Mémoire d'architecture Benjamin Chavonand

Page 1

LE TERRITOIRE COMME FONDEMENT DE L’ÉTABLISSEMENT H U M A I N . Comment le processus de territorialisation peut-il permettre de concevoir des lieux, où l’homme habiterait mieux dans son milieu?



LE TERRITOIRE COMME FONDEMENT DE L’ÉTABLISSEMENT H U M A I N . Comment le processus de territorialisation peut-il permettre de concevoir des lieux, où l’homme habiterait mieux dans son milieu?

MEMOIRE BENJAMIN CHAVONAND AEDIFICATION-GRAND TERRITOIRE, VILLE. ENSAG 16.05.20140


0 1

I N T R O D U C T I O N L’Homme

:

l’individu

qui

habite

le

lieu.

P A R T I E

Des pensées et des méthodes de travail. 1. UNE VISION DÉMULTIPLIÉE DU TERRITOIRE. 1. ANDRÉ CORBOZ. Le territoire comme palimpseste.

17

2. GIANCARLO DE CARLO. Le territoire pour les conditions humaines.

21

3. MICHEL DESVIGNE. Le territoire comme intelligence de projet.

24

2. UNE VISION SENSIBLE DU TERRITOIRE. 1. CHRISTIAN NORBERG-SCHULZ. Le territoire pour un génie du lieu

29

2. PETER ZUMTHOR. Le territoire comme inspiration.

32

3. ALBERTO MAGNAGHI . Le territoire pour un projet social

36


P A R T I E Des

projets

et

des

2

interventions.

1. MICHEL DESVIGNE : UN PAYSAGE DE TRACE. 1. UN TERRITOIRE GEOGRAPHIQUE. La plaine du Var.

43

2. UN TERRITOIRE DE VILLE. Issoudun.

49

3. UN PARC. Walker Art Center.

57

2. PETER ZUMTHOR : UNE ARCHITECTURE SENSIBLE. 1. ARCHITECTURE DU SITE. Les thermes de Vals. 2. ARCHITECTURE SYMBOLE. La chapelle St Benedicte 3. ARCHITECTURE DE MEMOIRE. Le mémorial pour les victimes des procès pour sorcellerie.

C O N C L U S I O N

B I B L I O G R A P H I E

69 77 83

3 4



I N T R O D U C T I O N L’Homme : qui habite

l’individu le lieu.

0



1

BERQUE, Augustin, « Trouver place humaine dans le cosmos », Echo Geo ; URL : http://echogeo. revues.#tocto1n2 2

3

idid.

BERQUE, Augustin, « L’existence humaine et sa plénitude », Echo Geo, URL : http://www. peripheries.net/ article185.html

L’homme a toujours eu besoin de créer un cosmos, c’est-à-dire son propre monde rassurant et clos qui a un ordre harmonieux et où il occupe une place essentielle. Le cosmos s’oppose au chaos. En effet, face à l’inconnu et aux étendues des territoires, l’humain s’est regroupé et a constitué un système organisé. A toute échelle, ce système était en correspondance avec son contexte, de ce fait chaque personne y trouvait sa place. L’interaction entre l’homme, son système et le contexte forme le milieu. Mais la modernité a enclenché un processus de décosmisation : l’individu a pris du recul sur son milieu, les interactions ont donc disparu, et chacune des entités ont évolué indépendamment les unes des autres. Ceci a eu pour conséquence un effacement de la conscience du « fondement terrestre de l’existence humaine ».1 « Nous avons donc perdu notre place dans l’ordre général des choses » 2. L’acosmie (en opposition au cosmos) aboutit à l’inauthentique de par une tendance au contrôle sur les choses. Même la nature est concernée : elle est l’objet de consommation ou de transformation paysagère. Mais il ne s’agit pas ici de protéger l’authentique et de refuser le progrès : « Je ne pars pas du tout en guerre contre la technique : en effet, mon propos repose très largement sur l’idée que la dimension technique est constitutive de l’être humain. Cela, je l’adopte totalement. Mais ce qu’il ne faut pas, c’est que les systèmes techniques se développent selon leur propre logique, au point de détruire et de dominer totalement le reste, et notamment la dimension symbolique des choses » 3. Augustin Berque s’appuie sur Joel Bonnemaison et Radkowski. Joel Bonnemaison avait élaboré, au contact du peuple de Tanna, la notion « d’homme-lieu » qui désigne les hommes dont les racines plongent droit dans la terre, qu’il oppose à « l’homme ottant » qui est installé dans l’errance physique et spirituelle.


Radkowski « développe l’idée que les « nomades » modernes sont ceux qui cherchent une « prise » au lieu d’être, comme leurs prédécesseurs « sédentaires », sur le « chemin » d’un véritable « lieu »» 4 .Nous voyons donc ici la forte relation qu’il y a entre le lieu et l’homme : l’homme qui est perdu de manière générale est un homme qui ne s’identie pas à un lieu. En effet, la plupart des auteurs que j’ai lue, remarquent comme il est devenu commun de critiquer les sociétés développées qui traversent actuellement une crise générale : économique, politique, culturelle, environnementale et autre. Ils mettent en cause nos modes de vie, nos logiques et nos valeurs qui se sont mis en place progressivement avec le modernisme. En parallèle, il y a aussi un constat de perte des lieux. Or, comme nous le rappelle Christian Norberg-Schulz dans Genius loci, le lieu a une importance : « le but de l’architecture est d’aider l’homme à habiter »10 et « nous avons remarqué que l’on y arrive grâce à des édices qui rassemblent les propriétés du lieu »11. Donc, les deux constats qui viennent d’être exposés seraient indirectement reliés. En architecture, même Rem Koolhaas, architecte de constructions extraordinaires, symboliques et universelles remarque : « L’architecture actuelle s’attache au contenant -le bâtiment- pas au contenu». 12 En effet, certains concepteurs proposent aujourd’hui des espaces et non des lieux. Heidegger explique la différence entre ces deux notions en disant que « les espaces reçoivent leur être des lieux et non de l’espace »13 « le lieu est un espace doté d’un caractère qui le distingue ».14 Il est vrai que nous pouvons remarquer la multiplications d’architectures basée sur un vide résiduel et portant leur propre identité articielle. Ces architectures sont en coupure avec l’existant et l’identité du lieu, elles ne se préoccupent que de produire de l’espace à la chaine et n’intègrent ni ne considèrent le lieu. De par son manque de caractère spécique, le projet peut être attribué et implanté n’importe où dans le monde.

4

op.cit. BERQUE, Augustin, « Trouver place humaine dans le cosmos », Echo Geo ; URL : http://echogeo. revues.#tocto1n2 10

NORBERG-SCHULZ, Christian, Genuis Loci, Paysage, Ambiance, Architecture., «Edition Mardaga», première édition 1981, p.23 l.19 11

id. p.23 l.30

12

MONTESQUIEU (DE), Jean-Louis ; Entretien Rem Koolhaas : l’architecture tourne le dos à la ville. «Books» , n°39, janv. 2013, URL : http:// apua.urbanistes. fr/wp-content/ uploads/EntretienRem-Koolhaas.pdf 13

HEIDEGGER, Essais et nférences, «Bâtir, Habiter, penser», Gallimard, 1958, p183,

14

NORBERG-SCHULZ, Christian, Genuis Loci, Paysage, Ambiance, Architecture., «Edition Mardaga», première édition 1981 p.5 l.43-45


Ce non-lieu s’étend, porte un vocabulaire universel, tend à l’extraordinaire en soi, indépendemment du site. La critique de cette logique de production n’est pas une bataille d’idéologie entre professionnels du bâtiment qui opposerait les adeptes d’une architecture comme totale œuvre d’art ayant pour seule logique le goût personnel du concepteur et les adeptes du non-interventionnisme ou du total vernaculaire visant à préserver l’authenticité du territoire. Cette critique cherche à prévenir des problèmes dont est à l’origine la perte du respect des lieux. Tout d’abord, comme nous l’avons déjà remarqué, les projets eux-mêmes subissent une rationalité interne : le projet est son propre référent, c’est-à-dire que l’objet fonctionne en lui-même mais une fois confronté à son contexte, il est en décalage. La conséquence est le sentiment de non appropriation, de manque de marque, d’être étranger, de ne pas habiter. Nous constatons donc une perte des considérations environnementales, culturelles et identitaires du lieu, réduisant le territoire à être un support d’objets architecturaux ou urbains systématiques, schématiques, répétitifs et combinatoires. L’étalement urbain, le pavillonnaire et les mégalopoles sont les symptômes de ce délaissé de considération. L’autre conséquence est que la culture et l’histoire sont rationalisées et deviennent une science qui permettrait de répondre à des problèmes. C’est ainsi qu’elles sont conservées et se retrouvent dans le processus de muséication alors qu’elles devraient connaitre des modications par les nouvelles générations. Comment la logique du territoire permettrait de retrouver certaines considérations essentielles pour que l’Homme « habite» et donc comment elle permettrait de concevoir des lieux? Les problèmes de la perte des lieux que nous venons d’exposer sont aussi certaine conséquence du processus de déterritorialisation.


La territorialisation est l’ensemble de processus, dispositifs et procédures engagées permettant de faire advenir le territoire, le faire exister, de le maintenir et parfois de le faire devenir opératoire. Cette notion propose une réintégration de la logique du territoire dans nos pensées et consiste à y retrouver un ancrage au territoire. Elle permet de valoriser la culture locale contre la culture internationale, trop articielle et commune. Elle inclut également l’importance de la considération du site et du lieu, de l’habitat en adéquation avec son environnement et les humains. Ceci fait inévitablement référence aux considérations écologistes, puisqu’elle donne pour objet les relations équilibrées entre êtres vivants, habitats et environnement. «Quand elle s’adresse exclusivement à l’homme, (L’architecture) est considérée dans sa valeur la plus haute comme une œuvre… Mais quand l’architecture concerne l’homme dans et avec son environnement, elle peut s’estimer à partir des valeurs de services et d’usages qu’elle rend au fonctionnement global de la biosphère. » 15 Nous voyons bien d’ailleurs, que l’appel au retour d’une reexion autour du territoire ne se situe donc pas seulement en géographie ou en architecture, mais dans bien d’autres thèmes, notamment dans ce mouvement de pensée important qui s’évertue à redonner l’environnement au sens large comme réference à l’humain et qui a tout de même enclencher non sans difculté, certaines modications radicales de nos logiques et de nos comportements. Grégoire Bignier explique cette relation : « L’un des enjeux du développement durable consiste à porter un regard démultiplié sur le territoire. Ce dernier n’est pas un simple support d’un réseau d’une trame humaine ; il est avant tout une entité réelle où coexistent les hommes, la faune, la ore, les éléments naturels, etc. Il est également l’ensemble de relations tissées entre ces composantes. » L’auteur constate que « l’arrivée de nouvelles technologies ont révolutionné la

15

BIGNIER, Grégoire, Architecture et écologie, «Eyrolles», Paris, 2012. , p.100 l.57-60 16

id. p.99 l.72


conception des bâtiments. Il est ainsi progressivement devenu possible de s’abstraire totalement du contexte »17. C’est pour cela qu’il propose aux concepteurs de «penser désormais comme un moyen d’action global et positif, et non plus comme une création isolée. Il importe, dans cette perspective, que les architectes se posent à nouveau la question de leur rapport au monde et à l’avenir, complètement et renouvellent le plus largement possible leur culture générale –scientique, technique, historique, économique, philosophique, etc..- et défrichent un nouveau champ théorique, préalable ou concomitant à de nouvelles propositions architecturales et urbaines. »18 Il considère que c’est une opportunité pour les architectes de s’inspirer de la nature, pour créer des bâtiments qui viendraient s’intégrer au fonctionnement naturel et à l’échelle d‘un territoire. Territoire qui possède une situation singulière qu’il convient d’identier, préalablement à toute proposition. Ainsi les réponses sont multiples et uniques aux lieux. Il n’existe pas une seule solution mais des solutions spéciques aux lieux : « il n’existe pas une écologie mais des écologies.» Il dénit le territoire : « Ce n’est pas le terrain de jeux de l’Homme, mais une terre à partager […].»19 L’exposé suivant va développer deux visions du territoire. La première sera celle qui considère le territoire comme une multitude de données. Nous nous baserons sur les écrits d’André Corboz, Giancarlo De Carlo et Michel Desvigne. La deuxième vision du territoire est beaucoup plus sensible. Nous nous appuierons sur les textes de Peter Zumthor, Christian NorbergSchulz et Alberto Magnaghi. Les analyses de pojet mettront en question les réalisations de Michel Desvigne et de Peter Zumthor dans leur réexion et dans leur capacité de créer des lieux. 17

id. p.10 l.15

18

id. p.13 l.23

19

id. p.100 l.1



P A R T I E

1

Des pensĂŠes et des mĂŠthodes de travail.



1.UNE VISION DÉMULTIPLIÉE DU TERRITOIRE. 1.1 ANDRE CORBOZ. LE TERRITOIRE COMME PALIMPSESTE. Andre Corboz est un historien de l’architecture et de l’urbanisme qui a développé une certaine pensée du territoire.

20

CORBOZ, André, Le territoire comme palimpsetse et autres essais, «L’imprimerie», 2001, p.211, l.8 21

id. p.212, l.27

a-Des constats d’universalisation pour une pensée sur le territoire. Pour faire comprendre sa pensée, il explique tout d’abord que pour lui la ville est une entité articielle avec ses propres codes, où différentes logiques s’imbriquent. Il nira par qualier la ville « d’hyperville » et l’opposera à la campagne : « la ville grossit, s’enèvre, invente, fomente, réalise, planie, transforme, produit, échange, éclate et se répand, tandis que les rythmes paysans, avec leur coutumes et leurs méthodes, persistent dans l’apparente permanence de la longue durée […]. »20. Pour lui, les réseaux routiers, ferroviaires et certains équipements pour le tourisme estival, s’inscrivent dans des logiques et des activités uniquement citadines. Ces interventions sont faites pour rendre les continents plus accessibles et praticables à « l’homme des villes »21 et seraient alors en inadéquation avec la logique du lieu où ils s’implantent, ayant ainsi pour conséquence la déguration du territoire, son asservissement à un besoin non-local et donc à la dénition même du processus de déterritorialisation. Il apparait alors important de garder pour chaque lieu son identité et de ne pas le lisser pour le bon fonctionnement d’un modèle qui viendrait d’une entité articielle. Ceci veut alors dire qu’il faut avoir un autre référent que le fonctionnement de la ville dans nos logiques d’intervention. Il s’agirait de rajouter une échelle intermédiaire: le projet doit être regardé par le prisme du territoire. Ceci dirigera notre regard sur les phénomènes de mutation que le projet va engendrer sur le territoire et permettre ainsi d’avoir une logique d’intervention qui est plus en adéquation au niveau local.


« Une telle attention à l’égard d’un ordre de phénomènes plus généraux -la mutation du terroir en territoire, en quelques sortepourrait permettre d’éliminer un problème né de l’essor urbain industriel : l’antagonisme ville-campagne. Eliminer et non résoudre.»22 b-Une vision particulière du territoire: le palimpseste. Apres avoir expliciter l’importance de la prise en compte du territoire, André Corboz nous fait remarquer qu’il existe deux manières de le considérer : celle qui consiste à percevoir le territoire comme un grand ensemble doté de propriétés spéciques, et une autre vision qui la voit comme « une sorte de panacée »23. Celle qui est actuellement privilégiée est la deuxième alors que la première est la vision qui serait la plus juste. Il se justie : « Le territoire n’est pas une donnée : il résulte de divers processus. D’une part, il se modie spontanément : l’avancée ou le recul des forets et des glaciers, l’extension ou l’assèchement des marécages, le comblement des lacs et la formation des deltas […]. De l’autre il subit les interventions humaines : irrigation, route, pont, digue, défrichement, reboisement, amélioration des terres, et les cartes les plus quotidiennes de l’agriculture font le territoire un espace sans cesse remodelé. » 24. La carte est témoin du regard démultiplié que l’on peut porter : au niveau géographique (la topographie, les réseaux uviaux, les forêts, type de sol) les établissements humains (constructions et leur types, le cadastre, les réseaux routiers), elle peut aussi situer des évènements quotidiens ou historiques ou encore témoigner d’un paysage. Mais elle est tout de même non exhaustive: « Car le territoire contient beaucoup plus que la carte ne veut bien le montrer, tandis que la carte reste malgré tout ce qu’elle est : une abstraction. Il lui manque ce qui par excellence caractérise le territoire: son étendue, son épaisseur et sa perpétuelle métamorphose. »25. En effet, par exemple les phénomènes de géologie, la ore, la faune, le climat et les populations sont des données importantes des territoires mais qui existent en partie par leur mise en mouvement. 22

c-Une manière de travailler avec le territoire. Il nous montre que pour réaliser un projet sur le territoire, ce regard

id. p.210, l.10-15

23

id. p.209 l.19

24

id. p.213, l.1-11

25

id. p.220 l.2


démultiplié est donc important. Tout un processus est impliqué : on doit tout d’abord comprendre cette épaisseur de données présentes, puis il faut être capable de les voir et enn il faut savoir sélectionner les plus importantes an de les déchiffrer et les intégrer au projet architectural. André Corboz illustre sa théorie : lors d’un exercice, il en a sorti une lecture du territoire réorientée qui se basait en particulier sur les alluvions sur lesquelles s’étaient établis les humains. Cette formation des sols est une trace encore présente de processus territoriaux disparus, qui est pourtant la base d’intervention. L’analyse du territoire a donc fait sortir une logique d’implantation qui n’existe pas ailleurs, explicitant ainsi l’importance du territoire et l’importance de voir ses traces. André Corboz met en garde et précise que ces traces relevées sont à réutiliser, réinterpréter et non pas à conserver en l’état. « Une prise en compte si attentive des traces et des mutations ne signie à leur égard aucune attitude fétichiste. Il n’est pas question de les entourer d’un mur pour leur conférer une dignité hors propos, mais seulement de les utiliser comme des éléments, des points d’appui, des accents, des stimulants de notre propre planication. »26 « Les comprendre (les traces), c’est leur donner la chance d’une intervention plus intelligente. »27. Cette réexion met en résonnance avec un autre processus, la muséication qui protège les traces. Cette préservation ge les espaces, les empêchent d’évoluer, de vivre et leur fait perdre leurs statuts de lieux.

26

id. p.210, l.10-15 27

id. p.209 l.19

Il remarque que ce territoire commence à entrer dans les processus de reexion « Certain planicateur commencent eux aussi à se soucier de ces traces pour fonder leurs interventions. Après deux siècles pendant lesquels la gestion du territoire n’a guère connu d’autre recette que la tabula rasa, une conception de l’aménagement s’est donc esquissé, qui le considère non plus comme un champ opératoire quasi abstrait, mais comme le résultat d’une très longue et très lente stratication qu’il importe


de connaitre pour intervenir. »28. « Cette carte projetée dans l’avenir est devenue indispensable pour maitriser les phénomènes complexes de l’aménagement à grande échelle, mais elle acquiert le caractère vertigineux des épures : en décollant sciemment du réel, elle a le simulacre pour limite, qui sanctionnera sa vanité. » 29. Cette vision du territoire démultiplié et composé de traces que nous venons d’exposer, André Corboz le résumera par la notion de « territoire palimpseste ». Pour lui le lieu est le point focal des traces, des données, des évènements, des phénomènes et les interventions naturelles ou non. « Un « lieu » n’est pas une donnée, mais le résultat d’une condensation. » 30. « Le territoire tout surchargé qu’il est de traces et de lectures passées en forces, ressemble plutôt à un palimpseste. Pour mettre en place de nouveaux équipements, pour exploiter plus rationnellement certaines terres, il est souvent indispensable d’en modier la substance de façon irréversible. Mais le territoire n’est pas un emballage perdu ni un produit de consommation qui se remplace. Chacun est unique, d’où la nécessité de « recycler », de gratter une fois encore (mais si possible avec le plus grand soin) le vieux texte que les hommes ont inscrit sur l’irremplaçable matériau des sols, an d’en déposer un nouveau, qui réponde aux nécessités d’aujourd’hui avant d’être abrogé à son tour. Certaines régions, traités trop brutalement et de façon impropre, présentent aussi des trous, comme un parchemin trop raturé : dans le langage du territoire, ces trous se nomment déserts. » 31.

28

ib. p.227 l.20-26

29

id. p.221, l.25

30

id. p.228, l.8

31

id. p.228, l.25-30


1.2 GIANCARLO DE CARLO LE TERRITOIRE POUR LES CONDITIONS HUMAINES. Giancarlo De Carlo, architecte moderne Italien a aussi pensé cette notion de traces et de palimpseste. a-L’importance du contexte. Il a travaillé sur la relation entre projet et le contexte. Le dé était de prouver qu’il est possible d’intégrer un langage architectural contemporain avec les traditions et la culture d’un lieu, sans tomber dans l’imitation ou le pastiche. Il a aussi beaucoup travaillé sur la participation des citoyens dans les décisions concernant le plan et projet, comme un enrichissement de la conception et la redénition du rôle de l’architecte. Sa reexion est marqué par une préoccupation sociale car il cherchait à réaliser une «architecture contemporaine (qui) se soucie des gens ordinaires qui sont extrêmement différents les uns des autres et ont besoin de logements, d’écoles, d’édices publics, de routes, de places, et de quartiers qui soient diversiés en fonction de leur contexte et des circonstances. »32 . Il ne cherchait pas à créer des objets mais plutôt de transformer l’environnement pour améliorer la condition humaine. Pour cela il lui parait nécessaire de travailler avec la donnée territoire pour laquelle il porte un fort intérêt: « J’estime, dans la mesure où le monde risque de tomber encore plus profondément dans une crise des valeurs, que la seule référence viable qui demeure est l’ancrage de l’espace physique dans le territoire .»33. 32

MCKEAN, John, Giancarlo De Carlo. Des lieux, des Hommes, «Editions Axel Manges et centre Pompidou», 2004, p.20, l.78

33

id. p.56, l.8-18

Il lui semble nécessaire d’intégrer un projet dans la continuité de la logique en place sur le territoire : « le rôle de celui qui conçoit est de s’engager dans un tissu préexistant et de le modeler, que ce soit à grande ou à petite échelle, du bâtiment, ville ou territoire, sans que soient pris en compte quelques frontières que ce soit. Il s’agit plutôt de la perception d’un environnement en tant que matrice, système actif qui doit se nourrir de l’intervention de


celui qui conçoit, lui-même instruit par sa lecture approfondie du site. » 34 b-La nécessaire lecture des traces. Pour l’intégration du projet dans le territoire, il est nécessaire de travailler avec les traces. Il nous rappelle les enjeux : « Pour qui est capable d’interpréter le sens de ce qui est tracé, les transformations de la société déposent des signes manifestes, extrêmement particuliers dans l’espace physique. […] vous êtes en mesure de comprendre comment, à travers les siècles, elles ont revêtu des caractéristiques communes et ont participé aux évènements qui en sont venus à constituer notre histoire. […] Cela lui permet en effet d’avoir une base pour une conception argumentée mais aussi de capter l’attention de ceux qui veulent participer au projet » 35. « Les souvenirs recelés dans les lieux nous sont révélés pour que nos actions puissent les modier en fonction de notre avenir. » 36. Il explique le rôle des traces comme témoins d’activités ou de phénomènes disparus ; les traces inscrites « dans l’espace du passé, et que l’on peut lire au présent, nous rapellent qu’elles seront toujours là, à l’avenir. » 37. Et insiste : «il est des évènements qui, bien qu’ils n’apparaissent pas dans les archives, sont pourtant inscrits dans les formes architecturales et témoignent de dépôts d’alluvions au cours des siècles. »38 « C’est dans le territoire que l’humain peut trouver des traces du passé et des signes du futur, les indices de ses succès et de ses échecs, les causes de ses aspirations, tous les paramètres qui permettent de comprendre d’où il vient et quel objectif il peut se xer pour l’avenir. » 39 c-Une méthode de travail par la lecture du site. Ce travail avec les traces nécessite une méthodologie qu’il présente : «On commence par faire une lecture du site, en élargissant l’horizon autant que cela peut se faire, tout en s’efforçant d’appréhender son caractère spécique. Si l’on

34

id. p.56, l.72-75

35

ib. p.57

36

id. p.57

37

id. p.56

38

id. p.56

39

id. p.56


est en mesure de lire en profondeur le palimpseste du territoire, on peut tout découvrir, tout comprendre : les modications dues au temps, géologie comme géographie, l’histoire sociale et culturelle, la signication et les rôles des organisations des systèmes, et les strates architectoniques. Mais, pour être capable de lire, il faut apprendre à regarder en profondeur ce palimpseste, à opérer une sélection, à jeter un œil critique pour découvrir les signes déterminants pour le travail de conception. En fait, il s’agit de lire en même temps que l’on conçoit et vice-et-versa, dans une dialectique permanente. On interroge le site à partir d’une chaine d’hypothèses destinées à révéler la substance du lieu, et proposer des processus de sa transformation ; cette analyse, parallèlement, laissera le site parler de lui-même, pour révéler sa capacité à endurer des transformations, indiquer en quoi on peut le modier pour obtenir les structures et les formes qui peuvent aujourd’hui lui convenir. » 40. A tout cela il rajoutait la notion de tradition authentique. Dans ceci il entendait : « éloquent, évocateur, en accord avec le climat, la nature du matériau, le terrain, les techniques locales, les us et coutumes, l’imagination et les espoirs des habitants.» (id.p18) En d’autres termes, c’est la compréhension des traces et de tout ce qui compose le local et le lieu. Car appréhender l’essence des lieux, leur origine, leur évolution permet la création d’œuvres contemporaines qui sont valables.

40

ib. p.57


1.3 MICHEL DESVIGNE. LE TERRITOIRE COMME INTELLIGENCE DE PROJET. Michel Desvigne est un paysagiste qui travaille à l’échelle du territoire, de la ville jusqu’à celle du bâtiment. Il a développé une logique, des principes, des outils et des mécanismes de conceptions qui lui sont propres. Il cherche à faire des projets assez simples avec peu d’interventions et s’inscrivant dans la lignée de la logique en place sur le terrain. Il a tout un discours et une vision sur des problématiques qui lui sont chères : le territoire, la géographie, la culture, et la gestion du développement du futur. Il travaille beaucoup avec les notions de temps longs, de paysage zéro, des traces. a-Une réexion spécique par la grande échelle. Pour faire son premier constat, Desvigne cite Adolf Loos : «Avec l’architecte, l’art de bâtir a été rabaissé au rang d’art graphique. Ce n’est plus le meilleur bâtisseur qui remporte le plus grand nombre de contrats, mais celui dont les travaux font le meilleur effet sur le papier. » 41. En effet, c’est pour cela qu’il assume sa position de ne pas se soucier de l’esthétique de ses projets. D’une part parce que cela ne l’intéresse pas et d’autre part, parce que les budgets qui lui sont attribués ne lui permettent pas d’utiliser des artices. Cela ne fait que de donner plus de profondeur à son discours. L’un de ses objectifs est d’arrêter « la culture internationale » en faveur d’ « une culture territoriale ». En cela, il questionne la pertinence des projets aux images « séductrices », « stéréotypée», qui produisent des « modèles photogéniques». C’est ainsi qu’il justie pourquoi il n’utilise pas « d’objet mais des matériaux, ne crée pas de luxe et ne fait pas de mise en œuvre spectaculaire». Il assume cette pauvreté et cette «rusticité » car ceci lui permet » d’innover dans la technique, et rendre l’espace visible «sans oriture. ».

41

TIBERGHIEN Gilles A., CORNER James, DESVIGNES Michel, Natures intermédiaires : Les paysages de Michel Desvignes, «Birkhauser» édition, Berlin, 2009, p10-11 l50-55)


43 44

id p.18, l.5

id. p.9, l.10-13 45

id. l2 p10 46

50

Pour lui, le paysage doit être une « infrastructure active pouvant donner de nouvelles formes de réaménagement et de mode de vie. » 43 pour s’adapter aux évolutions économiques, sociales et autres. Il appel à se « libéré des contraintes rigides d’une géométrie parfaite » et penser à une « matrice plus souple accueillant plus facilement les modications de changements divers (culture, sociale…) »44 car il croit «qu’aucun paysage n’atteint son idéal à aucun moment, c’est un travail en continuel progression qui dépasse les attentes une fois amorcé comme palimpseste actif » 45. La solution an d’y arriver serait une reexion et une élaboration de projet par le temps long car elle permet de «Nourrir des environnements devenant plus complexes avec le temps »46, c’est-à-dire d’élaborer un projet qui a l’intelligence de ne pas naliser une intervention dans le lieu, donnant ainsi une opportunité de croissance, de transformation, d’adaptation, de souplesse sur le terrain et peut-être même de corrections. Ceci implique donc de livrer des interventions inachevées, mais Desvigne ne se soucie pas des « projet paysager crue et jeune. »47. Il croit au pouvoir d’évolution des différents résultats possibles que donnerait un paysage jeune avec des qualités et potentiels nouveaux. D’où la notion de paysage zéro : même à l’état le plus jeune, l’intervention est un paysage plus ou moins intéressant. Ces observations sont intéressantes dans les idées de temps long, de projet jeune et de matrices souple, même si ici, ces logiques sont développées pour le paysage, on pourrait le transposer pour tout travail sur un territoire : « Il faut imaginer des outils qui permettent d’intégrer cette notion de durée dans la manière de transformer des lieux » 48, « une transformation au cas par cas : jeu de successions d’états et la matière même du projet, fruit d’un travail pragmatique. » 49.

id.p7 l8

47

id. p.9, l.17

48

id .p.37 l.8

49

id .p37, l.9

id. L.20, p.7, l.1819

b-Une méthode de travail par les traces. Michel Desvigne aime travailler avec les notions de terroir et territoire : « c’est une approche sensible unique pour les


particularités du lieu, d’échelle et de nuances locales. » 50. Le territoire est pour lui un « révélateur paysager » qui donne la « pertinence contextuelle » 51. Il explique l’intérêt de rééchir à une autre échelle : « Des sites ayant perdu, leur tailles, leur situation ou leur valeur historique doivent se retourner à l’échelle géographique […] leur détermination tient de paysages plus larges. » 52. Il utilise le territoire pour réinterpréter des traces et s’en servir comme base pragmatique à l’élaboration du projet : « Une fois le terrain exploré et cerné, des thèmes spéciquement agricoles apparaissent : transformation du site, amélioration, plantation, culture et gestion dans le temps. » 53. Dans son travail avec le territoire, il tient à ne pas imiter la forme de la nature mais de travailler de manière à ce que «la dimension, la matière, la texture des propositions imaginés fassent apparaitre l’artice de manière explicite»54. Ce qu’il appelle artice est l’inspiration d’une trace qu’il a déformé en idée, une réinterprétation. Il utilise beaucoup le principe de détournement ou de substitution, c’est-à-dire qu’il garde soit l’emplacement d’un élément dont il change la nature, soit il en garde le matériau mais qu’il utilisera d’une manière différente. Michel Desvigne réalise des visites de site puis travaille en carte sur lesquelles il reporte les traces présentes : les trames végétales, les murs, les constructions, la campagne etc.. Ensuite il cherche à intégrer le projet dans ces traces. c-Les éléments du contexte comme base d’une intelligence de projet. Il remarque que les éléments qui créent les statuts, dénissent et rendent lisible le territoire, disparaissent de plus en plus : « il y a une perte des statuts et donc un sentiment de malaise et d’absurdité : c’est un mépris et un gaspillage général », « une perte des lieux. » 55 . Cela est parfois dû aux règles trop présentes et trop générales, mais Michel Desvigne appuie sur le fait qu’une production se doit d’être intelligente dans le sens qu’elle doit

51

id. p.17 l.28

52

id. p.17 l.26

53

id. p.17 l.24

54

id. p.18, l.21-22

55

id. p.19 l.11


être en adéquation avec son site même si cela doit passer par une remise en question des normes et des règles imposées : « dans le cadre d’une réexion menée en amont, il est possible de dépasser le découpage administratif dont le paysage quasi virtuel évoqué est le produit », « Les cohérences physiques proposées peuvent déterminer de nos décisions techniques et administratives nécessaire à la transformation du territoire. » 56 . Dans le territoire, il remarque des éléments constants qui sont à réinterpréter: « concevoir une structure pertinente tient de l’idée de permanence : circuler facilement, s’orienter, s’abriter du vent car ce sont des éléments pérennes qui ne sont pas voués à des changements. » « Mais dans ceux-ci peuvent se développer et s’imaginer différentes situations qui peuvent se succéder. » 57. Il insiste sur l’importance de « garder un lien avec son territoire que ce soit de la relation avec le sol, les euves, le relief…de manière permanente. » 58. Il pointe le besoin d’un travail à l’échelle du territoire : « La plupart des projets concernant le territoire à l’heure actuelle sont à l’évidence des projets de transformations. Nos villes existent, nos territoires sont occupés. Il s’agit de les densier, d’en changer l’affectation, de les embellir »59

56

id.p.19 l21-22

57

id.p.38 l. 8-12

58

id.p.39 l. 16 59

p37 l1-3



2/UNE VISION SENSIBLE DU TERRITOIRE. 2.1 CHRISTIAN NORBERG SCHULZ . LE TERRITOIRE COMME GÉNIE DU LIEU. Christian Norberg Schulz est architecte, historien et théoricien de l’architecture,

60

NORBERG-SCHULZ, Christian, Genuis Loci, Paysage, Ambiance, Architecture., «Edition Mardaga», première édition 1981. , p5 61 62

id.p.7

id. p.5,

63

id. p.5

a-Le lieu pour habiter. Il s’appuie sur une analyse de Heidegger rapprochant les mots «habiter» et «être» pour en déduire que : « L’homme habite lorsqu’il réussit à s’orienter dans un milieu et à s’identier à lui, ou tout simplement, lorsqu’il expérimente la signication d’un milieu. » 60. Il relève donc ici l’importance de dénir un milieu pour que l’homme s’y rattache. Il y a un lien évident entre le milieu et la notion de lieu : « L’habitation implique que les espaces où la vie se déroule soient des lieux au vrai sens du mot. »61. Il dénit le lieu comme « un espace doté d’un caractère qui le distingue. »62 . Donc le lieu est une condensation de différentes données du milieu et c’est en cela qu’il est identitaire et caractéristique. Le lieu est donc le lien entre le milieu et l’homme. L’architecture est donc directement impliquée dans la conception de lieu et elle est un «instrument capable de donner à l’homme une «prise existentielle» ». Le concept de lieu est donc à rapprocher à celui d’architecture : « Le lieu représente cette part de vérité qui appartient à l’architecture : il est la manifestation concrète du fait d’habiter propre à l’homme, et l’identité de l’homme dépend de l’appartenance aux lieux. » 63. Il nous fait remarquer l’importance en architecture de créer des lieux : « Faire de l’architecture signie visualiser le genius loci : le travail de l’architecte réside dans la création de lieux signiants qui aident l’homme à habiter. » et « le lieu fait entièrement partie de l’existence ». «L’architecture appartient à la poésie, son but est d’aider l’homme à habiter mais l’architecture est un art difcile ; faire des villes et des édices utilitaires n’est pas


sufsant. » « Nous avons remarqué que l’on y arrive grâce à des édices qui rassemblent les propriétés du lieu et les rapprochent de l’homme. L’acte de base de l’architecture est donc celui de comprendre la « vocation » du lieu. […] L’homme est une partie intégrante du milieu et le fait de l’oublier amène à la destruction et l’aliénation du milieu. Appartenir à un lieu signie avoir un point d’appui existentiel, dans un sens quotidien concret. » 64 . Et pour cela on doit poser un regard sur le lieu mais pas à l’échelle de l’architecture : « L’étude analytique de l’architecture oublie le caractère concret du milieu, ou plutôt elle oublie cette qualité qui est l’objet de l’identication de l’homme et qui est capable de transmettre le sens de la prise existentielle.» 65. Il est par ailleurs important d’analyser ces lieux de façon non scientique car cela risquerait d’être trop objectif, car « c’est ce qu’on laisse de côté, c’est la dimension de la vie quotidienne, qui doit au contraire constituer l’intérêt réel de l’homme en général et des architectes et des urbanistes en particulier. » 66. La phénoménologie serait la meilleure manière pour cette analyse non objective. Ce lieu est l’endroit où se passe des actions et des évènements, d’ailleurs « l’expérience quotidienne nous démontre que des actions différentes ont besoin de milieux différents pour pouvoir se dérouler de manière satisfaisante.».68. b-Des qualités dans les lieux. Il note que l’ambiance et les émotions font partie entière du lieu et que la donnée artistique n’est pas à négliger dans cette recherche de prise existentielle. Le lieu se compose de « substance matériel, forme, texture et couleur. Tout cet ensemble de choses dénit un « caractère d’ambiance » qui est l’essence du lieu. Le caractère « dépend donc de comment les choses sont faites et dénote aussi bien une atmosphère générale […] que la forme concrète et la substance des éléments qui dénissent l’espace » 69 . L’espace comprend alors « des lieux de caractère » qui peuvent être « protecteur », « efcace », «

64

id p.23

65

id. p.5

68

id. p.8

69

id. p.14


festoyant », « solennelle », pour un paysage il serait plus « naturel », « stérile », « menaçant » ou « accueillant ».

70 71

id. p5 id. p65

72 73 74

id.p14

id. p17

id.p18 75 id. p.17

c-Des considérations sensibles du contexte. « Il n’existe pas de types différents d’architecture, il existe uniquement des situations différentes qui, pour satisfaire aux exigences physiques et psychiques de l’homme, amènent des solutions différentes. » 70. Donc pour lui les interventions doivent être en adéquation avec le lieu. « Lorsqu’une ville nous fascine pour son caractère particulier, cela veut dire en général que la plus grande partie de ces édices entretient un rapport analogue avec la terre et avec le ciel : ou plutôt elle semble exprimer une forme de vie commune, des afnités de la manière d’être au monde ; un Genius loci naît de cela, ce qui permet l’identication humaine. » 71. Le lieu est dénit aussi par « la constitution matérielle et formelle du lieu. »72 l’ancrage aux sols, frontières, limites, relation au ciel etc… Il remarque que dans chacune de ces échelles, l’homme « reçoit le milieu et le focalise sur les édices et les choses »73 (id. p17) que ce soit de manière spontanée ou rigoureusement géométrique : on s’installe où le paysage semble se centralisé, on trace un chemin là où la nature semble s’ouvrir etc. L’homme « libère la signication immédiate » pour créer un « « objet culturel » » 74 et par cette action, l’intervention humaine révèle le paysage. Il y a aussi une fonction temporelle : due au changement des saisons, des heures du jour, de la météo : « tous ces facteurs déterminent avant tout une condition de lumière différente. » 75 Le lieu doit pouvoir se modier dans le temps long. On parle bien ici de relation avec l’environnement. Les éléments et les phénomènes cités sont paysagers ou naturels, et Christian Noberg Schulz nous suggère donc de travailler avec ces considérations et à une échelle bien plus grande que celle humaine.


32

1.2 PETER ZUMTHOR LE TERRITOIRE COMME INSPIRATION. Peter Zumthor, architecte, travaille avec une vision sensible du territoire et l’appelle paysage: « Je ressens le paysage comme mon territoire » 76 « Je ne le comprends pas comme un moyen de production j’en fais avant tout une expérience sensorielle et esthétique. » 77. a-Le paysage comme territoire sensible. Pour lui le paysage c’est le ciel, les odeurs, l’atmosphère lumineuse, les couleurs, les formes, la nature : «Les choses, les gens, la qualité de l’air, la lumière, les bruits, les sons et les couleurs. Les présences matérielles, les textures, les formes aussi. Des formes que je peux comprendre, que je peux essayer de lire. Des formes que je trouve belles. »78. Il explique l’intérêt d’une vision sensible : « Concevoir un projet, c’est en grande partie comprendre et ordonner. Mais, je pense que c’est l’émotion et l’inspiration qui donnent naissance à la substance fondatrice propre de l’architecture. »79. Pour lui, « le processus de travail repose sur une interaction constante entre le sentiment et la raison. » 80. Dans sa méthode de travail il donne en tout premier lieu une importance à l’expérience sensorielle : « il faut s’efforcer de toujours ressentir la mesure du paysage. Par l’expérience intérieure et non pas des considérations théoriques. » 81.Ainsi donc, dans son processus de conception, il applique à chaque fois la même méthode : « regarder attentivement, accorder de l’amour, prendre soin, trouver la mesure juste, imaginer inlassablement la construction placée dans le paysage et « voir » s’il l’accepte » 82. b-L’observation et la réinterprétations de l’existant. Il compare la ville et le paysage en comparant ses sensations dans les deux. Dans la ville qui est pour lui en relation avec l’icibas et l’Humain, il se sent « er, curieux, tendu, agacé, intimidé

76

ZUMTHOR Peter, Penser l’architecture, «Birkhauser», 11/2010. p.95 l.20

77

id.p96 l20

78

id. p.84 l.12

79

id. p.21 l.11

80

id. p.21 l.8

81

id.p.98 l.26-30

82

id. p.98 l.23-26


83

id. p96, l4

84

id.p.96 l.5

85

id.p.27 l.4.

86

id.p.19 l.11 87

88

id. p.42

id.p.23 l.29

» 83 alors que dans le paysage, il trouve « liberté et calme ». 84. Peter Zumthor pense que le mitage du territoire est dû à une absence de considération du paysage et que les constructions manquent de qualités de par l’inexistence de relation avec le lieu : « Au sein d’une société qui célèbre l’inessentiel, elle peut opposer une résistance dans son domaine, aller à l’encontre de l’usure des formes et des signications et parler son langage propre. » 85. Il en conclut que Les bâtiments devraient retirer toute la force du lieu et donc n’auraient besoin d’aucun adjuvant artistique. « Un bâtiment peut posséder des qualités artistiques quand ses divers contenus et formes se conjuguent pour créer une atmosphère apte à nous émouvoir. Cet art n’a rien à voir avec la recherche d’originalité ou de formes intéressantes. Il s’agit de discernement, de compréhension et surtout de vérité. Peut-être la poésie est-elle la vérité inattendue. Son apparition requiert le silence. L’architecture a pour tâche artistique de donner forme à cette attente silencieuse. Car l’objet construit n’est jamais poétique par lui-même. » 86 . Mais Zumthor met en garde, il ne suft pas de copier l’existant mais de travailler avec : « Si un projet ne fait que puiser dans l’existant et dans le répertoire de la tradition, s’il répète ce que l’endroit lui xe d’avance, il manque l’ancrage sensoriel dans le lieu, le poids spécique de ce qu’il est local. » 87. « Il n’y a pas un nombre illimité de réponses que je peux formuler en tant qu’architecte. L’époque de rupture qui est la nôtre n’autorise pas de grands gestes. Nous ne partageons encore que peu de valeurs communes sur lesquelles nous puissions bâtir. » 88. Toutes les prises de décisions se font par rapport à l’existant et donc par la compréhension et la vision propre du lieu. « Car pour pouvoir se faire sa place, l’objet nouveau doit d’abord nous inciter à porter un regard nouveau sur ce qui est déjà là. On lance une pierre dans l’eau. Un tourbillon de sable s’élève puis s’apaise de nouveau. L’agitation a été nécessaire.


La pierre a trouvé sa place. Mais l’étang n’est plus le même qu’auparavant. » 89. c-Ses propres considérations sensibles du contexte. Tout d’abord, Zumthor a des considérations constructives par rapport au site sur lequel il travaille « Quand je construis dans le paysage, je tiens à ce que les matériaux de construction s’accordent avec la substance historique. La matérialité du bâti doit se combiner avec la matérialité du lieu. J’éprouve une grande sensibilité pour le rapport entre lieu, le matériau, la construction. » 90 « Mais ce n’est pas facile. Il faut travailler. Et avoir du talent. Puis encore travailler. » 91. Il prend exemple, et illustre : « La présence de certaines constructions a pour moi quelque chose de mystérieux. Elles semblent simplement être là. On ne leur accorde aucune attention particulière. Et pourtant il est impossible de s’imaginer l’endroit où elles sont sans elles. Elles paraissent fermement ancrées dans le sol. Elles ont l’air de faire naturellement partie de leur environnement et de dire : « je suis telle que tu me vois et ma place est ici. » La possibilité de concevoir des bâtiments qui pourront avec le temps faire ainsi corps avec la forme et avec l’histoire d’un lieu me passionne. » 92. Plusieurs thèmes se réunissent obligatoirement dans le projet architectural et doivent être pensé dans leur relation et leur importance « Au centre, l’œuvre doit être entourée d’un système rayonnant de manière à ce que nous puissions la regarder simultanément de différents points de vue : historique, esthétique, fonctionnel, ordinaire et quotidien, personnel, passionné. » 93 . Les traces qui déterminent le travail qu’il faudra effectuer sur ces thèmes. L’histoire comprend aussi celle des gens qui ont toujours habité et travaillé leur paysage. Il considère aussi la topographie, qui détermine la relation à la terre : « Quand je dessine un bâtiment il est pour moi très important de prendre soin de cette surface.

89

id. p.17 l.20

90

id. p.95 l.11-13

91

id. p.85 l.16

92

id. p.17, l.9

93

id. p.18 l.8

94

id.p.99 l8-10


Même lorsqu’il faut modier le prol du terrain, cela doit donner l’impression d’avoir toujours été ainsi » 94. Il applique à ses architectures un vocabulaire simple qu’il explique : « J’aime la forme claire, nette. J’ai maintes fois constaté que les architectures vagues et imprécises ne s’intègrent pas dans le paysage.»95 . Il dit s’inspirer des bâtiments qui « se dressent comme des sculptures dans le paysage donnant l’impression d’en sortir » 96 se qui leur donne une image marquante et puissante. Pour cela quand il compose dans un paysage, il essaye de réaliser des gestes clairs et simples qui aient l’air naturels et compréhensibles par tout le monde. « il est possible de créer une forme architecturale forte, qui placée dans le bon endroit, avec le bon contenu, s’accorde avec le paysage. » 97 « L’objet que nous percevons ne cherche pas à s’imposer par un message, il est simplement là. » 98.

95 96

id. p99 l.20

id. p.100 l.3-5

97

id. p.100 l.20

98

id. p.16 l.21


1.3 ALBERTO MAGNAGHI . LE TERRITOIRE POUR UN PROJET SOCIAL. Magnaghi sur ce travail de territoire, proposera un projet de tout autre nature. Il serait plus politique et proposerait une autre société orientée sur ce thème. Pour Magnaghi, le territoire est une œuvre d’art, un mélange entre Homme et nature. Le projet local est toute sa pensée et sa théorie sur une nouvelle société mieux tournée vers son territoire. a- Des constats comme base d’une nouvelle logique. Pour lui, notre société « articialise » le territoire, l’oubli et le voit comme un grand plateau sur lequel on « lui greffe des éléments techniques et des objets » 99. Il accuse la métropole qui serait à l’origine de cette dégradation : « elle consomme les ressources humaines et naturelles du territoire ». Il déconstruit ce modèle de développement de ville qui s’étend partout et qui est « de plus en plus dur à exporter, insoutenable et catastrophique sur le plan écologique »100 de par : « l’occupation exorbitante des sols, la consommation dévorante d’énergie, la concentration d’agents polluants, la disparition des ressources renouvelables, la reproduction élargie de la pauvreté, qui caractérisent les grandes zones métropolitaines » et « se révèlent de plus en plus clairement comme les principales causes concomitantes de la crise écologique locale et planétaire » 101. Pour lui la métropole perd ses frontières, s’étend sur toute la surface du monde, elle est la négation de la ville, un non-lieu avec sa propre identité articielle. Elle est indépendante du territoire, qui la hiérarchise, l’appauvrit et l’oblige à tenir des objectifs. Les conséquences sont pour lui, des villes et des lieux sociaux réduits à des fonctions circulatoires, la place public est marginalisée et se retrouve dans les hypermarchés, les musées, le stationnement etc. Il y a une perte de la notion d’espace urbain, ayant pour conséquence la dissolution de la société. Il observe d’ailleurs une « uniformisation des modes de vie » et une « interdépendance économique

99

MAGNAGHI, Alberto, Le projet local , «Editions Mardaga», Liège, 2003, p.7 l.22

100

id. p.13 l.16-17

101

id. p 13 l.18-24


généralisée ». Il remarque une perte de relation avec le lieu et une perte des considérations environnementales, culturelles et identitaires. b-La territorialisation comme solution. La territorialité permettrait de penser le territoire dans la longue durée, et aurait pour objectif de tenir compte de son identité culturelle et historique de manière plus objective, de ne pas muséier le territoire, mais de se servir de son « génotype » pour « reconquérir les règles de sagesse environnementale qui ont créé des relations positives entre établissement humain et milieu, dans la perspective de projet de transformation. ». Elle permettrait aussi de penser son évolution autrement que de manière linéaire. « Les permanences, les invariants structurels, les caractéristiques paysagères dénissent l’identité du lieu qui doit subir des cycles de territorialisation : actualisé les générations passées, avoirs des formes et des structures différentes à la faveur d’une symbiose entre les éléments Homme et Nature . » 102 .

102

id. p.38 l5-8

103

id. p.28 l.1-3

104

id. p27 l33.35

Son souci est donc de retrouver la relation fertile entre Homme et son milieu, en utilisant la force et l’identité du local, du territoire. C’est à partir de là que le développement local est revisité comme une alternative au processus de déterritorialisation. C’est seulement dans cette logique de développement que l’on pourrait trouver les ressorts d’une économie à inventer. Il veut « montrer que le développement local peut constituer une alternative stratégique aux théories traditionnelles du développement, centrées sur la globalisation économique et sur la forme de la métropole qui en fut l’expression » 103 . Il propose une approche territorialiste qu’il dénit comme « la triple relation symbolique, cognitive et pratique que la matérialité des lieux entretient avec l’activité sociale », « une production territoriale (qui) soit conçue comme un facteur déterminant de la production de la richesse. » 104


Cette approche favorise un développement local autosoutenable : « Appliquée au milieu, la soutenabilité se réfère alors à la construction d’un système de relations vertueuses entre trois composantes du territoire que sont le milieu naturel, le milieu construit et le milieu proprement humain. » 105 . Elle impliquerait de faire attention à la qualité de la ville, aux différents types d’implantation (humaine, paysagères, communautaires, etc.) et à l’établissement d’une relation entre soutenabilité environnementale, territoriale, sociale, économique et politique puisque « C’est seulement en reconsidérant la place et le rôle de chacun des systèmes socio-culturel, économique et naturel, que nous pourrons instaurer un équilibre dynamique durable entre société établie et milieu. ».106 . « Les modalités de production du territoire offrent donc la clef d’une soutenabilité durable et stratégique. » 107 . Elle constituerait nalement, « Une culture soucieuse du territoire dans un monde habité par une multitude de style de développement, […] (et fondée) sur une sagesse environnementale retrouvée et sur des habitants capables de produire à nouveau du territoire (pas des technocrates) » 108 .Il installe différentes soutenabilités : - « soutenabilité politique » : remplacer « les contraintes exogènes par des règles d’autogouvernement, concertées et fondées sur l’intérêt commun » ; - soutenabilité économique : trouver les « conditions nécessaires à une transformation de styles de vie, de consommation et de production » ; - soutenabilité territoriale : un ou des nouveaux « pactes entre les acteurs locaux » pour « la valorisation du patrimoine et la sauvegarde de l’environnement ; - soutenabilité sociale « le respect des besoins des acteurs les plus faibles » ; - soutenabilité environnementale qui réduirait l’empreinte écologique. c-Les mécanismes de la territorialisation. Ce développement dépend du modèle socio-économique qui permettrait d’assurer la conservation et la croissance des lieux

106

p.35 l.34-35

107

p.36 l.8-9

108

p.39 l.1-2


grâce à des « actions qui pourraient valoriser et préserver leur typologie du territoire » et qui constitue des scénarii stratégiques et un programme. En effet, il faudrait instaurer une soutenabilité territoriale en mettant en place un établissement avec ses règles de production et de reproduction et permettant de favoriser la reterritorialisation qui mettrait en place des actions comme l’arrêt des consommations du sol, l’exploitation du territoire et de l’arrière-pays, un nouvel urbanisme. Il faudra aussi valoriser l’identité des lieux, construire une société locale capable de favoriser le patrimoine territorial où l’individu serait capable d’en prendre soin lui-même. Il faudrait créer une politique soutenable d’autogouvernement d’une commune locale qui valoriserait les particularités et résoudrait les conits dans la concertation et la reconnaissance de l’intérêt commun. Il faudrait établir une équité sociale avec des administrations territoriales qui auraient pour mission « de réunir autour d’une table de négociation les plus faibles pour ne pas que les ressources territoriales et humaines ne soient consommées que par les forts. » 109 . De baser une économie sur une valeur ajoutée au territoire et produite par le territoire. S’occuper de l’environnement avec une stratégie pour les eaux, les déchets, les énergies disponibles, pour la mobilité douce, l’amélioration des qualités des produits, la requalication les activités agricole et forestière, et enn réaliser des « agendas 21 » locaux qui mettraient des règles opérationnelles spéciques et locales. Ce « projet local » n’est cependant pas du localisme. C’est au contraire une mondialisation qui se fonde sur des « solidarités inter-locales », des liaisons souples et non hiérarchiques entre des styles de vie soutenables ici et ailleurs. C’est une « globalisation par le bas » qui permettra de « résister à la globalisation et construire des réseaux solidaires ». On parlera de coopération plutôt que de compétitivité, de la valorisation du patrimoine au lieu d’exploitation du territoire, de complexication plutôt que polarisation sociale. Cela ouvrirait « un monde pluriel, déhiérarchisé et solidaire. » 109

p.41 l.10



P A R T I E Des des

2

projets et interventions.


Situation Plaine du Var dans la Provence-Alpes-Cotes d’azur. Source: illustration personnelle.

Relief Plaine du Var. Source: http://www.lemoniteur.fr/

Source: http://rives.revues


1. MICHEL DESVIGNE : UN PAYSAGE DE TRACE. Michel Desvigne a travaillé dans des pays différents, sur des territoires, des villes ou des bâtiments. Il explique cette diversité d’échelles et de pays de par son besoin de comparer les sites par succession, pour pouvoir comprendre leur mesure les uns par rapport aux autres. Nous allons analyser deux projets en France, le premier concerne un territoire géographique (la plaine du Var), le second le territoire d’une ville (Issoudun); le troisième projet concerne un parc aux Etats-Unis (le Walker Art Center).

1. UN TERRITOIRE GEOGRAPHIQUE. LA PLAINE DU VAR. La plaine du Var se situe sur le littoral Méditerranéen, près de Nice.

110

DESVIGNE, Michel, «Le paysage de Michel Desvigne», Pavillon de l’Arsenal, 2008, URL: http://www.pavillonarsenal.com/eosenligne/ ction-6-108.php

a-Histoire des lieux et analyse de Michel Desvigne. C’est un vaste territoire horizontal, en friche et non constructible de 20 km. Les constructions actuelles ne sont pas en correspondance avec les normes et sont plus ou moins abusives « Ce qui devait être de l’agriculture n’est nalement que des cours de services »110. Il observe une végétation constellée, mitée, paupérisée. Nous remarquons là des conséquences déjà énumérées de la déterrioralisation. Les caprices du euve en font une zone inondable. Du XIX au XX, le Var a été endigué et tout un parcellaire s’inscrit entre ses digues. L’objectif de Michel Desvigne est de donner une cohérence et d’installer de possible développement de l’habitat.


Le euve du Var. Source: illustration personnelle

Alluvions, terrasses naturelles, végétations de la Plaine du Var. Source: Michel Desvigne (Nature intermédiaires)


b-Les traces du lieu. Michel Desvigne repère les vestiges «émiettés» d’un ancien parcellaire agricole qui correspond à l’assèchement de certaines parties du euve après sa canalisation. Ils constituront une partie des traces qu’il retravaillera. Son action a été de comprendre les anciens méandres du euve de telle sorte qu’il puisse déterminer des zones constructibles non inondables. Donc l’implantation du bâtiment prend son sens et sa logique au niveau d’un paysage, et donc à l’échelle d’une géographie. Il a cherché à saisir les phénomènes qui sont en jeux dans cette vallée: les anciens mouvements du euve, les terrasses alluviales et la végétation. Le projet prend en compte les formes existantes, naturelles et cultivées, laissées en déshérence ou déjà bâties, et intègre les mouvements hydrauliques, la topographie liée aux écoulements des eaux. Pour cela il réalise des cartes. Ce relevé de tous ces phénomènes rappelle la vision de André Corboz : «Le territoire n’est pas une donnée: il résulte de divers processus»111. Et où il explique qu’il y a deux types de traces: celle naturelles et celles humaines.

111

CORBOZ, André, Le territoire comme palimpsetse et autres essais, «L’imprimerie», 2001, p.213 l.1-13 112

DESVIGNE, Michel, «Le paysage de Michel Desvigne», Pavillon de l’Arsenal, 2008, URL: http://www. pavillon-arsenal. com/eosenligne/ ction-6-108.php

c-Implantation. Les digues sont conservées et des ilots ont été localisés comme constructibles. Les remembrements sont envisageables : l’agriculture peut muter, se lier davantage à la ville tout en préservant la fonction maraîchère. «On a voulu embrasser le tout dans une vision géographique plus vaste, susceptible de rendre à nouveau perceptibles et sensibles les proportions du euve, de ses alluviaux.» 112. La proposition n’est pas un dessin qui est forcément à respecter mais c’est juste une hypothèse qui vient d’une manipulation d’un paysage dont les terrains constructibles sont déterminés par un


Proposition de Michel Desvigne. Zones construtibles en noir. Source: Michel Desvigne (Natures IntermĂŠdiaires)


dessin géographique. Elle est une nature intermédiaire, c’est à dire qu’elle ne prégure pas une ville future mais présente des conditions de site. d-Processus de territorialisation. Ce projet permet de nous montrer comment l’on peut travailler sur un territoire et comment lui redonner une structure, une image et même, la faire advenir en considérant ses propres données déjà présentes. La proposition de Michel Desvigne cherche à générer un lien avec le territoire et s’inscrit donc dans le processus de territorialisation. La stratégie est de se servir de données géographiques que sont les méandres du euve, les alluviaux, ses anciennes crues etc... pour en déduire une conguration naturelle du site. Les futures constructions s’installeront donc dans une logique du territoire révélée. En effet, cette invention d’une nouvelle logique d’implantation se base sur des éléments anciens et déjà présents qui seront mis à jour. Elle permet d’avoir une présence physique rééchie, plus intelligente et cohérente. Ceci pourra être le point de départ d’une conception plus proche de son environnement et facilitera le lien entre l’homme et son milieu. Michel Desvigne précisera qu’il faut avoir une vision unitaire sur une géographie, pour dénouer le blocage administratif et politique, tout en donnant un espoir aux acteurs du territoire.


Situation Issoudun. Source: illustration personnelle.

Photographies de certaines limites entre la campagne et Issoudun. Source: Michel Desvigne. (Nature intermĂŠdiaire)


2. UN TERRITOIRE DE VILLE. ISSOUDUN. a-Histoire des lieux. C’est une ville du 20ème siècle avec quelques vestiges médiévaux. Elle comporte cette ligne de pavillonnaire, et la structure tient au mitage des 3 vallées qui sont principalement des jardins de propriétés privées. Comme à peu près toutes les villes Françaises, elle est victime de l’étalement urbain. Une ligne très longue et en croissance qui constitue la limite franche et pauvre entre campagne et ville. Lors d’une visite de site, il constate: «c’est une juxtaposition brutale de quartiers habités, mais aussi de centres commerciaux, d’entrepôts ou de bâtiments d’activités, avec le vaste territoire de l’agriculture extensive. Dans une indifférence complète, et sans que rien n’indique qu’il y eut jamais, un préalabe à l’installation humaine en ces lieux, des maisonnettes ottantes et des hangars sans qualité butent sur un maigre grillage qui les sépare des labours. Il y a une perte de structure et de progression subtile entre ces deux différents éléments ainsi qu’une disparition des seuils entre cours, maison, jardin potager, verger, pré commun, campagne ouverte qui permettent de situer où l’on est. L’agricole et l’urbain sont structurés de la même manière. «Aujourd’hui, on a abandonné cette manière globale de structurer un territoire et renoncer à articuler des milieux qui s’ignorent, dans une pauvreté incompréhensible évoquant un type d’occupation humaine précaire, évoquant le camps»113.

113

TIBERGHIEN Gilles A., CORNER James, DESVIGNES Michel, Natures intermédiaires : Les paysages de Michel Desvignes, «Birkhauser» édition, Berlin, 2009, p.67, l.14-16

Il accuse un système de réglementations technocratiques qui serait donc responsable de cette perte de liens fondamentaux comme les anciens chemins qui conduisaient de la ville à la campagne. Nous pouvons aussi remarquer comme ces problématiques font écho à celles que le processus de territorialisation cherche à empêcher.


Structure parcellaire d’Issoudun. Source: Michel Desvigne. (Nature intermÊdiaire)


L’objectif pour Michel Desvigne est donc de constituer un plan paysage pour l’ensemble de la ville et de ses développements possibles. b-Les traces. Desvigne repère d’abord les surfaces maitrisables par la collectivité de par la réglementation ou par l’acquisition de parcelles. Ce sont les friches, les parcelles non exploitées, ou même des lotissements posés sans transition sur les champs. Il se servira de ses éléments pour constituer l’architecture du territoire. Issoudun comporte une structure parcellaire rayonnante qui s’explique par la topographie du site et qui devrait pouvoir faire apparaitre un paysage spécique. Mais actuellement ce paysage n’existe pas et le parcellaire est non déchiffrable. Puis il repère les vallées qui passent dans la ville qu’il voit comme une géographie pouvant être une structure puissante pour la ville. Une fois encore, le paysagiste passe à l’échelle supérieure pour redonner de la cohérence au local. c-Implantation dans le site. Il va transposer et transformer ces traces presque illisibles pour amorcer un paysage urbain. Ceci rappelle Giancarlo De Carlo: «le rôle de celui qui conçoit est de s’engager dans un tissu préexistant et de le modeler [...]Il s’agit de la perception d’un environnement en tant que matrice, système actif qui doit se nourrir de l’intervention de celui qui conçoit, lui-même instruit par sa lecture approfondie du site.»114. 114

MCKEAN, John, Giancarlo De Carlo. Des lieux, des Hommes, «Editions Axel Manges et centre Pompidou», 2004, p.57.

La proposition est de préempter des morceaux de terrain entre les parcelles pour mettre des chemins. De la même manière il pourrait être installé une structure de paysage en y implantant des prairies, des plantations, un verger ou encore des noues.


Terrains susceptibles d’être préemptés. (gris) Source: Michel Desvigne. (Nature intermédiaire)

Les trois vallées (en vert) Source: Michel Desvigne. (Nature intermédiaire)


Ces structures paysagères seraient l’amorce d’espace public et de chemins possibles qui donneraient peu à peu une structure, collective, simple et campagnarde. Les 3 vallées peuvent être maitrisées par la collectivité pour une question d’inondabilité. Cette intervention renoue avec des séquences effacées et a l’avantage de ne pas constituer des remparts ou des cloisonnements de parcelle. Elle permet au futur tissu pavillonnaire qui s’installera dans cette nouvelle structure, d’intégrer obligatoirement un espace public. L’espace public permet un minimum de transition entre construction et campagne mais surtout tient un rôle important dans la structure sociale. Elle est l’élément principal de l’intégration d’un individu dans son milieu, aspect chère à la territorialisation. d-Matériaux. Pour cela il faut utiliser des dizaines de kilomètres de vergers et de plantation. Ce matériau et sa quantité utilisée nécessite la gestion du temps: progressivement, au fur et à mesure de la croissance des végétaux et de la densication urbaine, certaines surfaces deviendraient des lieux d’activités, les espaces publics déjà cités.

115

DESVIGNE, Michel, «Le paysage de Michel Desvigne», Pavillon de l’Arsenal, 2008, URL: http://www. pavillon-arsenal. com/eosenligne/ ction-6-108.php

e-Ressentis à l’échelle humaine. «L’intervention n’est pas une sorte d’écran périphérique censé distinguer la vilaine ville de la campagne.»115. En perspective, les lignes rayonnantes plantées se ressentiront comme une masse végétale continue alors que le plan fonctionne selon une série de coulisses entre lesquelles il sera possible de circuler. L’intervention rend lisible la structure à vue d’oeil. Le territoire est en lien direct avec les habitants. Elle leur constitue ainsi une ligne d’horizon commune. C’est la possibilité pour les habitants de vivre mieux en «remettant la ville dans sa situation de territoire» 116 .


Proposition de Michel Desvigne. Zones de projet en noir. Source: Michel Desvigne (Natures IntermĂŠdiaires)


f-Processus de territorialisation. Ce projet nous montre que la requalication des périphéries d’une ville et l’atténuation des effets d’un tissu pavillonnaire peuvent être faites par la révélation d’une structure oubliée d’un territoire. Comme dans la plupart de ses projets, Michel Desvigne se rattache à une donnée géographique à plus grande échelle. Ici les vallées et le parcellaire sont les éléments qui lui permettent d’établir des endroits de possibles appropriations par l’usage. La territorialisation est similaire au projet étudié avant, puisqu’il tend à donner de la qualité à de futures constructions et tente de créer un lien avec son environnement. Mais ici, l’aspect sociétal créer vraiment le lien avec le territoire car la stratégie est de réserver des terrains pour une fonction d’espace public, essentielle pour le lien entre l’individu et sa société, sa culture, son territoire.

116

DESVIGNE, Michel, «Le paysage de Michel Desvigne», Pavillon de l’Arsenal, 2008, URL: http://www. pavillon-arsenal. com/eosenligne/ ction-6-108.php


Situation MInĂŠapolis. Source: illustration personnelle.

Paysage du Minnesota.

Source: Michel Desvigne (Nature IntermĂŠdiaires)


2. UN PARC. WALKER ART CENTER, MINNEAPOLIS. C’est un projet de parc pour une extension de musé réalisé par Herzog et De Meuron aux Etats-Unis, dans le Minnesota. a-Les traces observées. Desvigne s’est inspiré du paysage du Minessotta : des boisements ont échappé à la grille de Jefferson parce qu’ils étaient inaccessibles du fait de la pente, d’un cours d’eau, ou d’une nature de sol, impropre à la culture ou à la construction. Par endroits les boisements s’interrompent pour s’ouvrir sur des clairières linéaires très particulières Et ceci donne un jeu de plein et de vide, de glissement de clairières, d’espace. Les traces sont donc les reliquats de la trame agricole qui compose le paysage du territoire. b-Implantation/ligne de force avec paysage.

113

TIBERGHIEN Gilles A., CORNER James, DESVIGNES Michel, Natures intermédiaires : Les paysages de Michel Desvignes, «Birkhauser» édition, Berlin, 2009, p.161, l.25-26

Sa proposition est d’installer un site dont la végétation, créerait des espaces indépendants des autres, où des artistes pourraient intervenir. Il travaillera alors sur un parcours passant dans une composition spatiale à une autre, d’une place à une autre, d’une clairière à une autre, séparés par des boisements. La plantation reprendra la logique et la composition observée auparavant et les chemins suivront cette végétation. Il recréera ainsi une géographie. Jusqu’au détail, tout suit une logique pour créer une certaine nature. Même le chemin, qui est en fait une longue rampe suivant les masses végétales. Par endroit elle se soulève et forme des rochers articielles, sur lesquels on peut s’assoir : «le chemin est un sol qui rend sensible la géographie sur laquelle on marche»117.


Photos de maquette de la proposition de Michel Desvigne. Source: Michel Desvigne (Nature IntermĂŠdiaires)


La composition et la structure du parc sont donc directement sorties de son analyse de paysage. c-Matériaux. Le bouleau est un arbre adapté aux conditions rudes que l’on peut rencontrer sur ce territoire, d’où sa une grande présence. Michel Desvigne choisit alors d’en planter beaucoup. Il plante par couches d’arbres, d’arbrustes, d’herbasses qui ont un dessin différent et qui se superposent. Ceci crée une complexité et une richesse. Ces essences végétales issues directement du lieu permettent de s’attribuer facilement le parc, puisqu’il est semblable au paysage, structuré et composé de la même manière. Il donne l’impression d’avoir toujours été là. d-Ressentis à l’échelle humaine. La décision de l’implantation est faite directement sur le site pour créer une ligne d’horizon continue et progressive qui cacherait l’alentour « banal ». Le jardin est donc un vide composé d’écrans occultant la vue sur l’environnement immédiat et de plans successifs jouant sur la transparence pour permettre de deviner une clairière cachée. Ainsi, il développe toute une narration et une poésie de projets basés sur une inspiration et une image du territoire. «l’usager traverse une clairière, longe ensuite la lisière d’un micro-boisement, y pénètre, ressort à l’air libre, créant des situations très diversiées [...] le jardin multiplie les expériences spatiales et le nombre même d’espace rencontrés.»114.

114

TIBERGHIEN Gilles A., CORNER James, DESVIGNES Michel, Natures intermédiaires : Les paysages de Michel Desvignes, «Birkhauser» édition, Berlin, 2009, p.167, l.9-11

e-Processus de territorialisation. Ici, le territoire a été une inspiration pour un projet d’une échelle inférieure: un parc. En reprenant et réinterprétant la forme et la géométrie d’un paysage de plus grande échelle, Michel Desvigne a pu mettre une structure au jardin et créer une réelle expérience.


Images d’ambiance de la proposition de Michel Desvigne. Source: Michel Desvigne (Nature IntermÊdiaires)


Cette expérience apparait car la réexion de conception part du territoire et est respectée jusqu’à l’échelle humaine. Cette stratégie, permet un lien plus sensible avec le territoire. C’est un travail avec un enjeux moins décisif que les précédents projets et cela tient de la commande. Mais elle a le mérite de réinterpréter une structure paysagère pour établir une poésie d’intervention. Norberg Schulz qualierait cette expérience par le caractère d’ambiance. Le caractère « dépend donc de comment les choses sont faites et dénote aussi bien une atmosphère générale […] que la forme concrète et la substance des éléments qui dénissent l’espace »115 . L’espace comprend alors « des lieux de caractère » qui peuvent être « protecteur », « efcace », « festoyant », « solennelle », pour un paysage il serait plus « naturel », « stérile », « menaçant » ou « accueillant ». Tout cet ensemble de choses dénit un « caractère d’ambiance» qui est l’essence du lieu.

115

NORBERG-SCHULZ, Christian, Genuis Loci, Paysage, Ambiance, Architecture., «Edition Mardaga», première édition 1981, p.14, l.10-14


Situation Grison. Source: illustration personnelle.

Paysage du Grison.

Source: http//www.panoramio.com.


2. PETER ZUMTHOR : UNE ARCHITECTURE SENSIBLE.

En 1967, Peter Zumthor, a été employé par le canton des Grisons (Suisse) pour la préservation des monuments. Il a travaillé en tant que consultant de construction et de planication et en tant qu’analyste architectural de villages historiques. De plus il a réalisé quelques restaurations. Il y a créé son propre cabinet en 1979 à Haldenstein où il travaille toujours avec une petite quinzaine de personnes. Il connait donc très bien le canton de Grison. Cette région est montagneuse et se compose d’un relief dessinant un fond de vallée cultivé et habité. La végétation est principalement des forêts de conifère.


Relief et fond de vallĂŠe du Grison.

Source: illustration personnelle.


Végétation, euve et rivières du Grison.

Source: illustration personnelle.


Situation des projets de Zumthor dans le Grison.

Source: illustration personnelle.


En tant qu’architecte, il a implanté plusieurs interventions dans cette même vallée. C’est pour cela qu’il a une bonne connaissance des lieux et de son territoire. Il est alors intéressant de voir si ses projets intègrent leur site, de quelles manières et comment ils existent en tant que lieux. Nous allons donc voir deux projets qui s’inscrivent dans ce territoire, une architecture qui réinterprète son site (les Thermes de Vals) et une architecture symbole (La Chapelle St Benedicte). Puis nous verrons un projet extérieur à ce territoire qui est une architecture de mémoire (Le mémorial pour les victimes des procès pour sorcellerie)


Situation du projet dans la ville de Vals.

Relation avec ses alentours.

Source: google map.

Source: youtube.


1. ARCHITECTURE DU SITE. LES THERMES DE VALS. En suisse, réalisé de 1993-1996 a-Mémoire et histoire des lieux. Le bâtiment se situe dans une vallée qui exploite l’eau chaude, il y a notamment une usine de mise en bouteille. Dans les années 60, un promoteur allemand construit un complexe hôtelier, réparti dans 5 bâtiments modernes. Après la faillite du promoteur, la communauté a racheté les hôtels et à décidé de construire des thermes directement sur la source pour attirer une nouvelle clientèle. Peter Zumthor explique ce qui l’a inspiré sur les lieux : « C’est plus tard que nous avons commencé à porter un nouveau regard sur le lieu, sur Vals, et soudain à voir, la topographie, la roche, les pierres, l’eau. »116. Peter Zumthor a donc utilisé des traces observées en étant sur le site : « il faut apprendre à regarder en profondeur ce palimpseste, à opérer une sélection, à jeter un œil critique pour découvrir les signes déterminants pour le travail de conception»117. 116

COPANS, Richard, NEUMANN Stan, «Architecture», «Les thermes de pierre», Arte, 2007. 117

MCKEAN, John, Giancarlo De Carlo. Des lieux, des Hommes, «Editions Axel Manges et centre Pompidou», 2004, p.57. 118 COPANS, Richard, NEUMANN Stan, «Architecture», «Les thermes de pierre», Arte, 2007.

Et c’est ainsi qu’il se crée une image et toute une narration : « L’idée est venue que si on repense le fait de se baigner et si on pense à la source chaude, on peut construire un bâtiment qui serait en relation avec la topographie et la géologie et non pas avec le site immédiat environnant. L’idée surgit que c’est un bain creusé dans la montagne.»118. Il a donc traduit les données du site qui sont géologiques et topographiques. Ils n’étaient pas visibles mais les a fait apparaître par le biais de son projet.


Relation avec le paysage.

Coupe/relation avec le sol.

Source: tyylit.com.

Source: Archidaily.com


b-Matériaux. Même le matériau suit cette image. Le bâtiment est en pierre de Gneiss, pierre locale qui a permis d’intégrer encore plus la construction dans le paysage et de lui donner l’image d’une “carrière noyée”. Cette roche quartzeuse tendre se présente en longue pierre plate que Zumthor a fait faire empilées en grands monolithes.

c-Forme dans le territoire et par rapport aux lignes de force du paysage. La simplicité du bâtiment participe à son intégration dans le paysage. De plus, le toit plat et végétalisé fait disparaitre la construction dans l’ensemble. Zumthor prend largement en compte la topographie et vient encastrer à moitié le bâtiment dans la pente, minimisant son impact visuel. Ainsi le bâtiment ne prend pas de hauteur, ne gêne pas la vue et s’intègre dans le paysage. La relation au sol, au ciel et même la forme du bâtiment sont déterminées par les observations au local, les alentours, sur le site.


Ambiance intĂŠrieure.

Plan.

Source: tyylit.com.

Source: archidaily.com


73

119

ZUMTHOR, Peter, DURISCH, Thomas, Peter Zumthor,1986-2013: Buildings and Projects, «Scheidegger und Spiess AG, Verlag», 2014, tome 2 p.40, l.34.

120

ZUMTHOR, Peter, DURISCH, Thomas, Peter Zumthor,1986-2013: Buildings and Projects, «Scheidegger und Spiess AG, Verlag», 2014, tome 2 p.40, l.8.

121

NORBERG-SCHULZ, Christian, Genuis Loci, Paysage, Ambiance, Architecture., «Edition Mardaga», première édition 1981, p.5, l.43-45 122

id. p.8, l.11-14

d-Penser pour l’homme. « J’ai découvert le principe qui consiste à guider précisément le mouvement des personnes à certains endroits et à d’autres, dans de grandes parties du plan, à les laisser se mouvoir librement à l’intérieur de l’édice. » 119 . Il a donc pris pour base, une inspiration d’un monde mystique de pierre et a favorisé le contact de la peau nue contre la pierre, le contraste de lumière, le clair obscur et le jeu de «aque d’eau». La logique du site étant utilisée pour tous les points du projet, l’expérience sensorielle répond à cette stratégie. L’ambiance crée contribue à donner un sentiment de calme. Peter Zumthor a réellement créé un monde où les 5 sens sont sollicités. La combinaison entre espace, lumière, ombre, ouvert, fermé font l’expérience sensuelle, reposante, réparatrice. « Nous nous étions rapprochés sans le vouloir des cultures romaines et orientales du bain…Nous nous étions éloignés de la piscine sportive, des centres aquatiques récréatifs avec toboggan et vagues articielles alors partout en construction. » 120 . Norberg Schulz note l’importance de penser le projet au niveau humain : «L’habitation implique que les espaces où la vie se déroule soient des lieux au vrai sens du mot. »121. Ce projet est un lieu avec une certaine ambiance en concordance avec les fonctions de bain et de manière poussée : « l’expérience quotidienne nous démontre que des actions différentes ont besoin de milieux différents pour pouvoir se dérouler de manière satisfaisante.»122 .


Ambiance intérieure et relation à l’extérieur.

Source: tyylit.com.


e-Relation intérieur/extérieur. La communion avec le site est renforcée par les ouvertures données sur l’extérieur. Les façades ne sont qu’un rythme de plein et de vide, proposant ainsi de larges ouvertures orientées et cadrée sur la montagne et faisant se confronter l’usager au paysage. f-Processus de territorialisation. En ayant compris le territoire et le paysage, Peter Zumthor a réussi à proposer un programme en adéquation avec son territoire. Toute une cohérence de projet est établie par un principe de diffusion d’une compréhension de site dans toute la logique de conception de projet. Cela va de l’expression du bâtiment, des matériaux, de la forme, de l’ambiance, de la relation au paysage etc. On ressent bien ici comme l’architecture arrive à mettre en relation l’homme et son environnement. En travaillant avec les données du paysage et du local, Peter Zumthor a réussi à créer un lieu où l’on se sent en adéquation avec la nature, et son milieu, où l’on prend son temps, où l’on expérimente et ressent. .


Situation

de

la

Chapelle(rouge)

et

de

l’ancienne

chapelle

Source: google map.

Rapport avec les alentours.

Source: http//www.panoramio.com

(jaune).


2. ARCHITECTURE SYMBOLE. LA CHAPELLE ST BENEDICTE.

Dans le hameau de St Bénédicte, commune de Sumvitg, Canton de Grison, Suisse, 1988.

a-Mémoire et histoire des lieux. L’ancienne église de ce hameau a été détruite par une avalanche en 1984. Des travaux sur un parking derrière cette église ont favorisé le passage de l’avalanche. Ses ruines sont toujours existantes dans le hameau. Comme dans la tradition, la nouvelle Chapelle se situe à l’extérieur et au-dessus de la ville. Une forêt se situe à l’arrière pour la protéger des avalanches. Elle se trouve sur le chemin d’origine d’alpage.

123

ZUMTHOR, Peter, DURISCH, Thomas, Peter Zumthor,1986-2013: Buildings and Projects, «Scheidegger und Spiess AG, Verlag», 2014, tome 2 p.67, l.5.

b-Implantation dans le site et orientation. La ville est en surplomb sur la vallée et il y a un cadre magnique avec une vue sur le grand paysage auquel le bâtiment fait face. Il est structurellement sur des pilotis pour s’adapter à la pente, et permet d’accentuer sa relation au sol. La construction semble sortir de terre pour s’élancer dans les airs. Peter Zumthor explique sa posture: « la région est parsemée de chapelle baroques magniquement placée dans le paysage… posées librement dans les prés. Notre Sainte Benedicte s’élève tout aussi librement. »123.


Rapport avec le paysage. Source: http//www.panoramio.com

Plan et coupe.

Source: archidaily.


c-Forme dans le territoire et par rapport au ligne de force du paysage. Le bâtiment a une forme forte et semble être une tour qui domine la vallée. L’ingénieur « a déni la forme comme une lemniscate, celle d’un huit couché. Le plan de la chapelle à la forme de la moitié d’une lemniscate »124. Une lemniscate est une notion mathématique, c’est une courbe plane résultante d’une équation cartésienne. Elle possède deux axes perpendiculaires et se croise en son centre formant un huit. Sa géométrie «est stricte mais elle est aussi dynamique et insaisissable à l’œil, tout cela est accentué par l’implantation du bâtiment sur une pente raide.» Son toit, lui, semble être une coque à bateau renversée. Et pourtant, elle se fond naturellement dans son contexte sans offenser une dimension traditionnelle et historique du village. Elle porte une relation forte avec le ciel et la terre, presque de résistance, qui permet par le contraste, de révéler le paysage.

124

ZUMTHOR, Peter, DURISCH, Thomas, Peter Zumthor,1986-2013: Buildings and Projects, «Scheidegger und Spiess AG, Verlag», 2014, tome 2 p.67, l.25.

125

ZUMTHOR Peter, Penser l’architecture, «Birkhauser», 11/2010, p.99, l.20 126

Zumthor « J’aime la forme claire, nette. J’ai maintes fois constaté que les architectures vagues et imprécises ne s’intègrent pas dans le paysage.»125. Il dit s’inspirer des bâtiments qui « se dressent comme des sculptures dans le paysage donnant l’impression d’en sortir »126 ce qui leur donne une image marquante et puissante. Donc Peter Zumthor à très bien compris le site et le fait réagir à son projet. «On peut alors recourir pour l’élaboration du projet à de nouveaux principes et à des méthodes qui mettent au premier plan la stratégie de l’emplacement, la manière de se placer sur un terrain situé dans un environnement spécique en cherchant à connaître le contexte à travers sa modication.» 127

id. p.100 l.3-5

127

Vittorio GREGOTTI, Il territorio dell’architettura, Feltrinelli Editore, Milan, 1966 ; Le territoire de l’architecture, L’Equerre, Paris, 1982 pour la version française ; pp.12-13

d-Matériaux. Le revêtement de tavillons de mélèze est soumis au vent, au soleil et à la pluie et décolore le bois qui passe du gris ou du brun-rouge. Ces nuances renforcent l’effet du volume. Les


Ambiance intĂŠrieur.

Source: tyylit.com


constructions existantes utilisent le bois. e-Usages, l’échelle Humaine et la relation intérieur/extérieur. L’intérieur est minimaliste, silencieux, contemplatif et spirituel. Il appelle au recueillement et concentre l’attention sur soi. Il semble d’ailleurs avoir été pensé autour du corps humain, de ses gestes et de ses mouvements. L’intérioralisation se justie beaucoup par la fonction religieuse. Même la vue exclue le paysage et empêche le regard de s’échapper vers l’extérieur. Et d’une manière très symbolique et spirituelle, les seules ouvertures donnent sur le ciel. Il intègre certaine donnée et en confronte d’autres avec l’existant.

f-Processus de territorialisation. Ce projet répond à une demande et créé toute une ambiance autour. Le fait de cacher la vue et d’imposer une forme au paysage montre la compréhension d’un programme et du territoire, qu’il s’est amusé à faire réagir par contraste. Et nalement, l’un révèle l’autre. Le bâtiment nous donne une nouvelle vision du paysage.

128

CORBOZ, André, Le territoire comme palimpsetse et autres essais, «L’imprimerie», 2001, p.228, l.8

On a la sensation que ce bâtiment est en accord avec son environnement alors qu’il semble extrêmement contemporain. Cela tient à la stratégie que tient Peter Zumthor. En effet, il relève des traces sur le site qu’il réinterprète, modie dans le projet, s’intégrant ou s’opposant au site. Ainsi il fait ressurgir des données qui n’étaient plus visibles. Pour ce projet le grand principe a été la révélation par la confrontation. C’est ainsi qu’il lie le territoire et l’humain en s’ancrant entre les deux. André Corboz explique ce travail sur les traces au niveau du territoire: «Il n’est pas question de les entourer d’un mur pour leur conférer une dignité hors propos, mais seulement de les utiliser comme des éléments, des points d’appui, des accents, des stimulants de notre propre planication. » 128. Les traces du local induisent un travail à réaliser pour le bâti.


Situation du mĂŠmorial Steilneset.

Situation Vardo. Source: illustration personnelle.

Paysage

Source: google map.

Source: http//www.panoramio.com


2. ARCHITECTURE DE MEMOIRE. LE MÉMORIAL POUR LES VICTIMES DES PROCÈS POUR SORCELLERIE. À Steilneset, Vardo, Norvège, 2009-2011 Vardo est une commune de la Comté de Finnemark en Norvége. Il se situe à l’extrême nord de l’Europe vers le cercle polaire. Steilneset est une petite ville de 2500 habitants située sur l’ile de Vardo au large de la mer de Barents. Elle est reliée au continent par un tunnel sous-marin. Cette ville était un ancien village de pêcheurs qui se vide. L’ile ne comporte aucun arbre. « Sur le sol rocheux, une végétation frustre semble s’aplatir sous le vent. Passant tout d’abord inaperçue, elle dévoile sous un regard plus attentif un tapis végétal délicat fait d’une multitude de formes d’une grande nesse et où luisent les couleurs intenses de petites eurs » 129.

129

ZUMTHOR, Peter, DURISCH, Thomas, Peter Zumthor,1986-2013: Buildings and Projects, «Scheidegger und Spiess AG, Verlag», 2014, tome 2 p.171, l.3-8.

a-Implantation et forme dans le territoire et par rapport aux lignes de force du paysage. Il y a des paysages ouverts avec de grands horizons. La région se compose de baies, de fjords, de littoraux déserts, de montagnes, de lacs, de vallées, de glaciers, de plateaux, de euves. Il y a une végétation de Taïga avec des plantes rasantes et des étendues de conifère. Le bâtiment long et n, s’intègre aux grandes lignes d’horizons du paysage plat de l’île et de la mer dont il fait face.


Relation au paysage

Relation au paysage.

Source: https//taticdezeen.com.

Séchoir à poisson Source: http//a401idataoverblog.com.

Source: https//taticdezeen.com.


b-Mémoire et histoire des lieux. La réalisation est un monument en commémoration des 91 personnes qui, au 17ème siècle, ont été condamnées à être brûlées vives pour sorcellerie. L’installation est à l’emplacement même où se situait le bûcher et comprend une réalisation de Peter Zumthor et une œuvre de Louise Bourgeois. Peter Zumthor s’est inspiré de l’activité principale de ces villes Norvégiennes pour la forme du bâtiment : les séchoirs à poissons utilisés par les pêcheurs des océans arctiques. b-Matériaux. Comme pour sa forme, les matériaux correspondent aux séchoirs à poissons. La construction se compose de cadres d’échafaudages de bois. À l’intérieur se développe un cocon de tissu, suspendu à 3 m d’hauteur et qui contient un long couloir au platelage bois. Le cocon est fait d’un tissu blanc de bre de verre enduite de téon « qui rappelle une voile de bateau »130 et qui résiste aux conditions climatiques extrêmes de cette région. « Il bouge dans le vent côtier qui soufe sans arret. »131. 130

ZUMTHOR, Peter, DURISCH, Thomas, Peter Zumthor,1986-2013: Buildings and Projects, «Scheidegger und Spiess AG, Verlag», 2014, tome 2 p.171, l.36. 131

id. p.171, l.39.


Ambiance intĂŠrieure.

Source: https//taticdezeen.com.


c-Usage, l’échelle Humaine et la relation intérieur/extérieur. L’intérieur est aux mesures du corps humain. La largeur du couloir n’est que pour un seul homme et ceci oblige à se confronter à la longueur et aux 91 suppliciés. La fonction de mémorial impose l’ambiance solennelle et sereine. La sobriété des objets, des formes, des textures et des couleurs renforce l’ambiance. « Lorsqu’on se déplace dans le bâtiment et se plonge dans la lecture des textes, on rééchit sur des vies depuis longtemps disparues, sur l’injustice quand elle revêt l’habit du droit et sur la mort. » 132. Dans ce couloir sont placés 91 ampoules devant 91 fenêtres représentant les personnes qui ont été mis à mort. Il explique que traditionnellement, dans le village des lumières étaient allumées à la tombée de la nuit marquant ainsi une présence. La forte symbolique est donc mise en place avec les 91 ampoules devant les 91 fenêtres. Celle-ci représente donc symboliquement les personnes qui ont été mises à mort. A chacune est associée un panneau de soie précisant le nom de la victime, son acte d’accusation, ses aveux et enn sa condamnation.

132

id. p.171, l.14.16

133

MCKEAN, John, Giancarlo De Carlo. Des lieux, des Hommes, «Editions Axel Manges et centre Pompidou», 2004, p.57.

d-Processus de territorialisation. Giancarlo De Carlo note l’importance de la mémoire et des histoires du lieu qui sont directement en lien avec l’histoire de la société : « Pour qui est capable d’interpréter le sens de ce qui est tracé, les transformations de la société déposent des signes manifestes, extrêmement particuliers dans l’espace physique. […] vous êtes en mesure de comprendre comment, à travers les siècles, elles ont revêtu des caractéristiques communes et ont participé aux évènements qui en sont venus à constituer notre histoire»133 Peter Zumthor a travaillé avec ce principe et ses données pour faire ce lien entre l’architecture et le territoire. Ici, la mémoire relate de l’état d’esprit d’une société à une certaine époque, le souvenir des condamnés, d’évènements, même d’une coutume quotidienne et d’une activité de pêche. Donc c’est l’histoire qui est la donnée principale dans la stratégie de création un bâtiment chargé de sens, intégré a son territoire et réagissant avec son paysage.



3

C O N C L U S I O N



Nous venons donc de voir que l’on peut travailler avec le territoire en réinterprétant les éléments essentiels et spéciques qui s’y trouvent, qu’ils soient géologiques, géographiques, topographique, sociologiques, historiques, paysagers, écologique, urbains, naturels et autres. Cela nécessite donc de faire une analyse en amont par la cartographie et éventuellement d’avoir une réexion pour le temps long. Par exemple Michel Desvigne enclenche le processus de territorialisation en passant à l’échelle géographique, ou à une plus grande échelle pour redonner une cohérence au local. Il peut aussi y avoir une recherche de création de lieux signicatifs comportant des atmosphères singulières. Le lieu sera alors quotidien et poétique. Cela nécessiterait un travail qui consisterait à rassembler toutes les propriétés du territoire en les considérant par leurs formes, leurs textures, leurs matériaux, leurs couleurs, la mémoire, le paysage et autres. Par exemple Peter Zumthor passe par le site et le local pour faire ses architectures qui mettent en relation territoire et homme. Dans tous les cas, ces deux approches tentent de renouer l’humain avec son milieu et en ayant comme seul thème le territoire. En effet, elles ont en commun la volonté d’avoir d’une vision à une grande échelle pour permettre une intervention intégrée à son milieu. Le lieu devient une condensation de différentes données du milieu. Et c’est en cela qu’il est identitaire et caractéristique. Le projet est alors le lien entre l’individu et son milieu. Et en pratiquant ces lieux, l’Homme a le sentiment de faire partie d’un tout, d’être en adéquation avec son environnement au sens large. Ceci donne donc toute la pertinence au projet et permet d’établir une base au fondement de l’établissement humain. Cette prise en compte d’un discours qui est déjà présent sur un site permet aussi de faire advenir et de valoriser le territoire


puisque les interventions réalisées seraient issues des activités du territoire, destinées à ses habitants, inscrites dans sa propre logique, répondant à ses besoins. Mais pour redonner ce second soufe, il est souvent nécessaire d’avoir un regard extérieur, et de porter des innovations, des réinterprétations et des changements. En plus de répondre au problème identitaire et de fondement, il permet aussi de répondre aux problèmes de muséication, de l’étalement urbain, d’environnement, de production d’espace, de la perte de culture. Cela nécessite une remise en question de nos modes de vie et de nos manières de penser qui se sont enracinées. Mais c’est l’occasion de trouver une nouvelle référence commune pour créer, innover, produire et fonctionner de manière plus solidaire, soutenable, raisonnable et respectueuse.

133

Vittorio GREGOTTI, Il territorio dell’architettura, Feltrinelli Editore, Milan, 1966 ; Le territoire de l’architecture, L’Equerre, Paris, 1982 pour la version française ; pp.12-13

J’ai toujours été intéressé et soucieux de l’intégration et du respect de l’existant. Il me parait important que les transformations qu’impliquent inévitablement le geste fort de la construction d’un bâtiment soient maitrisées en faveur de son contexte. De plus les logiques d’interventions devraient utilisées l’identité spécique du lieu pour leur implantation et leur architecture. Donc, chaque bâtiment doit être spécique au lieu. «L’espace n’est donc plus conçu comme étendue uniforme et innie, où aucun lieu n’est privilégié et où toutes les directions s’équivalent, comme dans l’espace des théories économiques; mais plutôt comme un espace fait de différences, de discontinuités, qui sont valeur et expérience. » 133. Mais aujourd’hui, je comprends mieux les enjeux de cette logique et j’ai découvert les différentes échelles à manipuler. J’ai aussi appris que cette compréhension de l’existant passe par l’observation des traces. Cette observation doit pour moi d’abord se faire par la lecture de cartes informant de l’histoire, des mouvements naturels,


d’une structure paysagère, d’une situation, d’une composition ou toutes autres informations et éléments qui constituent l’identité du lieu. Puis il est nécessaire de réaliser une visite de site. Se plonger dans le lieu, avec ses couleurs, ses lumières, ses textures, son paysage, ses matériaux, son quotidien, ses sensations et ses habitants. Ceci permet de mieux comprendre les traces déjà observées, de sûrement en redécouvrir mais aussi de révéler une poésie. On constitue ainsi sa propre vision du territoire et sa propre inspiration des lieux. L’effort est de savoir quelles traces choisir et de quelle manière les transformer en idée, de les révéler ou encore de les réinterpréter. Ces deux lectures des traces n’informent pas forcément des même choses et c’est par leurs croisements que l’on peut constituer une réponse poétique et sensible s’intégrant à l’existant et à un territoire. Il s’agirait de s’inscrire dans une géographie, de porter un programme adéquat, et d’avoir une intention de projet générale en lien avec des éléments présents. Comprenant relation au sol, au ciel, au paysage, et à son environnement. Ce projet qui tire sa force du lieu se concrétiserait par une architecture sensible intégrant le local, l’échelle humaine, la mémoire, la culture...



B I B L I O G R A P H I E

4



97 -BAUDEZ Gildas, BAUER Gérard, DAVREU Robert, Territoire sans lieux, la banalisation planiée des régions , «Éditions Dunod», , Collection «Aspects de l’Urbanisme», 1979 -BERQUE, Augustin, « Trouver place humaine dans le cosmos », Echo Geo ; URL : http://echogeo.revues.org/3093#tocto1n2 -BERQUE, Augustin, « L’existence humaine et sa plénitude », Echo Geo, URL : http://www.peripheries.net/article185.html -BIGNIER, Grégoire, Architecture et écologie, «Eyrolles», Paris, 2012. -CAUQUELIN, Anne , Le site et le paysage, «Quadrige» Paris, PUF, 2002, 194 p -CHOAY Françoise, La terre qui meurt, «Fayard», «collection Essais» Paris , mars 2011. -COPANS, Richard, NEUMANN Stan, «Architecture», «Les thermes de pierre», Arte, 2007. -CORBOZ, André, Le territoire comme palimpsetse et autres essais, «L’imprimerie», 2001. -DELEUZE : la dénition de animal : http://youtu.be/YwLdqi8AOBU la nomadologie - œcuménisme mondialisant : http:// youtu.be/j8pq5qpOJxI -DESVIGNE, Michel, «Le paysage de Michel Desvigne», Pavillon de l’Arsenal, 2008, URL: http://www.pavillon-arsenal.com/ videosenligne/collection-6-108.php - MCKEAN, John, Giancarlo De Carlo. Des lieux, des Hommes, «Editions Axel Manges et centre Pompidou», 2004.


98 - MAGNAGHI, Alberto, Le projet local , «Editions Mardaga», Liège, 2003. -MONTESQUIEU (DE), Jean-Louis ; Entretien Rem Koolhaas : l’architecture tourne le dos à la ville. «Books» , n°39, janv. 2013, URL : http://apua.urbanistes.fr/wp-content/uploads/EntretienRem-Koolhaas.pdf - NORBERG-SCHULZ, Christian, Genuis Loci, Paysage, Ambiance, Architecture., «Edition Mardaga», première édition 1981. -TIBERGHIEN Gilles A., CORNER James, DESVIGNES Michel, Natures intermédiaires : Les paysages de Michel Desvignes, «Birkhauser» édition, Berlin, 2009 -VANIER Martin, DEBARBIEUX Bernard, TURCO Angelo, MELÉ Patrice, Collectif Territoires, territorialité, territorialisation : Controverses et perspectives [Broché], «Presses Universitaires de Rennes», 2009. -YOUNÈS Chris, MANGEMATIN Michel, Lieux contemporains, «Editeur Descartes Et Cie» ,15/02/1997 -ZUMTHOR Peter, Penser l’architecture, «Birkhauser», 11/2010. -ZUMTHOR, Peter, «Zumthor», service audiovisuel du Centre Pompidou, 2011, URL : http://www.centrepompidou.fr -ZUMTHOR, Peter, DURISCH, Thomas, Peter Zumthor,1986-2013: Buildings and Projects, «Scheidegger und Spiess AG, Verlag», 2014.



Image de couverture : Œuvre de Richard Long. Grace à une intervention à l’échelle humaine, l’artiste donne une nouvelle perception au grand paysage et révèle le génie du lieu. Il se base sur les traces et les matériaux présents sur le site et ne réalise qu’une transformation douce, minimaliste et éphémère de l’environnement.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.