ECO-INNOVATION Quatre lauréats aux trophées PEXE de l’éco-entreprise innovante 2015 Avec une quarantaine de PME participant aux vitrines de l’innovation, le tout récent forum Pexe des éco-entreprises a réussi à mettre en valeur un panel très représentatif des enjeux environnementaux actuels dans le secteur de l’eau, des déchets et de l’économie circulaire, des énergies renouvelables et de la performance environnementale et énergétique des bâtiments. Quatre PME de cette sélection, de 6 mois à presque 7 ans, ont été distinguées à l’issue de la journée par les grands comptes présents à chacune des quatre thématiques : Cleanea, Innoveox, Base Innovation et Ipsiis.
Une voie nouvelle pour la détergence Dans la catégorie Gestion durable de l’eau, c’est une société présentant une technologie propre qui a été distinguée.Cleanea, créée en 2009, a en effet développé une voie novatrice de production de détergents sur site (dans les immeubles commerciaux, pour les collectivités etc.) qui utilise le principe bien connu de l’électrolyse de l’eau salée. Cette voie technique permet de produire un mélange d’oxydants très réactifs et de produits détergents (de type eau de Javel), mais le point fort de Cleanea est de proposer une approche technologique qui permet d’obtenir deux produits détergents stabilisés qui n’ont pas nécessairement à être utilisés immédiatement. Au plan technique, l’innovation passe par la mise en œuvre d’une membrane capable de « trier » les ions au moment de l’électrolyse et de produire ainsi dans des chambres indépendantes des produits chimiques connus et efficaces en détergence. Ainsi la saumure centrale quand elle est soumise au courant électrique permet la migration d’ions chlorure à travers une membrane pour produire de l’acide hypochloreux tandis que les ions sodium (Na+) migrent de l’autre côté pour se combiner en soude. C’est ainsi que la machine Europa produit à la fois une solution désinfectante et pour la brillance (acide hypochloreux – bidon rouge) et une solution nettoyante basique (bidon bleu), les deux produits permettant de couvrir les besoins de toutes les surfaces. L’entreprise peut déjà se prévaloir d’une centaine de sites installés (dont Bercy où se déroulait la cérémonie des Trophées), ce qui est certes une goutte d’eau à l’échelle du potentiel du marché mais constitue un vrai retour d’expérience qui devrait désormais lui permettre une accélération industrielle d’autant qu’elle dispose depuis quelques mois de la toute dernière version de sa machine Europa. Cette V5, développée en collaboration avec Saintronic (spécialiste de la tôlerie technique), présente un design épuré mais surtout une taille réduite de 20 % facilitant son intégration, une gestion électronique, et quelques fonctionnalités nouvelles consolidant le concept.
Traitement et valorisation des déchets dangereux : la persévérance récompensée Pour la catégorie Déchets & Economie circulaire, le choix de la société Innoveox n’est sans doute pas neutre dans la mesure où il salue l’aboutissement industriel d’une technologie qui aura demandé une longue maturation et ainsi la persévérance en recherche et au plan entreprenarial. Innoveox, rappelons-le, porte une technologie dite d’oxydation hydrothermale en milieu supercritique, c’est-à-dire une technique capable de dégrader (d’oxyder) totalement en milieu
aqueux (sous une certaine température et pression) les substances organiques industrielles les plus complexes pour ne produire que de l’eau et du CO2. Intérêt de l’approche : on peut valoriser l’eau (éventuellement le CO2), les métaux et autres minéraux mais aussi la chaleur produite, la réaction étant exothermique. Cette technique inscrite au cœur même de la philosophie de l’économie circulaire a été validée depuis quelques années à l’échelle du pilote industriel et est aujourd’hui industrielle, permettant d’adresser les marchés des déchets dangereux qui ne trouvent pas à ce jour de solutions de traitement satisfaisantes. Innoveox qui a réalisé une levée de fonds en bourse de plus de 12 M€ en mai dernier est en pleine accélération de son développement, avec une première unité livrée et opérationnelle à La Réunion depuis la fin 2014 (projet signé en avril 2014) et quelques projets sur lesquels des annonces sont attendues dans les prochains jours. L’entreprise a aussi ouvert une filiale au Canada à l’automne, dans l’idée notamment de se positionner sur les cas compliqués de traitement des résidus pétroliers polluants issus des sables bitumineux qui représentent un enjeu environnemental majeur pour le Canada. La société désire également développer des solutions spécifiques pour le traitement des liqueurs noires des papeteries ainsi que des rejets liquides toxiques issus des mines.
Le solaire hybride pour sécher les fourrages et le bois énergie Doublement valoriser le solaire photovoltaïque en produisant de la chaleur en parallèle à l’électricité est une approche aujourd’hui partagée par plusieurs constructeurs innovants du marché. C’est sur ce créneau qu’agit Base Innovation, PME créée en 2009 qui a été lauréate du trophée des éco-entreprises innovantes dans la catégorie ENR. Cette entreprise spécialisée dans le génie solaire a développé le concept Cogen’air qui permet de rafraîchir les panneaux tout en produisant de l’air chaud qui peut être valorisé soit en chauffage (pour l’habitat) soit au plan professionnel, notamment dans le monde agricole pour sécher des fourrages ou dans l’énergie pour pré-sécher les résidus de bois utilisés pour produire des pellets. Ces deux secteurs constituent aujourd’hui l’essentiel des sources de croissance de l’entreprise qui affiche déjà une trentaine d’unités Cogen’air installées (de 1 à 100 kW) et surtout 150 projets en cours dont 120 dans le monde agricole et du bois énergie. Ce succès est du à l’efficacité du système d’échange mais également au fait que le dispositif complet est léger (2,5 plus qu’un panneau photovoltaïque à récupération à l’eau ou qu’un panneau solaire thermique classique) et donc facilement implantable sur les bâtiments existants en milieu agricole et rural en général, et donc globalement à forte rentabilité (2 à 5 ans de retour). Forte de son portefeuille projets, la petite entreprise table sur un chiffre d’affaires de 11 M€ pour 2015/2016 et est en train de réaliser le closing d’une levée de fonds importante pour accompagner son développement industriel (1,5 M€ en venture capital sur 3 M€ de consolidation financière). Elle fait aussi partie de ces quelques éco-entreprises françaises qui sont en train de réaliser une évaluation ETV (procédure européenne d’évaluation indépendante des éco-technologies) pour qualifier définitivement aux yeux de tous l’efficacité du Cogen’air.
Une mousse qui couple les propriétés d’isolation, d’anti-feu et de qualité de l’air Pour la catégorie Performance environnementale et énergétique du bâtiment, le trophée 2015 est revenu à unetoute jeune entreprise, Ipsiis, créée il y a tout juste six mois. Une distinction qui met en valeur une innovation qui est effectivement une double performance énergétique et environnementale. Energétique car il s’agit d’un nouveau type de mousse isolante mais aussi environnementale à la fois par ses propriétés de tenue au feu, de qualité de l’air intérieur (aucun COV) et d’origine. La mousse conçue par Ipsiis est en effet une mousse minérale poreuse, produite à partir de déchets ou co-produits de la filière bâtiment (tuiles, ardoise ou
éventuellement briques propres). Elle entre donc dans une démarche d’économie circulaire et présente donc en plus avec son caractère minéral solide une résistance au feu naturelle (sans retardateur de flamme) qui permet de résoudre le problème rencontré aujourd’hui par les laines minérales d’isolation. Sa conception globale, est pensée pour limiter au maximum son empreinte environnementale et énergétique. C’est notamment le cas avec les composés nécessaires à son expansion qui sont biosourcés (travail mené avec AgroParistech) et avec le procédé de production qui est peu capitalistique (donc implantable directement chez les détenteurs des matières premières ou un opérateur de déchets). Pas question pour autant d’opposer systématiquement ce nouveau matériau au reste des isolants. Pour Yves Le Corfec, son fondateur, une des voies de développement serait d’associer sa mousse solide incombustible (qui peut avoir un rendu lisse) à une laine du marché afin d’obtenir un complexe global répondant aux exigences incendie sans recourir aux retardateurs et bénéficier d’autres atouts des isolants du marché (en fonction des objectifs d’isolation).
Cécile Clicquot de Mentque
Partenaire du Forum national des éco-entreprises www.green-news-techno.net