formes du plaidoyer cité dans UNESCO, le Guide pour l’égalité des genres dans les politiques et les pratiques
de formation des enseignants, Paris, 2017, p. 105. Cf. Amnesty International, Oser parler Expériences et outils de plaidoyer des militants LGBTI en Afrique subsaharienne, 2014, 2014, p. 7. 365
Le collectif civil pour les libertés individuelles, Rapport sur les principales violations des libertés individuelles : Bas
les masques, mars 2019, p. 29. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_ li_2019_version_integrale.pdf page consultée le 18 juillet 2019.
139
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
ainsi que de leur assurer une protection des actes et agressions homophobes.366 Ensuite, s’agissant du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie, il faut s’interroger sur la démarche conduisant à la dépénalisation. En effet, la démarche suivie repose essentiellement sur l’exploitation des différentes sources du Droit positif tunisien, international et comparé qui traitent des droits et libertés. Le constat est le suivant : En outre, en faisant appel au texte suprême, la Constitution du 27 janvier 2014, et plus particulièrement à ses zones éclairées qui servent de base pour renforcer le plaidoyer, on a remarqué que l’article 230 du Code pénal (C.P.) qui criminalise l’acte de sodomie est en conflit avec les garanties constitutionnelles qui, d’ores et déjà, protègent les personnes homosexuelles.
In fine, l’analyse juridique de l’article 230 du C.P. à la lumière de la Constitution et des droits humains (Section I) sert d’outil pour les associations afin de mener leur plaidoyer qui prend plusieurs formes (Section II).
140
366
Coalition tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I., Rapport des parties prenantes : Examen périodique
universel de la Tunisie, mai 2017, p. 12 et ss. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/rapportupr-lgbt.pdf page consultée le 16 juillet 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Section I Les axes juridiques de la dépénalisation Plusieurs organes des Nations Unies, comme le Comité des droits de l’Homme et l’Assemblée générale, ont reconnu que les différentes formes de mesures punitives utilisées par les États pour persécuter les personnes homosexuelles et ne pas les protéger des violences commises par des tiers s’apparentaient à de graves violations des droits humains.367 Sans nul doute, mettre fin à l’homophobie de l’Etat passe par la mise en place d’un arsenal législatif qui protège les personnes homosexuelles et non pas seulement à travers l’abrogation de la loi criminalisant les rapports sexuels en privé entre personnes de même sexe. La Constitution post- révolutionnaire est heureusement là pour poser les assises d’une protection juridique aux personnes homosexuelles sous l’angle des libertés individuelles, de l’égalité et de la non-discrimination. S’armer du texte constitutionnel va permettre aux différents acteurs politiques et non politiques de canaliser les mentalités homophobes et de lutter contre toute forme d’homophobie. Dès lors, lutter contre l’homophobie nous conduit à mener une réflexion quant à l’article 230 du C.P. (Paragraphe 1) à s’interroger sur sa constitutionnalité (Paragraphe 2) et à chercher les pistes d’une réforme pénale afin de dépénaliser l’homosexualité (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : De la peine non-justifiée de l’article 230 du Code pénal Abroger l’article 230 n’est pas suffisant, en effet, tout le Code pénal nécessite une urgente révision, car, un Code pénal qui date de 1913 ne peut être qu’hostile à l’approche des droits humains.368 Ainsi, « dépénaliser ne veut pas dire approuver, 367
Voir le Rapport de l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur
l’orientation sexuelle et l’identité de genre du 19 juillet 2017. A/72/172. Disponible sur : https://www.ohchr.org/EN/newyork/Pages/GA72ndSession.aspx page consultée le 16 juillet 2019. 368
« Le Code pénal est classé parmi les législations qui présentent le plus de contradictions avec la Constitution et
qui est considéré par le mouvement démocratique pour les droits civiques parmi les textes les plus hostiles aux libertés pour plusieurs raisons, dont la principale est que le Code pénal tunisien a été promulgué en 1913 reflétant la philosophie pénale de l’époque, tout en étant influencé par les idées pénales du 19ème siècle et par la troisième
141
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
mais éliminer les aspects injustifiables de la législation pénale»369. De surcroit, la peine d’emprisonnement prévue pour l’acte de sodomie n’est pas justifiée et ce, pour deux raisons : D’une part, l’article 230 est une arme répressive. L’Etat l’utilise pour intimider les personnes homosexuelles (A). De l’autre, en vérifiant ses éléments constitutifs, l’acte de sodomie ne devrait pas être pénalisé (B).
A. L’article 230, une arme répressive Aux interrogations « qui punir », « comment punir », la pénalité moderne préfère pourquoi punir ? Dans un Etat de Droit, la peine a en effet besoin d’être justifiée, d’être rattachée à un ensemble de discours et de valeurs qui lui donne un sens.370 Toutefois, l’article 230 ne répond pas à un ensemble de valeurs mais plutôt, il s’agit d’une arme répressive qui conduit à l’arbitraire des autorités (1), à la banalisation de l’homophobie et de la transphobie (2) ainsi qu’à servir comme prétexte pour faire subir aux personnes homosexuelles des traitements inhumains et dégradants (3).
1. Une arme d’application arbitraire 142
Le fait de prononcer la peine de prison pour une personne homosexuelle ou pour une personne soupçonnée d’avoir commis l’acte de « sodomie » au sens de l’article 230 du C.P. pose deux problèmes : Le premier, à savoir le fait de traiter la personne homosexuelle comme un criminel alors que l’homosexualité relève de la vie privée et intime de l’individu et l’Etat, est interdit de s’y immiscer arbitrairement. En effet, la vie privée est inviolable et l’orientation sexuelle ou l’identité sexuelle en fait partie. Le deuxième se rapporte à la peine ou à la sanction pénale qui se voit injustifiée. De ce fait, un des piliers des droits humains est désormais violé, donc, la peine de l’article 230 s’apparente à une peine « illégale ». Ainsi, on peut conclure que « ce n’est pas par l’illégalité que peut être combattue l’illégalité, mais par une ferme
République française, connue pour son conservatisme draconien et moraliste ». Wahid Ferchichi, Ilef Kassab & Khaled Mejri, Les fiches d’inconstitutionnalité [en langue arabe], Association Tunisienne de défense des libertés individuelles, Tunis, 2017, p. 7. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/publication_fiches_web. pdf page consultée le 20 juin 2019. 369
Cour Européenne des Droits de l’Homme (C. E.D.H), affaire Dudgeon c. / Royaume Uni et Irlande du Nord, 22
octobre 1981, Série A, n° 45. 370
Hugo Cappadoro, Les sens de la peine, L’Harmattan, Paris, 2018, p. 6.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
réaffirmation du respect des droits de l’Homme et de la primauté du Droit371 ». Incontestablement, le Droit pénal doit être au service des droits humains et non pas le contraire, sinon on se retrouve devant un corpus juridique « défaillant ». Par ailleurs, le terme « sodomie » est vague et fait l’objet de plusieurs interprétations. « La sodomie » peut être d’emblée définie selon un critère subjectif qui dépend du référentiel de chaque acteur responsable de l’application de la loi. En effet, « l’application de l’article 230 ne peut être dissociée de l’imprécision fondamentale de la loi elle-même, la définition de la sodomie dépend de la perspective de chaque policier, procureur et juge (...) selon Hayat Jazzar, avocate tunisienne et membre de l’association tunisienne des femmes démocrates, (...) policiers et juges déforment cet article, l’interprétant élastiquement pour en couvrir des éléments au-delà-du texte de la loi.372 » Face à l’interrogation suivante : pourquoi l’article 230 n’a pas sa place dans le C.P. ? Cet article est non conforme à la Constitution du fait que l’application de la peine d’emprisonnement par le juge engendre la violation des droits et libertés. Tout en sachant que la peine est appliquée pour réprimer l’acte commis, dans le cas de l’article 230 la personne homosexuelle est une personne menacée à perpétuité373. Dès lors, ce n’est plus forcément l’acte qui est réprimé, pire encore, c’est l’identité qui est réprimée. Conséquemment, la personne homosexuelle est confrontée à une discrimination généralisée, elle vit dans la crainte constante d’être arrêtée et poursuivie.374 Partant de ce fait, l’article 230 du C.P. devient de facto une arme répressive pour la police qui, même en l’absence de tout rapport sexuel entre personnes de même sexe, peut se baser sur d’autres indices.
371
Régis De Gouttes, « Droit pénal et droits de l’Homme », in Bernard Bouloc & al. la place du Droit pénal dans la
société contemporaine, Dalloz, Paris, 2000, p. 138. 372
Ramy Khouili & Daniel Levine- Spound, Article 230 : une histoire de la criminalisation de l’homosexualité en
Tunisie, Simpact, Tunis, mars 2019, p. 73. 373
Lors d’une interview faite avec Me Mounir Baatour, le Président de l’association Shams. Il a affirmé que le fait
que l’homosexualité soit passible d’emprisonnement, l’homosexuel est condamné à perpétuité. Voir Section II sur l’activisme des associations L.G.B.T. entretien fait le 30 avril 2019. 374
Cf. Amnesty International Tunisie, Communication au Comité des droits économiques, sociaux et culturels O.N.U.,
59e session, (19 septembre-7 octobre 2016), Août 2016, p. 9. Disponible sur : https://www.amnesty.org/en/documents/mde30/4575/2016/fr/ page consultée le 16 juillet 2019.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
D’ores et déjà, le risque de criminalisation de l’acte de « sodomie » qui n’est pas clairement précisé par le législateur, a fait que certains éléments, quoiqu’ils soient légaux (usage de préservatifs), deviennent des moyens de condamnation. D’ailleurs, une personne homosexuelle peut être identifiable à travers des signes extérieurs tels que la tenue vestimentaire. Une fois arrêtée, elle peut faire l’objet d’intimidation et de violence qui demeurent toujours impunies. S’agissant d’un article d’application arbitraire, « un voisin suspicieux, une tenue ou une coiffure apparemment efféminée, une forte dispute qui attire l’attention, un policier particulièrement homophobe ou même une vendetta personnelle peuvent entrainer une peine de prison de trois ans pour sodomie »375. On déduit alors que l’application arbitraire de l’article 230 s’opère a fortiori même en l’absence d’une situation de flagrant délit, c’est-à-dire que les personnes arrêtées n’étaient pas en train d’avoir des relations anales. Au vu de la situation des personnes homosexuelles du fait de l’application de l’article 230, en cas d’agression qui vise des personnes L.G.B.T., aucun texte de loi ne les protège. Dès lors, on peut dire que l’homophobie et la transphobie sont 144
banalisées.
2. Une arme banalisant l’homophobie et la transphobie La criminalisation de l’homosexualité exclut, de facto, les personnes L.G.B.T. de la protection juridique. A cet égard, aucune règle n’est posée pour protéger et assurer le respect des droits des personnes L.G.B.T. Vulnérables, menacées, intimidées, les personnes homosexuelles n’osent pas dénoncer les agressions dont elles font l’objet de peur de se transformer en accusé. Parallèlement, prisonniers d’un vide juridique, les transsexuel-l-es font face à l’incompréhension, la non-reconnaissance et au pire des discriminations et violences. Face à cette situation, la Coalition tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I. dénonce la situation juridique précaire des transsexuel-l-es et des personnes homosexuelles en soulignant « qu’aucune reconnaissance légale ni protection particulière n’est offerte aux personnes transgenres et transsexuelles. L’Etat ne permet pas de changement des documents officiels relatifs à l’identité 375
Ramy Khouili & Daniel Levine- Spound, op. cit., p. 74.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
(Carte d’Identité Nationale, Passeport, extrait de naissance ...) »376. Dans le même rapport, la Coalition tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I. met en évidence l’inégalité du traitement des personnes homosexuelles se traduisant en un accès bloqué à la justice lorsque ces personnes souhaitent porter plainte pour avoir été agressées ou violentées. Ainsi, « un autre élément très important est lié à l’accès à la justice qui reste un problème majeur pour la communauté L.G.B.T.Q.I. en Tunisie. Victimes de plusieurs agressions, violences et intimidations les personnes L.G.B.T.Q.I. en Tunisie ne portent généralement pas plainte sous risque d’être arrêtées et emprisonnées pour homosexualité sur simple délit de faciès. Dans la majorité des cas quand ces personnes se retrouvent face à la police, elles sont contraintes de signer des dépositions erronées sous pression ou menaces des agents de police377. » Dans le même contexte, Amnesty International dénonce les violations des droits des personnes L.G.B.T., en exposant la situation des droits humains en Tunisie.378 Amnesty rappelle à ce stade la discrimination et les dangers que les personnes L.G.B.T. encourent et qui sont liés à l’article 230 du C.P. L’Organisation a relevé que les autorités ne menaient pas d’enquêtes sérieuses sur les crimes homophobes et transphobes. Plutôt que de les protéger, l’Etat ne s’engage pas à interdire certaines pratiques employées par la police qualifiées de torture.
3. Une arme violant la dignité de la personne homosexuelle Ce qui retient l’attention est le fait que l’article 230 du C.P. est non seulement utilisé pour réprimer l’homosexualité, mais devient aussi un instrument de torture. Ainsi, en se basant sur cet article, un médecin légiste mandaté par la police après avoir reçu l’aval du parquet, et le consentement du suspect, soumet ce dernier à un examen anal afin de prouver son homosexualité. Les autorités publiques rajoutent donc « une règle » à cet article afin de condamner et d’humilier les personnes homosexuelles.
376
Rapport de la Coalition tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I., déjà cité, p. 12.
377
ibidem.
378
Amnesty International, Rapport 2015/16 la situation des droits humains dans le monde, pp. 450-451.
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Dès lors, l’action de la police républicaine, qui selon les termes de l’article 19 de la Constitution du 27 janvier 2014, protège les individus dans le respect des libertés et de la neutralité totale, reste paralysée. De même, Amnesty international interpelle les autorités et la société civile sur les examens anaux forcés, en considérant que de tels actes, violent l’interdiction de la torture et des autres formes de mauvais traitements. Elle appelle donc à l’abrogation de l’article 230 du C.P., ainsi qu’à l’interdiction de ces pratiques effectuées par les services de médecine légale pour établir la « preuve » de rapports sexuels anaux entre adultes consentants. 379 Par ailleurs, dans son rapport de 2018, le Collectif Civil pour les Libertés Individuelles présente un ensemble de violations des libertés individuelles qui ont motivé sa création en 2016. En effet, cette synthèse des violations couvre les violations commises sur la base de l’orientation sexuelle et de l’expression de genre. Selon le Collectif, en 2018, 120 procès sur la base de l’article 230 du C.P. ont été recensés.380 146
D’emblée, l’application de l’article 230 viole la dignité humaine et l’intégrité physique des personnes, ouvrant la voie aux perquisitions, saisies des moyens de communications, à la pratique des examens de la honte ; les tests anaux.381 En plus, cette arme répressive viole même la déontologie médicale du fait que le test touche à l’intégrité physique et mentale de l’individu. Dans un communiqué rendu public le 28 Septembre 2015, le Conseil National de l’Ordre des Médecins de Tunisie s’est dit « profondément préoccupé par la condamnation d’un citoyen tunisien pour homosexualité sur la foi d’une expertise médicale » et a affirmé que : « le Conseil, en tant que garant du respect de la déontologie médicale, condamne fermement tout examen médico-légal non consenti ou non justifié, touchant à la dignité et à l’intégrité physique ou mentale de la personne examinée.382 » 379
Amnesty International, Rapport 2015/16 la situation des droits humains dans le monde, pp. 450-451.
380
Le collectif civil pour les libertés individuelles, déjà cité, p. 12.
381
Ibid, p. 7.
382
Coalition tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I., déjà cité, p. 9.
Cf. Le Conseil national de l’Ordre des médecins, communiqué : le consentement dans le cadre de l’expertise médicale, le 3 avril 2017. Dans ce communiqué, l’Ordre considère que les examens anaux portent atteinte à la dignité.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
A ce stade et à l’occasion d’une communication adressée au Comité des droits économiques, sociaux et culturels (C.E.S.C.R.) avant que la Tunisie ne soumette son rapport périodique, Amnesty international recommande de : « mettre immédiatement un terme aux examens forcés imposés aux personnes soupçonnées d’avoir des relations homosexuelles en vue de « prouver » des rapports anaux383. » Au vu des conséquences désastreuses de l’application de l’article 230 du C.P., on procède à une analyse des éléments de l’acte incriminé pour s’interroger sur la victime dans cet acte.
B. La sodomie, un acte incriminé sans victime Parmi les fonctions classiques de la peine, la fonction individuelle, c’est-à-dire que la peine appliquée dissuade le condamné à commettre un nouveau délit.384 Or, l’effet dissuasif de la peine n’a pas de sens dans le cas de l’acte de sodomie. Car, si le délinquant est arrêté pour un acte qu’il a commis, la personne homosexuelle est arrêtée pour ce qu’elle est et non pas forcément pour ce qu’elle a fait. C’est l’identité qui est en question, le Droit pénal condamne dès lors l’identité sexuelle. Sans nul doute, mettre la personne homosexuelle en prison ne va pas la persuader de ne de plus l’être. D’ailleurs, le juge applique cet article même lorsque la personne homosexuelle a été victime de viol ou d’agression physique. Ceci parait-il inconcevable en matière de droits humains car la loi ne traite pas les individus sur un pied d’égalité et les discrimine sur la base de l’orientation sexuelle. Par conséquent, l’incrimination de l’acte de sodomie porte atteinte à l’autonomie personnelle de l’individu (1) et partant du fait qu’il s’agit d’un acte incriminé sans victime, il s’avère que dans plusieurs cas, une incertitude règne quant à la condamnation de l’auteur de l’acte (2). Ipso facto, l’article 230 est illicite pour des raisons se rapportant aux éléments d’incrimination (3).
383
Amnesty international Tunisie, déjà cité.
384
V. Frédéric-Jérôme Pansier, La peine et le Droit, PUF, « Que sais-je ? », Paris, 1994, pp. 44 et ss.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
1. La pénalisation de la sodomie affectant l’autonomie personnelle A priori, les pratiques sexuelles consenties relèvent du libre arbitre des individus. Or, l’Etat peut imposer des mesures contraignantes ou à caractère pénal perçues comme attentatoire à la vie privée dans un souci de protéger les droits d’autrui. C’est dans ce sens que John Stuart Mill défendait l’idée selon laquelle, la seule raison de réprimer des comportements était d’éviter que du tort ne soit fait à autrui, ou à la société. Selon la célèbre formulation de John Stuart Mill, «la seule raison légitime que puisse avoir une communauté civilisée d’user de la force contre un de ses membres, contre sa propre volonté, est d’empêcher que du mal ne soit fait à autrui.385 » Prenons le cas d’une personne qui entretient des rapports sexuels avec une personne de même sexe, si l’acte est commis avec consentement entre les deux personnes, comment est-il possible de nuire à autrui ? Pénaliser l’acte de sodomie peut même remettre en cause la liberté personnelle ou le droit à l’autodétermination. D’emblée, l’Etat ne peut pas pénaliser un acte 148
dans le but de déterminer à la place de l’individu ce qui est bien ou ce qui est mal pour lui. Ainsi, « un Homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou de s’abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela le rendrait plus heureux ou que, dans l’opinion des autres, agir ainsi serait sage ou même juste. Mais pour ce qui ne concerne que lui, son indépendance est, de droit, absolue.386 » À ce titre, le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNCHR) a estimé que l’orientation sexuelle devait relever de l’autodétermination.387 De surcroit, le respect de la vie privée est intimement lié à l’autodétermination, qui consiste à ne pas intervenir dans les choix libres et éclairés des individus, chose qui fut concrétisée à travers plusieurs arrêts de la C.E.D.H.
385
John Stuart Mill, De la liberté, trad. Fabrice Pataut, Presses Pocket, Paris, 1990, p. 39.
386
Ibid, pp. 74-75
387
UNHCR, Principes Directeurs sur la protection internationale n° 9: Demandes de statut de réfugié fondées sur
l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre dans le contexte de l’article 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou de son protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, HCR/GIP/12/09, 23 octobre 2012, para. 4 et 63.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
A titre d’illustration, la C.E.D.H. a constaté dans l’affaire Dudgeon de 1981 que la simple existence de dispositions pénales sur les relations homosexuelles entre hommes, constitue une atteinte à la vie privée du requérant. Ce dernier doit, soit adapter son comportement, ce qui impacte son identité sexuelle (le mode de vie qu’il a choisi), soit poser des actes interdits pour lesquels il peut être poursuivi.388 Là, on parle d’un droit à « une autodétermination en matière sexuelle ». De même, la Cour a également jugé que l’accomplissement « d’actes homosexuels par autrui et en privé peut heurter, choquer ou inquiéter des personnes qui trouvent l’homosexualité immorale, mais cela seul ne saurait autoriser le recours à des sanctions pénales quand les partenaires sont des adultes consentants »389. Empiéter le libre choix des individus sur la base de l’acte de sodomie incriminé a conduit à l’incertitude quant à la condamnation des auteurs de cet acte.
2. L’incertitude quant à la condamnation des auteurs de l’acte incriminé Dans le cadre de l’exercice de l’action publique, la police judiciaire est chargée de constater les infractions.390 Il conviendra aussi de découvrir l’auteur, rassembler les preuves et sanctionner. S’agissant de l’acte de sodomie et plus précisément dans le cas de la sodomie masculine, qui est censée être pratiquée entre deux personnes : l’un joue le rôle d’actif et l’autre joue le rôle du passif391, lors de l’inculpation pour homosexualité, le pénétré est condamné et non le pénétrant. Donc, le juge condamne la sodomie passive et non pas la sodomie active.
Ab initio, le juge se rapproche de la lecture du texte suivante : « le soupçonné de sodomie au sens de l’article 230 du C.P. est condamné lorsque le test anal prouve qu’il a été sodomisé ». Ainsi, le juge applique cet article pour l’homosexualité passive.
388
Cour E.D.H., Dudgeon c. Irlande, 22 octobre 1981, série A, vol. 45, para. 41
Cf. Vladimir Martens (dir.), Citoyenneté, discrimination et préférence sexuelle, Publications des Facultés universitaires St Louis, Bruxelles, 2004, p. 23. 389
Cour E.D.H., Dudgeon c. Royaume-Uni, 22 octobre 1981. Série A n°45. Para 60 Cf. Donna GOMIEN, Short Guide to
the European Convention on Human Rights, Council of Europe, Strasbourg, 2005, p. 85. 390
Article 9 du Code de procédure pénale. J.O.R.T n° 32 du 2 et 6 août 1968.
391
Cour de Cassation, Affaire Criminelle n°7335 du 15 mai 1982, Bulletin de la Cour de cassation 1982, pp. 199-200,
(en arabe). ” إن ثبتت تستلزم وجود طرفني كل منهما مسؤول عما اقترفه ايجابيا أو سلبيا230 “ جرمية الفصل
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
En 2015, deux décisions ont été rendues par deux tribunaux qui condamnent sur la base des résultats du test anal, l’homosexuel passif. Dans un jugement rendu le 10 décembre 2015 par le Tribunal de Première Instance (T.P.I.) de Kairouan, de jeunes garçons ont été condamnés pour homosexualité masculine au sens de l’article 230 du C.P.392 Dans le même sens, dans une décision rendue par le T.P.I. de Sousse, le 22 septembre 2015, un jeune de 22 ans, Marwan (pseudonyme), a été condamné à un an d’emprisonnement pour s’être livré à des activités homosexuelles après avoir été forcé à subir un examen visant à prouver le rapport anal.393 On déduit alors que l’application de cet article est stéréotypée car seulement l’acteur qui subit l’acte est condamné par la justice alors que cette dernière ne s’intéresse pas à l’homosexuel actif. En plus, s’agissant d’un acte sexuel en privé entre deux personnes consentantes, on se demande : Qui est la victime ? Et où est le dommage ? De surcroit, cet article conduit à l’arbitraire des autorités, d’où la vraie victime 150
est la personne arrêtée et condamnée pour un acte qui fait partie de sa vie privée intime. L’analyse du fondement de la criminalisation a ainsi permis de considérer que certains crimes peuvent être mal fondés dans la mesure où ils constituent des « crimes sans dommage »394 (comme l’homosexualité, la sodomie, etc.) ou des « crimes sans victime » (comme l’homosexualité, l’avortement, la consommation de drogues).395 Ainsi, concernant les crimes « illicites à double face », le droit criminel n’était pas capable d’identifier de façon nette dans ces cas un auteur et une victime concrète 392
Tribunal de première instance de Kairouan, affaire n°6782, jugement pénal, 10 décembre 2015 (Non publié).
393
Amnesty international, Tunisie: les victimes accusées: violences sexuelles et violences liées au genre en Tunisie.
Synthèse par Amnesty International, 25 novembre 2015, n° d’index: MDE 30/2827/2015, p. 41. Disponible sur : https://www.amnesty.org/download/Documents/MDE3028142015FRENCH.PDF page consultée le 28 juin 2019. « En septembre 2015, la police judiciaire avait convoqué « Marwan » pour l’interroger après que des agents avaient trouvé son numéro dans le téléphone d’un homme ayant été tué. D’après l’avocat de Marwan, ce dernier a avoué avoir eu des rapports avec l’homme en question après que des policiers l’ont giflé et menacé de le déshabiller et de le violer, ainsi que de l’inculper de meurtre s’il n’avouait pas. Le 11 septembre, Marwan a fait l’objet d’un examen anal forcé au sein du service médicolégal de l’hôpital Farhat Hached de Sousse, à la demande du Tribunal. » 394
Cf.. Herbert Hart, Law, Liberty and Morality, Stanford, Stanford University Press, 1963.
395
Cf. Edwin M. Schur, Crimes without Victims. Deviant Behavior and Public Policy: Abortion, Homosexuality, Drug
Addictions, Englewood Cliffs, New Jersey, Prentice Hall, 1965.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
et distincte du crime »396 Ce n’est ni l’absence de préjudice ou de dommage, ni l’absence de victime qui caractérise le crime illicite à double face, mais bien le fait que le droit criminel soit incapable de distinguer l’auteur et la victime du crime.397 Les crimes illicites à double face, dont fait partie la sodomie, se distinguent par le fait, qu’il n’y a pas d’intention de faire du mal à autrui ou à soi-même, la criminalisation de tels actes étant alors considérée comme une forme de paternalisme juridique, dans la mesure où l’État cherche à protéger l’individu contre lui-même.
3. L’illicéité de l’article 230 Pour démontrer l’illicéité de l’article 230, on part du constat que, le respect des droits humains reste à la base des politiques pénales398 afin de mettre en place un « ordre public démocratique, qui s’exprime par un ensemble de normes de fond que doivent respecter les droits pénaux de tous les Etats pour garantir la protection de la vie, de l’intégrité physique de l’individu, de sa vie privée, personnelle, familiale...399 ». En adhérant à l’approche des droits humains en matière pénale, il parait évident que le Droit pénal doit penser à protéger la victime et à réprimer l’auteur. Partant du fait que l’article 230 se situe dans la sous-section II : « de l’attentat à la pudeur ». On constate que dans les articles de 227 (nouveau) à 229 du Code pénal, on parle de victime. Alors que dans l’article 230, s’agissant d’un rapport sexuel en privé et dont le consentement est l’élément central de l’acte, il parait insignifiant, voire impossible, de parler de victime. Sanctionner ou réprimer relève de l’intérêt de la société. Parallèlement, les dispositions pénales sont édictées dans un souci de protéger l’individu. C’est la raison pour laquelle on pourra dire que le Droit pénal est protecteur des victimes 396
Alvaro P. Pires, La politique législative et les crimes à « double face » : éléments pour une théorie pluridimensionnelle
de la loi criminelle (drogues, prostitution, etc.), Rapport d’expert à l’intention du Comité spécial du Sénat du Canada sur les drogues illicites, 2002. 397
V. Marie-Pierre Robert & Stéphane Bernatchez, « Les théories de la criminalisation à l’épreuve de la prostitution»,
Revue générale de droit, vol. 47, n°1, 2017, pp. 47-76. 398
Cf. John A. E. Vervaele, « Mesures de procédure spéciales et respect des droits de l’Homme. Rapport général »,
Revue internationale de droit pénal, vol. 80, n° 1, 2009, pp. 19-73. 399
Régis De Gouttes, « Droit pénal et droits de l’Homme », in Bernard Bouloc et al. la place du Droit pénal dans la
société contemporaine, Dalloz, Paris, 2000, p. 138.
151
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
des violations des droits humains. Par contre, semble-t-il que l’article 230 ne s’inscrit pas dans cette logique de protéger l’individu, au contraire, l’individu est condamné pour ce qu’il est. Vivre sa sexualité constitue-t-il une atteinte aux droits humains ? Même au nom des valeurs sociales et s’agissant d’une affaire personnelle, la moralité sociale ne peut pas s’ingérer dans la sexualité des personnes. De plus, la loi ne doit pas répondre aux besoins de la majorité mais elle doit être égale pour tous y compris les catégories vulnérables. Dans ce sens, la Cour suprême indienne a affirmé ce principe lorsqu’elle a décidé que la moralité constitutionnelle l’emporte sur la moralité sociale : « [L]’adoption
de la Constitution, était, d’une certaine façon, un instrument ou véhicule pour réaliser la moralité constitutionnelle et un moyen de combattre la moralité sociale dominante de l’époque400.» En outre, l’article 230 criminalise l’acte de sodomie s’il ne rentre dans aucun des cas prévus aux articles précédents. C’est-à-dire que l’acte de sodomie est exercé entre adultes consentants et sans violence. Alors que les actes pénalisés par les 152
articles de 227 (nouveau) jusqu’à 229 constituent des actes « de l’attentat à la pudeur » avec ou sans violence et/ou lorsqu’il s’agit d’un.e mineur.e. Selon l’article 227 nouveau : « Le consentement est considéré comme inexistant lorsque l’âge de la victime est au-dessous de seize (16) ans accomplis ». Rappelons que l’article 227 (nouveau)401 prévoit : « Est considéré viol, tout acte de pénétration sexuelle, quelle que soit sa nature, et le moyen utilisé, commis sur une personne de sexe féminin ou masculin sans son consentement. L’auteur du viol est puni de vingt ans d’emprisonnement ». Par analogie à l’article 227 (nouveau), si la personne homosexuelle était victime d’un viol on ne peut pas la condamner sur la base de l’article 230 mais il faut plutôt condamner le violeur sur la base de l’article 227 (nouveau). Par conséquent, la personne homosexuelle est victime de la police qui l’arrête, de la justice qui la condamne, et de la société qui la stigmatise. 400
The Supreme Court of India, Navtej Johar v. Union of India, criminal original jurisdiction writ petition
(criminal) n° 76 of 2016. Disponible sur : https://www.sci.gov.in/supremecourt/2016/14961/14961_2016_Judgement_06-Sep-2018.pdf page consultée le 17 juillet 2019. 401
Loi organique n° 2017-58 du 11 août 2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes. J.O.R.T.
n°65 du 15 août 2017, p. 2604.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
A fortiori, Lutter contre la criminalité ne donne pas à l’Etat le droit d’empiéter sur les droits des individus. La loi pénale doit ainsi être un outil de répression et non pas un outil de vengeance ou d’imposition d’un mode de vie normatif. En s’inspirant de l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis qui a déclaré inconstitutionnelles les lois anti-sodomie, jugeant que « le gouvernement n’a pas sa place dans les chambres à coucher des adultes consentants, qu’ils soient gays ou hétéros402 », les autorités tunisiennes doivent s’interdire de s’occuper de ce qui se passe dans les domiciles des individus. A contrario, ceci constituera une atteinte à l’inviolabilité du domicile. Pansier parle de la « décadence de la peine403 », cette dernière lorsqu’elle ne répond plus au principe de la nécessité, elle devient inutile et rend la criminalisation du comportement illégitime. En parlant de l’homosexualité, ne pas la reconnaitre ni socialement ni juridiquement a engendré de l’homophobie. En effet, si l’homosexualité ou l’hétérosexualité sont des constructions sociales inscrites dans un espace socio-culturel déterminé, l’homophobie est une réaction à toute tentative de déconstruction de l’unique modèle légitime. D’où la nécessité de passer de la répression de l’homosexualité à la répression de l’homophobie404.
Grosso modo, « toute peine qui ne dérive pas de la nécessité est tyrannique. La loi n’est pas pur acte de puissance, les choses indifférentes par leur nature ne sont pas de son ressort405 ». Le cas contraire, la loi pénale serait inconstitutionnelle.
402
La Cour Suprême des Etats-Unis, Lawrence v. Texas (02-102) 539 U.S. 558 (2003) 41 S. W. 3d 349.
403
Frédéric- Jérôme Pansier, La peine et le Droit, PUF, « Que sais-je ? », Paris, 1994, p. 29.
404
Yvorel Jean-Jacques, « De la répression de l’homosexualité à la répression de l’homophobie », Les Cahiers
Dynamiques, 2011/2, n° 51, pp. 101-107. 405
Montesquieu, De l’esprit des lois, XIX, p. 14.
153
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Paragraphe 2 : De l’inconstitutionnalité de l’article 230 du Code pénal La pénalisation de l’homosexualité, ou cette règle juridique « homophobe », est en contradiction avec la Constitution de 2014 ainsi qu’avec le Droit international des droits humains. En se référant au préambule de la Constitution, les constituants rappellent l’attachement aux enseignements de l’Islam et ses fins caractérisées par l’ouverture et la modération, les valeurs humaines et les principes universels des droits humains. D’abord, l’ouverture et la modération supposent l’élimination de toute peine qui viole la dignité et la liberté de l’individu, c’est-à-dire adopter une lecture moderne de ce que le préambule appelle « enseignements de l’Islam »406. Ensuite, les valeurs humaines et les principes universels407 exigent le respect de la dignité, la liberté et l’égalité, tel qu’il est prévu par la Déclaration universelle des droits de l’Homme : « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits »408. 154
Par conséquent, il parait urgent d’attirer l’attention des autorités sur le fait que l’article 230 n’a plus sa place dans le Code pénal. Car, malgré les progrès réalisés depuis la chute du Régime en 2011 et après l’adoption d’une Constitution libérale qui garantit la liberté d’expression et d’association, les personnes homosexuelles se voient leurs droits constitutionnels violés (A). On pourra même dire que l’article 230 viole également les restrictions apportées aux droits et libertés (B).
406
Quoique l’expression « les enseignements de l’Islam » semble incompatible avec la reconnaissance de certains
droits et libertés. D’abord, lors de la rédaction de la Constitution, la référence à l’universalité des droits humains a été omise Ensuite, en lisant cette expression, la première impression est que la Constitution s’adresse uniquement aux citoyens musulmans. 407
L’article 5 de la Constitution du 1er juin 1959, était plus clair et complet par rapport à la référence aux droits
humains dans la Constitution de 2014. Cet article mentionne expressément et explicitement les caractéristiques des droits humains. « La République Tunisienne garantit les libertés fondamentales et les droits de l’Homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et interdépendante ». 408
Article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
A. De la violation des droits et libertés L’article 230 du C.P. est sans nul doute une disposition inconstitutionnelle et non conforme aux dispositions des conventions internationales dûment ratifiées par la Tunisie, tel qu’il est confirmé par l’article 20 de la Constitution « les conventions approuvées par le Parlement et ratifiées sont supérieures aux lois et inférieures à la Constitution. » De surcroit, cet article pose plusieurs problèmes juridiques qui ont pour conséquence la violation des droits et libertés garantis par la Constitution de 2014. Ainsi, l’article 230 viole les dispositions constitutionnelles suivantes : le nonrespect de la vie privée (1), l’interdiction de la torture (2), l’égalité devant la justice (3), le principe de non-discrimination et l’égalité devant la loi (4).409
1. Le respect de la vie privée, personnelle et intime de l’individu Le non-respect de la vie privée constitue une immixtion ou une ingérence arbitraire. Une expression absente dans le texte de la Constitution de 2014 (article 24) qui parle uniquement de la protection de la vie privée par l’Etat.410 155
En effet, l’Etat doit s’interdire de toute immixtion arbitraire dans la vie privée des individus. Par ailleurs, la vie privée englobe la vie intime et sentimentale ainsi que la vie personnelle, conjugale et familiale. La personne homosexuelle se heurte dans ce cadre à des intrusions dans sa vie privée qui peuvent porter atteinte à son honneur et à son droit à la discrétion.411 En toute connaissance de cause, l’article 230 dont les dispositions ne sont pas claires et qui répriment un acte qui touche à la vie privée d’une personne homosexuelle peut engendrer une immixtion qualifiée d’arbitraire. 409
V. Wahid Ferchichi, « L’homosexualité en droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique », in Monia
Lach`heb & Eric Fassin (dir.), Être Homosexuel au Maghreb, IRMC- Karthala, Paris, 2016, p. 187 et ss. Cf, Wahid Ferchichi, Ilef Kassab & Khaled Mejri, op. cit., p. 54 et ss. 410
Article 24 de la Constitution de 2014, « L’État protège la vie privée (…) ».
Article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ». ، وحيد الفرشيشي ونزار صاغية، في،» بين تجريم القانون الجزائي و حق احترام الحياة الخاصة: «الجنسية المثلية في القانون التونسي:وحيد الفرشيشي
411
.71. ص،2009 ، بيروت، تقرير من إعداد جمعية حلم، دراسة عامة عن قوانين الدول العربية مع تقريرين عن لبنان و تونس: العالقات المثلية في قوانين العقوبات 30 ، المفكرة القانونية،» واالتفاقيات الدولية المصادق عليها2014 من المجلة الجزائية التونسية ألحكام دستور230 » في عدم مطابقة الفصل:وحيد الفرشيشي .2019 جويليةhttp://legal-agenda.com/article.php?id=1234 17 .2015 سبتمبر
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Dans ce cas, on considère qu’une loi est particulièrement intrusive dans la vie privée des individus, lorsqu’elle prévoit des dispositions qui mettent en danger l’identité des personnes homosexuelles. Ceci a été affirmé par la coalition tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I. en considérant que «l’application de l’article 230 est inéluctablement une transgression du droit à la vie privée des citoyen(e)s tunisien(e)s412». Ainsi, ces lois sont non-conformes à l’obligation qui incombe à l’Etat de respecter la discrétion et l’intimité des individus. Le juge Kennedy a écrit, à ce propos, dans la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis (C.S.E.U.), Lawrence contre Texas que : « La liberté protège la personne de l’intrusion injustifiée de l’Etat dans le domicile
ou autres endroits privés. Dans notre tradition l’Etat n’est pas omniprésent dans le domicile. Il existe d’autres sphères de nos vies et de notre existence, en dehors de la maison, où l’Etat ne pourra pas être toujours présent (...) la liberté inclut aussi tout comportement intime »413. A cet effet, le risque de criminalisation de l’acte de « sodomie » qui n’est pas 156
clairement précisé par le législateur, a fait que les autorités utilisent un moyen de preuve qui est toutefois considéré comme illégal (examen anal), car il porte atteinte à l’intégrité physique.
2. L’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants Lors de l’examen du troisième rapport périodique soumis par la Tunisie en 2016, le Comité des Nations Unies contre la torture a condamné l’utilisation d’examens anaux forcés destinés à trouver des « preuves » contre des personnes accusées d’homosexualité.414
Coalition tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I., déjà cité, p. 6.
412 413
La Cour Suprême des Etats-Unis, Lawrence v. Texas (02-102) 539 U.S. 558 (2003) 41 S. W. 3d 349. “Liberty protects
the person from unwarranted government intrusions into a dwelling or other private places. In our tradition the State is not omnipresent in the home. And there are other spheres of our lives and existence, outside the home, where the State should not be a dominant presence. Freedom extends beyond spatial bounds. Liberty presumes an autonomy of self that includes freedom of thought, belief, expression, and certain intimate conduct. The instant case involves liberty of the person both in its spatial and more transcendent dimensions.” 414
Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de la Tunisie (CAT/C/TUN/3) et le rapport
complémentaire comportant des données actualisées (CAT/C/TUN/3/Add.1), à ses 1398e et 1401e séances, les 19 et 21 avril (CAT/C/SR.1398 et 1401), et a adopté les observations finales à ses 1420e et 1421e séances, le 6 mai 2016.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Il a, en outre, exprimé ses préoccupations que « les personnes soupçonnées
d’être homosexuelles sont contraintes de subir un examen anal, ordonné par un juge et réalisé par un médecin légiste, destiné à prouver leur homosexualité ». Le Comité a noté que si les suspects peuvent, en théorie, refuser de subir les examens, nombre d’entre eux acceptent seulement « sous la menace de la police, arguant que le refus de donner leur consentement serait interprété comme une incrimination ». Dans le même contexte, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a, également, déclaré que les examens anaux forcés peuvent être assimilés à de la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant : « Les femmes, les filles et les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres sont particulièrement exposés à la torture et aux mauvais traitements lorsqu’ils sont privés de liberté, que ce soit dans des structures relevant du système de justice pénale ou dans d’autres contextes415. » Une situation à l’opposé du principe de l’intégrité physique ou de l’inviolabilité du corps humain prévu par l’article 23 de la Constitution qui dispose que : « L’Etat
protège la dignité de l’être humain et son intégrité physique, et interdit la torture morale et physique. Le crime de torture est imprescriptible ». Conséquemment, cet examen médical est en contradiction avec l’article 23 de la Constitution de 2014, pour son incertitude, insuffisance et immoralité en tant que moyen de preuve. Dès lors, il pourrait être assimilé aux actes de torture au sens de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants416, ce qui remet en cause la protection de la dignité et de l’intégrité constitutionnellement reconnues à toute personne et protégées à ce titre.
415
Conseil des droits de l’Homme des Nations-Unis, Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, 31ème session, A/HRC/315 ,57/ janvier 2016, p. 6 et ss. 416
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée le 10
décembre 1984. Ratifiée par la loi n°88-79 du 11 septembre 1988, JORT n°48 des 12/15 juillet 1988, publiée par le décret n°1800-1988 du 20 octobre 1988, JORT n°72 du 25 octobre 1988. Décret-loi n° 2011-5 du 19 février 2011, portant approbation de l’adhésion de la République Tunisienne au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants, pp. 181-182. Notons que la Tunisie a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui autorise le Sous-comité de la prévention de la prévention de la torture et autres organismes internationaux et nationaux indépendants à effectuer des visites régulières, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
157
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Une fois qu’ils révèlent leur identité, les personnes homosexuelles sont poursuivies en justice et ne bénéficient pas souvent de leur droit à un procès équitable.
3. Le droit à un procès pénal équitable Une fois comparu devant la justice, la personne homosexuelle n’est pas traitée de manière égale aux personnes comparues pour d’autres motifs. D’emblée, elle est condamné sur la base d’une preuve illégale et imprécise et plus particulièrement, sur la base d’un moyen de preuve qui ne respecte pas les droits humains. A la lumière de l’article 102 de la Constitution, la magistrature est en charge de garantir la protection des droits et libertés. Ainsi, « la célèbre formule de Robert Badinter et de Marceau Long, selon laquelle "les tribunaux judiciaires sont les gardiens de la liberté individuelle" (...) montre l’importance de la fonction judiciaire en matière des libertés publiques.417 » La justice est a fortiori une garantie qui élimine toute sorte d’abus afin d’éviter l’arbitraire des autorités publiques ou la violation des droits d’autrui par des 158
particuliers. Au vu de ce manque de clarté du texte criminalisant l’acte de « sodomie », le juge judiciaire applique l’article 230 d’une façon stéréotypée en puisant de sa culture conservatrice. De ce fait, lors de l’inculpation pour homosexualité, le pénétré est condamné et non le pénétrant. Donc, le juge condamne la sodomie passive et non pas la sodomie active. Le juge se rapproche de la lecture du texte suivante : « le soupçonné de sodomie au sens de l’article 230 du C.P. est condamné lorsque le test anal prouve qu’il a été sodomisé ». Le juge applique cet article pour l’homosexualité passive. Ainsi, en s’éloignant des principes de la neutralité, l’impartialité et l’égalité devant la justice, le juge met en oeuvre des concepts préétablis, dictés par la culture dominante et se base sur certaines circonstances pour condamner les personnes soupçonnées d’avoir commis l’acte de sodomie.
417
Neji Baccouche, « La justice comme nécessaire garant des libertés », in Justice et démocratie, Actes du colloque
organisé à Limoges les 21-22 novembre 2002, Presses Universitaires de Limoges, Limoges, 2003, p.178.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
A titre d’exemple, dans un jugement rendu le 10 décembre418 2015 par le Tribunal de Première Instance (T.P.I.) de Kairouan419, les expressions étaient utilisées dans un sens stéréotypé, qui émane d’un répertoire conservateur et religieux selon lequel l’homosexuel est forcément efféminé.420 Pour appuyer sa qualification, le juge affirme dans le même jugement que des robes ont été trouvées parmi les objets saisis par la police, « prévoyant les actes pervers pour lesquels les accusés se sont réunis. »
4. Le principe de non-discrimination et l’égalité devant la loi Parmi les principes constitutionnels que l’article 21 de la Constitution pose : Le principe de non-discrimination et l’égalité devant la loi. La discrimination est toute « distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, ou sur le sexe, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.421 Quoique l’article 21 ne prévoit pas les motifs de la discrimination, le fait que le texte s’exprime en termes généraux permet d’y inclure toute autre forme de discrimination et ce, conformément aux instruments internationaux des droits humains ratifiés par la Tunisie. Même si ces instruments ne mentionnent pas la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, il est évident que l’expression « de toute autre situation » employée dans le paragraphe 1er de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques aurait pu être utilisée pour intégrer toutes les nouvelles formes de discrimination.422
418
En 1950 la journée du 10 décembre fut proclamée Journée internationale des Droits de l’Homme.
419
Tribunal de première instance de Kairouan, affaire n°6782, déjà cité, p. 5.
“كذلك تم العثورعلى فساتين نساء تنبئ عن األفعال الشاذة التي تجمع ألجلها.” “اعترف أنه مثلي ولوطي وأنه يحس أن الهرمونات األنثوية بجسده تغلب عليه420 Ibid , p. 4 .“ المتهمون 421
Cf. Comité des Droits de l’Homme des Nations-Unies, Observation générale n°18 non-discrimination, Trente-
septième session, 10 novembre 1989, HRI/GEN/1/Rev.9 (Vol. I) ; Danièle Lochak, « La notion de discrimination », Confluences Méditerranée, n°48, hiver 2003-2004, p. 13. 422
Cf. Salwa Hamrouni, « L’orientation sexuelle en Droit international », in Wahid Ferchichi (dir.), Le corps dans
toutes ses libertés, Association Tunisienne de Défense des libertés individuelles (ADLI), Tunis, 2017, pp. 158-168. Disponible
sur :
http://www.adlitn.org/sites/default/files/le_corps_dans_toutes_ses_libertess_adli_2017.pdf
(page consultée le 17 juillet 2019)
159
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Dans son observation générale numéro 20, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies explique que « [l]es Etats parties devraient veiller à ce que l’orientation sexuelle d’une personne ne soit pas un obstacle à la réalisation des droits consacrés par le pacte, par exemple s’agissant de l’accès au droit à la pension de réversion423. »De plus, l’article 230, en criminalisant la sodomie (l’homosexualité masculine et féminine selon la version arabe) exerce une exclusion et/ou une restriction sur la base de l’orientation sexuelle qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits humains. D’abord, la personne homosexuelle est traitée comme un criminel. Cela s’explique par le fait que, l’existence même des personnes homosexuelles est considérée comme une menace. Ainsi, ces personnes sont mises à l’écart, et discriminées par la loi pénale qui ne traite pas de la même façon l’orientation hétérosexuelle et homosexuelle. Ainsi, la discrimination qui découle de cet article est une discrimination sociale qui consiste à réduire l’humanité d’un individu à l’une de ses particularités 160
personnelles. Dès lors,
l’homosexuel est cantonné dans « une réduction
identificatoire discriminante »424. Ensuite, les droits des personnes homosexuelles ne doivent pas être déniés ou restreints pour des raisons qui font souvent appel aux préjugés. En le mettant en prison, on supprime la liberté de la personne homosexuelle qui est incarcérée indirectement pour ce qu’elle est et non pas pour ce qu’elle a fait. En sortant de la prison cette personne ne redeviendra pas hétérosexuelle.
Quant à l’égalité devant la loi, elle signifie l’égalité de traitement devant les tribunaux et dans l’administration de la loi, non pas dans la loi elle-même.425 Si tous les êtres humains sont égaux en dignité, en humanité, ils sont égaux en droits aussi. De même, si la loi ne traite pas sur un pied d’égalité toutes les personnes, c’est qu’elle considère que certaines sont moins humaines que les autres pour des raisons sociales, religieuses ou autres. L’article 230 est 423
Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations -Unies, observation générale no 20 relative à la
non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, 2009, para. 32. 424
Ginette Pelland, L’Homophobie: Un comportement hétérosexuel contre nature, Québec Amérique, Montréal,
2005, passim. 425
Hans Kelsen, Théorie pure du Droit, (traduction Charles Eisenmann), Dalloz, Paris, 1962, p. 190.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
indéniablement, une disposition qui réduit l’humanité de la personne, car elle ne garantit pas l’égalité de traitement. Sans qu’une contradiction soit apportée, l’article 230 est inconstitutionnel. De ce fait et afin d'éviter une immixtion arbitraire de l'Etat dans la vie sexuelle des personnes homosexuelles ainsi que toute sorte de traitement inégal, on peut évoquer l'article 49 de la Constitution qui prévoit que les restrictions apportées aux droits et libertés garanties par la Constitution doivent répondre à certaines conditions.
B. La violation des restrictions relatives aux droits et libertés L’article 49 de la Constitution de 2014, pose le cadre susceptible de limiter les droits et libertés constitutionnellement protégés en prévoyant que : « Sans porter atteinte à leur substance, la loi fixe les restrictions relatives aux droits et libertés garantis par la Constitution et à leur exercice. Ces restrictions ne peuvent être établies que pour répondre aux exigences d'un État civil et démocratique, et en vue de sauvegarder les droits d'autrui ou les impératifs de la sûreté publique, de la défense nationale, de la santé publique ou de la moralité publique tout en respectant la proportionnalité entre ces restrictions et leurs justifications. »426 Le cadre doit répondre à deux conditions : d’une part la nécessité (1) pour répondre à la question suivante : « la pénalisation de l’homosexualité est-elle nécessaire dans un Etat civil et démocratique ?427 ». D’autre part, la proportionnalité de la restriction à l’objectif recherché (2).
1. L’article 230 à la lumière du principe de la nécessité Conformément à l’article 49 de la Constitution, les « restrictions ne peuvent être établies que pour répondre aux exigences d’un État civil et démocratique ».
Ab initio, dans un Etat civil et démocratique on cherche aussi à instaurer une société démocratique. A cet égard, la C.E.D.H. établit que les caractères essentiels de la société démocratique tels qu’ils sont envisagés dans la Convention sont : le
وما80 . ص،2017، المؤسسة الدولية للديمقراطية واالنتخابات تونس، من الدستور التونسي49 ضوابط الحقوق والحريات تعليق على الفصل،خالد الماجري426 Cf. .يليها 427
Wahid Ferchichi, « L’homosexualité en droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique », déjà, cité., p. 187.
161
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture.428 Toutefois, une loi (l’article 230 du C.P.) qui s’immisce dans les sexualités des individus en pénalisant l’homosexualité, ne répond pas aux exigences d’un État civil et démocratique, c’est-à-dire au principe de la nécessité. En plus, une condition sine qua non pour un Etat démocratique est de respecter les libertés individuelles. Or, en pénalisant l’homosexualité, l’Etat ne respecte pas les personnes homosexuelles. Certes, dans les pays arabes et musulmans, la définition du bien et du mal se base sur la loi divine. En Tunisie, et quoique la Constitution fasse référence à l’Islam, la politique pénale de l’Etat n’est pas dirigée par la loi divine, mais plutôt par le Droit positif, dans le cadre d’un Etat civil, au sens de l’article 2 de la Constitution de 2014. Ceci confirme la raison pour laquelle les constituants renvoient à l’article 2 de la Constitution pour déterminer les restrictions apportées aux libertés tel qu’il est précisé par l’article 49.
A priori, la pénalisation de l’homosexualité nous laisse déduire que l’article 230 prime la société sur l’individu. Résultat : les personnes homosexuelles ne pourront 162
plus jouir des droits constitutionnellement garantis. Dans ce contexte, on cite un exemple comparé à travers la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de l’Afrique du sud qui prime l’individu sur la société. A cet égard, elle consacre les droits fondamentaux même au détriment de la culture majoritaire qui rejette l’homosexualité. Cette position a été mise en exergue dans l’affaire Gay National Coalition429 dans laquelle la Cour a jugé contraire à la Constitution la règle de common law qui criminalise l’homosexualité. Toujours dans le même contexte des approches affirmant l’incompatibilité entre la pénalisation de l’homosexualité et les valeurs d’une société démocratique. En France, Robert Badinter devant l’Assemblée Nationale réclame que : « l’Assemblée sait
quel type de société, toujours marquée par l’arbitraire, l’intolérance, le fanatisme ou le racisme a constamment pratiqué la chasse à l’homosexualité. Cette 428
Javier Tajadura Tejada, « La doctrine de la Cour européenne des droits de l’Homme sur l’interdiction des partis
politiques », Revue française de droit constitutionnel, vol. 90, n° 2, 2012, pp. 339-371. 429
La Cour constitutionnelle de l’Afrique du sud, National Coalition for Gay and Lesbian Equality and Another v.
Minister of Justice and Others, 1998 (12) BCLR 1517 (CC), 1999 (1) SA 6 (CC), para. 9.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
discrimination et cette répression sont incompatibles avec les principes d’un grand pays de liberté comme le nôtre430. » Par ailleurs, l’article 230 est incompatible avec la société démocratique, car il vide les libertés de leur essence, tel est l’effet de la pénalisation de l’homosexualité. Ainsi, l’article 49, en conférant au législateur le pouvoir de fixer des restrictions aux libertés, pose la condition de ne pas « porter atteinte à leur substance ».
A fortiori, la substance ou l’essence même de la liberté personnelle doit rester intacte. Du premier coup, l’essence de la liberté doit être préservée, puisqu’il s’agit inéluctablement de son contenu minimal sans lequel elle n’a plus guère de sens. A titre d’exemple, menant sa vie sexuelle et intime sous peine d’être emprisonné constitue une atteinte à la substance de la liberté et une violation de la dignité de la personne homosexuelle. Parallèlement, faire subir à la personne homosexuelle l’examen anal forcé viole la dignité humaine puisque cette dernière représente le contenu minimal de l’interdiction de la torture. De même, le caractère universel et spécifique des droits humains provient de l’essence humaine. De ce fait, « il n’y a pas de distinction de culture possible quand il s’agit du respect des droits fondamentaux de l’Homme. Celui qu’on torture souffre de la même façon quel que soit le continent ou le pays dont le régime l’accable. »431 Ayant déjà admis que l’article 230 traduit une immixtion dans la vie privée et intime des personnes homosexuelles par le biais de l’article 230. Et afin d’éviter que l’ingérence devienne arbitraire, non seulement elle devrait être prévue par une loi, mais, elle doit être aussi motivée ou raisonnable. L’expression raisonnable équivaut à la condition de la nécessité en cas de dérogation à une quelconque liberté. D’ailleurs, le Droit international des droits humains impose des conditions qui doivent être réunies pour que les droits individuels soient restreints432. Dans le 430
Première session ordinaire de 1981-1982 (151e séance) compte rendu intégral 2ème Séance du Dimanche 20
décembre 1981, Journal Officiel de la République Française du 21 décembre 1981, page 5367 et suivantes. 431
Robert Badinter, droits de l’Homme et relations Nord-Sud, l’Harmattan, Paris, 1985, p. 126.
432
Exemple : article 29 de la D.U.D.H.
« (2) Dans l’exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique. (3) Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies. »
163
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
cas du non-respect de ces conditions, on risque de voir ces libertés sacrifiées à d’autres concepts souples et susceptibles d’être interprétés de plusieurs manières comme ceux de la sûreté publique, de la défense nationale, de la santé publique ou de la moralité publique.433
2. L’article 230 à la lumière du principe de proportionnalité Le principe de proportionnalité a été abordé par le Comité des droits de l’Homme dans son observation générale relative à la liberté de circulation : « Le paragraphe 3 de l’article 12 indique clairement qu’il ne suffit pas que les restrictions servent les buts autorisés; celles-ci doivent être également nécessaires pour protéger ces buts. Les mesures restrictives doivent être conformes au principe de la proportionnalité; elles doivent être appropriées pour remplir leurs fonctions de protection, elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché et elles doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger. Le principe de la proportionnalité doit être respecté non seulement dans la loi 164
qui institue les restrictions, mais également par les autorités administratives et judiciaires chargées de l’application de la loi. Ainsi, « les États devraient veiller à ce que toute procédure concernant l’exercice de ces droits ou les restrictions imposées à cet exercice soit rapide et que les raisons justifiant l’application de mesures restrictives soient fournies434. » S’agissant de l’application de l’article 230 par les autorités compétentes et afin d’éviter une immixtion arbitraire de l’Etat dans la vie sexuelle des personnes homosexuelles, toute immixtion, devrait respecter le principe de proportionnalité et de nécessité pour répondre aux exigences d’un État civil et démocratique tel que prévu par l’article 49 de la Constitution. Là on parle d’un équilibre entre les limites apportées à la liberté et les intérêts à protéger, de telle manière que la liberté ne soit pas vidée de son essence. Dans ce sens, la Cour de justice des communautés européennes en appliquant le principe de proportionnalité parle d’un « juste équilibre » entre les exigences d’un .84- 83 .ص. ص، تم ذكره،خالد الماجري433 434
Comité des droits de l�Homme, Observation générale, n°27, Liberté de circulation (art.12), U.N. Doc. CCPR/C/21/
Rev.1/Add.9 (1999). Para. 14 et 15.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
intérêt général et les impératifs du respect des droits humains fondamentaux.435 D’abord, le cas dans lequel l’intérêt général est menacé si l’acte de « sodomie » est pratiqué en public ou sans consentement entre personnes de même sexe ou de sexe opposé. Cependant, c’est, souvent, l’intérêt individuel qui est menacé, quand les policiers brisent l’intimité des personnes homosexuelles en fouillant leurs téléphones portables ou les discussions sur les réseaux sociaux car soupçonnées d’avoir commis l’acte de « sodomie ». Dès lors, l’équilibre entre les exigences et les buts des restrictions est absent. Incontestablement, l’article 230 ne répond pas à la condition de la proportionnalité. Ensuite, négliger l’intérêt individuel n’est pas au service de l’intérêt général, car, si un droit est violé, cela engendre la violation des autres droits, puisque les droits humains sont interdépendants.
In fine, l’article 230 ouvre la voie aux abus des autorités publiques. De ce fait, criminaliser l’homosexualité n’est pas au service de l’intérêt général. Néanmoins, criminaliser les pratiques sexuelles entre personnes de même sexe crée une réaction sociale négative (l’homophobie) et crée un terrain favorable au chantage et aux harcèlements et menaces. D’où l’urgence de la révision de la politique pénale.
435
Guy Braibant, « De la Convention européenne des droits de l’Homme à la Charte des droits fondamentaux »,
in Libertés, justice, tolérance, volume 1, Mélanges en hommage au Doyen Gérard Cohen-Jonathan, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 327- 333.
165
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Paragraphe 3 : Une urgente révision de la politique pénale Tout d’abord, nous entendons par le terme « politique pénale » dans le cadre de cette étude: « l’ensemble des procédés par lesquels le législateur organise la réponse contre le phénomène criminel.436 » Quant à l’expression « matière pénale », que nous utilisons dans cette étude, elle est plus large que le terme « Droit pénal » car, elle englobe : le Droit pénal, la procédure pénale et le Droit de la peine.437
Ensuite, la dépénalisation doit passer par une réforme pénale. Dès lors, la révision va aboutir soit à avoir une législation pénale qui protège les libertés individuelles ou à celle qui protège la morale et les valeurs sociales dominantes (B). En outre, le Code pénal tunisien qui date de 1913 n’est plus ajusté à la réalité sociale ni aux changements internationaux en matière de droits humains. D’emblée, ce Code ne répond pas aux aspirations de la Constitution post- révolutionnaire basée sur la dignité humaine (A). 166
A. Une politique pénale garantissant la dignité humaine En premier lieu, la dignité humaine a investi le Droit en général, et plus particulièrement, en matière de procédure pénale. De ce fait, l’intégration des garanties de l’accusé dans un procès pénal est, immanquablement, le reflet de cette notion. De plus, le respect de la dignité humaine est une notion de base en matière pénale438. Par conséquent, cette dernière épouse les principes fondamentaux des droits humains dont la dignité. Par la suite, la place de la dignité en matière de droits humains permet d’affirmer sa conceptualisation en Droit surtout lorsque les instances juridictionnelles 436
Les termes « politique pénale et politique criminelle » sont souvent utilisés aléatoirement sans distinction dans
le cadre des études de science criminelle. Mais, il semble que selon les différentes définitions doctrinales du terme « politique criminelle » que celle-ci est plus large que la « politique pénale », car la « politique criminelle » englobe l’activité de tous les acteurs institutionnels et pas uniquement les procédés répressifs. Cf. Mireille Delmas-Marty, Les grands systèmes de politique criminelle, PUF, Paris, 1992. 437
Paul Laurent, L’incohérence des lois de circonstances en matière pénale, Editions L’Harmattan, Paris, 2018, p. 16.
438
François Borella, « Le concept de dignité de la personne humaine », in Ethique, droit et dignité de la personne,
Mélanges Christian Bolze, Paris, Economica, 1999, pp. 29‐38. Madjid Benchickh, « La dignité de la personne humaine en Droit international », in Marie‐Luce Pavia et Thierry Revet (dir.), La dignité de la personne humaine, Economica, Paris, 1999, pp. 37‐52.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
mettent en oeuvre ce principe.439 Selon l’article 21 de la Constitution, l’Etat s’engage à garantir aux individus une vie digne, d’où, la consécration du principe constitutionnel de présomption d’innocence et des droits accordés à la personne arrêtée ou détenue « humanise » le déroulement du procès pénal et c’est là où le principe de la dignité humaine est respecté.440 Il en découle que le droit à un avocat, lors de l’interrogatoire pendant la garde à vue441 est primordial afin d’éviter tout dépassement par les autorités. Essentiellement et dans le but de garantir la bonne application de la loi et le droit effectif à un avocat, ASF et l’Ordre National des Avocats de Tunisie ont formulé des recommandations concernant l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue442. On citera des exemples de ces recommandations :
- Recommandations aux avocats et aux structures professionnelles Établir des listes de permanence comportant toutes les informations nécessaires, en remplissant un formulaire unique au niveau de l’ordre national des avocats, qui comporte le nom de l’avocat, ses adresses professionnelles et personnelles précises et ses coordonnées (Numéro du téléphone fixe et portable, numéro du fax et courrier électronique) et en précisant les postes de police auprès desquels il peut intervenir durant la nuit (de 18 heures à 8 heures du matin) et ceux auprès desquels il peut intervenir durant le reste de la journée et pendant les vacances et les jours fériés, et pendant l’été. 439
Cf. Elizabeth Zoller, « La dignité de la personne humaine dans la jurisprudence de la Cour suprême des États-
Unis», Revue générale du droit Etudes et réflexions, n° 4, 2014, pp. 1-19. 440
Article 27 de la Constitution de 2014: « Tout inculpé est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité,
au cours d’un procès équitable qui lui assure toutes les garanties nécessaires à sa défense en cours de poursuite et lors du procès. » ; Article 29 : « Aucune personne ne peut être arrêtée ou détenue, sauf en cas de flagrant délit ou en vertu d’une décision judiciaire. Elle est immédiatement informée de ses droits et de l’accusation qui lui est adressée. Elle a le droit de se faire représenter par un avocat. La durée de l’arrestation ou de la détention est fixée par loi. » 441
« Si le gardé à vue ou l’une des personnes mentionnées à l�alinéa premier du présent article désigne un avocat
pour l’assister lors de son interrogatoire, ce dernier est informé par l’officier de police judiciaire sans délai par tout moyen laissant une trace écrite, de la date de l’interrogatoire de son client et l’objet de l’infraction qui lui est imputée, et dans ce cas, il ne peut être procédé à l’interrogatoire ou aux confrontations sans la présence de l’avocat concerné, à moins que le gardé à vue ne renonce expressément à son choix ou que l’avocat ne se présente pas à la date prévue bien qu�il a été dûment convoqué, mention en est faite au procès-verbal ». Article 13, paragraphe 4, de la Loi n° 2016-5 du 16 février 2016, modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale. J.O.R.T. n° 15 du 19 février 2016, p. 487. 442
Guide pratique sur l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue. L’Ordre National des Avocats de Tunisie et
l’Organisation et Avocats Sans Frontières, pp. 73-77.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
- Recommandations aux officiers de police judiciaire Respecter le caractère privé de la visite de l’avocat à son client. Permettre à l’avocat d’exercer le droit de défense dans son intégralité et éviter d’entraver son travail. Respecter nécessairement le moment du commencement de la garde à vue, conformément à l’autorisation, et éviter d’arrêter des personnes pour simple suspicion, vu que le fait qu’une personne se retrouve dans un poste de police en dehors de sa volonté et en l’absence d’une autorisation de garde à vue constitue une séquestration illégale.
- Recommandations au ministère public La qualification des faits est un acte judiciaire ; Elle ne peut être effectuée par un officier de police judiciaire dont le rôle se limite à exposer l’objet de l’infraction au procureur de la République ou l’un de ses substituts. C’est ce dernier qui procède à la qualification, tout en permettant à l’avocat de la discuter lors de l’expiration de la première période de garde à vue, en cas d’une intention de prolongation. 168
- Recommandations générales Intégrer le ministère de la justice dans la liste des ministères travaillant le samedi ou oeuvrer à prévoir des séances de permanence dans tous les tribunaux. En général, ces recommandations visent à éviter que la garde à vue se transforme en une mesure par laquelle les autorités abusent de leur pouvoir. De même, le but est d’assurer que la personne arrêtée soit traitée humainement et en préservant sa dignité et surtout faciliter l’accès à un avocat pour les personnes vulnérables. De surcroit, les personnes homosexuelles, sujets vulnérables, une fois arrêtées sur la base de leur tenue vestimentaire ou leur comportement qui ne plait pas aux policiers, pourront faire l’objet d’intimidation, de harcèlement et de menace. Dès lors, la dignité humaine a été mobilisée afin de régler le procès pénal. A cet égard, la police ne doit pas rassembler de preuves pour les besoins de la poursuite pénale en ayant recours à des méthodes qui violent la dignité humaine.443 443
La Cour Européenne des Droits de l’Homme, affaire Tomasi c. la France, 27 août 1992. Dans cette affaire le grief
formulé dans la requête ne visait pas expressément la torture mais des traitements inhumains et dégradants subis pendant la garde à vue au commissariat de police. Dans son opinion concordante, le juge De Meyer fit valoir qu’« à l’égard d’une personne privée de sa liberté, tout usage de la force physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire par son propre comportement porte atteinte à la dignité humaine et doit, dès lors, être
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Lors de l’interrogatoire, les policiers n’ont pas le droit d’adresser aux suspects des questions qui touchent à leur honneur, c’est-à-dire celles qui violent la dignité dans son aspect moral, les insulter par exemple à cause de leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Par conséquent, ils n’ont pas le droit de forcer les personnes homosexuelles à parler au moyen d’interrogatoires violents, intimidants et épuisants.444 En Rappelant que le préambule de la Constitution évoque que la Constitution est issue de « la révolution de la dignité ». Et en notant que l’expression « dignité »445 s’ajoute à la devise de la République tunisienne de l’après 14 janvier 2011446. Rajoutons à ces dispositions l’article 30 de la Constitution de 2014 disposant en ces termes : « tout détenu a droit à un traitement humain qui préserve sa dignité (...)». Il s’en suit qu’au vu de ces dispositions, le C.P. peut aussi faire de la dignité humaine un chapitre spécial intitulé « des atteintes à la dignité de la personne », comprenant des incriminations diverses telles que les formes de discriminations, que celles-ci soient pratiquées par les autorités ou par les particuliers. Ceci est l’un des points d’une législation pénale qui protège les libertés individuelles.
considéré comme une violation du droit garanti par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme (interdiction de la torture) ». « Le corps du requérant portait des marques qui avaient pour seule origine, les sévices infligés pendant une quarantaine d’heures par certains des policiers chargés des interrogatoires : gifles, coups de pied, de poing et de manchette, station debout prolongée et sans appui, les menottes dans le dos, crachats, déshabillage total devant une fenêtre ouverte, absence de nourriture, menace avec une arme, etc. (§ 108 de l’arrêt). 444
Pierre Lambert, « Dignité humaine et interrogatoires musclés de la police », R.T.D.H., n° 41, 2000, p. 141.
445
Cf. Jacques Fierens, « La dignité humaine comme concept juridique », Journal des tribunaux, 121e année, n°
6064, 21 septembre 2002, pp. 577-582. La dignité humaine est la dignité inhérente de chaque personne humaine comme il est prévu par les instruments internationaux des droits de l’Homme. Par exemple il est prévu dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’Homme « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » ; Cf. Xavier Bioy, « La dignité : questions de principes », in Simone Gaboriau et Hélène Pauliat (dir.) Justice, éthique et dignité, Actes de colloque organisé à Limoges les 19 et 20 novembre 2004, Presses Universitaires Limoges, Limoges, 2006, pp. 47- 86. Par contre, pour HOBBES, la dignité n’est pas une valeur intrinsèque de l’Homme, mais seulement la « valeur publique » que la République confère à l’Homme. Thomas Hobbes, Léviathan (1651), Chapitre X : « Du pouvoir, de la valeur, de la dignité, de l’honneur et de la compétence », Editions Gallimard, Paris, 2014. 446
L’article 4 de la Constitution de 2014.
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B. Une législation pénale protectrice des libertés individuelles Plusieurs acteurs jouent un rôle primordial dans la révision de la législation pénale. Lorsqu’il s’agit d’appliquer le texte de loi pénale criminalisant l’homosexualité à une personne soupçonnée d’avoir commis l’acte de sodomie, le juge peut refuser de l’appliquer en tenant compte de l’évolution de la société. Or, il s’avère que la législation pénale se heurte au discours politique (1) surtout lorsque celui-ci est homophobe. Mais, cela n’empêche que des avancées institutionnelles ont été réalisées en s’inspirant de la Constitution de 2014 et qui reflètent les prémices d’une législation pénale protectrice des libertés individuelles (2). A fortiori, on peut affirmer qu’« avec l’adoption de la nouvelle Constitution tunisienne le 27 janvier 2014, nombreuses sont les dispositions qui militent en faveur de l’abrogation de l’article 230 du Code pénal, dont la teneur ne correspond ni aux fondements de la démocratie, des droits de l’Homme et du respect de la personne humaine, ni aux principes d’un État civil447 ».
1. Une législation pénale se heurtant au discours politique 170
La réticence des autorités à dépénaliser l’homosexualité illustre l’enracinement de la discrimination et de l’homophobie à l’égard des personnes L.G.B.T. au sein de l’État. D’emblée, ceci a engendré un discours politique concernant la dépénalisation de l’homosexualité qui est à la fois hésitant (a) et homophobe (b).
a. Un discours politique hésitant En la comparant à d’autres questions en matière de droits humains,
la
dépénalisation de l’homosexualité est épineuse. Dès lors, prendre une décision quant à l’abrogation de l’article 230 du C.P. ne semble pas être une entreprise facile. Même s’il s’agit d’un sujet qui est d’ores et déjà débattu au niveau du gouvernement et des partis politiques, l’intervention des acteurs politiques à ce stade reste toujours tributaire de l’idéologie dominante des responsables politiques.
De surcroit, à l’occasion de l’examen périodique universel (E.P.U.) en 2012, « la Tunisie a indiqué qu’un dialogue objectif et transparent pourrait être mené à l’échelle nationale sur la dépénalisation de l’homosexualité mais que le pays 447
Wahid Ferchichi, « L’homosexualité en Droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique », déjà cité, p. 187.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
n’était pas prêt, à ce stade, à adopter une décision sur cette question »448. L’expression « pourrait être mené » démontre que ce n’est pas une impossibilité, mais plutôt, une probabilité, qui ne fait pas partie des priorités de l’Etat. L’usage du présent indicatif en Droit évoque une obligation ou revêt un caractère impératif.
En parlant de l’obligation en Droit, le présent de l’indicatif « c’est le marqueur le plus fréquent en français comme l’indique notamment Michel Troper « les textes juridiques qui expriment des commandements, sont rédigés à l’indicatif. Pour Cornu, il est manifeste qu’à lui seul sans le secours d’aucun verbe explicite » l’indicatif présent suffit… à marquer l’obligation »449. Plus énergiquement, le discours sur la dépénalisation de l’homosexualité semble évoluer mais lentement. Cinq ans plus tard, l’Etat tunisien a gardé la même position en prévoyant un dialogue national sur la question. Néanmoins, lors de l’E.P.U. de 2017, l’Etat tunisien déclare avoir mis en place un cadre juridique qui permet de protéger les personnes L.G.B.T. de toute forme de discrimination. Ainsi, « en ce qui concernait la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, la Tunisie a déclaré que toutes les formes de discrimination, de haine et d’incitation à la haine étaient anticonstitutionnelles. Les personnes de toutes les orientations sexuelles jouissaient de tout l’éventail des droits, notamment l’accès à l’éducation. Toute agression contre un citoyen fondée sur son orientation sexuelle constituait une infraction pénale et les auteurs de tels actes étaient poursuivis. Le Président avait réclamé une nouvelle loi sur les droits individuels ; l’examen de cette loi offrirait l’occasion d’ouvrir un dialogue au sujet de l’article 230 du Code pénal. Les examens médicaux étaient tributaires du consentement de la personne concernée et devaient être conduits en présence d’un expert médical450. » Cependant, nous estimons que ce discours semble très modeste et ne répond pas aux attentes des militant.e.s L.G.B.T. Il s’agit notamment, d’une déclaration contradictoire. 448
Conseil des droits de l’Homme des Nations-Unies, Rapport du Groupe de travail sur l’examen périodique universel
Tunisie, A/HRC/21/5. 9 juillet 2012, point 40. بيد أنها غير مستعدة التخاذ قرار. أفادت تونس أنه باإلمكان إجراء حوار وطـني موضوعي وشفاف بشأن هذا الموضوع،“وفيما يتعلق بإزالة تجريم المثلية الجنسية .”بشأنه في هذه المرحلة 449
Isabelle Richard, « Les marqueurs verbaux de l’obligation en français et en anglais dans les textes juridiques à
fonction normative : quelques pistes de traduction », in Rosalind Greenstein (dir.), La langue, le discours et la culture en anglais du Droit, Publications de la Sorbonne, Paris, 2005, p.71. 450
Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies, déjà cité, para. 122.
171
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
D’abord, l’existence de l’article 230 remet en cause tous les propos de l’Etat tunisien. Si « toutes les formes de discrimination, de haine et d’incitation à la haine étaient anticonstitutionnelles », les personnes homosexuelles ne seront pas poursuivies en justice sur la base de l’incrimination de l’acte de sodomie. L’incrimination de l’article 230 est d’emblée une discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et constitue systématiquement une disposition inconstitutionnelle. Ensuite, l’Etat tunisien déclare que « les personnes de toutes les orientations sexuelles jouissaient de tout l’éventail des droits ». Logiquement, dépénaliser est une condition sine qua non pour que les personnes homosexuelles puissent jouir de tous les droits constitutionnellement garantis. Or, comment est-il concevable de parler de la jouissance des droits lorsqu’une personne homosexuelle risque la prison à chaque fois qu’elle s’affiche ?451 Puis, plusieurs droits sont violés comme le droit au respect de la vie privée. Ainsi, conformément à l’article 230, l’Etat se permet de violer l’intimité et la dignité des personnes homosexuelles. 172
En outre, semble-t-il que l’Etat essaye de cacher la réalité en affirmant que « toute agression contre un citoyen fondée sur son orientation sexuelle constituait une infraction pénale et les auteurs de tels actes étaient poursuivis. »452 De surcroit, ce qui a été recensé jusque-là, ce ne sont pas les condamnations pour agressions homophobes mais plutôt, les condamnations pour homosexualité.453 D’une manière ou d’une autre, la peur des violences policières contraint les victimes au silence, elles ne portent pas plainte.
Ipso facto, cela a contribué à banaliser les agressions homophobes et à la nonprotection des victimes de telles agressions.
451
Les condamnations pour homosexualité se sont multipliées ces dernières années. En 2018, 127 personnes ont
été condamnées à des peines de prison pour homosexualité, contre 79 en 2017 et 56 en 2016, selon l�association Shams, luttant pour la dépénalisation de l�homosexualité en Tunisie. 452
Hajer Boujemaa, « Agression homophobe à Tunis : A quoi ça sert de porter plainte ? s’interroge la victime »,
Tuniscope, publié le 17 janvier 2017 et concernant l’agression dans les rues de Tunis d’un jeune homme de 25 ans. Disponible sur : https://www.tuniscope.com/article/111593/actualites/tunisie/agression-homophobe-tunis-192217 page consultée le 17 juillet 2019. 453
Il est difficile de dresser un tableau clair des agressions homophobes, car les chiffres officiels sont absents.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
On ne prétend pas à citer une liste exhaustive des agressions homophobes, mais nous soulignons que le constat est alarmant comme le montre les deux exemples suivants : En décembre 2018, un mannequin homosexuel de 22 ans s’est fait sauvagement balafrer et poignarder au niveau du cou par 2 agresseurs qui ont été rapidement libérés par le juge d’instruction lorsque ce dernier a appris que la victime était homosexuelle.454 En février 2019, un homme qui avait porté plainte pour viol, a été condamné à six mois de prison pour homosexualité, la justice ayant estimé qu’il ne s’agissait pas d’un viol mais d’une dispute à la suite d’une relation sexuelle.455 En effet, cette affaire comme d’autres montre l’inaccessibilité des personnes homosexuelles à la justice. D’ailleurs, aucune loi n’a été adoptée depuis l’adoption de la Constitution de 2014 pour pénaliser les actes homophobes. Au contraire, l’article 230 est appliqué par les autorités d’une manière qui discrimine les personnes homosexuelles, d’une part. D’autre part, des témoignages ont révélé que de peur d’être harcelées ou poursuivies pour homosexualité, des personnes homosexuelles choisissent de ne pas porter plainte contre leurs agresseurs.
456
454
Le collectif civil pour les libertés individuelles. Rapport sur les principales violations des libertés individuelles,
Bas les masques, mars 2019, p. 12. Disponible sur http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_ li_2019_version_integrale.pdf (page consultée le 17 juillet 2019. 455
Le Tribunal de première instance de Sfax a prononcé son jugement le 11 février 2019 cité par Rihab Boukhayatia,
« Homosexualité- Une victime de viol derrière les barreaux: Des associations se mobilisent Cette affaire montre, une fois de plus, l’inaccessibilité à la justice pour les homosexuels en Tunisie. », Huffpost, 11 février 2019. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/entry/homosexualite-une-victime-de-viol-derriere-les-barreaux-desassociations-se-mobilisent_mg_5c615aa8e4b0f9e1b17f8dab page consultée le 17 juillet 2019. Voir le point de vue de Human Rights Watch concernant l’affaire : « En Tunisie, une victime se retrouve derrière les barreaux. Il faut mettre fin aux poursuites judiciaires pour « sodomie » et aux examens anaux forcés ». « Les autorités tunisiennes ont arrêté et poursuivi en justice les assaillants présumés ainsi que le plaignant, A.F. Le 11 février, un tribunal a condamné les trois hommes à six mois de prison pour « sodomie », en vertu de l’article 230 du Code pénal. Le tribunal a également condamné les agresseurs présumés à deux mois supplémentaires pour vol et violences. » Disponible sur https://www.hrw.org/fr/news/2019/02/09/en-tunisie-une-victime-se-retrouve-derriere-les-barreaux?fbclid=IwAR 3y60ZXZXjLoV3yJbbFNzpF4p8Hy8MKLVertAZ6rUbhlFXP5u-OIRhkiFo page consulté le 17 juillet 2019. 456
Human Rights Watch, « Tunisie : Des arrestations pour « homosexualité » menacent le droit à la vie privée. Le
gouvernement se sert de données personnelles et d’« examens » anaux pour engager des poursuites judiciaires », 8 novembre 2018. Disponible sur : https://www.hrw.org/fr/news/2018/11/08/tunisie-des-arrestations-pour-homosexualite-menacent-le-droit-la-vieprivee page consultée le 17 juillet 2019.
173
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Faisant partie du collectif civil pour les libertés individuelles, Human Rights Watch déclare à ce sujet que, « les crimes contre les personnes perçues comme étant homosexuelles ou transgenres se poursuivent dans un climat d’impunité (...). En l’état, la discrimination empêche les personnes L.G.B.T. d’exercer leurs droits les plus élémentaires en matière de santé, d’éducation, de travail et de poursuivre en justice les auteurs d’abus.457 » Ces agressions sont en fait banalisées dans un climat où règne un discours politique homophobe.
b. Un discours politique homophobe Les déclarations homophobes deviennent le pain quotidien de certains politiciens. Sans gêne, ces politiciens homophobes le déclarent haut et fort qu’ils sont contre la dépénalisation de l’homosexualité lors de leur passage à des émissions sur une radio ou une chaine de télévision. A l’approche de l’élection présidentielle de 2019, le 23 août 2018, la Présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi a indiqué sur Mosaique FM : « Je pense aussi que dépénaliser l’homosexualité va porter atteinte à la société
174
tunisienne. Il n’y a pas de raison pour légaliser l’homosexualité. Car, les homosexuels pourront demain demander le droit de se marier458. » En réaction à la déclaration homophobe de Mme Abir Moussi, Me Mounir Baatour le Président de l’association Shams a dénoncé ces propos incompatibles avec l’esprit de la Constitution post- révolutionnaire : « Il est impensable que cette femme, Présidente d’un parti politique né après la Révolution, puisse s’opposer à une demande aussi simple: se conformer à la Constitution qui affirme que les citoyens sont égaux et peuvent jouir de leur liberté459. » 457
Human Rights Watch, « Tunisie : Mettre fin à la persécution des personnes LGBT Les politiques gouvernementales
sont caractérisées par des tendances homophobes et transphobes », 17 mai 2019. https://www.hrw.org/fr/news/2019/05/17/tunisie-mettre-fin-la-persecution-des-personnes-lgbt.... 458
« Abir Moussi trouve des justifications juridiques à l’homophobie », Kapitalis, 23 août 2018. Disponible sur :
http://kapitalis.com/tunisie/2018/08/23/tunisie-abir-moussi-trouve-des-justifications-juridiques-alhomophobie/?fbclid=IwAR2gSH_uRHk4nk91EKdt5_84v-_JhBWWIeKQOk6raRi3_t2DXyAvvdmpfnMpage consultée le 17 juillet 2019. 459
« Abir Moussi: Homophobe ou nostalgique de la dictature? », Huffpost Maghreb, 27 août 2018. Disponible sur :
https://www.huffpostmaghreb.com/entry/abir-moussi-homophobe-ou-nostalgique-de-la-dictature_mg_5b83c81 9e4b0cd327dfe4b22?fbclid=IwAR0QyB_If7AhD3bPe3h24CghtZdAvjQuq4uLD-mABLSoL8ajH-NywaF4bkM consultée le 17 juillet 2019.
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Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Qualifié d’homophobe, le gouvernement adopte un discours hostile à la reconnaissance des rapports en privé entre adultes de même sexe.
A propos de ce discours, des témoignages recueillis par Amnesty international concernant l’opinion des politiciens ou des membres du gouvernement sur le sujet de l’article 230 du C.P. montrent un rejet de la dépénalisation de l’homosexualité. D’abord, « les courants islamiques même les plus libéraux s’accordent pour réprouver l’homosexualité, reconnaît Mehrziya Laabidi, députée du parti islamiste. Mais en tant que politiques, nous abordons la question sous l’angle du respect des libertés. Nous avons voté une Constitution qui reconnaît le droit au respect de la vie privée, on ne va pas ouvrir la porte des maisons pour contrôler la vie sexuelle des gens. Mais déverser de manière ostentatoire des réalités qui choquent les gens, ne fait rien avancer. La liberté progresse par le débat et la sensibilisation460». De manière générale, adopter une position favorable à la dépénalisation de l’homosexualité ne plait pas vraisemblablement au gouvernement. Chose qui a conduit à ce que le ministre de la Justice, Mohamed Salah Ben Aissa461, soit démis de ses fonctions. En effet, Mohamed Salah Ben Aissa est la première personne au sein du gouvernement tunisien qui avait publiquement pris position contre l’article 230 du Code pénal. Mais, sa déclaration de vouloir abroger cet article a suscité la réaction du Président de la République Béji Caid Essebsi qui a complètement désavoué le ministre. Quoique que la raison du limogeage reste incertaine, l’ex-ministre de la justice, n’exclut pas qu’une des raisons se rapportait à sa déclaration pour l’abrogation de l’article 230. En répondant à la question qui lui a été adressée par le journaliste du magazine Le Point : « Pensez-vous payer vos propos sur l’article 230 que vous souhaitiez 460
Amnesty international, « Tunisie le coming out fait débat », 26 juin 2018 Disponible sur :
https://www.amnesty.fr/discriminations/actualites/tunisie-le-coming-out-fait-debat page consultée le 17 juillet 2019. 461
Ancien Doyen de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis entre 2002 et 2008, Professeur
de Droit public. Le 23 janvier 2015, il est nommé au poste de ministre de la Justice et des Affaires foncières dans le gouvernement de Habib Essid.
175
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
abroger ? », Mohamed Salah Ben Aissa ajoute : « Je ne peux pas l’exclure, je ne peux pas le confirmer. Mais c’est un peu tacite462 ». En réalité, les déclarations du ministre de la justice, le 28 septembre 2015, viennent juste après l’affaire Marwan463, quand Mohamed Salah Ben Aissa a déclaré que l’article 230 du Code pénal bafouait les libertés et choix personnels, notamment dans le domaine de la sexualité, ainsi que le droit à la vie privée, qui sont garantis par la nouvelle Constitution adoptée en janvier 2014. Il a aussi ajouté qu’il fallait abroger cet article et a encouragé la société civile à oeuvrer en ce sens. Cependant, quelques jours plus tard, le président Béji Caïd Essebsi a dénoncé les propos du ministre, affirmant qu’il n’y avait pas de projet de modification de la loi en affirmant qu’il était hors de question de dépénaliser l’homosexualité.464 D’une manière plus générale, on se retrouve face à un discours politique timide quand il s’agit de se prononcer sur la question de la dépénalisation de l’homosexualité. En effet, le Ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les organisations des droits de l’Homme, Mehdi Ben Gharbia, a annoncé en septembre 2017 que les mesures seraient
176
prises pour « arrêter le recours aux tests anarchiques, sans consentement et
sans assise légale » et que des dispositions seraient prises dans les quatre ans pour en encadrer la pratique.465
462
« Tunisie : limogé, l�ex-ministre de la Justice parle », le point, le 21 octobre 2015 disponible sur :
https://www.lepoint.fr/afrique/tunisie-limoge-l-ex-ministre-de-la-justice-parle-21-10-2015-1975702_3826.php#... Page consultée le 17 juillet 2019. 463
Il relève des faits d’espèce que le 06 Septembre 2015, Marwan jeune étudiant de 22 ans, a été interpelé par le
commissariat de police dans le gouvernorat de Sousse pour être interrogé sur une affaire dans laquelle il a été innocenté. Toutefois, il a été contraint sous pression policière de subir un test anal contre son gré, après que la police ait fouillé dans ses messages personnels et conclu à une relation intime entre lui et la victime. Marwan a été traduit en justice où il a écopé de 1 an de prison ferme. Voir Coalition tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I., déjà cité, p. 10. 464
Amnesty international, « ‘Je ne suis pas un monstre’, discrimination et homophobie d’État en Tunisie », mai 2016,
p. 11. Disponible sur : https://www.amnesty.be/IMG/pdf/mde_30_3903_2016_ext_fra.pdf page consultée le 17 juillet 2019. 465
Conseil des droits de l’Homme, « Examen périodique de Bahreïn, de l’Équateur et de la Tunisie ». 21 septembre
2017. Disponible sur : https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22124&LangID=F&fbclid=IwAR13T80dwXwNZOFeddwzz0XBD_l-yM8GMstVwPxVnw-p1XxlI9K0Jtjug4 page consultée le 12 juillet 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
A cet égard et à l’occasion de l’examen périodique universel, sur une totalité de 248 recommandations émises par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, en mai 2017, dans le rapport de la Tunisie sur les droits humains, la Tunisie en a accepté 189, en s’engageant à harmoniser sa législation avec les standards internationaux. Parmi ces recommandations, le gouvernement prend très au sérieux celles relatives à l’intégrité physique. La Tunisie a écarté, en revanche, les 14 recommandations relatives à la dépénalisation des relations homosexuelles par l’abrogation de l’article 230 du Code pénal.466 Toutefois, le discours du ministre Mehdi Ben Gharbia marque une évolution positive par rapport à celui du Ministre des droits de l’Homme et de la Justice Transitionnelle, Samir Dilou, qui a déclaré en 2012 lors d’une entrevue télévisée que l’homosexualité était une « perversion » qui devrait être soignée à l’aide d’un traitement médical. Le ministre a, également, affirmé qu’exprimer son orientation sexuelle ne constitue pas un droit de la personne et que la liberté d’expression a des limites. Il a, aussi, dénoncé le web magazine Gayday.467 Cependant, sans nul doute on peut affirmer que petit à petit, les mentalités changent depuis et le sujet sur la dépénalisation de l’homosexualité devient de plus en plus abordé. Certes, du côté de la loi, l’avancée se fait aussi à très petit pas. Mais, en juin 2018, une lueur d’espoir est apparue pour les personnes L.G.B.T. la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE), qui s’est prononcée sur la dépénalisation de l’homosexualité en constituant ainsi, les prémices pour une législation pénale protectrice des libertés individuelles.
466
Cf. Amnesty international, « La Tunisie doit respecter son engagement de mettre fin à l’impunité des forces de
sécurité pris devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU », 21 septembre 2017. Disponible sur : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2017/09/tunisia-must-live-up-to-promises-to-end-impunity-for-securityforces-at-un-human-rights-council/ page consultée le 17 juillet 2019. 467
Dans une lettre adressée au ministre des Droits de l’homme, Amnesty International exprime son inquiétude
concernant les propos que ce dernier a tenus sur l’homosexualité lors d�une interview télévisée début février 2012. Amnesty international, « Tunisian official�s rhetoric undermines human rights », 24 février 2012. Disponible sur: https://www.amnesty.org/en/latest/news/2012/02/tunisian-officials-rhetoric-undermines-human-rights/page consultée le 17 juillet 2019.
177
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
2. Les prémices d’une législation pénale protectrice des libertés individuelles Adoptée dans un contexte postrévolutionnaire, la Constitution de 2014 a mis en place le Chapitre II relatif aux droits et libertés, duquel on peut déduire que les personnes homosexuelles sont protégées comme toutes les citoyennes et citoyens par le biais des libertés individuelles qui assurent l’égalité, préservent la dignité et excluent toute sorte de discrimination dans l’exercice des droits.468 Afin de concrétiser les garanties constitutionnelles, en août 2017, le Président de la République, Béji Caïd Essebsi, confiait à la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE) la mission « d’élaborer un rapport sur les réformes liées aux libertés individuelles et à l’égalité, en se référant aux dispositions de la constitution du 27 janvier 2014, aux normes internationales des droits de l’Homme et aux nouvelles orientations dans le domaine des libertés et de l’égalité.469 » Le rapport de la COLIBE s’inscrit d’ores et déjà dans ces nouvelles orientations dans le domaine des libertés et de l’égalité qui touchent particulièrement la législation pénale. 178
A titre d’exemple, le droit à l’inviolabilité de la vie privée protège l’individu des immixtions arbitraires de l’Etat. Il comprend également le droit pour une personne d’être libre de mener sa vie avec le minimum d’ingérences de la part de tiers. A ce stade, le rapport de la COLIBE renforce la protection de ce droit par une protection pénale couvrant la vie privée, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, des communications et des données personnelles.470 Par conséquent, l’atteinte au droit au respect de la vie privée ouvre droit à la victime de saisir la justice sur le fondement pénal. Incontestablement, on considère que c’est une première en Tunisie qu’un rapport officiel soit élaboré en matière des droits humains et présenté à la Présidence de la République citant parmi ses recommandations : l’égalité et la non-discrimination sur la base de l’orientation sexuelle. Aucune proposition de loi ni projet de loi n’a osé 468
Voir Wahid Ferchichi, « Des libertés individuelles: Les libertés individuelles dans la Constitution du 27 janvier
2014 » [en arabe], in Wahid Ferchichi (dir.), Les libertés individuelles approches croisées, Association Tunisienne de défense des libertés individuelles, Tunis, 2014, pp. 64-65. 469
Décret Présidentiel n° 2017-111 du 13 août 2017, Journal Officiel de la République Tunisienne, n° 65 du 15 août
2017, p. 2613. 470
La Commission des libertés individuelles et de l�égalité (COLIBE), rapport, 1 juin 2018, p. 122 et p. 124. Disponible
sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/rapport-colibe.pdf page consultée le 17 juillet 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
avant 2011 ou après d’aborder la question de la dépénalisation de l’homosexualité ni d’appeler à la pénalisation de l’homophobie. D’emblée, le rapport de la COLIBE appelle aux réformes qui devraient être faites sur le plan législatif ainsi qu’à un projet de Code des libertés individuelles471. Cependant, le rapport avait fait couler beaucoup d’encre et susciter de nombreuses polémiques472. Malgré tout cela le projet a été déposé à l’Assemblée des Représentants du Peuple (A.R.P.) En effet, la députée et présidente de la COLIBE Bochra Belhaj Hmida dans un tweet dans la soirée du vendredi 12 octobre 2018 a annoncé que « si le projet était soumis à l’A.R.P., il passera dans son intégralité.473 » Par ailleurs, la protection juridique des personnes homosexuelles est accordée par le biais du respect du droit à la protection de la vie privée. Ceci se fait conformément à l’article 24 de la Constitution de 2014, l’article 17 du P.I.D.C.P. et l’article 12 de la D.U.D.H. selon ce qui a été prévu par le rapport de la COLIBE. Pour expliquer la protection de la vie privée des individus, il s’avère judicieux de déterminer ses composantes dont : Le nom de la personne, son apparence, sa vie affective et intime ainsi que ses conversations par téléphone ou sur internet. De cette manière, l’Etat s’engage non seulement à ne plus s’immiscer dans la vie privée des individus mais aussi à réprimer toute sorte d’atteinte à la vie privée.
471
Le collectif civil pour les libertés individuelles, déjà cité, mars 2019, p. 22.
472
En juin 2018, le parti « Ettahrir » a dénoncé le rapport de la COLIBE, le qualifiant de « projet qui combat l’Islam
et ses dispositions ». Il a même invité ses partisans et ceux qui s’opposent au contenu du rapport à manifester, en masse, pour faire face à un “projet colonialiste qui dévalorise l’Islam et les musulmans”. Le collectif civil pour les libertés individuelles. Rapport sur les principales violations des libertés individuelles, Bas les masques, mars 2019, p. 15. Mais, en parallèle, des associations et des partis politiques ont soutenu le rapport de la Colibe ainsi que le projet du Code proposé par la Colibe. 92 associations ont signé mardi 24 juillet 2018 un Pacte pour l’égalité et les libertés individuelles. Un moyen de montrer leur soutien à la Commission pour les libertés individuelles et l’égalité. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/2._pacte_de_tunis_version_fr.pdf page consultée le 17 juillet 2019. Une manifestation nationale a eu lieu le 13 aout 2018 comme réponse à ceux du camp des « conservateurs et des traditionalistes ». Chacun montre ses muscles pour influencer l’annonce finale du Président. 473
« Bochra Belhaj Hmida : Le Code des libertés individuelles soumis à l’ARP », Business News, 13 octobre 2018,
disponible sur: http://www.businessnews.com.tn/bora-belhaj-hmida--le-code-des-libertes-individuelles-soumis-alarp,520,83128,3 page consultée le 17 juillet 2019.
179
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
A cet égard, la COLIBE considère que « certaines lois portent atteinte à l’inviolabilité de la vie privée des individus, dont les relations sexuelles. Ceci est prévu par l’article 230 du C.P. qui pénalise la sodomie et le lesbianisme. Ni l’Etat ni la société n’ont le droit de s’ingérer dans la vie sexuelle des adultes. La jurisprudence constitutionnelle comparée a déjà précisé que les choix et les orientations sexuelles des individus sont inséparables de la vie privée qui repose sur deux éléments principaux : le secret et l’intimité474. » A fortiori, la COLIBE recommande l’abrogation de cet article qui viole la vie privée. De même, l’Etat tunisien a fait l’objet de critiques émanant des instances internationales des droits humains en rapport avec l’application de l’article 230 du C.P.. A titre d’exemple, le Comité de lutte contre la torture a exprimé ses préoccupations en affirmant que « les personnes soupçonnées d’être homosexuelles sont contraintes de subir un examen anal, ordonné par un juge et réalisé par un médecin légiste, destiné à prouver leur homosexualité475. » Le Comité a également noté que si les suspects peuvent, en théorie, refuser de subir les examens, nombre d’entre eux acceptent seulement « sous la menace 180
de la police, arguant que le refus de donner leur consentement serait interprété comme une incrimination. »
Grosso modo, ceci confirme le caractère indivisible et interdépendant des droits humains. Ipso facto, l’article 230 est en violation des droits des personnes homosexuelles se rapportant à la liberté, l’égalité et la dignité. En focalisant sur le respect et la protection des libertés individuelles, la Colibe a élaboré un projet de loi organique relatif au Code des droits et libertés individuelles. Ce projet vient ainsi en réponse à un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires incompatibles avec les principes libéraux. Parmi ces principes libéraux qui se marient convenablement avec la Constitution de « la Révolution de la liberté et de la dignité »476, le respect et la protection des droits des personnes minorées comme ceux des personnes L.G.B.T.
474
Le rapport de la Commission des libertés individuelles et de l�égalité (Colibe), déjà cité, p. 40 et ss.
475
Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de la Tunisie. (CAT/C/TUN/3) et le rapport
complémentaire comportant des données actualisées (CAT/C/TUN/3/Add.1), à ses 1398e et 1401e séances, les 19 et 21 avril (CAT/C/SR.1398 et 1401), et a adopté les observations finales à ses 1420e et 1421e séances, le 6 mai 2016. 476
Tel que prévu par la Constitution dans le paragraphe 1er de son préambule.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Comme l’annonce les constitutants dès le préambule, et afin de rompre « avec l’oppression, l’injustice et la corruption », il est temps de supprimer toute forme de discrimination y compris celle basée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Pour pouvoir parler d’une protection juridique complète des libertés individuelles, il était temps après l’adoption de la Constitution du 27 janvier 2014 de purger l’arsenal législatif des dispositions qui se contredisent avec la Constitution et le caractère universel des droits humains et de le renforcer avec des lois qui répriment toute forme d’atteinte à ces libertés. De surcroit, le rapport de la COLIBE considère que l‘abrogation des lois liberticides est une condition sine qua non afin de mettre en oeuvre la Constitution de 2014, en soulignant qu’on « ne peut traiter de la Constitution comme règle suprême de l’échelle normative sans garantir une annulation des actes infra-constitutionnels qui lui sont contraires ou même incompatibles avec son essence477. » Par conséquent, le contenu du projet de loi relative au Code des droits et libertés individuelles s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des principes de l’égalité, la dignité et la non-discrimination. D’emblée, les dispositions du Code rappellent les différents types de discrimination y compris celui basé sur l’orientation sexuelle ou pour d’autres motifs qui font partie de la vie privée de l’individu et qui ne représentent pas une menace à la société ou à l’Etat. En outre, la COLIBE prend en considération les orientations internationales modernes ainsi que celles des lois démocratiques comparées qui respectent l’individu.478 Nombreux sont les exemples de ces lois qui interdisent la discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Citons à titre d’exemple, dans le Droit français, l’orientation sexuelle fait partie des critères de discrimination interdits par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations.479 Pareil et au niveau régional, en 2010, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté la Recommandation 1915, concernant les discriminations sur la 477
La Commission des libertés individuelles et de l�égalité (Colibe), déja cité, pp. 99 et ss.
478
Commission des libertés individuelles et de l�égalité (Colibe), déjà cité, pp. 102 et s.
479
Loi n°2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, JORF n°267 du 17 novembre
2001, p. 18311.
181
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
base de l’orientation sexuelle et l’identité de genre. 480
Idem pour la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui contient une disposition de non-discrimination générale à l’article 21.1, qui mentionne également l’orientation sexuelle au nombre des motifs interdits de discrimination.481 Dans ce contexte, l’Union Européenne a rappelé l’Etat tunisien d’un volet important en matière des droits humains, à savoir, la protection des droits des personnes homosexuelles. A cet égard, elle invite la Tunisie à « réformer le Code pénal et, en particulier, d’en abroger l’article 230, qui sanctionne l’homosexualité par une peine d’emprisonnement de trois ans et est contraire aux principes constitutionnels de non-discrimination et de protection de la vie privée482. » Elaborées sur la base des droits et libertés garantis par la Constitution de 2014 et conformément aux instruments internationaux des droits humains, les dispositions du projet du Code des droits et libertés individuelles réparties en trois titres et d’autres dispositions générales ainsi que des recommandations. Ce projet apporte au pouvoir législatif des orientations sur les politiques à adopter en matière des droits humains. Ces dispositions pourront plus particulièrement, 182
servir à prévenir et combattre l’homophobie, la transphobie et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. A la tête des recommandations relatives à la refonte de la législation qui porte atteinte aux droits et libertés, la COLIBE appelle à l’abrogation de l’article 230 du C.P. en considérant que la pénalisation de l’homosexualité viole la vie privée. Dans ce sens, l’article 21 de la Constitution de 2014, qui pose le principe de non-discrimination n’a pas présenté de liste pour les motifs interdisant la discrimination. Bien entendu, celle-ci sera consacrée institutionnellement par les pouvoirs publics, les instances indépendantes ou des organismes privés. En effet, l’élimination de la discrimination s’opère par le biais de moyens juridiques qui peuvent être d’ordre législatif, administratif ou autre, ainsi qu’à travers des moyens non juridiques. 480
Assemblée parlementaire Conseil de l’Europe, Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité
de genre, Recommandation 1915 (2010). Disponible sur : https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTMLFR.asp?fileid=17854&lang=FR page consultée le 17 juillet 2019. 481
Union Européenne, Charte des droits fondamentaux, 18 décembre2000, Journal officiel des Communautés
européennes C 364/1 FR. Article 21.1, p. 13. 482
Parlement européen, Résolution (2015/2273(INI)) du 14 septembre 2016, les relations de l’Union avec la Tunisie
dans le contexte régional actuel, para. 21.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
C’est dans cette logique que l’article 4 du projet du Code des droits et libertés individuelles dispose, « est interdite, toute discrimination fondée notamment sur l’orientation sexuelle483. » De surcroit, le projet du Code appelle à la criminalisation de toute forme de discrimination y compris celle basée sur l’orientation sexuelle. En invitant à la révision du Code pénal, le rapport propose de rajouter un chapitre intitulé : « de la discrimination » dans lequel l’article 254-4 (nouveau) cite parmi les formes de discrimiantions interdites, celle basée sur l’orientation sexuelle.484 A la lumière de ce que nous avons analysé au niveau de la législation pénale qui nécessite une urgente révision afin de remédier aux violations quotidiennes et systématisées des droits humains des personnes homosexuelles, nous proposons ce qui suit : - L’abrogation totale de l’article 230. L’acte de « sodomie » ne doit pas faire l’objet d’une disposition pénale. Les relations sexuelles en privé entre adultes consentants doivent être décriminalisées et non seulement dépénalisées. - Le Code pénal doit être aussi purifié de toute disposition susceptible d’être utilisée par les autorités pour poursuivre les personnes homosexuelles telles que les actes criminalisés sous les expressions : « les attentats à la pudeur et l’outrage aux bonnes mœurs. » - L’abrogation des lois homophobes ou des dispositions discriminatoires à l’encontre des homosexuels. - Pénaliser l’homophobie en adoptant des dispositions générales et non spécifiques de lutte contre la discrimination y compris sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. - Considérer comme circonstances aggravantes les agressions homophobes et transphobes.
483
La Commission des libertés individuelles et de l�égalité (Colibe), déjà cité, p. 105.
484
Ibid, p. 117.
183
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Section II L’état des lieux de l’activisme L.G.B.T. Les droits humains, universels, appartiennent à tous. Il est légitime que des citoyens se regroupent pour en assurer la défense et qu’ils cherchent à contribuer à leur respect au niveau international.485 Avant 2011, en Tunisie, créer une association passait par le ministère de l’Intérieur, chose qui pouvait souvent entraver sa création. En effet, même si le visa est obtenu, les activités de l’association risquaient d’être paralysées au nom de l’ordre public. Cette liberté s’est particulièrement illustrée à travers l’article 35 de la Constitution de 2014, qui garantit la liberté de constituer des associations. De surcroit, la liberté d’association est l’essence même du travail des associations afin qu’elles puissent véhiculer une culture des droits humains. Une liberté, d’emblée, renforcée avec l’adoption du décret-loi relatif aux associations486. 184
Avant de procéder à l’analyse des paragraphes de cette section, il importe de préciser quelques expressions. - Les associations L.G.B.T.: « Il s’agit (…) des associations qui se présentent ouvertement comme LGBTQI++.487 » On cite : Chouf, Damj, Kelmty, Mawjoudin et Shams. A ne pas confondre avec les associations « généralistes » ou les associations qui se sont spécialisées dans des thématiques spécifiques, qui couvrent entre autres les aspects liés aux causes LGBTQI++.488 Il s’agit notamment de l’Association tunisienne de Défense des Libertés Individuelles (A.D.L.I.), l’Association pour la promotion du Droit à la Différence (A.D.D.), l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (A.T.F.D.), l’association 485
Brigitte Collet, « Les ONG de défense des droits de l’Homme aux Nations Unies », Revue Projet, vol. 269, n°1,
2002, pp. 33-41. 486
Décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011, portant organisation des associations, J.O.R.T. n° 74 du 30 septembre
2011, p. 1977. Voir les articles 1 et 3. 487
Jinan Limam, « Etude sur: « Les associations LGBTQI++ en Tunisie : Emergence d’un nouveau militantisme humain
» » (préface du Professeur Wahid Ferchichi), Association de Défense des Libertés Individuelles, Tunis, octobre 2017, p. 10. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._etude_associations_lgbtqi_fr.pdf page consultée le 20 juin 2019. 488
Jinan Limam, Ibidem, p. 17.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Beity, la Ligue Tunisienne de défense des Droits de l’Homme (L.T.D.H.), L’Association Tunisienne de Lutte contre les MST et le SIDA - Tunis, ATP+ et l’Association Tunisienne de Soutien aux Minorités (A.T.S.M.) - Le mouvement L.G.B.T. : Il s’agit d’une production militante qui n’est pas forcément constituée par des associations L.G.B.T mais comprend notamment des associations « généralistes » et qui défendent ouvertement la cause L.G.B.T. Le mouvement L.G.B.T n’est pas une entité empirique qui préexiste à la mobilisation. C’est plutôt le résultat d’un travail militant « qui s’inscrit dans un contexte politique spécifique et s’organise comme réponse collective visant à la promotion et la réalisation d’une cause et d’actions communes.489 » - La cause L.G.B.T. : Il s’agit des revendications des personnes L.G.B.T et des associations qui soutiennent la cause. En d’autres termes, la cause s’inscrit dans le cadre d’une évaluation des textes juridiques, la détermination des discriminations et des violences envers les personnes L.G.B.T. et des droits violés. Ceci peut être décelé des rapports et des communiqués des associations soit à titre indépendant ou en formant des coalitions ou un collectif.490 Cette dernière forme formule des recommandations ayant pour but l’amélioration de la situation des personnes L.G.B.T et l’égalité en droits. - Les alliés : Dans le cadre du plaidoyer des militants L.G.B.T et afin de bien planifier la stratégie à adopter pour le faire réussir, il faut chercher des alliés et identifier les opposants. Ainsi, les alliés représentent les organisations et les personnes qui pourraient soutenir une association pour ce but de plaidoyer. « Il peut s’agir d’organisations qui pourraient se joindre à la vôtre pour ce travail, ou encore de personnes désireuses de devenir des « porte-drapeaux » au sein d’institutions particulières, comme le 489
Massimo Prearo, « L’espace du militantisme LGBT à l’épreuve des présidentielles », Genre, sexualité & société [En
ligne], Hors-série n° 2, 2013, mis en ligne le 10 avril 2013, page consultée le 17 juin 2019. Disponible sur: http:// journals.openedition.org/gss/2701 ; DOI : 10.4000/gss.2701 490
Voir à ce sujet :
Le collectif civil pour les libertés individuelles, Rapport sur les principales violations des libertés individuelles : Bas les masques, mars 2019. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_li_2019_ version_integrale.pdf page consultée le 14 juillet 2019. Coalition Tunisienne pour les Droits des Personnes L.G.B.T.Q.I, Rapport des Parties Prenantes: Examen Périodique Universel de la Tunisie, mai 2017. Disponible sur : https://tn.boell.org/fr/2017/05/01/rapport-des-parties-prenantes-examen-periodique-universel-de-la-tunisie page consultée le 14 juillet 2019.
185
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Parlement, des congrégations religieuses ou la police, afin d’atteindre votre but de plaidoyer.491 » - Le lobbying : « est une démarche visant à influencer la décision publique ou, plus largement, à assurer la promotion et la défense d’intérêts particuliers auprès des pouvoirs publics.492 » Le contexte postrévolutionnaire en Tunisie a donné naissance à une Constitution qui garantit les droits et libertés, parmi lesquels on cite la liberté d’expression et la liberté d’association représentant le socle permettant aux associations L.G.B.T émergeantes d’exercer leurs activités, d’où on peut parler d’un chantier énorme qui caractérise la cause L.G.B.T (paragraphe 1). Par la suite, ceci s’est accompagné d’une résistance ardue qui devrait faire face à l’homophobie de l’Etat et de la société, ce qui a permis d’amorcer ce chantier (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La cause L.G.B.T, un chantier énorme Depuis des années, les militants L.G.B.T combattent la discrimination et oeuvrent pour la reconnaissance des droits des personnes L.G.B.T, en appelant 186
principalement à mettre fin à la criminalisation des rapports sexuels en privé entre personnes de même sexe. Quelques avancées ont été obtenues depuis, les militant.e.s ont continué de sensibiliser l’opinion publique au sort peu enviable des personnes L.G.B.T. Une chose est incontestable, le débat sur l’homosexualité, criminalisée par l’article 230 du Code pénal, est sur la place publique, situation inédite dans le monde arabe et musulman. Une coalition des associations qui militent ouvertement pour les droits des LGBTQI++493 a vu le jour. Ainsi, « Chouf, Damj, Mawjoudine, Shams constituent aujourd’hui des acteurs associatifs qui font que l’individu et son libre choix, soit au coeur des droits humains (...) associations qui redonnent au militantisme humain
491
Amnesty international, « Oser parler. Expériences et outils de plaidoyer des militants LGBTI en Afrique
subsaharienne », 2014, p. 38. Disponible sur : https://www.amnesty.org/download/Documents/4000/ afr010012014fr.pdf page consultée le 7 juillet 2019. 492
Marie-Laure Daridan et Aristide Luneau, Lobbying: Les coulisses de l’influence en démocratie, Pearson Education,
France, 2012, p. 10. 493
LGBTQI++: Lesbian Gay Bisexual Trans, Intersex, Queer and plus, il s’agit d’une formule qui tend à couvrir les
différentes manifestations de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
sa propre essence et sa raison d’être : l’humain, l’individu ...494 » Ces associations se penchent de prime abord sur des questions que les pouvoirs de l’Etat refusent ou sont incapables de traiter. Pour ce faire, elles interviennent publiquement en s’adressant non seulement aux pouvoirs publics, mais aussi à l’opinion publique. S’adresser au grand public implique le recours à la mobilisation par tous les moyens permettant l’exercice de la liberté d’association, notamment les moyens de communication. Il s’agit d’un combat de tous les jours marqué par une résistance face aux obstacles juridiques et sociaux (A). Obstacles qui ont engendré un tournant de la cause (B).
A. La résistance du militantisme L.G.B.T Dans le cadre de la lutte pour les droits des personnes L.G.B.T, des associations ont été créées pour permettre aux droits humains d’embrasser des catégories de personnes, qui continuent d’être minorées, discriminées et sanctionnées pénalement. Certes, en Tunisie, les associations jouissent d’un espace de liberté, mais le système législatif répressif et la traque des personnes homosexuelles n’ont pas épargné les militant·e·s L.G.B.T. Les militant·e·s L.G.B.T surmontent d’énormes difficultés et mettent leur propre sécurité en danger pour dénoncer les atteintes aux droits humains des personnes L.G.B.T et faire en sorte que les lois qui les discriminent changent. Dès lors, les militant·e·s L.G.B.T résistent à l’homophobie de l’Etat incarnée dans les lois pénales en vigueur (1) et à celle véhiculée par les médias (2).
1. La résistance face à l’homophobie de l’Etat La résistance des militant.e.s s’inscrit dans le cadre des obstacles auxquels ils doivent faire face. Il s’agit d’obstacles juridiques (a) et d’un obstacle qui touche l’essence même de l’association, du fait que la liberté d’association peut être limitée pour plusieurs raisons (b). 494
Jinane Limam, « Etude sur: « Les associations LGBTQI++ en Tunisie : Emergence d’un nouveau militantisme humain
» » (préface du Professeur Wahid Ferchichi), Association de Défense des Libertés Individuelles, Tunis, octobre 2017, pp. 12 et ss. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._etude_associations_lgbtqi_fr.pdf page consultée le 20 juin 2019.
187
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
a. Une homophobie répressive Les personnes homosexuelles et transsexuelles font face à des dispositions pénales qui répriment non seulement la pratique sexuelle mais aussi le comportement et l’identité sexuelle.
- La répression de la sodomie Ab initio, l’article 230 du Code pénal constitue une entrave au travail des militants. Du fait que les personnes L.G.B.T vivent sous le contrôle de la police et que l’Etat ne les protège pas ni poursuit-il en justice les agresseurs, les militants sont ipso facto en situation précaire, ils encourent non seulement le risque d’être arrêtés mais militent aussi dans un environnement propice aux crimes de haine homophobes et transphobes. De même, la criminalisation des rapports homosexuels limite le travail des militants L.G.B.T, sapant leurs efforts pour empêcher et répondre aux violences infligées aux L.G.B.T en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle.495 188
Parallèlement à cela, protéger les défenseurs des droits humains est une condition sine qua non de l’exercice des activités associatives. Ceci est en fait garanti par le décret-loi portant organisation des associations, « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires garantissant à tout individu sa protection par les autorités compétentes contre toute violence, menace, vengeance, discrimination préjudiciable de fait ou de droit, pression ou toute autre mesure abusive suite à l’exercice légitime de ses droits.496 »
A contrario, entraver les activités des militants les expose à des risques accrus si les États ne garantissent pas un climat sûr et propice dans lequel ils défendent les droits humains. Par conséquent, les gouvernements ont le devoir de veiller à ce que toutes les personnes relevant de leur juridiction puissent bénéficier de tous les droits humains dans la pratique, y compris du droit de promouvoir et de défendre les libertés fondamentales.
495
Amnesty international, Les victimes accusées. Violences sexuelles et liées au genre en Tunisie, novembre 2015, p.
46. Disponible sur : https://www.amnesty.org/fr/documents/mde30/2814/2015/fr/ page consultée le 17 juin 2019. 496
Article 7 du Décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011, portant organisation des associations. J.O.R.T, n°74, du
30 septembre 2011, p.1977.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Dans son rapport mondial pour l’année 2015-2016, Amnesty International dénonce les violations des droits des personnes minorées sur la base de leur orientation sexuelle, en exposant la situation des droits humains en Tunisie. Amnesty rappelle la discrimination et les dangers que les personnes minorées sur la base de leur orientation sexuelle encourent et qui sont liés à l’article 230 du C.P. L’Organisation a relevé que les autorités ne menaient pas d’enquêtes sérieuses sur les crimes homophobes et transphobes. L’O.N.G. interpelle les autorités et la société civile sur les examens anaux forcés en considérant que de tels actes violent l’interdiction de la torture et des autres formes de mauvais traitements. Elle appelle à l’abrogation de l’article 230 du C.P., ainsi que l’interdiction de ces pratiques effectuées par les services de médecine légale pour établir la « preuve » de rapports sexuels anaux entre adultes consentants. A ce stade, selon Amnesty « l’instauration d’un environnement sûr et porteur pour la société civile, dans la loi comme dans la pratique, constitue également un élément important de la prévention, et suppose notamment l’existence d’un cadre juridique, institutionnel et administratif favorable, la possibilité d’accéder à la justice et la fin de l’impunité pour les violations commises à l’encontre de la présence d’acteurs non étatiques qui respectent et appuient les activités des défenseurs, un accès aisé et sûr aux organes internationaux de protection des droits de l’Homme et l’existence d’une communauté de défenseurs solide et dynamique.497 »
- La répression du comportement et de l’identité sexuelle Consiste en la violation des libertés sur la base des attentats à la pudeur et aux bonnes moeurs. Ainsi, le recours aux articles 226 et 226 bis du Code pénal qui condamnent des « infractions » basées sur des notions vagues et indéfinies telles que « attentats à la pudeur », « attentats aux bonnes moeurs » et « attentats à la moralité publique », est assez fréquent dans l’interpellation, l’arrestation et la sanction de personnes sur la base de leur libre choix de comportements, d’expressions et d’apparences.498 497
Amnesty International, Rapport 2015/16 la situation des droits humains dans le monde, pp. 450-451. Disponible sur :
https://www.amnesty.org/download/Documents/POL1025522016FRENCH.PDF page consultée le 25 juin 2019. 498
Le collectif civil pour les libertés individuelles. Rapport sur les principales violations des libertés individuelles,
Bas les masques, mars 2019, p. 9. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_ li_2019_version_integrale.pdf consultée le 25 juin 2019.
189
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
A ce propos, Alaa Khemiri, Avocat et activiste des droits humains499, précise que l’abrogation de l’article 230 n’est pas suffisante pour la dépénalisation. Il faut aussi abroger les articles qui répriment ce qu’on appelle les attentats aux moeurs et les attentats à la pudeur. Sachant que ces textes de lois autorisent les agents de police à arrêter les personnes Trans sur la base de leurs comportements ou de leurs tenues vestimentaires, ils violent le droit au respect de la vie privée des individus.
Ipso facto, les transsexuels et les transgenres peuvent être menacés si leur identité sexuelle est manifestée en public. Cela s’explique par l’application ou la simple existence de lois employant des termes génériques qui criminalisent des actes qualifiés d’atteintes aux bonnes moeurs et d’outrage public à la pudeur. Généralement, les dispositions pénales dites de moralité confisquent l’affirmation publique de l’identité sexuelle. En effet, l’expression de l’identité sexuelle peut ne pas correspondre avec l’identité sexuelle; s’identifier comme « homme », mais adopter des façons d’exprimer son identité perçues comme étant « féminines » ou de sexe féminin, comme porter du maquillage et du vernis à ongles, ce qui peut être un indice de culpabilité pour arrêter la personne Trans
190
en l’accusant d’attentat à la pudeur et aux bonnes moeurs. Dans une décision de clôture d’instruction, le juge d’instruction a appliqué l’article 226 bis du Code pénal500 concernant une affaire dont les faits d’espèce relèvent que la police a arrêté trois hommes en janvier 2017 à Sousse suite à la plainte de leurs voisins qui les soupçonnaient d’être homosexuels. Le juge d’instruction a déclaré les hommes coupables d’« outrage public à
la pudeur » en s’appuyant sur le contenu des téléphones saisis et sur le fait qu’ils « s’habillaient en femmes, utilisaient du rouge à lèvres et parlaient d’une manière langoureuse ».501 499
Entretien fait avec Alaa Khemiri le 12 mai 2019.
500
En effet, cet article punit d’emprisonnement et d’une amende « quiconque porte publiquement atteinte aux
bonnes moeurs ou à la morale publique par le geste ou la parole ou gène intentionnellement autrui d’une façon qui porte atteinte à la pudeur. » Human Rights Watch, « Tunisie : Des arrestations pour « homosexualité » menacent le droit à la vie privée. Le
501
gouvernement se sert de données personnelles et d’« examens » anaux pour engager des poursuites judiciaires », 8 novembre 2018. Disponible sur : https://www.hrw.org/fr/news/2018/11/08/tunisie-des-arrestations-pourhomosexualite-menacent-le-droit-la-vie-privee page consultée le 16 septembre 2019. Cf, Mohamed Amine Jelassi, Minoré-e-s et discriminé-e-s, le Droit facteur d’inégalité, l’Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles, Tunis, 2018, p. 27.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Souvent, ce sont les comportements des personnes qui révèlent leur identité sexuelle. Ainsi, ces personnes comme les trans par exemple risquent de se faire intimider par les autorités. Tel était le cas d’une femme trans qui avait été arrêtée en novembre 2016 à Hammamet en Tunisie parce qu’elle était en habits féminins et avait indiqué à la police qu’elle se considérait comme femme. Elle a comparu devant le juge qui l’a condamnée à de la prison ferme, pour « outrage à la pudeur ».502 La même personne a été arrêtée le 16 septembre 2018 pour « indécence » et « outrage à un fonctionnaire ». Elle a été incarcérée dans une prison pour hommes malgré son apparence féminine avec près de 50 détenus pour crimes graves. En septembre 2018, une femme tunisienne transgenre a été arrêtée par les unités sécuritaires relevant du district de la sûreté nationale du grand Tunis pour «racolage sur la voie publique ».503 Pire encore, l’application des dispositions de l’article 226 du C.P. viole la protection des données à caractère personnel telle que garantie par la Constitution. Ceci nous rappelle l’affaire des jeunes de Kairouan dont l’un d’eux était condamné sur la base de l’article susmentionné. Ainsi, dans le jugement du Tribunal de Première Instance (T.P.I.) de Kairouan du 10 décembre 2015, un des accusés a été condamné à six mois de prison ferme pour attentat à la pudeur, sur la base de l’article 226 du C.P. Cette accusation a été retenue en raison de séquences vidéo filmant des rapports sexuels entre hommes trouvées dans son ordinateur.504
b. Une homophobie limitant l’exercice de la liberté d’association Les restrictions à la liberté d’association sont aussi des obstacles au travail des groupes L.G.B.T. Mais, a priori, travailler sur les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre n’est pas pratiquement impossible, les associations ouvertement L.G.B.T travaillent en toute légalité.
502
Tribunal cantonal de Hammamet, jugement n°55026 du 19 janvier 2017, non publié.
503
Le collectif civil pour les libertés individuelles, Rapport sur les principales violations des libertés individuelles, Bas
les masques, mars 2019, pp. 9-10. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_li_2019_version_integrale.pdf Page consultée le 16 septembre 2019. ّ” “و حيث أن المتهم قد خزن بحاسوبه المحمول صورا لذكران يطؤون بعضهم.“و حيث تم حجز جهاز حاسوب خزن به مقطع فيديو يظهر ذكورا يمارسون اللواط504 ”.من أدبارهم بشكل يسهل نشرها وترويجها
Tribunal de Première instance de Kairouan, Jugement n°6782 du 10 décembre 2015, non publié.
191
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Mieux encore et malgré les dispositions pénales réprimant l’expression de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, le décret-loi organisant les associations garantit la liberté de constituer des associations, d’y adhérer et d’y exercer des activités tant que « les associations respectent les principes de l’Etat de Droit, de la démocratie, de la pluralité, de la transparence, de l’égalité et des droits de l’Homme tels que définis par les conventions internationales ratifiées par la République Tunisienne.505 » Créées dans le cadre de défendre et protéger les droits des personnes L.G.B.T est en conformité avec ces principes. Eluder la criminalisation de l’homosexualité a poussé les associations défendant les personnes L.G.B.T à enregistrer leurs statuts sans mentionner explicitement la cause homosexuelle pour laquelle elles étaient créées. Ainsi, « la plupart n’affichent pas explicitement dans leurs statuts l’identité LGBTQI++. Elles inscrivent dans leur objet, la protection des droits humains et des principes universels d’égalité et de non-discrimination ou encore de promotion des droits sexuels et privilégient une visibilité calculée et prudente.506 » 192
Damj, l’association Tunisienne pour la justice et l’égalité (Damj) fut la première association L.G.B.T, elle a reçu son autorisation en août 2011. Il y avait bien eu une tentative de création en 2010 mais elle a essuyé un refus, « car nous parlions de droits L.G.B.T dans les statuts. Il a fallu changer : on parle aujourd’hui de minorités et de groupes marginalisés.507 » L’initiative Mawjoudin pour l’égalité (Mawjoudin) fut légalement créée au mois de janvier 2015. Le statut déposé fixe comme objet la défense des droits sexuels ainsi que la défense et la promotion des principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination. Or, l’absence dans les statuts d’une mention explicite de l’expression L.G.B.T ou minorités sexuelles est intentionnelle afin de contourner l’interdiction légale de l’homosexualité.
505
Article 3 du Décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011, portant organisation des associations. J.O.R.T. n°74 du
30 septembre 2011, p.1977. 506
Jinane Limam, op. cit., p. 35.
507
Sana Sbouai, Reportage Homosexualité : La bataille au grand jour, disponible sur :
http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_li_2019_version_integrale.pdf page consultée le 18 juin 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Selon Ali Bousselmi, fondateur de Mawjoudin, l’association a modifié ses statuts en 2018, afin de mentionner dans son objet : l’identité de genre, l’identité sexuelle et l’expression de genre. Cette modification est venue suite à l’amélioration de la situation des personnes L.G.B.T grâce aux politiciens qui sont devenus plus favorables à la question et parce que le nombre des arrestations a diminué, ajoute Ali Bousselmi.508 A l’opposé des autres associations, l’existence de Shams en tant qu’association a été précédée par la création d’une page Facebook pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie. La page a été en fait créée le 2 novembre 2014 accompagnée du lancement d’une campagne pour la dépénalisation de l’homosexualité. Cette page a eu du succès avec 30000 fans en quelques semaines, selon Mounir Baatour.509 Malgré cette résistance par tous les moyens légitimes et possibles, les personnes L.G.B.T y compris les militant.e.s n’ont pas échappé à l’homophobie de certains des médias.
2. La résistance face à l’homophobie de certains médias L’espace médiatique audiovisuel510 est censé être un lieu d’expression pour tous. S’exprimer par le biais du droit à la liberté d’expression et à l’information, c’est chercher à ouvrir des espaces de dialogue et à démocratiser l’accès aux médias afin de permettre aux personnes L.G.B.T de récupérer la parole et de véhiculer leur réalité quotidienne par le biais de reportages, de documentaires et même à travers les oeuvres d’art.511 Néanmoins, et à plusieurs reprises, certains médias n’ont pas raté l’occasion de ridiculiser ou diaboliser les personnes homosexuelles.
508
Entretien avec Ali Bousselmi, 9 mai 2019.
509
Jinane Limam, op. cit., p. 37.
510
Décret-loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant
création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (H.A.I.C.A.), Article 2 : Définition : « Au sens du présent décret-loi on entend par : - Communication audiovisuelle : toute opération qui consiste à mettre à la disposition du public, par quelque moyen que ce soit, des services radiophoniques ou télévisuels ». J.O.R.T. n°84 du 4 novembre 2011, p. 2430. 511
Ce cadre est constitutionnellement consacré depuis 2014 dans les articles 31 et 42 qui garantissent respectivement :
Les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication et le droit à la culture et la liberté de création.
193
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
C’est également le discours haineux adopté par certaines chaines de radio et de télévision qui marque l’homophobie de ces médias. Ainsi et comme conséquence de l’homophobie de certains médias, « dans la plupart des pays de la région, la stigmatisation sociale dissuade les activistes L.G.B.T de devenir les visages de leurs mouvements, même s’ils ne craignent pas d’être arrêtés ou de subir des violences. Ceux qui se sont exprimés publiquement dans les médias traditionnels ou sur les réseaux sociaux pour défendre leurs droits ont payé un lourd tribut sous forme de harcèlement en ligne, d’expulsion de leurs établissements scolaires, ou de rejet familial.512 » Certes, l’homosexualité a gagné une éclatante visibilité dans les médias tunisiens après 2011 en devenant un sujet récurrent. Mais, elle fait encore l’objet de stigmates et d’hostilité. Dans ce sens, « les défenseurs des droits humains des personnes L.G.B.T.Q.I subissent des intimidations et des campagnes de diffamation et de dénigrement notamment sur les mass-médias et les médias sociaux, comme cela a été le cas avec un membre de l’association Shams en décembre 2015 qui a fini par demander 194
l’asile devant l’inertie des autorités publiques après avoir reçu plusieurs menaces de meurtre.513 »
Ab initio, l’homophobie n’est pas illégale en Tunisie, aucun texte de loi ne réprime les actes et les propos homophobes. Partant de ce fait, des animateurs de télévision et de radio affichent clairement leur homophobie et l’assument publiquement. Ipso
facto, dénigrer les personnes homosexuelles en les qualifiant, entre autres, de malades devant se soigner devient monnaie courante dans le paysage médiatique514 Face à l’absence de sanctions dissuasives, les propos homophobes prolifèrent et se banalisent.515 512
Human Rights Watch, L’audace face à l’adversité Activisme en faveur des droits LGBT au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord, avril 2018, p. 24. Disponible sur : https://www.hrw.org/sites/default/files/report_pdf/lgbt_ mena0418fr_web.pdf Page consultée le 20 juin 2019. 513
Coalition Tunisienne pour les Droits des Personnes L.G.B.T.Q.I, Rapport des Parties Prenantes: Examen Périodique
Universel de la Tunisie, mai 2017, p. 30. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/rapport-upr-lgbt.pdf consultée le 14 juillet 2019. 514
Le 12 décembre 2017 Migalo a lancé lors de l�émission chellet Amine sur Mosaique FM: « je n�appelle pas à ce
qu�on l�on frappe ces gens là. Qu�ils aillent se faire soigner. » « Homophobie: La radio gay irrite Amine Gara et Wassim Migalo », Kapitalis, 12 décembre 2017. Disponible sur : http://kapitalis.com/tunisie/2017/12/12/homophobie-la-radio-gay-irrite-amine-gara-et-wassim-migalo/ Page consultée le 29 juin 2019. 515
Coalition Tunisienne pour les Droits des Personnes L.G.B.T.Q.I, ibidem, p. 16.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Pire encore, l’Etat ne reconnait pas encore les crimes homophobes, notion ignorée en Droit tunisien. En effet, selon Badr Baabou Président de l’association Damj, « il y a toutefois un dossier qui mérite d’être ouvert et d’être étudié sérieusement, celui des crimes à caractère homophobe. En effet, exception faite du crime du Fahs (petite ville du centre de Tunisie) survenu en février 2016, le ministère de l’Intérieur ne reconnait pas généralement le caractère homophobe des crimes.516 » Tout a commencé avec le débat autour de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie. C’était l’occasion pour certaines personnalités d’exprimer en public leur homophobie surtout qu’il ne faut pas nier que les médias ont un impact sur la manière dont l’homosexualité est perçue par leur public. Suite à l’émission de Samir El Wafi diffusée le 11 octobre 2015 sur Al Hiwar Ettounsi, avec Lazher Akremi517 comme principal invité, l’association Shams est indignée par les propos de Lazher Akermi ainsi que par l’attitude homophobe de l’animateur : « Un ministre de la Défense homosexuel ça serait bien. Il peut appuyer sur le bouton de l’arme atomique et lui... je veux dire... ». « J’imagine! Les tanks iraient à reculons! », répond Lazher Akremi, avant que les deux hommes et une partie du public ne se mettent à rire.518 A cet effet, l’association Shams a décidé de porter plainte contre Samir El Wafi auprès de la H.A.I.C.A, jugeant son « attitude homophobe » et contraire à l’éthique de la liberté de la communication audiovisuelle. Sans nul doute et comme toute autre liberté, celle-ci s’exerce conformément aux règles suivantes : La protection de la sécurité nationale et de l’ordre public et le respect de la dignité de l’individu et de la vie privée. Or, ces règles ont souvent été ignorées et remplacées par la discrimination et l’incitation à la haine contre les personnes homosexuelles par des chaines de télévision privées qui adoptent une vision de rejet et d’exclusion. 516
Jinan Limam, Op. cit., p. 50.
517
Journaliste, avocat et homme politique tunisien. Il était ministre auprès du chef du gouvernement chargé des
Relations avec l�Assemblée des représentants du peuple jusqu’au 6 octobre 2015. 518
Rihab Boukhayatia, « L’association Shams saisit la HAICA contre l’animateur Samir El Wafi pour son «attitude
homophobe» », Huffpost, 14 octobre 2015. Disponible sur https://www.huffpostmaghreb.com/2015/10/14/ tunisie-samir-el-wafi-hai_n_8280812.html page consultée le 30 juin 2019.
195
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Tel est le cas dans lequel la H.A.I.C.A a choisi de garder le silence, lorsque la chaine Zitouna TV a diffusé le 13 juin 2016 une émission sur le thème de l’homosexualité dans laquelle l’animateur rappelait des hadiths du prophète de l’Islam qui appellent à tuer les personnes homosexuelles. Il reprochait également aux médias d’avoir transmis la voix des homosexuels et de donner ainsi de l’importance à ce « phénomène négatif ».519 Incontestablement, il s’agit là d’un discours qui nie l’existence même de ces personnes et peut-être même leur humanité. L’Association Tunisienne de Soutien des Minorités (A.T.S.M.) a ainsi porté plainte, en demandant à la H.A.I.C.A « de rappeler à l’ordre l’animateur de l’émission suite à ses propos homophobes et incitation à la haine et appel au meurtre, sur la chaîne Zitouna ».520 On déduit de cette affaire que la visibilité de l’homosexualité est de facto condamnée, car, « ce qui frappe si l’on observe les codes sociaux tunisiens, c’est le silence fait autour de l’homosexualité. Comme si elle n’existait pas. Sa présence ne se livre qu’en creux. Toujours dans le même contexte d’une banalisation de l’homophobie, au lendemain 196
de la création de la web radio « Shams Rad »521 dédiée à la communauté L.G.B.T en Tunisie, qui a démarré ses émissions le 11 décembre 2017, des réactions hostiles ont été enregistrées sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Citons à titre d’exemple l’émission « Chellet Amine » diffusée le 12 décembre 2017 sur Mosaïque Fm. Les deux animateurs de l’émission ont exprimé clairement qu’ils n’appréciaient pas le fait que les personnes L.G.B.T puissent avoir une radio. En s’opposant à l’existence de cette radio d’une manière plus que désagréable en direct, ces présentateurs traitaient les hommes homosexuels de « mous ». De même, un des animateurs qui se sentait offensé par cette radio a formulé des propos homophobes tels que « les hommes homosexuels doivent aller se faire soigner. » 519
« On pourrait se demander pourquoi les punitions sont-elles aussi sévères? En toute simplicité, si tous ces microbes (les
homosexuels) se répandent dans la société, ils seront la cause de la déchéance (...) », explique le présentateur. Maha Smati, « Lapidation, défenestration... une émission de la chaîne Zitouna tient des propos ouvertement homophobes », Huffpost, 15 juin 2016. Disponible sur : http://www.huffpostmaghreb.com/2016/06/15/zitouna-homophobie_n_10475902.html page consultée le 15 juin 2019. 520
« Appel au meurtre des homos sur Zitouna TV : Que fait la justice ? », Kapitalis, 14 juin 2016. Disponible sur :
http://kapitalis.com/tunisie/2016/06/14/appel-au-meurtre-des-homos-sur-zitouna-tv-que-fait-la-justice/ page consultée le 30 juin 2019. .2018 فيفري19 ، المفكرة القانونية،” حكم قضائي برد دعوى نقابة األئمة ضد جمعية شمس: “انتصار لمدنية الدولة في تونس:وحيد الفرشيشي521
Disponible sur: http://legal-agenda.com/article.php?id=4240 page consultée le 9 septembre 2019
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
En réagissant aux propos homophobes véhiculés par cette émission, Me Mounir Baatour a dénoncé ces propos en considérant que leur discours est dangereusement homophobe cherchant à faire passer des appels à la haine et à la division de la société tunisienne.522 Rappelons à ce stade que la H.A.I.C.A. en tant qu’autorité régulatrice pose une sorte de Code d’éthique en prévoyant des principes et des valeurs à suivre et à mettre en oeuvre par les moyens de communication.523 Cette autorité vérifie que ces principes sont conformes aux droits humains, la base fondamentale de la protection des droits des personnes minorées. Ainsi, l’article 5 du décret-loi relatif à la liberté de la communication audiovisuelle prévoit que l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle se fait sur la base des principes qui garantissent la représentation des minorités. Ces principes se fondent sur « le respect des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits de l’Homme et aux libertés publiques, la liberté d’expression, l’égalité, le pluralisme d’expression des idées et opinions, l’objectivité et la transparence » tout en préservant « la dignité de l’individu et de la vie privée ».524 Toutefois, en traitant les personnes homosexuelles de « malades », l’émission n’a pas respecté la dignité de l’individu et le principe de non-discrimination tels que garantis par le décret-loi susmentionné et par la Constitution de 2014. En 2018, une chaine de télévision privée diffuse un sketch dans lequel les hommes homosexuels sont présentés comme des gays maniérés et inoffensifs. Sans trop tarder, l’association Shams a déposé une plainte le 28 novembre 2018 dans laquelle elle a dénoncé le contenu du sketch « humiliant des homosexuels » dans le programme « edh7ak ma3ana » sur la chaine Attesia’a. Le sketch se moque des personnes homosexuelles qui seraient incapables de servir leur pays
522
« Homophobie: La radio gay irrite Amine Gara et Wassim Migalo », Kapitalis, 12 décembre 2017. Disponible sur :
http://kapitalis.com/tunisie/2017/12/12/homophobie-la-radio-gay-irrite-amine-gara-et-wassim-migalo/ Page consultée le 29 juin 2019. 523
Voir à ce propos Étude sur le développement des médias en Tunisie: Basée sur les indicateurs de développement
des médias de l’UNESCO, UNESCO 2012, p. 38 et ss. Disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/ pf0000219222 page consultée le 29 juin 2019. 524
Décret-loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant
création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (H.A.I.C.A.), J.O.R.T., n°84 du 4 novembre 2011, p. 2430.
197
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
et de devenir militaires.525 Conséquemment, selon un courrier de la H.A.I.C.A du 6 février 2019, publié par Shams sur sa page facebook, une mise en garde a été adressée le 4 février à la chaine Attesia’a TV.526 Par ailleurs, les activistes se battent en permanence pour que les questions L.G.B.T soient présentées de manière objective dans les médias. Dans la soirée du 20 décembre 2014, une émission présentée sur Cap Fm par Alaa Chebbi a choisi pour thème « L’homosexualité et les raisons de sa propagation ». Cet intitulé inadéquat a été suivi plus tard par une avalanche de remarques homophobes. Le contexte général traite le sujet comme une perversion qu’il faut « corriger ».527 Ainsi, la référence au religieux pour condamner l’homosexualité a fait que le débat sur le plateau soit clairement orienté. En effet, Alaa Chebbi a été plusieurs critiqué par les invités au plateau au sujet des termes employés spécialement concernant l’amalgame qu’il fait entre la « délinquance sexuelle » et « l’orientation sexuelle ». Aussi, l’hétérosexualité est considérée comme étant l’état « normal » 198
en comparaison avec l’homosexualité jugée comme un phénomène hors normes et contraire à la « nature » par l’animateur.528 Toutefois, un changement s’est opéré au niveau de la terminologie employée par les médias. Ainsi, les journalistes et les sites internet ne parlent plus de « déviance sexuelle », ils disent « homosexuels ». Désormais, des articles et des reportages
525
« La HAICA adresse une mise en garde à Attessia TV et explique », Tuniscope, 13 février 2019. Disponible sur :
https://www.tuniscope.com/article/169628/culture/tv/haica-570219 page consultée le 9 septembre 2019. 526
« Homophobie: La HAICA adresse une mise en garde à Attessia », Kapitalis, 13 février 2019. Disponible sur :
http://kapitalis.com/tunisie/2019/02/13/homophobie-la-haica-adresse-une-mise-en-garde-a-attessia/page consultée le 29 juin 2019. 527
Najma Kousri Labidi, « Ala Chebbi invite un imam qui appelle au meurtre des homosexuels », HuffPost Tunisie,
25 décembre 2014, disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/2014/12/25/ala-chebbi-imama-appelau_n_6373246.html page consultée le 22 juin 2019. 528
« En Tunisie, une émission sur «la propagation de l�homosexualité» avec en invité, un imam qui appelle au
meurtre des LGBT », Revue du Web, 25 décembre 2014. Disponible sur : https://www.stophomophobie.com/en-tunisie-une-emission-sur-la-propagation-de-lhomosexualite-avec-en-inviteun-imam-qui-appelle-au-meurtre-des-lgbt/ page consultée le 29 juin 2019. Yamina Thabet, présidente de l’Association Tunisienne de Soutien aux Minorités était l’invité de l’émission accompagné du juriste de l’association Amine Jelassi. L’ATSM a accepté l’invitation sous réserve que le titre de l’émission soit modifié. Au début, c’était al choudhoudh (perversion) et qui a été remplacé par la suite par mithlia (homosexualité), comme le rappelle Yamina Thabet. Entretien fait le 1er juin 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
sur les activités des associations L.G.B.T sont publiés.529 Quoiqu’il en soit, faire évoluer les mentalités est indéniablement une étape importante dans le processus de la dépénalisation. C’est ce qu’a déclaré l’ex vice-président de l’Association Shams au HuffPost Tunisie : « Beaucoup de commentateurs n’utilisent pas les mots péjoratifs pour désigner les homosexuels mais se contentent de dire tout simplement ‘homosexuels’, ça peut avoir l’air anecdotique mais c’est très important sur le plan symbolique. Une démarche certes inconsciente pour certains mais notable.530 » Par ailleurs, certaines associations comme Damj privilégient la solidarité active (hébergement d’urgence, écoute solidaire, formations...) et une approche plus discrète que celle employée par l’Association Shams. Badr Baabou, Président de Damj, déclare que les membres de son association refusent d’aller dans les talkshows des médias où les débats sont trop médiocres et déclenchent des traques d’homosexuels. Selon les dires de Badr, les médias ne sont pas neutres et ils véhiculent une image caricaturale de l’homosexuel comme personne en marge de la société.531 Pareil pour l’Initiative Mawjoudin, Ali Bousselmi considère que : « si l’on s’affiche publiquement, on aura du mal à faire parvenir nos voix dans les régions », rejetant ainsi la médiatisation, Bousselmi affirme qu’ « à Mawjoudin, on préfère y aller doucement, gagner de l’espace sans trop nous afficher ».532 Dans cette situation il faut préparer des contre-arguments scientifiques et sociologiques afin de convaincre, rajoute Salwa Hamrouni 533. 529
« « Le tabou est tombé », constate Ali Bousselmi, président de l’association Mawjoudin. « D’ailleurs, on remarque
qu’aujourd’hui quand on parle d’homosexualité en Tunisie, le mot utilisé est « mithli » et non plus les mots dégradants qui parsèment le vocabulaire », ajoute-t-il. » Cité par Malek Lakhal, « Lutte pour les droits LGBT: une dynamique enrayée par les conflits stratégiques », Nawaat, 29 mai 2018. Disponible sur : https://nawaat.org/portail/2018/05/29/lutte-pour-les-droits-lgbt-une-dynamiqueenrayee-par-les-conflits-strategiques/ page consultée le 30 juin 2019. 530
Rihab Boukhayatia, « L’homosexualité au Maghreb: L’état des lieux d’une lutte en marche malgré la ségrégation »,
HuffPost Tunisie, 13 octobre 2016. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/2016/10/12/homosexualite-maghreb-seg_n_12454682.html page consultée le 4 juillet 2019. 531
Entretien avec Badr Baabou fait le 30 mai 2019.
532
Malek Lakhal, « Lutte pour les droits LGBT: une dynamique enrayée par les conflits stratégiques », Nawaat, 29
mai 2018. Disponible sur : https://nawaat.org/portail/2018/05/29/lutte-pour-les-droits-lgbt-une-dynamiqueenrayee-par-les-conflits-strategiques/ page consultée le 30 juin 2019. 533
Professeure de Droit à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis et membre de la COLIBE.
Entretien avec Salwa Hamrouni fait le 29 juin 2019.
199
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Dans le même sens, selon Salwa Hamrouni, la visibilité des militants L.G.B.T dans les médias peut aider la cause à avancer en choisissant un discours adapté à la situation tout en évitant des arguments subjectifs qui visent la personne adoptant un discours homophobe.534
In fine, les animateurs télé et radio façonnent l’opinion publique et c’est pour cela que le discours adopté autour de la question de l’homosexualité participe à la détermination de l’image de la personne homosexuelle. Si le discours des médias est homophobe, il renforce l’image vulnérable et inférieure de ces personnes. Dans le cas contraire, les médias pluralistes et indépendants peuvent être des « partenaires » utiles pour la promotion des droits des personnes L.G.B.T, ajoute Me Alaa Khemiri535. Bravant tabous, préjugés et interdictions légales, des associations se sont mobilisées pour l’égalité en droits. S’inscrivant dans un contexte postrévolutionnaire, la mobilisation a permis aux personnes L.G.B.T de s’exprimer et de revendiquer leur existence.
B. Le tournant majeur de la cause L.G.B.T 200
Dans ce sens, il est indubitable qu’un tel tournant ne fut possible que par la création de l’association Shams qui milite ouvertement pour la dépénalisation de l’homosexualité (1) ainsi que par une vaste mobilisation contre la pratique du test anal (2).
1. L’association Shams, le feu du changement de la cause L.G.B.T L’association Shams est connue pour son combat qui s’inscrit dans l’appel à la dépénalisation de l’homosexualité. De surcroit, cette association figure parmi celles qui sont actives concernant les affaires qui touchent les personnes L.G.B.T et en rapport avec les événements de la scène politique. A cet égard, le travail de Shams se situe dans un cadre d’observatoire des abus et violations des droits des personnes L.G.B.T comme le souligne Me Mounir Baatour.536 Ceci est visible quand l’association Shams monte au créneau à chaque fois qu’une personne homosexuelle est arrêtée. Comme pour le cas du jeune Tunisien accusé d’homosexualité et arrêté à Sousse, il a été condamné à un an d’emprisonnement, en application de l’article 230, après avoir subi un examen anal, qui a valeur de 534
Entretien avec Salwa Hamrouni fait le 29 juin 2019.
535
Entretien fait avec Alaa Khemiri le 12 mai 2019.
536
Entretien fait le 28 juin 2019 avec Me Mounir Baatour.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
preuve devant la justice de la pratique de la sodomie.537 Selon Mounir Baatour, Shams était la première à médiatiser l’affaire et à appeler à sa libération ainsi qu’à l’interdiction des examens anaux forcés. En effet, Shams a publié en 2015 une affiche soulignant la possibilité de refuser un test anal.538 Par ailleurs, la défense des droits des personnes L.G.B.T, fut longtemps discrète et taboue, elle commence à s’afficher peu à peu depuis la chute du régime, le 14 janvier 2011, et l’avènement de la liberté d’expression qui en a résulté. Ce qui est marquant, c’est que militer dans le secret a pris fin depuis 2015, surtout avec la création de l’association Shams. Cette association qui milite ouvertement pour la dépénalisation de l’homosexualité devient la référence en matière de défense des droits des personnes L.G.B.T. Pourtant, Salwa Hamrouni ne partage pas en intégralité cette opinion en considérant que : « ce n’est pas forcément avec Shams que la question a commencé à être abordée. Il y a plusieurs associations en Tunisie qui luttent pour les droits L.G.B.T. Malheureusement, la lutte pour les droits L.G.B.T est enrayée par les conflits stratégiques. Les associations n’adoptent pas toutes les mêmes stratégies et spécialement pour Shams qui est souvent contestée par les associations L.G.B.T.539 ». Or, les associations qui évoquent des sujets tabous, comme celui de la dépénalisation de l’homosexualité, sont souvent reçues avec hostilité et mépris par les tribunaux. Payant le prix de son combat ouvert contre l’homophobie institutionnalisée, l’association Shams n’a pas échapé aux campagnes de dénigrement. Cette attitude a été explicite dans l’affaire jugée par le Tribunal de Première Instance (T.P.I.) de Kairouan. Elle concernait le fait de trouver une séquence video
537
En septembre 2015, un jeune homme, pour se disculper d’une accusation de meurtre, admet avoir eu une
relation homosexuelle avec la victime et se retrouve condamné après avoir été forcé de subir un test anal. L’affaire est citée par le rapport d’Amnesty international, Tunisie: les victimes accusées: violences sexuelles et violences liées au genre en Tunisie. Synthèse par Amnesty International, 25 novembre 2015, n° d’index: MDE 30/2827/2015, p. 41. Disponible sur : https://www.amnesty.org/download/Documents/MDE3028142015FRENCH.PDF page consultée le 28 juin 2019. 538
Voir la page facebook de Shams, « Shams - Pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie », publication
du 16 septembre 2015. 539
Entretien avec Salwa Hamrouni fait le 29 juin 2019.
201
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
sur l’ordinateur portable de l’un des inculpés en rapport avec l’association Shams.540 Cette association est, tout de même, légalement créée. Elle ne vise nullement la promotion des « actes pervers » comme l’entend le T.P.I. de Kairouan qui, non seulement « diabolise » les condamnés, mais aussi les associations qui défendent ces personnes. Son objectif, comme il est prévu dans l’un de ses communiqués publiés sur la page offcielle de l’association sur facebook, s’inscrit dans le soutien psychique et moral des jeunes homosexuel(le)s qui tentent souvent de commettre le suicide puisque ils/elles sont traité(e)s comme des criminels par la loi et par la société.541 Shams se distingue des autres associations ouvertement L.G.B.T par son choix de militer à haute voix dans les médias, chose qui n’a pas forcément joué en sa faveur. Car, les actes homophobes se sont multipliés depuis le passage à la télévision du Vice-Président de Shams. Depuis cette apparition télévisée, le militant aurait reçu près de 500 menaces de mort, par téléphone, via les réseaux sociaux ou encore dans la rue.542 Le 20 avril 2016, il participe à une émission télévisée klem enness sur la chaîne privée tunisienne Al-Hiwar Ettounsi. Face à un média « homophobe », le vice-président explique : 202
« Je n’étais censé faire face qu’à une seule personne. J’ai montré à quel point l’intervention d’Ahmed Landolsi était homophobe et misogyne. Mais on m’a opposé des clichés tels que : « Qui joue le rôle de la femme et porte le bikini à la plage dans un couple gay? ».543 » Shams était la première association à publier un communiqué dénonçant les campagnes de lynchage contre les personnes homosexuelles sous le titre :
.» تنبئ عن األفعال الشاذة... «وشعار جمعية لها عالقة باملثليني جنسيا.» مقطعا آخر يخص جمعية شمس... «و جهاز حاسوب يحتوي540 Tribunal de Première Instance de Kairouan, jugement n°6782 du 10 décembre 2015, non publié. 541
L’association Shams a déjà répondu aux critiques avant l’affaire de Kairouan dans laquelle Shams a été dénigrée
et ce dans un communiqué rendu public samedi 30 mai 2015, sur la polémique et la campagne de dénigrement l’ayant visée après l’annonce de sa constitution légale. Voir l’article de Business News, « L’association Shams défendant les droits LGBT répond à ses détracteurs », 30 mai 2015. Disponible sur : https://www.businessnews.com.tn/lassociation-shams-defendant-les-droits-lgbt-repond-ases-detracteurs,520,56294,3 page consultée le 27 juin 2019. 542
« Tunisie : Ahmed Ben Amor, vice-président de l’association Shams contre l’homophobie, survit à une tentative de
suicide », Jeune Afrique, 11 juillet 2016. Disponible sur : https://www.jeuneafrique.com/340751/societe/tunisieahmed-ben-amor-vice-president-de-lassociation-shams-contre-lhomophobie-survit-a-tentative-de-suicide/ page consultée le 9 septembre 2019. 543
Haïfa Mzalouat, « Droits LGBT en Tunisie : le combat sera télévisé », 17 mai 2016, Inkyfada. Disponible sur :
https://inkyfada.com/fr/2016/05/17/droits-lgbt-en-tunisie-le-combat-sera-televise/ page consultée le 27 juin 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
« L’association L.G.B.T. tunisienne, sur la campagne appelant au lynchage des homosexuels en Tunisie ».544 A ce sujet, Shams a exprimé son extrême inquiétude face à la montée spectaculaire des discours de haine et de stigmatisation contre la communauté L.G.B.T en Tunisie et a dénoncé le silence complice de certains partis politiques, soit par des propos encore plus homophobes et des propos de soutien des discours homophobes et haineux passés à l’inaperçu dans les médias. Il n’en demeure pas moins que d’un point de vue social et culturel, la société civile contribue à la prise de conscience des problèmes auxquels se heurtent les personnes homosexuelles. Même si certaines organisations rencontrent des difficultés, le fait même qu’elles soient créées et qu’elles se mobilisent pour les mêmes causes montre que les mentalités évoluent.
2. Une vaste mobilisation de la société civile pour la cause L.G.B.T L’affaire du test anal a suscité une vague d’indignation relativement nouvelle en Tunisie. La condamnation du jeune homme de Sousse sur la base du test anal a été dénoncée et vivement critiquée par des associations de défense des droits humains, et pour cause, sa violation des libertés individuelles de la Constitution de 2014. Ainsi, pour la première fois en Tunisie, des associations qui ne militent pas spécialement pour les droits des personnes L.G.B.T telles que la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (L.T.D.H.), ont dénoncé la pratique du test anal en appelant notamment à l’abrogation de l’article 230, arguant qu’il était contraire à la Constitution de 2014, censée garantir le respect des libertés individuelles et principalement la préservation de la dignité humaine. A ce stade, la L.T.D.H. section de Kairouan a publié un communiqué, le 14 décembre 2015, dans lequel elle condamne les transgressions cumulées de la Constitution et du code de déontologie des médecins en obligeant le jeune homme à subir un test anal. Une atteinte flagrante à l’intégrité physique et aux libertés, selon la L.T.D.H.545 544
Voir la page facebook de Shams, « Shams - Pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie », publication
du 23 avril 2016. Les actes selon le communiqué de Shams sont les suivants : Des personnes ont pris l’initiative d’une campagne sur les réseaux sociaux appelant clairement «à bruler tous les gays tunisiens ou à leur trancher la gorge», à la façon des vidéos de DAECH. Des commerçants qui collent une pancarte où il y est écrit : «Il est interdit aux homosexuels d’entrer dans la boutique». 545
Communiqué de la Ligue Tunisienne des droits de l’Homme (Section de Kairouan) du 14 décembre 2015.
203
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Ali Zeddini, membre du bureau exécutif promet de son côté : « nous appuierons toutes les associations qui oeuvrent pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie et nous ferons avec eux le travail de lobbying nécessaire afin d’abolir l’article 230. Une pression sur les élus en fera partie.546 » Dans le même sens, l’A.T.F.D a appelé dans un communiqué publié sur sa page
facebook, le 26 septembre 2015, à mettre fin à toute discrimination entre les citoyens tunisiens basée sur leurs orientations ou leurs choix sexuels et appelle à la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie. D’emblée, l’A.T.F.D argumente en se basant sur les garanties de la Constitution de 2014 à savoir le principe de non-discrimination, le respect de l’inviolabilité de la vie privée ainsi que l’interdiction de la torture et des pratiques inhumaines, cruelles et dégradantes. Le communiqué appelle non seulement à l’interdiction du test anal mais aussi à la pénalisation d’une telle pratique.547 Après avoir été médiatisée, l’affaire du test anal a pris une ampleur considérable et une mobilisation inédite de plusieurs associations condamnant l’arrestation arbitraire du jeune homme. Des associations comme Damj, Association Tunisienne de Défense des Libertés 204
Individuelles (A.D.L.I.), et l’association tunisienne de soutien des minorités (A.T.S.M.) ont mené, depuis l’arrestation du jeune homme, une campagne pour la dénoncer, appelant à redéfinir le crime sexuel, en limitant les examens sauf dans les cas d’agressions et à amender l’article 230 du Code pénal ainsi que toute loi anticonstitutionnelle. Ces associations réclament « l’abrogation de l’article 230 du Code pénal tunisien, comme étant une disposition inconstitutionnelle et non conforme aux dispositions des conventions internationales dûment ratifiées par la Tunisie »548. Disponible sur la page facebook de la LTDH.https://www.facebook.com/ltdh.tn/photos/a.245757162295601/4660 45223600126/?type=3&theater Page consultée le 26 septembre 2019. 546
Rihab Boukhayatia, « Tunisie: La LTDH réagit à l�affaire de la condamnation d�un étudiant pour «pratiques
homosexuelles» et répond aux accusations », HuffPost Tunisie, 28 septembre 2015. Disponible sur : https://www. huffpostmaghreb.com/2015/09/28/tunisie-ligue-tunisienne-_n_8207022.html page consultée le 28 juin 2019. 547
Yassine Bellamine, « L’Association Tunisienne des Femmes Démocrates appelle à la fin de la discrimination sur la
base de l�orientation sexuelle », HuffPost Tunisie, 28 septembre 2015. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/2015/09/28/atfd-discrimination-sexue_n_8206336.html?utm_hp_ ref=maghreb page consultée le 28 juin 2019. Voir la page officielle facebook de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates. https://www.facebook.com/femmesdemocrates/posts/932449253492993/ page consultée le 9 septembre 2019. 548
Les associations signataires :
– L’association tunisienne de défense des libertés individuelles
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Quant à l’A.T.S.M. elle a publié deux communiqués dénonçant la pratique des examens anaux forcés. Le premier, publié le 22 septembre 2015, dans lequel l’association rappelle que la pratique du test anal viole la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ratifiée par la Tunisie549. Le deuxième a été adressé, le 26 septembre 2015, à l’Assemblée des Représentants du Peuple dans lequel l’association rappelle le pouvoir législatif ses engagements internationaux envers les minorités à savoir protéger les personnes homosexuelles par une loi qui interdit de telles pratiques humiliantes et dégradantes violant la dignité humaine.550 Dans ce communiqué, l’association s’est indignée des déclarations du vice-président de la commission, Naoufel Jammali, rapportées par le journal électronique Echaraâ Al Magharibi: « Nous n’examinons pas les affaires et les cas sociaux », avait-il dit. « L’affaire n’est ni un cas social ni un fait divers », a rétorqué l’association dans une lettre ouverte adressée aux députés, « mais un révélateur de la situation des libertés et des droits dont vous êtes d’une façon ou d’une autre les garants ».551 La vaste mobilisation des associations défendant les droits humains et les droits des personnes L.G.B.T s’expliquerait par le contexte juridico-social, par la loi jugée « homophobe », la stigmatisation sociale et le rabaissement des condamnés pour homosexualité par le juge. Le 29 septembre 2015, un groupe d’associations locales a publié un communiqué sous le titre de « STOP à l’humiliation et à l’atteinte à la vie privée des citoyennes – L’association tunisienne de promotion du droit à la différence – Mawjoudin – Damj – Chouf – Without restrictions – Arken Disponible sur : https://www.algi.qc.ca/forum/quotidien/messages/9765.html page consultée le 9 septembre 2019. 549
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par l�Assemblée
générale dans sa résolution 39/46 du 10 décembre 1984. Ratifiée par la Tunisie par la loi n° 88-79 du 11 juillet 1988, JORT n° 48 du 12-15 juillet 1988, p. 1035. 550
Disponible sur : http://jamaity.org/2015/09/test-de-la-honte-mobilisation-de-la-societe-civile-pour-la-dignite-
humaine/#&gid=1&pid=4 page consultée le 26 septembre 2019. 551
Aymen Gharbi, « Tunisie: Affaire de la condamnation pour «pratiques homosexuelles»: La commission des droits
et des libertés interpelée, Bochra Belhaj Hmida répond », HuffPost Tunisie, 27 septembre 2015. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/2015/09/27/homosexuel-tunisie-affaire_n_8202750.html page consultée le 28 juin 2019.
205
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
et des citoyens ».552 Ces associations réclament « l’abrogation de l’article 230 du Code pénal tunisien, comme étant une disposition inconstitutionnelle et non conforme aux dispositions des conventions internationales dûment ratifiées par la Tunisie »553. Dans le même sens, la société tunisienne de sexologie clinique a condamné dans un communiqué la réalisation d’un examen génital ou anal, sans la demande de la personne concernée et contre son intérêt. En affirmant que la protection de la santé de l’individu est intimement liée à la préservation de sa dignité : « Les médecins dont la déontologie impose le respect de la dignité humaine ont vocation à promouvoir la santé sexuelle, indissociable de la santé en général. Ils ne doivent en aucun cas être utilisés pour l’entraver.554 » Cette affirmation rappelle un des principes de la déontologie médicale soit le respect de l’intégrité physique et mentale : « Un médecin sollicité ou requis pour examiner une personne privée de liberté ou pour lui donner des soins ne peut, directement ou indirectement ne serait-ce que 206
par sa seule présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l’intégrité physique ou mentale de cette personne ou à sa dignité.555 » Non seulement il s’agit d’une pratique contraire aux règles de la déontologie médicale mais encore faudrait-il ériger les tests anaux en infraction et les punir. Lors de l’examen du troisième rapport périodique soumis par la Tunisie en 2016, le Comité des Nations Unies contre la torture a condamné l’utilisation d’examens anaux forcés destinés à trouver des « preuves » contre des personnes accusées
552
Communiqué « STOP à l’humiliation et à l’atteinte à la vie privée », 25 septembre 2015. Disponible sur https://
www.algi.qc.ca/forum/quotidien/messages/9765.html page consultée le 28 juin 2019. 553
Les associations signataires :
– L’association tunisienne de défense des libertés individuelles – L’association tunisienne de promotion du droit à la différence – Mawjoudin – Damj – Chouf – Without restrictions – Arken 554
Communiqué de la société tunisienne de sexologie clinique du 28 septembre 2015. Disponible sur : http://
kapitalis.com/tunisie/2017/03/30/stsc-non-lhomosexualite-nest-pas-une-maladie/Page consultée le 28 juin 2019. 555
Article 7 du Code de déontologie médicale. Décret n° 93-1155 du 17 mai 1993, portant Code de déontologie
médicale, J.O.R.T n° 40 des 28 mai et 1er juin 1993, p. 764.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
d’homosexualité.556 Du même avis, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a, également, déclaré que les examens anaux forcés peuvent être assimilés à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant : « Les femmes, les filles et les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres sont particulièrement exposés à la torture et aux mauvais traitements lorsqu’ils sont privés de liberté, que ce soit dans des structures relevant du système de justice pénale ou dans d’autres contextes.557 » Dès lors, le test anal devrait être interdit et puni au même titre que la torture tel que prévu par l’article 101 bis (Nouveau) du Code pénal: « Est puni d’un emprisonnement de huit ans, le fonctionnaire ou assimilé qui soumet une personne à la torture et ce dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou lorsque la douleur ou les souffrances aiguës sont infligées pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit.558 » De cette manière les personnes homosexuelles bénéficieront d’une protection constitutionnelle et pénale. Parallèlement, le 24 septembre 2015, l’organisation des jeunes d’Al Massar (parti de gauche) ont publié un communiqué dans lequel ils ont défendu le jeune homme contre « ce jugement contraire à la Constitution » et ont appelé la Commission des droits et des libertés de l’Assemblée, à « prendre toutes ses responsabilités devant une telle situation, vu ce que cela représente comme danger sur le processus démocratique de la deuxième République »559.
556
Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de la Tunisie (CAT/C/TUN/3) et le rapport
complémentaire comportant des données actualisées (CAT/C/TUN/3/Add.1), à ses 1398e et 1401e séances, les 19 et 21 avril (CAT/C/SR.1398 et 1401), et a adopté les observations finales à ses 1420e et 1421e séances, le 6 mai 2016. 557
Conseil des droits de l’Homme, Trente et unième session, « Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », A/HRC/31/57, 5 janvier 2016, pp. 6 et ss. 558
Article 101 bis (nouveau) du Code pénal tel que complété et modifié par le Décret-loi n° 2011-106 du 22 octobre
2011, J.O.R.T. n°82 du 28 octobre 2011, p. 1435. 559
Voir la publication sur la page facebook de l’Organisation des jeunes d’Al Massar, 25 septembre 2015.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Dans le même contexte, le parti Al Qotb (Pôle démocrate moderniste) a appelé à mettre fin aux pratiques humiliantes des tests anaux en considérant que celles-ci contredisent les libertés individuelles et l’intégrité physique des personnes, protégées par la Constitution. Le parti invite également la présidence du gouvernement à assumer ses responsabilités face à ces « transgressions honteuses » des droits humains.560 Malgré cette mobilisation, les autorités continuent à utiliser un moyen de preuve qui est toutefois considéré comme illégal (examen anal), car il porte atteinte à l’intégrité physique, en contradiction flagrante avec la Constitution de 2014. Dans un communiqué signé le 16 décembre 2015 par 13 organisations de défense des droits humains561, un appel plus fort a été fait aux institutions afin de mettre fin aux tests anaux. Ainsi, selon le communiqué, « le ministère de la Justice tunisien doit immédiatement émettre une directive ordonnant aux procureurs l’arrêt de l’envoi des détenus pour des examens anaux dans le cadre des procédures d’enquête de police pour déterminer le comportement sexuel des individus. Le ministère de la Santé tunisien devrait également aviser tous les médecins légistes sous l’autorité 208
du ministère de cesser tous les examens anaux à ces fins et à respecter le droit des personnes à la dignité et à l’intégrité physique. Les organisations signataires réitèrent enfin, leur appel aux autorités tunisiennes afin d’abroger l’article 230 et de réviser toutes les dispositions liberticides du code pénal tunisien.562 » Il en est de même pour le Conseil national de l’Ordre des médecins qui a publié un communiqué, le 3 avril 2017, intitulé : « le consentement dans le cadre de l’expertise médicale »563 dans lequel l’Ordre considère que les examens anaux portent atteinte à la dignité. 560
« Al Qotb appelle à la libération du jeune étudiant condamné pour homosexualité », business news, 26 septembre
2015. Disponible sur : https://www.businessnews.com.tn/al-qotb-appelle-a-la-liberation-du-jeune-etudiantcondamne-pour-homosexualite,520,59169,3 consultée le 28 juin 2019. 561
Les organisations signataires: ASF, Association pour la promotion du droit à la différence - Bizerte, Association
tunisienne de défenses des libertés individuelles, Chouf, CRLDHT, Euromed rights, FIDH, HRW, Initiative Mawjoudin pour l�égalité, OCTT, OMCT, REMDH, Waai. 562
Tunisie: Trois ans de prison pour homosexualité 6 étudiants soumis à un examen anal (Tunis, le 16 Décembre,
2015). Disponible sur : http://adlitn.org/fr/node/276. Consultée le 28 juin 2019. 563
Ordre des médecins, Conseil national, Communiqué du 3 avril 2017, « le consentement dans le cadre de
l�expertise médicale ». Disponible sur : http://www.ordre-medecins.org.tn/templates/ja_biz/pdf/communiques/com_avr_17_consent_expertise.pdf page consultée le 28 juin 2019. Voir aussi : Human Rights Watch, «Tunisie : Les médecins s’opposent aux « tests anaux » pour homosexualité Les ordres de médecins dans d’autres pays devraient s’inspirer de cet exemple», 12 avril 2017. Disponible sur : https://www.hrw.org/fr/news/2017/04/12/tunisie-les-medecins-sopposent-aux-tests-anaux-pour-homosexualite page consultée le 28 juin 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Sans nul doute, il s’agit d’une mesure courageuse dont l’objet est de s’opposer à l’utilisation de ces examens cruels. L’Ordre affirme également que les médecins doivent désormais informer les patients de leur droit de refuser l’examen. Or, Mounir Baatour ne semble pas partager l’avis de l‘Ordre des médecins. Selon les dires du Président de l’association Shams, « comme toutes les autres associations, Shams appelle à l’interdiction du test anal ». Baatour considère qu’il n’y a rien permettant des conditions sereines pour aboutir à un consentement. La seule issue possible serait, selon lui, que l’Ordre des médecins se positionne pour une réelle interdiction du test anal sous peine de sanctions disciplinaires envers les médecins. Il affirme notamment que les spécialistes internationaux ont conclu que ces tests n’ont pas de valeur scientifique et ne prouvent rien.564 Parallèlement, un rapport a été élaboré par Human Rights Watch (H.R.W.), intitulé « Dignité dégradée - Des examens anaux forcés lors des poursuites pour homosexualité », dans lequel l’O.N.G. recueille des preuves du recours à des examens anaux forcés dans huit pays dont la Tunisie.565 Dans son rapport, H.R.W. rappelle l’article 230 du Code pénal, qui punit l’homosexualité féminine et masculine. Plusieurs affaires ont mis en lumière cet article ainsi que le recours aux examens anaux forcés. En effet, quand la police arrête des hommes suspectés de pratiquer la sodomie, ils demandent une ordonnance du tribunal pour faire un examen anal, et emmènent ensuite l’accusé chez un médecin légiste. Dans certaines affaires récentes, des médecins ont demandé le consentement des accusés, mais ont souvent procédé aux examens, même sans consentement.566 Le rapport alerte sur les pratiques inhumaines et dégradantes subies par des jeunes garçons soupçonnés de sodomie, au sens de l’article susmentionné. Il rappelle, notamment, que ces pratiques sont qualifiées par l’O.N.U. de torture.567 Dans ce rapport, des recommandations568 ont été adressées à l’Organisation 564 565
Entretien fait le 28 juin 2019 avec Me Mounir Baatour. Rapport Human Rights Watch, « Dignité dégradée. Des examens anaux forcés lors des poursuites pour
homosexualité », juillet 2016. Disponible sur : https://www.hrw.org/fr/report/2016/07/12/dignite-degradee/desexamens-anaux-forces-lors-des-poursuites-pour-homosexualite page consultée le 7 juillet 2019. 566
Voir Rapport H.R.W. Idem, p. 85.
567
Pour les témoignages recueillis par H.R.W. en ce qui concerne les condamnés en vertu de l’article 230 du Code
pénal voir Rapport H.R.W. Idem, pp.45-54. 568
Voir Rapport H.R.W. Ibidem, pp. 85-87.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Mondiale de la Santé afin de publier un document, sous forme d’une déclaration, d’une note d’orientation éthique, ou d’un document technique, condamnant le recours aux examens anaux forcés en tant que méthode d’enquête des rapports sexuels consentis entre personnes, de même sexe, en raison du fait que les examens n’ont aucune valeur médicale et violent l’éthique médicale, tout en exhortant les États membres à abandonner cette pratique. En s’appuyant sur un tel document, l’Organisation s’adresse aux ministères de la santé, aux conseils de l’Ordre des Médecins, aux comités éthiques des agences nationales de santé, et aux autorités policières de l’éthique médicale, avec l’exigence qu’aucun membre du personnel de santé ne peut « se livrer, activement ou passivement, à des actes par lesquels ils se rendent coauteurs, complices ou instigateurs de tortures et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants ou qui constituent une tentative de perpétration », et la pertinence de cette exigence pour les examens anaux forcés.569 Ces recommandations ont été, également, adressées au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme et aux organisations régionales de défense des droits humains, y compris la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. L’objectif recherché est de faire le suivi et rapporter les recours aux 210
examens anaux forcés, en travaillant avec les gouvernements pour mettre fin à l’utilisation de ces examens. H.R.W s’est aussi adressée au Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour lui demander d’entreprendre des visites dans les pays cités dans ce rapport afin de mener une enquête sur les cas de torture, y compris le recours aux examens anaux forcés, et publier des communications faisant appel aux gouvernements contrevenants pour garantir leur responsabilité devant la justice, pour torture et traitement dégradant, et mettre fin à la pratique des examens anaux. En démontrant la réticence de l’Etat face au sujet de l’affaire du test anal, Badr Baabou de Damj a déclaré à Human Rights Watch que le gouvernement tunisien, dans une tentative apparente de gagner du temps, a affirmé qu’il faudrait quatre ans pour mettre en place les « mécanismes » qui permettront d’appliquer la recommandation (mettre fin et interdire les examens anaux forcés) – alors qu’il 569
Le Groupe indépendant d’experts de médecine légale (Independent Forensic Experts Group), composé de
spécialistes de médecine légale du monde entier, a condamné les examens anaux forcés dans une déclaration du 3 mai 2016 affirmant que « l’examen n’a aucune valeur pour détecter des anomalies de la tonicité du sphincter anal pouvant être attribuées de façon crédible à des rapports sexuels anaux consentis. »
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
suffirait d’une simple signature pour que celle-ci soit mise en œuvre.570 Ce qui est étonnant est ce délai de quatre ans alors qu’il s’agisse d’une liberté inhérente à l’être humain, puisque le test anal touche l’intégrité physique et morale de l’individu. Cette liberté s’inscrit dans la catégorie droits-libertés qui exige une application immédiate sans aucun délai d’où le déclenchement du chantier énorme concernant la cause L.G.B.T.
Paragraphe 2 : Un chantier énorme désormais déclenché Le militantisme L.G.B.T s’inscrit surtout dans la résistance des militant.e.s face aux différents obstacles surtout juridiques auxquels ils font face. Cette résistance a permis d’amorcer un changement. Relativement, une sorte d’homophobie sociale règne dans la société tunisienne alimentée par un discours haineux et dégradant des personnes L.G.B.T et des militants qui plaident pour la cause. Tel est le cas lorsque le discours public opposé à l’homosexualité est répandu dans tous les domaines. Le militantisme en faveur des droits des personnes L.G.B.T pourrait ipso facto engendrer des réactions très hostiles contre les militant.e.s et les personnes L.G.B.T. C’est la raison pour laquelle il faut d’abord savoir comment surmonter les problèmes (A) et examiner les facteurs qui pourront aider la cause L.G.B.T à avancer (B).
A. Planifier pour surmonter les obstacles Il existe de nombreux facteurs qui, propres au contexte tunisien, revêtent une importance particulière pour les militant.e.s qui défendent les droits des personnes L.G.B.T. Ces facteurs détermineront les acteurs du processus de dépénalisation (1). Ainsi, il convient également de remarquer qu’en mettant largement l’accent sur la dépénalisation, de nombreuses stratégies sont adoptées par les associations afin d’accompagner les acteurs dans le processus de dépénalisation (2).
570
Human Rights Watch, L’audace face à l’adversité Activisme en faveur des droits LGBT au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord, avril 2018, p. 65. Disponible sur : https://www.hrw.org/sites/default/files/report_pdf/lgbt_ mena0418fr_web.pdf Page consultée le 20 juin 2019.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
1. Les acteurs de dépénalisation de l’homosexualité Lorsqu’on cite les acteurs de dépénalisation, le travail de plaidoyer se fait auprès des acteurs étatiques et/ou des acteurs non-étatiques. Un plaidoyer vise à changer les lois, les politiques et même les mentalités. A ce stade, on cherche à savoir à qui s’adresser pour abroger les lois homophobes, modifier ou mettre en oeuvre des lois ou des politiques qui respectent les droits humains. Plusieurs acteurs jouent un rôle dans le processus, surtout, les acteurs politiques. Mais, généralement, tout processus a ses propres spécificités, dépendant entre autres, du degré d’engagement des acteurs politiques et non politiques, déclare Ali Bousselmi de Mawjoudin.571 Citons à ce niveau les avancées qui attestent d’une maturité législative et politique. D’où un changement possible et ce, dans l’espoir de franchir bientôt le cap avec la dépénalisation. Il s’agit d’un « projet » de dépénalisation qui est en suspens. Or, nous avons là une 212
occasion pour voir l’homosexualité dépénalisée par le biais d’une volonté politique propre. Ce « projet » consiste en un projet de Code des libertés individuelles qui a été présenté le 11 octobre 2018 par plutôt 14 membres de l’A.R.P.572 Ce Code inclut plusieurs propositions de la Commission présidentielle, notamment l’abrogation de l’article 230. Au vu que la question de la dépénalisation de l’homosexualité n’ait malheureusement pas été abordée par les parlementaires et s’agissant d’une question que les députés évitent d’aborder sous prétexte que ce n’est pas le bon moment, la question a été adressée au gouvernement par le biais des organisations interétatiques. C’est dans le cadre du Parlement européen que des associations comme l’A.T.S.M ont été reçues pour parler de la situation des personnes homosexuelles en Tunisie. 571
Entretien avec Ali Bousselmi, 9 mai 2019.
572
« Un projet de loi sur les droits et libertés individuelles transmis à l�Assemblée », Leaders, 22 octobre 2018.
Disponible
sur :
https://www.leaders.com.tn/article/25754-un-projet-de-loi-sur-les-droits-et-libertes-
individuelles-transmis-a-l-assemblee page consultée le 26 septembre 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Yamina Thabet, présidente de l’A.T.S.M, a été officiellement invitée à débattre à l’intergroupe des L.G.B.T, un forum informel du Parlement européen. En effet, la question de l’homosexualité en Tunisie a été au centre des discussions: « J’ai rappelé que l’article 230 du Code pénal criminalisant l’homosexualité était une honte pour la Tunisie, il est en totale contradiction avec la Constitution et avec les conventions internationales signées par la Tunisie573 », affirme Yamina Thabet. Dans le même contexte, et suite à la situation alarmante des droits des personnes homosexuelles, le 18 janvier 2019, 24 députés Européens, appartenant à l’Intergroupe L.G.B.T.I au Parlement européen, ont adressé une lettre ouverte aux autorités tunisiennes574, l’exhortant de mettre fin « aux arrestations et à la torture des gays » en Tunisie.575 En se basant sur le fait que parmi les droits que le législateur reconnait aux associations en vertu du décret-loi portant organisation des associations, ces dernières ont le droit : « d’évaluer le rôle des institutions de l’Etat et de formuler des propositions en vue d’améliorer leur rendement576 ». Par ailleurs, la dépénalisation passe par l’abrogation des dispositions pénales permettant de réprimer les personnes L.G.B.T. Ainsi, selon Rahma Essid Secrétaire générale de l’association des libres penseurs, la proposition d’abroger l’article 230 du Code pénal peut être bloquée lorsque la majorité parlementaire s’y oppose et ne se voit même pas prête à aborder la question au sein du parlement. Dès lors, il peut être utile de développer d’étroites relations de travail avec les membres du gouvernement/parlement qui sont ouverts à la question de la dépénalisation de l’homosexualité.577 573
Rédaction du HuffPost Tunisie, « Des représentants de la société civile au Parlement européen pour parler de
l’homosexualité en Tunisie », 19 février 2016. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/2016/02/19/ tunisie-homosexualite-parlement-europeen_n_9272664.html. Page consultée le 5 juillet 2019. 574
Rihab Boukhayatia Homosexualité- Des députés Européens adressent une lettre ouverte aux autorités tunisiennes
Suivant de près la situation des homosexuels en Tunisie, les députés Européens interpellent les autorités tunisiennes. 19 janvier 2019 https://www.huffpostmaghreb.com/entry/homosexualite-des-deputes-europeens-adressent-une-lettre-ouverteaux-autorites-tunisiennes_mg_5c433287e4b0a8dbe171caf1 575
Voir la lettre en langue anglaise sur le site de l’Intergroupe L.G.B.T.I au Parlement européen.
“Open letter to Tunisian government: stop torture & arrests of homosexual men” 18 janvier 2019. Disponible sur: http://lgbti-ep.eu/2019/01/18/open-letter-to-tunisian-government-stop-mistreatment-of-homosexual-men/ page consultée le 7 juillet 2019. 576
Article 5 (deuxièmement) du Décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011, portant organisation des associations,
J.O.R.T. n° 74 du 30 septembre 2011, p. 1977. 577
Entretien fait avec Rahma Essid le 14 et le 15 mai 2019.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
L’affirmation de Rahma Essid renvoie à l’étape du plaidoyer qui correspond à la recherche des alliés. D’emblée, il s’agit d’une manière de fonder la légitimité du plaidoyer. Comme il est le cas en France, la lutte des mouvements L.G.B.T était soutenue par les partis politiques à travers la formation de groupes ad hoc centrés sur l’homosexualité. De surcroit, dans le combat des personnes L.G.B.T, les adversaires sont, à tout propos, l’Etat et la société, comme le souligne Me Alaa Khemiri. D’abord, l’acteur principal est l’Etat, son intervention dans le processus s’opère à travers le parlement, ce dernier s’engage à abroger toutes les lois homophobes et discriminatoires et surtout les articles de lois pénales dont l’application pose un obstacle à l’exercice des droits sexuels. Puis, le parquet doit mettre fin aux poursuites engagées à l’encontre des personnes homosexuelles en application de l’article 230 qui pénalise l’acte de sodomie. Une fois l’Etat rejoint le combat pour la dépénalisation, une étape importante est franchie, ajoute Alaa Khemiri.578 214
Il faut aussi garder à l’esprit que le soutien de toutes les composantes de la société contribue à la réussite du processus. En outre, l’élite ; les universitaires, les chercheurs, les médecins, les avocats et les journalistes représentent, de tous côtés, une composante essentielle du processus. Sélim Daghari579 doctorant et enseignant en Droit public à la FSJPST considère qu’une panoplie d’acteurs contribue dans le processus de la dépénalisation. En effet, il faut passer par les institutions publiques et les décideurs politiques dans un but de changer les lois homophobes. Pour ce faire, il faudra se focaliser sur les décideurs ayant le pouvoir d’adopter des lois comme le législateur. Partant du fait que l’homophobie se nourrit de tous les stéréotypes et de toutes les normes sociales liées au sexe et à la sexualité. Selon les dires de Sélim Daghari, il est essentiel pour mieux lutter contre les comportements homophobes, y compris les plus quotidiens, de mettre en oeuvre un dispositif engageant l’ensemble des 578
Entretien fait avec Alaa Khemiri le 12 mai 2019.
579
Entretien avec Sélim Daghari fait le 16 mai 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
enseignants du primaire et du secondaire afin d’adopter un discours qui prône l’ouverture et le respect des droits humains, discours incitant à l’acceptation de l’Autre. Dans ce contexte, intégrer dans le programme scolaire à l’école et au lycée l’éducation sexuelle est indéniablement d’une haute importance pour changer les mentalités. Cette opinion est partagée par Mounir Baatour qui considère que le fait d’aborder la question de l’homosexualité par l’élite constituée d’universitaires et de chercheurs en sciences humaines et sociales contribue d’une manière pertinente au changement des mentalités et ce, à travers les travaux qu’ils publient. Néanmoins, le public en majorité ne lit pas en français. C’est la raison pour laquelle qu’il faut publier en arabe. De même, les acteurs non-politiques peuvent aussi être des alliés.580 C’est dans cette perspective que nous avons aussi récolté les avis des enseignants universitaires. C’est dans le cadre du cours des droits humains que la question de l’homosexualité est traitée dans le chapitre sur les formes de discrimination y compris celle basée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, affirme Salwa Hamrouni Professeure de Droit à la F.S.J.P.S.T et membre de la COLIBE.581 « Ce qui est surprenant, c’est que la question est discutée en classe même avant 2011 et ce sont les étudiants qui citent les exemples des discriminations sur la base de l’orientation sexuelle. Après 2011, ce n’est plus un tabou d’aborder la question de l’homosexualité en classe et les étudiants en parlent ouvertement grâce à la parole qui s’est libérée. » Concernant les acteurs de dépénalisation de l’homosexualité, Salwa Hamrouni affirme que principalement, il est du ressort du législateur de dépénaliser et de faire évoluer la loi sur le sujet des droits des personnes L.G.B.T. D’emblée, l’action législative est poussée par d’autres acteurs privés contribuant au processus de dépénalisation. Il s’agit bien évidemment des représentants de la société civile lato sensu, à savoir les O.N.G spécialisées dans la cause L.G.B.T et les O.N.G oeuvrant à la promotion et la protection des droits humains et ce, à travers un plaidoyer en 580
Entretien avec Mounir Baatour, 30 avril 2019.
581
Entretien avec Salwa Hamrouni fait le 29 juin 2019.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
faveur de la dépénalisation de l’homosexualité et pour l’adoption, l’amélioration et une meilleure application des lois anti-discrimination et anti-homophobie. De même, pour Wahid Ferchichi Professeur de Droit et fondateur de l’A.D.L.I, « tout processus de dépénalisation de l’homosexualité a ses spécificités selon les pays, et est tributaire de la mobilisation des médias, des parlementaires, de la société civile, des juges, etc.582 » Donc, on conclut que selon ces témoignages, la dépénalisation n’est pas la seule affaire du législateur mais c’est une synthèse de plusieurs acteurs dans le processus. Pour montrer que le chemin vers la dépénalisation est encore long mais pas impossible, Yamina Thabet, Présidente de l’Association Tunisienne de Soutien aux Minorités, souligne le lien étroit entre la politique et la société. Ce lien ralentit en quelque sorte le processus du fait que les acteurs politiques sont dans le déni de la cause homosexuelle.583 « En 2011, nous nous sommes mobilisés pour dépénaliser l’homosexualité. Malheureusement, le monde politique considère que la société tunisienne n’est 216
pas encore prête pour passer ce cap. Ce n’est qu’un prétexte, car la société dont ils parlent a soutenu une Constitution garantissant le respect des droits de l’Homme et de la vie privée. Je pense que ceci témoigne d’un certain niveau de maturité de notre société, une maturité qui doit être prise en compte.584 » Certes, la maturité de la société est la clé de voute pour la dépénalisation. Mais, les associations L.G.B.T et autres associations des droits humains qui plaident pour la dépénalisation de l’homosexualité sont également des acteurs incontournables. Il en est de même pour Badr Baabou de Damj qui considère que « la société est profondément patriarcale. Pour beaucoup de non pratiquants, voire des athées, la femme reste inférieure et les homosexuels une réalité inacceptable. Quant aux 582
Rihab Boukhayatia, « L’homosexualité en Tunisie: Par où commencer pour atteindre la dépénalisation? »,
Huffpost, 20 avril 2019. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/entry/lhomosexualite-en-tunisie-pour-ou-commercer-pour-atteindre-ladepenalisation_mg_5cbb2e9fe4b032e7ceb8bdb8 page consultée le 20 mai 2019. 583 584
Entretien fait avec Yamina Thabet le 1er juin 2019. Lisa Develtere - traduction : Salomé Laviolette, « La lutte de Yamina Thabet pour la dépénalisation de
l’homosexualité », mondial nieuws, 26 avril 2016. Disponible sur : https://www.mo.be/fr/interview/la-lutte-de-yamina-thabet-pour-la-d-p-nalisation-de-l-homosexualit.page consultée le 4 juillet 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
politiques, les plus progressistes sont parfois les plus rétrogrades. Ils préfèrent éviter le sujet. Au moins Ennahda a ouvert le débat dans ses rangs.585 »
In fine, une fois les acteurs de la dépénalisation sont déterminés, il faut choisir les méthodes qui permettent de mener le combat pour la dépénalisation et l’égalité des droits humains des personnes L.G.B.T.
2. Les méthodes employées pour défendre la cause Les militant.e.s emploient plusieurs méthodes de plaidoyer qui varient en fait selon le degré d’intensité de la stratégie employée pour défendre la cause. Soit elle est agitée pour réaliser un changement (a), soit elle est calme et dans ce cas il s’agit d’une stratégie plutôt protectrice et préventive que revendicative (b). Une fois ces méthodes épuisées, les militant.e.s ont eu recours à l’internationalisation de la cause (c).
a. Le recours à des stratégies d’influence pour changer les politiques Cette méthode se rapporte aux pressions et protestations. D’une part, les protestations prennent la forme de sit-in, marches ou pétitions, alors que les pressions s’exercent au moyen du lobbying.586 D’autre part, le lobbying est plutôt individuel et passe par des propositions concrètes orales ou écrites, des versions préliminaires, des conseils techniques ou juridiques, des accords pour l’échange de ressources ou encore par le contact avec d’autres délégués. D’abord, le travail de plaidoyer peut se faire auprès des acteurs étatiques par le biais de rencontres officielles. A ce stade, les militants peuvent participer à des activités de plaidoyer en faveur des droits des personnes L.G.B.T auprès des membres du gouvernement, par exemple les ministres de l’Intérieur, de la Santé, de la Justice, etc. Par exemple, ils peuvent faire pression pour l’introduction et/ ou la mise en oeuvre de politiques et de procédures conçues pour respecter, protéger et appliquer les droits des personnes L.G.B.T. 585
Thierry Brésillon, « Tunisie le coming out fait débat », Amnesty international, 29 juin 2018. Disponible sur :
https://www.amnesty.fr/discriminations/actualites/tunisie-le-coming-out-fait-debat?fbclid=IwAR3LxbbezDDfzM DyCO1XSQCHTe72YPJaxO-uyhN2nujtaGQ9zfPVKh8YbB0 page consultée le 5 juillet 2019. Nicolas Angelet et al., Société civile et démocratisation des organisations internationales, Academia Press, Gand,
586
2005, p. 111 et p. 115. Cf. Luigi Graziano, Lobbying, pluralism and democracy, Palgrave, Basingstoke, 2001, p. 114.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Concernant le processus de dépénalisation de l’homosexualité, selon Mounir Baatour, Président de l’association Shams, tout comme la pénalisation est une arme essentielle pour le politique, la dépénalisation l’est aussi. Donc, on peut dire que le processus est à la base politique. Autrement dit, il est très important de souligner que l’une des stratégies employées est de faire du lobbying auprès des politiciens afin de les amener à penser sérieusement la question de la dépénalisation de l’homosexualité. Mounir Baatour ajoute qu’au vu que la dépénalisation de l’homosexualité soit une question épineuse, l’association Shams est en train de négocier avec des politiciens comme Khawla Ben Aicha de Machrou3a Tounes qui a exprimé tout son soutien à la cause587. Par contre, au niveau du ministère de l’Intérieur, les autorités ne semblent pas prendre des mesures en faveur de la dépénalisation de l’homosexualité.588 Comme le précise Mounir Baatour en ce qui concerne les hommes homosexuels, « parfois, au lieu de les arrêter, on donne carte blanche à la police pour leur casser la gueule. J’ai l’impression qu’il y a des consignes du ministère de l’Intérieur pour « nettoyer » le centre-ville de Tunis. Chaque personne qui a
218
l’air trop efféminé - piercing, jean serré, sourcils épilés, autant de signes jugés ostentatoires d’une homosexualité - en subit les conséquences.589 » S’agissant, donc, d’une question plus que clivante, le Parlement est seul habilité à statuer sur la question, soit adopter ou rejeter à la majorité la proposition de l’abrogation de l’article 230 du Code pénal. Selon les dires de Mounir Baatour, lors des négociations avec le gouvernement, les revendications de Shams portaient principalement sur trois volets590: - Ouvrir l’accès à la justice pour les personnes homosexuelles sur un pied 587
Dans ce sens voir : Wafa Samoud, « Le combat mené par la plus jeune députée tunisienne, Khawla Ben Aïcha,
contre le test anal », 17 juin 2019. Disponible sur : https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-combat-mene-par-la-plus-jeune-deputee-tunisienne-khawla-ben-aichacontre-le-test-anal_fr_5cfa8c59e4b02ee34776434b Page consultée le 22 juin 2019. 588
Entretien avec Mounir Baatour, 30 avril 2019.
589
Benoît Delmas, « Mounir Baatour : « Les homosexuels sont des citoyens sans droits en Tunisie » ». Entretien.
Candidat à la présidentielle tunisienne, l�avocat et président de Shams, association de défense des droits LGBT, milite pour la dépénalisation de l�homosexualité, Le Point, 29 janvier 2019. Modifié le 9 août 2019. Disponible sur :
https://www.lepoint.fr/afrique/mounir-baatour-les-homosexuels-sont-des-citoyens-sans-droits-en-
tunisie-29-01-2019-2289612_3826.php page consultée le 10 septembre 2019. 590
Entretien avec Mounir Baatour, 30 avril 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
d’égalité avec les autres citoyens et citoyennes. A l’heure actuelle, la personne homosexuelle craint d’être arrêtée si elle porte plainte pour avoir été agressée ou violée. Le gouvernement s’engage à ordonner au parquet de ne plus poursuivre l’homosexuel sur la base de l’article 230 quand il agit en justice en tant que victime pour demander réparation. - L’adoption d’une circulaire par les ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé afin d’interdire les examens anaux comme preuve de sodomie. - La non-utilisation des données personnelles y compris la messagerie du téléphone ou les conversations sur les réseaux sociaux comme preuve. Pareil pour les organes non- gouvernementaux, c’est-à-dire toutes les entités qui ne font pas partie des pouvoirs publics, notamment les instances constitutionnelles indépendantes qui constituent la pierre angulaire pour la mise en oeuvre des droits et libertés de la Constitution de 2014 telle que l’Instance des droits de l’Homme591. A cet égard, parmi les missions confiées à l’Instance, on cite : « proposer ce qu’elle juge approprié pour assurer la conformité des textes législatifs avec les traités internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’Homme. » Quant au renforcement des stratégies du plaidoyer, la loi de 2018 appelle à la coopération entre les associations et l’Instance. Ceci représente un moyen par lequel les associations L.G.B.T feront entendre leur voix. Ainsi, l’Instance établit « des relations de coopération et de partenariat pour la promotion et le développement des droits de l’Homme et des libertés avec les organisations de la société civile et les organisations internationales compétentes. » Pour ce faire, ces associations doivent formuler leurs revendications en termes clairs et surtout définir les termes utilisés. Cependant, quand les militants et les organisations ne peuvent pas organiser de rencontres avec les structures étatiques gouvernementales ou nongouvernementales, il peut être utile de tisser des liens avec d’autres acteurs, notamment avec des associations de défense des droits humains sur le plan interne comme sur le plan international. Article 128 de la Constitution de 2014.
591
Cf : La loi organique n°51-2018 du 29 octobre 2018 relative à l’Instance des droits de l’Homme. JORT n°89 du 6 novembre 2018, p. 4638.
219
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Agissant dans le cadre d’une initiative privée, les associations interviennent pour pousser l’Etat et les organisations interétatiques à agir afin de veiller à ce que les droits des personnes homosexuelles ne soient pas violés et ce en signalant les abus et les violations de ces droits. D’un côté, le débat sur la cause L.G.B.T a fait irruption sur la scène publique au printemps 2015 suite aux appels à la dépénalisation de l’homosexualité de la part d’associations participantes au Forum Social Mondial qui s’est tenu à Tunis. Il s’agit de la première manifestation publique pour les droits des personnes L.G.B.T. Un membre de Damj, en Tunisie, a déclaré que la participation des groupes L.G.B.T au Forum social mondial en 2013 et en 2015 « a montré à la société civile tunisienne que la cause L.G.B.T n’était pas une cause secondaire, qu’elle est comme toutes les causes pour lesquelles ils se battent592 ». Ali Bousselmi, fondateur de l’association Mawjoudin, explique : « l’idée de départ c’était de faire des pancartes et de manifester une ou deux heures dans le cadre du FSM. Mais avec des activistes d’autres associations de Tunis et d’ailleurs, et avec l’aide des militants du Maroc, nous avons réfléchi à organiser plus
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d’activités : Free hugs, marche, distributions de flyers... le Forum a permis de gagner en visibilité et de lancer des discussions.593 » De l’autre côté, ces associations, quoiqu’elles soient ouvertement L.G.B.T, elles ne le mentionnent pas dans leurs statuts. Par contre, étant une association militante pour les droits des personnes L.G.B.T, Shams se distingue des autres associations par son militantisme ouvertement pour la décriminalisation de l’homosexualité. Cela est explicitement prévu dans les statuts de l’association. Dès à présent, on déduit que la méthode de Shams peut être décrite comme offensive.594 D’ailleurs, les statuts de Shams ne parlent pas ouvertement d’homosexuel.le.s mais de minorités sexuelles.595 592
Présentation d’un activiste de Damj lors d’une conférence à laquelle Human Rights Watch a assisté, Beyrouth,
1er octobre 2017 dans Human Rights Watch, L’audace face à l’adversité Activisme en faveur des droits LGBT au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, avril 2018, p. 40. Disponible sur : https://www.hrw.org/sites/default/files/ report_pdf/lgbt_mena0418fr_web.pdf Page consultée le 20 juin 2019. 593
Sana Sbouai, Reportage Homosexualité : La bataille au grand jour, disponible sur :
https://inkyfada.com/fr/2015/05/17/homosexualite-bataille-au-grand-jour-tunisie/ page consultée le 18 juin 2019. 594
Entretien avec Mounir Baatour, 30 avril 2019.
595
Comme l’a déjà fait le juge de la Cour d’appel de Tunis, dans un jugement en référé, n°37442/5 du 17 mai 2019,
en jugeant que minorité sexuelles incluent les personnes homosexuelles.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Pour Shams, les stratégies de la confrontation et de la provocation sont à mettre en avant par rapport aux stratégies employées par d’autres associations comme la sensibilisation, l’éducation, ou les formations. Par exemple, Shams a organisé un sit-in devant le siège du Conseil de l’ordre des médecins qui a abouti à la publication par l’Ordre d’un communiqué condamnant les examens anaux forcés. Contrairement à Mawjoudin dont le travail de plaidoyer est loin d’être public et visible. Selon Ali Bouselmi, trop de visibilité peut se révéler préjudiciable. Donc, il est important de choisir le bon moment pour faire le plaidoyer ainsi que les mobilisations dans la rue. Activiste de la société civile, Alaa Khemiri souligne que la visibilité peut avoir des avantages, car, elle ouvre le débat et la réflexion sur la question. Ainsi, l’appel à l’abrogation de l’article 230 et la visibilité doivent se faire dans un seul temps. De cette manière, la société sera obligée à accepter les personnes homosexuelles. Là aussi, la visibilité passe par l’affirmation de l’identité sexuelle et l’existence même de la personne homosexuelle. Dès lors, la visibilité est une condition sine
qua non pour que les droits à la vie et à la liberté soient garantis. Si la provocation est subjective du fait que la société le décide, l’homosexuel ne considère pas qu’il provoque quand il est visible mais il exerce son droit à la vie, ajoute Alaa Khemiri.
596
Il semble en effet pour les personnes homosexuelles que sortir timidement de l’ombre pour revendiquer leurs droits en organisant des activités constitue, sans nul doute, une affirmation du droit à la dignité. Certes, du fait de leur différence, les personnes à sexualités, identités ou expressions de genre non-normatives, une fois visibles, leur visibilité dérange. Mais, être visible et militer à haute voix c’est aussi « finir avec la honte et avec la clandestinité longtemps associées au vécu homosexuel »597. Voir : Wahid Ferchichi, « La Cour d’Appel de Tunis affirmant la légalité de l’association Shams et annonçant «la pénalisation de l’homosexualité touche à la dignité humaine» », Legal Agenda, 3 juillet 2019 (en langue arabe). Disponible sur : http://legal-agenda.com/article.php?id=5710 page consultée le 4 juillet 2019. L’article est disponible aussi en langue françaises et anglaise, sur le lien suivant : En anglais : http://legal-agenda.com/en/article.php?id=5831 En français : https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=2299024223519770id=173839059371641&__ tn__=K-R 596
Entretien fait avec Alaa Khemiri le 12 mai 2019.
597
Michel Dorais, « Evolution et enjeux du concept de diversité sexuelle » in Valérie Daoust et Patrice Corriveau
(dir.), La régulation sociale des minorités sexuelles l’inquiétude de la différence, Presses de l’Université du Québec, Québec, 2011, p. 17.
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De cette manière, cela contribue à accélérer le processus de dépénalisation de l’homosexualité et à rompre avec les pratiques de l’Etat humiliantes et discriminatoires, affirme Alaa Khemiri. Dans le même contexte, Sélim Daghari explique que choquer et provoquer semble être, a priori, une des solutions pour lutter contre l’endoctrinement et le rejet des personnes homosexuelles. D’une part, cette solution est une manière d’imposer le respect du droit à la différence. D’autre part, afin d’être accepté et avoir tous les droits sur un pied d’égalité avec tous les membres de la société, il faut s’approprier l’espace public et rompre avec le secret et la honte.598 Il s’agit dans ce cas de la visibilité, celle-ci est décrite par Hafidha Chekir599 en ces termes : « briser le mur du silence ». Ainsi, à l’occasion d’une campagne organisée par l’A.T.F.D autour du thème de la violence à l’égard des femmes, Hafidha Chekir nous a expliqué comment son association a réussi à faire entendre ses revendications auprès du gouvernement. D’emblée, sa stratégie est basée sur trois étapes : prévenir, soutenir et 222
revendiquer par le biais du plaidoyer. D’abord, l’étape de la prévention est celle de la vulgarisation600 qui consiste en la préparation d’affiches et pancartes qui traitent du sujet de la violence contre les femmes. Puis, assurer des formations pour les psychologues, les avocats, et les médecins dans le but de présenter la question d’une manière simple et facile à assimiler. Ensuite, il faut chercher le soutien des décideurs politiques et ce, par le biais de la préparation d’un projet de loi sur la question qui sera présenté par les députés qui soutiennent la cause. En outre, le plaidoyer prendra la forme d’une demande d’audience au Parlement et des rencontres officielles avec la ministre de la Femme et le ministre de la Justice.
598
Entretien avec Sélim Daghari fait le 16 mai 2019.
599
Hafidha Chekir, Professeure de Droit public à la FDSPT et membre de l’ATFD, entretien fait le 10 juillet 2019.
600
Le dictionnaire Le Petit Robert, écrit que « la vulgarisation scientifique et technique est le fait d’adapter un
ensemble de connaissances techniques, scientifiques de manière à les rendre accessibles à un lecteur non spécialiste ». Elle fait appel à diverses techniques de rédaction particulières : reformulation, narration, utilisation de supports visuels, etc. Le Petit dictionnaire Le Robert de la Langue Française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Ed. Dictionnaires le Robert, 2004. p. 2812.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Enfin, l’association organisa des manifestations dans la rue pour faire la promotion de la cause défendue.601 Somme toute, on comprend de cette stratégie employée par l’A.T.F.D que la cause est défendue étape par étape en commençant par l’étape la moins agitée à savoir sensibiliser les différents acteurs, en arrivant à celle qui vise à mobiliser l’opinion publique et en passant par le lobbying. Parallèlement, la provocation est une sorte de « mobilisation morale602 » autour de valeurs autres que simplement formelles. Ce type de mobilisation vise à remettre en question les bases de la pénalisation de l’homosexualité et à montrer que la peine de prison est inutile du fait qu’elle touche tant l’humanité de la personne incarcérée que l’acte incriminé, explique Salwa Hamrouni.603 La confrontation est fructueuse lorsque chacun avance ses arguments concernant l’homosexualité. Mais, elle peut devenir contre-productive lorsqu’on tombe dans le mépris et l’insulte des personnes qui présentent des arguments contre l’homosexualité, rajoute Salwa Hamrouni
In fine, les associations font appel également à des stratégies plus douces, à savoir la sensibilisation afin que les personnes homosexuelles prennent conscience de leurs droits.
b. Le recours à des stratégies de sensibilisation pour protéger Sensibiliser, former, mobiliser les personnes homosexuelles pour faire valoir leurs droits, constituent une étape indispensable dans la construction d’une stratégie d’action visant à améliorer la situation juridique et sociale de ces personnes. En effet, certaines associations ouvertement L.G.B.T ont choisi à la place d’apparaitre dans les médias de renforcer les capacités (Mawjoudin), former les militants, soigner le discours et déconstruire les idées reçues stigmatisant les personnes homosexuelles (Damj). Une des stratégies qui facilite la tâche pour les militant.e.s et le public est la sensibilisation. Il s’agit évidemment d’une méthode préventive à travers laquelle 601
Entretien fait le 10 juillet 2019 avec Mme Hafidha Chekir.
602
Expression empruntée à Michel Van de Kerchove, Le Droit sans peines: aspects de la dépénalisation en Belgique
et aux Etats-Unis, Publications Fac St Louis, Bruxelles, 1987, p. 433. 603
Entretien fait avec Salwa Hamrouni le 29 juin 2019.
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les militant.e.s expliquent la question de l’homosexualité et les dangers auxquels font face les personnes homosexuelles à cause de la pénalisation de leur vie intime. De façon flagrante, un des problèmes majeur est celui de la détermination des repères définissant l’homosexualité. C’est la raison pour laquelle, la sensibilisation auprès des différentes composantes de la société est primordiale afin de changer les représentations classiques des personnes homosexuelles masculines et déconstruire les stéréotypes du gay qu’on définit comme efféminé. Pour ce faire, il faut opter pour une approche sociologique, explique Salwa Hamrouni.604 Toujours dans ce contexte de sensibilisation, une action de plaidoyer adoptant une approche éducative s’avère efficace. Comme il était le cas au Royaume-Uni, « des organisations de la société civile telles que Stonewall ont étroitement collaboré avec le ministère de l’Education pour intégrer la lutte contre le harcèlement homophobe dans les cadres de politiques existants.605 » Pareil en Afrique du sud, les militants ont parié sur la sensibilisation dans le domaine de l’éducation nationale et ce, à travers « des tactiques et des stratégies
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utilisées pour sensibiliser les jeunes et introduire progressivement l’éducation aux droits sexuels dans les écoles.606 » Un des militants engagés dans cette stratégie de sensibilisation décrit comment ils collaborent avec des acteurs étatiques et non-étatiques : « En collaboration avec certains services municipaux, avec l’Autorité nationale chargée des poursuites et avec des organisations de la société civile, nous animons des cours d’éducation aux droits humains (EDH) dans les collèges et les lycées.607 »
604
Entretien fait avec Salwa Hamrouni le 29 juin 2019.
605
Politiques rationnelles et bonnes pratiques en matière d’éducation au VIH et à la santé : Réponses du secteur de
l’éducation au harcèlement homophobe, n°8, UNESCO, 2013, p. 26. Disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/in/rest/annotationSVC/DownloadWatermarkedAttachment/attach_import_593eb7a34d73-40e3-b499-019a65c12436?_=146121fre.pdf page consultée le 8 juillet 2019. 606
Amnesty international, « Oser parler. Expériences et outils de plaidoyer des militants LGBTI en Afrique
subsaharienne », 2014, p. 61. Disponible sur : https://www.amnesty.org/download/Documents/4000/ afr010012014fr.pdf page consultée le 7 juillet 2019. 607
Amnesty international, ibidem, p. 61.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Le discours homophobe, omniprésent dans les médias, le discours des politiciens, la société etc., est le premier problème à combattre. A priori, il faut savoir quel discours adopter afin de faire face à l’homophobie. C’est une des raisons qui a conduit l’association Mawjoudin à viser, principalement, le renforcement des capacités de ses membres à la place de la confrontation. Dans ce sens, des formations pour les membres sur le thème du plaidoyer ou comment lancer une campagne de sensibilisation ont été assurées. En effet, ces formations ont été consolidées par l’organisation d’ateliers permettant d’inclure dans les travaux les militants de l’association de plusieurs régions du pays telles que, Tunis, Bizerte et Sousse, comme l’affirme Ali Bousselmi. Parmi les premières activités effectuées par Mawjoudin, il y a eu l’organisation d’ateliers sur la théorie du genre et sur la question des droits des personnes LGBTQI++ ainsi que sur les risques de l’activisme dans ce domaine. Il en est de même pour Damj qui a organisé en 2013 et en 2014 une sorte de rencontres pour débattre autour des thèmes touchant la vie des personnes homosexuelles. Puisque, souvent, la question de l’homosexualité est objet de plusieurs confusions, la question qui se pose est la suivante : Faudrait-il expliquer à l’opinion publique de quoi il s’agit ? Dans ce contexte, Damj a organisé un café débat en 2015 sur la question de «l’homosexualité (homo sensualité) dans l’Islam ». Badr Baabou note que « c’était un espace de débat inclusif. Chaque débat traitait d’un sujet en lien avec l’homosexualité. A titre d’exemple, « l’homosexualité entre mythes et réalités» «homosexualité et famille », « l’homosexualité dans l’Islam »... ces rencontres regroupaient chaque fois une vingtaine de personnes. En 2013 on a commencé à ouvrir cet espace même à des gens qui ne sont pas de la communauté.608 » Le travail de plaidoyer peut aussi faire appel à l’Art. Ceci permet de renforcer les moyens d’agir des associations plaidant pour la cause et pour construire des relations avec des alliés. Idem pour l’identité Queer qui sort de l’ombre grâce à l’organisation de manifestations culturelles et artistiques visant l’affirmation publique de l’identité sexuelle et de l’identité de genre. 608
Correspondance de Badr Baabou du 9 juillet 2019.
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A titre d’exemple, Chouf609 a organisé un festival d’art où toute personne s’identifiant comme femme est invitée à venir s’exprimer à travers une création artistique. Le festival Chouftouhonna, qui s’est tenu du 6 au 9 septembre 2018, dans sa 4ème édition, a rassemblé plus de 150 artistes, conférencières et activistes du monde entier. Il s’agit d’une occasion annuelle pour les artistes d’étendre leur potentiel créatif au féminin et d’interagir sur les questions d’art activiste, notamment féministe.610 Lors d’un Entretien fait par Human Rights Watch avec Rabia B. (pseudonyme), l’une des organisatrices, cette dernière a décrit le festival comme un « espace de sécurité » pour les personnes L.G.B.T.Q, mais aussi comme l’occasion de s’adresser au grand public. «Nous nous servons de l’art pour montrer aux gens que la sexualité existe, et qu’il est normal d’être différent », a souligné Rabia. « Nous avions exposé des photographies, dont certaines représentaient deux femmes qui se tenaient par la main, et il n’y a pas eu de controverse.611 Parallèlement, Mawjoudin a choisi de miser sur l’art pour faire évoluer les mentalités, tel que « Fawazir Queer of the bled » ou encore la production chaque année d’un court-métrage sur la question L.G.B.T.Q.I.
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Dans le même contexte, on peut considérer que le Festival du Film Queer de Mawjoudin est un événement sans précédent. Il a accueilli environ 1000 festivaliers pour son édition de 2019.612 La première édition de ce festival a eu lieu du 15 au 18 janvier 2018. A l’occasion, une série de courts et de moyens métrages d’Afrique et du Moyen Orient centrés 609
« Chouf est une association féministe LBTQI++ créée en 2016 mais elle a commencé son activisme en France
depuis 2013.L’association se mobilise pour les droits corporels et sexuels des femmes à sexualité non normative, en privilégiant une approche basée sur la culture et les arts par l‘organisation d’expositions, la réalisation d’études, d’essais, de guides et l’organisation de formation sur le genre. » Voir, Jinan Limam, Ibid, p. 37. 610
Le collectif civil pour les libertés individuelles. Rapport sur les principales violations des libertés individuelles, Bas
les masques, mars 2019, p. 28. Disponible
sur : http://tn.boell.org/sites/default/files/uploads/2019/04/1._rapport_etat_des_li_2019_version_
integrale.pdf page consultée le 25 juin 2019. 611
Human Rights Watch, L›audace face à l›adversité Activisme en faveur des droits LGBT au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord, avril 2018, p.48. Page consultée le 20 juin 2019. Disponible sur : https://www.hrw.org/sites/ default/files/report_pdf/lgbt_mena0418fr_web.pdf 612
Rihab Boukhayatia, « LGBTQI - Mawjoudin, «parce qu�on existe»: Ali Bousselmi se livre au HuffPost Tunisie
Mawjoudin a choisi de miser sur l›art pour bousculer les mentalités ». 19 juin 2019, disponible sur https://www. huffpostmaghreb.com/entry/lgbtq-mawjoudin-parce-quon-existe-ali-bousselmi-se-livre-au-huffpost-tunisie_mg_ 5d011aeee4b0304a12087012?i3q&fbclid=IwAR0b4aoIBRYa0NASA7hKhxgyjWtTiHt1ckdoxLK1lNpmbmxsPMoPyQ yZ1CE$ page consultée le 25 juin 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
principalement sur la question du genre et de la sexualité non normative selon une approche inter sectionnelle ont été projetés.613 Il semble remarquable de constater que la culture a été bien présente dans le cadre de la sensibilisation du public quant à la question de l’homosexualité. Ainsi, les questions abordées oscillaient entre le juridique et le culturel. C’est à l’occasion de la première édition des « Couleurs d’Avril », une semaine culturelle consacrée aux questions «LGBTQI++», qui a été organisée par l’Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles (ADLI), l’Association Tunisienne de Prévention Positive (ATP+), l’Association Chouf, l’Association Damj - Pour la justice et l’égalité, l’Association Mawjoudin et l’Association Shams, avec le concours de l’Institut français de Tunisie, que des débats autour de la question ont été organisés en focalisant sur l’article 230 du C.P.614 L’année suivante, lors de la deuxième édition du festival « couleurs d’avril », une rencontre a eu lieu le 19 avril 2019, autour du processus de dépénalisation de l’homosexualité. Ce qui a marqué cette rencontre c’était la présence des militants L.G.B.T de Tunisie et de France. En effet, chacun des militants a raconté le parcours mené pour la dépénalisation tant sur le plan juridique que sur le plan politique. D’autres méthodes visant à faire avancer la cause L.G.B.T mettent en exergue des mesures préventives. A titre d’exemple, les associations mettent en oeuvre des actions d’information et de formation au Droit à destination des personnes L.G.B.T. Il s’agit, notamment, de leur permettre d’établir le lien entre les situations qu’elles vivent au quotidien et le Droit. Par conséquent, ces mesures permettront aux personnes L.G.B.T confrontées à des difficultés de comprendre le Droit, de prendre conscience de son usage et de participer à son élaboration ou à son évolution.
613
Le collectif civil pour les libertés individuelles, Rapport sur les principales violations des libertés individuelles : Bas
les masques, mars 2019, p. 25. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_ li_2019_version_integrale.pdf page consultée le 20 mai 2019. Voir aussi : Mathieu Galtier, « L›identité queer sort de l›ombre en Tunisie », 17 janvier 2018, disponible sur : https://next.liberation.fr/cinema/201817/01//l-identite-queer-sort-de-l-ombre-en-tunisie_1623124 page consultée le 30 juin 2019. 614
La rencontre s’est tenue entre le 10 et le 14 avril 2018.
Le collectif civil pour les libertés individuelles, Rapport sur les principales violations des libertés individuelles : Bas les masques, mars 2019, p. 26. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_ li_2019_version_integrale.pdf page consultée le 20 mai 2019.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Il s’agit notamment de les sensibiliser pour mieux connaître leurs droits, dans un souci de préserver, principalement, leur sécurité physique et morale. Une sensibilisation illustrée, le 9 décembre 2016, par une action de Damj pour la justice et l’égalité qui a lancé son premier guide en sécurité juridique, digitale et sanitaire.615 Afin de mettre en oeuvre la sécurité juridique, ce guide rappelle aux personnes qui pourraient être arrêtées, sur la base de leur orientation sexuelle, ce qu’il faut faire lors d’une convocation au poste de police, comme le fait de ne signer aucun procès-verbal qu’après l’avoir lu et de refuser tout examen médico-légal qui touche leur intégrité physique et morale. Quant à la sécurité digitale, elle se matérialise à travers une attention portée aux personnes présentes à côté et aux caméras de surveillance dans les alentours, lors de l’utilisation du téléphone mobile ou bien de l’ordinateur personnel. Le guide alerte, aussi, les personnes homosexuelles sur la sécurité sanitaire afin d’éviter de contracter le virus du SIDA et les infections sexuellement transmissibles (IST). 228
A ce propos, le guide de sécurité rappelle un des moyens préventifs, à savoir le dépistage qui se fait dans des centres confidentiels de dépistage anonyme et gratuit. Le travail de plaidoyer peut être effectué sous de nombreuses formes autres que les manifestations dans la rue ou la défense de la cause dans les médias. Par exemple, certaines associations mènent des études qui leur permettent de déterminer quelles sont les violations des droits humains des personnes L.G.B.T, d’en évaluer les causes et les conséquences et de formuler des recommandations. Ces associations réalisent leurs propres recherches et rassemblent elles-mêmes des informations en faisant appel à des spécialistes comme les juristes, les sociologues et des psychologues. Tel est le cas de l’A.D.L.I qui, à travers les études engagées, détermine quelles sont les libertés consacrées ou violées. Ses études illustrent la réalité juridique et sociale tunisienne par rapport aux standards internationaux en matière des droits humains en général et en matière des libertés individuelles en particulier. C’est dans ce cadre par exemple qu’une étude sur le militantisme L.G.B.T a été 615
Guide en sécurité juridique, digitale et sanitaire. Disponible sur :
https://www.damj.co/articles/articles-par-damj/guide-de-securite-par-damj/ page consultée le 26 juin 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
publiée en 2017 par Dr. Jinan Limam, Présidente de l’A.D.L.I, intitulée : « les associations LGBTQI++ en Tunisie : état des lieux janvier 2011-janvier 2017 et qui « s’inscrit dans un cadre plus global traitant de la question de l’activisme L.G.B.T.Q.I++ dans la Tunisie postrévolutionnaire.616 » Citons notamment la série de recherches publiées par l’IRMC dans le cadre d’un ouvrage collectif intitulé Être Homosexuel au Maghreb et dont un article du Professeur Wahid Ferchichi « l’homosexualité en droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique »617, qui traite de la disposition pénale qui criminalise la sodomie, en montrant qu’il s’agit d’une règle homophobe et inconstitutionnelle. Dans le même contexte des libertés individuelles et plus particulièrement les libertés sexuelles, l’A.D.L.I a publié un ouvrage collectif sous la direction du Professeur Wahid Ferchichi le corps dans toutes ses libertés dont un article qui traite du changement de sexe et qui expose la situation juridique des personnes trans dans l’absence d’un texte qui interdit le changement de sexe.618Toutefois, si les militants n’ont pas confiance dans le pouvoir en place pour traiter la question de l’homosexualité, dès lors, internationaliser la cause pourrait être justifié par le « déni des figures politiques tunisiennes ou leur hostilité » lorsqu’il s’agit de la problématique de l’homosexualité comme l’affirme Nadhem Oueslati, de Damj.619 Dans le même sens, Bochra Triki de l’association Chouf a déclaré au HuffPost
Tunisie : « Outre la stratégie de plaider à l’échelle internationale, nous n’abandonnons pas toutes les voies possibles pour faire changer les choses auprès du législateur tunisien, de la commission des droits et libertés à l’A.R.P, spécifiquement. Nous tentons d’explorer toutes les stratégies possibles afin d’avancer dans notre combat.620 »
616
Jinan Limam, op. cit. , p. 7.
617
Wahid Ferchichi, « L’homosexualité en droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique », in Monia
Lach’heb et Eric Fassin (dir.), Être Homosexuel au Maghreb, IRMC- Karthala, Paris, 2016, pp. 171-195. 618
Mohamed Amine Jelassi, « Choisir son corps », in Wahid Ferchichi (dir.), Le corps dans toutes ses libertés,
l’Association Tunisienne de Défense des libertés individuelles (ADLI), Tunis, 2017, pp. 64-103. 619
Rihab Boukhayatia, « En Tunisie, les associations LGBTQI s’unissent pour internationaliser la lutte pour leurs
droits », HuffPost Tunisie, 22 février 2017. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/2017/02/22/ tunisie-lgbtqi-droits_n_14925472.html page consultée le 26 juin 2019. 620
Rihab Boukhayatia, déjà cité..
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
c. Internationaliser la cause L.G.B.T. Internationaliser la cause est une sorte de lobbying moral international dans l’intention d’exhorter l’Etat à respecter ses obligations internationales, surtout en matière de droits humains. Cette méthode est d’emblée fondée sur l’expertise des associations L.G.B.T et autres associations de la société civile et sert d’influence sur les décideurs à travers des interactions poursuivies entre les pouvoirs et les plaideurs. Les militants L.G.B.T en Tunisie ont récemment commencé à exploiter les possibilités du plaidoyer international, notamment pendant le processus d’Examen Périodique Universel (E.P.U.) au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies. A ce niveau, les associations L.G.B.T locales ont publié, en février 2017, un rapport sur la situation juridique et sociale des personnes L.G.B.T en Tunisie. Dans ce cadre, la Coalition621 tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I., composée des associations : Damj l’association tunisienne pour la justice et l’égalité, Chouf, Kelmty, l’initiative Mawjoudin pour l’égalité et Shams
230
avec le soutien de EuroMed droits, a soumis ce rapport, à l’occasion de l’examen périodique universel de la Tunisie, en mai 2017.622 On cite parmi les revendications principales de la Coalition : abroger l’article 230 du Code pénal, article criminalisant l’homosexualité ainsi que les articles 226 bis, 228 et 231 relatifs à l’attentat à la pudeur, au racolage et prostitution qui 621
La coalition est une entente circonstancielle en vue de mener une action de défense d’un intérêt commun.
Cf. Henri Rouillé d’Orfeuil, La diplomatie non-gouvernementale: Les O.N.G. peuvent-elles changer le monde, Les éditions de l’atelier, Paris, 2006, p. 152. 622
Les cosignataires:Association Tunisienne des Femmes Démocrates (A.T.F.D.)
Comité Pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (C.R.L.D.H.T.) Association Beity Association De Défense Des Libertés Individuelles (A.D.L.I.) L’Organisation Tunisienne de la Justice Sociale et de la Solidarité (O.T.J.U.S.S.) Association pour la promotion du Droit à la Différence (A.D.D.) L’organisation Kistas Pour Le Développement de la Démocratie et la Défense des Droits de l’Homme (K.I.S.T.A.S.) l’Association Tunisienne de Prévention Positive (A.T.P.+) Groupe De Plaidoyer Des Personnes Handicapées Le groupe Tawhida Ben Cheikh Réseau Dostourna Coexistence with Alternative Language and Action Movement (C.A.L.A.M.) Free Sight Association
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
servent d’épée Damoclès sur les personnes homosexuelles.623 Vu que les associations représentant les personnes L.G.B.T n’ont pas totalement réussi à faire entendre leur voix, elles ont recours à la « globalisation » des revendications de ces minorités dans le but de solliciter la « solidarité transnationale ». Cette coalition appelle à la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie et exhorte l’Etat à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux pratiques de torture contre les soupçonnés d’homosexualité, principalement masculine. Il est vrai que les O.N.G internationales jouent un rôle central dans la diffusion de la culture universelle des droits humains. Or, faire appel à ces O.N.G est parfois contesté en avançant le discours selon lequel elles diffusent des valeurs occidentales qui se contredisent avec celles de la société tunisienne. En d’autres termes, et selon Salwa Hamrouni, membre de la COLIBE et Professeure de Droit à la F.S.J.P.S.T, l’action associative nationale est plus importante que l’action des associations internationales. Dès lors, les associations locales doivent prendre leur cause en main, car, l’action des associations tunisiennes est plus tolérée que celle qui vient de l’étranger afin d’éviter le discours accusant les O.N.G internationales d’ingérence dans les affaires intérieures de l’Etat.
624
A priori, la forme la plus convenable est l’action des organisations intergouvernementales, car, elles ne s’adressent aux Etats qu’à travers leurs engagements internationaux comme c’était le cas entre 2016 et 2017 lors des observations finales concernant les rapports périodiques de la Tunisie adressées par le Comité contre la torture et par le Conseil des droits de l’homme. Ces organes subsidiaires des N.U. jouissent d’une légitimité très peu contestée et dont les intentions sont rarement critiquées. On peut notamment déduire de cette affirmation que les associations nationales, qualifiées de garde-fous625, veillent au respect et à la mise en oeuvre des droits humains. 623
Rihab Boukhayatia, ibid.
624
Entretien fait le 29 juin 2019 avec Salwa Hamrouni.
625
Cf. Henry J. Steiner, Diverse partners: Non-Governmental Organizations and the human rights movement, Harvard
law college, Cambridge, 1991, passim. Dinah L. Shelton, Advanced introduction to international human rights law, Edward Elgar Publishing, Cheltenham, 2014, p. 294.
231
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
A ce propos, ces associations recensent les abus, conduisent des missions d’enquête et dénoncent les violations des droits humains auprès des instances compétentes à l’échelle internationale. Toute organisation, qui répond à un certain nombre de conditions peut, à travers des rapports alternatifs ou parallèles626, faire part auprès des experts de l’O.N.U. des disfonctionnements qu’elle constate sur le terrain. Tous ces rapports examinés par les experts peuvent servir à enrichir leurs connaissances et interpeller au final l’organisme compétent de l’O.N.U. Même avant 2011, et vu les restrictions auxquelles font face les associations, la question de l’homosexualité a été abordée sous un autre angle, celui des droits sexuels et reproductifs. En effet, « la lutte contre les discriminations basées sur l’orientation sexuelle et sur l’expression de genre doit beaucoup à l’avantgardisme du mouvement féministe tunisien. Elle fut l’une des thématiques abordées par l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (A.T.F.D.), à partir de 1994 dans le cadre de ses travaux sur la question des droits sexuels.627 » Hafidha Chekir affirme à ce propos qu’une commission des droits sexuels et reproductifs est créée au sein de l’association pour travailler sur les violations
232
de ces droits. Elle rajoute que la défense de ces droits comprend aussi les droits humains des personnes homosexuelles.628 Dans le rapport parallèle présenté au mécanisme de mise en oeuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (C.E.D.A.W.) par l’A.T.F.D., une question relative aux mères célibataires et aux personnes minorées sur la base de l’orientation sexuelle a été soulevée afin de mettre le point sur la situation des droits reproductifs et sexuels, lesquels ont été définis dans le rapport comme suit: « Les droits reproductifs et sexuels tournent autour de l’accessibilité à la contraception, le droit à l’avortement, le refus des discriminations liées au genre ou à l’orientation sexuelle, le droit à la liberté sexuelle et au désir, au plaisir 626
L’expression « rapport alternatif » est utilisée pour parler de manière générale des rapports issus des O.N.G.
Il existe une distinction entre « un rapport parallèle » où les O.N.G. font part de leurs propres informations en fonction des articles d’un instrument international des droits de l’Homme, « un contre-rapport » s’il se réfère au rapport officiel, le critique et le complète, ou une alternative de rapport si l’Etat n’a pas déposé de rapport. 627
Entretien avec Wahid Ferchichi, 17 mai 2017. Cité par Jinan Limam, Ibid, p. 32.
628
Entretien fait le 10 juillet 2019 avec Mme Hafidha Chekir.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
sexuel et à une vie sexuelle satisfaisante.629 » Le libre choix d’orientation sexuelle marque la réticence de l’Etat à l’égard de la protection des personnes minorées sur la base de l’orientation sexuelle, voire, la dépénalisation de l’homosexualité féminine et masculine. Le rapport de l’A.T.F.D. relève que le libre choix, en matière d’orientation sexuelle, n’est pas reconnu et que les rapports homosexuels tombent sous le coup de la loi pénale comme étant un délit, conformément à l’article 230 du Code pénal.630 Malgré ces obstacles, le travail mené par les militants a porté ses fruits. On peut ainsi parler des prémices d’une dépénalisation.
B. Les prémices de la dépénalisation de l’homosexualité (résultats atteints) Les prémices de la dépénalisation représentent les victoires remportées par les militant.e.s L.G.B.T. A cet égard, la cause L.G.B.T commence à émerger dans le discours politique éprouvant un soutien aux revendications (1). En plus, face aux attaques subies par les militant.e.s L.G.B.T visant à paralyser leurs activités, la cause a été soutenue dans certaines affaires par les tribunaux (2) et par certains politiciens (3).
1. Une ouverture discrète de l’Etat quant à la question de l’homosexualité Cette ouverture peut être décelée de l’engagement politique de l’Etat à interdire les tests anaux (a), de reconnaitre le mécanisme onusien traitant de la question de l’orientation sexuelle (b) et le fait de reconnaitre les violences exercées sur les personnes homosexuelles (c).
a. Une promesse politique visant à interdire les tests anaux La pression de la société civile a commencé à porter ses premiers fruits à partir de l’année 2017 surtout suite à la présentation de la Tunisie de son rapport national à l’occasion de l’Examen périodique universel (E.P.U.).
629
Association Tunisienne des Femmes Démocrates, Les droits des femmes en Tunisie. Rapport alternatif soumis au
Comité des Nations-Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes 47eme session, octobre 2010, p. 21. Disponible sur : https://www2.ohchr.org/english/bodies/cedaw/docs/ngos/ATFD_Tunisia_CEDAW47_fr.pdf page consultée le 24 juin 2019. 630
Association Tunisienne des Femmes Démocrates, Ibidem, pp. 21-23.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Le sujet qui a été soulevé lors de la discussion du Rapport de la Tunisie devant le Conseil des droits de l’Homme (C.D.H.) à Genève en mai 2017 portait sur la pratique du test anal subie par les personnes présumées ou identifiées comme homosexuelles. Ainsi, la Tunisie a été épinglée par le C.D.H pour le fait de continuer d’emprisonner les personnes accusées d’homosexualité. Le Conseil a notamment exhorté la Tunisie à mettre fin aux examens anaux forcés. Dénoncée comme «cruelle» et «inhumaine» par des O.N.G de défense des droits humains et des associations locales, le ministre a affirmé que la Tunisie s’engage à mettre un terme au test anal non consenti et de mettre en application deux des quatorze recommandations du Conseil. Interdire les tests anaux est une condition sine qua non de la dépénalisation de l’homosexualité puisque ce moyen est l’une des conséquences de l’existence de l’article 230 réprimant les rapports sexuels en privé entre deux personnes de même sexe. Mehdi Ben Gharbia, l’ancien ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les droits de l’Homme qui a assisté aux 234
séances de l’E.P.U a déclaré que : « Ces examens ne pourront plus être imposés de force, ni physiquement ni moralement, et sans consentement de la personne concernée631 », en ajoutant que l’Etat tunisien s’engage « à protéger la minorité sexuelle de toute forme de stigmatisation, de discrimination et de violence et d’empêcher tous les tests et examens anaux anarchiques ». Rappelons que la Tunisie a accepté 189 recommandations du C.D.H, mais a rejeté le reste et notamment celle prônant l’abrogation de l’article 230 du Code pénal. De même, la Tunisie a accepté la recommandation relative à la non-discrimination entre les personnes au motif de leur orientation sexuelle. Cependant, et selon l’ancien ministre Mehdi Ben Gharbia, « il reste encore un dialogue sociétal à mener pour décriminaliser certains comportements », en plus, « les autorités sont conscientes qu’elles auront besoin de temps pour faire évoluer les mentalités. 631
Conseil des droits de l’Homme, « Examen périodique de Bahreïn, de l’Équateur et de la Tunisie ». 21 septembre 2017.
Disponible sur : https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22124&LangID=F&fbclid=I wAR13T8-0dwXwNZOFeddwzz0XBD_l-yM8GMstVwPxVnw-p1XxlI9K0Jtjug4 page consultée le 12 juillet 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
L’État ne réprime aucun mouvement hors du cadre du système judiciaire, qui est tout à fait indépendant632 ». Deux remarques s’imposent à ce stade. La première se rapporte à la recommandation relative à la non-discrimination entre les personnes au motif de leur orientation sexuelle acceptée par l’Etat tunisien. D’abord, Michel Virally définit la recommandation comme suit: « une invitation à observer un comportement déterminé633 ». Dépourvue de portée contraignante, cette déclaration vise donc à stimuler la conduite des autorités en faveur de mettre fin aux pratiques inhumaines qualifiées de torture. Néanmoins, il ne s’agit guère d’un engagement juridique, c’est plutôt un engagement moral tributaire de la volonté politique de l’Etat. Ensuite, l’ancien Ministre montre que la question n’est pas seulement politique mais qu’elle est en plus sociale et ce, en employant le terme « dialogue sociétal ». Qui va organiser le dialogue ? Est-ce l’Etat ? Quels sont les organes de l’Etat aux- quels nous allons assigner cette tâche ? Et avec qui ? La société civile ? Ou par voie de référendum ? Il semble que le terme « dialogue sociétal » est très vague, voire trompeur. Ce qui retient l’attention également, c’est que la décriminalisation de certains comportements est un acte qui se rapporte à la réforme de la politique pénale et on sait parfaitement que la décriminalisation est un processus de dessaisissement du Droit pénal quant à certains comportements. Il s’agit en plus, dans ce cas, de la sexualité et de la vie privée de l’individu. Dès lors, il est inconcevable que l’individu se définisse par rapport à la société. De même, il parait illégitime que la société détermine le sort d’un individu en rapport avec sa vie sexuelle ou sa vie de couple. Tout en sachant que les garants des libertés individuelles sont principalement la justice et le législateur comme il est prévu par la Constitution634, la société ne joue aucun rôle dans le processus de décriminalisation. 632
Conseil des droits de l’Homme, « Examen périodique de Bahreïn, de l’Équateur et de la Tunisie ». 21 septembre 2017.
Disponible sur : https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22124&LangID=F&fbclid=I wAR13T8-0dwXwNZOFeddwzz0XBD_l-yM8GMstVwPxVnw-p1XxlI9K0Jtjug4 page consultée le 12 juillet 2019. 633
Michel Virally, « La valeur juridique des recommandations des organisations internationales », Annuaire français
de droit international, 1956, pp. 66-96. 634
Articles 49 et 102 de la Constitution de 2014.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Au vu que le processus législatif prend du temps pour adopter une loi interdisant le test anal, Amna Guellali de H.R.W considère que le ministère de la Justice peut prendre en main un certain nombre de mesures en s’appuyant sur la Constitution, en enquêtant sur les informations faisant état de mauvais traitements infligés à des personnes arrêtées en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle et mettre fin aux poursuites judiciaires. « Dans l’intervalle, le ministère de la Justice devrait enjoindre aux procureurs de mettre fin aux poursuites engagées en vertu de l’article 230. Le ministère de l’Intérieur devrait de son côté enquêter sur les informations faisant état de mauvais traitements infligés à des personnes arrêtées en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle.635 » Suite à la déclaration du ministre Mehdi Ben Gharbia, les avis des militants semblent être partagés quant au respect des autorités tunisiennes de cette recommandation relative à l’arrêt des tests anaux forcés. Selon Badr Baabou, sur le grand Tunis, les cas des personnes arrêtées pour sodomie au sens de l’article 230 du C.P. sont de moins en moins nombreux. En effet, Damj, en appliquant son guide de sécurité de 2016, recommande aux
236
personnes L.G.B.T en cas d’arrestation de garder le silence et leur rappelle leur droit à un avocat ainsi que le droit de solliciter l’aide d’une association ou d’appeler un membre de la famille. Badr Baabou rajoute, qu’en cas d’arrestation, l’association va sur place pour s’informer des causes de l’arrestation et pour éviter les violences. Cependant, Mounir Baatour ne partage pas cette opinion en intégralité et considère que la situation n’a pas changé. Le Président de l’association Shams nous a révélé que trois cas d’examen anal en 2019 et près de 20 cas en 2018 ont été recensés par son association. Il note aussi, qu’en cas de refus du suspect de s’y soumettre, le juge retient la présomption de culpabilité.636
635
Human Rights Watch, « Tunisie : Des arrestations pour « homosexualité » menacent le droit à la vie privée. Le
gouvernement se sert de données personnelles et d’« examens » anaux pour engager des poursuites judiciaires », 8 novembre 2018. Disponible sur : https://www.hrw.org/fr/news/2018/11/08/tunisie-des-arrestations-pourhomosexualite-menacent-le-droit-la-vie-privee page consultée le 5 juillet 2019. 636
Correspondance de Mounir Baatour le 11 juillet 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
De même, Alaa Khemiri a estimé que la loi n°5637, prévoyant qu’en cas de garde à vue, le suspect a le droit de désigner un avocat pour l’assister, n’a pas été souvent respectée et que les personnes homosexuelles sont obligées de se soumettre aux examens anaux.638
b. La reconnaissance du mécanisme onusien traitant de l’orientation sexuelle En 2016, le Conseil des droits de l’Homme a adopté une résolution par laquelle il a décidé de nommer, pour une période de trois ans, un expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.639 L’expert indépendant aura entre autres comme mandat de remédier aux formes multiples et aggravées de violence et de discrimination dont sont victimes des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre. Le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies a adopté le 12 juillet 2019, une résolution visant à renouveler le mandat de l’expert S.O.G.I des Nations Unies. A ce propos, la Tunisie était le seul pays arabe à avoir voté pour la première fois pour la protection des droits humains des personnes L.G.B.T. Damj félicite, à travers un communiqué publié le 12 juillet 2019, l’Etat tunisien pour cette prise de position et la considère comme une initiative courageuse qui s’inscrit dans un long processus déjà commencé depuis l’adoption de la Constitution de 2014.640 Le communiqué rappelle aussi que l’Etat a déjà pris d’autres initiatives qui vont dans le sens d’affirmer l’égalité des droits des personnes L.G.B.T notamment l’acceptation des deux recommandations lors du dernier examen périodique universel. En effet, les rapports de l’expert indépendant peuvent être utilisés dans le plaidoyer au niveau national pour changer les politiques et les lois. Mais, le rapport peut également servir de document pour appuyer la position d’un 637
Loi n° 2016-5 du 16 février 2016, modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale.
J.O.R.T. n° 15 du 19 février 2016, p. 487. 638
Correspondance de Alaa Khemiri le 13 juillet 2019.
639
Résolution du Conseil des droits de l’Homme, Protection contre la violence et la discrimination en raison de
l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, 24 juin 2016, A/HRC/32/L.2 640
Communiqué Damj du 12 juillet 2019 disponible sur la page facebook de l’association : https://www.facebook.
com/damj.tunisie/photos/rpp.137293926455977/1096791730506187/?type=3&theater page consultée le 12 juillet 2019.
237
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
requérant dans un procès. Il est vrai que ce document n’a pas de valeur juridique, or, il s’avère utile comme source d’information afin de démontrer aux tribunaux nationaux l’état actuel des personnes L.G.B.T et les violations de leurs droits.
c. La reconnaissance des violences exercées sur les personnes homosexuelles La protection de l’intégrité physique et morale des personnes L.G.B.T est intimement liée à la décriminalisation. A ce propos, on cite le rôle de l’Instance Nationale pour la Prévention de la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (I.N.P.T.).641 Ainsi, les personnes privées de liberté642 et placées en lieu de détention643, au sens de la loi relative à l’I.N.P.T., manquent de garanties spécifiques qui assurent leur protection contre toutes formes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en raison de leurs différences. Peut-on voir cette instance enquêter sur des cas de torture infligés à des personnes homosexuelles ? A savoir, peut-elle assurer l’investigation de ces cas et les transmettre aux autorités compétentes ? 238
641
Voir la Loi organique n° 2013-43 du 23 octobre 2013, relative à l’instance nationale pour la prévention de la
torture. J.O.R.T. n° 85 du 25 octobre 2013, p. 3075. Cf : Wahid Ferchichi avec la participation de Ahmad Aloui, « Structures publiques des droits de l’Homme en Tunisie: Quelle évolution? », Tunis, Al Kawakibi Democracy Transition Center, 2014. Voir aussi Wahid Ferchichi et Azza Ben Abdelbaki, « Structures publiques des droits de l’Homme en Tunisie: Un Bilan post constitution de 2014 », Tunis, Al Kawakibi Democracy Transition Center, 2017. Disponible sur le lien suivant : http://www.adlitn.org /sites/default/files/un_bilan_post_constitution_de_2014_novembre_2014_novembre_2017.pdf 642
« Privation de liberté : toute forme de détention ou d’arrestation ou d’emprisonnement ou de placement d’une
personne, sur l’ordre d’une autorité juridictionnelle ou administrative ou toute autre autorité, ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite ». 643
« Lieux de détention: on entend par ce terme tout lieu placé ou qui peut être placé sous la juridiction de l’Etat
Tunisien ou sous son contrôle ou établi suite à son approbation où se trouvent des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite. Sont considérés lieux de détention notamment: 1- Les prisons civiles, 2 - Les centres de rééducation des délinquants mineurs, 3 - Les centres d’hébergement ou d’observation des mineurs, 4 - Les centres de garde, 5 - Les établissements de psychothérapie, 6 - Les centres d’hébergement des réfugiés et des demandeurs d’asile, 7 - Les centres des immigrés, 8 - Les centres de curatelle, 9 - Les zones de transit dans les aéroports et les ports, 10 - Les centres de discipline, 11- Les moyens utilisés pour le transport des personnes privées de leur liberté ».
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Dans le cas des tests anaux forcés exercés contre les accusés d’homosexualité masculine, au sens de l’article 230 du C.P., les personnes homosexuelles sont exposées à ces pratiques au moment de l’arrestation dans les postes de police. Le Rapporteur Spécial de l’O.N.U. sur la torture a déclaré que ces examens peuvent être assimilés à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant.644 C’est là où réside le rôle de cette instance de garantir cette protection notamment pour les minorités sexuelles. « Les personnes L.G.B.T.I., à l’instar d’autres minorités en détention, sont donc exposées à des risques d’abus et de violence spécifiques. D’autres groupes « à risque » sont protégés par des garanties spécifiques concernant la détention, tels que les « Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes » (Règles de Bangkok) ou les « Règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté » et l’« Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs » (Règles de Beijing). Même si ces standards ne sont pas contraignants, ils représentent un socle de protection indéniable et offrent aux Etats une orientation concrète pour leurs pratiques.
645
»
Une nouvelle étape est franchie dans le cadre de cette instance indépendante en ce qui concerne la protection de l’intégrité physique et morale des personnes homosexuelles. Ainsi, un rapport élaboré par l’I.N.P.T sur “les conditions de détention et d’accueil des personnes vulnérables entre les normes internationales et les engagements nationaux”, présenté à la société civile en juin 2019, a indiqué que les conditions de détention et d’accueil des catégories vulnérables en Tunisie ne sont pas conformes aux normes internationales et ne préservent pas la dignité humaine.646 Parmi ces catégories vulnérables, le rapport cite les personnes 644
UN Human Rights Council, Report of the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading
treatment or punishment, 5 January 2016, A/HRC/31/57. 645
BLANC (J-S) : « Minorités sexuelles en détention : de l’invisibilité à la stigmatisation », in Vulnérabilité et risques
dans l’exécution des sanctions pénales, Actes des 9èmes Journées pénitentiaires de Fribourg, Novembre 2014, Stämpfli Verlag AG Bern, 2015, pp. 155 et ss. 646
« Les conditions de détention et d’accueil des catégories vulnérables en Tunisie ne sont pas conformes aux normes
internationales selon l�INPT. L�Instance Nationale pour la Prévention de la Torture tire la sonnette d�alarme », HuffPost Tunisie/TAP, 17 juin 2019, disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/entry/les-conditions-de-detention-et-d-accueil-des-categories-vulnerables-
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L.G.B.T. D’emblée, le fait qu’un rapport national officiel traite d’une question pendant longtemps considérée tabou est quelque chose d’inédit.647 Dès lors, on conclut que l’Etat tunisien commence à s’ouvrir sur la cause L.G.B.T en déclarant son engagement à respecter ses obligations internationales en matière de lutte contre les discriminations basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Chose qu’on a remarqué également dans certaines affaires dans lesquelles cette question a été abordée devant les juridictions tunisiennes.
2. La cause L.G.B.T. soutenue par certains tribunaux tunisiens Faisant preuve de neutralité et d’impartialité, les tribunaux tunisiens ont contribué dans certaines affaires à lutter contre l’homophobie de l’Etat (a) et celle de la société (b). La cause est également renforcée par un commencement de la reconnaissance de l’identité de genre (c).
a. Une victoire contre l’homophobie de l’Etat En 2016, le gouvernement a demandé à la justice la dissolution de l’association Shams, suite aux appels des députés conservateurs au sein de l’A.R.P de suspendre ses activités sous prétexte qu’elle fait la « promotion » de
240
l’homosexualité en Tunisie. En dépit de l’hostilité gouvernementale, l’association a eu gain de cause sur la base de ses objectifs tel qu’ils sont indiqués dans les statuts : « le soutien moral, psychique et matériel des minorités sexuelles et l’appel à la dépénalisation de l’homosexualité.648 » Toujours déterminé de freiner les activités de l’association dans son combat de lutte contre l’homophobie et la transphobie, le gouvernement a interjeté appel de la décision du T.P.I de Tunis649 en février 2019, dans une nouvelle tentative de fermeture de l’association. Selon le Chef du contentieux de l’Etat, adoptant cette fois-ci un argument adhérant à la culture dominante en affirmant que l’association ne peut poursuivre ses activités qui vont « contre les traditions des Tunisiens qui sont musulmans ».
en-tunisie-ne-sont-pas-conformes-aux-normes-internationales-selon-linpt_mg_5d07db2ce4b0886dd15d081d consultée le 12 juillet 2019. 54. . ص،2018 ديسمبر2017./2016 التقرير السنوي األول للهيئة الوطنية للوقاية من التعذيب لسنتي647 Disponible sur : http://www.inpt.tn/uploads/media/RapportINPT2016_2017.pdf page consultée le 27 septembre 2019. 648
Cf. Tribunal de Première Instance de Tunis, jugement en référé n° 60753 du 23 février 2016, non-publié.
649
Tribunal de Première Instance de Tunis, Ibid.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Conséquemment, et suite aux tentatives d’entrave à l’exercice de la liberté d’association de l’association Shams, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme a adressé un courrier au gouvernement tunisien dans lequel il explique que la fermeture de Shams serait en violation avec le principe de nondiscrimination, du droit à la liberté d’opinion et d’expression et d’association tels que consacrés par les instruments internationaux des droits humains ratifiés par la Tunisie.650 Parallèlement, et suite à l’acharnement continu du gouvernement contre l’association Shams, le Collectif civil pour les libertés individuelles a publié un communiqué, le 16 mai 2019, dénonçant les lois liberticides et les pratiques institutionnelles homophobes et transphobes651. Favorablement à la cause L.G.B.T, la Cour d’appel de Tunis a débouté le gouvernement et confirmé le jugement du T.P.I de Tunis prononcé il y a trois ans permettant à l’association Shams d’exercer ses activités en toute légalité.652
Ab initio, Shams et d’autres associations jouent un rôle pertinent dans la mise en oeuvre de la protection des personnes homosexuelles. Lorsque l’Etat se montre défaillant, ces associations se présentent comme des porteurs d’un nouveau « projet de société » qui adopte les revendications des personnes L.G.B.T. Le jugement a été prononcé le 17 mai 2019, date correspondant à la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie. 650
Mandats du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d�opinion et d�expression;
du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d�association; du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l�homme; et de l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination en raison de l�orientation sexuelle et de l�identité de genre. Lettre adressée au gouvernement tunisien le 28 février 2019. Référence: AL TUN 2/2019. Disponible sur : https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=24383 page consultée le 22 juin 2019. 651
Le Collectif civil pour les libertés individuelles, « Communiqué : Encore un 17 mai dans l’homophobie et la
transphobie légales et institutionnelles », le 16 mai 2019. Disponible sur : https://www.hrw.org/sites/default/ files/supporting_resources/ccli_communique_17mai_vf_0.pdf Page consultée le 22 juin 2019. 652
Cour d’appel de Tunis, jugement en référé, n°37442/5 du 17 mai 2019.
Voir le commentaire du jugement en arabe : ّ 3 ، املفكرة القانونية،»يحط من الكرامة اإلنسانية جترمي املثلية:230 «استئناف تونس تؤكد قانونية جمعية تطالب بإلغاء الفصل،وحيد الفرشيشي .2019 جويلية Disponible sur: http://legal-agenda.com/article.php?id=5710 page consultée le 10 septembre 2019. Voir le commentaire du jugement en anglais: Wahid Ferchichi, “Tunisian Court Defends Advocacy of Homosexual Rights”, 22 août 2019, legal agenda, disponible sur: http://legal-agenda.com/en/article.php?id=5831 page consultée le 10 septembre 2019.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
En rappelant que l’association Shams s’occupe des affaires des minorités sexuelles, le jugement les définit en tant que « personnes qui disposent d’orientations sexuelles différentes de celles habituelles dans la société653 ». De ce fait, il semble que le juge reconnait implicitement la diversité sexuelle et de genre, chose qui peut conduire à ce que les droits sexuels soient reconnus par le législateur. En effet, quand on aborde l’identité sexuelle, on vise aussi la diversité sexuelle et de genre face au modèle dominant d’hétérosexualité légitimement et légalement accepté publiquement. A fortiori, la diversité sexuelle « propose d’englober la pluralité comportementale et identitaire »654. Bien que certaines sociétés sont plus ouvertes à la diversité sexuelle, d’autres ignorent ou rejettent cette notion. D’une manière ou d’une autre, le jugement de la Cour d’appel jette les bases d’une réflexion sur ces notions jusqu’ici ignorée par la justice tunisienne, et apparemment, par les institutions de la République tunisienne. C’est dans ce sens que le législateur, comme le juge, doivent mettre à jour leur répertoire qui s’inspire des valeurs universelles des droits humains comme pour les systèmes juridiques comparés. Chose déjà réalisée dans cette affaire.
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Attestant d’une évolution considérable, le juge de la Cour d’appel de Tunis adhère à la décision du T.P.I de Tunis en jugeant que le terme «minorités sexuelles» comprenait également les personnes homosexuelles. Dans ce contexte, et ce qui retient l’attention, c’est la référence du jugement aux instruments internationaux des droits humains, alors que dans d’autres affaires similaires et relatives à la sexualité, le juge refusait systématiquement de concevoir la sexualité et les questions de l’identité de genre dans le cadre des droits humains comme dans les décisions rendues en matière de statut personnel sur le changement de la mention sexe dans l’acte de naissance.655 653
Jugement
disponible
sur :
http://legal-agenda.com/uploads/%D8%AD%D9%83%D9%85%20
%D9%82%D8%B6%D9%8A%D9%91%D8%A9%20%D8%B9%D8%AF%D8%AF%2037442%20%D8%8C%20 %D8%B4%D9%85%D8%B3%20%D8%B6%D8%AF%20%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%83%D9%84%D9%91 %D9%81%20%D8%A7%D9%84%D8%B9%D8%A7%D9%85%20%D8%A8%D9%86%D8%B2%D8%A7%D8%B9%D8% A7%D8%AA%20%D8%A7%D9%84%D8%AF%D9%88%D9%84%D8%A9.pdf page consultée le 10 septembre 2019. 654
Line Chamberland, Blye W. Frank et Janice Ristock, « Présentation », in Line Chamberland, Blye W. Frank et Janice
Ristock (dir.), Diversité sexuelle et constructions de genre, P.U.Q., Québec, 2009, p. 3. 655
Voir en ce sens : Hammadi Redissi et Slah Eddine Ben Abid, « L’affaire Samia ou le drame d’être « autre »,
commentaire d’une décision de justice, in Anne-Marie Moulin (dir.), Islam et révolutions médicales : Le labyrinthe du corps, Karthala Editions, Paris, 2013. p. 249. 10298 قرار مدني عدد، محكمة االستئناف بتونس، تعليق حول امكانية تغيير اجلنس املنصوص عليه في رسم احلالة املدنية،رشيدة اجلالصي
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Incontestablement, et c’est une première dans la jurisprudence tunisienne qu’un jugement introduise de nouveaux concepts utilisés par les juridictions régionales comme la Cour européenne des droits de l’Homme, à savoir l’orientation sexuelle et l’identité de genre. De surcroît, le jugement reconnait un des buts de l’association Shams s’inscrivant dans le cadre de l’abrogation de l’article 230 du Code pénal. Dès lors, on déduit que le juge reconnait d’ores et déjà le militantisme L.G.B.T en rappelant que Shams plaide pour la protection des minorités sexuelles, l’élimination de la discrimination ainsi que pour la préservation de leur dignité. Toujours dans le même contexte et en faisant référence aux principes de Jogjakarta selon lesquels « l’orientation sexuelle et l’identité de genre font partie intégrante de la dignité et de l’humanité de toute personne et ne doivent pas être à l’origine de discriminations ou d’abus656 », le jugement sous-entend que l’article 230 du Code pénal est liberticide et annonce que « la pénalisation de l’homosexualité touche à la dignité humaine ».657 Tout en sachant que l’expression « dignité » s’ajoute à la devise de la deuxième République dans l’article 4 de la Constitution de 2014, cette dernière oblige, en effet, l’Etat à garantir et à oeuvrer pour la « dignité » dans toutes ses actions, qu’elles soient d’ordre civil, politique, économique, culturel ou social. A ce propos, le jugement met en oeuvre les libertés collectives et individuelles en rapport avec l’exercice de l’association Shams de ses activités telles que déclarées dans ses statuts. 145 ص1995 .ت.ق. م،1993 ديسمبر22 بتاريخ 656
Les principes de Jogjakarta. Principes sur l’application de la législation internationale des droits humains en
matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, « introduction aux principes de Jogjakarta », mars 2007, p. 6. « Un groupe d’experts distingués a rédigé, développé, discuté et mis au point ces Principes. Suite à une réunion tenue à l’Université Gadjah Mada de Jogjakarta, en Indonésie, du 6 au 9 novembre 2006, ces 29 experts éminents, venus de 25 pays, avec des expériences diverses et une expertise en matière de législation en droits humains, ont adopté à l’unanimité les Principes sur l’application du droit international des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre. », p. 7. Disponible sur : http://yogyakartaprinciples.org/wp-content/uploads/2016/08/principles_fr.pdf page consultée le 22 juin 2019. 657
Wahid Ferchichi, « La Cour d’Appel de Tunis affirmant la légalité de l’association Shams et annonçant «la
pénalisation de l’homosexualité touche à la dignité humaine» », Legal Agenda, 3 juillet 2019 (en langue arabe). Disponible sur : http://legal-agenda.com/article.php?id=5710 page consultée le 4 juillet 2019. L’article est disponible aussi en langue française et anglaise, sur le lien suivant : En anglais : http://legal-agenda.com/en/article.php?id=5831 En français : https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=2299024223519770 id=173839059371641&__tn__=K-R
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
D’une part, pour les libertés collectives, le jugement concrétise la liberté d’association telle que garantie par la Constitution de 2014. D’emblée, en admettant que Shams jouit pleinement de cette liberté dans le contexte de la défense des droits des minorités sexuelles, l’arrêt de la Cour d’appel de Tunis s’inscrit dans l’approche des droits humains qui considère que l’orientation sexuelle et l’identité de genre sont des motifs de discrimination prohibés par le Droit international, tout en admettant que la dissolution de l’association est illégale. Citons à cet égard un des principes de Jogjakarta selon lequel : « Tous peuvent former et faire reconnaître, sans discrimination, des associations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, et des associations qui transmettent des informations à, ou à propos de, personnes aux diverses orientations sexuelles et identités de genre, ou qui facilitent la communication entre ces personnes, ou encore qui plaident en faveur des droits de ces personnes.658 » D’autre part, pour les libertés individuelles, on peut déceler du jugement que la dignité et la non-discrimination sont des composantes essentielles pour la jouissance des droits humains et protègent à la fois les personnes L.G.B.T.
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In fine, la Cour prône la protection de toutes les orientations en jugeant qu’il est indispensable de réprimer toute sorte d’agression sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Interviewé le 21 juin 2019, Me Mounir Baatour, un des avocats représentant l’association dans l’affaire susmentionnée, se réjouit d’une telle décision en déclarant que « c’est une première en Tunisie qu’un tribunal reconnaisse les personnes homosexuelles comme une minorité ayant le droit d’être protégée et défendue. »
658
Les principes de Jogjakarta, « Principe 20 : Le droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques », p. 26.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
b. Une victoire face à l’homophobie sociale Le T.P.I de Tunis a rendu une décision le 14 février 2018659 dans le cadre du procès intenté par le syndicat national des imams et des cadres des mosquées contre l’association Shams pour la fermeture de la radio Shams Rad, en accusant la Radio d’être un vecteur de diffusion d’immoralité et de menacer l’unité de la famille et l’harmonie de la société. Le Tribunal a rejeté la demande des Imams.660 Selon le jugement, s’agissant d’un organisme professionnel censé représenter les intérêts des professionnels dans le cadre de l’activité syndicale, la Cour a jugé que la radio Shams Rad n’affecte ni d’une manière directe ni indirecte la profession ou l’activité syndicale du plaignant. La décision reconnait notamment que les activités de la radio ne sont pas contraires aux règles relatives au respect des droits d’autrui ou leur réputation conformément au Décret-loi du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle. De surcroit, la décision met cette liberté en avance en distinguant entre les animateurs de la radio et la matière présentée. D’ailleurs, la plainte déposée par le syndicat des imams visait la radio et non pas les personnes par ce qu’elles sont homosexuelles. Telle est la distinction faite par la Cour dans cette affaire et qui a servi comme argument pour le rejet de la demande de fermeture de la radio. Cependant, le juge aurait dû fonder sa décision sur Les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication telles que garanties par l’article 31 de la Constitution. Ainsi que l’article 32 garantissant le droit à l’information, le droit d’accès à l’information et le droit d’accès aux réseaux de communication.661 Somme toute, dans ce jugement, le juge a consacré la suprématie des libertés individuelles et collectives en rapport avec la création de la radio Shams Rad. 659
Jugement en référé du Tribunal de première instance de Tunis n° 88184 du 14 février 2018. .2018 فيفري19 ، المفكرة القانونية،” حكم قضائي برد دعوى نقابة األئمة ضد جمعية شمس: “انتصار لمدنية الدولة في تونس:وحيد الفرشيشي
Disponible sur: http://legal-agenda.com/article.php?id=4240 page consultée le 9 septembre 2019. 660
Le collectif civil pour les libertés individuelles. Rapport sur les principales violations des libertés individuelles, Bas
les masques, mars 2019, p. 24. .2018 فيفري19 ، المفكرة القانونية،” حكم قضائي برد دعوى نقابة األئمة ضد جمعية شمس: “انتصار لمدنية الدولة في تونس،وحيد الفرشيشي661
Disponible sur : http://legal-agenda.com/article.php?id=4240 page consultée le 4 juillet 2019.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
c. Vers la reconnaissance de l’identité de genre Le tribunal de première instance de Tunis a, le 9 juillet 2018, autorisé la rectification de la mention sexe masculin sur l’acte de naissance, ainsi le prénom de naissance « Lina » est devenu « Rayen ».662 Il relève des faits d’espèce que le requérant souffrait de troubles psychiques se rapportant à son sexe biologique en tant que femelle, quoiqu’il se sentait male. Autrement dit, cela est connu sous le nom de « dysphorie de genre » qui consiste en des troubles de l’identité de genre pour désigner la souffrance liée au sentiment d’appartenir à un autre sexe que celui assigné dès la naissance. Le requérant a également suivi des traitements hormonaux et chirurgicaux pour atténuer son apparence féminine. L’innovation dans cette décision est que c’est la première fois dans une affaire relative au changement de sexe où le juge emploie un terme médical à savoir la « dysphorie de genre » afin de diagnostiquer l’état du demandeur et pour déterminer l’existence ou l’absence de l’état de nécessité.
Ab initio, il a été jugé que le requérant souffrait d’une « dysphorie de genre » en
246
se basant sur l’expertise médicale qui a affirmé que le demandeur ne souffre d’aucun trouble psychique et que son état correspond à celui d’un Trans.
In fine, le juge s’inclina devant le rapport médical et rendit une décision favorable au changement de sexe et à la rectification de la mention sexe sur l’acte de naissance afin que le requérant puisse mener une vie normale. Ce qui attire l’attention dans ce jugement est que d’une part, le référentiel du juge a évolué par rapport à d’autres affaires dans lesquelles le juge refusait systématiquement le changement volontaire de sexe en puisant ses arguments de la culture dominante. Alors que dans cette affaire, le juge s’est inspiré des expériences comparées en la matière en citant la jurisprudence française et celle de la Cour européenne des droits de l’Homme, ces deux considèrent que la protection et la reconnaissance de l’identité de genre font partie de la protection de la vie privée des individus que l’Etat s’engage à protéger. 662
Jugement du Tribunal de première instance de Tunis, 9 juillet 2018, n°12304. Voir :
. 2018 سبتمبر7 ، المفكرة القانونية،” الهوية الجندرية بين حماية الحياة الخاصة وحماية النظام العام:” “حكم قضائي تونسي بشأن “التحول الجنسي،محمد أمين الجالصي
http://www.legal-agenda.com/article.php?id=4793 Page consultée le 14 juillet 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
D’autre part, le jugement met en avant le droit à la vie afin d’empêcher que le demandeur commette le suicide et ce, en étudiant les éléments de l’état de nécessité pour savoir si le changement de sexe était le seul et ultime moyen utilisé pour repousser le danger. Partant de ce constat, le juge accepte le changement volontaire du sexe. Ces trois événements qui ont marqué le combat des militants L.G.B.T montrent que la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie n’est pas impossible mais cela s’avère insuffisant car la cause L.G.B.T peut être aussi soutenue par d’autres acteurs.
3. La cause L.G.B.T. soutenue par certains politiciens Comme on l’a montré dans la première partie réservée aux axes juridiques de la dépénalisation en Tunisie, certains politiciens refusent catégoriquement d’aborder la question de l’homosexualité, d’autres ont exprimé une opposition virulente. Néanmoins, des figures politiques ont récemment montré leur soutien à la cause en prônant le droit de disposer de son corps librement. Preuve que les mentalités évoluent, l’un des leaders du parti islamiste Ennahdha, Lotfi Zitoun, s’est prononcé en faveur d’une dépénalisation de l’homosexualité. Interviewé par le magazine le point, Lotfi Zitoun affirme : « Je suis contre l’article 230. On n’a pas à intervenir dans l’espace privé. Il y a l’espace public où l’État fait appliquer la loi. Je suis contre les tests qui violent le corps des gens, qu’on leur fait subir contre leur volonté. Qu’on teste les gens pour l’alcoolémie au volant, c’est normal, c’est l’espace public.663 » Dans une interview plus récente, Lotfi Zitoun déclare que « le test anal -un examen pratiqué pour -vérifier- l’homosexualité d’une personne- viole les droits humains et la dignité des personnes.664 »
663
« Lotfi Zitoun : La Tunisie doit préserver les libertés individuelles », le point, 24 février 2017. Disponible sur :
h tt p s : / / w w w. l e p o i n t .f r /a f r i q u e / l o tf i - z i to u n - l a - t u n i s i e - d o i t- p re s e r ve r- l e s - l i b e r te s - i n d i v i d u e l l es-24-02-2017-2107226_3826.php page consultée le 24 juin 2019. 664
Rihab Boukhayatia, « Le dirigeant d�Ennahdha Lotfi Zitoun défend les libertés sexuelles et affirme son opposition
au test anal, HuffPost, 19 février 2019. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/entry/lotfi-zitoun-defend-les-libertes-sexuelles-et-affirme-son-opposition-autest-anal_mg_5c6c09b9e4b01cea6b898b2f page consultée le 24 juin 2019.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Cependant, la position du président du parti Ennahdha concernant la dépénalisation de l’homosexualité n’est pas stable. Au début, et suite à la déclaration de Béji Caid Essebsi sur une chaîne de télévision égyptienne en 2015 affirmant qu’il est catégoriquement contre l’abrogation de l’article 230,Rached Ghannouchi s’est prononcé également contre la dépénalisation de l’homosexualité, en se disant opposé à l’abrogation de l’article 230 du Code pénal.665 Trois ans plus tard, Rached Ghannouchi se positionne pour la dépénalisation de l’homosexualité et ce lors d’une interview accordée au magazine Jeune Afrique. En effet, le président d’Ennahdha, a déclaré que « « l’homosexualité est un phénomène naturel et qu’il ne faut pas s’ingérer dans les agissements des individus ». « Chacun est libre et nous n’avons pas à nous préoccuper de ce qui se passe dans les maisons » a-t-il précisé ajoutant qu’il ne faut pas intervenir dans les choix individuels.666 » Par ailleurs, Mohsen Marzouk, président du parti Machrouu Tounes, a reçu, mercredi 3 avril 2019, une délégation de l’association Shams. A ce propos Mounir 248
Baatour affirme : « Mohsen Marzouk nous a promis une rencontre avec le ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l’Homme, Mohamed Fadhel Mahfoudh ». Baatour souligne notamment la position ferme exprimée par Marzouk contre l’article 230 du Code pénal criminalisant l’homosexualité.667 Parallèlement, c’est avec l’appui de l’association Shams, que la jeune parlementaire, Khawla Ben Aicha, a essayé de faire bouger les choses mais 665
Monia Ben Hamadi, « Tunisie: Rached Ghannouchi se prononce contre la dépénalisation de l�homosexualité et félicite
Béji Caïd Essebsi », HuffPost Tunisie, 8 octobre 2015. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/2015/10/08/ tunisie-rached-ghannouchi-homosexualite_n_8262766.html page consultée le 14 septembre 2019. 666
« Rached Ghannouchi: « l’homosexualité est un phénomène naturel » », Réalités Online, 27 mars 2018.
Disponible sur : https://www.realites.com.tn/2018/03/rached-ghannouchi-lhomosexualite-est-un-phenomenenaturel/ page consultée le 14 septembre 2019. Cf : Célian Macé, « Héritage, homosexualité, peine de mort : offensive progressiste en Tunisie », Libération, 12 juin 2018. Disponible sur : https://www.liberation.fr/planete/2018/06/12/heritage-homosexualite-peine-de-mortoffensive-progressiste-en-tunisie_1658610 page consultée le 14 septembre 2019. 667
Rédaction du HuffPost Tunisie, « Mohsen Marzouk se distingue en affichant son soutien à la dépénalisation de
l�homosexualité », HuffPost, 3 avril 2019. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/entry/mohsen-marzouk-se-distingue-en-affichant-son-soutien-a-ladepenalisation-de-lhomosexualite_mg_5ca4eb81e4b0ed0d78100b9d?utm_hp_ref=mg-association-shams page consultée le 24 juin 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
discrètement. Elle a, en fait, opté a priori pour un amendement de l’article 230 et non pas pour son abrogation immédiate.668 De même, Khawla Ben Aicha affirme qu’il est plutôt judicieux de « se focaliser sur la violation de l’intégrité physique et morale ainsi que les droits fondamentaux de tout être humain pourrait être la clé de voûte de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie. Il faut avancer pas à pas. Tout est une question de ‘‘packaging’’.669 » Selon Khawla Ben Aicha, la proposition d’amendement de l’article 230 sera probablement débattue lors de la prochaine assemblée entre 2019 et 2020. En effet, la stratégie proposée par la députée est la suivante : « en mettant un terme aux tests anaux, l’article 230 du Code pénal devient facilement caduc ».670 Le moment est propice puisque le projet de la COLIBE et celui de la députée Khawla Ben Aicha préconisent entre autres les recommandations des associations L.G.B.T et celles des associations de la société civile formulées depuis 2015. A l’approche de l’élection présidentielle anticipée, la question des libertés individuelles dont celle de la dépénalisation de l’homosexualité s’est posée fortement dans la campagne électorale. A partir des programmes électoraux des candidats à l’élection présidentielle anticipée trois types de positions ont été décelés quant à la question de la dépénalisation de l’homosexualité et l’interdiction des examens anaux. Si certains candidats se positionnent en faveur de la dépénalisation de l’homosexualité, d’autres sont soit contre, soit ils ont adopté une position intermédiaire en considérant que ce n’est pas une question prioritaire et que ce genre de sujets divise les Tunisiens, dès lors, il faut l’éviter.
668
Wafa Samoud, « Le combat mené par la plus jeune députée tunisienne, Khawla Ben Aïcha, contre le test anal »,
Huffpost, 17 juin 2019. Disponible sur : https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-combat-mene-par-la-plus-jeunedeputee-tunisienne-khawla-ben-aicha-contre-le-test-anal_fr_5cfa8c59e4b02ee34776434b page consultée le 14 septembre 2019. 669
Wafa Samoud, « Le combat mené par la plus jeune députée tunisienne, Khawla Ben Aïcha, contre le test anal »,
HuffPost, 17 juin 2019. Disponible sur : https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-combat-mene-par-la-plus-jeune-deputee-tunisienne-khawla-ben-aichacontre-le-test-anal_fr_5cfa8c59e4b02ee34776434b Page consultée le 22 juin 2019. 670
Wafa Samoud, « Bientôt une proposition de loi pour interdire le test anal en Tunisie. Pas à pas vers l’abrogation
de l’article 230 du Code pénal? », Huffpost, 26 octobre 2018. Disponible sur : https://www.huffpostmaghreb.com/entry/bientot-une-proposition-de-loi-pour-interdire-le-test-anal-en-tunisie_ mg_5bd2ef87e4b0d38b588246b7?utm_hp_ref=mg-association-shams page consultée le 5 juillet 2019.
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Abdelfattah Mourou, vice-président du parti islamiste Ennahdha, estime que l’homosexualité est un choix personnel et qu’il faut respecter la liberté individuelle et l’intégrité physique des citoyens. Mais, il précise qu’il ne prévoit pas l’abrogation de l’article 230.671 Kaïs Saïed candidat indépendant à la présidentielle anticipée et universitaire, avait affirmé que « des parties étrangères encouragent l’homosexualité et veulent répandre cette orientation sexuelle en Tunisie pour preuve ces mêmes parties financent la location de maisons pour héberger les homosexuels.672 » Abir Moussi, présidente du Parti Destourien Libre et candidate à l’élection présidentielle anticipée, a déclaré, qu’elle ne va pas dépénaliser l’homosexualité, ni la légaliser. Quoiqu’elle ait insisté sur le fait « qu’elle ne permettra aucune atteinte de l’intimité physique des Tunisiens. Elle a ajouté que concernant le test anal, la pratique sera organisée et cadrée par la loi et dans le respect de l’intégrité physique.673 » En revanche, d’autres déclarations vont dans le sens contraire. Les candidats affichent un soutien inconditionné aux libertés individuelles et à la dépénalisation 250
de l’homosexualité. Mongi Rahoui, le candidat officiel du parti du Front populaire, a ainsi affirmé qu’il est pour toutes les propositions contenues dans le rapport de la COLIBE et donc il est pour la dépénalisation de l’homosexualité.674 Mohsen Marzouk s’est rallié notamment au point de vue des politiciens qui sont en faveur de l’abrogation de l’article 230. En effet, parmi les axes sur lesquels reposent son projet: préserver les libertés individuelles et les minorités. Il s’engage 671
« Mourou à propos de l’homosexualité: Il faut respecter la liberté individuelle et l’intégrité physique des
citoyens », Kapitalis, 9 septembre 2019. Disponible sur: http://kapitalis.com/tunisie/2019/09/09/mourou-apropos-de-lhomosexualite-il-faut-respecter-la-liberte-individuelle-et-lintegrite-physique-des-citoyens/?fbclid=Iw AR3CKflqFcGWtmR7BHUsRuGOawsno7CoFCr1GEGQaVXeITtIHBAu2Iq_C3I page consultée le 12 septembre 2019. 672
« Présidentielle Kais Saied affirme qu’il ne votera même pas pour lui-même », Kapitalis, 11 juin 2019. Disponible
sur:
http://kapitalis.com/tunisie/2019/06/11/presidentielle-kais-saied-affirme-quil-ne-votera-meme-pas-pour-
lui-meme/ page consultée le 12 septembre 2019. 673
« Abir Moussi : Je ne légaliserai pas l’homosexualité », Tuniscope, 12 septembre 2019. Disponible sur:
https://www.tuniscope.com/article/184135/actualites/politique/moussi-homo-515510 page consultée le 12 septembre 2019. 674
« Mongi Rahoui : je me présente sans la moindre barrière idéologique », Bussiness News, 26 août 2019.
Disponible sur : https://www.businessnews.com.tn/Mongi-Rahoui--je-me-pr%C3%A9sente-sans-la-moindre-barri%C3%A8reid%C3%A9ologique,520,90466,3 page consultée le 12 septembre 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
également à abolir le test anal, une pratique « médiévale » selon ses dires.675 Inversement, les questions des libertés individuelles ne semblent pas être la priorité de certains candidats sous prétexte que les questions d’ordre social et économiques passent avant. Néji Jalloul, candidat indépendant, estime que les sujets de la dépénalisation de l’homosexualité comme de l’égalité successorale sont « de faux problèmes face à l’endettement ». Et d’ajouter : « Nous n’allons tout de même pas importer un peuple de Mars ou de la Suède.676 » Se distinguant des autres candidats, l’avocat Mounir Baatour est le seul candidat qui affiche son homosexualité et se présente comme défenseur des droits des L.G.B.T.Q. Président du Parti Libéral, Mounir Baatour réclame depuis des années l’abrogation de l’article 230 du Code pénal qui punit de trois ans de prison la sodomie.677
251
675
« Mohsen Marzouk : les déclarations de Abdelkarim Zbidi sont graves ! », Business News, 4 septembre 2019.
Disponible sur: https://www.businessnews.com.tn/mohsen-marzouk--les-declarations-de-abdelkarim-zbidi-sontgraves,520,90679,3 page consultée le 12 septembre 2019. 676
Rihab Boukhayatia, « Présidentielles : L’égalité à l’héritage, ligne de clivage symptomatique », 7 septembre 2019.
Disponible
sur :
https://nawaat.org/portail/2019/09/07/presidentielles-legalite-a-lheritage-ligne-de-clivage-
symptomatique/ page consultée le 12 septembre 2019. 677
Cosima Mezidi Alem, « Mounir Baatour, premier candidat homosexuel pour la présidence tunisienne », L�Edition
du soir, 24 juillet 2019. Disponible sur : https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/57697/reader/reader.html?fbclid=IwAR1PMLducq9USeg4xEOhE kz5_TD2R8VDa1SLpmD8i5mrj-_u95rQLuZ76ac#!preferred/1/package/57697/pub/83407/page/7 page consultée le 16 septembre 2019.
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Tableau récapitulatif de la position des candidats à l’élection présidentielle anticipée du 15 septembre 2019 concernant la dépénalisation de l’homosexualité.678
252
678
Interdire les tests anaux
Candidat
Abroger l’article 230
Mongi Rahoui
Pour
Pour
Mohamed Abbou
Pour
Pour
Abir Moussi
Contre
Contre
Nabil Karoui
Pour/sous réserve
Pour
Mohamed Lotfi Mraihi
Pour
Pour
Mehdi Jemâa
Pour/ sous réserve
Pour
Hamadi Jebali
Contre
Contre
Hamma Hammami
Pour
Pour
Mohamed Moncef Marzouki
Pour /sous réserve
Pour
Abdelkarim zbidi
Pour
Pour
Mohsen Marzouk
Pour
Pour
Mohamed Sghaier Nouri
Contre
Contre
Mohamed Hechmi Hamdi
Contre
Contre
Abdelfattah Mourou
Pour/ sous réserve
Pour
Omar Mansour
Contre
Pour
Youssef Chahed
Pour
Pour
Kais Saïd
Contre
Pour
Elyes Fakhfakh
Pour
Pour
Voir: Le Collectif Civil des Libertés Individuelles ainsi que l�Observatoire pour la défense du droit à la différence,
« Position des candidat.e.s en matière de libertés individuelles », 13 septembre 2019. Disponible sur : La page facebook officielle : Avocats Sans Frontières en Tunisie - ASF. https://www.facebook.com/pg/ASF.Tunisie/photos/?tab=album&album_id=1465555840252960 page consultée le 13 septembre 2019. Voir notamment la plateforme « Chnowa Barnemjek ? », pour découvrir et comparer les programmes des candidats à la présidentielle et des partis politiques sur différentes thématiques dont les questions des libertés individuelles. Disponible sur : https://chnowabarnemjek.tn/candidats page consultée le 16 septembre 2019.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Slim Riahi
Sans avis
Sans avis
Salma Elloumi
Sans avis
Sans avis
Saïd Aïdi
Pour
Pour
Ahmed Safi Said
Pour
Pour
Neji Jalloul
Pour/sous réserve
Pour
Hatem Boulabiar
Pour
Pour
Abid Briki
Pour/sous réserve
Pour
Seifeddine Makhlouf
Contre
Contre
253
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
A dessein de faire le bilan du militantisme des associations pour la cause L.G.B.T, il faut montrer son évolution. A ce niveau, nous avons choisi d’analyser la période qui s’étale de 2011 à 2019. On a d’emblée remarqué une évolution rapide en 8 ans marquée par des événements politiques et sociales. Timide, calme et discret, sont les mots par lesquels on peut qualifier les débuts du militantisme LGBT. Loin d’être né après le 14 janvier 2011, l’activisme LGBTQI++ « était en gestation depuis des décennies et il a pu ainsi s’enrichir des expériences précédentes menées dans des cadres associatifs généralistes679 ». Entre 2011 et 2014, les débuts étaient difficiles et les méthodes de travail n’étaient pas adaptées à la situation sociale et juridique des personnes homosexuelles. Ainsi, les associations LGBT étaient mises en place dans un cadre géographique restreint. Toutes les activités se déroulaient presque sur le grand Tunis. Par conséquence, le travail sur la cause LGBT était peu efficace et ne couvrait pas 254
toutes les villes de la Tunisie. Divisés sur leur stratégie, les militants LGBT peinent à trouver le juste équilibre entre la vocation universelle de leur cause et la nécessité de l’ancrer dans leur contexte politique et social ultra conservateur. De ce fait, l’activisme LGBT était invisible. Tout se jouait loin des regards dans une discrétion dictée pour se protéger. De même, le public cible se constituait des personnes LGBT, les activités étaient fermées rarement on entend parler d’une association qui milite pour l’abrogation de l’article 230 du C.P. Pour éviter toute situation d’inconfort ou de discrimination, ces associations ont choisi de vivre dans la discrétion. Ceci explique la raison pour laquelle la question n’était pas abordée au début par une association LGBT mais plutôt par une association qui défend les libertés individuelles dont les questions des minorités sexuelles comme l’Association Tunisienne de Soutien des Minorités.680 679
Jinan Limam, « Etude sur: « Les associations LGBTQI++ en Tunisie : Emergence d'un nouveau militantisme humain » (préface
du Professeur Wahid Ferchichi), Association de Défense des Libertés Individuelles, Tunis, octobre 2017, p. 31. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._etude_associations_lgbtqi_fr.pdf page consultée le 20 juin 2019. 680
« Yamina Thabet : « Plusieurs homosexuels ont quitté le pays après avoir été agressés et menacés » », Tuniscope,
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Yamina Thabet affirme que la question de l’homosexualité a été abordée devant un public qui n’est pas forcément constitué de personnes homosexuelles. Parmi les invités aux activités de l’ATSM étaient des membres de l’ANC. Elle rajoute que malgré le danger qui guettait les membres de l’association, « nos activités étaient ouvertes au public681 ». Tandis que pour les associations LGBT, les stratégies et les méthodes employées étaient calmes et ce dans un but préventif et de protection que de revendication. Cependant, ceci n’a pas fait évoluer les choses, les arrestations se sont multipliées surtout sur la base de délit de faciès. Il s’est avéré que les méthodes de sensibilisation et les formations assurées par les associations ne suffisaient pas surtout que le public était réduit aux personnes LGBT et que ces formations étaient dans un cadre fermé. De plus, plusieurs associations LGBT ont choisi de ne pas faire d’apparition médiatique, ce qui a ouvert la voie à certains médias d’adopter un discours homophobe et de traiter l’homosexualité de point de vue psychologique et/ou religieux. L’activisme LGBT a, tout de même, bien su survivre dans les plus sévères conditions surtout dans un contexte de répression pénale et policière. Certes, les associations ouvertement LGBT risquaient l’exclusion sociale mais en aucun cas les activistes s’exposaient à des peines de prison comme dans plusieurs pays qui criminalisent l’homosexualité. Ainsi, à l’opposé des activistes tunisiens profitant du climat des libertés de l’après 14 janvier qui se sont penchés sur les réseaux sociaux à défendre leur cause, « en Égypte, s’engager sur les réseaux sociaux est un pari risqué : le 6 octobre 2017, dans la ville de Damanhour, la police a arrêté un étudiant de 22 ans ayant prétendument administré une page Facebook pro-LGBT, et un avocat a porté plainte au pénal contre l’administrateur d’une autre page Facebook pour « incitation à la débauche682 ». 25 août 2012. Disponible sur : https://www.tuniscope.com/article/15852/actualites/tunisie/homosexuelsyamina-thabet-212313 page consultée le 19 septembre 2019. 681
Entretien téléphonique fait avec Yamina Thabet le 27 septembre 2019.
682
Human Rights Watch, L’audace face à l’adversité Activisme en faveur des droits LGBT au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord, avril 2018, p. 56. Disponible sur : https://www.hrw.org/sites/default/files/report_pdf/lgbt_ mena0418fr_web.pdf Page consultée le 20 juin 2019.
255
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Par conséquent, le cyber-activisme à la tunisienne, surtout sur les pages
facebook, a donné lieu à un activisme plus visible. De surcroit, le choix d’être invisible pour se protéger a pris fin en 2015 grâce à la solidarité entre les associations LGBT et les associations des droits humains qui ont adopté la même cause. Dès lors, les militants LGBT ont changé de stratégie et sont devenus visibles pour revendiquer. La deuxième période marque, d’ores et déjà, ce qu’on peut appeler les moments de répit ou la bataille menée à haute voix. D’une part, nous avons pu constater que grâce à l’adoption de nouvelles méthodes et stratégies, le militantisme LGBT est en bonne posture tout en ayant gagné plus de visibilité. Désormais, les activistes LGBT s’impliquent activement dans la défense de leurs droits en essayant d’être largement représentés dans les processus décisionnels c’est-à-dire à travers la recherche d’alliés parmi les structures gouvernementales et/ou non gouvernementales. 256
Parallèlement, la bataille menée à haute voix a dépassé les frontières nationales afin de s’adresser aux organisations internationales. Ainsi, vu que les associations LGBT n’ont pas, totalement, réussi à faire entendre leur voix au niveau national, elles ont eu recours à la « globalisation » des revendications dans le but de solliciter la « solidarité transnationale ». D’autre part, grâce aux nouvelles méthodes, ces associations ont pu faire entendre leurs voix en s’adressant non seulement aux personnes homosexuelles mais aussi au grand public ce qui implique le recours à la mobilisation par tous les moyens permettant l’exercice de la liberté d’association, notamment les moyens de communication. Pour ce faire, elles interviennent publiquement en s’adressant aux pouvoirs publics et à l’opinion publique. Parmi ces méthodes, les activistes ont pu, malgré le contexte plus ou moins répressif, adopter des approches créatives qui étaient utilisées pour obtenir le soutien du public, identifier les alliés du gouvernement en place et intégrer les droits des personnes LGBT dans un dialogue élargi sur les droits humains et le genre.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Plus unies que jamais, les associations généralistes et les associations LGBT sont devenues plus solidaires et influentes. Pour la première fois en Tunisie, en 2015, des associations qui ne s’identifient pas en tant qu’associations LGBT, ont rejoint la cause LGBT pour dénoncer les violences, les arrestations arbitraires, et les traitements inhumains et dégradants comme le test anal assimilé à de la torture. Toutes ces associations s’accordaient ainsi que l’article 230 du Code pénal est inéluctablement à l’origine des atteintes aux droits des personnes L.G.B.T, d’où ils revendiquent notamment son abrogation. Ceci a engendré plus de visibilité médiatique et sociale voire même politique de la cause LGBT. Citons l’exemple du jugement rendu le 10 décembre 2015 par le Tribunal de Première Instance (T.P.I.) de Kairouan683, dans lequel des jeunes garçons ont été condamnés pour homosexualité masculine au sens de l’article 230 du C.P. Sous la pression des associations locales et internationales, la peine prononcée en première instance a été réduite en appel à un mois d’emprisonnement et la peine complémentaire, l’interdiction de séjour, a été supprimée.684 Ce qui est marquant, c’est qu’à l’opposé des expériences comparées, ce ne sont pas exclusivement des associations LGBT qui ont condamné ces pratiques, mais il s’agissait plutôt d’une solidarité entre les différentes associations de défense des libertés individuelles. De surcroit, le mouvement LGBT s’est renforcé par la création d’une coalition. En d’autres termes, il s’agit d’un mouvement d’affirmation, ou une sorte de réflexe de survie et d’affirmation de la dignité des personnes homosexuelles. Il s’agit de la Coalition tunisienne pour les droits des personnes L.G.B.T.Q.I., créée en 2017, composée de cinq associations LGBT tunisiennes qui a déposé un rapport en mai 2017 lors de l’examen périodique universel, co-signée par 13 associations de la société civile qui travaillent sur des questions autres que les droits des personnes LGBT et appelant à l’abandon des examens anaux forcés.
683
Jugement du Tribunal de première instance de Kairouan n° 6782 du 10 décembre 2015.
684
Cour d’appel de Sousse, affaire n°6693 du 3 mars 2016. Non publiée.
257
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Sans doute, la campagne menée par les associations était l’occasion d’une convergence inter-associative entre associations LGBT et associations qui défendent parmi leurs objectifs les droits des personnes LGBT. La coalition a épinglé le cadre législatif qui sanctionne les relations entre personnes de même sexe ainsi que les examens anaux forcés. De même, la société civile scientifique a joué un rôle aussi en publiant des articles sur la thématique de l’homosexualité. Ces publications contribuent d’une manière ou d’une autre à sensibiliser les personnes LGBT spécialement dans un but de connaitre leurs droits et comment se protéger mais aussi afin de sensibiliser l’opinion publique. Par ailleurs, cette partie de l’étude a analysé les dynamiques en jeu à l’intérieur de l’espace du militantisme LGBT et, plus largement, les clivages structurant le champ politique, révélés par l’élection présidentielle anticipée. Le constat était que les activistes ont pu déceler les différentes positions des politiciens quant à la question de la dépénalisation. Résultat : il s’avère désormais plus facile de renforcer les alliances avec les personnes qui seront déterminées à défendre la 258
cause avec les associations concernées.
In fine, et après avoir étudié l’évolution du militantisme LGBT entre 2011 et 2019. Il est indispensable de dresser le bilan de cette évolution. Tout d’abord, en analysant les activités et les revendications des associations appelant à la dépénalisation de l’homosexualité, on a remarqué que ces associations ont pu surmonter plusieurs obstacles. Néanmoins, au terme de ce bilan, le tableau qui s’offre à nous, en dépit de cette évolution entre 2011 et 2019, reste inachevé. Ensuite, ce bilan nourrit beaucoup d’espoir que le travail de revendication, d’observation, d’alerte et de condamnation contribue à continuer la lutte contre la répression de l’Etat contre les personnes homosexuelles. En outre, ce bilan est en nette amélioration. En effet, c’est un bilan qui comprend le positif et le négatif. Néanmoins, ce qui a été réalisé jusqu’au là témoigne, sans nul doute, d’un courage et d’une maturité parmi les militants.
Deuxième partie Les axes du plaidoyer de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie
Il convient de garder à l’esprit que le contexte politique et social a parfaitement aider à faire dégager les points positifs de l’activisme LGBT. Cela est évident puisque la parole est libre et les militants sont de plus en plus visibles. Il en est de même pour les sujets débattus, il est intéressant de constater que les intérêts défendus ne se réduisent plus à la dépénalisation de l’homosexualité mais vont plus loin à revendiquer une égalité devant la loi et devant la justice, la protection de toutes les libertés y compris le respect de la vie privée et spécialement l’intimité et l’interdiction des examens médicaux forcés. En plus, la société civile a réussi à pousser les politiciens à changer leur discours par rapport à la question de l’homosexualité. Auparavant, les politiciens adoptaient des positions hostiles aux personnes homosexuelles et rejetaient systématiquement l’abrogation de l’article 230. Le discours désormais adopté est plus rassurant quoiqu’il ne soit pas totalement pour la dépénalisation. Alors que certains se sont explicitement exprimés pour la dépénalisation surtout lors de l’élection présidentielle anticipée de septembre 2019. D’autres, ne sont pas tout à fait pour la dépénalisation mais appellent au respect de la vie privée des personnes homosexuelles en rappelant que l’Etat ne doit pas s’immiscer dans la sexualité des individus tant qu’elle soit discrète. Par ailleurs, la résistance des militants LGBT a donné naissance à des victoires sur le plan des décisions rendues par la justice. Cette dernière à maintes reprises s’est exprimée en faveur du militantisme LGBT. Cependant, en dressant ce bilan, nous avons aussi constaté que l’activisme LGBT est encore devant un chantier énorme surtout que les arrestations sur la base de l’article 230 se poursuivent, les examens médicaux forcés sont toujours appliqués surtout dans les villes où les associations LGBT n’ont pas d’antennes pour pouvoir venir en aide aux hommes homosexuels arrêtés. Somme toute, les associations LGBT et quoiqu’elles aient établi des relations entre elles. Elles témoignent d’une précarité au niveau de la méthode de travail et des priorités sur lesquelles il faut se mettre d’accord. En parcourant les exemples comparés sauf pour la France, tous les exemples comparés des pays qu’on a étudiés avaient jusqu’à une époque tardive des lois qui criminalisaient les rapports sexuels entre personnes de même sexe.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
260
Conclusion générale
Conclusion générale
En effet, ces lois n’étaient abrogées qu’au 20ème siècle (1998 en Afrique du sud) et au 21ème siècle (en 2003 aux Etats-Unis, en Inde 2018). Ce qui atteste également de la longueur du processus de dépénalisation, c’est l’enchevêtrement entre le politique, le juridique et le social. En d’autres termes, les lois dites anti-sodomie étaient intimement liées à la moralité sociale qui bloquait d’une manière ou d’une autre le processus. Le processus de dépénalisation a été au début paralysé par les tribunaux en refusant l’abrogation de ces lois au nom des exigences dictées par ce qui est appelé la société conservatrice. Mais, ils ont fini par accepter la dépénalisation de l’homosexualité sur la base d’arguments puisés de la Constitution.
Ab initio, en Inde et aux Etats-Unis, le militantisme LGBT se heurtait à l’interprétation des lois par le juge de la haute instance dans l’ordre juridictionnel (la Cour Suprême des Etats-Unis et la Cour suprême de l’Inde). Incontestablement, la Cour suprême dans ces pays se présente comme la gardienne et comme l’interprète de la Constitution et des lois. En exerçant leur droit d’ester en justice, les associations ont contribué à l’évolution de l’interprétation de certaines garanties constitutionnelles en faveur des personnes homosexuelles. Cependant, le juge s’est montré autrefois hostile à la légitimation des rapports sexuels entre personnes de même sexe. Aux Etats-Unis par exemple, l’opinion de la Cour était animée par l’esprit conservateur du chief justice de la Cour Suprême des Etats-Unis. Dans l’affaire
Bowers v. Hardwick, dans laquelle la majorité a jugé que les lois anti-sodomie n’étaient pas inconstitutionnelles. En ce sens, le chief justice Warren Earl Burger affirma que ces lois criminalisant la sodomie pour le fait qu’il s’agisse d’un « crime contre nature », « plus pervers que le viol... », « un acte haineux, voire un crime contre nature » et « un crime sans nom »685. Se démarquant des autres Cours susmentionnées, la Cour constitutionnelle sud-africaine s’inscrit dans un activisme jurisprudentiel. Autrement dit, elle adopte « une approche activiste » dans la détermination des droits et non pas une approche moralisatrice pour justifier la dépénalisation de l’homosexualité. La Cour Suprême des Etats-Unis, Bowers v. Hardwick, 30 juin 1986, (106 at 2841).
685
261
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
En revanche, en France, le processus de dépénalisation n’est pas passé par les tribunaux mais c’était plutôt l’oeuvre du législateur. Le texte criminalisant la sodomie a été effectivement abrogé en 1791. Par conséquent, le processus de dépénalisation a commencé différemment. Ainsi, en se référant aux différentes étapes de l’histoire du militantisme LGBT en France, nous avons constaté qu’il s’inscrit dans un cadre politique et social visant à éradiquer la discrimination juridique et sociale. De ce fait, et quoique la personne homosexuelle ne soit pas réprimée, elle demeure discriminée sur la base de textes de lois qui ne garantissaient pas une égalité des droits. De plus, les militants LGBT plaidaient pour leur cause non pas devant la justice mais ils se sont publiquement exposés dans le champ des partis politiques afin de mettre la pression sur les décideurs politiques. S’agissant de l’activisme LGBT dans les différentes expériences que nous avons évoquées, le rôle joué par les associations diffère d’un pays à un autre. 262
La divergence s’expliquait par les arguments variés pour défendre la cause ainsi que par rapport aux stratégies et aux méthodes employées. Quant aux stratégies, presque dans toutes les expériences étudiées, on a remarqué que le militantisme LGBT était calme avant de devenir visible. Autrement dit, la visibilité a été déclenchée par la répression policière accrue qui a poussé les militants LGBT à se révolter contre un Etat homophobe. Indéniablement, l’invisibilité au début n’a pas aidé le mouvement à formuler ses revendications. La discrétion était le mot d’ordre du militantisme LGBT, chose qui ralentissait le processus de dépénalisation. Alors que la visibilité et la mobilisation des militants a poussé à penser les choses différemment et a conduit à accélérer le processus. A partir du moment où les militants deviennent visibles, ils se positionnent sur les questions sociales et juridiques. De cette manière, on est passé d’un mouvement qui milite contre la société afin d’acquérir une visibilité à un mouvement revendicatif d’une identité luttant contre les discriminations, l’inégalité et la violence.
Conclusion générale
Plusieurs événements attestent de la force de la visibilité dans la revendication des droits des personnes homosexuelles. Aux Etats-Unis comme en France, les personnes LGBT ont fait leur révolution. Pour les premiers, le mouvement LGBT a été déclenché suite aux émeutes de
Stonewall. Tandis que pour les militants français, la première marche des fiertés en France a eu lieu en 1971 alors que les personnes homosexuelles ont fait irruption au défilé des syndicats du 1er mai. En revanche, en Inde et en Afrique du sud, la visibilité était une arme à double tranchant. Certes, la visibilité des militants sud- africains et indiens a contribué à l’avancement de la cause mais au même temps ils faisaient l’objet d’arrestations arbitraires, et étaient exposés au harcèlement et au chantage. Certains militants en Afrique du sud risquaient même leur vie. La visibilité des militants LGBT en Inde se situait dans un cadre plus ou moins différent. Ainsi, ces militants plaidaient pour une reconnaissance sociale et juridique à la fois et à décriminaliser l’homosexualité. Ceci est en effet expliqué par le fait que la répression touche la pratique sexuelle et s’étend à l’identité sexuelle. Par contre, la visibilité des militants LGBT sud-africains peut être décrite comme exceptionnelle du fait qu’ils ont profité du contexte politique pour formuler leurs revendications. D’emblée, les associations militantes ont avancé la cause des droits des personnes L.G.B.T. dans le contexte politique de la lutte contre l’apartheid. Les personnes homosexuelles luttaient non seulement contre les lois homophobes, discriminatoires et répressives mais aussi contre l’homophobie d’une certaine catégorie sociale. D’ailleurs, dans chaque pays les militants ont choisi des différents canaux afin de faire entendre leurs revendications : les politiciens, les médias et la rue. Globalement, les militants visent à ce que la personne homosexuelle devienne un sujet de droit, c’est-à-dire formuler des revendications dans le but de la lutte contre la discrimination et pour la reconnaissance des droits. Ces revendications deviennent d’ores et déjà juridiques et non pas seulement politiques. De telles revendications concernent spécialement les lois considérées homophobes et discriminatoires.
263
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Dans certains pays comme en France et aux Etats-Unis, les militants ont profité du climat politique libéral qui fut à l’origine de l’arrivée au pouvoir des chefs d’Etat modernistes pour demander la réaffirmation de l’égalité en droits. Par exemple, pendant les deux mandats du Président Obama, plusieurs mesures en faveur des droits des personnes LGBT ont été prises comme le fait d’avoir élargi les crimes de haine pour y inclure ceux basés sur l’orientation sexuelle. De même l’adoption d’une loi disposant que tout licenciement pour cause d’orientation sexuelle non hétéro-normée ou d’identité transgenre au sein des entreprises liées par un contrat à un organisme fédéral est jugé illégal. De même, en France, la réaffirmation de l’égalité des droits des personnes homosexuelles a été renforcée par la tenue des promesses des politiciens tels que le Président Mitterrand et Robert Badinter nommé dans le poste de Garde des sceaux en 1981, deux principales figures politiques qui ont joué un rôle incontournable dans le processus de dépénalisation. En amont, les militants LGBT ont visé à mettre fin aux répressions policières et à reconnaitre leur identité afin d’en finir avec la marginalisation sociale. 264
Dans le sillage de dizaines d’Etats américains, les activistes plaidaient contre le fichage policier contre la marginalisation sociale et la discrimination par la loi. En aval et comme fut le cas en France, les militants exigeaient des autorités de mettre en place des mesures visant à réprimer les crimes haineux et l’homophobie ainsi que de reconnaitre l’égalité entre les couples homosexuels et hétérosexuels. En Afrique du sud, malgré l’homophobie d’une certaine partie de la société, Nelson Mandela connu pour son combat contre l’apartheid visait aussi les discriminations sexuelles et a d’ailleurs croisé la route de militant.e.s homosexuel. le.s. en adoptant leurs revendications surtout lors de la rédaction de la nouvelle Constitution. Conséquemment, la Constitution sud-africaine de 1996 est perçue comme une Constitution en avance sur les mentalités et parmi les rares au monde et la seule en Afrique interdisant la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. En revanche, en Inde, la dépénalisation de l’homosexualité ne fut nullement une entreprise simple. L’activisme LGBT était freiné par plusieurs facteurs. Il semble en effet que, l’absence du soutien politique, l’hostilité de certaines associations
Conclusion générale
conservatrices menaçant les activistes LGBT et le harcèlement et l’intimidation policière ont ralenti d’une façon considérable le processus de dépénalisation. Au demeurant, les militants ont dû recourir à des voies formelles comme la justice. Les arguments avancés étaient puisés dans la Constitution et se basaient principalement sur les droits fondamentaux garantis par la Constitution indienne sans revendiquer forcément les droits des personnes LGBT comme c’était le cas en France ou aux Etats-Unis.
Ipso Facto, la Cour suprême de l’Inde a adopté une approche interprétative qui autorise d’adapter la Constitution aux circonstances changeantes. En jugeant que « la moralité populaire ne peut pas dicter les droits constitutionnels », la Cour rejoint dans ce contexte la Cour Suprême des Etats-Unis qui interprétait la Constitution fédérale en fonction de l’approche de la living Constitution (la Constitution vivante)686 comme il était le cas dans l’affaire de Lawrence v. Texas qui a déclaré inconstitutionnelles les lois anti-sodomie.687 Tels étaient les arguments avancés par les militants LGBT et qui focalisaient a
priori sur les droits humains pour revendiquer l’égalité des droits des personnes homosexuelles.
In fine, les expériences comparées que nous avons évoquées ont mis le point sur les stratégies et les méthodes qui ont abouti à la dépénalisation de l’homosexualité. En Tunisie, le processus est différent car la route vers la dépénalisation est encore longue. Ceci peut être expliqué par plusieurs raisons, quoique parallèlement des prémices de la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie aient été observées. Tout d’abord, un des obstacles sont de nature juridique. A commencer par l’article 230 du CP, l’épée de Damoclès pour les personnes homosexuelles. Du fait que les termes de cet article ne précisent pas le sens de la sodomie, cette expression peut être interprétée d’une manière large. Par conséquent, Le danger guette systématiquement tous les aspects de la vie privée et intime des personnes homosexuelles.
686
Ronald Kahn, “Originalism, the Living Constitution, and Supreme Court Decision Making in the Twenty-first
Century: Explaining Lawrence v. Texas”, Maryland Law Review, vol. 67, 2007, p. 32. 687
La Cour Suprême des Etats-Unis, Lawrence v. Texas (02-102) 539 U.S. 558 (2003) 41 S. W. 3d 349.
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Ensuite, la simple application de cet article viole d’autres libertés. Il émergerait donc que les arrestations sur la base de cet article se sont multipliées même sur la base d’un délit de faciès. Sous le prétexte de préserver les bonnes moeurs, les dépassements des agents de la police judiciaire demeurent impunis. Ceci remet en cause la neutralité du juge qui tranche le litige sur la base de preuves malhonnêtes. A noter que dans plusieurs décisions rendues par les tribunaux tunisiens, certains éléments, quoiqu’ils soient légaux (usage de préservatifs), deviennent des moyens de condamnation. Parallèlement, les autorités utilisent un moyen de preuve qui est toutefois considéré comme illégal, (examen anal), car il porte atteinte à l’intégrité physique. Afin de remédier à cette carence législative, les activistes LGBT en Inde et aux Etats-Unis ont avancé des arguments tirés de la Constitution pour demander à la justice l’abrogation des lois anti-sodomie et ce en considérant que peu importe la définition de la sodomie, le problème réside dans la violation de la vie privée des individus surtout lorsque l’Etat devient omniprésent dans la chambre à coucher 266
des couples hétérosexuels ou homosexuels. En outre, la pénalisation de l’homosexualité présente aussi des obstacles sociopolitiques. En effet, le travail des associations LGBT est souvent entravé par les autorités, ce qui a fait qu’au début plusieurs associations ont choisi de travailler dans l’ombre. A rappeler aussi l’acharnement du gouvernement contre l’association Shams. A deux reprises une plainte a été portée devant les tribunaux tunisiens afin de dissoudre l’association. Mais, cette dernière a eu gain de cause en première instance et en appel. Dans les deux cas, les décisions citaient la liberté d’association telle que garantie par la Constitution de 2014 ainsi que l’affirmation du droit de l’association Shams d’exercer ses activités librement et conformément à ses statuts. Ceci renforce l’idée que la Constitution de 2014 représente une bouffée d’espoir pour les associations LGBT. Il demeure tout de même que l’interprétation de la Constitution dans un sens ou dans l’autre dépendra de la Cour constitutionnelle qui n’a pas encore été mise en
Conclusion générale
place. Cette juridiction constituera un mécanisme de consécration de l’égalité et du respect de la Constitution et pourra par la suite déclarer l’inconstitutionnalité des dispositions pénales liberticides et discriminatoires tel que l’article 230 du CP. Conscientes que la simple abrogation de cet article n’est pas suffisante pour une dépénalisation et une décriminalisation complète de l’homosexualité, certaines associations se sont penchées sur un tri des dispositions pénales considérées comme inconstitutionnelles pour la raison qu’elles entravent l’exercice des libertés fondamentales et individuelles.688 Dans le même cadre, le Collectif civil pour les libertés individuelles a dressé une liste non exhaustive des agressions homophobes afin d’alerter l’opinion publique et les autorités concernées des violations des libertés individuelles.689 On peut conclure que l’activisme LGBT en Tunisie s’est inspiré des expériences comparées, telle que l’Inde. Ainsi, en présentant la pétition devant la Cour suprême de l’Inde ayant pour but d’attaquer la constitutionnalité de la disposition pénale criminalisant l’homosexualité, la coalition d’associations a mentionné que cette disposition viole les droits fondamentaux garantis par la Constitution indienne. A la lumière de cette pétition, les militants soulignent que la dépénalisation de l’homosexualité n’est pas exclusivement liée à la défense des droits des personnes homosexuelles mais qu’elle touche aussi les droits et libertés constitutionnels. Il convient aussi de garder à l’esprit que plusieurs messages positifs sont à chercher dans les réformes qui devraient être faites sur le plan législatif au niveau du Droit pénal tunisien. A l’instar du rapport de la COLIBE qui s’est prononcé sur la dépénalisation de l’homosexualité dont l’abrogation de l’article 230 en constituant ainsi, les prémices pour une législation pénale protectrice des libertés individuelles.
688
Wahid Ferchichi, Ilef Kassab & Khaled Mejri, Les fiches d’inconstitutionnalité [en langue arabe], Association
Tunisienne de défense des libertés individuelles, Tunis, 2017, p. 7. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/ default/files/publication_fiches_web.pdf page consultée le 20 juin 2019. 689
Le collectif civil pour les libertés individuelles. Rapport sur les principales violations des libertés individuelles,
Bas les masques, mars 2019, p. 12. Disponible sur http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_ li_2019_version_integrale.pdf (page consultée le 17 juillet 2019.
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A noter notamment que dans le même rapport, la COLIBE a présenté un projet d’un Code des droits et libertés individuelles reconnaissant expressément l’orientation sexuelle comme un motif de discrimination. Il semble heureusement que cela soit sur le point de changer grâce à l’évolution rapide de l’activisme LGBT que ce soit à travers les associations ouvertement LGBT ou les autres associations généralistes et qui ont formé des coalitions avec les premières. Incontestablement, les approches créatives qui sont utilisées par les militant.e.s ont réussi à obtenir le soutien du public, identifier les alliés du gouvernement en place et intégrer les droits des personnes LGBT dans un dialogue élargi sur les droits humains. Quant au travail des militant.e.s, on constate que durant les dernières années surtout après 2015, il devient de plus en plus visible surtout grâce à la coalition formée en 2017 qui a internationalisé la cause LGBT à l’occasion de l’examen périodique universel. De même et grâce aux avancées législatives surtout en matière pénale, les 268
personnes homosexuelles, soutenue par la société civile, sont conscientes plus que jamais de leurs droits. Notons qu’après la modification de l’article 13 du Code de procédure pénale en 2016, il est prévu que « si le gardé à vue ou l’une des personnes mentionnées à l’alinéa premier du présent article désigne un avocat pour l’assister lors de son interrogatoire690 ». De cette manière, si l’accusé a été arrêté aux termes de l’article 230 ou des articles 226 et 226 bis du Code pénal, il sera en mesure de garder le silence, sauf en présence de l’avocat concerné. Ceci est désormais réalisable grâce à la sensibilisation et aux formations assurées par les associations. Indépendamment des procédures pénales, les personnes arrêtées et soupçonnées d’avoir commis l’acte de sodomie au sens de l’article 230 sont souvent forcées de subir un examen médical forcé pour prouver leur « homosexualité ». Sans nul doute, la mobilisation de la société civile pour condamner les pratiques humiliantes telles que ces examens médicaux forcés a donné ses fruits, puisque ces pratiques sont de moins en moins appliquées. De plus, le gardé à vue sait 690
Article 13, paragraphe 4, de la Loi n° 2016-5 du 16 février 2016, modifiant et complétant certaines dispositions du
Code de procédure pénale. J.O.R.T. n° 15 du 19 février 2016, p. 487.
Conclusion générale
qu’il a le droit de refuser et de ne pas céder aux intimidations ni aux menaces des agents de la police. Dans le même sens, le Conseil national de l’Ordre des médecins de Tunisie a condamné ainsi fermement en 2017 tout examen médical non justifié et/ou touchant à la dignité et à l’intégrité physique ou mentale de la personne examinée. Ajoutant que les médecins doivent désormais informer les personnes concernées de leur droit de refuser l’examen. Il est indéniable aussi d’affirmer que malgré ces entraves paralysant le travail des militants, la liberté d’expression et d’association ont abouti à des victoires devant certains tribunaux. En effet, la défense de la cause LGBT est perçue dans une certaine mesure au même niveau que la défense des droits humains. A rappeler qu’une victoire a été enregistrée suite au jugement en référé de la Cour d’appel de Tunis en date du 17 mai 2019, dans lequel le jugement sous-entend que l’article 230 du Code pénal est liberticide et annonce que « la pénalisation de l’homosexualité touche à la dignité humaine ».691 Outre les victoires emportées devant certains tribunaux, ce qui semble rassurant c’est le discours politique spécialement lors des campagnes de l’élection présidentielle anticipée. Assurément, nous avons noté un changement signifiant d’un discours qui devient moins homophobe. Ceci a été repéré dans les programmes électoraux ou suite aux déclarations accordées aux médias. Le discours s’inscrit en fait dans le cadre du respect des libertés individuelles et surtout en prônant le respect de la dignité et de la vie privée des individus pour atteindre la cause principale qui est de plaider en faveur de la dépénalisation.
691
Cour d’appel de Tunis, jugement en référé, n°37442/5 du 17 mai 2019.
Cf, Wahid Ferchichi, « La Cour d’Appel de Tunis affirmant la légalité de l’association Shams et annonçant “la pénalisation de l’homosexualité touche à la dignité humaine” », Legal Agenda, 3 juillet 2019 (en langue arabe). Disponible sur : http://legal-agenda.com/article.php?id=5710 page consultée le 4 juillet 2019. L’article est disponible aussi en langue française et anglaise, sur le lien suivant : En anglais : http://legal-agenda.com/en/article.php?id=5831 En français : https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=2299024223519770& id=173839059371641&__tn__=K-R
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Sans nul doute, l’activisme L.G.B.T se situe dans le cadre d’une lutte pour la reconnaissance de l’existence des personnes homosexuelles et transsexuelles. En effet, les militant.e.s plaident pour la protection de leurs droits ainsi que pour la répression des agresseurs en cas de violences homophobes. Ainsi, « mettre fin à l’homophobie et à la transphobie permettra de sauver des vies. Le harcèlement contre les L.G.B.T.I expose les personnes qui se considèrent comme telles à un risque accru de préjudice physique et psychologique. Toute personne a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité.692 » En guise de conclusion, nous allons présenter des recommandations afin de proposer la manière avec laquelle les revendications peuvent être formulées d’une manière souple.
Ab initio, il est judicieux de formuler les revendications dans le cadre d’un discours plus général sur les droits humains et sous l’angle du combat en faveur des libertés individuelles. Pour ce faire, les militant.e.s se réfèrent à la Constitution en triant les dispositions qui protègent tous les individus y compris les personnes homosexuelles. Aucune disposition constitutionnelle n’exclut l’individu de la 270
protection sur la base de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. La Constitution pose plutôt le principe de non-discrimination et le droit à une vie digne (article 21). De même, le plaidoyer peut se baser bien évidemment sur les instruments internationaux des droits humains ratifiés par la Tunisie en mentionnant qu’à l’occasion de l’examen périodique universel effectué en 2017, l’Etat s’est engagé à améliorer la situation des personnes L.G.B.T à commencer par l’interdiction des traitements inhumains et dégradants auxquels sont soumis ces personnes. Une référence aux décisions des tribunaux rendues en faveur de la cause tout en soulignant que la magistrature est la garante des droits et libertés (article 102 de la Constitution). Une fois le plaidoyer est fait au niveau institutionnel national, les militants pourront plaider auprès des mécanismes onusiens permettant d’exercer une pression forte sur le gouvernement et ce, en soumettant des rapports sur la situation des personnes L.G.B.T en Tunisie qui est souvent occultée dans les rapports officiels. 692
Amnesty international, « droits des L.G.B.T. ». Disponible sur :
https://www.amnesty.org/fr/what-we-do/discrimination/lgbt-rights/ page consultée le 15 juillet 2019.
Conclusion générale
Cette étape vise d’ores et déjà à travers les informations recueillies par les associations à améliorer la situation des personnes L.G.B.T.I. Les rapports de ces associations doivent également contenir des informations sur les mesures prises ou non par l’Etat pour appliquer les recommandations des organes conventionnels et non conventionnels des N.U.693 Ensuite, le travail de plaidoyer sur les droits des personnes L.G.B.T est en général plus efficace quand il n’est pas mené uniquement par des organisations L.G.B.T mais aussi par des organisations généralistes de défense des droits humains. Dans un contexte de lutte pour la dépénalisation de l’homosexualité, la défense des libertés individuelles menée par les associations non ouvertement LGBT intègre les revendications des personnes L.G.B.T. C’est donc par l’angle des droits humains « qu’on plaide en faveur d’une amélioration des politiques et des lois qui menacent ces droits », explique Rahma Essid.694 Dans ce cas, la société civile dont les associations L.G.B.T et toutes les autres associations (puisque les droits des L.G.B.T font partie des droits humains) prennent part dans le combat afin de lutter pour l’affirmation de l’égalité en droits. Le plus important est que ces associations doivent, de surcroit, faire participer des personnes qui ne sont pas exclusivement homosexuelles, affirme Alaa Khemiri.695 Mawjoudin partage également cette opinion: « on n’exige pas que les membres soient L.G.B.T.Q.I, on a dans nos rangs des hétérosexuels comme des homosexuels. C’est absurde d’exclure des personnes à cause de leur orientation sexuelle alors qu’on milite contre l’exclusion696 », souligne Ali Bousselmi. Afin de concilier les intérêts divergents, les associations exercent le droit tel qu’il est prévu par les textes nationaux et internationaux à travers divers moyens dont les communiqués, les campagnes de dénonciation dans les médias et les manifestations dans les rues et à travers les colloques et les séminaires, lesquels Voir Human Rights Watch, L›audace face à l›adversité Activisme en faveur des droits LGBT au Moyen-Orient et en
693
Afrique du Nord, avril 2018, passim. Page consultée le 20 juin 2019. Disponible sur : https://www.hrw.org/sites/ default/files/report_pdf/lgbt_mena0418fr_web.pdf 694
Entretien fait avec Rahma Essid le 1 4 e t 1 5 m a i 2 0 1 9 .
695
Entretien fait avec Alaa Khemiri le 12 mai 2019.
696
Rihab Boukhayatia, « LGBTQI - Mawjoudin, «parce qu�on existe»: Ali Bousselmi se livre au HuffPost Tunisie
Mawjoudin a choisi de miser sur l›art pour bousculer les mentalités ». 19 juin 2019, disponible sur https://www. huffpostmaghreb.com/entry/lgbtq-mawjoudin-parce-quon-existe-ali-bousselmi-se-livre-au-huffpost-tunisie_mg_ 5d011aeee4b0304a12087012?i3q&fbclid=IwAR0b4aoIBRYa0NASA7hKhxgyjWtTiHt1ckdoxLK1lNpmbmxsPMoPyQ yZ1CE$ page consultée le 25 juin 2019.
271
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sont utilisés afin d’appeler par exemple à l’abrogation d’un article de loi ou en réclamant l’adoption d’une loi pour l’élimination de toutes formes de discrimination. De cette manière, les associations font comprendre au groupe social qu’il ne s’agit pas que de revendications exclusivement pour les personnes homosexuelles mais plutôt des revendications au nom de l’égalité pour tous et du respect de la vie privée de toutes les citoyennes et tous les citoyens. Somme toute, un plaidoyer réussi doit reposer sur une planification stratégique et réunir incontestablement ces éléments : Identifier le ou les problème(s), analyser le contexte, définir le but, décider des objectifs, identifier les cibles, évaluer ses forces et ses faiblesses, identifier ses alliés et ses opposants, développer les messages principaux, rédiger un plan d’action et former des coalitions.697 Dans ce contexte, Hafidha Chekir de l’A.T.F.D. souligne : « plaider pour la cause nécessite une préparation minutieuse de documents et d’arguments.698 » Ceci passe nécessairement par trois étapes : Il faut d’abord choisir le public cible. Dans ce cas, Hafidha Chekir met l’accent sur l’importance de collaborer avec des associations locales et des O.N.G. 272
internationales surtout celles jouissant d’une expérience confirmée dans le domaine de défense des droits humains et des droits des personnes L.G.B.T. Créer un réseau d’avocats et de juristes sensibles à la cause est indispensable afin de travailler sur l’argumentaire à présenter par la suite aux décideurs politiques. Ensuite, faire du lobbying auprès des dirigeants des partis politiques surtout lors des campagnes électorales afin de les pousser à intégrer dans leur programme électoral les questions épineuses des droits humains. Enfin, gagner des sympathisants passe par une mobilisation des militants durant laquelle les revendications sont présentées au public à travers des flyers et des dépliants.
697
Voir Amnesty international, « Oser parler. Expériences et outils de plaidoyer des militants LGBTI en Afrique
subsaharienne », 2014, pp. 3644-. Disponible sur : https://www.amnesty.org/download/Documents/4000/ afr010012014fr.pdf page consultée le 7 juillet 2019. 698
Entretien avec Mme Hafidha Chekir fait le 10 juillet 2019.
Annexe
273
PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
Liste des entretiens - Alaa Khemiri : Avocat et activiste,12 mai 2019. - Ali Bousselmi : Co-fondateur de L’initiative Mawjoudin pour l’égalité, 9 mai 2019. - Badr Baabou : Président de Damj, l’Association Tunisienne pour la Justice et l’Egalité, 30 mai 2019. - Hafidha Chekir : Professeure de Droit public à la FDSPT et membre de l’ATFD, Viceprésidente de la FIDH, 10 juillet 2019. - Mounir Baatour : Avocat et président de l’Association Shams, 30 avril 2019. - Rahma Essid : Secrétaire générale de l’Association des Libres Penseurs, 14 et 15 mai 2019. - Salwa Hamrouni : Professeure de Droit public à la FSJPST et membre de la COLIBE, 29 juin 2019. - Sélim Daghari : Doctorant et enseignant en Droit public à la FSJPST, 16 mai 2019. - Yamina Thabet, Présidente de l’Association Tunisienne de Soutien aux Minorités, 1er juin 2019.
274
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PROCESSUS DE DEPéNALISATION DE L’HOMOSEXUALITé | Expériences comparées et état des lieux en Tunisie
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282
283
English Synthesis of the study Processes of decriminalization of homosexuality Comparative experiences and the situation in Tunisia By : Dr. Mohamed-Amine JELASSI Doctor of Law
Directed and prefaced by: Professor Wahid Ferchichi
Tunis 2020
Presentation of "Twensa Kifkom" project « Twensakifkom » (Tunisians like you) is a partnership project between the organization Avocats Sans Frontières (ASF), the Tunisian Association for the Defense of Individual Liberties, DAMJ the Tunisian Association for Justice and Equality. This project has as a global objective to contribute to the fight against all the forms of violence and discrimination the LGBTQI community in Tunisia is suffering from. This is a two-year-project (2018-2020) which focuses on three specific and interdependent objectives: 1. Facilitating access to legal aid services tailored to the needs of LGBTQI+ persons; 2. Strengthening the capacities of civil society organizations to advocate jointly in favor of individual liberties; 3. Influencing public policies through a public campaign and advocacy actions.
Table of contents Preface
288
INTRODUCTION
300
1- Questions and problematic
300
2- Terminology
304
First part: Comparative examples of decriminalizing homosexuality Section I: The United States: From the decriminalization of the act to the
308 308
recognition of the identity Paragraph 1: A slow legal decriminalization
309
Paragraph 2: Claiming the recognition of homosexual identity
310
Section II: Homosexual persons in France, “from the pyre to the town hall”
311
Paragraph 1: Actors of penalization of homosexuality
312
Paragraph 2: The slowness of the decriminalization process
312
Section III: India, “society cannot dictate constitutional rights”
314
Paragraph 1: A long-winded process of decriminalization
314
Paragraph 2: A fierce decriminalization process
315
Section VI: South Africa Sexual orientation and the rights of L.G.B.T. rights
317
Paragraph 1: The fight against a homophobic State Paragragh 2: The fight against the homophobic social practices
317
Second Part:
318 320
Axes of advocacy for decriminalizing homosexuality in Tunisia Section I: Legal basis of decriminalization
322
Paragraph 1: An unjustified punishment under article 230 of the penal Code
322
Paragraph 2: The unconstitutionality of article 230 of the penal Code Paragraph 3: An urgent revision of the penal policy
323 324
Section II: The situation of L.G.B.T. activism
325
Paragraph 1: The L.G.B.T. cause, an enormous project
327
Paragraph 2: An enormous project is launched
328
Conclusion
331
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
Decriminalize or the long march towards equality and dignity Pr. Wahid FERCHICHI699 “In the future, the laws that criminalize so many forms of human love and commitment will look the way the apartheid laws do to us now—so obviously wrong.” Desmond Tutu700 When Desmond Tutu, one of the peace and transition builders in South Africa, has declared to have been ashamed of anti-homosexual laws by comparing them to apartheid laws, he clearly summed up the recognition of an offending humanity towards one of its components which has long been the object of discrimination, fierceness and persecution. This declaration of Desmond Tutu, enlightens the long processes of decriminalization which been conducted by those who believed in equality and dignity of every individual. Despite the cultural, social, religious, political, economic 288
differences of States which have decriminalized sexual relations between consenting adults of the same sex in private ; the common points of criminalization and then of decriminalization are very significant. They reveal the evolution from a discriminatory and stigmatizing humanity to a more responsive humanity to the human and his dignity.
1. From an Un-justified criminalization Whether in India, in the USA, in South Africa, in France (and today in Tunisia), criminalization has been justified (and it still until the present day in Tunisia) by the same reasons: 1.1. Omnipresent moral reasons The moral grounds are most used and invoked to criminalize intercourses or relations or even the appearance of individuals These reasons are, at the same 699
Professor of Public law, University of Carthage Tunisia, co-founder of Association Tunisienne de défense des
libertés individuelles, www.adlitn.org 700
Desmond Mpilo TUTU, born in 1931,Won the 1984 Nobel Peace Prize for his efforts in resolving and ending
apartheid, President of the South African Truth and Reconciliation Commission (1995-1998), author of «Prisoner of Hope», 1983 and «God has a dream» , 2008.
English Synthesis of the study
time, used to advance the social motives of criminalization and “pseudo-scientific”physical reasons. Social reasons: all examples that were explored in this study (and other) have evoked the social reason (ratio socialis). Homosexuality is a crime against the community. This allowed (still allows in a large number of countries, more than 50 including Tunisia) sanctioning sexual relations between consenting adults of the same sex in private. Likewise, in legal terms, and to justify the ratio socialis basis of criminalization of homosexuality, we have advanced the idea that the absence of a direct victim (the criminalized act is committed by consenting adults) should not hide the fact that the main victim was the community as a whole whose moral values are affected. It thus seems logical to confer on law and judge the work of fighting against this scourge and preventing such acts from spreading throughout the society. Thus, the idea of social morality (popular) could (and can) guide the law and the judge. In Tunisia, these same reasons based on social and popular morality have been always invoked by the State and the organizations which bring complaints against those who claim the repeal of article 230 of the penal Code (article that punishes masculine and feminine homosexuality by three years of imprisonment)
701
701
;
Summary judgment of the First Instance Tribunal of Tunis n° 88184 of 14 February 2018, the Union of Imams
v. Shams Association, with commentary of Wahid Ferchichi, available at: http://legal-agenda.com/article. php?id=4240 - Summary judgment of the First Instance Tribunal of Tunis n° 60753 of 23 February 2016, the Head of State Litigation against Shams Association. - Court of appeal of Tunis, judgment n°37442, of 17 May 2019, the Head of State Litigation against Shams Association, available with commentary of Wahid Ferchichi, “Tunisian Court Defends Advocacy of Homosexual Rights”, Legal agenda 22 August 2019. https://www.legal-agenda.com/en/article.php?id=5831 “The Tunis Court of Appeal issued a ruling that enshrines the right to establish an association to advocate for the rights and human dignity of homosexuals and sexual minorities, particularly their right to non-discrimination based on sexual orientation.” - Court of Cassation, n°40730 of 21 February 2020. «The Court of Cassation definitively rejected the government’s bid to shut down the LGBT rights group Shams». See: “Tunisia: Appeals Court supports LGBT activist group Shams”. 22 February 2020. Available at: https://76crimes. com/2020/02/22/tunisia-appeals-court-supports-lgbt-activist-group-shams/ - First Instance Tribunal of Kairouan, judgment n°6782 of 10 December 2015. The police arrested six students in the city of Kairouan, in their student housing apartment in December, on sodomy charges, and subjected them to anal testing. See Human Rights Watch Report: “Tunisia: Men Prosecuted for Homosexuality Abuses in Detention, Prison”. Available at: https://www.hrw.org/news/2016/03/29/tunisia-men-prosecuted-homosexuality - On September 22, 2015, the First Instance Tribunal in Sousse sentenced a 22-year-old guy to one year in prison for sodomy, in part on the basis of a medical report from a seriously flawed anal examination. See Human Rights Watch report: “Tunisia: Men Prosecuted for Homosexuality Abuses in Detention, Prison”. Available at: https:// www.hrw.org/news/2016/03/29/tunisia-men-prosecuted-homosexuality.
289
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
Pseudo-scientific and physical reasons: until recently, the States covered in this study have evoked Pseudo-scientific reasons to resist decriminalization. This idea was based on the “natural” and “against nature”. Thus, according to a strict physiological approach, only vaginal intercourse between men and women falls within the sphere of natural acts. Then, any act that does not fall within this framework is considered to be against nature, even if the sexual intercourse is between individuals of opposite sexes. Homosexual acts are therefore part of a larger sphere of unnatural acts,which could be homosexual or heterosexual. This nature/against nature approach, which was largely used in courts’ judgments in America, India, South Africa is still implemented by the Tunisian judges in the most recent decisions702. All these reasons that led to the criminalization by legal texts and Courts’ decisions are being reinforced and officially implemented in the legal norm. 1.2. Legal reasons : “As long as the text exists, judges shall apply it” The existence of a legal text becomes the fundamental reason of decriminalization. 290
“As long as the text exists, judges shall apply it” and continue to imprison thousands of persons and sometimes to banishment. States have formalized criminalization in their penal law. This formalization which is based on several moral reasons, has itself turned into an “unchanging” reason of criminalization. The law is there, several socio-moral reasons come to support and reinforce it. In fact, the application of the law (al. 2 art. 331 of the French Penal Code) by the French judge had been the source of hundreds of custodial sentences until 1982.
702
See: “ Tunisia: Appeals Court supports LGBT activist group Shams”. 22 February 2020. Available at: https://76crimes.
com/2020/02/22/tunisia-appeals-court-supports-lgbt-activist-group-shams/ - Cantonal Tribunal, Hammamet, judgment n°55026 of 19 January 2017. Hela a 19- year- Trans was arrested on November 2016 when she was driving home from a party with friends. She was sentenced to 4 months in prison by the Cantonal Court of Hammamet. Her outfit was considered as indecent by the police and she was accused of public indecency. In fact, Hela was wearing women clothes although in her Identity Card she a man. On 9 February 2017, the First Instance Tribunal of Grombalia ordered its temporary release. The same Tribunal rendered its decision on 6 March 2017. Hela was sentenced to a fine of 200 dinars for public lewdness. On 17 September 2018, Hela was arrested again for “public indecency”, she was released on 21 September 2018. https://www.realites.com.tn/2017/03/le-transgenre-hela-libere-sous-caution/ http://kapitalis.com/tunisie/2018/09/21/apres-4-jours-de-detention-la-transgenre-hela-en-liberte-provisoire/
English Synthesis of the study
Until September 2018, Indian judges used to sentence homosexuals to life imprisonment by referring to article 377 of the Penal Code. Besides, until 1995, the apartheid regime used to condemn persons (namely the poorer black population) on the basis of the penal law (Section 20A of the Sexual Offences Act). Therefore, the text becomes the sole reason for condemnation. This situation is even more worrying when defenders of homosexual rights are attacked. By accusing them of being against the law! The examples are numerous, in the USA, in South Africa, in India and recently in Tunisia. In fact, one of the claims used by the Tunisian Head of State Litigation against the association Shams, is the fact that it calls for the decriminalization of homosexuality. This argument is very dangerous, in the eyes of the representative of the Head of State Litigation, that it should result in the dissolution of the association.703 Yet, very often, not convinced by the provision criminalizing homosexuality, judges support their arguments by using social, moral, physical, pseudo-scientific arguments, that also constitute a common point for the legal and judiciary approach of criminalization. The legal argument was used in an ironic manner: often persons (politicians or jurists) who are against decriminalization invoke the argument of rare application of articles criminalizing homosexuality ! This argument has been used in France concerning al. 2 of article 331 of the Penal Code. In India, to say that article 377 of the Penal Code has only been applied 200 times for a period of 150 years. In Tunisia, the same argument is also invoked the small number of application of article 230! This quantitative argument is very dangerous because it gives legitimacy to the freedomdestroying provisions, only based on the number of times of their application. All these arguments produced during centuries thousands of cases of injustice, thousands of executions704, a state of discrimination, persecution … destroyed lives 703
Court of appeal of Tunis, judgment n°37442, of 17 May 2019, the Head of State Litigation against Shams
Association, available with commentary of Wahid Ferchichi, “Tunisian Court Defends Advocacy of Homosexual Rights”, Legal agenda 22 August 2019. https://www.legal-agenda.com/en/article.php?id=5831 “The Tunis Court of Appeal issued a ruling that enshrines the right to establish an association to advocate for the rights and human dignity of homosexuals and sexual minorities, particularly their right to non-discrimination based on sexual orientation.” 704
On the tragic fate of homosexuals during the Nazi era: “Homosexuals were one of the specially selected groups
in the concentration camps. Far less numerous than other prisoners, they experienced a hell of a particular kind. Between 5,000 and 15,000 gays died in the camps, although this figure might have been much higher since homosexuals, as opposed to Jews and Roma, could easily conceal their otherness. Homosexuals were treated as
291
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
and futures which have never occurred. Hence, how these countries, which used to execute homosexuals who also had to undergo terrible sanctions, castration, banishment, torture, social exclusion… could decriminalized acts that have been considered until then to be of the most heinous?
2. To a decriminalization based on equality and dignity Everywhere the process of decriminalization was subject to same factors: time and advocacy strategies: 2.1. Time and endurance All the experiences of decriminalization confirm the significance of time factor. Some processes lasted for centuries. The process in France has begun in 1789 and achieved in 1982 by voting for the equality of sexual consent notwithstanding the sexual orientation of the person705, and it was only in 2013 when same-sex marriage was legalized, an equality in rights 292
for the marriage but not for the adoption.706 That’s why, the process continues in order to recognize one day the right for couples or homosexual persons to adopt. As for South Africa, the advocacy had been started since 1989 and it was achieved in 1995 with the inclusion in The Bill of Rights the prohibition of discrimination based on sexual orientation. This first step was followed by a long process to establish the equality of rights. It is always remarkable to conclude that the processes of decriminalization are long, slow and exhausting ; but fighting for the equality in rights is more hard too. That’s why, it was in 2006 when the Supreme Court considered the law on marriage (of 1961) unconstitutional because it is founded on discrimination towards samesex couples. the lowest of the groups within the prisoner population.” See:
http://auschwitz.org/en/history/categories-of-prisoners/homosexuals-a-separate-category-of-prisoners/
robert-biedron-nazisms-pink-hell/ “The most recent research estimates that no more than 10.000 homosexuals died as a result of Nazi persecution.” Dagmar Herzog, Sexuality and German Fascism, Berghahn Books, Oxford, 2005, p. 344. 705
By adopting the n°82-683 of 4 August 1982 related to the repeal of article 331 (al. 2) of the Penal Code.
706
Law n° 2013-404 of 17 May 2013 legalizing same-sex marriage. JORF n°0114 of 18 May 2013, Texte n°3, p. 8253.
English Synthesis of the study
These long processes of decriminalization should not hide the possible reversals in various experiences such as in India and in the USA: a criminalization, a decriminalization, a return for criminalization, a re-decriminalization. In India, after 150 years of decriminalization of homosexual relations (article 377 of the 1860 Penal Code), on July 2, 2009, the High Court of Delhi has decriminalized homosexuality by establishing the fact of making relations between same –sex consenting adults an offence is a violation of their fundamental rights. However, on December 11, 2013, the Supreme Court of India has re-criminalized homosexuality and declared article 377 constitutional by arguing that in 150 years less than 200 homosexual persons were prosecuted on the basis of this article707. We had to wait for September 6, 2018 when the Supreme Court of India decided that article 377 of the Indian Penal Code is unconstitutional708. In the USA, the first attempt of decriminalization was blocked by the US Supreme Court (USSC) in a case related to anti-sodomy laws.709 In this regard, the law of Georgia which criminalized sodomy has been declared constitutional by the USSC in the decision: “Bowers v. Hardwick” rendered in 1986710. 17 years after this decision, on June 26, 2003, the USSC decision “Lawrence v. Texas” has declared that the anti-sodomy law of Texas is unconstitutional. This landmark decision has been reinforced by a legislative reform in 2009 when President Obama signed into law « Matthew Shepard and James Byrd Jr. Act » which expanded the 1969 federal hate-crime law to include crimes motivated by a victim’s actual or perceived sexual orientation, gender identity or disability. Hence, the reversals should not curb the attempts of decriminalization and mainly perseverance.
707
Supreme Court Suresh Kumar Kaushal vs Naz Foundation and others of 11 December 2013, Ananya Das, “Analysis
of LGBT rights in India”, International Journal for Emerging Research and Development, vol. 1, Issue 2, pp. 10-14. 708
Navtej Johar v. Union of India. The Supreme Court of India, criminal original jurisdiction writ petition (criminal)
n° 76 of 2016. For more information, consult: https://www.sci.gov.in/supremecourt/2016/14961/14961_2016_ Judgement_06-Sep-2018.pdf 709
A number of States has adopted anti-sodomy laws, for example :
Alabama punished sodomy by 2 to 10 years of imprisonment, Alaska from 1 to 10 years of imprisonment, Arizona from 5 to 20 years of imprisonment, Connecticut 30 years of imprisonment, Delaware 3 years of imprisonment and a fine of $1000. 710
USSC, 30 June 1986, (478 U.S. 186), Bowers v. Hardwick.
https://www.oyez.org/cases/1985/85-140
293
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
In fact, the tenacity of human rights defenders, the fight against discrimination and stigmatization constitute a constant in fighting for decriminalization. A tenacity that could have rallied policy-makers and righteous and courageous judges. 2.2. Actors of decriminalization The processes of criminalization diverge at the level of protagonists but converge at the level of results: At the level of human rights defenders, the 4 analyzed experiences reveal the formation of LGBT rights movements. These movements take the form of collectives, coalitions, forum … often with a structure which takes the leadership. At this point, the South-African example is interesting: “the LGBT rights movement has succeeded to integrate gays’ rights711 in a larger political project which calls for social justice and is opposed to all forms of discrimination712 “. In India, the movement for the repeal of article 377 has been supported by Naz Foundation and other organizations. For example Lawyers Collective which is linked to Naz Foundation or Voices Against 377 which is a coalition of LGBT associations and 294
human rights and women’s rights activists. Likewise, for the USA and France. In France, the formation of the Front homosexual in 1971, that grew out from the May 1968 sexual revolution and Stonewall in USA (1969) ,has marked the struggle for LGBT rights and the associative vitality in the field which succeeded to establish certain reconciliation between political leaders and homosexual persons. Such movement made these associations become indispensable interlocutors of public authorities in the 1980s713. In the USA, Stonewall Riots were the spark of the American gay movement for the equality of LGBTQI+ rights, thus, in his recent book Matthew Todd has returned to the events of “the Stonewall rebellion” in New York that took place on June 1969, 711
But without expressly mentioning the word « gay ».
712
Graeme Reid, « The Canary of the Constitution. Same-Sex Equality in the Public Sphere », Social Dynamics, vol.
36, n° 1, 2010, pp. 38-51. Voir notamment: Patrick Awondo, Peter Geschiere and Graeme Reid, « Une Afrique homophobe ? Sur quelques trajectoires de politisation de l’homosexualité : Cameroun, Ouganda, Sénégal et Afrique du Sud », « Nationalismes sexuels », Raisons Politiques, n°49, 2013, pp. 95-118. 713
See Idier (Antoine), Les aliéna au placard, l’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), France, Editeur
Cartouche, 2013, 201 p. and Idier (Antoine), Archives des mouvements LGBT+, une histoire de lutte 1890 à nos jours, France, Textuel, 2018.
English Synthesis of the study
the birth of the movement, its role in decriminalizing homosexuality, a struggle that lasted from 1969 until 2009714. This approach of forming a movement for equality is also born in Tunisia. In fact, within the Movement for Individual Liberties (officially born on January 2016 as part of the Civil Collective for Individual Liberties), a Coalition of LGBTQI++ associations was formed715. In fact, the elaboration and the presentation of the first alternative report as part of Tunisia’s Universal Periodic Report (UPR) (Geneva 2017) on LGBTQI++ rights in Tunisia was one of its biggest manifestations of this movement.716. These activists’ movements have been supported by convinced and brave policymakers and by righteous judges. 2.3. Convinced policy-makers All the experiences have revealed that policy-makers took actively part in decriminalizing homosexuality on the one hand and in establishing equality of rights on the other hand. At this level, the political context in post- Apartheid South Africa was favorable thanks to three major political figures. Edwin Cameron who took part in fighting against apartheid as an openly gay lawyer who has joined the African National Congress (ANC) in 1990, Nelson Mandela, the charismatic greatest leader and Desmond Tutu who has clearly declared that: “Anti-gay laws will be looked on in the future as wrong as apartheid”. Thanks to this persistent activism and with the influence of these iconic figures of the “Rainbow Nation”, the ANC has formally accepted to recognize gay and lesbian rights and to include it in the Bill of Rights sexual orientation as a prohibited ground of discrimination717. In France, the role played by François Mitterrand and his Minister of Justice, Robert Badinter was determining in the abolition of capital punishment on the one 714
Todd (Matthew), Pride : l’histoire du mouvement LGBTQ pour l’égalité, Fréderic Martel (Préface), Riad Bittouche
(Traduction), Editions Gründ 2019. 715
Voir Limam (Jinen), Les associations LGBTQI++ en Tunisie, Emergence d’un nouveau militantisme humain, Tunis,
ADLI, 2017, available at: http://adlitn.org/sites/default/files/1._etude_associations_lgbtqi_fr.pdf 716
Universal Periodic Report (Tunisia), 3rd cycle May 2017, Tunisian Coalition for the rights of LGBTQI, available at:
http://adlitn.org/sites/default/files/rapport-upr-lgbt.pdf 717
Pierre de Vos, “The ‘inevitability’ of same-sex marriage in South Africa’s post-apartheid state”, South Africa Journal
on Human Rights, n°23, 2007, p. 435.
295
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
hand, and the repeal of al. 2 article 331 of the Penal Code the last fief criminalizing homosexual behaviors. Likewise, the President François Hollande and the French Socialist Party played a role in the adoption of the same-sex marriage. As for USA, in 1953 while President Eisenhower has signed an Order so that “the government does not recruit homosexual employees”, it needed the courage of President Obama who signed in 2009 the law « Matthew Shepard and James
Byrd Jr. Act », which expanded the 1969 federal hate-crime law to include crimes motivated by a victim’s actual or perceived gender, sexual orientation, gender identity, or disability. In Tunisia, some policy-makers do not lack courage, during legislative and presidential elections of 2019, many candidates have taken action in favor of individual liberties in general and for the abrogation of article 230 in particular.718 These policy makers can constitute a locomotive in order to pass a possible reform of the Penal Code or the adoption of the Code of individual liberties which will repeal article 230719. 2.4. Righteous judges 296
Persons arrested for homosexuality eventually appear before the judge, the laws criminalizing homosexuality end up also before the judge to examine their constitutionality. At this level, righteous judges have openly declared, either in India, in South Africa, in the USA or in Tunisia to rule that these laws and provisions are unfair, discriminatory and undermine human dignity. In South Africa, and despite the “constitutionalization” of the prohibition of discrimination based on sexual orientation, various laws were still in force 718
Il s’agit des candidats aujourd’hui au parlement et dans le gouvernement ou des secrétaires généraux de partis
politiques : Elyes Fakhfef (actuel chef du gouvernement), Mohamed Abbou (actuel ministre d’Etat de la fonction publique et de la réforme administrative), Lotfi Zitoun (ministre des collectivités locales), Mohsen Marzouk (Secrétaire général du Parti Mach3rou Tounis), Mahdi Jomoaa (Secrétaire général du Parti Al badil), les leaders du parti Afek (Yassine Brahim et Rim mahjoub). Mis à part des politiques qui se sont retirées de la vie partisane telle que Bochra bel haj Hmida. See : Rapport, Les libertés individuelles et l’égalité dans les campagnes électorales de 2019, Observatoire du droit à la différence et Collectif civil pour les libertés individuelles, Tunis, 2019, disponible sur le lien suivant : http://adlitn. org/sites/default/files/1._rapport_lib_indiv_dans_les_campagnes_electorales_de_2019_version_integrale.pdf 719
Rapport, L’appropriation de la proposition du code des libertés individuelles par les acteurs politiques, élaboré par
Mohamed Anoir Zayani, Tunis, ADLI, ATFD, FIDH et LTDH, 2020, disponible sur le lien suivant : http://adlitn.org/ sites/default/files/2._etude_appropriation_du_codil_fr_ar_web.pdf
English Synthesis of the study
and continued to discriminate against homosexuals. The role of the judge was determining in declaring their unconstitutionality and to guarantee equality for everyone before and by the law. In a unanimous decision, the Constitutional Court confirmed the decision of the invalidity based on the right to equality, dignity and the respect of privacy. The laws referred to were judged as against the Constitution as well as the common law rule that criminalizes homosexuality720. Similarly, Judge Sachs considered tha there is no available form in the South African law that allows the two applicants or all the people in their situation to marry legally, making a break with the equal treatment of individuals. According to him, this inequality of treatment is based on an illegal criterion: the sexual orientation721. In the USA, on June 26, 2003, the USSC’s decision (Lawrence v. Texas) has decided that the Texas anti-sodomy law722 was unconstitutional. This decision has expanded the scope of application of privacy to same sex relations between consenting adults by ruling that “the State is not omnipresent in the home”. In India, the High Court of Delhi was the first, in a political atmosphere hostile to the decriminalization, to rule on the illegality of the criminalization of homosexuality: “the fact of making relations between same –sex consenting adults an offence is a violation of their fundamental rights.” This decision was overturned by the Supreme Court of India in 2013, but, confirmed by the same Court in 2018, which reaffirmed the arguments of the High Court of Delhi: equality before the law, non-discrimination and the protection of life and individual liberty. It declared its basic principle: “society cannot dictate constitutional rights”. According to this principle: “the adoption of the Constitution was in a way an instrument to realize the constitutional morality and a means to fight against the dominant social morality of the era”. A decision that cuts with the prevailing 720
National Coalition for Gay and Lesbian Equality and Another v. Minister of Justice and Others, 1998 (12) BCLR
1517 (CC), 1999 (1) SA 6 (CC) 721
Alexander Abotsi, « De la régulation des choix de société par la promotion des droits fondamentaux. Les
enseignements de la Cour constitutionnelle sud-africaine », Revue juridique Thémis, n°43, 2009, p. 429 et s. 722
Texas Sodomy Statute. V. Jason Pierceson, Courts, Liberalism, and Rights: Gay Law and Politics in the United States
and Canada, Temple University Press, Philadelphia, 2005, pp. 77-78.
297
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
popularity that invades more and more the States in every corner of the world, Hungary, Italy, Great Britain, USA, Poland and Tunisia. Besides, in Tunisia and in spite of the rising of populism723 and the relatively high number of condemnations based on article 230724, certain Courts’ decisions are, obviously, a testament of sensitivity to human rights, but, to the rule of law and a just State which preserves human dignity. Lawsuits brought against Shams association (association that works for the repeal of article 230 and for the defense of non-normative sexuality persons), the Judge’s attitude is one of the most interesting, righteous and courageous including at the level of the Court of cassation. In this context, lawsuits brought by the Head of State Litigation in order to suspend the association ended in failure, either in first instance (decision of 23 February 2016), in appeal (17 May 2019), or in the Court of cassation (21 February 2020). In fact, the decision of the Court of Appeal was based on the principle of human dignity and the non -contradiction of the association’s activities with the Tunisian Constitution’s principles . The Court has concluded that the association aimed, 298
through its activities on sexual minorities, to “preserve the human dignity and to prevent any infringement on it on the basis of sexual orientation” and that it “did not violate the domestic law, particularly, the fundamental principles provided by the Tunisian Constitution as mentioned in article 3 of the Decree-law on associations”. The Court’s conclusion encourages us to inquire about what we should adopt as a strategy for advocacy. In a political moving context but quite populist; what are the lessons to be learned from the States’ experiences which have already decriminalized homosexuality? These two fundamental questions have attracted the interest of the Tunisian Association for the Defense of Individual Liberties (ADLI) and which as part of the project Touensa Kifkom with its partners (ASF and Damj), shares with all the readers, human rights defenders in general and LGBTQI++ rights defenders in particular, this new publication prepared by the researcher of ADLI, Dr. Amine JELASSI who wrote this research under my close direction, May he be thanked! 723
See the Report of the Tunisian Civil Collective for Individual Liberties on the state of individual liberties in Tunisia,
2019. The danger of populism, Tunis, 2020. Availbale at: adlitn.org rubriques publications. 724
See the Tunisian Civil Collective for Individual Liberties reports on the state of individual liberties in Tunisia: http://
adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_li_2019_version_integrale.pdf
English Synthesis of the study
Finally, it should be recalled that the history will obviously be remembering the righteous and dignified words and positions expressed by the USSC by ruling that “there’s no place for the State in the bedrooms of consenting adults whether gay or straight”725, or by the Indian Supreme Court which decided that “popular morality cannot dictate constitutional rights” 726.
In 2019, two African States have decriminalized homosexuality: Angola in January and Botswana in June!
299
725
26 juin 2003, Lawrence v. Texas.
726
06 septembre 2018, Navtej Johar v. Union of India.
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
Introduction 300
English Synthesis of the study
Processes of decriminalization of homosexuality: Comparative experiences and the situation in Tunisia Applying criminal law to homosexuality presents a risk. In fact, laws with inclusive, general and unclear provisions lead to abuses and arbitrary arrests. Thus, these imprecise provisions expose the detainees to humiliating medical practices. Furthermore, the rules of criminal law target certain persons on the basis of sexual orientation. They also criminalize their acts without respecting the requirements of a civil and democratic State. Moreover, laws criminalizing homosexuality incite the society to take part in the surveillance with regard to the goals sought by the police. This is clearly a kind of espionage on behalf of the State. Sexual practices between consenting adults of the same sex (sodomy as the word used by the legislature), conducted in private, are “punished by imprisonment of 3 years” under article 230 of the Penal Code. The latter which criminalizes “sodomy” is referred to as a “homophobic” law provision727.
1. Questions and problematic Why do we talk about the issue of homosexuality? A homosexual person, who carries a social stigma, is minoritized and exposed to rejection. That is why he chooses not to come out in the public space, “a heteronormative space”728. Thus, “social minorities exist when a stigmatizing feature is considered as a fundamental and determining element of the social identity729”.
727
Wahid Ferchichi, « L’homosexualité en Droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique », in, Monia
Lach’heb et Eric Fassin (dir.), Être Homosexuel au Maghreb, IRMC- Karthala, Paris, 2016, p. 171 et s. 728
Marianne Blidon, « La casuistique du baiser », EchoGéo, n° 5, 2008, dernier accès le 23 Juin 2016. URL : http://
echogeo.revues.org/5383 19 729
Steven De Batselier & H.Laurens Ross, Les minorités homosexuelles: une approche comparative, Allemagne, Pays-
Bays, États-Unis, Duculot, Gembloux, 1973, p. 282.
301
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
Besides, the Tunisian society like most of the societies has made the heterosexual relationships as the exclusive example of intimate relationships and as the basis for the family. Yet, homosexuality is seen as deviant to the dominant norm. Therefore, homosexual persons chose to hide. On the one hand, because sexuality is a taboo. On the other hand, they have chosen to remain discreet for social, religious, legal and even professional reasons sometimes. In addition, when we tackle the issue of decriminalizing homosexuality, we noticed that the State interferes in the free choice of one’s identity. Thus, the State determines the normative sexual identity and criminalizes the non-normative one. Is it relevant that the State has the power to decide of the sexual orientation and the sexual identity of a citizen? While article 21 of the Constitution provides that: “the State guarantees to male and female citizens individual and collective rights and freedoms. It guarantees the conditions of a dignified life”. The fact that homosexuality is criminalized is in contradiction with this article because the mere existence of a provision that criminalizes « sodomy » denies the dignity of the individual. Therefore, interfering in the sexual life of individuals does 302
not guarantee conditions of a dignified life. The term “homosexuality” as chosen in the title of this study, does it refer to homosexuality as a sexual orientation ? Or to homosexuality as a sexual identity? Both society and State institutions sexual identity with sexual orientation, the sexual act and the behavior of an individual.
The term “homosexuality”
encompasses very often in Tunisia all those components. Generally, the police may arrest someone based on his outfit or his gestures and sometimes based on the objects a person has when arrested. Henceforth, the word “homosexuality” in this study is used to refer at once to sexual identity and orientation. This is in fact in the intention of protecting homosexual persons who are not necessarily arrested for “sodomy” as for what they do but arrested for what they are, because of what they wear and how they behave in public. Sexual identity should in that respect be protected from criminalization. Undoubtedly, identity is an essential component of the civil state and the recognition of legal personality. As a consequence, to condemn sexual identity is to deny the right to recognize the legal personality to an individual since everyone is entitled to rights and duties.
English Synthesis of the study
It is also important to note that an individual cannot be defined according to his sexual activity as he cannot be defined with regard to his civil or commercial activity. An individual is defined with respect to his humanity, and for the fact that he is born equal in dignity and rights. An individual is therefore a citizen who takes part in the public affairs of his country. His identity should be respected and recognized by the State where he lives by virtue of the rights and freedoms guaranteed in the laws of a given country730. Is it possible to decriminalize homosexuality in Tunisia? The possibility of decriminalization resides in the context of the defense of the right of an individual to own and control his body731. In Tunisia, two approaches are advanced. One adopts a hostile vision against homosexuality. It considers homosexuals as insane732, criminal and apostate.733 The other approach adopts a human rights based discourse calling for the decriminalization of homosexuality. It considers that sexual identity forms a part of human rights among which, the right to respect of privacy and intimacy which can be called “right of sexuality”734. 303
730
Habib Nouisser, Changer de sexe en Tunisie, ou quand le Droit confisque les identités, l’Association Tunisienne de
Défense des Libertés Individuelles (ADLI), Tunis, 2018. 731
Malick BRIKI, Psychiatrie et homosexualité, lectures médicales et juridiques de l’homosexualité dans les sociétés
occidentales de 1850 à nos jours, Presses universitaires de Franche-Comté, Besançon, 2009, p. 46. Les termes « homosexuel» et « homosexualité » auraient été inventés en 1869 par un écrivain et journaliste hongrois de langue allemande Karl-Maria Benkert. 732
Sachant qu’en 1973, l’association des psychiatres américains a décidé de retirer l’homosexualité de la liste des
maladies mentales dans le manuel diagnostic et statistique des maladies mentales. Sur la scène internationale, au début des années 90 l’O.M.S. a retiré l’homosexualité de sa liste des maladies. Patrice Corriveau et Jean-François Cauchie, « Les mœurs homoérotiques ou l’éternel retour à la faute morale et au corps impur. Quand les maux se retranchent derrière les mots » in Patrice Corriveau et Valérie Daoust (dir.), « la régulation sociale des minorités sexuelles », P.U.Q., Québec, 2011, p.56. 733
L’homosexualité est considérée par ce courant comme « un acte contre nature qui a des répercussions négatives
et dangereuses sur la santé, la famille et la société et peut même induire à l’extinction de la race humaine » .135 . ص،1998 ، تونس، الخدمات العامة للنشر مطبعة الوفاء، الجرائم األخالقية، قانون جنائي خاص،عبد اهلل األحمدي 734
Voir : Wahid Ferchichi, « L’homosexualité en droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique », in Monia
Lach’heb et Eric Fassin (dir.), Être Homosexuel au Maghreb, IRMC- Karthala, Paris, 2016, pp. 171-195. وحيد، في،» بين تجريم القانون الجزائي و حق احترام الحياة الخاصة: «الجنسية المثلية في القانون التونسي:وحيد الفرشيشي دراسة عامة عن قوانين الدول العربية مع تقريرين عن لبنان و: «العالقات المثلية في قوانين العقوبات:الفرشيشي و نزار صاغية 78-54 . ص،2009 بيروت، تقرير من إعداد جمعية حلم.»تونس. 2013 جوان، المفكرة القانونية،» المثلية وفحوص العار في تونس، «السياسة: وحيد الفرشيشي. [http://legal-agenda.com/article. php?id=402&lang=ar] 2016 نوفمبر10 آخر زيارة للموقع.
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
While the first approach views homosexual relationships as a danger to the society, the second approach regards that putting homosexual persons in jail denies their existence and may lead to suicide. A public affirmation of sexual identity in Tunisia, is it possible? Actions brought by homosexual persons in order to become visible socially via associations or media present sometimes a risk. Unequivocally, the presence of homophobia and transphobia corresponds to a social and legal reality that affect the public manifestation of sexual identity fuelled by social, economic, political and religious dynamics in favor or unfavorable to homosexual persons. Yet, the public affirmation of sexual identity of L.G.B.T.Q.I. persons cannot be accepted easily by Tunisian society nor adopted by legal norms. Neither society nor the legislature is familiar with the terminology used to identify L.G.B.T.Q.I. persons. Expressions like “transgender” or “transsexual” may seem strange to the criminal police and to the judiciary.
304
2. Terminology - Process: To move forward but it can be positive or negative, it refers to an evolutionary phenomenon, a succession of transformations, a succession of phases linked to each other735. - Decriminalization: “can be defined formally in terms of de jure decriminalization, where legislatures repeal or narrow criminal statutes, to remove all or portions of a conduct from the purview of the criminal law. This is often a codification of de facto practices of decriminalization, where a criminal offence remains in the criminal Code but is no longer enforced. De
facto decriminalization is often due to obsolescence, and the resulting legal anachronisms may sometimes reflect a less politically divisive option where it is easier to cease enforcement of a criminal law than it is to remove it from the criminal Code. For certain conduct that may still be in contention, full de
jure decriminalization would help avoid the risk of future enforcement.736” 735
Processus dégénératifs: Unité d›enseignement 2.7 De Hélène Labousset Piquet, Carole Siebert p. 1.
736
Hélène Labousset-Piquet et Carole Siebert, Processus dégénératifs: unité d’enseignement 2.7, Elsevier Masson,
S.l., 2013, p. 1.
English Synthesis of the study
Gay: “1. Term used in some cultural settings to represent males who are attracted to males in a romantic, erotic and/or emotional sense. Not all men who engage in “homosexual behavior” identify as gay, and as such this label should be used with caution. 2. Term used to refer to the LGBTQI community as a whole, or as an individual identity label for anyone who does not identify as heterosexual.737” - Sexual orientation refers to “each person’s capacity for profound emotional, affectional and sexual attraction to, and intimate and sexual relations with, individuals of a different gender or the same gender or more than one gender738”. - Gender identity refers to “each person’s deeply felt internal and individual experience of gender, which may or may not correspond with the sex assigned at birth, including the personal sense of the body (which may involve, if freely chosen, modification of bodily appearance or function by medical, surgical or other means) and other expressions of gender, including dress, speech and mannerisms.739” - L.G.B.T.Q.I: Inclusive acronym used to refer to the identities of lesbians, gays, bisexuals, and those identifying as transgender or transsexual, as well as those identifying as queer (a broad term for a wide range of non-normative sexual and gender identifications) and intersex - hereafter. Collectively these identities represent a challenge to prevailing binary gender norms and the hegemony of heteronormativity. We can also call them persons with non-normative sexuality, sexual identities, or gender identifications. This acronym covers “the different manifestations of sexual orientation and gender identity740”. The homosexual is double repressed by the perspective of criminal law and the society. Consequently, a counter-power emerged after 14 January 2011, social movements, civil society, NGOs advocating for LGBT rights or human rights. Thus, all these actors call from the beginning to reaffirm equality in rights and to recognize a full citizenship to homosexual individuals. 737
LGBT glossary. Available at https://www.amnestyusa.org/pdfs/toolkit_LGBTglossary.pdf last accessed 15
December 2019. 738
The Yogyakarta Principles «preamble» https://yogyakartaprinciples.org/preambule/
739
The Yogyakarta Principles «preamble» https://yogyakartaprinciples.org/preambule/
740
« Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre en Europe », Editions du Conseil de
l’Europe, Starsbourg, 2012, p. 21.
305
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
Because of the specificity of the Tunisian socio-legal context compared with the other countries where the processes of decriminalization were different from one country to another. The Tunisian context is in the phase of “fighting against” which is the second phase after having started to speak on the issue in public. In order to reach the final phase, how will Tunisia took advantage of these comparative experiences in order to make the process successful? In the first part, we are going to analyze comparative examples of decriminalization of homosexuality in countries where anti-sodomy laws were abrogated or declared unconstitutional (First part). In the second part, starting from the experiences, we will be able to think of the axes of advocacy for decriminalization of homosexuality in Tunisia (Second part).
306
English Synthesis of the study
First part 307
Comparative examples of decriminalizing homosexuality
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
The processes of decriminalization were marked by a strong and influential L.G.B.T. activism in the United States (Section I), in France (Section II), in India (Section III) and in South Africa (Section VI). In fact, associations have adopted more or less the same methods. They were also confronted to many actors in order to achieve not only the objective of decriminalizing homosexuality but also equality in rights.
Section I The United States: From the decriminalization of the act to the recognition of the identity The decriminalization of homosexuality acts or the repealing of the so-called antisodomy laws aimed at guaranteeing freedoms rather than recognizing the sexual act between same sex persons. Among these freedoms, the right to privacy741, such 308
expression is used in American constitutional law and it encompasses both: the respect of privacy in its broad sense and the respect of the privacy strictly speaking (intimacy)742. Guaranteeing this freedom by decriminalizing sodomy was not an easy task, because the repeal of anti-sodomy laws went through hard and long stages for homosexual persons (paragraph 1). As a consequence, a homosexual movement emerged so as to claim decriminalization, put an end to police repression and demanding a social and legal recognition of homosexual identity (paragraph 2).
741
Tripathi Shivnath, “Right to Privacy as a Fundamental Right: Extent and Limitations”, June 17, 2017. Available at
SSRN: https://ssrn.com/abstract=2273074 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.227307“Right to privacy is a bundle of rights. Black’s Law Dictionary says that ‘right to privacy’ is a generic term encompassing various rights recognized to be inherent in concept of ordered liberty, and such rights prevent government interference in intimate personal relationship’s or activities, freedoms of individual to make fundamental choices involving himself, his family, and his relationship with others”. Voir aussi, Lloyd L. Weinreb, “The Right to Privacy”, Social Philosophy and Policy, vol. 17, Issue 2, Summer 2000, pp. 25-44. 742
Philip Chapman, «Beyond Gay Rights: Lawrence v. Texas and the Promise of Liberty”, William and Mary Bill of
Rights Journal, vol. 13, 2004, p. 245.
English Synthesis of the study
Paragraph 1: A slow legal decriminalization The first attempt of decriminalizing homosexuality was blocked by the United States Supreme Court (USSC) in a lawsuit concerning anti-sodomy laws. Actually, these laws used to criminalize not only anal sex but also oral sex and they were even expanded to men engaging in sexual activity with other men in public places like bathrooms743. Likewise, the State of Georgia defines sodomy as “the performance of or submission to a sexual act involving the sex organs of one person and the mouth or anus of another744”. In fact, this law was judged constitutional by the USSC in the case Bowers v. Hardwick decided in 1986745. Meanwhile, the decriminalization was restrained by political actors of the penal system. Thus, homophobia was institutionalized by means of adopting discriminatory measures targeting homosexual persons in many fields. In that respect, it was the imperative of national security which used to justify discrimination in the public sector. For example, President Dwight D. Eisenhower signed an executive Order n°10450746 according to which the government should not employ homosexual collaborators. Contrary to the Obama’s administration which opted for a criminal policy that criminalizes homophobic acts in the aim to preserve the dignity of homosexual persons and assure their security. This clearly demonstrates that decriminalization
per se is not sufficient because it should be along with guaranteeing rights and abolishing the institutional homophobic practices. In order to fight against homophobia, in 2009, President Obama signed the law « Matthew Shepard and James Byrd Jr. Act », which expanded the 1969 federal hate-crime law to include crimes based on a victim’s sexual orientation, gender identity or disability.
743
American Medical Association Journal of Ethics November 2014, Volume 16, Number 11: 916-922. HEALTH LAW
The Decriminalization of Sodomy in the United States Richard Weinmeyer, 744
“The Crimes Against Nature”, Journal of Public Law, n°47, 1967, p.159. Georgia law annotated 1967, § 16-6-2(a)
(1984). 745
USSC, 30 June 1986, (478 U.S. 186), Bowers v. Hardwick.
https://www.oyez.org/cases/1985/85-140 746
Executive Order 10450. “Security requirements for Government employment”.
309
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
17 years following the case of « Bowers v. Hardwick », on 26 June 2003, the case of the USSC Lawrence v. Texas has decided that the Texas anti-sodomy law747 was unconstitutional, despite the fact that many States did not abrogate their antisodomy laws. For instance: Alabama, North Carolina, South Carolina, Florida, Idaho, Kansas, Louisiana, Michigan, Mississippi, Missouri, Oklahoma, Utah and Virginia748. In contrast to the case of Bowers, Lawrence expanded the scope of application of privacy to same sex relationships between consenting adults by judging that “the State is not omnipresent in the home”. It was further decided that the liberty protected by the Constitution, allows homosexual as well as heterosexual persons the right to establish a personal bond with a companion, one element of which may be a sexual relationship. Moreover, it is deemed that “the law connects identity or status to activity deemed criminal, specifically sexual activity, and then abridges the liberties of those with that identity on the basis that they may at some point engage in criminal conduct749”. As a matter of fact, not only the court has decriminalized sodomy through the 310
guarantee of privacy, but it also recognized implicitly homosexual identity.
Paragraph 2: Claiming the recognition of homosexual identity Repealing laws criminalizing sexual relations between same sex persons does not solve the problem. Unfortunately, homosexual persons face many forms of discrimination, harassment and violence. By the end of the 1960s and in the beginning of the 1970s emerged dozens of gay liberation organizations that challenged anti-sodomy laws, policies and prejudices throughout the country. In fact, 27 June 1969 marks the surge of the American gay movement. Known as “the Stonewall rebellion” and “the Stonewall uprising”, this was considered as a seminal event where L.G.B.T. persons revolted against police harassment in Greenwich Village, New York.750 747
Texas Sodomy Statute. See: Jason Pierceson, Courts, Liberalism, and Rights: Gay Law and Politics in the United
States and Canada, Temple University Press, Philadelphia, 2005, pp. 77-78. 748
The first State that abrogated its anti-sodomy law Kentucky in 1992. Then, in 1993 Nevada, in 1995 District of
Columbia, in 1996 Tennessee, in 1997 Montana, in 1998 Georgia and Rhode Island, in 1999 Maryland, in 2001 Arizona and Minnesota, and in 2002 Arkansas. 749
Martin Dupuis, Same-sex marriage, legal mobilization, and the politics of rights, Peter Lang, New York, 2002, p. 13.
750
Lynn Dumenil, The Oxford Encyclopedia of American Social History: Men’s-YMCA, Oxford University Press, Oxford,
2012, p. 399.
English Synthesis of the study
Although same-sex marriage was not a central goal of the L.G.B.T. movement in the 1970s, the battle for equality in rights has led to the recognition of the right to marry for same-sex couples. Consequently, the United States Supreme Court made marriage equality federal law in 2015. Thus, it handed down a ruling regarding same-sex marriage on 26 June 2015. In the case of Obergefell v. Hodges751, the USSC ruled that State bans on samesex marriage and on recognizing same-sex marriages duly performed in other jurisdictions are unconstitutional under the due process and equal protection clauses of the Fourteenth Amendment to the U.S. Constitution.
Section II Homosexual persons in France, “from the pyre to the town hall” The evolution of the homosexual persons’ situation in France is described by the expression of Professor Patrice Corriveau “from the pyre to the town hall752” which reflects the complexity of the homosexuality decriminalization process in France. Before analyzing the paragraphs of this section, it is crucial to demonstrate the evolution of the word “sodomy” in France. Under the Ancient Regime, it was not about homosexuality as referring to the identity, but it used to describe the act of sodomy. This expression designated the act and not a category of persons. However, in modern times, after 1791, the date of the abrogation of the law criminalizing the act, sodomy used to refer to a category of persons (masculine homosexuality) rather than the act itself. Either way, the sanction for sodomy was supported by a moral, social and medical discourse which somehow weakened the process of decriminalization (Paragraph 1).
Leonore Carpenter and David Cohen, « A Decision Unlike Any Other: Obergefell and the Doctrine of Marital
751
Superiority », The Georgetown Law Journal Online, 2015, p. 128. 752
Patrice Corriveau, La Répression des homosexuels au Québec et en France: du bûcher à la mairie, essai, Sillery,
Éditions du Septentrion, 2007.
311
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
Then, the existence of homophobic and discriminatory laws was a hurdle that slowed down the process of decriminalization along with the realization of equality of rights (Paragraph 2).
Paragraph 1: Actors of penalization of homosexuality Although “French society had a reputation for relative sexual tolerance compared to the allegedly ‘puritan’ Anglo-American world, and same-sex relations had not been illegal in France since the Revolution abolished anti-sodomy laws in 1791753”, repression of homosexuality did not disappear. In fact, in the 19th century, gay men were arrested for indecent exposure in the many public urinals which were generally known as meeting points for homosexual and male prostitutes across Paris. Police was also relying on the complaints of the neighbors who used to denounce homosexual persons. Thus, we conclude that the visibility of homosexual persons was a problem to a broad segment of the society. Actually, French society viewed the visibility of sexual behaviors between males as a cause leading to social unrest and to diseases. By the end of the 18th century, police used to control systematically homosexual 312
persons754. “Using patrols, informants, and undercover agents known as mouches
infâmes755”, police reports were employed to persecute homosexual persons in the meeting points in Paris. Likewise, even if religion has been detached from the penal system, the condemnation of sodomy is strengthened by the moral and religious discourse in the physicians’ writings.
Paragraph 2: The slowness of the decriminalization process “Decriminalization does not imply approval, and a fear that some sectors of the population might draw misguided conclusions in this respect from reform of the legislation does not afford a good ground for maintaining it in force with all its
753
Julian Jackson, Living in Arcadia: Homosexuality, Politics, and Morality in France from the Liberation to AIDS
University of Chicago Press, Chicago, 2009, pp. 18-19. 754
Michel Rey, « Police et sodomie à Paris au XVIIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1982, tome
XXIX, pp. 113-124. 755
George Haggerty and Bonnie Zimmerman (eds.), Encyclopedia of Lesbian and Gay Histories and Cultures, Garland
Science, New York, 2003, p. 525.
English Synthesis of the study
unjustifiable features.756” That’s why visibility of some behaviors deemed unusual can be socially “criminalized” mainly if some laws in force still discriminate against homosexual persons. As a matter of fact, L.G.B.T. associations were publicly exposed in an electoral context, then in a context related to political parties in the intention of fighting for equality in rights and not just for sexual rights. In 1971, the gay rights movement in France grew out of the May 1968 sexual revolution especially with the foundation of the front homosexuel d’action
révolutionnaire (Homosexual Front for Revolutionary Action). This movement gave radical visibility to homosexual persons during the 1970s, such visibility has in fact contributed to the irruption of homosexuality in politics. Besides, the search for reconciliation between political leaders and homosexual persons was concretized by means of an intensified mobilization of L.G.B.T. associations. To this regard, these associations became indispensible negotiating partners with the public authorities. In addition, the presidential election of 1981 and the arrival to power of François Mitterrand was accompanied by a political commitment of the leaders aiming at fighting against forms of discrimination anti-homosexual and to reaffirm equality in rights. Furthermore, two dates have marked the victory of LGBT activism in France. In other terms, this victory is reflected in the context of laws adopted to reaffirm equality of rights of homosexual persons. In 1982, the law draft related to the amendment of the penal Code was adopted. That was the year corresponding to the end of discrimination of the age of sexual majority, by adopting the law n°82-683 of 4 August 1982 related to the abrogation of article 331 (al. 2) of the penal Code
. Consequently, indecent acts or against
757
nature committed with a minor (15 years old) of same sex (homosexuality) will no longer be punished.
756
European Court of Human Rights, Dudgeon v. The United Kingdom (Application no. 7525/76) judgment of 22
October 1981, para. 61. 757
Journal officiel du 5 août 1982, p. 2502.
313
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
Thus, sexual majority that was fixed at 18 years old for homosexual persons, and 15 years old for opposite sex, became 15 years old for all.758 In the same path, equality between same-sex and opposite-sex couples that was achieved by virtue of the 2013 law legalizing marriage for same-sex couples represents a tremendous victory in the history of the L.G.B.T. activism.
Section III India, “society cannot dictate constitutional rights” The process of decriminalization in India is long (Paragraph 1), and fierce (Paragraph 2), because militants of L.G.B.T. rights showed resistance despite many failures that were registered. This resistance ended up with a victory: the decriminalization of homosexuality by the Supreme Court of India.759
Paragraph 1: A long-winded process of decriminalization 314
Section 377 of Indian Penal Code punished homosexuality through what is called Unnatural Offences by providing that: “whoever voluntarily has carnal intercourse against the order of nature with any man, woman or animal, shall be punished with imprisonment for life, or with imprisonment of either description for a term which may extend to ten years, and shall also be liable to fine.” The law has been transformed into a tool of harassment justifying violence and humiliation against homosexual persons by the police. Such law was even used to paralyze the work of L.G.B.T. activists in India who struggled for its abrogation. For example, an L.G.B.T. activist from the association Bharosa Trust, which is fighting against discrimination towards people living with HIV/AIDS, has been arrested on 8 July 2001 and imprisoned for 47 days. In the same context, homosexuality is generally perceived as a taboo, particularly, by the government. Thus, public debate on homosexuality is hampered by the fact that sexuality under any form is rarely discussed in public. 758
L’article de loi est adoptée définitivement le 27 juillet 1982 (lire le compte rendu de la séance dans le Journal
Officiel du 28 juillet 1982, pages 4873 et suivantes). 759
Navtej Johar v. Union of India. Judgment of 06 September 2018. The Supreme Court of India, criminal original
jurisdiction writ petition (criminal) n° 76 of 2016. https://www.sci.gov.in/supremecourt/2016/14961/14961_2016_Judgement_06-Sep-2018.pdf
English Synthesis of the study
Naz Foundation, an NGO based in Delhi, working for the rights of homosexual persons and in the field of HIV/AIDS, sought in 2001 to amend article 377 of the India Penal Code and to exclude private consensual sex between adults. In the case brought before the Delhi High Court challenging the constitutionality of Section 377, Naz Foundation was joined up with the Lawyers Collective and Voices Against 377. The Delhi high Court dismisses the case, saying there is no cause of action and that purely academic issues cannot not be examined by the court. Furthermore, activism was a driving force of the visibility of homosexuals. This led to opening the access to homosexual persons to health services and to social events. The first association to call for the abrogation of article 377 was the association AIDS Bhedbhav Virodhi Andolan (ABVA)760. In fact, a petition was filed under Article 226 of the Constitution by ABVA. The petition asked the Court to declare that article 377 was unconstitutional on the grounds that it violated the constitutional right to privacy. Yet, the case was dismissed because the association did not have a fulltime lawyer keeping track of the case.761 To sum up, the hard stages of the decriminalization process refer to the content of claims, to the methods employed and to the resistance of the associations which have been bringing cases before courts from the 1990s until 2018 the year of the victory.
Paragraph 2: A fierce decriminalization process The main goal of decriminalization was not only about the abrogation of article 377, but also to recognize homosexual identity. The movement for the abrogation of article 377 was supported by the Naz Foundation and other organizations such as Lawyers Collective related to Naz Foundation, Voices Against 377, and L.G.B.T. coalition and human rights and women activists762. 760 761
An AIDS anti-discrimination movement created in 1988. Geetanjali Misra, “Decriminalising homosexuality in India”, Reproductive Health Matters, vol. 17, n° 34,
“Criminalisation”, November 2009, pp. 22-23. 762
Radhika Ramasubban,“Political intersections between HIV/ AIDS, sexuality and human rights: a history of
resistance to the anti-sodomy law in India”, Global Public Health, vol. 3(2), 2008, pp. 22-38.
315
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
This resulted in the landmark judgment of the High Court of Delhi rendered on 2 July 2009, in which it ruled that the provision in article 377 violates the country’s Constitution and international human rights conventions. The Court concluded that “Section 377 does not distinguish between public and private acts, or between consensual and non-consensual acts, therefore does not consider relevant factors such as age, consent, and nature of the act or absence of harm. Thus, such criminalization in the absence of evidence of harm seemed arbitrary and unreasonable763”. Conversely, the Supreme Court of India overturned the judgment of Delhi High Court on 11 December 2013, declaring the decision as “legally unsustainable” in the case of Suresh Kumar Kaushal vs Naz Foundation and others764. Hence, homosexuality was re-criminalized and article 377 was declared constitutional. One of the arguments of the Court was quantitative, by deciding that article 377 is constitutional because in 150 years less than 200 homosexual persons were prosecuted on the basis of this article. It was not until 2018, and more precisely on 6 September 2018, the date where 316
the Indian Supreme Court has declared unconstitutional article 377.765 First of all, the rights that were implemented by the Delhi Court in 2009 were reaffirmed by the Supreme Court: equality before the law, non-discrimination and the protection of life and individual liberty. In addition, by emphasizing that Courts are under the obligation to protect the fundamental rights of the L.G.B.T. community, the Supreme Court highlights that: “the adoption of the Constitution, was, in a way, an instrument or agency for achieving constitutional morality and means to discourage the prevalent social morality at that time.766” 763
Shah GK, Muralidhar S. Delhi High Court Judgement. Naz Foundation v. Government of National Capital Territory
of Delhi. 2 July 2009. Geetanjali Misra, “Decriminalising homosexuality in India”, Reproductive Health Matters, vol. 17, n° 34, “Criminalisation”, November 2009, pp. 20-28. 764
Ananya Das, “Analysis of LGBT rights in India”, International Journal for Emerging Research and Development,
vol. 1, Issue 2, pp. 10-14. 765
Navtej Johar v. Union of India. The Supreme Court of India, criminal original jurisdiction writ petition (criminal)
n° 76 of 2016. 6 September 2018. https://www.sci.gov.in/supremecourt/2016/14961/14961_2016_Judgement_06-Sep-2018.pdf 766
Navtej Johar v. Union of India. The Supreme Court of India. Para.123.
English Synthesis of the study
Section VI South Africa Sexual orientation and the rights of L.G.B.T. rights South Africa is the most gay-friendly country in the African continent and one of the rarest in the world which Constitution supersedes mentalities. Besides, the fight for the rights of homosexual persons and the decriminalization of homosexuality was linked to the fight against the racist regime of apartheid. Until the abolition of the apartheid regime, the struggle of activists dealt with a homophobic State (Paragraph 1). While after that, the struggle targeted a part of the homophobic society (Paragraph 2).
Paragraph 1: The fight against a homophobic State Two types of L.G.B.T. activism have emerged in South Africa. The first type represented by associations working on the rights of L.G.B.T. persons independently from the political context of liberation. Whereas, for other associations, the L.B.G.T. rights issue was dealt with in the political context of fighting against apartheid. Actually, Gay and lesbian activists continued to put pressure on the African National Congress (ANC)767 especially thanks to Edwin Cameron a gay rights activist and an openly- gay lawyer who joined the ANC in 1990. Furthermore, gay movements were associated to the political coalition in order to attract the attention to include the sexual orientation in the bill of rights. The ANC has officially accepted to recognize gay and lesbian rights and to include in the bill of rights sexual orientation as an illegal motive of discrimination.768 Moreover, the political context was ideal for the activists to adopt their advocacy strategy. Likewise, other activists sought the support of influential personalities in the South African politics.
767
Christophe Broqua, « L’émergence des minorités sexuelles dans l’espace public en Afrique », « La question
homosexuelle et transgenre en Afrique », Politique Africaine, n°126, 2012, pp. 5-23. 768
Pierre de Vos, “The ‘inevitability’ of same-sex marriage in South Africa’s post-apartheid state”, South Africa Journal
on Human Rights, n°23, 2007, p. 435.
317
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
The rainbow nation has gained a foothold as a political example since the fight against apartheid under the aegis of Nelson Mandela as a precursor of L.G.B.T. rights in Africa and in the world thanks to a groundbreaking Constitution.
Paragragh 2: The fight against the homophobic social practices The main claims of activists varied between those which are the easiest to accomplish (the equality of the consent age for homosexuals and the abolition of anti-sodomy laws) to those which are controversial (the adoption and same-sex marriage). Consequently, these strategies resulted in the fact that one claim was realized, which is the age consent. Thus, it became identical between homosexuals and heterosexuals. Then, the common age of consent was 19 years old for homosexuals and 16 for heterosexuals. In 2007 (9 years following the decision of the Constitutional Court declaring the unconstitutionality of anti-sodomy law) the penal law was amended and the common age of consent became 16 for both orientations.769 In the cases brought to the constitutional Court, the national coalition for gay and
318
lesbian equality (NCGLR) concentrated on three themes related to equality: the decriminalization of sodomy, equality in terms of immigration and the equality in choosing the partner. The NCGLR contested the constitutionality of the penal law that criminalized sexual relations between same sex adults. In a unanimous judgment, the constitutional Court confirmed the decision of the invalidity based on the right to equality, dignity and the respect of privacy. The laws referred to were judged as against the Constitution as well as the common law rule that criminalizes homosexuality. The NCGLR activists brought a second case to the constitutional Court contesting the constitutionality of article 25 from the 1991 law related to the entry and stay for foreigners on the South African territory. Judge Ackermann took into consideration favorably the discrimination against homosexuals and ended up with this acknowledgment : the legislator guarantees the permit to foreign husband and spouses of south Africans and permanent resident while ignoring the case of Criminal law (sexual offences and related matters) amendment act 2007. This law has abrogated the former one:
769
Section 14(1) of the Sexual Offences Act, 1957.
English Synthesis of the study
foreigners having a stable homosexual relation with south Africans and permanent residents, operating an unfair discrimination against south African-homosexuals and their foreign partners. Such discrimination was not justified in an open democratic society based on dignity, equality and freedom. As for the third case, the NCGLR decided that the Marriage Act of 1961 is not in compliance with the Constitution, as for the persons capable of marriage. Article 30 of this law used exclusively the terms “husband” and “wife” ignoring homosexuals who want to marry. In the case of Fourie that deals with the subject of marriage between homosexuals, the south African constitutional Court declared the 1961 law unconstitutional based on the Constitution; the right of equality (article 9) and the right of dignity (article 10), judge Sachcs saw that there is no available form in the south African law that allows the two applicants or all the people in their situation to marry legally, making a break with the equal treatment of individuals. According to him, this inequality of treatment is based on an illegal criterion: the sexual orientation.
319
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
sECOND part 320
Axes of advocacy for decriminalizing homosexuality in Tunisia
English Synthesis of the study
“Advocacy originates from advocare, ‘call to one’s aid’ or to speak out on behalf of someone, as a legal counselor. Conceptually, advocacy fits into a range of activities that include organizing, lobbying and campaigning. Organizing is a broad-based activity designed to ensure that the views represented in advocacy come from those who are actually affected by the issue.770” “Lobbying derives from the Latin word loggia, a room where one would meet directly with decision makers to engage in (often private) quality discussions and debate. Compared to organizing, lobbying takes a more targeted approach and reaches out to fewer people. On the other end of the spectrum, the Latin origin for campaigning is campus, the wider battlefield. An advocacy campaign publicly promotes an agenda, involving platforms where a wide audience can hear the advocate’s message.771” In the same context of human rights, our study is situated in the framework of an advocacy in favor of L.G.B.T. rights. In fact, local associations initiate national and international actions of advocacy. These associations draw the attention of authorities to the violations of L.G.B.T. rights. This advocacy consists also in panoply of actions aiming at supporting, recommending and claiming for a cause or an idea related directly to L.G.B.T. rights. In Tunisia, the main goal of L.G.B.T. rights activists’ advocacy is to claim for the decriminalization of same-sex relationships in private between consenting adults. But, the mobilization around sexual orientation and gender identity outreaches widely this goal. In fact, activists’ demands are mainly based on eliminating all forms of violence including the prohibition of anal tests used as a means of evidence772. In this context, article 230 of the P.C. that criminalizes the sodomy act is in conflict with the constitutional guarantees that basically protect homosexual individuals. The legal analysis of this article in the light of the Constitution and human rights (Section I) serves as a tool for the associations in order to conduct their advocacy which actually takes many forms (Section II). 770
Advocacy toolkit – UNICEF, a guide to influencing decisions that improve children’s lives, 2007, p. 4. Available at:
https://www.unicef.org/cbsc/files/Advocacy_Toolkit.pdf last accessed: 15 December 2019. 771
Ibid., p. 4.
772
Le collectif civil pour les libertés individuelles, Rapport sur les principales violations des libertés individuelles :
Bas les masques, mars 2019, p. 29. Available at: http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_ li_2019_version_integrale.pdf last visited on 18 July 2019.
321
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
Section I Legal basis of decriminalization Fighting against homophobia leads to an in-depth thinking with regard to article 230 of the penal Code (P.C.) (Paragraph 1), the verification of its constitutionality (Paragraph 2) and looking for tracks of criminal justice reform in order to decriminalize homosexuality (Paragraph 3).
Paragraph 1: An unjustified punishment under article 230 of the penal Code Article 230 is considered as a repressive weapon. The State uses the article to intimidate homosexuals. In addition, while verifying its constitutive elements, the act of sodomy should not be criminalized.
• Article 230, a repressive weapon Knowing that the punishment applied in order to suppress the committed act, in 322
the case of article 230, the homosexual is sentenced to life imprisonment. Hence, it is not necessarily the act which is criminalized, but worse than that, it is the identity which is suppressed. Based on this, article 230 is de facto a repressive weapon for the police who even in the absence of a sexual intercourse between same sex persons; they use other evidence to prosecute homosexuals. Thus, the risk of criminalization of the “sodomy” act which is not clearly defined by the legislature has brought about that certain elements while being legal (the use of condoms), have become as means of condemnation. Once visible, homosexuals are recognizable through a set of distinctive features that distinguish them from their fellow citizens. They can be then subjected to discriminatory practices that can vary between the criminalization of their acts and the violation of their physical integrity. Vulnerable, threatened and intimidated, homosexual individuals do not dare to denounce attacks against them out of fear that they become accused. What draws attention is the fact that article 230 is not only used to suppress
English Synthesis of the study
homosexuality but it has also become an instrument of torture. Thus, based on this article persons suspected of being homosexual are forced by a judge’s order to submit to an anal examination conducted by a forensic physician to prove their homosexuality.
• Sodomy, a victimless criminalized act The judge applies this article even when the homosexual individual was a victim of rape or physical assault. This is unconceivable with regard to the human rights system of protection; since the law treats individuals unequally in this case, and discriminates against them on the basis of sexual orientation. Consequently, the criminalization of the sodomy act violates the individual’s personal autonomy. Therefore, by considering that this is a victimless act and in many cases, the condemnation of the author of the act is uncertain. In the case of the masculine homosexuality, there are two persons; one plays the role of the active and the other plays the role of the passive. But, the judge is targeting to condemn only the passive person. Ipso facto, article 230 is illegal for reasons related to the elements of incrimination. 323
A fortiori, fighting against criminality is not a justification to violate individuals’ rights. In fact, criminal law should be a tool of repression and not a tool of revenge or an imposition of normative lifestyle.
Paragraph 2: The unconstitutionality of article 230 of the penal Code Article 230 of the P.C. is undoubtedly an unconstitutional provision and not in conformity with the international conventions ratified by Tunisia as it is confirmed by article 20 of the Constitution: “International treaties approved and ratified by the Chamber of the People’s Deputies shall be superior to laws and inferior to the Constitution.” Besides, this article presents several legal problems which consequence is to violate rights and freedoms guaranteed by the 2014 Constitution. Thus, article 230 violates the following constitutional provisions: The non-respect of privacy, the prohibition of torture, equality before the justice, the principle of nondiscrimination and equality before the law.
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
Paragraph 3: An urgent revision of the penal policy First of all, “Penal policy is a political branch concerned with improving penal legislation773” As for the expression criminal matters or areas used in this study, it refers to criminal law, criminal procedure and the law of penalties.774 Furthermore, decriminalization should go through a penal reform. As a result, this reform will either lead to a penal legislation protecting individual freedoms or to one that protects morals and dominant social values. In this case, the Commission of individual freedoms and equality has developed a report on the reforms related to individual freedoms and to equality by referring to the provisions of the 2014 Constitution, to the international standards of human rights and to the new orientations in the field of liberties and equality.775 Unquestionably, we consider that such a report is a premiere in Tunisia since it mentions among its recommendations: equality and non-discrimination on the basis of sexual orientation. It has never occurred that a law draft, either before 2011 324
or after, calls for the decriminalization of homosexuality and to punish homophobia. In addition, the Tunisian penal Code of 1913 is no longer up to date with regard to the social reality and to the international evolutions in the field of human rights. This Code does not fit in with the aspirations of the post-revolutionary Constitution based on human dignity. Hence, the enshrinement of the constitutional principle of the presumption of innocence and the rights guaranteed to the arrested person “humanize” the conduct of the penal trial. Thus, in this case the principle of the human dignity is respected.776 In the light of what we have analyzed concerning the penal legislation that requires an urgent revision in order to respond to the daily and the systematized 773
Richard F. Wetzell, Inventing the Criminal: A History of German Criminology, 1880-1945, University of North
Carolina Press, United States, 2003, p. 16. 774
Paul Laurent, L’incohérence des lois de circonstances en matière pénale, Editions L’Harmattan, Paris, 2018, p. 16.
775
Presidential Decree n° 2017-111 of 13 August 2017, the Official Gazette, n° 65 of 15 August 2017, p. 2613 (in
French). 776
Article 27 of the 2014 Constitution: “A defendant shall be presumed innocent until proven guilty in a free trial
where he or she is granted all guarantees of the right of defense throughout all phases of prosecution and trial.” Article 29: “No person may be arrested or detained unless in flagrant delicto or by virtue of a judicial order. The person placed under arrest shall be immediately informed of his or her rights and the relevant charges. The person may appoint a lawyer to represent him or her. The period of arrest and detention shall be defined by law.”
English Synthesis of the study
violations of the human rights of homosexual individuals, we suggest the following: - The abrogation of article 230. The sodomy act shall not be the object of a penal provision. Same sex relationships in private and between consenting adults should be decriminalized. - The penal Code should be purified from every provision susceptible to be used by authorities to prosecute homosexuals, such as acts criminalized under the expression: “indecent assault and gross indecency”. - The abrogation of the homophobic laws or the provisions discriminating against homosexuals. - Criminalizing homophobia by adopting general provisions to fight against discrimination including discrimination on the basis of sexual orientation and gender identity. - Considering as aggravating circumstances homophobic and transphobic attacks.
Section II The situation of L.G.B.T. activism Freedom of association is particularly illustrated through article 35 of the 2014 Constitution, guaranteeing the freedom to form associations. In addition, freedom of association is the essence of the work of associations, so that they can convey a culture of human rights. A freedom, from the outset, is reinforced with the adoption of the decree-law related to associations. - L.G.B.T. associations: “These are (…) associations, openly presenting themselves as LGBTQI++.” As examples, there are Chouf, Damj, Kelmty, Mawjoudin, and Shams. Not to be confused with “generalist” associations or associations that have been specialized in specific topics, covering among other things aspects related to LGBTQI++ causes.” These include the Tunisian Association Defending Individual Liberties (A.D.L.I.), Association for the Promotion of the Right to Difference (A.D.D), Tunisian Association
325
Processes of decriminalization of homosexuality | Comparative experiences and the situation in Tunisia
of the Democratic Women (A.T.F.D), Beity Association, Tunisian League of Human Rights (L.T.D.H.), the Tunisian association against sexually transmitted diseases and AIDS, Tunis, Tunisian Association of Positive Prevention (ATP+), Tunisian Association for the Support of Minorities (A.T.S.M). - L.G.B.T. movement: It is a militant production that is not necessarily formed by L.G.B.T associations, but includes “generalist” associations, and those openly defending the L.G.B.T. cause. The L.G.B.T movement is not an empirical entity that pre-exists the mobilization. Rather, it is the result of a militant work “which is part of a specific political context, and is organized as a collective response aimed at promoting and achieving a cause and common actions.” - The L.G.B.T. cause: These are the claims of L.G.B.T. individuals and associations, supporting the cause. In other words, the cause constitutes a part of the assessment of legal texts, the identification of discrimination and violence against L.G.B.T. individuals, as well as violated rights. This can be detected by reports or releases of associations, either independently, forming coalitions, 326
or collectively. The latter forms recommendations, aiming at ameliorating the situation of L.G.B.T. and realizing equal rights. - Allies: As part of the L.G. B.T. activists’ advocacy and to well plan the strategy to be adopted for its accomplishment, it is necessary to look for allies and identify the opponents. Thus, allies are organizations and individuals, who could support an association for the advocacy’s aim. “They could be organizations that could join you for this purpose, or even individuals, seeking to be “flag-bearers” in certain institutions, such as the Parliament, religious congregations, or the police, to reach your advocacy goal.” - Lobbying: “is an approach aimed at influencing the public decision or, more broadly, at assuring the promotion and defense of particular interests in relation with the public authorities.” The post-revolutionary context in Tunisia has given birth to a Constitution that ensures rights and freedoms, amongst which freedom of expression and association, representing the cornerstone for emerging L.G.B.T. associations to operate. Hence, we can talk about an enormous project characterizing the L.G.B.T. cause (Paragraph
English Synthesis of the study
1). This was accompanied by a strong resistance that should face the homophobia of the State and the society, initiating the project (paragraph 2).
Paragraph 1: The L.G.B.T. cause, an enormous project A coalition of associations, openly defending the rights of LGBTQI++, has born. Thus, “Chouf, Damj, Mawjoudine, and Shams presently constitute associative actors, claiming that the individual and his free choice are at the heart of human rights (...) associations that revive human activism its essence and raison d’être: the human, the individual.... It is a daily struggle marked by resistance to legal and social challenges. These challenges made a turning point in the cause. As for the challenges, the L.G.B.T. activists resist State’s homophobia embodied in the existing criminal laws. They are, in fact, legal challenges, that reach the core of the association, in a way that the freedom of association might be limited for diverse reasons.
Ab initio, the suppression of the behavior and sexual identity is not only based on the Article 230 of the penal code (P.C.), but it also refers to Articles 226 and 226 bis of the P.C. that condemns “infringements” based on vague and undefined concepts, such as “indecent assaults”, “indecency”, and “ attacks on public morality”. The application of the provisions of the Article 226 of P.C. violates the protection of personal data, as guaranteed by the Constitution. This reminds us of the case of the youth of Kairouan, one of whom was condemned on the basis of the aforementioned article. In fact, in the judgment, of 10 December 2015, of the Court of First Instance (CFI) in Kairouan, one of the accused young people was sentenced to six months in prison for indecent assault, on the basis of Article 226 P.C., this charge was filed because of a video footage filming sex between men found in his computer. In addition, these homophobic penal provisions limit the exercise of freedom of association. Therefore, restrictions on freedom of association constitute obstacles to the work of L.G.B.T. However, a priori, when it comes to practice, working on issues of sexual orientation and gender identity is not impossible. L.G.B.T associations work legally.
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However, “the majority do not explicitly display LGBTQI++identity in their statutes. They include in their set of objectives the protection of human rights and universal principles of equality and non-discrimination, or the promotion of sexual rights. They, also, privilege a calculated and prudent visibility.” Similarly, after 2011, homosexuality became clearly visible to in the Tunisian media and became a recurrent topic. But, it remains subject to stigma and hostility. In this regard, “the defenders of the L.G.B.T.I.Qs human rights subjected to intimidations and defamation campaigns and denigration particularly in mass media and social media, this was the case, in December 2015, of a member of Shams association who ended up seeking asylum following the indifference and inaction of the public authorities after receiving several threats of murder.” In a post-revolutionary context, the mobilization allowed L.G.B.Ts to express themselves and claim their existence. Along the same lines, there is no doubt that such a turning point was possible only through the creation of Shams association, which openly advocates for the decriminalization of homosexuality, as well as the widespread mobilization against 328
anal testing.
Paragraph 2: an enormous project is launched Activism for L.G.B.Ts rights could ipso facto generate very hostile reactions against activists and L.G.B.T.s. This is why, it is necessary to overcome the problems and examine the factors that could help the L.G.B.T. cause to move forward. First, overcoming problems goes through fundamental phases. On the one hand, it can be realized by determining the actors of the decriminalization process. It is, in fact, a range of actors. Thus, any process has its own specificities, depending
inter alia on the degree of commitment of the political and non-political actors. The main actor is the State, intervening in the process through the parliament to repeal all homophobic and discriminatory laws. In addition, the elite; academics, researchers, doctors, lawyers, and journalists are fundamental part of the process. Furthermore, the legislative action is supported by other private actors contributing to the process of decriminalization.
English Synthesis of the study
These are, of course, representatives of civil society, lato sensu, namely NGOs specialized in defending L.G.B.T. and NGOs working on the promotion and the protection of human rights. On the other hand, equally important, in emphasizing on decriminalization many strategies are adopted by the associations to support the actors in the process of decriminalization. As a consequence, activists use several advocacy methods, varying according to the degree of intensity of the strategy used to defend the cause. Either it is agitated to bring a change, or calm. In the case of being calm, the strategy is rather protective and preventive than allegeable. Once these methods have been exhausted, activists resorted to the internationalization of the cause. Furthermore, the examination of the factors which could help the L.G.B.T cause to go forward is to analyze the premises of the decriminalization of homosexuality through the different victories of L.G.B.T activists. In this context three cases confirm the evolution of the L.G.B.T. cause: The First Instance Tribunal rendered a decision on 14 February 2018777 in which the national union of imams sought to obtain a court order in the intention of closing Shams Rad, by accusing the radio of promoting immorality, threatening the family unity and the harmony of the society. The Tribunal rejected the demand of the Imams.778 The Court’s decision (Lyna-Rayan) of the First Instance Tribunal of Tunis of 9 July 2018, and for the first time in Tunisia, it was accepted to change the sex section on the birth certificate of a transsexual. In addition, there was also the judgment related the association of shams rendered by the Court of Appeal of Tunis on 17 May 2019 and which constitutes a big step in recognizing the rights of homosexual persons.779 In this judgment, the judge 777
Summary judgment of the First Instance Tribunal of Tunis n° 88184 of 14 February 2018.
وحيد الفرشيشي:19 ، المفكرة القانونية،” حكم قضائي برد دعوى نقابة األئمة ضد جمعية شمس:“انتصار لمدنية الدولة في تونس .2018 فيفري Available at: http://legal-agenda.com/article.php?id=4240 last visited on 9 September 2019. 778
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les masques, mars 2019, p. 24. 779
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The commentary of the judgment is available in Arabic: ّ المفكرة،”يحط من الكرامة اإلنسانية تجريم المثلية:230 “استئناف تونس تؤكد قانونية جمعية تطالب بإلغاء الفصل،وحيد الفرشيشي 2019 جويلية3 ،القانونية.
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recalls that Shams advocates for the protection of the sexual minorities’ rights, the elimination of discrimination and the preservation of their dignity. On another note, some politicians refuse talking about homosexuality, whereas, others have expressed a strong opposition.
However, other politicians showed their support to the cause advocating the right for everyone to control his own body. Then, as we were approaching the anticipated presidential elections, the question of individual freedoms and the one of decriminalizing homosexuality was strongly laid down during the electoral campaign. By analyzing the electoral programs of the candidates, we deduced three types of opinions concerning the question of decriminalizing homosexuality and prohibiting anal tests. If some candidates were in favor of decriminalizing, others either they were against, or they considered that this is not one of the priorities and that the kind of 330
this topics divide Tunisians.
Available at: http://legal-agenda.com/article.php?id=5710 last visited on 10 September 2019. See the commentary of the judgment in English: Wahid Ferchichi, “Tunisian Court Defends Advocacy of Homosexual Rights”, 22 August 2019, legal agenda, available at: http://legal-agenda.com/en/article.php?id=5831 last visited on 10 September 2019.
English Synthesis of the study
Conclusion While analyzing the comparative examples we noticed that except for France, the other examples of countries we examined used to punish homosexuality until recently. In fact, these laws were abrogated in the 20th century (1998 in South Africa) and in the 21st century (in 2003 in the US and in 2018 in India) The process of decriminalization was paralyzed at the beginning by tribunals which refused to repeal anti-sodomy laws in the name of requirements dictated by the so-called the conservative society. Nevertheless, they ended up by accepting the decriminalization of homosexuality on the basis of arguments drawn from the Constitution. As for the LGBT activism in the different experiences that we brought up, the role played by associations differs from one country to another. Divergence may be explained by the variety of arguments used to defend the cause and the strategies and methods used. Yet, in Tunisia the process is different because the road toward decriminalization is still long. This can be explained by several reasons, in spite of the premises of decriminalization of homosexuality that we already observed. First of all, one of the major obstacles is a legal one. Article 230 is the sword of Damocles for homosexuals. Besides, criminalizing homosexuality presents a socio-political obstacle. In fact, the work of some LGBT associations is often impeded by the authorities. That’s why many associations chose to work in the dark. Being aware that the simple abrogation of law will not be sufficient for a complete decriminalization of homosexuality, some associations started sorting the unconstitutional penal provisions because they put an obstacle to the exercise of individual and fundamental freedoms780. 780
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It is undeniable to affirm that although some obstacles exist, the freedom of association and the freedom of expression resulted in victories before Tribunals. In this case, defending the LGBT cause is perceived as the same as advocating human rights.
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English Synthesis of the study
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52
تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس:مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية
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ملخص الدراسة
Liste des entretiens - Alaa Khemiri : Avocat et activiste,12 mai 2019. - Ali Bousselmi : Co-fondateur de L’initiative Mawjoudin pour l’égalité, 9 mai 2019. - Badr Baabou : Président de Damj, l’Association Tunisienne pour la Justice et l’Egalité, 30 mai 2019. - Hafidha Chekir : Professeure de Droit public à la FDSPT et membre de l’ATFD, Viceprésidente de la FIDH, 10 juillet 2019. - Mounir Baatour : Avocat et président de l’Association Shams, 30 avril 2019. - Rahma Essid : Secrétaire générale de l’Association des Libres Penseurs, 14 et 15 mai 2019. - Salwa Hamrouni : Professeure de Droit public à la FSJPST et membre de la COLIBE, 29 juin 2019. - Sélim Daghari : Doctorant et enseignant en Droit public à la FSJPST, 16 mai 2019. - Yamina Thabet, Présidente de l’Association Tunisienne de Soutien aux Minorités, 1er juin 2019.
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مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
املراجع
49
ملخص الدراسة
من خالل دراسة التجارب المقارنة الحظنا أن القضاء مثل في عديد الحاالت عائقا أمام مسار الغاء تجريم المثلية الجنسية لرفضه إلغاء القوانين التمييزية والمعادية للمثلية بإسم حماية القيم اإلجتماعية المحافظة والتي كانت تحدد مضمون الحريات الفردية تارة والتعترف بالفرد وحريته الشخصية تارة أخرى. لكن مع اصرار المناضلين والمناضالت في مجال الدفاع عن حقوق المثليين ،قبلت المحاكم العليا والدستورية بالغاء تجريم المثلية على أساس الحقوق والحريات المضمونة بدساتير الدول األربع التي قمنا بتحليل مساراتها في التجريم وإلغائه. أما عن نشاط الجمعيات المدافعة عن حقوق المثليين في هذه البلدان ،كان الفيصل في تحديد مصير المثليين والمثليات من خالل الدور الريادي والمؤثر الذي قامت به هذه الجمعيات خاصة للتأثير على صانعي القرار واقحام القضية في المجال السياسي. أما في مايتعلق بالتجربة التونسية وعلى الرغم من وجود العوائق القانونية كالفصل 230من المجلة الجزائية ،فإن ذلك لم يجعل من نشاط الجمعيات المطالبة بإلغاء تجريم المثلية غير قانوني بل واصلت كفاحها إلى أن ظهرت بوادر الغاء التجريم من خالل االنتصارات القضائية التي حققتها 48
ولو أنها ضئيلة فهي التي تقوي من عزيمة المثليين لمواصلة النضال خاصة وأن أحد هذه األحكام اعترف بالنشاط الذي تقوم به الجمعيات كجمعية شمس وبحقها الدستوري للمطالبة بإلغاء التمييز ضد األقليات الجنسية وحفظ كرامتها. ومن دون أدنى شك ،تبقى حرية التعبير وحرية الجمعيات السالح القانوني والدستوري للمثليين لتقوية حمالت المناصرة وكسب تأييد الرأي العام والدخول في نقاشات وحوارات مع صانعي القرار للمطالبة بالغاء تجريم المثلية في إطار حماية حقوق اإلنسان وتذكير الدولة بواجباتها الدستورية وبإلتزاماتها الدولية التي تفرض عليها أن تكرس وأن تعترف بالحريات الفردية لكل األشخاص بدون تمييز.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
الخاتمة الغاء تجريم مسارات املثلية الجنسية
47
ملخص الدراسة
.3الحكم الصادر عن المحكمة اإلبتدائية بتونس في 14فيفري 87 2018في إطار الدعوى التي قامت بها نقابة األئمة ضد جمعية شمس لطلب إغالق إذاعة “شمس راد” متهمة إياها بنشر الرذيلة وتهديد وحدة العائلة والتوازن بين أفراد المجتمع .لكن المحكمة رفضت دعوى النقابة.
88
46
Jugement en référé du Tribunal de première instance de Tunis n° 88184 du 14 février 2018.
87
وحيد الفرشيشي“ :انتصار لمدنية الدولة في تونس :حكم قضائي برد دعوى نقابة األئمة ضد جمعية شمس” ،المفكرة القانونية 19 ،فيفري .2018
Disponible sur: http://legal-agenda.com/article.php?id=4240 page consultée le 9 septembre 2019. Le collectif civil pour les libertés individuelles. Rapport sur les principales violations des libertés individuelles, Bas les masques, mars 2019, p. 24.
88
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
أدت مقاومة المدافعين والمدافعات عن حقوق المثليين إلى إقحام موضوع المثلية الجنسية في الخطاب السياسي .وقد أدى ذلك إلى كسب الرهان في بعض األحكام القضائية ،باإلضافة إلى دعم البعض من السياسيين للقضية في العلن. عبر البعض من السياسيين وخاصة في برامجهم اإلنتخابية وذلك بالنسبة للمترشحين لالنتخابات الرئاسية المبكرة التي أقيمت في أكتوبر 2019عن مساندتهم لقضية حقوق المثليين وتعهدوا بالسعي لمنع الفحوصات الشرجية القسرية وبطلب إلغاء الفصل 230من المجلة الجزائية .لكن الشق اآلخر من السياسيين تبنى موقفين ،األول تجنب الخوض في الموضوع معتبرا اياه غير ذي أولوية في الوقت الراهن الذي تواجه فيه تونس مشاكل إقتصادية واجتماعية وأما الثاني فعبر عن رفضه التام إللغاء تجريم المثلية ولمنع الفحوصات الشرجية.
84
أما بالنسبة للقضاء ،فقد بينت بعض األحكام القضائية مساندتها لمناهضة رهاب المثلية القانونية واإلجتماعية .نذكر في هذا الصدد ثالثة أحكام صدرت بين 2018و:2019 .1الحكم الصادر في 17ماي 2019عن محكمة اإلستئناف بتونس والذي أقر الحكم اإلبتدائي الصادر في 2016عن المحكمة اإلبتدائية بتونس والذي حكم لصالح جمعية شمس لتواصل ممارسة نشاطها بصورة قانونية بعد محاولة الحكومة حل هذه الجمعية في مناسبتين .وفي حكمها اإلستئنافي ،ذكر القاضي بأن شمس تقوم في إطار نشاطها بالدفاع عن األقليات الجنسية وتسعى إللغاء التمييز ضدهم وحفظ كرامتهم وهو ما اعتبره أمرا مشروعا.
85
45
.2الحكم الصادر عن المحكمة اإلبتدائية بتونس في 9جويلية 2018والذي أجاز تغيير عالمة الجنس في رسم الوالدة بالرغم من التغيير اإلرادي للجنس وأصبح اإلسم ريان بعد أن كان اإلسم منذ الوالدة لينا .وفي هذا بداية اعتراف بالهوية الجندرية.
86
Voir à ce niveau, le Rapport élaboré et publié par Le collectif civil pour les libertés individuelles (CCPLI) et
84
l’Observatoire Tunisien de Droit à la Différence (OT3D) : « Les libertés individuelles et l’égalité dans les campagnes électorales 2019, Tunis, octobre 2019, en trois langues, disponible sur le lien suivant : http://www.adlitn.org/sites/ default/files/1._rapport_lib_indiv_dans_les_campagnes_electorales_de_2019_version_integrale.pdf Cour d’appel de Tunis, jugement en référé, n°37442/5 du 17 mai 2019.
85
Voir le commentaire du jugement en arabe : ّ يحط من الكرامة اإلنسانية» ،المفكرة القانونية، وحيد الفرشيشي« ،استئناف تونس تؤكد قانونية جمعية تطالب بإلغاء الفصل :230تجريم المثلية 3جويلية .2019
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86
محمد أمين الجالصي“ ،حكم قضائي تونسي بشأن “التحول الجنسي” :الهوية الجندرية بين حماية الحياة الخاصة وحماية النظام العام” ،المفكرة القانونية 7 ،سبتمبر .2018
http://www.legal-agenda.com/article.php?id=4793 Page consultée le 14 juillet 2019.
ملخص الدراسة
الفقرة الثانية :احداث دينامكية في اطار المشروع الضخم إن النشاط في إطار الدفاع عن حقوق المثليين يمكن أن يولد بحكم الواقع ردود فعل عدائية ضد المثليين وخاصة الناشطين منهم في مجال حقوق اإلنسان .وكنتيجة لذلك ،يواجه المثليون والمثليات االضطهاد بطلب اللجوء لدول أوروبية تحميهم في ظل غياب حماية الدولة وهو ماقام به مؤخرا في نوفمبر 2019المحامي ورئيس جمعية شمس وذلك على إثر تلقيه عدة تهديدات بالقتل. ولذلك وفي هذا اإلطار البد من إبراز كيف يمكن تجاوز المشاكل التي يتعرض لها الناشطون والناشطات بهدف التقدم بقضية حقوق المثليين. أوال ،لتجاوز الصعوبات البد من المرور بعديد المراحل وأولها البحث عن الفاعلين األساسيين في مسار الغاء التجريم .يتكون الفاعلون من السياسيين وغير السياسيين .وبطبيعة الحال أول فاعل هي الدولة من خالل البرلمان ،خاصة وأنه المسؤول األول عن إلغاء التشريعات التمييزية والمكرسة لرهاب المثلية .ومن بين الفاعلين غير السياسيين نجد النخبة أي الجامعيين والباحثين في إطار التعليم العالي والبحث العلمي واألطباء والمحامين والصحافة. باإلضافة لذلك مايخلق دينامكية في هذا المشروع الضخم هو الضغط من قبل المجتمع المدني 44
على من يملكون سلطة المبادرة التشريعية للمشاركة في مسار إلغاء تجريم المثلية .فممثلو المجتمع المدني من جمعيات ذات صبغة عامة تدافع عن حقوق اإلنسان وجمعيات الدفاع عن حقوق المثليين يمكن لها أن تتضامن وأن تطلب خبرة المنظمات الدولية غير الحكومية في هذا المجال لتدعيم المناصرة من أجل حقوق المثليين. ومن الجدير أيضا أن نسلط الضوء على اإلستراتيجيات التي تتبناها الجمعيات للضغط على الفاعلين األساسيين في مسار الغاء التجريم .إذ يتبنى الناشطون والناشطات عديد الطرق والوسائل للدفاع عن قضيتهم .ويمكن تصنيفها حسب درجة قوتها من وسائل مواجهة تفضل التعريف بالقضية عن طريق المظاهرات في الشوارع للضغط على السلطات إلى وسائل تهدف باألساس للوقاية وللحماية كالقيام بدورات تكوين للنشطاء للتوعية بحقوقهم وكيفية حماية أنفسهم في صورة اإليقاف .وعند استنزاف هذه الوسائل ،تقوم الجمعيات بدولنة القضية للتعريف بالعراقيل والمشاكل التي يواجهونها خاصة في ظل تعنت الدولة وعدم اإلستجابة لمطالبهم وتواصل تعسف السلط في استعمال الوسائل القانونية المخالفة للدستور ضدهم. ثانيا ،من بين العوامل التي ستقودنا إلى التقدم بالقضية هو تحليل بوادر الغاء التجريم وهي تلك التي تتمثل في االنتصارات التي حققها الناشطون في مجال حقوق المثليين إلى حد الساعة.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
وماقد يرهب الناشطين والناشطات في مجال الدفاع عن حقوق المثليين هو استعمال السلطات لفصول قانونية أخرى إلدانتهم حتى في غياب أدلة تثبت القيام بالفعل الجنسي المجرم من ذلك الفصلين 226و 226مكرر من المجلة الجزائية ،اللذان يعاقبان «الجرائم» المبنية على مفاهيم غامضة وغير محددة مثل «التجاهر بما ينافي الحياء» و«االعتداء على األخالق الحميدة» و«التجاهر بفحش» ويقع استعمالهما في بعض األحيان للتدخل في الحياة الخاصة لألفراد وللتجسس من أجل ايجاد دليل يدين المثليين. ففي نفس القضية التي وقع فيها ادانة الشباب في القيروان ،وقع إدانة أحد المتهمين بتهمة اإلعتداء على الحياء على معنى الفصل 226من المجلة الجزائية .واعتبر القاضي أن ما وجد في حاسوب المتهم الشخصي كاف إلدانته « ،و حيث تم حجز جهاز حاسوب خزن به مقطع فيديو يظهر ذكورا يمارسون اللواط (…) بشكل يسهل نشرها وترويجها ».وذلك بالرغم من أن هذا الدليل ينتهك حرمة الحياة الخاصة لألفراد المحمية بالفصل 24من الدستور. وحتى في صورة غياب اإلدانة والتتبع ،فإن التهديد وعدم الحماية والتشفي يلحق بالناشطين والناشطات .من ذلك“ ،قامت الشرطة بتحذير أو تهديد الناجين ،بمن فيهم النساء المثليات، استغل أفراد لحملهم على سحب شكاواهم ،إذا أرادوا عدم مالحقتهم قضائيا .وفي حاالت أخرى ّ الشرطة مخاوف األشخاص ذوي الميول الجنسية المثلية والثنائية والمتحولين إلى الجنس اآلخر ومختلطي الجنس من المالحقة القضائية بغية إخضاعهم إلى االبتزاز واالستغالل وإساءة المعاملة الجنسية في بعض األوقات».83 لكن هذه العوائق وإن كانت تضعف الناشطين والناشطات للدفاع عن حقوق المثليين فإنها ال تجعل نشاط الجمعيات التي ينتمون إليها غير قانوني مادامت تنشط في إطار مقتضيات الدستور والنص المنظم للجمعيات. ومن بين اإلستراتيجيات التي تبنتها هذه الجمعيات هو الدفاع عن حقوق المثليين في إطار المناداة بإحترام حقوق اإلنسان والحريات الفردية وتكريس المساواة وعدم التمييز وحفظ الكرامة البشرية عمال بالدستور وبالنصوص الدولية لحقوق اإلنسان التي صادقت عليها تونس وذلك لكسب تأييد الرأي العام المحلي خاصة .وبذلك تكون استراتيجية مدروسة ومنظمة وتستهدف توعية كل الفئات في المجتمع المدني والسياسي على حد السواء.
83
مجدولينا مغربي :نفس المصدر
43
ملخص الدراسة
• الضغط :يهدف إلى كسب التأييد ويتمثل في كونه خطوة تسعى للتأثير على سلطة القرار أو بمفهوم أوسع لضمان الدفاع عن المصالح الخاصة لدى السلط العمومية.
79
باتت حرية التعبير واقعا في تونس ،وهي تكاد تكون المكسب األهم بعد الثورة وقد وقع تكريسها في دستور 2014مع حرية الجمعيات وهذا مكن الجمعيات المدافعة عن حقوق المثليين من أن تستعمل هذا المكسب لممارسة أنشطتها طبقا للدستور وطبقا للمرسوم المنظم للجمعيات 80والذي أسند للجمعيات مجاال أوسع للحرية من القانون السابق للجمعيات .وتندرج أنشطة هذه الجمعيات في إطار مشروع ضخم للنهوض بقضية المثليين (الفقرة .)1 رافق هذا المشروع مقاومة شاقة وذلك للتصدي لرهاب المثلية المتفشي في المجتمع التونسي وفي مؤسسات الدولة ،مما أدى إلى احداث دينامكية في إطار هذا المشروع الضخم (الفقرة .)2
الفقرة األولى :المشروع الضخم للنهوض بقضية المثليين ظهر ائتالف الجمعيات التي تناضل في العلن من أجل حقوق المثليين .وتشكل من شوف ودمج وموجودين وشمس كفاعلين أساسيين يسعون لجعل الفرد وحرية اختياره في قلب حقوق اإلنسان .إن هذه الجمعيات أعادت للنضال اإلنساني انسانيته والغاية من وجوده بالدفاع عن إنسانية الفرد.
81
ويتمثل نضال هذه الجمعيات في كونه نضال يومي يتسم بمقاومة العديد من العوائق القانونية
42
واإلجتماعية .وهو ماجعلها تصل إلى منعطف تاريخي. بالنسبة للعوائق القانونية فإن أول ماقد يجعل نشاط الجمعيات المدافعة عن حقوق المثليين شاقا هو التصدي لمعاداة الدولة للمثلية الجنسية خاصة من خالل النصوص الجزائية التي تمثل أداة ردع. فمثال في الحكم الصادر عن المحكمة اإلبتدائية بالقيروان في 2015اعتبر القاضي أحد المتهمين مثليا على أساس أن انتماءه لجمعية تدافع عن المثليين الجنسيين دليل إدانة يستوجب تطبيق الفصل 230وذلك بالعثور لديه على « جهاز حاسوب يحتوي ...مقطعا آخر يخص جمعية شمس». «وشعار جمعية لها عالقة بالمثليين جنسيا ...تنبئ عن األفعال الشاذة» على حد تعبير القاضي.
82
Marie-Laure Daridan et Aristide Luneau, Lobbying: Les coulisses de l’influence en démocratie, Pearson Education,
79
France, 2012, p. 10. 80
مرسوم عدد 88لسنة 2011مؤرخ في 24سبتمبر 2011يتعلق بتنظيم الجمعيات .الرائد الرسمي عدد 74المؤرخ في 30سبتمبر 2011ص. 1996
Jinane Limam, « Etude sur: « Les associations LGBTQI++ en Tunisie : Emergence d’un nouveau militantisme humain » » (préface du Professeur Wahid Ferchichi), Association de Défense des Libertés Individuelles, Tunis, octobre 2017, p. 12 et s. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._etude_associations_lgbtqi_fr.pdf page consultée le 20 juin 2019.
81
82
حكم جناحي ،المحكمة اإلبتدائية بالقيروان ،قضية عدد 6782بتاريخ 10ديسمبر 2015غير منشور.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
املبحث الثاني نشاط الجمعيات املدافعة عن حقوق املثليني وقع التنصيص على حرية الجمعيات بالفصل 35من الدستور الذي ينص على حرية تكوين الجمعيات .تعتبر هذه الحرية جوهر النشاط الجمعياتي حتى تتمكن هذه الجمعيات من تدعيم ونشر ثقافة حقوق اإلنسان .ووقع أيضا تدعيم هذه الحرية بإصدار المرسوم المتعلق بالجمعيات .وفي مايلي تدقيق للمصطلحات المستعملة في هذا المبحث والمتعلقة بحمالت المناصرة من أجل إلغاء تجريم المثلية. • جمعيات المثليين :أنشئت العديد من الجمعيات على إثر صدور المرسوم المتعلق بالجمعيات .وهي تتكون من نوعين :نوع أول تعتبر جمعيات تظهر في العلن بأنها المدافع عن حقوق المثليين.
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مثل دمج وكلمتي وموجودين وشوف وشمس .ونوع ثان من الجمعيات ذات الخاصية العامة ألنها تدافع عن الحريات الفردية وحقوق اإلنسان وليس فقط أو بالضرورة حقوق المثليين. ونذكر من ذلك الجمعية التونسية للدفاع عن الحريات الفردية وجمعية تفعيل الحق في اإلختالف والجمعية التونسية للنساء الديمقراطيات وجمعية بيتي والجمعية التونسية لمقاومة األمراض المنقولة جنسيا والسيدا والرابطة التونسية لحقوق اإلنسان والجمعية التونسية للوقاية اإليجابية والجمعية التونسية لمساندة األقليات.
41
• حركات المثليين :هي نتاج النشاط الجمعياتي النضالي والذي اليتكون حصريا من منظمات تدافع على حقوق المثليين بل يتكون أيضا من جمعيات عامة تدافع عن حقوق اإلنسان والحريات الفردية ومن بينها قضية المثليين والمثليات. • الحلفاء :في إطار حملة المناصرة التي يقوم بها الناشطون والناشطات من المثليين والمثليات وحتى يمكن ضبط استراتيجية ناجحة ،يجب البحث عن حلفاء ومعرفة المعارضين. ويتكون الحلفاء من الجمعيات واألشخاص الذين يساندون الجمعية في أهدافها إلنجاح حمالت المناصرة .ويمكن أن يكون الحلفاء تابعين للدولة كأعضاء البرلمان أو بعض أعوان الشرطة أو أفرادا ومؤسسات خاصة.
78
Jinan Limam, « Etude sur: « Les associations LGBTQI++ en Tunisie : Emergence d’un nouveau militantisme humain » » (préface du Professeur Wahid Ferchichi), Association de Défense des Libertés Individuelles, Tunis, octobre 2017, p. 10. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._etude_associations_lgbtqi_fr.pdf page consultée le 20 juin 2019. Amnesty international, « Oser parler. Expériences et outils de plaidoyer des militants LGBTI en Afrique
77
78
subsaharienne », 2014, p. 38. Disponible sur : https://www.amnesty.org/download/Documents/4000/afr010012014fr.pdf page consultée le 7 juillet 2019.
ملخص الدراسة
فالمجلة الجزائية الصادرة في 1913لم تعد مواكبة للواقع المجتمعي وال للتغيرات الطارئة على حقوق اإلنسان على المستوى الدولي وخاصة في مجال الحريات الفردية .فمثال وجود الفصل 230 من المجلة الجزائية اليتطابق والضمانات الدستورية والتشريعية للمتهم .فقرينة البراءة مثال والحق في محام وغيرها من الضمانات التي تحمي الكرامة اإلنسانية يلغيها الفصل .230
76
على ضوء ماتقدم نقترح مايلي: إلغاء الفصل 230من المجلة الجزائية .يجب الغاء تجريم العالقات الجنسية المقامة سرا بينراشدين برضاهما. إلغاء فصول المجلة الجزائية المتعلقة باإلعتداء على األخالق الحميدة والتجاهر بما ينافيالحياء لكونها تستعمل إليقاف وتتبع المثليين والمثليات ومتحولي الجنس حتى في صورة عدم ارتكاب فعل اللواط أو المساحقة. إلغاء النصوص الجزائية ومنها الفصول 226و 226مكرر من المجلة الجزائية التي تعاديالمثلية أو تميز على أساس التوجه الجنسي. تجريم اإلعتداءات اللفظية والجسدية على أساس التوجه الجنسي أو الهوية الجندرية.اعتبار اإلعتداءات على أساس التوجه الجنسي أو الهوية الجندرية من بين ظروف التشديد.40
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الفصل 27من الدستور”المتهم بريء إلى أن تثبت إدانته في محاكمة عادلة تُكفل له فيها جميع ضمانات الدفاع في أطوار التتبع والمحاكمة”. الفصل 29من الدستور “ال يمكن إيقاف شخص أو االحتفاظ به إال في حالة التلبس أو بقرار قضائي ،ويعلم فورا بحقوقه وبالتهمة المنسوبة إليه ،وله أن ينيب محاميا .وتحدد مدة اإليقاف واالحتفاظ بقانون”.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
الفقرة الثانية :في عدم دستورية الفصل 230 يعتبر الفصل 230من المجلة الجزائية مخالفا لعديد المقتضيات الدستورية ولإللتزامات الدولية المتعلقة بحقوق اإلنسان الكونية .خاصة و أن الفصل 20من الدستور ينص على أن: «المعاهدات الموافق عليها من قبل المجلس النيابي والمصادق عليها ،أعلى من القوانين وأدنى من الدستور». أما بالنسبة للمقتضيات الدستورية ،فوجود الفصل 230مخالف للعديد من الحقوق والحريات المضمونة بدستور :2014كالحق في حماية الحياة الخاصة (الفصل )24ومنع التعذيب والممارسات التي تتعدى على كرامة الذات البشرية (الفصل ،)23المساواة أمام القضاء (الفصل )108وعدم التمييز والمساواة أمام القانون (الفصل .)21
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الفقرة الثالثة :مراجعة عاجلة للسياسة الجنائية » السياسة الجنائية هي مجموعة الوسائل التي يستعملها المشرع للتعامل مع الظاهرة اإلجرامية«.74 في هذا السياق ،فإن الغاء تجريم المثلية يجب أن يمر بمراجعة عاجلة للسياسة الجنائية .وتتأسس هذه المراجعة على حماية الحريات الفردية وليس على حماية األخالق والقيم اإلجتماعية المهيمنة. وكمثال على ذلك قامت لجنة الحريات الفردية والمساواة بتقديم تقرير حول اإلصالحات المتعلقة بالحريات الفردية والمساواة وذلك بالرجوع إلى دستور 27جانفي 2014وإلى حقوق اإلنسان الكونية والتوجهات الجديدة في ميدان الحريات والمساواة.
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يعتبر هذا التقرير خطوة جريئة في تاريخ التشريع التونسي إذ ألول مرة في تونس يدعو محررو هذا التقرير إلى إلغاء تجريم المثلية ومراجعة فصول من المجلة الجزائية لمخالفتها الدستور وحقوق اإلنسان الكونية.
V. Wahid Ferchichi, « L’homosexualité en droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique », in Monia
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Lach`heb & Eric Fassin (dir.), Être Homosexuel au Maghreb, IRMC- Karthala, Paris, 2016, p. 187 et ss. وحيد الفرشيشي ”:في عدم مطابقة الفصل 230من المجلة الجزائية التونسية ألحكام دستور 2014واالتفاقيات الدولية المصادق عليها» ،المفكرة القانونية 30 ،سبتمبر .2015
Les termes « politique pénale et politique criminelle » sont souvent utilisés aléatoirement sans distinction dans
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le cadre des études de science criminelle. Mais, il semble que selon les différentes définitions doctrinales du » terme « politique criminelle » que celle-ci est plus large que la « politique pénale », car la « politique criminelle englobe l’activité de tous les acteurs institutionnels et pas uniquement les procédés répressifs. Cf. Mireille Delmas-Marty, Les grands systèmes de politique criminelle, PUF, Paris, 1992. 75أمر رئاسي عدد 111لسنة 2017مؤرخ في 13أوت 2017يتعلق بتسمية أعضاء لجنة الحريات الفردية والمساواة ،الرائد الرسمي عدد 65المؤرخ في 15أوت ،2017ص.2594 .
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ملخص الدراسة
يتعرضون لها خوفا من أن يتحولوا من الضحية التي يلزم على الدولة حمايتها إلى المتهم وذلك على أساس توجهه الجنسي أو هويته الجندرية المجرمة في الواقع.
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اللواط ،فعل مجرم بدون وجود الضحيةيقوم القاضي بتطبيق الفصل 230في حالة تعرض المثلي لالغتصاب أو العنف الجسدي. ويؤسس حكمه على تقرير الطب الشرعي ليدين ضحية اإلعتداء .وهو ما اليمكن تقبله خاصة في إطار ضمان وحماية حقوق اإلنسان ،حيث أنه من هذا المنطلق ال يعامل القانون األفراد على قدم المساواة ويميز بينهم على أساس التوجه الجنسي .فالضحية هنا هي المثلي الذي سيطبق عليه الفصل 230وهو الضحية أيضا ألنه سيعتدى على حقوقه بدءا بالتعدي على حرمته الجسدية مرورا بعدم قدرته على تقديم شكاية عندما يتعرض لإلعتداء أو لإلغتصاب وعدم توفير الحماية له من قبل الدولة .فهو ضحية القواعد األخالقية للمجتمع والوجود لضحية مادام الفعل المجرم قد تم برضاء الطرفين. وما يثير اإلستغراب أيضا هو أن اإلدانة تطال فقط « المثلي » السالب 71وليس الموجب وذلك باإلعتماد على أدلة مهينة وحاطة بالكرامة ويعتمد أيضا على إقرار المتهم بممارسته لـ« اللواط » منتهكا بذلك الحياة الخاصة والحميمية للفرد ،من ذلك ماقرره القاضي في حكمه الصادر عن المحكمة اإلبتدائية بالقيروان في « :2015وحيث تعززت اعترافات المتهمين بما حققه الطبيب الشرعي من أن جميعهم يحمل بدبره عالمات تعود قديم على اللواط السلبي و ظهور آثار
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داخل الشرج تدل على إيالج عضو كالذكر في األيام األخيرة .» 72فأين الضحية في هذه الحالة؟ هل هو الموجب أم السالب؟ أال يعد هذا تدخال في اإلرادة الشخصية للفرد وفي حياته الخاصة والحميمية؟ وبالتالي مايمكن أن نستخلصه هو أن جريمة الفصل 230غير مكتملة العناصر وأنه اليحق للدولة التدخل في اختيارات األفراد .وحتى ولو فرضنا أن العقوبة في إطار القانون الجزائي هي حماية للمجتمع وللفرد فإنها اليمكن أن تصبح أداة تشف من الفاعل أو انتقاما منه أو أن تفرض نمط حياة معين تحدده مسبقا الضوابط اإلجتماعية واألخالقية والدينية على حساب الحريات الفردية.
70
يجرم الفصل 230فعل اللواط والمساحقة بينما تجريم الهوية الجنسية والجندرية والتوجه الجنسي هو تجريم في الواقع من خالل الممارسات اليومية للسلطات والتطبيق الفقه قضائي الذي توسع في تفسير الفصل 230ليتجاوز تجريم الفعل إلى تجريم السلوكيات والمظهر.
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التطبيق الفقه قضائي « التقليدي » للفصل 230يفسر « اللواط » على أساس أنه عالقة جنسية بين شخصين راشدين أحدهما موجب واآلخر سالب « ،جريمة الفصل 230من القانون الجنائي إن ثبتت تستلزم وجود طرفين باعتبار كل منهما مسؤوال عما اقترفه ايجابيا وسلبيا». تعقيبي جزائي عدد 7335مؤرخ في 15ماي 1982نشرية محكمة التعقيب القسم الجزائي عدد 2سنة ،1983ص.ص.200-199 .
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حكم جناحي ،المحكمة اإلبتدائية بالقيروان ،قضية عدد 6782بتاريخ 10 ،ديسمبر 2015غير منشور.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
املبحث األول العناصر القانونية اللغاء التجريم إن مناهضة رهاب المثلية يحيلنا على قراءة الفصل 230من المجلة الجزائية لتقييم العقوبة الموقعة على فعل اللواط (الفقرة )1لنتساءل على دستوريته (الفقرة )2ونبحث عن العناصر الالزمة إلصالح السياسة الجنائية (الفقرة .)3
الفقرة األولى :في عدم وجاهة عقوبة الفصل 230 يعتبر الفصل 230وسيلة ردعية ،تستعملها الدولة لمضايقة المثليين والمثليات .باإلضافة لذلك عند تفحص عناصر الفعل المجرم ،نستنتج أنه الشيء يبرر العقاب الموقع على فعل اللواط. الفصل 230وسيلة ردعإن عقوبة السجن الموقعة على فعل اللواط والتي تتمثل في السجن تجعل من المثليين والمثليات في تهديد مستمر فوجود هذا النص يبرر المضايقات واإليقافات التعسفية للمثليين من قبل السلط .فمجرد تجريم العالقات الجنسية المثلية يهدد الحق في الحياة واألمان والحق في الحرية باألساس .لذلك يمكن أن نعتبر أن الفصل 230اليجرم بالضرورة الفعل بل الهوية الجنسية والجندرية .فمجرد وجود مثل هذه المقتضيات يسمح للسلطات بمضايقة وتهديد وابتزاز المثليين والمثليات حتى في حالة عدم ثبوت عالقة جنسية بين شخصين من نفس الجنس .وبالتالي يصبح الفصل 230أداة ردع يفتح المجال أمام أعوان الشرطة لتتبع المثليين والمثليات ومتحولي الجنس على أساس أدلة أخرى. لذلك فإن تجريم فعل « اللواط » تحت طائلة الفصل 230جعل من بعض األفعال كاستعمال الواقي الذكري وسيلة إدانة .وفي نفس الوقت تستعمل السلطات دليل إثبات غير قانوني كالتحليل الشرجي بالرغم من أنه إعتداء على الحرمة الجسدية تحت التهديد وبدون موافقة الموقوف للحصول على أدلة مادية تدينه .ويعد الفحص الطبي إلثبات ممارسة « اللواط » أيضا ضربا من التعذيب المعنوي الذي يتعرض له الموقوف في مراكز اإليقاف وتقع إهانته بالكشف قسراعن أماكن حساسة من جسده أمام الطبيب الشرعي الملتزم بأخالقيات المهنة. ومن ناحية أخرى وحتى في صورة عدم القبض على شخصين مثليين يمارسان الجنس .فقد « قال رجال مثليون في تونس لمنظمة العفو الدولية إنهم اعتُقلوا ال لشيء إال ألن مظهرهم « أنثوي » أو ألنهم شوهدوا وهم يتحدثون مع رجال في منطقة معروفة لدى الشرطة بتردد المثليين عليها .»69وهو مايجعل أفرادا من المثليين يرفضون التبليغ عن االعتداءات التي 69
مجدولينا مغربي« :تحدي محر ُمات رهاب المثلية في تونس» 30 ،سبتمبر 2015 ،منظمة العفو الدوليةhttps://www.amnesty.org/ar/latest/ . /news/2015/09/challenging-tunisias-homophobic-taboos
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ملخص الدراسة
المناصرة هي الدفاع عن فكرة أو قضية تقع بلورتها في إطار طرق وإستراتيجيات للتأثير على اآلراء والقرارات التي يتخذها األشخاص والمنظمات .تتخذ المناصرة أشكاال متعددة منها الضغط على صانعي القرار وذلك مثال بتنظيم لقاءات تهدف لوضع حد للسياسات التمييزية خاصة تلك المبنية على الجندر أو على أساس التوجه الجنسي. وقد يقع استعمال وسائل االتصال الحديثة إلنجاح المناصرة وكسب تأييد الرأي العام مثال التعريف بالقضية على وسائل التواصل اإلجتماعي كالفايسبوك .وذلك كأن «تعمل مجموعات مناصرة القضايا على تعبئة الرأي العام اإللكتروني نحو قضية معينة بهدف حشد التعاطف وخلق اتجاه مؤيد نحو القضية أو المطالب التي يدعون إليها».67 ومن خالل هذه الدراسة ،تتنزل المناصرة في إطار الدفاع عن حقوق المثليين لحشد الجمعيات الوطنية والدولية ولفت انتباه السلطات إلى وجود التجاوزات التي تنتهك حقوق المثليين. ويتمثل الهدف األساسي من هذه المناصرة طلب إلغاء تجريم العالقات الجنسية في السر بين راشدين من نفس الجنس برضائهما .هذا ويطالب أيضا الناشطون والناشطات بوضع حد لكل أشكال العنف والتعذيب واإلهانة للمثليين والمثليات ومن ذلك إلغاء استعمال الفحوصات الشرجية كوسيلة اثبات.
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هذا ويعتبر الفصل 230من المجلة الجزائية الذي يجرم اللواط والمساحقة مخالفا للدستور ولحقوق اإلنسان (المبحث األول) وهو المنطلق القانوني األول الذي نستند عليه في حملة المناصرة إللغائه .وبالتالي وبمقارنة هذا النص الجزائي وغيره من النصوص األخرى التي تستعمل إلدانة المثليين بالدستور وحقوق اإلنسان ،يمكن ايجاد الوسائل التي تمكن الجمعيات من تنظيم حملة المناصرة التي تتخذ عدة أشكال (المبحث الثاني).
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محمد مصطفى رفعت ،الرأي العام في الواقع االفتراضي وقوة التعبئة االفتراضية Al Arabi Publishing and Distributing،القاهرة ،2018 ،ص.158 .
Le collectif civil pour les libertés individuelles, Rapport sur les principales violations des libertés individuelles : Bas les masques, mars 2019, p. 29. Disponible sur : http://www.adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_etat_des_li_2019_version_integrale.pdf page consultée le 18 juillet 2019.
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مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
الغاء تجريم مسارات الجزء الثاني املثلية الجنسية أدوات املناصرة اللغاء تجريم املثلية يف تونس
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ملخص الدراسة
اعتبر القاضي أكرمان Ackermannأن القانون يتضمن تمييزا ضد المثليين والمثليات ألنه يضمن اسناد رخصة اإلقامة لألزواج األجانب من الغيريين فقط ويحرم بطريقة غير مباشرة المثليين والمثليات من اسنادهم رخص اإلقامة .اعتبرت المحكمة في قرارها أن هذا التمييز اليمكن تبريره في مجتمع ديمقراطي متفتح والذي يتأسس على الكرامة والمساواة والحرية. أما القضية الثالثة وهي المتعلقة أيضا بالمساواة ،قام خاللها نشطاء االئتالف الوطني للمثليين والمثليات للمساواة بالطعن في دستورية قانون الزواج المؤرخ في سنة 1961وذلك لمنحه الحق في الزواج حسب الفصل 30للزيجات بين المرأة والرجل متجاهال المثليين والمثليات الذين يرغبون في الزواج. ففي قرار فوري Fourie66بتاريخ ديسمبر ،2005حكمت المحكمة الدستورية بأنه مخالف للدستور واحدا لتصحيح القانون. أن تمنع الدولة على األزواج المثليين الحق في الزواج ،وأعطت البرلمان عا ًما ً وفي 30نوفمبر ،2006دخل قانون االتحاد المدني حيز التنفيذ. ولتبرير موقفها من القانون ارتكزت المحكمة على الفصول التالية من الدستور :الفصل 9المتعلق بالمساواة والفصل 10المتعلق بالحق في الكرامة .وأكدت على أن وجود هذا القانون هو خرق للمساواة بين جميع األفراد وأن هذا يؤدي إلى الالمساواة في التعامل على أساس سبب غير قانوني وهو :التوجه الجنسي. 34
Minister of Home Affairs and Another v. Fourie and Others, with Doctors for Life International (first amicus curiae), )John Jackson Smyth (second amicus curiae) and Marriage Alliance of South Africa (third amicus curiae), 2006 (3 BCLR 355 (CC) ; 2006 (1) SA 524 (CC), ci-après Fourie.
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مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
وبعد انتهاء نظام الفصل العنصري ،كانت الفرصة سانحة للنشطاء المثليين إلقتحام المجال السياسي من أجل المطالبة بالمساواة في الحقوق وذلك تحت قيادة نيلسون مانديال ،الذي قاد النضال ضد نظام الفصل العنصري في جنوب أفريقيا ،كما ساند حركات المثليين في الكفاح من أجل الحرية والمساواة والعدالة وجميع الحقوق األساسية لإلنسان.
الفقرة الثانية :المطالبة بإلغاء القوانين المعادية للمثلية قام الناشطون المثليون والمثليات بتصنيف مطالبهم حسب أهميتها ومدى قابلية تحقيقها على المدى القصير كالمطالبة بالمساواة في سن الرضا بين المثليين والغيريين وإلغاء القوانين المجرمة للواط .وتلك التي التزال محل جدال كالتبني والزواج بين األشخاص من نفس الجنس. وكنتيجة لذلك ،أدت هذه اإلستراتيجيات إلى إرساء المساواة في سن الرضا بين المثليين والغيريين بموجب «قانون تعديل القانون الجنائي (الجرائم الجنسية والمسائل ذات الصلة)» .إذ كان سن الرضا 19سنة بالنسبة للمثليين و 16سنة بالنسبة للغيريين. ففي سنة 2007أي تسع سنوات بعد أن قضت المحكمة الدستورية بعدم دستورية القانون المجرم للواط ،وقع تغيير القانون الجنائي ليصبح سن الرضا 16سنة بالنسبة للمثليين وللغيريين.
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أما في ما يتعلق بالغاء تجريم المثلية ،فقد قام االئتالف الوطني للمثليين والمثليات للمساواة National Coalition for Gay and Lesbian Equalityبالطعن في دستورية القانون المجرم للعالقات بين األشخاص من نفس الجنس .وقد ركز على ثالثة محاور أساسية تتعلق بالمساواة: الغاء تجريم المثلية والمساواة في مجال الهجرة والمساواة في اختيار القرين. فأما بالنسبة لدستورية القانون الجزائي المجرم للعالقات الرضائية بين راشدين في السر ،فقررت المحكمة الدستورية أن القانون غير دستوري ألنه يمس من الحق في المساواة والحق في الكرامة والحق في حماية الحياة الخاصة .وبالتالي ،قررت بأن هذا القانون مخالف للدستور.
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وفي نفس السياق ،قام نشطاء االئتالف الوطني للمثليين والمثليات للمساواة بدعوى قضائية أمام المحكمة الدستورية للطعن في دستورية الفصل 25من قانون سنة 1991المتعلق بدخول وإقامة األجانب في جنوب إفريقيا.
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Criminal law (sexual offences and related matters) amendment act 2007. Cette loi a aborgé la loi ancienne Section
63
14(1) of the Sexual Offences Act, 1957. National Coalition for Gay and Lesbian Equality and Another v. Minister of Justice and Others, 1998 (12) BCLR 1517
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)(CC), 1999 (1) SA 6 (CC National Coalition for Gay and Lesbian and Others v. Minister of Home Affairs and Others II, 2000 (1) BCLR 39 (CC),
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2000 (2) SA 1 (CC). Les affaires portées par la coalition devant la Cour constitutionnelle sont citées l’article d’Alexander Abotsi, « De la régulation des choix de société par la promotion des droits fondamentaux. Les enseignements de la Cour constitutionnelle sud-africaine », Revue juridique Thémis, n°43, 2009, pp. 426-427.
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ملخص الدراسة
املبحث الرابع جنوب إفريقيا ،التوجه الجنسي واملثليني تعتبر جنوب إفريقيا من أكثر البلدان تسامحا مع المثليين في القارة اإلفريقية ،إذ أصدرت في 1996دستورا في مرحلة ما بعد إلغاء الفصل العنصري يعد األول في العالم الذي يقوم بحظر التمييز على أساس التوجه الجنسي آنذاك وهو في مرحلة متقدمة خاصة بالمقارنة بالعقلية السائدة.
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ومايميز مسارات الغاء تجريم المثلية في جنوب إفريقيا هو أن النضال من أجل المطالبة بحقوق المثليين تزامن مع حركات مناهضة نظام الفصل العنصري (األبارتيد). إلى حين إلغاء نظام الفصل العنصري ،واجه المناضلون في تحركاتهم تحديات كبيرة منها رهاب المثلية الذي تكرسه الدولة (الفقرة .)1ثم ،تحول النضال ضد مجتمع يمارس رهاب المثليين والمثليات خاصة (الفقرة .)2
الفقرة األولى :النضال ضد سياسة الدولة المكرسة لرهاب المثلية تشكل في جنوب إفريقيا نوعان من الجمعيات الناشطة في مجال حقوق المثليين .إذ تأسست 32
عدة جمعيات جنوب افريقية معنية بالدفاع عن حقوق المثليين ،منها من تجنب في البداية اتخاذ موقف رسمي بشأن األبارتيد واكتفى بالدفاع عن حقوق المثليين والمثليات كرابطة المثليين في جنوب أفريقيا .في حين تأسست «منظمة راند غاي» Rand Gay Organizationوالتي ظهرت كمنظمة متعددة األعراق ومعارضة لنظام األبارتيد ومدافعة عن حقوق المثليين في اآلن ذاته. ومن جهة أخرى ،قام النشطاء من المثليين والمثليات بالضغط على المؤتمر الوطني اإلفريقي وخاصة بدعم من المناضل الرمزي ادوين كامرون Edwin Cameronوهو محام قام بإشهار مثليته للعلن والتحق بالمجلس الوطني في سنة .1991 وباإلضافة لذلك ،طالبت الحركات اإلجتماعية للمثليين والمثليات بالتعاون مع اإلئتالف السياسي بإدراج التوجه الجنسي ضمن وثيقة الحقوق وبالتالي التنصيص عليه كسبب غير قانوني للتمييز.
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هذا وقد استغل النشطاء المثليون الوضع السياسي المالئم لالصطفاف إلى جانب حزب المؤتمر الوطني االفريقي ودعم المقاومة الداخلية ضد األبارتيد مع األشخاص الذين يريدون التركيز على حقوق المثليين فقط لتبني استراتيجية المناصرة .لذلك قام النشطاء المثليون والمثليات بالبحث عن دعم الشخصيات السياسية المؤثرة في السياسة الجنوب إفريقية. 61صدر من قبل الرئيس المنتخب في 1994نيلسون مانديال في 10ديسمبر ،1996ودخل حيز التنفيذ في 4فيفري .1997
Pierre de Vos, “The ‘inevitability’ of same-sex marriage in South Africa’s post-apartheid state”, South Africa Journal
62
on Human Rights, n°23, 2007, p. 435.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
ففي عام ،2009حكمت محكمة دلهي العليا في قضية مؤسسة ناز ضد حكومة دلهي بعدم دستورية الفصل 377النتهاكه المباشر للحقوق األساسية المنصوص عليها في الدستور الهندي. لكن الحكومة أبدت معارضة تامة لهذا الحكم معتبرة أن المثلية الجنسية في الهند تعتبر غير أخالقية .وسعت لنقض هذا الحكم أمام المحكمة العليا للهند والتي أصدرت قرارها في 11ديسمبر ،2013حيث ألغت ماقررته محكمة دلهي العليا لعام 2009الذي يلغي تجريم النشاط المثلي بالتراضي معتبرة أن ذلك ليس من اختصاصها .بالتالي وقع اعادة تجريم المثلية واإلقرار بأن الفصل 377دستوري.
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ومن بين حججها لدعم دستورية الفصل 377أنه لم يقع تطبيقه في 150عاما إال على 200 شخص من المثليين. لم يحبط هذا القرار عزائم المدافعين عن حقوق المثليين الذين واصلوا وقبلوا التحدي إلى أن قررت المحكمة العليا للهند في 6سبتمبر 2018أن الفصل 377غير دستوري.
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والمثير لإلهتمام هو أن المحكمة عادت لقرار المحكمة العليا بدلهي لتعيد التأكيد على نفس الحقوق التي يخرقها الفصل 377وهي :المساواة أمام القانون وعدم التمييز وحماية الحياة والحرية الفردية وأهم ماجاء بهذا القرار القضائي التاريخي الذي توج به مسار الغاء تجريم المثلية في الهند هو أن «التاريخ مدين باالعتذار لهؤالء الناس وعائالتهم .المثلية الجنسية جزء من الحياة الجنسية البشرية .لديهم الحق في الكرامة والحماية من التمييزُ .يسمح باألفعال الجنسية الرضائية للبالغين في مجتمع المثليين » و«من الصعب تصحيح الخطأ من خالل التاريخ .ولكن يمكننا أن نضع المسار للمستقبل .تنطوي هذه الحالة على أكثر من مجرد تجريم المثلية الجنسية .إنه يتعلق باألشخاص الذين يريدون العيش بكرامة ».عالوة على ذلك ،قضت المحكمة العليا بأن أي تمييز انتهاكا للدستور الهندي« :التوجه الجنسي هو واحد من العديد من على أساس التوجه الجنسي يعد ً الظواهر البيولوجية الطبيعية والتي هي متأصلة في الفرد والتي تسيطر عليها العوامل العصبية والبيولوجية».
()Suresh Kumar Kaushal vs Naz Foundation and others
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Ananya Das, “Analysis of LGBT rights in India”, International Journal for Emerging Research and Development, vol. 1, Issue 2, pp. 10-14. )Navtej Johar v. Union of India. The Supreme Court of India, criminal original jurisdiction writ petition (criminal
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n° 76 of 2016. https://www.sci.gov.in/supremecourt/2016/14961/14961_2016_Judgement_06-Sep-2018.pdf
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ملخص الدراسة
وفي نفس السياق ،فإن الحديث عن المثلية هو من المواضيع المحرمة والتي تتجنب الحكومة الخوض فيها .لذلك فإن الحوار الوطني حول موضوع الجنس بصفة عامة نادرا مايقع التطرق إليه أمام العموم. في سنة ،2001قامت جمعية Naz Foundationالموجودة بدلهي بدعوى أمام المحكمة العليا بدلهي إللغاء الفصل 377وساندتها في ذلك عديد الجمعيات الناشطة في مجال حقوق مجتمع المثليين والمدافعين عن حقوق اإلنسان. لكن ذلك كان بدون جدوى ،إذ تمسكت المحكمة بحجج الحكومة التي تعتبر المثلية قادمة من الغرب ودخيلة عن الثقافة الهندية وأن القانون الجزائي من خالل هذا الفصل يسعى لحماية النظام اإلجتماعي وتفادي الشذوذ الجنسي خاصة تجاه األطفال.
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يحيلنا هذا على التذكير بأن النضال الجمعياتي يعتبر القوة الدافعة لخروج المثليين للعلن .وهو مامكن أيضا تمتعهم بالخدمات الصحية ومن المشاركة في التظاهرات اإلجتماعية. من أول الجمعيات التي نادت بإلغاء الفصل 377هي AIDS Bhedbhav Virodhi Andolanعلى أساس أنه تعد على الحياة الخاصة لألفراد .لكن الجمعية التملك الموارد الكافية لتكلف محام يتابع القضية في كامل أطوراها فلم تكلل المحاولة بالنجاح ووقع رفض الدعوى.
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إن صعوبة وطول مراحل مسار الغاء التجريم يرتبط ارتباطا وثيقا بمضمون المطالب وبالوسائل المستعملة وبالمقاومة خاصة وأن الجمعيات الناشطة في مجال حقوق المثليين والمثليات أصرت على طلب إلغاء الفصل 377من خالل ممارستها لحقها في التقاضي لمدة دامت من 1994إلى 2018سنة اإلنتصار.
الفقرة الثانية :مسار الغاء التجريم ،ال يخلو من المقاومة يمكن القول بأن الهدف الرئيسي اللغاء التجريم لم يكن فقط حول إلغاء الفصل 377بل تعلق أيضا بطلب اإلعتراف بالهوية الجنسية كما هو الحال في الواليات المتحدة .حيث طالب الناشطون والمدافعون عن حقوق المثليين عند خروجهم للعلن باإلعتراف بهم وبوضع حد للمضايقات اليومية من قبل أعوان الشرطة وبوضع حد للممارسات التمييزية .لذلك قامت عديد الجمعيات وعلى رأسها جمعية مؤسسة ناز Naz Foundationبمحاولة أخرى لطلب إلغاء الفصل 377واإلعتراف بالحقوق الكاملة للمثليين.
Voir Joanne Csete, “India Epidemic of Abuse: Police Harassment of HIV/AIDS Outreach Workers in India”, July
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2002, Human Rights Watch, Asian Division, vol. 14, 5 (C): 19. Geetanjali Misra, “Decriminalising homosexuality in India”, Reproductive Health Matters, vol. 17, n° 34, “Criminalisation”, November 2009, pp. 22-23.
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مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
في 17ماي ،2013قرر المجلس الدستوري أن القانون دستوري .وفي 18ماي ،2013وقع الرئيس فرانسوا هوالند على مشروع القانون ليتم نشره في الجريدة الرسمية للجمهورية الفرنسية.
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وفي الختام ،يظهر البطء في مسارات الغاء التجريم في السياسات والقوانين سارية المفعول والتي حرمت المثليين والمثليات من التمتع الكامل بحقوقهم .باإلضافة لعنصرين أساسيين في المسار .األول يتعلق بالحركات اإلجتماعية المثلية التي بدأت هادئة ثم غيرت من استراتيجياتها لتخرج للعلن وتؤثر على السياسيين وصانعي القرار .أما الثاني فهو تبني المسؤولين السياسيين للقضية وتغيير وإلغاء القوانين التمييزية لضمان المساواة الكاملة في الحقوق للمثليين والتي دامت لفترة طويلة منذ الثمانينات إلى الوقت الراهن.
املبحث الثالث الهند« ،األخالق الشعبية اليمكن لها أن تحدد الحقوق الدستورية» على غرار التجربتين األمريكية والفرنسية فإن مسار الغاء التجريم في الهند مر بعديد المراحل (الفقرة .)1وتميز بالمقاومة من طرف المدافعين عن حقوق المثليين (الفقرة .)2 لكن في النهاية أعطت المقاومة ثمارها عندما قضت المحكمة العليا الهندية بإلغاء تجريم المثلية.
الفقرة األولى :المسار طويل األمد اللغاء تجريم المثلية يجرم الفصل 377من قانون العقوبات الهندي ،الصادر في 6أكتوبر « 1860الجماع الجنسي المخالف للطبيعة ».ويعاقب على هذا الفعل بالسجن مدى الحياة.56 يعتبر هذا النص وسيلة اضطهاد تبرر من خالله أعمال العنف واإلهانة للمثليين من قبل أعوان الشرطة .كما كان لهذا التجريم أثر على عمل النشطاء في مجال حقوق المثليين وذلك باستعمال السلطات لهذا النص لتعيق ممارسة نشاطهم الجمعياتي. وكمثال على ذلك ،وقع ايقاف مدافع عن حقوق المثليين وناشط بجمعية Bharosa Trustالتي تدافع على حقوق األشخاص الحاملين لفيروس نقص المناعة وذلك بتاريخ 8جويلية 2001لمدة 47يوما. Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, JORF du 18 mai
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2013, page 8253. « Quiconque a de son propre gré un rapport charnel contre l’ordre de la nature avec un homme, une femme ou
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un animal sera puni de prison à vie, ou d’une peine d›emprisonnement dont la durée peut aller jusqu’à dix ans, et sera aussi susceptible de recevoir une amende. » Explication : La pénétration suffit à constituer le rapport charnel nécessaire au délit décrit dans cet article.
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ملخص الدراسة
وهذا مايفسر بوجود قوانين وإن لم تجرم المثلية إال أن وجودها يهدد حقوق المثليين في كل المجاالت .لذلك ظهرت الجمعيات المدافعة عن حقوق المثليين والمثليات في خضم الصراعات السياسية ولعبت دورا كبيرا في الضغط على األحزاب السياسية للمطالبة بالمساواة في الحقوق. في سنة 1971على إثر فشل المنظمات المثلية التي كانت تنشط في إطار هادئ ومهذب ظهرت حركات تحرير المثليين والتي كانت أكثر راديكلية في نشاطها ووسائلها كما هو الحال مع حركات المثليين في الواليات المتحدة خاصة بعد أحداث . Stonewallنذكر من هذه الحركات جبهة المثليين للعمل الثوري . Front homosexuel d’action révolutionnaireوهي حركة اجتماعية راديكلية قامت بإقحام موضوع المثلية الجنسية في المجال السياسي. وكنتيجة لذلك ،قامت الحركات اإلجتماعية للمثليين بالتعبئة إليجاد التوافق بين المثليين والمسؤولين السياسيين. هذا وقد أصبحت هذه الجمعيات هي المتحدثة بإسم المثليين مع السلط العمومية خاصة في الثمانينات من القرن العشرين. باإلضافة لذلك ،ومع قدوم فرونساوا ميتيران للسلطة سنة ،1981تعهد المسؤولون السياسيون بمناهضة كل أشكال التمييز ضد المثليين والمثليات وبالسعي إلرساء المساواة في الحقوق. 28
ويعتبر اصدار قوانين تكرس المساواة على أساس التوجه الجنسي والهوية الجندرية انتصارا للنشطاء والناشطات المثليين والمثليات. وللتذكير فإنه وفي سنة ،1942وضعت حكومة فيشي قانوناً تمييزياً ضمن قانون العقوبات يتعلق بالسن القانونية للعالقات الجنسية المثلية إلى 21و 15كسن قانونية للعالقات الجنسية المغايرة .ثم تم تخفيض سن 21عاماً إلى 18سنة في عام ،1974والذي أصبح السن القانوني للنشاط الجنسي .ظل هذا القانون سار ًيا حتى يوم 4أوت ،1982حينما تم إلغاؤه (الفصل331 الفقرة 2من المجلة الجزائية) في عهد الرئيس فرانسوا ميتران لتتحقق المساواة في السن القانونية بالنسبة للمثليين وللمغايرين لتصبح 15عاماً.54 أما اإلنتصار األهم في مجال المساواة في الحقوق ،فكان من خالل دعم المترشح للرئاسة فراونسوا هوالند الذي تعهد بأن مشروع قانون الزواج للجميع والذي يضمن الحق في الزواج للمثليين كما هو معترف به للغيريين سيصبح أولوية إذا حصل حزبه على األغلبية في انتخابات .2012وفي 7ماي ،2012فاز فرانسوا هوالند في االنتخابات .وتم على إثره تقديم مشروع قانون زواج جديد من قبل الحكومة الفرنسية. L’article de loi est adopté définitivement le 27 juillet 1982 (lire le compte rendu de la séance dans le Journal Officiel
54
du 28 juillet 1982, pages 4873 et suivantes). Thierry Pastorello, « L’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et pénal », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n°112-113, 2010, pp. 197-208.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
املبحث الثاني املثليون يف فرنسا ،من املحرقة إىل قصر البلدية قبل المرور إلى تحليل هذا المبحث البد من إبراز كيف تطور مفهوم اللواط في فرنسا .فقبل الثورة الفرنسية ،لم نكن نتحدث عن المثلية كهوية بل عن اللواط كممارسة جنسية .أما في النظام الحديث أي بعد 1791تاريخ نسخ النص المجرم للواط ،فإن العبارة تحيل تارة على المثلية وخاصة على الرجال المثليين وتارة أخرى على الفعل الجنسي. إن العقاب الموقع على فعل اللواط كان مسنودا بخطاب أخالقي واجتماعي وطبي ساهم في اضعاف مسار إلغاء تجريم المثلية (الفقرة .)1ثم ،مثل وجود القوانين التمييزية عائقا جعل من مسار الغاء التجريم بطيئا كما هو الحال بالنسبة أيضا للمطالبة بالمساواة في الحقوق (الفقرة .)2
الفقرة األولى :الجهات الفاعلة في توقيع العقوبة على المثلية ساهمت عديد العناصر الفاعلة في المجتمع الفرنسي في التأكيد على الزجر القانوني للمثلية بالرغم من وضع حد للتجريم منذ .1791باإلضافة إلى ذلك فإن هذه الجهات الفاعلة كانت تستهدف الرجال المثليين وليس بالضرورة فعل اللواط .إذ كان المجتمع الفرنسي في القرن التاسع عشر يربط علنية السلوكيات المثلية بعدم اإلستقرار اإلجتماعي وباألمراض.
27
لكن الغاء التجريم لم يضع حدا للتبعات في حق المثليين الرجال منهم خاصة .ففي نهاية القرن الثامن عشر ،مارست السلطة السياسة رقابة ممنهجة على هؤوالء األشخاص اذ كانوا يتعرضون للمضايقات والمالحقات القانونية بموجب مختلف القوانين المتعلقة باألخالق والنظام العام.
52
وبالرغم من عدم تدخل الدين في وضع السياسة الجنائية ،فإن مالحقة المثليين قانونيا تجد مبررا لها في الخطاب الطبي واألخالقي والديني .وهو مايمكن أن يفسر أيضا بطء مسارات الغاء تجريم المثلية.
الفقرة الثانية :بطء مسارات الغاء تجريم المثلية إن الغاء التجريم اليعني الموافقة المطلقة على السلوكيات المثلية العلنية .ومجرد وجود قوانين محلية معينة قد يؤثر تأثيرًا مباشرًا في حقوق الشخص بطريقة تجعل من هـذا الشـخص ضحية انتهاكات حتى وإن لم تتم محكامته بموجب هذه القوانين.
53
Michel Rey, « Police et sodomie à Paris au XVIIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1982, tome
52
XXIX, pp. 113-124. 53
في 22أكتوبر ،1981حكمت المحكمة األوروبية لحقوق اإلنسان في قضية دودجون ضد المملكة المتحدة بأنه “ال يحق ألي دولة عضو فرض حظر تحديدا ،وجدت المحكمة أن “تجريم األفعال الجنسية المثلية بين الرجال الذين تزيد أعمارهم عن كامل على النشاط الجنسي المثلي” .وبصورة أكثر ً 21عا ًما في “قانون الجرائم ضد األشخاص ”1861ينتهك المادة 8من االتفاقية األوروبية لحقوق اإلنسان بالتدخل في الحق في الحياة الخاصة، بغض النظر عما إذا كان قد تم اتهامه بالفعل أو مقاضاته بموجب القانون ”.قررت المحكمة أيضا أن الدول لم يعد لديها السلطة التقديرية لتنظيم النشاط الجنسي المثلي الرضائي بين الراشدين باسم األخالق.
ملخص الدراسة
فعلى عكس القرار السابق والرافض إللغاء التجريم ،أكدت المحكمة العليا مفهوم حق الخصوصية ووسعت في نطاق تطبيقه ليشمل العالقات الحميمية بين األفراد مهما كان توجههم الجنسي وأنه ليس للدولة الحق في التدخل في العالقات الجنسية الرضائية بين البالغين المقامة سرا ألنه اليحق للدولة بأن تتدخل في غرف نوم المواطنين. وبذلك وقع الغاء تجريم اللواط من خالل حماية الحق في الخصوصية وفي اآلن ذاته اعترفت المحكمة ضمنيا بالهوية الجنسية المثلية.
الفقرة الثانية :المطالبة باإلعتراف بالهوية الجنسية المثلية إن إلغاء النصوص المجرمة للعالقات الرضائية بين البالغين من نفس الجنس اليحل المشكلة بصفة نهائية .فبالرغم من ذلك ،يتعرض المثليون والمثليات لعديد األشكال من التمييز واالضطهاد والعنف. لذلك ظهرت حركات اجتماعية في الواليات المتحدة بين أواخر الستينات وبداية السبعينات لتدافع عن األشخاص المثليين في المجتمع .هدفها األساسي ليس إلغاء التجريم فحسب بل وقبل كل شيء اإلعتراف بالهوية الجنسية والمطالبة بالمساواة في الحقوق .وتعددت الوسائل التي وقع توظيفها للتركيز على مطلب المساواة من ذلك الضغط السياسي ومسيرات الشوارع. 26
كانت هذه الحركات تتصف بالهدوء إلى أن قررت الخروج للعلن واستعمال وسائل مباشرة مستندة على المواجهة .وغالباً ما تُعزى هذه الحركات الجديدة إلى أعمال المواجهة في ستونوول في 29 جوان ،1969عندما قاومت مجموعة من المثليين في حانة في نيويورك أعوان الشرطة الذين قاموا آنذاك بحملة تفتيش وهرسلة لمرتادي الحانة Stonewallكما اعتادو على القيام به منذ الستينات .وفي ذلك التاريخ حدثت مواجهات بين المثليين وأعوان الشرطة وقاموا باعتقال العديد منهم .لذلك تعتبر تلك المواجهات مرحلة بارزة في تحرر المثليين والمثليات. واصلت حركة حقوق المثليين والمثليات نضالها مستعملة وسائل ضغط سياسية واجتماعية وإعالمية للتأثير على الرأي العام في محاولة لتغيير وإلغاء التشريعات التمييزية ضدهم .ونجحت في ذلك من خالل جعل المؤسسات الحكومية تضمن المساواة في عديد الميادين وبالتالي تعترف بالحقوق األساسية للمثليين .إلى أن نجحت في التشريع للزواج المثلي. إذ أقرت المحكمة العليا في قضية أوبرجفيل ضد هودجز في 26جوان 2015بأن الدستور يسمح لشخصين من نفس الجنس بالزواج باعتباره حرية أساسية لكل المواطنين والمواطنات عمال بمبدأ المساواة أمام القانون.
51
Leonore Carpenter et David Cohen, « A Decision Unlike Any Other: Obergefell and the Doctrine of Marital
51
Superiority », The Georgetown Law Journal Online, 2015, p. 128. Ludovic Pierre, L’arrêt Obergefell v. Hodges et la consécration des unions homosexuelles à travers tous les EtatsUnis par le juge constitutionnel, Mémoire réalisé par Université Catholique de Louvain, faculté de droit et de criminologie, 2016-2017.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
وللتذكير فإن القانون األمريكي كان يجرم اللواط ويعرفه على أساس أنه يشمل الجنس الشرجي سواء بين رجل وامرأة أوالجنس الفموي وكل مايطلق عليه النص الجزائي بالممارسات الجنسية المشينة .من ذلك نذكر قانون والية جورجيا الذي جرم اللواط.47 وفي 30جوان ،1986قضت المحكمة العليا للواليات المتحدة في قضية باورز ضد هاردويك، محميا بموجب الحق في الخصوصية المنصوص عليه في بأن السلوك الحميمي المثلي لم يكن ً التعديل الرابع عشر للدستور الفيدرالي رافضة بذلك الغاء التجريم الذي أقره قانون جورجيا في خصوص العالقات الجنسية بين راشدين من نفس الجنس.
48
وفي نفس السياق ،عطل الفاعلون السياسيون مسار الغاء التجريم من خالل مايمكن أن نطلق عليه برهاب المثلية المؤسساتية التي اتخذت اجراءات تمييزية حيال المثليين والمثليات في اإلدارة. من ذلك نذكر بأن التبرير لمثل هذه الممارسات التمييزية هو حماية األمن القومي من خالل حماية الوظيفة العمومية من المثليين. ففي 27أفريل ،1953وقع الرئيس دوايت أيزنهاور األمر التنفيذي عدد 10450الذي يحظر على الموظفين الفيدراليين االنتماء لجماعة أو منظمة تعتبر هدامة .يشمل األمر منع تشغيل المثليين أساسا إلنهاء الخدمة أو رفضها. والمثليات باعتباره أحد المخاطر األمنية التي تشكل ً
49
بقي أن ننتظر القرن الواحد والعشرين لتظهر بوادر وضع سياسة جنائية تحمي األشخاص على أساس هويتهم وتوجههم الجنسي وتجرم األفعال التي تحمل رهاب المثلية وذلك بهدف الحفاظ على كرامة المثليين والمثليات وضمان أمنهم الشخصي .تحقق هذا مع وصول باراك أوباما للرئاسة وهو مايؤكد على أن إلغاء التجريم لوحده غير كاف بل يجب أن يصاحبه ضمان الحقوق وردع كل الممارسات المؤسساتية الحاملة لرهاب المثلية. وسعيا لمحاربة رهاب المثلية ،وقع أوباما في سنة « 2009قانون ماثيو شيبرد وجيمس بيرد» لمنع جرائم الكراهية ،والتي أضافت الجندر ،التوجه الجنسي ،الهوية الجنسية ،و العجز لقانون جرائم الكراهية االتحادي لسنة .1969 أما التطور الحاصل على صعيد فقه القضاء فلم يحصل إال بعد 17سنة من اصدار قرار باورز ضد هاردويك .ففي 26جوان ،2003قضت المحكمة العليا في قرارها لورانس ضد تاكسس بعدم دستورية القانون الجزائي المجرم للواط.
50
)“The Crimes Against Nature”, Journal of Public Law, n°47, 1967, p.159. Georgia law annotated 1967, § 16-6-2(a
47
(1984). La Cour Suprême des Etats-Unis, 30 juin 1986, (478 U.S. 186), Bowers v. Hardwick.
48
https://www.oyez.org/cases/1985/85-140 Executive Order 10450. “Security requirements for Government employment”. Texas Sodomy Statute. V. Jason Pierceson, Courts, Liberalism, and Rights: Gay Law and Politics in the United States and Canada, Temple University Press, Philadelphia, 2005, pp. 77-78.
49 50
25
ملخص الدراسة
تميزت مسارات الدعوة اللغاء تجريم المثلية بنضال جمعياتي قوي ومؤثر قادته جمعيات تدافع على حقوق المثليين والمثليات في الواليات المتحدة األمريكية (المبحث األول) وفي فرنسا (المبحث الثاني) وفي الهند (المبحث الثالث) وفي جنوب إفريقيا (المبحث الرابع). تتبنى هذه الجمعيات تقريبا نفس الطرق في مواجهة العديد من العناصر المحلية الفاعلة بهدف الوصول إللغاء تجريم المثلية وتحقيق المساواة في الحقوق.
املبحث األول الواليات املتحدة :من الغاء تجريم اللواط إىل االعرتاف بالهوية يهدف إلغاء القوانين المجرمة للواط باألساس إلى حماية الحريات وليس بالضرورة لإلعتراف بالعالقة الجنسية بين شخصين من نفس الجنس .نذكر من بين هذه الحريات حماية الحياة الخاصة والحميمية لألفراد .ففي القانون الدستوري األمريكي تحيل العبارة على الحياة الخاصة بمفهومها الواسع 45وبمفهومها الضيق (الحميمية). 46 24
لكن ضمان هذه الحرية لم يكن باألمر الهين ،ألن إلغاء القوانين المجرمة للواط مر بعديد المراحل الصعبة والطويلة )الفقرة (1وكنتيجة لذلك ظهرت الحركات االجتماعية للمثليات والمثليين ومزدوجي الميل الجنسي ومغايري الهوية الجنسانية للمطالبة بإلغاء تجريم المثلية وبوضع حد لتجاوزات السلطات األمنية واإلعتراف القانوني واإلجتماعي بهويتهم الجنسية (الفقرة .)2
الفقرة األولى :التباطؤ في الغاء تجريم المثلية اعترضت المحكمة العليا للواليات المتحدة مسار أول محاولة إللغاء تجريم المثلية في قضية تعلقت بالقوانين المجرمة للواط. Tripathi Shivnath, “Right to Privacy as a Fundamental Right: Extent and Limitations”, June 17, 2017. Available at
45
SSRN: https://ssrn.com/abstract=2273074 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.227307“Right to privacy is a bundle of rights. Black’s Law Dictionary says that ‘right to privacy’ is a generic term encompassing various rights recognized to be inherent in concept of ordered liberty, and such rights prevent government interference in intimate personal relationship’s or activities, freedoms of individual to make fundamental choices involving himself, his family, and his relationship with others”. Voir aussi, Lloyd L. Weinreb, “The Right to Privacy”, Social Philosophy and Policy, vol. 17, Issue 2, Summer 2000, pp. 25-44. Dans ce sens, on entend dire par la vie privée au sens strict tout ce qui se rapporte à l’intimité et à ce que l’individu ne souhaite pas exposer, chose qui interdit toute sorte d’immixtion de la part de l’Etat. V. Philip Chapman, «Beyond Gay Rights: Lawrence v. Texas and the Promise of Liberty”, William and Mary Bill of Rights Journal, vol. 13, 2004, p. 245.
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مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
الغاء تجريم مسارات الجزء األول املثلية الجنسية التجارب املقارنة املتعلقة بالغاء تجريم املثلية
23
ملخص الدراسة
يتعرض كل فرد من المثليين والمثليات وذوي الميول الجنسية الثنائية والمتحولين جنسيا و العابرين ومزدوجي النوع و الكويريين للتمييز والمضايقات والالمساواة أمام القانون وأمام القضاء. وقد أدى هذا إلى معاقبتهم على المستويين :اإلجتماعي والجزائي. وكنتيجة لذلك ،ظهرت بعد 14جانفي 2011قوة مضادة تقودها منظمات المجتمع المدني الناشطة في مجال حقوق المثليين والمثليات وذوي الميول الجنسية الثنائية والمتحولين جنسيا والعابرين ومزدوجي النوع والكويريين أو في مجال حقوق اإلنسان عموما .ومن بين مطالبهم تحقيق المساواة في الحقوق واالعتراف بمواطنتهم الكاملة. نظرا لخصوصية الظرف اإلجتماعي والقانوني التونسي بالمقارنة مع الدول التي مرت بمسارات مختلفة اللغاء التجريم المتعلق بالمثلية الجنسية ،فإن السياق التونسي في ما يتعلق بالمطالبة بالغاء التجريم اليزال في المراحل األولية من النضال بعد أن أصبح الموضوع متداوال لدى الرأي العام .وللوصول للمرحلة النهائية ،سنتسائل حول كيفية االستفادة من التجارب المقارنة إلنجاح مسار الغاء تجريم المثلية في تونس. ففي مرحلة أولى ،سنقوم بتحليل التجارب المقارنة في الدول التي لم تعد تجرم المثلية وألغت النصوص التشريعية التي كانت تجرمها (الجزء األول) .أما في مرحلة ثانية ،ومن خالل األمثلة المقارنة ،سنحاول تحديد المحاور المتعلقة بالمناصرة إللغاء تجريم المثلية في تونس (الجزء 22
الثاني).
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
•الكويريين والكويريات األشخاص الموجودين خارج التصنيف المعياري ،كما يمكن أن يعرفون أنفسهم أو أنفسهن في طيف واسع من الجنسانيات والينتمون للتصنيف التقليدي إمرأة ورجل.
43
التوجد مثل هذه المصطلحات في التشريع التونسي ويبدو أن أغلب القضاة والمؤسسات الحكومية تجهلها .لذلك بات من الضروري المرور بمراحل في ما يتعلق بالنصوص القانونية وفي ما يتعلق بمؤسسات الدولة حتى يمكن استعمال هذه المصطلحات في مسار الغاء التجريم. باإلضافة لذلك فإن تجاوز مخاطر تجريم المثلية الجنسية يفرض مسارا بطيئا يشمل التعبئة والضغط من أجل الغاء التجريم المسلط على المثليين والمثليات .وبالتالي يتكون هذا المسار من وعي جماعي بالهوية يؤدي لإلنقالب على سياسة القمع الجماعية للمطالبة بالحقوق والحريات كباقي المواطنين والموطنات. هذا وقد سمحت تجارب النضال من أجل الغاء تجريم المثلية في العالم للمثليين والمثليات بالخروج إلى العلن والمطالبة بحقوقهم. ومن دون أدنى شك فإن الشبكة العنقودية وصفحات التواصل اإلجتماعي تعد فضاءا للمثليين وللمثليات حيث سمحت لهم بالخروج من العزلة والمشاركة محليا ودوليا في نقاشات وتظاهرات ساعدتهم على تنظيم تحركاتهم وساهمت بشكل كبير في إنجاح العديد من حمالت المناصرة لتحقيق المساواة في الحقوق.
44
وهذا ماحدث في تونس حيث ساهمت صفحة التواصل اإلجتماعي الفايسبوك في تعبئة األفراد وإيصال أصواتهم للرأي العام الوطني والدولي من خالل الجمعيات التي أنشئت بعد 2011وحتى تلك التي أنشئت قبل سقوط النظام في 14جانفي .2011 فمنذ ذلك التاريخ ،لم يعد تناول موضوع المثلية الجنسية من المواضيع المحظورة .فحتى وسائل اإلعالم أصبحت تتحدث في هذا الموضوع بكل حرية .ومن األحداث التي كانت سببا في تناول هذا الموضوع إيقاف مجموعة من الشباب في القيروان ،سنة 2015وذلك بتهمة ممارسة «اللواط» على معنى الفصل 230من المجلة الجزائية .وقد كان لهذه األحداث وغيرها ردود فعل متباينة على مواقع التواصل اإلجتماعي والتي ندد على إثرها رواد هذه المواقع بممارسات السلطة التعسفية والسالبة للحرية.
Chuck Stewart, Lesbian, Gay, Bisexual, and Transgender Americans at Risk: Problems and Solutions, ABC-CLIO,
43
Santa Barbara, 2018, p. p. XXV. Pierre Hurteau, Homosexualités masculines et religions du monde, Editions L’Harmattan, Paris, 2017, p. 11.
44
21
ملخص الدراسة
عن التجارب المقارنة التي ألغت النصوص المجرمة للواط أو للممارسات الجنسية بين راشدين من نفس الجنس.38 أما في ما يتعلق بهذه الدراسة فنستعمل عبارة الغاء التجريم 39بالنسبة لألمثلة المقارنة بما أن المثلية الجنسية كفعل لم تعد مجرمة .لكن الغاء التجريم اليعني بالضرورة المساواة في الحقوق أو اختفاء كل شكل من أشكال التمييز. •المثليين والمثليات وذوي الميول الجنسية الثنائية والمتحولين جنسيا والعابرين ومزدوجي النوع والكويريين ()L.G.B.T.Q.I.++ تستعمل هذه العبارة من قبل هؤوالء األشخاص للتعريف بأنفسهم في الخطاب السياسي والدفاع عن حقوقهم في إطار منظومة حقوق اإلنسان الكونية. تستعمل المنظمات الدولية الحكومية وغير الحكومية عبارة «األقليات الجنسية» للتعبير عن األشخاص الذين يحملون توجها جنسيا أو هوية جنسية غير معيارية .وتحيل هذه العبارات على التوجه الجنسي لألفراد وهوية النوع.
40
• التوجه الجنسي « :يشير إلى استطاعة كل شخص لإلنجذاب العاطفي والوجداني والجنسي العميق إلى أشخاص من نوع اجتماعي آخر أو من ذات النوع اإلجتماعي ،أو مع أكثر من جنس واحد وإقامة عالقة حميمية وجنسية معهم ».41 20
•هوية النوع :هي ما « يدل على تجربة النوع اإلجتماعي الداخلية الفردية كما يحس بها كل شخص في قرارة نفسه وهي ما قد تتفق أو ال تتفق مع النوع اإلجتماعي عند والدته بما في ذلك اإلحساس الشخصي بجسده وهو ما يمكن أن يشمل ،لو كان حرا في اختياره ،تعديال على مظهر الجسد أو وظائفه بوسائل طبية أو جراحية أو بوسائل أخرى وغير ذلك من أشكال التعبيرعن النوع اإلجتماعي كاللباس وطريقة الكالم والسلوكيات».42
Le législateur ressent parfois lui-même « le besoin d’alléger la pression pénale en procédant soit à la
38
décriminalisation, c›est-à-dire à la suppression de tout interdit, soit à la dépénalisation, qui consiste à conserver l’interdit mais en le faisant sortir du champ pénal ». Xavier Pin, Droit pénal général 2020, Dalloz, Paris, 2019, p. 131. Décriminalisation.
39
Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre en Europe, Editions du Conseil de l’Europe,
40
اذا أن مجرد الحط من التجريم اليعني الغاء التجريم ويعبرعنه بالعبارة الفرنسية Dépénalisation Starsbourg, 2012, p. 21. 41
مبادئ يوغياكارتا حول تطبيق القانون الدولي لحقوق اإلنسان فيما يتعلق بالتوجه الجنسي وهوية النوع ،مارس ،2007صhttps://yogya� 8. /kartaprinciples.org/principles-arآخر زيارة للموقع في 20ديسمبر .2019
42
مبادئ يوغياكارتا حول تطبيق القانون الدولي لحقوق اإلنسان فيما يتعلق بالتوجه الجنسي وهوية النوع ،مارس ،2007صhttps://yogya� 8. /kartaprinciples.org/principles-arآخر زيارة للموقع في 20ديسمبر .2019
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
.4هل يمكن إلغاء تجريم املثلية الجنسية يف تونس؟
يرتبط موضوع المثلية الجنسية والصورة النمطية للمثلي «المحقر» و«المنبوذ» اجتماعيا بالعقاب اإلالهي لقوم لوط حسب الكتب السماوية الثالثة .ويتبنى هذا التوجه المحافظ العديد من الباحثين في القانون الذين يطلقون على المثلية الجنسية عبارة «الشذوذ الجنسي» وذلك بتبرير تجريم «اللواط» من خالل المرجعية الدينية واألخالقية للمجتمع المحافظ.
34
وفي المقابل ظهر
اتجاه ليبرالي يدعو إلخراج األفعال الجنسية بين راشدين من نفس الجنس من نطاق القانون الجزائي وذلك ألن تجريم هذه العالقات هو انتهاك للحقوق الدستورية والحريات الفردية خاصة الحق في حماية الحياة الخاصة وحرمة المسكن.
35
وبتناول مسألة الغاء تجريم المثلية الجنسية ،فإن السؤال المطروح يحيلنا على تساؤل ثان لمعرفة نجاعة العقوبة .فهل أن عقوبة السجن ستجعل من المثلي يقلع عن الممارسات الجنسية مع أشخاص من نفس الجنس؟ وهل هي عقوبة تضمن اندماجه في المجتمع واصالحه كما هو الحال بالنسبة لشخص ارتكب جريمة قتل أو سرقة؟
.2املفاهيم المسارات تتمثل في المراحل التي تتعلق بتطور ظاهرة ما وتركز على التحوالت الطارئة والتي يمكن أن تكون إيجابية أو سلبية.
19
وفي هذه الدراسة تتعلق المسارات بالتمعن في األسباب التي أدت اللغاء تجريم المثلية الجنسية والوسائل المستعملة لحذف النصوص القانونية التي تجرم اللواط من خالل التعرض للتجارب المقارنة والتركيز على الفاعلين من قضاء وسياسيين ومجتمع مدني ساهموا في الغاء تجريم المثلية وحث الدولة لبذل جهد أكبر لتعزيز حماية حقوق اإلنسان عامة وحقوق المثليين والمثليات وذوي الميول الجنسية الثنائية والمتحولين جنسيا والعابرين ومزدوجي النوع والكويريين خاصة. •التجريم هو عندما يوقع المشرع عقوبة على فعل لم يكن مجرما في السابق.
36
•الغاء التجريم 37يتمثل في إلغاء التكييف الجنائي عن السلوك اإلجرامي وذلك بإلغاء النص المجرم من النظام القانوني وهو مايؤدي إلى اختفاء الجريمة .وهذا ماسنتناوله عند الحديث 34
عبد اهلل األحمدي ،قانون جنائي خاص ،الجرائم األخالقية ،الخدمات العامة للنشر مطبعة الوفاء ،تونس ،1998 ،ص.135 .
35
وحيد الفرشيشي« :الجنسية المثلية في القانون التونسي :بين تجريم القانون الجزائي و حق احترام الحياة الخاصة» ،في ،وحيد الفرشيشي و نزار صاغية ،العالقات المثلية في قوانين العقوبات :دراسة عامة عن قوانين الدول العربية مع تقريرين عن لبنان و تونس .تقرير من إعداد جمعية حلم، بيروت ،2009ص.54-78 .
Annie Beziz-Ayache, Dictionnaire de Droit pénal général et procédure pénale, Ellipses, Paris, 2005, pp. 195-196.
36
L’auteur cite aussi : Mireille Delmas-Marty, Modèles et mouvements de politiques criminelles, Economica, Paris, 1983, p. 169. Décriminalisation. V. Michel Van De Kerchove, Le droit sans peines: aspects de la dépénalisation en Belgique et aux Etats-Unis, Publications Fac St Louis, Bruxelles, 1987, p. 307.
37
ملخص الدراسة
.2هل تملك الدولة السلطة لتقرر التوجه الجنسي أو الهوية الجنسية للمواطنني واملواطنات؟
بالرغم من أن الفصل 21من الدستور ينص على أن» :المواطنون والمواطنات متساوون في الحقوق والواجبات ،وهم سواء أمام القانون من غير تمييز ّ.تضمن الدولة للمواطنين والمواطنات الحقوق والحريات الفردية والعامة ،وتهيئ لهم أسباب العيش الكريم « .بات من الواضح أن الدولة من خالل سياستها الجزائية تعترض حق األفراد في التعبيرعن ميوالتهم الجنسية واتخاذ القرارات بشأن أجسادهم .إذ يعتبر استخدام النصوص الجزائية من أجل التحكم بحياة األشخاص الجنسية مخالفا لهذه المقتضيات الدستورية التي تفرض على الدولة أن التميز بين مواطنيها على أي أساس بما في ذلك التوجه الجنسي أو الهوية الجنسية .لذلك نعتبر أن هذا التدخل مخالف للدستور خاصة وأنه يحرم المواطنين والمواطنات من الحق في حماية الحياة الخاصة والكرامة. .3على ماذا تحيل عبارة املثلية الجنسية املستعملة يف هذه الدراسة؟ هل تعني الهوية الجنسية أم التوجه الجنسي؟
يستعمل المشرع الجزائي عبارة «اللواط» عوضا عن عبارة المثلية الجنسية وبما أن العبارة غير واضحة وقع تأّويلها بطريقة واسعة جدا من قبل السلطات وهو مايتعارض والقاعدة الجزائية «ال تجريم بدون نص» ومع مبدأ التأويل الضيق للنص الجزائي .فعند إيقاف المتهمين بإرتكاب فعل 18
«اللواط» على معنى الفصل 230من المجلة الجزائية ،كيف ستؤسس السلطات اتهامها؟ على أساس عالقة جنسية بين رجلين أم على أساس آخر؟ هل هذا الفعل جنسي بحت أم يشمل أفعاال جنسية أخرى كالقبل أواللمس بين شخصين من نفس الجنس؟ وهنا يكمن الغموض الذي يؤدي للتجاوزات ،اذ أن اإليقافات الحاصلة على أساس هذا الفصل التفرق بين التوجه الجنسي والهوية الجنسية. ومن نتائج هذا الغموض أن يسمح القاضي لنفسه باإلطالع على العالقات العاطفية لألفراد إلدانة األشخاص على أساس هويتهم الجنسية الخارجة عن المعيار السائد من خالل أدلة جمعتها الضابطة العدلية وليس فقط على أساس الممارسة الجنسية. لذلك ،سنستعمل عبارة المثلية في هذه الدراسة لإلحالة تارة على الهوية الجنسية وتارة أخرى لنعني بها التوجه الجنسي .والهدف من ذلك هو حماية المثليين والمثليات الذين ال يتم ايقافهم في أغلب األحيان على أساس الفعل الجنسي (اللواط) المجرم ،بل على أساس السلوكيات التي ال تروق للسلطات والتي تفضح الهوية الجنسية لهؤالء األشخاص فيقومون بمضايقتهم وإيقافهم على أساس لباسهم على سبيل المثال والذي يعتبرونه «تجاهرا بما ينافي الحياء».
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية: تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس املقدمة: المثلية بالقانون الجزائي خطرا .فالنصوص الشاملة والعامة وغير الواضحة تؤدي إلى يشكل تجريم ّ تجاوزات وخروقات إضافة لإليقافات العشوائية .اذ تعرض هذه النصوص غير الدقيقة الموقوفين إلى فحوصات طبية مهينة .فتجريم العالقات الجنسية المثلية ال يحترم مقتضيات الدولة المدنية والديمقراطية .ويؤدي بالتالي إلى خلق قاعدة إجتماعية استبدادية تجد صدى لها في القاعدة الجزائية .وبالتالي يقع المس من حقوق وحريات األشخاص.
31
إذ يعاقب على الممارسات الجنسية سرا بين راشدين من نفس الجنس (اللواط حسب العبارة المستعملة من قبل المشرع) بالسجن لمدة ثالث سنوات حسب الفصل 230من المجلة الجزائية.
32
يجرم هذا األخير اللواط ويمكن اعتباره قاعدة قانونية تتسم برهاب المثلية.
33
.1اإلشكالية والتساؤالت .1ملاذا نطرح سؤال الغاء تجريم املثلية الجنسية؟
17
إن زجر القانون لألفعال على أساس التوجه الجنسي يقصي الفرد من المجتمع .إذ أن المثلي الذي ال يمتثل للقواعد اإلجتماعية السائدة ويفصح عن هويته الجنسية التي ال تتماشى والمثال المشروع ألغلبية المجتمع سيقع إقصاءه و بالتالي سيقع تحقيره وستنقص حقوقه أو سيحرم من العديد منها. باإلضافة لذلك ومايدعم زجر الممارسات الجنسية بين شخصين من نفس الجنس هو أن المجتمع التونسي كباقي المجتمعات يتبنى المثال السائد للعالقات العاطفية والجنسية المبني على الغيرية والتي تأتي من الزواج بين رجل وإمرأة .لذلك فإن العالقات العاطفية والجنسية المثلية أي القائمة على عالقات حميمية أو انجذابية بين شخصين من جنس واحد بعيدة على المعايير اإلجتماعية والقيمية السائدة والتي بدورها تخضع لعديد التغيرات اإلجتماعية والتاريخية.
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محمد أمين الجالصي ،المحقرون في القانون التونسي :حين يؤسس القانون لالمساواة ،الجمعية التونسية للدفاع عن الحريات الفردية ،تونس، ،2018ص.39 .
32يختلف الفصل 230من المجلة الجزائية في نسخته العربية عن الترجمة الفرنسية “اللواط أو المساحقة إذا لم يكن داخال في أي صورة من الصور المتقدمة يعاقب مرتكبه بالسجن مدة ثالثة أعوام ”.فالترجمة الفرنسية التتحدث إال على اللواط. المقررة بالفصول ّ ّ
Wahid Ferchichi, « L’homosexualité en Droit tunisien ou de l’homophobie de la règle juridique », in, Monia Lach’heb et Eric Fassin (dir.), Être Homosexuel au Maghreb, IRMC- Karthala, Paris, 2016, p. 171 et s.
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ملخص الدراسة
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املقدمة
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
أساس التوجه الجنسي» وأنها «لم تقم بخرق القوانين الداخلية وخاصة المبادئ األساسية التي جاء بها الدستور التونسي كما هو مبين بالفصل 3من المرسوم المتعلق بالجمعيات». ما استخلصته المحكمة يقودنا للتساؤل حول االستراتجية الواجب اتباعها .وخاصة ضمن هذا السياق السياسي المتحرك والشعبوي ،ماهي الدروس التي يمكن استخالصها من تجارب الدول التي قامت بإلغاء تجريم المثلية؟ وفي المقابل ،يجب التذكير بأن التاريخ سيتذكر دائما األقوال واآلراء المتسمة بالعدل والكرامة كتلك التي عبرت عنها المحكمة العليا للواليات المتحدة األمريكية باقرارها بأن «ال مكان للدولة في غرف نوم الرشد برضاهم سواء كانوا مثليين أو غيريين» 29أو ما قررته المحكمة العليا الهندية بأن« :األخالق الشعبية ال يمكن لها أن تحدد الحقوق الدستورية».30
يف سنة 2019دولتني افريقيتني قامتا بإلغاء تجريم املثلية: أنغوال يف جانفي وبوتسوانا يف جوان.
15
USSC, 26 juin 2003, Lawrence v. Texas.
29
Cour suprême de l’Inde, 06 septembre 2018, NavtejJohar v. Union of India.
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ملخص الدراسة
وفي الهند ،تعتبر المحكمة العليا بدلهي األولى في البت في ما يتعلق بعدم مشروعية تجريم المثلية بالرغم من البيئة السياسية المعادية اللغاء تجريم المثلية :و صرحت بعدم مشروعية تجريم «العالقات الرضائية بين شخصين من نفس الجنس المقامة في السروذلك النتهاكها الحقوق األساسية». وقعت في مرحلة أولى معارضة هذا القرار من طرف المحكمة العليا الهندية في عام 2013لكن قامت نفس المحكمة بتأييده سنة 2018وعادت لقرار المحكمة العليا بدلهي لتعيد التأكيد على نفس الحقوق التي يخرقها الفصل 377وهي :المساواة أمام القانون وعدم التمييز وحماية الحياة الخاصة والحرية الفردية .وأعلنت عن المبدأ الجوهري في قراراها ومفاده أن« :األخالق الشعبية اليمكن لها أن تحدد الحقوق الدستورية». اذ جعل هذا المبدأ من «اعتماد الدستور وسيلة تحقيق األخالق الدستورية وأداة لمحاربة األخالق اإلجتماعية التي هيمنت في تلك الفترة» .ويقطع هذا القرار مع الشعبوية المتفشية التي اجتاحت بشكل متزايد كل أنحاء العالم ،من ذلك المجر وإيطاليا وبريطانيا والواليات المتحدة وبولونيا والنمسا والبرازيل وهوالندا ...وتونس. عالوة على ذلك ،في تونس وبالرغم من صعود الشعبوية 27والعدد الكبير من األحكام الصادرة على أساس الفصل ،23028فإن بعض األحكام القضائية تعكس الوعي بحقوق اإلنسان وبدولة القانون تلك الدولة العادلة التي تحافظ على الكرامة اإلنسانية.
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ففي القضايا المرفوعة ضد جمعية شمس (الجمعية التي تناضل من أجل الغاء الفصل 230 والدفاع عن األشخاص ذوي الجنس الالمعياري) يظهر موقف القاضي مهما ويتسم بالعدل وبالشجاعة بما في ذلك محكمة التعقيب. في هذا اإلطار باءت المحاوالت الرامية اليقاف نشاط جمعية شمس على اثر القضايا المرفوعة من طرف م.ع.ن.د .بالفشل وذلك ابتدائيا (الحكم الصادر في 23فيفري )2016واستئنافيا (القرار الصادر في 17ماي )2019وتعقيبيا (القرار الصادر في 21فيفري .)2020 هذا وقد أسست محكمة اإلستئناف حكمها على مبدأ الكرامة اإلنسانية وعدم تعارض أنشطة الجمعية مع مبادئ الدستور التونسي .وقد خلصت المحكمة إلى أن الجمعية تهدف من خالل أنشطتها التي تتعلق باألقليات الجنسية إلى «صيانة الكرامة اإلنسانية ومنع كل انتهاك لها على du Nord, Caroline du Sud, Floride, Idaho, Kansas, Louisiane, Michigan, Mississippi, Missouri, Oklahoma, Utah et Virginie. En effet, le premier État à abrogersa loi contre la sodomie est le Kentucky en 1992. Puis, suivent en 1993 le Nevada, en 1995 le district de Colombie, en 1996 le Tennessee, en 1997 le Montana, en 1998 la Géorgie et Rhode Island, en 1999 le Maryland, en 2001 l’Arizona et le Minnesota, et en 2002 l’Arkansas, 27
انظر تقرير االئتالف المدني من أجل الحريات الفردية :وضع الحريات الفردية في تونس خالل سنة،2019في خطورة الشعبوية .تونس .2020
http://www.adlitn.org/sites/default/files/0._rapport_lib_ind_2019_version_integrale_4_langues.pdf 28
أنظر في هذا الموضوع التقارير السنوية لالئتالف المدني من أجل الحريات الفردية حول وضع الحريات الفردية في تونس.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
وفي تونس ،فإن البعض من صانعي القرار ال تنقصهم الشجاعة .فقد أعرب العديد من المترشحين لالنتخابات الرئاسية والتشريعية عن دعمهم للحريات الفردية بصفة عامة وإللغاء الفصل 230بصفة خاصة23.ويعتبر صانعي القرار بهذا المعنى قاطرة لتمرير مراجعة ممكنة للمجلة الجزائية أو الصدارمجلة الحريات الفردية التي ستنسخ الفصل .24 230 .4.2القضاة العادلني
وفي كثير من األحيان ينتهي األمر باألشخاص الموقوفين بسبب المثلية الجنسيةإلىالمحاكمةأمام القاضي وينتهي األمر أيضا بالقوانين المجرمة للمثلية أمام القاضي لفحص دستوريتها. في هذا المستوى ،عبر القضاة في الهند وفي الواليات المتحدة وفي جنوب إفريقيا وفي تونس عالنية بأن القوانين المجرمة للمثلية غير عادلة وتمييزية وتمس من الكرامة البشرية. أما في جنوب إفريقيا وبالرغم من دسترة منع التمييز على أساس التوجه الجنسي ،بقيت عديد القوانين نافذة وتميز ضد المثليين .لذلك فإن دور القاضي هو التصريح بعدم دستوريتها وضمان المساواة للكافة أمام وبموجب القانون .في قرار صادر باإلجماع عن المحكمة الدستورية ألي دولة؟ ،أكدت المحكمة القرار الذي أقر بعدم المشروعية وذلك باالستناد على الحق في المساواة والحق في الكرامة والحق في احترام الحياة الخاصة. ففي 26جوان ،2003قضت المحكمة العليا للواليات المتحدة األمريكية في قرارها لورانس ضد تاكسس بعدم دستورية القانون الجزائي المجرم للواط.
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فعلى عكس القرار السابق والرافض إللغاء التجريم ،أكدت المحكمة العليا مفهوم حق الخصوصية ووسعت في نطاق تطبيقه ليشمل العالقات الحميمية بين األفراد مهما كان توجههم الجنسي وأنه ليس للدولة الحق في التدخل في العالقات الجنسية الرضائية بين البالغين المقامة سرا ألنه اليحق للدولة بأن تتدخل في غرف نوم المواطنين.
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ويتمثلون في نواب الشعب أو في من هم من بين أعضاء الحكومة أو أمناء عامين لألحزاب السياسية .إلياس الفخفاخ (رئيس الحكومة الحالي)، محمد عبو (وزيرالدولة الحالي لدى رئيس الحكومة المكلف بالوظيفة العمومية والحوكمة ومكافحة الفساد) ،لطفي زيتون (وزير الجماعات المحلية)، محسن مرزوق (أمين عام حزب مشروع تونس) ،مهدي جمعة (أمين عام حزب البديل) ،قادة حزب آفاق (ياسين ابراهيم وريم محجوب) .وصانعي القرار الذين انسحبوا من الحياة الحزبية كبشرى بلحاج حميدة. أنظر :تقريرحول الحريات الفردية والمساواة في برامج االنتخابات الرئاسية والتشريعية لسنة .2019مرصد الدفاع عن الحق في االختالف واالئتالف المدني من أجل الحريات الفردية .تونس.2019 ،
http://adlitn.org/sites/default/files/1._rapport_lib_indiv_dans_les_campagnes_electorales_de_2019_version_integrale.pdf 24
مقبولية مقترح مجلة الحريات الفردية لدى األحزاب السياسية في تونس.إعداد محمد أنورالزياني .الجمعية التونسية للدفاع عن الحريات الفردية. الجمعية التونسية للنساء الديمقراطيات .الفيدارالية الدولية لحقوق اإلنسان .الرابطة التونسية للدفاع عن حقوق اإلنسان. تونس http://adlitn.org/sites/default/files/2._etude_appropriation_du_codil_fr_ar_web.pdf .2020
Texas Sodomy Statute. V. Jason Pierceson, Courts, Liberalism, and Rights: Gay Law and Politics in the United States and Canada,
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Texas Sodomy Statute. V. Jason Pierceson, Courts, Liberalism, and Rights: Gay Law and Politics in the United States and Canada,
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Temple University Press, Philadelphia, 2005, pp. 77-78. Temple University Press, Philadelphia, 2005, pp. 77-78. Et ce en dépit du fait qu’auparavant, d’autres Etats n’ont pas abrogé les lois anti-sodomie, parmi lesquels on cite: Alabama, Caroline
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ملخص الدراسة
للحريات الفردية) االئتالف التونسيلحقوقالمثليين والمثليات ومزدوجي الميل الجنسي والمتحولين جنسيا ومن بين تجلياته الالفتة للنظر القيام بإعداد وتقديم أول تقرير «أصحاب المصلحة» في اطار التقرير الدوري الشامل لتونس (جنيف )2017حول حقوق المثليين والمثليات ومزدوجي الميل الجنسي والمتحولين جنسيا في تونس.
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.3.2صناع القرار امللتزمني
أظهرت كل التجارب أن صانعي القرار اضطلعوا بدور نشط في مرحلة أولى فيما يتعلق بإلغاء التجريم وبالمساواة في الحقوق في مرحلة ثانية. في هذا اإلطار ،كانت البيئة السياسية لما بعد الفصل العنصري في جنوب إفريقيا مشجعة وذلك يرجع بالفضل لثالث شخصيات سياسية :ادوين كامرون والذي شارك في مناهضة الفصل العنصري كمحام ومثلي بشكل علني التحق بالمجلس الوطني اإلفريقي سنة 20.1990ونلسون مانديال القائد العظيم وداسموند توتو الذي صرح بكل وضوح أنه « في المستقبل ،سينظر للقوانين المعادية للمثليين كقوانين غير مشروعة مثلها مثل قوانين الفصل العنصري» .وبفضل هذا النضال الشاق وتأثير الشخصيات البارزة ل»أمة قوس قزح» ،قبل المجلس الوطني اإلفريقي االعتراف الرسمي بحقوق المثليين والمثليات وبادراج التوجه الجنسي كسبب غير مشروع للتمييز في وثيقة الحقوق.
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وفي فرنسا ،كان للرئيس فرونسوا ميتيرون ووزير العدل روبرت بادينتر دور أساسي في إلغاء عقوبة اإلعدام من ناحية وفي نسخ الفقرة الثانية من الفصل 331من المجلة الجزائية آخر نص يجرم السلوكيات المثلية .وفي نفس السياق ،لعب أيضا الرئيس فرونسوا هوالند و الحزب اإلشتراكي الفرنسي دورا في التشريع للزواج للجميع. أما في الواليات المتحدة ،وبالرغم من أن الرئيس دوايت أيزنهاور وقع األمر التنفيذي سنة 1953 أساسا إلنهاء الذي يحظر تشغيل المثليين والمثليات باعتباره أحد المخاطر األمنية التي تشكل ً الخدمة أو رفضها22.كان البد من شجاعة الرئيس أوباما الذي وقع في سنة « 2009قانون ماثيو شيبرد وجيمس بيرد» لمنع جرائم الكراهية ،والتي أضافت الجندر ،التوجه الجنسي ،الهوية الجنسية ،و العجز لقانون جرائم الكراهية االتحادي لسنة .1969
Rapport des parties prenantes, Examen périodique universel de la Tunisie, 3ème cycle mai 2017, Coalition
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Tunisienne pour les droits des personnes LGBTQI, disponible sur le lien suivant : http://adlitn.org/sites/default/ files/rapport-upr-lgbt.pdf Christophe Broqua, « L’émergence des minorités sexuelles dans l’espace public en Afrique », « La question
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homosexuelle et transgenre en Afrique », Politique Africaine, n°126, 2012, pp. 5-23. Pierre de Vos, “The ‘inevitability’ of same-sex marriage in South Africa’s post-apartheid state”, South Africa Journal
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on Human Rights, n°23, 2007, p. 435. Executive Order 10450. “Security requirements for Government employment”.
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مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
.2.2الجهات الفاعلة إللغاء التجريم
تختلف مسارات الغاء التجريم من ناحية الجهات الفاعلة لكنها تتالقى على مستوى النتائج: على مستوى المدافعين والمدافعات عن حقوق اإلنسان ،كشفت األربع تجارب التي قمنا بدارستها عن تكوين حركات تتعلق بحقوق األشخاص المثليين .تتخذ هذه الحركات شكل ائتالفات وتحالفات ومنتديات وغالبا ما تقوم احدى مكونات االئتالف بدورالقيادة. في هذا اإلطار ،يكون النموذج الجنوب إفرقي مهم للغاية“ :نجحت حركةحقوقالمثليين في ادراج حقوق المثليين 15في مشروع سياسي أوسع يطالب بالعدالة اإلجتماعية التي تعارض كل شكل من أشكال التمييز.»16 في الهند ،وقع دعم حركة الغاء الفصل 377من قبل مؤسسة ناز ومنظمات أخرى كائتالف المحامين المرتبط بمؤسسة ناز وتحالف منظمات المثليين والمثليات ومزدوجي الميل الجنسي والمتحولين جنسيا ومدافعين عن حقوق اإلنسان وحقوق المرأة .و لوحظ نفس الشيء بالنسبة للواليات المتحدة وفرنسا. في فرنسا ،شكل تأسيس جبهة المثليين في 1971وهي وليدة أحداث ماي 1968وأحداث ستوون وول في الواليات المتحدة ( )1969فترة الكفاح من أجل حقوق المثليين والحماس الجمعياتي والذين نجحو في تأسيس نوع من التوافق بين المسؤولين السياسيين والمثليين وهي حركة جعلت من هذه الجمعيات فاعال رئيسيا حتميا في مايتعلق بالتعامل مع السلط العمومية في فترة الثمانينات.
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في الواليات المتحدة ،تعتبر أحداث ستوون وول المحفز الرئيسي للحركة المطالبة بالمساواة في حقوق المثليين .هذا وقد عرج ماثيو تود على األحداث في نيويورك التي وقعت في جوان من سنة 1969وأدت إلى والدة الحركة وابراز دورها في المطالبة بالغاء تجريم المثلية وهو نضال دام من 1969إلى .2009
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وقد ظهر أيضا هذا التمشي المتمثل في تكوين حركة للمطالبة بالمساواة في تونس .إذ تشكل ضمن حركة الحريات الفردية (التي ظهرت رسميا في جانفي 2016في إطار اإلئتالف المدني 15
لكن دون ذكر عبارة المثليين صراحة.
Graeme Reid, « The Canary of the Constitution. Same-Sex Equality in the Public Sphere », Social Dynamics, vol. 36,
16
n° 1, 2010, pp. 38-51. Voir notamment: Patrick Awondo, Peter Geschiere and Graeme Reid, « Une Afrique homophobe ? Sur quelques trajectoires de politisation de l’homosexualité : Cameroun, Ouganda, Sénégal et Afrique du Sud », « Nationalismes sexuels », Raisons Politiques, n°49, 2013, pp. 95-118. Voir Idier (Antoine), Les aliéna au placard, l’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), France, Editeur
17
Cartouche, 2013, 201 p. Et Idier (Antoine), Archives des mouvements LGBT+, une histoire de lutte 1890 à nos jours, France, Textuel, 2018. Todd (Matthew), Pride : l’histoire du mouvement LGBTQ pour l’égalité, Fréderic Martel (Préface), Riad Bittouche (Traduction), Editions Gründ 2019.
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ملخص الدراسة
ففي الهند وبعد 150سنة من تجريم العالقات المثلية (الفصل 377من المجلة الجزائية الصادرة عام ،)1860قامت المحكمة العليا بدلهي في 2جويلية 2009بإلغاء تجريم المثلية مقرة بأن تجريم العالقات الرضائية بين الرشد من نفس الجنس وفي السر غير دستوري النتهاكه المباشر للحقوق األساسية المنصوص عليها في الدستور الهندي. لكن المحكمة العليا للهند والتي أصدرت قرارها في 11ديسمبر ،2013أعادت تجريم المثلية وذلك باإلقرار بأن الفصل 377دستوري 9.ومن بين حججها لدعم دستورية الفصل 377أنه لم يقع تطبيقه في 150عاما إال على 200شخص من المثليين.
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وكان البد من انتظار تاريخ 6سبتمبر 2018حين قررت المحكمة العليا للهند أن الفصل 377من المجلة الجزائية الهندية غير دستوري.
11
أما في الواليات المتحدة األمريكية ،فإن المحاولة األولى إللغاء التجريم باءت بالفشل في القضية المتعلقة بالقوانين المجرمة للواط.
12
في هذا اإلطار ،أقرت المحكمة بدستورية قانون جورجيا المجرم للواط وذلك في قرار المحكمة العليا للواليات المتحدة األمريكية باورز ضد هاردويك لسنة 13.1986ثم بعد مرور 17سنة على اصدار هذا القرار وفي 26جوان 2003صدر قرار المحكمة العليا للواليات المتحدة األمريكيةلورانس ضد تاكسس قضت فيه المحكمة بعدم دستورية القانون الجزائي المجرم للواط14.وقد وقع 10
تدعيم هذا القرار التاريخي باجراء إصالح تشريعي .ففي سنة ،2009وقع الرئيس أوباما «قانون ماثيو شيبرد وجيمس بيرد» لمنع جرائم الكراهية ،والتي أضافت الجندر ،التوجه الجنسي ،الهوية الجنسية ،واإلعاقة لقانون جرائم الكراهية االتحادي لسنة .1969 لذلك ،فإنه يجب أن ال تعيق االنتكاسات محاوالت الغاء التجريم وخاصة المثابرة واإلصرار. ففي الواقع ،تعتبر مثابرة المدافعين والمدافعات عن حقوق اإلنسان ومناهضة التمييز والوصم عناصر ثابتة في النضال من أجل الغاء التجريم .وقد مكن هذا اإلصرار من حشد صانعي القرار وقضاة يتحلّون بالعدل وبالشجاعة. Suresh Kumar KaushalvsNaz Foundation and others
9
Ananya Das, “Analysis of LGBT rights in India”, International Journal for Emerging Research and Development, vol. 1, Issue 2, pp. 10-14. Cour suprême Suresh Kumar KaushalvsNaz Foundation and others du 11 décembre 2013, Ananya Das, “Analysis of LGBT rights in
10
India”, International Journal for Emerging Research and Development, vol. 1, Issue 2, pp. 10-14. NavtejJohar v. Union of India. The Supreme Court of India, criminal original jurisdiction writ petition (criminal) n° 76 of 2016.
11
https://www.sci.gov.in/supremecourt/2016/14961/14961_2016_Judgement_06-Sep-2018.pdf 12
للتذكير فإن عديد الواليات في الواليات المتحدة األمريكية كانت تجرم اللواط: ألباما :من عامين إلى 10أعوام سجنا .أالسكا :من عام إلى 10أعوام سجنا .أريزونا :من 5إلى 20عاما سجنا .كونيتكت 30 :سنة سجنا .دالوار3 : سنوات سجنا وخطية مالية بقيمة .1000$ La Cour Suprême des Etats-Unis, 30 juin 1986, (478 U.S. 186), Bowers v. Hardwick. https://www.oyez.org/cases/1985/85-140
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Texas Sodomy Statute. V. Jason Pierceson, Courts, Liberalism, and Rights: Gay Law and Politics in the United States and Canada,
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Temple University Press, Philadelphia, 2005, pp. 77-78.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
أنتجت هذه الحجج خالل عقود اآلالف من حاالت الظلم واآلالف من حاالت اإلعدام كما أنتجت حاالت التمييز واالضطهاد وتدمير حياة العديد من األشخاص ومسقبال لم يعشه أصحابه أبدا.
6
فكيف تمكنت إذن هذه البلدان التي كانت تقوم بإعدام المثليين وتسليط أبشع العقوبات عليهم: اإلخصاء والتعذيب والنفي واإلقصاء اإلجتماعي ...بعد قرون من المحاكمات من القيام بإلغاء تجريم األفعال التي كان ينظر إليها حتى ذلك الحين بأنها أفعال بشعة؟
.2إىل إلغاء التجريم املؤسس على املساواة والكرامة خضعت مسارات الغاء التجريم في كل البلدان موضوع الدراسة لنفس العوامل أال وهي :الزمن واستراتيجيات المناصرة: .1.2الزمن واملثابرة
تعكس كل تجارب الغاء التجريم أهمية عامل الوقت .فبعض المسارات استغرقت عقودا طويلة جدا. لم يكتمل المسار في فرنسا والذي بدأ منذ 1789إال في عام 1982بالتصويت على قانون المساواة في سن الرشد الجنسي بالنسبة للمثليين وللمغايرين 7وفي عام 2013وقع التصويت على قانون الزواج للجميع والذي يضمن المساواة في الزواج للمثليين8.ولكن ليس األمر كذلك بالنسبة للتبني. وهو مايجعل المسار مستمرا حتى نصل لإلعتراف يوما ما بحق المثليين في التبني. أما في جنوب افريقيا فلم تكتمل حمالت المناصرة التي انطلقت سنة 1989إال في عام 1995مع ادراج منع التمييز المبني على التوجه الجنسي ضمن وثيقة الحقوق .وقد تلى هذه المرحلة األولى مسار طويل لوضع أسس المساواة في الحقوق. ومن المالحظ دائما أن مسارات الغاء التجريم طويلة وبطيئة ومنهكة لكن المعارك التي تهدف إلرساء المساواة في الحقوق تكون أيضا أكثر قساوة .ولذلك لم تقرالمحكمة الدستورية في جنوب افريقيا إال في عام 2006بمخالفة قانون الزواج (لسنة )1961للدستور وذلك لمنعه المثليين من الحق في الزواج. هذه المسارات الطويلة ال يجب أن تخفي االنتكاسات الممكنة التي قد تحدث في بعض التجارب وخاصة في الهند وفي الواليات المتحدة :من التجريم إلى إلغاء التجريم ثم الرجوع إلى التجريم فإعادة إلغاء التجريم... 6
في ما يتعلق بالمصير المأساوي للمثليين خالل فترة الحكم النازي .بين 5000و 15.000من المثليين لقوا حتفهم في المحتشدات.
Voir: http://auschwitz.org/en/history/categories-of-prisoners/homosexuals-a-separate-category-of-prisoners/robert-biedron-nazisms-pink-hell/ ”حسب دراسة حديثة ،ما يقارب 10.000من المثليين لقوا حتفهم بسبب اضطهادهم من قبل النازيين“ Dagmar Herzog, Sexuality and German Fascism, Berghahn Books, Oxford, 2005, p. 344. En adoptant la loi n°82-683 du 4 août 1982 portant abrogation de l›article 331 (al. 2) du Code pénal.
7
Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. JORF n°0114 du 18 mai 2013,
8
Texte n°3, p. 8253.
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ملخص الدراسة
قامت الدول بإضفاء الطابع الرسمي للتجريم في القانون الجزائي .ومصدر هذا الطابع الرسمي للدوافع اإلجتماعية والتي تحولت إلى دافع غير دائم للتجريم.إن القانون موجود والذي تدعمه وتقويه العديد من األسباب اإلجتماعية .لذلك ،فإن تطبيق القانون (الفصل 331الفقرة 2من المجلة الجزائية الفرنسية)من طرف القاضي الفرنسي وحتى 1982كان السبب في محاكمة آالف األشخاص بعقوبات سالبة للحريات. عمال بالفصل 377من المجلة الجزائية يقع الحكم على المثليين من قبل القضاة الهنديين بالسجن مدى الحياة وذلك إلى حدود سبتمبر .2018في نفس الوقت ،وحتى عام 1995حوكم األشخاص (خاصة األشخاص ذوي البشرة السوداء) في ظل حكم الفصل العنصري على أساس النص الجزائي (الفصل 20أ من قانون الجرائم الجنسية). فيتحول بذلك النص إلى الدافع الوحيد لإلدانة .وتصبح هذه الوضعية أكثر خطورةعندما تقع مهاجمة المدافعين والمدافعات عن حقوق األشخاص المثليين. واألمثلة عديدة في ما يتعلق باتهامهم بأنهم ضد القانون .وذلك في الواليات المتحدة وفي جنوب إفريقيا وفي الهند ومؤخرا في تونس .فمن بين المطاعن المقدمة من طرف المكلف العام بنزاعات الدولة (م.ع.ن.د ).ضد جمعية شمس هو دفاعها عن إلغاء تجريم المثلية .تبدو هذه الحجة خطيرة في نظر م.ع.ن.د .الذي يهدف من خاللها أيضا حل الجمعية.
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لكن وفي بعض األحيان يبدو القضاة غير ملتزمين بالنص المجرم للمثلية فيؤسسون حججهم بالرجوع لمبررات اجتماعية وأخالقية وجسدية وشبه طبية ...وهو ما يمثل نقطة تشابه في التمشي القانوني والقضائي للتجريم. وقد وقع استعمال الحجة القانونية بطريقة مثيرة للسخرية .ففي بعض األحيان يقوم األشخاص (صانعي القرار أو رجال القانون) ممن هم ضد الغاء التجريم باستعمال الحجة التالية :وهو أن الفصول المجرمة للمثلية نادرا ما يقع تطبيقها وهي أحد الحجج المستعملة في فرنسا فيما تعلق بالفقرة الثانية من الفصل 331من المجلة الجزائية وفي الهند ،حيث وقع اعتبار أن الفصل 377 من المجلة الجزائية لم يقع تطبيقه إال مائتي مرة على مدى 150سنة .وفي تونس أيضا يقع استعمال نفس الحجة للتأكيد على أن المرات التي تطبق فيها الفصل 230ليست بالعديدة .هذه الحجة الكمية خطيرة ألنها تضفي شرعية على المقتضيات السالبة للحرية باالستناد فقط على المرات التي وقع فيها تطبيقها.
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حكم استعجالي ،محكمة اإلستئناف بتونس ،م.ع.ن.د .ضد جمعية شمس .تعليق وحيد الفرشيشي« :استئناف تونس تؤكد قانونية جمعية تطالب ّ يحط من الكرامة اإلنسانية» ،المفكرة القانونية 3 ،جويلية https://www.legal-agenda.com/article. .2019 بإلغاء الفصل :230تجريم المثلية php?id=5710
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
فحسب مقاربة فزيولوجية فإن العالقات المهبلية بين الرجل والمرأة هي العالقات التي تتنزل بدائرة األفعال الطبيعية أما األفعال التي تخرج عنها فهي غير طبيعية حتى ولو وقعت ممارستها من قبل شخصين من جنس مختلف. أما العالقات المثلية فهي تلك التي تدخل في دائرة األفعال المخالفة للطبيعة سواء كانت بين مثليين أو بين غيريين .وقع استعمال هذه المقاربة بصفة واسعة في األحكام الصادرة عن المحاكم األمريكية والهندية والجنوب إفريقية والمالحظ انه الزال القضاة التونسيون يكرسونها في أحكامهم الصادرة حديثا.
2
(محكمة اإلستئناف بسوسة بتاريخ 30أفريل 19973ومحكمة التعقيب بتاريخ 5ديسمبر ).19964 كل هذه األسباب التي أدت إلى تجريم النصوص القانونية وقرارات القضاء وقع تقويتها وتكريسها رسميا بالقاعدة القانونية. 2.1الدوافع القانونية« :مادام النص موجودا ،على القضاة تطبيقه» يصبح وجود النص القانوني دافعا أساسيا للتجريم« .مادام النص موجودا ،على القضاة تطبيقه» ويحكمون بسجن آالف األشخاص وفي بعض األحيان باإلبعاد. 2
حكم استعجالي ،المحكمة اإلبتدائية بتونس ،عدد 88184بتاريخ 14فيفري ،2018نقابة األئمة ضد جمعية شمس .تعليق وحيد الفرشيشي. http://legal-agenda.com/article.php?id=4240 حكم استعجالي ،المحكمة اإلبتدائية بتونس ،عدد 60753بتاريخ 23فيفري ،2016المكلف العام بنزاعات الدولة ضد جمعية شمس. حكم استعجالي ،محكمة اإلستئناف بتونس ،م.ع.ن.د .ضد جمعية شمس .تعليق وحيد الفرشيشي“ :استئناف تونس تؤكد قانونية جمعية تطالب ّ يحط من الكرامة اإلنسانية” ،المفكرة القانونية 3 ،جويلية https://www.legal-agenda.com/article. .2019 بإلغاء الفصل :230تجريم المثلية php?id=5710 قرار محكمة التعقيب ،عدد 40730بتاريخ 21فيفري http://www.kapitalis.com/anbaa-tounes/2020/02/22/%D9%85%D8%A .2020 D%D9%83%D9%85%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D8%B9%D9%82%D9%8A%D8%A8-%D8%AA%D8%B9%D8%B7%D9%8A%D8%AC%D9%85%D8%B9%D9%8A%D8%A9-%D8%B4%D9%85%D8%B3-%D8%AD%D9%82-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D9%88%D8%A /7%D8%AC حكم المحكمة اإلبتدائية بالقيروان عدد 6782بتاريخ 10ديسمبر .2015قضية شباب القيروان. حكم المحكمة اإلبتدائية بسوسة بتاريخ 22سبتمبر “ .2015في سبتمبر ،2015اعتقلت الشرطة “مروان” ( 22سنة) ،وهو طالب تم تغيير اسمه لحمايته،في سوسة .قضت المحكمة االبتدائية بسوسة بسجنه لمدة سنة بتهمة اللواط ،واعتمدت جزئيا في حكمها علىتقرير طبي صدر بعد فحص شرجي معيب جدا ”.أنظر تقرير هيومن رايتس ووتش“ :محاكمات بسبب المثلية في تونس انتهاكات اثناء مدة االحتفاظ وفي السجن”https:// . www.hrw.org/ar/news/2016/03/29/288197 حكم محكمة الناحية بالحمامات عدد 55026بتاريخ 19جانفي .2017في نوفمبر 2016وقع ايقاف العابرة جندريا “هالة” أثناء عودتها من حفلة مع أصدقائها في السيارة .تبلغ “هالة” من العمر 19سنة ووقع الحكم عليها بأربعة أشهر سجنا بتهمة االعتداء على األخالق الحميدة .وذلك على أساس لباسها الذي اعتبرت الشرطة أنه غير الئق وبأنه تجاهر بما ينافي الحياء .اذ أن “هالة” كانت ترتدي مالبس نسائية على عكس ماهو موجود في بطاقة التعريف بكونها ذكر. قامت هيئة الدفاع باستئناف الحكم أمام المحكمة اإلبتدائية بقرنمبالية والتي حكمت عليها بخطية مالية قدرها 200دينار من أجل االعتداء على األخالق الحميدة وذلك في 9فيفري .2017 في 17سبتمبر 2018وقع ايقاف “هالة” مجددا بتهمة “التجاهر بما ينافي الحياء” .ووقع اخالء سبيلها في 21سبتمبر .2018 /https://www.realites.com.tn/2017/03/le-transgenre-hela-libere-sous-caution /http://kapitalis.com/tunisie/2018/09/21/apres-4-jours-de-detention-la-transgenre-hela-en-liberte-provisoire
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محكمة اإلستئناف بسوسة ،الدائرة المدنية ،قضية عدد 2876بتاريخ 30أفريل ،1997المجلة القانونية التونسية ،1999 ،تعليق ساسي بن حليمة، ص 168 .ومايليها.
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تعقيبي جزائي عدد .79402
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ملخص الدراسة
.1من التجريم غري املربر سواء تعلق األمر بالهند أو بالواليات المتحدة األمريكية أو بجنوب افريقيا أو بفرنسا (واليوم بتونس) فإن تبريرالتجريم (وإلى يومنا هذا في تونس) يحمل نفس األسباب: 1.1الدوافع األخالقية تعتبر الدوافع األخالقية األكثر استعماال لتجريم العالقات أو مظهر األشخاص .يقع استعمال هذه الدوافع في نفس الوقت لعرض الدوافع اإلجتماعية وشبه العلميةالمادية للتجريم. الدوافع اإلجتماعية :كل األمثلة التي وقعت دراستها في هذا البحثأشارت إلى الدافع اإلجتماعي. تعتبر المثلية جريمة ضد المجموعة .هذا ما مكن (والزال يمكن العديد من البلدان كتونس) من تجريم العالقات الجنسية الرضائية بين الرشد من نفس الجنس سرا. باإلضافة لذلك ،وعلى الصعيد القانوني ،وإلبراز الدافع اإلجتماعي لتجريم المثلية ،قمنا بإبراز الفكرة التي من خاللها يجب أال يخفي غياب الضحية المباشرة (بما أن الفعل قام به راشدين برضائهما) أن الضحية الرئيسية هي المجموعة برمتها والتي وقع المساس بقيمها األخالقية. لذلك يكون من المنطقي أن يتعهد القاضي والمشرع بمحاربة هذه اآلفة وبأن يمنعوا تفشي مثل هذه األعمال الشنيعة في المجتمع .لذلك ،فإن فكرة األخالق اإلجتماعية (الشعبية) كانت (وال تزال) توجه القاضي والمشرع.
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في تونس ،تستند الدولة ومكوناتها إلى نفس الدوافع المتأتية من األخالق اإلجتماعية والشعبية لتقديم شكاوى ضد من يقومون ويقمن بالمطالبة بإلغاء الفصل 230من المجلة الجزائية (الفصل الذي يجرم المثلية بين الذكور وبين اإلناث بثالث سنوات سجنا). الدوافع شبه الطبية والمادية للتجريم :حتى وقت قريب قدمت الدول موضوع الدراسة دوافع شبه طبية لمقاومة الغاء التجريم .تأسست هذه الفكرة على ماهو طبيعي وماهو مخالف للطبيعة. 1
حكم استعجالي ،المحكمة اإلبتدائية بتونس ،عدد 88184بتاريخ 14فيفري ،2018نقابة األئمة ضد جمعية شمس .تعليق وحيد الفرشيشي. http://legal-agenda.com/article.php?id=4240 حكم استعجالي ،المحكمة اإلبتدائية بتونس ،عدد 60753بتاريخ 23فيفري ،2016المكلف العام بنزاعات الدولة ضد جمعية شمس. حكم استعجالي ،محكمة اإلستئناف بتونس ،م.ع.ن.د .ضد جمعية شمس .تعليق وحيد الفرشيشي“ :استئناف تونس تؤكد قانونية جمعية تطالب ّ يحط من الكرامة اإلنسانية” ،المفكرة القانونية 3 ،جويلية https://www.legal-agenda.com/article. .2019 بإلغاءالفصل :230تجريم المثلية php?id=5710 قرار محكمة التعقيب ،عدد 40730بتاريخ 21فيفري http://www.kapitalis.com/anbaa-tounes/2020/02/22/%D9%85%D8%AD .2020 %D9%83%D9%85%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D8%B9%D9%82%D9%8A%D8%A8-%D8%AA%D8%B9%D8%B7%D9%8A%D8%AC%D9%85%D8%B9%D9%8A%D8%A9-%D8%B4%D9%85%D8%B3-%D8%AD%D9%82-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D9%88%D8%A /7%D8%AC حكم المحكمة اإلبتدائية بالقيروان عدد 6782بتاريخ 10ديسمبر .2015قضية شباب القيروان. حكم المحكمة اإلبتدائية بسوسة بتاريخ 22سبتمبر “ .2015في سبتمبر ،2015اعتقلت الشرطة “مروان” ( 22سنة) ،وهو طالب تم تغيير اسمه لحمايته،في سوسة .قضت المحكمة االبتدائية بسوسة بسجنه لمدة سنة بتهمة اللواط ،واعتمدت جزئيا في حكمها علىتقرير طبي صدر بعد فحص شرجي معيب جدا ”.أنظر تقرير هيومن رايتس ووتش“ :محاكمات بسبب المثلية في تونس انتهاكات اثناء مدة االحتفاظ وفي السجن”https:// . www.hrw.org/ar/news/2016/03/29/288197
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية :تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس
إلغاء تجريم المثلية أو المسيرة الطويلة نحو المساواة والكرامة... األستاذ وحيد الفرشيشي
«في المستقبل ،سينظر للقوانين المعادية للمثليين كقوانين غير مشروعة مثلها مثل قوانين الفصل العنصري» داسموند توتو
عندما يصرح داسموند توتو جائزة نوبل للسالم و من دعاة السالم واالنتقال الديمقراطي بجنوب افريقيا بشعوره بالخجل من القوانين المعادية للمثليين ويقارنها بقوانين الفصل العنصري فهو يلخص بوضوح اإلقرار بأن هذه البشرية أخطأت في حق أحد مكوناتها والتي كانت لمدة طويلة موضوعا للتمييز والمالحقة واالضطهاد. يدل تصريح داسموند توتو أيضا على المسارات الطويلة إللغاء التجريم التي بدأها كل من آمن وآمنت بالمساواة والكرامة لكل فرد .فبالرغم من االختالفات الثقافية واالجتماعية والدينية والسياسية واالقتصادية للدول التي ألغت تجريم العالقات الرضائية بين الرشد من نفس الجنس و في اطار الحياة الخاصة ،فإن النقاط المشتركة في ما يخص التجريم وما بعد إلغاء التجريم واضحة للغاية .يبين هذا الوضوح كيف انتقلت البشرية من التمييز والوصم إلى بشرية تراعي اإلنسان وكرامته.
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ملخص الدراسة
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تقديم
الفهرس تقديم
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المقدمة
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.1اإلشكالية والتساؤالت .2المفاهيم
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الجزء األول :التجارب المقارنة المتعلقة بالغاء تجريم المثلية
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المبحث األول :الواليات المتحدة :من الغاء تجريم اللواط إلى االعتراف بالهوية
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الفقرة األولى :التباطؤ في الغاء تجريم المثلية
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الفقرة الثانية :المطالبة باإلعتراف بالهوية الجنسية المثلية
25
المبحث الثاني :المثليون في فرنسا ،من المحرقة إلى قصر البلدية
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الفقرة األولى :الجهات الفاعلة في توقيع العقوبة على المثلية
27
الفقرة الثانية :بطء مسارات الغاء تجريم المثلية
27
المبحث الثالث :الهند« ،األخالق الشعبية اليمكن لها أن تحدد الحقوق الدستورية»
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الفقرة األولى :المسار طويل األمد اللغاء تجريم المثلية
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الفقرة الثانية :مسار الغاء التجريم ،ال يخلو من المقاومة
30
المبحث الرابع :جنوب إفريقيا ،التوجه الجنسي والمثليين
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الفقرة األولى :النضال ضد سياسة الدولة المكرسة لرهاب المثلية
32
الفقرة الثانية :المطالبة بإلغاء القوانين المعادية للمثلية
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الجزء الثاني :أدوات المناصرة اللغاء تجريم المثلية في تونس
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المبحث األول :العناصر القانونية اللغاء التجريم
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الفقرة األولى :في عدم وجاهة عقوبة الفصل 230
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الفقرة الثانية :في عدم دستورية الفصل 230
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الفقرة الثالثة :مراجعة عاجلة للسياسة الجنائية
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المبحث الثاني :نشاط الجمعيات المدافعة عن حقوق المثليين
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الفقرة األولى :المشروع الضخم للنهوض بقضية المثليين
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الفقرة الثانية :احداث دينامكية في اطار المشروع الضخم
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الخاتمة المراجع
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تقديم مشروع توانسة كيفكم «توانسة كيفكم» هو مشروع بالشراكة بين كل من منظمة محامون بال حدود والجمعية التونسية للدفاع عن الحريات الفردية ودمج الجمعية التونسية للعدالة والمساواة .هذا المشروع يهدف في مجمله إلى العمل على القضاء كل أشكال العنف والتمييز التي يتعرض لها األشخاص المثليون والمثليات والعابرون والعابرات في تونس. يمتد هذا المشروع على مدة سنتين اثنتين ( )2020-2018ويتمحور حول ثالثة أهداف محددة ومترابطة : .1تسهيل الحصول على خدمات اإلعانة العدلية بطريقة تتماشى والخصوصية التي تتطلبه وضعية األشخاص المثليين والمثليات والعابرين والعابرات. .2تنمية قدرات منظمات المجتمع المدني من أجل حملة مناصرة مشتركة من أجل تكريس الحريات الفردية. .3التأثير على السياسات العامة ،من أجل تحقيق هذا الهدف ،عبر حمالت واسعة ومن خالل أنشطة حشد ومناصرة.
مسارات الغاء تجريم املثلية الجنسية: تجارب مقارنة وواقع الحال يف تونس ٠ملخص الدراسة٠
دراسة من اعداد د .محمد أمين الجالصي إشراف و تقديم األستاذ وحيد الفرشيشي دراسة اعدت في اطار مشروع «توانسة كيفكم»
تونس 2020