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Portrait de groupe

1 Statuts de l’association du Cercle de l’art moderne, 29 janvier 1906. 2 Georges Braque, bien qu’ancien élève de l’école d'art du Havre et membre fondateur du Cercle, ne fut pas l’élève de Lhullier. 3 En 1907, Vallin réside alors en Italie, ce qui explique peut-être qu’il ne figure pas parmi les membres fondateurs du Cercle l’année précédente. 4 Paul Védrine, Marrons sculptés, Le

Havre, Maudet & Godefroy, 1887, p. 119. 5 Pierre Hepp, Préface du Cercle de l’art moderne, 4e exposition, Le

Havre, hôtel de ville, juin 1909. À l’évocation du nom de Charles Lhullier viennent immédiatement à l’esprit ceux de Raoul Dufy et d’Othon Friesz. Car on ne saurait dissocier le maître de ses élèves. C’est sans compter sur ceux d’artistes moins connus, parfois découverts à l’occasion de cette exposition. Il s’agit en effet pour beaucoup d’une véritable (re)découverte. Peu à peu, ces noms d’artistes ont pris chair, se sont incarnés dans les œuvres qu’ils ont laissées, dans les réseaux d’amitié qu’ils ont tissés ou dans les critiques de la presse recensées.

« Le Cercle de l’art moderne a pour but en réunissant, au Havre, les artistes peintres, sculpteurs, musiciens, architectes, littérateurs et les amateurs d’art attirés par sympathie commune pour les tendances artistiques modernes de faciliter les manifestations d’un art personnel, en organisant des réunions hebdomadaires, des expositions d’art, des concerts de musique de chambre et des conférences de vulgarisation artistique1. »

Parmi les trente membres fondateurs du Cercle de l’art moderne en 1906, treize sont peintres. Dix d’entre eux au moins sont identifiés comme d’anciens élèves de Charles Lhullier à l’école d'art du Havre : Jules Ausset, Raoul Dufy, Géo Dupuis, Othon Friesz, Raymond Lecourt, Gaston Prunier, Albert Roussat, Henri et René de Saint-Delis ainsi que Maurice Vieillard, auxquels il convient d’ajouter Maurice Lesieutre, critique d’art, qui rédige la préface du premier catalogue des expositions du groupe2. Un autre ancien de l’école, Robert Vallin, est présent à l’une des expositions du Cercle sans en être membre fondateur3. Cette génération d’artistes, nés entre 1863 (pour Prunier, le plus ancien) et 1882 (pour Lecourt, le plus jeune), a contribué, par cette expérience, à faire du Havre d’avantguerre un foyer culturel de premier plan en province.

Comment expliquer que des élèves de Lhullier, connu pour l’essentiel pour ses scènes militaires ou de genre, aient eu ainsi à cœur de promouvoir l’art de leur temps ? On sait que le vieux maître, bon pédagogue, avait le souci de respecter le tempérament de ses élèves. Il s’agit là d’une condition sans doute nécessaire mais non suffisante. Force est de constater que les peintres qui ont fondé le Cercle de l’art moderne ont tous eu l’occasion de se frotter aux expérimentations picturales du début du siècle en quittant Le Havre pour la capitale. À cet égard, le journaliste havrais Paul Védrine affirmait non sans raison « Artistes, mes frères, il faut passer par Le Havre, mais ne pas y demeurer4. » Cette confrontation aux artistes parisiens éloigne par ailleurs nos peintres havrais des risques d’un régionalisme trop exacerbé et favorise l’émulation. Le critique d’art Pierre Hepp regrette en 1909 que, « délivrés de la concurrence métropolitaine, les artistes exigent beaucoup moins d’euxmêmes et s’endorment sur des lauriers complaisants, à peine disputés5. » Ainsi, les artistes fondateurs du Cercle peuvent revendiquer de s’être formés dans des institutions parisiennes. Dufy, Friesz, Lecourt, Prunier et René de Saint-Delis passent par l’École nationale des beauxarts, parfois aidés d’une aide municipale

6 Même si les cours avaient lieu, par commodité, dans les locaux de l’école d'art, il s’agissait de cours privés. Les cours aux jeunes femmes ne deviennent publics qu’après la mort de Lhullier et une nouvelle réorganisation de l’école. 7 Les listes d’expositions et les recensions critiques ne sauraient tendre à l’exhaustivité et ne visent qu’à mieux appréhender ces artistes. d’études, quand Vieillard et Henri de Saint-Delis étudient à l’académie Julian. Si l’on écarte Ausset, qui ne peint qu’en amateur, l’autodidacte Géo Dupuis fait plutôt figure d’exception, malgré une courte expérience à l’École des Arts décoratifs.

D’autres anciens de l’école d'art du Havre, bien qu’ayant acquis une expérience parisienne, résistent aux sirènes de l’art moderne. Tel est le cas d’Achille Godefroy, décédé avant d’accéder à la notoriété. D’autres encore, bien que défenseurs de l’art moderne, reviennent ultérieurement à un art plus classique, comme Maurice Vieillard, voire au régionalisme comme Raymond Lecourt. Plusieurs anciens élèves de Lhullier se rangent par ailleurs ostensiblement sous la bannière de la tradition, à la suite de Georges Binet ou de Georges Fauvel qui préfèrent participer à la fondation de la Société havraise des beaux-arts, en 1906, concurrençant le Cercle de l’art moderne.

Mais de toute évidence, ces artistes constituent la face émergée de l’iceberg. Combien n’ont pu être identifiés, faute d’archives suffisantes et de listes d’élèves ? On sait en effet que la plupart des élèves de l’école d'art du Havre n’ont pas embrassé une carrière artistique et ont fréquenté l’école pour s’exercer à la fois l’œil et la main avant de devenir de modestes artisans. Certains, bien qu’identifiés comme d’anciens élèves de Lhullier, n’ont pas laissé de traces ou si peu (Charles Bourquin, Brice Chenu, Pierre-Alexandre Specht). Parmi les élèves qui ont acquis une certaine notoriété, plusieurs sont issus d’une famille ouverte aux arts et/ou disposant d’une certaine aisance financière, comme Georges William Damaye, Robert Vallin ou Maurice Vieillard. Marcel Bénard, Georges Binet, Georges Braque ou Louis Saraben, pour ne citer qu’eux, tendent quant à eux à s’inscrire dans une voie entrouverte par un père qui peignait déjà en amateur.

Parmi la cinquantaine d’artistes étudiés ici, combien de fortunes diverses ! Nombreux sont ceux qui devront se contenter de peindre en amateurs (Marcel Bénard, Paul Bofils, Charles Eugène Bunel, François Georges Dufour, par exemple). Seuls quelques-uns pourront vivre de leur peinture, certains se spécialisant comme peintres animaliers (Georges Fauvel, Georges Frédéric Rötig), d’autres exerçant comme peintres décorateurs (Albert Roussat, Louis Saraben). Maints s’essaient à l’illustration ; Géo Dupuis et Maurice Millière y assoiront leur réputation. D’autres encore exploreront les voies de la photographie (Jules Lalouette, Charles Potier) ou de la caricature (Albert-René, Louis-Arthur Soclet).

Les femmes élèves de Charles Lhullier6 sont plus volontiers restées dans l’ombre, même si l’expérience de Jeanne Le Roux, qui a accompagné l’expédition scientifique du prince Albert Ier de Monaco, est tout à fait singulière. La plupart se contentent d’exposer aux salons locaux et de donner des cours de peinture aux jeunes filles de la région7 .

Louis-Arthur Soclet Le Messager d’amour, 1884 Huile sur toile, 136,3 x 105,2 cm MuMa, Le Havre, inv. 885.

Charles Potier Vieux Mendiant, vers 1902 Huile sur toile, 81 x 65 cm Musée Alfred-Canel, Pont-Audemer, don de M. Pierre Lambert, inv. 2018.2.1. Louis-Arthur Soclet Tête de vieux marin, s.d. Huile sur toile, 40,5 x 29,6 cm, Coll. Musée, Ville de Dieppe, inv. 919.7.4. Toile offerte à Camille Saint-Saëns par Mme Rémy Soclet, fille du peintre, et remise par le maître au Musée.

Gaston Prunier Détente hebdomadaire (Vaugirard), 1909 Huile sur toile, 65 x 81 cm Coll. part.

Maurice Vieillard La Manifestation, vers 1903 Huile sur toile, 73,5 x 100 cm Coll. part.

Raoul Dufy Fin de journée au Havre, 1901 Huile sur toile, 99 x 135 cm MuMa, Le Havre, inv. 2012.1.1.

Gaston Prunier Triage du charbon dans les hangars, 1899 Aquarelle sur papier, 32,5 x 50 cm MuMa, Le Havre, inv. 2019.6.1.

Gaston Prunier Charbon sur le quai, vers 1899 Aquarelle sur papier, 32,5 x 49,5 cm MuMa, Le Havre, inv. 2019.6.5.

Gaston Prunier La Fin de journée, 1899 Encre, crayon et aquarelle sur papier, 32,5 x 50 cm MuMa, Le Havre, inv. 2019.6.3.

Gaston Prunier Les Docks au coton, 1899 Encre, crayon et aquarelle sur papier, 32,5 x 49,5 cm MuMa, Le Havre, inv. 2019.6.6.

Maurice Vieillard La Carrière, vers 1899 Huile sur toile, 81 x 100 cm Coll. part. (possiblement, Les Terrassiers, présenté en 1901 au Salon des indépendants et aux Artistes français).

Léon Leclerc Les Chantiers de construction navale en bord de Seine, s.d. Huile sur toile, 49 x 73 cm Musées du Vieux-Honfleur.

Frédéric Rötig Lion et lionne à l’affût, 1933 Huile sur toile, 73 x 92 cm Courtoisie Galerie William Diximus, Saint-Ouen.

Frédéric Rötig Études du chien appartenant au président Félix Faure, 1895 Crayon et aquarelle sur papier, 32, 4 x 50 cm MuMa, Le Havre, inv. AD 117.

Raymond Lecourt L’Effort, 1928 Huile sur toile, 130 x 195 cm MuMa, Le Havre, inv. 273.

Raymond Lecourt Vache à l’étable, 1912 Eau-forte, 40,6 x 47,6 cm MuMa, Le Havre, inv. E203bis.

Gaston Prunier Les Chantiers Normand, 1892 Eau-forte parue dans À travers Le Havre, effets de soir et de nuit, 16,5 x 22 cm Bibliothèque municipale, Le Havre.

Maurice Lesieutre Le paysan, vers 1903 Bois gravé paru dans Ch. Th. Féret Anthologie des poètes normands contemporains avec portraits et notices bibliographique, Paris, Floury, 1903.

Gaston Prunier Le Bassin du Commerce, 1892 Eau-forte parue dans À travers Le Havre, effets de soir et de nuit, 16,5 x 22 cm Bibliothèque municipale, Le Havre.

Georges Damaye La lourde lampe d’or, près des lustres voilés, vers 1912 Dessin paru dans l’ouvrage Paul Delesques, Poèmes normands, Récits cauchois du pé Malandain, Caen, imprimerie Delesques, 1912.

Robert Vallin Faubourg Saint-Jacques à Paris, vers 1914 Eau forte, 16,1 x 33,2 cm MuMa, Le Havre, inv. E53.317.

Robert Vallin Un point noir, vers 1916 Gravure, 15,2 x 23,5 cm MuMa, Le Havre, inv. E53.320.

Peintres de marines et de paysages

Edmond Lahure Villequier, 1873 Huile sur panneau, 12,3 x 35 cm MuMa, Le Havre, inv. 73.62.

René de Saint-Delis Barques de pêche, s.d., Huile sur toile, 61,2 x 50 cm MuMa, Le Havre, inv. A347. Georges Dufour Étretat, s.d. Huile sur panneau, 54 x 47 cm Coll. Rémy Dufour.

Georges Binet La Plage à Sainte-Adresse, 1931 Huile sur toile, 33 x 46,5 cm MuMa, Le Havre, inv. A29.

Raoul Dufy Le Quai de l’Île, vers 1898 Aquarelle et crayon sur papier, 26,5 x 31,8 cm MuMa, Le Havre, inv. AD44.6.

Henri de Saint-Delis Le Bassin du Commerce au Havre, s.d. Encre de Chine rehaussée de gouache, 32,2 x 44 cm MuMa, Le Havre, inv. E60.75.

René de Saint-Delis Derrière les chantiers, s.d. Huile sur toile, 35,5 x 46 cm MuMa, Le Havre, inv. G115.

Robert Vallin Venise, 1911 Huile sur toile, 61 x 50 cm Coll. part. Henri de Saint-Delis Le Marché de Honfleur, s.d. Huile sur toile, 81 x 65,2 cm MuMa, Le Havre, inv. A350.

Albert Roussat Le Bassin du Commerce au Havre, vers 1908-1909 Huile sur toile, 68,5 x 92 cm MuMa, Le Havre, inv. A338 bis.

Henri de Saint-Delis La Neige en Suisse, s.d. Huile sur toile, 38 x 46 cm MuMa, Le Havre, inv. A342.

Henri de Saint-Delis Neige (Pic Chaussy), s.d. Huile sur toile, 65 x 80,5 cm MuMa, Le Havre, inv. A341

Georges Dufour Marine, s.d., 24 x 16 cm Huile sur panneau Coll. Rémy Dufour.

Jules Ausset Le Port du Havre, 1922 Huile sur toile, 54 x 65 cm Coll. part.

Édouard Lamy Marine, 1882 Huile sur toile, 24,5 x 32,5 cm MuMa, Le Havre, inv. A207.

L’héritage impressionniste

Jules Ausset Paysage, 1896 Huile sur toile, 35,4 x 46,3 cm MuMa, Le Havre, inv. A7.

Othon Friesz Vallée de la Creuse, Crozant, 1901 Huile sur toile, 73,5 x 57,5 cm MuMa, Le Havre, inv. A455.

Raoul Dufy Le Port du Havre, vers 1900 Huile sur toile, 37,2 x 45,8 cm MuMa, Le Havre, inv. 2013.4.1.

Charles Lhullier Silhouette de femme cueillant des fleurs dans un champ, 2nde moitié du xixe siècle Huile sur toile, 24,6 x 32,7 cm MuMa, Le Havre, inv. 80.8.

Georges Fauvel La Poissonnerie de Blois, 1881 Huile sur toile, 38,2 x 55,8 cm MuMa, Le Havre, inv. A118. Georges Fauvel Intérieur, étude pour La Poissonnerie de Blois, 1881 Huile sur carton, 25,5 x 14,5 cm MuMa, Le Havre, inv. A121bis.

Édouard Lamy Lavandières, 1887 Huile sur toile, 17 x 38,3 cm MuMa, Le Havre, inv. A209.

Charles Lhullier À Bléville, 1873 Huile sur toile, 27 x 34,3 cm Coll. part.

Othon Friesz Bassin des yachts à Sainte-Anne, Anvers, 1906 Huile sur toile, 50,5 x 62 cm MuMa, Le Havre, inv. A456.

Jules Ausset Paysage, 1932 Huile sur toile, 46 x 55 cm MuMa, Le Havre, inv. A12bis.

Jules Ausset

« La nature et tout ce qui sert de modèle au poète, au peintre, au musicien, c’est un immense dictionnaire. Tous les mots y sont. L’art consiste à savoir les assembler pour qu’ils se complètent sans jamais se confondre, pour qu’ils s’opposent sans jamais se nuire1 . » C’est à Montivilliers, dans la proche banlieue havraise, que naît Jules Ausset le 3 décembre 1868. Son père, Jean Auguste Jules Ausset, qui exerce la fonction de receveur de l’enregistrement et des domaines, meurt le 2 janvier 1878, alors que le jeune garçon n’a que neuf ans. Sa mère, Florine Gosselin, vit de quelques rentes pour élever son fils. Un des témoins de la naissance de l’enfant, Alexandre Lebrun, exerce la profession de peintre. Sans doute faut-il y voir le signe d’un intérêt familial pour la peinture. Toujours est-il que Jules Ausset étudie à l’École des beaux-arts du Havre, où Charles Lhullier le range parmi les plus doués de ses élèves. Il se voit d’ailleurs décerner le 1er prix de dessin d’après l’antique et d’après le modèle vivant dès juillet 1894, et est rapidement classé hors concours. Les portraits qu’il laisse témoignent des amitiés qu’il noue à l’école : Henri de Saint-Delis ou Albert Copieux2. Il est un intime de la famille Bénard et également lié à Othon Friesz.

(Montivilliers, 1868 - Paris, 1955)

Ausset se marie au Havre le 10 août 1901 Michaël Debris avec Marthe Marie Gabrielle Bravais3. Ses témoins sont Gustave Bénard, marchand de bronzes et d’objets d’art, père de Marcel Bénard, son condisciple à l’école d’art, et Léon Pédron, négociant qui bâtit une importante collection d’art moderne sur les conseils avisés de Friesz. Malgré le talent qui lui est reconnu, Ausset ne peint qu’en amateur, même si c’est en amateur éclairé. Il commence par exercer le métier de commis dans une maison de coton, s’intéresse aux mécanismes boursiers et publie à l’occasion des études sur le marché cotonnier4 avant de s’installer comme négociant5. Il acquiert peu à peu une aisance financière qui lui permet de se faire construire un pavillon boulevard Albert-Ier, puis de demeurer dans un hôtel particulier du boulevard Foch et d’exercer la peinture loin de toute pression, sans avoir à devenir « l’esclave de [son] public, [que les artistes] sont obligés de conserver pour vivre6 . » Jules Ausset est présent à presque toutes les expositions artistiques organisées au Havre de 1899 à 1923. Il participe à l’aventure du Cercle de l’art moderne dont il est le secrétaire, mais il n’exposera

1 Jules Ausset. Cf. Guy de Lourcade,

« La quinzaine artistique –

Jules Ausset », in Havre-Éclair, 8 décembre 1921. 2 MuMa, Le Havre, inv. A5. 3 Née à Asnières le 20 novembre 1876. 4 Jules Ausset, L’Organisation des affaires à terme, Le Havre, 1899, ou plus tard « Production du coton.

Sa consommation dans le monde », in Coton et cultures cotonnières, août 1931. 5 Pol Pitt (Paul Pittrais de son vrai nom) le caricature dans La Bourse,

Le Havre, 1909. 6 Julien Guillemard, « Chez Jules

Ausset », in Le Petit Havre, 9 janvier 1939.

7 Le Petit Havre, 9 janvier 1939. 8 Ainsi du paysage, daté de 1896, des collections du MuMa, inv. A7. 9 Guy de Lourcade, op. cit., Havre-

Éclair, 8 décembre 1921. 10 Havre-Éclair, 8 décembre 1921. 11 « Exposition de peinture », in Le Petit Havre, 3 avril 1924. toutefois que modestement en 1908 et 1909, et sera absent des deux autres expositions du groupe. À Paris, il présente ses œuvres au Salon d’automne de 1921 à 1926 et au Salon des Tuileries de 1924 à 1941. Les galeries havraises ainsi que le hall du journal La Cloche présentent ses œuvres assez régulièrement, tandis qu’en 1926 la galerie Georges-Petit à Paris expose quelques-unes de ses aquarelles. Le Petit Havre se fait même l’écho d’une participation à l’Exposition d’art français au Japon7 . Il s’intéresse aux mouvements de son époque : les œuvres de ses débuts témoignent de l’influence de l’impressionnisme8 avant que l’artiste ne s’en dégage progressivement pour développer un œuvre plus personnel, aux couleurs plus éclatantes. Il s’engage dans l’aventure du fauvisme puis s’intéresse au cubisme. Plus tard, certaines de ses natures mortes ne sont pas sans évoquer le travail des frères Saint-Delis, ainsi de celles réalisées au cours des années 1920-1930. Il traverse les écoles sans s’enchaîner à aucune. Il emprunte à l’une et à l’autre : « Ceux qui analyseront trouveront aisément ce que Ausset doit à chacune des écoles qu’il a traversées. Ce ciel est impressionniste, ce vase est géométrique ; mais voyez comme tout s’unit, se fond dans une relativité qui donne à chaque chose, comme à chaque tonalité, sa vraie place et sa valeur réelle9 . »

Ausset s’adonne à la critique d’art dans les colonnes du Havre-Éclair10. C’est un chercheur de beauté, un peintre qui cherche et qui théorise la pratique artistique, la sienne ou celle des autres, parfois trop. Dans la préface du catalogue édité à l’occasion de l’exposition que lui consacre la galerie havraise Gruson & Nion, Othon Friesz s’adresse directement à l’artiste : « À l’heure qu’il fallait, comme les meilleurs dans la capitale, tu as senti la nécessité de remplacer une mentalité qui ne correspondait plus à notre génération, car le respect et l’admiration qu’on portait à nos prédécesseurs impressionnistes n’empêchaient point qu’on ne tentât de les dépasser dans la force expressive et par l’emploi de matériaux toujours plus purs. Splendides et vivifiantes recherches. Les ignorants ont ri comme ils rient toujours quand il ne faut pas ; tu as souvent, d’une plume alerte et courageuse, tenté de les éduquer ou de les châtier. La meute a aboyé quelque peu, la caravane a continué son chemin. Toi, délivré des entraves étrangères à l’art, la barbe blanche, mais de corps, de cœur et d’esprit jeunes, tu dois réaliser dans la Mesure et la plénitude : tu as passé le temps des premières sédimentations et l’érudition même ne doit plus l’entraver : tu détiens la lumière dont Lhullier faisait, à juste titre, la vérité primordiale. Je vois dans tes dernières œuvres que tu es libéré de l’analyse, tu vas vers l’Accord, vers la belle simplicité, dans la Délectation11 . »

Jules Ausset décède à Paris le 18 mars 1955. Il est alors domicilié rue VictorHugo, dans le 16e arrondissement.

Jules Ausset Portrait d’Henri de Saint-Delis, 1929 Huile sur toile, 46 x 38,4 cm MuMa, Le Havre, inv. A6.

Expositions

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Crépuscule (n° 14) et Étude paysage (n° 15), huiles sur toiles, ainsi que Portrait de M. Ch. M., fusain (n° 504).

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Étude – Portrait (n° 13).

1908

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Broderie (n° 67).

1909

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Boucle de la Creuse, orage (n° 1) et La Route à Crozant (n° 2).

1914

Le Havre, Société havraise des amis des arts, Coin de parc (n° 369), Fleurs (n° 370), Honfleur (n° 371), Aizier (n° 372) et Fleurs (n° 373), aquarelles.

1919

Le Havre, Exposition collective au Hall de La Cloche.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 6 décembre 1919 : « L’art havrais est encore dignement représenté par des œuvres de M. Jules Ausset, des paysages lumineux, solides, une très jolie étude de ciel, où courent des nuages lugubres porteurs de tempête : Coup de vent. »

Le Havre, Galerie Fortin.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 28 mai 1919 : « Très abondante et très variée, la série des études peintres que M. Jules Ausset expose aux vitrines de M. Fortin, place de l’Hôtel-de-ville. Il y a là des paysages, des “natures mortes”, un portrait, des aquarelles et des toiles qui montrent sous un jour ample et séduisant le talent de l’artiste, sa souplesse en même temps qu’une évolution heureuse. Non point que le peintre ait complètement rompu avec les anciens principes et s’en soit séparé, en brandissant la palette violente et les pinceaux de la révolte. Il est même à remarquer que l’ensemble de son œuvre est beaucoup moins révolutionnaire que celle qu’il présenta naguère à une heure où s’affranchissent brusquement les écoles en fièvre d’impressionnisme intensif et délirant. Mais il est à noter aussi que tout en conservant le culte du dessin et de la ligne précise, en restant fidèle à certains principes traditionnels, il accuse une recherche active des effets neufs ; une belle franchise qui rend son effet digne d’attention et de sympathie. Plusieurs œuvres mériteraient d’être spécialement mentionnées dans cette exposition, notamment des aquarelles reproduisant des sites d’Orcher, des échappées resplendissantes sur le marais, quelques toiles, le portrait du peintre, joli et solide morceau de peinture, des “natures mortes” et parmi cellesci des harengs et des pommes d’une facture excellente et d’une belle exécution. Soulignons surtout l’intérêt de l’ensemble et, chez la plupart des études, une vibrante luminosité. »

1921

Paris, Salon d’automne, Chemin normand (n° 70), Paysage (n° 71) et Paysage (n° 72).

1922

Paris, Salon d’automne, Le Printemps à Honfleur (n° 61). Le Havre, Société havraise des amis des arts, Village d’Orcher (n° 3) et Saint-Martin-du-Manoir (n° 4). Le Havre, Exposition collective au Hall de La Cloche avec, notamment, Route de Fontenay, Automne au parc d’Orcher, Vieux port de Marseille, Église SaintLéonard de Honfleur et des portraits.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 20 décembre 1922 : « On peut discuter l’école dont M. Ausset est un adepte passionné, un de ceux qui, parlant d’art en théoricien, savent aussi joindre aux mots l’exemple du geste et défendent leur doctrine, le pinceau à la main. Ce qu’il faut reconnaître et louer sans réserve, c’est le bel effort qu’il consacre à cet art, la recherche patiente et suivie d’une expression, la notation fidèle d’un effet. Et point n’est besoin, ce me semble, pour expliquer cette peinture, d’aller puiser dans l’arsenal de la psychologie polyphonique et prêter des “intentions” philosophiques à des interprétations qui sont avant tout des traductions de choses vues telles que la nature les a faites. L’exposition de Jules Ausset, au hall de La Cloche, mérite de retenir l’attention. Il y a là des toiles qui ne sont pas seulement d’un faire adroit et parfois très personnel, mais qui accusent en outre un sens ardent de la couleur au service d’une observation pénétrante. Sans doute l’artiste demeure fidèle à la théorie discutable des contours appuyés d’un trait ferme – et quelquesuns de ses paysages doivent à ce procédé un défaut de légèreté des ciels, notamment –, mais il s’attache à fixer la lumière, à la faire vibrer, chanter, à envelopper d’une atmosphère évocatrice des sites pittoresques ou simplement choisis pour leur accent. On remarquera, à ce sujet, la Route de Fontenay, d’un bel effet ; l’Automne au parc d’Orcher, un des plus jolis morceaux de l’ensemble, le Vieux port de Marseille, d’un coloris chaud et lumineux, l’Église Saint-Léonard de Honfleur se détachant sur un ciel où frissonnent les bleumauve du crépuscule. À signaler aussi, deux bons portraits traités presque dans la note classique et d’une vivante expression. Jules Ausset s’attarde volontiers parmi les fauves. Volontiers, il rugit avec eux. Mais lorsqu’il est sorti de leur cage, et qu’il peut prendre sa palette pour son propre compte, il a déjà oublié le farouche concert des bariolages exaltés. Et il peint tranquillement, sagement, en bon artiste, ami de la raisonnable évolution qu’il demeure et que j’ai plaisir à féliciter13 . »

1923

Paris, Salon d’automne, Bouquet de campanules (n° 77) et Portrait du pasteur G… (n° 78). Le Havre, Société havraise des amis des arts, Entrée de ferme normande (n° 3).

1924

Paris, Salon d’automne, Bassin du roi au Havre (n° 58), Nature morte au canard (n° 59). Domicilié au 54, boulevard Albert-Ier , au Havre. Paris, Salon des Tuileries. Le Havre, Galerie Gruzon & Nion.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 4 avril 1924 : « Le peintre Jules Ausset a réuni là une ample série de ses dernières œuvres, en des notes diverses. Nous n’avons pas toujours suivi notre vieil ami Ausset dans ses tendances parfois excessives, jusqu’à ces limites volontairement osées, qui n’avaient d’ailleurs que le désir d’affirmer avec éclat une indépendance de principe, la réaction d’une jeune peinture soucieuse d’orienter l’art rénové vers des conceptions, dit-on, plus élevées et plus rationnelles. Mais nous n’avons

cessé de reconnaître chez Jules Ausset la probité artistique, la conscience, son loyal retour vers les traditions qu’il bouscule un moment pour mieux reconnaître leur sagesse et leur force, son indéniable sincérité dans la recherche d’une formule picturale qui veut répondre tout à la fois à l’esthétique de l’artiste et à l’idéalisme de ce que j’oserai appeler le psychologue de la couleur. Son exposition actuelle renferme des morceaux dignes de remarque, un groupe de portraits d’un dessin serré, d’une patte solide, traités d’une brosse franche et souple, créant autour de ces images une atmosphère qui les baigne, les imprègne, des études de nu, parmi lesquelles une aquarelle pleine de spontanéité et de mouvement, des paysages qui s’appliquent surtout à réaliser la synthèse de la ligne et du coloris, des coins jolis de Vieux-Port, des bassins du Havre, des bords de la Seine, et surtout deux natures mortes remarquables, la table chargée de bouteilles où jouent des reflets de verreries, et le Bouddha et fleurs, que la ville du Havre vient d’acquérir pour le musée des Beaux-Arts. Il y a là des morceaux excellents, qui, pour être appréciés à leur juste valeur, n’ont pas besoin d’avoir recours aux nébuleuses littératures. M. Othon Friesz, dans sa lettre-préface du catalogue, veut bien nous dire que Jules Ausset “est libéré de l’analyse”, qu’il va “vers l’Accord”, vers la belle simplicité, “dans la Délectation”, c’est bien possible. Lorsque les peintres d’avant-garde se mettent à faire les peintres de lettres – au sens d’hommes de lettres, bien entendu –, il est de bon ton que le jeu savant de leurs mots assemblés conserve, comme leur art, un caractère sibyllin. Respectons ces proses. Et remercions les détenteurs des vérités nouvelles de consentir auprès de nos pauvres ignorances l’œuvre ingrate de l’éducation. »

1926

Paris, Galerie Georges-Petit, 17e exposition de la Société internationale d’aquarellistes, Le Parc Borghèse (n° 19), La Colonne Trajane (n° 20), Fiesole (n° 21), Venise (n° 22), Pérouse la rouge (n° 23) et Après la pluie (environs de Besançon) (n° 24), aquarelles.

L’Action française, 6 octobre 1926 : « M. Henri Frieker charge son papier de tons somptueux, tandis que tels autres aquarellistes, Mlle Mary D. Coles, par exemple, ou M. Jules Ausset, le couvrent à peine, inclinant vers

la pratique systématiquement sommaire de ce que l’on nomme la jeune peinture. » Rouen, Galerie moderne.

JCC, « L’art en province et à l’étranger », in L’Art vivant, 1er janvier 1926, p. 279 : « Ausset s’est dégagé nettement des influences passées, et dans une note, cette fois personnelle, nous montre un ensemble de délicates aquarelles d’Italie – d’un beau métier, très harmonieux –, des huiles – entre autres un portrait solidement construit dans une pâte riche et très vivant. » XOR., « Galerie moderne, Jules Ausset », in Rouen gazette, 20 mars 1926 : « Lorsque cet artiste se trompe, c’est par excès d’intelligence. Il arrive que les classiques, les impressionnistes et les modernes l’empêchent de dormir. Sa palette est un champ de bataille, où souvent la victoire reste indécise. Incontestablement, ce sont les aquarelles qui l’expriment le plus. Lorsque le cérébral ne l’emporte pas sur le sensible, il nous donne des choses d’un caractère aigu et qui vont très loin. Citons Milan – Cour de l’hôtel de ville ; Venise, quai des Esclavons ; Crépuscule sur le grand canal, et surtout deux aspects de Pérouse la rouge. Une aquarelle du Havre, Villas, est tout à fait extraordinaire. Dans les huiles, c’est le Portrait de femme qui retient surtout l’attention, et certaines parties du grand nu sont fort belles. »

Le Havre, Galerie Gruson & Nion.

JCC, « L’art en province et à l’étranger », in L’Art vivant, 1er janvier 1926 : « Dans son exposition, l’œuvre capitale est, à notre avis, un Grand canal à Venise, le ciel y est traité à la manière des primitifs, la qualité des blancs de la Chiesa della Salute est remarquable. À la palette des impressionnistes, Ausset ajoute des terres. Le portrait du pasteur Ch. Bost est exprimé par de simples moyens ; un autre portrait de femme, traité peut-être trop en glacis, est d’un dessin sévère, de souples passages dans les modelés lui donnent une lumière transparente. Toute une suite d’aquarelles d’Italie très enlevées, les canaux de Venise, la colonne Trajane, l’Arc de Septime, sujets bien ennuyeux, d’une exécution moins heureuse que Fiesole ou Pérouse qui sont deux pièces d’une réelle intensité d’expression et de couleurs, des natures mortes fort bien composées. Les envois de Jules Ausset ont été très remarqués au Salon d’automne et à celui des Tuileries où il avait envoyé deux nus. Je le

préfère paysagiste, son œil fin et sensible, son métier intelligent lui permettent de réaliser des œuvres de qualité. » Paris, Salon d’automne, La Tour de Beurre (Rouen) (n° 134) et Hôtel de Mont-Joli (Honfleur) (n° 135).

1927

Le Havre, exposition des artistes havrais, galerie P. Maury.

1928

Paris, Salon des Tuileries, Fleurs (n° 99) et Nature morte (n° 100).

1929

Paris, Salon des Tuileries.

Gustave Kahn, « Le Salon des Tuileries », in Le Mercure de France, 15 juin 1929 : « M. Jules Ausset a de bonnes études de plage dans des tonalités contrastantes de latitude et d’heure. »

1937

Paris, Salon de l’Association artistique des métiers graphiques, galerie d’art et d’industrie13 .

1947

Le Havre, Galerie Jean-Jacques Rousseau.

Pol Pitt Portrait de Jules Ausset, 1909 paru dans Pol Pitt, En bourse : Le Havre, 1909.

Marcel Bénard Mer calme, étude, vers 1900 Huile sur toile, 27,2 x 46 cm MuMa, Le Havre, inv. A21.

1 Lettre de Martin à Boudin, 20 novembre 1884. Isolde Pludermacher et Laurent Manœuvre, Eugène

Boudin, lettres à Ferdinand Martin (1861-1870), Honfleur, Société des amis du musée Eugène-Boudin, 2011. 2 Catalogue de la 31e exposition municipale de beaux-arts ouverte au musée de Rouen, Rouen, imprimerie Lecerf, 1888. 3 Hippolyte Fénoux, « Les Sculpteurs », in Le Salon havrais, souvenir critique de l’exposition des beaux-arts organisée sous le patronage de la Société nationale havraise d’études diverses, Le Havre,

Félix Santallier, 1875 : « L’étude de M. Bénard, du Havre, a de sérieuses qualités de naïveté et de simplicité. Elle est une œuvre très personnelle, qui dénote un sentiment vrai de la nature. Mais la main encore inexpérimentée d’un amateur se révèle à tous les détails de l’exécution, aux molles épaisseurs du modelé, dont les touches s’éteignent sans couleur, aux raideurs de l’attitude qui n’est pas balancée, et se présente tout d’une pièce. Pourtant, nous ne Marcel Albert Wilfrid Bénard naît au Havre le 8 juin 1867. Il est le fils de Gustave Bénard et de son épouse Claire Élisabeth Adèle Sandoz. Bénard père (1834-1915) est un notable fortement impliqué dans la vie de la cité : il est conseiller municipal de 1878 à 1883, président du Syndicat général du commerce et de l’industrie, et directeur de l’exposition maritime internationale de 1887. Il est par ailleurs marchand de bronzes et d’objets d’art et tient boutique au 18, place de l’Hôtel-de-ville. En 1875, Gustave Bénard prête de nombreux bronzes pour l’exposition des beaux-arts, organisée sous le patronage de la Société nationale havraise d’études diverses. C’est également par son intermédiaire que le musée du Havre acquiert, en 1884, une œuvre de Courbet (aujourd’hui simplement attribuée à l’artiste), Remise de chevreuils. Ferdinand Martin rapporte cet achat dans un courrier adressé à Eugène Boudin : « Ah ! Encore un achat ! Un Courbet, Remise de chevreuils, payé 6 000 francs par l’entremise de Bénard,

Marcel Bénard le marchand de bronzes de la place de l’Hôtel-de-ville. On a trouvé cet achat (Le Havre, 1867 - id., 1904) un peu cher, mais enfin on n’avait pas de Courbet dans notre musée1 . » Michaël Debris Mais Gustave Bénard fut également artiste à ses heures. Après avoir suivi lui-même les enseignements de l’école d'art du Havre2, il s’adonne en particulier à la sculpture, en amateur éclairé3. Il expose ainsi régulièrement dans le cadre de l’exposition de la Société des amis des arts du Havre, en 1893, 1896, 18994 ou 1905, par exemple. Il n’est donc pas étonnant que Marcel, grandissant dans ce milieu favorable à l’éclosion de talents artistiques, fasse le choix de s’inscrire à l’école municipale des Beaux-Arts où il bénéficie de l’enseignement de Lhullier. En juillet 1899, alors que Marcel Bénard est en cours supérieur, ses œuvres sont présentées hors concours à l’exposition de fin d’année des travaux des élèves de l’école. Il reçoit avec Ausset les félicitations d’Alphonse Lamotte pour les cours d’histoire de l’art5 .

Comme nombre d’élèves de l’école municipale des Beaux-Arts, Bénard ne vit toutefois pas de son art et doit seconder son père dans ses activités commerciales. Il expose à plusieurs reprises, au Havre pour l’essentiel, mais participe également à la Société nationale des beaux-arts en 1904. Ses sujets prennent leur source dans les scènes ou les paysages havrais. Marcel Bénard reste célibataire et meurt à trente-sept ans au domicile de ses parents en 1904. Jules Ausset, ami du défunt et condisciple de Bénard à l’école d’art, rapporte le décès à l’état civil6 .

Expositions

1893

Le Havre, Société des amis des arts, Au Beuglant, dessin à la mine de plomb (n° 561).

1896

Le Havre, Société des amis des arts, Un coin du bassin de la Barre (n° 48) et Falaise d’Étretat (n° 49), ainsi qu’un croquis à la mine de plomb (n° 672). L’œuvre Un coin du bassin de la Barre est acquise à la fin de l’exposition par un amateur.

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Marine (n° 42), Marine (n° 43), un cadre avec croquis au crayon (n° 512) ainsi que Croquis et portraits (n° 513).

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Un café-concert (n° 28), Bassin du Commerce – Havre (n° 29), un portrait au pastel (n° 460) et un cadre de dessins appartenant à M. G. Trouvay (n° 461).

1903

Rouen, Société des amis des arts de croquis à la mine de plomb (n° 563).

1904

Paris, Société nationale des beaux-arts, L’Avant-Port au Havre (n° 104).

saurions trop engager l’auteur à persister dans sa vocation.

Il a le don de sincérité que rien ne remplace, et peut facilement apprendre le métier, qui lui fournira les secrets de l’exécution. » 4 Société des amis des arts du Havre, Exposition de 1899 du 5 août au 8 octobre sous le patronage de M. le maire de la ville du Havre : explications des ouvrages de peinture, sculpture, dessins, gravures et faïences des artistes vivants exposés dans la galerie du musée, Le Havre, 1899. Bénard père présente ainsi La Vigne, un vase en bronze (n° 751), Portrait, médaillon en plâtre (n° 752), République américaine, médaillon en plâtre (n° 753) et Amphitrite, bas-relief en bronze (n° 754). 5 « Distribution des prix à l’école des beaux-arts », in Journal du Havre, 30-31 juillet 1899. 6 En 1891, le sculpteur havrais

Fergus Bailliard (1872-1895) réalise le buste des deux amis. Cf. Dictionnaire biographique comprenant la liste et les biographies des notabilités… du département de la Seine inférieure, Paris, Jouve, 1892. Attribué à Gustave Courbet Remise de chevreuils, vers 1865 Huile sur toile, 49 x 59,8cm, MuMa, Le Havre, inv. 131.

Georges Binet La Plage du Havre à marée basse avec l’ancien sémaphore, 1930 Huile sur panneau, 19,2 x 27 cm MuMa, Le Havre, inv. 81.41.

Georges Jules Ernest Binet naît le 30 avril 1865 au Havre, fils cadet d’Adolphe Binet, importateur de bois, et de Flore Deveaux, elle-même fille d’un négociant en bois. Élevé dans une famille disposant à la fois d’une aisance financière et d’une ouverture à l’art – son père rapporte des carnets de dessins de ses voyages et est ami de l’illustrateur Edmond Morin1 –, il nourrit une passion pour le dessin et commence à peindre à l’huile dès l’âge de quatorze ans. À la sortie du lycée, il est confié aux bons soins d’AlphonseLouis Galbrund, pastelliste de talent et conservateur du musée du Havre. Il s’inscrit également à l’école des BeauxArts de la ville où il suit les cours de Charles Lhullier et reçoit en 1883 le premier prix pour son « académie d’après le modèle vivant ». Quittant sa ville natale, il rejoint Paris et intègre l’atelier de Raphaël Collin2, puis, après avoir accompli son service militaire, celui d’Ernest Quost. Il achève ses études à l’école supérieure des Beaux-Arts chez le peintre pompier Fernand Cormon, avec qui il voyage à Biarritz, en Suisse et en Espagne, et auprès duquel il travaille à des panneaux destinés à l’Exposition universelle de 1900 ainsi qu’aux panneaux se rapportant aux villes d’Amboise et de Biarritz à la gare d’Orsay3. De cet

Georges Binet enseignement académique, Georges Binet conserve un dessin solide et la maîtrise (Le Havre, 1865 - Toulon, 1949) de son sujet. Même s’il se tourne très vite vers l’impressionnisme dont il retient la M. D. clarté de la palette et l’omniprésence de la lumière, son œuvre présente une touche plus « léchée ». Peintre d’une époque bénie où ne règnent que calme, élégance et harmonie, il cherche volontiers ses motifs dans les scènes intimes, les théâtres ou les marchés. Ses scènes de plage trahissent l’influence sensible de Boudin. Peintre consciencieux, il revient autant de fois que nécessaire sur les lieux qu’il cherche à transposer sur la toile. Il s’attache plus particulièrement à la représentation des fleurs, à laquelle il s’exerce dans les serres de M. Fauquet, rue Lestorey-de-Boulongne et dans laquelle il excelle rapidement, y gagnant le surnom de « Binet-la-fleur4 ». Il réalise également de beaux portraits de proches. Son ami Herrenschmidt écrit à cet égard, soulignant la parenté avec son ancien maître : « Je sais de ce peintre un Portrait de sa mère qui a toute la fermeté, toute la richesse de carnations, toute la vie d’un Lhullier5 . » Binet rencontre tôt le succès et peut raisonnablement vivre de sa peinture. Dès 1889, il est admis au Salon des artistes français et y participe assidûment durant cinquante ans. En 1899, il y reçoit une mention honorable puis, en 1904, une

1 Edmond Morin, né au Havre le 26 mars 1824, devient l’élève de

Charles Gleyre à l’École des beauxarts de Paris avant de devenir illustrateur au Monde illustré.

Il débute au Salon de 1857. 2 Le Petit Havre, 4 février 1937.

Il y fréquente notamment Gaston

Prunier. 3 Le Petit Havre, 3 avril 1938. 4 Pour le distinguer d’un homonyme, cf. Albert Herrenschmidt, Le Havre qui passe. Chroniques havraises 1906, 1907. 5 Albert Herrenschmidt, « Nos artistes chez eux – Georges Binet », in Le Petit Havre, 7 mai 1905.

médaille de troisième classe avec Jardin à Caudebec-en-Caux. Il est classé hors concours après avoir reçu, en 1912, une médaille de deuxième classe pour Marché aux fleurs du Havre.

En 1906, il participe à la création d’une nouvelle société artistique, la Société havraise des beaux-arts, placée sous la présidence de Georges Diéterle6 et dont Georges Dufour est vice-président. Binet est membre du conseil d’administration avec Maurice Courant, Georges Fauvel et Hippolyte Fénoux7. Cette société, plus volontiers tournée vers la peinture classique que le Cercle de l’art moderne fondé la même année, organise au printemps 1908 une exposition rétrospective des maîtres des xviiie et xixe siècles8 .

Binet épouse le 29 mai 1906 Madeleine Dan, fille du pharmacien de la place de l’Hôtel-de-ville. Un fils unique, JeanGeorges, naît le 8 mars 19109 .

Enseignant à de rares artistes – comme le Havrais René Thuillier10–, il prodigue à l’occasion ses conseils à des apprentis peintres venus lui rendre visite dans son vaste atelier de la rue Thiers, même s’il répugne à être dérangé dans son travail. « Là, c’est froid, beaucoup trop froid. Il faut retourner sur les lieux un matin pareil et observer les détails. Vous trouverez un peu de la lumière que vous avez ici et qui doit forcément être là aussi. Vous aurez de la chaleur dans votre toile. Par contre, ce coin-là est trop chaud pour ce qui l’entoure, atténuez11 . »

En 1937, il reçoit de Léon Meyer, députémaire du Havre, la croix de chevalier de la Légion d’honneur12. Une réception est donnée en son honneur, en présence d’autres artistes parmi lesquels on retrouve notamment Lecourt, Forest et Bofils. La Ville du Havre lui commande un triptyque destiné à décorer l’hôtel de ville. Achevée l’année suivante, l’œuvre est détruite par les bombardements.

D’abord retirés dans la « Maison blanche », le vieux manoir de Villequier hérité de son oncle, Georges Binet et son épouse s’installent pendant la Seconde Guerre mondiale à Toulon où vit leur fils, et où le peintre s’éteint en 1949, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.

6 Fils aîné du peintre et décorateur

Jules Diéterle, Georges Diéterle (1844-1937) envisage d’abord de devenir architecte. Élève de

Simon-Claude Constant-Dufeux à l’École des beaux-arts de Paris, il prend part dès 1874 au Salon des artistes français où il obtient une mention honorable en 1883.

La ville du Havre lui commande une grande toile représentant une

Vue de l’ancien port pour décorer l’hôtel de ville. 7 « La décentralisation artistique », in L’Art et les Artistes : revue mensuelle d’art ancien et moderne, avril 1906, p. XVII-XVIII. 8 La société fusionnera en 1914 avec la Société des amis des arts pour devenir la Société havraise des amis des arts. 9 Archives départementales de Seine-Maritime, état civil, 4E 19960, acte 711. Jean-Georges

Binet épousera à Villequier

Jeanne-Louise Lainé le 23 juillet 1938. 10 A. D., « Georges Binet est mort », in Le Havre libre, 12 juillet 1949. 11 Julien Guillemard, « Chez Georges

Binet », in Le Petit Havre, 3 avril 1938. 12 Le Petit Havre, 4 février 1937. 13 Gil Blas, 20 novembre 1885. 14 Henri Bridoux, Le Travailleur normand, 3 février 1895.

Expositions

1885

Paris13, Exposition rue GayLussac.

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Chrysanthème (n° 67) et Cour de ferme à Villequier (n° 68).

1888

Rouen, 31e exposition municipale de beaux-arts, Chrysanthèmes (n° 64) et Nature morte (n° 65), ainsi qu’une étude au pastel (n° 705).

1889

Rouen, Société des amis des arts, Intérieur d’atelier (n° 19), Chrysanthèmes (n° 20), Le Père Jouan (n° 21) et un portrait au pastel (n° 351). Paris, Salon, Étude, pastel (n° 2871). Paris, Galerie Fernand-l’Anglois, Exposition collective avec notamment Gaston Prunier, Louis Hayet et Antoine Bourdelle.

1890

Le Havre, Société des amis des arts, L’Entrée du port du Havre, peinture (n° 30), ainsi que Portrait (n° 429) et Étude (n° 430), deux pastels.

1891

Paris, Salon En Normandie, étude (n° 154).

1893

Rouen, 33e exposition municipale de beaux-arts, Enfant de chœur (n° 67), Portrait de Mme B… (n° 68) et Étude, pastel (n° 872).

1894

Amiens, Société des amis des arts de la Somme, L’Aquarelle (n° 57) et Chrysanthèmes (n° 58).

1895

Paris, Chez Georges Petit14 , Exposition collective d’aquarelles. Paris, Galerie Durand-Ruel, exposition collective des élèves de Cormon.

Henry Bridoux, « Chez les peintres », in Le Travailleur normand, 3 février 1895 : « Au hasard des toiles vues, quelques rapides et fugitives impressions. D’abord un tableau de genre dont la signature nous arrête. C’est de Georges Binet, un Havrais, partant notre compatriote, cette composition où le peintre, sur un dessin d’un contour ferme et précis, a su brosser de délicates colorations. Près de la fenêtre grande ouverte, par où, en larges ondes, s’épand la lumière du dehors, une jeune femme s’essaye au lavis d’une “aquarelle”. La figure, d’un modelé charmant, est rêveuse et réfléchie, pendant que la main qui tient le pinceau en ses doigts fuselés semble hésiter à donner la touche définitive. L’ensemble du sujet est d’une joliesse achevée que complètent et qu’avivent encore les accessoires adroitement traités, le tapis de la table, la tapisserie du fauteuil, le vase de cristal où se fanent de mourantes renoncules. De Georges Binet, voici en-

15 Aujourd’hui, inv. MuMa A30. Cette œuvre sera exposée à Pittsburgh au Carnegie Institute à une date inconnue et au Salon des artistes français de 1899. 16 La Fronde, 18 janvier 1899. 17 La Revue des beaux-arts, 2 février 1908. core un frais paysage, une prairie normande verdoyante et touffue qu’arrose une lente et sinueuse rivière puis, quelques pas plus loin, un souriant portrait d’enfant, un pastel duveté d’angélique et caressante douceur, une expressive tête d’adorable fillette dont la chevelure bouclée, le rose des joues, le limpide et pourtant papillotant éclat du regard, la fraîcheur purpurine des lèvres semblent nimbés de sereine lumière. »

1896

Rouen, Exposition nat. & col., Salon des beaux-arts, Roses trémières (n° 67) et Le Bouquet de chrysanthèmes (n° 68). Paris, Salon : Roses (n° 211) et un Portrait d’enfant au pastel (n° 1843). Domicilié au 7, rue Tourlaque. Le Havre, Société des amis des arts, Pivoines (n° 72) et Pivoines et coquelicots (n° 73).

1897

Paris, Salon, Passeroses (n° 171) et Roses (n° 172). Versailles, Société des amis des arts du département de Seineet-Oise, Fleurs (n° 351 bis). Binet reçoit à cette occasion une médaille d’argent.

1898

Paris, Salon, Azalées (n° 208) et Roses trémières (n° 209). Versailles, Société des amis des arts du département de Seineet-Oise, Panier de fleurs (n° 34) et Roses (n° 35).

« L’art en province – Exposition de la Société des amis des arts du département de Seine-etOise », in Journal des artistes, 31 juillet 1898 : « Les roses de M. Binet, très fraîches, très simples et d’une facture qui ne sent pas le métier appris par formule, sont excellentes. »

Paris, 8e exposition de la Société artistique et littéraire de ParisProvince, Corbeille de glaïeuls (n° 12) et Pivoines (n° 13).

1899

Le Havre, Société des Amis des arts, Un coin de jardin à SainteAdresse (n° 54) et Cimetière à l’abbaye de Graville (n° 55)15 . Paris, Galerie Georges-Petit, 8e exposition de peinture et de sculpture de la Société artistique et littéraire de Paris-Province16 . Paris, Salon, Un coin de jardin à Sainte-Adresse (n° 193) et Cimetière de l’abbaye de Graville (n° 194).

Emmanuel Arène, « Le Salon », in Le Matin, 14 mai 1899 : « M. Georges Binet est né au Havre. Ce n’est pas précisément le Midi, mais cela n’empêche pas sa peinture d’être, elle aussi, pleine de chaleur et de vie, avec une note mélancolique et douce qui y ajoute un charme de plus. Ses deux tableaux Un Coin de jardin à Sainte-Adresse et Cimetière à l’abbaye de Graville sont de ceux, le dernier surtout, qui, invinciblement, vous arrêtent au passage. »

Versailles, Société des amis des arts du département de Seineet-Oise, Azalées (n° 33) et La Seine aux Andelys (Eure) (n° 34).

1901

Paris, Salon de la Société des artistes français, Matinée de printemps (n° 197).

Georges Denoinville, « Les Salons de 1901 », in Le Voltaire, 3 mai 1901 : « M. Georges Binet est un paysagiste de talent qui mérita une mention honorable, il y a deux ans. Son paysage de cette année justifie entièrement les bonnes dispositions du jury à son égard. Matinée de printemps (Seine inférieure) est d’une jolie lumière, d’un sentiment très frais et le renouveau chante parmi la nature en fête. »

1902

Paris, Salon, La Loire à Langeais (n° 148) et Coquelicots au bord de la mer (n° 149). Le Havre, Société des amis des arts, Coquelicots au bord de la mer (n° 40). 1903

Rouen, Société des amis des arts, exposition des Beaux-Arts, Azalées (n° 47). Paris, Salon, Pâturage près de Caudebec-en-Caux (n° 164).

1904

Paris, Salon, Jardin à Caudebecen-Caux (n° 172).

1905

Paris, Salon, Un jardin à SainteAdresse (Seine inférieure) (n° 175) et Mon Paradou (n° 176).

« Nos peintres », in Le Petit Havre, 11 novembre 1904 : « Dans un ermitage fleuri, sur les pentes de la rue Désiré-Dehors, qui monte à la Hève, face à la mer, le peintre Georges Binet, notre compatriote, avait établi cet été son atelier de plein air. Le jeune artiste a déjà conquis une place plus qu’honorable parmi les peintres de fleurs. Il a réuni cet été, dans une suite de dessins minutieusement observés et d’études peintes, les documents de son tableau du prochain Salon : un jardin formant comme un balcon ouvert sur la grande mer. »

Le Havre, Société des amis des arts, Un jardin à SainteAdresse (n° 32) et Pâturage, près de Caudebec-en-Caux (n° 33), ainsi que Portrait, étude, pastel (n° 523).

1906

Paris, Salon, Jardin au Havre (n° 169).

1907

Paris, Salon, Fontaine fleurie (n° 165).

1908

Paris, Salon, Sous les pommiers (n° 160) et Le Vieux Puits (n° 161).

Albert Herrenschmidt, Le Petit Havre, 1er mars 1908 : « […] L’une, Sous les pommiers, montre un joli coin du pays normand qu’enveloppent les roseurs rayonnantes des pommiers en fleurs. Les arbres s’inclinent vers un ruisseau qui reflète leur capricieuse image. Des familles de canards jettent, çà et là, dans la transparence de l’eau, des taches brillantes et claires, et mouvementent un paysage où la fraîche lumière vibre avec intensité, faisant valoir la symphonie des verts, des roses et des blancs. L’autre toile, de mêmes dimensions, représente des roses trémières qui escaladent la charpente vermoulue d’un vieux puits. Les fleurs s’enlèvent vigoureusement sur un fond de verdure et le coloris éteint d’un toit de chaume. Le soleil fait chanter les corolles et les enveloppe d’une atmosphère chaude et blonde. »

Angers, exposition des amis des arts, Étude du pays de Caux et Jardin à Sainte-Adresse17 .

1909

Rouen, 38e exposition municipale de beaux-arts, Sous les pommiers (n° 37) et Marché de Caudebecen-Caux (n° 38). Paris, Salon, Marché à Caudebecen-Caux (n° 175).

Georges Binet Tombeau fleuri au prieuré de Graville, vers 1899 Huile sur toile, 92,5 x 70,6 cm MuMa, Le Havre, inv. A30.

Albert Herrenschmidt, « Les artistes havrais au Salon », in Le

Petit Havre, 26 mars 1909 : « Le peintre Georges Binet sera représenté au Salon des artistes français par un Marché à Caudebec-en-Caux au coloris brillant et chaud, d’une composition aussi heureuse que son exécution est pleine de virtuosité. Les marchandes, sous leurs petites baraques de toile, la foule grouillante des acheteurs, les étalages de fleurs et de légumes, tout cela s’enlève avec éclat sur le décor de la vieille église. » Paris, Salon d’hiver, Pêcheuse (n° 85), Pâturage en Normandie (n° 86), Pâturage en Normandie (n° 87), Lavoir à Caudebec-enCaux (n° 88), Vieux moulin (PetitAndely) (n° 89) et La Vieille Grille du parc (n° 90).

1910

Paris, Salon, Marché de Vérone (Piazza Erbe) (n° 200).

1911

Paris, Salon, Le Marché du RondPoint au Havre (n° 170). Le Havre, Société havraise des beaux-arts, Portrait (n° 9) et San Giorgio (Venise) (n° 10).

1912

Paris, Salon, Marché aux fleurs du Havre (n° 174). Le Havre, Galerie Lebas, Marché aux fleurs de la place Gambetta, Marché du cours de la République, ainsi que des vues de Venise, de Vérone, de la campagne normande18 .

1913

Paris, Salon, Sous les arbres à Caudebec-en-Caux (n° 170) et Un coin de marché à Caudebec-enCaux (n° 171).

1914

Paris, Salon, Un coin de marché au Havre (n° 190).

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 16 mars 1914 : « Le peintre Georges Binet sera représenté cette année au Salon des artistes français par trois envois : un tableau à l’huile et deux pastels. Le premier a pour titre Un coin de marché au Havre. L’artiste est demeuré fidèle au marché aux fleurs de la place Gambetta qui lui a fourni le sujet de sa grande toile au Salon de l’an dernier. L’œuvre nouvelle montre un nouvel aspect de la place : une allée fleurie à l’extrémité de laquelle s’estompe, dans la lumière bleutée, la statue de Casimir Delavigne. Mais c’est surtout le prétexte à un joli groupe de chrysanthèmes dont la polychromie brillante forme l’intérêt principal du tableau. La touche en est large et franche, vigoureuse et résolue. Les couleurs jouent entre elles et se font valoir mutuellement par l’effet d’un éclairage heureux qui éparpille des notes vibrantes et fraîches parmi cette floraison d’automne. Œuvre intéressante, composée adroitement, exécutée avec une sobriété excellente et dans l’ensemble une des meilleures, sinon la plus parfaite, que le peintre nous ait quant à présent données dans ce genre. Georges Binet pastelliste est moins connu, bien qu’il soit capable de virtuosité. On remarquera ses deux envois, Marché à Dieppe, Étude de marché. Ils ont à la fois l’enveloppement, la douceur et la légèreté du pastel et, en certains points, l’éclat et l’expression de la peinture. »

Le Havre, Société havraise des beaux-arts, Marché aux fleurs au Havre (n° 8).

Albert Herrenschmidt, « Société havraise des amis des arts – Salon de peinture », in Le Petit

Havre, 14 juin 1914 : « Le Marché aux fleurs de Georges Binet fait chanter la polychromie éclatante du chrysanthème sous la lumière dorée des derniers beaux jours. »

1918

Le Havre, Galerie P. Maury, Le Quai de Caudebec et L’Embouchure de la Rance.

Albert Herrenschmidt, « BeauxArts », in Le Petit Havre, 22 août 1918 : « Le peintre Georges Binet expose aux vitrines de Maury deux toiles intéressantes : Le Quai de Caudebec et L’Embouchure de la Rance. Le site est connu. Son charme pittoresque a plus d’une fois tenté l’artiste qui l’a traité à différentes heures du jour et a tiré du jeu des lumières des effets jolis, très enveloppés. Les deux nouveaux tableaux sont d’un coloris chaud et vibrant. On en remarquera l’exécution fraîche et la facture solide et, particulièrement dans L’Embouchure de la Rance, un ciel d’une belle luminosité. Signalons également du même artiste deux tableautins, Effets de lumière, d’une séduisante virtuosité. »

1919

Il participe à l’exposition du cercle Volney (Le Gaulois, 21 mars 1919).

1920

Paris, Salon, Impression d’été (n° 157) et La Seine à Caudebec (n° 158).

1921

Paris, Salon, Terrasse fleurie, bord de la Seine à Villequier (n° 191) et Marché aux fleurs (n° 192).

1922

Paris, Salon, Le Marché aux fleurs de la Madeleine (n° 182), Deauville (n° 183) et Halte de nomades (n° 184). Le Havre, Société havraise des amis des arts, Terrasse au bord de la Seine (n° 7), Procession à Honfleur (n° 8) et Marché aux fleurs (n° 10), peintures, ainsi que Sur la plage, pastel (n° 114). Le Havre, Exposition au Hall de La Cloche.

1923

Paris, Salon, Jardin à Villequier (n° 189), Le Bassin du commerce au Havre (n° 190), Terrasse à Villequier (n° 191) et Procession à Notre-Dame-de-Grâce (Honfleur) (n° 192). Le Havre, Société havraise des amis des arts, Villequier (n° 4), Le Bassin du Commerce (n° 5), Pèlerinage à Honfleur (n° 6) et Roses blanches (n° 7).

1924

Paris, Salon, Villequier (n° 218), La Seine à Villequier (n° 219), Marché à Caudebec (n° 220) et Phlox (n° 221).

1925

Paris, 16e exposition de la Société des artistes rouennais, Caudebec (n° 328), Rouen (n° 329), Harfleur (n° 330), Nomades à Caudebec (n° 331) et Marché à Caudebec (n° 332). Paris, Salon, Caudebec (n° 111).

1926

Paris, Salon, Halte de nomades à Caudebec (n° 212) et Rouen (n° 213).

1927

Paris, Salon, Portrait de Mme G.B. (n° 199) et La Route de Caudebec à Villequier (n° 200). Le Havre, Exposition des artistes havrais, galerie P. Maury. Trouville, exposition d’art normand. Paris, Cercle Volney.

1928

Paris, Salon, Pivoines blanches (n° 206) et Riva-Bella (n° 207).

1929

Paris, Salon, Fleurs (n° 242) et Deauville (n° 243). Dijon, Salon. Paris, Salon de l’École française : Roses roses (n° 131), Roses (n° 132), Fleurs (n° 133), RivaBella (n° 134), Deauville : l’heure du bain (n° 135) et Deauville (n° 136).

1930

Paris, Salon, Deauville, les planches (n° 210) et Deauville, le bar du Soleil (n° 211).

1931

Paris, Salon, L’Heure du bain à Deauville (n° 238) et La Place de la Concorde (n° 239).

1932

Paris, Salon, Le Quai Conti (n° 252) et Roses roses et vase de Delft (n° 253). Paris, Salon, Pivoines blanches (n° 215) et Pivoines roses (n° 216).

1934

Paris, Salon, Terrasse dominant Le Havre (n° 250) et La Route des phares à Sainte-Adresse (n° 251).

1935

Paris, Salon, Le Prieuré de Graville – Sainte Honorine (n° 221) et La Seine à Villequier (n° 222).

1936

Paris, Salon, Rouen vu de Canteleu (n° 283) et Le Havre, sortie de Normandie (n° 284).

1937

Paris, Salon, La Seine à Caudebecen-Caux (n° 151).

1938

Paris, Salon, Fleurs (n° 165).

1939

Paris, Salon du cercle Volney. Paris, Salon des artistes français, Deauville.

1949

Rouen, Exposition rouennaise « Les peintres normands de Lebourg à Othon Friesz », au n° 24 bis (Panorama de Rouen, coll. part.)

1946

Le Havre, Galerie des Arts réunis.

1947

Le Havre, Exposition des artistes havrais à la galerie Jean-Jacques Rousseau.

1949

Le Havre, Galerie JeanJacques Rousseau, exposition rétrospective. Rouen, « Les peintres normands de Lebourg à Othon Friesz », Panorama de Rouen (n° 24 bis).

1951

Le Havre, deuxième rétrospective Binet à la galerie Jean-Jacques Rousseau.

Paul Bofils Portrait de l’auteur, 1922 Huile sur toile, 65,4 x 54 cm MuMa, Le Havre, inv. A35.

Paul Bofils

C’est dans un milieu éloigné des arts que Paul Marcel Alexandre Bofils voit le jour à Saint-Nazaire le 13 août 1868. Son père, Lucien Alexandre Marcel Bofils, alors âgé de vingt-huit ans, y exerce la profession de cuisinier. Sa mère, Marie-Victoire Boucher, n’est encore qu’une jeune femme de dixneuf ans. La famille s’installe au Havre après 1886, après une longue escale dans les Bouches-du-Rhône où naissent les cadets de la fratrie, Louis Eugène, Auguste Marius et Gabriel Alexandre, respectivement en 1875, 1880 et 1886. Si Julien Guillemard, dans un article paru dans Le Petit Havre de 1944, donne Paul Bofils comme l’élève de Lhullier, lui-même se réclame comme celui d’Alphonse Lamotte et de Théophile Henri Décanis dans les catalogues des expositions auxquelles il participe. Il est vraisemblable qu’il commence à étudier la peinture sous la férule de ce maître de l’école de Marseille, spécialiste de paysages provençaux, avant de s’installer au Havre. Peintre et lithographe, Bofils expose à plusieurs reprises à la Société des amis des arts du Havre à compter de 1896 et jusqu’en 1923. En 1909, il présente ses travaux, avec d’autres anciens élèves,

à l’occasion de l’exposition de fin d’année de l’école des Beaux-Arts de la ville. Dès (Saint-Nazaire, 1868 - 1912, il est reçu au Salon des artistes Sanvic, 1949) français où il est gratifié d’une mention honorable pour une lithographie en 1922. M. D. Paul Bofils épouse, le 6 juin 1896, une jeune veuve originaire de Saint-Nazaire, Victoire Adrienne Machasky1. Après vingt ans de mariage, Victoire Bofils décède le 2 juin 1916. Bofils se remarie quelques mois après avec Renée Marthe Marie Chicot, de vingt et un ans sa cadette2. Une fille, Paulette, naît le 12 décembre 1917 au domicile du couple, 4, rue Marie-Louise à Sanvic3. Une seconde fille, Marceline, naît à son tour le 26 avril 1919. Un fils, Jean Paul Bofils, naît enfin le 13 août 1921. Paul Bofils fréquente quelques personnalités du milieu artistique havrais. Sa proximité avec Édouard Courché se manifeste par la présence de ce dernier au décès de Victoire Machasky, première épouse de Bofils, ainsi que lors de son remariage avec Renée Chicot. Bofils enseigne par ailleurs au peintre Ernest Jouanne (1900-1988) la « sérénité de l’expression » et la « vérité dans le geste4 ». On sait également que Raymond Lecourt réalise son portrait. De même, Bofils côtoie Marcel Loquay, graveur lithographe, autre ancien élève de l’école

1 Épouse en premières noces d’Antoine Maurice Garrigue, mécanicien des Chargeurs réunis, décédé à

Santos (Brésil) le 1er avril 1892. 2 Mariage célébré le 27 décembre 1916 au Havre. Il se déclare alors comme entrepreneur arrimeur. 3 Archives départementales de la Seine-Maritime, registre des naissances, Sanvic, 1917, registre 4E 20291, acte 149. 4 Jean-Pierre Robichon, « Ernest

Jouanne », in Bulletin de liaison n° 27 du Centre havrais de recherche historique – Les Amis du vieux

Havre, juin 1989, p. 19.

Paul Bofils Paysage, 1911 Huile sur toile, 19,6 x 31,7 cm MuMa, Le Havre, inv. A36.

5 A.D., « Le Carnet des arts – Paul

Bofils et son fils Jean réunis en une très belle rétrospective à la galerie Bernet », in Le Havre libre, 3 octobre 1950. 6 Dans l’Annuaire de l’imprimerie,

Paris, 1913, Arnold Muller précise que la spécialité de l’imprimerie

Bofils est la lithographie et non la typographie. 7 A.D , « Le Carnet des arts –

Paul Bofils et son fils Jean réunis en une très belle rétrospective à la galerie Bernet », op. cit. 8 Service historique de la défense, dossier de déporté AC 21 P 427507.

Le MuMa conserve deux œuvres de Jean Bofils, inv. A33 et A34. d'art du Havre, qui est le témoin, à ses côtés, du mariage de son frère cadet, Louis Eugène, le 1er février 1907.

Paul Bofils se portraiture en 1922 dans une œuvre aujourd’hui conservée dans les collections du MuMa. Il porte allègrement ses cinquante-quatre ans. Présenté de trois quarts, l’homme arbore pipe et chapeau melon. La moustache brune couvre la lèvre supérieure. Les sourcils froncés trahissent volontiers le caractère entier du personnage. On ne saurait dès lors s’étonner du témoignage paru quelques années après : « Rares sont ceux qui n’ont pas connu cet être volontaire d’aspect fruste, tout d’une pièce taillé et furieusement indépendant, qu’était le lithographe Paul Bofils5 . »

Paul Bofils exerce en effet comme graveur lithographe. L’imprimerie P. Bofils est installée au 21, rue du Champ-de-foire, au Havre6. La lithographie d’art est un passe-temps nécessaire pour celui qui regrette de « passer sa vie à graver des lettres de mariage7 ». Il place ses espoirs dans le talent de son fils Jean, à qui il transmet sa passion et qu’il initie à la peinture dès 1940-1941. Le jeune peintre mourra malheureusement en déportation à Bochum, le 18 novembre 19448 .

Paul Bofils décède à Sanvic le 26 septembre 1949. La galerie Au temps retrouvé, située place Saint-Vincent-dePaul au Havre, organise l’année suivante une rétrospective posthume conjointe de son œuvre avec celle de son fils, unissant les deux artistes dans la mémoire locale.

9 En référence au portrait de l’artiste

Marcellin Desboutin, L’Homme à la pipe (huile sur toile, vers 1879, musée d’Orsay).

Expositions

1889

Rouen, Société des amis des arts, Matinée de juin (étude) (n° 22).

1896

Le Havre, Société des amis des arts, À la pointe de la Hève, peinture (n° 81).

1909

Le Havre, Société des amis des arts, Une esclave de harem (n° 13) et Paysage (étude) (n° 14), deux peintures. Le Havre, Exposition de l’école municipale des Beaux-Art, une lithographie et « quelques peintures à l’huile ».

Albert Herrenschmidt, « À l’école municipale des Beaux-Arts, exposition de travaux d’élèves », in Le Petit Havre, 14 octobre 1909 : « De M. Bofils, une jolie lithographie qui révèle un faire habile dans cet art si intéressant et qu’il faut sauver de la déloyale concurrence photographique, quelques peintures à l’huile, paysages, études du bord de l’eau où j’ai retrouvé un reflet de Jouas, mais avant tout deux petites études de plein air d’une belle justesse et que je n’hésite pas à placer en tête de la série, peutêtre en première ligne de tous les paysages de l’exposition. »

1911

Paris, Salon, une lithographie du musée du Havre, Tête de jeune homme, d’après Fragonard (n° 4394).

1912

Paris, Salon, une lithographie du musée du Havre, Saint JeanBaptiste, d’après Ferdinand Humbert, (n° 4591).

1913

Paris, Salon de la Société des artistes français, Les Meules (n° 4624) et Le Soir (n° 4625), lithographies originales.

Jean Dantin, « Salon des artistes français », in Le Journal des arts, 6 juin 1913 : « Parmi les œuvres originales, nous sommes heureux de nous arrêter encore devant la Bouchée de pain de M. Padro, […] Les Meules et Le Soir de M. Bofils. » Le Havre, Société des amis des arts, Portrait, peinture (n° 11).

Albert Herrenschmidt, « Société havraise des amis des arts – Salon de peintures », in Le Petit Havre, 14 juin 1914 : « Le Portrait de M. Bofils – portrait du peintre – est d’une pâte ferme, chaude et vivante, il fait honneur à l’art local. »

Paris, Salon des artistes français, Mon Portrait, lithographie (n° 4979).

Albert Herrenschmidt, « Au Salon des artistes français », in Le Petit Havre, 28 avril 1914, p. 4 : « Notre concitoyen, Paul Bofils, vient d’être reçu au Salon des artistes français. Il y expose un grand portrait en lithographie. Tout en respectant rigoureusement les valeurs, l’artiste a obtenu de jolis effets de puissance. L’ensemble, d’une large facture, souligne l’intérêt d’un genre, que, fâcheusement, l’on délaisse quelque peu, la lithographie, et qui justifie cependant, par sa variété et sa souplesse, la plus artistique attention. » Marcel Pays, « Le Salon des artistes français », in Les Nouvelles, 1er mai 1914 : « Encore la gravure ! Le portrait d’homme de Bofils est méritoirement modelé. »

1921

Paris, Salon des artistes français, Paulette, litographie.

1922

Le Havre, Société des amis des arts, Portrait, peinture (n° 10). Paris, Salon des artistes français, L’Homme à la pipe. Il reçoit une mention honorable.

Clément-Janin, « Les Salons de 1922 », in La Revue de l’art ancien et moderne, 12 juin 1922 : « M. Bofils a de la fermeté dans un Homme à la pipe qui n’est pas Desboutin9 . »

1923

Le Havre, Société des amis des arts, L’Homme à la pipe (n° 98) et La Lézarde à Harfleur (n° 99), deux lithographies.

1939

Paris, Salon des artistes français, Portrait.

Alphonse Petit, « Beaux-arts », in Le Petit Havre, 12 mai 1939 : « M. Bofils a envoyé une très belle lithographie originale, traitée avec une belle appréciation des valeurs et représentant le portrait de sa fille. »

1950

Le Havre, Galerie Bernet, « Au temps passé ». Rétrospective conjointe de son œuvre avec celle de son fils Jean.

A.D, « Le Carnet des arts – Paul Bofils et son fils Jean réunis en une très belle rétrospective à la galerie Bernet », in Le Havre Libre, 3 octobre 1950 : « Paul Bofils, goûté par tous comme un lithographe d’une grande virtuosité et d’une conscience parfaite, était aussi un peintre de qualité. Son classicisme a trouvé l’éclatement dans les envois du fils. Un aboutissement prolongé dans le charnel a couronné métaphysiquement une œuvre toute de retenue ; la filiation est aussi touchante que belle. Paul Bofils, lyrique du noir et blanc, chérissait la couleur, mais avec une retenue presque prude qui apparaît dans les huiles, parfaites de construction et de dessin que la galerie Bernet expose. Mais il est évident que son art essentiel, Paul Bofils l’a placé presque entièrement dans la litho. Une trentaine de planches émouvantes ont été réunies pour cette exposition. Certaines portent matériellement les stigmates du temps ou des temps troublés qui s’achèvent à peine. […] Paul Bofils était parvenu à une complète maîtrise dans l’art austère de la gravure. Son dessin, solide et puissant, était demeuré foncièrement classique, mais la vigueur d’expression le classait en un genre un peu particulier, qui n’a pas, entre l’art pur ou froid et les factures plus évoluées, trouvé de nom caractérisé. »

Georges Braque La Côte de grâce à Honfleur, 1905 Huile sur toile, 50,8 x 61,5 cm MuMa, Le Havre, inv. A512.

Georges Braque

(Argenteuil, 1882 - Paris, 1963)

Une légende tenace veut que Georges Braque ait été l’élève de Charles Lhullier. Braque s’en défend pourtant lui-même, au soir de sa vie, dans un article paru sous la plume du journaliste havrais Bernard EsdrasGosse : « J’ai fréquenté l’école des BeauxArts du Havre mais je n’ai pas connu le père Lhullier. J’étais plus jeune que Dufy et Friesz1 . » Si Braque n’a pas été l’élève de Lhullier, il a été celui d’un des élèves de ce dernier, fort apprécié du maître, et son successeur comme professeur à l’école d’art de la ville, Édouard Courché, à partir de 1897. On sait que le natif d’Argenteuil a seulement huit ans quand sa famille s’installe au Havre en 1890. Il est peu porté sur les cours du lycée d’une façon générale, guère plus sur ceux de

dessin : « En classe, pendant l’heure de dessin, je ne faisais que protester contre le professeur et je m’amusais à faire des caricatures. Il n’y avait rien M. D. d’intéressant dans mes croquis, et même s’ils apportaient quelque chose, le professeur n’aurait pas été capable de s’en apercevoir. Ce ne fut guère plus brillant aux Beaux-Arts du Havre. Je devais avoir une quinzaine d’années lorsque je commençai à fréquenter les cours du soir2 . » En juillet 1899, Braque reçoit modestement le second prix des élèves de seconde division de l’école d’art, avec deux de ses condisciples aujourd’hui tombés dans l’oubli : Croiserat et Horréard. Plus tard, il reconnaît avoir fait son éducation artistique seul, à partir de la revue Gil Blas à laquelle son père était abonné et dont il aimait copier les images de Lautrec ou de Steinlen.

1 Bernard Esdras-Gosse, « De

Raoul Dufy à Jean Dubuffet ou la descendance du “père” Lhullier », in Études normandes, livraison 17, n° 59, 4e trimestre 1955, p. 18. 2 Dora Vallier, Braque, la peinture et nous, Bâle, Beyeler, 1968, p. 29-31.

Braque est pourtant né dans une famille ouverte aux choses de l’art. Son père, Charles Braque, tout entrepreneur de peinture qu’il est, se plaît à taquiner les muses. Après avoir pris des leçons auprès de Théodule Ribot, il peint en amateur3 et expose à de nombreuses reprises, y compris avec son fils en 1905. Il participe, l’année suivante, à la fondation du Cercle de l’art moderne.

Après avoir quitté le lycée, Georges Braque poursuit son apprentissage comme peintre-décorateur chez Roney, entrepreneur de peinture décorative, puis auprès de Laberthe, ancien partenaire de l’entreprise paternelle. C’est là qu’il s’initie véritablement à la matière, broyant et préparant les couleurs, peignant le faux bois et le faux marbre. Au retour de son service militaire, il s’inscrit en 1902 à l’académie fondée boulevard de Clichy, à Paris, par Ferdinand Humbert, portraitiste et membre de l’Institut, puis fréquente brièvement l’atelier de Bonnat à l’école des Beaux-Arts. Il expose dès 1902 au Salon organisé par la Société des amis des arts du Havre et participe à l’aventure du Cerce de l’art moderne. Il fait partie des membres fondateurs du groupe et du comité Peintures, aux côtés de ses amis Raoul Dufy et Othon Friesz. Il expose aux quatre expositions du Cercle. En juin 1906, Braque et Friesz rejoignent Anvers où leurs tableaux basculent vers le fauvisme. Quelques mois plus tard, l’œuvre de Braque connaît une nouvelle mutation après son séjour à l’Estaque. Ses envois aux expositions du Cercle des années 1908 et 1909 suscitent l’incompréhension, y compris de la part des journalistes de La Cloche illustrée, pourtant ouverts aux évolutions de l’art moderne.

3 Une photo de F. Valkman est ainsi passée chez Ader en 2016, représentant l’atelier paternel à

Argenteuil. Cf. vente Ader, 14 avril 2016, lot n° 41.

Expositions

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Portrait (n° 60).

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Paysage de Honfleur (n° 53). Le Havre, Galerie Beuzebosc.

Georges Rimay, « Vitrines – chez M. Beuzebosc, MM. Braque père et fils », in La Cloche illustrée, 4 février 1905 : « Nous nous sommes arrêtés et attardés avec un délicat plaisir aux vitrines de M. Beuzebosc qui sont, actuellement, garnies de toiles intéressantes. MM. Braque y exposent ensemble plusieurs œuvres qui valent plus et mieux qu’une hâtive mention.

Voici tout d’abord deux portraits de M. Braque fils. L’artiste, disons-le tout de suite, est jeune. On sent déjà chez lui du tempérament, de l’étoffe, et on relève déjà une sûreté et une souplesse rares à des débuts. Ces deux portraits qu’il nous présente sont traités largement, avec des moyens simples qui en soulignent la sincérité. Le portrait d’homme est très bien rendu. Celui du jeune garçon laisserait percer, semble-t-il, une légère hésitation. Mais on sent en ces deux têtes quelque chose de plus précieux qu’une habileté qui s’acquiert par le temps, et nous entendrons, espérons-le, parler de M. Braque fils.

En M. Braque père, nous trouvons un paysagiste qui, s’il ne s’attache point absolument à traduire la nature, obtient dans ses toiles un effet qui attire et une expression qui retient. Les dernières œuvres sont, à ce sujet, à détailler. Voici un Effet de neige où se lisent toute l’angoisse et tout le pesant silence de l’hiver avec son ciel profond. Là, des vallons s’étalent, des collines s’étendent et des rideaux d’arbres se découpent sur des fonds dorés de couchants.

On en ressent tout le charme et toute la poésie.

M. Braque use avec bonheur des violets et on voit presque tous ses paysages à travers une brume violacée qui donne je ne sais quelle impression de lointain et de vaporeux. M. Braque père est un artiste dont la délicatesse est servie par un pinceau habile. »

Charles Vincent, « Peinture », in Revue comique normande, 21 octobre 1905 : « Les esprits routiniers s’en vont, répétant que l’impressionnisme est le tombeau de la peinture. Il est regrettable que certains, qui n’ont de peintres que le nom, leur donnent raison en n’offrant au public que des toiles, véritables palettes, où les tons s’enchevêtrent, se heurtent sans souci de la vraisemblance, et dans lesquelles le dessin n’est qu’un accessoire.

Il existe cependant dans la nouvelle école des impressionnistes qui, à côté des effets de couleur, n’ont pas dédaigné faire œuvre de dessin.

Parmi ceux-là, je citerai un de nos compatriotes, M. Braque fils qui, déjà l’an dernier, nous avait présenté plusieurs études de tête très remarquables.

Mais aujourd’hui, son talent vient de réellement s’affirmer dans l’exposition d’une série de toiles, tableaux et études, véritable régal pour les yeux des amateurs de bonne peinture.

Parmi les onze numéros qui composent cette exposition, citons : 1° La Jetée à Trouville 2° Le Bassin et l’Écluse St-Léonard à Trouville

3° Le Portail de l’église SteCatherine à Trouville

4° Un intérieur de cour à Trouville

5° Place de l’Hôtel-de-ville au Havre (étude) 6° Navires à quai à Trouville, étude qui, à mon avis, est la meilleure parmi ses bonnes toiles. Je ne saurais mieux faire que d’engager ceux qui goûtent et apprécient l’art à aller rendre une visite à cette petite exposition à la maison Beuzebosc, qui n’a jamais laissé passer l’occasion de favoriser le développement des arts chez nos artistes havrais en nous présentant leurs œuvres dans un cadre digne d’elles. Que M. Braque fils continue donc dans la voie qu’il s’est tracée, doter la peinture d’un impressionnisme artistique, et je ne peux que lui prédire une brillante carrière. »

1906

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Trois-mâts à quai (n° 9) et Intérieur (n° 10).

1907

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Nu (n° 3) et Paysage, L’Estaque (n° 4). Paris, Salon des indépendants.

Étienne Charles, « Le Salon des indépendants », in La Liberté, 22 mars 1907 : « M. Georges Braque, M. Othon Friesz, M. Raoul Dufy prétendent indiquer des paysages par le moyen de sommaires arabesques où le rouge, le vert, le bleu, toujours employés en tons purs, se heurtent dans un choc effroyable. »

1908

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Les Barques (n° 4) et Les Pins (n° 5).

Georges Rimay, « Cercle de l’art moderne – Troisième Exposition (Hôtel de ville) », in La Cloche illustrée, 27 juin 1908 : « À côté d’œuvres qui déroutent par une recherche tourmentée et dont l’expression est impénétrable, des toiles de peintres très modernes se signalent par une sobriété et une mesure dignes d’être remarquées. Certes, l’intention de M. Georges Braque nous échappe et Les Barques Paris, Galerie Kahnweiler, exposition monographique

1909

Le Havre, Cercle de l’art moderne, L’Entrée du port (n° 5) et Nature morte (n° 6), toutes deux appartenant à M. Kahnweiler.

Albert Herrenschmidt, « Cercle de l’art moderne – Quatrième Exposition », in Le Petit Havre, 3 juin 1909 : « Une pointe de tristesse se glisse dans la belle humeur que j’avais emportée de ce salon de l’Hôtel de ville. Je songe que j’ai retrouvé là des anciens élèves de notre école des Beaux-Arts. Ils dessinaient alors et tentaient de rendre des formes, de saisir et de fixer des mouvements. Il y avait dans leurs débuts des promesses d’avenir heureux. Les pauvres, hélas, se sont laissé prendre par la contagion. Il leur a suffi de passer dans l’atmosphère de bluff intense qui a enveloppé et ruiné tant d’espoirs artistiques pour se mettre à leur tour à commettre des choses ahurissantes et donner leur lamentable petite note dans cet affolement d’arrivistes.

Ils se sont grisés de mots et de formules, bercés de procédés. Ils ont sorti tubes et pinceaux et les toiles se sont couvertes… Pauvres égarés, qui ne peuvent même plus se ressaisir à cette heure où le bon sens commence à faire justice de toutes les fantaisies de palettes en délire, de toutes les violences inutiles, de toute cette navrante incohérence. On commence à réclamer, comme paysages, autre chose que des barbouillages indécents, comme études de nu, autre chose que des cadavres verdâtres frigorifiés…

Décidément, réflexion faite, ce salon de l’art moderne n’est peut-être pas si gai qu’il en a l’air. […]

Parlez-moi plutôt des autres, sincères ou fumistes, qui n’ont pas hésité à déployer le drapeau d’avant-garde et faire preuve d’ingéniosité bouffonne. Parlez-moi plutôt de cette affolante Entrée du port [de Braque], de ces Paysages extraordinaires où les chevaux sont représentés par un coup de pinceau horizontal – le dos – et deux V renversés – les pattes ; de ces Suites de gestes et de ces Arbres au printemps [de Lhote], qui sont des choses les plus burlesques que je connaisse […]. Il y a aussi une grande toile de M. Othon Friesz, Été – hélas ! –, et du même artiste des Faïences stannifères. » Claude Lantier, « Cercle de l’art moderne – Exposition de peinture », in La Cloche illustrée, 12 juin 1909 : « J’accueille plus difficilement cette déformation frisant la laideur et j’avouerai tout net que les envois de M. Van Dongen m’ont surpris et peiné, ceux de M. Braque aussi, et aussi le grand panneau Été de M. Othon Friesz, qui me paraît s’éloigner de l’unité, de l’harmonie dont il est cependant l’artisan. »

Charles Bunel À Bry-sur-Marne, le 30 novembre 1870, l’ennemi fut délogé des maisons où il se tenait barricadé, 1889 Huile sur toile, 73,7 x 102,5 cm MuMa, Le Havre, inv. A54.

Charles Eugène Bunel naît au Havre le 25 juillet 1863 au 22, rue d’Après-Mannevillette. Son père, Célestin Stanislas Bunel, exerce la profession de commis après avoir été douanier, et sa mère, Élise Augustine Zélie Valmont, est déclarée sans profession, après qu’elle a été, jeune fille, modiste à Rouen. Inscrit à l’école municipale des BeauxArts sous la direction de Lhullier, Charles Eugène Bunel part ensuite étudier dans l’atelier d’Alexandre Cabanel à l’École nationale supérieure des beaux-arts, dès 18831, et dans celui de Chaplain. Il se spécialise rapidement dans le registre des scènes militaires, et particulièrement celles trouvant leur origine dans les épisodes du Premier et du Second Empire. Dans le tableau À Bry-sur-Marne, le 30 novembre 1870, l’ennemi fut délogé des maisons où il se tenait barricadé, Bunel se penche sur la bataille de Bry-Champigny.

Charles Bunel Après que Paris a été assiégé pendant deux mois par les armées allemandes, les (Le Havre, 1863 - Asnières, 1947) troupes du général Ducrot traversent la Marne le 30 novembre 1870 pour rejoindre M. D. l’armée qui se forme sur les rives de la Loire et repoussent les unités allemandes des villages de Bry et Champigny-surMarne. Les peintres d’histoire Édouard Detaille et Alphonse de Neuville, qui participent comme soldats à la guerre franco-prussienne, réalisent quelque temps plus tard une immense fresque de 120 mètres de long relatant cette bataille2. Bunel a vraisemblablement en mémoire Les Dernières Cartouches de Neuville (1873), largement diffusé par la gravure, quand il brosse son tableau, dont la composition inscrite entre porte et fenêtre éventrées fait penser à l’œuvre du peintre d’histoire. Des détails comme le fusil brisé laissé à terre3 ajoutent au trouble. Bunel exerce son art en amateur. Quand il se marie avec Mathilde Louise Marie

1 Archives nationales, AJ-52-248, registres d’inscription dans les ateliers. 2 La fresque est exposée dans une rotonde de 1882 à 1887 rue de Berri, à Paris, plongeant le spectateur dans cette bataille. 3 Nous remercions Vincent Roblin, directeur du musée Adrien-

Mentienne à Bry-sur-Marne, de nous avoir communiqué ces renseignements. 4 18 octobre 1890. Cf. Archives de

Paris, 1890, mariages, 17 V4E 7450, acte 1386.

Chapais, originaire du Havre, il se déclare comme représentant de commerce4. Trois enfants naissent de leur union : Maxime Stanislas en 18925, Charles Camille Marie (18966-1970) et Rémi (1899-1918). Vers 1910-1912, il s’intéresse au théâtre et crée à la Ruche (passage Dantzig à Paris) un « théâtre d’essai » pour les aspirants comédiens ; le jeune Louis Jouvet s’y produit7 .

Bunel devient sociétaire des Artistes français en 1914, présenté par MM. Gosselin et Godeby et expose très régulièrement au Salon de l’École française, même s’il ne dédaigne pas les salons organisés dans sa ville natale où il est présent aux éditions de 1887, 1914, 1922 et 1923. C’est également au Havre qu’il réalise pour l’église Notre-Dame-dela-Victoire en 1924 une grande Fresque du souvenir représentant un coin de champ de bataille au Havre. S’il s’agit d’une commande, il faut sans doute y voir aussi le témoignage d’un père meurtri par la mort de son fils Maxime Stanislas lors de la bataille de la Somme en 1916. L’œuvre est inaugurée le 28 décembre 1924 en présence de Mgr du Bois de la Villerabel, archevêque de Rouen8, avant d’être décrochée à l’occasion d’importants travaux de restructuration de l’église quatre-vingt-dix ans plus tard.

Eugène Bunel meurt à Asnières le 2 octobre 1947, âgé de quatre-vingtquatre ans.

5 Archives de Paris, 1892, naissances, 17 V4E 7394, acte 2290. 6 Archives de Paris, 1896, naissances, 17 V4E 10151, acte 3222. 7 Le Havre Libre, 14 octobre 1947, p. 4. 8 Le Havre libre, 24 décembre 1924. 9 Aujourd’hui conservé dans les collections du MuMa (inv. A54) sous le titre À Bry-sur-Marne, le 30 novembre 1870, l’ennemi fut délogé des maisons où il se tenait barricadé. 10 Vente Fine Art Auctions, Paris, 26 février 2019, lot n° 4.

Expositions

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Une embuscade (n° 109).

1889

Rouen, Société des amis des arts, Bry-sur-Marne (novembre 1870) (n° 38)9 .

1910

Dijon, Société des amis des arts, La Mort de l’aumônier (n° 58).

André Arnoult, « L’exposition de Dijon », in Le Journal des arts, 16 juillet 1910 : « Épisode très dramatique de la guerre de 1870, mais d’une exécution trop égale, l’émotion de l’artiste n’est pas allée jusqu’à son pinceau. »

1911

Paris, Salon de l’École française, Bry-sur-Marne (novembre 1870) (n° 81).

1912

Paris, Salon, La Mort de l’aumônier (n° 299). Paris, Salon de l’École française, La Mort de l’aumônier [épisode de la guerre de 1870, reproduit au catalogue] (n° 87), L’Obus fatal (n° 98), L’Aviation chez les petits (n° 99) et Défilé de la garde (Second Empire) (n° 100).

1913

Paris, Salon de l’École française, Saint-Cloud en 1867 (n° 72)10 , Sur le qui vive [sic] (n° 73), Coin à Clamart (n° 74) et Coin de forêt à Barbizon (n° 75).

1914

Le Havre, Société havraise des amis des arts, Les miens d’abord, dragon ! (n° 16) et Renfort inattendu (n° 17).

Salon de l’École française, Le tocsin sonnait toujours (n° 75), Les miens d’abord, dragon ! (n° 76), Le Devoir accompli (n° 77) et Renfort inattendu (n° 78).

1920

Paris, Salon de l’École française, Nos troupes acclament l’aviateur victorieux (n° 84), Portrait de Charles Eugène Bunel, peint par lui-même (n° 85), André Gresse, de l’Opéra, rôle de Méphistophélès de Faust (n° 86) et Portrait de Mlle J. G. (n° 87).

1921

Paris, Salon de l’École française, Exécution manquée (n° 64), Délogés (n° 65), Portrait de M. B.R… (n°66), Vierge contemplative (n° 67), et deux dessins, Première étape, campagne, 1914 (n° 585) et Jeunes baigneuses à Yport (n° 586).

1922

Le Havre, Société havraise des amis des arts, Délogés, campagne de 1914 (n° 19), La Vie champêtre (n° 20) et Villervillaise raccommodant ses filets (n° 21). Paris, Salon de l’École française, Bataillon de chasseurs à pied mitraillé avant destination (campagne de 1914) (n° 79), Portrait de Mlle M. L. (n° 80), Villervillaise raccommodant ses filets (n° 81), Sous-bois : forêt de la Touque (n° 82), Vie champêtre (n° 83) et Église de Lierre (n° 84).

1923

Paris, Salon de l’École française, Rivalité (Second Empire) (n° 109), Notre-Dame-des-Flots (n° 110), Sainte Gertrude (n° 111), Lavoir de Villerville (n° 112) et La Planquette, Caudebec-en-Caux (n° 113).

Raymond Selig et Jules de Saint-Hilaire, « Les Salons – Salon des artistes français et de la Société nationale des beauxarts – Charles Eugène Bunel », in Revue du vrai et du beau : lettres et arts, 10 août 1923 : « Le paysage exposé au Salon par Charles Eugène Bunel, Sainte Gertrude, m’a retenu par les qualités solides et séduisantes qui s’y révèlent. L’artiste a traité ce site d’une manière alerte et nerveuse ; il a, dans cette toile, prodigué de jolies indications, des précisions expressives, des im-

11 Il s’agit probablement de l’œuvre vendue chez Aguttes, hôtel

Drouot, Paris, le 26 février 2014, lot 63. pressions adroites et fines. C’est un paysage très évocateur, une vision délicieusement fraîche. Le nom de Charles Eugène Bunel est connu par ses compositions militaires ; d’autre part, il excelle dans le portrait ; son paysage montre une autre face de son talent. Son art possède une éloquence sobre et pittoresque ; ses œuvres, d’une exécution délicate et savante, renferment en même temps de la puissance et de la finesse. »

Le Havre, Société havraise des amis des arts, Rivalité (Second Empire) (n° 10) et Notre-Damedes-Flots (intérieur) (n° 11).

1924

Paris, Salon de l’École française, Bouchavesne, promesse faite entre les lignes (n° 86), Intérieur de Notre-Dame de Caudebec-enCaux (n° 87), Plage de Villerville (n° 88), En route pour le peloton d’exécution (n° 89), Au baquet (n° 90) et Place Saint-Pierre (Caudebec-en-Caux) (n° 91).

1927

Le Havre, Galerie P. Maury, Portrait. Paris, Salon de l’École française, Campagne de 1914 : fouillé à temps (n° 197), Le Colonel reconnaissant, Premier Empire (n° 198) et L’audacieux tambour resta interdit, Premier Empire (n° 199).

1928

Paris, Salon de l’École française, Intérieur de Notre-Dame de Caudebec-en-Caux (n° 184), Grande-Rue, à Caudebec-en-Caux (n° 185), Village normand (n° 186) et La Planquette (n° 187).

1930

Le Havre, Galerie Lebas.

Alphonse Petit, « Beaux-Arts », in Le Petit Havre, 25 janvier 1930 : « Chez Mme Lebas, d’autres œuvres, pour être d’un tout autre format, retiendront l’attention. Petits tableaux de genre, signés de Charles Eugène Bunel, ils représentent des scènes fort plaisantes cueillies sur la jetée. Elles sont traduites dans une note très simple, primesautière, qui tranche agréablement avec les grands tableaux plus solennels du même auteur. »

1931

Paris, Salon de l’École française, Une mission qui tourne bien, Premier Empire (n° 170), Route de Bliqueteuil ensoleillée (n° 171), La Première Place (n° 172) et Sous-bois (n° 173).

1932

Paris, Salon de l’École française, Un poste en gaieté (n° 136), L’Invitation (n° 137), La roche qui tourne (n° 138) et Roseraie à Caudebec-en-Caux (n° 139).

1935

Paris, Salon de l’École française, Vivandière embarrassée (n° 120), En Normandie (n° 121), La Curée (n° 122), Les Groseilles (n° 123), Sous la charmille (n° 124) et La Marée fraîche (n° 125).

1937

Paris, Salon de l’École française, Le Colonel reconnaissant, Premier Empire (n° 106), Chez Médrano, Paris (n° 107), Les Petits Chevriers (n° 108) et L’Orage (n° 109).

L’Étudiant français : organe mensuel de la Fédération nationale des étudiants d’Action française du 10 janvier 1937 relate ainsi sa promenade au salon de l’école française : « Épinglons Eugène Bunel dont Le Colonel reconnaissant vous suspend entre la douce rigolade et la crise de nerfs. Terminons cette promenade en décrétant que parallèlement au monde microbien, le champ des découvertes paraît illimité dans l’infiniment médiocre. »

1939

Paris, Salon des artistes français, Chasse à courre11 .

Alphonse Petit, « Beaux-arts - Au Salon des artistes français », in Le Petit Havre, 12 mai 1939 : « Charles Eugène Bunel, qui bien qu’habitant maintenant Asnières demeure un de nos artistes normands, expose une Chasse à courre. La scène est prise à l’arrivée des chasseurs au rendez-vous. Les cavaliers ont un habit rouge, les sonneurs de trompe, les valets de chiens en tenues traditionnelles. La meute est animée. Un beau décor forestier encadre les personnages. »

Édouard Courché Portrait de femme, 1887 Paru dans Le Havre-Charité, Journal souvenir de la kermesse organisée par les soins du Comité des fêtes de bienfaisance, 1887 Archives municipales, Le Havre, BA6672.

C’est grâce au portrait réalisé au pastel par Othon Friesz en 1902 que les traits d’Édouard Courché nous sont aujourd’hui connus1 . La moustache drue, la pipe à la bouche, la figure taciturne de Courché n’est pas sans évoquer celle de Lhullier, dont Courché et Friesz, son cadet de vingt ans, furent les élèves à l’école municipale des Beaux-Arts. Édouard Albert Courché naît au Havre le 25 janvier 1859 au domicile parental du 41, rue d’Épremesnil. Son père, Denis Théodore Courché, est commis caissier dans la maison de négoce Latham, quand sa mère, Louise Virginie Palfray, est sans profession2 . Élève de Lhullier durant près de vingt ans, Édouard Courché entretient une relation particulière avec son maître de l’école municipale des Beaux-Arts, qui entrevoit de l’appeler à le seconder dès 1881 dans ses fonctions d’enseignement. La chose ne pourra se faire, Courché n’étant pas encore libéré de ses obligations militaires. Il sollicite une bourse municipale d’études pour sa scolarité à l’École nationale des beaux-arts en 1885-1886 et devient l’élève de Cabanel et d’Aimé Morot3 à Paris.

Édouard Courché Pendant la maladie de Lhullier, qui l’emporte en 1898, Courché assure la (Le Havre, 1859 - id., 1922) continuité de l’enseignement à l’école d’art du Havre. Ses condisciples, parmi M. D. lesquels Dufy, Friesz, Lecourt ou René de Saint-Delis, signent à la mort de leur maître une pétition pour qu’Édouard Courché puisse lui succéder, soulignant « les mérites que nous avons été à même d’apprécier pendant quelques années passées à travailler à ses côtés et dernièrement les excellents conseils qu’il prodigua aux élèves du cours de dessin dont l’avait chargé Monsieur Lhullier pendant sa maladie, le zèle et l’intelligence qu’il montra à remplir cette dernière tâche, répondent qu’Édouard Courché saurait continuer à l’École des beauxarts les saines traditions artistiques de notre vénéré maître ». Courché est alors nommé professeur de dessin à l’école4. Dès janvier 1899, il enseigne au cours moyen de l’école municipale des Beaux-Arts et assure dans ce cadre le cours de dessin de figure et d’ornement d’après le plâtre pour le cours moyen, l’aquarelle et dessin d’après l’antique pour le cours de jeunes filles ainsi que le cours de composition décorative, dessin, modelage et application avec Alphonse Lamotte et Stanislas Gautier, à raison de seize heures hebdomadaires. Quelques années plus tard, ses résultats sont jugés

1 MuMa, Le Havre, inv. 79.33. 2 Archives départementales de la Seine-Maritime, 4E 08764, 1859, acte 178. Louise Courché meurt en juin 1914. 3 Lui-même élève de Cabanel, prix de Rome en 1873, il devient le gendre de Jean-Léon Gérôme. 4 Soclet fait partie du jury destiné à l’examen des candidats, parmi lesquels figurent également

Édouard Lamy ou Louis Saraben, anciens élèves de Lhullier.

de façon élogieuse : « Un cours moyen, professé par M. Courché, donne aussi d’excellents résultats ; c’est ce patient et habile professeur qui prépare au cours supérieur une soixantaine de jeunes gens et autant de jeunes filles5 . » Il cumule ces fonctions avec celle d’archiviste de l’école (classement des ouvrages des élèves, tenue des livres de l’école) et complète, en 1909, son enseignement d’un cours élémentaire sur la perspective. Ernest Jouanne suit ses cours pendant deux ans6. De même, Jean Dubuffet est son élève à partir de 1916 jusqu’à son départ pour suivre brièvement les cours de l’académie Julian à Paris en 1918.

Édouard Courché se marie au Havre le 3 août 1899 avec Louise Joséphine Antoinette Jeanne. Les jeunes époux sont alors déjà parents d’une fille, Louise Albertine, née le 4 novembre 18867 .

Élevé à la dignité d’officier d’académie en 19068 par arrêté du ministère de l’Instruction publique, Courché sollicite, au décès de Lamotte en 1914, la direction de l’École municipales des beaux-arts9 . Il meurt en son domicile du 47, rue des Gobelins, au Havre, le 8 octobre 192210 . Son travail reste méconnu au regard du seul dessin aujourd’hui recensé. Il est singulièrement peu présent dans les salons havrais et totalement absent des salons rouennais ou nationaux. Si sa charge de professeur l’a peutêtre empêché de poursuivre son travail pictural, il est raisonnable de penser que, ayant bénéficié pendant vingt ans des leçons de Lhullier, son œuvre soit fortement mâtiné de celle de son maître. Il donne une étude au musée en 190011, au même titre que Bénard, Ausset, Charles Potier, Dufy, en vue de la constitution d’une galerie des artistes havrais qui fait partie du parcours de visite du musée dès 190112 .

5 Assises scientifiques, littéraires et artistiques fondées par

A. de Caumont, compte rendu de la IIIe session tenue à Caen les 4-6 juin 1903, Caen, Charles Valin, 1903, p. 394. 6 Ernest Jouanne (1900-1988) suit ses cours juste avant le début de la Première Guerre mondiale.

Il peint en parallèle de son activité à la Transat puis de son métier de monteur-carrossier à la carrosserie

Le Troadec. Il participe au Salon des artistes français en 1937.

Le MuMa conserve deux œuvres de lui (inv. A185 et A186). 7 Archives départementales de la Seine-Maritime, 4E 13060, 1899, acte 705. Leur fille se marie à

Sanvic avec Georges Félix Féron, tourneur sur métaux, le 22 octobre 1912, et décède au Havre le 12 mai 1973. Cf. Archives de Paris, 14e arrondissement, 1886, naissances 14, V4E 6980, acte 5150. 8 Le Moniteur du dessin, de l’architecture & des beaux-arts, 15 avril 1906. 9 Archives nationales F.21.4519B. 10 Archives départementales de la Seine-Maritime, 1922, décès, 4E 20051, acte 2526. 11 N° 348 du registre d’inventaire 1871-1957. Œuvre aujourd’hui absente des collections, présumée détruite. 12 Jules Monnier et Paul Joanne,

Itinéraire général de la France.

Normandie, Paris, Guides Joanne,

Hachette, 1901, p. 76.

Expositions

1882

Le Havre, Société des amis des arts, Portrait de *** (n° 142).

Laurent Just, « Expositions en province, Le Havre (deuxième article) », in Journal des artistes, 26 octobre 1882 : « Les portraits de M. Courché, l’un des meilleurs élèves de l’École municipale du Havre. »

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Pétunias (étude) (n° 116).

1914

Le Havre, Société havraise des amis des arts, Cour de ferme (n° 51), Pommier en fleurs (n° 52) et Pommiers en fleurs (n° 53).

1922

Le Havre, Société havraise des amis des arts, Ferme dans le Calvados (n° 29) et Mare à Bléville (n° 30).

Georges Damaye Portrait, vers 1900 Huile sur toile, 92,2 x 73,4cm MuMa, Le Havre, inv. A82.

Fils d’Alexandre Hyacinthe Damaye et d’Antoinette Augustine Wolter, Georges William Damaye naît le 31 décembre 1875 au Havre dans un milieu favorisé. Sa mère est en effet la fille d’Antoine Wolter, l’un des créateurs de la compagnie des Abeilles en 18641. C’est Charles Damaye (18731947), frère de Georges, qui en reprendra le flambeau et deviendra directeur de la compagnie de remorquage Les Abeilles du Havre à partir de 1895. Si Damaye se revendique l’élève de Gérôme – il est effectivement inscrit dans l’atelier de Gérôme à l’École nationale des beaux-arts2 –, il n’est pas trace de sa scolarité à l’École des beaux-arts du Havre. Le préjudice irréparable causé par la disparition des archives de l’école pendant la Seconde Guerre mondiale en est certainement la cause. On ne saurait cependant concevoir que Damaye ait pu se présenter aux Beaux-arts de Paris sans un apprentissage préalable dans sa ville natale.

Georges Damaye À l’âge de vingt ans, il exerce comme peintre-décorateur, et est ultérieurement (Le Havre, 1875 - Paris, 1922) indiqué comme peintre artiste dans l’Annuaire du commerce Didot-Bottin M. D. parisien. Sa peinture est pourtant assez rare, ce qui ne saurait s’expliquer par la seule brièveté de sa vie. Il est vraisemblable que l’aisance financière familiale l’aide à vivre de son art. Il expose régulièrement au Salon de l’École française à partir de 1906 et jusqu’à son décès, en 1922. Bon portraitiste, il peine néanmoins à convaincre dans les paysages qu’il brosse au gré de ses résidences, dans la région du Havre3 ou à Paris. Plusieurs représentations du jardin du Luxembourg sont connues de lui, dont l’œuvre du MuMa, La Fontaine4, qui représente le groupe sculpté d’Auguste Ottin Polyphème surprenant Galatée dans les bras d’Acis, qui pourrait être l’œuvre présentée en 1919 à l’Exposition spéciale des artistes mobilisés sous le titre de Fontaine Médicis.

1 Le Marin, 4 novembre 2011, p. 30. 2 Archives nationales, AJ/52/248. À cette période, il réside au 50, rue

Dauphine, à Paris. 3 Différentes adresses sont connues de lui, à Rolleville en 1909, route d’Octeville à Sainte-Adresse en 1910, puis sur le boulevard maritime au Havre en 1911, avant son arrivée à Paris en 1912. Il est indiqué comme séjournant dans la Manche en 1918, dans sa belle-famille. 4 MuMa, inv. A82 bis. 5 Paul Delesques, Poèmes normands.

Récits cauchois du pé Malandrin,

Caen, imprimerie H. Delesques, 1912. En 1912, il participe à l’illustration du recueil de Paul Delesques, Poèmes normands. Récits cauchois du pé

6 Née le 17 janvier 1890 à Saint–

Hilaire-du-Harcouët (Manche) de parents jardiniers. Elle épouse en premières noces Armand Louis

Athanase Lerbourg, menuisier de profession, le 3 août 1909 à Paris, 7e arrondissement. 7 Archives de Paris, 14M249, acte 1160. 8 Archives départementales de la

Seine-Maritime, registre matricule, 1895, 1R2985. Malandrin5, aux côtés d’autres artistes issus de l’École des beaux-arts du Havre, tels René de Saint-Delis, Achille Godefroy, Jean Feuilloley ou Raymond Lecourt.

Damaye épouse Augustine Antonise Louise Bouteloup6 le 6 novembre 1917, à Paris7. D’une santé fragile, il est réformé en 1917 pour dépression mélancolique, bronchite chronique et emphysème. Il lui est accordé, par arrêté du 31 juillet 1922, une pension temporaire d’invalidité de 720 francs8 à hauteur de 30 % pour bronchite emphysémateuse, tachycardie et amaigrissement. Il décède cinq ans plus tard à son domicile du 11 bis, rue Boissonade, dans le 14e arrondissement de Paris, le 19 octobre 1922.

Georges Damaye Intérieur de forge, 1905 Huile sur toile, 50 x 61 cm, Coll. part. Vraisemblablement présenté au Salon de l’École Havraise en 1906.

Expositions

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Le Musée du Havre et la Rue de Paris (n° 102) et L’Avant-Port du Havre (n° 103).

Daphnis, « Exposition des beaux-arts – La peinture (suite) », in Revue comique normande, 9 septembre 1905 : « 102. Le Musée du Havre et la Rue de Paris – Il y a dans ce tableau une recherche évidente de la difficulté dans l’éclairage de la façade du temple de la peinture. Dessin parfait du monument de Brunet-Debaines, des maisons du Grand-Quai et de la rue de Paris. En somme, document estimable au point de vue havrais. »

1906

Paris, Salon de l’École française, Intérieur de forge (n° 143), La Salle (dite de Quasimodo, tour Notre-Dame) (n° 144), Fleurs d’automne (jardin du Luxembourg) (n° 145) et Bassin du Luxembourg (n° 146).

1907

Paris, Salon de l’École française, Portrait de Mme H… (n° 126), Porche de l’église de Triel (n° 127) et Place de l’Odéon et tours de Saint-Sulpice, dessin (n° 533).

1908

Paris, Salon de l’École française, Le Soir, Fontenay-aux-Roses (n° 161), Parterre de fleurs (jardin du Luxembourg) (n° 162), Intérieur (musée de Cluny) (n° 163), Honfleur (vue de la Côte de Grâce) (n° 164) et deux études au pastel (n° 734 et 735).

Pierre Hepp, « Salon de l’École française (Grand Palais) », in La Chronique des arts et de la curiosité : supplément à la Gazette des beaux-arts, 8 février 1908 : « Le Parterre et Honfleur de M. Damaye valent qu’on les mentionne. »

1908-1909

Le Havre, Galerie Lebas, aux côtés de Lecourt et d’un SaintDelis.

Albert Herrendschmidt, « Beaux-arts », in Le Petit Havre, 1er janvier 1909 : « Je signalerai également des œuvres de Georges Damaye, dont la variété montre une réelle souplesse de moyens en même temps qu’une certaine recherche des effets d’atmosphère et de milieu : un paysage à Honfleur ; une marine, au coloris vibrant ; un intérieur un peu froid, et surtout un joli effet de crépuscule au bord de la mer avec, au premier plan, un pêcheur. »

1910

Paris, Salon de l’École française, Fontaine Médicis (jardin du Luxembourg) (n° 180) et Pêcheur le soir (n° 181).

1911

Paris, Salon de l’École française, Terrasse au jardin du Luxembourg (n° 167), Les Poussins (n° 168) et La Masure (n° 169).

1912

Paris, Salon de l’École française, La Hève et le Bord de la mer au Havre (n° 185) et Étude (soir d’orage) (n° 186).

1913

Paris, Salon de l’École française, Intérieur d’atelier (n° 159).

1914

Paris, Salon de l’École française, Portrait (n° 136) et Paysage (jardin du Luxembourg) (n° 137).

1919

Paris, Exposition spéciale des artistes mobilisés, Fontaine Médicis et Entrée du port du Havre.

1920

Paris, Salon de l’École française, Intérieur d’atelier (n° 159).

1922

Paris, Salon de l’École française, Vieille ferme aux Touches (Manche) (n° 179) et Le Vallon de SainteAdresse, route d’Octeville (n° 180).

(Le Havre)

M. D. On sait seulement de Paul Doliger qu’il serait né au Havre. Il se réclame de l’enseignement de Lhullier quand il expose au Salon en 1879 et 1880. Il n’expose toutefois pas aux salons du Havre.

Expositions

1879

Paris, Salon des artistes français, Une mendiante.

Théodore Véron, Dictionnaire Véron, ou mémorial de l’art et des artistes de mon temps, Le Salon de 1879, Paris, Bazin, 1879, p. 195 : « Figure de face assez bien étudiée. La pauvre femme a la tête enveloppée d’un mouchoir et un misérable châle brun bien usé sur ses épaules. Ses beaux traits réguliers ont une expression de tristesse. Ce joli tableau a des qualités. »

1880

Paris, Salon des artistes français, Portrait de M.P.R. (126 x 93 cm) (n° 1206).

Théodore Véron, Dictionnaire Véron, ou mémorial de l’art et des artistes de mon temps, Le Salon de 1880, Paris, Bazin, 1880, p. 326 : « “M.P.R.” est debout, le poing sur la hanche et le pincenez à la main. Sa tête de face est étudiée. Fonds et habits trop noirs. »

1883

Paris, Salon des artistes français, Une rue de SaintGoustan (Morbihan) (n° 803).

Georges Dufour Bateau à aubes, 1876 Aquarelle sur papier, 16 x 25 cm Coll.Remy Dufour.

Georges Dufour

(Étretat, 1858 - Le Havre, 1929)

Si François Georges Dufour naît à Étretat le 2 mai 1858, c’est pourtant au Havre qu’il grandit, après que son père, François Louis Dufour, y ouvre une pharmacie dans le quartier des Gobelins en 1861. Le jeune Dufour développe dès l’âge de raison un goût pour le dessin, se plaisant à reproduire figures historiques et navires. De nombreux carnets de dessin, aujourd’hui conservés dans sa descendance, en préservent le souvenir. À partir de 1872-1874, il est formé auprès de Charles Lhullier à l’école de dessin de la ville et obtient, en 1876, le premier prix de dessin d’imitation de l’Académie de Rouen. Mais son père voyant en lui un officier de marine, il prend le chemin de l’École de santé navale de Brest, où il reste de 1877 à 1880 et dont il sort major de sa promotion, avant de soutenir une thèse de doctorat en 1886. Il parcourt le monde entier au gré de ses différentes affectations : Cochinchine (1880-1881), Tunisie (1881), Amérique du Sud (18821884), Nouvelle-Calédonie (1886-1888). Le 23 mars 1889, il reçoit une affectation au poste de médecin du bagne de Guyane et rejoint les îles du Salut, accompagné de sa jeune femme Aline Merleau-Ponty, fille d’un médecin militaire, épousée quelques mois auparavant1. Il rapporte de ses voyages nombre de dessins et aquarelles finement exécutés, saisissant sur le vif personnages aux costumes pittoresques et paysages lointains. M. D.

Affecté au service de l’hôpital maritime de Rochefort en février 1890, il devient, quatre ans plus tard, professeur à l’École de médecine navale de Bordeaux où il brosse plusieurs grands panneaux décoratifs représentant la marine à voile et la marine moderne. Il en profite pour suivre les cours de Louis-Augustin Auguin2, ancien élève de Coignet. En 1898, Georges Dufour est nommé médecin-major de la division navale de Tunisie. Il est chargé de la réalisation du nouvel hôpital maritime de l’arsenal de Bizerte. C’est donc après une riche carrière de médecin militaire qu’il revient s’installer au Havre comme médecin de famille, au 2, rue Félix Faure, non loin de l’ancienne pharmacie paternelle. Il peut dès lors s’adonner plus librement à ses deux passions, la peinture et la voile sur son monotype Maïali. Chevalier de la Légion d’honneur en 1895, il est élevé au grade d’officier en 19193 après avoir pris la direction sanitaire du front de mer du Havre et de l’hôpital auxiliaire 31, qui reçoit les fusiliers marins blessés à la bataille de Dixmude.

1 Le 27 décembre 1888, Georges

Dufour épouse dans le village de

Saint-Vincent-de-Paul Marie Aline

Merleau-Ponty, née le 21 mai 1867 à Guérigny, dans la Nièvre. Archives départementales de la Gironde,

Saint-Vincent-de-Paul, Registres d’état civil, mariages, 1888, cote 4E 18589. 2 Paysagiste et peintre de marine,

Auguin (1824-1903) expose régulièrement au Salon de la Société nationale des beaux-arts où il est admis dès 1846. Il y obtient une 3e médaille en 1880, puis une 2e médaille en 1884. Il est également récompensé lors de l’Exposition universelle de 1873 à Vienne et obtient une 3e médaille à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889 à Paris. 3 Archives nationales, base Léonore, fiche L0833045.

Il assure parallèlement le service médical de l’hôpital Brévilliers à Sainte Adresse, tandis que son épouse est dame infirmière de la Société de secours aux blessés militaires à l’hôpital 12. Le décès de son fils Jacques, tué à quelques semaines de l’armistice, le marque profondément.

La guerre terminée, il renonce à la clientèle civile pour se consacrer au dispensaire Gibert, au dispensaire de la Société protectrice de l’enfance et au solarium Lerch, au Havre. Il donne par ailleurs des cours d’hygiène aux jeunes gens de l’École pratique coloniale du Havre, dont il décore l’entrée principale à la demande de son ami Charles-Auguste Marande. Georges Dufour décède d’une embolie le 8 octobre 1929. Il laisse de nombreuses œuvres – huiles et aquarelles –, malgré les pertes liées à la destruction de son atelier pendant la Seconde Guerre mondiale, après avoir puisé dans l’observation silencieuse de la nature et dans les paysages façonnés par l’homme matière à une peinture chaude et lumineuse. Si Dufour est resté un peintre amateur, son talent dépasse sans conteste celui de nombreux professionnels. Il a exposé à de nombreuses reprises, au Havre et à Rouen principalement, mais également au Salon de 19054 .

Expositions

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Marée montante, le soir (n° 146) et Matinée sur le vieux port, Bizerte (n° 147). Paris, Salon, Le Marché des gargoulettes, à Bizerte (n° 651).

Georges Dufour peignant sur la plage d’Étretat Photographie, 7 août 1919 Coll. Remy Dufour.

4 Nous renvoyons pour plus de détails à Rémy Dufour et Philippe

Valetoux, Marin, médecin, peintre, trois passions, un homme : Georges

Dufour – 1858-1929 –, Le Havre :

Société Nationale de Sauvetage en Mer, 2007.

1922

Le Havre, Galerie P. Maury.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts » in Le Petit Havre, 25 janvier 1922 : « Jamais encore, croyons-nous, M. le docteur Dufour n’avait aussi amplement et aussi joliment affirmé la délicatesse et la distinction de son talent. La plupart de ces paysages sont d’une excellente facture. Ils visent moins à des effets de coloris violents qu’à la recherche d’une enveloppante harmonie. Elle est bien celle de la nature sous certains jeux de lumière quand le peintre l’observe à travers un tempérament de poète. Les marines du docteur Dufour sont, à ce titre, d’une transparence et d’une fluidité d’atmosphère qui séduiront les amis de cette école.

On n’en saurait méconnaître l’expression. Elle est d’une sincérité et d’un charme qui mettent ces toiles au-dessus de l’amateurisme et soulignent un talent qui n’a pas besoin, pour être louangé, de faire appel à des sympathies de clocher.

À côté de véritables tableaux, plusieurs pochades intéressantes, d’un accent plus vigoureux que celui des grandes toiles. Une souplesse d’exécution s’y révèle au service d’une observation heureuse. »

Jean d’Auray, « Notes d’art – Peintures de M. le docteur Dufour », in Havre-éclair, 25 janvier 1922 : « Elles sont d’un art élégant et souple et d’un sentiment distingué et délicat à la fois, les toiles exposées aux vitrines de Maury, rue de la Bourse, par M. le docteur Dufour.

Les tonalités en sont caressantes et justes, la fine luminosité qui enveloppe ses paysages ou ses marines donnent à ses peintures un charme discret et joli, et dans l’ensemble, d’une excellente tenue de facture et d’accent, nous retiendrons tout particulièrement des études des falaises et de la plage ensoleillées d’Étretat et de l’avant-port du Havre. »

1924

Le Havre, Galerie P. Maury.

« Le Havre – exposition Dufour », in Le Journal de Rouen, 10 juillet 1924 : « Lorsque la saison balnéaire nous revient, le docteur Dufour, qui délaisse parfois le bistouri pour le pinceau, nous présente quelques-unes de ses toiles. Cette année, cette exposition de la salle Maury est particulièrement remarquable.

Peintures et aquarelles voisinent dans une harmonie parfaite et en pleine lumière. Les rivages, les horizons du large, les falaises et les coins pittoresques de nos côtes sont traités avec un art délicat. La peinture est mise là au service du sentiment pour fixer toute la pensée des sites. Point de tons trop vifs ni de raccourcis choquants, car tout est nuancé, éclairé et fouillé pour que les transpositions soient fidèles et évoquent les beautés que nul ne se lasse d’admirer.

M. Dufour dessine pour son plaisir et le nôtre. Avec lui, on goûte vraiment le charme pénétrant des visions estivales le long de nos belles côtes normandes. »

Étretat, Galerie Delamare.

1929

Le Havre, Galerie Lebas.

Raoul Dufy Le Clocher de l’église de Harfleur, vers 1901-1903 Huile sur toile, 80 x 68 cm MuMa, Le Havre, inv. 2020.6.1 Don d’Emmanuel, Antoine et Jean-Marie Guian en hommage à leurs parents Dominique et Marie-José, 2020.

Raoul Dufy

1 Marguette Bouvier, « Othon

Friesz nous parle de ses amis les

Fauves », in Beaux-arts, octobre 1943, p. 11. 2 Mme Othon Friesz, dans L’Art et la

Vie, hommage à Raoul Dufy, Radiodiffusion télévision française, 26 mars 1953, Archives INA. 3 Courrier adressé au maire du Havre, 27 septembre 1898.

Le Havre, Archives municipales,

FC-R1C14, liasse 10. 4 MuMa, Le Havre, inv. 2013.4.1. « […] passionné de peinture, [Dufy] arrivait chez Lhullier à l’heure du déjeuner et dessinait des antiques de la main gauche (il est gaucher), tandis qu’il tenait un sandwich de la droite. À deux heures moins le quart, il rangeait en vitesse ses crayons pour retourner vers ses obligations de commis aux docks. Nous faisions des économies féroces pour pouvoir, le dimanche, en cachette de nos parents, prendre le train et aller voir les Géricault de Rouen, car nous souffrions terriblement du manque d’œuvres d’art au Havre1 . » Tels sont les souvenirs de Friesz de son ami Dufy, dont il répétait qu’« il était le frère que je me suis choisi2 . » La rencontre entre les deux apprentis artistes remonte à leur inscription à l’école d'art du Havre en novembre 1892. Ils y étudient ensemble, sous la houlette de Lhullier, jusqu’au départ de Friesz pour l’École nationale des beaux-arts de Paris en 1897. Dufy l’y rejoint, soutenu financièrement par la Ville du Havre, dans l’atelier de Bonnat en 1899. Ils partagent un appartement rue

Campagne-Première dans le quartier de Montparnasse et communient de concert (Le Havre, 1877 - Forcalquier, 1953) au souvenir de leur vieux maître. À la mort de Lhullier, Dufy signe la pétition M. D. qui circule parmi les anciens élèves de l’école d'art du Havre pour soutenir la candidature de Courché au poste de professeur de dessin, par fidélité aux « saines traditions artistiques de notre vénéré maître3 . » Sa vie durant, il garde en mémoire les principes inculqués par Lhullier en prenant un soin particulier au dessin et en multipliant les croquis autant que nécessaire pour s’exercer. Dufy commence sa carrière sous la bannière de l’impressionnisme, dont l’influence se ressent dans Le Port du Havre4. Au même moment, il expérimente pourtant une peinture plus sombre et réaliste, d’une facture plus épaisse, avec des sujets à caractère social, que l’on retrouve dans Fin de journée au Havre. Son travail est à mettre en rapport avec celui d’un autre élève de Lhullier, Gaston Prunier, qui fréquente le même quai Colbert, dit quai au charbon, à

la même période. Dufy se heurte à l’incompréhension de ses contemporains. Robert de Cantelou s’interroge ainsi sévèrement : « Est-il quelque chose de plus laid, en même temps que de plus faux, que ce Quai de Videcoq vu le soir, exposé par M. Dufy sous le numéro 135 ? […] La grande toile du même exposée un peu plus loin, sans numéro, et qui représente l’orchestre et la scène du Grand Théâtre, est plus atroce encore. C’est dessiné gauchement et peint sans éclat ; tout est cependant en pleine lumière ! On croirait le travail d’un jeune homme qui n’a jamais reçu de leçons et a eu l’audace de s’essayer “dans une grande machine5” ! »

La découverte de Luxe, calme et volupté de Matisse en 1905 agit comme un révélateur et lui fait entrevoir « une nouvelle mécanique picturale », le fauvisme, pour sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve. Travailleur acharné, il cherche de nouvelles voies, expérimente, en cordée avec Marquet, Friesz ou Braque. Il participe à l’aventure du Cercle de l’art moderne en 1906, siégeant au « comité peinture » avec ses amis Friesz et Braque, et présente deux de ses œuvres à chacune de ses manifestations. Après une courte période cézannienne, Dufy trouve sa propre voie et devient le peintre de la joie et du mouvement. Il expose avec régularité aux Indépendants – dès 1903 – et au Salon d’automne, mais également dans les galeries havraises (comme la galerie Maury, chez Lebas, ou au Hall de La Cloche) ou parisiennes, au premier rang desquelles on trouve la galerie Berthe-Weill qui l’encourage dès 1905.

C’est véritablement dans les années 1920 qu’il accède à la reconnaissance. Las, les collectionneurs havrais font preuve de prudence et achètent peu d’œuvres de Dufy, même si Georges Dussueil posséde au moins une peinture et un dessin de l’artiste6. Salacrou témoigne : « On imagine mal dans quelle estime les Havrais de 1920 tenaient leur compatriote. Au meilleur tailleur de la ville, ami de mon père, Raoul Dufy avait commandé un costume qu’il ne parvenait pas à payer. Pour s’excuser, Raoul Dufy avait fait porter chez le tailleur, en cadeau, une de ses toiles. “Vous ne pouvez pas savoir quel barbouillis ! Je lui ai retourné son cadeau avec une lettre lui apprenant que j’accepterais peut-être de perdre le prix de ma culotte, mais que je n’accepterai jamais d’accrocher une telle horreur dans ma salle à manger7.” »

5 Robert de Cantelou, « La ville –

L’exposition des beaux-arts –

La quatrième salle – Les artistes havrais », in Journal du Havre, 12 août 1902. 6 Géraldine Lefebvre, « Georges

Dussueil », in Le Cercle de l’art moderne, Collectionneurs d’avantgarde, cat. exp., musée du Luxembourg, 2012, pp 102 à 106. 7 Armand Salacrou, Les Idées de la nuit, Paris, Librairie Arthème

Fayard, 1960, p. 40. 8 Nous renvoyons pour plus une liste plus exhaustive des expositions havraises de Dufy et à leur réception critique au catalogue d’exposition Dufy au Havre, MuMa, 2019, p 220.

Expositions8

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Harfleur, vieilles maisons, Le Bassin de la Barre, Havre, Le Soir, fond de l’avant-port et Côte de Grâce.

1901

Le Havre Galerie Beuzebosc.

Paris, Salon des artistes français, Fin de journée au Havre.

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Effet du soir, quai Videcoq, au Havre (n° 135), Vue de la Seine à Paris, le pont des Arts, aquarelle (n° 519) et L’Orchestre du Grand Théâtre (hors catalogue).

1903

Paris, Salon des indépendants.

Paris, Galerie Berthe-Weill.

1904

Le Havre, Galerie Beuzebosc.

Paris, Galerie Berthe-Weill.

1905

Le Havre, Galerie Lebas.

Paris, Galerie Berthe-Weill.

Le Havre, Société des amis des arts, Grands arbres, effet gris (n° 148) et Grands arbres, soleil (n° 149), ainsi que La Place Saint-François (n° 582) et Le Square Notre-Dame (n° 583), deux aquarelles.

1906

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Neige (n° 29) et Le Port (n° 30).

1907

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Paysage (n° 19) et Le Port (n° 20).

1908

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Paysage (n° 17) et Paysage (n° 18).

1909

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Paysage (n° 21) et Paysage (n° 22).

Géo Dupuis Le Quai Notre-Dame, 1908 Huile sur toile, 58 x 71,5 cm Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

En 1914, l’écrivain et critique d’art Gustave Coquiot écrit : « La vie de ce peintre original a été jusqu’à ce jour une vie originale1 . » Original, le parcours de Georges Dupuis l’est assurément. Fils de charcutier, il exerce durant sa vie tous les métiers, d’assistant-dentiste à antiquaire, après avoir accédé à la notoriété comme illustrateur sous le pseudonyme de Géo Dupuis. Georges Gustave Léon Dupuis naît le 21 janvier 1874 au 154, Grand-Rue, au Havre, d’Adjutor Dupuis, charcutier de son état, et de Zéphire Louise Mauger, son épouse. Il est rapidement placé en apprentissage, au regard de sa modeste réussite scolaire qui pâtit de son unique intérêt pour le dessin. Le jeune Dupuis ne quitte pas son crayon, croquant sur le vif parents, camarades de classe, dockers et marins. Il consacre tout son temps libre à se perfectionner et s’inscrit à l’école d'art de la ville tout en travaillant pour un dentiste qui l’emploie comme assistant. D’une sensibilité ardente, Dupuis part se former, à dix-sept ans, à l’École des Arts décoratifs de Paris où il croise la route d’Albert Marquet. Mais très rapidement conscient de la futilité de son travail, il interrompt ses études. Pendant quatre

Géo Dupuis ans, il parvient à vivre d’expédients, crayonnant des illustrations pour des (Georges Dupuis, dit) éditeurs inconnus. Reconnaissant sa (Le Havre, 1874 - id., 1932) production assez banale, il préfère abandonner l’art pour s’installer à M. D. Montrouge et acheter un stock de matériel d’artiste qu’il vend à ses amis, n’hésitant pas à les aider à terminer leurs toiles avant les salons en broyant les couleurs, clouant les toiles sur leurs châssis ou en coupant les rouleaux de papier à dessin. Il redevient artiste le dimanche, s’abreuvant de nature et de lumière pour mieux nourrir son art. Il se marie le 24 avril 1897 avec Marie Félicie Chanoine, fille d’un serrurier de l’Aisne2. Le couple habite dans une cité d’artistes nichée au cœur du 14e arrondissement de Paris, au 3, rue Vercingétorix3. Les témoins du mariage sont le peintre François Girod et les sculpteurs Jean Tarrit et Charles Paillet, qui ont également leur atelier dans la cité. Une fille, Marie Madeleine Jeanne, est née, quelques semaines plus tôt, le 8 mars 18974. Une seconde fille, Marthe Marie Christine Jeanne, naît le 21 septembre 18985 . Autodidacte, Dupuis admire à la fois les primitifs italiens – dont il loue la « forme parfaite » – et Daumier, dont il dit qu’« il est notre maître à tous, le maître de

1 Gustave Coquiot, Cubistes, futuristes, passéistes : essai sur la jeune peinture et la jeune sculpture,

Paris, Ollendorf, 1914, p. 36. 2 Archives de Paris, 14e arrondissement, V4E 9700, acte 341. 3 L’adresse connaît entre autres occupants le Douanier Rousseau de 1898 à 1901, ou ultérieurement

Léonard Foujita. 4 Archives de Paris, 6e arrondissement, V4E 8525, acte 929.

Elle épouse le 10 novembre 1914

Edmond Bourson, maître d’hôtel, et meurt en 1988 à Mulhouse. 5 Son parrain est Léon Bloy.

Elle épouse le 4 juin 1920 Edmond

Machet et meurt en juin 1973 au Havre.

6 Gabriel Mourey, « A new French designer, M. G. Dupuis », in The

International Studio, novembre 1901, p. 100-105. 7 Adolphe Brisson, « Le marché aux puces », in Le Temps, 1er mai 1901. 8 Paul Ferniot, « Bibliophilie », in

Les Partisans : revue de combat, d’art, de littérature et de sociologie, 20 novembre 1900 : « La librairie

Ollendorff continue la publication des œuvres complètes de Guy de

Maupassant (à 3,50 francs) par

Les Dimanches d’un bourgeois de

Paris. Ce livre a été illustré par

Géo Dupuis, artiste à peu près inconnu jusqu’à ce jour, mais qui, par l’originalité des compositions dont il a su orner ce volume, sera demain connu de tous les bibliophiles. Je souhaiterais à la librairie

Ollendorff de trouver, pour illustrer le Balzac illustré, en cours de publication, un artiste de la valeur de

Géo Dupuis. Cela vaudrait mieux que de nous servir un ramassis de vieux clichés retour d’Amérique, et peut-être pourrait-on relever l’aspect, jusqu’ici bien lamentable, des premiers volumes composant cette édition. » 9 E. Favy, « Les bonnes lettres », in

La Gazette de la capitale, 17 juillet 1904. 10 Jean Lorrain a entretenu une correspondance nourrie avec

Gabriel Mourey. C’est peut-être ce dernier qui a recommandé Dupuis à Lorrain pour l’illustration de ses ouvrages. 11 Renée Dunan, « Derniers livres parus », in La Pensée française, 11 août 1924 : « Géo Dupuis, en bois chargés dirait-on de tumulte et de sifflements, a fait circuler avec une singulière puissance des trains énormes, entourés de fumées, entre des maisons géantes, des gazons pelés de banlieues et toutes ces âmes stagnantes que seule galvanise l’imagination des

“ailleurs”. » 12 Eugène Gilbert, « Adolphe Brisson – Florise Bonheur », in France et

Belgique : études littéraires, Paris, 1905. 13 Dont la série « Les Dames n’entrent pas ici », au n° 146, La

Hurle, n° 153, en mars 1904, ou La

Paternité en janvier 1904. tous ceux qui s’efforcent d’exprimer les réalités qui les entourent, de dépeindre les mœurs d’aujourd’hui6 ». L’art de Dupuis se rapproche de celui de Steinlen, dont il revendique l’influence même s’il cherche à s’en dégager en veillant à développer son sens de l’observation pour mieux exprimer sa vision propre. C’est dans cet état d’esprit qu’il croque sur le vif les figures qui lui parlent, telle une petite vendeuse sur le marché aux puces de Clignancourt en 19017, ou qu’il part vivre auprès des malades de la Salpêtrière pour livrer les illustrations des Amours d’un interne.

C’est en effet comme illustrateur que le talent de Dupuis se fait reconnaître. En novembre 1901, le littérateur Gabriel Mourey lui consacre un important article dans le magazine d’art The International Studio, après qu’il a livré 68 illustrations pour le roman posthume de Guy de Maupassant, Les Dimanches d’un bourgeois de Paris, paru chez Paul Ollendorff8 . L’ouvrage sera réédité plus de cinquante fois. Suite à ce succès retentissant, Alfred Humblot, le directeur éditorial, le recrute pour les années suivantes. Géo Dupuis illustre ainsi pour ce même éditeur Les Amours d’un interne de Jules Claretie en 1902, Un mâle de Camille Lemonnier en 1904, ou Élisabeth Faldras d’Octave de Traynel en 1909.

La réception critique est excellente : « L’édition illustrée d’Un mâle, de Camille Lemonnier, vient de paraître chez Ollendorff. Nous n’avons rien à dire, quant au texte, de cette œuvre classée. Félicitons ce grand artiste qu’est Géo Dupuis à qui l’on avait quelque peu, à ses débuts dans l’illustration, reproché la manière de Steinlen, et qui d’un vigoureux coup de crayon se débarrasse de cette accusation portée par des inérudits. Géo Dupuis tient la bonne place entre Steinlen, Grasset et Lautrec. C’est un grand consciencieux, consciencieux sans puérilité, original sans excentricité, et, répétons-le, tout fait personnel9 . »

Dupuis réalise également la couverture des pièces Deux heures du matin, quartier Marbeuf et Une nuit de Grenelle, de Jean Lorrain et Gustave Coquiot, en 1904. Même si Parisien d’adoption, il revient régulièrement au Havre et signe, la même année, la couverture de la nouvelle revue littéraire et artistique havraise Le Soc, dirigée par Charles Louis. Il devient un illustrateur recherché et collabore avec de nombreuses maisons d’édition pour des œuvres de Balzac (Eugénie Grandet, chez Pierre Lafitte et Cie, en 1910), Maurice Barrès (Les Jardins de Bérénice), Gustave Geffroy (La Servante), Paul Hauchecorne (Pendant la guerre en 1919), Camille Lemonnier (Comme va le ruisseau en 1911 et Un mâle en 1904), Jean Lorrain10 (Monsieur de Phocas, en 1901), Maupassant (Pierre et Jean pour la Société d’éditions littéraires et artistiques en 1903), Émile Zola (La Bête humaine, chez A. & G. Mornay, en 192411) ou Adolphe Brisson (Florise Bonheur), dont La Gazette de la capitale souligne : « Disons donc, avant toute autre remarque, combien Florise Bonheur est un livre joliment illustré. M. Adolphe Brisson eut cette chance rare de s’annexer, pour animer ses tableaux parisiens, la complicité d’un crayon original et habile, plein d’une personnalité spirituelle et adroite, qui laisse tout leur champ à la vérité frappante, à l’observation directe, à une vie qui déborde, c’est le crayon de M. Géo Dupuis. Admirez ce coin de banlieue lépreusement triste qui surgit dès l’avant-propos, étudiez cette parcelle du jardin de Florise, dont un lilas solitaire ennoblit et vivifie l’étroitesse mesquine, ou, encore, contemplez la frêle silhouette de Florise trottinant sur l’asphalte du faubourg, vous serez frappé de voir avec quelle finesse de perception simple et compréhensive le dessinateur sait rendre la vie des choses, traduire l’aspect des paysages urbains ou dénoncer l’impression changeante et diverse de la figure humaine. Ce coup de chapeau dûment tiré à M. Géo Dupuis, me voici libre et prêt à vous parler de M. Adolphe Brisson lui-même12 . »

Géo Dupuis est un contributeur fidèle au magazine Je sais tout, publié chez Pierre Lafitte et Cie, pour lequel il illustre notamment Le Monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle. Occasionnellement, il fournit des caricatures à L’Assiette au beurre13. L’affiche qu’il brosse vers 1905 pour promouvoir une nouvelle édition des

Misérables chez Ollendorff rencontre un succès certain, mais cela ne saurait lui suffire : « Elles étaient aquarellées pardessus un dessin significatif et d’une intensité de vie extraordinaire. Mais on ne pouvait en louer complètement Géo Dupuis ; car il paraissait, dès vos premières paroles, n’attacher à toutes ces choses-là aucune importance14 . » Car c’est avant tout à la peinture qu’il souhaite se consacrer. Il est un des membres fondateurs du Cercle de l’art moderne en 1906 et expose aux quatre expositions du groupe. Insatisfait, Dupuis n’expose guère : « Indifférent aux salons officiels et aux marchands d’art, cet artiste pousse sa conscience à un point tel qu’il redessinera souvent un sujet jusqu’à dix fois afin d’obtenir les valeurs exactes, et détruit presque toutes ses œuvres sous le prétexte, assez rare de nos jours mais chez lui absolument sincère, que cette œuvre n’est pas digne d’être exposée15 . » Le grand collectionneur d’art Ivan Morozov fera pourtant l’acquisition de son Quai Notre-Dame (Havre) au Salon des indépendants en 1908.

Fuyant la société et les coteries artistiques, Dupuis fréquente néanmoins à Paris Léon Bloy – sous l’influence de qui il se convertit au catholicisme en décembre 1897 –, mais également le Douanier Rousseau, qui occupe comme lui un atelier de la rue Vercingétorix. En 1909, il quitte subitement son logement du quai de Tournelle à Paris et revient vivre au Havre avec son épouse et ses deux filles. Il continue de peindre et d’illustrer des ouvrages, et se rapproche, avec son comparse Maurice Lesieutre, du littérateur havrais Robert Le Minihy de La Villehervé. « Et là-bas [au Havre], maintenant, il fait des peintures qu’il ne veut pas vendre pas plus qu’il ne veut les exposer. Ce sont des paysages émouvants, longuement regardés, peints à toutes les heures. Ce sont aussi des portraits exécutés dans les tavernes du vieux port pour des camarades d’une heure, de toujours. Et il faut, je crois, tout attendre de ce peintre singulier, le meilleur et quelquefois aussi le pire ; jusqu’au jour très improbable où, à peu près content de lui-même, il consentira enfin à exposer quelques-unes de ses œuvres, exécutées trop isolément pour n’être point de fortes œuvres, d’une sûre et marquante originalité16 . »

Il meurt au Havre le 24 décembre 1932, un an après s’être remarié le 9 juin 1931 avec sa nièce Lucie Célina Dupuis17 .

Géo Dupuis Illustrations pour Monsieur de Phocas, 1901 Impression sur papier Bibliothèque municipales, Le Havre, EST1196.

Expositions

1906

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Nature morte (n° 31), et deux dessins intitulés Valognes (n° 32 et 33). Paris, Salon d’automne, section du livre, La Servante de Gustave Geffroy (n° 54).

1907

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Nature morte (n° 21).

1908

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Nature morte (n° 19). Paris, Salon des indépendants, Quai (soleil) (n° 2019), Pont Notre-Dame (n° 2020), Drapeaux, au Havre (n° 2021), Quai NotreDame (Havre) (n° 2022), et Nature morte (n° 2023).

1909

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Paysage (n° 23) et Nature morte (n° 24). Paris, Salon des indépendants, Le Vornier (soleil) (n° 1654) et Nature morte (n° 1655).

Alfred Raimbault, « Chronique artistique – Les Indépendants », in L’Action française, 31 mars 1909 : « M. Géo Dupuis et ses décorations souples, pareils à des tapis d’Orient. »

14 Gustave Coquiot, op. cit., p. 40. 15 Gabriel Mourey, « Some recent drawings by Géo Dupuis », in The

International Studio, 15 novembre 1911, p. 123. 16 Gustave Coquiot, op. cit. 17 Née le 27 février 1891. Fille d’Adjutor Louis Octave Dupuis et de

Rachel Gosselin. Une dispense de parenté est accordée par décret pour célébrer l’union.

Jeanne Cécile naît le 21 juin 1858 au 2, de la rue de Normandie, au Havre. Fille de François Victor Fautrel, négociant et agent d’assurances, et de Marie Eugénie Lemonnier, elle est apparentée par sa mère à la famille Caillard, dont les membres les plus éminents, Pierre et Victor Caillard, ont fondé les établissements Caillard Frères en 1859. La jeune fille devient l’élève de Charles Lhullier et de Jeanne Le Roux1, et semble se spécialiser dans la peinture de fleurs, qu’elle expose à plusieurs reprises.

Jeanne Fautrel Elle épouse Charles Albert Gustave Oursel, employé de commerce. Victor (Le Havre, 1858 - Saint-Cloud, Caillard, cousin des époux, est témoin de 1953) l’union célébrée au Havre, le 24 février 18902. Jeanne Cécile s’installe après son M. D. mariage à Paris, rue Notre-Dame-deLorette, et continue à prendre des leçons auprès du peintre Rivoire3 . Elle meurt à Saint-Cloud le 18 novembre 1953 à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.

Expositions

1875

Le Havre, Exposition des beauxarts du Havre organisée sous le patronage de la Société nationale havraise d’études diverses, Éventail sur soie (n° 500).

1889

Rouen, Société des amis des arts, Roses et Phlox et pâquerettes, deux aquarelles. Elle obtient une médaille de bronze à cette occasion.

Paris, Salon, Roses et gaillardes, aquarelle (n° 3188).

1890

Paris, Salon, Pivoines et seringa (n° 2844) et Œillets (n° 2845), deux aquarelles. Le Havre, Société des amis des arts, Œillets (n° 471) et Phlox (n° 472).

1 Elle-même élève de Lhullier.

Voir à ce nom. 2 Archives de Seine-Maritime, 4E 12473, acte 160. Né à Rouen le 27 janvier 1857, il est veuf en premières noces de Marie Jenny

Godin. 3 Vraisemblablement François

Rivoire (1842-1919), peintre de fleurs et aquarelliste né à Lyon.

Élève de Jean-Marie Régnier, il débute au Salon en 1866.

Georges Fauvel Chiens de chasse, vers 1900 Huile sur toile, 181 x 241,2 cm MuMa, Le Havre, inv. A122.

1 Albert Herrenschmidt, Le Havre qui passe. Chroniques havraises 1906, imprimerie du journal Le Havre, 1907, p. 116. 2 Paul Védrine, Les Marrons sculptés,

Maudet & Godefroy, Le Havre, 1887, p. 35. 3 Il remporte le 30 juin 1880 les premiers prix dans toutes les sections de concours de fin d’année de l’école : 1er prix de peinture, académie d’après le modèle vivant, académie d’après la bosse et modelage devant son condisciple Courché. Il reçoit par ailleurs à cette occasion une bourse de voyage de 300 francs de l’État. Cf. Archives municipales,

FC R1 Carton 14 liasse 3. Parmi les nombreux élèves de Lhullier à l’école municipale des Beaux-Arts, Georges Henri Fauvel est de ceux qui, aux côtés de Rötig, Vieillard ou Lecourt, se spécialisent très tôt dans la peinture animalière. Le vieux maître voyait pourtant plutôt en son jeune élève un portraitiste, tout comme plus tard Cabanel auprès de qui Fauvel perfectionne son art. « Comment je suis devenu animalier ? Que sais-je ? par goût assurément. Peut-être aussi un peu par hasard compliqué de nécessité. Un vieux maître, à la mémoire de qui je garde un souvenir reconnaissant et fidèle – il mit dans ses leçons autant d’art que d’affectueuse attention –, le papa Lhullier, véritable et probe artiste, voyait plutôt en moi un portraitiste. Et Cabanel, mon professeur à l’école des Beaux-Arts, me poussa fort dans ce genre… […]. Pourquoi ne pas l’avouer ? De hautes raisons d’économies m’avaient poussé tout d’abord vers le portrait de chien… Mon brave collaborateur n’avait pas

Georges Fauvel tardé à comprendre ce que j’attendais de lui. D’un geste, d’un mot, d’un coup d’œil, (Le Havre, 1861 - Sainte-Adresse, il grimpait sur son tabouret et posait 1911) avec une conviction dont les petites dames qui font des “Vérité” ou des M. D. “Vierge Marie” ne donnent pas toujours l’exemple. […] N’empêche que ma première “machine” sérieuse, à la sortie de l’école des Beaux-Arts, fut un tableau de genre, une Apparition aux bergers, où je m’étais reposé des frimousses de bêtes en travaillant le nu. Simple fantaisie. Je revins bien vite vers la campagne, le grand air et les chiens1 . » C’est dans un milieu modeste que Georges Henri Fauvel naît le 2 juin 1861, au domicile familial de la rue d’Alger, au Havre. Son père, Hippolyte Léon Fauvel, est entrepreneur de maçonnerie, quand sa mère, Constance Éloïse Boujard, s’occupe du foyer. Un de ses frères, Henri, est cité comme graveur lithographe2 . Après avoir été l’élève de Lhullier au Havre3, le jeune Georges Fauvel intègre l’atelier d’Alexandre Cabanel à l’École nationale des beaux-arts de Paris4, grâce

4 Archives nationales AJ-52-248 – registre d’inscription dans les ateliers. 5 Dossier d’élève de l’ENBA aux

Archives nationales, AJ/52/259. 6 Cette grande toile (195 x 162 cm) est aujourd’hui présentée dans l’église paroissiale Saint-Pierre de Beaumontel (Eure). 7 Le Havre, Archives municipales, compte rendu du Conseil municipal du Havre, 2 décembre 1885, p. 836-838. 8 Maxime, « Province – Le Havre », in Le Monde artiste : théâtre, musique, beaux-arts, littérature, 31 janvier 1897 : « Les décors, surtout celui de “l’arsenal”, font le plus grand honneur à M. Georges

Fauvel, qui les a brossés de main de maître. » 9 MuMa, Le Havre, inv. 118 et 121 bis. 10 Archives de Paris, registre des décès 1896, Paris 15e, V4E 9889, acte 526. à une bourse d’études attribuée par sa ville natale, et y est admis élève de la section de peinture le 13 mars 18835 . Il bénéficie de la bourse municipale durant quatre ans, mais se la voit retirer avant la fin de sa formation. L’Almanach illustré du Courrier du Havre de 1887 s’en fait l’écho attristé : « […] par une décision inexplicable, cette pension vient de lui être retirée. Quatre ans ! Ce stage a paru sans doute très long à ces messieurs du budget ! Mais est-ce en quatre années que l’on fait un artiste ? Il fallait surtout rechercher quel était, au point de vue des promesses d’avenir, le résultat de ces quatre années de travail. Or, la vérité est que, dans l’état actuel de sa carrière, M. Fauvel annonce devoir devenir quelqu’un. Par une protestation digne de lui, il vient de présenter au public ses deux œuvres principales qui sont comme la synthèse de ses travaux passés. Le Groupe de chiens exposé rue de Paris figurait au Salon de 1885 ; L’Apparition aux Bergers, que l’on peut voir boulevard de Strasbourg, était au Salon de 18866. Or ces deux toiles offrent des qualités tellement solides que les sacrifices nouveaux qu’on aurait faits pour ce jeune artiste eussent, on peut le proclamer, produit les meilleurs fruits : aussi à notre avis est-ce une responsabilité grave assumée par la commission. On ne comprend pas en effet qu’une ville prenne en main comme elle l’a fait une éducation artistique pour la rompre ainsi sans raison. Si M. Fauvel n’offrait pas certaines garanties d’avenir, il fallait le laisser dans le chantier de son père : mais aujourd’hui encore, il offre des promesses réelles, pourquoi en faire un déclassé ? Et si nous insistons à cet égard, c’est que maintes fois déjà, le fait s’est présenté. Ces messieurs du budget pourront certainement se reprocher d’avoir inconsidérément brisé une belle carrière, et quand, l’an prochain, ils verront les immenses panneaux que M. Fauvel est condamné à faire pour l’Exposition, ils pourront dire : “Voilà notre œuvre.” L’Apparition aux bergers, avec ses incontestables qualités de dessin et de couleur, témoigne qu’on trouve en M. Fauvel l’étoffe d’un artiste. Ne se rencontrera-t-il pas dans l’administration ou le Conseil un seul homme qui soit assez soucieux des choses de l’art pour réparer cette injustice ? » La bourse municipale, habituellement accordée pour trois ans, est exceptionnellement prolongée d’une année pour les élèves méritants, parmi lesquels la municipalité inclut le jeune Fauvel. En conséquence, Georges Henri Fauvel se voit attribuer 800 francs par la Ville au titre de l’année 1885-1886 pour la dernière fois7 .

Malgré l’interruption de sa bourse, Fauvel poursuit l’exercice de son art et expose, dès l’âge de vingt ans, au Salon. Il en sera un fidèle sociétaire pendant près de trente années. Sans sacrifier la peinture de figure, il se plaît à représenter, en fin observateur des animaux, ses compagnons à poil, du berger de Brie à l’anonyme barbet. De nombreuses études d’après nature précèdent le premier travail sur la toile. Ses œuvres rencontrent un succès parfois inégal, et Fauvel se voit attribuer en 1889 une médaille de 3e classe au Salon des artistes français avec La Meute de M. A… Il expose également régulièrement à la Société des amis des arts du Havre ainsi que dans les galeries de la ville, réalise à l’occasion des décors de théâtre pour la salle des Folies-Bergère du Havre et participe à la revue Ohé ! Bidard ! que l’on doit à la plume d’Albert René8. Mais le talent de Fauvel se laisse également percevoir dans de sensibles études, dont celles du marché au poisson de Blois9 , léguées par l’artiste au musée du Havre.

Il se marie le 30 juin 1891 à la mairie du 15e arrondissement avec Blanche Eugénie Ponsinet, d’origine rémoise. Cette artiste peintre parfait son art auprès de son mari et partage semble-t-il avec lui une particulière dilection pour les bassets. Elle expose ainsi à ses côtés au Salon de la société des artistes français en 1892 un fusain, Chiens bassets griffons. Leur bonheur conjugal est de courte durée, puisqu’elle décède le 21 avril 1896 au domicile conjugal du 8, boulevard de Vaugirard à Paris10. Fauvel revient s’établir au Havre après le décès de son épouse et y donne des cours de peinture. Il compte alors parmi ses élèves Jeanne Louise Paumier – qui expose en 1905 à la Société des amis des arts –, mais également

Albert René. Après la mort de son maître Lhullier en 1898, Fauvel sollicite sans succès sa succession comme professeur de dessin et de peinture à l’école d’art du Havre11 .

Il se remarie le 20 mars 1911 à la mairie de Sainte-Adresse avec Hortense Marie Louise Lafontaine et décède quelques mois plus tard, en son domicile de SainteAdresse, le 23 septembre. Son ami Albert Herrenschmidt annonce son décès à la mairie de Sainte-Adresse. En 1913, une cérémonie organisée à l’occasion de l’inauguration du monument mortuaire de l’artiste, sous la présidence du même Herrenschmidt, réunit, outre la famille, Georges Binet, Courché, Albert René et Hippolyte Fénoux.

11 Le Havre, Archives municipales,

FC R1 Carton 14 liasse 10. 12 Sont compris sous la dénomination « blanc et noir » les dessins au crayon, à la plume, au lavis, sanguines, fusains, gravures au burin, eau-forte, gravures sur bois, lithographies. Cf. Catalogue illustré de l’Exposition internationale de blanc et noir, Paris, 1890, article 2.

Expositions

1881

Paris, Salon, Plage de SainteAdresse (n° 867).

1882

Le Havre, Société des amis des arts, Les Marayeurs – Plage (n° 216).

1883

Paris, Salon, Plage du Havre (n° 916).

Georges Nardin, « Les marines au Salon de 1883 (suite) », in Journal des artistes, 6 juillet 1883 : « J’ai découvert la Plage du Havre de M. Georges Fauvel dans les voussures, loin des regards du vulgaire. À cette altitude, il n’est guère commode de juger quelque chose. J’essaierai pourtant. Le blaireau doit jouer un rôle dans ces glacis blafards, délavés. La finesse du ciel, les jeux de lumière adroitement marqués, le plein air de cette étude méritent une mention ; mais les figures sont traitées de la même façon que les objets et le paysage. Pourquoi ?.. »

1885

Paris, Salon, Mauvaise rencontre (n° 955).

1886

Le Havre, rue de Paris, Exposition « Aux Mérinos ». Paris, Salon, L’Apparition aux bergers (n° 917).

Albert Herrenschmidt, « Nos artistes chez eux – Première série, Georges Fauvel », in Le Havre qui passe. Chroniques havraises 1906, 1907, p. 25 : « Il avait déjà exposé une Apparition aux bergers, montrant dans l’éblouissante clarté d’un ciel de rêve une radieuse et mystique figure, mais où il y avait surtout, aux pieds des pasteurs extasiés, des bêtes couchées, des moutons, des chiens. »

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Entrée du port de Honfleur (n° 233) et Méphistophélès (n° 234).

Anonyme, « Expositions en province, Le Havre (suite) », in Journal des artistes, 11 septembre 1887 : « Nous devons à la vérité constater que M. Georges Fauvel n’est pas en progrès cette année, et nous regrettons d’autant plus de le voir se laisser aller ainsi que, malgré tout, on retrouve dans son exposition la trace des qualités si brillantes qui l’avaient distingué tout d’abord, en promettant un maître de la brosse.

Mais franchement, son Méphistophélès (n° 234) n’est qu’un

Méphisto de bal masqué. Cela ne tient pas. »

1888

Paris, Salon, Une maréchalerie au Havre (n° 970).

Bertol-Graivil, « Le Salon », in

Journal des artistes, 3 juin 1888 :

« Une maréchalerie au Havre : soigneusement traité, d’un rendu irréprochable. »

1889

Paris, Salon, En forêt ; meute de bassets griffons vendéens, en hommage à M. A… (n° 999).

Ce tableau de vastes dimensions (225 x 385 cm) est décrit ainsi par G. Lafenestre dans Le Livre d’or du Salon de peinture et de sculpture, Paris, Librairie des bibliophiles, 1989 : « Sur le premier plan, au milieu d’une longue allée couverte de feuilles mortes, dans une forêt, seize chiens bassets arrêtés. Sur la gauche, vu de profil, un piqueur, le genou en terre, en train de délier deux bassets accouplés. Sur la gauche, un autre groupe de seize chiens de même espèce au bas d’une futaie, sur un terrain en pente. À droite, le long de la route, plusieurs hêtres dénudés. »

Albert Herrenschmidt, « Nos artistes chez eux – Première série, Georges Fauvel », in Le Havre qui passe. Chroniques havraises 1906, 1907, p. 117 : « La Meute de M. A…, en 1889, me valut une médaille au Salon. Grande toile, elle justifiait surtout son intérêt par son groupe de bassets couplés, dont la robe brillante et soyeuse s’enlevait sur le fond assombri d’un paysage d’automne. Les bassets sont restés longtemps mes chiens de prédilection. Ils ont tenté les amateurs et aussi… les copistes. »

Albert Wolff, « Le Salon », in Le Figaro, 30 avril 1889 : « M. Georges Fauvel est là avec une meute de bassets vendéens qui manque de vie. »

1890

Paris, Salon, Portrait des enfants de M. L… (n° 899) et « Gotte », chienne épagneule (n° 900). Paris, 4e exposition internationale de blanc et noir12 , Chiens au piquet (n° 151).

1891

Paris, Salon, Les Fonds de Beaurepaire (n° 602).

Firmin Javel, « Salon de 1891, III », in La Petite Presse, 6 mai 1891 : « La vaste erreur de M. Georges Henri Fauvel qui a trouvé génial de faire le plus grand paysage du Salon ! »

Alfred Ernst, « Le Salon de 1891 », in Le Siècle, 30 avril 1891 : « Dans le grand paysage de M. Georges Fauvel, le sentiment de l’espace est assez bien rendu ; c’est tout ce que nous y pouvons louer. »

1892

Paris, Salon de la Société des artistes français, Le Déjeuner du berger (n° 663).

Paris, Salon, Attaque au loup (n° 687). Le Havre, Société des amis des arts, Meute de chiens normands (n° 190) et Attaque au loup (n° 191), peintures.

Jean Viens, « Exposition du Havre », in Journal des artistes, 1er octobre 1893 : « Beaucoup de mouvement, animaux bien dessinés, couleur attrayante. »

Rouen, exposition municipale de beaux-arts, Dans les sainfoins (n° 282) et Paysage dans l’Oise, à Saint-Leu-d’Esserent (n° 283).

1894

Paris, Salon, Mort de Barry (n° 720) et Départ du troupeau pour les champs (n° 721).

1895

Paris, Salon, Troupeau de moutons à la croix de pierre – Pennedepie (Normandie) (n° 722).

1896

Paris, Salon, La Route du carrefour de l’abreuvoir à Harfleur (Normandie) (n° 792) et Brebis et agneaux (n° 793).

1898

Paris, Salon, Il pleut, bergère (n° 799).

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Vue de Sainte-Adresse (n° 177 bis) et Portrait de Mlle R. B… (n° 177 ter)

1901

Paris, Salon, Épagneuls français (n° 773).

1902

Paris, Salon, Meute de M. Auguste Rispal (n° 622). Le Havre, Société des amis des arts, Sarcleuses (n° 144), Fin de journée (n° 145), Coucher de soleil, pastel (n° 523) et Vallon à Sainte-Adresse (n° 524).

1903

Paris, Salon, Halte de moutons (Normandie) (n° 679).

1904

Paris, Salon, Chiens attendant le départ (n° 700). Paris, Salon des artistes français, Le Rendez-vous (n° 610).

1907

Paris, Salon des artistes français, Hallali (n° 614). Le Havre, exposition chez la veuve Lebas.

Albert Herrenschmidt, « BeauxArts », in Le Petit Havre, 22 décembre 1907 : « Le peintre Georges Fauvel expose en ce moment chez Lebas plusieurs grandes toiles intéressantes. On sait les qualités originales et personnelles qui caractérisent le talent de Georges Fauvel comme peintre animalier. Elles s’accusent brillamment dans la plupart des œuvres nouvelles qu’il vient de réunir. Il y a là, superbes d’attitudes et de coloris justes, des chiens, des canards, un cheval, un renard étranglant un faisan, mis en valeur par la sobriété du paysage environnant. Les chiens surtout sont dignes de mention pour l’excellente observation des mouvements et leur saisissante expression de vie réelle. Georges Fauvel excelle réellement en ce genre. Ses bassets, dont la robe s’harmonise à merveille avec un joli décor automnal, ses épagneuls devant l’âtre qui flamboie, son étude de tête de cheval rendue plus délicate encore par la teinte sombre du poil affirment à la fois un minutieux souci du dessin et la virtuosité d’une peinture chaude et solide. Cette exposition est à signaler de façon particulière. Elle résume un bel et consciencieux effort qui fait honneur à l’artiste. »

1908

Paris, Salon des artistes français, Chasse au marais (n° 651).

1909

Le Havre, Société des amis des arts, Famille de chiens (n° 28). Paris, Salon, Salle des gardes ; chiens saint-bernard (n° 666).

Albert Herrenschmidt, « Les artistes havrais au Salon », in Le Petit Havre, 26 mars 1909 : « Le tableau de Georges Fauvel a pour titre La Salle des gardes, et ces « gardes » sont deux superbes chiens, deux saint-bernard qui se chauffent sous le manteau de la cheminée gothique, à la flamme des derniers tisons. L’étude des deux bêtes a été exécutée par Georges Fauvel avec une sincérité d’art et cette maîtrise qui ont caractérisé son talent. Il y a surtout là un chien, étendu devant l’âtre, l’œil plein de vie, le museau humide, qui est d’une excellente observation. Le milieu où l’artiste a placé les bêtes lui a fourni sujet à une séduisante étude d’intérieur, dont l’ensemble s’harmonise à souhait avec le pelage des chiens qu’il met en valeur.

Excellent morceau de peinture qui fait le plus grand honneur à

Georges Fauvel. » Le Havre, Galerie Lebas.

Albert Herrenschmidt, « BeauxArts », in Le Petit Havre, 1er janvier 1909 : « Un groupe d’artistes havrais expose actuellement chez Lebas un choix d’œuvres intéressantes. On y remarque notamment un tableau de Georges Fauvel aussi adroitement composé que brillamment exécuté. Ces deux chiens placés dans un décor assez sobre qui les fait valoir sont traités avec un art vigoureux qui rappelle les qualités très personnelles du peintre animalier et souligne la maîtrise de son talent. »

1910

Paris, Salon, Terré ; chiens griffons vendéens (n° 751).

Albert Herrenschmidt, « Georges FAUVEL », in Chroniques havraises, 1910 : « Le peintre donne en ce moment les dernières retouches à son “Salon”. C’est une grande toile en l’honneur de ses premiers amis de succès : les bassets griffons. Il les a représentés au cours d’une chasse. Une des bêtes a le museau déjà en partie enfoui dans le terrier. Deux grands yeux qui flamboient au-dessus des broussailles traduisent à la fois la vie, l’impatience et la joie du chasseur à quatre pattes qui vient de surprendre la retraite du fuyard. Tout à côté, l’œil aussi ardent, la pose aussi attentive, un autre basset observe, prêt à tout, impatient, lui aussi, de donner son coup de croc. Un peu en arrière, la gueule dressée vers le ciel éclatant, un compagnon aboie furieusement. Il jette l’alarme aux hammerless, qui probablement, non loin de là, devisent en grillant des pipes. Le trio, largement et solidement peint, s’enlève sur un paysage lumineux, chaud, vibrant, avec d’éclatantes traînées de lumière sur l’or terni des herbes brûlées, et, sur le fond de l’horizon, des nuages violacés qui montent. L’ensemble est séduisant et se tient à souhait. Ces deux chiens de premier plan surtout sont d’excellents portraits fouillés, travaillés d’une brosse patiente et sincère qui n’a rien emprunté au hasard, rien sacrifié au « chique » et qui s’est atta-

chée à rendre dans toute sa belle vérité l’expression notée en de minutieuses études. Car c’est là un des traits caractéristiques de la probité de ce talent. Bien qu’il possédât à merveille pour l’avoir longuement observée cette intéressante race de chiens, Fauvel, fidèle à sa coutume, s’est fait un devoir strict, absolu, de n’entreprendre sa nouvelle œuvre qu’après avoir recueilli dans l’étude de la nature les documents qui la composent. »

1911

Le Havre, Société havraise des beaux-arts, Pastel appartenant à M. H. (n° 49). Le Havre, Exposition posthume chez la veuve Lebas.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts – La dernière œuvre de Georges Fauvel », in Le Petit Havre, 10 novembre 1911 : « La grande et irréparable perte que l’art a faite en Georges Fauvel apparaîtra plus sensible encore à la vue de sa dernière œuvre. L’excellent peintre est disparu en plein épanouissement de son talent, en possession de ces dons merveilleux qu’il mit toujours au service d’une haute probité artistique et qu’il consacra en maints tableaux. Jusqu’au seuil de la mort, le digne et sincère artiste a travaillé, poursuivi sa tâche et son rêve qui étaient de fixer sur la toile toujours plus de poésie et de beauté. Je n’oublierai jamais, pour ma part, la poignante scène où Georges Fauvel, sentant venir la fin mais voulant s’illusionner encore sur la cruauté fatale du sort, se traîna péniblement jusqu’à son atelier, aux derniers jours, reprit ses pinceaux, sa palette, rassembla ses suprêmes forces morales et physiques, et par une volonté admirable et résolue qui maîtrisa un moment la maladie, s’installa devant le chevalet pour terminer et signer la dernière œuvre. La tâche achevée, souriant à la joie qu’elle lui causait, le peintre la regarda longuement, méditatif, s’en montra satisfait ; puis, les yeux voilés de larmes, dans la tristesse de l’adieu qu’il devinait maintenant avec cette prescience qu’ont parfois les moribonds, le pauvre être regagna son lit de douleur. Quelques jours après, il rendait le dernier soupir. C’est ce dernier tableau, si intéressant à plus d’un titre, par les souvenirs qui s’y rattachent, par l’empreinte qu’il garde d’une belle nature contemplative, c’est ce dernier tableau qu’on expose aujourd’hui dans la galerie de Mme Lebas, rue du Chillou. L’œuvre est ample et jolie. Elle représente un superbe et valeureux effort et résume en même temps tout l’art noble, consciencieux et sain du regretté peintre. Il semble qu’il ait voulu concentrer dans cette suprême manifestation la force de son talent en en soulignant davantage l’originalité et le caractère. Le peintre animalier n’a point mieux fait. Il n’a point traduit, par ailleurs, avec plus de flamme, plus de vérité, l’expression de ses chiens ; il n’a pas rendu avec plus d’accent l’étrange et troublant reflet d’humanité qui brille au fond de ces grands yeux, avec des évocations de douceur affectueuse, de soumission et de bonté. C’est d’un faire à la fois délicat et vigoureux, profond et sincère. Et le destin fut aimable pour ce disparu en lui laissant, à la veille de mourir, l’admirable don d’exprimer matériellement, avec une pareille intensité, le mystère de la vie que la subtilité de son observation avait pénétré. L’amateur heureux qui s’offrira ce tableau lui donnera sûrement la belle place auquel il a droit. L’œuvre est de celles qui peuvent consacrer un nom. Elle est aussi de celles qui honorent une mémoire.

1949

Le Havre, Galerie JacquesHamon.

Georges Fauvel achevant son Salon, Terré ! Photographie parue dans Albert Herrenschmidt, Le Havre qui passe, 1910, p. 24 Archives municipales, Le Havre, AD2543.

Jean Feuilloley Jean Feuilloley par lui-même, 1908 Dessin à la mine de plomb, 16 x 13 cm Coll. part. Courtoisie Chalot et associés, Fécamp.

Si l’artiste pyrograveur expose, durant sa courte vie, sous ce patronyme, c’est pourtant sous le nom de Sanders qu’il est enregistré à l’état civil du Havre à sa naissance le 29 janvier 1881. Il naît en effet de l’union de John Sanders, agent de la mission maritime originaire de Boulogne-sur-Mer, et de Marie Virginie Feuilloley. Le couple met toutefois rapidement fin à son union et le divorce est prononcé par le tribunal civil du Havre en 1887. L’enfant est vraisemblablement élevé par sa mère et adopte le matronyme comme nom d’usage.

Jean Feuilloley Il devient l’élève de Lhullier à l’école municipale des Beaux-Arts de la ville. (Jean Sanders, dit) Il illustre aux côtés d’autres artistes (Le Havre, 1881 - Sainte-Adresse, 1917) havrais l’ouvrage de Paul Delesques, Poèmes normands. Récits cauchois du pé Malandrin, paru en 1912. On retrouve parmi les collaborateurs de cet ouvrage M. D. les noms de Georges Damaye, René de Saint-Delis, Raymond Lecourt ou Achille Godefroy. C’est pourtant dans un art souvent délaissé, alors volontiers réservé à la sphère féminine, que Feuilloley se spécialise : la pyrogravure. « Dans le cercle des amateurs havrais, il s’était fait un nom par son art original et sincère. Il eût étendu cette notoriété locale si le pauvre et bon garçon qui vient

de disparaître n’avait été la simplicité, la modestie même, confus de se mettre en avant, poussant la discrétion jusqu’à la timidité du talent. Je le revois, il y a quelque quinze ans, à ses débuts, quand il m’apporta ses premières planches pyrogravées. Il hésitait à les montrer ; et cependant, Feuilloley venait de mettre en évidence une habileté remarquable au service d’un délicat sentiment d’art. »

« Il avait fait d’excellentes études à notre école municipale des Beaux-Arts. Il en sortait avec une parfaite connaissance du dessin, en bon élève du père Lhullier dont l’enseignement consciencieux et rigide avait guidé ses premiers coups de crayon. Feuilloley cherchait sa voie, il s’adonna à la pyrogravure et, tout de suite, s’y fit apprécier. » « Ses panneaux s’enlevèrent. Des collectionneurs ne dédaignèrent pas de les accueillir, de leur faire une place. L’artiste variait ses effets, son genre ; il revenait surtout vers les sujets champêtres, les sites villageois. Il a évoqué ainsi des coins pittoresques, imaginés ou vus, qui gardent le charme et l’intimité des petits trous campagnards où la vie se concentre et se recueille dans une rusticité qui ne va pas sans poésie. »

« Le dessin heureux, un coloris lumineux qui associait adroitement les teintes plates donnèrent un caractère intéressant à ses tableautins. »

« Un mal qui ne pardonne pas arracha Feuilloley à ses travaux. La vie fut cruelle pour ce jeune qui, parti d’une condition très humble, ayant voué à l’art un culte fervent, dut lui sacrifier souvent l’âpreté des exigences matérielles. Il disparaît sans avoir réalisé son rêve, à trentesix ans, laissant le souvenir d’un esprit et d’un cœur. Jamais une parole de jalousie, d’amertume ou de dénigrement ne sortit de ses lèvres. Il n’avait que sympathie et estime pour ses confrères en art. Ceux-ci, en retour, voueront à sa mémoire l’affectueuse cordialité de leurs regrets1 . »

Il meurt le 12 janvier 1917 en son domicile du 23, rue du Havre, à Sainte-Adresse. Son décès est rapporté par son ami Joseph Saraben, lui-même artiste peintre et frère de Louis-Alexis Saraben2 .

Jean Feuilloley V’là qu’arrive Polycarpe l’gard’ champêtre Dessin paru dans Paul Delesques, Préface de Jean Revel, Poèmes normands, Récits cauchois du pé Malandrin, Caen, Henri Delesques, 1912.

1 Albert Herrenschmidt, « Nécrologie – Jean Feuilloley », in Le Petit

Havre, 14 janvier 1917. 2 Voir infra.

Expositions

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Falaise et Cour de ferme, pyrogravures.

1909

Le Havre, Société des amis des arts, Paravent (n° 99) et Vieilles maisons à Lisieux (n° 100), pyrogravures.

Albert Fleury Goose Island, 1898 Huile sur carton, 45 x 60,5 cm M. Christine Schwartz collection.

Albert Fleury

(Ingouville, 1848 - Chicago, 1924)

C’est le 2 février 1848 que naît Francis Albert Fleury au domicile de ses parents, rue de la Ferme, à Ingouville. Son père, Joseph Victor Fleury, est secrétaire de mairie avant de devenir secrétaire adjoint de la ville du Havre lors de l’annexion d’Ingouville, puis secrétaire en chef en 1856. Sa mère, Émilie Désirée Villain, est issue d’une famille de fondeurs sur cuivre1. Joseph Victor Fleury conçoit un temps le désir de s’adonner à la peinture2 et peint quelques toiles qu’il offre à ses parents et amis. Il s’essaie à la poésie et collabore à différentes publications, telles que Le Furet, la Revue du Havre ou le mensuel des Archives du Havre et de la Normandie. Après avoir été l’élève de Charles Lhullier et d’Alphonse-Louis Galbrund au Havre, Albert Fleury part pour Paris où il intègre l’atelier d’André Paccard comme architecte. Il revient au Havre, où il devient chef du bureau de dessin et architecte adjoint à la mairie en 1871. En 1877, il suit les cours du peintre Henri Lehmann à l’École des beaux-arts de Paris et expose dès 1879 au Salon des artistes français une première œuvre. Il y exposera à sept reprises. Il reçoit en 1884 une médaille d’argent (petit module) pour son œuvre exposée à Caen.

Il limite principalement ses sujets aux marins et aux gens de mer. À cet égard, la nécessaire pratique du travail en plein air jette les bases de son travail sur les M. D. effets atmosphériques, qu’il se plaît à traiter quand il s’installe, quelques années plus tard, aux États-Unis. Il part pour Bruxelles où il cède à la mode des panoramas, alors très en vogue, puis à Naples où il exécute un panorama de la bataille de San Martino qui rencontre un succès certain. Le 7 janvier 1888, il quitte la France sur le paquebot La Gascogne pour suivre aux États-Unis son ancien maître et ami Émile Renouf, qu’il assiste dans une reproduction à grande échelle du pont de Brooklyn, mettant ainsi à profit l’expérience acquise dans l’exécution de panoramas. On retrouve Fleury peu après à Chicago avec une commande pour la décoration de l’Auditorium Building, un immeuble qui combine à la fois les fonctions d’hôtel, de théâtre et de bureau. Outre une série de panneaux pour la salle à manger de l’hôtel, il peint deux grands paysages pour le théâtre, aidé par le jeune peintre Oliver Dennett Grover. Le succès de cette première entreprise lui assure une réelle reconnaissance outre-Atlantique et le convaint de s’y installer définitivement. Fleury réalise de nombreux autres projets de décoration

1 Ses parents se marient le 19 mai 1842 à Ingouville. 2 Alphonse Martin, Victor Fleury, secrétaire général de la mairie du Havre, littérateur et poète : notice biographique et bibliographique,

Fécamp, imprimerie Durand, 1881.

murale dans des maisons particulières et des bâtiments publics à Kansas City ou à La Nouvelle-Orléans. Il conçoit également le bâtiment des Mines et de la Métallurgie à l’Exposition de Louisiane qui se tient à Saint-Louis en 1904.

Fleury expose à la Chicago Society of Artists et à l’Art Institute de Chicago à partir de 1898. Il organise par ailleurs ses propres cours d’été de croquis en plein air. S’interrogeant sur la perception des artistes de la ville de Chicago, il écrit : « Pendant plusieurs années, j’ai mis en peinture les nombreuses impressions ressenties quotidiennement dans mon étude de Chicago sous ses différents aspects, mais je n’ai pas alors essayé d’analyser mes sensations. Ce n’est que récemment que la nécessité de cette analyse a commencé à se faire sentir, car j’ai été obligé de répondre aux questions qui me sont posées chaque jour : “Pourquoi les artistes qui visitent la ville de Chicago la trouvent-ils si étrange, si pittoresque, et pourquoi nous, qui y vivons et la voyons tout le temps, ne recevons-nous qu’une impression ordinaire, une sensation de morosité en présence des nombreux murs abîmés et de l’épaisse fumée multicolore3 ?” » Chicago devient le principal motif de sa réflexion et de ses paysages. En 1900, son exposition monographique intitulée « Chicago pittoresque », à l’Art Institute de Chicago4, qui comprend quarantecinq peintures à l’huile, aquarelles et dessins, fait sensation. Les critiques s’enthousiasment pour cet artiste qui prouve que même les scènes les plus typiquement prosaïques de Chicago, sa rivière polluée et ses rues assombries par la fumée peuvent être interprétées de manière artistique, voire poétique. L’œuvre intitulée Goose Island est la n° 4 du catalogue. « L’île de l’oie », île artificielle située sur le bras nord de la rivière industrielle de Chicago, est alors une zone industrielle avec des chantiers navals, des dépôts de charbon et des silos à grains. Le portrait qu’en fait Fleury est d’autant plus étonnant. Ses images de Chicago sont largement reproduites dans les journaux, les revues et les cartes postales, et son travail tient lieu d’exemple aux artistes locaux, qui rivalisent ensuite pour peindre leur ville.

Actif dans plusieurs organisations d’artistes locales, Fleury fait partie des fondateurs du Club d’aquarellistes de Chicago en 1907. Il enseigne la peinture de natures mortes et le rendu architectural à l’école de l’Art Institute jusqu’en 1918. Il compte parmi ses élèves Leon Rene Pescheret (1892-1971) ou Walter Haskell Hinton (1886-1980). À cette date, l’artiste a largement cessé d’exposer, bien qu’il ait continué à peindre jusqu’à peu avant sa mort, à l’âge de soixante-quinze ans. Il décède le 1er février 1924 à Chicago.

Plusieurs de ses œuvres sont détruites en 1892 dans l’incendie de l’Athenaeum Building où il avait son atelier. Le MuMa conserve une marine (inv. A 454), qui témoigne des modestes débuts artistiques de Fleury.

3 Albert Fleury, « Picturesque

Chicago », in Brush and Pencil, vol. 6, n° 6, Sep., 1900, p. 273-277, 279-281. 4 Exposition du 11 au 23 octobre 1900. 5 Il s’agit en fait d’une représentation de Graville.

Expositions

1879

Paris, Salon, Portrait (n° 1234).

Paul Védrine, Marrons sculptés, Le Havre, imprimerie Maudet & Godefroy, 1887 : « Sa dernière toile importante, Grand Papa, donne bien l’impression du vieux pêcheur occupé de raccommoder ses filets et qui trouve encore un instant de repos pour tendre à sa fillette chérie sa joue hâlée par l’embrun. Tableau excellent dans l’ensemble, mais un peu gris de tons. »

1880

Le Havre, Société des amis des arts, Le Jour des morts au village5 (n° 172) et Les Pauvres du couvent (n° 173). Paris, Salon des artistes français, Le Jour des morts au village (n° 1441) et Les Pauvres du couvent (n° 1442).

Anonyme, « Albert Fleury », in l’Almanach illustré du Courrier du Havre, Le Havre, Lemale, 1886 : « L’ensemble est habilement composé et il règne dans l’œuvre une sorte de mélancolie qui s’harmonise bien avec le caractère de cette grande fête des tristes. »

1882

Le Havre, Société des amis des arts, Carrefour de la Madone, à San Francesco della Vigna, à Venise (n° 225).

Paris, Salon, Carrefour de la Madone, à San Francesco della Vigna, à Venise (n° 1045).

1883

Caen, exposition des beaux-arts, Sur la jetée du Havre (n° 174).

Paris, Salon des artistes français, Sur la jetée du Havre (n° 942) et L’Avant-Port du Havre (n° 943).

Rouen, 29e exposition municipale de beaux-arts, Le Canot La Bonne-Étoile (n° 348). Paris, Salon des artistes français, En carénage à Villerville (n° 945).

Anonyme, « Albert Fleury », in l’Almanach illustré du Courrier du Havre, Le Havre, Lemale, 1886 : « En 1884 l’artiste expose En carénage à Villerville et Le Canot La Bonne-Étoile. Cette dernière toile dénote un progrès réel. Un beau gars de pêcheur, vu de dos et fort bien campé, se fait surtout remarquer au premier plan. La mer est transparente et vraie, la barque bien dessinée ; c’est une excellente marine où le faire de l’artiste prend une grande franchise de touche. La manière de l’artiste s’élargit et s’affermit dès lors sous l’heureuse influence des conseils de M. enouf. On sent l’effort consciencieux de l’auteur à l’effet d’acquérir la puissance du rendu dans l’observation sincère de la nature. » Paris, Salon des artistes français, Misère (n° 986).

Anonyme, « Albert Fleury », in l’Almanach illustré du Courrier du Havre, Le Havre, Lemale, 1886 : « Le dernier tableau de M. Fleury, Misère, n’est plus seulement intéressant, il est bon. Deux pêcheurs hâlent péniblement leur barque échouée au bord du flot. Les pauvres diables n’ont guère d’autre fortune ; c’est le gagne-pain de la maison, mais pourront-ils amener le canot par cette mer grosse encore ; quels efforts pour y arriver, quelle misère ! La scène est dramatique et navrante. L’attitude des deux hommes est juste et vraie, et comment en serait-il autrement étant donné le soin pris par l’auteur pour étudier consciencieusement ses modèles sur le rivage même, à quelques pas des embruns dont ses personnages sont couverts ? La peinture est plus faite que d’ordinaire et comporte des parties excellentes. » Le Havre, Société des amis des arts, Misère (n° 186) et Étude (paysage) (n° 187).

Léo R., « Exposition du Havre », in L’Art contemporain, 10 juillet 1885 : « M. Albert Fleury, né au Havre, a envoyé un tableau, Misère, qui a figuré au Salon de Paris, et qui dénote de grandes qualités. »

1886

Paris, Salon des artistes français, Grand-Père (n° 943).

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Pêcheurs de crevettes (n° 238), Étude (n° 239) et Avant-port du Havre – Sortie du Ferdinand de Lesseps (n° 240).

1900

Chicago, Art Institute, Exposition « Chicago pittoresque ».

1902

Saint Louis School and Museum of Fine Arts.

Albert Fleury L’Attente, 1887 Gravure parue dans Le Havre Charité, Journal Souvenir de la kermesse organisée par les soins du Comité des fêtes de bienfaisance, 1887 Archives municipales, Le Havre, BA6672.

Eugène Forest Portrait de la fille de l’artiste Huile sur bois, 35 x 26,8 cm MuMa, Le Havre, inv. A132.

Eugène Forest

(Le Havre, 1877 - id., 1962)

Alfred Eugène Forest demeure aujourd’hui dans l’ombre d’un artiste homonyme dont la postérité a mieux conservé le souvenir1 . Il naît pourtant près de trois quarts de siècle après le Strasbourgeois Eugène Hippolyte Forest, le 13 novembre 1877, au 134, rue de Normandie, au Havre, de l’union d’Alexandre Honoré Forest, tourneur sur métaux, et d’Ida Marie Le Dué. Sa mère meurt alors qu’il n’a que dix ans. Issu d’un milieu modeste, il s’inscrit à l’école municipale des Beaux-Arts. Forest conserve de Charles Lhullier, dont il suit les cours, un souvenir ému, qu’il confie au journaliste Bernard Esdras-Gosse au soir de sa vie : « Ah, le brave homme, comme je l’aimais bien ! […] Et cet homme, tout d’un coup, cet homme rude, me semblait d’une grande beauté, d’une race en dehors, touchée par quelque chose venant de quelque part de secret ; à moi, le petit bonhomme mal vêtu que le père Lhullier faisait rêver de belles choses2 … » Comme nombre de ses condisciples de l’école d’art du Havre, Forest ne peut se consacrer entièrement à sa peinture et travaille comme employé de commerce. Il se marie au Havre le 30 septembre 1905 à Juliette Louise Villé, couturière. Après seulement quatre ans de mariage, son épouse décède en janvier 19103 . Forest se remarie cinq ans plus tard à Yvonne Berthe Enaux, le 7 avril 1915 à Constantine4. Il est alors déclaré comme surveillant aux tabacs et réside au 10, rue Saint-Antoine, à Constantine. M. D.

Son œuvre ne nous est connu que par de rares témoins, parmi lesquels le portrait qu’il réalise de sa fille. Bernard EsdrasGosse souligne la qualité du travail du peintre par ces mots : « Classique est sa peinture, ce qui ne veut pas dire que, continuant la tradition plutôt que suivant les maîtres de la peinture moderne, Forest se confine dans un métier fait de procédés plus ou moins éprouvés. S’il répugne à prendre des risques inconsidérés, Forest ne tombe pas dans le travers contraire mais, sagement, s’en tient aux règles probes du métier appris et développé selon ses moyens personnels, sans rester enfermé dans une manière plutôt que dans une autre. Cela est évident si l’on compare l’exécution de ses paysages à celle de ses portraits. Car Forest, et là on retrouve sa filiation avec le père Lhullier, est surtout un peintre de portraits ; très expressifs, d’une pâte onctueuse, bien mis en page, traités dans une note intimiste recréant exactement la personnalité du modèle, ils donnent la mesure exacte de ses possibilités. » Eugène Forest meurt au Havre le 11 août 19625. Son épouse lui survit une dizaine d’années avant de décéder dans la même ville le 9 mai 1973.

1 Hippolyte Eugène Forest (Strasbourg, 1808 – Grenoble, 1891), peintre, lithographe, graveur et caricaturiste, fut l’élève de

Granville et le maître de Daumier. 2 Bernard Esdras-Gosse, « De Raoul

Dufy à Jean Dubuffet ou la descendance du “père” Lhullier », in Études normandes, livraison 17, n° 59, 4e trimestre 1955, p. 25. 3 Archives départementales de

Seine-Maritime, état civil, cote 4E 19966, acte 146, transcription de l’acte de décès. Mme Forest décède alors qu’elle est en villégiature à Étainhus, le 16 janvier 1910. 4 La jeune épousée est née à Saint-

Romain-de-Colbosc le 3 juillet 1894. Elle est déjà orpheline quand elle se marie en 1915. 5 Il est alors domicilié au 15, rue Sadi-Carnot, à Sanvic.

Expositions 1923

Le Havre, Société havraise des amis des arts, Portrait (n° 32)7 .

Othon Friesz Le Vieux Bassin du Havre ; le soir, 1903 Huile sur toile, 81,3 x 100,5 cm MuMa, Le Havre, inv. 2017. 3.1.

Othon Friesz

Impatient, le jeune Émile Othon Friesz se voyait « apprendre à barbouiller des toiles » dès son entrée à l’école municipale des Beaux-Arts du Havre. C’est donc non sans atterrement qu’il entend Lhullier lui dire, alors qu’il n’a que quatorze ans : « Tu feras d’abord de la bosse, des têtes en plâtre. Quand tu sauras faire la tête, tu feras le corps entier. Puis, dans deux ans, tu feras du modèle vivant. Quant à la peinture, nous en reparlerons plus tard1 . ». Las, le peintre en herbe ne suit que sa volonté et s’attelle dès cette époque à sa première toile, Coucher de soleil, Douarnenez, en 1893. Plus tard, il témoignera : « Pour moi, à qui il n’a jamais voulu apprendre la peinture, si je sais quelque chose dans cet art, c’est à lui que je le dois2 . » C’est à partir de 1892 que ce fils et petitfils de capitaine au long cours suit les cours de Lhullier, dès 6 heures du matin en été et après le lycée en hiver. Il noue rapidement avec Raoul Dufy une amitié qui ne prend fin qu’avec le décès de Friesz en 1949. À l’occasion de l’hommage rendu par la ville du Havre à Friesz l’année suivante, Dufy se souvient avec émotion : « […] Friesz était le plus brillant, et dire qu’il était brillant, c’est peu, il était vraiment éblouissant, le “père Lhullier” restait stupéfait de surprise devant ses

dessins et les paysages qu’il rapportait de ses journées passées à la campagne. (Le Havre, 1879 - Paris, 1949) Il était indiscutable que les marques de son grand talent apparaissaient déjà M. D. chez de jeune lycéen qui avait tout lâché de ses études, renonçant au bac pour commencer une carrière où sa vocation l’appelait irrésistiblement3 . » Friesz devait garder pour son vieux maître une profonde reconnaissance, ainsi qu’en témoigne Fernand Fleuret, compagnon de ses premières années parisiennes : « […] le père Lhullier […] a laissé à chacun son génie et l’a guidé avec intelligence. Sa finesse, son goût sûr, son esprit frondeur, il les a donnés en viatique au jeune homme qui allait devenir élève de Bonnat, et peut-être l’ont-ils préservé de quelques admirations faciles qui ont fait perdre à d’autres beaucoup de temps. Othon Friesz n’a jamais perdu le sien. Il fut tout de suite dans sa voie, et il l’élargit d’année en année. Il a pu recevoir les encouragements de Pissarro : ils ne valaient pas pour lui ceux du “père Lhullier”, et peut-être, ce jour-là, se méfia-t-il4 . » Friesz n’hésite pas à prendre la plume pour se remémorer, dans un long article paru en 1937, ses débuts sous la bonhomme férule de Lhullier5 comme le pinceau pour reproduire les traits de ce dernier dans un portrait qu’il conserve sa vie durant.

1 Othon Friesz, « Un peintre Granvillais – Charles Lhullier », in Le Pays granvillais, 1937, p. 159. 2 Ibid, p. 169. 3 « Raoul Dufy évoque pour Le Havre libre quelques souvenirs… »,

Le Havre libre, 8-10 avril 1950. 4 Fernand Fleuret, La Boîte à perruque, Les écrivains associés, 1935, p. 76 et suivantes. 5 « Un peintre granvillais – Charles

Lhullier (1824-1898) », article cité.

Le vieux maître emmenait ses élèves au musée – dont il avait la responsabilité – pour les confronter aux anciens et affirmer leur goût : « Il semble que le jeune garçon ait eu d’instinct le goût de la bonne peinture. Au musée du Havre, composé par l’excellent Lhullier, […] il y avait surtout des Troyon et des Thomas Couture. — Je n’aime pas ces tableaux, dit Othon, et il alla dénicher un adorable Jongkind resté invisible et que les autres élèves n’avaient pas remarqué. —Tu as raison, lui dit Lhullier, c’est le meilleur tableau qui soit ici6 . ». Le dimanche, les jeunes Friesz et Dufy prenaient le train pour visiter le musée de Rouen : « Nous faisions des économies féroces pour pouvoir, le dimanche, en cachette de nos parents, prendre le train et aller voir les Géricault de Rouen, car nous souffrions terriblement du manque d’œuvres d’art au Havre7 . » Aidé d’une bourse municipale d’études, Friesz quitte Le Havre pour suivre les cours de Bonnat à l’École des beauxarts de Paris en 1897. Il développe un style impressionniste, favorisé par sa rencontre avec Armand Guillaumin, auprès de qui il passe l’été 1901 dans la Creuse. Ses œuvres se ressentent de cette influence avec des titres chers aux impressionnistes en faisant volontiers référence aux conditions météorologiques ou temporelles. La rupture se fait en 1904-1905 quand Friesz entre dans la cage aux fauves.

Fort de sa fréquentation des maîtres8, il développe rapidement sa propre synthèse entre tradition et modernité.

6 René Barotte, « Souvenirs et confidences de Friesz », in Comoedia, 27 février 1943. 7 Marguette Bouvier, « Othon

Friesz nous parle de ses amis les

Fauves », in Beaux-arts, octobre 1943, p. 11. 8 Florent Fels, « Propos d’artistes – Othon Friesz », in Les Nouvelles littéraires, artistiques, scientifiques, 2 juin 1923 : « On doit savoir tout faire, disait-il [Lhullier], comme les

Maîtres, eux, savaient tout faire. Il faut aller au Louvre souvent, faire sa prière, pénétrer la conception des anciens, les voir sans la patine. » 9 L’objet de cette étude étant d’éclairer les débuts de Friesz et son attachement à Lhullier, nous renvoyons au catalogue d’exposition Othon Friesz, le fauve baroque,

Paris, Gallimard, 2007 et à la liste d’expositions dréssé par David

Butcher (p 243 et suivantes).

Expositions9

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Paysans chargeant du goémon (n° 190) et Paysage, environs de Paris (n° 191).

1901

Paris, Salon des artistes français.

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Le Pont-Neuf. Temps gris (n° 155) et Sous les châtaigniers (Creuse) (n° 156).

Robert de Cantelou, « Société des amis des arts du Havre », in Journal du Havre, 16 août 1902 : « […] MM. Dufy, Friesz et Lecourt en sont restés au même point que l’année précédente et, s’ils ont progressé, ce n’est que dans l’accentuation d’un procédé détestable, employé – de parti pris et mal employé – sans qu’il réponde à leur vision personnelle. Ils doivent sans doute s’installer devant la nature avec l’intention préalablement prise de peindre d’une certaine manière. Peu leur importe l’impression produite par le spectacle qu’ils ont sous les yeux ; ils prennent leurs couleurs et ne les posent sur la toile que suivant leur méthode systématique. Ils n’obéissent pas à une sensation ou à un sentiment, mais simplement à une conception préalablement établie, ce qui, en art, est bien la pire des choses. […] M. Friesz, chez qui plusieurs tableaux vus jadis à la vitrine de Beuzebosc, dénotaient un certain tempérament, a été gagné, lui aussi, par la peinture sale et laide. Son Pont-Neuf (n° 155) produit une impression pénible par sa couleur terne et son dessin informe. Certes, il y a quelque mouvement dans la foule, mais celle-ci est plus subjective que réelle. On objectera qu’il suffit de donner “l’impression” des choses, de les “suggérer” […]. Et voilà le défaut des jeunes artistes en général : ils procèdent par indication. Dans la réalité, les choses sont “finies” ; une foule sur un pont n’est pas, comme dans le tableau de M. Friesz, un simple bariolage de taches où notre raisonnement, plus que notre vue, reconnaît des créatures humaines ; on y voit réellement des formes et des couleurs qui ne s’indécisent, pour former une masse vague, qu’avec assez grand recul. […] Pour que le tableau de M. Friesz produise quelque effet, il faut regarder loin en clignant les yeux ; mais alors la scène qu’il représente acquiert la marque des choses très lointaines, ce qui jure un peu avec le détail du fond… Le second tableau de M. Friesz, Sous les châtaigniers (n° 156), est d’une meilleure facture

et décèle de véritables qualités ; si l’exécution laisse quelque peu à désirer – ce qui est naturel chez un jeune –, l’observation, du moins, est assez juste et on la sent personnelle. »

1903

Le Havre, Galerie Lebas.

Louis-Jules Hilly, « Galerie Lebas – Exposition d’œuvres de E. Othon Friesz », in La Cloche illustrée, 6 juin 1903 : « […] Peintre, Friesz l’est éperdument ; l’opposition des couleurs l’attire. La lumière quotidienne n’est à ses yeux qu’une gamme harmonieuse, qu’un prisme tournant ; aucune brutalité n’en viendra brusquer la délicatesse des nuances ; cependant, l’heure crépusculaire, si riche en colorations, s’imprègne plus profondément en lui : Friesz est un subtil interprète des pénombres. Son extrême sensibilité naturelle l’a rapidement conduit à l’impressionnisme. Ce mot – effrayant pour le bourgeois admirateur de Detaille et de Madeleine Lemaire – ne prend pas chez Friesz la signification qu’on lui donne picturalement. Il ne peint pas tout ce qu’il voit, comme certains, et raisonne avant de découper la nature entre les quatre montants d’un cadre. L’impressionnisme n’est pas pour lui une manière, puisque toutes ses recherches concourent à l’anéantissement du procédé. Si une clarté aveuglante l’entoure, il n’en percevra

Othon Friesz Le Havre, bassin du Roy, 1906 Huile sur toile, 61 x 74cm MuMa, Le Havre, inv. 77.39. pas moins, au coup d’œil primordial, les moindres détails des objets environnants et surtout leurs ombres relatives, si importantes dans les études de plein soleil ; et cette impression spontanée et réellement complète lui permettra de mettre rigoureusement en valeur les points les plus épars de l’horizon, visible. Toute sensation n’est que vibration. On peut donc assimiler l’impression visuelle à l’audition partielle où l’oreille distingue nettement le chant et le timbre de chaque instrument tout en percevant intégralement l’harmonie des masses orchestrales. C’est ce que Stéphane Mallarmé appelait très justement la spontanéité de l’orchestre. Ces considérations diverses tendent à préciser la technique de Friesz. On peut donc dire de lui qu’il est un artiste avant tout sincère, très personnel dans la composition et sobre dans la couleur, assez maître de lui pour ne pas se laisser influencer par les choses déjà vues et l’imagination, qui, chez les peintres de plein air, conduit fatalement à l’irréalité. »

Paris,  Salon des Indépendants : Le Châtaignier (soir) (n° 930), La Creuse (soleil couchant) (n° 931), La Creuse (matinée) (n° 932), Plein soleil (Creuse) (n° 933), L’Averse (n° 934), La Roche (soleil couchant) (n° 935), Soir (rue de Falaise) (n° 936) et Intérieur (n° 937).

1904

Le Havre, Galerie Lebas, Vues de Normandie (du 12 au 22 décembre).

Louis-Jules Hilly, « Art moderne – Chez Lebas – Exposition des “Vues de Normandie de E. Othon Friesz », in La Cloche illustrée, 17 décembre 1904 : « Je n’ai pas à présenter E. Othon Friesz aux lecteurs de La Cloche. À plusieurs reprises, dans de courts, trop courts articles, j’ai essayé de définir le tempérament vigoureux de Friesz, de démontrer combien il y a de sincérité et de science picturale dans l’exprimable exécution. Encore aujourd’hui, ce n’est pas les quelques lignes qui vont suivre, mais une étude consciencieusement fouillée qu’il faudrait consacrer aux Vues de Normandie exposées, en ce temps, chez Lebas. Certes, il n’est pas besoin de considérer des toiles comme Le Parterre, riche de tonalités fortes, vibrant du contraste heureux des rouges et des verts, ou encore Les Maisons, à travers les arbres fruitiers emmousselinées de tons gris, poème harmonieux en demi-teintes, pour reconnaître presque spontanément un talent supérieur. Il importe, cependant, de remarquer l’impression d’unité, de cohésion qui caractérise cette exposition. Friesz a scrupuleusement étudié les ciels de Normandie. Et c’est dans les colorations atténuées de la gamme infinie des brumes matinales qu’il nous montre la petite ville, imprécise encore, qui s’enrose peu à peu sous les rais du soleil blond (Soleil et brume matinale). Le midi a passé et vers le soir la petite ville s’endort dans les plis de l’écharpe mauve et tiède des brumes crépusculaires tendue par les mains opalines des heures lassées (Soir d’automne). Ailleurs, c’est le sentier parcouru par le temps gris et nostalgique d’automne, ou parfois, trouant les amas nuageux, la sangleur vespérale empourpre les frondaisons putrescentes, qui ramène vers la même petite ville anxieuse de l’orage pressenti (Le Nuage). Après l’averse, l’arc-enciel s’arque dans l’éther éclairci et de la terre s’élève la buée molle de l’évaporation pluviale sur les herbes refroidies. Mais je veux signaler particulièrement l’étude Soleil après l’orage devant laquelle je suis resté longtemps. D’un déchirement de nuages, le soleil s’abat violemment sur le paysage tout humide de l’orage passé ; mais sectionnée par l’ombre atmosphérique, la lumière ne darde que sur le sol, laissant les maisons et les arbres dans la pénombre. Cette toile, une des plus parfaites dans l’œuvre de Friesz, m’a fortement impressionné. Dans les études de la Foire de Guibray et du Marché de Falaise, Friesz a rendu avec un réalisme réel l’animation pittoresque des marchés bas-normands. On y sent la vie intense, aussi bien dans le Plein marché que dans la Bouchère ou les Vieilles marchandes d’oignons. D’autres toiles, encore, retiendront. Telles : les Ajoncs, le Moulin et, surtout, les Vieilles maisons du XVIe siècle qui semblent garder, dans leur calme morose, la souvenance des fastes abolis. On ne devra pas oublier d’examiner attentivement les intéressants et nombreux croquis à la plume, ainsi que les gouaches humoristiques : la Troupe de passage et Le Bal champêtre à Noran, traitées à la façon des estampes anciennes. »

Paris, Salon d’automne, Foire de Guibray (n° 503), Vue de Falaise (n° 504), Val d’Ante (soleil) (n° 505) et Val d’Ante (matinée) (n° 505). Paris, Salon des Indépendants, Soir de juin (Paris) (n° 961), Le Rocher de la Fileuse (n° 962), Le Chemin (Normandie) (n° 963), La Vieille Ville (soleil le matin) (n° 964) et Le Marché (étude de foule, Normandie) (n° 965). Paris,Galerie des collectionneurs, Exposition personnelle.

1905

Le Havre, Société des amis des arts : Le Château de Falaise, temps gris (n° 165) et Arbres et maisons, soleil (n° 166). Paris, Salon d’automne, L’Arbre (soleil) (n° 593), La Petite Ville à travers les arbres (soleil et nuages) (n° 594), La Petite Ville à travers les arbres (plein soleil) (n° 595) et Maisons à travers les arbres (soleil) (n° 596). Paris, Salon des Indépendants, Route entre les fermes (Normandie) (n° 1564), Gardeur de cochons (n° 1565), Foire aux chevaux, à Guibray (n° 1566), Ville à travers les arbres (brume du soir) (n° 1567), Ville à travers les arbres (brume du matin) (n° 1568), Le Viaduc d’Auteuil (n° 1569), Soleil après l’orage (n° 1570) et Croquis (marchés de Normandie) (n° 1571). Paris, Galerie Berthe-Weill : Roches (n°17), La Creuse (soir) (n° 18), La Creuse (plein soleil) (n° 19), Vallée de la Creuse (soleil du soir) (n° 20), Vallée de la Creuse (soleil du matin) (n° 21), Le PontNeuf (14 juillet) (n° 22), Premières lumières (Seine) (n° 23), Notations de foule (Falaise) (n° 24), Foire aux chevaux (Guibray) (n° 25), Foire aux chevaux (côté des chevaux entiers, Falaise) (n° 26), Moulin (Val d’Ante, Falaise) (n° 27) et Sentier (automne) (n° 28).

Othon Friesz Portrait de René de Saint-Delis, 1904 Huile sur carton, 57,5 x 37,5 cm MuMa, Le Havre, inv. A53.20. Le Havre, Cercle de l’art moderne, Quai à Paris, soleil (n° 38) et Quai au Havre, soleil (n° 39). Le Havre, Exposition des vues d’Anvers de Friesz par le Cercle de l’art moderne.

Paris, Salon d’Automne, Croiseur pavoisé (n° 611), Péniches dans le port (n° 612), Entrée d’une corvette (n° 613) et Le Katendick (Anvers) (n° 614). Paris, Salon des Indépendants, Le Havre (port, soleil) (n°1894), Le Havre (porte, temps gris) (n° 1895), Le Havre (bassin, soleil) (n° 1896), Honfleur (quai, soleil) (n° 1897), Les Bouées (Honfleur) (n° 1898), Arbres et maisons au soleil (Normandie) (n° 1899), Étalage d’antiquaire (nature morte) (n° 1900) et La Mort d’Auguste (n° 1901).

1907

Le Havre, Cercle de l’art moderne, La Place Dauphine, soleil de printemps (n° 22) et La Route, soleil d’hiver (n° 23). Paris, Salon d’automne, Baigneuse (n° 623), Paysage (n° 624), La Roche (n° 625), La Calanque (n° 626) et Les Pins (n° 627). Paris, Galerie Berthe-Weill. Rouen, Les XXX, groupe d’artistes et de littérateurs indépendants, Côte de Grâce à Honfleur (Automne) (n° 15), Clos normand à Falaise (n° 16) et L’Escaut à Anvers (n° 16 bis). Paris, Salon des Indépendants, L’Automne (n° 1887), Paysage (automne) (n° 1888), Arbres (automne) (n° 1889), Paysage (Honfleur) (n° 1890), La Côte de Grâce, Honfleur (n° 1891) et Balisage de la Seine (Honfleur) (n° 1892).

1908

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Travail automnal (n° 22), Dessins (n° 23), ainsi que, à la section Dessins, Étude pour le travail automnal (n° 70), Nu (n° 71) et Jetée de Honfleur (n° 72), aquarelle, et des faïences stannifères (n° 87).

Georges Rimay, « Cercle de l’art moderne – Troisième Exposition (Hôtel de ville), in La Cloche illustrée, 27 juin 1908 : « M. Othon Friesz, notre concitoyen, tient une bonne place à cette exposition et, peut-être, en effet, est-il un des mieux doués. Et, si parfois, ses œuvres nous surprennent au premier regard, c’est sans effort qu’on découvre, avec les richesses de sa palette, l’éclat de la lumière, le frisson des frondaisons, la transparence du ciel changeant et, en un mot, l’âme chantante des paysages… Et c’est là surtout le Friesz des Études. Mais cette fois, l’artiste a envoyé une grande toile, Travail automnal. M. Friesz évolue et s’achemine vers le tableau de composition. Nous en avons goûté l’unité et l’ordonnance non dépourvues d’expression. Une harmonie égale en imprègne l’ensemble et l’œuvre semble conçue comme un grand poème symbolique. La facture en est lourde, le dessin fruste, la couleur terne, et il semble bien que pour ces raisons, le symbole se dégage imparfaitement. Nous devons attendre avec confiance les nouvelles œuvres de M. Othon Friesz. »

Paris, Salon d’automne, Printemps (n° 715), Les Toits et la Cathédrale (Rouen) (n° 716), Le Pêcheur (n° 717), Paysage (Les Andelys) (n° 718), Étude (Les Andelys) (n° 719) et Le Ballon (Rouen) (n° 720). Paris, Salon des Indépendants, Travail à l’automne (n° 2354), Printemps (esquisse) (n° 2355) et Paysage (Provence) (n° 2356, 2357, 2358 et 2359).

1909

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Été (n° 27) et Étude pour l’été (paysage) (n° 28), ainsi que des faïences stannifères (n° 87).

Claude Lantier, « Cercle de l’art moderne – Exposition de peinture », in La Cloche illustrée, 12 juin 1909 : « J’accueille plus difficilement cette déformation frisant la laideur et j’avouerai tout net que les envois de M. Van Dongen m’ont surpris et peiné, ceux de M. Braque aussi, et aussi le grand panneau Été de M. Othon Friesz, qui me paraît s’éloigner de l’unité, de l’harmonie dont il est cependant l’artisan. » Paris, Salon des Indépendants, Été (n° 648) et Étude au cirque (n° 649).

1910

Paris, Salon des Indépendants, Adam et Ève (n° 1969).

Alexandre Louis Gamare naît à Beuzeville, dans le département de l’Eure, le 2 mars 18621. Son père, Louis Léonard Gamare, y est installé comme épicier-cafetier avec son épouse, Aimée Joséphine Delarue. Alexandre est l’élève de Lhullier à l’école municipale des Beaux-Arts du Havre et élève du peintre de fleurs Charles Delsescaux2. Marchant sur les pas de ce dernier, il devient peintre-décorateur et œuvre notamment aux décors du café de l’Exposition maritime internationale de 1887. Paul Védrine écrit : « M. Gamare a fait de la décoration un art véritablement délicat et ce ne doit pas être facile puisque beaucoup de peintres, dont les affreux barbouillages s’étendent comme une lèpre sur les murs de certains établissements publics du Havre, s’intitulent gravement peintres-décorateurs. Pour ceux-là, les commandes affluent, tandis qu’un petit nombre de délicats seulement savent

Alexandre Gamare apprécier les mérites de cette peinture si poétique. A. Gamare a brossé avec (Beuzeville, 1862 - id., 1938) beaucoup de goût les grands panneaux Par Michaël Debris qui décoraient le café de l’Exposition. On s’en souvient encore. Les roses et les fleurs du premier plan n’étaient-elles pas des petits chefs-d’œuvre d’exécution et de couleur3 ? » Suite à une affection au plomb, Alexandre doit abandonner ses pinceaux sur l’injonction des médecins. Il réside chez son frère, Eugène Auguste4, de dix-huit mois son cadet, quand il expose au Havre en 1890 et 1891, mais est ordinairement installé à Beuzeville, où il est né et vit de son travail de peintre. Il y décède le 1er mai 1938 après avoir modestement exposé dans les salons locaux.

1 Archives départementales de l’Eure, Actes d’état civil de Beuzeville, naissances, 1862, acte n° 9 - 8Mi0513N0391. 2 Peintre né à Mâcon, il exerce principalement comme peintredécorateur mais expose à plusieurs reprises au Salon, notamment en 1877 et 1879. 3 Paul Védrine, Marrons sculptés,

Le Havre, Maudet & Godefroy, 1887, p. 49-50. 4 Beuzeville, 29 novembre 1863 –

Le Havre, 18 juillet 1909.

Il exerce comme brasseur de cidre, installé au 214, rue de Normandie, au Havre. C’est Alexandre Louis

Gamare qui déclare sa mort. Il est désigné comme peintre dans l’acte de décès.

Expositions

1890

Le Havre, Société des amis des arts, un pastel, Portrait (n° 481).

1891

Rouen, 32e exposition municipale de beaux-arts, deux pastels, Portrait de M. le docteur Fauvel (n° 966) et une étude au pastel (n° 967).

1895

Rouen, 34e exposition municipale de beaux-arts Lièvre tué au gîte (n° 255) et Roses et amateur (n° 256).

1903

Évreux, Société des amis des arts, Jour d’été et Bout de sentier.

Henry Chartraine, « L’exposition des beaux-arts d’Évreux en 1903 », in Société des amis des arts du département de l’Eure : bulletin XIX, imprimerie Herissey, Évreux, 1904, p. 40 : « Jour d’été et Bout de sentier par M. Gamare sont d’un peintre d’avenir ».

Cadet d’une fratrie, Achille Eugène Godefroy naît le 15 novembre 1882 au domicile parental du 7 rue Neuve-dela-Halle, au Havre. Sa mère, Valentine Adélaïde Sophie Lechartier, s’occupe du foyer et meurt alors que le jeune Achille n’a pas trois ans1. Son père, Eugène Auguste Godefroy, est installé comme typographe, quand son oncle, Auguste Godefroy, également imprimeur, deviendra le directeur du journal La Cloche illustrée. Malgré l’absence de source écrite, il est plus que vraisemblable que Godefroy suive les cours de l’école d'art du Havre dirigée par Lhullier avant que d’être brillamment admis à l’École nationale des beaux-arts le 8 novembre 19002. On ne saurait en effet concevoir qu’il ait pu intégrer l’École sans avoir suivi une solide formation préalable. Au regard de son âge, il aurait donc suivi le cours de Courché à l’École des beaux-arts du Havre et n’aurait intégré le cours supérieur qu’après la mort de Lhullier. Durant ses études à l’École nationale des beaux-arts, Godefroy est l’élève de Jules Lefebvre et de Tony Robert-Fleury, et devient massier de leur atelier, ce qui lui confère le soin d’enseigner, sous l’autorité de ses professeurs, aux jeunes élèves. Il est reconnu comme un excellent étudiant par ses professeurs et se voit décerner des médailles pour les esquisses peintes, la figure dessinée, la figure peinte et le torse peint. Godefroy franchit quatre fois les épreuves éliminatoires du concours de Rome3 . Seulement âgé de vingt-deux ans, il obtient en 1904 le premier second Grand Prix de Rome – Il n’y a pas eu de premier Grand Prix délivré cette année-là –, avec Salomé reçoit des mains du bourreau la tête de saint Jean-Baptiste, aujourd’hui conservé dans les collections du MuMa4 . Il quitte l’École nationale des beaux-arts en juillet 1911. Nécessité faisant loi, il doit désormais suivre la voie paternelle et travailler à l’imprimerie familiale, regrettant quelques années plus tard : « J’avais une trop haute idée de l’Art pour me jeter dans une voie secondaire

Achille Godefroy et y végéter misérablement. C’est avec le déchirement que vous comprenez que j’ai (Le Havre, 1882 - Puisieux, 1914) quitté mes pinceaux et je me suis mis avec courage et la mort dans l’âme à m’initier M. D. au métier de mon père, l’imprimerie5 . » Quand il se marie le 17 janvier 1912 avec Élisa Charlotte Morice6, il se déclare en effet imprimeur. Le 25 octobre de la même année, un fils, Georges, naît au domicile des jeunes époux7 . Achille Godefroy participe en 1912 à l’illustration de l’ouvrage de Paul Delesques, Poèmes normands et récits cauchois, aux côtés d’autres artistes havrais dont René de Saint-Delis, Raymond Lecourt ou Georges-William Damaye. En 1914, il postule à la succession de Lamotte, décédé, comme directeur de l’école d'art et conservateur du musée des Beaux-Arts8. Sa candidature, bien que soutenue par ses anciens maîtres Raphaël Collin, Jean-Paul Laurens, Ferdinand Humbert et Marcel Baschet, est écartée au profit de celle d’IsaacEdmond Boisson, déjà en poste en tant que professeur à l’école d'art de la ville. Parti comme lieutenant au 318e régiment d’infanterie, Achille Godefroy meurt au champ d’honneur lors du combat de Puisieux (Oise), le 20 septembre 1914.

1 Archives départementales de la Seine-Maritime, état civil, 1885, décès, 8Mi2897, acte 3062. 2 Il reçoit à partir de 1901 une bourse municipale d’étude de 600 francs annuels, qu’il conservera pendant sept ans. 3 En 1904, 1906, 1907 et 1908.

Archives nationales, AJ52-308. 4 Inv. 2015.2.33. L’intitulé du concours de Rome est alors

« Hérode, ayant promis à Salomé la tête de saint Jean-Baptiste, envoya un de ses gardes dans la prison. Celui-ci coupa la tête de Jean et la donna à la jeune fille. » Une esquisse préparatoire est conservée à l’École nationale supérieure des beaux-arts inv. PC 32595-1904-7. 5 Courrier d’Achille Godefroy à Henry

Génestal, 15 mai 1914. Le Havre,

Archives municipales, FC R1, carton 15, liasse 1. 6 Il devient dès lors le neveu par alliance d’Albert-René Morice, plus connu sous le pseudonyme d’Albert-René. Le revuiste est le témoin de l’union des jeunes gens. 7 Albert Roussat, décorateur (voir infra), est l’un des témoins de la déclaration de cette naissance.

Georges Godefroy tiendra ultérieurement un commerce de fournitures pour les peintres à l’enseigne Le Dessin au Havre, avant d’embrasser une carrière littéraire sous son nom ou sous les pseudonymes de Michel Lambesc ou d’Annie Granval. 8 Arrêté du maire du 22 avril 1914.

Le Havre, Archives municipales,

FC R1, carton 15, liasse 1.

Expositions

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Tête de jeune fille (n° 176).

1910

Paris, Salon, Portrait de Mlle D… (n° 871).

1912

Le Havre, Galerie P. Maury.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 1er mai 1912 : « Bien jolis les dessins, portraits et croquis qu’expose actuellement chez Maury l’artiste havrais Achille Godefroy. Les brillants succès remportés par Achille Godefroy à l’École nationale des beaux-arts, succès consacrés par l’obtention du prix de Rome, faisaient augurer d’une heureuse carrière artistique. Si notre concitoyen a quelque peu délaissé les pinceaux qu’il maniait pourtant avec un distingué talent, il se plaît à reprendre de temps en temps le crayon, et il se rappelle au souvenir des amateurs d’art par des œuvres charmantes. On remarquera ces portraits, leur brillante et probe exécution, la souplesse et la douceur enveloppante du trait, la vivante expression et le mouvement du sujet. Il y a là d’excellentes qualités qui soulignent un tempérament d’art. Il serait à souhaiter que ce talent se fît moins discret et que l’occasion plus fréquente nous fût donnée d’en signaler les manifestations. »

1920

Le Havre, Exposition collective au Hall de La Cloche.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 28 avril 1920 : « Élève de Jules Lefebvre et de Tony Robert-Fleury, Achille Godefroy remporta le prix de Rome. Il avait devant lui un avenir artistique brillant quand la guerre survint. […] L’art a perdu en Achille Godefroy un loyal et digne serviteur. Profondément classique par tendance et par goût, mais d’un esprit assez largement ouvert sur la beauté pour suivre l’évolution de la peinture, l’observer et reconnaître l’effort partout où il est stimulé par la conscience et le culte de l’idéal, Godefroy est demeuré fidèle à son école, à ses principes de dessin scrupuleux, à son coloris sévère. La rétrospective du Hall de La Cloche montre à ce propos des œuvres particulièrement dignes d’intérêt, des portraits au crayon d’une souplesse d’exécution qui souligne leur finesse et leur distinction, des portraits à l’huile parmi lesquels celui d’une jeune fille tenant des fleurs, qui est une toile en tous points remarquable ; un grand tableau de concours, La Lapidation du martyr, montrant surtout un sens pittoresque de composition et une recherche heureuse du mouvement, quelques petites toiles, études, travaux d’école, etc. L’ensemble constitue un délicat et fervent hommage à la mémoire d’un artiste qui fit honneur à la cité. Son nom, à un double titre, comme peintre et comme combattant, doit être salué avec une profonde, respectueuse et reconnaissante sympathie. »

Achille Godefroy Hérode fait présenter à Salomé la tête de Saint-Jean-Baptiste, 1904 Huile sur toile, 146 x 115cm MuMa, Le Havre, inv. 2015.2.33.

Eugène Jouy L’Anse des Pilotes du Havre et l’Ancien Musée des Beaux-Arts, 1932 Huile sur toile, 40,4 x 54,2 cm MuMa, Le Havre, inv. 1982.41.

Eugène Jouy

1 L’union est célébrée le 5 octobre 1863, en présence de Sénateur

Lebas, dit le « père Lebas », doreur, qui tient une boutique d’encadrement où il expose nombre d’artistes. 2 Elle est veuve de Lucas Émile Petit, décédé le 21 octobre 1906. C’est sans doute dans la boutique paternelle d’estampes de la rue d’Ingouville qu’Eugène Alfred Napoléon Jouy s’initie précocement aux choses de l’art. Il naît en effet le 4 novembre 1866 dans le foyer de Philippe Joseph Jouy, marchand d’estampes, miroitier et encadreur, et de Victorine Ambroisine Dubois, au 9, rue de la Chaussée, dans le quartier de l’hôtel de ville, au Havre1. Il devient l’élève de Charles Lhullier à l’école municipale des Beaux-Arts et obtient, en 1885, le 2e prix ex aequo lors de la distribution des prix de l’école d'art du Havre pour le dessin d’académie d’après la bosse. Il suit ensuite les cours d’Adolphe Marais. Ce dernier, Honfleurais d’origine, devient sociétaire des artistes français et un ami d’Eugène Boudin.

Eugène Jouy se marie le 1er mai 1909 à la mairie de Sanvic avec Alice Marie (Le Havre, 1866 - id., 1937) Beux2. Le témoin de la mariée n’est autre que Jules Balière, maire de la commune, M. D. dont Jouy a réalisé le portrait en 1893, portrait qu’il a présenté à l’exposition de la Société des amis des arts du Havre la même année. Deux filles au moins naissent de cette union, mais elles ne vivront que fort peu. Marcelle Louise, née le 27 septembre 1908, mourra quinze jours plus tard, le 12 octobre. Sa cadette, Marcelle Adèle, née le 17 novembre 1909, décédera le 24 août 1910. Reconnaissable à son abondante barbe blanche héritée de son père, Eugène Jouy meurt d’une crise cardiaque à l’hôpital du Havre le 19 mai 1937. Un buste en bronze de saint Jérôme, œuvre du sculpteur Robert Busnel, veille

Will Le Père Jouy, 1936 Encre sur papier, 32 x 25,5 cm MuMa, Le Havre, inv. AD8. curieusement sur sa tombe au cimetière de Bléville. La figure du saint a été exécutée, quelques années auparavant, d’après la figure bonhomme du « père Jouy ».

Dans une hagiographie posthume, Charles Vigné dit de lui : « C’était avant tout un artiste, ne pouvant pas travailler sur commande, attendant l’inspiration, produisant son œuvre naturellement, comme un pommier produit les pommes, et sans se préoccuper de ce qu’elle pourrait lui rapporter. Mais s’il ne pratiquait son art que par intermittence, il l’aimait et il était heureux d’en parler. […] Alfred Jouy ne semblait travailler que pour sa satisfaction personnelle, avec le seul souci de traduire habilement les impressions qu’il éprouvait. Ses tableaux sont de qualité et un portrait de son père, que les promeneurs ont pu voir dans les vitrines de la boutique paternelle, est une œuvre de grand mérite qui valut à l’artiste quelques commandes. Alfred Jouy s’est surtout fait valoir comme un maître du fusain. Ses paysages sont admirablement équilibrés ; une grande puissance de tonalités s’y associe à une délicatesse de touche et leur donne un charme expressif vraiment attachant. Il faut admirer l’expression vigoureuse des premiers plans, la somptuosité des futaies, la belle gradation avec laquelle sont transcrits le calme de nos étangs ou la notation des brumes matinales3 . »

Les musées du Havre conservent de lui plusieurs œuvres, dont le portrait de son père, réalisé en 1890 et présenté l’année suivante au Salon de Rouen4 .

3 Charles Vigné, « Alfred Jouy », in Le

Petit Havre, 21 mai 1937. 4 MuMa, Le Havre, inv. A182.

Expositions

1888

Rouen, 31e exposition municipale de beaux-arts, Un poste dangereux (n° 338).

1889

Rouen, Société des amis des arts, Souvenir des grandes manœuvres (n° 150).

1891

Rouen, 32e exposition municipale de beaux-arts, Portrait de mon père (n° 431) et Une partie à la veillée, fusain (n° 1005).

1893

Le Havre, Société des amis des arts, Portrait de M. Balière, maire de Sanvic (n° 266).

1896

Le Havre, Société des amis des arts, Portraits de M. et Mme X. (n° 350) et Portrait – Un élève de Fontainebleau (n° 351).

1897

Rouen, 35e exposition municipale de beaux-arts, Rêverie (n° 352).

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Portrait de Mlle L.A. (n° 626) et Portrait de mon père (n° 627), deux fusains.

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Portrait de Mlle L.A. (n° 222) et Portrait de l’adjudant O.A. (n° 223).

1905

arts, Après la tempête (n° 241) et Matinée de juin, fusain (n° 637).

Daphnis, « Exposition des Beaux-arts – Les dessins – Aquarelles, pastels, miniatures, gravures, eau-forte », in Revue comique normande, 23 septembre 1905 : « 637 – Jouy – Matinée de juin. Combien nous préférons ce tableau aux portraits que notre concitoyen nous exhibait de temps à autre. Il y a certes un bel effet lumineux, devant cette barrière ouverte : sur le chemin qui mène aux champs. S’il n’a pas la vigueur d’un Allongé, il est fort estimable et fait honneur à l’artiste qui l’a charbonné. »

Edmond Lahure, La Rocque, 1873 Huile sur panneau, 12,6 x 35 cm MuMa, Le Havre, inv. 73.61.

Appartenant à une des plus anciennes familles havraises, Edmond Lahure naît au Havre le 22 février 1831 d’Édouard Marie Aimar Lahure (1797-1882), négociant, et de Pauline Benoist, son épouse1 . Édouard Lahure est fortement investi dans la vie de la cité. Il offre à la chambre de commerce de la ville son premier bateau de sauvetage en 1844, sur un modèle de son invention, et donne quelques années plus tard des conférences sur la construction navale. Il est par ailleurs conseiller municipal en 1847 et capitaine des pompiers pendant quinze ans. Héritier d’une maison de commerce, il devient directeur de la compagnie anonyme d’assurances maritimes du Havre. C’est Paul, le frère d’Edmond, qui prendra la suite de son père à la tête de la compagnie nouvelle d’assurances maritimes. Edmond Lahure préfère en effet s’engager dans la voie des armes. En 1860, il est lieutenant au 12e de ligne alors stationné en Algérie, avant d’être en garnison au Havre en 1862. En 1865, il est lieutenant au 19e de ligne en Italie. Quand il épouse Estelle Thadea Bonnaud2 le 26 avril 18703, il est capitaine de la garde mobile. Son acte de décès indique qu’il était officier en retraite.

Edmond Lahure C’est donc en amateur qu’Edmond Lahure peint. Il est élève de Gustave (Le Havre, 1831 - Nice, 1890) Boulanger et de Lefebvre à l’académie Julian en 1873-1874, mais également M. D. de Wachsmith et plus tardivement de Lhullier. Il obtient, en 1868, une médaille de bronze à l’exposition des beaux-arts de l’exposition maritime internationale du Havre pour Une fontaine à Tivoli (n° 656). En 1876, il participe avec Arthur-Louis Soclet à la réalisation de décors pour l’opéra-comique Les Deux Billets, donné dans la salle de la Lyre havraise, dont son frère, Paul Lahure, musicien amateur de renom, dirige l’orchestre4 . Edmond Lahure trouve la matière à son activité de peintre dans les villes où il réside, en garnison ou en villégiature. Les couleurs algériennes lui inspirent plusieurs œuvres, dont sa Danse arabe à l’oasis de Chaouïa, présentée à l’exposition de 1875. De même, témoin de l’arrivée à Frosinone de neuf brigands pris aux environs de Veroli, dans la région du Latium italien où il stationne en tant que lieutenant, il se fait correspondant du Monde illustré par l’envoi d’un croquis illustrant l’événement5. De Nice, où son père résidait régulièrement, il peint le marché du cours, qu’il expose lors de la dernière manifestation à laquelle il participe en 1887.

1 Mariés au Havre le 23 avril 1823. 2 Née le 6 avril 1846 à Sartène (Corse), elle décède le 31 octobre 1889 à Nice. Son frère a été l’administrateur de la Société des bains de mer de Monaco. 3 Archives de Paris, mariages, 7e arrondissement, V4E 856, acte 243. 4 Le Monde artiste : théâtre, musique, beaux-arts, littérature, 16 décembre 1876, p. 4. 5 Le Monde illustré, 21 janvier 1865.

Lahure décède à Nice, où il semble s’être retiré, le 19 octobre 18906, un an après son épouse.

Le MuMa conserve deux œuvres de Lahure, toutes deux datées de 1873, qui représentent des paysages normands dans la vallée de la Seine : La Rocque et Villequier. Le traitement y est quelque peu raide et on observe une certaine sécheresse dans la manière. Ils constituent néanmoins un heureux témoignage de l’activité picturale d’Edmond Lahure.

Expositions

1858

Le Havre, Société des amis des arts, Sujets arabes, aquarelle (n° 644).

1860

Exposition municipale du musée de Rouen, quatre aquarelles : Enfants arabes (Algérie) (n° 372), Femmes arabes au silo (Algérie) (n° 373), Jeunes filles (Algérie) (n° 374) et Sous la feuillée (n° 375).

1862

Exposition municipale du musée de Rouen, Intérieur turc, aquarelle (n° 1005).

1868

Le Havre, exposition des beauxarts de l’exposition maritime internationale, Une fontaine à Tivoli (n° 656), Dans les jardins de Salluste (n° 657), Vetralles dans la route de Viterbe (n° 658), Aïchor, souvenir d’Afrique (n° 659), Beatrix (n° 660), Dans la Sabine (n° 661), Les Bords du Tibre à l’Acqua Acetosa (n° 662), Après la lessive (n° 663), Lac de Bracciano (n° 664) et Porte à Anticoli (n° 665), aquarelles.

A. Devaux, « Étude sur la récente exposition de peinture de la Société des amis des arts du Havre », in Recueil des publications de la Société havraise d’études diverses, Le Havre, 1869, p. 231 : « M. Edmond Lahure est aussi du petit nombre des peintres qui savent donner à leurs œuvres un caractère de grande vérité jointe à une grande simplicité. Pour être “simple”dans une œuvre d’imagination, il faut être très habile et avoir fait de sérieuses études. Nous avons admiré son tableau (peinture à l’huile), Souvenir d’Algérie, ainsi que trois aquarelles rappelant des sujets algériens. »

1875

Exposition des beaux-arts du Havre organisée sous le patronage de la Société nationale havraise d’études diverses, trois aquarelles : Danse arabe à l’oasis de Chaouïa (n° 530), La Seine audessous de Villequier (n° 531) et Un lavoir à Aizier (n° 532).

Hippolyte Fenoux, Le Salon havrais. Souvenir critique de l’exposition des beaux-arts, Le Havre, Félix Santallier, 1875, p. 49-50 : « Le Lavoir de M. Lahure est une bonne et vigoureuse étude. Dans sa vue de la Seine, très légèrement faite, il y a un reflet bleu sur l’eau, que le ton du ciel n’explique pas suffisamment. Nous aimons beaucoup moins sa danse arabe, assez brillante de ton, mais lourdement dessinée. »

A. Devaux, « Mémoire sur l’exposition des beaux-arts de 1875 », in Recueil des publications de la Société havraise d’études diverses, Le Havre, Lepelletier, 1876, p. 414 : « Nous avons vu avec plaisir les aquarelles d’Edmond Lahure. Ce n’est pas la première fois que nous lui adressons tous les éloges qu’il mérite. » Robert Le Minihy de La Villehervé, Une exposition de beauxarts en province. Le Havre, 1875, Le Havre, Labottière et Cie, 1875, p. 67 : « M. Edmond Lahure accuse un tempérament pareil, qui va droit au but ; il aime surtout les couleurs sonores et rend vivement la nature. »

1878

Rouen, 26e exposition municipale des beaux-arts, Petite Kabylie (n° 627) et aquarelle (n° 628).

1879

Salon des artistes français, Le Ruisseau d’Ametot, près de Norville (Seine inférieure), aquarelle, (n° 3920).

1880

Rouen, 27e exposition municipale de beaux-arts de Rouen, Vue de la traverse à Villequier, aquarelle (n° 762). Le Havre, Société des amis des arts, Villequier en mars (n° 527), Faneurs au repos (n° 528) et Dans un parc (n° 529), aquarelles. Salon des artistes français, Villequier, février, aquarelle (n° 5084), et Un chantier de faneurs faisant la mézienne (rives de la Seine), technique non précisée (n° 5085).

1882

Rouen, 28e exposition municipale de beaux-arts, Villequier, pris du Grand-Val (n° 998), Villequier pris du Dos-d’Âne (n° 999) et La rue d’Eau à Caudebec, moulin de la rive (n° 1000), aquarelles. Le Havre, Société des amis des arts, La Sieste (n° 685), Eza, environs de Nice (n° 686), Le Havre, étude dans le jardin de Mme Lockhart (n° 687), Pêcheurs niçois (n° 688) et Route de Cimiez, environs de Nice (n° 689), aquarelles.

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Le Marché du Cours à Nice (n° 332)

Jules Lalouette Le Havre, Bains, hôtels et casino Frascati Photographie, vers 1895, 30,4 x 21 cm Le Havre, Archives municipales, 71 Fi 196.

Jules Lalouette

(Fécamp, 1855 - Le Havre, 1921)

Le titre des œuvres que Jules Lalouette expose dans les salons normands entre 1893 et 1914 tend à montrer son intérêt pour les marines et les choses de la mer. Pouvait-il en être autrement pour un fils de marin ? Avant d’affronter la mer, Pierre Généreux Lalouette officiait pourtant comme préposé aux douanes à Fécamp, et c’est donc dans cette ville portuaire que naît Jules Pierre Lalouette le 23 janvier 1855. Sa mère, Élise Eugénie Mayeux, est alors couturière. Jules Lalouette devient l’élève de Lhullier à l’école municipale des Beaux-Arts du Havre et s’engage, après la mort de son vieux maître, survenue en 1898, en faveur de la candidature de Louis Saraben pour le remplacer comme professeur de dessin. Parmi les signataires de la pétition, Raoul Autin, qui, comme Lalouette s’installera ultérieurement comme photographe au Havre. Lalouette commence pourtant son activité professionnelle comme dessinateur. Il se déclare comme tel lorsqu’il épouse au Havre Augustine Alexandrine Prayal le 23 septembre 1881. Force est de constater que les amitiés nouées dans le Cercle des photographes sont fortes chez Lalouette, ainsi qu’en témoignent les personnes qui l’accompagnent lors de la déclaration

de la naissance de ses enfants. À la naissance de sa fille, Jeanne Valentine1, le 23 octobre 1883, un des témoins est Léon Behrends, photographe havrais. Pour celle M. D. de son fils, Maurice Pierre Auguste2, le 26 avril 1894, le témoin est Léopold Letrouvé, également photographe, avec qui il conclut une association professionnelle. On ne sait pourtant pas quand il embrasse la carrière photographique. Néanmoins, quand il rapporte le décès de la veuve Caccia le 4 juin 1892, il est indiqué comme photographe. Il s’associe en 1894 avec Léopold Letrouvé pour reprendre la succursale havraise d’Émile Tourtin3. De nombreuses photographies indiquent alors « Photographie d’art, Maison É. Tourtin – Letrouvé et Lalouette, successeurs, 88, boulevard de Strasbourg ». L’atelier tire le portrait de nombre de bourgeois de la place, ou de personnalités – tel Félix Faure en uniforme –, comme le portrait de yachts qui mouillent dans le bassin du Commerce. Mais les portraits réalisés ne sont pas seulement photographiques, ainsi que nous l’enseigne l’entrefilet paru dans la presse locale en 1914 : « Les maisons dont les noms suivent peuvent fournir à leur clientèle des “Portraits artistiques” au pastel, à l’aquarelle, esquisses, etc. : Fornallaz, Hébert, Lamusse, Lambert,

1 Elle se marie au Havre le 18 février 1911 avec Toussaint René Queval.

Dans l’acte de mariage, son père est indiqué comme exerçant en tant que « peintre photographe ».

Queval, entrepreneur de déménagement, meurt au front à Fleury en juin 1916. Sa veuve lui survit de longues années et décède à Étretat en 1953. 2 Maurice Lalouette devient architecte et participe aux travaux de la reconstruction après-guerre d’îlots de la place de l’hôtel de ville ou du square Saint-Roch. Il se marie au Havre le 2 octobre 1917 avec

Marthe Jeanne Letellier et décède le 26 avril 1973 au Havre. 3 Le fonds a déjà changé de mains depuis le départ de Tourtin, mais il est sans doute plus avantageux de se réclamer de l’héritage de

Tourtin que de Beuscher ou Cauville, qui se sont succédés à cette adresse entre-temps.

Lalouette, Potier, Roche4 . » Les activités de peintre et photographe sont ainsi complémentaires, à l’instar de Charles Potier qui retouche les photographies à la peinture5 dans sa boutique de la rue Thiers.

Lalouette et Letrouvé réalisent également des photos de la ville et du port, qui font l’objet d’une publication en 1900, Les Plages normandes : Le Havre6, et où l’on retrouve l’intérêt de Lalouette pour l’univers maritime et portuaire. Plusieurs font l’objet de tirages sous forme de cartes postales. Les vues sont majestueuses, structurées comme le serait un tableau, ce qui ne saurait nous étonner au regard de la formation picturale de Lalouette. Certaines vues tendent vers la photographie pittoresque.

Lalouette poursuit la peinture, qu’il continue d’exposer de façon régulière aux Salons organisés par la Société des amis des arts du Havre. Il meurt le 2 juin 1921 à son domicile, 38, rue Dicquemare, au Havre7. C’est son fils Maurice, accompagné de Charles Potier, qui déclare le décès aux services municipaux.

Léopold Letrouvé et Jules Lalouette Le Havre, rue du Petit Croissant Photographie, vers 1900, 12,2 x 17,7 cm le Havre, Archives municipales, 71 Fi 110.

4 Le Petit Havre, 5 avril 1914. 5 Voir infra. 6 Lalouette et Letrouvé, Les Plages normandes : Le Havre, Le Havre,

Lemale et Cie, 1900. Le Havre,

Archives municipales, IMA052. 7 Archives départementales de la Seine-Maritime, 4E 20044, acte 1610.

Expositions

1893

Rouen, 33e exposition municipale de beaux-arts, Un coup de main, aquarelle (n° 1042).

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Groupe de bateaux de pêche au mouillage (n° 638) et Un coin du Grand Quai au Havre (n° 639), deux aquarelles.

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Crevettier sortant du port du Havre (n° 234) et Marine (n° 234), deux huiles sur toiles, ainsi que Retour de la vente – Marine (n° 573) et Entrée de barques de pêche dans le port (n° 574), deux aquarelles.

1905

Le Havre, Société des amis des arts, En spectateurs – Coucher de soleil, marine (n° 652) et Le Départ des réservistes – Attention ! sujet militaire (n° 653).

1906

Rouen, 37e exposition municipale de Beaux-Arts, Le Bateau de Honfleur, par gros temps, aquarelle (n° 784).

1909

Le Havre, Société des amis des arts, Sortie d’un canot de sauvetage (n° 45) et Pêcheurs de harengs secouant leurs filets (n° 46), deux huiles sur toiles, ainsi que Barques à chalut, à l’échouage (n° 111) et Le Vieux Havre (n° 112), deux aquarelles.

1914

Le Havre, Société Havraise des amis des arts, Pêcheurs de hareng (n° 125) et Mer basse (n° 126), deux huiles sur toile, et Effets d’orage (n° 316) et Temps calme (n° 317), deux aquarelles.

Édouard Lamy Vue des environs de Sézanne, ou Troupeau de moutons en marche aux environs de Sézanne, ou Le Retour du troupeau, 1887 Aquarelle sur papier, 22 x 31 cm MuMa, Le Havre, inv. 2014.0.40.

1 Inv. A208. 2 On sait toutefois que sa sœur

Marie Félicie est domiciliée 33, rue du Havre, à Sainte-Adresse, en 1905. Elle a épousé Alexandre

Hazard, débitant de tabac, qui déclare le décès de son beau-frère. 3 Registre des inscriptions aux ateliers, Archives nationales,

AJ/52/248. 4 Albert Herrenschmidt, « Édouard

Lamy », in Le Havre qui passe.

Chroniques havraises 1906, imprimerie du journal Le Havre, 1907, p. 121. 5 MuMa, Le Havre, inv. A209.

Elles sont datées de 1887. 6 Louis-Jules Hilly, « Chronique d’art – Édouard Lamy », in La Cloche

Illustrée, 24 septembre 1904. La moustache épaisse, le poil noir, l’œil vif sous la casquette solidement vissée sur le crâne, c’est ainsi qu’apparaît Édouard Lamy dans un autoportrait sur fond rouge, aujourd’hui conservé au musée du Havre1. Sa figure tient à la fois du paysan au bon sens solidement ancré dans la terre jurassienne qui l’a vu naître, et de l’artiste soucieux de sa mise, une lavallière blanche élégamment nouée autour du cou. C’est pourtant loin du Havre et du milieu artistique que François Édouard Lamy voit le jour. Il naît le 12 mai 1856 à Salins, dans le canton de Poligny. Son père, Antoine Lamy, y exerce la profession de cantonnier tandis que sa mère Judith Munerot cultive la terre nourricière. Les circonstances dans lesquelles Lamy arrive au Havre ne sont malheureusement pas documentées2 . Toujours est-il qu’il y devient l’élève, à l’école municipale des Beaux-Arts, de Charles Lhullier pour lequel il conserve un souvenir mêlé de tendresse filiale. Il rejoint, grâce à une bourse de la Ville du Havre, l’École nationale des beauxarts dès 1877, où il fréquente l’atelier de Cabanel dès 18793 et où Georges Fauvel le rejoindra quelque temps après. « Je suis l’élève du père Lhullier […]. En sortant de l’École, où l’excellent professeur – qui

Édouard Lamy fut avant tout pour nous le plus précieux et le plus affectueux des amis – nous (Salins, 1856 - Le Havre, 1905) inculqua les premières notions et ouvrit nos cervelles aux conceptions d’art, on M. D. pouvait après avoir tiré bon profit de la leçon, se présenter hardiment aux BeauxArts. Le père Cabanel ne tardait pas à nous reconnaître4 … » Il touche tour à tour à la peinture à l’huile et au pastel, aux portraits et aux tableaux de genre. Ses toiles empruntent à la veine pré-impressionniste – ses Lavandières5 témoignant d’une remarquable proximité avec l’art de Boudin – ou à la veine réaliste (Le Brûleur de café, présenté au Salon de la Société des amis arts du Havre de 1890). D’un caractère timide, il vit retiré dans sa maison de Sanvic. L’étude des paysages et des ciels normands retient plus particulièrement son attention et il se fait dès lors plus volontiers paysagiste. « M. Lamy peint simple parce qu’il voit simple ; il n’interprète pas la nature, il la transpose avec conscience, souvent très heureusement6 . » Il fait rapidement de l’aquarelle son support de prédilection. À bicyclette, il parcourt la campagne, sa boîte de couleurs sur le dos, afin de mieux saisir l’impression fugitive et de fixer les effets de lumière. « L’aquarelle, avec ses moyens rapides et ses ressources étendues pour qui sait la manier, devait

naturellement tenter ce tempérament d’artiste, scrupuleux observateur, sincère et probe, dédaigneux du procédé banal et trouvant précisément agrément dans un genre où les faiblesses se trahissent d’autant plus qu’elles sont moins masquées qu’ailleurs par les petites ficelles du métier, l’artifice des retouches et des empâtements ; genre ingrat s’il en fut, où, à vrai dire, il n’y a pas de valeur moyenne, d’effets indécis, de demisuccès. Des qualités de transparence, de légèreté de touche et d’énergie constituent les traits caractéristiques du talent de l’aquarelliste Édouard Lamy. Il y joignit – et la chose a son intérêt – une remarquable sûreté de dessin7 . »

Ses aquarelles lui valent de recevoir deux médailles aux concours organisés par la Société des beaux-arts de Caen – pour lesquels seuls sont admis à concourir les artistes nés ou domiciliés dans l’un des cinq départements normands : une première, en or, en 1892, puis une de vermeil au concours organisé en 1898. Il reçoit également une médaille à l’exposition organisée à Évreux en 1892, et une de ses premières aquarelles présentées au Salon des Champs-Élysées est achetée par l’État.

En complément de son art, il donne des cours particuliers de dessin et de peinture. C’est non seulement à ce titre, mais également en tant qu’ancien élève de Lhullier et pensionnaire de la ville à l’École nationale des beaux-arts, qu’il sollicite, en septembre 1898, la place de professeur de dessin du cours moyen à l’école d'art, en remplacement de son ancien maître. Le maire de Sanvic, qui n’est pas encore rattaché au Havre, soutient cette candidature en envoyant un courrier au maire du Havre8. Sa candidature est écartée au profit de Courché, autre élève de Lhullier9 .

Demeuré célibataire, il décède à quaranteneuf ans, à son domicile du 200, rue de la République, à Sanvic, le 6 juillet 1905. L’exposition de la Société des amis des arts de cette année-là10, dans laquelle figurent trois de ses œuvres, est pour lui une exposition posthume. Un an plus tard, le contenu de son atelier est dispersé à la salle des ventes du Havre. Me Guillemette, sous le marteau duquel la vente est orchestrée, fait remarquer, dans la notice qui ouvre le catalogue, qu’on y trouve « la trace de son passage à l’École des beaux-arts de Paris, les tâtonnements de la première heure, les manifestations de la maturité, de la pleine possession de son art fécond11 . »

7 Albert Herrenschmidt, op. cit. 8 Le Havre, Archives municipales,

FC R1 Carton 14 liasse 8. 9 Courrier du 26 septembre 1898 adressé au maire du Havre,

Archives municipales, FC R1 Carton 14 liasse 10. 10 Exposition ouverte du 26 juillet au 1er octobre 1905. 11 Albert Herrenschmidt, « L’œuvre du peintre Édouard Lamy », in Le Havre, 6 juillet 1906.

Expositions

1881

Dunkerque, exposition de beauxarts de la Société dunkerquoise pour l’encouragement des sciences, des lettres et des arts, Bords de la Seine.

1882

Le Havre, Société des amis des arts, Portrait de M. M*** (n° 318) et Marée montante (n° 319).

Paris, Salon des artistes français, Portrait de M. M… (n° 1521).

1883

Paris, Salon des artistes français, Portrait de ma tante (n° 1359).

1885

Paris, Salon des artistes français, Paysages et marines (n° 2940 et 2941), deux aquarelles.

1886

Paris, Salon des artistes français, Trois aquarelles, paysage (n° 3015).

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Paysage d’automne (n° 336), ainsi que Un coin de verger (n° 722) et Le Crépuscule (n° 723), deux aquarelles.

1889

Paris, Salon des artistes français, Coin d’atelier (n° 1512).

1890

Le Havre, Société des amis des arts, Le Brûleur de café (n° 209), Rue Basse à Caen (n° 515), ainsi que L’Orne à Caen et Un lavoir du pont Cicon à Caen (n° 516), deux aquarelles.

1891

Paris, Salon du palais des Arts libéraux, La Ferme des phares.

Édouard Lamy Autoportrait Huile sur toile, 46 x 32,5 cm MuMa, Le Havre, inv. A208. Maurice Berton, « Le Salon du palais des Arts libéraux (1891) », in Journal des artistes, 31 mai 1891 : « Le paysage de M. Édouard Lamy La Ferme des phares est une étude prise sur le vif des chauds éclats d’une végétation ensoleillée. »

1892

Évreux, Société des amis des arts du département de l’Eure.

1893

Le Havre, Société des amis des arts, Vue prise des hauteurs de Sainte-Adresse (n° 279) et Mare aux phares (n° 280), ainsi que Marine et paysage (n° 693) et Marine et paysage (n° 694), deux aquarelles. Rouen, exposition des beauxarts de avec un cadre de neuf aquarelles (n° 1044) et un autre de trois (n° 1045).

Bulletin de la société des beauxarts de Caen, chez Valin, Caen, 1893 : « M. Lamy, du Havre, a présenté neuf aquarelles, dont trois vues de Caen et des environs (l’Orne à Vaucelles, la prairie, le coteau de Venoix), quatre paysages des environs du Havre, un vieux lavoir dans l’Eure, à Vieux-Pont, et un effet de soleil sur mer. Laissons de côté ce dernier envoi où il était difficile de rivaliser avec la nature : les huit autres rentrent absolument dans le domaine de l’aquarelle, dont elles constituent d’excellents modèles : voyez notamment le coteau de Venoix, Harfleur et l’étude de neige ; tous ces paysages sont très jolis de tonalités et de lumière, très précis de touche, très sûrs de valeurs habilement posées du premier coup par un artiste rompu aux virtuosités du métier ; les ciels, en particulier, parfois très simplement notés, arrivent à un effet excellent de légèreté, de justesse et de rendu. »

1896

Le Havre, Société des amis des arts, Coin de plage (n° 366) et La Mare aux canards (n° 367), ainsi que Vue de Rouelles, Sous-bois et Coin de jardin (n° 788), Rue de Belle-Vue, Le Havre et Entrée du port de Caen (n° 789), aquarelles.

1898

Caen, concours de paysages organisé par la Société des beaux-arts, médaille de vermeil.

1899

Le Havre, Société des amis des arts, L’Automne (n° 264), L’Été (n° 265) et des aquarelles (n° 644 et 645)

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Fin avril (n° 238), Un coin de jardin (n° 239) et des aquarelles (n° 878 et 879) 1904 (septembre) Le Havre, Exposition d’aquarelles chez Beuzebosc.

Albert Herrenschmidt, « Nos artistes », in Le Petit Havre, 21 septembre 1904 : « Notre concitoyen, M. Lamy, expose chez Beuzebosc une série d’intéressantes aquarelles. On sait le talent consciencieux et sincère de l’artiste, sa recherche de l’effet sans sacrifier au procédé, la chaleur de son coloris. Lamy a beaucoup étudié en plein air, puisant dans la nature des leçons qui ne trompent point, s’efforçant toujours de rendre le plus fidèlement possible l’impression éprouvée devant un site pittoresque, un coin de campagne où vibre, dans la poésie des champs, la gamme des jaunes et des verts. Les aquarelles qu’il présente aujourd’hui rendent d’une façon très intéressante la note intime de cette vie bucolique. Ce sont pour la plupart de vieilles masures coiffées de chaumes lourds d’iris, des études de pommiers, de fermes normandes. Le tout est baigné d’air et de lumière, avec une tonalité qui a une solidité, l’éclat et la vigueur de la peinture à l’huile. »

Louis-Jules Hilly, « Chronique d’art – Édouard Lamy », La Cloche Illustrée, 24 septembre 1904 : « M. Édouard Lamy expose chez Beuzebosc un panneau d’aquarelles fort bien venues. Je n’apprendrais rien aux lecteurs de La Cloche en leur présentant M. Édouard Lamy comme un artiste intéressant ; notre concitoyen se produit depuis assez longtemps déjà pour qu’on ait pu apprécier la réelle valeur de ses œuvres. M. Lamy adore la campagne. Dans ses nouvelles aquarelles, il nous montre les coins rustiques qui lui sont chers particulièrement : ici, un chemin à peine tracé à travers champs, aux ornières encore humides de pluies récentes ; au loin, tout au bout, le village normand pittoresquement ramassé se dessine ; là, au milieu de l’entour des grands arbres frissonnants, une ferme se campe, massive, blanche et mauve sous l’averse de rais de soleil et d’ombre ; sur l’herbe grasse et chaude, tout un petit monde ailé picore et s’ébat ; là-bas, des sentiers fuient entre les hauts talus et les haies feuillues. Tout cela est calme, quotidien, rendu avec habileté, mais sans subtilité de composition. M. Lamy peint simple parce qu’il voit simple ; il n’interprète pas la nature, il la transpose avec conscience, souvent très heureusement. Si cette manière me paraît moins curieuse à observer que les audacieuses recherches des impressionnistes, affaire d’appréciation purement esthétique – du moins, cette considération n’amoindrit en rien le talent sympathique de M. É. Lamy. »

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Une vieille maison de Bléville (n° 257), huile sur toile, et Une mare (n° 654) et Une vieille écurie (n° 655), deux aquarelles.

1906

Le Havre, Galerie Beuzebosc.

De Boulogne-surMer à La NouvelleOrléans, quel singulier parcours effectué par Marguerite-Lucie Le Camus ! Son père, Jean Typomètre Le Camus, est d’un tempérament volontiers tourné vers la découverte. Né lui-même à Londres1, il se marie le 22 décembre 1860 sur l’île de Guernesey avec Eliza Whitmore. Employé au télégraphe, Le Camus part quelques années au Sénégal avant de rejoindre Boulogne-sur-Mer, où sa fille Marguerite voit le jour le 4 février 1865. Après un bref passage par Paris puis Calais, la famille s’installe au Havre en 18782, où Jean Le Camus devient receveur chef du centre de dépôt télégraphique. Il meurt en septembre 1888, après avoir été décoré de la Légion d’honneur, grâce à l’appui de son ami Christophe Frédéric Mallet, président de la Chambre de commerce du Havre. C’est au Havre que Marguerite Le Camus est initiée à la peinture. Un des témoins de sa naissance, Pascal Maenza, exerce à Boulogne le métier d’artiste peintre. Si le souvenir de son œuvre n’a pas été conservé, il faut néanmoins voir dans ce détail le signe d’un intérêt familial pour l’art3. La demoiselle prend des cours auprès de Charles Lhullier mais se revendique également comme l’élève d’Armand Millet et de Benjamin Constant. Elle expose des portraits à quelques reprises, au Havre, à Rouen ainsi qu’au Salon de Paris.

Marguerite Le Camus Elle épouse William Mason Smith au Havre le 18 juin 1892. Son jeune époux4 , (Boulogne-sur-Mer, 1865 - originaire de Charleston en Caroline du Louisiane, 1925) Sud, exerce la profession de négociant en coton à La Nouvelle-Orléans. Le Havre, M. D. par lequel transitent alors les deux tiers du trafic français de coton, abrite également le marché à terme cotonnier. Il n’est donc pas étonnant que le jeune Smith, contribuant à l’essor des affaires familiales, se soit retrouvé dans cette ville. Son père, John Julius Pringel Smith, exploite une importante plantation5 . Quatre enfants naissent de l’union de William et Marguerite, à La NouvelleOrléans où le couple s’installe : Jean (le 21 avril 1893), William (28 décembre 1894), Élise (le 5 novembre 1896) et Marguerite (le 16 mai 1901). Marguerite Le Camus-Smith fréquente à La Nouvelle-Orléans une société littéraire tout en poursuivant la peinture. Elle expose ainsi dans des sociétés artistiques du sud des États-Unis6. En 1918, elle reçoit la médaille de la reconnaissance française pour avoir contribué, sous l’égide du Secours louisianais à la France, au soutien aux blessés français et « malgré son état de santé a consacré le meilleur de son temps et de ses forces à venir en aide à nos hôpitaux et aux œuvres françaises7 ». Elle décède en Louisiane vers 1925.

1 Le 7 juin 1831. 2 État des services dans les postes et télégraphes de Jean Typomètre

Le Camus, Archives nationales,

LH/1525/70. 3 Archives départementales du Pas-de-Calais, 5MIR160/26, acte 145 du 6 février 1865. 4 Né à Charleston le 2 septembre 1851. 5 Le père de William Smith, John

Julius Pringel Smith (15 octobre 1816 – 25 novembre 1894), après avoir étudié le droit et avoir été admis au barreau en 1838, est devenu planteur et est l’un des signataires de l’acte de Sécession de la Caroline du Sud en 1860. 6 Grace King, Memories of a Southern

Woman of Letters, New York,

Mac Millan, 1932, p. 366-367. 7 Journal officiel de la République française. Lois et décrets, 6 mars 1918.

Expositions

1887

Paris, Salon, un dessin, Portrait de Mme N… (n° 3150). Le Havre, Société des amis des arts, Portrait de Mme N*** (n° 729) et deux portraits (n° 730 et 731), dessins.

1889

Rouen, Société des amis des arts, deux études au pastel (n° 435 et 436) et un Portrait de Mme D… au fusain (n° 437). À cette date, son adresse est rue Frédéric-Bellanger, au Havre.

1890

Paris, Salon, deux pastels, Portrait de Mlle K… (n° 3081) et une étude (n° 3082).

Euphrasie Cécile Geneviève Leroy naît à Paris le 27 mars 1861 chez ses parents, Charles Victor Leroy et Euphrasie Tenaillon, domiciliés au 3, rue du Faubourg-Saint-Martin. Son père y est installé comme fabricant de stores. Elle se marie à vingt ans, le 26 mars 18811, avec André Calmettes2, qui est alors élève au conservatoire avant de devenir un célèbre artiste de la fin du xixe et du début du xxe siècle. Ils divorcent quelques années plus tard, le 11 juillet 1887, après avoir donné naissance à un fils, Paul André Calmettes.

Euphrasie Euphrasie Leroy-Calmettes est l’élève de Charles Lhullier et de Paul Soyer3, dont Leroy-Calmettes elle réalise le portrait qu’elle présente (Paris, 1861 - Sainte-Adresse, 1916) à l’exposition organisée par la Société des amis des arts du Havre en 1896. Elle enseigne à son tour la peinture à de jeunes filles, dont Berthe Batalha4 qui M. D. expose à ses côtés en 1899. Elle décède à son domicile du 6, rue Libert, à Sainte-Adresse, le 22 avril 1916. Le décès est déclaré par son fils, Paul Calmettes, qui exerce la profession de photographe5 .

1 Archives de Paris, 10e arrondissement, année 1881, acte 333. 2 André Calmettes (18 août 1861,

Paris 1er – 14 mars 1942, Paris 16e).

Après son divorce d’avec Euphrasie

Leroy, Calmettes épouse Marie

Charlotte Élodie Louise Lhéritier en 1888, puis, après un nouveau divorce, Suzanne Jeanne Juliette

Lebobe en 1924. 3 Paul Soyer (1823-1903) est un des élèves de Léon Cogniet à l’École des beaux-arts de Paris. Après des essais de peinture religieuse, il se tourne vers la peinture de portraits, puis vers la peinture de genre. Il travaille sur le motif à Écouen, où il retrouve le peintre

Pierre-Édouard Frère avec lequel il forme l’école d’Écouen. 4 Domiciliée 124, boulevard de

Strasbourg, au Havre. 5 Sans préjuger de l’influence que cela aurait pu avoir, précisons que son père, André Calmettes, a été le condisciple d’Eugène Atget au conservatoire et a cultivé cette amitié leur vie durant. André

Calmettes s’occupera de la succession d’Atget.

Expositions

1884

Rouen, 29e exposition municipale de beaux-arts, En congé (n° 163) et Lisette (étude) (n° 164).

1886

Rouen, 30e exposition municipale de beaux-arts, Retour des champs (n° 88) et La Part de Minet (n° 89).

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Retour des champs (n° 117) et Lisette (étude) (n° 118).

1890

Le Havre, Société des amis des arts, Retour de la pêche (n° 60) et Dans le hamac, souvenir de printemps (n° 61).

1892

Chalon, Salon, Intérieur normand (n° 89) et Fille du pêcheur (n° 90).

Osvald Leroy, « Le Salon de Chalon », in Courrier de Saôneet-Loire, 20 juillet 1892 : « L’Intérieur normand (n° 89) de Madame Leroy-Calmettes, de Sainte-Adresse, est bien noir, et partant bien triste. Nous aimons mieux sa Fille du pêcheur (n° 90) qui, debout sur la grève, hèle un bateau. »

1893

Le Havre, Société des amis des arts, Fille du pêcheur (n° 334) et Cueillette des cerises (n° 335).

1894

Amiens, Société des amis des arts du département de la Somme, deux natures mortes (n° 416 et 417).

1896

Le Havre, Société des amis des arts, Portrait de M. Paul Soyer (n° 422) et Vase de fleurs (n° 423).

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Dans la prairie (n° 293) et Paysanne de la Sarthe (n° 294).

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Intérieur de l’ancien manoir de Vitanval (n° 278).

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Intérieur normand à Bléville (n° 295), Le Préféré (intérieur) (n° 296) et Les Lierres de Criqueboeuf (Calvados), aquarelle (n° 667).

Anonyme, « Exposition des beaux-arts, les dessins », in Revue comique normande, 30 septembre 1905 : « 667 – Leroy-Calmettes, Les Lierres de Criquebœuf (Calvados). D’un fondu, d’une tonalité exacte, cette aquarelle dénote chez son auteur une science consommée et un juste équilibre des plans. »

Jeanne Le Roux Glaucus Atlanticus, 1896 Crayon et aquarelle sur papier Musée océanographique, Monaco.

Jeanne Henriette Caroline Le Roux naît au Havre le 19 juin 1859 de l’union de Charles Clovis Le Roux, armateur et négociant, et d’Henriette Gourgaud. Cette dernière a été élevée dans un milieu particulièrement lettré, puisque son père, Henri Honoré Gourgaud, est agrégé de l’université, et son grand-père, Jean-Henri Gourgaud, dit Dugazon, fut un acteur célèbre de la Comédie-Française à la fin de l’Ancien Régime. Jeanne, aînée d’une famille nombreuse constituée de huit enfants, grandit entre Le Havre et le manoir familial de Rolleville. Son cadet, Robert, est, au début de sa carrière, le secrétaire particulier d’Alphonse Daudet. Il collabore comme journaliste à la Revue politique et littéraire puis au Temps, au Figaro, au Journal et au Matin sous le nom d’Hugues Le Roux. Il publie également des romans et des recueils de nouvelles, et se spécialise dans la littérature de voyage et dans les ouvrages sur les colonies françaises. Conseiller général du canton de Poissy, il est élu sénateur de Seine-et-Oise le 11 janvier 1920 et meurt le 14 novembre 1925 avant l’achèvement de son mandat. Comme nombre de jeunes filles de bonne famille, Jeanne Le Roux prend des cours particuliers de dessin et de peinture. Elle

Jeanne Le Roux suit ainsi ceux de Jehanne Mazeline1 , qui vient notamment donner un cours (Le Havre, 1859 - id., 1898) d’aquarelle à une quinzaine de jeunes filles de la ville en 18812, avant de s’inscrire à M. D. l’école municipale des Beaux-Arts où elle reçoit l’enseignement de Charles Lhullier. Elle s’attache particulièrement à la représentation des fleurs et présente ses aquarelles à la Société des amis des arts du Havre, en 1882, 1885 et 1890. Jeanne Le Roux expose aussi au Salon des artistes français de 1884 à 1888, ainsi qu’à l’exposition du palais des Beaux-Arts de la principauté de Monaco en 1894. Elle transmet à son tour son savoir et enseigne la peinture à l’aquarelle à plusieurs jeunes femmes, parmi lesquelles Jeanne Cécile Fautrel, qui expose au Salon en 1889 et 18903, Lily Giry – qui devient ultérieurement sociétaire des artistes français4 –, Suzanne Gibert5, Flay Andrews6 ou Jeanne-Albert Jacquot qui expose à son tour en 1905 à la Société des amis des arts du Havre. Jeanne Le Roux participe à l’une des nombreuses campagnes scientifiques du prince Albert Ier de Monaco. Elle succède dans cette fonction à Marius Borrel, qui avait été embarqué comme artiste à bord des expéditions de 1888, 1893 et 1895, mais qui n’a pas pu effectuer cette nouvelle mission. Le prince a en effet le désir d’emmener à bord des artistes qui

1 Jehanne Heuzé, épouse de Louis

Anthime Mazeline, est notamment connue pour avoir fait les relevés des peintures murales de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun.

Elle est par alliance la belle-fille de

Jean-Baptiste François Mazeline, qui développe au Havre les forges et ateliers éponymes. 2 Courrier de Jeanne Le Roux du 26 mai 1881 adressé au maire du Havre. Cf. Archives municipales,

Le Havre, FC R1, carton 14 liasse 3. 3 Voir supra. 4 Noémi Noire-Oursel, Nouvelle biographie normande, Paris, Picard

Éditeur, 1888, p. 184. 5 Cette dernière expose notamment en 1893 au Havre. 6 Flay-Dupie-Maud Andrews, née à

Londres, expose au Havre en 1899.

doivent, par des notes de couleur prises sur les animaux frais, permettre de conserver la coloration des spécimens de la faune des grands fonds. D’autres artistes – Gustave Brisgand, Paul Néry, ou Raoul Ulmann –, dont certains ont déjà l’expérience du dessin scientifique, ont été approchés avant Mlle Le Roux mais ne peuvent donner suite7. Elle est la première femme peintre à rejoindre les campagnes scientifiques du prince. La proximité de ce dernier avec son frère Hugues explique vraisemblablement la présence de Jeanne en remplacement de Borrel. Charles Boutet de Monvel (1897) puis M. Lovatelli-Colombo (1898) poursuivront sa mission8. Cette campagne de la première Princesse-Alice l’emmène, du 9 juin au 26 août 1896, de Marseille à Alboran, Açores puis Vigo, avant de revenir au Havre9 .

Jeanne Le Roux est présente sur le bateau à la fois en qualité d’artiste peintre, mais aussi pour tenir compagnie à Odile de Richelieu, issue du premier mariage de la princesse de Monaco avec le 7e duc de Richelieu. Les qualités humaines et artistiques de Jeanne Le Roux ont été unanimement appréciées par ses compagnons de voyage : « Mademoiselle Le Roux était d’une grande amabilité, avec beaucoup de talent et de bonne volonté10 . » Deux ans après cette formidable expérience, elle décède brutalement au domicile parental, le 27 décembre 1898. En souvenir, sa mère lègue au musée du Havre, en octobre 1909, un cadre comportant cinq aquarelles représentant des marines réalisées à Saint-Palais, près de Royan11 .

Jules Richard À bord du Princesse Alice Photographie, 1896 Coll. du Musée océanographique de Mocaco.

7 Jules Richard, La Campagne de la

Princesse-Alice en 1896, Monaco,

Musée océanographique, 1996, p. 9. 8 Jules Richard, Les Campagnes scientifiques de S.A.S le prince

Albert Ier de Monaco, imprimerie de

Monaco, 1910, p. 10. 9 Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, juillet 1896. 10 Jules Richard, La Campagne de la

Princesse-Alice en 1896, op. cit., p. 466. 11 N° 629 du registre d’inventaire 1871-1957 du musée. Les œuvres sont présumées disparues.

Expositions

1884

Paris, Salon des artistes français, Passe-roses, aquarelle (n° 2966).

1885

Paris, Salon des artistes français, Étude de chrysanthèmes, aquarelle (n° 2981). Le Havre, Société des amis des arts, Étude de lilas (n° 519) et Panier de fleurs (n° 520), deux aquarelles.

1886

Paris, Salon des artistes français, Bouquet de fleurs, aquarelle (n° 3070).

1887

Paris, Salon des artistes français, Fleurs des champs (n° 3171) et Chrysanthèmes (n° 3172), deux aquarelles. Société des amis des arts, Le Havre, Fleurs des champs (n° 742) et Chrysanthèmes (n° 743), deux aquarelles.

1888

Paris, Salon des artistes français, Verveines, aquarelle (n° 3289). Rouen, Exposition municipale de beaux-arts, Étude de lilas et Étude de digitales, deux aquarelles.

1894

Monaco, Exposition internationale des beaux-arts.

Léon Leclerc Feuilles d’études de barques de pêche, s.d. Dessin au fusain, pastel et aquarelle sur papier vergé bleuté, 24 x 31,2 cm Musées du Vieux Honfleur, Honfleur.

Léon Leclerc

(Honfleur, 1866 - id., 1930)

Avec quelque emphase, la poétesse honfleuraise Lucie Delarue-Mardrus disait de Léon Leclerc : « Cet homme-là, c’est notre ville elle-même en chair et en os. » Né et mort à Honfleur, Leclerc fut en effet la vivante incarnation du petit port normand. Sa vie durant, il l’a dessiné, peint, aimé avec passion et en a ardemment défendu le patrimoine. C’est dans une famille tournée vers la mer que Léon Pierre Louis Leclerc naît le 24 avril 1866. Son père, Gabriel Léon Leclerc, exerce la profession de charpentier de marine. Sa mère, Désirée Louise Trotel, est issue d’une famille du pays de Caux partie, dès la fin du xviiie siècle, s’installer dans le Calvados, où son frère, Pierre Victor Trotel, est capitaine de navires. Sur les conseils du peintre honfleurais Louis Alexandre Dubourg dont il est l’élève, Léon Leclerc prend des leçons à l’cole des beaux-arts du Havre, dirigée par Charles Lhullier. En 1885, il reçoit le 2e prix ex aequo – avec Jouy – lors de la distribution des prix de l’école d'art du Havre pour le dessin d’académie après la bosse. Il poursuit son cursus à l’École des beauxarts de Paris, dont il est diplômé en 1886. Après avoir brièvement enseigné le dessin à Nogent-le-Rotrou, il revient – dès 1887 – s’installer définitivement à Honfleur où il enseigne l’art au collège. En 1891, il ouvre l’école municipale de dessin dans laquelle il enseigne gratuitement durant quinze ans. M. D.

En 1892, il remplace Louis-Alexandre Dubourg, récemment décédé, à la conservation du musée municipal. Suivant l’initiative de Frédéric Mistral, Leclerc réunit, en 1896, un groupe de personnalités dans le but de fonder la société du Vieux-Honfleur, afin de concevoir un musée illustrant les arts et les traditions populaires. Contemporain du musée Arlaten, le Vieux-Honfleur devient le premier musée ethnographique de France, avec pour mission d’assurer « le groupement et la conservation des costumes, bijoux, meubles, objets d’art domestiques ». « Reliant au passé le présent, il donne un enseignement constant aux jeunes générations, par l’exemple de tout ce qui a échappé au temps et qui marque la part des ancêtres dans le patrimoine commun du génie français1 . » En 1899, Léon Leclerc signe l’affiche de l’exposition normande d’ethnographie et d’art populaire, qui se tient cette année-là à Honfleur. Il met également son talent au service de la cause régionaliste et de l’art populaire en collectant patiemment et en ressuscitant des chants traditionnels normands qu’il se plaît à interpréter. Il édite ainsi avec

1 Pierre Lelong, La Décentralisation intellectuelle en France, état actuel du mouvement régionaliste dans les provinces, conférence prononcée le 1er octobre 1905 à Rambouillet.

le musicien René Lefevre un fascicule, Chansons populaire du pays normand, en 1908, qu’il illustre de charmante façon, dans un style volontairement naïf. Il illustre également des publications en lien avec le folklore, les vieilles chansons ou légendes normandes, comme l’ouvrage de Léon Boutry, Au temps jadis (choses normandes), en 1903, ou Champlain célébré par les Normands et les Canadiens en 19082 .

Leclerc continue à peindre. Durant la Première Guerre mondiale, il documente par de nombreuses aquarelles, aujourd’hui conservées au musée Eugène-Boudin de Honfleur, la vie des soldats dans les camps anglais et belges installés à Honfleur. Loin des avantgardes picturales, il se contente de porter un regard documentaire.

Il dirige de 1900 à 1903 la revue mensuelle illustrée d’ethnographie et d’art populaire Le Pays normand. Il défend avec conviction les paysages normands et proteste en 1903 contre le projet de tramway destiné à relier Honfleur à Trouville3. Il s’oppose aussi au projet de déviation de la route de Trouville à l’entrée d’Honfleur en 1914. Il organise à Honfleur en 1923 le premier congrès des sociétés régionalistes de Normandie.

Il fonde, en 1900, l’École des marins de la baie de Seine, afin de permettre aux enfants des écoles se destinant à la navigation comme aux équipages de navires de pêche de recevoir une instruction nautique suffisante. L’école ouvre ses portes l’année suivante4. C’est à ce titre qu’il reçoit en 1927 la Légion d’honneur des mains de l’homme de lettres Albert-Émile Sorel5, qui l’avait encouragé à créer la société du VieuxHonfleur.

Il meurt le 17 avril 1930 à Honfleur. Un buste est inauguré l’année suivante dans la ville qu’il a tant aimée.

2 Léon Leclerc, Champlain célébré par les Normands et les Canadiens.

Mémorial des fêtes données à Honfleur en 1905 et 1908, Honfleur,

Société normande d’ethnographie et d’art populaire/imprimerie

Sescau, 1908. 3 Sites & monuments, Bulletin de la Société pour la protection des paysages de France, Paris, imprimerie Chaix, juillet 1903. 4 L’association La Chaloupe, qui entretient aujourd’hui la chaloupe

Sainte Bernadette, ancien bateau de pêche classé monument historique, et organise des formations pour passer divers permis maritimes et fluviaux, en est l’héritière. 5 Archives nationales, cote 19800035/743/84347.

Expositions

1884

Rouen, 29e exposition municipale de beaux-arts, Livres pieux et rameaux bénis (n° 519).

1885

Le Havre, Société des amis des arts, Port de Honfleur, le matin (n° 262) et L’Avant-Port de Honfleur à la marée haute (n° 263).

1886

Rouen, 29e exposition municipale de beaux-arts, Livres pieux et rameaux bénis (n° 519).

1888

Rouen, 31e exposition municipale de beaux-arts, Un pauvre vieux (n° 375).

1890

Paris, Salon, Le Bassin du centre, à Honfleur (n° 1419).

1891

Rouen, 32e exposition municipale de beaux-arts, Derrière la HauteRue (Honfleur) (n° 475). Paris, Salon, Trois-mâts finlandais en déchargement (n° 982).

1892

Dijon, Salon.

1894

Dijon, Salon.

1895

Paris, Salon, « Tu vas m’régler ton garçon. » (n° 1119).

1897

Rouen, 35e exposition municipale de beaux-arts, Deux épaves (n° 392) et La Passerelle (n° 393).

1903

Paris, Salon, Au pays normand – dans l’avant-port à l’heure du plein (n° 1089).

1906

Rouen, 37e exposition municipale de beaux-arts, Dans l’avant-port, Honfleur (n° 356) et Un cargoboat (n° 357).

1909

Rouen, 38e exposition municipale de beaux-arts, Départ manqué (n° 298), ainsi que Lisieux (n° 615) et L’Étang (n° 616), deux pastels.

1923

Société havraise des amis des arts, deux marines (n° 48 et 49).

1930

Paris, Galerie Tedesco.

Anonyme, « Échos et nouvelles », in La Vie parisienne, 8 mars 1930 : « L’exposition Léon Leclerc, le peintre honfleurais, aux galeries Tedesco, 33, avenue de l’Opéra. Consacrée aux plages normandes, Deauville, Trouville, Villerville, et Honfleur, a rencontré le plus vif succès. On a beaucoup admiré la maîtrise de cet artiste dont l’œuvre interprète avec un art infini le charme sans rival des paysages de Normandie. »

Nous remercions les musées de la ville de Honfleur, et en particulier Benjamin Findinier et Frédéric Lefebvre, pour leur documentation

Robert Frémond Les Collectionneurs havrais visitant une galerie de peinture, vers 1906-1910 Encre de chine, gouache et crayon de couleur sur papier beige, 48,5 x 65 cm MuMa, Le Havre, inv. 2017.4.1. Don Jérôme Dussueil.

Raymond Lecourt

(Le Havre, 1882 - Fontaine-la-Mallet, 1946)

« De Lecourt comme de tous les peintres, j’ai connu des choses belles et des moins belles, mais ce qui le fait grand, à mon avis, c’est que pendant que tant d’autres perdent leur temps dans des complications cérébrales, il se jette sur la terre maternelle comme l’enfant sur le sein maternel, et s’en nourrit, s’en gave, s’en saoule par tous les pores de la peau. Après quoi, il travaille avec une force et un courage auxquels rien ne résiste1 . » Chantre de la terre nourricière normande, Raymond Lecourt voit le jour dans un milieu modeste, le 25 janvier 1882. Fils d’Auguste Lecourt, fondeur de suif, et d’Amélie Savé, elle-même fille d’un fabricant de chandelles, Raymond Louis Vincent Lecourt naît au domicile familial du 20, rue de la Digue, dans le quartier des Neiges, au Havre. Orphelin très tôt (sa mère meurt quand il a seulement sept ans, et son père cinq ans plus tard), il est recueilli par un oncle, Émile Lecourt, et placé à treize ans chez un architecte de la place Thiers dénommé Verrolles. Ce dernier, au regard des aptitudes de l’adolescent pour le dessin, le fait entrer à l’école municipale des Beaux-Arts sous la direction de Lhullier. À la mort de son vieux maître, Lecourt se rappelle : « Nous aimions passionnément sa science, sa

maîtrise dans la figure qui le plaçaient avec les maîtres de la peinture2 . » Il gardera, malgré le passage du temps, un attachement sincère à la figure paternelle et bonhomme de Lhullier, dont M. D. il conservera la pipe3. Lecourt est de ceux qui apposent leur signature au bas de la pétition en faveur de la candidature de Courché comme professeur de dessin pour succéder à Lhullier. En 1899, il reçoit la médaille d’argent grand modèle de la Ville du Havre pour l’obtention du prix d’honneur du cours supérieur de l’école. Boursier de la Ville et du Département, Raymond Lecourt fréquente l’École nationale des beaux-arts et l’atelier de Bonnat à partir de janvier 19004, et y retrouve ses condisciples Friesz, Dufy, ainsi que les frères Saint-Delis. Il prend par la suite des cours auprès de LucOlivier Merson, lui-même ancien élève de Pils. Il suit également des cours de gravure et deviendra un graveur confirmé, travaillant tant l’eau-forte que la lithographie. En 1907, ses gravures, exposées dans une galerie havraise, sont remarquées. De même, iI reçoit une mention au Salon des artistes français de 1922 pour son travail de graveur. Des années passées à l’École des beauxarts du Havre, il conserve de solides amitiés. En 1901, il présente ses travaux

1 Julien Guillemard, « Chez Raymond

Lecourt », in Le Petit Havre, 9 décembre 1937. 2 Bernard Esdras-Gosse, « De

Raoul Dufy à Jean Dubuffet ou la descendance du “père” Lhullier », in Études normandes, livraison 17, n° 59, 4e trimestre 1955. 3 Courrier de Mme Édouard, nièce de Lhullier, du 3 février 1955, in Témoignages de Bernard Esdras-Gosse, t. 23A, p. 44. 4 Archives nationales, AJ52-248.

Il habite alors au 62, rue des

Saints-Pères.

récents aux côtés d’autres anciens élèves à l’exposition de fin d’année de l’école municipale des Beaux-Arts. Cet été-là, il peint de concert avec Friesz à Fontainela-Mallet. En 1904, il soumet un projet d’affiche pour les fêtes de bienfaisance du commerce havrais5. Son comparse Dufy travaille également sur le projet, qui sera reproduit dans Le Havre-Éclair.

En 1902, il expose – à vingt ans – une première toile, La Herse au pays de Caux, au Salon des artistes français, dont il deviendra sociétaire. Il y présente régulièrement des œuvres par la suite, ainsi qu’au Salon des indépendants dès 1908. Au Havre, il participe à la fondation du Cercle de l’art moderne, et est admis à la première exposition du Cercle en 1906. Il expose à de nombreuses reprises dans les galeries havraises, chez Maury, Beuzebosc ou au hall de La Cloche.

Il se marie le 5 janvier 1907 avec Marguerite Céline Julienne Malandain, fille de l’instituteur de Fontaine-la-Mallet, et s’installe définitivement dans cette commune qu’il ne quittera plus guère que pour des voyages d’études en Normandie, en Bretagne, puis, en compagnie d’Albert Copieux, en Auvergne, dans les Pyrénées et dans les Alpes. Sa peinture lui permet de faire vivre sa famille de cinq enfants.

Mobilisé durant la Première Guerre mondiale, soldat au 129e régiment d’infanterie, il est blessé le 14 septembre 1914 à Courcy, près de Reims. Il reçoit la croix de guerre et la médaille militaire. Il est réformé en août 1915 et est alors contraint à une sévère rééducation de la main. Il reçoit les conseils du peintre franc-comtois Jules Adler. Comme tant de jeunes peintres de cette période, ses premières œuvres témoignent de l’influence de l’impressionnisme. Certaines évoquent même la figure tutélaire de Renoir. Les années 1920 marquent l’influence de Jules Adler et une évolution vers un certain dépouillement. Même s’il est avant tout le peintre du monde paysan normand, Lecourt livre quelques paysages peints au cours de ses voyages dans les Alpes, en Bretagne ou dans le centre de la France. Ce sont pourtant ses marchés aux bestiaux, ses étables et ses chevaux dans l’effort qui assoient véritablement sa renommée. Lecourt est un artiste de plein air, qui court la campagne à la recherche d’un motif. Il tend à se spécialiser très tôt dans la peinture animalière, peint et expose abondamment. Il s’est constitué une fidèle clientèle auprès des cultivateurs du pays de Caux en produisant des portraits d’animaux ou des paysages normands, même si les grands collectionneurs havrais tendent à le négliger. Bon nombre de ses œuvres disparaissent lors des bombardements qui frappent le village de Fontaine-la-Mallet où il avait fait construire un grand atelier en 1913. Il décède le 1er janvier 1946 après avoir contracté une pneumonie.

Affiche du hall de La Cloche, 1923 Archives municipales, Le Havre Fonds Jean Legoy (127Z 6813).

Expositions

1899

Le Havre, Exposition de l’école municipale des Beaux-Arts.

Anonyme, « Distribution des prix à l’École des beaux-arts », in Journal du Havre, 30 au 31 juillet1899 : « Il n’est pas mauvais […] d’insister sur la valeur des œuvres de M. René [sic] Lecourt, un jeune homme de seize ans qui, qui à côté de dessins et d’aquarelles d’un “faire” déjà remarquable, a exposé une maquette de lavabo artistique de sa composition devant laquelle on s’arrête agréablement surpris. »

1901

Le Havre, Exposition de l’école municipale des Beaux-Arts.

Anonyme, « École municipale des Beaux-Arts », in Le Petit Havre, 25 juillet 1901 : « Les salles de dessin et de peinture se recommandent à l’attention et font honneur au professeur de cette section, M. Alphonse Lamotte, directeur de l’École. Les envois de M. R. Lecourt – un ancien élève de l’École municipale aujourd’hui élève de l’École nationale des beaux-arts – sont à mettre à part. La série des études et des croquis constitue un ensemble fort intéressant et qui mériterait d’être minutieusement détaillé si nous en avions le loisir. Notons cependant – et la chose a son importance – l’influence que l’école impressionniste a exercée sur le tempérament artistique de notre jeune concitoyen. Il y a là des paysages sérieux qui réjouiront par leurs promesses les révolutionnaires de la peinture. M. Lecourt a été victime lui aussi de la vogue passagère d’une école, du caprice d’un moment. Il se ressaisira et son talent retrouvera sans peine la belle personnalité que ses débuts ont laissé deviner. Il s’est déjà ressaisi, au reste. Nous le retrouvons original dans les derniers tableautins qu’il a signés, en même temps qu’il y a montré une habileté de pinceau, un dessin large, précis, impeccable, une réelle sincérité d’expression. Le croquis des chevaux – l’artiste tend de plus en plus à se spécialiser dans le genre animalier –, ses études de bêtes au pâturage valent largement, à notre avis, ses essais saturés d’impressionnisme conventionnel. Nous avons trouvé parmi ses envois deux ou trois petites toiles qui ont presque la saveur des études d’un Boudin. »

1902

Paris, Salon des artistes français, La Herse au pays de Caux (n° 1008). Le Havre, Société des amis des arts, Le Havre, Le Maréchalferrant (n° 262), Portrait de Marie, étude (n° 263) et La Herse, étude, pastel (n° 587).

1904

Le Havre, Galerie P. Maury.

Georges Rimay, « Chez M. Maury, encadreur – Exposition de M. Lecourt », in La Cloche illustrée, 9 juillet 1904 : « Les toiles de M. Lecourt, quelles qu’elles soient, sont d’un artiste qui comprend et qui vibre. Il apporte, dans sa façon de faire, un sentiment qui n’échappe pas, et l’on sent tout de suite que lorsqu’il aura plus de métier, plus d’acquis, M. Lecourt nous donnera quelque jour une œuvre sérieuse. »

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Chevaux de trait à l’écurie, alezan et noir (n° 277).

1906

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Vieux Normand (n° 52) et La Cité, Paris (n° 53). Paris, Salon d’automne, Chevaux à l’écurie (n° 980) et Cheval gris (n° 981). Paris, Salon des indépendants, Herseur (novembre) (n° 2926), Laboureur (n° 2927), Chevaux bais (n° 2928), Déchargement du coton (Havre) (n° 2929), Berges de la Seine (Tournelles) (n° 2930), Berges de la Seine (pont Marie) (n° 2931), Berges de la Seine à Paris (n° 2932) et Berges de la Seine à Paris (n° 2933).

1907

Le Havre, Galerie Beuzebosc.

DL., « Notes d’art – M. Lecourt », in Le Journal du Havre, 20 juin 1907 : « M. Lecourt, le peintre animalier bien connu, expose en ce moment chez M. Beuzebosc une série de toiles d’une réelle valeur. […] M. Lecour [sic] a placé également dans cette exposition quelques-unes de ses études d’animaux : elles sont comme toujours marquées au coin d’une observation juste et pénétrante et traitées avec un réel souci de la vérité. Les Bœufs à l’abreuvoir, Le Cheval au pâturage sont parfaits de concentration et d’exécution, et complétés fort bien par de très jolies toiles que l’auteur qualifie de pochades et qui méritent mieux que ce titre. Des gravures finement exécutées reproduisent quelques-uns de ces tableaux de plein air, elles méritent leur place dans les collections des meilleures eaux-fortes.

M. Lecour est un modeste. Artiste épris de son art, il travaille avec amour, pourrait-on dire, et son bonheur est grand de pouvoir saisir les expressions vives et fugaces de la nature. Mais c’est un peintre et un graveur de talent qui mérite d’être connu. La petite exposition que nous venons d’admirer chez Beuzebosc en est la meilleure des preuves. » Paris, Salon des indépendants, Cour de ferme normande (n° 2948), Étude de neige (n° 2949), Bassin de l’Eure (Le Havre) (n° 2950), Bassin Vauban (Le Havre) (n° 2951), Laboureur (n° 2952) et Étude de bestiaux (n° 2953).

1908

Paris, Salon des indépendants, Vaches à l’herbage (n° 3640), Vaches sous les pommiers (n° 3641), Moissonneur (étude) (n° 3642), Laboureur (n° 3643), Herseur (n° 3644) et Vieux cheval (étude) (n° 3645).

1909

Le Havre, Galerie Lebas. Le Havre, Galerie Beuzebosc. Paris, Salon des indépendants, Chevaux à la charrue (n° 969) et Paysage d’automne (n° 970). Le Havre, Société des amis des arts, L’Étang de Fontainela-Mallet (n° 50), Cheval blanc, étude (n° 51) et Paysage, dessin (n° 117). Rouen, Exposition municipale de beaux-arts, Labourage sur la côte d’Antifer (n° 299) et Intérieur d’écurie (n° 300), ainsi que Chevaux à l’abreuvoir, aquarelle (n° 617). Le Havre, Exposition de l’École municipale des beaux-arts.

1910

Paris, Salon des artistes français6 . Paris, Salon des indépendants, Cheval noir (n° 3029), Labourage (n° 3030), Chevaux à l’écurie (n° 3031) et Tête de cheval (n° 3032). Le Havre, Exposition chez la veuve Lebas, avec notamment Bœufs au pâturage, Montivilliers

sous la neige, Falaises à Étretat et une étude de tête de cheval (Le Petit Havre, 4 avril 1910).

1911

Paris, Salon des indépendants, Un bouvier (étude pour un marché aux bestiaux) (n° 3687), Le Vieux Martyr (n° 3688), Étude de chevaux (n° 3689), Les Faucheurs (n° 3690) et Marchande de volailles (n° 3691). Le Havre, Société des amis des arts, La Côte (attelage de meunier montant la côte de Gainneville) (n° 88) et Portrait de mon ami Blanc (n° 89). Le Havre, Exposition chez la veuve Lebas : « plusieurs œuvres nouvelles d’artistes havrais » (Le Petit Havre, 16 juin 1911), dont La Montée de la côte de Gainneville.

1912

Paris, Salon des Indépendants, Jeune cheval noir (n° 1943), Étable aux taureaux (n° 1944) et Tête de cheval (n° 1945). Paris, Salon des artistes français, Trois amis (étude) et Les Chevaux au repos dans l’écurie7 . Rouen, Galerie Legrip.

1913

Paris, Salon des indépendants, Herseur (semailles de novembre) (n° 1792) et Étude de cheval (n° 1793).

1914

Paris, Salon des indépendants, Le Vieux Cheval de ferme (n° 1929), Les Bœufs descendant à la mare (n° 1930) et Étude de cheval alezan (n° 1931). Le Havre, Société des amis des arts, Vaches au ruisseau (n° 141) et La Petite Paysanne (n° 142).

1915

Paris, Exposition nationale des œuvres des artistes tués à l’ennemi, blessés, prisonniers et aux armées, Chevaux dans l’écurie (n° 588), La Charrue (n° 589) et Cheval sous l’ombrage (n° 590). Paris, Exposition d’art, « Pour nos soldats, pour nos artistes », L’Attelée (effet matinal) (n° 305), La Charrue (n° 306), Vieux laboureurs (n° 307) et Chevaux à l’écurie (n° 308).

1916

Rouen, exposition d’art, « Les artistes belges avec le concours des peintres normands », Paysan (n° 383), Labour : matin (givre) (n° 384), Chevaux (n° 385), Petit clos normand (n° 386), Vieux cheval blanc (n° 387) et Écurie (n° 388).

1918

Le Havre, Galerie P. Maury.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 26 juillet 1918 : « On sait le talent de l’artiste, ses qualités de franchise et de sincérité, la personnalité d’un art qui, sans viser à l’effet facile de la violence du coloris, s’est toujours cantonné dans une sévère étude de la nature sous les jeux variés de la lumière. »

1919

Paris, Société des artistes français, Étude de chevaux. Rouen, Société des artistes rouennais, Maître Éléonor, cultivateur (n° 511), Étude de taureau (n° 512), Étude de chevaux (n° 513), Berger (n° 514), Labour (n° 515) et Paysage d’hiver (n° 516). Le Havre, Hall de La Cloche (décembre).

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 6 décembre 1919 : « Le peintre Lecourt présente pour sa part une ample série de toiles. Nous n’avons plus à faire l’éloge de ce talent fait de conscience et de travail soutenu, épris des effets de plein air et consacrant à leur traduction le meilleur de son effort. Car Lecourt travaille peu à l’atelier. C’est le peintre que vous pourrez rencontrer dans les champs, par tous les temps, fixant d’un art robuste et mâle les animaux au pâturage, les bœufs dans les prés, retenant au passage une tête caractéristique de campagnard, ou bien notant un paysage aux curieux effets de lumière. Et nous sommes tentés de signaler avant tout et particulièrement, dans ce genre, ce solide morceau, La Rouge de Fontaine-la-Mallet, sous un ciel ravagé par l’orage. C’est une toile de premier ordre. »

1920

Paris, Société des artistes français. Mention honorable pour la peinture.

1922

Paris, Société des artistes français. Mention pour la gravure. Le Havre, Société des amis des arts, Le Montage du galet (n° 70), Sur la falaise (n° 71), Vue de Honfleur (n° 72), Marché aux bestiaux, aquarelle (n° 145), Fillette aux volailles, pastel (n° 146) et Paysan allant à ses labours, eau-forte (n° 147). Le Havre, Galerie de la veuve Lebas, plusieurs œuvres dont Le Bouvier [?] et ses bêtes (Le Petit Havre, 20 décembre 1922).

1923

Le Havre, Hall de La Cloche, du 1er au 15 janvier. Le Havre, Galerie Beuzebosc. Le Havre, Société des amis des arts, Étude de moissonneurs (n° 50), Fardiers chargeant le sable de mer (n° 51) et Étude de chevaux de gros trait (n° 52). Paris, Salon de l’École française, Falaises d’Hennequeville (Seine inférieure) (n° 444), Cheval dans l’écurie (n° 445) et Labourage (n° 446), ainsi que Paysan allant au labour (n° 932) et Vieux bouvier (n° 933), deux dessins.

1924

Le Havre, Galerie Beuzebosc.

Albert Herrenschmidt, « Exposition Lecourt », in Le Petit Havre, 5 janvier 1924 : « Ce peintre est essentiellement l’artiste du plein air. Il ne sacrifie rien à la convention, rien à l’artifice de l’arrangement. S’il ne s’attarde pas aux subtilités de la composition, aux formules de l’harmonieux équilibre, c’est que la nature ellemême ne s’offre pas toujours cette coquetterie et que Lecourt la peint telle qu’il la voit et telle qu’elle est. […] Des études de vaches, taureaux et chevaux attestent la justesse et la solidité d’une pâte sans maniérisme ni fignolage. Tout cela est peint largement, souplement suivant la claire vision d’un homme qui connaît bien le pays et les êtres qui s’y meuvent, que ce soit le meneur de troupeau, le laboureur aux champs, le paysan à la mine brûlée et tannée, aux yeux fureteurs aux aguets sous la broussaille des sourcils, que ce soit encore les animaux de la ferme à différentes heures du jour, sous le clair soleil qui fait pétarader les fleurs de pommier, par les matins brumeux et gris où le jour s’étire, hésite à se lever, par des crépuscules vaporeux d’automne, quand les rayons obliques déroulent des ors sur la crête frissonnante des

Anonyme Lecourt et Saint-Delis peignant Photographie, vers 1912 Coll. part. arbres. On verra là aussi, avec intérêt, des chevaux traités suivant le même scrupule de la vérité : le vieux cheval de manège, si las, si résigné, tournant toujours, usant sa pauvre vieille vie à tracer toujours le même cercle de son pas machinal et sourd ; les chevaux de trait à l’écurie, dans les champs, au labour ; les chevaux de tombereaux sous le ciel poussiéreux et noir du quai Colbert ; des chiens, un chien couché, notamment, remarquable d’attitude et d’exécution. »

1925

Rouen, Société des artistes rouennais, Marché aux bestiaux à Montivilliers (n° 395), Le Charretier (n° 396), Chaumière en hiver (gelée blanche) (n° 397), Neige tombant (n° 398) et Étude de labour (n° 399).

1927

Le Havre, Galerie P. Maury.

La Palette, « Exposition Raymond Lecourt », in L’Estuaire, 1er janvier 1927 : « La sincérité ! Telle est bien la qualité prédominante de Raymond Lecourt, sincérité servie par la sensibilité extrême de sa vision et par la richesse inouïe de sa palette. Comme Carrière, notre peintre normand peut affirmer, sans craindre le moindre contredit : “L’amour des formes extérieures de la nature est le moyen de compréhension que la nature m’impose.” Aussi Jehan Le Povremoyne a-t-il raison d’écrire : “Une vache de Lecourt, c’est une vraie vaque, un point c’est tout.” Pour certains artistes, la peinture “n’est qu’un charme surajouté à leurs compositions et cellesci supportent parfaitement la reproduction photographique, sans en être trop altérées ou diminuées”, nous dit encore Gaston Varenne. Chez Raymond Lecourt, la palette joue un rôle si important que la reproduction photographique serait “un pur non-sens”. »

1930

Paris (du 3 au 18 janvier), Galerie Javal et Bourdeaux.

1931

Société des artistes rouennais, Vallée de l’Orne (n° 210), Étude de taureau (n° 211) et Barrage de l’Orne, près de Harcourt (matin) (n° 212).

1932

Société des artistes rouennais, Berger du Puy-de-Dôme (n° 230), Le Forge du village (n° 231), Les Petits Veaux (n° 232) et Falaises près d’Étretat (n° 233).

1933

Caen (mai), Salon des artistes bas-normands.

Rouen, Société des artistes rouennais, Le Village en hiver (neige à Fontaine-la-Mallet) (n° 252), Vallée de l’Orne, près de Harcourt (n° 253), Chevaux dans l’écurie (n° 254) et Portrait d’enfant (n° 255).

1934

Paris, Société des artistes indépendants, Meneur de bœufs au marché (n° 2604) et Chevaux (n° 2605). Rouen, Société des artistes rouennais, Paysage de neige (n° 424), Le Village en hiver (n° 425), Étude (n° 426) et Chevaux à l’écurie, labourage (n° 427). Rouen, Exposition des artistes normands.

1935

Rouen, Société des artistes rouennais, Tempête à Cauville (côte du pays de Caux) (n° 179), Marine. Le Havre (n° 180), Portrait (n° 181) et Études (n° 182 à 184).

1936

Rouen, Société des artistes rouennais, Le Havre, vieux bassins (n° 294) et Entraygues (n° 295).

1937

Paris, Salon des artistes français, Marché aux bestiaux sur les bords du Lot, à Entraygues (n° 772).

1942

Salon d’hiver, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris, Labourage (n° 992) et Chevaux à l’écurie (n° 993).

1954

Le Havre, Galerie Hamon.

1966

Le Havre, « Hommage à Raymond Lecourt », dans les grands salons de l’hôtel de ville.

1984

Saint-Maurice-d’Ételan, « Lecourt », château d’Ételan.

Anonyme Maurice Lesieutre (à gauche) ; Raoul Dufy (au centre, au second plan) ; Émile Othon-Friesz (debout à droite) dans l’atelier 9 rue Campagne-Première à Paris Photographie, 1899 Archives du MuMa, Le Havre

Maurice Lesieutre Dans le concert de louanges recueillies (Le Havre, 1879 - Paris, 1975) par le journaliste Esdras-Gosse auprès M. D. des anciens élèves de Charles Lhullier, Maurice Lesieutre est le seul à émettre une voix sensiblement discordante, n’hésitant pas à user de mots durs, voire féroces, à l’endroit de son premier maître quand il évoque son souvenir. Il nous semble intéressant de reproduire largement son propos adressé au journaliste havrais1 :

« Grand, carré d’épaules, la voix calme, le geste lent, les yeux bleus… un teint coloré, des moustaches tombantes, antérieurement blondes, d’où jaillissait une sempiternelle, mince et longue pipe en terre, dont le fourneau s’ornait, d’un côté, du profil de la reine Victoria, de l’autre, d’un trois-mâts, une casquette de pilote dont il demeurait coiffé même lorsqu’il n’était pas dehors : tout cela donnait à ce Granvillais, non l’aspect d’un artiste peintre – terminologie de l’époque –, mais la tournure d’un patron salé du temps de la marine en bois – la tournure, dis-je, car la salure de l’homme n’avait point le taux de celle de l’eau de mer : il était plutôt doux, pour ne pas dire fade. »

« Aussi ne sortait-il pas de l’école de navigation dont s’honorait sa ville natale mais de l’atelier parisien d’Isidore Pils (18131875), lequel Pils fabriquait des tas de scènes militaires, religieuses et anecdotiques. On lui doit, entre autres, le fameux Rouget de Lisle chantant La Marseillaise devant le maire de Strasbourg qui, sur les murs des foyers petit bourgeois et populaires, devait chromolithographiquement le disputer à l’angélus de Millet. »

« Et voilà pour l’œuvre d’Isidore… »

« Quant à celle de son élève Charles Lhullier, elle se présente ainsi ; une consciencieuse orientalerie, le Café (Maure ou Turc, je ne sais plus), une pâle fantasia, intitulée (si je me souviens bien) La Halte (œuvres de jeunesse qui, du vivant de leur auteur, furent accrochées dans une des salles du musée du Havre), puis le portrait d’une dame dont je ne sais plus le nom et celui d’Hippolyte Fénoux, directeur du Petit Havre ; les deux seules toiles qu’il ait peintes durant les nombreuses années qu’il enseigna, c’est-àdire jusqu’à sa mort. »

« Et Dieu sait pourtant si, entre son enseignement à l’école et les rares leçons privées données à quelques petites jeunes filles qui sacrifiaient aux arts d’agrément, les loisirs lui ont manqué ! Qu’en faisait-il ? Sans doute des stations à la taverne où, tandis qu’il buvait des bocks et continuait de fumer placidement, il ne s’imaginait pas qu’un jour, par l’opération d’une biographie (pas la sienne, celle d’un de ses élèves), d’une biographie, dis-je, anthume (comme disait Alphonse Allais) et romancée, qui pis est, il ferait devant la postérité figure de formateur exceptionnel de peintres inspirés. »

« Le père Lhullier a vécu, certes, il n’a jamais existé… qu’à un unique exemplaire, lequel, sans plus ample informé, se vit multiplié par les biographes successifs de celui qui avait inventé le personnage en question – multiplieurs auxquels, d’ailleurs, il serait injuste de s’en prendre attendu que, en

2 Raoul Dufy et Maurice Lesieutre sont tous deux les arrière-petitsenfants de Pierre Étienne Mathias

Capelle et de Marie Grangé. 3 Recueil des publications de la

Société havraise d’études diverses, avril 1918. 4 Fernand Fleuret, La Boîte à perruque, Paris, Les écrivains associés, 1935, p. 76 et suivantes. 5 Robert Campion, Le Jardin défleuri,

Le Havre, Quoist, 1907, avec une préface de Fernand Fleuret (1883-1945) et des bois originaux de Maurice Lesieutre. 6 Roger Levy, « Bibliographie –

Un joli livre », in Le Populaire, 23 février 1919 : « Ses compositions riches, puissantes, assez emphatiques peut-être, évoquent des Italiens du XVIIIe siècle. » 7 Société havraise d’études diverses,

Recueil des publications, avril 1918. l’occurrence, ce n’est pas Plutarque mais “l’homme illustre” lui-même qui a menti ; d’abord par grande affection envers son premier maître auquel il voulait faire partager sa gloire, ensuite poussé par une certaine gloriole qui, toute sa vie, demeura son défaut mignon, et qui d’ailleurs, n’allait pas sans une pointe de malice : d’où, la célébrité venue, quelques retouches d’apparat au curriculum vitae ; on est d’origine scandinave (quoique alsacienne), on a eu pour maître un artiste méconnu… ce qui n’est jamais sans surprendre (et amuser) d’autres élèves du remarquable initiateur, lesquels, de la bouche même de celui-ci, jamais ne reçurent que ces ci-dessous principes… peut-être originaux et enrichissants du temps du roi… de Louis (veux-je dire !) David : - dessiner, beaucoup dessiner (au fusain, et surtout d’après l’antique) - modeler sans charbonner (c’est-à-dire sans rechercher d’effet) - étudier les maîtres, et par conséquent visiter les musées - le nu ? Oui, mais après plusieurs années de plâtres. »

« Du paysage, sinon qu’il admirait Corot (référence de tout repos, même à cette époque), il n’en disait trop rien, ce figuriste. »

« Que d’aussi banales directives aient engendré le moindre talent, est-ce possible ? Je vous fais juge. Heureusement, Friesz était un peintre-né. »

« Heureusement, la main gauche de Dufy (il était gaucher) était venue au monde dessinatrice, pour la couleur, en fin finale, il la devra à Matisse. »

« Cela dit, et tout mis au point, que restet-il du père Lhullier, qui ne soit légende ? Sa modestie, sa probité, son grand amour (malheureux) de la peinture ? »

« C’était un raté, il en avait conscience, il en souffrait : “L’impressionnisme vient trop tard pour moi”, nous disait-il. »

L’amertume de Maurice Lesieutre qui transparaît dans ces propos trouve peutêtre son explication dans ses difficultés pécuniaires et le fait qu’il soit resté dans l’ombre de plus illustres condisciples.

Maurice Fernand Lesieutre naît au Havre le 4 mai 1879 au domicile parental, 98, rue Thiers. Ses parents, Arthur Ferdinand Lesieutre, employé de commerce, et Aglaé Émo, mère au foyer, quittent quelques années plus tard le centre-ville havrais pour s’installer à Sanvic, au 15, rue Narcisse-Derouvois, où le jeune Maurice vit de 1887 à 1903. Il entre en apprentissage chez un sculpteur ornemaniste à quinze ans et étudie à l’école municipale des BeauxArts du Havre, où il est le condisciple d’un de ses cousins éloignés, Raoul Dufy2. Muni d’une bourse départementale d’études, il part étudier à Paris à l’École nationale des beaux-arts, où il suit l’enseignement de Falguière3. Il retrouve dans la capitale ses compatriotes havrais Dufy et Friesz, avec qui il est particulièrement lié. Fernand Fleuret, qui, lui-même cousin de Lesieutre, fut un intime du trio, se remémore, trente ans plus tard, la joyeuse atmosphère de bohème qui régnait alors : « Être là, dans l’atmosphère de juvénile enthousiasme, contempler les toiles accrochées au mur et que le peintre [Friesz] rapportait de Falaise ou de la Creuse, entendre Lesieutre chanter ses chansons paysannes, dire ou écouter des vers, parler avec assurance et plaisanter sur notre manque d’argent, nous n’en demandions pas plus. Parfois, le maître du logis s’offrait le théâtre ; ce fut toujours sa grande passion. Mais comme, en général, il ne pouvait faire face à la dépense, il s’engageait dans les chœurs avec quelques-uns de ses amis qui chantaient aussi faux que lui-même, et l’on a vu le temple de Samson et Dalila s’écrouler sur leurs têtes.

« Ce soir-là, le poète Maurice Lesieutre, qui était aussi sculpteur, les accompagnait. C’est un myope à lorgnons, et d’une maigreur qui atteignait environ 1,80 mètre. On leur donna des robes que l’on nomme chlamydes, quand l’action se passe en Grèce. La robe de Lesieutre lui arrivait au tiers de la cuisse…4 »

Cette proximité avec Dufy se manifeste à l’occasion du mariage de ce dernier avec Eugénie Brisson, le 9 octobre 1911, à la mairie du 18e arrondissement de Paris. Lesieutre y assiste en tant que témoin de Dufy, au même titre qu’Othon Friesz.

S’il se présente volontiers comme sculpteur et graveur sur bois, Lesieutre ne fait pas carrière outre mesure dans les arts. Il illustre pourtant plusieurs ouvrages de ses bois gravés, comme Le Jardin défleuri de Robert Campion5, ou plus tardivement L’Armoire de citronnier, almanach de 1919 de Bertrand Guégan, pour lequel Lesieutre illustre l’été6, ou enfin l’Almanach de Cocagne pour l’an

Raoul Dufy et Maurice Lesieutre La Fin de la Grande Guerre, Le Coq, 1915 Cliché typographique rehaussé de gouache sur papier, 63 x 47 cm Centre Pompidou, Paris – MNAM/CCI, AM10892GR(223) Legs Mme Raoul Dufy, 1963.

8 Maurice Lesieutre, « Le peintre normand Paul Cirou », in La Vie normande : livres, choses et gens, 21 janvier 1904, p. 6. 9 Exposition de MM. Charbonnier,

Clary-Baroux, Dufy, Girieud,

Picabia, Picasso, Thiesson, galerie

Berthe-Weill, Paris, 24 octobre 20 novembre 1904. 10 Géraldine Lefebvre, « Le Cercle de l’art moderne », catalogue exp., p. 192. 11 Louis Vauxcelles, « La vie artistique – Le Cercle havrais de l’art moderne », in Gil Blas, 12 juin 1906, p. 2. 12 Othon Friesz : 24 phototypies,

Paris, librairie de France

F. Sant’ Andrea, 1931. 1920, dédié aux vrais gourmands et aux francs buveurs.

Il semble que son activité de sculpteur ne se soit pas limitée aux bois gravés et qu’il se soit confronté à la ronde-bosse. Il a ainsi sculpté plusieurs bustes, dont ceux de ses amis Raoul Dufy et Othon Friesz7 , qu’il serait assurément intéressant de retrouver.

Très tôt, Lesieutre développe une activité de critique d’art. Il se fait l’écho de l’activité des peintres normands à Paris, qu’il s’agisse du peintre Paul Cirou8 ou de son ami Othon Friesz. Dès 1904, il rédige la préface au catalogue d’une exposition à la galerie Berthe-Weill, à laquelle participent notamment Raoul Dufy, Francis Picabia et Pablo Picasso9. C’est également en qualité de critique d’art qu’il participe, en 1906, à la fondation du Cercle de l’art moderne du Havre, avec ses amis Dufy, Friesz et Braque, et écrit la préface au premier catalogue. Les Havrais sont nombreux à se déplacer pour venir voir la « peinture moderne », celle des tout jeunes fauves où triomphe la couleur. « La couleur amplifie la nature, particularise, enorgueillit son possesseur, effare ou captive son spectateur », écrit Lesieutre. S’il se plaint des critiques émises par certains négociants sur ses écrits10, Louis Vauxcelles souligne : « […] le catalogue est précédé d’une préface d’un jeune littérateur, M. Maurice Lesieutre, qui a développé en un langage où se ressent un peu trop la périlleuse influence de Stéphane Mallarmé, des notions d’esthétique justes et parfois profondes11 . » Plus tard, Lesieutre consacrera un ouvrage à son ami d’enfance sous le titre Othon Friesz : 24 phototypies12 .

En 1914, Lesieutre postule au poste de conservateur du musée du Havre, décidé en mai de cette année13 .

Si Lesieutre est exempté de service militaire, il participe brièvement à la Première Guerre mondiale avant d’être réformé suite à la découverte d’une bacillose dans son poumon gauche. Il collabore au projet de Dufy pendant la guerre. Celui-ci, initié à la gravure sur bois de fil par Maurice Delcourt, transpose le vocabulaire hérité des images d’Épinal dans une série d’œuvres telles que NotreDame de Bonne-Chance ou La Fin de la Grande Guerre. Fort de ses connaissances en art populaire, Lesieutre participe au projet de son ami et écrit des complaintes pour illustrer ces deux gravures14 .

Plus tard, il se consacre presque exclusivement à la littérature, et plus particulièrement à la littérature patoisante, qu’il explore et fait revivre à

Raoul Dufy et Maurice Lesieutre Notre-Dame De Bonne Chance, 1914 Xylographie sur papier avec rehaut de couleur, 65 x 54 cm Centre Pompidou, Paris – MNAM/CCI, AM10892GR(223) Legs Mme Raoul Dufy, 1963. travers des articles de critique d’art et des nouvelles dans diverses publications, telles que Parler normand, le Bulletin des parlers normands ou La Vie normande. Son intérêt pour la culture populaire se manifestait déjà dans ses bois gravés, comme le souligne Roger Allard en 1919 : « Le burin de M. Lesieutre, savamment archaïque, est au service d’une imagination poétique abreuvée aux complaintes et romances de carrefour15 . » Il recueille des centaines de chansons du xvie au xviiie siècle qu’il fait publier, comme Chansons et cantilènes. Douze chansons tant vieilles que veillottes, publiées dans La Vie normande, qu’Yvette Guilbert interprète.

Marié à Gabrielle Suzanne Devaux16, il s’éteint, nonagénaire, à Paris, le 17 juillet 1975, plus de vingt ans après ses compagnons de jeunesse.

13 Archives nationales F-21-4519B. 14 Voir à ce sujet « Épinal tricolore, l’imagerie Raoul Dufy (19141918) », cat. expo. musée départemental d’Art ancien et contemporain, Épinal, 2011. 15 Roger Allard, Le Nouveau spectateur : correspondance rédigée,

Paris, Camille Bloch éditeur, 1919, p. 185. 16 Il se marie à Graimbouville le 3 décembre 1927.

Expositions

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Un portrait, buste en plâtre (n° 298).

Eugène Levesque

(Angers, 1855 - Paris, 1944)

M. D. Eugène Levesque naît à Paris avant de devenir l’élève de Boulanger, de Charles Lhullier et de Jules Lefebvre.

Expositions

1886

Paris, Salon, Portrait (n° 1476).

Jean Le Fustec, « Le Salon – Salle XIII » in Journal des artistes, 23 mai 1886, p. 165 : « Un élève de Jules Lefebvre, exposant pour la première fois, M. Eugène Levesque, a donné (salle 13, n° 1476) le portrait d’une dame d’une cinquantaine d’années, très remarquablement dessiné et peint avec solidité ; c’est l’un des bons, des très bons du Salon. »

1890

Amiens, Société des arts du département de la Somme, À la fontaine (n° 372) et Dans les Graves (Villerville) (n° 373).

1891

Versailles, Société des amis des arts du département de Seine-et-Oise, Maison normande (n° 317) et Villerville (n° 318). Il est alors domicilié à Villerville.

1899

Le Havre, Société des amis des arts, En visite (n° 301) et La Pointe de Pierre-Formigue à Beaulieu (n° 302).

1902

Nice, exposition des beaux-arts.

Émile Dernay, « Exposition des beaux-arts de Nice », in La Vie mondaine à Nice, 20 mars 1902 : « Nous ne voudrions pas terminer ce rapide exposé sans citer les deux très jolies compositions de M. Eugène Levesque : Dans les Graves (Villerville) et En visite (genre), qui se font remarquer par de solides qualités de dessin et de coloris. »

Marcel Pierre Loquay naît à Sanvic le 11 septembre 1879, de l’union de Pierre Gustave Loquay, lithographe et de Pélagie Marie Louise Legras, ménagère. Il suit les cours de l’école municipale des Beaux-Arts du Havre où il devient l’élève de Lhullier, puis de Lamotte qui succède à ce dernier dans ses fonctions de directeur de l’école et de conservateur du musée. Le 27 septembre 1898, il joint sa signature à celles de Dufy et de Friesz en faveur d’Édouard Courché comme professeur de dessin, suite au décès de Lhullier. En 1899, Loquay est en cours supérieur et obtient le 3e prix lors de la distribution des prix de l’école des beaux-arts, ex aequo avec Henri de Saint-

Marcel Loquay Delis et derrière René de Saint-Delis. Il semble n’exposer qu’une fois au Havre à (Sanvic, 1879 - id., 1918) l’exposition organisée par la Société des amis des arts de la ville en 1905. M. D. À une époque où l’inertie sociale intergénérationnelle est forte, il marche sur les traces paternelles et embrasse la profession de graveur lithographe, de même que deux de ses cadets, Édouard Adrien (né en 1881) et Henri Louis (né en 1884). Il se marie le 9 juillet 1907 avec Marie Henriette Palfray, avec qui il a une fille. De santé fragile, il est réformé cette même année pour bronchite spécifique, puis en 1910 pour tuberculose, et meurt le 12 octobre 1918 à trente-neuf ans, à son domicile du 32, rue Albert Ier, à Sanvic1 .

Expositions

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Rue d’enfer à Rouelles (n° 312) et Matin de janvier (n° 313), peintures, ainsi que Vieille chapelle Saint-Michel, effet de lune, eau-forte (n° 678).

Daphnis, « Exposition des beaux-arts – La peinture (suite) », in Revue comique normande, 26 août 1905 : « 312. Loquay. Rue d’enfer à Rouelles – Tableau gentillet, au fond de la rue ombreuse, l’église et les maisons s’enlèvent bien claires sur le fond vert formé par les taillis du coteau voisin. Il y a de sérieuses qualités dans ce paysage, bien mal placé dans le fond de la salle. »

Anonyme Marcel Loquay, René de Saint-Delis et Raymond Lecourt Photographie, vers 1907 Archives privées.

Marguerite Hippolyte Anna Pitolet naît à Auteuil le 27 juillet 1846. Son père, Hubert Amédée Pitolet, est inspecteur de l’instruction primaire du département de la Seine, sous-chef de bureau au ministère de l’Instruction publique et officier de l’Instruction publique. Sa mère est née Adélaïde Louise Hildebrand. Une institution Amédée-Pitolet, installée dans les années 1840 au 35, rue de Sèvres, à Paris, prépare avec un succès revendiqué à grand renfort de publicité au baccalauréat en lettres ainsi que les jeunes gens qui se destinent au commerce1. Amédée Pitolet publie en 1863 chez Belin le Guide légal, administratif et pédagogique, contenant toute la législation relative à l’instruction primaire. Comme nombre de jeunes filles de bonne famille, Anna Pitolet parfait son éducation en prenant des cours de peinture. Peut-être suit-elle l’exemple de son aînée, Élisabeth Fanny Jeanne Pitolet, qui, élève de Paul-Constant Soyer et de Mme Dumoulin, exposera plus tard au Salon des artistes français2. Anna s’initie ainsi à l’art de la peinture sur porcelaine auprès de Mlle Lécluse, installée aux

Batignolles3, et reçoit en 1863 une médaille donnée par l’impératrice Eugénie (Auteuil, 1846 - Paris, 1931) au nom de son fils, le prince impérial, pour récompenser les jeunes élèves des écoles M. D. de dessin à l’occasion de l’Exposition des beaux-arts appliqués à l’industrie4 . Elle suit également les cours d’Elisa Le Guay, artiste peintre à la manufacture de Sèvres5, ainsi que de M. Lalanne. Mettant à profit les leçons reçues, Anna Pitolet expose trois années consécutives (18661868) au Salon des artistes français des peintures sur émail ou sur porcelaine. Elle épouse le 25 septembre 1874 Georges Henri Maze6, docteur en médecine7. Elle s’installe après cette date au Havre et y suit les cours de Lhullier à l’école municipale des Beaux-Arts. Elle expose régulièrement aux salons organisés par la Société des amis des arts de la ville entre 1880 et 1905. Paul Védrine raille de façon quelque peu misogyne, dans son recueil de notices biographiques, « un artiste amateur qui préfère la peinture au crochet. […] Peinture féminine faite avec goût8 ». Elle se réinstalle après son veuvage à Paris où elle décède, à l’hôpital Beaujon, le 3 mars 19319 .

1 Le Siècle, 5 septembre 1843. 2 Née à Paris le 4 juin 1843, elle devient l’épouse de Martin Pierre

Castel. Elle expose deux gouaches au Salon organisé par la Société des amis des arts du Havre en 1882 , et une peinture à celui de 1890, Fruits du Midi. Elle présente cette dernière œuvre au Salon de la même année. 3 Les époux Pitolet habitent alors au 34, boulevard des Batignolles, à Paris. 4 Rapports du jury de l’exposition des beaux-arts appliqués à l’industrie au palais des Champs-Élysées, en 1863, typographie Morris et compagnie, Paris, 1865. 5 Elisa Le Guay (1813-1887) fait partie d’une dynastie de peintres à la manufacture de Sèvres. 6 Né le 1er mai 1849 à Graville de l’Eure, il décède en son domicile du 11, rue Diderot, au Havre, le 20 février 1912. 7 Archives de Paris, mariages, 17e arrondissement, V4E 4754.

Un Georges Maze est sociétaire de la Société des amis des arts en 1905. Peut-être s’agit-il du même homme. 8 Paul Vedrine, Marrons sculptés,

Le Havre, Maudet & Godefroy, 1887, p. 114. 9 Archives de Paris, 8D 206, acte 453.

Expositions

1866

Paris, Salon des artistes français, Le Sommeil, d’après Angelica Kauffmann, porcelaine (n° 2498).

1867

Paris, Salon des artistes français, L’Impératrice Joséphine, porcelaine (n° 2012).

1868

Paris, Salon des artistes français, Le Songe, d’après Fragonard, émail (n° 3227).

1880

Le Havre, Société des amis des arts, Le Songe d’amour, émail (n° 555).

1882

Le Havre, Société des amis des arts, Effet de couchant, Le Havre (n° 390), Marine – Saint-Jouin (Seine inférieure) (n° 391), peintures, ainsi que L’Étang d’Oudalle (Seine inférieure), fusain (n° 726).

1884

Rouen, 29e exposition municipale de beaux-arts, Le Hamac (n° 600). Réside alors au 11, rue de l’Hôtel-de-Ville, au Havre.

1885

Le Havre, Société des amis des arts, Les Deux Mares à Bornambusc (Normandie) (n° 320) et Un coin de l’ancien parc à huîtres à Sainte-Adresse (n° 321).

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Coin de ferme à Bornambusc (n° 337) et Bouquet de roses (n° 438).

1893

Le Havre, Société des amis des arts, Ma cabane, ancienne cabane d’Alphonse Karr (n° 369).

1896

Le Havre, Société des amis des arts, Dans la falaise du petit Berneval (près de Dieppe), peinture (n° 462).

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Diane. Épagneule, PontAudemer (n° 341), ainsi que deux miniatures sur ivoire, d’après nature aux numéros Gérard Gosselin (n° 674), et Mme Lemm, Lola de Pierrefitte (n° 675).

1 902

Le Havre, Société des amis des arts, Un bout de ferme en Normandie (n° 315), À Gisors (n° 316), peintures, ainsi que deux Études de fleurs, aquarelles (n° 600 et 601).

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Quatre petites études dans un seul cadre : Printemps, Été, Automne, Hiver (n° 341), ainsi que Un coin de jardin, aquarelle (n° 687), et Effet, pastel (n° 688).

Maurice Millière Portrait d’une femme, 1927 Dessin à la plume et gouache sur papier, 31,5 x 48 cm Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris.

Quatrième d’une fratrie de cinq, Maurice Georges Louis Millière naît au Havre le 12 décembre 1871 dans un milieu modeste. Son père, Auguste Eugène Ferdinand Millière, y est installé comme commis de négociant, et sa mère, Alexandrine Léontine Meaunouris dit Manoury, est déclarée sans profession1 . Le jeune Millière fréquente l’école municipale des Beaux-Arts sous la direction de Lhullier, avant d’intégrer, à l’âge de dix-huit ans, l’École nationale supérieure des Arts décoratifs à Paris en 1889, grâce à une bourse octroyée par sa ville natale. Il est l’élève d’Alfred-Charles Foulongne2. Au cours de ses études, il reçoit de nombreux prix, dont le 2e prix du dessin d’après nature en 1891. Millière est également réputé suivre les cours de Bonnat à l’École nationale des beauxarts. Libéré de ses obligations militaires en 1895, il se fait remarquer dès les dernières années du XIXe siècle pour ses travaux graphiques réalisés pour des couvertures de partition, ou des affiches destinées à la promotion de la société Le Boulch3 ou du Divan japonais (1899)4. Il travaille également aux programmes des

Maurice Millière Folies Bergères en 1897 et 1898, ainsi que sur le menu et la carte du restaurant Le (Le Havre, 1871 - Yport, 1946) Grand Vatel, rue Saint-Honoré, à Paris, pour son ouverture en 1902. M. D. Ses premiers travaux lui valent d’être promu, dès 1901, officier d’académie, bien qu’il n’enseigne pas. Il obtient le second grade, les palmes d’or, en 1909. Son dossier indique qu’il est artiste en céramique en plus d’être peintre. Il épouse, le 4 octobre 1906, Jeanne Clotilde Bonnal, fille d’un professeur de musique5. Il se déclare alors artiste peintre. Veuf6, il se remarie à cinquanteneuf ans, le 13 février 1931, avec Jeanne Brailly7. Son ami Louis Pigniollet, artiste peintre, est témoin des deux unions8 . Bien que continuant à s’adonner à la peinture de paysage ou de portrait, Millière se spécialise dans l’illustration où il rencontre rapidement le succès. Son interprétation de la « Parisienne moderne » devient rapidement connue sous le nom de « petite femme de Millière ». Utilisant habilement la technique de la gravure en couleur à la pointe sèche, l’artiste crée une femme moderne, à la fois timide, gracieuse et mutine. La plupart de ces illustrations représentent la même femme : Fanny,

1 Le grand-père maternel, Charles

Victor Louis Meaunouris dit Manoury, est caissier quand le grand-père paternel, Étienne Ferdinand

Millière, est teinturier. 2 Foulongne (Rouen, 1821 – Paris, 1897) est l’élève de Paul Delaroche et de Charles Gleyre avant de devenir professeur à l’École des

Arts décoratifs de Paris. Il débute au Salon de 1848 et y expose jusqu’en 1882. 3 Voir l’affiche lithographique de 1898, dont un exemplaire est conservé à la BNF, inv. ENT DO-1 (MILLIÈRE, Maurice)-ROUL. 4 Situé au 75, rue des Martyrs, à

Montmartre, le café-concert Le

Divan Japonais accueille les spectateurs dans un décor japonisant de lanternes et de faux bambous.

Un ancien propriétaire a fait appel à Toulouse-Lautrec pour une affiche en 1892-1893. 5 Archives de Paris, 18M 355, acte 2267. 6 Sa première épouse décède à

Barbizon le 23 mai 1929. 7 Archives de Paris, 18M 576, acte 370. 8 Après avoir étudié aux Beaux-Arts de Lyon, Pigniollet (1869-1946) vient s’installer à Montmartre. Il est l’auteur de natures mortes de fleurs et de paysages.

9 Dépôts du 17 août 1921, n° de modèle 8912 – 001 et du 31 janvier 1922, n° 9054-001. 10 Un exemplaire est conservé au musée des Arts décoratifs de

Paris. 11 Pseudonyme de Sibylle Riquetti de Mirabeau (1849-1932). 12 D’abord au 43, puis au 32. 13 Bulletin officiel du ministère des

Colonies, Paris, imprimerie nationale, janvier 1930, p. 1573. qui, d’adolescente timide, se transforme progressivement en une jeune femme voluptueuse. À partir de 1917, il publie de grandes quantités de représentations de ces femmes en tenue légère dans Fantasio, puis Bagatelles, La Vie parisienne, Le Frou-Frou, Le Sourire, etc.

Sensiblement érotiques, ses portraits sont connus sous le nom de « femmes poupées ». Il faut voir en Millière l’inventeur – avec Louis Icart (18881950) – de l’art du boudoir. Ses « petites femmes » vont connaître un gros succès en dehors de la France : durant les années 1920, des périodiques américains réimpriment ces créations, associées alors au « gai Paris ». Ces dessins sont reproduits dans des illustrés britanniques comme The Illustrated London News, ou américains comme le Daily Graphic. Millière est exposé lors du deuxième Salon of Colored Etchings aux nouvelles galeries d’Edward Brandus à New York, en 1908. Ses petites femmes sont une source d’inspiration pour Alberto Vargas et Enoch Bolles, préfigurateurs du « style pin-up ».

Le modèle de la « Parisienne » de Millière se développe également au travers d’une production de statuettes, qualifiées de « poupées », très légèrement vêtues. Il dépose à l’Office de la propriété industrielle, en 1921-1922, deux modèles, dénommés « La Parisienne de Maurice Millière9 . » Présentées dans plusieurs devantures parisiennes, elles suscitent parfois la colère, au regard du stéréotype de la femme parisienne qu’elles véhiculent.

La notoriété de la « Parisienne » est mise à contribution pour servir de support publicitaire aux produits de beauté Neige des Cévennes. Mais on retrouve également le nom de Millière sur un éventail de réclame des liqueurs Cherry Rocher, dans les années 193010. Ses illustrations pleines de vie accompagnent aussi les péripéties du malheureux « monoglote » dans la plaquette publicitaire de l’école Berlitz en 1910.

Millière illustre également plusieurs ouvrages, dont Mimi du Conservatoire de Maurice Vaucaire (1917) ou La Chambre vide de Maxime Formont (1918). Gyp11 fait appel à son talent pour illustrer certains de ses romans, dont L’Âge du mufle (1916). L’artiste exécute une production plus confidentielle d’œuvres à caractère érotique et fournit ainsi les illustrations de Cravache et fanfreluches d’Alan Mac Clyde (1933), au titre sans équivoque. Millière réside plusieurs années rue Durantin, dans le quartier de Montmartre12. Avec quelques autres artistes ou amis des arts, dont JeanLouis Forain ou Francisque Poulbot, il participe en novembre 1920 à la création de la République de Montmartre, sous l’impulsion de Joë Bridge, dessinateur et imprimeur. Au-delà de son caractère festif, cette association apolitique vise surtout à affirmer la réputation artistique de Montmartre ainsi qu’une identité communautaire centrée sur l’entraide et la sociabilité. Il s’agit aussi de tenter de préserver le village des excès des promoteurs. La République de Montmartre inclut clairement une dimension caritative. Nombre de fêtes et banquets sont organisés dans les lieux mythiques de Montmartre (Moulin de la Galette, cirque Medrano, Moulin Rouge) au profit de l’enfance déshéritée. Sous l’impulsion de Théodore Baude (1866-1949), historien martiniquais qui prend part à l’organisation des expositions coloniales, la Martinique reçoit régulièrement des artistes européens en résidence pour une mission de six mois en général. C’est dans ce contexte que Maurice Millière, après avoir séjourné en 1927 en Guadeloupe et en Martinique, expose ses œuvres au 1er étage de la Chambre de commerce de Fort-de-France. Dans la continuité, il illustre en 1929 Madinina, reine des Antilles. Études de mœurs martiniquaises, ouvrage du Dr William Dufougeré que le ministère des Colonies souhaite distribuer en guise de prix dans les collèges et les lycées, et où il transpose son modèle de représentation féminine en le revêtant d’accessoires « exotiques ». Millière est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1930 au titre des colonies, pour avoir été l’« auteur de nombreux travaux artistiques relatifs aux colonies, a contribué à l’œuvre de propagande

et de documentation coloniale13 ». Il illustre en septembre de la même année le supplément consacré à la Guadeloupe des Annales coloniales illustrées de deux œuvres : Devant la Soufrière, pêcheuse de homards sous un palétuvier et Portraits et costumes guadeloupéens. Il expose ses œuvres inspirées de son séjour aux Antilles lors de l’exposition de la Société coloniale des artistes Français de 1930 et obtient l’année suivante la médaille d’or à l’Exposition coloniale de Paris.

Millière est devenu un artiste établi dans l’immédiat après-guerre. Les années 1920 marquent l’apogée de sa carrière. Il expose beaucoup, dans des galeries commerciales et au Salon de Paris, ainsi qu’au Salon des humoristes et à l’Exposition coloniale. Il est alors membre de la joyeuse société artistique et littéraire Le Cornet14, participe en bonne compagnie aux repas qu’elle organise et illustre le menu du 238e dîner en juin 1925. La seconde moitié des années 1930 marque un repli de sa notoriété. La photographie prend le relais des illustrations dessinées. Il est contraint de donner des cours de peinture et de dessin dans son atelier du 44, rue Perronet, à Neuilly-sur-Seine15. Il meurt le 5 avril 1946 à Yport, où il s’est installé quelques mois auparavant.

14 Fondée en 1896 par Georges

Courteline, cette société strictement réservée aux hommes réunit autour d’un dîner notables, hommes de lettres et artistes aimant partager connaissances et humour. 15 Petite annonce parue dans

Le Figaro, 16 octobre 1936.

Expositions

1891

Rouen, 32e exposition municipale de beaux-arts, Ma chambre à Paris (n° 599).

1895

Rouen, 34e exposition municipale de beaux-arts, Mon portrait, crayon (n° 856).

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Étude (n° 320).

1908

Paris, 5e Salon annuel de la revue originale en couleur, Galerie Georges-Petit, 14 octobre - 13 novembre, Suzette et Loulou (pointe sèche, n° 248), Gracieuse (pointe sèche, n° 249), En visite, le Bull blanc (n° 250), Mme de M… (n° 252) et Songeuse (n° 253).

1909

Paris, 6e Salon annuel de la gravure originale en couleur, Galerie Georges-Petit, 14 octobre - 10 novembre 1909, Rita (n° 259), Odette (n° 260), Lily (n° 261) et Vesta (n° 262).

1910

Paris, 7e Salon annuel de la gravure originale en couleurs, Galerie Georges-Petit, 3 au 30 novembre 1910, Femme au manchon (n° 200).

1911

Paris, 8e Salon annuel de la gravure originale en couleur, Galerie Georges-Petit, 1er au 23 novembre, Yvonne (n° 253), Irène (n° 254), Scène parisienne (n° 255) et Liseuse (n° 256).

1912

Paris, 9e Salon de la gravure originale en couleur, Galerie Georges-Petit, 1er au 24 novembre 1912, Parisienne (n° 246), Le Médaillon (n° 247), La Liseuse (n° 248) et En promenade (n° 249).

1913

Paris, 10e Salon de la gravure originale en couleur, Galerie Georges-Petit, 1er au 27 novembre 1913, Miss Goodrich (n° 244), La Belle Image (n° 245), En promenade (n° 246), Coquetterie (n° 247), Mme de B… (n° 248) et Première pose (n° 249).

1915-1916

Rouen, Exposition d’art « Pour nos soldats ! Pour nos artistes ! » avec six gravures à la pointe sèche (Lulu, Coquetterie, La Sieste, etc.) sept eau-forte (Taquinerie, Déshabillé, Maquillage, etc.) et six aquarelles (dont trois Indien).

1916-1917

Rouen, Exposition « Les Artistes belges avec le concours des peintres normands », où il présente une peinture (Démarches importantes) et cinq pointes sèches. Paris, 2e exposition de gravures et lithographies originales, Galerie Georges-Petit, 6 décembre 191610 janvier 1917, Abdel Karim (n° 277), Rocking-chair (n° 278), Capricieuse (n° 279), Printemps fleuri (n° 280), Le Modèle craintif (n° 281), Le Hoka (n° 282) et L’Indien se chauffant (n° 283).

1917

Paris, Exposition d’eau-forte et de lithographies organisée par la société L’Estampe moderne, Galerie Georges-Petit, 1er au 31 décembre, série Les Indiens : le cuistot (n° 139), Le Repos (n° 140), L’Australien (n° 141), Indien (n° 142) et Ninette (n° 143).

1920

Paris, 11e Salon annuel de la gravure originale en couleur, Galerie Georges-Petit, 16 décembre 1920 - 9 janvier 1921, Nelly (n° 247), Les Reflets (n° 248), Espiègle (n° 249) et Jeune danseuse (n° 250).

1925

Lyon, 5e Salon des humoristes.

Désiré Franc, « 5e Salon des humoristes de Lyon », in La Revue des beaux-arts, 1er décembre 1925 : « Maurice Millière nous décrit de son pinceau distingué les grâces de la Parisienne. Son Effet de lumière, où se profile son modèle accoutumé, est d’une jolie coloration. »

1926

Paris, Salon des humoristes, La Douche.

Maurice Millière Couverture de La Vie parisienne, 1918 Estampe, 25,5 x 33,5 cm Coll. part.

1928

Paris, Salon des artistes français, Pensive, eau-forte (n° 4228).

1929

Paris, Salon des artistes français, La Jolie Bulle, lithographie (n° 4524).

1930

Paris, Salon des artistes français, Reflets, lithographie (n° 4420). Paris, Société coloniale des artistes français, Le Palétuvier, peinture (n° 100).

J. Suy, « Vernissage colonial », in Les Annales coloniales, 10 mai 1930 : « L’excellent artiste qu’est Maurice Millière a rapporté de la Guadeloupe une ravissante pêcheuse de homards à l’ombre d’un palétuvier. »

1931

Paris, Salon des artistes français, Rêverie, lithographie (n° 4560).

1932

Paris, Salon des artistes français, Pensive, lithographie (n° 4613).

1933

Paris, Salon des artistes français, Printemps, lithographie (n° 4842).

1934

Paris, Salon des artistes français, La Boule de verre, lithographie (n° 4494).

1935

Paris, Salon des artistes français, Boudeuse, lithographie (n° 4085). Caen, Salon des artistes basnormands.

1936

Paris, Salon des artistes français, Pensive, lithographie (n° 4104). Caen, Salon des artistes basnormands. Paris, Salon de l’École française, une lithographie en 2e section, Rêverie (n° 258), et deux œuvres en section humoristique, Petit service (n° 659) et La Douche (n° 660).

1937

Salon des artistes français, Indien, lithographie (n° 246). Caen, Salon des artistes basnormands. Salon de l’École française, section humoristique, Deux amis (n° 641) et La Puce (n° 642).

Albert René M. Lhullier Dessin au crayon reproduit dans Revue comique normande, 27 septembre 1884.

C’est sous son double prénom qu’Albert René Morice devient l’un des animateurs les plus célèbres de la vie culturelle havraise et qu’il signe les caricatures qui émaillent la presse locale durant presque cinquante ans. Il naît au Havre le 27 avril 1856. Son père, Pierre Amable Morice, est charpentier de navires avant de finir contremaître dans les ateliers Augustin Normand. Sa mère, née Eliza Désirée Fremy, est sans profession. Sans véritable formation, il entre comme coteur au Journal du Havre pour renseigner la chronique boursière quotidienne, avant d’y devenir rédacteur en 1879. Il cofonde la Revue comique normande et y collabore de 1880 à 1885. Il devient directeur propriétaire de La Cloche illustrée, qu’il fonde avec Maudet et Godefroy en décembre 1885. En 1895, il est rédacteur théâtral, judiciaire et commercial au sein du tout nouveau journal L’Indépendance havraise. D’une inépuisable énergie, il signe les livrets d’innombrables revues humoristiques présentées dans les nombreux cabarets du Havre, comme les Folies Bergère. Chaque année, le trublion doit trouver une intrigue

Albert René (Albert originale pour passer en revue les faits de l’année. Suivez les ifs, en 1898, Y a du René Morice, dit) bon en 1917, Ça va, ça va en 1918 ou Tu (Le Havre, 1856 - id., 1930) blagues ? en 1919. Force est de constater que ces revues rencontrent, année après année, un véritable succès populaire ; M. D. le nombre de représentations franchit régulièrement la barre des 100. Albert René Morice est également librettiste de revues conçues en collaboration avec Alphonse Allais – ils étaient camarades au collège à Honfleur –, dont À la gare comme à la gare, présentée au théâtre des Mathurins en juin 1899, Eh ! Placide. Eh ! Généreux ! en 1901 ou Les Cinq Sens, présentée à Londres en 1905. Ses revues sont produites non seulement au Havre, mais également à Rouen, Caen, Toulouse, Paris, Nancy, Tours ou Poitiers. Mais, ainsi que l’écrit Jehan Le Pôvremoyne : « La gloire en effet est singulièrement injuste dans la distribution de ses titres ; un revuiste ne passe pas à la postérité avec l’auréole d’un poète ou les lauriers d’un romancier1 . » Cet ami des arts cultive son talent auprès de Lhullier, mais a également pour maîtres Huré et Georges Fauvel. C’est dans l’illustration qu’il fait ses premières armes, réalisant de nombreux dessins dans la revue hebdomadaire illustrée de l’Exposition maritime internationale du Havre de 1887, et il s’adonne rapidement à la caricature,

1 Jehan Le Pôvremoyne, « La vie havraise – Albert René », in Le Petit

Havre, 31 janvier 1934.

2 La collaboration dure au moins de la fin de l’année 1898 jusqu’en 1904. Plusieurs numéros concernés, dont celui du 24 décembre 1898, du 18 juin 1899 ou du 21 juillet 1901, par exemple.

Pierre-Olivier Perl, « Caricature et opinion : une influence réciproque » in Michel Denis, Michel Lagrée (et

Jean-Yves Veillard (dir.), L’Affaire

Dreyfus et l’Opinion publique, en

France et à l’étranger. Nouvelle édition [en ligne], Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1995 :

« Le Charivari est le média qui utilise le plus la représentation des acteurs typiques. Parmi l’équipe de dessinateurs de ce journal, Albert

René fait exception. Son cas est particulier. Semi-professionnel du dessin, il commence sa collaboration avec Le Charivari en mai 1899, publie peu mais régulièrement.

Tandis que les autres dessinateurs du journal se contentent de scènes impersonnelles, Albert

René charge ses personnages.

L’homogénéité traditionnelle du style et de l’humour du Charivari rend étonnante la présence en ses rangs d’un tel satiriste. Albert

René a été choisi par Henriot pour animer politiquement le journal, pour donner l’avis de la rédaction sur le gouvernement de la France.

Si les charges d’Albert René sur le gouvernement Waldeck-Rousseau mettent en garde contre les dangers du collectivisme, il n’hésite pas à croquer Déroulède et Guérin en fantoches. » 3 Paru en 1904, l’album regroupe 34 dessins humoristiques. Le nom de l’éditeur, La Librairie antisémite, laisse malheureusement d’autant moins de doute sur les opinions d’Albert René que l’ouvrage est préfacé par les polémistes antisémites Édouard Drumont et Henri

Rochefort. 4 Albert Herrenschmidt, « La caricature havraise », in Le Havre qui passe. Chroniques havraises 1911,

Le Havre, 1912, p. 33-34. 5 Georges Rimay, « Notes d’art – Un panneau décoratif d’Albert René », in La Cloche illustrée, 24 septembre 1910. 6 Aujourd’hui au MuMa, inv. A325.

Trois autres panneaux sont identifiés : Henry Génestal, l’adjoint

Masselin et Hippolyte Fénoux. 7 L’identification a été permise grâce à Clémence Poivet-Ducroix, en charge des collections au MuMa.

Qu’elle en soit ici sincèrement remerciée. 8 Voir infra. non seulement pour La Cloche illustrée, dont il est le directeur, mais également pour Le Charivari2 ou l’hebdomadaire satirique La Baïonnette. « L’art local compte, lui aussi, ses dessinateurs enfants terribles, dont la plume est une pointe de flèche. Pour l’un d’entre eux, tout au moins, la notoriété a dépassé l’ombre du clocher et le talent d’Albert René illustre depuis plusieurs années de sa verve railleuse, toujours à l’affût de l’actualité, les pages du Charivari. Il y a du Daumier dans ce trait de crayon ferme, gras, décidé, dans la silhouette du personnage, dans son mouvement et son attitude. […] Albert René s’est presque exclusivement consacré à la caricature politique. Il a fait des grands premiers rôles du Théâtre-Bourbon des marionnettes cocasses dont le dessin est l’amplification d’un trait réellement observé. L’art du caricaturiste consiste d’ailleurs à retenir dans le type qui lui sert de cible la ligne de la physionomie qui se prête le mieux à la déformation, sans que la ressemblance s’en trouve atteinte. Ces principes essentiels, Albert René les a toujours observés. Il a dans sa collection des dessins de La Cloche illustrée, du Charivari, dans son volume Comberies3 des pages étonnantes de verve, d’esprit, de virtuosité. Et point n’est besoin d’observer longuement pour retrouver là, sous l’échevelé du crayon satirique, une sûre entente du dessin4 . »

Son sens de la dérision s’illustre également dans les six panneaux décoratifs initialement exposés à partir de 1910 à la vitrine d’un tailleur de la rue Thiers5 avant d’être montés en paravent6 . Albert René a participé à la composition de panneaux consacrés aux hommes du jour exposés en vitrine de certains magasins des grands boulevards à Paris. Un commerçant havrais en a repris l’idée. Albert René charge ainsi les personnages importants de la cité, dont Louis Brindeau. L’ancien maire du Havre, connu pour avoir été un des grands défenseurs de la ligne du Sud-Ouest – grand projet ferroviaire de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle, jamais réalisé, qui aurait relié Le Havre à la rive gauche de la Seine par un franchissement du fleuve près de l’estuaire –, y est représenté jouant au petit train7 . En 1919, Albert René est à l’initiative de l’ouverture au Havre de la salle d’exposition Le Hall de La Cloche, aux 25, de la rue de la Comédie, à l’angle de la rue Victor-Hugo. Il y accueille non seulement des peintres issus de l’école d’art du Havre, tels que Dufy, Friesz, Lecourt, Binet, Ausset, Rötig ou les frères SaintDelis, mais aussi des peintres rouennais comme Robert Pinchon, Narcisse Guilbert, Marcel Delaunay ou Magdeleine Hue, ou des Honfleurais comme Léon Leclerc. Il y expose également des aquarelles de Signac en 1922. Volontiers éclectique, la programmation du Hall de La Cloche est ouverte à toutes les formes d’art, avec le verrier Sala, le ferronnier Charles Tois, les reliures d’art de Charles Meunier et de Georges Baudin, ou encore des objets décoratifs.

Statufié par le sculpteur Alphonse Saladin, Albert René Morice est l’oncle maternel de la femme de l’artiste AchilleEugène Godefroy8. Il décède, célibataire et sans enfants, le 28 juin 1930 au Havre. Il repose à proximité de son ami Albert Herrenschmidt et non loin d’Hippolyte Fénoux et de Georges Fauvel, au cimetière de Sainte-Adresse.

Albert René Caricature, s.d. Aquarelle sur papier, 42,5 x 28,3 cm MuMa Le Havre, inv. AD125.

Expositions

1893

Le Havre, Société des amis des arts, Sainte-Adresse (n° 453).

1896

Le Havre, Société des amis des arts, Un Coin de bains à SainteAdresse (n° 561) et Asperges (n° 562).

1916

Le Havre, Galerie Lebas.

1919

Le Havre, Galerie P. Maury.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 23 septembre 1919 : « Revuiste et caricaturiste sont frères. Ils appartiennent à la même école et, par des moyens similaires, atteignent tous deux le même effet satirique, sur la scène et sur le papier. La déformation bouffonne qui souligne le ridicule et provoque le rire est, pour l’un comme pour l’autre, la base de leur procédé. Notre concitoyen Albert René a montré plus d’une fois avec quelle souple et spirituelle habileté il associe les deux genres et, d’un pas égal, les fait marcher de front dans le succès. Mais ce que l’on connaît moins dans le grand public, c’est Albert René peintre – nous savons de lui des études de paysages très poussés qui ont la valeur d’excellents tableautins –, et c’est Albert René dessinateur à la plume. On remarquera à ce sujet aux vitrines de Maury deux dessins qui seront prochainement une véritable révélation. L’un représente La Route de Dieppe sous la pluie ; l’autre, Un coup de vent. Ces dessins sont d’un effet saisissant et d’une remarquable exécution. Vigoureux, traités avec une fermeté qui n’exclut pas la finesse, ils accusent un sentiment d’art et un talent personnel qui paraissent plus savoureux encore quand on les rapproche de la fantaisie de l’humoriste. Il est agréable de découvrir, ou plutôt de retrouver, sous l’originalité de ce dernier, un artiste dans la meilleure note classique. »

1920

Le Havre, Exposition collective, Hall de La Cloche.

« C’est d’abord Albert René qui s’y fait apprécier par la diversité, la souplesse vraiment extraordinaire de son talent. Aussi bien cette exposition a-t-elle, pour nous autres Havrais, l’apparence d’une rétrospective car nous y trouvons une série d’œuvres déjà appréciées, comme ces grands panneaux qui figurèrent à la devanture d’un tailleur et qui, sous forme de charges, présentèrent de plaisante façon les personnages les plus connus de notre ville. Savamment montés, ces panneaux sont aujourd’hui transformés en paravent. Dans la note caricaturale, Albert René a de même saisi, d’un pinceau alerte, les personnages surchargeant un tramway, un autocamion transportant des troupes anglaises et bousculant un bec de gaz, la foule suivant la retraite9 . »

1934

Le Havre, Exposition rétrospective, Galerie P. Maury.

Charles Alexandre Jules Pornin naît à Vendôme le 24 juillet 1835 de François Raymond Pornin1 et de Laure Marie Joséphine Ferrand. L’esprit du jeune Pornin se développe dans un terreau volontiers favorable. Son grand-père maternel, François Pierre Ferrand, était en effet professeur de dessin quand le grand-père paternel, ancien directeur du collège de Pont-le-Voy, près de Blois, enseignait la littérature et la philosophie. François Raymond Pornin est professeur de philosophie et de théologie avant de s’établir durant quelques années comme éditeur à Tours, où il publie nombre d’ouvrages à vocation éducative. La société est liquidée au bout de cinq ans et la famille Pornin s’installe au Havre où, fidèle à son intérêt pour les questions éducatives, François Raymond Pornin rédige en 1859 et fait publier chez Lemale son Enseignement méthodique. Petit manuel des cours d’éducation maternelle2 . Jules Pornin devient l’élève de Charles Lhullier à l’école municipale des BeauxArts, mais également celui d’Alexandre Louis Feulard. Bien que ce dernier soit plutôt considéré comme un peintre

miniaturiste, Pornin prend l’habitude de peindre sur de grands formats. L’œuvre (Vendôme, 1835 - Paris, 1910) Un coin de la ferme de M. le maire, à Fontaine-la-Mallet, présentée au Salon M. D. des artistes français de 1880, mesure pas moins de 160 centimètres sur 200. Pornin est ensuite autorisé à suivre les cours de Debrie dans les galeries de l’École des beaux-arts quand il s’installe à Paris avec sa famille en 18883 . Il épouse le 11 avril 1863 Louise Clémentine Marie Rolland, fille d’un négociant de La Ferté-sous-Jouarre4 . Sept enfants naissent de leur union5 . Pornin peint peu. Très peu de ses œuvres sont aujourd’hui recensées. Il expose néanmoins à plusieurs reprises au Havre, mais également au Salon des artistes français entre 1879 et 1881. Il ne vit pas de son art et exerce successivement plusieurs métiers. Il est ainsi indiqué comme marchand de meules à Moulins en 1866, puis représentant de commerce pour la Compagnie des docks et entrepôts de Rouen en 1888. En 1909, il est représentant de mines de charbon. Il décède le 22 juin 1910 dans son domicile du 162, boulevard Magenta, à Paris.

1 Orléans, 6 janvier 1802 – Le Havre, 20 novembre 1882. 2 Cécile Boulair, « Raymond Pornin et le “gymnase moral d’éducation” : être éditeur de livres pour enfants à Tours sous Alfred Mame », in Mame, deux siècles d’édition pour la jeunesse, Rennes, Presses universitaires de Rennes/Presses universitaires François Rabelais, 2012, p. 255 et suivantes. 3 Archives nationales, AJ/52/464.

Autorisations d’étudier dans les galeries pour l’année 1888, n° 1264. 4 Saint-Aubin-de-Luigné, 15 avril 1843 – Paris, 18 mai 1924. 5 Louis Joseph Pornin deviendra capitaine d’artillerie de réserve, ingénieur civil après avoir étudié à l’École centrale des arts et manufactures et recevra la Légion d’honneur. Maurice Antoine

Pornin mourra au combat en novembre 1916 et recevra également la Légion d’honneur à titre posthume.

Expositions

1875

Le Havre, Exposition des beauxarts, sous le patronage de la Société nationale havraise d’études diverses, Un coucher de soleil (n° 361) et Rives de la Toucques (n° 362), huiles sur toile, ainsi que Souvenir de Barentin (n° 561) et Vue d’Épouville (n° 562), deux dessins à la mine de plomb.

Hippolyte Fénoux, Le Salon havrais, souvenir critique de l’exposition des beaux-arts organisée sous le patronage de la Société nationale havraise d’études diverses, p. 50 : « Les deux paysages à la mine de plomb, de M. Jules Pornin, dénotent une grande habileté de crayon ; mais ils sont d’une facture trop également habile. Les hachures uniformes qui sillonnent tout le dessin lui donnent une grande sécheresse. »

A. Devaux, « Mémoire sur l’exposition des beaux-arts de 1875 », in Recueil des publications de la Société havraise d’études diverses, Le Havre, Lepelletier, 1876, p. 415 : « Nous avons remarqué avec une véritable satisfaction deux dessins à la mine de plomb par Jules Pornin, très largement exécutés ; peu d’artistes de profession seraient capables de mieux traiter ce genre de dessin. Les deux vues exposées sont tout à fait réussies. »

Robert Le Minihy de La Villehervé, Une exposition de beauxarts en province. Le Havre, 1875, Le Havre, imprimerie Labottière, 1875 : « Deux mines de plomb hardies et précises de M. Pornin. »

1879

Paris, Salon des artistes français, Les Monts Trottins près du Havre (n° 2463). Domicilié au Havre, villa des Falaises, et à Paris, à l’adresse de M. Vieille, 35, rue de Laval.

Olivier Merson, « Salon de 1879 », in Le Monde illustré, 5 juillet 1879 : « M. Pornin : Les Monts Trottin près du Havre où il n’y a pas beaucoup d’étendue, de profondeur. » Théodore Véron, Dictionnaire Véron, ou mémorial de l’art et des artistes contemporains, le Salon de 1879, Paris, Bazin, 1879, p. 481 : « Les Monts Trottin près du Havre ont de beaux lointains vaporeux. Les monts du second plan ont aussi quelque chose de flou. Le premier plan est un vaste taillis, très fouillé, où s’élèvent deux arbres se détachant sur le ciel. Deux paysans cheminent dans les sentiers de ce taillis. Petite toile agréable d’aspect tendre et au beau ciel clair. »

1880

Paris, Salon des artistes français, Un coin de la ferme de M. le maire, à Fontaine-laMallet (n° 3083) et L’Enclos des douaniers, à Sainte-Adresse (n° 3084).

Le Havre, Société des amis des arts, Dans la vallée (n° 374) et Les Monts Trottins (n° 375).

1881

Paris, Salon des artistes français, La Côte de la Brecque (Seine inférieure) (n° 1912). Réside au 15, boulevard Pereire, à Paris.

Théodore Véron, Dictionnaire Véron, ou l’organe de l’Institut universel des sciences, des lettres et des arts du xixe siècle. Feu les savants, les littérateurs et les artistes, suivi du Salon de 1881, Pari, Bazin, 1879, p. 392 : « La Côte de la Brecque (Seine inférieure). Au premier plan, prairie où paissent des vaches ; cette prairie monte en pente et se termine par des massifs d’arbres. Au fond, à gauche, un coteau boisé s’enlevant sur le ciel ; entre ce coteau et la prairie, un vallon où paraît un village dont le clocher pointe sur la verdure. Voilà cette côte éclairée par un ciel très lumineux. »

1882

Le Havre, Société des amis des arts, Vallée de Rouelles (Seine inférieure) (n° 451).

1885

Le Havre, Société des amis des arts, Étang de Montligeon (n° 376).

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Vue du Pont-Neuf (n° 504) et Les Bruyères à Lineil (Seine-etOise) (n° 505). Il habite alors 51, rue de Maubeuge.

1888

Rouen, 31e exposition municipale de beaux-arts, 1888, Vallée de Chamounix [sic] (Haute-Savoie) (n° 542). Le Havre, Société des amis des arts, Le Printemps à Cerney (panneau) (n° 547).

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Vallée de Luchon (n° 398) et Environs de Clermont (n° 399).

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Premiers jours d’automne – Forêt de Montmorency (n° 358) et Vallée de Sallanches – HauteSavoie (n° 359).

1903

Paris, Vente de bienfaisance organisée par l’Association des artistes peintres, sculpteurs, architectes, graveurs et dessinateurs (fondation Taylor) au profit de la veuve et de la fille de Paul Lazerges, Vallée de Boutigny (Seine-et-Oise) (n° 410).

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Matinée d’octobre à Vallauris (n° 397) et Vallée d’EssonneBoutigny (Seine-et-Oise) (n° 398).

Charles Potier L’Atelier présumé de Potier au Havre Photographie, s.d. Bibliothèque municipale, Le Havre, Ch. Potier 312-522.

On sait les rapports compliqués entretenus par la peinture avec la photographie dès ses premiers développements. En août 1839, Paul Delaroche ne s’exclame-t-il pas après la communication d’Arago devant l’Académie des sciences « À partir d’aujourd’hui, la peinture est morte » ? Par la suite, nombre de peintres se reconvertissent en daguerréotypeurs après avoir été mis au chômage par le développement de la photographie, plus en vogue auprès de la population. Charles Nègre, Gustave Le Gray, pour ne citer que les plus connus, commencent eux-mêmes leur carrière comme peintres avant d’être attirés par ce nouveau médium. Charles Victor Potier est de ceux qui – avec d’autres anciens élèves de l’école d'art du Havre, comme Raoul Autin ou Jules Lalouette – emboîtent le pas à ces brillants aînés. Il naît pourtant dans un univers bien éloigné à la fois de la peinture et de la photographie, le 20 avril 1872. Son père, Ferdinand Marie Potier, est établi comme marchand de vins au 12, place Louis-XVI, au Havre1, dans un établissement repris de Victor Martin, oncle de Victorine, la mère de Charles. Celle-ci décède à trentedeux ans, laissant deux orphelins, dont le jeune Potier, âgé de seulement six ans2 .

Charles Potier À dix-huit ans, il s’engage dans l’armée en octobre 1890 pour trois ans et est alors (Le Havre, 1872 - incorporé au 6e régiment de dragons. Il en Condé-sur-Risle, 1942) est libéré le 1er octobre 18933 . M. D. Le jeune Potier étudie la peinture à l’école municipale des Beaux-Arts, sous la férule de Lhullier, puis d’Alphonse Lamotte. À la remise des prix de l’école en juillet 1899, il est classé hors concours pour le cours supérieur (peinture, dessin d’après nature et d’après l’antique), au même titre que Jules Ausset, Paul Bofils et Marcel Bénard. « Il n’est pas mauvais cependant d’insister sur la valeur des œuvres […] de M. Potier, hors concours d’ailleurs, qui a peint des aquarelles excellentes dignes de figurer dans des expositions de professionnels. Ce sont là les élèves les plus marquants, ceux qui peuvent prétendre à acquérir, le travail aidant, autre chose qu’un talent aimable d’amateur4 . » Il est brièvement employé de commerce à Évreux et revient au Havre. Quand il se marie avec Suzanne Ernestine Brée5 le 29 mai 1906, il est photographe. C’est à cette même période qu’il reprend l’atelier de photographie de Julien Burger, situé 64, rue Thiers. Les années passées à l’école d’art lui permettent de retoucher les photographies au pastel ou à l’aquarelle dans son magasin. Il pratique le portrait

1 Actuelle place Général-de-Gaulle. 2 Archives départementales de la

Seine-Maritime, état civil 5Mi1336, 23 décembre 1878, acte 2851. 3 Archives départementales de la

Seine-Maritime, registre matricule 1R2929. 4 « Distribution des prix à l’école des

Beaux-Arts », in Journal du Havre, 30-31 juillet 1899. 5 Née à Bréauté le 13 octobre 1881, elle décède à Condé-sur-Risle le 1er février 1972.

Charles Potier Fécamp, s.d. Aquarelle sur papier, 46 x 62 cm MuMa, Le Havre, inv. AD115 bis.

6 Cat. exp., « À quai au Havre… pendant les années 1930.

Photographies de Charles Potier, collection Robert Le Cronc »,

Le Havre, bibliothèque Armand-

Salacrou, 14 mai-18 juin 2005, p. 3. 7 Le Havre, Archives municipales,

FC 11 carton 1, liasse 17, citée dans le cat. exp. ,« À quai au Havre… pendant les années 1930 », article cité. 8 Le Photographe : organe des photographes professionnels, 20 août 1927, p. 342. 9 Il faut sans doute y voir l’aquarelle

Fécamp, conservée au MuMa (AD115 bis) et acquise par le musée en 1938. en atelier mais se déplace également sur le terrain, va photographier les navires à quai et assure la couverture photographique de manifestations locales. Il ouvre un second magasin au 88, boulevard de Strasbourg, qu’il cédera en 19276 .

Défenseur de son art, il est également président du Syndicat des photographes de Seine inférieure, et s’adresse en cette qualité au maire du Havre pour lui demander d’agir contre la volonté d’un photographe anglais d’exercer au Havre durant l’été 1914 pour photographier les yachts7. De même, président de la section havraise de l’Association professionnelle des photographes de Normandie, il s’insurge en 1927 contre la promotion accordée par un photographe des magasins Boka nommé Meunier et le tort causé aux photographes du Havre8 .

Potier ne saurait pourtant renoncer à ses premières inclinations et se revendique encore artiste peintre alors qu’il prend la succession du photographe Burger en 1906. Plus tard, il expose chaque année ses œuvres récentes, peintures et aquarelles, dans les vitrines de son magasin de la rue Thiers.

« Ainsi que chaque année, notre sympathique concitoyen vient de réunir dans les vitrines de son magasin, rue Thiers, une sélection des œuvres artistiques qu’il a réalisées au cours de ses excursions estivales. » « Ce sont des présentations extrêmement variées et d’une sincérité précieuse. »

« Charles Potier est de ces peintres qui, séduits par un aspect spontané, inattendu de la nature, entendent le transcrire avec toute la sensibilité qu’ils ont surprise pour en faire partager le charme, l’attrait, à tous ceux qui sont appelés à rencontrer leurs œuvres. »

« Et cela nous vaut de trouver dans les tableaux de M. Ch Potier des évocations infiniment délicates qui sont appelées à égayer longuement les mornes logis des citadins. »

« Ses aquarelles subtiles nous apportent toute la fraîcheur des claires prairies au milieu desquelles coule, languissante, avec le savoureux miroir de ses eaux, la rivière la Risle. […] Une fois de plus, le peintre s’est complu au spectacle si pittoresque qu’offre toujours notre vieux bassin du Roy. Il a transcrit toute la symphonie qui se dépare des eaux dans lesquelles se mirent les vieilles maisons. Il est une autre marine qui retiendra longuement l’attention des connaisseurs, c’est une vue très étudiée du bassin de Fécamp. Les lourds bateaux de pêche occupent le premier plan alors qu’au lointain, en demi-teinte, s’estompent le clocher de Saint-Étienne et les maisons qui l’encadrent. Un ciel nuageux, une ambiance sombre de tonalité donnent à toute chose une tenue et une valeur qui témoignent de la belle technique du peintre9 . »

« Celui-ci, s’il nous présente surtout des aquarelles, n’a pas toutefois abandonné la palette. Il a aussi réalisé plusieurs tableaux à l’huile et l’on admirera certainement des cours de ferme ensoleillées où les poiriers et

les pommiers noueux, tortillés, se coiffent de pétales blancs et rosés d’un effet pittoresque. […] Dans toutes ces œuvres règnent une impression de grâce vaporeuse, une délicatesse d’expression, une harmonie absolue qui séduisent les amis de ce qui est vraiment beau10 . »

Il peint dans une veine réaliste, comme en témoigne son Vieux Mendiant, exposé en 1902 à la Société des amis des arts du Havre, et s’en tient aux expositions locales. Le talent est modeste, mais ses aquarelles ne manquent pas de qualités. Il meurt en 1942 à Condé-sur-Risle, où il aimait peindre et photographier11, et où il s’était réfugié durant l’Occupation. « Ses toiles, ses aquarelles, comme ses photographies, resteront non seulement comme des documents précis, mais encore comme l’expression d’un tempérament et d’une âme12 . » Son magasin de la rue Thiers est occupé à la fin de la guerre par des réfugiés. Le photographe Gilbert Fernez et sa famille s’y installent et occupent le premier étage où est resté le matériel photographique de Potier13 .

Expositions

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Coucher de soleil, bassin du commerce (n° 696) et Le Vieux Bassin (n° 697), aquarelles.

1901

Le Havre, exposition de fin d’année de l’école municipale des Beaux-Arts.

Le Petit Havre, 25 juillet 1901 : « M. Charles Potier a lui aussi une intéressante exposition, où il accuse une réelle adresse d’exécution dans la figure comme dans le paysage. On notera ici quelques bons portraits, des coins de nature rustique joliment traités, un croquis d’affiche pour la Fête des fleurs, qui lui a valu un second prix et dont nous avons dit l’intérêt artistique. »

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Vieux mendiant, huile sur toile (n° 360) et L’Avant-Port, aquarelle (n° 621), ainsi qu’un cadre de quatre aquarelles (n° 622) : Chaumière à Bénerville, Chemin sur les bords de la Lézarde, Les Falaises d’Oudalle et Trouville vue de Bénerville.

1905

Le Havre, Société des amis des arts, L’Iton à Arnières, L’Iton près de la Bonneville, Le Bassin du Commerce et Le Bout de l’ancienne jetée (n° 719), quatre aquarelles dans un cadre.

1922

Société havraise des amis des arts, Bords de Seine à Villequier (n° 88) et Bords de Seine à Villequier (effet gris) (n° 89), deux peintures, ainsi que Pommiers au bord de la Seine à Villequier (n° 154) et Chemin du marais, Caudebec (n° 155), deux aquarelles.

1923

Société havraise des amis des arts, Vieilles maisons à Caudebecen-Caux (n° 162), Rhododendrons, jardins de l’hôtel de ville (n° 163) et Jardin de l’hôtel de ville (n° 164), trois aquarelles. Cette dernière étant probablement le n° 350.1 de l’inventaire du MuMa-Musée d’art moderne André-Malraux.

10 « Beaux-arts – Ch Pottier [sic] », in Le Petit Havre, 18 décembre 1937. 11 On connaît de lui une collection de cartes postales représentant la ville de Condé-sur-Risle. 12 « Le décès de M. Charles Potier », in Le Petit Havre, 7 décembre 1942. 13 « Souvenirs des temps difficiles – Quelques aspects de la vie des

Havrais de 1939 à 1965 », in Bulletin de liaison n° 52, Centre havrais de recherche historique Les Amis du vieux Havre, 1995, p. 17. Charles Potier Marine Photographie, s.d. Bibliothèque municipale, Le Havre, Ch. Potier 312-522.

Gaston Prunier Sur les fortifications (Vaugirard), 1909 Huile sur toile, 65 x 81 cm Coll. part.

« Artiste peintre délicat, aquarelliste de beau talent ; épris d’art social, sociétaire de la Société nationale des beaux-arts1. » Ainsi Georges Denoinville, dans le chapô de sa « lettre d’artiste » dans la livraison du Voltaire du 26 décembre 1905, présentait-il Gaston Prunier, avec une efficace concision. Peintre paysagiste, surtout aquarelliste, Gaston Prunier est l’un des élèves de Lhullier qui se fit un petit nom dans le monde artistique du début du xxe siècle avant de s’effacer de la scène, aux environs de la Grande Guerre. Rare en collections publiques, discret sur le marché de l’art, il avait sombré dans l’ombre. Il a fallu la redécouverte récente de son fonds d’atelier2, resté là où il avait vécu, pour que l’on se penche à nouveau sur ses œuvres. Né au début de 1863 au Havre dans une modeste famille d’artisans, Gaston Prunier ne connaît pas la sécurité d’une enfance tranquille. Orphelin au moment où il sort à peine de la petite enfance3, il est recueilli et élevé avec ses deux frères aînés par de la famille proche4 mais doit trouver dès l’âge de dix-sept ans de quoi subvenir à ses besoins.

Gaston Prunier (Le Havre, 1863 - Paris, 1927) Il entre quand même en 1881 à l’École des beaux-arts du Havre où il devient l’élève de Charles Lhullier. On ignore comment lui vint la vocation artistique, Clémence mais l’École à cette époque n’avait pas Poivet-Ducroix seulement pour mission d’engendrer des artistes mais aussi, dans cette ville industrieuse, à former au dessin toutes sortes de professionnels. Issu du milieu de l’artisanat, il n’est pas étonnant qu’on l’y trouve si l’on avait déjà repéré en lui une belle main. Mais le désir d’art lui naît et il se tourne vers l’École des beaux-arts de Paris, alors voie royale de toute carrière. En novembre 1883, soutenu par une pension de sa ville natale, il entre dans l’atelier d’Alexandre Cabanel5. Il tente l’épreuve d’admission en juillet 18866 mais échoue, perdant alors en une même déception sa bourse havraise et l’espoir d’un parcourt facilité. Comme d’autres, il persévère, s’installe à Paris en 18877 et achève de se former dans l’atelier privé de Raphaël Collin8 qu’il fréquentait déjà, où il avait retrouvé le Havrais Georges Binet et rencontre Georges Denoinville9 qui le soutient ensuite dans son œuvre critique. À partir de cette fin des années 1880, tout en travaillant pour vivre dans les assurances et la décoration10, Gaston Prunier démarre sa carrière d’artiste. Dès

1 Georges Denoinville, « Lettres d’artistes – Certains artistes

Français du xxe siècle », in Le Voltaire, 26 décembre 1905. 2 Nicolas Eprendre, « Gaston Prunier (1863-1927), peintre de paysages », in 2017 & plus, n° 15, février 2019, p. 101. 3 Son père meurt en 1868 et sa mère deux ans plus tard. 4 Vraisemblablement sa famille maternelle. Voir Nicolas Eprendre,

« Gaston Prunier (1863-1927), peintre de paysages », art. cité, p. 102. 5 Registre d’inscriptions. Archives nationales (ci-après AN) :

AJ/52/248. 6 Dossier d’élève. AN : AJ/52/248. 7 G. Jean-Aubry, « Un aquarelliste :

Gaston Prunier », in L’Art et les Artistes, tome IV (octobre 1906-mars 1907), p. 342. 8 Dossier d’élève. AN : AJ/52/248. 9 Nicolas Eprendre, « Gaston Prunier (1863-1927), peintre de paysages », art. cité, p. 102. 10 G. Jean-Aubry, « Un aquarelliste :

Gaston Prunier », art. cité, p. 343.

11 Il montre un premier envoi dès 1887 à l’exposition de la Société des amis des arts du Havre (30 juillet-23 octobre 1887).

Il y expose ensuite en 1897, 1902 et 1905, puis avec le Cercle de l’art moderne, dont il fait partie des membres fondateurs, en 1906, 1907 et 1909. 12 Aux expositions municipales de beaux-arts (1888) et à celles de la Société des amis des arts (1889). 13 En 1890 au Salon des artistes français et en 1893 au Salon de la

Société nationale des beaux-arts avec ses eaux-fortes réalisées pour l’ouvrage de Charles

Le Goffic et de Daniel de Venancourt, À travers Le Havre, effets de soir et de nuit (Lemale éditeur, 1892). En 1894, il est admis au

Salon de la Société des artistes indépendants. 14 G. Jean Aubry, « Un aquarelliste :

Gaston Prunier », art. cité, p. 342. 15 Nicolas Eprendre, « Gaston

Prunier, paysages urbains et industriels », in Les Villes ardentes,

Art, travail, révolte, 1870-1914, catalogue d’exposition, musée des beaux-arts de Caen, 4 avril - 20 septembre 2020, Paris, RMN, 2020, p. 109. 16 G. Jean-Aubry, « Un aquarelliste :

Gaston Prunier », art. cité, p. 342. 17 « Aquarelles de Gaston Prunier », galerie Bing, À l’Art nouveau, 22, rue de Provence, 10 au 30 avril 1899. 18 Collaborateur au Courrier du Havre, au Moniteur des arts et à L’Éclair. 19 La Parlerie, « Petite chronique du mois », in Le Penseur, février 1902, p. 79. 20 29, rue Taitbout, avec Lisbeth

Delvolvé-Carrière, Robert Besnard et Francis Jourdain. 21 Roger Marx, « Petites expositions – Exposition de la galerie Weill », in La Chronique des arts et de la curiosité, 16 mai 1903, p. 163 ;

La Parlerie, « Petite chronique du mois », in Le Penseur, juin 1903, p. 240. 22 175, rue Saint-Honoré, mars 1903 :

Roger Marx, « Chez l’ébéniste

Eugène Gaillard », in La Chronique des arts et de la curiosité, 12 mars 1903, p. 87. 23 175, rue Saint-Honoré, 1er au 15 mars 1904 : Anonyme,

« Les expositions – Exposition chez Eugène Gaillard », in Les Arts de la vie, avril 1904, p. 264. 24 48, boulevard Haussmann, 5 au 10 février 1904 : Anonyme,

« Les Expositions », in Les Arts de la vie, mars 1904, p. 193-194. 25 37, boulevard Haussmann, Paris, 15 janvier- 7 février 1905. 26 Dont la première exposition est montrée galerie Georges Petit, rue de Sèze, du 16 au 30 novembre 1905. 27 Nicolas Eprendre, « Gaston

Prunier (1863-1927), peintre de paysages », art. cité, p. 118-119. cette époque, il expose régulièrement au Havre11, à Rouen12 et à Paris où il fait ses premières apparitions dans les grands Salons13. Les galeristes lui ouvrent aussi leurs cimaises. En décembre 1891, il fait partie des jeunes peintres symbolistes et néo-impressionnistes rassemblés par la galerie Le Barc de Boutteville, et il expose aussi à partir de 1894 au Salon des Cent de la galerie La Plume. Cette année-là, il part dans les Pyrénées pour participer à la décoration de l’église de Saint-Palais. Il y rencontre une jeune Basque, Claire Etchebarne, qu’il épouse en 1895. Gaston Prunier n’est de retour à Paris qu’en 189714. Il s’installe dans un l’ancien atelier d’Armand Félix JobbéDuval au 24, rue Dombasle, dans le 15e arrondissement15 .

Dès l’année suivante, Gaston Prunier entame ses plus belles années. Il expose désormais tous les ans au Salon de la Société nationale des beaux-arts, dont il devient sociétaire en 1903, et au Salon de la Société des artistes indépendants. C’est aussi l’été où il découvre la Bretagne16, qui rentre dans les motifs récurrents de son œuvre et se retrouve à l’honneur lors de sa première exposition personnelle qui se tient À l’Art nouveau, la galerie de Siegfried Bing17. Dès lors, il se fait un nom, une place, et grâce à un réseau amical de critiques qui le soutiennent, sa carrière s’installe. Depuis son retour à Paris, en effet, Gaston Prunier, admirateur entre autres de Rodin et d’Eugène Carrière, s’est rapproché des groupes d’artistes et d’écrivains qui rayonnent autour du symbolisme. Il fréquente les réunions de Jean Dolent à Belleville et il est proche de Gustave Geffroy, qui préface le catalogue de la galerie Bing, de Charles Morice, de Gustave Kahn, etc. Ces amitiés lui procurent dans les années suivantes un œil attentif ainsi que des éloges réguliers dans les critiques des expositions et des Salon du Journal du Havre, du Matin, de L’Humanité, de La Dépêche, de L’Aurore ou bien encore du Mercure de France, qui entretiennent sa progression. Gaston Prunier est aussi proche de la revue Le Penseur, dirigée par Daniel de Venancourt18, où écrivent Albert Desvallois et Jean Lorédan qui le suivent à chaque exposition. Il y est même cité comme « collaborateur » en 190219 .

À partir du tournant du siècle, il participe, en plus des salons, à quelques belles aventures collectives : début 1902 à la galerie Silberberg20, chez Berthe Weill au printemps 190321, chez l’ébéniste Gaillard en 190322 et 190423, ainsi qu’à la « Première réunion de certains », à la galerie Barbazanges24, toujours en 1904.

1905 inaugure l’acmé de sa carrière avec l’exposition « Gaston Prunier, paysages de Paris, de la Bretagne, du Havre, des Pyrénées », qui s’ouvre le 15 janvier à la galerie Serrurier25, accompagnée de conférences de Charles Morice et du poète symboliste Fagus. Il ajoute le Salon d’automne à ses présentations régulières ainsi que les présentations de la Société internationale d’aquarellistes26 .

À cette époque, Gaston Prunier a trouvé l’essentiel de son expression. La plus grande partie de son travail est composée de paysages, majoritairement naturels, avec une prédilection pour les espaces aux caractères impressionnants, grandioses ou inquiétants, les hautes montagnes, les rivages découpés, les falaises abruptes, même si quelques incursions dans de vastes plaines et des lisières de forêts apportent un peu d’apaisement. Il s’y montre un observateur attentif de la nature, des multiples formes du paysage comme des eaux, du ciel et des effets météorologiques. Mais Gaston Prunier est aussi un arpenteur des villes. Il aime les scènes fluviales de l’Île-de-France, la capitale en pleine mutation et la rudesse du Paris laborieux et les faubourgs populaires. Engagé à gauche, il regarde les hommes au travail, les lieux de la vie modeste mais aussi les manifestations et les mobilisations, comme en témoigne son tableau disparu, Menace de grève (1903), qui représente les mobilisations de 1900 au Havre.

Plus dessinateur que peintre, il privilégie les techniques du papier et saisit sur le motif27 la scène, les formes, la composition, et note les couleurs avec de petites aquarelles rapides. Dans l’atelier, ensuite, il compose son paysage d’un dessin solide, pose au lavis la tonalité

28 « Je ne pense guère aux maîtres, je l’avoue, que quand je vais les voir au Louvre ; c’est tout de même assez souvent. Les braves honnêtes gens de 1830,

Millet surtout, m’attirent, et

Corot, et aussi, à la Sorbonne, au

Panthéon, Puvis de Chavannes ».

Anonyme, « Enquête sur les tendances actuelles des arts plastiques – M. Gaston Prunier », in Mercure de France, 1er août 1905, p. 351. 29 Anonyme « Exposition des esquisses du concours pour la décoration de la mairie d’Asnières », in La Chronique des arts et de la curiosité, 22 décembre 1900, p. 388. 30 Gustave Kahn, « Causerie artistique – Pour décorer une mairie », in Le Journal du Dimanche, 28 décembre 1902, p. 9. 31 G. Jean-Aubry, « Un aquarelliste :

Gaston Prunier », art. cité, p. 343. 32 Tolède et la Catalogue apparaissent aussi dans ses sujets. 33 15 mars 1906- ? 22e exposition de l’Union artistique de Toulouse, au Capitole : Anonyme, « Toulouse – Le Salon toulousain », in La

Dépêche, 17 mars 1906, p. 4. 34 Exposition d’artistes français organisée par Léonce Bénédite et

Charles Masson pour la Société des beaux-arts de Bâle (Kunsthalle) : André Michel, « Exposition d’art français à Bâle », in Journal des débats, 27 mars 1906, p. 3. 35 Galerie Georges Petit, 15 au 30 novembre 1906. 36 Étienne Charles, « Notes d’art – Société internationale d’aquarellistes », in La Liberté, 20 novembre 1906, p. 2. 37 Étienne Charles, « Notes d’art –

Les peintres du Paris moderne », in La liberté, 11 février 1907, p. 2. 38 Paul Jamot, « Petites expositions », in La Chronique des arts et de la curiosité, 29 juin 1907, p. 224. 39 Louis Lacroix, « Toulouse –

L’Union artistique », in La Revue des beaux-arts, 5 mai 1907, p. 6. 40 117, boulevard Saint-Germain, 3 au 23 février 1908 : Maurice

Guillemot, « Le mois artistique », in L’Art et les Artistes, tome VI (octobre 1907-mars 1908), p. 590. 41 20, rue des Capucines, 20 février-6 mars 1908. 42 « Des vues de villes », rue

Lafayette : Henri Frantz, « Les petites expositions », in Excelsior, 15 janvier 1911, p. 4. 43 109, faubourg Saint-Honoré : René-Jean, « Petites expositions », in La Chronique des arts et de la curiosité, 25 février 1911, p. 59 ;

Édouard Sarradin, « Notes d’art », in Journal des débats, 3 mars 1911, p. 2. 44 43, boulevard Malesherbes :

Francis de Miomandre, « Le mois artistique », in L’Art et les Artistes, tome XIV (octobre 1911-mars 1912), p. 180. d’ensemble puis ajoute l’aquarelle. Prunier puise dans ses carnets le sujet de paysages peints. Dans sa peinture, quelques rares toiles comme Le Quai de Javel ou le Dimanche aux fortifications des années 1904-1905 font supposer que cet admirateur de Puvis de Chavanne28 est tenté par d’autres scènes, peut-être rêvées plus monumentales et décoratives. Une aspiration que confirment peut-être ses participations aux concours pour le décor des mairies d’Asnières29 en 1900 et de Vanves30 en 1902.

C’est à cette période qu’il multiplie les voyages qui vont nourrir son œuvre de paysagiste. Après un nouveau séjour en Bretagne en 190331, il travaille en 1904 dans les Pyrénées et part à Londres, vraisemblablement en 1905. À quoi s’ajoute aussi certainement un voyage en Espagne32. En 1906, il expose à Toulouse33 , à Bâle34 ainsi qu’à la première exposition du Cercle de l’art moderne au Havre. Lors de la deuxième exposition de la Société internationale d’aquarellistes35 , il présente un procédé inédit d’aquarelle murale qui ne fera pas date mais montre un artiste en pleine recherche36. En 1907, il rejoint la Société des peintres du Paris moderne qui exposent en février au Grand Palais37. Il expose à la galerie EugèneBlot38 à Paris, au Havre au Cercle de l’art moderne, à Toulouse à nouveau39 et à Rouen à la première exposition des des Trente à la galerie Legrip. En 1908, il fait partie des fondateurs de la Société d’art français, qui expose ensuite au Cercle de la librairie40 et surtout, après de longs mois de travail en atelier, il fait de son voyage à Londres le sujet de sa dernière grande exposition personnelle, « Vues de la Tamise », présentée en février 1908 à la galerie Allard41 . Après 1910, on ne retrouve presque plus Gaston Prunier, si ce n’est aux rendezvous annuels des grands salons et des sociétés auxquelles il participe. Avantguerre s’ajoutent quelques apparitions à des expositions : à la galerie de l’Amateur42 en janvier 1911, à la galerie Barbazanges43 en février 1911 et à la galerie Devambez44 au printemps 1912. La paix revenue, il n’apparaît plus qu’aux Salons45 où reviennent inlassablement les mêmes sujets, peut-être d’ailleurs les mêmes œuvres. Son dernier grand projet est une œuvre décorative, un carton de tapisserie commandée par la Manufacture des Gobelins, dont Gustave Geffroy est administrateur depuis 1908. Intitulée Le Béarn, elle est tissée entre 1920 et 192346 .

En l’absence encore d’études approfondies de l’homme et de l’œuvre, cette disparition de la scène artistique interroge. Sa mort prématurée le 22 octobre 1927 peut faire soupçonner une santé fragile, mentale ou physique, qui eut raison de lui et de son énergie. N’explique-il pas en 1905 à Georges Denoinville que « naître dans un mois brumeux, “aux bords d’une mer septentrionale47”, perdre tout enfant ses parents, être un adolescent livré à soimême et aux méchancetés de la vie, tout cela peut donner à l’âme une empreinte ineffaçable48 » et que « les bas, pour quelques-uns, sont moins rares que les hauts…49 ». Les assauts de la maladie sont confirmés par deux sources au moins. Marie Jade, belle-fille de Charles Morice, dans l’article qu’elle envoie à La Lanterne et au Rappel à l’occasion du décès de l’artiste50, évoque « des années de souffrance, des années de lutte contre la douleur, supportées avec un stoïcisme si haut que nul ne le soupçonna en dehors de ses amis très proches ». Dans deux lettres à un destinataire non identifié et dont l’une est datée de 1908, apparues en 2021 sur le marché des autographes, Gaston Prunier explique souffrir de « névralgie » et être alité pour une durée indéterminée. Il précise qu’il n’a pas travaillé depuis un an. Reste à lui rendre sa place dans la diversité des expressions artistiques du xxe siècle, à comprendre les recherches et les objectifs de l’artiste. Au détour de la presse qui lui est proche, l’homme prend la parole et nous offre quelques belles pages qui éclairent une démarche intellectuelle selon laquelle il vise à extraire l’essentiel de ce qu’il voit pour mieux le faire ressentir et s’exprimer. En 1901, dans son analyse du travail d’Eugène Carrière, il écrit : « Il a compris […] que, pour faire sentir fortement, il fallait centraliser la puissance d’observation, restreindre l’accessoire, en un mot généraliser, synthétiser51. »

45 Il est signalé en 1920 dans l’exposition « Rouge » à la galerie

G.L. Manuel frères, au 47, rue

Dumont-d’Urville (René Chavance,

« Les arts », in La Liberté, 9 juin 1920, P. 2) et à la galerie La

Maison des arts (René-Jean, « La

Maison des arts », in Comoedia, 29 novembre 1920, p. 2). 46 Collection du mobilier national, depuis 1933 au palais du Luxembourg. 47 Gaston Prunier cite ici le Discours à la bien-aimée (1887) de son ami le poète havrais Jules Tellier 48 Georges Denoinville, « Lettres d’artistes – Certains artistes français du xxe siècle », in Le

Voltaire, 26 décembre 1905. 49 ibid. 50 Marie Jade, « La mort de Gaston

Prunier », in La Lanterne, 25 octobre 1927, p. 3 ; id., « La mort de

Gaston Prunier », in Le Rappel, 25 octobre 1927, p. 3. 51 Gaston Prunier, « L’art d’Eugène

Carrière », in Le Penseur, n° 4, avril 1901, p. 154 -155. 52 Anonyme, « Enquête sur les tendances actuelles des arts plastiques – M. Gaston Pruniere, art. cité, p. 351. 53 ibid. 54 Gaston Prunier, « Du groupe symboliste », art. cité, p. 4. 55 ibid. 56 Jean Dolent, catalogue de l’exposition « Paysages de Paris, de la Bretagne, du Havre, des Pyrénées », 15 janvier-7 février 1905, galerie Serrurier, 37, boulevard

Haussmann. 57 Fagus, « Au Salon d’automne », in L’Occident, novembre 1905, tome VIII (juillet-décembre 1905), p. 256. Gaston Prunier Le Square Saint-Roch, 1892 Eau-forte parue dans À travers Le Havre, effets de soir et de nuit, 17 x 22 cm Bibliothèque municipale, Le Havre.

À la recherche de « la réalisation de la personnalité totale52 », Prunier traque la sincérité de l’expression. Il a l’ambition d’« aller vers un art d’expression humain, d’émotion synthétique53 », de dire en même temps sa vérité de la nature et la profondeur intime de son âme.

S’il a été proche des symbolistes, il ne s’y identifie pas complètement. Il reconnaît pourtant qu’« il semble qu’on ne puisse symboliser que par le choix et la composition de la nature, dont il faut respecter les lois fondamentales54. » et appelle à un art « véritablement symbolique et synthétique55 », « plus humain, plus accessible, où les grandes généralisations, et les belles pensées, sous leurs perpétuelles et innombrables manifestations, chanteraient l’hymne calme et grandiose de la vie. »

Ainsi, autant les œuvres de Gaston Prunier se révèlent très composées, très pensées, avec une ambition synthétique d’expression, de transmission, de profondeur et d’émotion, autant intime qu’universelle. Et l’on est tenté de trouver en lui l’une des voies disparates du symbolisme peut-être, en tout cas des affinités avec un Maurice Maeterlinck pour le regard porté sur les villes et les campagnes, aussi onirique que réaliste, ou avec un Charles Guilloux, que l’on retrouve dans les mêmes galeries, soutenu par les mêmes auteurs, et qui s’est attaché aux mêmes paysages de Bretagne et des bords de Seine. Et de regretter que la destinée de ce « rêveur à l’esprit lucide56 » ne fût pas plus productive et, avec Fagus, qu’il n’ait regardé plus avant certaines pistes :

« De Gaston Prunier le paysagiste j’eus à louer l’œil large et la main attentive : je n’ai rien à ajouter à cela ; voilà le malheur. Tous ceux que ci-dessus j’énumérais, Ingres compris, par quelque point extravaguent ; pourquoi Gaston Prunier n’extravague-t-il pas, pourquoi ne trébuche-t-il pas même, façon encore de s’envoler57 ? »

Expositions

Gaston Prunier étant très présent dans les expositions et la critique des premières années du xxe siècle, nous ne présenterons ici qu’une sélection des textes les plus pertinents.

1899

Paris, Exposition de la Galerie Bing, À l’Art nouveau.

Gustave Geffroy, « L’art d’aujourd’hui – M. Gaston Prunier », in Le Journal, 15 avril 1899, p. 1 : Les aquarelles d’aspect rude, de construction solide, exposées en ce moment À l’Art nouveau ne surprendront pas ceux qui connaissent le pays sauvage, particulier, étrange, qui les a inspirées à M. Gaston Prunier. L’artiste, échappant aux nécessités de la vie de Paris pendant une période de vacances, fut stupéfait, comme l’ont été et le seront beaucoup d’autres voyageurs, lorsqu’il aperçut, du sommet de la Clarté, le village de Ploumanach disséminé parmi les pierres et les flaques d’eau, avec la mer à l’horizon. […] On ne peut plus s’arracher à cette féerie du hasard, et c’est, j’imagine, l’aventure qui est arrivée à M. Gaston Prunier. Il a écrit l’histoire de son séjour en ces pages d’un dessin sûr, d’une coloration expressive : la belle demi-ellipse d’une entrée de mer, les passages d’eau entre des blocs cyclopéens, les architectures de forteresses, la pluie sur les bruyères roses, le soir, l’écume rose qui frange les lames vertes, le velours du goémon sur les pierres, la végétation mouillée des vallons, la bruine qui vient avec la marée, les chaumines rasées au sol, perdues dans les mouvements de terrain, et de grands ciels, chagrins, réjouis, illuminés de nuages rouges, tendrement bleuis par la nuit qui commence, et les montées et les courses de nuages indiquées d’une précision telle que l’on a la sensation du parcours du vent dans l’espace. En même temps que ses souvenirs de Ploumanach, voici des images de Paris, des scènes de travail, des démolitions, des glaisières, où l’on retrouve le goût de l’artiste pour le chaos et les ruines, la recherche des formes sous la lumière terne, la sévérité de l’exécution, la gravité émue devant les choses. »

Benjamin Guinaudeau, « Beauxarts – M. Gaston Prunier », in supplément de L’Aurore, 17 avril 1899, p. 5 : « Ce qui caractérise ces œuvres, c’est la vigueur et la fermeté du dessin. Peut-être, çà et là, la couleur est-elle plus fantaisiste ou voulue que vraie et observée ; mais qu’il s’agisse des murailles éventrées de la Cour des Comptes et de Mazas, ou des rochers, des chaumières, des pins de Bretagne, les objets surgissent toujours en masses solides, en traits nets et précis. Et puis M. Gaston Prunier ne se contente pas d’ouvrir les yeux devant la nature, il s’émeut. On sent que les Landes de la Clarté, Meur-Ruz au couchant, etc., ont été peints avec amour. »

1901

Paris, Salon de la Société nationale des Beaux-arts.

Gilbert Stenger, « Les artistes du département au Salon de la Société nationale – II. La peinture », in Le Petit Havre, 6 mai 1901 : « M. Prunier, né au Havre, se distingue par des études qu’il n’avait point encore faites. Quatre aquarelles : Démolition de la cour des Comptes ; Les Glaisières de Vanves ; L’Intérieur de la pagode kmer (sic) ; les Travaux rue du Four. Est-il besoin d’analyser ces quatre aquarelles ? On les devine (ou dessine ?) ; on a vu même projet en photographie ; et si fidèles que puissent être les études de M. Prunier, je doute qu’elles remplacent l’image issue de l’appareil du photographe. Il faut quand même reconnaître que ces aquarelles ont leur mérite et qu’elles offrent un bel exemple de ce que peut l’attention soutenue d’un artiste, son œil investigateur et conservateur des choses vues. »

1902

Paris, Galerie Silberberg.

Georges Riat, « Petites expositions », in La Chronique des arts et de la curiosité, 18 janvier 1902, p. 18-19 : Il semble que celle [l’individualité] de M. Gaston Prunier a franchi le pas décisif, et il faut l’en féliciter, quelque peu de hâte qu’on mette à le suivre. La nature qu’il nous montre, en effet n’est pas celle qui enchante par sa beauté ; il aime les spectacles réalistes, laids, livides et sinistres. Son trait est dur et pesant, comme celui de Jeanniot, brutal comme dans Steinlen. La neige à Vaugirard fait vibrer une maison rouge vif sous le toit blanc, par une opposition que Thaulow a recherché bien souvent, mais en y mettant de la poésie. Même certains de ces paysages, presque fantasmagoriques, font penser à Vincent van Gogh ; et leurs ciels tourmentés crient l’effroi. » François Thiébault-Sisson, « Au jour le jour – Choses d’art », in Le Temps, 6 février 1902, p. 2 : « Le tempérament de M. Prunier est tout fait et son métier ne laisse rien à désirer ni en précision, ni en aisance, ni en force. Rarement j’ai vu des interprétations en nature plus personnelles, plus pathétiques même que les siennes, et ses Glaisières de Vanves, sous la neige ou par le dégel, ses Fortifications sous la pluie, sa Neige à Vaugirard m’ont laissé une impression d’autant plus saisissante qu’on n’est guère habitué à voir l’aquarelle s’exprimer avec cette vigueur concentrée et ce nerf.

Aquarelles aussi, ses vues de Bretagne et du Havre, ses aspects du Champ-de-Mars pendant la construction ou la démolition des grandes fermes dont notre curiosité s’ébahit pendant l’Exposition, et ces divers morceaux, s’ils n’ont pas, à mon sens, la perfection des autres, les égalent par la puissance du faire et par la netteté inaccoutumée de la vision.

Ce sont là des notes magistrales et qui surprennent d’un jeune.

Mais ce jeune a trente-cinq ans, et l’on sait, à trente-cinq ans, ce que l’on veut. » Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts.

Robert de Cantelou, « L’exposition des beaux-arts – V. La quatrième salle – Les artistes havrais », in Le Journal du Havre, 16 août 1902 : M. Gaston Prunier, par le hasard de l’emplacement, vient en dernier ; il le mérite encore par la valeur de l’œuvre qu’il expose. Son quai du charbon, pendant les grèves de 1900 (n° 363) est bien la chose la plus épouvantable qu’il m’ait été donné de voir. Les visiteurs jugeront si c’est là l’impression du quai représenté ; les connaisseurs apprécieront comme il convient l’absence totale de dessins et de couleur et l’enlaidissement systématique des choses. Tout autre commentaire serait superflu. » Robert de Cantelou, « L’exposition des beaux-arts — Cinquième salle (dessins) – Les artistes havrais », in Le Journal du Havre, 20 août 1902 : Aquarelles de Prunier « trop impressionnistes », « affreuses ». Charles Saunier, « Les Arts décoratifs au Salon de 1902 », in Revue des Arts décoratifs, janvier-juillet 1902, p. 164 : « Les lois de la décoration excluent-elles la pure réalité ? On l’a cru longtemps. Il y aurait puérilité à le soutenir aujourd’hui. C’est œuvre éminemment décorative que font des artistes comme

Gaston Prunier, comme Victor Tardieu, comme Mlle Delasalle, lorsqu’ils cherchent à rendre dans toute sa grandeur la vie du travail, la poésie des grands chantiers, où des charpentes colossales soulignent l’ossature des palais attendus. Le tout est de choisir le moment, la lumière, la couleur d’un ciel propice aux apothéoses souhaitées. »

1903

Paris, Société nationale des beaux-arts.

Maurice Hamel et Arsène Alexandre, Salons de 1903, Paris, Goupil et Cie, 1903, p. 30 : « Les aquarelles rapportées des Pyrénées par Gaston Prunier me frappent, au contraire, par la fermeté de la structure et par la puissance de l’ensemble. Richesse de la coloration, intimité de l’effet, sentiment pénétrant de la solitude et de la nature sauvage, des œuvres comme Le lac Gerbel et Le Val de Salana ont des qualités supérieures. Elles sont comme imprégnées d’âpres fraîcheurs et rayonnantes des verts, des bleus profonds et chantants qui parent ces sommets héroïques. Elles donnent un formel démenti à ceux qui prétendent que la montagne échappe aux prises de l’artiste. M. Prunier nous dit mieux que des aspects, il nous dit l’âme sévère, enjôleuse et farouche des nappes silencieuses et des parois de velours. »

1904

Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts.

Gabriel Mourey, « Les Salons de 1904 – Société nationale des beaux-arts – Les paysagistes », in Les Arts de la vie, mai 1904, p. 293 : « Enfin les belles pages où M. Gaston Prunier, de si personnelle manière, et avec tant de fermeté dans la caractérisation, nous dit la poésie des banlieues, des usines, des chantiers, des rues populeuses, des faubourgs de labeurs et de misères. »

1905

Paris, Galerie Serrurier.

Édouard Sarradin, « Les paysages de Gaston Prunier », in Journal des débats, 18 janvier 1905, p. 2 : « M. Gaston Prunier doit être considéré, en quelque manière, comme un historien de notre moderne Paris. Il surveille incessamment ses transformations physionomiques. Ce qui s’y détruit et ce qui s’y crée de considérable, il le constate d’un crayon singulièrement énergique et persuasif, mais il le constate dans le temps même qu’on travaille à créer ou à détruire, associant de cette sorte à son récit le labeur humain… Ainsi cet évocateur de prémices et de ruines atteint à une particulière poésie dans le réalisme, poésie que la couleur – car M. Gaston Prunier est vraiment coloriste – amplifie et prolonge. La Démolition de la cour des Comptes, les Travaux rue du Four, la Démolition de Mazas témoignent, entre autres œuvres, d’une réelle maîtrise.

Loin de Paris, en face de la simple nature, dans la Bretagne, par exemple, ou dans les Pyrénées – à Ploumanach, à la pointe du Raz ou dans le Cirque de Colomès –, M. Gaston Prunier compose des paysages décoratifs et pleins d’expression, fortement construits et équilibrés. Avec la même franchise qu’il décrit le squelette des monuments, il sait voir et faire sentir l’anatomie des terrains. Et il s’attache à montrer le caractère dominant d’un paysage par une distribution réfléchie des reliefs.

On peut dire de son dessin qu’il est à la fois certain et imprécis ; rien n’y est arrêté et tout cependant y est affirmé avec énergie. Un dessin très vivant. La manière dont M. Prunier y associe la couleur est remarquablement adroite, subtile même. (On y sent un peu le procédé parfois, il me semble.) Enfin, c’est un peintre qui aime la nature, l’équilibre, l’harmonie, et qui est puissant. » François Thiébault-Sisson, « Choses d’art – Les aquarelles de Gaston Prunier », in Le Temps, 18 janvier 1905, p. 2 : « L’aquarelliste Gaston Prunier vient de former, dans la galerie Serrurier, boulevard Haussmann, une exposition d’ensemble de son œuvre.

Sans représenter la totalité de son labeur pendant les cinq années qui viennent de s’écouler, les 134 aquarelles qu’il nous montre en représentent du moins l’essentiel. Il y révèle une nature ardente, passionnée, éprise de tout ce qui a du caractère et de la force, de la rudesse, même de la violence, dans les aspects du ciel et de la terre, en été sur les côtes sauvages de Bretagne, et, sous les neiges de l’hiver, sous les pluies et par les boues du printemps, dans Paris et dans les coins désolés de sa banlieue.

Les spectacles qu’il a essayé de retracer n’ont rien entre eux de commun. Ici une fièvre intense de vie, une activité ininterrompue, sans arrêt des escouades d’ouvriers chargeant et déchargeant des bateaux, montant, à grand renfort de poulies, de treuils et de cordages des fermes métalliques ou démolissant à grands coups de pic, après l’Exposition, les hétéroclites et artificielles constructions du quai d’Orsay, du Champ-de-Mars et du Cours la Reine. Là, pas un atome de vie, pas un indice d’activité où s’atteste la présence de l’homme ; un sol granitique bouleversé creusé de vallons herbus dont l’émeraude sortit des flaques d’une eau morne, bossué d’abruptes falaises tantôt furieusement battues par le ressac et tantôt percées d’échancrures où le flot du large, sur des gradins de sable fin, vient mourir. Et pourtant, ces paysages de Paris et ces vues de Bretagne se relient par un même accent d’âpreté, par une recherche instinctive et puissante de tous les traits où se marque la grandeur. Vus du même œil, fixés par la même main, ils tirent de cette identité de technique et de vision des liens étroits de parenté qui ne contribuent pas peu à nous faire prendre en estime l’artiste. Il est de ceux qui élargissent tout ce qu’ils touchent.

On lui a reconnu, dans ses premiers essais, ce don de grandeur. Dans ses paysages de banlieue, dans ses chantiers de l’Exposition de 1900, exposés, il y a trois ans, dans la petite galerie Silberberg, et dont on retrouvera, dans l’exposition actuelle, d’heureux et décisifs spécimens, les mêmes préoccupations, le même besoin de magnifier l’impression en la ramassant, s’accusaient avec autant de force que dans les paysages de Bretagne qui ont suivi. La seule distinction qu’il serait permis d’établir entre ces deux catégories de travaux, c’est que le dessin, dans la première série, l’emportait sur le souci de la couleur.

À vrai dire, ces compositions apparaissaient beaucoup moins comme des aquarelles que comme des dessins rehaussés, et leur valeur la plus sérieuse, elles la devaient à cette prédominance, si franchement marquée, du dessin.

La recherche impérieuse du trait, l’établissement attentif du squelette et des moindres accidents de terrain sont, dans les paysages de Bretagne, moins sensibles. L’exécutant n’appelle pas l’attention sur la difficulté vaincue. Devenu, à force d’expérience, plus habile, plus maître de son métier et plus sûr en même temps de lui-même, il laisse parler librement la couleur, il lui donne le pas, en apparence, sur le trait, mais l’effet général n’est si juste et l’impression d’en-

semble si puissante que parce qu’il y a, sous ces aquarelles si libres, des dessous très étudiés et très fermes, et que l’artiste n’y a rien livré au hasard.

Hâtez-vous de voir, avant qu’elles se dispersent, ces notations si dramatiques de couleurs, ces impressions de nature si fières, et rendez justice à ce talent où se combinent, dans un art si profondément personnel et dans une mesure si rare, la conscience, l’étude et l’élan. »

Léon Plée, « La vie artistique », in Les Annales politiques et littéraires, 19 janvier 1905, p. 80 : « C’est à la galerie Serrurier, une suite d’aquarelles lavées par Gaston Prunier, à Ploumanach et dans la banlieue parisienne, aquarelles où se révèle d’emblée un tempérament probe et grave. Gaston Prunier est l’évocateur des choses qui s’édifient ou s’en vont. Il fait sentir, au regard le plus indifférent, la beauté de l’édifice qui s’élève et de celui qui tombe tragiquement, pierre par pierre, sous le pic du démolisseur. Son dessin est particulièrement significatif, son coloris âpre et fort. » Roger Marx, « Petites expositions – Exposition Gaston Prunier », in La Chronique des arts et de la curiosité, supplément à la Gazette des beaux-arts, 21 janvier 1905, p. 19 : « Il n’y a point doute que l’heure du plein épanouissement soit maintenant venue pour cet artiste singulièrement apte à découvrir, sous la diversité des apparences, la beauté des spectacles que suscitent au regard l’activité des villes, la paix solitaire des champs et des grèves. L’aquarelle de Gaston Prunier se différencie par la noble ordonnance du décor, par le sens primordial des masses et des lignes ; elle vaut encore – dans les œuvres dernières notamment – par la distribution de l’effet et l’opulence du coloris. Chacun de ces paysages se peut définir, avec certitude, une œuvre de vérité et de style. » Anonyme, « Chez les artistes – À la galerie Serrurier – Gaston Prunier », in Revue moderne des arts et de la vie, février 1905, p. 7 et 8 : « Rare et puissant paysagiste […]. Paris, la Bretagne, Le Havre, les Pyrénées : la belle moisson de seize pleines années (1888-1904), 134 tableaux ; la curiosité voyageuse d’une imagination et d’une sensibilité ardente, au perpétuel éveil ; le développement ininterrompu d’une âme amoureuse, extasiée devant les infinies splendeurs de la nature comme devant le douloureux effort de l’humanité laborieuse. Grand spectacle et grand enseignement. Par ce nouveau témoignage qu’il vient de rendre à son propre talent, Gaston Prunier s’est enfin – car voilà longtemps qu’il s’efforce et produit – placé à son rang légitime, l’un des plus enviables parmi les meilleurs artistes contemporains. Ce chercheur a trouvé. Discuté hier, il est aujourd’hui, pour tous, un maître. »

Laertes, « La Quinzaine artistique », in La Dépêche, 23 février 1905, p. 2 : « M. Gaston Prunier, dont l’œuvre est exposée aux galeries Serrurier, 37, boulevard Haussmann, est un artiste qui a le don du pittoresque et de qui la vision, qu’elle s’applique aux décors urbains, aux paysages de mer ou de montagne, est à la fois précise et originale. Il sait, quand il est en face de la nature, trouver le site qui vaut d’être distingué et reproduit, et il le marque d’un contour net et ferme, cependant que par la richesse de son coloris, par la largeur de sa facture, par le sentiment qu’il a de la beauté des formes, ce réaliste semble idéaliser ses sujets. M. Prunier a senti la grandeur des ruines, la majesté triste des pierres qui s’en vont, “les larmes des choses”, et il les a conservées dans ses impressions de Paris, dans ses vues de Bretagne. La démolition de Mazas et de la cour des Comptes, les travaux de la rue du Four, les tanneries rue de la Glacière, la démolition du palais de l’Industrie, etc., sont exprimés d’un pinceau vigoureux et sûr, la physionomie de l’ensemble et les détails sont saisis par un observateur sincère et probe, chez lequel on n’a point à signaler une faute de goût et qui sait garder aux choses mortes leur caractère grandiose et douloureux.

Il a en même temps une très vive perception du pittoresque qui sera particulièrement signalée dans les terrassements aux Glaisières, dans les bateaux chargés de plâtre, le viaduc des Moulineaux, le pont Alexandre, le bâtiment du Creusot, le chantier de construction de la manufacture des tabacs à Vanves, le chantier des bateaux-omnibus à Auteuil. Cette aquarelle, qui a été acquise par le musée du Luxembourg, est certainement une des plus complètes, forme un des décors urbains les mieux choisis et les plus séduisants de la série.

Mais il est d’autres paysages de pierre que ceux des villes. Les rochers de Ploumanach ont attiré l’artiste, et ces blocs de porphyre rouge aux formes étranges, ces rocs évidés par les eaux, ces spectres de pierre dont l’équilibre semble instable, puis ce village qui paraît bâti dans le mur lui ont inspiré des pages d’une belle couleur et d’un sentiment large et mélancolique.

Puis il a quitté les Côtes-du-Nord pour le Finistère, et Lescoff au soleil, ce petit village aux maisons claires, est un coin de campagne riant et charmeur, tandis que Lescoff au crépuscule, ce paysage assombri dont l’adieu du soleil rougeoie le fond et est plein de la grandeur du soir qui tombe. Et c’est enfin la pointe du Raz, la baie des Trépassés, cette mer cruelle, dévoratrice d’hommes et de marins.

Au Havre, M. Gaston Prunier nous montre l’usine sur le canal d’un fin et clair coloris, les bois de Campêche, les grues à vapeur, les docks aux cotons, les falaises de la Hive (sic), et, toute pavoisée de drapeaux, la rue d’Albanie.

Une dernière étape nous conduit aux Pyrénées. C’est la nuit sur la montagne, la masse sombre des pentes et des sommets noyés dans une ombre bleuâtre, puis les hauteurs rouges des monts de la Vallée du Rio, Aigues-Mortes, et l’eau bleue de l’Estan des Admils, et l’eau d’un clair azur aussi de la Côte, près de Porto de Salva.

Vestiges pétrifiés des antiques chaos, activité remuante de la vie qui s’affirme en échafaudages, en chantiers, ou dans un coin de Paris, où l’artiste nous a montré le défilé pittoresque des passants, décors d’eau ou de verdure, tantôt sombres, tantôt riants. M. Gaston Prunier a exprimé en observateur consciencieux et personnel les aspects variés de la nature et des villes. »

Charles Saunier, « Revue d’art – I. Expositions – Gaston Prunier », in Revue universelle, 1905, p. 122-123 : « Gaston Prunier. Celui-ci expose depuis quinze années, et jamais ses envois n’ont passé inaperçu. Artistes et amateurs ont pris plaisir à ces grands dessins rehaussés d’aquarelle, où le document précis, par la précision de la ligne et la magie de la couleur, s’élève jusqu’à la caractérisation. Sous des ciels mouvementés, c’est la menace des hautes murailles branlantes des quartiers en démolition, la complication des échafaudages qui préludent à la construction des palais colossaux de nos expositions ou des étais qui soutiennent la carcasse d’un transatlantique en chantier.

Sans avoir recours aux personnages ou à l’anecdote, Gaston Prunier a su dramatiser ces effets, en même temps qu’il réussissait parfois, en une vue panoramique, à évoquer la beauté de la Seine vers Auteuil, la colère de la mer et le chaos des landes de Ploumanach et de la Clarté, en Bretagne. La galerie Serrurier réunit des œuvres exécutées pendant un laps de temps qui va de 1888 à 1904. Et loin d’engendrer la monotonie, les 134 numéros de cette exposition donnent une impression de robuste volonté. Il ne s’agit pas, en effet, d’un artiste qui tâtonne et à qui l’on dit parfois : « Courage ! » Gaston Prunier n’a tenté l’épreuve publique que le jour où il a connu son métier et s’est senti maître de ses moyens. Et, sans varier énormément ceux-ci, il a acquis une sûreté d’expression qui lui assure une belle place dans le temps présent et une situation enviable pour l’avenir. »

Paris, Salon de la Société des artistes indépendants

Charles Morice, « Le XXIe Salon des indépendants », in Mercure de France, 15 avril 1905, p. 543544 : « Un art plus large est celui de Gaston Prunier. Comptez celui-ci entre les peintres, ici très rares, qui ajoutent à la volonté la tendresse, aux préoccupations techniques le désir de s’exprimer eux-mêmes, et au souci de l’harmonie celui de la solidité. Peut-être se montre-t-il un peu trop soucieux de la vérité objective du détail et se croit-il trop obligé de remplir partout le quadrilatère de ses tableaux. Mais ce reproche, qui paraîtrait justifié dans le Chantier de construction oublie l’un des caractères essentiels de ce peintre, sollicité dans deux voies différentes de recherches. Il est le témoin, l’historien plastique des transformations de Paris, et, à ce titre, il enregistre, puis-je dire, avidement, scrupuleusement, tous les signes sensibles de la réalité éphémère qui fait l’objet de son étude. Mais il est aussi l’amant attendri de la nature, l’observateur passionné des mouvements ardents ou calmes de la mer, des constructions robustes de la montagne. Si ses scènes parisiennes sont d’observation et de facture analytique, dans le Bain des trépassés (sic), dans la côte de la pointe du Raz, dans le pic de la Bonaigue, tout se simplifie – et quoi de plus synthétique, par exemple, que cette vague aux plis amples, dont l’éternelle agonie palpite sur la grève ? » Gustave Geffroy, « Le Salon d’automne – La peinture – VII. Paysagistes », in Le Journal, 22 octobre 1905, p. 5 : « M. Gaston Prunier se distingue de beaucoup de paysagistes, même fort bien doués, mais qui n’expriment parfois que les apparences des choses. Il a, lui, une manière réfléchie, consciente. Presque toutes ses œuvres donnent la sensation qu’il s’est intéressé à son sujet pour en savoir davantage qu’au premier aspect. Il est scrupuleux devant la nature, il est absolument véridique, mais il y a de la méditation dans son talent, et je ne sache pas qu’il soit interdit au peintre de méditer sur les spectacles qu’il représente. M. Gaston Prunier y gagne, lorsque le temps est beau et que le site est agréable, de nous montrer des images paisibles et heureuses, et lorsque le temps est triste et farouche, de nous fournir un thème social qui est celui-là même des spectacles qu’il a vus. Il peut donc être à la fois le peintre d’un village de Catalogne, d’une vallée des Pyrénées, et d’une scène d’usine au Havre, d’une séance de sommeil sur les fortifications de Paris, de ces visages énergiques et douloureux du charbonnier Prosper et du charbonnier N’a-qu’un-œil. »

Paris, 1re exposition de la Société internationale d’aquarellistes

Jacques Copeau, « Le mois artistique – Galerie Georges Petit – Société internationale d’aquarellistes », in L’Art et les Artistes, tome II (octobre-décembre 1905), p. 94 : « Si j’ai réservé pour la dernière ligne le nom de Gaston Prunier, c’est afin qu’il y prenne tout le relief qu’il mérite à mes yeux. On admire en lui l’âpreté de la couleur, surprenante à ce degré chez un aquarelliste. Elle imprègne le papier. Elle y pénètre, comme un acide. Par une simplification naturelle, il obtient dans ses paysages un caractère éminent de généralité. Une beauté cosmique s’en dégage. Certaine uniformité dans le sombre et le tourmenté, qui lui est familière, rend plus sensibles “quelques vifs mouvements vers la lumière”, d’une délicatesse subtile. Grâce au “sens primordial de la construction”, que M. Roger Marx a reconnu chez lui, Gaston Prunier suggère l’ossature du monde. Les solitudes où se plaît sa contemplation ont une taciturnité primitive. »

1906

Paris, Exposition de la Société internationale d’aquarellistes

Arsène Alexandre, « La vie artistique – Les aquarellistes », in Le Figaro, 19 novembre 1906, p. 6 : « M. Gaston Prunier est de beaucoup, nous semble-t-il, le plus fougueux et le plus énergique des exposants d’ici ; ses belles vues de Paris d’un réalisme romantique saisissant lui appartiennent bien, et, l’on verra avec grand intérêt sa grande composition populaire, “essai d’aquarelle murale par un procédé inédit”. »

1907

Paris, 4e exposition de la Société des peintres du Paris moderne

Étienne Charles, « Notes d’art –Les peintres du Paris moderne », in La Liberté, 11 février 1907, p. 2 : « Les vues de Paris de M. Gaston Prunier, d’un vert sombre, […] poétisent et dramatisent les aspects et les sites, qui n’y ont plus aucun caractère de réalité. »

Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts

Arsène Alexandre, « Les Salons de 1907 – La Société nationale des beaux-arts », in Le Figaro, supplément littéraire du dimanche, 13 avril 1907, p. 2 : « M. Gaston Prunier, de ces vues des environs de Paris les plus ingrats dont il a su si bien dégager la vie dramatique, rebelle, si intense dans son abandon, si inquiétante et si émouvante pour le rêveur courageux. » Jean Lorédan, « La peinture en 1907 », in Le Penseur, mai 1907, p. 162-163 : « Et M. Gaston Prunier nous montre Paris, son Paris qui est triste toujours et tragique, même sous le beau soleil d’été, son Paris des humbles vautrés dans l’herbe des “fortifs”, des pioupious goûtant la douceur de se balader, les dimanches, et de boire dans les guinguettes, et de courtiser les bonnes d’enfants, son Paris qu’il connaît si bien et qu’il rend d’une façon si poignante. Nous sommes heureux du succès marqué de cet artiste qui, par ses peintures comme par ses aquarelles, justifie pleinement l’éloge que M. Thiébault-Sisson, le très distingué critique du Temps, a fait de “sa maîtrise grandissante et toujours hardiment personnelle”. » Charles Morice, « Revue de la quinzaine – Art moderne – Le xviie Salon de la Société nationale des beaux-arts », in Mercure de France, 15 mai 1907, p. 349 : « Entre tous, je nomme avec joie Gaston Prunier. C’est décidément parmi les meilleurs maîtres de cette heure qu’il faudra désormais compter ce peintre ému, ce visionnaire des paysages

Gaston Prunier Londres, le Parlement, 1905 Aquarelle sur papier, 48,5 x 63,5 cm Coll. part.

dolents de la banlieue parisienne, tantôt, et tantôt de l’agitation large des grands ports ou de la sérénité redoutable de la haute montagne. Cette fois il nous retient à Paris et dans les environs, avec la Porte de Versailles, la Seine à Grenelle, la Seine à Auteuil et Sur les fortifications. Ce sont des œuvres de “sensibilité décorative”, si je puis, en associant ces mots suggérer la double signification de cet art sentimental et plastique, qui donne tant d’éclat à la mélancolie. La décision des lignes justifie la franchise des couleurs, et il y a de la richesse vraie dans ces tableaux qui tiennent si fortement à la muraille, qui la tiennent, pour mieux dire, qui la soutiennent. Comme ils décoreraient bien, leurs proportions s’amplifiant, de vastes surfaces, et qu’il faut déplorer – sans s’étonner de rien, toutefois – que l’État ou la ville n’aient pas encore confié à Gaston Prunier l’illustration de quelque mur de mairie ! »

Arsène Alexandre, « Promenade au Salon », in Revue illustrée, 1907, p. 320 : « Le romanesque et entraînant Gaston Prunier, qui sait faire surgir une féerie dans le site le plus ingrat des fortifs et des environs immédiats, si lépreux, du pauvre Paris. Il est vrai que Gaston Prunier sait que la lumière est belle partout, et qu’à tout vrai poète l’enthousiasme est possible en toute occasion. »

1908

Paris, 5e exposition de la Société des peintres du Paris moderne

Jean Lorédan, « Petits Salons », in Le Penseur, mars 1908, p. 84 :

« Puis un autre Paris, bien connu celui-là depuis plusieurs années, le Paris violent et tragique de M.

Gaston Prunier, le Paris aux ciels sombres et violacés, aux eaux inquiétantes, qui roulent, tumultueuses, sous les ponts, qui mouillent de leur bave les tristes quais, les pierres crayeuses, le

Paris de pauvres gens et des maisons en ruines dont les murs croulants dressent encore çà et là, sur la campagne nue et morne, leurs silhouettes bizarres et qui font songer à des guerres, à des bombardements, à des révolutions. Ce Paris-là, grandiose et menaçant, torturé, tourmenté, celui qui l’a vu, qui l’a compris, et qui sait le rendre de cette façon poignant, est vraiment un artiste de grande valeur. » Paris, Galerie Allard, « Vues de la Tamise »

Pierre Hepp, « Petites expositions », in La Chronique des arts et de la curiosité, 7 mars 1908, p. 84 : « L’attrait exercé sur les peintres par les aspects théâtraux de Londres a des raisons lyriques autant que picturales. Les contrastes frappants offerts par la brume spirituelle et l’insensible machinerie, le brouillard sourd-muet et le vibrant fracas métallique ; les apparitions grandiloquentes, expirant à peine surgies, mêlant à la brutalité virile une délicatesse féminine, avaient séduit M. Monet avant d’appeler M. Gaston Prunier. M. Monet, il faut le dire, s’impose plus à l’esprit que M. Gaston Prunier, plus exact que lui, moins forcé, visant moins au pathétique et, par là, moins saisissant. Où M. Monet déduit, M. Prunier induit. C’est que M. Prunier ne dessert aucun système. Avant tout il est homme de sens, il s’oublie en examinant les choses et ne s’essaie à les traduire qu’après en avoir pénétré les nuances intimes. Mais il est également poète, et si ses aquarelles, par leur incertaine rédaction, n’atteignent pas l’autorité des toiles voulues de M. Monet, elles n’en dépassent pas moins leur cadre à leur manière. Le Fleuve entre Tower Bridge et London Bridge est dicté par un sentiment d’ampleur bien indiqué. Cette ampleur n’exclut pas la finesse, ainsi que le prouvent Westminster la nuit et Blackfriars Bridge. Et sans doute M. Prunier aurait-il modifié les idées de Ruskin relatives au paysage industriel. »

Charles Saunier, « Notes d’art », in Le Magasin pittoresque, 1908, série III, tome IX, p. 53 : « Londres, vu par Gaston Prunier (galerie Allard). Il est entendu, il est de bon ton d’insister :

Londres est une ville de brouillard et de suie ; la Tamise, un fleuve boueux, sans noblesse. Les gens qui ne sont pas allés à Londres l’assurent : la plupart de ceux qui ont fait le voyage se gardent de contredire.

Cependant, les artistes ont déjà prouvé que Londres était parfois éclairé par de beaux ciels, que ses monuments avaient de l’allure, et que la Tamise et ses ponts présentaient l’attrait du mouvement et de la couleur. Non seulement la preuve a été faite par les artistes insulaires, mais encore par les nôtres. Claude Monet, par exemple, a montré toutes les ressources picturales de Londres, le charme de son atmosphère et les fantasmagories de sa lumière.

Voici que Gaston Prunier, lui aussi, apporte son témoignage. Personnel toujours, il n’a pas vu de même que les autres, mais ce qu’il a vu est poignant et émouvant à l’extrême. Oh ! Il n’a pas fait d’allées et venues. Il a planté son chevalet en pleine Cité, flânant de Westminster Bridge à Tower Bridge. Il a trouvé là, par le soleil, la pluie et le brouillard, les plus beaux effets qu’il pouvait souhaiter, indiquant avec une science, un sentiment des formes que lui seul possède, la masse des grandes architectures : Parlement, gares des railways et ponts colossaux ou maigres, modernes ou vieillots.

Les 20 aquarelles de Gaston Prunier, qu’a réunies la galerie Allard, seraient toutes à citer. Mais, comme il faut avoir des préférences, on rappellera surtout la Tamise vue de Tower Bridge, lutte de soleil et de brouillard se traduisant par de grandes lumières dorées, absorbées par le fleuve ; Belle journée, qui a la vibrance d’une fantasmagorie vénitienne ; Crépuscule, vu de London Bridge, décor d’incendie ; le Pont de Cannon Street ; enfin, Charing Cross Rail et brouillard, page décorative. Ces morceaux compteront dans l’œuvre, déjà si riche et diverse, de Gaston Prunier. Il apparaît ici avec ses belles qualités et sans aucune défaillance. Nous en sommes heureux pour l’artiste, pour la capitale de l’Angleterre aussi, qui est une ville méconnue, pleine d’attraits pour qui l’observe. »

Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts

Roger Marx, « Le vernissage de la Société nationale des beaux-arts – Dessins », in La Chronique des arts et de la curiosité, supplément à la Gazette des beaux-arts, 18 avril 1908, p. 145 : « C’est dans les salles avarement éclairées du rez-dechaussée que se voient les vues de Londres où M. Gaston Prunier rejoint Turner. »

1909

Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts

Arsène Alexandre, « Les Salons de 1909 – Société nationale des beaux-arts », in Le Figaro, 14 avril 1909, p. 5 : « Et surtout, je trouve une personnalité des plus curieuses, des plus attachantes chez M. Gaston Prunier. Ce peintre, avec une fougue et une force grandissante, s’est voué à rendre la vie individuelle, pourrait-on dire, de certains paysages parisiens, de ceux où la bâtisse fait surgir des forêts de madriers ou de fermes métalliques, et de ceux, encore, qu’animent les dimanches populaires, de ces terrains peu luxueux où, sous un ciel magnifique, “on se croirait, comme dit Gervaise Coupeau, à la campagne”. Enfin, voilà donc un homme qui s’est avisé de la grandeur et de la fantasmagorie que présentent les “zones” de Vaugirard, d’Ivry, de Montrouge, et qui, après l’admirable Raffaëlli, a su trouver par une évocation à lui le moyen de renouveler ce sujet… Mais comme les flâneurs passionnés sont rares, peu de gens se douteront de la vérité de couleur et de sentiments qui règne dans ces belles petites peintures. » Jean Lorédan, « Les Salons de 1909 », in Le Penseur, mai 1909, p. 162 : « Gaston Prunier et son Bastion 68, sa Porte de Sèvres, son curieux Repos hebdomadaire, d’une poésie si spéciales. Nul mieux que Gaston Prunier ne sait peindre ces joies de mamans ouvrières, de bonnes d’enfants et de pioupious dans l’herbe, ces flâneries au long des fortifs, ces tragiques aspects de pauvres faubourgs de la Seine à certaines heures, sous certains ciels, et son œuvre puissante, originale, consciencieuse est de celles qui s’imposent chaque année davantage, sans cesse en progrès. » Jean Thomsen, « Le Salon de la Société nationale des beaux-arts », in Le Petit Journal, 14 avril 1909, p. 4 : « M. G. Prunier n’a plus cette âpreté que nous aimions en lui, il tourne à l’anecdote et fait du Devambez. »

1911

Paris, salon de la Société nationale des beaux-arts

Charles Morice, « L’art contemporain et M. Ingres », in Mercure de France, 1er juin 1911, p. 477 : « Je retrouve dans les compositions plus réduites de M. Gaston Prunier, et avec une tout autre compréhension de la nature, ce même sens d’une pleine harmonie, grandiose et douce, cette même préoccupation de la réalité. Il n’y a pas d’artiste plus libre que M. Gaston Prunier, parce qu’il n’y en a pas de plus exclusivement épris de la vérité – la vérité de la nature qu’il voit et la vérité du sentiment que ce spectacle éveille en lui. Pour dire cette double vérité, il ne s’embarrasse point de théories. Il a toujours préféré au bruit des discussions la solitude fervente du travail. Il n’est pas de méthode qui puisse mener au but plus obscurément, plus lentement, ni plus sûrement. Des œuvres comme la Baie des Trépassés, le Pont de Cannon Street, le Pont Saint-Martin témoignent assez haut que ce pur et fier artiste a pleinement atteint son but : il s’est exprimé. »

1912

Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts

Arsène Alexandre, « Les Salons de 1912 – Société nationale des beaux-arts », in Le Figaro, le 13 avril 1912, p. 4 : « Un artiste s’est passionné pour mille et un spectacles des travaux et des heures ; presque seul, il a dessiné les fantastiques architectures des chantiers et des charpentes parmi lesquels fourmillent des insectes constructeurs qui sont des hommes. Il a noté les promeneurs bariolés du dimanche s’ébattant ou se prélassant dans les fortifications vertes. Il a exploré Londres, le midi de la France, les provinces basques d’Espagne. Que sais-je encore ? Il a rapporté de toutes ces études et de toutes ces expéditions un art personnel, animé, plein de justesse, d’esprit, de sympathie pour les choses. Cette année encore, il nous montre un chantier, une rue de Paris, un automne à Fontainebleau, un grand paysage pyrénéen de lac et de monts du plus intense caractère. Cet artiste est M. Gaston Prunier ; et il faudra bien que le succès vienne à lui, amplement. »

Étienne Charles, « Les Salons de 1912 – Société nationale des beaux-arts – Le vernissage », in La Liberté, 14 avril 1912, p. 2 : « Autre satire sociale : La Chaussée-d’Antin de M. Gaston Prunier. Si en ce coin de Paris, l’humanité qui passe est telle que l’a vue l’artiste, vicieuse et répugnante, il y faut sans retard porter le fer et le feu, au figuré, bien entendu. »

Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts

Arsène Alexandre, « Les Salons de 1914 – Société nationale des beaux-arts », in Le Figaro, 12 avril 1912, p. 4 : « M. G. Prunier est un vaillant et intelligent peintre qui jamais n’a parlé pour ne rien dire : chaque fois, dans les villes, dans les faubourgs, les chantiers, les pays imposants comme les pays ingrats, il a toujours dégagé ce qu’on peut appeler la physionomie de la terre. Cette fois, dans ses landes, vallées ou forêts, il a décrit cette sorte de chevelure d’arbres dont elle se hérisse, et dans laquelle parfois le vent passe ses doigts agités et tumultueux. »

1927

Le Rapin, « La mort de Gaston Prunier », in Comoedia, 25 octobre 1927, p. 2 : « Qui ne se souvient des toiles éclatantes du peintre Gaston Prunier ? Il témoignait dans toutes ses œuvres d’un amour passionné de la couleur et du chatoiement des lumières. Pour réaliser cette richesse qui était en lui, il avait choisi comme motifs les Pyrénées et c’est ainsi qu’il devint peu à peu le peintre du sud-ouest de la France. Gaston Prunier vient de mourir à Paris, après une longue et douloureuse maladie. C’est là, à coup sûr, une perte pour la peinture française ; on en jugera mieux quelque jour prochain peut-être, quand une rétrospective nous permettra d’admirer l’éclat et la richesse de sa palette. » Xavier d’Orfeuil, « Mort du peintre Gaston Prunier », in Le Gaulois, 26 octobre 1927, p. 4 : « On annonce la mort, à Paris, du peintre Gaston Prunier, décédé après une douloureuse et longue maladie. Gaston Prunier, qui laisse une œuvre très importante, était surtout le peintre des Pyrénées, et sa palette, riche en couleurs, s’adaptait avec un grand talent aux tons chatoyants de nos horizons méridionaux. Il témoignait dans toutes ses œuvres d’un amour passionné de la couleur et du chatoiement des lumières. Pour réaliser cette richesse, qui était en lui, il avait choisi comme motif les Pyrénées et c’est ainsi qu’il devint peu à peu le peintre du sud-ouest de la France.

La disparition de Gaston Prunier est, à coup sûr une perte pour la peinture française ; on en jugera mieux quelque jour prochain peut-être, quand une rétrospective nous permettra d’admirer l’éclat et la richesse de sa palette, car il disparaît au moment où dans le monde des arts et des lettres circulait une pétition pour qu’une distinction officielle vînt récompenser ses activités. Plusieurs de ses œuvres ont été acquises par des musées de l’État, notamment par le musée du Luxembourg. »

1928

Paris, Exposition rétrospective à la Société nationale des beauxarts :

H. B., « Un peintre de Paris, Gaston Prunier (1863-1927) », in La Semaine à Paris, 11 mai 1928, p. 8 : Gaston Prunier fut, à son heure, un révolutionnaire en art. Il força difficilement les portes des sanctuaires officiels et il fallut la largeur de vue de Léonce Bénédite pour lui mettre le pied à l’étrier. On aura plaisir à revoir les belles aquarelles de Prunier qui évoquent les quais de la Seine, la perspective de nos ponts, le Louvre sous la neige, les paysages de banlieue, les scènes populaires si spirituellement notées, tous ces sujets largement traités en de magistrales aquarelles avec une fraîcheur et une variété qui ont été en leur temps une révélation. À côté de ces pages qui illustrent notre vieux et cher Paris, la rétrospective Prunier nous offre un certain nombre de vues prises dans les régions où habita l’artiste : Londres et sa Tamise, la Côte d’Azur, les Pyrénées… Nos salons devaient cet hommage à Gaston Prunier. »

Gustave Kahn, « Revue de la Quinzaine – Art – Le Salon de la Société nationale (peinture) – Rétrospective […] », in Mercure de France, 15 mai 1928, p. 203 : « Il semble que Gaston Prunier n’ait pas rempli toute sa mesure, on avait fondé sur lui de grands espoirs. Il fut un bon peintre. Il devança bien des gens par ses curiosités et fut le premier interprète obstiné des grandes fêtes populaires sportives avec drapeaux et poussière encadrées dans la verdure rare, sèche et rêche, de la grande banlieue. En contraste, il peignait aussi des coins de Seine, délicieusement tranquilles. Il a donné de frileux paysages parisiens, dont une remarquable neige au pont Mirabeau, des visions de Londres, des notations d’Espagne. Il est mort prématurément, peut-être à la veille de plus grands développements. » L’auteure remercie particulièrement Nicolas Éprendre qui lui a fait découvrir l’artiste et a été son guide, et Colette Monestier qui a si généreusement ouvert pour elle la malle où est rassemblé depuis presque un siècle le fonds d’atelier de Gaston Prunier.

Georges Frédéric Rötig Tigres aux aguets, vers 1920 Aquarelle sur papier, 32 x 42.2 cm Dahesh Museum of Art, New York.

1 Georges Denoinville, « Lettres d’artistes – Certains artistes français du xxe siècle – G.F. Rötig », in Le

Voltaire, 26 décembre 1905. 2 Frédéric Rötig père (1832-1905) est veuf de Pauline Adolphine Riballier (Le Havre, 1838 – id., 1869) quand Louise Loisel est veuve de

Michel Manuel Etcheverry (décédé à Eratzu, en Espagne, en 1869). 3 Il y meurt le 12 mars 1935. 4 Il échoue néanmoins à recevoir une bourse d’études de la part de la ville, malgré l’appui du peintre Émile Renouf. Cf. Le Havre,

Archives municipales, FC R1 carton 14, liasse 6, note du 16 octobre 1891. 5 Archives nationales, dossier d’élève à l’ENBA, AJ/52/297. « J’avais toujours eu l’idée fixe de faire de la peinture, et il faut croire que, tout jeune, j’avais déjà un faible pour les animaux, car rien ne m’a tant amusé que ces ménageries d’animaux en bois sculpté, quand j’étais enfant1 . » Si l’intérêt de Georges Frédéric Rötig pour la peinture animalière trouve son origine dans l’enfance, ses racines familiales ne semblaient pourtant pas prédisposer le jeune « Fritz » à devenir un des grands peintres animaliers du début du xxe siècle. Son père, d’origine allemande, Johann Friedrich Wilhelm Roetig – dit Frédéric Rötig –, est en effet installé comme horloger au 51, rue de Paris, au Havre, quand sa mère, Louise Zélie Loisel, est une institutrice d’origine normande2 . Georges Frédéric naît le 1er octobre 1873 au domicile parental et devient rapidement l’aîné de huit enfants, dont le cadet, William Jean Rötig, suivra une carrière diplomatique et, après avoir été en poste à Londres et à La Canée, deviendra consul général de France à Bratislava, Naples puis Bâle3 .

Frédéric Rötig Fort de son intérêt pour la peinture, le jeune Rötig suit les cours de Charles (Le Havre, 1873 - Paris, 1961) Lhullier à l’école municipale des BeauxArts du Havre, avant d’être admis à M. D. l’École des beaux-arts de Paris, au début de l’année 18914. Charles Lhullier, dans un courrier d’appui, souligne qu’il s’est, pendant les trois années où il lui a enseigné les rudiments de l’art, « montré plein d’ardeur pour l’étude et de rapides progrès s’en sont suivis. De plus, doué des meilleures dispositions et d’un charmant caractère, il est un de mes élèves sur lequel je fonde les meilleures espérances et dont je garde le meilleur souvenir5 ». Bien que sa rentrée soit retardée pour cause de scarlatine , Rötig devient l’élève de Jean-Paul Laurens, de Jules Lefebvre ainsi que de Benjamin Constant à l’académie Julian. Il se réclame également d’Hermann Léon (1838-1908), peintre animalier né au Havre. Auteur d’une œuvre abondante, Rötig se spécialise très tôt dans la peinture animalière. « Rötig aura bientôt portraituré, et toujours avec un même bonheur, toute la vieille et tumultueuse ménagerie échappée au Déluge avec

Anonyme L’horlogerie Rötig, 51 rue de Paris au Havre, vers 1890 Coll. part.

6 Léon Plée, « Les salons – Les artistes français », in Les Annales politiques et littéraires, 4 mai 1913. 7 Gustave Lennier, Description de la collection ethnographique océanienne qu’a offerte à la ville du Havre

M. Le Mescam, négociant à Nouméa,

Le Havre, imprimerie du journal

Le Havre, 1896. 8 Georges Denoinville, « Lettres d’artistes – Certains artistes français du xxe siècle – G.F. Rötig », op. cit. 9 Le Havre libre, 21 mai 1958. 10 Elle décède en 1957. 11 « Notre compatriote M. Frédéric

Rötig, artiste peintre, chevalier de la Légion d’honneur », in Le Havre libre, 21 mai 1958. l’arche de Noé. Loups, lions, bisons, sangliers, tout, y compris le bon ami de l’homme, aura bientôt posé devant lui6 . ». Âgé d’à peine vingt ans, il expose dès 1893 au Salon des artistes français un dessin au fusain, Bassets vendéens ; griffons. Trois ans plus tard, il réalise le frontispice des Notes d’ethnographie océanienne, ouvrage de Gustave Lennier7 , directeur du Muséum d’histoire naturelle et d’ethnographie du Havre. Il se fait illustrateur de nombreux magazines de chasse, dont le bimensuel L’Écho de la chasse en 1899 ou La Chasse illustrée. Ses scènes animalières illustrent à maintes reprises la couverture du magazine Le Chasseur français dans les années 1940-1950 : Mouflons dans la montagne (n° 618, février-mars 1948) ; La Croûle (n° 622, octobre-novembre 1948) ; Girafes (n° 627, mai 1949) ; Élans (n° 649, mars 1951) ; Nid de faucons crécerelles (n° 656, octobre 1951) ; Combat de sangliers (n° 660, février 1952) ; Panthères à l’affût (n° 668, octobre 1952) ; Nichée de geais (n° 673, mars 1953) ; Sans titre (n° 691, septembre 1954) ; Perdrix au clair de lune (n° 707, janvier 1956). Il illustre également plusieurs ouvrages traitant de l’art cynégétique, parmi lesquels Les Grands Fusils de France, du baron de Vaux, en 1898, Les Veillées du Gerfaut, du comte Jean de SabranPontevès, en 1905, ou la couverture de l’ouvrage de Marcel d’Herbeville, MM. Les disciples de saint Hubert, paru en 1909.

Son talent d’artiste animalier s’ancre dans une observation fidèle de la nature. Il figure au demeurant dans la liste des artistes admis à travailler au laboratoire du Muséum national d’histoire naturelle en 1926. Mais Rötig ne saurait négliger le décor dans lequel il insère cette faune si finement reproduite : « J’aime autant le paysage que les animaux, et mon idée serait de mener les deux choses de front, de façon à donner à mes animaux l’impression du milieu où ils vivent car, à mon avis, voir un cerf dans un jardin zoologique ou le rencontrer en forêt vous donne une impression bien différente, et je cherche à compléter en quelque sorte le caractère d’un animal, par le fond qui lui convient8 . »

La critique reconnaît rapidement les mérites de Rötig, qui est de ces peintres pouvant prétendre vivre de leur art. Une de ses aquarelles, La Ferme, est achetée par le musée de Toul dès 1896, et le musée de Picardie à Amiens fait l’acquisition en 1908 de Chevreuils allant boire. Rötig obtient au Salon des artistes français une mention honorable en 1900, une médaille d’or en 1902 et en 1903. Il y est classé « hors concours » en 1904. Il est également récipiendaire du prix Rosa Bonheur en 19139, qui récompense la peinture animalière au sein de la Société des artistes français.

Georges Frédéric Rötig épouse en 1912 Charlotte Yvonne Lefebvre, fille de Jules Lefebvre, son ancien professeur, qui décède le 17 novembre 1920 sans lui laisser de postérité. Il se remarie, en décembre 1945, avec Marguerite Dupré, professeure de musique10. Nommé chevalier de la Légion d’honneur en 195811, il décède trois ans plus tard à Paris, le 20 août 1961.

Expositions

1893

Paris, Salon, Bassets vendéens ; griffons, dessin au fusain (n° 2392). Le Havre, Société des amis des arts, Relais en forêt (n° 464) et Chiens du Haut-Poitou (n° 465), ainsi que Bassets, griffons, fusain (n° 752), et deux aquarelles, intitulées toutes deux Foxhounds (n° 753 et 754). Rouen, 33e exposition municipale de beaux-arts, Chiens d’arrêt, panneau (n° 726), ainsi que Chiens d’arrêt (n° 1163) et Chiens courants (n° 1164), deux aquarelles.

1894

Paris, Salon, Hallali de sanglier (n° 1593) et Relais en forêt (n° 1594). Même adresse. Nancy, Société lorraine des amis des arts, Les Limiers (n° 323), Relais de chiens de Saint-Hubert (n° 324) et Sangliers dans la bauge, le matin (n° 325). Amiens, Société des amis des arts, Les Chevreuils (n° 583), Relais en forêt (n° 584) et Foxhound, aquarelle (n° 933).

1895

Paris, Salon, Sanglier coiffé – équipage de fox-hounds (n° 1659).

1896

Le Havre, Société des amis des arts, Après le combat, effet de gelée blanche et de brouillard (n° 573) et Sanglier forcé (n° 574), ainsi que Relais en forêt (n° 859) et Reposée, biche et son faon (n° 860), deux aquarelles. Paris, Salon, Cour de chenil (n° 1730), La Fin du duel ; effet de brume et gelée blanche (n° 1731) et Relais en forêt, aquarelle (n° 3005).

1897

Paris, Salon, Sangliers sous bois (n° 1459), Abandonné (n° 1460), ainsi que Relais en forêt (n° 2505) et Perdus (griffons de Vendée) (n° 2506), deux aquarelles. Paris, Salon des peintres et sculpteurs de chasse et de vénerie. Paris, Salon, Sanglier faisant tête aux chiens (n° 1756), ainsi que Chiens relevant la voie (n° 2926) et Chiens bassets au terrier (n° 2927), deux aquarelles. Reçoit une mention honorable.

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Paysage aux cigognes (n° 422), ainsi que Chiens d’arrêts, pointer et setter, laverack, blue, belton (n° 714) et Chiens courant – Relais de chiens normands (n° 715), deux aquarelles. Paris, Salon, Combat de sangliers – lever de lune (n° 1701), Animaux fuyant devant un incendie en forêt (n° 1702), ainsi que Après la prise du blaireau ; bassets (n° 2956) et Le Relais (n° 2957), deux aquarelles. Berlin, Exposition des artistes français, Relais de chiens normands (n° 155) et Matin dans les rochers (n° 156).

1900

Paris, Salon, Laie et ses marcassins sur le point d’être attaqués par les loups ; lever de lune (n° 1149) et Chiens se chauffant devant le feu, aquarelle (n° 1728). Angers, Exposition des amis des arts, Laie et ses marcassins sur le point d’être attaqués par les loups.

Anonyme, « Exposition des amis des arts III », in Le Petit Courrier, 31 décembre 1900 : « Les animaliers ne sont représentés que par MM. Rötig et Tavernier, deux maîtres il est vrai. Le tableau de M. Rötig Laie et ses marcassins attaqués par des loups sort du déjà-vu. Le courage maternel de cette laie défendant sa progéniture effarée intéresse : les figures si expressives des petits sont tout à fait drôles. On sent en M. Rötig un fin observateur qui ne laisse rien au hasard, sa toile d’un dessin exact et d’une touche vigoureuse peut compter parmi les meilleures du salon. »

1901

Paris, Salon, Combat de cerfs (n° 1743), Après la chasse ; chiens se séchant devant le feu (n° 1744) et dessin (n° 2817).

1902

Paris, Salon, Cerfs allant boire ; effet de brume le matin (n° 1404) et Sangliers sortant du bois ; effet de neige au soleil couchant (n° 1405). Rötig reçoit à cette occasion une médaille de 3e classe.

Ernest Jetot, « Le Salon des artistes français au Grand Palais », in La Revue d’histoire du xixe siècle : journal quotidien politique et littéraire, 1er mai 1902 : « Les Cerfs allant boire de M. Georges Frédéric Rötig sont bien dessinés et bien peints, dans un effet de brume le matin. »

Léon Roger-Milès, « Les salons de 1902 – exposition de la Société des artistes français », in L’Éclair, 30 avril 1902 : « M. Rötig, qui depuis quatre ans a donné de fort belles pages, expose cette année deux œuvres qui lui vaudront certainement une récompense : c’est d’abord des Cerfs allant boire, par un effet du matin, où la forêt est légèrement ouatée de brume, et des Sangliers sortant du bois, toute une bande, flairant le sol dont la neige s’éclaire sous le soleil couchant. Cerfs et sangliers dénotent une connaissance approfondie de l’ostéologie et du mouvement chez ces bêtes : c’est tout à fait bien. »

1903

Paris, Salon, Après le combat ; cerfs (n° 1519) et Sanglier se frottant aux arbres, au sortir de l’eau (n° 1520).

J. B. « Les salons de 1903 – la

Société des artistes français », in La Vérité, 17 mai 1903 : « Terminons l’examen de cette salle en signalant les œuvres d’un jeune animalier qui a du talent,

M. Rötig, et qui nous semble en progrès. Qu’il s’applique à être un peu plus coloriste. » Monte-Carlo, Exposition internationale de peinture et de sculpture.

1904

Paris, Salon, Cerf touchant au bois (n° 1554) et Sangliers allant boire (n° 1555). Paris, Salon des artistes français. Reçoit une deuxième médaille pour Cerf touchant au bois et Sangliers allant boire.

Georges Denoinville, « Salons de 1904 – Société des artistes français », in Le Voltaire, 4 mai 1904 : « M. Rötig expose un Cerf touchant au bois et des Sangliers allant boire qui sont deux tableaux remarquables, de science, de vérité, et qui plus est, non seulement M. Rötig peint des animaux superbes de mouvement, mais il est un paysagiste qui ne sacrifie pas le paysage

à ses animaux, lesquels participent bien de l’atmosphère de la forêt où ils vivent et qu’ils respirent. Personne n’est capable de peindre des animaux comme cet artiste, et il les connaît comme pas un, même parmi les spécialistes. »

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Cerf touchant au bois (n° 420) et Cerfs sortant en plaine, effet du matin (n° 421), ainsi que Cerfs dans la neige, le soir, gouache (n° 730), et Daims près d’un étang (n° 731). Paris, Salon, Cerfs pendant le rut ; effet de nuit (n° 1639), Combat de sangliers (n° 1640), ainsi que Cerfs en forêt ; effet de soleil après la pluie (n° 2669) et Étude pour le tableau Combat de sangliers (n° 2670), deux dessins à la gouache.

Georges Devil, « 123e Salon de la Société des artistes français », in Le Voltaire, 2 mai 1905.

« Je préfère les Cerfs de M. Rötig, un cerf aux abois dans un paysage aux clartés lunaires, cependant qu’au loin on aperçoit les biches inquiètes. Ce motif comporte du silence, du mystère, de la grandeur, encore que nous soyons attirés très vivement par son autre tableau (salle 4), Combat de sangliers, au milieu de la neige. M. Rötig dessine les animaux comme Barye ; et il a bien le sentiment de la nature sauvage et forestière. On devine l’artiste, travailleur, ému, sincère, ayant un but, une idée bien fixe, bien arrêtée. Voilà un peintre sévère, honnête, qui n’est pas un sauteur, et qui a fait de l’art sa religion. Ainsi pratiquée, M. Rötig peut l’exercer en toute conscience. Il a notre estime et notre admiration12 . »

A.M., « Salon des artistes français », in La France militaire, 4 mai 1905 : « Voici deux très intéressantes toiles de M. Rötig, décidément placé à la tête des peintres animaliers. M. Rötig est l’élève de Jules Lefebvre, JeanPaul Laurens et Hermann-Léon. Ce n’est point chez les deux premiers que l’artiste a pu apprendre à faire des sangliers, des cerfs et des chiens, et si Olivier de Penne avait fait des élèves, c’est à lui plutôt que j’attribuerais l’éducation cynégétique de M. Rötig, qui m’étonnerait beaucoup s’il me disait ne pas s’être inspiré de la manière du maître regretté. Cette année, l’artiste envoie un Combat de sangliers, que la harde de jeunes marcassins regarde sans émotion apparente ; puis Les Cerfs pendant le rut ; effet de nuit, pris sans doute en forêt de Fontainebleau13 . »

Exposition de la Société des peintres de la montagne, Paris : « M. Rötig les [les chamois] a caressés d’un crayon alerte ; et ses sangliers ne sont pas moins réels. Voilà bien les pachidermes [sic] qui hantent les montagnes de Corse et se régalent de glands doux et de châtaignes, ainsi du reste que les humains, enfants de cette terre plus belle que fertile. »

1906

Paris, Salon, La Migration annuelle des bisons (n° 1449), Élans passant une rivière au crépuscule (n° 1450), ainsi que Sanglier se frottant aux arbres (n° 2643) et Cerfs, le soir ; effet de neige (n° 2644), deux aquarelles.

Jules de Saint-Hilaire, « Le Salon », in Le Journal des arts, 16 juin 1906 : « Dans la Migration annuelle des bisons et Élans passant une rivière au crépuscule, M. G. F Rötig marche sur les traces de Rosa Bonheur ; mais il paraît un peu gêné par les horizons d’outre-mer qui lui sont moins familiers en effet que ceux pris en France. »

Tourcoing, Exposition internationale des beaux-arts Sangliers sortant du bois le soir, pour chercher leur nourriture dans la neige (n° 491). Calais, Salon, Animaux fuyant un incendie.

E. Duhamel, « Notre Salon de 1906 », in La Revue des artistes du Nord et du Pas-de-Calais, septembre 1906 : « Un autre clou est certainement la toile de Georges Rötig, intitulée Animaux fuyant un incendie. En nous donnant cette idée de la fin d’un monde, le maître a voulu nous impressionner. Il y a réussi à merveille, et son pinceau souple et large nous donne la preuve qu’il connaît son métier et peut prétendre à un brillant avenir. Quelle maîtrise ! Quelle observation de la nature dans cette importante composition ! Que de vie, de mouvements chez ces animaux effrayés par le feu ! Leur instinct matériel fait place à celui de la conservation et de la terreur. La tonalité générale de cette œuvre tout en étant voulue est sincère aussi. Quand on songe que M. Rötig n’a que trente-trois ans, on se plaît à admirer son beau talent appelé à le classer parmi nos meilleurs peintres animaliers. Non moins heureux, son cerf traversant une route. On retrouve dans cette œuvre les qualités du jeune maître avec une délicatesse dans la touche serrée et ferme jointe à un coloris chaud. Le paysage en est charmant et plein de profondeur tout en étant sobre de détails. »

Rouen, 37e exposition municipale de beaux-arts, Cerfs allant boire ; effet de brume le matin (n° 540) et Sangliers sortant du bois le soir, pour chercher leur nourriture dans la neige (n° 541).

1907

Paris, Salon, La Source ; chevreuils allant boire (n° 1377), En détresse ; sangliers (n° 1378), ainsi que Cerfs cherchant leur nourriture dans la neige (n° 2344) et Matinée d’hiver en forêt ; sangliers (n° 2345), deux dessins à la gouache. Même adresse (rue Bochard-de-Saron).

Léon Plée, « Les Salons – Les artistes français », in Les Annales politiques et littéraires, 3 mai 1908 : « Les beaux tableaux de chasse de Rötig et de Tavernier, deux maîtres du genre, deux émules de Snyders et d’Oudry14 . »

1908

Paris, Salon, Mouflons d’Europe dans la montagne (n° 1596), La Destruction des loups par le poison (n° 1597), ainsi que Sangliers ; givre et brouillard (n° 2669) et Loups suivant une piste (n° 2670), deux dessins à la gouache.

Léon Plée, « Les artistes français », in Les Annales politiques et littéraires, 2 mai 1909 : « La Destruction des loups par le poison, une des meilleures toiles de Rötig15 . »

Paris, Salon d’automne, Cerfs dans la neige (gouache). Paris, Salon des peintres et sculpteurs de chasse et de vénerie.

1909

Paris, Salon, Cerfs surpris par l’orage (n° 1541), Sangliers baugés dans la neige (n° 1542), ainsi que Renards à l’affût (n° 2784) et Sangliers sortant du bois le soir (n° 2785), deux aquarelles.

Léon Plée, « Les Salons – Les artistes français », in Les Annales politiques et littéraires, 2 mai 1909 : « De Rötig, le meilleur animalier de ce temps et le meilleur du Salon dans les Sangliers baugés dans la neige et les Cerfs surpris par l’orage16 . »

Arsène Alexandre, « Les Salons de 1909 – Société des artistes français », in Le Figaro, 1er mai 1909 : « M. Rötig connaît admirablement les mœurs, les allures des bêtes forestières. Ses Cerfs surpris par l’orage et surtout ses Sangliers baugés dans la neige ont l’intérêt et la valeur de sujets parfaitement sus et étudiés, rendus avec une forte et sûre technique. Si tous les portraitistes, ici, observaient les modèles comme M. Rötig ses sangliers17 ! »

Paris, Société des artistes animaliers.

1910

Salon, Chevreuils allant boire ; étang de Villefort (Cher) (n° 1617), À l’aube ; coq de bruyère appelant ses poules (n° 1618), ainsi que Les Affamés (loups) (n° 3022), et Sangliers (n° 3023), deux aquarelles gouachées.

1911

Paris, Salon, Sangliers à la bauge (n° 1624), commandé par le comte Jean de Sabran-Pontevès pour son château du Gerfaut, en Indre-et-Loire.

Paris, Salon des artistes français, Lions guettant des antilopes. Paris, Salon des artistes animaliers.

1913

Paris, Salon, Sangliers et tigres, pour lequel il reçoit le prix Rosa Bonheur.

Léon Plée, « Les Salons – Les artistes français », in Les Annales politiques et littéraires, 4 mai 1913. « Béroud, animalier et bon animalier, voilà qui n’est pas ordinaire, mais ne portera sans doute point ombrage au maître qu’est Frédéric Rötig. Rötig aura bientôt portraituré, et toujours avec un même bonheur, toute la vieille et tumultueuse ménagerie échappée du Déluge avec l’arche de Noé. Loups, lions, bisons, sangliers, tout, y compris le bon ami de l’homme, aura bientôt posé devant lui. Seuls les tigres manquaient à sa galerie ; mais la lacune est aujourd’hui comblée. Et ce n’est pas dans les cages obscures de notre Jardin des Plantes que notre artiste est allé les peindre, mais à Marseille, dans la belle lumière provençale. Le couple de ces fauves qui s’ébattent dans son envoi des Champs-Élysées eût captivé Barye. »

Paris, Exposition de la Société des artistes animaliers. Paris, Salon des artistes français, Éléphants.

Arsène Alexandre, « Le Salons de 1914 – Société des artistes français », in Le Figaro, 30 avril 1914 : « M. Rötig connaît à merveille les régions exotiques et leurs habitants. Ses Éléphants sont un tableau attachant, bien composé, fermement dessiné et qui est si vraisemblable qu’il ne peut pas n’être point vrai. »

Caen, Galerie Mars-Antony.

1919

Caen, Salon des artistes animaliers.

Paris, Galerie Le Goupy.

Léopold Honoré, « Exposition Édouard Doigneau, Ferdinand Oger et G.F. Rötig chez Le Goupy, 5, boulevard de la Madeleine », in Le Journal des arts, 17 décembre 1919 : « Quant à M. Rötig, il est presque superflu de dire jusqu’à quel point lui est familière l’étude des animaux, avec quel soin il les étudie, les observe et résume les impressions qu’il ressent à leur vue. Tous, quels qu’ils soient, gros ou petit gibier à poil ou à plume, animent et caractérisent le plus souvent des paysages de neige supérieurement traités. »

Galerie P. Maury, Le Havre. Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 5 mars 1919 : « Le peintre Rötig expose chez Maury, rue de la Bourse, plusieurs gouaches intéressantes : sangliers, loups, cerfs. L’artiste, dont on sait le fin et souple talent, a traité avec sa coutumière virtuosité l’étude de ces animaux. Ce sont là d’élégants tableautins d’une facture distinguée et d’un coloris heureux. »

1920

Paris, Salon, Lions à l’affût (n° 1455) et Combat d’élans à l’aube (n° 1456), deux huiles sur toile, ainsi que Renard chassant (n° 2632) et Faisans dans les fougères (n° 2633), deux aquarelles. Mulhouse, Exposition de la Société des arts, Cerfs dans la neige.

1921

Paris, Salon, Tigres aux aguets.

1922

Paris, Galerie Le Goupy, Exposition collective « Plume et poil » avec Gélibert et Moisand. Paris, Salon de l’École française, Oies sauvages (n° 662), aquarelle.

1924

Paris, Salon des artistes français. Paris, 7e exposition des artistes animaliers français.

1925

Paris, Salon des artistes français. Paris, Galerie Chaperon.

1926

Paris, Salon des artistes normands.

Paris, galerie Le Goupy, 5, boulevard de la Madeleine, exposition monographique.

1928

Paris, Salon des artistes français.

1931

Paris, 12e exposition des artistes animaliers français.

1934

Rennes, Exposition de la Société bretonne des beaux-arts.

Léon Le Berre, « Exposition de la Société bretonne des beauxarts », in L’Ouest-Éclair, 6 mai 1934 : « M. Rötig a un paysage de plaine neigeuse qui brise la noirceur des sangliers. C’est très précis, trop précis même. »

1936

Paris, Salon des artistes français, Sangliers.

Will Le Maître décorateur Albert Roussat, 1934 Encre sur papier, 50 x 31 cm Bibliothèque municipale, Le Havre, W24.5.

Albert Roussat

(Mâcon, 1879 - Sables-d’Olonne, 1940)

Lucie Levoy « Le décorateur a une tenue à part. Pinceaux en main, ce n’est pas le peintre à la mise correcte et soignée suivant le talent et la clientèle, faisant les honneurs d’un atelier où les chevalets s’alignent en belle harmonie […]. »

« Le décorateur est amené à adopter plus de sans-façon. Il ne travaille pas seulement dans la peinture, il marche dedans. Sa palette évoque l’étalage d’un marchand en plein air. Les couleurs s’y déploient dans une ribambelle de pots à chaufferettes, simples et démocratiques. Il y a chez le décorateur, joint au talent de l’artiste, un peu de l’agilité et de la souplesse de l’acrobate. Il y a aussi un peu de son costume. »

« Les savates fatiguées, étoilées de peinture sèche, sont de tradition. La blouse, ou plus simplement la chemise aux manches relevée est d’usage courant. Quant au pantalon, il se ressent d’ordinaire des “teintes” les plus récentes étendues sur la toile. Il garde aux rotules un souvenir du vert des feuillages quand il n’a pas emporté un morceau de “ciel” en frôlant un pot égaré. Et ainsi vêtu, taché, polychromé, le décorateur va, vient, s’agite, escalade des échelles, descend, remonte, redescend pour juger de l’effet. »

1 Albert Herrenschmidt, Chroniques havraises 1906, Le Havre, imprimerie du journal Le Havre, 1907, p. 126-127. 2 Ibid. 3 Pierre Sanchez (dir.), Les Catalogues des Salons, XX, 1902-1904, volume 20, Dijon, L’Échelle de

Jacob, 2010. 4 Archives municipales du Havre, 1EC27, registre des mariages du 3e trimestre, 1910. 5 Ibid. Telle est l’évocation d’Albert Roussat livrée en 1906 par Albert Herrenschmidt1 , qui se concentre sur son activité de peintre-décorateur ; elle fait de cet artiste une véritable figure locale, œuvrant pour les salles de spectacle, mais aussi pour la rue. Né à Mâcon le 28 septembre 1879, Albert Roussat emménage au Havre avec ses parents, qui y établissent un commerce de confection pour dames, Les Élégantes. C’est dans cette ville que débute sa formation artistique, sous la conduite de Charles Lhullier à l’école municipale des Beaux-Arts ; il obtient le premier prix en dessin de figures en 1895 et en 1897, date à laquelle il est également lauréat du 1er prix de sculpture. Son apprentissage se poursuit auprès de peintres-décorateurs, notamment le Havrais Édouard Jouas et le Parisien Marcel Jambon2, mais aussi auprès des peintres Jules Lefebvre et Tony Robert-Fleury3. Il revient par la suite s’installer dans sa ville d’adoption, où il épouse Suzanne Eugénie Rose Potel le 1er août 19104 .

Dans les premières années du xxe siècle, Albert Roussat présente son travail au public à l’occasion de manifestations diverses, comme le Salon des artistes français ou les expositions de la Société des amis des arts du Havre. Alors domicilié à Paris, rue Secrétan (19e arrondissement), il s’inspire de son environnement direct : en 1905, il expose ainsi à plusieurs reprises un tableau intitulé À Belleville5. Il connaît un certain succès en 1909 à la Société des amis des arts, puis au Salon de la Société nationale des beaux-arts, avec Le Bassin du

6 Édouard Sarradin, « Le tour du

Salon de la Société nationale des beaux-arts », in Journal des débats politiques et littéraires, 17 avril 1909. 7 Albert Herrenschmidt, op. cit. 8 Revue comique normande, 13 mai 1905. 9 Le Figaro, 13 mai 1910, p. 6. 10 Paris Soir, 15 mars 1926. 11 Annette Haudiquet et Géraldine

Lefebvre (dir.), Le Cercle de l’art moderne. Collectionneurs d’avantgarde au Havre, Paris, Réunion des musées nationaux – Grand

Palais, 2012. 12 Coemedia, 11 décembre 1909, p. 5. 13 Le Petit Havre, 5 juin 1919. 14 Comoedia, 16 novembre 1930. 15 Le Petit Havre, 11 décembre 1940. 16 Ibid. 17 Albert Herrenschmidt, Chroniques havraises 1906. 18 Albert Herrenschmidt, op. cit. 19 Albert Herrenschmidt, Chroniques havraises 1909, 1910, p. 60-62. 20 Georges Dumouchel, « La peinture décorative murale », in Bulletin de liaison n° 37 du Centre havrais de recherche historique – Les Amis du vieux Havre, décembre 1991. 21 Le Journal, 31 juillet 1930, p. 2. 22 Frédéric Pommier, Suzanne,

Sainte-Marguerite-sur-Mer, Éditions des Équateurs, 2018. 23 Ibid. 24 Le Petit Havre, 11 décembre 1940. 25 Ibid. 26 Revue comique normande, 13 mai 1905. 27 Le Petit Havre, 11 décembre 1940. Commerce au Havre, qui lui vaut à l’époque les éloges de la critique, à l’image d’un compte rendu écrit par Édouard Sarradin : « M. Albert Roussat est un peintre très doué lui aussi, à en juger par son Bassin du Commerce au Havre, où l’accord de la neige mauve avec l’eau verte est puissant et fin6 . » Durant cette même période, il est lauréat d’un concours de maquettes7 et fait partie des membres fondateurs du Cercle de l’art moderne au Havre, sans toutefois y exposer. Mais c’est par ses nombreux décors que Roussat, délaissant peu à peu les expositions, marque son temps, et ce principalement au Havre : en 1905, déjà, il se fait remarquer grâce à son panorama de Paris, brossé pour le quatrième acte de Louise8, roman musical de Gustave Charpentier. Il crée un décor pour le Grand Théâtre de la ville en 1909, mais aussi l’année suivante pour La Rose de Sharon9 , et en 1926 pour Les Amants byzantins, deux œuvres dont la partition est signée par Henri Woollett10, autre membre fondateur du Cercle de l’art moderne11 . En 1909, il travaille pour la revue Ah mais oui !, signée par un ancien élève de Charles Lhullier, Albert-René, et produite aux Folies Bergère, établissement situé rue Frédérick-Lemaître12 ; il réitère la collaboration avec cette salle en 1919, pour La Revue poivrée13. En 1930, il réalise les décors de l’opérette à succès d’André Messager, Coup de roulis, pour sa création havraise14. Il participe aussi à de célèbres opéras, comme Madame Butterfly, Carmen ou Faust15, et réalise le rideau d’avant-scène du casino MarieChristine. L’activité de décorateur occupe ainsi une très large part de sa carrière. Si son ancrage professionnel est au Havre, il travaille ponctuellement pour d’autres villes, telles que Bordeaux, pour divers spectacles du Grand Théâtre, et Marseille, pour remplir le magasin de décors du nouveau théâtre de la ville16 . Il réalise enfin un décor pour Louise à destination du théâtre de Lyon17 . Outre les salles de spectacle, les décors éphémères font également partie de son champ d’action. Il réalise par exemple un panneau haut de 11 mètres, Les Sports à la tête des civilisations, pour le salon du cycle au Grand Palais, ainsi qu’un panorama pour l’Exposition d’automobiles de Bruxelles18. Ses travaux ornent même l’espace public : en 1909, il est chargé de la création de 290 nouveaux écussons portant le sigle de la République française (RF)19. En 1919, il décore un des arcs de triomphes érigés à l’occasion des festivités pour le retour des régiments havrais après la Grande Guerre ; l’œuvre s’intitule Gloire aux vainqueurs20. En 1930, il signe les 14 chars du défilé des fêtes nautiques et vénitiennes qui se déroulent dans la ville les 2, 3 et 4 août21. Gagné par l’esprit de la fête et de la célébration, le peintre invite ses amis chaque 14 juillet pour admirer les feux d’artifice depuis les hauteurs du quartier de Graville où il réside22 .

Albert Roussat revendique pour son art un certain illusionnisme, préférant par exemple aux aplats posés sur un fond de scène le découpage et la mise en espace de différents plans pour mieux suggérer des frondaisons23, et préparant l’exécution de ses projets au moyen d’une large documentation24. Il a « le grand souci de respecter et faire valoir le cadre historique ou la couleur locale25 ». Georges Rimay écrit à propos du décor de Louise26 :

« Il a peint un décor où, malgré les exigences de la scène et les données invariables de l’œuvre, perce sa personnalité. Le panorama de Paris est largement brossé avec une perspective heureusement obtenue. Les premiers plans sont traités avec soin, ils sont vigoureusement rendus, et leurs riches coloris éloignent encore les horizons de la grande ville où flottent les vapeurs du matin et les brumes d’or du soir… »

« Les plus vifs applaudissements ont éclaté spontanément lorsqu’est apparu ce décor. On a acclamé et réclamé même le décorateur, il y a eu, en fin de compte, des bravos pour tous […]. »

Les débuts de la Seconde Guerre mondiale, son état de santé déclinant et l’épreuve causée par la mort de son fils conduisent l’artiste, décoré des palmes d’officier de l’Instruction publique, à s’établir sous le climat plus propice des Sables-d’Olonne27, où il s’éteint le 2 décembre 1940.

Édouard Palisson Rideau de scène du théâtre Marie-Christine par Albert Roussat Photographie, après 1928 Bibliothèque municipale, Le Havre, DES41. Albert Roussat Maquette de rideau de scène du théâtre Marie-Christine, 1928 Pastel Bibliothèque municipale, Le Havre, DES41.

Expositions

1901

Paris, Salon des artistes français, un portrait au pastel (n° 2822).

1902

Dijon, Salon Portrait d’un jeune homme, pastel.

1904

Dijon, Salon, Dans le vieux chantier, huile sur toile, et Au café, pastel. Paris, Salon des artistes français, À Belleville (n° 1562).

1905

Le Havre, Société des amis des arts, À Belleville, huile sur toile (n° 424).

1909

Le Havre, Société des amis des arts, Le Bassin du Commerce au Havre (MuMa) et Jardins à Sainte-Adresse.

Paris, Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, Le Bassin du Commerce au Havre (n° 1016) (MuMa).

1914

Le Havre, Société des amis des arts, Venise, église Saint-Marc.

Henri de Saint-Delis Le Prieuré de Graville, s.d. Huile sur toile, 60 x 78,5 cm MuMa, Le Havre, inv. 1982.08.

1 Nous renvoyons pour de plus amples détails et notamment à la liste d’expositions du peintre, au récent ouvrage de Gérard Bonnin,

Henri et René de Saint-Delis, l’impérieux désir de peindre,

Clermont-Ferrand, Éditions de

Laval-d’Aurelle, 2020. ainsi qu’au catalogue d’exposition Henri 1878 - 1949 & René 1876 - 1958 de Saint-Delis (Honfleur, Musée

Eugène Boudin, 8 juillet - 16 octobre 2017), Société des amis du musée Eugène Boudin, 2017. 2 Voir supra. 3 Jean-Claude Manevil,

« Nos peintres régionaux, Henri de Saint Delis, l’homme de la jetée et de la foule », in L’Ouest-Éclair, 24 avril 1941, p. 4. 4 Julien Guillemard, « Henry de

Saint-Delis », source inconnue, 7 juin 1938 (dossier biographique de l’artiste aux Archives municipales du Havre). Marie Isidore Henri Liénard de Saint-Delis naît le 4 avril 1878 à Marconne, dans le Pasde-Calais, d’une famille originaire de Picardie. Suite à la mort du père, officier de dragons, la famille s’installe au Havre vers 1882-1883, accueillie par la sœur de Mme de Saint-Delis, Berthe Houël, épouse de l’avocat havrais Henri HébertDesroquettes. Les Saint-Delis s’installent au 64, rue Augustin-Normand, face aux chantiers navals éponymes, dans le quartier du Perrey. Après avoir quitté l’institution Saint-Joseph, Henri entre au lycée de garçons en 1889 où il ne brille guère que par son assiduité au cours de dessin, où il obtient le 1er prix de dessin d’imitation en 5e et 4e classique. Il visite, en compagnie de son frère René, l’atelier du peintre Albert Fleury2. Abandonnant le lycée en 1894, il devient brièvement clerc de notaire puis s’inscrit en 1896 aux cours de l’École des beaux-arts du Havre, sous la houlette de Charles Lhullier. L’artiste en herbe reçoit en juillet 1899 le 3e prix du cours supérieur de dessin d’après nature et d’après l’antique, et le 1er prix du cours d’anatomie. Plus tard, SaintDelis reconnaîtra la dette contractée envers son ancien maître, parlant avec reconnaissance de l’« apostolat » du père Lhullier3. Il conserve de ce dernier le primat du dessin, indiquant : « Le principal, c’est le dessin. Après la couleur vient toute seule4 . »

Henri de Saint-Delis En 1899, Henri de Saint-Delis s’inscrit à l’académie Julian, à l’atelier de Benjamin (Marconne, 1878 - Honfleur, 1949)1 Constant et de Jean-Paul Laurens. Il suivra les cours de ce dernier jusqu’en 1904. Il M. D. revient au Havre où il partage un atelier avec son frère René à l’Hôtel Suisse, dans le quartier de Saint-François-en-l’Île. Il peint alors essentiellement des sujets havrais. Henri est de ceux qui fondent le Cercle de l’art moderne en 1906 et est présent aux quatre expositions du Cercle. Mais la tuberculose le contraint à partir à Leysin, dans les Préalpes vaudoises, où il fera plusieurs séjours à partir de 1906 et jusqu’en 1919, et d’où il rapporte de nombreux paysages de montagne. Ses peintures résonnent de couleurs éclatantes. Il a souvent été écrit que le public ne découvre son œuvre qu’en 1954 lors d’une exposition rétrospective organisée par la galerie André-Weil à Paris, cinq ans après sa mort. Si Henri de Saint-Delis rechignait quelque peu à se séparer de ses œuvres, il a pourtant été présent dans de nombreuses expositions. Dès 1905, il propose deux œuvres à l’exposition des beaux-arts de Caen. En 1907, il expose pour la première fois au Salon des indépendants. Il y exposera à six reprises. Les galeries havraises l’accueillent très régulièrement, que ce soit au Hall de La Cloche, entre 1920 et 1924, à la galerie P. Maury, chez Beuzebosc ou chez la veuve Lebas. Il participe également à

Henri de Saint-Delis Inauguration du «Normandie» (Le départ vu du musée des Beaux-Arts), 1938 Aquarelle et crayon sur papier MuMa, Le Havre, inv. 57.79.

5 Bernard Esdras-Gosse, « Henri de Saint-Delis. Grand peintre méconnu parce qu’il ne se souciait pas d’être connu », in Études normandes, n° 149, 4e trimestre 1962. 6 Ibid. 7 Jehan Le Povremoyne, « Art-Littérature – Les belles expositions de Fernand Truffaut et H. de

Saint-Delis », in L’Estuaire, 15 mai 1927. 8 Propos rapportés par Jean Fischer et reproduits in Jean-Pierre

Hamon, Henri de Saint-Delis,

Le Havre, galerie Jacques-Hamon, 1990, p. 34. des expositions à Rouen, en galerie, mais aussi aux Salons des artistes rouennais ou des artistes normands. Si le sculpteur Alphonse Saladin réalise un buste de l’artiste, c’est en tant que conservateur du musée du Havre qu’il lui achète une Lieutenance à Honfleur en 1931. À l’été 1908, Saint-Delis accompagne Friesz à Martigues. Son condisciple de l’École des beaux-arts du Havre disait qu’il était « le plus fort de nous tous. S’il avait voulu quitter sa Normandie, il aurait autant de succès que Braque ou Dufy ». En 1911, Saint-Delis rencontre à Honfleur Albert Marquet, qu’il admirait profondément5. Mais Henri de Saint-Delis est resté « un grand peintre méconnu parce qu’il ne se souciait pas d’être connu6 ». Il regrettait qu’il faille être autant commerçant que peintre pour réussir, et son tempérament un peu ours s’accommodait mal de ces nécessités commerciales. Il faut bien reconnaître qu’il n’était pas homme à faire des compromis. Rebelle aux écoles, il s’entête à trouver son style. Il mène une vie de peintre en « ligne droite7 », son style ne connaissant que peu d’évolution. Jehan Le Povremoyne s’étonne en 1927 : « Vousmême, dans votre exposition actuelle à la galerie Maury, m’avez montré une toile que je croyais récente et qui datait de vingt ans. Elle est, pour la couleur, identique à vos œuvres dernières. […] Eh bien, j’aime mieux cela. Je ne crois pas au renouvellement d’un artiste […]. Dessin et couleur sont vos deux grandes préoccupations et ce qui manque souvent à tant de prétendus petits maîtres du xxe siècle. »

En 1920, Saint-Delis s’installe définitivement à Honfleur et y demeure jusqu’à sa mort. Trente années exclusivement consacrées à la peinture, durant lesquelles il vit modestement. Il s’adonne principalement à l’aquarelle, parce que la peinture serait trop encombrante pour peindre en plein air. La vie honfleuraise lui inspire de nombreux sujets picturaux. En 1937, il publie un album de 21 dessins à l’encre de Chine consacrés à Honfleur, qui ne sont pas sans évoquer la gravure sur bois. À force d’insistance, il accepte d’enseigner à quelques élèves, tels Jean Fischer, René Piaggi, André Gabet, Gervais Leterreux ou Gustave Legros. Fischer rapporte que Saint-Delis « n’assommait pas de théories. Pour Saint-Delis, seule comptait la peinture […]. Avec lui, point de grands mots, mais une succession de tout petits conseils, qui, additionnés, font qu’à la fin on arrive à se sentir plus fort, plus sûr de soi, plus audacieux. Sa modestie n’avait d’égale que sa science8 ». Ce portrait dressé par Fischer de son maître pourrait être celui fait de Lhullier par ses élèves.

Henri de Saint-Delis meurt le 15 novembre 1949 à Honfleur.

Expositions

1902

Le Havre, Exposition de l’école des beaux-arts.

Georges Rimay, « École des beaux-arts, exposition – II – Dessin artistique et modelage », in La Cloche illustrée, 22 août 1902 : « M. Henri de Saint-Delis (hors concours) a de bons paysages. Je reproche à ceux exposés de la sécheresse dans le coloris. Je sais de meilleures choses de lui. Le choix était malheureux. »

1905

Caen, Exposition à la Société des beaux-arts, Ferme des Phares (Sainte-Adresse) (n° 153) et Falaises à Cauville (Seine inférieure) (n° 154).

1906

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Portrait (n° 79) et Coin de jardin (n° 80).

1907

Paris, Salon des indépendants, Tour Notre-Dame au Havre (soleil) (n° 1441), Tour NotreDame au Havre (pluie) (n° 1442), Falaises de la Hève (soleil) (n° 1443), Falaises de la Hève (temps gris) (n° 1444), La Plage au Havre (n° 1445) et Régates au Havre (n° 1446). Le Havre, Cercle de l’art moderne, Des fleurs (n° 54) et Des chalutiers (n° 55).

1908

Paris, Salon des indépendants, La Montagne (n° 1707), Neige (soleil), à Leysin (n° 1708), Neige (Vris) [sic], à Leysin (n° 1709), La Montagne (neige) (n° 1710), Les Arbres jaunes (n° 1711) et Les Nuages rouges (n° 1712). Le Havre, Cercle de l’art moderne, Neige à Leysin, temps gris (n° 47) et Neige à Leysein, soleil (n° 48).

1909

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Les Patineurs (n° 66) et La Montagne (n° 67).

1910

Paris, Salon d’Automne, Les Patineurs (n° 1050). Paris, Salon des indépendants, Le Village (n° 1408), La Montagne (temps gris) (n° 1409), Le Chamossaire (n° 1410), La Mer de nuages (n° 1411), Chemin sous la neige (n° 412) et La Neige (ombre et soleil) (n° 1413).

1911

Paris, Salon des indépendants, trois tableaux : Port de Vevey (Suisse) (n° 1730), Neige à Leysin (n° 1731) et Le Pic Chaussy (n° 1732).

Le Gay, « Notes d’art, l’exposition des indépendants », in L’Univers, 5 mai 1911 : « Très différentes, les autres études de neige de M. Henri de Saint-Delis, plus conventionnelles mais plus décoratives aussi. »

Rouen, 2e exposition de la Société normande de peinture moderne, Le Village sous la neige (n° 111), Lever de lune (n° 112), Le Chamossaire (n° 113), La Mer de nuages (n° 114), La Dent du Midi (n° 115) et La Neige (ombre et soleil) (n° 116). Paris, Galerie d’art ancien et d’art contemporain, 3, rue Tronchet, exposition collective.

1912

Paris, Salon des indépendants, La Montagne (n° 2871), Port de Vevey (n° 2872) et Nature morte (n° 2873). Rouen, 3e exposition de la Société normande de peinture moderne, Un coin du Lac Léman (n° 26), Village de Leysin (neige) (n° 27) et La Dent du Midi (neige) (n° 28).

1913

Paris, Salon des indépendants, Port de Vevey (n° 797) et La Dent du Midi (n° 798).

1914

Rouen, 5e exposition de la Société normande de peinture moderne, Les Sapins (n° 174), Fête foraine en Suisse (n° 175), Le Chamossaire (n° 176), Le Pic Chaussy (n° 177) et Neige à Leysin (n° 178). Le Havre, Société havraise des amis des arts, L’Église de montagne et Les Sapins.

1918

Paris, Exposition des peintres de la mer de la Ligue navale française, Sortie du port du Havre (n° 256). Le Havre, Galerie P. Maury.

Jehan Le Povremoyne, « ArtLittérature – Les belles expositions de Fernand Truffaut et H. de Saint-Delis », in L’Estuaire, 15 mai 1927 : « Comment vous présenter, mon cher M. de Saint-Delis, aux lecteurs de cette chronique ? […] Comment vous présenter pour qu’ils comprennent que, si simple d’aspect, si effacé, si peu bruyant, si offusqué des espiègleries des jeunes peintres vos amis, vous êtes un précurseur, un maître de la peinture moderne, un artiste complet, de cœur et d’âme, pour ce que vous avez consacré à votre art, sans restriction, sans concession à la foule, votre temps, votre vie ? […] Mouvement, science du dessin, science de la composition, couleur vive, tous ces clichés de chronique, fâcheusement usés par l’emploi trop fréquent synthétisent vos essentielles qualités. Je tiens pourtant que votre œuvre est telle parce que vous êtes, vous aussi, tout d’une pièce et que vous suivez un chemin tout droit qui doit être pour vous jalonné de magnifiques visions d’art […]. »

1945

Paris, Galerie Jacques-Blot, exposition d’aquarelles (paysages et marines).

René de Saint-Delis Étretat sous la neige, vers 1930 Huile sur bois, 68,8 x 84,6 cm MuMa Le Havre, inv. A346.

Bien qu’aîné de deux ans de son cadet Henri, Eugène Marie René Liénard de Saint-Delis est souvent considéré comme étant resté dans l’ombre de ce dernier. Il naît à Saint-Omer, dans le Pas-deCalais, le 26 novembre 18762. Orphelin de père à cinq ans, il arrive au Havre avec sa mère, Emma, et ses frères et sœurs en 1882. Plus doué pour les activités sportives que pour l’école, René de Saint-Delis quitte le lycée en 1894 et devient brièvement clerc de notaire. Il s’inscrit de concert avec Henri à l’École des beaux-arts de la ville en 1896. En 1899, René obtient le 2e prix de dessin d’après nature et d’après l’antique pour le cours supérieur, ainsi que le 3e prix de composition décorative. Il quitte Le Havre pour rejoindre la capitale et y suivre les cours de William Bouguereau et de Gabriel Ferrier à l’académie Julian. En mai 1901, il intègre l’École nationale des beaux-arts de Paris où il restera deux ans. Affecté pendant la Première Guerre mondiale à l’hôpital militaire auxiliaire français d’Étretat, il y rencontre en 1915 Jeanne Fidelin, fille d’un médecin de la petite cité balnéaire, qu’il finit par épouser le 17 juin 19193. Le couple s’installe à Étretat.

René de Saint-Delis René de Saint-Delis expose tôt – dès 1901 – et abondamment, que ce soit dans (Saint-Omer, 1876 - les galeries, aux Indépendants dès 1906 Étretat, 1958)1 ou au Salon d’automne l’année suivante, mais également au Salon de l’École M. D. française, de 1924 à 1947. Il participe à l’aventure du Cercle de l’art moderne en 1906, présente des œuvres à toutes les expositions du Cercle et devient l’un des piliers des expositions du Hall de La Cloche dans les années 1920. Il vend à de nombreux collectionneurs, dont le plus célèbre est sans doute Francis Depeaux, qui, après avoir fait fortune dans les charbons anglais, s’éprend des grands maîtres mais affectionne également les peintres normands, injustement délaissés. La donation qu’il fait en 1909 au musée de Rouen comprend un Port de Honfleur, de René de Saint-Delis, qui doit encore beaucoup à l’impressionnisme. On note surtout que la vente organisée au Havre le 19 juillet 1921 après le décès de Depeaux comprend pas moins de 24 œuvres de René de Saint-Delis4 . Après une période marquée par l’impressionnisme, puis le néoimpressionnisme, René de Saint-Delis est brièvement attiré par le fauvisme. Son style s’affirme peu à peu, marqué par le primat du dessin sur la couleur. Sa vision est marquée par le synthétisme. Des dessins noircissent ses carnets et précèdent la réalisation à l’huile ou

1 Nous renvoyons également à la récente parution de l’ouvrage très documenté de Gérard Bonnin, Henri et René de Saint-Delis, l’impérieux désir de peindre, Clermont-Ferrand,

Éditions de Laval-d’Aurelle, 2020 et au catalogue de l’exposition de

Honfleur de 2017. 2 Archives départementales du Pasde-Calais, état civil, 5MIR765/44, année 1876, acte 545. 3 Sous le pseudonyme de Jean Fid, la jeune épousée publie des bluettes, dont La Cavée Malheurt en 1923,

L’Ennemie en 1925 ou Le Cœur de

Ludivine en 1926. 4 11 peintures, 12 aquarelles et un dessin.

à l’aquarelle. René de Saint-Delis est indifférent à la mode. Il fait d’Étretat son motif de prédilection. Mais c’est dans le genre de la nature morte qu’il excelle. Il puise dans les trésors de son inépuisable grenier matière à composer des arrangements de faïences, cuivres, livres, fruits et meubles divers. Très affecté par la mort de son frère Henri en 1949, il meurt à Étretat le 14 janvier 1958 après avoir donné quelques conseils au jeune peintre Jef Friboulet.

Expositions

1901

Le Havre, Galerie Beuzebosc, exposition collective aux côtés de Friesz, Dufy et Braque.

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Cour de ferme (n° 389) et Étude de pommiers au soleil (n° 70).

1903

Le Havre, Galerie Beuzebosc.

Louis-Jules Hilly, « Le Havre – Peinture », in L’Œuvre d’art internationale, janvier 1904 : « M. R. de Saint-Delis semble s’orienter vers un impressionnisme raisonné ; ses Marines sont vraiment intéressantes. Ses Paysages montrent un coloriste assez habile, encore que les verts soient toujours un peu crus. »

1905

Le Havre, Société des amis des arts, deux tableaux, Falaises à Saint-Jouin (n° 429) et Falaises à Saint-Jouin (n° 430), et des aquarelles, Quatre vues du port du Havre (n° 734).

Daphnis, « Exposition des beaux-arts – Les dessins », in Revue comique normande, 30 septembre 1905 : « 734 – Quatre vues du port du Havre. Ce peintre fait mieux l’aquarelle que la peinture à l’huile, probablement que comme dit la chanson, il trouve que c’est plus beau. »

Caen, Société des amis des arts.

1906

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Canots sur la plage, matin (n° 81) et Canots sur la plage, après-midi (n° 82). Paris, Salon des indépendants, sept tableaux : Port de Honfleur (n° 1354), et un second Port de Honfleur (n° 1355), trois Falaises (Saint-Jouin) (n° 1357, 1358 et 1359), Vallon de Sourdeval (Saint-Jouin) (n° 1360) et Port de Honfleur (marée basse) (n° 1361).

1907

Paris, Salon d’automne, La Falaise (n° 1507). Le Havre, Cercle de l’art moderne, Falaise de Saint-Jouin (n° 56) et Falaise de Saint-Jouin, soleil (n° 57). Paris, Salon des indépendants, six tableaux : Canots de pêche, au Havre (n° 1447), Marine (n° 1448), Cap d’Antifer (n° 1449), Vallée de Rouelles (n° 1450), Port du Havre (n° 1451) et Chemin à Fontaine-la-Mallet (n° 1452).

1908

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Oranges et pommes (n° 49) et Coupe aux oranges (n° 50). Lyon, Salon. Paris, Salon des indépendants, six tableaux : Les Régates (n° 1713), Les Baigneurs (port du Havre) (n° 1714), Falaises de Saint-Jouin (n° 1715), L’Arbre penché (n° 1716), Rivière de Harfleur (n° 1717) et Les Pommes (n° 1718).

1909

Paris, Salon d’automne, Bassin de la Barre, au Havre (n° 1539). Le Havre, Cercle de l’art moderne, Les Baigneuses (n° 68) et Les Pêcheurs (n° 69). Le Havre, Exposition de l’école municipale des Beaux-Arts, aquarelles.

Albert Herrenschmidt, « À l’école municipale des BeauxArts – Exposition de travaux d’élèves », in Le Petit Havre, 14 octobre 1909 : « Les aquarelles de R. Saint-Delys [sic], lumineuses, bien qu’un peu sèches. »

1910

Paris, Salon d’automne, Les Baigneurs (n° 1051) et Bassin Vauban, au Havre (n° 1052). Paris, Salon des indépendants, Port du Havre (le soir) (n° 1414), Barques de pêche (temps gris) (n° 1415), Barques de pêche (soleil) (n° 1416), Barques à marée basse (n° 1417), Vieux bassin (Le Havre) (n° 1418) et Sortie du port (Honfleur) (n° 1419).

1911

Paris, Salon des indépendants, cinq tableaux : Le Filet (n° 1733), Les Rochers (n° 1734), Barques au soleil (n° 1735), Vieux bassin au Havre (n° 1736) et Pommiers en fleurs (n° 1737).

1912

Paris, Salon des indépendants, Les Baigneurs (n° 2874), Les Voiliers (n° 2875) et Étude (n° 2876). Rouen, Galerie Legrip. Paris, Galerie Blot.

Gustave Kahn, « Art », in Mercure de France, 16 janvier 1913 : « M. René de Saint-Delis qui expose chez Blot semble se chercher encore. Une série importante de paysages normands est traitée non sans vigueur. Ce sont de bonnes études qui font espérer mieux de la part du peintre. »

1913

Paris, Salon des indépendants, trois tableaux : Les Pêcheurs (n° 799), Avant de voilier (n° 800) et Port du Havre (soir) (n° 801).

1914

Paris, Salon des indépendants, trois tableaux : Port du Havre, le soir (n° 887), La Tempête (n° 888) et Port du Havre (temps gris) (n° 889).

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 18 avril 1914 : « M. R. de Saint-Delis expose actuellement chez Mme Lebas une ample série d’aquarelles. Ce sont des paysages méridionaux, des sites de Nice, de Cannes, des vues de l’Esterel, des coins pittoresques de la côte, une séduisante variété de couleurs et une interprétation saisissante des jeux de lumière. Il y a là une notation heureuse et des effets curieux obtenus avec une simplicité parfaite de moyens. Il y a là surtout un éclat, une vigueur intense du coloris qui fixe la vision précise et vive du pays. On peut ne pas admirer sans réserves cette forme d’aquarelle, préférer à sa fermeté de ligne et de couleur la souplesse et la transparence traditionnelles. On reconnaîtra, par contre, avec une flatteuse unanimité, la conscience et la personnalité d’un art probe et volontaire, qui fait que M. R. de Saint-Delis n’est jamais indifférent. Il reste fidèle à son esthétique en retrouvant sa première facture appuyée sur un dessin rigoureux. »

1919

Rouen, 10e exposition de la Société des artistes rouennais, Nature morte (n° 538), Collation normande (n° 539), Étretat (dégel) (n° 540), Étretat (porte d’aval) (n° 541), Étretat (soir) (n° 542) et Chaumière (n° 543).

1921 (mai)

Le Havre, Hall de La Cloche, Exposition d’aquarelles.

1924

Paris, Salon de l’École française, Nature morte (n° 686), deux Marine (n° 687 et 688) et Ajoncs en fleurs (n° 689). Domicilié au 27, route du Havre, à Étretat, et au 8, rue Émile-Zola, au Havre.

1925

Rouen, 16e exposition de la Société des artistes rouennais, Paysage boulonnais (n° 462), Étretat (marine) (n° 463), Coin de jardin (n° 464), Cour de ferme (n° 465) et Nature morte (n° 466).

1926

Paris, Salon de l’École française, Nature morte (n° 786) et deux Marine à Étretat (n° 787 et 788).

1927

Paris, Salon de l’École française, Nature morte (n° 1123) et Intérieur (n° 1124).

1928

Paris, Salon de l’École française, L’Ex-Voto (n° 1176), Pommes dans un plat (n° 1177), Pommes et étain (n° 1178) et deux Marine (n° 1179 et 1180).

1929

Paris, Salon de l’École française, Arbres en automne (n° 1313) et Fleurs et fruits (n° 1314).

1933

Rouen, 24e exposition de la Société des artistes rouennais, Nature morte (n° 373) et une Marine (n° 374). Paris, Salon de l’École française, Mise à l’eau d’une barque (n° 730), Appareillage (n° 731), La Tempête (n° 732) et Nature morte (n° 733).

1935

Rouen, 26e exposition de la Société des artistes rouennais, deux Nature morte (n° 273 et 274) et deux Paysage (n° 275 et 276). Rouen, 27e exposition de la Société des artistes rouennais, Le Cabestan (n° 389), trois Paysage (n° 390, 391 et 392) et deux Nature morte (n° 393 et 394).

1937

Paris, Salon de l’École française, deux Plage d’Étretat (n° 825 et 826), Échouage d’une barque (n° 827), Le Samovar (n° 828) et des études (n° 829 et 830) dans la section de la fleur.

1938

Paris, Salon de l’École française, Paysage boulonnais (n° 733), Moulin l’Abbé (Pas-de-Calais) (n° 734), Nature morte (n° 735), Les Pommiers (n° 736), Port de Honfleur (n° 737) et Tempête à Étretat (n° 738).

1939

Rouen, 29e exposition de la Société des artistes rouennais, cinq Nature morte (n° 380 à 384) et Barque d’Étretat (n° 385).

1942

Paris, Salon de l’École française, Paysage boulonnais (n° 732), Rivière de Liane (n° 733) et Nature morte (n° 734).

1947

Rouen, 31e exposition annuelle de la Société des artistes rouennais et de Normandie, une Nature morte (n° 91) et une Marine (n° 92). Domicilié au 27, avenue Georges-V, à Étretat. Paris, Salon de l’École française, Port du Havre (n° 589).

René de Saint-Delis Nature morte, s.d. Huile sur toile, 50 x 61 cm MuMa, Le Havre, inv. A344.

Charles Lhullier Portrait du Gd père Saraben, vers 1873 Huile sur toile, 43 x 32,7 cm MuMa, Le Havre, inv. A242.

C’est dans une famille singulièrement tournée vers la peinture que naît Louis Alexis Saraben le 13 août 1851 au 29, rue de l’Hôpital, dans le quartier d’Ingouville, au Havre. Si sa mère, Pauline Louise Marion, est couturière, son père, Louis Marius Orasio Saraben, exerce alors la fonction de peintre en bâtiment. Il semble pourtant qu’à l’image de Lhullier il quitte l’artisanat pour embrasser une carrière artistique, puisque c’est en tant qu’artiste peintre qu’il meurt en 19091 . Louis est l’aîné de huit enfants. Deux de ses frères au moins exercent la profession de peintre-décorateur : Édouard2, et Joseph (1857-1947), qui en tant que décorateur de théâtre accueille brièvement un jeune apprenti du nom de Georges Braque. De même, l’un des fils de Joseph, Julien Émile, devient à son tour artiste peintre3 après avoir fréquenté l’atelier de Raphaël Collin à l’École nationale des beaux-arts de Paris, de 1910 à 1913, ainsi que celui de Bonnat, grâce à l’obtention de bourses d’études municipale et départementale4 . Professeur de dessin, il s’installe à Périgueux à la fin des années 1920 et devient conservateur du musée de la ville en 1937, jusqu’en 1957. Georges Jules Saraben, autre fils de Joseph, apprend lui aussi le dessin et devient dessinateur.

Louis Saraben C’est toutefois en amateur qu’il expose en 1920 au Salon des artistes français (Le Havre, 1851 - id., 1907) puisque son registre matricule indique qu’il est vendeur de salaisons et de M. D. viandes congelées5 . Louis Alexis Saraben suit les cours de Charles Lhullier à l’école municipale des Beaux-Arts. Il semble que le maître réalise un joli portrait de son élève6. L’admiration et la fidélité de Saraben envers le maître se révèlent quand il assiste aux obsèques de Lhullier en 1898, vingt-cinq ans après avoir quitté l’école. Aîné d’une nombreuse fratrie, Louis Alexis doit travailler pour subvenir aux besoins de sa famille et sollicite une bourse municipale pour poursuivre ses études à l’École nationale des beaux-arts de Paris. Il reçoit 1 200 francs annuels pendant quatre ans. Après avoir développé son art auprès de Charles Lhullier, ancien collaborateur de Pils, il devient l’élève de ce dernier à Paris en 18737. Il suit aussi les cours d’Henri Lehmann, qui succède à Pils. Il reçoit le 2e prix au concours Constant-Troyon en 1873. Ce prix biennal, institué par la mère de Troyon, vise à récompenser une peinture de paysage de l’École nationale des beaux-arts8. Louis Saraben est par ailleurs reçu au Salon de 1875 dès son premier envoi.

1 Archives départementales de

Seine-Maritime, état civil, 4E 19958, acte 473, 11 février 1909. 2 Il s’appelle en réalité Marie Paul

Louis. 3 Né le 12 juillet 1892, Archives départementales de Seine-Maritime, registres matricules, Julien

SARABEN, 1R3319. 4 Rapports et délibérations / Conseil général de Seine-Maritime, Rouen, imprimerie Cagniard, 1911, p. 239. 5 Archives départementales de Seine-Maritime, registres matricules, Georges Jules Joseph

SARABEN, 1R3404. Né le 1er mai 1896, il meurt le 1er novembre 1929 à Bouscat, en Gironde. 6 MuMa, inv. A242. 7 Archives nationales, AJ/52/246. 8 Ce tableau figure, selon un article du 29 novembre 1907 du Petit

Havre, dans les collections du musée du Havre. Est-ce le paysage enregistré sous le numéro A355 du

MuMa ? Les dimensions des œuvres présentées au prix Troyon sont de 90 x 150 cm, ce qui correspond à celles de notre tableau.

9 Archives départementales de Seine-Maritime, état civil,

Le Havre, naissances 1889, 4E 12665, acte 1635. 10 Revue comique normande, 20 avril 1895. 11 G.B., « Casino d’hiver – Ah ! vrai… c’est rigolo !! », in Revue comique normande, 20 janvier 1894, p. 6. 12 Revue comique normande, 6 octobre 1900. 13 La Politique coloniale : journal quotidien, économique et littéraire, 22 novembre 1901. 14 Le Ménestrel, 21 mai 1905. 15 L.M, « Inauguration de l’exposition des beaux-arts », in Revue comique normande, 8 août 1885, p. 2. Il revient au Havre avant 1884 et se marie le 6 octobre 1890 avec Eugénie Marguerite Piedelievre. Les jeunes époux ont déjà une fille, Eugénie Marguerite Louise, née l’année précédente9. Ils résident alors au 37, rue des Pincettes. Trois autres enfants naissent de cette union : Laure Pauline (1891-1904), Romain, né et décédé en mai 1898, puis Jeanne Rachel Léonie (1899-1986).

Devant subvenir aux besoins de sa nombreuse famille, Louis Saraben doit sacrifier une partie de son talent au détriment d’une carrière artistique et s’oriente vers la réalisation de décors de boutiques ou celle de décors éphémères. Il réalise ainsi un arc de triomphe éphémère pour la venue au Havre du président Félix Faure, à l’angle du boulevard François-Ier et du boulevard de Strasbourg. Le portique est impressionnant avec ses 11,50 mètres de hauteur ; « le fronton portera cette inscription “À Félix Faure” et au centre d’un cintre se détachera le portrait du président de frappante ressemblance. Au milieu des pilastres, un cartouche ; à droite, un cartouche aux armes de la ville du Havre ; à gauche, une peinture représentant Mercure, dieu du commerce ; au-dessous, un quai, des mâts de navires et des marchandises de toutes espèces. Des écussons aux initiales R.F. complèteront l’ensemble de ce petit chefd’œuvre dont l’exécution fait honneur à M. Saraben10 ».

Saraben développe plus particulièrement une grande habileté pour la décoration théâtrale et brosse de nombreux décors pour des revues ou des pièces de théâtre : en 1894 pour la revue Ah ! vrai… c’est rigolo !! au Casino d’hiver – « Les décors, brossés par Saraben, sont d’une exactitude rigoureuse. On applaudit surtout la place du Théâtre, le boulevard Maritime, et la toile représentant le yacht russe Le Foros tout illuminé a soulevé les bravos de l’assistance11 » –, en 1898 aux Folies Bergère pour la revue Suivez les Ifs, en 1900 les décors de la Revue de l’Alaczar12. L’année suivante, l’exécution du rideau du Grand Théâtre du Havre est mise au concours. Tous les artistes français sont admis à y prendre part. Saraben remporte le concours et exécute le rideau13. C’est dans cette continuité qu’il expose des décors de théâtre dans la section Arts décoratifs du Salon des artistes français, au Grand Palais, en mai 190514 .

Cet art à vocation alimentaire lui vaut d’être écarté de la sélection des artistes appelés à présenter leurs œuvres au Salon organisé au Havre par la Société des amis des arts en 188515. Saraben continue toutefois à s’exercer sa vie durant à la peinture de chevalet et expose régulièrement aux salons du Havre et de Rouen.

En 1898, il sollicite la place de professeur de dessin du cours moyen à l’école d’art, en remplacement de son ancien maître. Une pétition est lancée parmi les élèves pour soutenir sa candidature et recueille une vingtaine de signatures, parmi lesquelles Jules Lalouette ou Raoul Autin. C’est un autre élève de Lhullier, Courché, qui est finalement retenu.

Miné par la maladie, il s’éteint, le 28 novembre 1907, au Havre, en son domicile de la rue des Viviers. Quelques mois plus tard, près de 200 tableaux sont dispersés lors de la vente de ses œuvres les 6 et 7 mai 1908.

Expositions

1875

Le Havre, Exposition de la Société nationale havraise d’études diverses, Un pâturage (n° 392), Un troupeau de moutons (n° 393) et À Ville-d’Avray, gouache (n° 576).

Robert Le Minihy de La Villehervé, Une exposition de beauxarts en province, Le Havre, 1875, Le Havre, Labottière, 1875, p. 59 et 67 : « Le nom de M. L. Saraben reviendra plus loin ; tant mieux, car ici, quelque indulgent que l’on soit, il faut bien que l’on reconnaisse que son Pâturage (n° 392) est une réminiscence ; quant à son Troupeau de moutons, c’est un brouillard. Puisqu’il a tant fait de recommencer sa signature, qu’il avait trouvée illisible, pourquoi n’a-t-il pas achevé son tableau qui est indéchiffrable ? Cette ombre de berger qui promène ces ombres de moutons à l’ombre de ce bois fantôme n’a pas l’ombre d’intérêt. […] M. Saraben a exposé une gouache très fine, À Villed’Avray, berge et canotiers, qui vaut mille fois ses deux tableaux dont il a été parlé plus haut. »

Hippolyte Fénoux, « Aquarelles – Dessins – Gravures – Faïences », in Le Salon havrais, souvenir critique de l’exposition des beaux-arts organisés sous le patronage de la Société nationale havraise d’études diverses, Le Havre, Félix Santallier, 1875 : « La gouache de M. Saraben, À Ville-d’Avray, est faite avec une grande légèreté de main. Il y a peut-être un peu de flou dans les feuillages, mais la transparence de l’eau est rendue avec une grande finesse. »

Paris, Salon, À Ville-d’Avray, gouache (n° 2730).

1880

Le Havre, Société des amis des arts, Paysage près de Caudebecen-Caux (n° 407).

1884

Rouen, Exposition municipale de beaux-arts, Bois de Saint-Laurent (effet d’automne) (n° 793).

1886

Rouen, Exposition municipale de beaux-arts, La Moisson, environs du Havre, bois des Hallates (n° 527). Rouen, exposition municipale de beaux-arts, Le Cap d’Antifer, près d’Étretat (n° 596) et Le Manoir de Vitanval, près du Havre, aquarelle (n° 913).

1889

Le Havre, Société des amis des arts, Effets du soir, environs du Havre (n° 441) et Ferme de Soquence, près du Havre (n° 442). Société des amis des arts de Rouen, Récolte des pommes de terre (n° 302) et Falaises près d’Étretat (n° 302).

1891

Rouen, Exposition municipale de beaux-arts, Solitude : château de la Bédoyère (Harfleur) (n° 761) et En vue de Rouen ; le soir, soleil couchant (Croisset) (n° 762).

1898

Caen, concours de paysages normands organisé par la Société des beaux-arts. Seuls étaient admis à concourir les artistes nés ou domiciliés dans l’un des cinq départements normands. Saraben est honoré de la médaille d’argent.

1902

Le Havre, Société des amis des arts, La Falaise du Havre (n° 394), Falaise entre Honfleur et Trouville (n° 395) et un panneau d’aquarelles : Bord de la Seine vers Trouville, Quillebeuf le matin, Route de Pont-Audemer et Marais Vernier (n° 639).

1903

Rouen, Exposition de la Société des amis des arts Vue de Quillebeuf, aquarelle (n° 754).

1904-1905

Tours, Exposition.

George H., « M. Louis Saraben », in La Cloche illustrée, 14 janvier 1905 : « M. Louis Saraben qui est un de nos meilleurs artistes locaux vient d’obtenir à l’exposition de Tours un diplôme hors concours pour deux toiles, Côte normande et Solitude. Nous lui adressons nos plus vives félicitations. M. Saraben est surtout et avant tout un coloriste, un coloriste brillant, hardi parfois, et c’est par là surtout qu’il se fait apprécier. Il sait rendre la lumière aveuglante du soleil de midi ou les pourpres des couchants. Doué d’un esprit enthousiaste et primesautier, son travail est toujours de premier jet et son talent d’artiste est fait de spontanéité. Aussi ses ébauches et ses pochades sont-elles toujours d’une fraîcheur exquise et d’une impression juste, exquise ou saisissante. Nous aimons ces qualités et nous applaudissons de tout cœur à la récompense décernée à un bon artiste. »

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Mare de Bléville, le soir (n° 431), Ferme normande (n° 432) et Vue de Rouen, gouache (n° 737). Au Salon, dans la section Arts décoratifs, Saraben participe à l’exposition collective de maquettes de théâtre.

1906

Rouen, Exposition municipale de beaux-arts, Mare (solitude) (n° 560).

Louis Arthur Soclet Jeune Homme au panier, 1879 Dessin à la plume et aquarelle Bibliothèque municipale, Le Havre Dédicacé “À l’ami Ch. Lhullier”.

Artiste d’un tempérament hyperactif, primesautier et original, Louis-Arthur Soclet s’est attaqué à toutes les formes d’art, abordant successivement ou simultanément la peinture, l’aquarelle, le modelage, la fantaisie littéraire, la caricature, la musique et la mise en scène. D’un caractère particulièrement enjoué, il est considéré par ses contemporains comme un véritable boute-en-train de la scène culturelle havraise de la fin du xixe siècle. C’est pourtant dans le 7e arrondissement de Paris que Soclet naît, le 13 juin 18451 , de l’union de Gabriel Sylvain Désiré Soclet, tapissier de son état, et de Marie Volton2. Cette dernière décède alors que le jeune Soclet n’a que douze ans. Après des études au lycée de Saint-Lô, il s’installe au Havre en 1860 et devient employé de la maison de négoce de Médéric Deschamps3. Il n’y reste que quelque temps car il déclare exercer la profession de tailleur d’habits quand il se marie, le 27 juin 1868, avec Antoinette Pauline Prat4, avant d’embrasser une carrière de bijoutier à la suite de feu son beau-père, Antoine Prat, qui tenait commerce au Havre. Par la suite, Soclet élargit considérablement cette activité, établie aux 25, rue de Paris et 20, rue d’Estimauville. Une publicité parue en 1895 dans l’Almanach illustré du

Louis-Arthur Soclet courrier du Havre montre que Soclet fait commerce, outre de bijouterie-orfèvrerie, (Paris, 1845 - Le Havre, 1900) de bronzes et d’objets d’art, de « fantaisies artistiques », de statuettes, de gravures M. D. et de livres rares, de tableaux, de faïences et de porcelaines, de meubles anciens, de tapisseries, d’armes, d’ivoires, etc. C’est vraisemblablement dans le cadre de ses activités professionnelles qu’il vend, en avril 1895, la Tête de Tydée de Girodet pour la somme de 350 francs au musée du Havre. Il complète cette vente deux jours plus tard par le don d’une œuvre : La Justice, la Religion et le Génie national5 . Élève de Lhullier à l’école municipale des Beaux-Arts, Soclet expose à de nombreuses occasions, tant aux expositions organisées par la Société des amis des arts du Havre de 1880 à 1896 qu’aux Salons, de 1879 à 1893. S’il est un touche-à-tout de talent, c’est dans la caricature qu’il excelle. En 1880 déjà, il fait paraître, sous le pseudonyme de Sock, un illustré satyrique à l’occasion de l’exposition de la Société des amis des arts de 1880 : la Revue comique du Salon havrais, 1880. Quelques années plus tard, il est l’auteur de nombreux dessins dans la revue hebdomadaire illustrée de l’Exposition maritime internationale du Havre de 1887. D’un esprit vif, naturellement porté à la satire, il caricature, d’un coup de crayon ou de ciseau, les notabilités artistiques ou

1 Archives de Paris, état civil reconstitué, V3E/N 2068. 2 Mariage Soclet-Prat, le 27 juin 1868. Archives départementales de la Seine-Maritime, 4E 08819, vue 59/99. 3 Hippolyte Fénoux, « Arthur

Soclet », in Le Petit Havre, 14 avril 1900. 4 De son mariage naissent au moins deux enfants : Désiré André, né le 30 mai 1869, et une fille, Marie

Berthe, née le 14 novembre 1876 au domicile familial, alors situé 25, rue de Paris. Elle se distingue comme infirmière et fondatrice de l’Association des anciennes élèves du lycée de jeunes filles et du Comité havrais de l’union des femmes de France, et épouse Louis-Albert

Remy le 15 janvier 1898. 5 MuMa, Le Havre, inv. A417. L’œuvre n’est pas attribuée.

6 Soclet fait en 1889 le portrait au pastel d’Albert Herrenschmidt (MuMa, inv. AD128), homme de lettres, journaliste, rédacteur au

Courrier du Havre (1890) puis, en 1894, au Havre et au Petit Havre.

Il illustre Noir, ouvrage d’Albert

Fox (pseudonyme d’Albert Herrenschmidt), paru en 1890. En 1906, il participe avec Herrenschmidt et Hippolyte Fénoux à l’ouvrage

Le Havre qui passe, chroniques havraises (voir BM NM 3360). 7 Le Monde artiste : théâtre, musique, beaux-arts, littérature, 24 mars 1877, p. 5. 8 La Gaieté, journal programme, 27 octobre 1886, p. 2. 9 Albert Herrenschmidt, Le Havre et ses environs : collection des guides remboursables de la France pittoresque, Paris-Rouen, Société anonyme française d’édition artistique des guides remboursables, 1908, p. 47. 10 Paul Védrine, Marrons sculptés,

Le Havre, Maudet & Godefroy, 1887, p. 156-159. 11 C’est après cette date que son cadet de huit ans, Alfred, développe une œuvre photographique importante en même temps qu’il exerce les fonctions de directeur de la

Compagnie générale des tramways électriques au Havrejusqu’à sa mort en 1926. 12 Le Havre, bibliothèques municipales, DES 47. 13 Charles-Théodore Vesque, Histoire des rues du Havre, 3e partie,

Brenier et Cie, 1876, p. 687. 14 Alphonse Petit, « Notes d’Art », in

Le Petit Havre, 30 août 1900, p. 2. politiques locales. Il modèle ainsi pour différents bals de bienfaisance, dont le Bal des pierrots en 1892, des pupazzi de notabilités locales, de Félix Faure à Sarah Bernhardt, qu’il habille et met en scène. Il livre surtout de multiples caricatures et dessins pour de nombreuses revues auxquelles il collabore, parmi lesquelles La Revue comique normande, La Cloche ou Le Courrier du Havre6. De façon plus épisodique, il se fait également le correspondant local du Monde Illustré pour lequel il livre quelques croquis en 1887-1888 ou pour L’Illustration théâtrale du 14 juin 1895.

Membre, depuis sa fondation en 1863, de l’orphéon local la Lyre havraise, Soclet contribue à divers titres à la création de nombreux spectacles. Il imagine et met en scène des pochades, dont le Télémaque dansé par des adolescents travestis en jeunes filles, ou une parodie de chapelle russe interprétant un chœur des bateliers de la Volga. Il n’hésite pas à endosser le costume de comédien à l’occasion de représentations de la Lyre, notamment celle de Sylvie, opéra-comique d’Adenis et Rostaing, à la salle du Prado, au Havre. « Ce trio artistique possédait M. Soclet qui nous a révélé un excellent comédien ce qui ne peut pas nuire à son talent musical7 . »

Il intervient également comme peintre décorateur et peint, en 1886, des médaillons pour le nouveau théâtre de la Gaieté Music Hall, qui ouvre alors ses portes au 19, rue Royale, dans le quartier Saint-François au Havre. « Les médaillons, d’un grand caractère, et du genre français, anglais et italien, sont dus à l’habile et original pinceau de notre concitoyen et ami M. A. Soclet, dont l’éloge n’est plus à faire8 . » Quelques années plus tard, il réalise les fresques fantaisistes sur les murs du café-buvette de la salle de la Lyre havraise (rue Joinville, au Havre), qu’il laisse inachevées en raison de son décès prématuré9 .

Doué pour de nombreuses formes d’art, Arthur Soclet ne les aborde pourtant le plus souvent qu’en dilettante, sans réellement s’imposer dans aucune. Paul Védrine, dans ses Marrons sculptés, s’en fait l’écho : « On a dit de Sock qu’il était “artiste jusqu’au bout des ongles”. Selon nous, il n’y a rien d’exagéré dans ce jugement. Oui, il est doué d’une façon merveilleuse, avec des aptitudes pour chaque branche de l’art qu’il lui plaît d’aborder. C’est même précisément à cause de cette facilité si grande d’assimilation qu’il n’arrivera peut-être jamais à être supérieur d’une façon absolue, imposant l’admiration par un chef-d’œuvre incontesté. Il effleure mais il n’approfondit pas, allant de-ci de-là au gré de sa fantaisie. C’est un papillon artistique qui vole de fleur en fleur sans jamais se poser10 . » Tenant commerce, Soclet ne peut assurément pas consacrer tout son temps à son art.

Il décède le 13 avril 1900 au Havre11. Si Soclet fut l’élève de Charles Lhullier, il en fut aussi l’ami intime. La dédicace faite sur le dessin réalisé par le premier au second et aujourd’hui conservé à la bibliothèque municipale ne saurait être suffisante pour l’affirmer12, mais la déclaration faite par Soclet du décès de Lhullier à l’état civil du Havre en septembre 1898 emporte la conviction. Animés d’un même esprit de dérision bon enfant malgré l’écart de générations, les deux hommes étaient volontiers portés sur la raillerie. Leur origine commune de la Manche a peut-être joué un rôle dans cette amitié. Les deux amis réalisent par ailleurs pour la salle de concert de la Lyre havraise le rideau de scène et les peintures qui l’entourent13 .

Une exposition posthume de ses œuvres est présentée dans les vitrines de M. Maury, encadreur rue de la Bourse, en août 1900, dont Le Petit Havre se fait l’écho : « Ces œuvres […] évoquent des jours heureux durant lesquels Arthur Soclet, avec une verve, une souplesse surprenantes, notait, d’un crayon habile et précis, d’un pinceau léger et lumineux, les types particuliers de la ville, les aspects pittoresques de la cité. […] Tout cela est clair, limpide avec la transparence que réclame l’aquarelle ; et puis tous ces croquis sont animés de cet esprit d’observation spirituelle, de cette fantaisie endiablée qui caractérisent le caractère primesautier du très regretté artiste14 . »

Expositions

1879

Paris, Salon des artistes français, Église Notre-Dame du Havre (aquarelle), n° 4612.

1880

Rouen, Exposition municipale de beaux-arts, Un vieux Normand (n° 606). Paris, Salon des artistes français, Un octogénaire (n° 3554) et La Maison des arcades à Montivilliers, aquarelle (n° 5858).

Théodore Véron, Salon de 1880, Paris, Bazin, 1880, p. 495-496 : « Un octogénaire qui n’en paraît pas plus triste. Il est occupé à jouer du violon ; sur une table auprès de lui sont déposés une bouteille et un verre vide. »

Le Havre, Société des amis des arts du Havre, Portrait d’Homerville.

1881

Paris, Salon des artistes français, Le Déjeuner d’Arlequin (n° 2190).

Théodore Véron, « Salon de 1881 » in Dictionnaire Véron ou Organe de l’institut universel des sciences, des lettres et des arts, Bazin, Paris, 1881, p. 448 : « Le Déjeuner d’Arlequin paraît très frugal : il est assis et se dispose à le partager avec Minet. Petite anecdote. Toile de 2 paraissant pleine de brio. »

1884

Rouen, 29e exposition municipale de beaux-arts, Messager d’amour !! (n° 801).

Jules Vincent, « Bulletin des expositions – Expositions en Province, Rouen », in Journal des artistes, 10 septembre 1884, p. 2. : « Le Messager d’amour de Soclet, dessiné au compas ; on rêve tourterelle et on voit un grand diable de commissionnaire planté tout droit sur la toile, portant dans chaque bras, à égale distance, un rosier ; à part cela bonne facture ; allez-le voir. »

Paris, Salon des artistes français, Messager d’amour !! (n° 2229).

« Le mouvement artistique au Havre – Soclet » in l’Almanach illustré du Courrier du Havre, 1886 : « Au Salon de 1884, il eut du succès avec le

Messager d’amour. Un commissionnaire, un galant de jadis assurément, est réduit aujourd’hui à servir aux galanteries d’autrui.

Dans chacun de ses bras, il porte un rosier en pot. Son œil clignote sous la casquette qu’il porte de travers. Il va, songeant sans doute aux amours d’autrefois…

L’idée est drôle et spirituellement exprimée. Le personnage est d’ailleurs fort gentiment peint. On désirerait seulement que l’ensemble fût plus éveillé. »

1885

Le Havre, Société des amis des arts, Messager d’amour !! (n° 429) Le Marché aux fleurs (vue prise depuis l’hôtel de Bordeaux) (n° 430), La Servante d’autrefois et La Bonne d’aujourd’hui (n° 555), ainsi qu’Un orphéon (éventail au n° 556).

1888

Rouen, 31e exposition municipale de beaux-arts, Le Quai Berigny, à Fécamp, aquarelle (n° 917). Paris, Salon, Le Quai Berigny, à Fécamp, dessin (n° 3625).

1889

Paris, Salon des artistes français, Jour de marché, à Villers-Bocage, aquarelle (n° 3871).

1891

Rouen, 32e exposition municipale de beaux-arts, Mon ami F… (n° 1146) et Un griffon (n° 1147), deux aquarelles. Paris, Salon, Mon ami F…, aquarelle (n° 2187).

1893

Paris, Salon, Un vieux matelot, aquarelle (n° 2434). Le Havre, Société des amis des arts, Un vieux matelot, aquarelle (n° 766). Il est alors domicilié au 23, rue de Paris.

1896

Le Havre, Société des amis des arts, Dans la rue, aquarelle (n° 869).

1897

Rouen, 35e exposition municipale de beaux-arts, Flagrant délit (n° 1016) et La Rue de Paris au Havre ; veille du 14 juillet (n° 1017), deux aquarelles.

1919

Le Havre, Exposition posthume, Galerie P. Maury.

Sock Caricature des œuvres de Charles Lhullier parue dans la Revue comique du salon havrais, 1880 Le Havre, bibliothèque municipale, NM631.

Gabriel Louis Souque naît à Paris le 29 novembre 1879 de Louis Gabriel Souque, agent général d’assurances, et de Joséphine Célina Bestaux. Ce n’est qu’à l’occasion du mariage de ses parents, en 18951 , que le jeune Gabriel est officiellement reconnu alors qu’il a déjà plus de quinze ans. Deux des témoins du mariage – Georges2 et Maurice Jeannin – exercent comme artistes peintres. L’origine maternelle (de Saint-Léonard, près de Fécamp) n’est sans doute pas sans lien avec l’installation de la famille Souque au Havre. On sait que Louis Gabriel Souque intervient pendant de nombreuses années comme expert pour constater les avaries sur les marchandises au Comité des assureurs maritimes du Havre3 . Gabriel Souque se déclare élève de Lhullier et de Bénard quand il expose en 1899, à la Société des amis des arts. Il est alors domicilié au 89, rue du Perrey, chez ses parents. Le père, Louis Gabriel Souque, d'un tempérament artiste, est membre du conseil d’administration de la Société des amis des arts et s’adonne volontiers à la sculpture4. Il a donc vraisemblablement encouragé la vocation artistique de son fils.

Gabriel Souque Candidat à la section d’architecture de l’École nationale des beaux-arts en 1899, (Paris, 1879 - Toulon, 1958) Gabriel Souque doit effectuer son service militaire et est incorporé au 129e régiment M. D. d’infanterie en 1900. Il est rendu à la vie civile quelques mois après suite au décès de son père le 9 mars 1901. Il peut dès lors reprendre ses études d’architecture à l’École nationale des beaux-arts et reçoit une bourse de 1 200 francs par an, versée pour moitié par la Ville du Havre et par le Département. Il déménage à Toulon vers 1907, où il se marie le 7 juin 1909 avec Thérèse Charlotte Crémonini. C’est dans cette ville qu’il exerce la profession d’architecte et où il décède le 13 mars 1958.

1 Archives de Paris, mariages, 11e arrondissement, V4E 9166, acte 898. 2 Georges Jeannin (1841-1925) est l’élève de Victor Vincelet. Débutant au Salon de 1868, il y expose ensuite avec régularité. Il y obtient une mention honorable dès 1876, une médaille de 3e classe en 1878 et une médaille de 2e classe en 1888. Il reçoit une médaille de bronze à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889, puis une autre lors de l’Exposition universelle de 1900. Spécialiste de la peinture de fleurs, il est décoré de la Légion d’honneur en 1903. 3 Anonyme, « Nécrologie de Louis

Gabriel Souque », in Le Petit Havre, 23 mars 1901. 4 Ibid.

Expositions

1899

Le Havre, Société des amis des arts, Mon père, portrait (n° 458) et Fleurs. Marguerites (n° 459).

Le jeune Théberge naît à Paris, le 27 septembre 1846, d’Auguste François Théberge, négociant, et d’Henriette Cottin, son épouse, au domicile familial du 7, rue Neuve-Saint-Eustache1. Une société Théberge Frères, formée cette année-là entre Auguste et Amand Théberge pour l’exploitation d’une fabrique de « barèges, gazes et autres genres d’étoffes », est déclarée en faillite par le tribunal de commerce de Paris en avril 18502 . Alors qu’il est garde national mobile durant la guerre franco-prussienne de 1870, Gaston Auguste Théberge est blessé par balle au cours du combat de Bosc-Le-Hard le 4 décembre3 et reçoit à ce titre la médaille militaire.

Gaston Théberge Après avoir été l’élève d’Ochard au lycée du Havre, puis de Galbrund et de Lhullier (Paris, 1846 - Le Havre, 1909) à l’école municipale d’art de la ville, il est sociétaire des Amis des arts du Havre. Au M. D. demeurant, il expose entre 1880 et 1905 lors des manifestations organisées par la Société des amis des arts du Havre ou à Rouen. Il ne peint qu’en amateur et est déclaré comme employé d’administration à son décès. Sa blessure à l’avant-bras droit durant la guerre, qui a entraîné une paralysie partielle du membre et de la main4, n’est peut-être pas sans rapport avec cet état de fait. Il décède, célibataire, dans son domicile du 64, boulevard François-Ier, au Havre, le 18 janvier 1909.

Expositions

1880

Le Havre, Société des amis des arts, Mer montante, marine (n° 424). Rouen, 27e exposition municipale de beaux-arts, Avant l’orage (n° 615) et Gros temps (n° 616), marines.

1882

Le Havre, Société des amis des arts, Marée basse (n° 532), Fontaine du four des veaux (Tancarville) (n° 533) et À Gauzeville, près de Fécamp (n° 534).

1887

Le Havre, Société des amis des arts, Deux panneaux, étude (n° 570) et Deux panneaux, étude (n° 571).

1890

Le Havre, Société des amis des Arts, Le Vieux Bassin de la Floride (n° 373) et Basse mer à Hennequeville, près de Trouville (n° 374).

1891

Rouen, 32e exposition municipale de beaux-arts, Les Viottes (n° 779) et Calme plat (n° 780).

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Au mouillage (n° 416) et Mer basse à Berneval, près de Dieppe, aquarelle (n° 643).

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Dans la Hève (n° 468) et Criquebœuf (Calvados) (n° 469), marines.

1 Archives de Paris, état civil reconstitué. 2 Le Courrier français, 9 avril 1850. 3 Historique du deuxième bataillon de la garde mobile de la Seine inférieure pendant la campagne de 1870-1871,

Le Havre, Félix Santallier, 1871, p. 47. 4 Jean-Charles Chenu, « Rapport au conseil de la Société française de secours aux blessés des armées de terre et de mer, sur le service médico-chirurgical des ambulances et des hôpitaux, pendant la guerre de 1870-1871 », Paris, Dumaine, 1871, p. 966.

Robert Vallin Vue de San Gimignano, vers 1904-1911 Huile sur toile, 46 x 61,4 cm MuMa, Le Havre, inv. A375.

Les bonnes fées se sont penchées sur le berceau du jeune Robert Alexis Michel Vallin, qui voit le jour le 24 mars 1867 au Havre. Son père, Étienne Michel Charles Vallin, agrégé d’histoire, est professeur au lycée impérial et lui-même apparenté à la famille Nillus par sa mère. Le frère de cette dernière, Michel Charles Nillus, a créé en 1834 les ateliers mécaniques du quai Colbert et acquis une notoriété internationale dans la construction de machines de marine et de bateaux en fer1 . La mère de Robert Vallin, née Louise Büys, est la fille d’un professeur, Alexandre Büys, collègue de Charles Vallin au lycée du Havre, et d’une libraire2. Alexandre Büys a été le témoin du premier mariage de Charles Vallin en 18553. Le jeune Robert Vallin grandit dans un environnement à la fois lettré et favorisé, propice à l’éclosion de tous les talents. Les résultats ne semblent pourtant pas au rendez-vous puisqu’il s’engage volontairement, le 22 août 1885, dans l’armée pour cinq ans et intègre le 133e régiment d’infanterie à Belley, dans l’Ain. Il est envoyé en congé en septembre 1889 après qu’il a atteint le grade de sergent. Inscrit à l’École régionale des beaux-arts du Havre où il suit les cours de Charles Lhullier, Robert Vallin y rencontre les

Robert Vallin frères Saint-Delis avec qui il noue une amitié durable4. Mais le jeune Vallin a (Le Havre, 1867 - vers 1935) soif de nouveaux horizons. En 1894, il réside en Belgique. L’année suivante, M. D. il est domicilié au 7, rue Saint-Maur, à Paris. Il se marie avec Rose Dailly le 26 décembre 1903. En 1904-1905, le jeune couple quitte la France pour s’installer en Italie où il séjourne sept ans : d’abord à Florence, puis à Milan et à Venise. Cet éloignement explique sans doute que Vallin ne fasse pas partie des membres fondateurs du Cercle de l’art moderne en 1906. Il participe toutefois à l’édition de 1907 avec l’exposition de deux de ses œuvres, un paysage et une aquarelle d’une vue de Florence. Vallin ne vit pas de son art. Au moment de son mariage, il se déclare représentant d’industrie6. Il peint donc en amateur, mais en amateur zélé, qui travaille l’huile et l’aquarelle aussi bien que l’eau-forte. « Artiste qui s’est jusqu’ici plus soucié d’apprendre que d’exposer », selon les termes de Pierre du Colombier7. Vallin expose peu : à la Société nationale des beaux-arts ou dans les salons havrais, un peu plus fréquemment dans des galeries au Havre ou à Paris. Si ses expositions répertoriées se comptent sur les doigts des deux mains, elles trouvent un écho favorable dans la presse de l’époque, et Vallin accède à une certaine reconnaissance. En 1915-1916,

1 Il a également été membre du

Conseil municipal et de la Chambre de commerce. 2 Étienne Michel Charles Vallin et

Louise Büys se marient le 30 août 1864 au Havre. 3 Il a épousé, le 21 août 1855, Louise

Philippe Monnoyeur (Le Havre, 22 septembre 1836 – id., 6 août 1858). Sont nés deux enfants de cette union, Étienne Charles Albert

Vallin le 4 juin 1856, et Aline Marie

Vallin en 1858. 4 Il est à cet égard significatif que la gravure sur bois représentant le Bassin du commerce d’Henri de

Saint-Delis, aujourd’hui dans les collections du MuMa (inv. E60.75), ait été achetée auprès de Vallin. 5 Elle décède le 3 octobre 1922 à

Bayonne, même si elle est alors domiciliée à Urrugne. L’avis de décès paru dans La Gazette de

Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-

Luz, 3 octobre 1922, p. 2, indique qu’elle est veuve. 6 Archives de Paris, état civil, 17M261, acte 2163. 7 « Notes d’art – Robert Vallin, graveur parisien », in La Revue critique des idées et des livres, 10 janvier 1914.

Robert Vallin Le Portail de Saint-Merry, vers 1914 Eau-forte, 38 x 28 cm MuMa, Le Havre, inv. E53.324.

8 Chez Alfred Porcabeuf, 187, rue

Saint Jacques, à Paris. 9 Louis Vauxcelles, « Les arts –

Eaux-fortes de Robert Vallin », in Gil Blas, 4 janvier 1914. 10 Crès, 1916. 11 Texte établi par Auguste Longnon, chez Georges Crès et Cie, Paris, 1919. 12 Gabriel-Ursin Langé, « Intérieurs –

Chez Robert Vallin », in Paris, 17 décembre 1916. 13 François Jean-Desthieux,

« La production dans les arts plastiques », in L’Homme libre, 5 février 1921. il est installé à la Ruche, 2, passage de Dantzig, cette colonie d’artistes nichée au cœur du 15e arrondissement. Il reçoit une prime d’encouragement de la Ville de Paris en 1915. En 1916, le Conseil général de la Seine acquiert sa toile Le Moulin, et l’année suivante, la Ville de Paris acquiert son triptyque Saint-Merri.

C’est avant tout grâce à ses eauxfortes que Vallin acquiert la notoriété. Il publie, en 1913, une série de quinze eaux-fortes consacrées au vieux Paris8 . Le succès critique est réel. Son travail est d’autant plus salué qu’il aborde alors cette technique en novice. L’influent critique artistique Louis Vauxcelles loue par ces mots son travail : « Son dessin est ferme, sa vision large, intelligemment synthétique. Le métier savant et souple, dénué de faciles virtuosités, laisse entière la part de l’émotion. Les quinze magnifiques eaux-fortes de La Ville vont classer très haut le nom, déjà estimé par l’élite, de Robert Vallin. Tous les amoureux du vieux Paris, et tous les bibliophiles, et tous les amis de l’eau-forte, réserveront à La Ville une place élue en leurs cartons9 . »

Fort de cette renommée nouvellement acquise, Vallin réalise le frontispice de La Maison anxieuse de Lucien Descaves10 et illustre Les Œuvres de François Villon11 , deux œuvres parues chez Georges Crès, maison d’édition fondée quelques années plus tôt. Il participe également à La Grande Guerre par les artistes, toujours chez Crès, avec Les Marocains à Paris, rue de Vanves, septembre 1914.

Vallin est un homme de tradition. Il s’affirme comme peintre de paysages, dont il s’attache à transcrire l’âme. « Il [Robert Vallin] sait faire aimer un paysage, y faire découvrir les plus belles valeurs… Il donne l’âme du paysage. Un paysagiste habile peut facilement produire un effet avec les arbres disposés en motifs de décoration, mais il risque d’arriver à l’impuissance… Lui, Vallin, ne s’attarde pas aux effets trop faciles… Voici un coin de forêt ! L’on y sent la fraîcheur d’une aube, la douceur d’un crépuscule ! Impression pure, on oublie l’essence des arbres, mais l’on est dans la forêt12 … » Après des tâtonnements, des détours par le divisionnisme, il revient à un dessin solide. Dans le bouillonnement artistique de l’entre-deux-guerres, alors que l’impressionnisme a jeté ses derniers feux, Vallin est encore défini par la critique comme un peintre impressionniste. Il est un admirateur zélé de Renoir, qui le reçoit à plusieurs reprises en 1918 dans son domaine des Collettes, et n’hésite pas à le défendre avec ardeur contre « la jeune peinture française » quand il le juge nécessaire13 .

Expositions

1907

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Paysage, peinture (n° 60), et Florence, aquarelle (n° 61).

1913

Paris, Société nationale des beaux-arts, Florence, le Ponte Vecchio (n° 1214).

Pierre du Colombier, « Quelques peintres à la Société nationale », in La Revue critique des idées et des livres, 25 mai 1913 : « Un peintre qui vient de passer plusieurs années à Florence, M. Vallin, est arrivé pour rendre la lumière italienne qui, en définitive, est plus nette qu’étincelante, à une tonalité froide dont il tire des transparences assez curieuses. Le Ponte Vecchio qu’il expose (n° 1214), plusieurs toiles que j’ai pu voir dans son atelier, une vue des sources de l’Arno en particulier, montrent ce qu’on peut tirer d’un pareil procédé, où il n’est arrivé lui-même qu’après beaucoup de détours sur les sentiers impressionnistes. »

1914

Paris, Société nationale des beaux-arts, Stia, aux sources de l’Arno (Italie) (n° 1156). Paris, Exposition collective chez Georges Crès, 116, boulevard Saint-Germain, (mars). Paris, Galerie Choiseul, exposition collective regroupant notamment Picasso, Van Dongen, Luce, Utrillo et Robert Vallin.

Louis Vauxcelles, « Les arts – Eaux-fortes de Robert Vallin », in Gil Blas, 4 janvier 1914 : « Consacrer une série d’eauxfortes au vieux Paris, c’est là vertu doublement héroïque, car si la vénérable cité disparaît sous l’envahissement américano-vandale, l’eau-forte est un art qui, lui aussi, a failli sombrer sous la poussée du mercantilisme. L’eauforte est un art subtil et puissant, comme l’acide même, qui ronge le cuivre et y creuse ses sillons et ses ravins. Le graveur procède avec l’acide ainsi que le coloriste avec ses tons. Tempérant sa force par des mélanges, surveillant la durée des morsures, il obtient à son gré les gris les plus nuancés, les noirs les plus profonds, et dispose d’une palette qui égale celle des peintres. L’aquafortiste peut glacer et empâter, user même de subtilités complexes. À côté d’une eau-forte, une estampe au burin paraît froide, une lithographie molle, un bois terne. L’Album La Ville, imprimé en taille-douce par Porcabeuf, est dû à un excellent artiste, M. Robert Vallin, dont nous aimons aussi la peinture. Vallin est un charmant flâneur, qui promène sa rêverie de la place de l’Estrapade au carrefour Buci. Il aime les verrues de la ville. Vieux murs, églises et masures, coins demeurés provinciaux et paisibles, tel est le domaine cher à son âme. Il traduit ces aspects désuets et nobles avec une fidélité qui, pour ne pas être libérale, n’en est que plus expressive. Son dessin est ferme, sa vision large, intelligemment synthétique. Le métier savant et souple, dénué de faciles virtuosités, laisse entière la part de l’émotion. Les quinze magnifiques eaux-fortes de La Ville vont classer très haut le nom, déjà estimé par l’élite, de Robert Vallin. Tous les amoureux du vieux Paris, et tous les bibliophiles, et tous les amis de l’eau-forte, réserveront à La Ville une place élue en leurs cartons. » Albert Herrenschmidt, « Bibliographie », in Le Petit Havre, 21 janvier 1914 : « Un artiste d’origine havraise et dont le nom évoque le souvenir d’un des plus populaires professeurs de notre lycée, décédé il y a quelques années, M. Robert Vallin, a pris une place en vue dans la jeune école de gravure à l’eau-forte. Nous savons de lui des planches remarquables où des qualités de vigueur alliées à une jolie recherche de l’expression servent à souhait un joli sentiment d’art. Robert Vallin publie, chez Alfred Porcabeuf, à tirage limité, un album de quinze eaux-fortes, La Ville (le vieux Paris). La plupart de ces feuilles mériteraient une étude spéciale, tant pour leur composition excellente que pour l’habileté artistique de leur exécution. L’auteur a fixé des coins pittoresques du vieux Paris avec une délicatesse qui n’exclut pas la fermeté. L’interprétation de ces sites originaux est empreinte d’un caractère d’art qui fait de cet ouvrage un joli document de collection. L’ouvrage a été tiré à cent exemplaires seulement, dont vingt sur papier impérial Japon, avec, de chaque planche, un état avec remarque, un état terminé sans remarque, et quatre-vingts exemplaires sur Hollande avec un état terminé sans remarque de chaque planche. Quatre de ces planches ont été tirées à part et exposées au Salon d’automne de 1913 à la section du livre. Elles y ont retenu l’attention. » Pierre Du Colombier, « Notes d’art – Robert Vallin, graveur parisien », in La Revue critique des idées et des livres, 10 janvier 1914, p. 102-108 : « […] Il était en ce temps-là, comme tous les hommes de sa génération, assez indécis. Élève au Havre – dont il était natif – de Charles Lhullier, un vieux maître de l’école de 1830, il contemplait chaque jour à Paris les expositions retentissantes des impressionnistes, d’un Pissarro, d’un Monet, d’un Gauguin, d’un Cézanne. Il est assez difficile de savoir jusqu’où allèrent ses tâtonnements, car il n’a guère conservé d’ouvrages de cette période. Il dut imiter les diverses techniques des novateurs. Je sais de lui en tout cas quelques tableaux divisionnistes.

Il prit alors le meilleur parti pour se soustraire à notre agitation salonnière, à nos modes changeantes : il partit pour Florence où il resta sept ans. Son talent s’y solidifia. Il comprit l’arbitraire du divisionnisme considéré comme méthode exclusive. Une telle pratique se peut justifier en des pays où l’humidité qui flotte dans l’air prête à la couleur un éclat brisé, une sorte d’irisation. Mais à Florence, la lumière couvre uniformément ces objets ; elle est, quoiqu’on dise, moins éclatante que profonde. Les lignes y apparaissent sans le moindre halo. Pour rendre ces effets sans contrastes puissants, les couleurs brillantes ne conviennent guère. M. Vallin se souvint du parti qu’a tiré Cézanne des couleurs froides pour peindre la Provence. Il garda de son impressionnisme une grande sensibilité à la couleur et le souci de bannir les ombres lourdes. Mais il joignit le dessin sérieux, la solidité de pâte et de couleur à laquelle la nature le contraignait : l’an dernier, il exposait, à la Société nationale un Pont-Vieux sur lequel il réussissait à attirer l’attention par un rendu tout à fait original. Rien ne donne plus confiance à un artiste que de le voir se soumettre à la leçon des choses plutôt que leur imposer sa manière. C’est le défaut d’un Monet de tout traiter de la même sorte. Les qualités que M. Vallin a acquises à Florence, son dessin, spécialement, sont le juste prix de sa conscience artistique. […] Aux amateurs d’effets grossiers, les eaux-fortes de M. Vallin sembleront au premier regard un peu uniformes. Dans les ruelles obscures que l’on voit s’ouvrir sur une large place, ni l’obscurité des maisons ni le clair des lointains ne sont exagérés. Si, feuilletant à nouveau son album, je cherche à dégager l’impression qu’il produit, c’est bien celle de probité. Les “trucs” d’essuyage familiers à la plupart de nos ar-

tistes y sont employés avec une discrétion extrême. Tel lointain (la Cité) rappelle par ses hachures légères la minutie des maîtres anciens. Cette conscience de métier donne aux eaux-fortes de M. Vallin une tenue et une solidité qui fait qu’on y revient. Qu’on regarde à la section du livre du Salon d’automne les quatre qui y sont exposées : elles s’imposent à l’examen par leur dignité au milieu d’ouvrages plus faciles et peut-être plus brillants. Et l’on songe que ce métier est admirablement choisi pour rendre les aspects parisiens qui valent par une lumière sans violence et graduée. Les lignes sont encore d’une netteté presque florentine, mais les couleurs, bien qu’éteintes, possèdent dans le gris une infinie variété de nuances. Une grande solidité du dessin – comme on le voit dans Saint-Germain-des-Prés –, une étude très attentive de la perspective aérienne, de la dégradation progressive des tons avec l’angle d’éclairage et la distance, ont donné à M. Vallin les moyens de rendre le précis de ces aspects en même temps que leur douceur. Si j’insiste de la sorte sur le fondement solide de cet art, ce n’est point pour donner à entendre qu’il lui manque l’amusant que l’on recherche avec justice dans l’eauforte. Le gribouillis des arbres pique la curiosité. Peut-être cependant que les silhouettes de personnages, plantées de manière imprévue, manquent de sûreté chez cet exclusif paysagiste. Mais gribouillis spirituels, silhouettes pittoresques, occupent leur place avec discrétion et restent toujours soumis à l’aspect d’ensemble, obtenu par de grandes hachures verticales, avec largeur et fermeté. » Gustave Geffroy, « Notre époque – Le vieux Paris », in La Dépêche, 9 février 1914 : « […] Le tout a été imprimé par Auguste Vernant, chez Porcabeuf, imprimeur en taille-douce, 187, rue Saint-Jacques, et bien imprimé pour faire valoir l’art de Robert Vallin, un art de graveur qui établit solidement les plans et les constructions par des traits un peu sommaires de croquis directs et qui excelle en même temps à donner la couleur des choses dans l’atmosphère. Cet art précieux de l’eau-forte, lorsqu’il est bien servi par l’imprimeur, exprime par les traits noirs, les intermédiaires gris, les blancs réservés, toutes les couleurs, toutes les nuances qui composent l’harmonie d’un paysage. Tout est représenté par le modèle, lumière, ombre et leurs dégradations. C’est ce que M. Robert Vallin a fort bien compris. Au premier aspect, on aperçoit que ses gravures sont parfois sommaires, les choses strictement représentées par des traits essentiels. Mais les indications sont tellement justes que l’on n’a aucune peine à tout deviner et à tout voir.

Les plans, les perspectives ont une exactitude mathématique sous la hâte des hachures, et même le détail des pierres et des objets, maisons, toits, corniches, fenêtres, volets, se trouve inscrit sans erreur par une juste mise en place et un éclairage gradué où la physionomie du site parisien se dégage véridique d’une manière singulière. »

Ch. M, « Bibliographie – La Ville, album de 15 eaux-fortes, par

Robert Vallin », in L’Art et les

Artistes : revue mensuelle d’art ancien et moderne, Paris, Armand

Dayot, avril 1914 : « C’est la Ville

Vieille, le Paris qui meurt sous les coups de nos édiles et de nos architectes, que le peintre Robert

Vallin étudie avec une tendresse intelligente. […] D’autres ont eu la même pensée. Personne ne l’a réalisée avec plus de bonheur. Il y fallait un sens aigu de la réalité, une vision directe, exacte, le souci exclusif d’exprimer la vérité objective ; pour toute intervention, uniquement une recherche amoureuse de couleur et d’harmonie où l’artiste pût trouver sa part personnelle de “délectation”. […] On vérifiera aisément combien

Robert Vallin est sincère dans l’intention, vrai dans l’exécution. […]

J’oublierais, volontiers, de noter, tant les qualités de l’exécution me dissuadent d’y penser, qu’il s’agit, avec cet album, d’un début dans l’eau-forte. C’est un début magistral. »

1916

Nice, Exposition organisée par l’œuvre nationale d’éducation patriotique « Les livres du soldat », Impression de sainte Clotilde. Le Havre, Galerie Lebas.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 2 septembre 1916 : « Un artiste d’origine havraise, M. Robert Vallin, fils du regretté professeur du lycée dont le souvenir est resté vivant dans la mémoire de ses anciens élèves, expose en ce moment aux galeries Lebas une jolie série d’eaux-fortes, qui n’est d’ailleurs qu’une faible partie de son œuvre. Il nous fut déjà donné de signaler l’intérêt de ce talent à propos d’un album qu’il consacra au vieux Paris et qui appela sur lui l’attention. Des qualités d’une évidente personnalité s’affirment dans ces planches. Robert Vallin possède tour à tour la fermeté saisissante du trait, la légèreté et la douceur. Il associe ces dons, joints à une observation délicate, et en tire des effets remarqués. Coins du vieux Paris, échappées sur les masures pittoresques, oppositions de lumières et de pénombres, Robert Vallin a joliment traduit cela, avec une souplesse, une variété et une vigueur d’exécution qui expriment à souhait la poésie intime des choses. C’est d’un art sincère et très estimable. À ces eaux-fortes s’ajoutent des aquarelles d’un intérêt secondaire, parmi lesquelles nous signalerons cependant quelques croquis rehaussés de couleur, d’une notation heureuse et d’un dessin bien enveloppé. » Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 22 septembre 1916 : « M. Robert Vallin, dont nous signalions récemment une intéressante exposition d’eaux-fortes, présente, aux mêmes galeries Lebas, un choix de toiles qui montrent une nouvelle forme de son art. Pour beaucoup, l’artiste havrais y révèle un talent original et personnel, attaché aux principes de la jeune école, mais avec une indépendance qui ne vise pas à l’éclat révolutionnaire et affirme sans fausse honte son souci manifeste du dessin. Il y a là des morceaux d’une excellente venue, comme notation des perspectives et traduction de la couleur : La Station de Vaugirard, L’Église de Breux, notamment. Peinture lumineuse, parfois hardie dans ses effets, mais d’une sincérité évidente, d’une pâte solide et, à ces titres, digne de mention. » Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 30 décembre 1916 : « Le peintre-graveur Robert Vallin présente aux galeries Lebas une intéressante série de ses dernières œuvres. Ce sont surtout des peintures. Elles se signalent par des qualités de luminosité et de vigueur que nous avions déjà remarquées dans son exposition antérieure, mais qui semblent s’accuser davantage en affirmant une réelle personnalité. Les effets obtenus sont souvent excellents, sans que la recherche des impressions amène l’artiste à sacrifier le dessin, travers familier à une jeune école de peinture dont l’originalité outrancière n’a pas paru servir toujours une belle conscience d’art et une absolue sincérité d’esthétique. Au reste, cette avant-garde s’est clairsemée pour ne laisser que des talents dignes d’intérêt et d’estime. Signalons notamment parmi ces toiles : Impression carnavalesque (Florence), La Tour Saint-Jacques, Le Pont royal, Le Pont de Charenton, des coins de Poitiers d’un joli coloris pittoresque, et des études assez poussées, d’une notation heureuse, Honfleur le feu rouge,

Paris, Galerie Pelletan.

1917

Le Havre, Galerie P. Maury.

Albert Herrenschmidt, « Beauxarts », in Le Petit Havre, 21 août 1917 : « M. Robert Vallin, dont le talent de graveur s’est déjà signalé à l’attention, se consacre volontiers à l’aquarelle. Certains préféreront peut-être le premier au peintre, les feuilles qu’il expose chez Maury ne sont, cependant, pas indifférentes. Ce sont des vues de Honfleur, franchement traitées, et qui ont surtout l’intérêt d’une notation rapide et juste. Le coloris en est chaleureux et vibrant ; il sert à souhait une observation pittoresque et un sentiment de composition qui donnent à ces feuilles de blocnotes d’artiste un accent souvent expressif. »

1918

Paris, Galerie du Luxembourg, exposition collective.

1919

Paris, Salon d’automne (section du livre), Les Œuvres de François Villon, avec frontispice de Vallin (n° 43).

1920

Paris, Galerie Sauvage.

François Jean-Desthieux, « Le peintre Robert Vallin », in L’Homme libre, 23 juin 1920 : « Un des derniers impressionnistes de ce temps est M. Robert Vallin. Et personne ne lui fera reproche d’abuser de l’attention publique. Il expose rarement et sans bluff. L’exposition qu’il fait ces jours-ci de ses œuvres en la galerie Sauvage – 370, rue Saint-Honoré – groupe une production de treize années. Depuis 1907, M. Robert Vallin n’avait pas convié le public à l’estimation de ses cartons. C’est assez dire qu’il n’a ni le souci de la réclame, ni l’exubérant désir du succès. Il a voyagé de Florence à Venise. Il connaît la banlieue de Paris. Il a séjourné en Provence et de la Cagnes à la Napoule, de Grasse à La Garde, il a contemplé l’ardente joie des fleurs et des arbres. En Normandie, il a confessé d’autres âmes et d’autres cieux. À Paris, il a retenu les aspects douloureux des quartiers les plus émouvants. Peintre, il a mis sur ses toiles les feux de toute son imagination en même temps que les reflets de la lumière naturelle. Aquarelliste, il a imprimé sur ses cartons l’émotion d’un esprit extrêmement fin. Aquafortiste, il a fouillé l’intimité des obscurités des vieilles cités. Et puis, de son dessin nerveux, il a peuplé des albums et enrichi des vélins. J’ai fort goûté, parmi tant d’éclatants morceaux, son église Saint-Étienne-du-Mont, ses oliviers de Cagnes et son pont de Charenton. Ces voyages de Paris au Midi dont les souvenirs sont rassemblés dans un Salon élégant suggèrent au spectateur tout ce que la peinture peut évoquer de plus précieux à l’esprit d’un homme. Nous sommes loin des barbouillages vains et des aventures esthétiques auxquels se complaisent quotidiennement la plupart de ces peintres dont les expositions multiples, annuelles ou trimestrielles, prouvent aussi bien l’absence de tact que l’incontinence. Dans son catalogue, M. Robert Vallin a inséré la petite note que voici : « Étant donné les exigences des imprimeurs (patrons) qui veulent gagner 800 % sur leurs ouvriers (24 francs par jour pour 8 heures), j’ai fait exécuter la partie matérielle de ce catalogue par des dames dactylographes qui m’ont demandé 63 francs au lieu des 400 francs demandés par ces mercantis. » Voilà un bel et brillant exemple ! Voilà une verte leçon. Elle vient d’un artiste qui n’a pas plus peur des mots qu’il ne craint la franchise de son art. Sa bonne humeur – exprimée dans tout ce qu’il a fait – n’a pas d’autre cause que ce grand besoin de franchise dont il faut le louer. La rigidité d’une définition conviendrait mal à la grâce d’un talent si complet. J’ai peur que les mots ne blessent ou ne flétrissent l’impression véritable de cette œuvre quand il s’agirait de la rendre sans la trahir en rien. Mais on ne se compromet guère en citant ce témoignage de M. Gustave Kahn : « Toujours dans les tableaux, les aquarelles, les eauxfortes, on sent l’art, le regard ou la main d’un artiste subtil, doué d’une robustesse élégante et variée dans l’expression de sa pensée, d’un peintre original, maître de la technique la plus souple et la plus personnelle. »

Pierre du Colombier, « Notes d’art », in La Revue critique des idées et des livres, n° 166, 10 juin 1920 : « Ces jours-ci s’ouvre à la galerie Sauvage, rue Saint-Honoré, l’exposition des paysages de Robert Vallin. Avant la guerre, j’ai déjà parlé, dans La Revue Critique, des eaux-fortes de cet artiste. On fera ici surtout connaissance avec son œuvre peinte. C’est une forte leçon que donnent ces paysages nés de 1909 à 1919. Ils sont propres à montrer comme quoi l’individu peut participer aux préoccupations générales de son époque sans rien sacrifier de son originalité. Un artiste sincère ne suit point la mode, mais, seul un impuissant cherche jalousement à s’en préserver. On peut voir, à la galerie Sauvage, quelques témoignages du divisionnisme dont partit Vallin. Les valeurs y sont extrêmement justes, mais bientôt le peintre, éprouvant ce qu’il y a d’un peu inconsistant dans cet art, s’en détache et tend constamment au plus solide, au plus construit. En ce sens on pourrait citer presque tous ses paysages depuis 1917, qu’ils soient de San Gimignano ou du midi de la France. J’invite en particulier à examiner le fond des montagnes dans son tableau de La

Napoule vers l’Esterel : on admirera qu’il soit parvenu à en traduire la netteté, le volume, la force, sans affaiblir les premiers plans par ce voisinage redoutable. »

Gustave Kahn, Mercure de France, 15 juin 1920 : « M. Robert Vallin expose, galerie Sauvage, nombre de toiles, d’aquarelles, de dessins d’une facture harmonieuse et juste. Robert Vallin est un excellent graveur, et cela se retrouve à la solidité de ses constructions picturales. Ses paysages analysent la nature provençale aux environs de

Cagnes, dont dix études comparent des profils différents, créant ainsi par juxtaposition une curieuse vue d’ensemble ; les architectures de

San Gimignano, les jeux du soleil sur les palais vénitiens, la solitude agreste des villages juchés à micôte des Apennins apparaissent en pages d’une jolie variété, des aquarelles très nuancées, d’une fine lumière réalisant la beauté de l’été à Honfleur. C’est d’un art sûr et précis, très attrayant. »

1923

Le Havre, Société des amis des arts, Toulon, le quai de Cronstadt et le farou (n° 91). Le Havre, Galerie P. Maury.

1934

Saint-Nazaire, Exposition du groupe artistique.

Venderpyl, « Salons et expositions », in Le Petit Parisien, 12 juillet 1920, p. 2 : « À la galerie Sauvage, M. Robert Vallin, dans ses aquarelles, suit, de la méthode impressionniste, ce qu’elle a de plus flambant. Sa peinture à l’huile s’en ressent et sa technique de graveur en bénéficie. Vallin est un excellent aquafortiste, qui, avec des blancs, des noirs, des gris et toutes les demi-teintes que permet le burin, sait, avec adresse, créer l’atmosphère, l’ambiance et l’éclairage des coins pittoresques gravés par lui. »

Maurice Vieillard Le Petit Chaperon rouge, vers 1905 Pastel sur papier, 36 x 38 cm MuMa, Le Havre, inv. AD136.

Maurice Vieillard

(Le Havre, 1867 - Beaurepaire, 1947) 1 Ingouville, 20 mars 1808 –

Le Havre, 20 novembre 1871. 2 La famille Vieillard est étroitement liée à la famille Lesueur, dont le représentant le plus célèbre est le naturaliste Charles Alexandre

Lesueur. Le père de ce dernier,

Jean-Baptiste Denis Lesueur, est le beau-frère de Pierre Augustin Vieillard père (1740-1801). D’étroites relations commerciales, notamment liées au commerce colonial, doublées de plusieurs mariages, unissent les deux familles au xviiie siècle. Voir à ce sujet l’étude d’Hervé Chabannes, Le rêve brisé de Jean-Baptiste Denis Lesueur, un bourgeois havrais des Lumières dans la tourmente révolutionnaire (1750-1819), mémoire de maîtrise d’histoire moderne, université du Havre, 2002-2003. 3 Le mariage a lieu le 15 octobre 1862 à Saint-Denis-en-Val, dans le

Loiret (Archives départementales du Loiret, EC 4515, 1862, acte 6). Maurice Émile Vieillard est l’héritier d’une éminente famille havraise qui s’est illustrée depuis plusieurs générations dans le négoce et le commerce maritime. C’est ainsi qu’il est le petit-fils de Jérôme Alexandre Vieillard1 – qui a créé le service régulier des bateaux à vapeur vers Honfleur en 1835, puis vers Rouen, trois ans plus tard – et l’arrière-petit-fils de Pierre Augustin Vieillard (1768-1819), capitaine de navires et négociant2 . Maurice Vieillard naît au Havre le 26 avril 1867. Tradition familiale oblige, son père, Alexandre Émile Vieillard, y exerce la profession de négociant. Sa mère, née Marie Eugénie Paule Marguerite Nicolas dit Auvert3, est originaire d’une famille installée dans le Loiret. Maurice Vieillard s’inscrit à l’école municipale des Beaux-Arts où il devient l’élève de Charles Lhullier. En 1886,

il s’inscrit à l’académie Julian, qu’il fréquente pendant plusieurs années. Il est également l’élève de Luc-Olivier Merson, et se revendique comme celui M. D. d’Emmanuel Frémiet. Ce dernier fut professeur de dessin animalier au Muséum national d’histoire naturelle à Paris, et il est vraisemblable que Vieillard ait développé son talent de peintre animalier dans ce contexte. À l’âge de vingt ans, le 30 novembre 1887, il s’engage dans l’armée à la mairie de Chartres et sert dans le 2e régiment de Dragons. Il est nommé maréchal des logis avant de passer dans la réserve en 1890. Il reprend du service durant la Première Guerre mondiale. Il est blessé à la main droite et à la jambe au cours d’une opération alors qu’il est lieutenant au 7e régiment de chasseurs, affecté aux mitrailleuses du 24e régiment d’infanterie. Il revient au combat malgré ses blessures et est ensuite soigné à l’hôpital Saint-Joseph, à Paris. Son courage lui vaut d’être fait chevalier

4 Archives nationales, Légion d’honneur, dossier 19800035/ 1408/62761. Il est passé capitaine à titre définitif au moment d’être décoré. 5 Fondée le 31 décembre 1898 dans le cadre de l’affaire Dreyfus, cette ligue tend à soutenir l’armée contre les dreyfusards. Vieillard n’est pas le seul représentant du monde de l’art puisqu’il côtoie

Edgard Degas ou Auguste Renoir.

Voir également « La Ligue de la patrie française, liste d’adhérents (7e liste) », in L’Écho de Paris, 19 janvier 1899, p. 4. 6 Archives de Paris, mariages, 11e arrondissement, 1897, acte 1166. 7 Koenig étant élève de Merson, ils se sont vraisemblablement connus dans son atelier. 8 Après avoir fréquenté l’École coloniale, Gilbert Vieillard devient adjoint des services civils de l’Afrique occidentale française et un brillant linguiste et ethnologue, spécialiste du peuple peul, s’attachant notamment à recueillir et à traduire des récits chantant les exploits de chefs peuls du

Macina et du Kounari. Cf. Gilbert

Vieillard, « Récits peuls du Macina et du Kounari », in Bulletin du

Comité d’études historiques et scientifiques de l’Afrique occidentale française, 1931, p. 137 et suivantes.

Détaché auprès de l’Institut français d’Afrique Noire, sis à Dakar, à partir de 1936, il y collabore avec Théodore Monod.

Sergent-chef au 9e régiment de tirailleurs marocains, il meurt à la tête de ses troupes en juin 1940, à Vaucouleurs. 9 Mariage célébré le 5 juin 1893, au Havre. Cf. Archives départementales de la Seine-Maritime, 4E 12491, acte 514. Vers 19031904, Balmer portraiture en frise sa famille dans un très joli tableau intitulé Quatre frères, aujourd’hui conservé au musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne (inv. 1056). Sa femme y tient Max, le benjamin de la fratrie, dans ses bras. 10 Charles-Théodore Vesque, Histoire des rues du Havre : origines, faits historiques, légendes, anecdotes, biographies, etc., Le Havre,

Brenier, 1876. 11 Georges Riat, « Petites expositions – Exposition Vieillard », in La Chronique des arts et de la curiosité, 25 janvier 1902. 12 Albert Herrenschmidt, « Cercle de l’art moderne – Quatrième exposition », in Le Petit Havre, 3 juin 1909. de la Légion d’honneur le 8 novembre 19154. Homme de conviction, pétri des valeurs traditionnelles retrouvées dans l’armée qu’il a servie avec détermination, Vieillard adhère à l’Action française, puis, en 1899, à la Ligue de la patrie française5 , d’orientation nationaliste modérée.

Il se marie le 26 juin 1897 avec Alix Villiet, fille du sculpteur Antoine Villiet6. Le choix des témoins dont il s’entoure est révélateur de sa dilection particulière pour l’art : Jules Koenig, peintre7, Charles Guérin, peintre, et Émile Picart, sculpteur. Un fils, Gilbert8, naît le 31 décembre 1899, au 44, rue des Gobelins, au Havre. En 1893, la sœur de Maurice Vieillard, Marie Alice Marguerite, épouse quant à elle le peintre suisse Paul Friedrich Wilhelm Balmer9, qu’elle a vraisemblablement connu par l’intermédiaire de son frère. L’intérêt porté par la famille Vieillard aux arts n’est pourtant pas une histoire récente : Jérôme Alexandre Vieillard a exposé en juillet 1834 des chefs-d’œuvre de la peinture dans sa demeure de la rue des Galions10, avant même que ne soit créée la Société des amis des arts.

À Paris, Vieillard habite au 108, rue Caulaincourt, à proximité de l’atelier de Théophile Alexandre Steinlen. Cette proximité physique se double d’une proximité artistique, tant dans le choix des thèmes (scènes de rue, attelages…) que dans le traitement du dessin. À cet égard, l’historien de l’art Georges Riat écrit en 1902 : « Tous le rangent parmi les dessinateurs qui ont le trait gros, rude, brutal et réaliste, comme Jeanniot, Steinlen et Gaston Prunier. Et, en outre, le plaisir qu’il trouve à représenter le cheval, dont il paraît avoir étudié avec soin l’anatomie, l’affilie à Carle Vernet et à Géricault11 . »

Son attachement à la tradition transparaît volontiers dans ses œuvres où s’affirme un dessin solide. Il semble presque incongru que Vieillard figure parmi les membres fondateurs du Cercle de l’art moderne au Havre. Il expose à trois des quatre expositions du groupe, mais en est absent en 1908. Le journaliste du Petit Havre Albert Herrenschmidt s’en étonne : « Mais que viennent faire en cette compagnie révolutionnaire La Belle Florence, de M. Vallotton, si terriblement classique, et la Tête de jeune femme de M. Charles Guérin, encore si traditionaliste, et les Loups et Chiens griffons, de M. Maurice Vieillard, que leur dessin excellent, vigoureux et précis a fait frapper d’ostracisme12 ? »

Vieillard expose de 1899 à 1904 à la Société nationale des beaux-arts, essentiellement des dessins. Plus régulièrement, il présente ses œuvres au Salon des indépendants de 1901 à 1927, et il sera même invité en 1902 au Salon de la libre esthétique à Bruxelles. Au Havre, il expose très fréquemment de 1902 à 1922.

En 1905, il regagne le pays de Caux et se retire dans son manoir de Beaurepaire, un hameau d’Octeville au nord du Havre. Il y vit entouré de sa famille et de ses nombreux chiens, aime à participer à des concours canins. S’adonnant avec passion à la chasse, il se spécialise dans la représentation animalière, essentiellement des chiens, loups ou du gibier, et continue à exposer jusqu’au milieu des années 1920. Il apporte par ailleurs régulièrement son concours à des journaux traitant de cynégétique, tels que Le Chasseur français et Saint-Hubert. D’humeur assez ombrageuse, il cultivera cependant toute sa vie une amitié solide avec René de Saint-Delis.

Maurice Vieillard décède chez lui, à Beaurepaire, le 8 décembre 1947.

Maurice Vieillard Charrettes dans la rue, 1901 Dessin, aquarelle et craie de couleur sur papier, 50,5 x 73,5 cm Coll. part.

Expositions

1899

Paris, Société nationale des beaux-arts, Les Côtiers (vieux chevaux au bas d’une rue) (n° 1428).

1900

Dijon, Salon.

1901

Paris, Salon des artistes français, Rue Notre-Dame-deLorette (n° 1412), Fin de journée (n° 1413), Les Terrassiers (n° 986), L’Omnibus, rue Ramey (n° 987), L’Omnibus, pont Caulaincourt (n° 988) et Deux vieux (n° 989). Paris, Salon des indépendants, quatre tableaux : Les Terrassiers (n° 986), L’Omnibus, rue Ramey (n° 987), L’Omnibus, pont Caulaincourt (n° 988) et Deux vieux (n° 989).

1902

Le Havre, Société des amis des arts, Au parc Monceau (n° 437) et Deux côtiers (n° 438), peintures, ainsi que Quai Colbert – Le Havre (n° 653) et Bassin du Roy, Le Havre (n° 654), dessins.

Paris, Salon des indépendants, Musique militaire (n° 1774), Au parc Monceau (n° 1775), Place de l’Abreuvoir (Montmartre) (n° 1776), L’Omnibus (n° 1777), Place de l’Europe (n° 1778), Les Pierres de taille (n° 1779) et Les Charbonniers, dessin (n° 1780).

Camille Le Senne, « Les petits Salons – Exposition des indépendants », in L’Événement, 1er avril 1902 : « Il faut l’avouer, au risque de contrister les artistes d’une réelle valeur qui ont répondu à l’appel des organisateurs, on a rigolé, révérence parler, jusqu’à l’esclaffement. C’est qu’en réalité les numéros extraordinaires surabondaient. Plus fort que chez Barnum ! […] Regrettons là cependant pour les sacrifiés de la séance : MM. Brizeau, Milcendeau, Cézanne, Maurice Denis, Signac […] Maurice Vieillard, Mad. Bermond. Tous ces artistes d’inspiration vraiment indépendante mais de métier solide et dont la virtuosité ne tourne pas à la gageure auraient pu former avec leurs œuvres un très original salonnet. C’est la grâce que je nous souhaite pour l’an 1903. »

Fernand Hauser, « Actualités – Le vernissage des indépendants », in L’Écho de Paris, 30 mars 1902 : « Soyons justes, cependant ; des envois de haut mérite s’offraient de loin en loin aux regards […] ; les portraits de Vallotton, les scènes populaires de Maurice Vieillard, les études de Marc Worms et les beaux envois de Jacques Jobbé-Duval. »

Bruxelles, Salon de la libre esthétique, Rue Notre-Dame-deLorette (n° 337), Place de l’Europe (n° 338), Square Saint-Pierre (n° 339) et Le Moulin de la Galette (n° 340), pastels.

Rouen, Société des amis des arts, Bataille dans la neige (n° 769) et Moulin de la galette (n° 700), dessins. Paris, Salon des indépendants, quatre tableaux : Relais, pont Caulaincourt (n° 2417), Sous la hêtraie (n° 2418), Place Pecqueur (n° 2419) et Place Pecqueur (la nuit) (n° 2420).

1904

Paris, Salon des indépendants, Les Chevaux blancs (n° 2319), Une rue (Montmartre) (n° 2320), Les Chiffonniers (nuit d’été) (n° 2321), Les Vainqueurs (n° 2322), La Voiture rouge (n° 2323) et Attelage (la nuit) (n° 2324).

1905

Le Havre, Société des amis des arts, Rue de Montmartre (n° 496) et Loup au clair de lune (n° 497), peintures, ainsi que Loups hurlants, dessin (n° 764) et Loups hurlants, gravure (n° 765). Paris, Salon des indépendants, Loup au clair de Lune (n° 4134), Loup à la sortie du bois (n° 4135), Le Loup et le Chaperon rouge (n° 4136), Deux bassets (n° 4137), Sous la hêtraie (n° 4138), Loup prenant le vent (n° 4139) et La Voiture de boucher (n° 4140). Rouen, 37e exposition municipale de beaux-arts, Loups hurlant, eau-forte (n° 1080), et un dessin ayant le même titre (n° 904). Le Havre, Cercle de l’art moderne, Le Hersage (n° 87) et Loups sous futaie (n° 88). Paris, Salon des indépendants, Loups rentrant au bois (n° 5068), Loups au carnage (n° 5069), Le Chaperon rouge (n° 5070), Les Corbeaux (n° 5071), Lièvre branché (n° 5072), Griffonnes et dupuz (n° 5073), Griffonne au lièvre (n° 5074) et Griffonne et bassets (n° 5075).

1907

Le Havre, Cercle de l’art moderne, Le Hersage (dessin rehaussé au n° 67) et Des chiens (n° 68). Paris, Salon des indépendants, L’Avenue de hêtres (n° 4936), Les Bassets au lapin (n° 4937), Le Guerrier sioux (n° 4938) et La Mare de Gabion (n° 4939).

1909

Rouen, 38e exposition municipale de beaux-arts, Lièvres au clair de lune (n° 706). Le Havre, Cercle de l’art moderne, Loups (n° 79) et Chiens griffons (n° 80). Le Havre, Société des amis des arts, Loup hurlant (n° 141) et Lièvres au silo (n° 142), dessins.

1913

Paris, Salon de la Société des artistes français, Chien griffon, pastel (n° 3035), et Les Bécasses, dessin (n° 3036). Paris, Salon des indépendants, trois tableaux : L’Omnibus Batignolles-Clichy-Odéon (n° 3398), La Dame aux chèvres (n° 3399) et Chiens griffons en épreuves (n° 3400). Le Havre, Société des amis des arts, Quatre griffons d’arrêt (n° 246), Arrêt de longueur (n° 247), peintures, Hersage (n° 366), Chien Dupuy et bassets (n° 367), dessins, et Soirée de juin, eau-forte (n° 368).

Albert Herrenschmidt, « Société havraise des amis des arts », in Le Petit Havre, 14 juin 1914 : « Et l’art local peut inscrire sur ses tablettes avec une mention flatteuse les aquarelles de M. Cargill, James de Coninck, Henri Fleury, Franz Kayser, Fourneau, Lalouette, Thomasse, les dessins de Maurice Vieillard et la fantaisie décorative de Hervieux… »

1920

Paris, Galerie Hessèle, Exposition de 52 dessins sur Le Havre et Paris.

1922

Le Havre, Société des amis des arts, Griffons au canard, dessin rehaussé (n° 166).

1925

Paris, Salon des indépendants, Chien griffon au repos (n° 3412) et Chien griffon à l’arrêt (n° 3413).

1926

Paris, Salon des indépendants, Fouines à l’arbre (n° 3624 bis) et Fouines dans la neige (n° 3624 ter).

Maurice Vieillard Tendresse maternelle (Alix et Gilbert Vieillard), vers 1901 Huile sur toile, 72 x 60 cm Coll. part.

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