REDACTION ABABACAR GADIAGA BABACAR KORJO SEYNABOU NIANG ADAMA NDIAYE DIODIO DIOP MAMADOU DIOP
COMMERCIAL PAPA BABA DIOME 77 421 42 18 PUBLISHER ROOMNART roomnart@gmail.com
EDITO...
BABACAR KORJO
L’enchevêtrement de la solitude nous amène à faire un distingo entre ce qui est une bonne solitude au service de soi sans se séparer d’autrui : « être ensemble séparément », et celle qui conduit à l’isolement, à l’esseulement, à l’exclusion. En effet, Nous pouvons endurer l’absence de l’autre ou des autres mais ça n’est pas la même chose que de souffrir de l’incapacité d’être seul. Nous ne sommes plus alors dans le manque mais dans le risque de la perte de soi. Pour esquiver ce sentiment, certains glissent vers des conduites addictives où parfois l’angoisse étant trop forte, elle peut déclencher des symptômes physiques. Pétrarque expliquait que la solitude est triple : il y a celle des lieux, celle du temps, celle de l’âme. Un sujet isolé peut ne pas être solitaire et un sujet solitaire peut ne pas être isolé. Toute stratégie d’isolation met en cause la capacité de l’être à être seul, sa capacité de rêverie, c’est-à-dire devenir sujet de luimême. En effet, il y a ceux qui ne supportent pas de rester seuls. Ceux qui se sentent seuls parmi les autres. Ceux pour qui la visite chez la boulangère sera l’unique occasion de rencontre de la journée. Ceux qui se délectent de moments solitaires, enfin seuls… Le sentiment de solitude peut être lié à une situation objective (séparation, perte d’un être cher, chômage, déménagement, vieillesse…) mais c’est aussi une notion hautement subjective de l’ordre du ressenti. La solitude dont souffrent les enfants et les adolescents serait d’abord celle de leurs parents. L’affaiblissement des institutions, la montée de la notion de liberté individuelle, l’absence de consensus éducatif renvoient l’individu à lui-même et le fragilisent. « La société actuelle est très insécurisante pour les tout-petits. Ils ont beaucoup moins de continuité et de sécurité affective que par le passé. À méditer en ces périodes de délitement du lien social : il faut une grande masse d’hommes autour de soi; alors on peut les oublier et les trouver à sa guise, alterner différence et union, concilier société et singularité. SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
3
SOMMAIRE...
LIVRES « Mâle Noir » d’Elgas..................................................................06 «MARIAMA NDOYE: Un certain regard» D’Andrée-Marie Diagne-Bonané................................................07 LE MOUVEMENT SYNDICAL D’HIER À AUJOURD’HUI : La parole aux aînés De Mamadou DIOUF...................................................................07 SOLITUDE : Un esthétisme romanesque essentiellement humain...............08 TRAMISSION De Khadidiatou DIA...................................................................09 INTERVIEW AMINATA LY NDIAYE (MAGISTRATE-ÉCRIVAINE)..................12 NOTE DE LECTURE Solitudes d’Aminata LY NDIAYE Destin de femmes......................................................................22 Destin cruel de jeunes filles.......................................................24
4 PHOTO-REPORTAGE Cérémonie de présentation et de dédicace du livre « LE MOUVEMENT SYNDICAL D’HIER À AUJOURD’HUI :
La parole aux aînés », de Mamadou DIOUF............................26
5
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
LIVRES...
s a lg ’E d » ir o N le â M «
Un narrateur blasé jeune, fringant, attachant, qui se raconte, sans se la raconter. Le style - certains diraient la tchatche - rattrape la déveine du personnage central trop plein d’incertitudes. Des femmes seules, seules même en couple. Une conscience aigüe de l’absence de l’amour tant recherché dans les relations. Des partenaires de lit plutôt que des partenaires de vie. Cette énergie morte, maintes et maintes fois ressentie au sortir de coucheries désillusionnées de part et d’autre, comme pour rappeler que la chair est triste. Sur un autre registre, l’auteur livre de belles analyses pro revendications sur l’éternelle question identitaire. La déculturation et son corollaire - ce que j’appellerais moi les tentatives de re culturations (retour en Afrique, activisme noir, etc.) - la dichotomie entre le souci de vivre sa part africaine en donnant par exemple tous les mois à la mère créancière autoproclamée, et l’influence naturelle de l’individualisme occidental instillant une force contraire. Ces deux mondes se rencontrent pour ne jamais se comprendre. Hélas. Le style de ce roman rappelle Houellebecq (la mère impossible à aimer) mais tempère toujours les piques de cynisme. Elgas reste dans les limites de la politesse. C’est bien la seule qualité africaine que je retrouve dans son livre ; Une pudeur bienveillante. Tout le reste est franco-français. L’étudiant sénégalais est devenu un bon Tubaab (Blanc). Il fait presque tout comme eux, souffre des mêmes maux. Mais écrit diablement bien, comme les meilleurs d’entre eux. Oubliez les romans plein de dictons africains, vous n’en trouverez pas un seul dans celui-ci. Ahmadou Kourouma s’en retournerait dans sa tombe. L’africanité se perd, n’allez pas la rechercher…ici. Pas une seule phrase en langue !
6
Dans les 230 pages du livre. Peut-être aurait-il dû être plus long… Mais, trêve de critiques mineures, cela n’enlève rien au plaisir remarquable de tourner les pages des confessions du Mâle Noir. Elgas a livré là un précipité de la vie ni dure ni douce du jeune intello noir en France dans une langue formidable. Africain imparfait, Français imparfait, oui et alors ? N’est-ce pas être un humain tout court ? Aminata Fall
«MARIAMA NDOYE: Un certain regard» Cette oeuvre représente une critique sociale, nourrie de l’imaginaire d’une « fille de l’eau », peinte à tous les âges : l’enfance et l’adolescence, frémissante de tous les clins d’oeil furtifs des amours innocentes, et aussi, la pétulance de ces jeunes, livrés aux mirages et dangers de la ville. Mariama Ndoye peint le Sénégal dans tous ses états et éclats, à toutes les époques: depuis les âges mythiques, en passant par l’ère des fières résistances à la colonisation, puis celle de la « cohabitation » qui est comme un éloge du mariage réussi entre « traditions et modernité ». Femme jusqu’au bout des ongles en toute situation, prêchant la patience et l’endurance, célébrant la vie qui, « comme le bon pain », est faite de meurtrissures, de larmes parfois, mais de bonheur toujours. Andrée-Marie Diagne-Bonané est Maître de Conférences et formatrice à la Faculté des Sciences et Technologies de l’Éducation et de la Formation FASTEF de Dakar. Spécialiste de littérature africaine et francophone, elle est co-auteure de manuels de français et animatrice d’émissions littéraires télévisées.
LE MOUVEMENT SYNDICAL D’HIER À AUJOURD’HUI:
La parole aux aînés
Ce livre est un espace de dialogue virtuel entre plusieurs générations d’acteurs syndicaux. La parole est donnée à des personnalités qui ont marqué l’histoire du mouvement syndical au Sénégal et dans le monde. La démarche offre aux nouvelles générations de militants et dirigeants syndicaux, des éléments de référence sur : l’articulation entre vies syndicale et professionnelle, les motivations de l’engagement syndical, ses conquêtes et ses contraintes au fil des temps. L’intérêt de l’exercice est surtout de leur permettre de revisiter le parcours de leurs aînés pour s’en inspirer s’il y a lieu, de mesurer l’ampleur des sacrifices consentis et aussi d’apprendre de leurs erreurs afin que les valeurs qui ont toujours fondé l’idéal syndical demeurent éternelles. Mamadou Diouf est une figure connue du milieu syndical sénégalais et international. Professeur de Lettres Modernes, puis Inspecteur de l’Enseignement Moyen et Secondaire à la retraite, il fut de 2004 à 2016 le Secrétaire Général de la Confédération des Syndicats Autonomes du Sénégal, la CSA dont il est actuellement le Président d’Honneur.
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
7
LIVRES...
Solitudes :
Un esthétisme romanesque essentiellement humain Par Coudy KANE, enseignante-chercheure, UCAD.
8
Dans l’histoire de la littérature, le mot « roman» a été formé à partir du mot « romane », le langage qui permettra à un plus grand nombre de lire dans un idiome accessible. La langue romane était alors une langue vulgaire issue du latin populaire et opposée au latin réservé aux lettrés et aux érudits. Ainsi le roman est l’expression profane mais riche de la vie des hommes, des femmes, de la société et d’une forme esthétique nouvelle. Si la versification est restée la norme pendant longtemps, le roman s’est développé en prose pour relater des aventures merveilleuses, galantes ou grotesques de héros mythiques, idéalisés ou caricaturés. Le roman, tel qu’on le connaît aujourd’hui, est « une œuvre littéraire en prose d’une certaine longueur, mêlant le réel et l’imaginaire, et qui, dans sa forme la plus traditionnelle, cherche à susciter l’intérêt, le plaisir du lecteur en racontant le destin d’un héros principal, une intrigue entre plusieurs personnages, présentés dans leur psychologie, leurs passions, leurs aventures, leur milieu social, sur un arrière-fond moral, métaphysique » . Il est aussi l’expression du discours et de la pensée, libéré des contraintes académiques, tout en respectant une esthétique dite romanesque. Les personnages sont les épicentres du récit et leur devenir peut s’étendre sur de
longues périodes (année, époque, siècle). Comme le soulignait STENDHAL : « Le roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route». Toutefois, dans le paysage romanesque moderne, on oublie que le roman obéit à une recherche esthétique qui allie plaidoyer, narration descriptive et stylistique et relève d’un langage particulier. Jean-Paul SARTRE disait que la poésie est objet de création et que la prose est conversationnelle ! Selon lui, la littérature est un moyen de communication . Ainsi le roman est une forme littéraire qui s’exprime au moyen de la parole pour dialoguer, pour opérer des ruptures idéologiques et remettre en cause ce qui semble acquis. C’est dans cette dynamique littéraire que s’inscrit le roman d’Aminata LY NDIAYE, intitulé Solitudes. En effet, son récit est un discours et une réflexion sur la société sénégalaise contemporaine. Et comme toute histoire, celleci possède ses mythes, son héritage historique et ses sources culturelles. Fatim, le personnage principal du roman, est
LIVRES...
10
issue d’une famille unie et intellectuelle; elle est une jeune femme moderne, occupant un poste de responsabilités au sein d’une société multinationale à Dakar. Elle est mariée à un médecin charismatique et a deux filles. Sa vie est plutôt épanouie mais elle a un rêve secret, celui d’écrire et a une certaine tendance à la mélancolie. Ce qui la distingue des autres et la fait réfléchir sur son histoire et sur celle de ses parents, de ses grands-parents et de ses ancêtres. La question de l’organisation matrilinéaire y est centrale et on y retrouve le rôle des femmes comme pilier de la société traditionnelle africaine. C’est de cet héritage qu’est constituée Fatim et il y a de très beaux passages sur la condition des femmes, sans que cela ne soit ni caricatural ni poussif. Ce qui est dit de la mère et de la grand-mère de Fatim, c’est leur incroyable liberté. Un affranchissement dans une société où la femme occupe une place prépondérante à l’équilibre, à la création, au sens vital et au sens inventif.
Et la construction romanesque de Solitudes est habile car, si au début du récit, tout semble aller pour le mieux pour Fatim, on découvre peu à peu, à travers sa pensée et ses réminiscences, un passé douloureux lié à un épisode de son adolescence où son destin a basculé, mais dont on ne connaîtra le dénouement qu’à la toute fin du roman.
Ainsi, les portraits de la romancière et les paysages qui s’y accordent sont toujours exposés avec le souci d’un esthétisme concordant et assumé, en tenant compte des traditions, du patrimoine historique et de la justesse des valeurs africaines. Tout est récit, tout est culture, semble nous dire Aminata LY NDIAYE. Il y est même question de la transmission patrimoniale, notamment à travers le personnage de Nino, le père de Fatim, enseignant et historien, qui cherche dans l’histoire culturelle une forme de vérité qui rétablisse le parcours africain. Et sa bibliothèque n’est pas coloniale ! Elle est remplie et vivante des livres de Léopold Sédar SENGHOR, d’Ahmadou KOUROUMA et d’Amadou Hampâté BA. Et également des ouvrages des exilés antillais tels que René MARAN, Frantz FANON, Maryse CONDE et Aimé CESAIRE. Mais ce qui retient particulièrement l’attention, c’est la place qui est faite à Cheikh Anta DIOP et à son travail de réhabilitation historique de l’homme africain. Nino a le projet d’un grand ouvrage intitulé Les religions traditionnelles, cultes et croyance en Afrique subsaharienne . Cet ancrage culturel est propre au roman, et il contribue ainsi à l’émergence de la réalité africaine, à la fois dans son héritage historique et son essence culturelle.
Mais au milieu du récit, on découvre d’autres personnages avec un changement de focalisation. Celui d’Absa d’abord, une sorte d’héroïne malheureuse, opposée à Fatim, dont le parcours a connu plusieurs drames. Une même chance au départ, une même disposition pour les études, pour les lettres mais qui va connaître une destinée faite de ruptures irréparables, contrairement à Fatim. La réalité de Dodio, autre personnage du récit, n’est pas reluisante non plus. La jeune femme navigue entre la prison et la prostitution, à la recherche d’une vision idéale, d’une chimère enfantine, celle de devenir hôtesse de l’air et d’épouser un pilote. Ainsi le réalisme prend le pas sur le merveilleux. La vraisemblance se révèle et la dureté citadine apparaît pour ces jeunes femmes, encore innocentes, abusées par des hommes, enceintes prématurément et qui ne se relèvent jamais d’une vie hors normes.
À travers une narration fluide, principalement centrée sur le point de vue de Fatim, on voit apparaître au fur et à mesure, de lancinantes questions qui pourraient bien modifier l’ordre des choses. Peut-être que Fatim se pose-t-elle la question de l’essentiel ? Réussir sa vie sans abandonner ses rêves d’enfant, ses espérances et ses désirs de création et d’utilité au monde. Un questionnement existentiel, voire philosophique, assaille la conscience de Fatim comme un moteur du récit lui-même.
Aminata LY NDIAYE semble vouloir nous dire que la volonté seule de réussir ne suffit pas pour s’en sortir car la société sénégalaise ne protège pas, ou si peu, ces êtres qui rencontrent des difficultés. Les structures sociales qui pourraient prendre le relais sont quasi inexistantes et celui
ou celle qui ne peut compter sur une cellule familiale solide aura peu de chance d’échapper à un destin tragique, structuré uniquement par la débrouille et la misère.
qui l’empêche de s’en défaire. Elle se contente quelquefois de libérer des oiseaux qu’elle achète dans la rue pour annihiler sa culpabilité et sa conscience. Respectant les codes du roman jusqu’au bout, Aminata LY NDIAYE attend Au cœur du récit, il est aussi question du tra- l’ultime moment du récit pour délivrer le dévail des médecins, des infirmières, des sage- nouement et en produisant une acmé efficace femmes qui s’engagent en lieu et place des faite de tiraillement, de crise et de suspens. gouvernances. Birane, le mari de Fatim, qui est médecin, s’occupe d’une Organisation Ainsi ce premier roman d’Aminata LY NDIAYE Non Gouvernementale qui vient en aide aux nous entraîne vers un espace romanesque plus démunis. La question de l’accès à la san- subtilement conduit pour ne rien révéler trop té et aux structures sociales est centrale dans tôt et maintenir le lecteur dans l’attente. Cette la société sénégalaise, et par-delà sur tout le composition esthétique et narrative donne au continent africain. Au moyen de cet habillage récit une force littéraire suffisamment contenue romanesque, Aminata LY NDIAYE dénonce pour surprendre et emmener le lecteur là où il l’absence des structures d’État qui devraient ne s’attend pas à être. prendre en charge les soins élémentaires, les accidents de parcours des individus et les ma- Cette première production littéraire est une ladies qui sévissent sur tout le continent. Cette réussite tant sur le climat socio-culturel et hiscarence décide du sort d’une partie de la jeu- torique que sur le plan narratif qui prend le nesse africaine, ce qui au XXIe siècle, demeure soin de mener chacun de nous sur le chemin un véritable scandale. du roman où se reflètent plusieurs miroirs, révélant une vérité que chacun pourra interpréCes récits enchâssés dans la narration princi- ter et s’approprier. Le roman d’Aminata LY pale organisent le schéma du roman en ana- NDIAYE est assurément un livre qui contribue lepses qui permettent de révéler l’intrigue qui à la restauration du récit africain et qui renforce a décidé du mal-être de Fatim. Ainsi en bâtis- la nécessité de la renaissance pour édifier un sant plusieurs récits de ces différents person- mouvement littéraire affranchi de toute psyché nages, la tension romanesque s’intensifie. Car déformée. il est clair désormais que Fatim détient un lourd secret à porter, avec un mutisme destructeur
TRAMISSION DE KHADIDIATOU DIA Transmission est le reflet d’une vie illusionniste. Joie et tristesse s’y confondent. Des valeurs comme l’Amitié, l’Altruisme et la Reconnaissance parfument le décor d’une vie où tout y est hélas éphémère. Mais l’homme ne semble pas s’en rendre compte. Aveuglé par ses délires tels que la Cruauté, l’Injustice ou encore l’Intolérance... Tout en oubliant qu’il devrait s’accommoder à la véritable réalité garant de son Salut à travers la culture de la Paix, de l’Amour du prochain voire le respect de la Nature... Bref, Transmission est une invite à la reconsidération de l’Humain, ce qui nécessite sans aucun doute un retour à la base Divine quelque soit notre Religion ou Appartenance. Khadidiatou DIA est née à Dakar. Après une initiation au Coran, elle fréquente l’école Privée Catholique, Saint Charles de Kolda. Elle obtient le BFEM au collège Tété DIADHIOU de Ziguinchor puis le BAC au lycée Mame Cheikh MBAYE de Tambacounda. Elle s’inscrit à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar puis à l’IAM de Tambacounda. Elle est Professeure de Lettres-Espagnol et Point Focal en Genre au CEM Gourel Diadié de Tambacounda.
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
11
Interview...
AMINATA LY NDIAYE (MAGISTRATE-ÉCRIVAINE)
12
Passionnée de lecture et d’écriture, la juge constitutionnelle, Aminata Ly Ndiaye, fait sa grande confession dans un roman intitulé ‘’Solitude’’, publié aux éditions L’Harmattan. Dans cette interview, elle apporte son regard en tant qu’écrivaine et juriste sur des faits de société tels que le travail des femmes, le refus de paternité, l’avortement médicalisé, la condition de la femme… La magistrate dit tout !
Propos recueillis par le quotidien ‘’EnQuête’’
Parlez-nous un peu de vous. Qui est Aminata Ly Ndiaye ? Je suis native de Thiès, où mon père, instituteur, a longtemps servi après Fatick, Tambacounda et Tivaouane. J’ai fait mes études primaires à l’école Randoulène de Thiès, puis à l’école des HLM, route de Dakar (toujours à Thiès) dont mon père était le directeur. C’est en 1972 que mon père a été affecté à Dakar et naturellement, toute la famille a suivi.
respondantes ; l’une au Canada et l’autre en France, avec lesquelles j’échangeais régulièrement de longues lettres. Je lisais aussi beaucoup, comme je l’ai dit.
Après, quand j’ai commencé à exercer ma profession de magistrat, j’ai eu beaucoup moins de temps pour la lecture et même pour écrire mes petits textes et correspondances habituels ; j’écrivais plutôt des décisions de justice. D’un autre côté, en écrivant du droit, étais-je vraiment si loin d’écrire sur la vie ? Car le droit, on le sait, Arrivée à Dakar, alors que je venais d’obtenir n’est que la traduction juridique des faits sole CEPE et l’entrée en 6e, j’ai commencé mes ciaux… études secondaires au lycée Van Vollenhoven En tout état de cause, ce que je n’ai jamais ces(actuel lycée Lamine Guèye). sé de faire, en revanche, c’est de lire encore et Déjà, à l’école primaire, j’aimais lire. Je passais encore. La lecture a toujours été mon loisir favori des heures dans la bibliothèque du bureau di- et l’est encore aujourd’hui. A la maison, beaurectorial de mon père, située à l’arrière de la coup de membres de ma famille aiment lire. Ma pièce principale, à dévorer des livres que je défunte sœur aînée, Fatimata dite ‘’Mame Fan’avais pas le droit d’emporter à la maison. En tou’’, qui est au nombre de ceux à qui je dédie classe de 6e, je me suis inscrite à la bibliothèque mon roman, était une grande lectrice ; elle était du Centre culturel français (actuel Institut fran- abonnée à de nombreux revues et magazines de çais de Dakar) situé à la rue Joseph Gomis, pour l’époque comme ‘’Confidences’’, ‘’Nous deux’’, pouvoir emprunter des livres. Dans ma classe ‘’Intimité’’, ‘’Amina’’, ‘’Femme et Développede latinistes, il y avait, autant que je me sou- ment’’. Elle achetait en outre des romans qu’elle vienne, trois grands lecteurs : Sidi Ka (devenu me prêtait. J’ai donc grandi dans cet environneprofesseur de médecine), Michel Benga et moi... ment. Plus tard, j’ai eu fortement envie d’écrire. C’est ainsi qu’il y a quelques années, j’ai entamé Sept ans plus tard, j’ai quitté le lycée, le Bac en l’écriture de ‘’Solitudes’’. poche. J’ai été ensuite orientée à la faculté de Droit de l’université de Dakar devenue université Pourquoi le titre ‘’Solitudes’’ ? Cheikh Anta Diop. J’exerce la profession de magistrat depuis 1986, année où j’ai obtenu mon Brevet de l’Enam (Ecole nationale d’administra- Parce que la solitude traverse le roman, elle est tion et de magistrature). J’ai occupé successi- partout présente et elle est multiforme. En prinvement plusieurs postes au sein de la magis- cipe, la société sénégalaise est ouverte et convitrature et le 26 juillet 2021, j’ai été nommée juge viale, mais de plus en plus, il y a des personnes seules, surtout en ville. Il suffit de regarder auconstitutionnel. tour de soi. Voyez les malades mentaux dans les Pourquoi avez-vous senti le besoin d’écrire rues, les clochards, les sans-abris et marginaux de toutes sortes. Ils n’ont personne et sont livrés sur la vie comme vous dites, à eux-mêmes. Il y a aussi les femmes brimées vous qui avez jusque-là beaucoup écrit, dans leur foyer, les orphelins maltraités par ceux mais surtout sur le droit ? qui les élèvent, les personnes âgées dont on ne Ecrire a toujours été pour moi une profonde s’occupe pas assez dans certaines familles. aspiration. Très tôt, j’ai écrit de petits textes, de courts poèmes. A l’époque, on écrivait en- D’un autre côté, je me suis arrêtée sur la pauvrecore des lettres manuscrites. J’avais deux cor- té, la précarité : ils sont marchands ambulants, SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
13
Interview...
les apparences sont souvent trompeuses et qu’on peut passer tous les jours à côté de la souffrance sans la percevoir. cireurs de chaussures, domestiques, lavandières, gardiens, hommes à tout faire. Ils sont presque invisibles, transparents, ils font partie du décor, mais on ne les voit presque pas.
14
nous rendre compte que nous pouvons nous passer, même momentanément, des autres. Par ailleurs, que serait le monde si nous ressentions tous en même temps les mêmes émotions, les mêmes colères, que nous pouvions lire dans les Sur un autre plan, la solitude est la nature pre- pensées les uns des autres ? En somme, si nous mière de l’homme, même s’il est dit ‘’être so- étions connectés tous ensemble ? Le monde cial’’. Car chacun vit avec son moi, ses pensées, serait un chaos. ses aspirations. Nous sommes seuls, chacun pris à part, parce que nous sommes chacun un individu dans sa singularité. Et c’est par la parole, le regard, le sourire que l’on peut aller à la Pouvez-vous dresser pour les lecteurs un rencontre de l’autre et sortir de la solitude. Or, bref portrait-robot de Fatim, votre héroïne ? certains personnages du roman n’ont plus d’attaches familiales. Ils recherchent qui son fils, qui Fatim est une jeune femme de son temps. Cultison père ou son frère. Et puis, il y a le cas parti- vée, moderne, dynamique, elle est un cadre suculier de Fatim. périeur dans une société de la place. Elle allie vie professionnelle et vie familiale, car elle est Justement, en parlant de Fatim, mariée à un homme qu’elle aime, un médecin le personnage principal, on n’a pas avec qui elle a deux beaux enfants. En somme, l’impression qu’elle est aussi seule, avec elle a tout ce qui fait le bonheur d’une femme. son époux, ses jumelles et ses parents ? Alors pourquoi n’est-elle pas heureuse ? C’est ce qu’on découvre dans le roman. C’est dire On peut être entouré et être seul, malgré tout. que les apparences sont souvent trompeuses Fatim vit une solitude qui vient du silence dans et qu’on peut passer tous les jours à côté de la lequel elle s’est emmurée, du secret qu’elle porte souffrance sans la percevoir. Fatim est un peret qu’elle a toujours tu. C’est une solitude mo- sonnage complexe, mais elle est aussi très atrale et psychologique ; ce n’est pas le lien social tachante. qui est en cause. Elle appelle en permanence au secours, mais sa voix est muette, inaudible. Le Peut-on aussi dire qu’elle est un symbole silence est d’or, a-t-on l’habitude de dire, mais pour toutes ces braves dames qui allient à la il peut être aussi destructeur, car c’est la parole fois vie familiale et vie professionnelle ? qui libère. Effectivement. Les femmes ont fini de démontrer Pour autant, la solitude est-elle ce dont elles sont capables. Au plan professionun mal absolu ? nel, elles assument avec brio les mêmes tâches que les hommes ; elles sont actives et contriNon, pas du tout. Elle est même bienfaisante buent aux charges familiales. Mais, en outre, sous certains aspects. Elle est nécessaire pour elles doivent faire face aux responsabilités naréfléchir, se ressourcer, s’accomplir et créer. Elle turelles, traditionnelles et sociétales qui sont les est source de liberté, car elle nous permet de leurs dans une société à dominante patriarcale :
donner la vie et prendre soin de son enfant, assumer le travail domestique, s’occuper de son intérieur et du bien-être de la famille. C’est une tension quasi-permanente pour les femmes, énormément de fatigue et de pression. Tout cela demande beaucoup d’organisation. C’est pratiquement pour les femmes réaliser un miracle quotidien et rien que pour cela, elles méritent le plus grand respect. La législation sénégalaise garantit-elle à la femme la possibilité de s’acquitter de ses obligations familiales et maternelles sans entraves ? Aucune législation, à mon avis, ne peut véritablement garantir cela, même si, en général, elle est de plus en plus soucieuse de l’émancipation de la femme, de conditions de travail décentes pour elle et de son bien-être. Il ne peut y avoir que des aménagements de la loi tenant compte de la spécificité et de la singularité de la femme. Je cite quelques exemples. Ainsi, dans la loi n°61-34 du 15 juin 1961 modifiée instituant un Code du travail sénégalais, il a été prévu un certain nombre de dispositions en faveur de la femme salariée, comme l’interdiction des travaux pénibles ou dangereux. Lorsque son logement est fourni par l’employeur, ledit logement doit obéir à des normes, notamment au regard de l’hygiène et pour assurer la protection des femmes et jeunes filles ne vivant pas en famille. Indépendamment du congé annuel qui est dû à tous les travailleurs, la femme enceinte bénéficiait déjà dans ce code d’un congé de maternité de quatorze semaines et durant cette période, il lui est dû l’indemnité journalière payée par la Caisse de sécurité sociale à laquelle est affilié obligatoirement tout employeur. La femme ne peut pas faire l’objet d’une mesure de licenciement durant son congé de maternité, et ce quelle que soit la faute que pourrait éventuellement lui reprocher l’employeur. En revanche, la femme enceinte et la mère sur la période de quinze jours suivant la naissance de son enfant, peuvent rompre leur contrat sans préavis et sans avoir à payer une indemnité compensatrice de préavis. Pendant les quinze mois qui suivent la naissance de son enfant, la mère travailleuse a droit à des repos pour allaitement, à raison
d’une heure par journée de travail. Toutes ces dispositions ont été reprises dans la loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail actuellement en vigueur. Il est vrai que cet arsenal juridique peut toujours être amélioré. Par exemple, et à titre comparatif, en Gambie, le congé de maternité est de six mois. Au Burkina Faso, un collectif réclame six mois de congé de maternité pour les femmes et un mois de congé pour les pères. Le Sénégal a ratifié la Convention 183 de l’OIT sur la protection de la maternité adoptée à Genève le 15 juin 2000. Le Sénégal a ratifié la plupart, sinon toutes les conventions internationales protectrices des droits des femmes. D’ailleurs, il faut reconnaitre qu’au Sénégal, la législation du travail, notamment en ce qui concerne les femmes, est en conformité avec les normes internationales de travail. SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
15
Interview... Quid de l’égal accès à l’emploi entre les hommes et les femmes ? L’article 25 de de la Constitution du Sénégal, notre charte fondamentale, proscrit toute discrimination entre l’homme et la femme quant à emploi, le salaire et l’impôt. C’est un principe fondamental. Le préambule de cette Constitution intègre les conventions ratifiées par notre pays dont la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979, ratifiée par le Sénégal en 1985. Le Sénégal, entre autres instruments internationaux, a ratifié le Protocole de Maputo du 11 juillet 2003 (Protocole à la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique dit PCADHPDFA). Toutes ces conventions ratifiées ont une valeur supra-légale. Quant au Code du travail, son article 1er alinéa 2, dans sa rédaction en vigueur depuis 1997, dispose que l’Etat assure l’égalité de chances et de traitement en ce qui concerne l’accès à la formation professionnelle et à l’emploi, sans distinction d’origine, de race, de sexe et de religion. L’article 10 du même code prévoit que la femme travailleuse a le droit de se syndiquer sans l’autorisation de son mari. Au Sénégal, je crois savoir qu’il existe dans les ministères une cellule du genre chargée de veiller au respect et à la promotion des droits des femmes. Malgré le plaidoyer pour la femme, vous dites tout de même que le genre ne peut primer sur l’intelligence et la compétence, dans le recrutement en entreprise ?
16
Certes, une loi sur la parité existe au Sénégal depuis le 28 mai 2010, date de sa promulgation. Elle a été suivie d’un décret d’application pris le 26 février 2014. Elle institue la parité absolue homme-femme dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives. D’ailleurs, l’application de cette loi a connu récemment des difficultés dans l’élection des membres des conseils et bureaux territoriaux, après les Locales du 23 janvier 2022. Mais dans le monde du travail, une parité ou même un privilège légal
ou une discrimination positive qui favoriserait les femmes dans l’accès à l’emploi ne peut être envisagé. Il se heurterait à la liberté pour l’employeur, public ou privé, de conclure un contrat de travail avec qui il le souhaite et aussi à sa liberté de ne pas contracter. Toute disposition légale ou réglementaire qui contrarierait cette liberté serait difficilement acceptable. En ce qui concerne les femmes, je suis plutôt pour que leurs compétences soient reconnues. A elles de se rendre indispensables et de s’imposer de par leur sérieux et leur en-
service liées à une éventuelle grossesse, une maladie de son enfant, etc. Vous semblez aussi accorder beaucoup d’importance à la médecine du travail. Pourquoi ? Je suis attachée à la médecine en général. C’est un métier que j’admire et que je respecte énormément. J’ai voulu rendre hommage à cette belle profession, à travers le personnage de l’époux de Fatim qui est médecin, un homme pétri de qualités et qui voue un véritable culte à sa profession. D’un autre côté, la médecine du travail m’interpelle tout particulièrement. C’est lié à mon métier de magistrat. J’ai traité beaucoup de dossiers de droit du travail aux différents degrés de la hiérarchie judiciaire et j’ai même eu le privilège de présider le tribunal du travail hors classe de Dakar. Je compte beaucoup d’amis parmi les syndicalistes et les mandataires sociaux. Je suis sensible au bien-être au travail et à la condition des travailleurs en général. La santé, la sécurité et la prévention des risques au travail sont primordiales pour les travailleurs, mais aussi pour les entreprises, les institutions de sécurité sociale et les compagnies d’assurances qui supportent le coût des maladies et accidents professionnels, parfois mortels. Les travailleurs paient encore un lourd tribut à ces évènements tragiques. Aussi, on ne fera jamais assez pour garantir des normes d’hygiène, de santé et de sécurité suffisantes sur les lieux de travail. gagement au travail. Qu’elles démontrent leur talent et leur efficacité, et alors, elles seront incontournables. C’est un défi permanent, mais très exaltant qui participe à leur épanouissement personnel et c’est la meilleure manière de combattre et de vaincre les discriminations de toutes sortes. C’est de cette manière seulement qu’elles pourront inverser la tendance.
La question de l’exclusion des jeunes filles enceintes de l’école est aussi abordée avec les cas pathétiques de Diodio, Absa et Sini. La question est-elle toujours d’actualité ? Ne pensez-vous pas que c’est une violation du droit à l’éducation de ces jeunes filles ?
La pratique de l’exclusion pour cause de grossesse est révolue depuis 2007. Dans le roman, D’un autre côté, il est vrai que parfois, certains par une note en bas de page, j’indique d’ailleurs employeurs, de manière très injuste, hésitent que c’est la circulaire ministérielle n°004379/ à engager une femme, même compétente, en ME/SG/DEMSG/DAJLD du 1er octobre 2007 ayant à l’esprit qu’elle aura des interruptions de qui offre désormais la possibilité aux jeunes filles SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
17
Interview... tombées enceintes de reprendre leurs études après l’accouchement. Auparavant, elles étaient définitivement exclues et cette décision dépendait d’une seule personne, à savoir le chef de l’établissement scolaire. Bien sûr, l’exclusion pour cause de grossesse est une violation du droit à l’éducation des femmes et c’est une perte de chance immense pour la jeune fille, mais aussi pour la société. Car instruite, la femme et la jeune fille sont des agents de développement importants ; l’instruction les sensibilise également au bien-être de la famille, à celui des enfants et contribue notablement à leur épanouissement personnel en tant que femmes et êtres humains. Heureusement que les choses ont changé… La société prend de plus en plus conscience que l’instruction des filles est un facteur de développement économique et social. Et c’est tant mieux. Est-ce que l’avortement médicalisé n’aurait pas pu être une solution pour permettre à ces jeunes filles d’échapper à l’humiliation et de poursuivre leurs rêves ?
18
Dakar a un double vis moderne, attrayante et l’autre, celui d’une ville par le désordre litique fait peu à peu le lien entre la prison et la société, de manière à favoriser l’humanisation de l’enfermement. En outre, au Sénégal, l’aménagement des peines et les peines alternatives font partie de l’arsenal législatif, même si ces dernières ne peuvent guère concerner les crimes. Les acteurs de la société civile, les organisations et associations caritatives, de leur côté, jouent leur partition ; l’objectif étant de faire du détenu un ‘’sujet de Droits de l’homme’’ qui subit sa peine, mais dont les droits fondamentaux sont respectés.
‘’O mon Dieu, que n’as-Tu arrêté le temps C’est une question sensible, comme toutes les sur nos vertes années, Toi qui savais problématiques qui ont trait aux mœurs. La so- qu’elles seraient les meilleures de notre vie ciété sénégalaise est à dominante religieuse et ?’’, vous exclamez-vous. Que regrettez-vous est donc très conservatrice. D’où les passions le plus de ce bel âge ? que déchaînent les questions telles que l’éducation sexuelle à l’école, la contraception et l’avor- Ce n’est pas moi qui m’exclame ainsi, c’est le tement médicalisé que vous évoquez. personnage principal, Fatim. Mais il est vrai que nous avons tous la nostalgie de nos jeunes anQuel est votre point de vue sur la manière nées et l’école, en particulier, cristallise cette dont la société traite ses détenus, avec le nostalgie. Moi, personnellement, ce que je recas de Diodio abandonnée par toute grette le plus, et je cite pêle-mêle, c’est l’insa famille à sa sortie de prison ? souciance, les jeux à l’école, les balançoires, le potager, les concours de calligraphie, le porteLa personne emprisonnée demeure un être hu- plume, les pleins et les déliés, les cahiers de vamain, même si, à un moment donné de sa vie, cances, le goût du lait en poudre que l’Unicef, elle s’est écartée du droit chemin et de la norme dans le cadre de son Programme de lutte contre sociale. Des conditions de vie décentes en pri- la malnutrition, distribuait aux écoliers… Et aussi son, des activités de formation sont les meil- la figure paternelle, mon père ayant été souvent leurs moyens d’aider les détenus à supporter au pour moi, à la fois, mon enseignant en classe mieux l’enfermement et de favoriser leur reso- quand il remplaçait un maître absent, mon dicialisation et leur réinsertion. L’emprisonnement recteur d’école et mon père tout simplement. Un est stigmatisant. Il suscite le mépris et la peur. homme bon et courtois, d’une grandeur d’âme Les préjugés ont la vie dure, mais les mentalités sans égale. C’est pour toutes ces raisons que évoluent tout de même, car il y a une politique l’enseignement est l’autre métier auquel je rends d’ouverture en faveur des détenus et cette po- hommage à travers mon roman.
sage : celui d’une ville t agréable à vivre et, de e défigurée et envahie et l’insalubrité. Vous faites quand même une ‘’belle’’ photographie de Dakar avec ses mendiants, ses embouteillages, ses hommes de tenue à tous les ronds-points… N’y a-t-il pas urgence à secourir la capitale ? J’ai tenté de restituer le visage de Dakar. L’occupation anarchique de l’espace public y est une réalité que les citadins déplorent. C’est une triste réalité. Les trottoirs n’appartiennent plus aux piétons. Ils sont encombrés par les tables, le commerce ambulant, les gargotes, les kiosques, les ateliers de toutes sortes et les dépôts d’ordures. Dans certaines artères, la chaussée ellemême n’est pas épargnée. En outre, toutes sortes de marginaux développent dans la rue un mode de vie bien à eux. On assiste souvent à des scènes renversantes, absolument surréalistes. En fait, Dakar a un double visage : celui d’une ville moderne, attrayante et agréable à vivre et, de l’autre, celui d’une ville défigurée et envahie par le désordre et l’insalubrité. Que pensez-vous de la mendicité ? Que faudrait-il faire pour l’éradiquer ? Je rappelle que la mendicité, ainsi que le vagabondage et la divagation d’animaux sont des infractions pénales punies par la loi. Pourtant, certaines personnes mendient depuis vingt, trente ans ou plus ; et en définitive, elles en font un métier. Des ressortissants de pays limitrophes migrent vers Dakar dans le seul but de mendier. A hauteur des feux rouges, les chaises roulantes disputent la chaussée aux voitures, nonobstant le danger d’un tel comportement, se glissent entre deux files pour foncer vers les portières des véhicules. Des femmes jeunes et en bonne santé mendient dans la rue à longueur de jour-
née, privant les enfants qui les accompagnent d’éducation et les exposant à la pollution, à la fumée des pots d’échappement, à la poussière, au vent et aux intempéries. Je pense qu’au bout d’un certain temps passé à mendier, on doit pouvoir, avec l’argent amassé, commencer une activité honnête génératrice de revenus. On peut se tourner également vers le financement de micro-projets, notamment pour ce qui est des femmes. On ne peut nier que la pauvreté et la précarité existent. Elles ne sauraient pour autant justifier tous les désordres. ‘’On avance trop souvent contre des magistrats, et avec beaucoup de légèreté, des affirmations mensongères et fantaisistes, des calomnies et des médisances dénuées de tout fondement’’ Je pense que l’aide aux plus démunis pourrait être organisée pour être collectée par des structures et personnes de bonne volonté, en vue de sa redistribution aux pauvres. Il faut une synergie d’actions entre tous les services, les secteurs de l’administration concernés, les travailleurs sociaux, les groupements, les communautés et organisations religieuses et, en outre, le renforcement des moyens techniques et financiers des intervenants institutionnels. Quant au sort des petits mendiants (talibés et autres enfants), il interpelle notre conscience. Leur situation est une violation de leurs droits à l’éducation, à la santé, à la sécurité et à leur intégrité physique et morale. Cependant, des dispositions légales et réglementaires visant à les protéger existent. En outre, le Sénégal a ratifié les conventions internationales relatives à la protection de l’enfance et les a mises en œuvre. La Stratégie nationale de protection des enfants (SNPE) est le référentiel de base dans notre pays. L’arsenal juridique et institutionnel est satisfaisant. L’action concertée de l’Etat, des institutions au service de l’enfance en danger et des autorités religieuses devrait permettre de trouver les meilleures solutions à cette question. Il y a aussi, toujours en ce qui concerne la protection des enfants, le Programme national de retrait et de réinsertion socio-économique des enfants en situation de rue. SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
19
Interview... Il y a la question du refus de paternité, avec notamment le cas de Diodio. Que vous inspire ce phénomène en tant que juriste ? Notre droit positif n’admet pas la recherche judiciaire de paternité. Cette interdiction est posée par l’article 196 du Code de la famille. Cependant, l’enfant naturel peut faire l’objet d’une reconnaissance volontaire et selon l’article 211 du Code de la famille, il peut rechercher en justice son père, si ce dernier a procédé à son baptême ou lui a donné un prénom. La preuve, par témoin, étant recevable dans ce cas. Par une autre action, ‘’l’action en indication de paternité’’, réglementée à l’article 215 du Code de la famille, l’enfant naturel, sous certaines conditions, peut obtenir des aliments de l’homme ‘’indiqué’’ comme étant son père par une décision judiciaire.
20
Mais cette action n’a pas de conséquences juridiques relativement à l’établissement de la filiation et ses effets sont purement alimentaires, malgré le rôle indéniable qu’y joue la paternité. En réalité, l’action en indication de paternité est une action hybride et paradoxale, car tout en se fondant sur la paternité, elle se limite à octroyer des aliments (pension alimentaire) à l’enfant naturel. Dès lors, il aurait été plus exact de nommer cette action ‘’action alimentaire’’ ou ‘’action aux fins de subsides’’. L’action en indication de paternité est le résultat d’une laborieuse gymnastique intellectuelle du législateur sénégalais. Je parlais tantôt d’une société sénégalaise très conservatrice. Or, le droit, en tant que phénomène social, se doit d’être en harmonie avec la société qu’il entend régir. C’est ce qui explique cette action. Le livre se referme sur beaucoup de questions restées sans réponse. Modou retrouvera-t-il son père ? Fatim va-t-elle se libérer de son secret ? Y aura-t-il une suite ?
Effectivement, le roman se referme sur des questions sans réponse. Je l’ai voulu ainsi, pour laisser aux lectrices et lecteurs leur part de rêve et d’imagination. Chaque lectrice ou lecteur, selon sa sensibilité, peut trouver sa réponse à ces questions. Une suite à ‘’Solitudes’’ ? Qui sait ? C’est possible. Je peux aussi décider d’écrire sur tout autre chose. Tout est question d’inspiration et aussi de ce que l’on a envie de développer et de partager avec les autres. Parlons à présent de tout autre chose. Quel regard portez-vous sur votre profession, la magistrature qui suscite beaucoup de polémique ? Rendre la justice n’est pas chose facile, hier comme aujourd’hui. Quel justiciable, même dans son tort, se déclarerait content d’être condamné ou encore satisfait d’être débouté de son action qu’il souhaitait entendre déclarer légitime ? Les décisions judiciaires seront toujours critiquées et on comprend qu’elles puissent l’être. Mais cela doit rester dans les limites de la décence, loin des attaques personnelles. Nul intérêt à ce que la justice soit malmenée et discréditée, car elle demeure un régulateur social au service de tous. D’une manière générale, on se doit d’être juste envers la magistrature, composée en grande majorité de magistrats loyaux et intègres. Car nous connaissons les devoirs résultant de notre statut et le sens du serment que nous avons prêté en tant que magistrats. Or, on avance trop souvent contre des magistrats, et avec beaucoup de légèreté, des affirmations mensongères et fantaisistes, des calomnies et des médisances dénuées de tout fondement.
21
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
NOTE DE LECTURE...
Destin de Elle était jusque-là connue comme étant un de nos plus hauts - et des plus brillants magistrats au point de siéger aujourd’hui au Conseil constitutionnel après avoir gravi tous les échelons de la magistrature mais, ce qu’on ignorait, c’est qu’elle avait plusieurs cordes à son arc. Ou, plutôt, à son violon d’Ingres. Pour son premier roman, « Solitudes », paru aux Editions « L’Harmattan», Aminata Ly Ndiaye, puisque c’est d’elle que nous parlons, nous offre à lire une galerie de femmes à la vie chahutée, écorchée, tumultueuse et escarpée, Si la grande royale des Lettres sénégalaises, Madame Aminata Sow Fall, est estampillée pour son talent de conteuse pour adultes, on pourrait dire d’Aminata Ly Ndiaye qu’elle sait raconter elle aussi une histoire en tenant le lecteur en haleine. Un lecteur qu’elle sait, avec un talent inoui entrainer dans les dédales de la vie difficile et touchante de jeunes femmes rattrapées par un destin pitoyable, Par le vécu de son héroine, Fatim, on s’habitue à des visages avec qui le destin n’a pas été clément. Un destin qui se présente souvent sous des traits revêches.
22
Fatim est une belle et séduisante femme que beaucoup de ses sceurs pourraient envier. Un poste de responsabilité dans une prestigieuse societe internationale, un mari qu’elle chérit et qui l’entoure d’une grande affection, Des jumelles qui font le bonheur de leurs parents. Hélas, derrière cet univers idyllique, se cachent des blessures que le lecteur découvrira qu’aux dernières pages de l’ouvrage, un lecteur qui, emballé par le fil du récit, éprouve le besoin irrépressible de dévorer les pages pour connaître enfin le dénouement de l’intrigue si bien nouée par Aminata Ly Ndiaye. Dans ce merveilleux livre écrit par une plume alerte et sans fioritures, il y a Fatim qui tient le rythme du roman. Anta Barila, son extravagante collègue, l’embellit par son côté pittoresque. Une dame dynamique dans le travail, mais éloignée des hommes par son excentricité. «Jamais de mémoire d’homme, la vulgarité et le mauvais goût ne s’étaient si parfaitement alliés chez une femme», ainsi l’avait croquée méchamment un collègue. Fatim, issue d’une famille modeste, a dû se battre pour sortir celle-ci de la précarité. Son père, Nino, un enseignant, est obligé de quitter son logement de fonction. Radié de la fonction publique pour des propos jugés subversifs par l’administration, il se résout à donner des cours dans le privé. Une scolarité studieuse pour la jeune fille au crâne rasé pour ne pas perdre du temps à se coiffer. Une scolarité sanctionnée par un Bac. L’université s’ouvre à elle d’où elle sort avec le titre de juriste des affaires avant de se retrouver Directrice adjointe, puis Directrice Administrative de la société Burren West Africa où elle rencontre celui qui sera son mari, Dr Gaye, le médecin de l’entreprise. Un couple qui respire le bonheur. Malheureusement, derrière cette vie dorée de Fatim, se cache un terrible secret que le mari et même sa famille ignorent. Destin cruel d’une femme à l’image de celui de Fily, une camarade d’enfance de Fatim. Fily est mariée à un Européen. En toile de fond, les problèmes des couples mixtes.
femmes
23
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
NOTE DE LECTURE...
Destin cruel de jeunes fil 24
Sini, Absa et Diodio. Trois femmes à la vie chahutée. Des jeunes filles qui rêvaient d’une belle réussite. Exclues de leur lycée en classe de terminale pour fait de grossesse, chacune d’entre elles porte une histoire. Sini décide de mettre fin à ses jours. Absa se voit mariée de force à la naissance de son enfant au village par un homme qui a l’âge de son père. Elle revient à Dakar au décès de son mari pour y mener une vie de débrouille. Elle voudrait également retrouver à l’île de Ngor son fils parti à la recherche de son père lorsqu’il apprit qu’il est né sans géniteur. Diodio rêvait d’être une hôtesse de l’air. D’où son surnom de Shirly. Elle accouche d’un mort-né. Condamnée pour infanticide, elle se retrouve seule, menant une vie difficile jusqu’à ce qu’elle rencontre un certain Toks. Un personnage du monde malfamé qui écoule sa drogue en se déguisant en mendiant et qui l’avait pris sous son aile protectrice. Trois vies qui auraient dû prendre un autre cours si justement Fatim n’avait égaré la fameuse clé de la boite à lettres de son lycée où était scellé le destin de ces trois lycéennes renvoyées par un vote qui aurait pu être en leur faveur. «Sini, Absa, Diodio. Trois destins, pleins de promesses, qui s’étaient brisés. Et elle, Fatim, était responsable de cette tragédie», écrit l’auteure. A travers une écriture sobre, Aminata Ly Ndiaye croque avec tendresse et mélancolie la vie de chacune de ces femmes que l’on découvre plus tard unies par l’école d’où elles ont été renvoyées. Leur sort aurait pu être écrit autrement par Fatim qui cache un terrible secret. Bon, on s’en arrête là pour ne pas déflorer ce secret qui donne tout son charme à ce roman. Assurément, Aminata Ly Ndiaye, qui exerce la profession de magistrat, nous l’avons déjà dit, sait raconter des histoires. Dans ce roman, elle aborde également des problèmes relatifs au dénuement des structures sanitaires et de nos établissements scolaires. Un regard pour le moins lucide et d’une grande objectivité. Riche de 232 pages, ce roman est à découvrir. A. S. G.
l lles 25
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
LIVRES...
26
Cérémonie de présentation et de dédicace du livre « LE MOUVEMENT SYNDICAL D’HIER À AUJOURD’HUI : La parole aux aînés », de mamadou DIOUF, Sous la présidence effective de Monsieur Samba SY, Ministre du Travail, du Dialogue social et des Relations avec les Institutions.
27
M. DIAME DIOUF
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
LIVRES...
28
29
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
LIVRES...
M. MAMADOU DIOUF
30
M. ABDOU FALL
31
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
LIVRES...
M. IBRAHIMA GUEYE
32 M. LAMINE BA
M. SAMBA SY
33
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
POEMES...
KOLDA Kolda, verte Aux femmes fières Aux tresses fines, couchées sur des épaules patientes J’ai mis du temps à venir à ta rencontre Tu fus toujours dans ma mémoire comme Ranérou, la blanche Je rêve encore de Gao, de Tombouctou Que des sauvages enturbannés Pensèrent ramener à la préhistoire Mon Afrique est rétive à l’esclavage Fut-il, au nom de l’Islam
34
Kolda, ville de savane Tes arbres sont immenses Comme est grande l’histoire Contée des Molo Entre liberté et dictature Par l’Islam et le paganisme Ce peuple frêle, à l’intelligence vive Des Dênyankôbé aux Almamy Il prit le pouvoir et la religion devint prétexte Il s’empara de la pensée d’une Afrique désireuse d’une source nouvelle d’identification, L’Islam, religion et idéologie Conduisit à la prise de pouvoir L’Afrique sahélienne rejeta le colonisateur Avec ses atours resplendissant du sang de ses enfants Elle oublia, les razzias arabes Mais qu’importe, l’Europe fut plus dangereuse, D’El Hadji Omar Tall à Alpha Molo Baldé En passant par Ahmadou Sékou jusqu’à l’intrépide Moussa Molo, Ils se battirent pour l’Afrique Il y eut Ousmane Danfodio et Alboury Ndiaye Qui pensèrent l’Afrique des grands ensembles Je me perds
Kolda, la belle et chaude ville Kolda terre d’adoption d’hommes perdus par leur amour De belles filles presque surnaturelles Combien de maîtres d’écoles perdirent leurs éthiques Et franchirent le Rubicon Ils sont innommables les militaires Qui, cantonnés, oublièrent bérets et tenues correctes Et devinrent pères Ai-je le droit de penser À la belle ndama couleur de sable Pelure parfaite, lait gras Je suis capturé par ce déhanchement presque au ralenti Au détour d’un carrefour Aux senteurs d’épices Kolda n’a ni monument Ni grands et beaux immeubles Juste ce zeste féminin De ses femmes éthiopiennes Quel souvenir vais-je garder Pas la chaleur qui tend à vous frire, Comme une vulgaire perdrix Pas les hommes, trop encombrants, Seulement ce frêle sourire Entre la Gambie et les Guinées.
MARY TEUW NIANE
LE CIEL ET LES MOTS
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
35
POEMES...
MA PATRIE ET MA RACE
Les grands artistes n’ont pas de patrie. Alfred Musset Nous vivons dans notre race, Et notre race vit en nous Gérard de Nerval (1808-1855) Je n’appartiens pas à une race Ni à une parcelle de terre Ma patrie c’est toute la terre C’est partout où souffle la paix Où s’ouvre la fleur du bonheur Mais aussi où souffre Et se meurt l’âme humaine Et ma race c’est celle d’Adam Je n’appartiens pas non plus À une tribu ni à un clan C’est moi le clan C’est moi la tribu
36
Extrait du recueil de Kémado Touré : «Moi mon contraire» (Préfacé par Cheikh Aliou Ndao)
37
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022
VERBATIMS...
LÉOPOLD NDIAYE Dans la vie on a toujours le choix. Et le plus souvent il y a deux options qui s’offrent à nous. Moi j’ai choisi désormais d’être toujours dans la joie et de positiver au maximum. Je suis convaincu que devant chaque situation nous pouvons tirer le meilleur et faire avancer les choses. « LES PAROLES DU SILENCE, UNE VOIE VERS LE BONHEUR »
38
AMINATA SOW FALL
CHEIKH ANTA DIOP
Nous parlions « Mensonge ! » Oui, l’Art dans toutes ses expressions est mensonge ! Mensonge sublime, qui nous sauve.
Un régime dont les assises morales sont pourries est un régime qui s’effondre.
L’EMPIRE DU MENSONGE (2018)
TEXTE INTÉGRAL PUBLIÉ DANS TAXAW NO 18, NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1979.
AMINATA LY NDIAYE « Il ne sait pas qui je suis vraiment... ». C’est ce que se dit Fatim, alors qu’elle s’apprête à épouser l’homme de sa vie. Mais qui est-elle donc, sinon un brillant cadre de société, une jeune femme comblée à qui tout sourit ? La réponse est peut-être dans la secrète mélancolie qui l’habite... «SOLITUDES»
39
SENEGAL NJAAY MAGAZINE ***AOUT 2022