RE LA REFABRIQUE DE LA VILLE
RE LA REFABRIQUE DE LA VILLE
Proposition de réappropriation de l’espace urbain par la pratique du réemploi
PFE LIMOUZIN-MICHAULT Bastien sous la direction de Yannick HOFFERT Soutenance le mardi 29 Juin 2021
Jury :
Mme Agnès BURGER
(Maîtresse de conférences STA, ENSAM)
Mme Pascale DE TOURDONNET (Maîtresse de conférences TPCAU, ENSAP Bordeaux) M. Yannick HOFFERT (Maître de conférences TPCAU, ENSAM) M. Yohann HUBERT (Contractuel TPCAU, ENSAM) Mme Clara PIOLATTO (Architecte collectif FAIRE AVEC) M. Stanislas ZAKARIAN (Maître de conférences VT, ENSAM)
M. Yannick HOFFERT : le 12/06/2021
« Le réemploi permet une économie et une mise en perspective historique et sociale, donc un supplément de sens et une relation entre les générations » Jean-Marc Huygen, La Poubelle et l’Architecte
En quelques mots...
Ce livret présente une situation et une démarche de projet. Un processus qui commence
par une errance dans la ville : une mise en situation qui éveille le regard et provoque l’architecture. Ici le projet d’architecture n’est plus envisagé comme un résultat fini, la suite et la fin d’un processus linéaire mais comme un processus en mouvement perpétuel. Il s’agira de réinterroger la pratique architecturale grâce à la pratique du réemploi. Pour cela le réemploi sera défini ici non plus seulement comme la récupération d’objets désuets et leur réutilisation dans un nouveau projet. Le réemploi sera révélé comme une méthode qui redéfini le processus de projet et donne à l’architecture de nouvelles dimensions sociales, écologiques, expérimentales et économiques. Alors la refabrique de la ville c’est quoi ?
D’abord une utopie, un rêve. Celui de confronter l’architecture disciplinaire : celle des architectes
et des professionnels de la construction et l’architecture indisciplinaire : celle des autoconstructeurs et des habitats informels. De trouver un équilibre entre ces deux paradigmes pour provoquer la ville et imaginer une nouvelle occupation de l’espace urbain. C’est aussi un défi, celui de révéler un bout de ville boudé et de lui trouver de nouvelles valeurs d’images et d’usages.La finalité de ce projet de fin d’études sera une proposition de réappropriation de l’espace urbain par la pratique du réemploi.
Ce livret se déroulera en trois parties. Dans un premier temps il y aura un retour sur quelques-
unes des expériences qui ont été menées en amont et qui ont joué un rôle dans l’envergure de ce projet de fin d’études. Puis dans un deuxième temps seront présentées toutes les investigations qui ont été menées sur le terrain du projet, à Sète et autour de l’étang de Thau. Dans cette seconde partie une très grande importance sera donnée à la représentation de l’existant. Dans une démarche de réemploi et de réappropriation d’espaces urbains il est en effet essentiel de disposer de ressources de qualité qui permettent de comprendre l’existant pour mieux envisager un projet. Enfin dans un troisième temps,
de toutes ces prospections des idées apparaitront: une vision, un programme, une architecture, des espaces et des liens. Les premières esquisses du projet seront alors présentées. Un programme sera défini pour répondre à la situation décrite et une chronologie de projet sera mise en place.
SOMMAIRE
P.2
I Des Envies...
P.4
I Re situer - partir d’où ?
P.6
II Re mobiliser - à partir de quand ?
P.10
III Re formuler - à partir de quoi ?
P.20
II ...Du Glanage...
P.24
I Re tourner - dans la ville
P.28
II Re later - la vie des quartiers
P.38
III Re joindre - les sites
P.46
IV Re dessiner - les hangars
P.56
III ...Émerge le Projet
P.60
I Re interpréter - le programme
P.68
II Re faire - la temporalité
I 2
Des Envies...
3
I
RE SITUER
Partir d’où ?
Le temps est gris, de fines pellicules d’eau
me caressent le visage, je me sens presque seul. Le clapotis des vagues me rappelle que je me trouve face à une étendue d’eau. J’ouvre les yeux, je vois deux cormorans toutes ailes déployées. Eux aussi, posés sur leur promontoire en béton semblent contempler ce paysage si particulier. Il ne pleut pas, ce que je sens sur mon visage c’est en réalité une brume poussée par la tramontane. Le temps semblerait s’être arrêté s’il n’y avait pas le grondement de la ville dans mon dos. Le site de projet est tout trouvé.
Dans un premier temps j’avais entrepris
de faire le tour de l’étang de Thau à la recherche
poussé à parcourir les rives de ce plan d’eau à la
d’un terrain sur lequel je pourrais développer mon
recherche d’une opportunité pour développer ce
projet de fin d’études. Mes attentes étaient vagues,
travail. Bouzigues, Mèze, Marseillan, le lido, Sète,
enfin je ne cherchais pas de formes précises mais
derrière ces noms ce sont autant de situations qui
particulières, endémiques. C’est ce qui m’avait
font la richesse du bassin de Thau. La faune, les parcs à huitres, les ateliers des conchyliculteurs, les industries, les ports de pêche, de plaisance, de commerce sont les ingrédients qui caractérisent cet écosystème.
Depuis que je suis installé à Montpellier
pour suivre mes études d’architecture, j’ai toujours été attiré par ce lieu, sa géographie et ses ambiances particulières. Au fur-et-à-mesure de mes escapades j’ai adopté un double regard sur l’étang de Thau et ses abords. Dans un sens il apparaît exotique, à l’image des espèces d’oiseaux qui s’y côtoient : flamants roses, mouettes, aigrettes, avocettes. Et des activités humaines qui s’y sont développées 4
Balaruc-les-Bains Bouzigues
Les Eaux Blanches
Mèze
Sète Étang de Thau
Marseillan Mer Méditerranée
Marseillan-Plage
N 5km
Légende : Sète
Mon trajet autour de l’étang Thau
Communes de l’étang
Autoroute A9
et qui ont marqué son histoire et son paysage : la
Pour beaucoup ces endroits seraient
pêche, la conchyliculture, le tourisme, le commerce
synonymes de pauvreté paysagère, de territoires
et l’industrie. Dans l’autre sens il me paraît familier
oubliés par l’architecture et dénués de toute
parce que j’y retrouve des traces semblables au lieu
recherche esthétique. Pourtant on peut aussi y
où j’ai grandi. Les ambiances, les odeurs me rappellent
voir des potentiels tant historiques que poétiques,
celles de Rouen, en Normandie. Ce temps gris, ce fond
véritables patrimoine, témoins de l’activité humaine
sonore se retrouve sur les rives de la Seine à l’Ouest de
et envers du décor de notre société. J’ai développé
la ville, où commence la zone portuaire. Quand je fais
une passion pour ces lieux, au point de m’y perdre et
ce rapprochement, je parle plus particulièrement de la
c’est donc naturellement que je cherche maintenant
zone Sud-Est de l’étang, au niveau des Eaux Blanches,
à les révéler au travers de l’architecture, de la
entre Sète et Balaruc-les-Bains.
photographie et de mes travaux de recherche.
5
II
RE MOBILISER
À partir de quand ?
<
Couverture du rapport d’étude Voyage dans la France Moche
<
Envisager une typologie industrielle au même titre qu’une architecture vernaculaire
Le rapport d’études Dès la licence j’ai travaillé mon rapport
une cheminée d’usine qui peut apparaitre comme
d’études autour de ce thème. Intitulé Voyage dans
une sculpture monolithique, au même titre qu’une
la France moche, il proposait un regard poétique sur
œuvre d’artiste. Ou une industrie qui peut révéler une
tous les territoires en marge des villes habitées et
certaine typologie, correspondant à une occupation
cherchait ce que ces zones pouvaient traduire de notre
particulière d’un site au même titre que certains
société. Zones commerciales, zones industrielles,
habitats vernaculaires.
infrastructures de transport périurbains sont autant de parcelles de notre territoire où la logistique
a primé sur la recherche esthétique. Tous ces
certaine schizophrénie de notre société. Ils sont
complexes se trouvent en dehors de la recherche
essentiels puisqu’ils sont moteurs de l’économie
architecturale alors qu’ils représentent une part
mais relégués à des espaces en marge de toute
importante de notre occupation du territoire et
considération architecturale, esthétique et culturelle.
forment ainsi des grands marqueurs de notre paysage.
Plutôt que de chercher à les éviter, à les cacher et les
Poser un regard sur ces lieux permet d’y entrevoir une
mettre en marge de la ville habitée ne serait-il pas plus
forme d’esthétisme inopinée. Comme par exemple
juste de chercher à les intégrer à nos espaces de vie ?
6
Finalement ces territoires traduisent une
La césure
A la suite de cette étude, j’ai effectué une
effectuant un stage dans l’agence de Dot Architects,
césure entre la licence et le master. J’ai eu la chance
j’ai pu découvrir tous les travaux menés au sein
de pouvoir partir au Japon où j’ai été émerveillé
du quartier. Par des interventions ponctuelles, le
devant la découverte de paysages très différents des
collectif a pour objectif de renforcer la dynamique du
nôtres. L’architecture du territoire de l’archipel donne
quartier tout en y préservant le caractère productif et
l’image d’une autre gestion de l’espace. Partagé
habité.
entre hyper-urbanité et étendues presque vierges de toute contribution humaine, le territoire Nippon est
pour autant lui aussi marqué par les infrastructures
est Chidoribunka, un tiers-lieu aménagé dans un
productives, commerciales et locomotrices. À l’image
ilot constitué d’anciennes habitations et d’anciens
des mégalopoles, les espaces en marge des villes
ateliers de confection de bateaux. D’un point de
japonaises sont hors d’échelle. Ainsi je me suis
vue architectural leur intervention a été minimum.
plusieurs fois perdu, volontairement, dans ces zones
Les structures et les enveloppes des bâtiments ont
à la recherche d’histoires et de points de vue sur la
été conservées, les espaces eux ont été remodelé
société japonaise. Et c’est dans ce contexte que j’ai
pour accueillir des nouvelles activités telles qu’un
rencontré les membres du collectif d’architecture Dot
salon de thé, un bar, une galerie d’exposition, des
Architects.
ateliers d’artistes, un potager, des logements et une
Un lieu emblématique de leur travail
bibliothèque. Leur intervention est située puisqu’ils
Leur atelier se situe dans le quartier
occupent différentes parcelles d’un même quartier
Kitakagaya, marqué par l’activité portuaire et
avec ce tiers-lieu mais également une auberge et
industrielle. Véritable zone productive d’Osaka
des ateliers. C’est petit à petit que leurs interventions
ce quartier est structuré par un amoncèlement
font évoluer le quartier tout en renforçant son
d’infrastructures de transport, de hangars et d’ateliers
identité. Mon séjour dans leur agence a été d’une
côtoyés par différentes typologies d’habitations.
grande inspiration et m’a donné envie d’explorer de
Kitakagaya
contrasté,
nouvelles dimensions de l’architecture, autour des
d’hétérogène tant il y a une variété d’espaces et
notions de réemploi des matériaux, des espaces et
de volumes aux fonctions elles-mêmes variées. En
du travail à partir et dans la continuité de l’existant.
peut
être
qualifié
de
<
Dot Architects, Chidoribunka (2016) Crédit photos : dot-architectects.jp
7
Le master
C’est ainsi qu’à mon entrée en master
j’ai demandé à rejoindre le domaine d’études Situations de l’école de Montpellier. Au cours de ces deux années d’enseignements, j’ai travaillé sur la rénovation d’une cave viticole dans un village non loin de Montpellier et sur la réactivation du mas de Mirabeau à Fabrègues. Ces expériences ont été l’occasion de développer une réflexion autour des notions de réemploi, de faire avec et de « penser-faire » : une pratique de l’architecture en équilibre entre moments de réflexion (par le dessin, la théorie) et des moments de construction (par la réalisation de projets à l’échelle réelle). Parallèlement, avec des amis nous avons fondé TAVU, une association dans le but de concevoir et de construire des petits projets exemple réalisé une boite à livre à partir de planches
<
selon les demandes des habitants. Nous avons par
Castelnau-de-Guers, Rénovation d’une cave coopérative, S7 - 2019
de bois de récupération.
8
<
<
Mas de Mirabeau, Prototypes de parois en réemploi, S8 - 2020
Feste-et-Saint-André, Construction de mobilier en réemploi, Tavu - 2020
<
Mobilier réalisé à partir de réemploi dans le cadre de ma colocation
<
Couverture du mémoire de master
Le mémoire Pendant mes deux années de master,
formelles et informelles réalisées avec des matériaux
motivé de pouvoir mieux saisir les enjeux de la
récupérés. L’objectif était d’entrevoir à quel point la
pratique du réemploi, j’ai également effectué
pratique du réemploi en architecture peut provoquer
une recherche sur cette thématique. Intitulé Le
la réflexion de l’architecte et de l’habitant au moment
Juste réemploi : la réutilisation d’un matériau de
du dessin, de la construction, de l’occupation et
construction en architecture au risque de l’idéologie,
de la désaffectation d’un édifice. Finalement, de la
ce mémoire avait pour objet l’étude de la pratique du
réflexion de quelques-uns des grands acteurs de
réemploi avec pour angles d’entrée la réflexion de
la pratique du réemploi ont émergé de grandes
plusieurs architectes disciplinaires et indisciplinaires
notions qu’il me semble essentiel de rappeler dans
ainsi que l’étude de différentes architectures
le cadre de ce projet de fin d’étude.
9
III
RE FORMULER À partir de quoi ?
Face à moi donc il y a cette étendue d’eau
ceinturent ce paysage unique.
saline, ce ciel teinté de gris et entre les deux tout ce qui forme la limite de ce paysage. La berge caressée par
les vagues et les mouvements d’aira: amoncellement
l’artificiel, tout s’entremêle et semble lié pour former
de sable, de vase, de roches, de briques, de blocs
un tout, ce paysage. Les hangars seuls, l’eau sans la
de béton et de gravas. Ici les Hommes ont gagné
rive, n’auraient pas autant d’effets. L’identité de ce lieu
du terrain sur l’étang, ils ont comblé les marais avec
est donc induite par le lien entre tous ces éléments. Il
ce qu’ils avaient sous la main. Au-dessus, en marge
en est de même dans l’architecture sous l’angle des
de cette berge il y a des hangars, structures de bois,
matériaux. Dans l’exemple de Chidoribunka de Dot
de métal, de béton, recouvertes de tôles, de tuiles
Architects de la page 7, ce qui donne l’effet d’un projet,
et de fibrociment. Entre eux il y a de vastes espaces
c’est tout le travail de mise en lien entre des espaces
recouverts de bitume et de terre battue que la
hétérogènes avec l’apport ponctuel d’un nouveau
végétation est venue transpercer par endroits. Plus
matériau, ici sous la forme de structures en bois massif
loin à ma gauche c’est la Pointe-Courte, un quartier
et de surfaces en béton ciré. Il y a un dialogue entre
marqué par son histoire avec l’étang. Derrière moi il y
les anciens éléments et les nouveaux et c’est de ce
a un des principaux axes d’entrée dans la ville de Sète
dialogue que toute l’esthétique du projet tire son
et la Gare. Au loin, enfin, je distingue des monts qui
essence.
10
Impossible de distinguer le naturel de
Le réemploi
Reconditionner Réemploi
Cette recherche de lien entre l’existant,
d’introduire une nouvelle notion : le réemploi. Dans le langage commun ce terme traduit la
Recyclage
d’une construction antérieure. C’est la définition que donne le Larousse et avec laquelle l’ADEME s’est emparée de la notion. Mais il est nécessaire pour la suite de ce travail de compléter cette définition pour
E R
Repenser
Retour
pratique consistant à la mise en œuvre dans une construction, d’éléments, de matériaux provenant
Réutilisation
Remonter
ce qui est là et ce qui va être apporté nécessite
Recréer Réflexion
Refaire Réabilitation
Réappropriation
Récupération
Résilience
Réadaptation
lui donner un sens plus large.
Énergie et mémoire de forme
Avec tous ces termes et leurs nuances il
est ici question de l’utilisation de tous les éléments disponibles sur place et autour. Au-delà des matériaux, il est entendu la possibilité de travailler avec les formes existantes, les espaces, les volumes
Particules Entités séparées
d’ores-et-déjà présents. Plus largement dans la notion de réemploi il est aussi possible de parler d’appropriation de méthodes et de techniques de construction anciennes et nouvelles. Finalement,
t por Ap ergie n d’é
Objet Entités regroupées
faire du réemploi, plus que la réutilisation de
+ Energie = + Mémoire de forme
matériaux, c’est la recherche d’un équilibre entre ce qui est là et ce qui est apporté. Pour Jean-Marc Huygen il n’y a pas de raison de différencier le neuf de l’ancien puisque tout est en réalité issu de la terre
Entropie
et va, dans un avenir proche ou lointain y retourner.
Lien entre les entités
Dans La Poubelle et l’Architecte, il explique que tout
+ Energie = + Complexité forme
est en réalité une question d’équilibre entre une dépense d’énergie et la mémoire d’une forme. Tout l’enjeu est alors de dépenser le moins d’énergie possible pour obtenir des formes qui pourront être les plus durables dans le temps.
11
L’entropie
La grande échelle du réemploi
L’entropie est en ce sens une notion
Dans le cadre de mon mémoire je tentais
intrinsèque du réemploi. Un objet possède une
d’étudier le réemploi dans toutes ses dimensions et
entropie plus ou moins marquée : plus il a fallu
au travers de différentes échelles pour entrevoir ce
d’énergie pour obtenir une forme plus son entropie
que cette pratique pouvait provoquer et questionner.
est forte donc plus elle mettra de temps à se dégrader.
J’ai alors pris le Japon comme exemple. Là-bas, les
Ainsi un tas de sable est formé en quelques coups de
composantes des maisons traditionnelles répondaient
pelles, ce qui nécessite peu d’énergie à sa formation
toutes à des mesures bien précises et identiques
mais en quelques souffles de vent tous les grains se
par régions. Au-delà de l’appréciation d’espaces aux
seront éparpillés. Un bloc en béton nécessite plus
formes parfaitement proportionnées, un des buts
d’énergie lors de l’alliance des grains de sable entre
de l’homogénéité des mesures était la facilité de
eux mais il sera aussi plus stable dans le temps et
fabrication, de pose et de dépose des éléments d’un
face aux intempéries. Les structures les plus durables
bâtiment. Avec la récurrence des catastrophes naturelles
sont alors celles qui ont une forte entropie mais
et la limite des ressources en matériaux qu’un archipel
également des formes simples. Un bloc de béton
de cette taille peut proposer, cette unité des mesures
simple sera plus résilient qu’un voile en béton dans
permettait aussi la récupération d’éléments non abimés
le sens où il pourra être déplacé et remplir différents
dans les ruines pour compléter les bâtiments qui
usages avant de redevenir poussière.
avaient en partie tenu ou les nouvelles constructions et ainsi faire des économie de ressources premières. Et c’est finalement tout le rapport au patrimoine qui
Le sens large du réemploi
est orienté par la pratique de la reconstruction. Plutôt que d’apporter de l’importance aux édifices, dans
Faire une architecture de réemploi ce n’est donc
leur dimension matérielle, le patrimoine prend sa
pas nécessairement réutiliser des matériaux issus d’anciennes
valeur dans les techniques de construction et l’histoire
constructions mais c’est travailler avec des formes
des lieux. En découle une plus grande fluidité des
déjà présentes en incluant quand cela est possible
espaces de la ville, puisqu’il n’est plus question de
des matériaux existants et en dernier recourt
construire pour l’éternité (comme on imagine le faire
apporter des formes et des matériaux nouveaux
en Europe), les choix des constructeurs tendent vers les
en étant attentif à la possibilité de leur réutilisation
bâtisses évolutives et résilientes. Aujourd’hui encore,
future et donc à leur résilience. L’objectif de mon
il est possible d’observer dans certains quartiers des
travail est d’explorer le réemploi dans sa nouvelle
grandes villes japonaises, des maisons traditionnelles
définition pour générer une architecture aux
que les habitants entretiennent, réparent et améliorent
dimensions sociales, écologiques, économiques
comme bon leur semble. L’exemple du Japon est
et expérimentales. Il s’agit de voir la pratique du
intéressant puisqu’il représente la mise en place d’une
réemploi comme un levier de projet d’architecture
logique de réemploi à grande échelle, comme norme
avec toutes les ouvertures qu’elle produit.
dans la construction.
12
< < <
Kitakagaya, Japon, 2019
Pointe-Courte, Sète, 2021 Pointe-Courte, Sète, 1954
Crédit photo : Agnès Varda, La Pointe-Courte, 1954
L’exemple urbain de la Pointe-Courte
En observant le quartier de la Pointe-
La particularité architecturale de la Pointe-Courte
Courte il me semble retrouver cette logique d’habitat
est héritée de son histoire. C’est en réalité un village
à moindre échelle. Comme dans les quartiers
de pêcheurs, construit en marge des autorités de
japonais, l’ensemble du bâti est constitué d’ilots
la ville de Sète, avec sa propre organisation et sa
de maisons, toutes mitoyennes et sans jardin. Ces
propre gouvernance. Aujourd’hui, les maisons de
ilots sont séparés par des venelles organisées selon
la Pointe-Courte sont hétéroclites dans leurs formes
un plan orthonormé. Les venelles sont à la fois
mais leur traitement, leur matérialité semble être
lieu de circulation et lieu de convivialité, à l’instar
proche de ceux des quartiers pavillonnaires en
des jardins qui sont ici absents. En observant les
marge des centres-villes : des tuiles en toiture, des
maisons, on devine que leur architecture est le
façades en parpaings enduites au ciment et peintes.
fruit de choix des habitants. Les constructions sont
Sur les images d’archives on distingue davantage
hétéroclites, elles n’ont pas les mêmes formes,
des constructions de bric et de broc ce qui laisse
les mêmes hauteurs et ne sont pas pour toutes
imaginer que les matériaux ont été glanés aux fur-
construites avec les mêmes matériaux. En observant
et-à-mesure des besoins de construction.
des images d’archives on distingue plus encore cette caractéristique d’habitat informel et autoconstruit. 13
Le glanage : à la base d’un nouveau processus de projet
LA CONCEPTION
Ce terme généralement associé à la
Réalisée par les maitres d’œuvre et les maitres
récupération de nourriture encore comestible
d’ouvrage. La conception d’un projet est la réponse
mais pourtant mise à la benne, prend une
offerte à une demande précise (logements, bureaux,
même tournure dans le domaine de la
école, commerces...).
construction. Glaner des matériaux sous-
LA CONSTRUCTION
entend donc récupérer des matériaux qui eux aussi finiraient pas être mis à la benne pour
Elle suit la phase de conception. Il s’agit de
différentes raisons. Le problème aujourd’hui
l’application matérielle des dessins réalisés par les
c’est la facilité avec laquelle on jette ce que
architectes. Les travaux sont réalisés par des ouvriers
la destruction d’un bâtiment mais aussi et surtout lors d’un chantier de construction. Avec l’opulence apparente des ressources, une trop faible valeur est donnée aux objets. Ainsi dans son modèle de fonctionnement actuel, la filière construction en France produit des millions de tonnes de déchets. Même des objets neufs, parce qu’ils ne correspondent pas strictement à une commande faite, finissent souvent directement au rebut. Le glanage, pratique mineure et informelle est en ce sens un moyen d’éviter le gâchis des matériaux et l’opportunité pour les personnes les plus défavorisées d’accéder à ces ressources.
Avec
la
pratique
du
glanage
architecturale. Alors que la filière construction aujourd’hui
professionnalisée,
tâches sont distribuées aux entreprises sous la forme de lots (électricité, gros-œuvre, ameublement).
L’OCCUPATION C’est la période d’utilisation des infrastructures réalisées par les usagers. Cette utilisation est variable dans le temps et dans les fonctions. Elle peut être de quelques jours dans le cas de projets éphémères tels que les pavillons de festival et les scénographies. Ou de plusieurs décennies ou plusieurs siècles dans le cas de projets plus durables tels que les bâtiments de logements et les bâtiments publics. Parfois des
phase d’occupation, des logements deviennent des commerces ou des bureaux par exemple.
LA DESTRUCTION
la
démarche de projet répond généralement au schéma suivanta: Formulation d’une demande (ou d’un besoin), conception d’un projet, réalisation de la construction et livraison du projet fini, prêt à être occupé. Dans les exemples d’habitats informels, 14
salariés, d’entreprises spécialisées du bâtiment. Les
architectures changent de fonction lors de leur
vient une nouvelle vision de conception est
CONCEPTION LINÉAIRE
l’on ne peut utiliser immédiatement, lors de
Quand le projet n’est plus occupé, que l’architecture n’est plus capable de s’adapter aux nouvelles demandes d’usages, quelle est démodée, vieillissante, dangereuse, le bâtiment est détruit pour laisser place à de nouveaux projets ou à un terrain vague.
corolaires de la pratique du réemploi, la démarche de projet suit un autre schéma : les phases de conception, de construction, de besoin et d’occupation ne sont plus le fruit d’un ordre linéaire mais s’inscrivent dans des boucles cycliques. La démarche de projet peut alors être provoquée par l’opportunité, le besoin et l’envie. L’opportunité avec la disposition soudaine de nouveaux matériaux glanés. Le besoin et l’envie La pratique du réemploi ou du moins la fabrication d’une
qui poussent l’habitant-constructeur au glanage.
CONCEPTION CIRCULAIRE
architecture répondant du processus de circulation de la matière bouleverse ce processus de projet linéaire. Les rôles et la définition des phases évoluent. Les phases deviennent
S’inspirer de l’informel pour requestionner le formel
plus connectées les unes avec les autres et l’ensemble des phases ne suivent plus une logique linéaire.
Le réemploi est donc une pratique
issue de l’habitat informel qui permet de Dans ce nouveau modèle il n’y a plus de définition de début
requestionner la démarche de projet faite dans
et de fin, l’émergence d’un nouveau projet peut avoir lieu
l’habitat formel et disciplinaire. Le réemploi
lors d’une des quatre étapes. Décider de faire du réemploi,
est actuellement à l’étude en France, poussé
ça peut en effet être de décider de faire de la conception
par des nouvelles politiques en réponse aux
de projet incluant des matériaux de réemploi. Mais comme
problématiques environnementales que pose
dans certains exemples d’architectures indisciplinaires,
la filière construction. L’Ademe propose par
le commencement d’un projet peut se faire au moment
exemple d’introduire la pratique du réemploi
de la construction avec l’apport de matériaux aux formes
dans la filière construction par une démarche
faites et aux fonctions à trouver. Le projet de réemploi peut
«aouverte aux opportunités », c’est cette
également être une idée des occupants qui décident de
démarche qui est argumentée dans le mooc
reprendre les formes préexistantes pour leur retrouver de
réemploi de 2020. Traduction, la démarche
nouvelles fonctions. Enfin décider d’un démontage plutôt
de projet reste la même, linéaire, mais lors de
que d’une destruction c’est aussi commencer un projet
la phase de réalisation du bâtiment, certains
de réemploi puisqu’un soin est apporté à la conservation
lots peuvent être réalisés à partir d’éléments
des matériaux dans l’optique de leur réutilisation. Ainsi
réutilisés. Cette tactique pose un problème
les architectures deviennent interconnectées tout comme
majeura: une ouverture aux opportunités en
les phases de projet et les projets entre eux. Le projet n’est
phase de réalisation et à partir d’une conception
plus une fabrication puis une occupation et une destruction
déjà réglée nécessite de disposer de ressources
mais un processus pendant lequel les occupants pensent et
disponibles en quantité et avec toutes les
font, repensent et refont le projet.
qualités demandées. Pour disposer de cette ressource en matériaux de réemploi il est donc 15
nécessaire de structurer une filière de glanage et de disposer de plateformes qui proposent un catalogue large de produits récupérés, sorte de ressourcerie du bâtiment, à l’image de Rotor à Bruxelles.
Les problèmes d’un processus de projet
linéaire sont alors multiples. Il y a tout d’abord la problématique de synergie entre les phases de démontage d’un bâtiment et le chantier de construction d’un nouveau projet. Même avec une plateforme permettant un stockage conséquent d’éléments de construction réutilisables si la conception d’un nouveau projet ne prend pas en compte les matériaux disponibles dès la phase de conception, alors il y aura une accumulation d’objets inutiles, ce qui est inenvisageable : il faut qu’il y ait une anticipation. Une autre problématique se pose, cette fois d’ordre économique. Dans le fonctionnement actuel de la filière construction, les ressources matérielles ne représentent pas la dépense principale. En revanche la main d’œuvre et en conséquence la durée du processus de projet sont deux facteurs essentiels dans l’équilibre économique d’un projet. Ainsi dans ce modèle, il est plus économique de choisir des matériaux neufs, plutôt que de passer du temps au démontage, à l’adaptation et à la pose de matériaux de réemploi. Une dernière difficulté est d’ordre réglementaire, les normes encadrant la filière construction exigent d’avoir une connaissance exacte des caractéristiques de chaque matériau et des qualités de celui-ci. Ainsi les produits industriels regroupés en séries forment un catalogue avec une connaissance fine des qualités de chaque produit. Dans le cadre du réemploi, le caractère hétérogène des éléments récupérés empêche de les classer selon des qualités calculées. 16
crédit photos : Rotor.org
< Rotor
Bellastock >
Rotor à Bruxelles et Bellastock en région
parisienne sont deux organismes exemplaires dans la structuration de la filière réemploi du bâtiment. Ils illustrent une pratique du réemploi vertueuse et inspirante. Rotor est un acteur majeur de la filière parce qu’il remplit à la fois le rôle de centre de recherche autour de la pratique et le rôle de plateforme pour le démontage, le nettoyage, le stockage et la distribution d’objets du bâtiment. Bellastock est aussi un organisme très actif dans la recherche autour du réemploi. Il a un rôle important dans l’expérimentation, la vulgarisation et la diffusion de la pratique. C’est par exemple avec la plateforme Actlab que Bellastock a mis en œuvre les principes de l’économie circulaire pour accompagner le réaménagement de l’Ile Saint Denis, aux portes de Paris. Crédit photos : Bellastock.com
17
18
Faire la passerelle entre une pratique et une situation
L’objet
de
cette
démarche
se situe donc dans la recherche d’un processus de projet inspiré par les formes d’architectures informelles appliquées à une architecture disciplinaire. Il s’agit de redéfinir le processus architectural avec l’application du modèle circulaire et du glanage de ressources. En situation ici à Sète, cette démarche commence par une étude des enjeux et des opportunités de l’environnement proche avec en tête toutes les notions congéniales de la pratique du réemploi. C’est à partir des caractéristiques endémiques du site que le projet émergera.
19
II 20
...Du glanage...
21
Après avoir fait le tour de l’étang de Thau
le bassin de Thau. À l’époque l’implantation de
donc, il semble que c’est l’interface entre la ville
Timac s’est faite sans considération paysagère et
de Sète et l’étang qui présente le plus d’enjeux et
environnementale et sans l’avis des populations
d’intérêts dans la perspective d’un projet sur la
alentours. Par la suite le site industriel a été la cause
thématique du réemploi. Plus particulièrement
d’une forte pollution de l’étang avec le rejet négligé
c’est le site agro-industriel Timac qui attire mon
de produits entrant dans la composition des engrais
attention. Situé à quelques centaines de mètres
chimiques : azote, nitrate d’ammonium, phosphore,
du centre-ville de Sète et voisin du quartier de la
calcium, magnésium, anhydride phosphorique,
Pointe-Courte et de la gare, il est perçu comme un
acide chlorhydrique et acide sulfurique. En me
point noir par beaucoup d’habitants. Et pour cause,
renseignant davantage, je découvre que les Eaux
sa superficie est de près de douze hectares, soit
Blanches sont une partie de l’étang de Thau qui est
quatre fois plus que la Pointe-Courte. Ceinturé de
extrêmement polluée. Parce qu’elle est bordée de
barbelés, bordé d’une quatre voies, le site n’est pas
Timac donc mais aussi d’un ancien site d’extraction
accessible aux personnes extérieures et il est classé
et une cimenterie, aujourd’hui à l’arrêt. Il faut ajouter
SEVESO. En interrogeant un vieux pointu (habitant
à ça la proximité avec la zone portuaire de Sète et un
de la Pointe-Courte) j’apprends que c’est depuis la
événement hérité de la seconde guerre mondiale,
fin de la deuxième guerre mondiale que l’usine
quand l’ennemi en étant repoussé par les alliés a
d’engrais s’est installée ici. Au fur-et-à-mesure du
décidé de vider des réserves de pétrole directement
développement de l’agriculture intensive en France,
dans cette partie de l’étang. Le tableau est posé, on
contemporain à la période des trente glorieuses,
est là sur un site chargé d’histoire, marqué par l’activité
le site s’est développé sur les marais qui bordent
humaine et par les industries du XXème siècle.
22
Dans les semaines qui ont suivi la
la refabrique de la ville. C’est ce qui sera présenté
découverte de ce site, je me suis appliqué à étudier
dans cette deuxième partie de plaquette. A la
tout ce qu’ici pourrait constituer des éléments de
manière de Notre-Dame-des-Landes ou le métier
projet : l’histoire du quartier, les enjeux actuels,
de vivre, un ouvrage réalisé par les étudiants de
les particularités architecturales et urbanistiques.
DSAA Alternatives urbaines de l’école de Vitry-sur-
Pour se faire je me suis mis en situation, j’ai fait ce
Seine avec Cyrille Weiner, Patrick Bouchain, Jade
que je sais faire de mieux, me balader, arpenter,
Lindgaard et Christophe Laurens, je me suis appliqué
passer des barrières et me perdre, toujours avec
à produire des documents permettant de poser un
mon appreil photo. D’abord, j’ai relevé les éléments
regard sensible, précis et réel de la situation. Sur la
marquants du site, puis j’ai élargie mon errance aux
base de prise de photos et de réalisation de plans,
alentours, à l’échelle du quartier puis de la ville de
de coupes transects, de perspectives à l’échelle
Sète. Parallèlement à mes escapades, j’ai étudié
du quartier et de 3D structurels des bâtiments, j’ai
les enjeux urbains de la ville de Sète, je me suis
formé un corpus documentaire, que j’ai voulu le plus
renseigné sur les acteurs économiques du quartier,
complet possible. Dans cette démarche de projet,
la démographie, les pratiques sociales, tout ce qui
l’existant à une grande importance et avoir un relevé
pouvait m’aider à établir un portrait juste de ce
précis de celui-ci permet de mieux cerner les enjeux
morceau de territoire.
et les possibilités de la pratique du réemploi.
S’en est suivi un gros travail de restitution
de tout ce qui caractérise le site, orienté par des premières pistes de projet autour du réemploi et de 23
I
RE TOURNER
Balaruc-les-Bains
Dans la ville
Pour entrevoir les enjeux urbanistiques
et architecturaux du site de Timac, il faut introduire la ville de Sète dans son ensemble. Située entre la mer méditerranée et l’étang de Thau, Sète possède
Étang de Thau Les Eaux-Blanches
une organisation spatiale bien particulière. L’eau est omniprésente autour et dans la ville, dans l’espace et la culture. L’économie avec le commerce, la pêche et l’industrie ; les loisirs avec les sports nautiques, les joutes et la plaisance, sont congéniaux de l’étang et de la mer. La ville peut être qualifiée d’hétéroclite, historiquement tournée autour de la pêche, du commerce et de l’industrie, Sète est maintenant aussi marquée par le tourisme. Ainsi c’est une ville moyenne avec 45 000 habitants à l’année mais ce chiffre quintuple pendant la période estivale, de juillet à septembre avec 200 000 visiteurs.
Les principaux accès à la ville se développent
sur la bande de terre en direction de Frontignan et de Balaruc-les-Bains. Une ligne de train traverse le Nord de la ville, d’Est en Ouest en direction de Montpellier et d’Agde. Les principaux axes routiers relient la ville à l’autoroute A9 au Nord et à la départementale 612 qui part vers Frontignan et Montpellier. Frontignan, voisine de Sète est d’ailleurs aussi une ville marquée par l’industrie et le commerce.
C’est dans une zone entre les deux villes
que se situe Emmaus, coincé entre la D612, la voie ferrée et un site pétrolier. Je m’attarde sur cet aspect parce que dans le cadre du réemploi, Emmaus représente un potentiel acteur. C’est pourquoi je leur ai rendu visite plusieurs fois dans le cadre de 24
Légende : Les quartiers de sète Mont Saint-Clair
Zac Est
Centre-ville
Zone portuaire
Quartiers Nord
Frontignan
Mer Méditerranée
Sète
N
Éléments marquants Voies ferrées
Timac
Principaux axes routiers bâti
Emmaüs
25
mes recherches. Aujourd’hui limité à la réparation et la revente d’objet du quotidien, Emmaus peut être pris en exemple pour le développement d’une plateforme de réemploi. Les membres de l’association m’ont rapporté quelques enjeux. La position en marge des deux villes limite aujourd’hui le fonctionnement de la structure : elle est trop difficile d’accès et les surfaces disponibles sont trop limitées. Le chef d’équipe m’a aussi exprimé son souhait de pouvoir, au-delà de la réparation et de la vente d’objets, être un acteur de la ville avec l’appui de projets étudiants et de projets à envergure sociale.
Sète est une ville très diversifiée. Pour
mieux visualiser le contraste qu’il y a entre les différents quartiers, j’ai distingué quatre zones urbaines particulières :
Le centre-ville
Dominée à l’Ouest par le Mont-Saint-
Clair et limité à l’Est par un quartier portuaire et industriel, la ville historique est constituée d’ilots séparés par des canaux. Il regroupe les services de la ville avec les grandes structures administratives, culturelles et commerciales. La forme du bâti est typique des villes méditerranéennes avec des rues étroites et des immeubles d’habitations anciens, dominés par des toitures de tuiles. Le centre-ville tend aujourd’hui à se développé à l’Est vers le quartier portuaire.
Le Mont-Saint-Clair
C’est un petit bout de Côte d’Azur en
Occitanie, un vestige de volcan qui domine les environs. Le prix du foncier ici est l’un des plus élevé de France.
26
Au pied de la colline, sur le bord de mer, se regroupent de nombreuses structures d’accueil touristique (hôtels, restaurants). Le mont est lui parsemé de maisons familiales ou secondaires avec de grands jardins. C’est aussi sur le Mont-Saint-Clair qu’il y a le plus grand parc de la ville, la forêt domaniale de Sète.
La zone portuaire portuaire
Poumon économique de la ville, la zone concentre
les
grandes
infrastructures
industrielles et commerciales. Elle est aujourd’hui située en marge de la ville habitée, difficile d’accès sans voiture et même difficile d’accès tout court puisque que la plupart des sites industriels sont protégés par des barbelés. Mais le quartier est en évolution, un projet de ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) est en cours pour prolonger le centre-ville vers l’Est. Grand marqueur de cette évolution, le nouveau conservatoire de la ville a été aménagé à l’intérieur d’anciens bâtiments industriels au bord d’un canal.
Les quartiers Nord
Façade de la Sète sur l’étang de Thau, les
quartiers au Nord de la ville sont séparés du reste de la ville par de lourdes infrastructures de transport : voie ferrée, boulevards, quatre voies et canaux. Ce sont des quartiers populaires, pour certains délaissés des pouvoirs publics et des politiques d’aménagement. L’île de Thau à l’Ouest est une cité construite dans les années soixantedix. La Pointe-Longue est un quartier pavillonnaire en face duquel se trouve la Pointe-Courte avec une communauté de pêcheurs établie historiquement en marge de la ville de Sète. Enfin la zone Aquatechnique à l’Est de la Pointe-Courte regroupe des industries et structures de commerce.
27
II
RE LATER
La vie des quartiers
Zoom maintenant sur le Nord et l’Est de
la ville, sur les quartiers de la Pointe-Courte, la zone Aquatechnique et le quartier portuaire, au
Étang de Thau
croisement desquels se trouve le site Timac.
Pour appréhender les enjeux du
site de Timac, il fallait cerner le contexte environnemental dans lequel il prend place. Pour se faire, j’ai arpenté les trois quartiers alentours à la recherche de problématiques, de caractéristiques, d’ambiances et d’enjeux. Quels sont les liens entre les trois quartiers ? Quelles sont leurs caractéristiques propres ? A partir des relevés effectués j’ai établi une carte présentant en 3D les faits marquants.
Les axes de
transport constituent les principales
limites
de
chacun des quartiers. La ligne de train est infranchissable sauf au niveau de l’échangeur routier au Sud de la PointeCourte. Elle constitue ainsi une limite nette entre le quartier portuaire et le site de Timac. La voie ferrée marque un axe fort bordé par une bande
Légende :
large d’une centaine de mètres de terrains appartenant à la sncf. En friche ou occupée par des jardins chemineaux, cette bande est un
Zac Est
marqueur paysager important. Après la forêt domaniale de Sète qui se trouve au Sommet
Zone Aquatechnique
du Mont Saint-Clair, cette marge est la seconde plus grande aire non bâtie de Sète. Pourtant si l’on se réfère au plan d’urbanisme de la ville, cet 28
Futur pont routier de la ZAC
Jardins Cheminaux
Pointe Courte
Centre de recyclage
Site de Timac
N
29
<
Plan de planification de la ZAC Extrait du rapport : Enquête publique unique (D.U.P. & Parcellaires) ZAC entrée Est, rive Sud à Sète
espace n’est pas considéré comme un marqueur
son déclassement ? Une chose est certaine, pour les
paysager important. Avec le projet de la future ZAC, il
habitants de la Pointe-Courte, une diminution du trafic
est même planifié de réserver des espaces dans cette
au niveau de l’échangeur du Sud serait un soulagement.
marge pour construire un parking, une plateforme
Véritable mur qui enclave le quartier, cet axe routier est
multimodale en lien avec la gare et des espaces de
impraticable pour les piétons et les cyclistes et apporte
commerces.
de fortes nuisances sonores.
A noter aussi qu’un nouveau pont sera construit
pour franchir les voies de train et accéder à la nouvelle ZAC. Indiqué en bleu sur la carte en page précédente, ce pont permettra de désengorger l’échangeur au Sud de la Pointe-Courte et de donner un accès plus rapide à la ville depuis l’autoroute A9. Avec le développement de la ZAC et ce nouveau pont c’est toute la circulation des quartiers alentours qui va être bouleversée. Ainsi une réflexion peut être apportée au niveau de la quatre-voies qui passe le long de Timac en direction de l’échangeur de la PointeCourte. Quelle sera sa fréquentation automobile à l’avenir ? Cet axe ne sera-t-il pas caduc ? Pourrait-on envisager
30
À l’Est
de
la
zone
Aquatechnique, Juste à côté des jardins chemineaux se trouve le centre de tri et de recyclage de la ville. Dans le cadre de la pratique du réemploi, le centre de recyclage peut devenir un acteur important puisqu’il peut être considéré comme centre de ressources pour le glanage de matériaux.
En me promenant dans les trois quartiers j’ai
aussi été marqué par la présence de nombreux objets apportant une esthétique particulière, industrielle. La présence de structures telles que les ponts amovibles, les antennes de communication, les portiques de levage, les cuves, les anciennes structures de hangars à l’abandon et les chantiers navals. Marquage de l’activité passée et présente, ces objets ovnis sont une des caractéristiques qui font l’ambiance de ce lieu.
- Les jardins chemineaux
Le long des voies ferrées donc, je me suis aussi
engagé dans les jardins chemineaux. Ici aussi plane une ambiance particulière. C’est un petit bout de campagne en zone urbaine. Les chants des oiseaux, le souffle du vent dans les arbres et dans les roseaux se mêlent aux bruits de la ville, des trains et des industries. Si l’on n’apercevait pas çà et là les toitures des industries, des cheminés et des caténaires on n’oublierait presque qu’on se trouve en plein cœur de la zone portuaire entre la mer et l’étang. Le long d’un chemin se distribuent les potagers souvent agrémentés de constructions faites de bric et de broc. Plus que de simples potagers, ce sont souvent des espaces de vie secondaire aux appartements situés dans d’autres quartiers de la ville. Ici les occupants stockent, bricolent, cultivent et se reposent. Sur les perspectives de la nouvelle ZAC, cet espace apparait comme insignifiant alors que dans les faits il est habité et riche d’usages. Utile pour les pratiques des habitants et pour la biodiversité sensible du quartier. En ce sens une importance sera donnée dans le projet proposé, au traitement de la bande parallèle à la voie ferrée.
31
- La zone portuaire
La zone portuaire est un quartier en
transition, jusqu’ici dédié au commerce et à l’industrie il évolue pour accueillir de nouveaux habitants. Avec un projet de ZAC à très grande échelle, ce sont de nouveaux quartiers en extension du centre-ville qui vont être construits. Des projets de logements, de commerces, de places, de rues et d’un nouveau canal, vont remplacer les actuels bâtiments industriels.
Dans le cadre du réemploi, la zone
portuaire constitue donc un potentiel de ressources conséquent. A l’exemple de tous les bâtiments que j’ai photographié ici, ce sont des dizaines de structures qui vont disparaître. Plutôt que de les détruire, l’objectif pourrait être de les démonter, pièces par pièces pour récupérer et utiliser ce patrimoine matériel dans la construction de nouveaux projets d’architecture, de mobilier, d’œuvres artistiques et de design. Les nombreux hangars proposent par exemple un catalogue de charpentes de grandes dimensions, de revêtements en tôles et en tuiles, des structures poteaux-poutres en bois et en métal et un grand nombre d’ouvrants.
Tout l’enjeu est alors de planifier la
récupération de ces éléments, leur stockage et leur reconditionnement pour leurs nouveaux usages. Comme pour des matériaux extraits d’une carrière ou d’une exploitation forestière, il faut mettre en place une logique d’extraction, de transport et de transformation. A la différence près que la ressource est ici hétéroclite et chargée de mémoire d’usage.
32
33
- La zone Aquatechnique
La
zone
Aquatechnique,
comme
la
zone portuaire est marquée par l’industrie et le commerce. Des concessionnaires côtoient des grandes enseignes, des chantiers navals, des ateliers, des industries agro-alimentaires et la plateforme d’entretien des transports publics de la ville.
Rien de très original jusque-là, pourtant le
quartier jouit d’une ambiance particulière parce qu’il constitue une façade entre la ville et l’étang de Thau. Des dizaines de mas de plaisanciers fendent le ciel en attendant leur remise à l’eau. Des oiseaux marins volent et slaloment entre les structures rouillés des bâtiments abandonnés. Des bus circulent ou s’endorment sur de grandes surfaces d’asphalte, « on dirait des grosses chenilles » me dit un habitant des lieux. Oui des personnes vivent ici, entre les ateliers de réparation, derrière les enseignes et le long de la côte. Ils habitent des villas cachées avec piscine et jardin donnant directement sur l’étang de Thau, ou bien dans des camping-cars qui n’ont plus bougé depuis un moment et même des bateaux restés sur cale trop longtemps et maintenant entourés de végétation et de clôtures.
En fait le quartier propose une diversité
de logements pour ceux qui sont prêts à bricoler. Les habitants, autoconstructeurs pour la plupart ont acheté des bouts de parcelle pour y construire leurs habitats. Rare de croiser des architectures informelles en France, voilà donc un autre patrimoine tout proche du site de Timac.
34
35
- La Pointe-Courte
Voilà un quartier chargé d’histoire et
reconnu cette fois depuis un certain temps. Dans les années soixante déjà Agnès Varda réalisait un film mettant en scène la vie des habitants. Depuis le quartier a bien changé, des maisons moins atypiques ont remplacé les cabanes des pêcheurs, le quartier s’est même un peu gentrifié. Mais il conserve quand même une ambiance particulière, chargée .
Le petit port de pêche est toujours entouré
de cabanons de dégustation de coquillages qui attirent la curiosité des badauds. Quelques plaisanciers ont remplacé certaines des anciennes barques mais il y a toujours les filets de pêche qui attendent d’être remis à l’eau et une quantité de chats qui les investissent comme paniers. En circulant dans les venelles qui séparent les ilots d’habitation, on croise des pointus prêts à nous raconter l’histoire de leur maison et de celles de leurs voisins.
La Pointe-Courte a gardé son caractère
insulaire, communauté
d’habitants, presqu’ile
entourée d’eau, plus encore séparé du reste de la ville depuis la construction dans les années quatrevingt de l’échangeur routier en place d’un ancien passage à niveau. Si cet équipement a permis de fluidifier le trafic routier à la sortie de la ville, une chose est certaine il n’a pas été pensé pour les pointus. Impossible de quitter la pointe courte à pied ou en vélo à moins d’emprunter un passage sinueux le long de l’échangeur, sous les ponts routier et ferroviaire. Tout l’enjeu ici serait donc de permettre de meilleures circulations douces et de retravailler l’environnement alentour du quartier.
36
37
III
RE JOINDRE Les zones
Il y a donc trois quartiers, la Pointe-
Courte, la zone Aquatechnique et le quartier du port, au centre desquels est implanté le site Timac. Chaque quartier est caractérisé par une forme de bâti particulière et des modes d’habiter différents. Tous ces quartiers sont enclavés et isolés par les infrastructures de transport. Si l’on se réfère au plan ci-joint, il est en fait presque impossible sans voiture de franchir une limite entre une couleur et une autre. Il y a des friches, des voies de train, un échangeur routier, une quatre-voies et au centre Timac, entité à part entière, grande poche ceinturée de barbelés. Le site est fermé au public et ne possède qu’une entrée surveillée, partagée avec l’entreprise voisine Littoral Palettes.
Pourtant les habitants de chacun de ces
quartiers ont besoin d’accéder aux services de la ville, d’autant plus qu’il n’y a par ici ni écoles, ni commerces de proximité. Un enjeu urbain serait donc de désenclaver les quartiers, permettre aux piétons et aux cyclistes de circuler entre chacune des entités urbaines. Et plus encore il apparait bienvenu de redonner un accès à l’étang pour les habitants et les Sétois. Pour ce faire il est nécessaire d’étudier les abords du site.
Ainsi je me suis appliqué à faire un
Légende : Zac Est
relevé précis du site et de son environnement pour entrevoir les points clés à retravailler mais aussi
Zone Aquatechnique
cerner ce qui fait l’essence de l’ambiance particulière de cet endroit. 38
Pointe-Courte
COUPE
Jardins chemineaux
Littoral Palettes
Friches SNCF
Timac
Futur pont routier de la ZAC
100m 39
Lien avec l’étang
Le film de la Pointe-Courte d’Agnès Varda donne un regard
Thau. A l’époque, dans les années soixante, l’accès à l’étang était plus aisé et les activités de ce côté de la côte étaient multiples. La pêche, les activités agricoles et la promenade caractérisaient la bordure du plan d’eau. En place du site de Timac et de la zone Aquatechnique, il y avait des marais encore naturels. Aujourd’hui il ne reste plus rien de ces marais, ils ont été comblés pour implanter des entreprises industrielles et commerciales. Il n’y a plus d’accès à l’étang à part quelques ruelles en cul de sac. Redonner accès à l’étang permettrait de réconcilier la ville avec sa façade sur le plan d’eau. Un autre enjeu de ce côté-ci serait de reconstituer un habitat pour les différentes espèces animales endémiques de l’étang de Thau et de permettre de nouveau la promenade des badauds depuis la Pointe-Courte jusqu’à la zone Aquatechnique.
40
<
sur le lien que pouvait avoir la ville et ses habitants avec l’étang de Extraits du film d’Agnès Varda
Le site timac et Littoral Palette
Timac Agro est donc une industrie de production
Aujourd’hui le site ne conserve plus
d’engrais chimiques établie sur le site depuis la fin de la seconde
que 15% de ses effectifs en main d’œuvre et ne produit
guerre mondiale. Après avoir connu un développement continu
quasiment plus d’engrais chimiques liquides. Un stock
pendant le XXème siècle, l’entreprise est en déclin depuis la fin
encore conséquent de marchandises est en cours de
des années quatre-vingt. Depuis les années 2010 ce déclin
distribution, chaque semaine des camions entrent et sortent
s’est accentué, ainsi en 2018 l’entreprise annonçait la cessation
mais pour combien de tempsa? Difficile de le dire me confie
de production d’engrais solides pour ne produire plus que
un voisin mais une chose est sûre, les deux tiers des hangars
des engrais liquides. Plusieurs facteurs sont à la base de ce
sont aujourd’hui à l’abandon et l’entreprise ne semble pas
déclin : la délocalisation, la baisse de la demande, le manque
vouloir réinvestir pour les entretenir.
d’investissements sur le site et les pressions liés aux risques écologique et de sécurité. Le site est en effet classé SEVESO, les
produits manipulés sont inflammables et explosifs et constituent
de plan d’avenir pour le site, il ne restera sur place plus
Les pouvoirs publics non plus n’ont pas encore
un danger pour l’environnement de l’étang. Qu’il y ait un site
que des grandes carcasses de bois et de tôles, souvenirs
pareil si proche de la ville et d’une zone environnementale
d’une période prospère pour les uns et soulagement pour
sensible peut poser question.
beaucoup d’autres. On peut y voir surtout l’opportunité de refaire
20 m
N
41
La quatre-voies vivre l’endroit autrement. Ce site me pose
question, que pourrait-il accueillir qui fasse un
entrées dans la ville. Le trafic y est dense surtout aux heures de
lien entre les différents quartiers alentours ?
pointe entre 8h et 10h et de 16h à 19h. Beaucoup de voitures,
Sous quelle forme deviendrait-il plus utile pour
de semi-remorques et d’utilitaires empruntent cette route en
la ville et ses habitants ? Comment réconcilier
direction des différentes zones industrielles et commerciales
la ville et les activités humaines avec la nature
voisines ou pour rejoindre les communes de l’étang de Thau et
de l’étang de Thau ?
l’autoroute A9. Il n’y a pas de trottoirs, seulement depuis peu le
Aujourd’hui la quatre-voies est l’une des principales
dessin d’une bande cyclable de chaque côté. La route est limitée à A côté de Timac se trouve l’entreprise Littoral
50km/h mais les véhicules circulent plus autour de 70km/h. Mais
Palettes. Cette plateforme s’occupe du stockage,
avec la construction du futur pont routier qui connectera la ZAC à
et de la réparation et de la distribution de
la sortie Nord de la ville, la circulation à l’échelle de la ville et du
palettes de transport. Au bord de l’étang, le
quartier va être bouleversée. Ainsi avec cette nouvelle alternative
site dispose d’un hangar et d’un ponton qui
au franchissement des voies de train, le trafic en direction de la
permet aux barges d’accoster mais qui est
Pointe-Courte et de l’échangeur actuel sera bien moindre. D’autant
actuellement utilisé comme anneau pour le
plus que les sites industriels des alentours cessent progressivement
yacht du directeur de l’entreprise.
leurs activités.
42
Passer l’axe ferroviaire
Le centre-ville de Sète et la gare sont à
deux coups d’ailes de timac, donc de la Pointe-Courte et de la zone Aquatechnique. A deux pas, à condition de recréer une porosité entre ces différentes entités. Pour reconnecter la gare et la ville aux quartiers au Nord des voies de train, il faut néanmoins organiser le franchissement des emprises de la SNCF. Avec la mise en place par exemple d’une passerelle et d’un cheminement se pose alors la question de la transition entre la ville et l’étang. Comment connecter la ville à Timac et à Thau sans dénaturer ce qui fait l’ambiance du site, son caractère insulaireA? En mettant en scène le parcours, il serait possible de révéler et de renforcer le paysage que constituent l’axe ferroviaire et la bande parallèle des jardins chemineaux et des friches de la SNCF.
20 m
N
43
L’échangeur routier
Situé
au
Sud
de
la
Pointe-Courte
l’échangeur routier constitue un point de croisement entre deux canaux, la voie de train, un pont de franchissement routier d’un des canaux, un pont de franchissement routier des voies de trains et un accès piéton vers la pointe courte. Il pose plusieurs problématiquesa: - Le passage des piétons et des transports doux pour entrer et sortir de la Pointe-Courte n’est ni évident ni agréable. Il y a des marches à franchir et le passage le long de l’échangeur est étroit. - Le pont de franchissement routier des voies de train forme un véritable mur, plus haut même que les toitures des maisons qui casse le lien visuel et physique entre la Pointe-Courte et le reste de la ville. Avec la circulation bruyante, polluante et dangereuse.
44
Entrer dans la zone aquatechnique
La
zone
Aquatechnique
ne
dispose
aujourd’hui que d’un seul accès routier, le long de la bordure Est du site Timac et relié à la quatre-voies. Cet accès et ce carrefour sont dimensionnés pour la circulation automobile mais sont inadaptés à la circulation d’éventuels piétons et cyclistes. Pourtant des piétons il y en a étant donné qu’il s’agit du seul accès et que le quartier est habité. Rendre le site Timac plus poreux permettrait de créer de nouveaux accès doux entre la zone Aquatechnique, la PointeCourte et le reste de la ville.
45
IV
RE DESSINER
Les hangars
Après avoir relevé et esquissé ce que
pouvaient être les enjeux de l’ensemble du site il me reste une tâche mais pas des moindre avant d’établir un programme architectural et urbanistiquea: le relevé des bâtiments de Timac et des ressources disponibles sur le site. Comme il est impossible de contacter l’entreprise pour effectuer une visite du site, j’ai attendu le week-end pour m’introduire dans la partie abandonnée de Timac. Quand on fait de l’urbex, il faut emporter le minimum, je me suis donc muni de mon appareil photo, d’un carnet et d’un mètre et j’ai franchi la clôture barbelée au niveau de son point de faiblesse. J’ai pu visiter l’ensemble des bâtiments de la zone de production des engrais secs, prendre le temps de les relever et de les photographier. Je ne me suis pas aventuré dans la zone des engrais liquides puisqu’elle est encore active et donc hors du sujet du réemploi.
Ce qui est frappant quand on pénètre
dans les hangars ce sont leurs dimensions. Ils sont immenses, en dehors de toute proportion habituelle. Dans un seul d’entre eux on pourrait faire entrer plusieurs ilots d’habitation de la PointeCourte. Partout il est possible de circuler avec des
100m
engins de chantier. Ce qui saute aux yeux également
peut pas s’attendre à découvrir une telle richesse de
c’est tout l’entremêla des charpentes. Certaines
formes, de volumes, et de matériaux. En dessous des
sont en structures métalliques, d’autres en bois
charpentes, ce sont des voiles de béton, des poutres
massif et une partie semble avoir été rénovée plus
métalliques, des alcôves en briques qui portent les
récemment puisqu’elle est en bois lamellé-collé.
toits et structurent les espaces. Certaines structures
Ces structures sont couvertes de tôles, de tuiles ou
semblent solides, d’autres abimées par le temps et
de plaques de fibrociment. Depuis l’extérieur on ne
la présence d’un air marin. Les charpentes paraissent
46
COUPE
Légende : Zone engrais secs
Zone engrais liquides
être parfaitement calculées pour porter leurs poids
faire un relevé de cet ensemble, j’ai l’impression
mais impossible de savoir ce qu’il se passerait si l’on
d’effectuer un relevé de site. À la différence qu’ici
venait greffer d’autres éléments sur cet ensemble.
ce ne sont pas des espaces que je relève mais des volumes et qu’à la place de calculer des courbes de
En fait de par leurs dimensions et leur
niveau je calcule des entraxes.
nature, il est difficile d’envisager ces structures comme des bâtiments. Quand je m’applique à 47
Réalisation d’un modèle 3D
Pour avoir un relevé précis et pouvoir
travailler avec des documents justes, je me suis appliqué à développer un modèle 3D des bâtiments du site. Ainsi à partir des photos, des mesures effectuées sur site, du comptage des trames et de vues satellites, J’ai pu réaliser un SketchUp avec une précision au décimètre près sur l’ensemble du site. Dans ce modèle une grande importance a été donnée à la justesse de représentation des structures des charpentes de chaque bâtiment. A partir de ce modèle ont été extraits les plans, les coupes et tous les autres documents de représentation du site.
Le document ci-joint présente chacun des neuf
hangars qui composent l’ancienne zone de production des engrais secs. Ils présentent quasiment tous des architectures différentes, ce qui correspond à des époques de construction variées. Seuls les hangars G et H d’une part et C et D d’autre part, présentent des modèles de structures identiques et ont été construits dans les mêmes temps. Les plus anciennes structures sont réalisées en bois massif et correspondent aux hangars A et B au centre de la zone. Puis au fur-et-à-mesure du développement de l’activité et des besoins supplémentaires, d’autres hangars ont été construits autour des premiers, dans l’ordre : C, D, E, F, G et H, enfin en dernier I. Seul le hangar E a connu une rénovation, sans doute dans les années quatre-vingtdix, avec la pose d’une structure en bois lamellé-collé. Néanmoins dans ce hangar, les supports des anciennes charpentes ont été conservées et structurent encore les espaces.
48
Légende : Structures plus anciennes
1 2 3
A B CD
Structures plus récentes
E
F4
GH
I
Grandes halles Petits hangars
49
40m
50
COUPE
En plus des neuf grands hangars il y a aussi
quatre bâtiments de plus petite taille. Numérotés de 1 à 4 sur le plan, ils présentent également un intérêt d’un point de vue architectural : - Les bâtiments 1 et 2, les plus anciens sont construits en briques. Il s’agit des toutes premières constructions du site, ils abritent de la machinerie Crédit photo : Google-earth
qui permet d’actionner des tapis-roulants et des systèmes de mélange et de mise en sac des engrais secs. - Le bâtiment 3 qui date de la même époque a dû lui changer de fonction. Il abrite actuellement une réserve d’engrais mais son architecture ne correspond pas à cette fonction. Il est lui aussi en brique, rectangulaire et dispose de cinq arches d’entrée sur chacune de ses plus grandes façades. - Le bâtiment 4 enfin à dû être construit dans le même temps que le hangar G. Il s’agit d’une desserte pour le chargement et le déchargement de camions connecté au reste des hangars avec un tapis-roulant. Il s’agit en réalité d’une enveloppe protectrice face aux intempéries réalisée avec une structure en métal enveloppée de fibrociment.
Légende : Structures plus anciennes
1 2 3
Structures plus récentes
A B CD
Grandes halles
N
E
F4
GH
I
Petits hangars
20m
51
Des ressources pour un projet
Sous les toits des hangars se découvre
une atmosphère particulière. L’amoncellement des structures toutes différentes, le bois grisé, la rouille, les rapiècements en parpaings, les couleurs sur les bétons et les marques sur les briques sont autant de traces du temps qui passe et de l’activité passée. Le temps semble maintenant s’être arrêté, seuls résonnent le cliquetis d’une tôle qui n’en finit plus de se décrocher. Dehors le vent souffle, la pluie tombe, pourtant ici tout est calme, sec. Quelques oiseaux perchés dans les charpentes attendent un jour meilleur. Tous ces volumes protégés par cette grande enveloppe de bois et de métal forment une aire qu’on ne pourrait pas qualifier d’intérieure ou d’extérieure. C’est un entre-deux, un microclimat.
Dans cet espace protégé des intempéries,
un grand nombre de blocs de bétons 50*60*150cm sont disposés pour former des sous espaces. Il y a aussi un hangar dans lequel ont été construites de grandes alcôves en briques. Ailleurs il y a une passerelle qui survole les charpentes. Ceux sont autant de petites constructions dans la grande.
Pourquoi un espace aussi grand et aussi
protégé n’est-il plus utilisé aujourd’hui ? N’y a-t-il pas une autre fonction pour ces hangars que celle d’abriter des engrais ? Avec ces grands blocs de béton par dizaines et ces alcôves il y a bien quelque chose à faire. Certes rien n’est neuf ici mais avec les ressources disponibles autour, surtout avec le projet de la nouvelle ZAC, il y aura bien des tôles pour remplacer celles qui se décrochent et de quoi faire du gabion pour reboucher quelques trous. Le temps de réparer les premiers hangars il y aurait même toute la place d’entreposer du matériel en attendant de le remonter. 52
53
54
Passer de la situation au projet
Timac c’est donc un site industriel en cours
de fermeture avec 16 250 m² d’espace protégé des intempéries. C’est une aire de près de 12 hectares située à deux pas de la gare et du centre-ville de Sète. C’est un site qui se trouve à l’interface entre des quartiers aussi différents que particuliers. C’est le croisement d’une des principales routes d’accès à Sète avec la voie ferrée Montpellier-Toulouse, le canal Rhône-à-Sète, la mer Méditerranée et l’étang de Thau. Ces qualités exceptionnelles sont autant d’enjeux à prendre en compte dans l’élaboration d’un projet. L’idée est de profiter de tous les avantages du lieu pour proposer un projet qui réactive le site et lui accorde un nouvel avenir. Un projet qui accompagne les activités des quartiers qui l’entourent.
55
III 56
...Émerge le projet
57
58
Le site a livré ses secrets, sa situation et
la ZAC par exemple, c’est à l’image plutôt qu’aux
ses enjeux. Après avoir glané des ressources sur
usages qu’une plus grande valeur est donnée,
le terrain, et les avoir réunies dans ce document, il
parce que le but premier n’est pas de répondre à
est temps d’en faire quelque chose. De toutes ces
des besoins locaux mais d’attirer des investisseurs
prospections des idées apparaissent, une vision, un
et des nouveaux habitants. Les habitats informels
programme, une architecture, des espaces et des
ne sont souvent eux dotés que d’une faible
liens.
valeur d’image et ne sont donc pas vu comme un patrimoine à conserver. Ainsi cette forme de ville se retrouve souvent en marge, dans les espaces oubliés
Un patrimoine particulier et fragile
ou négligés des autorités, à l’exemple de la PointeCourte et des alentours. Comme une faible valeur
La Pointe-Courte, la zone Aquatechnique
est donnée à ces quartiers, les dirigeants n’ont pas
et les jardins chemineaux présentent des manières
hésité à accorder des permis de construire pour les
particulières d’occuper l’espace urbain. De par
industriels, ils n’ont pas hésité non plus à imposer
l’histoire de leur développement, ces entités
le développement d’infrastructures de transport
urbaines constituent des patrimoines uniques qui
au cœur des espaces de vie des habitants. Enfin,
donneraient à voir une autre forme de ville si on
il ne faut pas oublier que les exemples d’habitats
arrivait à les révéler. Contrairement à la ZAC voisine
informels sont majoritairement une solution de
qui représente une forme de ville très formelle,
logement pour les personnes qui n’ont pu avoir le
décidée par avance et par des professionnels, les
moyen d’investir un habitat formel. Dans la zone
quartiers au Nord des voies de train sont le fruit
Aquatechnique, c’est par manque de moyens
d’un développement que les habitants eux même
financiers que certains sont venus se construire des
ont pu maitriser. Les espaces se sont modelés pour
habitats à partir de caravanes, de cales de bateau
s’accorder aux modes de vie des habitants et des
et de matériaux glanés. Il s’agirait maintenant
activités qu’ils pratiquent (la pêche, le jardinage, le
d’assumer pleinement cette occupation de l’espace
bricolage...). En découle une grande valeur d’usage
urbain et d’offrir l’opportunité aux habitants de
des espacesa: ils répondent aux envies et besoins
pratiquer librement leurs activités dans la ville. De
des habitants contrairement à beaucoup d’autres
donner les outils et la matière permettant de se
espaces urbains où ce sont les habitants qui doivent
réapproprier les espaces urbains oubliés, les friches
adapter leur mode de vie à l’espace urbain. Dans
et les anciennes infrastructures.
59
I
RE INTERPRÉTER
Le parc des Chantiers, Nantes
Le programme
Le principal objectif de ce travail sera
d’imaginer un projet qui réponde à la situation de Timac et des alentours. De rétablir un lien entre les différents quartiers tout en renforçant leurs identités et en s’inspirant de leurs caractéristiques.
Crédits Photos : 1 (iledenantes.com), 2 (francetrotting.canalblog.com), 3 (sciencespo-alumni.fr), 4 (commecheznous.canalblog.com).
Le Tempelhofer, Berlin
De se réapproprier l’espace des friches de Timac pour refaire une façade entre la ville et l’étang. En faire un lieu d’expérimentation de la ville et de nouvelles formes d’habiter. De profiter des infrastructures proches, des grands chantiers de la ville pour entreprendre une collecte de matériaux de récupération à partir desquels différentes activités pourront être développées au sein de
Crédits Photos : 1 (demainlaville.com), 2 (amusingplanet.com), 3 et 4 (labrecheurbaine.com).
ce nouveau lieu. Ce projet aura pour ambition de repenser la ville de façon à mettre en lien les activités industrielles, économiques, associatives,
Les Machines de l’Ile et le jardin des Fonderies, Nantes
individuelles, professionnelles, pédagogiques et artistiques autour de la pratique du réemploi.
Pour cela un programme a été établi sur
deux niveaux d’échelle :
Crédits Photos : 1 (par-ci-par-la.com), 2 (exploreznantes.wordpress.com).
Chidoribunka, Osaka
- Un projet d’envergure urbanistique avec l’aménagement d’un parc urbain qui englobe Le site Timac, Littoral Palette et la bande en friche le long des voies sncf. - Un projet d’envergure architecturale avec la réhabilitation des hangars de Timac pour y Crédits Photos : worldarchitecture.org
intégrer des activités autour du réemploi.
60
Le Fresnoy, Tourcoing
Crédits Photos : 1 et 2 (johndcramer.wordpress.com).
Un parc urbain L’idée est de dessiner un parc urbain au sein
Ce ne sera pas un parc dans le sens d’un
duquel se développeront toutes les activités et les
jardin dans la ville avec quelques arbres et des plates-
expérimentations autour du réemploi et des pratiques
bandes de gazons, ce parc sera une immersion dans
de la ville. A la manière du parc des Chantiers à Nantes
la ville productive et industrielle. Productive parce
où toutes les traces des anciens chantiers navals ont
qu’il constituera une plateforme pour le réemploi, à
été conservées (cales sèches, hangars, voies ferrées,
la manière de Rotor ou de Bellastock et industrielle
grues…), le parc sera à l’image du lieu, reflétant une
dans son caractère patrimonial. Ce sera aussi un lieu
esthétique industrielle baignée dans l’atmosphère de
de liberté et d’expérimentations, avec les étendues
l’étang de Thau. Après la forêt domaniale du Mont-
disponibles, seront proposés différents secteurs où
Saint-Clair, ce parc deviendra le deuxième plus grand
chacun pourra regarder ou participer à des activités
de la ville mais surtout le plus proche du centre-ville
(artistiques,
et la première grande interface avec l’étang de Thau.
bucoliques…). Le parc ne sera pas une création figée
Entre les grandes structures conservées sur le site et
dans le temps mais un lieu en évolution perpétuelle
les aires de stockage d’éléments de réemploi, il y aura
en fonction des expérimentations et des productions
toujours les grandes dalles en bitume au sol, les bords
en réemploi. Comme dans l’exemple du Tempelhofer
de l’étang et les friches sur lesquelles se développeront
de Berlin, des espaces seront libres de créations et
différentes activités.
d’expérimentations.
culturelles,
sportives,
artisanales,
La réhabilitation des hangars
Au cœur de ce parc se trouveront les grands
écosystème se développe. Les structures existantes
hangars de Timac. Ils auront un rôle structurant
ne seront pas modifiées, seules les enveloppes
pour le fonctionnement de l’ensemble du projet
feront l’objet d’un travail architectural, comme dans
puisqu’ils accueilleront les différents organismes
les exemples des Machines de l’Ile et du Jardin des
de développement du réemploi. Sous les grandes
Fonderies de Nantes. Ainsi un jeu avec les ambiances
halles, protégés des intempéries, se trouveront des
lumineuses et thermiques permettra la création de
ateliers de réhabilitation de matériaux de réemploi,
microclimats. Un maximum de traces de l’existant
des ressourceries de meubles et de matériaux, des
et du passé seront conservées comme dans le projet
espaces d’exposition et des bureaux de conception.
de Chidoribunka à Osaka. Ainsi une esthétique
Il y aura aussi un atelier ouvert au public pour
particulière apparaitra, rappelant le passé du site.
permettre à chacun de bricoler, réparer des objets,
Les nouveaux espaces intérieurs seront construits
pour soi ou pour investir le parc.
avec un maximum de matériaux de réemploi, petità-petit. Ces espaces prendront la forme de modules
D’un point de vue architectural, le but
sera d’utiliser les structures couvertes des hangars
indépendants, sortes de bâtiments dans le bâtiment comme dans le Fresnoy de Tourcoing.
comme une peau à l’intérieur de laquelle un autre 61
Plan programmatique du parc de la Refabrique
62
La Refabrique
Zone de paysage transitoire et de dépollution
La Grande Place
Friches SNCF
Zone en lien avec l’étang
Nouvelle voie de train
Zone de lien avec la Pointe-Courte
Axes de cheminement principaux
100m Parking permanent Actuel échangeur routier et future passerelle de la Pointe-Courte Nouvelle passerelle en réemploi Nouveau pont routier de la ZAC
Zone engrais secs
63
Le parc de la Refabrique Recréer un lien entre les entités du quartier
Le parc se retrouvera à la jonction entre
les quartiers de la nouvelle ZAC du port, de la gare et du centr-ville, de la Pointe-Courte et de la zone Aquatechnique. Il sera aussi une interface entre la ville, les jardins chemineaux et le bord de l’étang de Thau. Il permettra de recréer une jonction entre toutes ces entités.
Intégrer les caractéristiques des alentours
L’identité du parc se traduira dans une
extension des ambiances de chaque entité qui l’entoure. Le but est de brouiller les jonctions entre l’espace du parc et ses limites. Ainsi il ne sera pas un espace à part de la ville mais un ensemble d’espaces urbains libres, au centre desquels la Refabrique apportera une activité structurante.
Séquencer les espaces et les temporalités
Le parc ne sera pas un ensemble uni dans
l’espace et le temps. Il sera divisé en zones avec pour chacune d’entre elles des temporalités d’interventions différées et des fonctions particulières formant les organes d’un écosystème. Certains espaces pourront par exemple dans un premier temps être dédiés au stockage de ressources matérielles avant de devenir des terrains d’expérimentations ou des jardins.
64
La Refabrique Créer un schéma de circulation
Dans un premier temps, des axes de
circulation vont être définis au sein des hangars. Ils répondront à une hiérarchie par niveau d’importance et d’usage. Une première trame sera dessinée, formant les axes principaux, tous traversant de part en part les bâtiments. Ils seront ouverts au public comme des rues dans l’espace urbain. Puis des axes secondaires permettront de compléter le schéma des circulations au sein des différentes zones des hangars.
Les hangars seront subdivisés en zones
Répartir des activités par zone
d’activités. En vert, violet et bordeaux se trouveront les zones les plus accessibles au public avec des ressourceries, une zone d’accueil avec la possibilité de restauration, une galerie d’exposition, des espaces de co-working et des ateliers de bricolage. En jaune, dans la partie la plus reculée des hangars se trouvera la plateforme de réemploi avec des lieux de stockage et des ateliers de réhabilitation des matériaux. Cette partie ne sera pas accessible au public mais sera tout de même visible pour apporter un regard pédagogique sur la production de matériaux de réemploi.
La restructuration des espaces dans les
Restructurer les espaces
hangars se fera par la construction de modules indépendants des structures actuelles. Ces modules viendront séquencer les espaces, les vues et les parcours tout le long des axes de circulation. Ils seront réalisés avec un maximum d’éléments de réemploi et par l’apport ponctuel et calculé de nouveaux matériaux. Ces modules pourront être amenés à évoluer dans le temps, se seront donc des structure démontables. 65
Plan programmatique de la Refabrique Axes de circulation secondaires Axes de circulation primaires
Numéros des petits hangars Numéros des grands hangars
Zone des ressourceries Espace d’accueil et d’expostion Atliers de bricolage ouverts au public Plateforme de réemploi Modules démontables de structuration des espaces
40m
66
67
II
RE FAIRE
La temporalité
Mettre en place une logique de réemploi
Première phase : occupation du site (2ans)
à grande échelle nécessite une longue période de réadaptation des méthodes de projet et une formation des acteurs de la construction. De plus avec le processus de projet circulaire comme décrit
Partenaires et financements Récupération des matériaux et leur stockage
dans la première partie de ce livret, c’est toute la temporalité du projet d’architecture et d’urbanisme qui est bouleversée. La livraison d’un projet n’est plus une fin en soi, le projet peut être amené à
Séparation et requalification du site Timac La dépollution
évoluer au fur-et-à-mesure des nouveaux besoins, des nouvelles envies et des nouvelles opportunités. Il est donc inutile de distinguer une architecture finie d’un projet d’architecture. Un changement de paradigme s’opère entre une logique basée sur la linéarité et une logique nouvelle et circulaire. Il n’y a plus de fin.
Deuxième phase : Aménagement de la Refabrique et du parc (10 à 15 ans) Réalisation des cheminements Construction des grands équipements d’accès au parc
Néanmoins pour arriver à un premier
résultat, il faut mettre en place une logique de projet
Aménagement d’une voie de train
qui dans le cas de la Refabrique, sera décrit en trois grandes phases réparties sur une période de 15 à
Réaménagement des hangars
25 ans. Pas de panique, un parc en chantier s’il est organisé correctement peut devenir plus intéressant que le parc dans sa forme apparemment définitive. C’est
l’occasion
d’organiser
des
événements
particuliers, tels que des festivals, des workshops comme ce fut le cas sur L’île-Saint-Denis avec Bellastock ou lors de la construction du parc des Chantiers à Nantes avec des travaux étudiants tel que la réalisation d’un prototype de maison éphémère en matériaux de récupération. Voici dans les grandes lignes comment se déroulera le projet. 68
Troisième phase : Restructuration du quartier (3 à 5 ans) Fermeture du site Timac Requalification de la route Réaménagement de l’échangeur de la Point-Courte
Première phase : occupation du site (2ans) Partenaires et financements
Cette première phase commencera par la mise en place de partenariats et la recherche de financements. Pour
cela il faudra monter une structure associative et coopérative telle que Bellastock ou Rotor. Mettons que cette association s’appelle RE.Sète. - Les financements majeurs proviendront des partenaires publics (La mairie de Sète, la Communauté de Communes de l’étang de Thau, le Département de l’Hérault, la Région Occitanie, l’Etat français et l’Union Européenne…). Un projet comme celui-ci mérite bien d’être subventionné ! -
Les partenariats se feront eux à différents niveaux et avec une diversité d’acteurs (le centre de ramassage et
de recyclage des déchets et des entreprises du bâtiment pour l’apport de matériaux, les associations de quartier, le monde étudiant, le tout public pour organiser des événements et motiver les adhésions de bénévoles prêts à expérimenter la construction en réemploi, Rotor, Bellastock, Emmaüs pour leurs expertises…).
Récupération des matériaux et leur stockage Un événement à ne surtout pas manquer sera la destruction prochaine du quartier du port de Sète pour le projet de la ZAC. Le but sera de démonter les bâtiments pour sélectionner des matériaux (tôles, menuiseries, charpentes…) qui pourront servir à la réhabilitation des enveloppes des hangars de la Refabrique. Dans un premier temps ces ressources pourront être stockées autour de la zone des engrais secs de Timac et dans les friches de la SNCF.
Séparation et requalification du site Timac
Dans le même temps le site Timac sera séparé en deux, d’un côté la zone encore active des engrais liquides
et de l’autre les hangars de la future Refabrique. Le ponton de Littoral Palette sera mutualisé et retravaillé pour pouvoir accueillir des barges qui permettront d’apporter des matériaux via les canaux et l’étang de Thau. Enfin, des ateliers seront installés dans les hangars C, D, G et H pour commencer les travaux de réhabilitation des hangars A, B, E, F et I. Ces travaux seront réalisés en trois phases : - Une dépollution ; - Une réhabilitation des enveloppes ; - Un aménagement des sous espaces intérieurs à l’aide des structures démontables.
La dépollution Certain hangars ont une enveloppe en plaques de fibrociment, d’autres ont des accumulations de poussières d’engrais, il sera donc important de dépolluer le site minutieusement. Ce travail ne peut être fait que par des entreprises spécialisées. Pour commencer il faudra nettoyer les bâtiments C, D, G et H qui n’ont pas d’enveloppe en fibrociment et qui n’ont pas beaucoup de poussières d’engrais. Une fois nettoyés ils pourront accueillir des ateliers qui serviront pour les chantiers suivants.
Sur la zone du parc 6 Seront installés les ateliers nécessaires à la dépollution des hangars. La partie extérieure
est la plus polluée du site puisqu’il s’agit d’anciennes fosses dépurations des surplus d’engrais. Avant de l’assainir autant donc l’utiliser comme lieu de dépollution. Avec les grandes structures couvertes de bâches blanches il constituera un paysage transitoire synonyme de changement et un signal fort pour les voyageurs en train qui passeront à proximité.
69
Première phase : occupation du site (2ans) - Partenaires et financements - Récupération des matériaux et leur stockage - Séparation et requalification du site Timac - La dépollution
Séparation Timac
70
Stockage
e temporaire
Paysage transitoire
71
Deuxième phase : Aménagement de la Refabrique et du parc (10 à 15 ans) Réalisation des cheminements
Il s’agit de réaliser les grands axes qui structureront le parc ainsi que ceux qui structureront la Refabrique. Ils
apparaissent en bleu sur les plans programmatiques des pages précédentes. Ils feront l’objet d’un traitement particulier puisqu’ils forment des liens entre toutes les parties du projet. Ils prendront part à l’identité du lieu.
Construction des grands équipements d’accès au parc
Une fois les cheminements intérieurs du site finalisés, il s’agira de prendre en charge la réalisation des équipements
d’accès au parc pour ouvrir tout l’espace à la ville et accueillir les premiers événements.
Pour cela, un parking sera réalisé au niveau de la zone P. Il permettra d’accéder au parc depuis la zone Aquatechnique.
Dans le projet, les mobilités douces seront favorisées. Toutefois un parking permettra un accès facilité à la Refabrique pour les camions comme pour les véhicules particuliers ayant besoin de charger ou de décharger du matériel.
Une passerelle passera au-dessus des voies de train, au niveau de la gare afin de relier le centre-ville de Sète au parc
et donc aux quartiers du tour de l’étang de Thau. Réservée aux piétons et aux transports doux, cette passerelle sera réalisée en matériaux de réemploi réhabilités dans les ateliers de la Refabrique.
Aménagement d’une voie de train
C’est une infrastructure essentielle pour les activités à venir de la Refabrique. Construire une voie de train permettra
de relier la plateforme de réemploi directement au quai Littoral palette et au réseau ferroviaire voisin. Ainsi, des pièces de bâtiment de grandes tailles ou de gros volumes pourront transiter par cette voie pour être réhabilités sur place puis stockés ailleurs. Cette voie de train participera à l’esthétique du lieu grâce à un traitement particulier. Des grues seront installées au niveau de la plateforme et de la barge pour permettre la manutention du matériel.
Réaménagement des hangars
Avec la fin de la phase de dépollution dans les hangars A, B, E, F, et I une phase importante commencera pour la
Refabrique. Une fois les axes de cheminement structurés et les hangars nettoyés, viendra le moment de la recomposition de leur enveloppe pour créer des microclimats et des ambiances particulières. Tout cela avec les matériaux qui auront été répertoriés puis stockés petit à petit suite au démontage des bâtiments de la zone portuaire de Sète.
Ensuite les hangars C, D, G et H feront l’objet des mêmes travaux en trois phases (dépollution, réhabilitation des
enveloppes, réaménagement des espaces). Les ateliers de construction seront donc temporairement transférés dans les hangars E et F avant de retourner de manière définitive dans les hangars C, D, G et H. Une fois cette étape terminée, les Bâtiment E et F pourront prendre leur fonction finale de ressourcerie.
Dans les bâtiments A et B seront eux aménagés un espace d’accueil, une galerie d’exposition, une brasserie et
un espace de co-working. Le bâtiment I hébergera des ateliers de bricolages ouverts au public.
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Première phase : occupation du site (2ans) - Partenaires et financements - Récupération des matériaux et leur stockage - Séparation et requalification du site Timac - La dépollution
Deuxième phase : Aménagement de la Refabrique et du parc (10 à 15 ans) - Réalisation des cheminements - Construction des grands équipements d’accès au parc - Aménagement d’une voie de train - Réaménagement des hangars
Réaménagement des hangars
74
Aménagement d
Construction d’une passerelle
d’une voie de train
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Troisième phase : Restructuration du quartier (3 à 5 ans)
Une fois la Refabrique totalement fonctionnelle et le parc ouvert au public, des activités plus pérennes pourront se
développer dans les espaces du parc et dans les quartiers alentours.
Fermeture du site Timac
Une fois l’activité de la zone des engrais liquides de Timac Agro terminée, le site fermera définitivement. Un
nouveau chantier débutera alors pour le réaménagement des hangars et de toute la zone 9.
Requalification de la route
A partir du moment où le pont routier d’accès à la ZAC sera construit, le trafic sur la quatre voies sera bien moindre.
La route passant le long des friches SNCF pourra donc être déclassée. Seuls les véhicules souhaitant rejoindre la PointeCourte seront autorisés à circuler. L’axe routier pourra alors être transformé pour accueillir des activités liées au parc de la Refabrique.
Réaménagement de l’échangeur de la Point-Courte
Avec le déclassement de la route, l’échangeur routier au Sud de la Pointe-Courte deviendra obsolète. Sa forme
changera, il sera en partie démonté, en partie remodelé pour devenir une passerelle pour les piétons et les transports doux.
76
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Première phase : occupation du site (2ans) - Partenaires et financements - Récupération des matériaux et leur stockage - Séparation et requalification du site Timac - La dépollution
Deuxième phase : Aménagement de la Refabrique et du parc (10 à 15 ans) - Réalisation des cheminements - Construction des grands équipements d’accès au parc - Aménagement d’une voie de train - Réaménagement des hangars
Troisième phase : Restructuration du quartier (3 à 5 ans) - Fermeture du site Timac - Requalification de la route - Réaménagement de l’échangeur de la Point-Courte
78
La Refabrique est pleinement fonctionnelle
Les lieux de stockage temporaires sont devenus des jardins
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80
Nouvel Horizon
Une fois les trois grandes phases de
chantier terminées, le parc aura pris toute son envergure. La Fabrique sera totalement fonctionnelle et des activités pourront se développer dans tous les secteurs du parc de la Fabrique. Les quartiers du bord de l’étang profiteront de leurs nouvelles ouvertures et les habitants auront l’opportunité de faire leurs travaux sur place. Du côté de la zone Aquatechnique les habitats autoconstruits en réemploi se multiplieront ce qui renforcera l’identité du quartier. Les jardins chemineaux s’étendront le long de l’axe de chemin de fer pour atteindre l’ancien échangeur de la Pointe-Courte. Avec un nombre d’habitants croissant dans les quartiers alentours, il sera alors venu le temps de construire de nouveaux équipements urbains (écoles, gymnase, crèche…) peut-être seront-ils construits en cœur du parc, à la place de la zone des engrais liquides ?
81
82
BIBLIOGRAPHIE - Benoit Julie, Mathilde Billet, Grégoire Saurel, 2018, Repar : le réemploi, passerelle entre architecture et industrie, Bellastock, CSTB #2, 2018 - Bertin Ingrid, Florence Lipsky, Jean-Marc Weill, 2016, Réemploi et Préfabrication, en quoi la préfabrication engendre-t-elle un potentiel et une source de réemploi en architecture ?, Archives-ouvertes, 2018 - Biau Véronique, Pierre Chabard, [et al.], 2020, Colloque Penser-Faire : Les enjeux théoriques et pratiques des revalorisations du faire en architecture, Bruxelles, les 18 et 19 février 2020, Axe 2 Acteurs et Engagement. - Braungart Michael et William McDonough, 2011, Cradle to Cradle. Créer et recycler à l’infini, Éditions Alternatives, 2011 - Choppin Julien & Nicola Delon, 2014, Matière Grise, Matériaux/Réemploi/Architecture, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2014 - Ghyoot Michaël, Lionel Devlieger, Lionel Billiet, [et al.], 2018, Déconstruction et réemploi : comment faire circuler les éléments de construction, Rotor, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2018 - Huygen Jean-Marc, 2008, La Poubelle et l’Architecte, Vers le réemploi des matériaux, l’Impensé Actes Sud, 2008 - Illich Ivan, 1981, Le travail fantome, Paris, Seuil, 1981 - Koren Leonard, 2015, Wabi-sabi à l’usage des artistes, designers, poètes & philosophes, Editions Sully, 2015 - Laurens Christophe, Patrick Bouchain & cie, 2016, Notre-Dames-des-Landes ou le métier de vivre, Loco, 2016 - Maniaque Caroline, 2014, Go West : des architectes au pays de la contre-culture, Marseille, Parenthèses, 2014 - Mouzon Céline, 2018, “Éviter la benne - Bâtiment. La filière du réemploi des matériaux de construction s’organise, mais de nombreux freins réglementaires entravent encore son développement”, Alternative économique, 2018/04 (n° 379), pp.60 - Pezeu-Massabuau Jacques, 1966, “La maison traditionnelle au Japon”, dans : Cahiers d’outre-mer N° 75 19e année, Juillet-septembre 1966. pp. 273-297, Persée, 2018. - Tanizaki Jun’ichiro, 1933, Éloge de l’ombre, Traduit du japonais par René Sieffert en 1977, Edition Verdier, 2011 - Traimond Jean-Manuel, 2018, Récits de Christiania, Atelier Creation Libertaire, 1994 - Agnès Verda, 1954, La Pointe-Courte, film, Ciné-Tamaris
83
RE LA REFABRIQUE DE LA VILLE
Annexes Présentation du projet
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85
Le parc de la Refabrique
COUPE
Légende : La Refabrique
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Zone de paysage transitoire et de dépollution
La Grande Place
Friches SNCF (stockage de matériaux et potagers)
Zone en lien avec l’étang
Nouvelle voie de train
Zone de lien avec la Pointe-Courte
Axes de cheminement principaux
Parking permanent Actuel échangeur routier et future passerelle de la Pointe-Courte
Zone engrais secs N
Nouvelle passerelle en réemploi
Nouveau pont routier de la ZAC
100m
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La Refabrique
Légende :
88
Accueil et galerie d’exposition
Espace de vente : - Ressourcerie générale - Dépose de matériel
Espace de bureaux
Espace de vente : - Marché Artisan - Ressourcerie professionnelle
Plateforme de réemploi : Grands Ateliers
Galerie d’expérimentation et stockage des grandes pièces
Plateforme de réemploi : Hangar de stockage
Galerie d’expérimentation et stockage des grandes pièces
COUPE
Ateliers ouverts au public
Eléments coupés N
Accueil et galerie d’exposition
Eléments existants
Espace de restauration
Eléments nouveaux
10m
Accueil Ressourcerie et espace de restauration
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90
La Refabrique - Coupe transversale
<
Espace de bureaux dans le hangars B
20m
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<
Espace des artisans dans le hangars E
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<
Accueil et galerie d’exposition dans le hangars A
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<
Axe de circulation public dans les grands ateliers dans le hangars C
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100