//////MEMOIRE BENOÎT CASQUET
///À QUELLES CONDITIONS LES BAINS PUBLICS PEUVENT RESTER EN CONTACT AVEC LA SOCIETE FRANCAISE CONTEMPORAINE?
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//////SOMMAIRE Sommaire
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Introduction 1/Problématique 2/Rappel de l’objectif 3/Genèse du sujet : un ressenti 4/ Premier questionnement et plan
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I/ L’histoire du rapport à l’eau en France
1/Les étuves médiévales 2/Aux XVIè et XVIIè siècles : l’eau maléfique 3/Début XVIIIè siècle : retour du bain-public 4/Fin XVIIIè : premiers pas de l’hygiénisme 5/XIXè siècle : salubrité sociale 6/L’apparition du microbe 7/Fin XIXè : les bains-douche 8/ Aujourd’hui 9/Première conclusion sur l’évolution historique de la pratique du bain en France
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II/ Les pratiques du bains dans d’autres cultures 1/L’archétype : le bain Russe (Banya) 2/Antiquité Grecque 3/Thermes Romains 4/Le Hammam 5/Le bain Japonais 6/Le sauna Finlandais 7/Les établissements Thermaux 8/Récapitulatif
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III/ Symbolique et mystique de l’eau 1/L’eau symbole existentiel 2/L’eau provoque et évoque des sentiments humains 3/L’eau confrontée aux sens 4/Légendes et croyances liées à l’eau 5/Conclusion
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IV/ Habiter le bain public
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V/ Enjeux actuels : point de vue sociologique
1/Contexte et nouveaux marchés 2/Le stress 3/La cible : l’individu hypermoderne
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VI/ Conclusion Positionnement VII/ Projet
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1/Répartition géographique 2/Le projet : une alcôve urbaine 3/Le parcours – le possible 4/L’alcôve, le nid, le refuge 5/Scénario intentions 6/Programme(s)
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VIII/ Bibliographie thématique
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IX/ Annexes
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X/ Remerciements
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la société occidentale nément. ////// Dans contemporaine, la remarque qu’il L’usage de bains publics, et j’inINTRODUCTION n’y a pas vraiment de lieux pu- siste sur le mot public, c’est-à-
/////GOUTTE D’EAU www.spectrosciences.com/IMG/jpg/ goutte_eau_leg.jpg
1/PROBLÉMATIQUE A / JUSTIFICATION DU SUJET, EN FONCTIONS D’INTÉRÊTS PERSONNELS, ET DE RÉFLEXIONS ISSUES DE MES PREMIÈRES INVESTIGATIONS.
blics de proximité proposant des dire accessible à tous, a semblebains, pour la détente du corps, t-il disparu. Seuls les services suscite mon interrogation et sociaux utilisent aujourd’hui les mon regret. J’ai observé lors de anciens « bain-douches » qui séjours à l’étranger, et à travers revêtent une fonction exclusivedes lectures, que dans d’autres ment d’hygiène, et non plus de cultures notamment japonaise, détente. turque, scandinave, etc, le bain Comment pallier au manque public est toujours un lieu social d’accès à des lieux publics de d’importance, et qu’il a une va- détente par l’eau ? leur forte et rituelle dans le mode Pourquoi ne pas permettre à ce de vie des gens. nouvel équipement de voir le J’ai également constaté que de jour ? nos jours, la demande de lieux Donnons sa chance à une noude bien-être dédiés au corps est velle pratique communautaire et croissante et diffère de celle cura- populaire, une pratique ancestive ancienne (pendant l’âge d’or trale oubliée depuis des siècles ! du thermalisme). Elle s’exprime Des Bains pour tous, partout, non par un développement constant pas pour se laver ou nager, mais des équipements tels que les pour se détendre, se délasser hammams, les saunas, les spas, dans le calme, seul, en famille ou qui restent pourtant encore réser- entre amis, mais aussi pour revés à une «clientèle déterminée» trouver un lieu de vie, de conver(spécifique par sa condition so- sation, de négociation, et même ciale ou son état de santé), tandis de fête ! Un lieu à l’échelle d’une que les établissements thermaux municipalité ou d’un quartier. sont en mutation, le système de Un tel espace pourrait peut-être cure devant se diversifier pour aussi constituer une alternative à exister. la surconsommation caractérisL’eau est un élément simple à la tique de la vie contemporaine. En symbolique complexe qui inte- effet, aller au bain public signifie ragit précisément avec le corps prendre du temps pour soi, pour et l’esprit, pouvant procurer un son corps et son esprit, ne rien bien-être pour les deux simulta-
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faire pour se sentir mieux, ne pas « Public » : signifie le libre consommer, ne pas se laisser accès au quidam. Le mot ne solliciter pour acheter, ne pas se revêt pas une motion de gratuité, projeter dans des rêves consom- mais d’ouverture à tous. matoires, mais retrouver la réalité de son corps, des éléments et de B / QUESTION DE la matière. Certes, un tel établisDÉPART sement reste un lieu de consommation de bien-être, mais l’idée À quelles conditions, les bains d’une ritualisation de la pratique publics peuvent rester en /////GOUTTE D’EAU2 communautaire va, à mon sens, contact avec la société Française www.linternaute.com/photo_numerique/ galerie-photo/photo/les-quatre-eleau-delà d’un assujettissement contemporaine ? ments-se-devoilent/gouttes-d-eau.shtml marketing, et le pari du projet est de permettre cette ritualisation. C / DÉLIMITATION bain, mais dans aucun cas dans un paysage isolé. En terme de DU SUJET La formulation du sujet contient frontière territoriale et culturelle, dans chacun de ses termes un l’étude porte sur la France, la Le premier objectif de ce travail culture de l’eau étant ici assez axe de réflexion. est la réalisation d’un projet d’ar- particulière, et différente d’autres « Condition » : fait référence à chitecture. La proposition du pro- pays limitrophes. la qualité d’un objet par rapport gramme puis du projet implique Ce sujet reste utopique et la faiune matérialisation déduite des sabilité réelle du projet, qui déà sa destination. données analysées, au préalable, pend d’un engagement politique « Les » : L’article indéfini montre sur l’interaction Eau-Homme, la et financier, ne sera pas discutée qu’il s’agit de réfléchir à ce que dimension symbolique de l’eau, dans le cadre de ce travail. pourraient être les bains publics les différentes formes de bains D’un point de vue social, le projet d’aujourd’hui en général et non publics, et la conjoncture socié- ne se place pas sur le même plan tale. seulement en particulier. que l’aide sociale qui exploite auL’ambition est de proposer un jourd’hui les bains-douche pour projet idéal qui pourrait se décli- permettre aux plus démunis de « Bains » : il s’agit de la prener dans des sites potentiels, conserver une certaine hygiène mière définition du lieu, de sa avec des contraintes variables. garante de la dignité. Pourtant la qualification : un lieu où l’on Les sites d’implantations pos- population bénéficiant de l’aide se baigne, c’est-à-dire où l’on immerge son corps, ou en partie sibles, devront s’inscrire dans sociale ne saurait être exclue de des zones nécessairement habi- l’accès aux bains publics. La cladans un bassin rempli d’eau. tées. Ils pourront se situer tant rification des intentions nécessite en milieu rural qu’en milieu ur-
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Définissons plus précisément les de s’arrêter sur les comparaisons fessionnels. D’autre part, l’eau que nous serons probablement proposée au bain public n’a pas termes clefs du sujet : tenté de faire avec des établisse- forcément de vertu thérapeu+ Condition ments du même genre… tique particulière. Nature, état ou qualité d’une Le bain public tel qu’il sera envi- -Un Bain douche, car la fonction chose ou d’une personne; Quasagé dans cette recherche se d’hygiène n’est pas la proposi- lité d’un objet par rapport à sa destination. On cherchera ici différencie : tion centrale du bain public. quels sont les dispositif et moyen -Du Hammam, car les hamEnfin, comprenons bien que le architecturaux qui permettront mams sont issus et intégrés à bai public ne rejette pas les qua- aux bains publics d’exister en une histoire, une culture particu- lités des établissement cités ci- France. lière, avec une connotation reli- dessus, et compte même exploigieuse très marquée, qui n’est ter chacune de ces qualités, mais + Bain pas l’objet du bain public. sous une autre combinaison par- Selon le dictionnaire le nom ticulière qui ne saurait coïncider masculin « bain » signifie « -Du Sauna, le sauna est aussi avec aucune des appellations immersion du corps ou d’une de ses parties dans l’eau ; L’eau empreint d’une tradition scandi- citées ci-dessus. dans laquelle on se baigne ; Tout nave, et l’usage des bains puliquide dans lequel on plonge blics n’est pas encore coutume. une matière, un objet ; Bain de soleil : exposition du corps au -Des Spas, car les spas sont soleil ; et au pluriel : Lieu où il y a des commerces de bien être un établissement thermal ; Etaciblant une clientèle particulièr, blissement de bains. » aisée et stressée, incompatible Le bain dans notre sujet est à avec l’idée d’accessibilité à tous vocation relaxante, c’est à dire du bain public. /////THE WAVE qu’il doit permettre un relâchewww.flickr.com/ ment physique par « ramollisse-Une Piscine, ou centre de remis photos/29cm/131380682/in/phoment » (dans l’eau chaude) ou en forme, car l’effort sportif n’est tostream/lightbox/ par stimulation (dans l’eau très pas le médium de relaxation du D / DÉFINITION DES chaude, très froide, à remous, bain public. parfumée…etc) C’est un bain TERMES dans un lieu défini qui entre en -Un Établissement thermal, LES PLUS composition avec un ensemble car le bain public n’a pas pour IMPORTANTS de propositions d’expériences vocation d’être adapté à un soin médicalisé suivi par des pro-
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dans l’espace. Le bain désigne des initiatives de quartier ou aussi bien le bassin empli d’eau passer par la voie assiociative. que l’établissement dans sa glo- Dans tous les cas, ce qui reste balité. C’est dire l’importance du primordial est que l’accès soit bassin car c’est lui qui véhicule permis à tous. l’image entière de l’espace, c’est Cela n’empêche pas que la son titre, sa désignation dans son location ponctuelle de l’établisensemble. Le bain peut être aussi sement peut être permise, par un « bain de vapeur », car il s’agit exemple pour célébrer certains bien d’une immersion dans l’eau événements. Public ne signifie pas gratuité sous forme de vapeur d’eau. : en effet la création et l’exploitation d’un tel lieu engage un certain budget de construction +Public, f.publique et d’entretien, donc une particiSelon le dictionnaire l’adjecpation financière sera nécessaitif « public » qualifie « Ce qui concerne tout le peuple ; Relatif rement demandée à l’utilisateur : cela nécessite de convaincre à l’Etat ; Qui est à l’usage de tous ; transports publics ; Connu les autorités de l’utilité inconde tous ; Qui a lieu en présence tournable (voir rentable) des bains publics. Ce qui n’est pas de tout le monde. » Quant au nom masculin « public évident… mais possible. Public, » il désigne « le peuple en géné- signifie aussi exposé au quidam qui peut mal agir en se prêtant ral ; Ensemble de personnes réunies pour assister à un spec- à des actes de vandalisme par exemple. De ce point de vue, tacle, à une cérémonie. » Le terme « public » peut, dans il faudra se soucier, peut être à notre société signifier : géré par travers l’architecture, de la resl’Etat, la Collectivité, comme tout ponsabilisation de l’utilisateur. Cette dimension est importante espace public. Cela convient car il n’est pas si facile de réusbien à l’ambition du projet, en sir à créer un lieu public où la effet l’essentiel de la définition dans le cadre de notre sujet est méditation paisible est possible, je pense en particulier au milieu « qui est à l’usage de tous ». urbain, ou le stress engendre Il serait pertinent que l’Etat des comportements plus indiviprenne en vharge ce type d’équipements qui peuvent être dualistes et parfois subversifs.
/////AGUA www.flickr.com/photos/zachstern/80705332/lightbox/
C’est un défi à relever pour l’architecte. + Intime L’adjectif « intime » qualifie ce « qui est le plus au-dedans, le plus essentiel ; Qui est au fond du cœur ; Privé, personnel ; Pour qui l’on a une vive affection. » Le bain public propose aux utilisateurs de partager, pendant un temps et dans un espace convenu une partie, celle qui est socialement admise, de leur intimité, de ce qui est le plus audedans. C’est-à-dire d’une part, d’accepter l’exposition partielle de leurs corps, qui constitue déjà un grand pas dans l’acceptation, dans le levé de barrières de « protection », et d’autre part, de réaliser en présence d’autrui, et peut être grâce à son aide, un retour sur soi, une prise en compte
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de son propre corps et un relâ- en vie. L’eau est indispensable. chement de l’esprit. Or elle peut prendre plusieurs Dévoiler son intimité en présence formes, diluer d’autres éléments, d’inconnus est, pour nous en tant évoquer d’autres liquides… que français, presque toujours C’est un matériau très ambivaun moment difficile, même si on lent, à la fois simple et riche de essaie de s’en défendre, parce sens. Une étude plus précise de que l’intimité demande spontané- ce que l’eau peut signifier pour ment à être caché, rendu tabou. l’être humain fera l’objet d’un La nudité, par exemple, mais pas développement spécifique dans seulement, reste un tabou social. cette étude. + L’eau L’eau, mot féminin, est définie comme « Nom courant attribué au corps moléculaire de formule H20 (2 Hydrogène + 1 Oxygène) sous sa forme liquide ; Liquide transparent, sans saveur ni odeur : Lustre, limpidité des diamants et des perles ; Sueur ; Eau constituée d’oxyde de deutérium, qui sert à ralentir les neutrons dans les réacteurs nucléaires ; Eau mère : Lorsqu’une substance dissoute dans une solution s’est cristallisée, le résidu de cette solution est appelé « eau-mère ». Cette définition nous permet de cerner que l’eau est à la fois le plus simple des éléments (H20) est le plus complexe. Omniprésente, on sait très bien, intuitivement, ce qu’est de l’eau : L’élément vital par excellence, qui nous constitue et nous maintient
/////THE WAVE2 www.flickr.com/photos/marcosrfotografo/5648723377/lightbox/
partielle car l’acte d’ablution n’est pas suffisant pour obtenir une véritable régénération totale. Cette notion sera développée plus précisément au cours de l’étude. + Étuve Une étuve est une chambre de sudation ; son objet est de permettre la transpiration du corps au moyen d’un espace surchauffé, il existe plusieurs types d’étuves : -L’étuve sèche est l’équivalent du Sauna : la teneur en eau de l’air reste faible -L’étuve humide est l’équivalent du Hammam : la teneur en eau de l’air est élevée
+Ablution L’ablution signifie une toilette rituelle de purification. Ce terme est traditionnellement utilisé pour + Régénération totale Cette notion avancée par Sieg- désigner les rites de purification fried Giedion désigne l’effet d’un religieux, et dans le langage courant désigne le fait de se bain permettant d’obtenir un bien-être réparateur et durable, laver par le déversement, réel ou sur le plan à la fois physique et symbolique, d’eau claire sur le corps. psychique, voire spirituel. Le processus de régénération totale est une suite d’actions à accomplir pour ressentir cet effet positif. Prendre une douche dans sa salle de bain, par exemple, est une régénération seulement
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E / HYPOTHÈSES DE TRAVAIL
ceux qui se développent. Cela aidera à répondre à la question de Un présupposé fondamental à «Sous quelle forme vont se matécette étude est l’existence au- rialiser les bains publics?» et à jourd’hui d’un besoin d’établisse- proposer une programme type. ment de bain public de proximité. Cette hypothèse est d’abord issue d’une intuition, qui s’appuie notamment sur un essor des spas, qui commence à dépasser 2 / RAPPEL le contexte du « phénomène de DE L’OBJECTIF mode » et à supplanter l’activité thermale. Pourtant le fait de formuler un nouvel établissement L’objet de ce travail est de porter public reprenant les objectifs de une réflexion sur un usage oublié la relaxation communautaire par dans la société française : celui l’eau, en le rendant « tout public du Bain public. À mon sens, cette » n’est pas encore d’une effica- structure n’existe pas, ou plus, cité avérée. vraiment de manière convenable Quels sont les enjeux du rap- et suffisante dans notre environport à l’eau ? il conviendra de le nement. L’ambition de ce Mécomprendre au préalable pour moire et par la suite de PFE est prétendre trouver une qualité de proposer un projet utopique spatiale des bains efficace. Cette d’architecture recevant des esquestion sera étudiée à travers paces de bains et de relaxation l’analyse de l’histoire du rapport pouvant êtres idéalement accesà l’eau, de la symbolique véhicu- sibles à tous et partout. Il s’agit lée par cet élément et par l’obser- d’une démarche idéaliste mais vation des pratiques, des usages néanmoins prospective, s’inscriet des établissements d’eaux vant dans l’évolution du contexte /////AGUA2 www.flickr.com/photos/baloncestorrela- qui existent dans d’autres pays, contemporain. d’autres cultures ou d’autres vega/5647490283/lightbox/ époques. Par la suite nous analyserons le contexte contemporain en ce qui concerne les équipements de « bain » qui existent et +Rituel Le bain public veut permettre de ritualiser le processus de régénération totale pour ses utilisateurs ; un rituel est une pratique immuable comparable à une coutume et désigne l’ensemble des pratiques habituelles et codifiées. En général le rituel est fondé sur la croyance en l’efficacité constamment accrue de l’effet des comportements codifiés (les rites), grâce à leur répétition. Dans notre cadre, le rituel prend place non seulement dans la répétition régulière de la fréquentation du bain-public, mais aussi dans l’accomplissement, à caractère cérémoniel du processus de régénération total.
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des Coréens et sont utilisés de jusqu’aux vestiaires… Finalemanière régulière par l’ensemble ment la présence de maillot ne de la population. L’influence des sera pas nécessaire. Malgré ma japonais que l’on peut voir dans gêne, j’entre dans une salle asla culture coréenne ne rend pas sez haute, résonnante, parcouétonnant la présence de Sento rue de colonnes, où se trouvent et de Onsen renommés « Jim Jil un bain à 36°C et un autre à 38°C. Bang ». Il me semble intéressant J’aperçois un immense basde s’arrêter sur cette expérience sin à l’extérieur, surmonté d’une personnelle : épaisse nuée blanche à travers laquelle on distingue quelques Depuis quelque temps, j’étu- silhouettes fantomatiques. Je me die au sein de l’université INHA prélasse quelques minutes tour à situé à Incheon au Sud Ouest tour dans ces deux bassins et je de Séoul. Je rends visite à des me dis « qu’en fait, ce n’est pas amis à Busan au sud du pays, si mal ! » Après un quart d’heure, ville à l’architecture essentielle- que je m’aperçois que les gens ment moderne et fonctionnel, un dans la pièce disparaissent un jour de décembre, je me rends à un par une petite porte, intriaux Jim jil Bang de Haeundae… gué j’emprunte à mon tour ce Il neige est la température exté- passage dérobé, au caractère /////FONTAINE rieure est de -20°C, pourtant on labyrinthique qui mène à d’autres www.flickr.com/photos/sputm’assure qu’il faut y aller, notam- pièces recouvertes de faïences, nikworld/5649693197/in/photostream/ ment pour le sauna extérieur ! avec des bassins, des saunas emmitouflé dans ma panoplie plus ou moins secs, des hammanteau écharpe bonnet gants, mams avec des températures dif3/ GENÈSE DU je me demande si je vais avoir le férentes qui se présentent tout au SUJET : courage de mettre mon maillot. long d’un parcours sinueux. J’exUN RESSENTI Je me rends ici à contre-cœur, périmente petit à petit les possibien obligé par l’insistance de bilités offertes par ce parcours ; j’entre d’abord dans un hammam L’idée du sujet est née d’un res- mes hôtes. Ce Jim jil Bang se trouvent dans qui me semble raisonnablement senti personnel : lors de voyages, particulièrement en Corée du un bâtiment austère sa façade chaud, c’est-à-dire que la nuée sud, je découvre la ville d’Incheon ressemble à n’importe quelle est là moins épaisse que dans et ses bains. Hérités des inva- façade de banque ou de bâti- les hammams contigus où l’on sions japonaises les bains sont ment administratif. J’entre et je ne voit, par la porte vitrée, même encore des lieux très appréciés me laisse guider pour arriver
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plus les silhouettes des gens qui si mon âme avait été lavée. Le entrent comme pour y disparaître. retour à la vie normale manteau Je ne reste que quelques minutes gant écharpe bonnet se fait donc car la chaleur me fait suffoquer ; empli d’une nouvelle force. De pourtant je sens que mon corps même qu’on se sent un peu plus s’habitue petit à petit à ces sold’attaque, plus sain(e), après licitations thermiques parfois vios’être lavé dans sa salle de bain lentes. Je choisis mon parcours de bon matin. Excepté que là, d’expériences, je passe de bason s’est « purifié » ensemble et sin en bassin, de hammam aux de plusieurs façons, dans un lieu douches etc. On passe dehors et magique. N’est-ce pas un catal’on se précipite dans l’eau à 37 lyseur de se détendre, tout en degrés car le froid est saisissant. voyant les autres se relâcher ausUne fois dans l’eau, on déambule si autour de nous ? Est-ce l’action au milieu du brouillard, on ne voit relaxante n’en est pas multipliée, qu’à peine le visage des gens. est ce qu’on n’en renaît pas, plein Des vieux messieurs jouent au de possibilités, de projets pour go, des fontaines apportent l’eau soi-même et de bonnes intenchaude dans le bassin et de pe- /////AFFICHE DU FILM HAEUNDAE tions envers les autres ? tits jets d’eau massent les reins www.fantastiquezine.fr/4images/data/ Il ne suffit que d’une fois, je suis et les jambes. Les bassins exté- media/986/haeundae-2.jpg accro. Je renouvellerai assez rieurs se trouvent dans une cour sit et je cours jusqu’à une porte souvent l’expérience à Incheon cernée de bâtiments. Un peu plus dérobée en bas d’un escalier, et et Séoul, je sais déjà que revenu loin un autre bassin plus ludique là ce sont des douches et des en France, je ne retrouverai pas est parcouru de remous de type saunas qui m’attendent. Dans la d’équivalent à ce lieu permettant jacuzzi tantôt dans le centre où salle des douches un réceptacle l’exercice d’un tel art de vivre. l’on peut être assis, tantôt partout est rempli de copeaux de glace dans le reste du bassin où les re- qui sortent constamment d’un orimous viennent de sous les pieds fice dans le mur. Après le sauna, lorsque l’on est debout. Une quand est bien « cuit » on peut poussée d’eau autour du jacuzzi se couvrir de glace à volonté central crée une vague tournante avant d’y retourner !... où se distraient les adolescents C’est vanné que je refais le cheet les enfants. L’amusement min inverse pour regagner le gagne tout le monde, on discute vestiaire, j’ai l’impression d’être et l’on rit beaucoup. En sortant du épuisé, mais je me sens aussi bassin, à nouveau le froid me sai- particulièrement bien, comme
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4/ PREMIER QUESTIONNEMENT ET PLAN
même besoin : purifier le corps et dont on n’a pas complètement l’âme. conscience, mais qui peuvent Le culte de l’eau a atteint son expliquer pour beaucoup la fasapogée avec des thermes ro- cination humaine pour l’élément mains, dont de nombreux ves- eau, et alimenter un projet d’artiges restent encore aujourd’hui chitecture de bain. L’eau que visibles. Ces thermes sont des l’on compare à nous, qui nous Pourquoi de tels lieux, sont qua- sortes de temples dédiés aux représente, porteuse de tous les siment inexistants en France, à bienfaits de l’eau, dans lesquels extrêmes. Paris, en campagne, où que l’on les bassins d’eau tiède, froide soit. Certes, dans certaines villes ou chaude succèdent aux bains thermales (ou villes d’eau), la de vapeur. L’eau sert à de nompopulation locale a parfois accès breuses applications, bains, facilement à des équipements de ablutions, enveloppements. Elle type bain-public. Mais ces gens peut avoir une action interne, sont géographiquement privilé- mais aussi une action externe. Sa polyvalence en fait un remède giés. universel. Les Romains construisaient des thermes monumentaux. Depuis Pour mieux comprendre la situades millénaires, l’eau est source tion contemporaine et les enjeux de purification pour le corps et de notre sujet observons d’abord /////LAC VOLCANIQUE l’esprit dans toutes les religions son histoire et sa géographie. www.flickr.com/photos/mimodu monde. Son effet thérapeu- Son histoire à travers l’évolution sa0/5061490296/ tique est reconnu depuis la nuit du rapport complexe que nous, des temps. Les bains de santé et français, avons eu avec l’eau. Sa les séjours de cure ont marqué géographie pour profiter du pabien des civilisations. Aujourd’hui nel d’exemples de bains publics encore, l’eau joue un rôle central (ou de rapport communautaire à dans les loisirs et les activités l’eau et à la propreté) qui existent dans le monde. sportives. L’eau est liée à des rituels dans Il me paraît essentiel d’aborder toutes les cultures. Les concours aussi le non rationnel, le symbode natation des Germains, les lique, voir le mystique qui gravite bains turcs (Hammams) ou les « autour de la relation eau-Homme loges de transpiration » des cha- dans l’espace. Ces choses mans indiens relèvent tous du
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appréhender les multiples //////I.L’HISTOIRE Pour possibilités de liens entre le DU RAPPORT A corps humain et l’eau dans notre L’EAU EN culture, il est utile de revenir sur FRANCE l’évolution des pratiques du bain
« Le bain a pris au cours des siècles diverses significations. La manière dont une société intègre le bain à la vie quotidienne, de même que le type de bain qu’elle préfère, sont très révélateurs de sa nature profonde. (…cela) concerne les soins du corps. (…) Certaines époques ont incorporé le bain à un vaste idéal de « régénération totale ». d’autres l’ont considéré comme une simple ablution, c’est-à-dire comme un acte routinier à expédier le plus vite possible. Selon les époques, on verra dans le bain une source de bien être, un acte isolé, ou encore on le négligera complètement. » Siegfried Giedion, la mécanisation au pouvoir p.512
1/LES ÉTUVES MÉDIÉVALES.
et de la propreté. En effet nous Les premières étuves françaises verrons que la notion de propreté datent du Moyen Age (entre le est passée par toutes les consi- XIIIe et le XVIe siècle). Elles sont dérations au fil des siècles, et ses négoces généralement fluctuations constituent inévita- composées d’un lieu pour le blement une clé à la compréhen- bain de vapeur (étuve à gradins sion de l’appréhension moderne de bois), d’un autre pour le bain de l’eau. chaud en cuve (un bassin Nous tirerons de ce retour histo- collectif et plusieurs cuveaux de rique les premiers éléments de une ou deux places), et de définition de ce que pourrait être services : à savoir vin, repas, lit et un bain public contemporain, en couvertures, suivant le prix. particulier du point de vue de ses Les usagers se baignent dans usages. des cuves d’eau infusée de plantes odorantes, croquent de la réglisse ou de la cardamome pour avoir bonne haleine, tandis que des serviteurs pratiquent massages et soins du corps tels que rasage coiffure, épilation… L’eau chaude est produite dans de grands fourneaux en sous-sol, et elle circule dans des canalisations en bois. Ces établissements sont relativement fréquentés voire banals. Orientés vers une dimension extrêmement ludique ; fête, /////GRAVURE REPRÉSENTANT LES plaisirs et jeux, ils sont en général ÉTUVES MÉDIÉVALES attenant à une taverne. www.sergevital.canalblog.com
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À cette époque Vitruve est la ré- pouvons le voir sur les images de la personnalité individuelle férence architecturale, ses étuves suivantes n’étant pas de circonstance au sont copiées, plagiées, reprodui- représentant une scène d’étuve Moyen Âge… C’est l’essor de tes. médiévale, les hommes et les «l’amour courtois», et son univers femmes sont ensemble nus, les chevaleresque. fondements de la pudeur n’étant Ensuite vers la fin du XVIe siècle, pas encore orientés sur la nudité. la perception de la décence et Une table pour le repas est posée de la pudeur se déplace sur les bassins alignés et sur la sensiblement, ce qui aboutira par gauche un couple se dirige vers un phénomène très lent, à la le lit, ce qui suggère une certaine séparation homme femme (vers liberté de mœurs. En arrière plan, le XVe siècle). un couple de bourgeois pas encore dévêtus semble arriver. Cette constatation permet de Notons que ce type d’étuves pressentir que les différentes existe alors également en pratiques de bain public seront Allemagne et saluons l’ingénieux déterminées par des système de solidarité par le phénomènes culturels. Au XV siècle, les étuves commen/////GRAVURE REPRÉSENTANT LES prélèvement d’une taxe sur la ÉTUVES MÉDIÉVALES2 recette de cent à êtres rejetées, notamment http://img143.imageshack.us/i/maisone- l’établissement (répercutée sur pour des raisons de turbulences tuves5ht.png/ les prix), redistribuée aux urbaines, certaines étuves étant C’est par un héritage des personnes démunies pour des plus ou moins officiellement influences romaine et russe que bains devenues des lieux de les étuves prennent place en gratuits. prostitution. Et leurs usagers France, elles sont la preuve d’une provoquant un certain tapage. redécouverte des plaisirs des Les étuves ont fini par devenir bains collectifs. Les étuves sont Selon Georges Vigarello, au des lieux jugés malfamés par également issues de l’émerveille- début du Moyen Âge, donc au l’église catholique, lieu d’intrigue ment des croisés pour la culture début de l’apparition des et de tromperie. Cela aboutit à byzantine des bains orientaux. La étuves, tout le monde se mélange décréter hors la loi les derniers finalité première des étuves étant pêle-mêle en ces lieux sans établissements, seules les le jeu, le divertissement, on ne s’y actes malhonnêtes. Une lente institutions à vocation médicale rend pas alors pour des préoccu- prise de conscience de pouvant perdurer. pations d’hygiène. Au contraire, l’individualité réconcilie les pour la détente par la transgres- médiévaux avec la beauté et sion, l’amusement. Comme nous la séduction, l’épanouissement
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Au XVIe siècle, l’épidémie de moralité générale fort différentes 2/ AUX XVIE ET peste met un point final à à l’époque d’aujourd’hui. XVIIE SIÈCLES : l’existence des quelques étuves L’érotisation possible d’un tel résistantes. Au grand dam lieu n’était pas niée voire plus ou L’EAU MALÉFIQUE d’Erasme qui dit, en 1526 : « il y a moins tolérée. Cette dimension 25 ans, rien n’était plus en vogue dans un lieu public contemporain À cause de la peste, bientôt, dans le Brabant que les bains pu- n’est pas envisageable. Il ne sera l’eau est considérée comme un blics ; aujourd’hui il n’y en a plus, donc pas question de rétablir le élément maléfique qui s’infiltre insidieusement par tous les la bain public sous cette forme. orifices possibles, vecteur de nouvelle peste nous a appris à venin, de maladie et de mort. Par nous en passer. » On peut citer incidence, il est considéré comaussi Montaigne, baigneur me vraiment dangereux de prenitinérant, dre le moindre bain. rêvant à d’étranges trajets de Le lavage corporel se fait alors l’eau infiltrée, pour mieux par frottement sec avec un linchasser les incommodités du ge blanc, il existe des règles de corps. Il insiste sur la disparition convenance en ce sens, selon du bain au XVIe siècle, coutume lesquelles notamment plus le lin« perdue qui était généralement ge est blanc plus on est propre. observée en temps passé quasi La propreté est associée au chanen toutes les nations. » gement d’habit et à la maîtrise /////GRAVURE LE BAIN DES FEMrelative de la vermine (puces et L’éradication de ces MES.HANS SEBALD BEHAM (1500- poux), les parties visibles (visage établissements correspond autant 1550)www.tdg.ch/.../468x312/ story/ et mains) étant tout de même laetuves.jpg à une accusation populaire vées succinctement à l’eau froide d’ordre moral qu’à des et claire. contraintes législatives en lien avec non seulement la religion mais également la protection du peuple contre la maladie. Cependant l’existence de ces institutions révèle un premier usage possible du bain public, l’usage d’ordre ludique, orienté vers le plaisir, où l’eau est festive. Cet usage est le reflet d’une manière de vivre et d’une
La propreté devient donc une qualité d’apparence, d’habillement, de bienséance visible, indépendante de la sueur ou de l’odeur…, En particulier au XVIIe siècle, avec l’évolution de la mode vestimentaire : « la propreté étant une convenance des habits et de la personne (…) Il est
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nécessaire, si nous voulons être un sentiment de peur primaire de ques siècles, mettant en évidenpropres, de conformer nos habits la mort, on ne peut pas proposer ce, ainsi, le poids progressif de la culture sur le monde des sensaà notre taille, à notre condition, à d’activité aquatique. notre âge. La loi que l’on doit ob- Lorsque le lien entre l’homme tions corporelles immédiates. server indispensablement pour la et l’eau n’est plus possible. La propreté, c’est la mode. » Extrait de confiance en l’eau est donc une Notons aussi qu’à cette épol’article paru dans «le mercure galant» valeur primordiale pour admettre que, l’apparence vestimentaire en 1667 le bain public. est clairement plus importante Deux cents ans de bannisse- et rassurante que la conscience Pendant quelques décennies, il ment du bain et de l’eau dans la du corps ou sa propreté ; cela n’est même pas question de penculture française ont nécessai- nous interroge sur ce qu’il en est ser à prendre un bain sauf urgenrement laissé des traces dans aujourd’hui, de la dualité entre ce médicale, à l’article de la mort, nos comportements actuels, et l’apparence et la propreté. ou sous la contrainte. De même expliquent peut-être la réticence on recommandait de ne surtout à se baigner, et d’autant plus de pas laver les jambes des enfants manière collective. Comme Sieavant l’age de 10 ans minimum gfried Giedion, j’estime qu’ « à ! Bain et péché sont synonymes bien des égards nous souffrons et le contact de l’eau effraye, tout encore aujourd’hui de ses effets, comme la nudité et la nature en lorsqu’une attitude de ce genre général. s’est établie dans une société, L’eau chaude est particulièreelle se transforme facilement en ment mal perçue, exportant à un préjugé indéracinable qui retoutes les parties de l’organisme fuse de disparaître même lorsque ses influences émollientes. En reles racines sont mortes. » ; On vanche, on reconnaît à peu près peut déduire cela notamment à les vertus apaisantes de l’eau tiètravers l’analyse de Norbert Elias de en cas de grande chaleur, de qui démontre dans « la civilisamême que la vertu tonifiante de tion des mœurs » que l’émotivité l’eau froide qui permet d’affermir de l’individu est modelée par trales muscles et les vigueurs. ditions et institutions, que l’enfant /////[VIOL 5] VENGÉE DANS UN BAIN par exemple n’a pas les réflexes DE SANG ... PHOTOGRAPHIE DE L’observation de cette époque de « décence » et de « bienséan- JPV74 http://www.artkaos.net/forums/ index.php?forumid=26&threadid=30497 montre que selon la fluctuation de ce », il ne naît pas civilisé ni pudi- &version=artkaos_beige l’opinion publique, la présence que. L’adulte lui inculque en très de bains devient absolument obpeu de temps ce qui a été acquis solète et inenvisageable. Dans un par toute une population en quelsystème où l’eau chaude éveille 16
3/ DÉBUT XVIIIE SIÈCLE : RETOUR DU BAIN PUBLIC.
Des possibilités d’expériences sensibles, et agréables, sont Les établissements les plus reconnues, qui restent une pra- luxueux, comme le bain Vigier, tique luxueuse, peu intégrée, comptent plus de 200 baignoires mais suffisamment importante simples et doubles et des lits de À partir de 1750 environ, Un pour faire naître des initiatives repos dans un espace très lumichangement de mœurs, avec nouvelles. En 1761 un bateau neux prolongé par des espaces l’abandon des apparats, des ma- de bain chaud est créé sur la verts. Son accès se fait par un esquillages et la promotion du sa- Seine, institution plus thermale calier large et majestueux, éclaivon, permet le retour des bains qu’hygiénique, mais intriguant ré la nuit par un énorme phare, et les Académies médicales qui qui donne dans un hall d’entrée publics. « …Et lorsque pour la première commencent à reconnaître que décoré d’une immense volière, fois en 1759 un texte sur l’art de le bain d’eau chaude provoque doté d’un personnel de service, la beauté est introduit par l’éloge un relâchement délectable du garçons et filles, « très beaux très du bain, l’exemple est emprunté système charnu (ensemble des propres et très coquets », qui ofà l’imaginaire contemporain du tissus musculaires), sans trop de frent des bains de toilette, de santé et des chambres à lits. harem oriental. Connotations las- risque. cives et espaces féminisés. (…) Pourtant le bain froid reste préfé- Dans un autre établissement, « Créent plus qu’un effet d’ambian- ré, synonyme de vigueur, d’éveil les bains du sieur Albert », le plus de l’esprit par le resserrement luxueux, douches simples douce, un milieu (…) Mélange de détente et d’oisiveté brutal des tissus. Il est austère, ches ascendantes, et douches composées sont proposées, (…) Le bain au milieu du XVIIIe ascétique, invitant à une bains de propreté et dépilatoires siècle, touche à l’indolence distin- « bonne » moralité. ainsi que des bains russes de vaguée. » Georges Vigarello,Le propre et le sale, p114 peur et de fumigation. D’autres part les bains dits « Le bain réfère à la féminité et à la chinois », dont seul le décor est nonchalance. chinois, proposent des bains Pour les architectes, les cabinets orientaux et toutes sortes de de bains du XVIIIe siècle, « les plaisirs liés à l’eau ainsi que des nouveaux espaces sont souvent espaces annexes tels que café, des lieux de rafraîchissement et salle de lecture, fumoir, etc. de détente. Il s’agit de privilégier l’ombre, l’humidité » ID.p.115 Enfin, des établissements de bains plus proches de celui que /////BAINS VIGIER, PONT ROYAL www.images.wellcome.ac.uk j’envisage commencent à être
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décrits. Ils sont équipés d’artifichinois. Les premiers textes hy4 / FIN XVIIIE ; ces suggérant la lascivité et l’exgiénistes donnent désormais à PREMIERS PAS DE périence sensorielle douce (parl’eau tiède une part dans « l’art L’HYGIÉNISME fums, lumière filtrée, jardin isolé). de prolonger la vie ». Les nouIl est à l’origine perçu comme des- La propreté commence timide- veaux bains publics deviennent tiné aux femmes inactives n’ayant ment à être associée à la non- (ou re-deviennent) ainsi « recomrien de mieux à faire. Donc jugé puanteur. Or la puanteur émane mandables » un peu péjorativement. de l’air, qui n’a pas de lien direct Cela soulève la question du droit avec l’eau. C’est donc l’air qu’il que l’on s’octroie ou que l’on se faut traiter. Un projet politique refuse de ne rien faire, et par urbain de cette époque prévoit conséquent d’aller dans des lieux de lâcher de temps en temps de comme des bains publics où l’on l’eau d’énormes cuves situées peut rester à ne rien faire. En ef- sur les points hauts de la ville fet se rendre aux bains affiche ne pour balayer d’un seul coup mulcertaine conception d’un art de tiples déchets malodorants, envivre dans lequel l’oisiveté aurait combrant les rues. sa part privilégiée. Or le désir L’eau absorberait les miasmes. simple d’oisiveté est, aujourd’hui Ce projet prévoit l’éventualité de encore souvent considéré com- mettre des établissements de me un vice. bains publics à proximité des Dans ce contexte aller aux bains cuves. Cela ne sera jamais réapourrait signifier s’exposer au ju- lisé, mais « l’idée à germé ». En /////CAGE À BÉBÉS 1930 DESTINÉES gement de celui qui n’a pas le effet, on commence à penser AUX HABITATIONS SANS JARDIN temps de s’y rendre… Sauf si, le que la puanteur et la saleté du www. vintageforkids.blogspot.com bain n’est pas réservé exclusive- « pauvre » accentuent et accément à l’oisiveté, mais propose lèrent sa déchéance morale, le Un autre usage possible du bain en complément des activités fai- rendent mauvais ; le fait de pou- est hérité de cette époque : le sant oublier qu’on serait entrain voir se laver le rendrait meilleur. bain a vocation de lavage. Cela paraît simple, mais pas si de perdre son temps. Entre temps, de 1780 à 1800, Ce compromis risquerait sans des institutions de bains publics évident : doute de dénaturer l’âme du lieu, plutôt luxueux commencent à lorsque l’eau redevient «amie», même si le bain sous cette forme apparaître avec pour finalité plus ce sont les gestes de propreté plus commerciale attirerait plus clairement exprimée : la propre- tels que nous les connaissons qui se développent en parallèle. de clientèle… té. Leur pratique se développe, Les gestes rituels des ablutions avec ablutions, douches, prennent une part importante traitements médicaux, bains
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dans l’usage du bain public. Il La transformation des esprits est De nouvelles épidémies comme le est important de pouvoir s’y laver longue et difficile. Nombreux sont choléra arrivent, et les bains sont correctement. encore ceux qui se méfient de recensés comme autant d’instruLes préoccupations hygiéniques l’eau chaude « comme de la pes- ments de défense au même titre sont admises aujourd’hui et le fait te » et qui préfèrent entretenir leur que les fontaines et les points de pouvoir se laver est considéré linge plutôt que leur corps. Plus d’eau propre. La tendance s’est comme un droit acquis. Cette no- souterrainement, ce sont les « donc inversée depuis la peste, tion est donc à intégrer dans le pudeurs » qui retiennent l’opinion l’eau protège, l’eau n’expose projet. publique, l’eau chaude étant sus- plus au risque, elle l’écarte. Les ceptible d’éveiller le désir sexuel circuits d’eau commencent à se et l’isolement dans une baignoi- construire, avec acheminement 5 / XIXE SIÈCLE : re pouvant amener à de drôle de d’eau propre et évacuation ; inchoses. Les hygiénistes doivent tégrant totalement les modalités SALUBRITÉ prouver que la pratique du bain du bain à ce circuit, les facilitant, SOCIALE n’offense pas la pudeur, en sou- les rendant multipliables, pourtenant fermement que ce qui est vu qu’ils soient connectés aux « L’hygiène n’est plus l’adjectif impie n’est pas d’être nu mais de conduites. qualifiant la santé (hygienos si- ne pas entretenir son corps. En pratique, un peu moins d’un gnifie en grec : qui est sain), mais bain par an et par habitant est l’ensemble des dispositifs et des recensé sous la monarchie de savoirs favorisant son entretien. Louis XVIII, et un peu plus de C’est une discipline particulière deux bains sous la république du au sein de la médecine. (..) (La prince président. promotion du savon par exemple) Les gens aisés peuvent se faire »Georges VIGARELLO, Le propre et le installer une baignoire, et la salle sale. P 182-183 de bain privée commence à apparaître. Les hygiénistes se lancent dans une campagne de sensibilisation au bon entretien du corps pour une meilleure santé, passant par la propreté de la peau. En 1830 un médecin avance la théorie que la crasse empêcherait le rejet de gaz carbonique par la peau et donc étoufferait le corps /////PUBLICITÉ HYGIÈNISTE, dans de l’intérieur. l’« Agenda de l’Union Coopérative de Liège », 1940
Parallèlement, les bains populaires apparaissent. Georges Vigarello nous donne une description des bains à quatre sous : « une pratique du bain existe enfin : les baignades prises l’été à la rivière. Quelques établissements voisinent à Paris, installés à même
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le courant et grossièrement clos lève la question de la flexibilité de vent et les exigences s’accroisde palissades en planches : les l’arrangement, de la disposition sent. Le soupçon s’étend. Les bains à quatre sous. (…) Public des éléments architecturaux du objets publics sont d’ailleurs les clairement spécifié : silhouettes bain, ou au contraire de la rigidité premiers visés : tentative de dénombreuses entassées jusqu’au du concept. Il s’agit de trouver un sinfecter au gaz Pictet les livres désordre ; gestes brouillons, pra- équilibre entre ces deux possibi- de bibliothèque, celle d’identifier tiques mêlées. Les lieux sem- lités. tout dépôt microbien sur le goulot blent indistinctement faits pour des fontaines publiques. ceux qui nagent, ceux qui se laDans cette dérive soupçonneuse, vent, ceux qui se rafraîchissent et même le bain qui lave peut favoregardent. Point des rencontres 6 / L’APPARITION riser la vie du microbe. Alors que lors des grandes chaleurs, le bain faire ? a-sep-ti-ser ! ici, la propreté DU MICROBE. à quatre sous fait apparaître ces change de définition : le microbe lavages furtifs et saisonniers ; im- Un nouvel événement va accé- en est maintenant la référence mersions hésitantes encore dont lérer et bouleverser la donne : la négative et l’asepsie la référence le rapport est bien fragile avec le révélation de l’existence du mi- idéalisée. » Georges VIGARELLO, le propre et le sale p 218 bain des baignoires. » id p 204 crobe. Lorsque Pasteur aux alentours Il apparaît qu’enfin, les gens du de 1870 met à jour cet être mulpeuple commencent à se mouiller, tiforme, pullulant, échappant à la timidement… Cela reste pourtant vision à l’œil nu, il révèle comme exceptionnel et légèrement mal- jamais que se laver, c’est trafamé à la fin du XIXe. Peut-être vailler sur l’invisible (et non pas parce que ces lieux de bains se sur l’apparence). sont apparemment créés de manière « spontané » et donc, avec « Cette propreté nouvelle déplace une organisation propre à leurs le regard : elle efface ce qui ne utilisateurs, qui ont exprimé le se voit ni ne se sent. La noirceur, besoin d’avoir une telle structure l’odeur de la peau, la gêne physià leur disposition. En termes de que, ne sont plus les seuls signes projet, cette dernière considéra- qui imposent un nettoiement. /////SALMONELLES SUR UNE CULTURE DE CELLULES HUMAINES tion permet d’appréhender la ma- L’eau la plus transparente peut http://fr.wikipedia.org/wiki/Micro-organière dont une communauté (par contenir tous les vibrions, la peau nisme exemple un quartier, des voisins) la plus blanche entretenir toutes peut vouloir s’approprier leur bain les bactéries. La perception ellepublic et l’aménager un peu à même ne permet plus de déceler l’image de leur groupe. Cela sou- le « sale ». les repères se dissol-
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Bientôt les quelques bains pu- 7 / FIN XIXE : LES nes préconisations restrictives, blics et les salles de bain privées par exemple pour les femmes : il BAINS-DOUCHES des plus aisés ne suffisent plus, il s’agit de produire une douche de faut que les institutions commu- Cabines étroites, jets contigus, deux minutes pas plus, avec une nautaires puissent posséder des eau et temps décomptés, structu- eau pas trop chaude, pour que moyens de se laver : dans les ca- res légères (rideaux), ensembles la femme n’ait pas le temps de sernes, puis dans les lycées, les rigoureusement fonctionnels, les goûter au délassement de la londouches communes apparais- bains-douches sont clairement gue douche brûlante, et qu’ainsi sent. destinés à ceux qui n’ont pas ac- elle ne devienne pas une harpie Enfin le dispositif devient popu- cès à la salle de bain privée. exigeante et capricieuse. C’est laire, et finalement les bains-dousûrement grâce à ce genre de ches se développent. « Pour répondre à sa définition, préceptes que les bains douches pour atteindre son but d’hygiène ont été des établissements cerLes causes de la maladie étant véritablement sociale et popu- tes utiles et utilisés pendant près désormais identifiables, le com- laire, un pareil établissement d’un siècle, mais parfois aussi portement moderne de la prati- sera installé dans des conditions un peu boudés par une certaine que du bain s’en ressent, par la de simplicité qui, sans exclure partie de la population. méfiance envers les impuretés l’élégance, proscrirait d’inutiles qui peuvent se développer, sta- recherches architecturales. » gner et s’attraper dans l’eau. Les M.Pain, bains douches populaire bains publics sont considérés à bon marché, paris 1909, p 13 comme des installations à risque tiré de Georges VIGARELLO, Le propre au même titre que les hôpitaux, et le sale. car c’est principalement à travers la stagnation d’eau chaude que Dans la salle de bain bourgeoise: des bactéries comme la légionel- l’eau, comme outil, est acquise. /////LES BAINS-DOUCHES EN 1911 lose se développent. Il est donc Dans la cabine de douche de PHOTOS JOURNAL DE ROUBAIX, conseillé, pour éviter les risques l’établissement populaire, l’eau http://acueep102.univ-lille1.fr d’assurer une bonne circulation demeure imposée de l’extérieur. On trouve aux bains-douches : de l’eau, avec un circuit unila- On comprend par là que les baignoires, lavabos, et cabines téral, la notion de confiance en bains-douches n’ont pas voca- de douche. Sur la porte d’entrée, l’eau, étant, comme on l’a remar- tion à constituer des lieux de on peut lire « propreté donne sanqué plus haut, extrêmement im- confort : uniquement destinés à té ». portante dans la pratique du bain la propreté, ils n’incluent pas du Citons l’initiative de l’Anglais tout la notion de bien-être. C’est David Urquart qui tente, le prepublic. pourquoi leur usage réel et ré- mier, d’introduire le Hammam en gulier est un peu long à mettre en place. On peut noter certai21
Angleterre, lui donnant l’appel- 8 / AUJOURD’HUI temps que toujours plus explicilation de « bain turc ». il ne partés, loin en tout cas du seul utiviendra à n’en construire qu’un La salle de bain interne au foyer litarisme hygiénique ! Promotion seul. Notons aussi celle du Dr a été complètement démocra- de pratiques narcissiques où la Lassar, qui en 1883 présente au tisée et constitue le lieu majeur salle de bain autorise de secrètes Congrès de l’hygiène de Berlin de la propreté aujourd’hui. Elle détentes. « Plaisir » qui s’énonce ce qu’il appelle les « bains popu- est le fruit d’une standardisation aussi. Multiplication de produits et laires » : un abri en tôle ondulée des équipements individuels de d’objets enfin, codant ce « mieuxdivisé en compartiments conte- bains. La salle de bain est dé- vivre » pour entretenir de subtils nant chacun une douche, 5 pour sormais intégrée comme une an- mélanges entre illusion et réalité. les hommes, 5 pour les femmes. nexe de la chambre à coucher. Le bain est traversé par l’alchiCes douches, ou « postes de net- Le bain est devenu une activité mie complexe des publicitaires. toyage », sont destinées à être strictement privée. Il est leur objet, subissant leurs placé dans la rue de façon à en- Les bains-douches sont pour la modes et leurs images. L’insiscourager les passants à les fré- plupart fermés ou reconvertis. tance sur les valeurs personnaliquenter le plus souvent possible. En termes d’outil, la baignoire et sées, l’affirmation d’un hédonisLa douche est fortement promue la douche sont aujourd’hui privilé- me, souvent de commande, ont pour des raisons d’économie giées : elles permettent une ablu- pris le relais sur de laborieuses d’eau, d’espace de temps et de tion ou une immersion dans de explications hygiéniques. Cette facilité d’entretien. La devise « le l’eau à la température désirée. propreté d’aujourd’hui nécessitebain de pluie est le bain du peuple Notre propreté moderne est en- rait pour être mieux comprise, un » se répand à travers le monde. core différente de celle de la fin regard attentif sur l’individualisme XIXe et début XXe : nous pou- contemporain et les phénomènes vons lire la description qu’en fait de consommation. Elle s’évade Georges Vigarello, qui visible- en tout cas loin des fondements ment, porte un regard critique, ici décrits, jusqu’à quelquefois les narguer. » Georges VIGARELLO. Le suspicieux et interrogateur : propre et le sale.
« C’est le procès des psycho- De ce texte, nous cernons la logies en particulier, qui vient complexité induite par la rapidité, aujourd’hui, lentement au cen- et l’effet de surprise, de l’évolutre. L’espace intime s’est creusé tion des mœurs de propreté à /////FAÇADE AVENUE DES GOBELINS jusqu’au vertige, étayé par des notre époque. En effet, en trois publicités de mise en forme, les générations, tout a changé : PARIS 75005 http://v9.lscache6.c.bigcache.goorêves consommatoires, l’attention gleapis.com/static.panoramio.com/pho- au mieux-être. Soins de soi toutos/original/39857235.jpg jours plus intériorisés, en même 22
-La première génération (après une manne commerciale. guerre) se lave entièrement, plus Peut-on dire que c’est à cause de souvent, grâce au développe- la publicité que nous nous somment de la salle de bain de type mes lavés de plus en plus au fil standard, plusieurs fois par se- des années ? Je crois que oui en maine partie : en effet c’est la pub, et l’arrivée de produits assouvissant -La génération actuelle se lave des besoins que l’on n’avait pas quotidiennement. encore, des besoins non primaiLa fréquence du bain ou de la res, qui a créé le nouvel humain douche a donc augmenté de ma- contemporain occidental, cet hunière exponentielle au fil des dé- main tellement beau, fort, propre, cennies. Aujourd’hui à peu près à qui l’on fait miroiter l’espérance tout le monde prend au moins d’une vie plus belle, plus longue une douche chaque jour. et plus remplie. Cette explosion de la fréquence du rituel prépare le terrain Parallèlement, ces vingt dernièà un dérapage, comme le dit res années, un nouvel intérêt naît G.Vigarello, d’ordre consomma- pour les voluptés du bain : la no- /////AFFICHE SALON DU BIEN ÊTRE toire. En effet, une multitude de tion de propreté ayant été inté- 2011 www.salon-medecinedouce.com produits nous est proposée, peut- grée par le plus grand nombre, être pour agrémenter, occuper, le bain évolue vers une récupéraces nouvelles heures passées tion de tous les bienfaits de l’eau dans la salle de bain, créant de et le plaisir (ou la nécessité ?) de nouveaux besoins sans cesse, sacrifier au culte du corps. tout en valorisant une image globalisée de «la bonne conduite » hygiénique, axée sur la forme, la vitalité, l’énergie productive, et le « bien-être » contemporain. Avec une offre publicitaire ciblée (produit pour homme / produit pour femme / produit pour enfant / produit pour femme à peu sensible / produit pour homme aux cheveux gras… etc.) le rituel de la propreté est devenu, à l’image du reste,
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9 / PREMIÈRE CONCLUSION SUR L’ÉVOLUTION HISTORIQUE DE LA PRATIQUE DU BAIN EN FRANCE.
Les épidémies et les sauts de collectif, a fortiori à notre époprogrès révèlent tour à tour des que, où la télévision par exemchangements d’opinion publique ple, tend à nous montrer à tous par rapport à l’eau : l’eau qui em- la même image globalisée du poisonne, puis l’eau qui guérit, comportement corporel approensuite l’eau qui lave, et puis l’eau prié à la civilisation telle qu’elle qui salit, l’eau comme outil social. est aujourd’hui. On peut noter que dans le temps l’imaginaire de l’eau a beaucoup fluctué, et l’on peut penser que chaque période traversée a proUne notion récurrente apparaît bablement des résidus dans nolors de ce voyage dans le temps tre culture actuelle, à cause de des bains en France : l’immense la transmission spontanée des suspicion que les gens peuvent comportements culturels. porter envers tantôt l’eau et tantôt la pratique du bain. Quand l’une Aux XVIe et XVIIe siècles, l’esest reconnue innocente, l’autre sentiel est le visible, la vue est est soupçonnée et inversement. sans doute le moyen le plus in- /////CASCADE ARKANSAS Il faut peut-être chercher dans tuitif à l’intime, mais plutôt à l’ap- www.travelphotoi.com/falling-watercreek-pope-county-arkansas/ un univers plus symbolique ou parence. L’eau est plus ou moins psychologique pour trouver les rejetée et cette période est profondements de ce sentiment de bablement charnière en ce qui soupçon qui paraît traverser les concerne l’effet de persistance époques. inconsciente des valeurs culturelles, par sa radicalité contre l’eau Dans les étuves moyenâgeuses, et le bain. il semble que l’inquiétude n’est pas encore là, le ludique (voire La propreté est devenue petit à l’érotique) prédomine sur le la- petit une valeur plus intime, qui vage. Les étuves sont un peu ne concerne bientôt plus que l’incomme les cafés d’aujourd’hui. dividu, car être propre c’est déMais la notion d’hygiène n’existe finitivement protéger et renforcer pas encore, et évidemment on ne son propre corps. Malgré tout on cherche pas encore non plus les se rend bien compte que l’imagiéléments coupables des grandes naire individuel du corps est forépidémies. tement influencé par l’imaginaire
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//////II.LES 1 / L’ARCHÉTYPE PRATIQUES : LE BAIN RUSSE DU BAIN DANS (BANYA) D’AUTRE CULTURES
simplicité, d’économie et inévitablement de convivialité. Dans les hameaux tout le monde s’y retrouve, se frottant avec des feuilles et se fouettant avec des branchettes mutuellement pour activer la transpiration. C’est ce que S.Giedion appelle « le type primitif de régénération totale » : le bain de vapeur est le vecteur le plus conducteur pour la régénération totale, c’est-à-dire une Faisons un tour des usages qui régénération aussi bien physique existent ou qui ont existé dans que psychique. Il est en outre la les autres cultures, afin d’identifaçon la plus simple et économifier d’une part, les possibilités de que de nettoyer son corps avec qualité spatiale qu’ils présentent le maximum d’efficacité. -la qualité des ambiances, les Le froid de ces pays rend les maitechniques différentes, les origisons individuelles impossibles nes et les pratiques de ces étaà chauffer suffisamment pour blissements- et d’autre part, ce /////RUSSKAYA VENERA VENUS abriter ces pratiques, qui tirent qu’ils apportent à leurs usagers. RUSSE DE BORIS KUSTODIEV bénéfice d’un lieu spécialisé, au Ces observations permettront de www.coilhouse.net rendement évident, où la chaleur mieux définir ce qu’est un bain Le bain russe est une institution privilégiée est à la disposition de public. sociale qui perdure encore et ce, tous au moment choisi. depuis des millénaires. Il est apparemment à l’origine des autres pratiques occidentales, bien avant l’Antiquité. Ce bain rural villageois, collectif, qui occupe une cabane en rondins disposant d’un foyer avec quelques pierres chauffées sur lesquelles l’eau versée s’évapore, meublée de quelques /////BANYA RUSSE bancs en gradin et d’un bac http://groenland-disko.pagespersod’eau froide, est un modèle de orange.fr/siberie-baikal/Bania.htm
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Sur cette carte, on peut suivre que l’Archétype prend naissance en orient sur le continent asiatique (vers la Sibérie) et s’est d’abord répandu sous diverses formes en Finlande (1), en Russie (2), au Proche-Orient –Syrie (3), et en Grèce (4). Puis par un truchement d’influences grecque et arabes, sont apparus les hammams islamiques (5), les thermes romains (6) qui ont, eux, étendu leur concept jusqu’en France et en Espagne (7). Parallèlement, le bain russe a étendu son influence jusqu’en Europe de l’ouest (8).
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5 /////ITINÉRAIRES DES TYPES DE RÉGÉNÉRATION Siegfried GIEDION, La mécanisation au pouvoir, contribution à l’histoire anonyme, Centre Pompidou, Paris, 1980, première édition 1948.
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2 / ANTIQUITÉ GRECQUE
pleinement la vie que lorsque ac- Enfin pour un meilleur confort et tivité et contemplation, action et bien-être, l’esthétique se raffine inaction forment des pôles com- avec des mosaïques au sol, l’utiplémentaires, semblables à ceux lisation de dalles en pierre ponce Dans l’Odyssée, le bain est fré- d’un aimant. Aucune des gran- pour ne pas se brûler les pieds, quent et a une valeur d’hospita- des civilisations n’a méconnu ce et la pratique du massage. La lité, on offre le bain à son hôte concept. » id p 578 coutume grecque est de prendre pour l’honorer. Cette citation montre la grande un bain par jour. Hérodote à connaissance au Ve importance qu’accorde alors le siècle avant J.C du principe du peuple grec au délassement, bain de vapeur russe (sec) et sy- ainsi que le fait que cette préponrien (humide). dérance du loisir – dans le sens Les premières installations ouver- où il l’entend – soit un symbole de tes au public, comme à Athènes, leur civilisation, reconnue comme sont incluses dans les gymnases. un modèle. De l’eau courante alimente dou- Le bain grec est à ses débuts ches, cuves et pédiluves ; l’amé- une simple vasque d’eau froide nagement rustique se passe de en plein air pour se laver du sadécorum. ble du stade. Il a ensuite évolué Pour Siegfried Giedion, « le bain vers un espace clos où l’eau des n’est qu’un élément du gymnase, bassins est chauffée, et enfin un maillon de la chaîne ; il se situe vers le bain de vapeur avec les entre les exercices physiques vio- premières ébauches d’un chauflents et le discours philosophique. fage par hypocauste (circulation » Siegfried GIEDON « la mécanisation d’air chaud dans le sol). au pouvoir »p 514
« La régénération du corps ne peut surgir isolément ; elle fait partie d’un concept plus vaste, celui de loisir. Jacob Burckhardt a découvert dans arethq (= Loisir) la clef de l’art de vivre chez les Grecs. Loisir, dans ce sens, signifie intérêt profond pour tout ce qui transcende la notion d’uti/////ROTONDE ORIENTALE DU BAIN GREC DE TAPOSIRIS MAGNA, ÉPOlité. Loisir signifie avoir le temps, QUE HELLÉNISTIQUE (ENTRE LE IIIE ET LE IER S. AV. J.-C le temps de vivre. On ne goûte www.grofao.egnet.net 27
3 / THERMES ROMAINS
puissance publique, au même -Il passe dans la salle la plus titre que le minimum vital des es- chaude le caldarium (pièce au diclaves, repose sur des édifices mensions classiques du L-1,5xl) symboles qui en monumentali- Là pour se rafraîchir il accède à une abside éclairée par un puit C’est Agrippa, au Ier siècle, qui le sent la portée. premier fait construire de grands La monumentalité délibérée, et de lumière avec eau froide qui thermes publics, alimentés par un les conditions extrêmes d’utili- tombe en cascade dans une aqueduc, accessibles à tous par sation (fréquentation intensive, vasque (le labrum) leur quasi-gratuité. Il cultive ainsi humidité, écarts thermiques, risune image généreuse envers son ques d’incendie et problèmes -Après le bain de vapeur il passe peuple. Dorénavant les empe- d’entretien) sont traitées par des dans une niche où se trouve un reurs romains qui lui succéderont innovations techniques : dévelop- bassin à gradins (pour environ s’évertueront chacun à faire réali- pement des voûtes d’arêtes, des 12 personnes) il s’assoit sur ser des thermes au faste toujours coupoles, qualités des ciments l’avant dernière marche, nettoie plus grand. (Néron, Titus, Trajan, et des revêtements. L’architectu- sa peau à l’aide d’un strigile puis re du bain devient référence. Ce se rince par aspersions répétées. Caracalla, etc.) sont presque des parcs paysaLes thermes romains ne sont gés. Le parcours d’un baigneur -Il passe dans une salle froide, le que des gymnases (sur le mo- romain type se déroule comme frigidarium où il plonge et s’ébat dans l’eau fraîche. (il peut avant dèle grecs) perfectionnés. Ils suit : faire une halte dans une salle sont construits pratiquement sur -Il dépose ses vêtements dans tiède)Issu de Françoise DE BONNEle même principe que les bains VILLE. Le livre du bain. les niches de l’apodyterium grecs. Dans ces thermes très fréquen- (vestiaire) gardé par un esclave tés, tout le monde se côtoie et se divertit de la présence de sa -Il passe dans la salle tiède, le condition. De multiples services tépidarium où assis il peut s’enpayants y sont proposés, soins, duire d’huile et d’onguent marchandises, etc. D’après S.Giedion, « les thermes -Il choisit selon sa préférence reposent sur l’idée qu’une institu- entre -La chaleur sèche du tion publique est indispensable pour aider le corps à retrouver laconium -La chaleur humide du son équilibre au cours du cycle /////THERMES ROMAINS DE BATH sudatorium. http://cliophoto.clionautes.org/galleries/ quotidien » La reconnaissance HISTOIRE/Antiquite/empire-romain/ d’un « droit à la régénération » DCP00161.JPG pour chacun, sauvegardé par la
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/////PLAN DES THERMES TRAJAN
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/////PLAN DES THERMES DE CARACALLA
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Les thermes romains sont organi- sie viennent se joindre, à travers « Les journées d’un Romain sés selon deux principes : fonc- les vitraux colorés, les rais de commencent à l’aube et se tertionnalité de la pratique du bain lumière, les statues et les com- minent normalement à une ou et symétrie axiale. En général, positions de mosaïques du sol deux heures de l’après-midi. Les le parcours est très travaillé, les au plafond, sous l’eau… Sièges bains ouvraient à midi. On s’y cheminements possibles sont et vasques aux pieds sculptés, rendait après le travail et avant multiples. Les espaces de servi- au sol du marbre blanc, des mo- le repas principal. Leur fonction ces (vestiaires, salles de soins) saïques partout, même au fond était de régénérer le corps (…) sont annexés aux espaces de des bassins, illustrant la faune, Les thermes reposent sur l’idée bain, piscine, salle tiède et étuve, la flore et les divinités des mers qu’une institution publique est cette dernière (caldarium) occu- et des rivières… et de l’eau, de indispensable pour aider le corps l’eau partout en cascade, en jets à retrouver son équilibre au cours pant le positionnement clé. d’eau, déversées par des robi- du cycle quotidien. » Siegfried GIEDON « la mécanisation au pouvoir » Ces thermes révèlent, à travers nets d’argent. leur gigantisme, un besoin d’intime et de collectif : celui d’une forme de culte de l’eau et du corps, où la foule assiste et office simultanément, librement, par la médiation de l’architecture qui sert de cadre au rituel. Il s’agit d’une autre religion, celle du corps dont le bain public est le temple. La décoration de ce temple aquatique obéit à des impératifs aussi utilitaires qu’esthétiques. Les revêtements (marbres, mosaïques) protègent la maçonnerie des infiltrations de vapeur et de ruissellement. Les corniches empêchent le suintement de condensation. L’abondance des bassins répond à la diversité des usages /////COUPE PERSPECTIVE THERMES DE DIOCLÉTIEN PAR EDMOND PAULIN des lieux, à la bonne répartition http://www.rome-decouverte.com/gfx/gallery/thermes_diocletien_1_400.jpg des nombreux baigneurs dans l’espace. Puis l’irréel et la poé-
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Aussi, les thermes ont aussi des 4 / LE HAMMAM : billage, ensuite on est libre de détracteurs qui accusent le gastraverser une succession de pillage de l’argent de l’état dans plusieurs salles de plus en plus Des hammams se trouvent dans une sorte d’organisation de la chaudes. Après avoir transpiré, paresse et de l’abrutissement du tous les pays de l’islam. L’insti- on peut bénéficier de gommages, peuple. Les thermes ont pourtant tution qu’ils constituent est très massages et étirement prodigués perduré et se sont multipliés dans importante dans la culture musul- par les employés, puis on se lave tout l’empire romain, dont le peu- mane, tant socialement que hy- complètement au savon. Lorsque ple a transmis son goût de l’eau. giéniquement. Comme dans l’An- la séance est terminée, on tratiquité, ces bains sont un lieu de verse dans l’autre sens, toujours rencontre particulièrement pour par palier de température, et on les femmes qui trouvent là une rejoint à nouveau la salle de désoccasion de sortir de chez elles. habillage qui fait aussi office de Le hammam n’est jamais mixte, il salle de repos, de réunion et de est ouvert en alternance pour les rencontres (nommée maslak) hommes et pour les femmes et l’on peut y passer la journée si on le désire. Le hammam est constitué au moins d’une étuve de chaleur humide, et d’une salle de déshabillage qui est aussi un espace de repos et de conversation. Lieu indispensable à la vie sociale des hommes et surtout des femmes. Dans la ville, le hammam s’associe à la mosquée, au bazar et à la fontaine pour fonder le noyau indispensable du quartier. Les hammams sont de dimensions restreintes, et se multiplient dans le quartier si la demande croit. /////HAMMAM CAGALOGLU PIERRE A Leur raffinement ou leur simpli- NOMBRIL ISTANBUL 1741 cité dépend du type de clientèle www.flickr.com/photos/ elvedon/229585547 et de son assiduité. Le parcours dans un hammam commence par la salle désha34
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La plupart des plans des hammams sont en enfilade, mais il existe des plans en croix (hammam du Caire par exemple). L’agencement intérieur du hammam privilégie la pénombre, le calme et l’isolement. L’islam fait du hammam une affaire religieuse : le hammam est le complément de la mosquée, on y pratique les grandes ablutions de purification et la méditation. La dotation du hammam est considérée comme un acte de piété et ainsi les bains sont accessibles aux pauvres qui ne payent que ce qu’ils peuvent à l’entrée. Notons que dans certains pays, les combustibles utilisés pour les hammams sont les ordures ménagères locales, permettant d’économiser sur les autres combustibles plus précieux.
/////PLAN HAMMAM FETHI / EXEMPLE DE HAMMAM TRADITIONNEL (1745) source image « Eau et architecture des hammams »
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5 / LE BAIN JAPONAIS
dans un endroit comme celui-ci, La salle de bain japonaise classide tout voiler d’une pénombre in- que contient sa baignoire de bois, distincte et de ne laisser qu’à pei- mais on se lave à coté, y puisant ne deviner la limite entre ce qui l’eau chaude avant d’y pénétrer afin de ne pas la salir. Au japon, le bain est quasiment est propre, et ce qui l’est moins. » Puis il explique en termes de Akura Mizubayashi fait part de une religion, il procède d’une ses habitudes : muni d’un petit éthique, d’un état d’esprit japo- matériaux sa préférence pour le bois : « rien ne vaut évidemment seau, il s’asperge au préalable nais englobant des notions de ; « je m’empresse alors de renpureté de nature et d’esthétique. le bois ciré, mais le bois lui-mêtrer dans la baignoire et de me me, avec les années, prend une L’esprit shinto. belle teinte brune, et le grain du tremper jusqu’au cou (…) c’est Il en existe 3 types : bois dégage alors un charme qui le moment le plus agréable ; je calme étrangement les nerfs ». jouis de la chaleur de l’eau ; je -Le « furo » : bain privé La réorganisation du corps pas- la sens se propager progressise ainsi par le repos de l’esprit vement dans toutes les cellules -Le « sento » : bain public rêveur et la douceur sensuelle. de mon corps. Je reste ainsi 10 à 15 minutes pour me réchauffer. -Le « onsen » : bain naturel des Je ne sors de l’eau que lorsque sources volcaniques j’ai eu chaud au point de sentir la transpiration sur mon front ; alors A / BAIN je m’assieds sur le dallage et je commence à me savonner afin TRADITIONNEL : de me laver pour de bon. Aussitôt FURO que la toilette est finie, je me rince à grand renfort d’eau chaude puiLe furo est le bain privé familial : sée toujours dans la baignoire. il est constitué d’un robinet d’eau, Dès lors, je peux retourner me réd’un petit tabouret, d’un baquet et fugier dans la chaleur de l’eau et d’une baignoire profonde d’eau j’y reste comme la première fois chaude. une bonne dizaine de minutes. Ces lieux d’aisance « à l’ancienPour moi c’est le moment de la ne » décrits par Tanizaki Junishiro plus grande jouissance : propredans l’Eloge de l’ombre sont, seté, chaleur pénétrante de l’eau, lon ses meilleures expériences, odeur du bois humecté, parfum à l’écart de la maison, en rela/////PHOTOGRAPHIE FURO des peaux d’oranges qu’on met tion étroite avec la nature, dotés http://en.wikipedia.org/wiki/Furo parfois dans la baignoire, tout d’ouvertures vers le sol et vers le ciel ; « il est infiniment préférable,
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cela contribue à créer chez moi curiser par un confort optimal. B / LE ONSEN : une très grande sensation de Les couleurs doivent être douces BAIN NATUREL. bien être ; c’est là que l’humeur tout comme l’éclairage, le bain me prend de chanter, et même de doit être prolongé par une vue Les onsens sont l’équivalent en réciter quelques poèmes chinois sur la nature, il doit y faire chaud quelque sorte des stations therque je connais par cœur. » (…) « (25°C) et l’air doit être constammales, ils se comptent par mille bain n’est pas un lieu solitaire ; ment ventilé. Le chauffage par liers au Japon. On prend son bain au contraire, c’est un espace qui le sol est recommandé car on y dans un bassin naturel de source réunit d’abord les membres de la circule pieds nus (carrelages et chaude (abrités sous des toits à famille dans une profonde intimi- sols antidérapants sont de mise). l’architecture traditionnelle) dans té. » Issu de Akura MIZUBAYASHI. Une Un espace libre doit être ménagé un paysage naturel merveilleux. pour faire des exercices ou dislangue venue d’ailleurs. Hormis les onsen préservés, cerIl est courant de voir se dessi- poser une chaise de repos ou un tains sont aujourd’hui de véritaner un sourire bienheureux sur banc de massage. bles complexes modernes, rele visage d’un japonais auquel cevant énormément de monde le on parle de furo. Le temps n’a week-end, par exemple. pas d’emprise, la pratique veut que l’on reste dans l’eau chaude jusqu’au menton jusqu’à ce que l’on ressente un effet positif. Toute la famille l’utilise à tour de rôle sans changer l’eau qui reste propre puisque l’on se lave avant, on n’y entre qu’impeccablement /////PHOTOGRAPHIE FURO propre. http://keisen-nursery.jp L’agencement est très minutieux et privilégie comme le dit T.Junishiro la pénombre et la justesse des matériaux et si possible s’accommode d’une vue sur un beau jardin. L’atmosère de ce lieu pensé pour apporter régénération physique et mentale doit avant tout donner « envie d’y passer du temps » lieu de dénuement absolu – la nudité /////PUBLICITITE FURO /////PHOTOGRAPHIE ONSEN http:// amisdujapon.wordpress.com laisse sans défense – il doit sé- www.flickr.com/photos/57276493@ N07/5548051771
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C / LE SENTO : BAIN PUBLIC.
/////PHOTOGRAPHIES ONSEN http:// baywin.net
Au japon, le bain est une activi- « Pour un grand nombre de jaté ancestrale qui se place sur le ponais, ces souvenirs encore viplan des plaisirs partagés ; on se vants dans nos mémoires vont plus loin qu’une simple nostalgie baigne volontiers en groupe. Les sento japonais sont des du passé. Certains, même si la établissements de bain publics plupart possèdent une salle de constitués de deux baignoires bain chez eux, ressentent qu’il débordantes (pour le renouvelle- leur manque peut-être l’essenment) d’eau chaude et froide. Au tiel, la compagnie des autres, et dessus d’un dallage sont alignés retournent de temps en temps des paires de robinets. On se au sento. Une façon d’entretenir lave consciencieusement avant le sens de la communtauté, d’en renforcer les liens, de se faire d’entrer dans les baignoires. des nouveaux amis et faire se Dans ce lieu le consensus social mélanger différentes classes soextrêmement fort trace les limites ciales, sans autre distinction que du permis et du défendu, de l’in- la nudité, par le simple échange time et du public. La séparation de points de vue ou des potins des sexes n’a eu lieu qu’on XIXe de quartier. Une façon aussi de siècle, à cause de l’influence oc- se reposer et de réfléchir dans un cidentale. On s’y lave et on s’y lieu neutre – seul- au milieu des « chauffe » en compagnie des autres. » Françoise DE BONNEVILLE, autres usagers, d’abord au ro- le livre du bain p178 binet, comme dans le furo pour entrer propre dans les baignoires. On y va seul, en famille ou entre amis. Lieux de convivialité privilégiés, un proverbe japonais dit : « les amis du bain sont les meilleurs amis ». Après le bain, on se retrouve à l’étage pour boire une bière, prolonger la conversation ou entamer une partie de /////PHOTOGRAPHIE SENTO go. http:// asianoffbeat.com
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6 / LE SAUNA FINLANDAIS
d’eau est jetée sur les pierres ce proverbe dit : « au sauna conduit qui dégage de la vapeur. toi comme à l’Eglise ».
D’origine paysanne, c’est un bain On se fouette avec un petit boufamilial (comptant aussi le per- quet de rameaux de bouleau sonnel de la ferme) ; où l’on se (vitha) pour activer la circulation délasse le soir, au temps des ru- sanguine et la transpiration. des travaux agricoles. Après on sort s’arroser d’eau ou prendre une douche, et on reAu cours du XIXè siècle avec l’in- commence jusqu’à atteindre la dustrialisation, il devient un rite sensation de bien-être. Le temps collectif de fin de la semaine et n’a pas d’emprise. de veille de fête. En ville, la configuration du sauna demeure im- On finit par un « Löyly » qui muable même s’il n’est plus en consiste en un fort dégagement pleine nature : de vapeur humide pour intensifier la dernière transpiration, on /////PHOTOGRAPHIE SAUNA -Le bain de vapeur : une salle car- jette trois bonnes louches d’eau http://neliane-relaxation.com rée, avec des bancs et un foyer, sur les pierres, ce qui humidifie En Finlande on dénombre un en bois naturel non traité souvent l’air sec du sauna et donne une sauna pour 3,5 habitants. Hérité en sapin ou bouleau, un poêle en impression de chaleur intense. de l’archétype sibérien, il est très brique ou en métal, des gradins populaire car il était lié à une tra- de bois légers (sapin, tremble, Ensuite, on sort et on se gomme dition d’adoration du feu. peuplier ou abachi) et poreux qui dans la pièce pour les ablutions ne chauffent pas trop afin de ne (sans savon) et on prend une Traditionnellement, le sauna se pas se brûler. dernière douche froide pour persitue à proximité de la maison. mettre au corps de retrouver sa Il doit en principe se trouver en -Un vestiaire température normale. Les purisbordure de la forêt et à proximité tes plongent dans les lacs ou se d’un lac, d’un étang ou, d’une -Une pièce pour se laver, avec roulent dans la neige. rivière. Il prend la forme d’une une douche ou des récipients cabane en bois, parfois à demi remplis d’eau (froide et chaude). On se sèche soigneusement enfouie dans le sol. Une fosse avec une serviette un peu rude est creusée pour le foyer, et de En finnois, mot féminin, « la » en lin et chanvre. grosses pierres de rivière – ou sauna représente la chaleur made lave – sont posées dessus, ternelle et la sécurité, le silence y chauffées à blanc, enfin un peu règne le plus souvent : un vieux
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Enfin, on peut faire un ultime pasrentiels neurologiques avec une 7 / LES sage dans le sauna pour se réadaptation à l’équilibration aquaÉTABLISSEMENTS chauffer, puis on se couvre pour tique) seraient pour eux, l’expliTHERMAUX ne pas prendre froid, on s’allonge cation principale du « pouvoir » pour se reposer du bien-être acguérisseur de l’eau thermale. quis. Ensuite on se rhabille, com- Les bienfaits de l’eau thermale me on a faim et soif, on boit une sont connus des civilisations pri- Au commencement, l’eau therbière fraîche et on mange des mitives qui lui attribuent déjà une male, issue de sources jaillis« saucisses de sauna » grillées valeur de guérison et de purifi- santes est souvent considérée dans la cheminée du vestiaire. cation (comme à toute eau clai- comme sacrée et rattachée à des La lumière tamisée qui règne dans re) d’autant plus exacerbée que divinités. Les Anciens, ayant rele sauna est de la plus grande im- l’eau est minérale. La crénothéra- marqué les vertus spécifiques de portance pour le Finlandais : elle pie ou l’ensemble des méthodes ces eaux (couleur, odeur, chaleur, doit être très douce, si possible d’utilisation médicinale de l’eau et propriété de soulager certains naturelle, voire à la bougie. thermale, existe donc depuis des maux) bâtissent des « sanctuaiLe sauna pour un Finlandais fait millénaires. res thérapeutiques » près des partie de lui, c’est un rituel imsources thermales, destinés à muable : il n’imagine pas sa vie Pourtant ancestral, le therma- demander aux dieux de présersans. lisme est parfois mal perçu ou ver leur santé. remis en question, en partie par Peu à peu le surnaturel et le méle corps médical, qui l’accuse de dical se dissocient et seul l’asne pas pouvoir quantifier l’action pect médical est conservé, sous de soin, et d’une déviance vers la pression catholique, qui rejette la distraction de bien-être… Ses l’adoration des dieux multiples. valeurs thérapeutiques sont très Cependant la « source » reste tout de même souvent rattachée discutées : à un saint dévolu au service du Il existe de nombreux sceptiques, dieu unique catholique. Ce mysà propos des véritables bienfaits ticisme persistant met en valeur « miraculeux » de l’eau thermale. le caractère miraculeux que l’on Les vertus de l’eau simple (action attribue à l’eau thermale. portante facilitant le mouvement grâce à sa pression hydrostati- Ce sont les romains qui édifièrent que, possibilité de graduer des les premiers thermes, en conti/////PHOTOGRAPHIE SAUNA http://img.archiexpo.fr/images_ae/pho- exercices physiques en combi- nuité avec les pratiques grecto-g/saunas-finlandais-124203.jpg naison de la résistance hydrody- ques, et gauloises du reste, et les namique, sollicitation des réfé-
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premières utilisations médicales de l’attirance pour les eaux ther- rend inutile de demander d’isoler apparaissent sous forme de : males, ce qui fait planer parfois les lépreux ou tuberculeux, que buvette, bains, douche, étuves, quelques suspicions. La clientèle les anti-inflammatoires sont plus boue, fumigations. Il existe une est alors principalement noble, à même de juguler certains états quarantaine de stations ther- parfois bourgeoise. aigus. Mais il reste les états sémales gallo-romaines connues Après la révolution, les thermes quellaires ou chroniques, le hanaujourd’hui. Mais pour les Ro- deviennent quelque temps pu- dicap fonctionnel, les maladies mains, les thermes sont bien plus blics et donnent des soins gra- de civilisation ; c’est le champ un lieu de fête qu’un véritable lieu tuits aux indigents et aux militai- d’action actuel. de soin, c’est pourquoi le christia- res, mais très vite, dès Napoléon Les curistes d’antan avaient nisme fustigera ces pratiques en 1er, le thermalisme de cour réap- trouvé de façon pragmatique le en combattant le principe même. paraît pour engendrer la période dosage équilibré entre thérapeuLe christianisme doit d’abord li- la plus faste, le thermalisme mo- tique et environnement… sinon vrer une « croisade rustique » numental ; augmentation de la pourquoi auraient-ils cherché si pour combattre la survivance du clientèle, promotion publicitaire, loin, au prix de trajets pénibles et paganisme romain et celte vouant développement des infrastruc- périlleux, des mondanités et des un culte aux sources et aux fon- ture d’accès, notamment chemin jeux plus facilement accessibles? taines. Ainsi l’activité thermale est de fer… si ce n’est en réalité pour soulapresque anéantie pendant envi- Les grandes stations restent éli- ger leurs maux dans une ambianron 1000ans, ne gardant qu’une tistes, mais les plus modestes ce psychiquement favorable. clientèle locale persistante, re- deviennent populaires : vendiquant les vertus thérapeuti- « Les indigents pouvaient touques des eaux, et non mystiques, jours se soigner gratuitement et afin de ne pas être condamnée. une loi de 1905 le rappela… à la À partir de là, le thermalisme, veille de 1914 on dénombre 10 c’est-à-dire l’utilisation thérapeu- 000 visiteurs dans les 14 grandes tique des bains, peut se dévelop- stations thermales, 2000 à 6000 per, sous l’influence d’Ambroise dans les 26 stations moyennes. » Paré notamment (« barbier-chi- André AUTHIER La médecine des eaux rurgien » du XVI siècle) qui pro- p77/78 /////SENIOR COUPLE KISSING IN meut les vertus de santé des SWIMMING POOL PHOTOGRAPHE À l’heure actuelle plus d’un curiste OLE GRAF eaux minérales. français sur deux est rhumatisant. http://www.corbisimages.com Certaines reines viennent faire Il est évident que l’effet cicatritraiter leur stérilité dans les étasant de l’eau thermale n’est plus blissements thermaux, la stérilité recherché depuis l’avènement de étant devenue depuis la fin du l’asepsie et de l’antisepsie, que Moyen Age une cause constante la découverte des antibiotiques 42
« les bains de Scipion ne sont villas), tandis que promenades ments thermaux gardent une ceréclairés que par des fentes : et parcs deviennent le lien visuel taine homogénéité architecturale, aujourd’hui il faut que le soleil en- et physique de l’ensemble. Sur le tandis que les autres fonctions tre dans ces bains d’où l’on voit plan urbain Napoléon III va modé- font place à plus de fantaisie. la campagne. » (Sénèque). liser la ville d’eaux avec ses trois La sensibilité romantique reste C’est encore le cas dans les sta- pôles constitués par l’établisse- attachée à l’intégration de la nations thermales dont la concep- ment thermal, le grand hôtel et ture dans l’évolution urbaine des tion des établissements de bains le casino reliés par des parcs et stations. obéit à la nécessité d’un soin des galeries couvertes. avec présence de baignoires inLe microcomse thermal reprédividuelles, de piscines parfois sente un patrimoine architectural immenses disposées en séries, et original, agencé pour servir de d’étuves. L’adaptation au site se théâtre à une double action de soumet à l’obligation de construisoin et d’utilisation du temps libre re l’établissement en contiguïté à pendant une durée limitée à celle la source, modifiant ainsi quelque de la cure. peu l’agencement proposé par Témoin matériel de tranches de Vitruve adapté exclusivement à vie partagées entre une action de /////SENIOR COUPLE WITH BATHING une utilisation urbaine pour l’hysoin et une ambiance de distracCAPS PHOTOGRAPHE OLE GRAF giène ou l’agrément. tion favorable à la réussite thérahttp://www.corbisimages.com L’absence de palestre et de gympeutique. nase confirme la différence avec En ce qui concerne les projets Reproche en est fait pour ceux les thermes romains et confirme actuels différents partis architec- qui pensent que l’action de se d’autre part l’utilisation orientée à turaux contemporains sont mis soigner doit être synonyme de des fins thérapeutiques. en concurrence : tristesse, d’isolement et de mise -Conversion des établissements à l’écart. Dès le second empire et sous la du 19e comme l’enveloppe d’une Rien ne justifie cette attitude dès IIIe république, sont conçues les restructuration intérieure moder- lors que l’on s’adresse aux mala« villes d’eaux » modernes à partir ne (amélioration de la fonction- des chroniques. de l’éclatement des trois ancien- nalité tout en préservant le patrines fonctions de l’établissement moine). La cure thermale classique est thermal, à qui sera dorénavant -Accolement d’une extension de un séjour de 18 jours dans une dévolu uniquement le soin, alors facture architecturale moderne à station thermale. Elle comprend : que les distractions vont géné- une ancienne structure rénovée. -Cure de boisson. rer leurs propres structures telles -Projet neuf ( par exemple : le que kiosques, salles des fêtes et projet de J.nouvel à Dax) -Bains : chauds le plus souvent casino, hébergement (hôtels et Dans l’ensemble, les établisse-
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(entre 36 et 38°C.) en baignoire dant cette reconnaissance est en Le système des cures est remis individuelle ou en piscine avec voie de disparition, la continuité en question, la contrainte de la possibilité de mobilisation sur- des remboursements étant incer- durée étant devenue incompativeillée par un kinésithérapeute. taine. La menace, brandie de- ble avec la vie moderne. Le therLe bain chaud a un effet séda- puis le début des années 2000, malisme tente de se diversifier en tif, décontracturant et il facilite la de la sécurité sociale de stopper s’ouvrant aux soins de nouvelles mobilité articulaire. Il peut donner le remboursement de soins ther- maladies psychosomatiques solieu à l’utilisation de courants, de maux a fait l’effet d’un électro- ciétales (stress, mal de dos, obébouillonnements parfois de gaz choc sur la profession. sité) en espérant ainsi conquérir carbonique naturel, de douches une clientèle plus jeune. immergées fixes, de douches Bien que 550,000 personnes parsous-marines réalisant un mas- tent en cure dans les 108 stations Pour l’introduction de bains pusage hydrique. thermales chaque année Source blics dans l’environnement, les : journal le Monde 16/06/2005 le établissements thermaux sont -Douche : sédative ou stimulante, thermalisme doit poursuivre une bien évidemment une référence qui offre une grande variété de reconversion pour se relancer, majeure, malgré la différence technique d’applications… déjà engagée depuis une dizaine fonctionnelle. En effet il s’agit d’années, pariant sur la « remise d’un équipement d’eau présent -Massage sous l’eau. en forme ». En effet, depuis 1994 en France, déjà admis pour ses on observe une baisse de fré- bienfaits, plus ou moins contro-Boue ou péloïde (boue naturel- quentation due à la concurrence versé mais qu’importe. En Franle), en bain ou en cataplasme. des établissements de soin non ce l’activité thermale pourrait être médicalisés (centres de balnéo- considérée comme ayant un lien -Vapeurs et gaz. thérapie et de remise en forme, de filiation avec l’apparition des spas). Le thermalisme ne saurait bains publics de proximité, ceuxPlus de la moitié des curistes se laisser disparaître étant la plu- ci ayant leur propre mode d’exis(60%) sont âgés de plus de part du temps le poumon d’em- tance (non-médicalisés et eau « 60ans. ploi et d’activité des stations, normale »), et étant à l’echelle du La sécurité sociale rembourse les parfois dans un environnement service de proximité cures ce qui signifie que les soins reculé, isolé… Il tente de se dé- – un peu comme serait le ratio thermaux sont a l’heure actuelle tacher de son image « vieillotte » entre une bibliothèque municipaencore reconnus comme théra- et de l’engourdissement auquel le (par exemple à Paris, la BNF) peutique curative pour notam- il s’était un peu laissé aller, pour et une bibliothèque de quartier, ment les maladies chroniques, rattraper le coche ou prendre un plus modeste mais proche des que la médecine traditionnelle à nouveau départ, afin de sauver gens. thérapeutique médicamenteuse principalement sa viabilité écoappréhende difficilement. Cepen- nomique.
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GESTION
REPARTIION GEOGRAPHIQUE
MOYENS DE REGENERATION
TYPE D'ESPACE MATERIAUX
TECHNOLOGIE DE CHAUFFE
TEMPORALITE
SENTO JAPONAIS
SAUNA
ETS THERMAL
BAIN RUSSE
ANTIQUITE GRECQUE
THERMES ROMAINS
HAMMAM
Institution villageoise gérée par la collectivité
Dépendance des gymnases
Institution publique Temple du culte de l'eau et du corps
institution gérée par la collectivité à caractère religieux
Un par village
Un bain par gymnase
Au moins un par ville
Un par quartier
Un par quartier
Un pour 3,5 habitants
108 en France, près des sources minérales
Bain de vapeur (-étuve)
Au début par ablution puis bains et étuves
Bains et étuves
Bain de vapeur humide
Ablution et bain chaud
Bain de vapeur sèche
Cure thermale
Très luxueux et monumental
Sobre et sombre (variable)
Simple et fonctionnel
Cabane bois
Grand équipement médicalisé
Faïence
Bois
Pierre Faïence
Cabane bois
Traditionnel Equipement Institution ement familial privée public mais parfois privé
Primitive (eau sur pierres chauffées)
Pierre Marbre
Pierre Stuc Marbre Mosaïque
Pierre Marbre Faïence
Une pièce chauffée et un vestiaire
Hypocauste
Hypocauste
Hypocauste
Bains situés Compositon symétrique entre gymnase et philo en principe
Plan linéaire ou en croix
Une pièce unique pour ablution et bain
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui et Non
Illimité
Illimité
Illimité
Illimités
Déterminée
COMPOSTION SPATIALE MIXITE SOCIALE
8 / RÉCAPITULATIF.
Oui Illimité
Oui et Non (réservé aux athlètes)
Primitive Eau (eau sur thermale pierres déjà chaude chaufées) Une pièce Complexe chauffée mixte et un vestiaire
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1
2
ACTIONS DE RÉGÉNÉRATION TOTALE : SE LAVER
SE CHAUFFER
4
3
SE REFROIDIR SE REPOSER RINCER ET RELAVER
BAIN CHAUD
ENTREE
VESTIAIRES SANITAIRES
D O U C H E S
DOUCHES BAIN FROID
ESPACE DE REPOS
ETUVE
Transition avec l'extérieur
Transistion supplémentaire
Retour = Transistion progressive vers l'extérieur Aller-retour tant que l'effet de bien-être recherché n'est pas trouvé
/////SCHÉMA BAINS SE LAVER SE CHAUFFER SE REFROIDIR RINCER ET RELAVER SE REPOSER.
Les nouveaux bains publics s’inspireront des qualités des équipements décrits dans ce chapitre. Les cases teintées représentent les caractéristiques que le bain public se devra d’apporter pour proposer un service de régénération totale de proximité.
Ce schéma servira de base fonctionnelle au projet. On peut estimer la fourchette de temps que prend la régénération totale à une heure environ, prolongeable à volonté.
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deux composantes tou//////III/ 1 / L’EAU SYMBOLE forment jours données et dont le dosage SYMBOLIQUE ET EXISTENTIEL. seulement varie. » Claude LÉVIMYSTIQUE DE STRAUSS, la pensée sauvage. L’EAU En associant des ensembles Ces considérations sur l’aspect
d’images symboliques, les cos- religieux/magique ne sont pas mogonies accordent une place nécessairement applicables au « Reine de tous les éléments, importante à l’élément liquide. projet dans ces termes, l’amsolvant fondamental, constituant Dans notre culture, l’eau et l’obs- bition est d’abord de mettre en universel, l’eau modèle la terre, curité précèdent la création. évidence l’aller-retour comparaéteint le feu, tombe de l’air, donne L’eau est la matière primordiale, tif entre l’Homme et l’eau, pour la vie et étanche la soif ; elle est l’élément fondamental, car elle mieux connaître les connotations sans forme propre, que celle de exprime le mieux ce qui peut pré- symboliques que peut prendre son lit, et se transmute de façon céder la création du monde. tel ou tel aspect de l’eau. visible en neige, glace, brouillard, L’élément aquatique est perçu vapeur ou boue. Source de vie, le comme le premier élément fonplus souvent alliée de l’homme, dateur de vie, car c’est celui dans elle devient parfois son adversai- lequel l’être humain passe ses re et, comme un symbole mysté- premiers jours à se construire, en rieux et rebelle à apprivoiser, elle étant immergé, dans le ventre de féconde l’imaginaire et suscite sa génitrice. Or, pour comprendre cultes et légendes. » André AU- le monde, l’être humain transpoTHIER, la médecine des eaux, p15 se facilement sa propre histoire à celle de monde et de la nature. Et vice-versa : pour se comprendre L’eau est un élément fondamen- il va « humaniser » les lois natureltal pour l’homme, nous pouvons les. D’après Claude Lévi-Strauss, le pressentir a travers cette cita- les notions de religions et de mation d’André Authier. Elle lui évo- gies sont issues de cet aller-reque des images symboliques et tour permanent entre l’homme et mystiques que l’eau évoque et la nature, « la religion consiste en provoque afin de découvrir les une humanisation des lois natuclés du ressenti des expériences relles et la magie en une natura- /////JESUS MARCHANT SUR L’EAU http://www.spiritualitechretienne.com d’eau pour l’homme. lisation des actions humaines(…) l’anthropomorphisme de la nature (ce en quoi consiste la religion) et le physiomorphisme de l’homme (ce par quoi la magie est définie) 47
A / MÉTAPHORE DU CYCLE DE VIE. Sous de nombreux aspects, l’eau est la métaphore privilégiée de l’existence humaine, par exemple l’eau qui coule, l’eau de la rivère évoque le temps qui passe : /////ALBUM NEVERMIND NIRVANA -L’enfance dont on se souvient si mal, le retour à la naissance (la source issue des eaux originelles) est matérialisée par l’amont de la rivière. Un filet d’eau rejoint par d’autres patiemment enrichi et grossi.
http://www.amazon.fr/nirvana.com
-L’eau que l’on voit couler devant soi, est le présent, ici et mainte- /////COUPLE DANS L’EAU nant, toujours en mouvement, en http://www.flickr.com/visualpanic/2335 avancée perpétuelle. -L’eau des embouchures, est la fin de vie vers le retour aux eaux profondes, la nouvelle dissolution de l’être, la mort, pour redevenir un potentiel de vie, en traversant l’oubli.
B / MÉTAPHORE DES DUALITÉS COMPLÉMENTAIRES : LA CO-EXISTENCE HOMMES/FEMMES, LE SYMBOLE MATERNEL. -Les eaux supérieures appartiennent aux cieux et se matérialisent dans la pluie , eau descendante, fertilisante (de principe masculin), associée à la foudre pour ses propriétés informelles elles représentent une manifestation de toute-puissance et de création ex nihilo. -Les eaux inférieures représentent au contraire l’ensemble des possiblités formelles propres aux eaux primordiales. -Les sources naissent de la terre fécondée, nourricière et maternelle. Elles sont symboliquement le lieu des potentialités, elles représentent le fruit de l’union du masuclin et du féminin.
/////LA PETITE FILLE ET L’EAU, CUSI CUSI - MARS 2005 flickr /secondlight/407085604/
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Mme Bonaparte écrit : « la mer L’eau est une substance inorga- du large fleuve. Tous les fleuves est pour tous les hommes l’un des nisée dense de toutes les poten- rejoignent le Fleuve des Morts.» plus grands, des plus constants, tialités dissoutes, elle représente Gaston Bachelard, l’eau et les rêves une sorte de néant (de mort) qui p.102 symboles maternels. » Paul Eluard écrit : « …et, comme aurait un potentiel de vie en lui, aux temps anciens, tu pourrais mais présent de manière dislodormir dans la mer » ; l’eau est quée et désorganisée. le seul élément capable de nous bercer comme une mère. Le sym- L’eau, contrairement à la mémoibole maternel est omniprésent, ne re, n’oublie pas. Même traitée de serait-ce que par l’exacte simili- toutes les façons, l’eau conservetude phonétique en langue fran- rait ses propriétés premières. Elle çaise entre «mère» et «mer». Ce prend symboliquement, dans ce symbole, cette évidence éveille cas, la forme d’un témoin immor« ce quelque chose de nous, de tel de l’évolution. nos souvenirs inconscients, (qui) En changeant de point de vue, est toujours et partout issu de nos symboliquement, l’oubli repréamours d’enfance, de ces amours sente ce qui est endormi dans le qui n’allaient d’abord qu’à la créa- fond des eaux, ou encore cette /////LE PASSEUR DU NIL ture, en premier lieu à la créature- probable mort symbolique dotée http://www.egyptolog.chez.com abri, à la créature-nourriture que d’un potentiel non-lisible de vie. La barque des morts, voire le fut la mère ou la nourrice…» Gaspasseur, est commune à de nomton Bachelard, l’eau et les rêves p.156 Le fait de ne pas ou plus savoir ce breuses cultures. Bachelard le qui est vraiment au fond de l’eau rapproche d’abord du culte des C / L’EAU SYMBOLE (ce genre de considération a créé arbres, avec trois utilisations du la légende du monstre du lochDE MORT ET DE ness par exemple) renvoie au fait tronc évidé : le berceau, la baret le cercueil. Ainsi les cerRENAISSANCE. que nous ne nous souvenons pas que cueils laissés aller sur les flots d’où nous venons exactement, et étaient les premières embarca« disparaître dans l’eau profonde nous pouvons imaginer que les tions. Il compare le premier marin ou disparaître dans un horizon eaux profondes détiennent ce à un « homme aussi courageux lointain, s’associer à la profon- souvenir ou cette donnée. qu’un mort. » deur ou à l’infinité, tel est le destin Bachelard n’hésite pas à idenC.G Jung nous dit « En plaçant humain qui prend son image dans tifier le voyage aquatique à la le mort dans le sein de l’arbre, en le destin des eaux. » Gaston Bache- mort: «mourir c’est partir, et on ne confiant l’arbre au sein des eaux, lard, l’eau et les rêves p.17 part bien, couragesement qu’en on double en quelque manière suivant le fil de l’eau, le courant
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les puissances maternelles, on vit s’immerge pour mourir un peu, de tristesse : doublement ce mythe de l’ense- puis se reconstituer et renaître « Contempler l’eau, c’est s’écouvelissement par lequel on imagi- en sortant finalement la tête de ler, c’est se dissoudre, c’est mourir. » Gaston Bachelard, l’eau et les rêne que le mort est remis à la mère l’eau. ves p.66 pour être ré-enfanté ». La mort dans les eaux sera pour cette rêverie la plus maternelle des morts. Il ajoute, d’ailleurs « Le désir de l’homme, c’est que les sombres eaux de la mort deviennent des eaux de vie, que la /////LA TÊTE COUPÉE mort et sa froide étreinte soient http://www.flickr.com/photos/ le giron maternel, tout comme la belhassen/5143398620/ mer, bien qu’engloutissant le soleil, le ré-enfantant dans ses profondeurs… Jamais la Vie n’a pu croire à la Mort ! » Gaston Bachelard, l’eau et les rêves p.102
2 / L’EAU PROVOQUE ET ÉVOQUE DES SENTIMENTS HUMAINS
« Par les lacs ainsi débordent de leurs eaux solitaires, solitaires et mortes – leurs eaux tristes, tristes et glacées de la neige des lys inclinés- par les montagnes – par les bois gris – par les marécage où s’installent le crapaud et le lézard – par les flaques et (les) étangs lugubres – où habitent des Goules – en chaque lieu le plus décrié – dans chaque coin le plus mélancolique : partout le voyageur rencontre, effarées, les réminiscences du passé. » Extrait :
Mallarmé, Terre de songe. Plus concrètement la symbolique se poursuit : dans une société agricole rythmée par les crues d’un fleuve, l’inondation correspond à une période de fertilisation et de régénération du sol, ainsi que de manière visible, à une nivellation des terres: la crue vient dissoudre les traces du pasA / MÉLANCOLIE sé. L’acte volontaire d’immersion se fait dans le même esprit : dans L’eau dormante inspire la mélanle but d’être rénové, avec parfois colie, elle provoque un état sonl’espérance secrète d’être guéri geur, lent et calme. /////DESCENDED INTO THE WATER (d’où le succès des hydrothéra- La mélancolie contemplative de DEAD pies) : c’est un acte de régéné- l’eau peut être vécue de manière http://www.flickr.com/photos/ ration, de jouvence. N’a-t-on pas positive, mais elle est plus sou- strombe/5333205272/lightbox/ l’air plus jeune et réveillé après vent noire et profonde, synonyme s’être lavé ? Symboliquement, on 50
On dit des eaux immobiles qu’el- l’homme moderne, représente C / DÉFI ET les sont des eaux dormantes : l’eau pure qui peut être bue sans COLÈRE ces eaux dormantes sont assi- scrupules. Par opposistion, les milées à des eaux mortes, et par eaux troubles sont automatiqueextension le sommeil rapproche ment perçues comme pleines de la mort : par exemple, c’est de maléfices et répugnantes par lorsque l’on dort que l’on peut l’imaginaire. retrouver les absents, en rêve, et Une eau considérée comme d’autre part, les morts tant qu’ils pure peut donc servir à purifier sont visibles ressemblent à des le corps mais également l’être : dormeurs. symboliquement se purifier c’est Selon l’expression de Huysmans, d’abord s’asperger d’eau pure « l’eau est l’élément mélancoli- qui s’écoule ensuite, l’eau jaillissant », pour certaines âmes, l’eau sante et vivante entraîne et emest la matière du désespoir. porte avec elle le mal. Elle a une Pendant la nuit notamment, l’eau force rénovatrice. a une dimension inquiétante, de /////LA COLÈRE DU LAC noirceur et de peur. Elle provohttp://www.flickr.com/photos/ que l’effroi. grin74/5118635762/ L’Homme s’évertue à essayer de s’approprier le bord de l’eau et B / DÉSIR DE à s’approprier le bord de l’eau PURIFICATION et à en définir lui-même l’emplacement. Pourtant l’eau peut se « … l’imagination matérielle troumontrer impertinente et déborve dans l’eau la matière pure par der, s’échapper ou submerger, excellence, la matière naturelsans préavis. Ainsi, il reste qu’à lement pure. L’eau s’offre donc grande échelle, l’eau demeure comme un symbole naturel pour insaisissable, inappropriable et la pureté. Elle donne des sens fluctuante. Elle donne du fil à précis à une psychologie prolixe retorde, en quelque sorte à l’hude la purification » Gaston Bachemanité, et installe un climat de lard, l’eau et les rêves p.181 défi, tantôt amical. L’éventuelle victoire des hommes sur l’eau En effet, il est naturel de faire le leur apporte une immense sarapprochement entre eau et pu- /////TIRTA EMPUL tisfaction, comme par exemple reté ou purification, par exemple http://www.flickr.com/photos/ à travers l’eau potable, qui pour colloidfarl/2413613382/ 51
l’orgueil devant la vague fuyante, « _que fais-tu pour apaiser une ou la satisfaction de nager contre mer en fureur ? » le courant. La première nage est « _je contiens ma colère. » une sorte de tragi-comédie, un Edgar Quinet, merlin l’enchanteur. rite d’initiation fait d’humiliation et de défi, puis de victoire. Il y a en D / LIQUIDES scène la volonté de puissance, il existe une sympathie coléreuse, une communication directe et réversible entre les violences hu- Pour l’homme, l’eau signifie également, inconsciemment, maines et aquatiques. L’eau trouble ou agitée évoque d’autres liquides, tout ce qui /////SOIF DE VIE l’esprit troublé ou le trouble des coule est une eau : http://www.flickr.com/ esprits, elle est la métaphore de photos/23101599@N03/3692911005/ la confusion de la pensée profonde de l’être. -Les larmes évoquent la tristesse L’eau violente, (tempête, grosses de l’eau, symbole évoquant la vagues) représente la colère huféminité, tout comme le suicide maine. par l’eau. On pense aux ondines, aux naïades, ces êtres mythiques féminins peuplant les eaux douces, les yeux « noyés de larmes ».
/////RAINBOW SUICIDE http://www.flickr.com/photos/ rowneyphotography/4264783144/
/////LA COLÈRE DU LAC http://www.flickr.com/photos/ grin74/5118635196/
-Le sang est comme une eau lourde, organique et riche : elle est la première nourriture dans le ventre maternel.
/////PINK CLIP RAISE YOUR GLASS http://www.wat.tv/video/pink-raise-yourglass-official-362ur_2zicp_.html
-Le lait, particulièrement le lait maternel, une boisson heureuse et nutritive.
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3 / L’EAU CONFRONTÉE AUX SENS On aborde mieux le symbolisme de l’eau par le sensuel que par le sensible. En effet le contact de l’eau avec les sens met en jeu des émotions inconscientes plus fortes que la pensée ou la raison. C’est a dire que l’eau, confrontée au sens, déclenche plus de réac- /////REFLET DE CHAT tions imaginaires que si elle est http://www.flickr.com/photos/ juste confrontée à la pensée. heldes/1653051915/ Ainsi l’eau propose une illusion comme reflet. Elle nous montre A / LE REFLET tel que nous paraissons mais pas tel que nous sommes, elle L’eau qui dort est un miroir dans nous montre aussi tel que nous lequel on peut voir le reflet de voulons voir, elle suggère une nous-mêmes, mais aussi du dualité entre une réalité et une monde qui nous entoure. L’eau idéalisation. Nous pouvons nous miroir crée une image inversée passionner pour la contemplade l’univers. Elle montre aussi la tion de cette image qui nous face cachée des objets, intermé- apparaît comme le reflet de diaire entre le visible et l’invisi- notre propre profondeur : il s’agit ble. bien du narcissisme… le fait que Or, ce reflet est parfois déformé l’eau soit un miroir naturel déculpar un petit mouvement de l’eau, pabilise d’avoir de l’orgueil et le ou associé à la perception des besoin impérieux de séduire soiprofondeurs de l’eau. Celui qui même, contrairement à un miroir contemple l’eau à un choix : il plus civilisé. peut regarder le fond immobile, le courant, la rive ou le reflet.
Outre des qualités de surface l’eau propose aussi des qualités de volumes. Par exemple, l’eau est absorbante d’ombre : «l’ombre des arbres tombait pesamment sur l’eau et semblait s’y ensevelir, imprégnant de ténèbres les profondeurs de l’élément» Edgar Poe, L’île des fées p280 La perception est donc soumise à un phénomène qui peut paraître, a priori, irrationnel même s’il est physiquement logique. L’eau pourrait nous happer et nous ensevelir à l’image de l’ombre et de l’arbre.
B / LA PERCEPTION D’UNE LIMITE La rive et le rivage dessinent les frontières entre la terre et l’eau, sillonnent la terre et la partagent. Nous pouvons suivre la rive ou tenter de traverser. Nous nous voyons donc confrontés à une limite horizontale dont on peut envisager ou non le franchissement. L’île, représente un monde en réduction. Elle est détachée des rivages et évoque une sorte de mystère d’un monde préservé.
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C / LA SENSUALITÉ: LE TOUCHER «Cette fraîcheur qu’on éprouve en se lavant les mains au ruisseau s’étend, s’épand, s’empare de la nature entière. Elle est rapidement la fraîcheur du printemps.»Gaston /////L’ATTENTE (ENCORE) http://www.flickr.com/photos/ rico973/2558463630/in/photostream/
Bachelard, l’eau et les rêves p,46
La fraîcheur de l’eau évoque directement la pureté.
Bachelard écrit : «l’eau est comDans l’imaginaire ce qui est me un corps de femme qui étreint émergé est détaché de ce qui le nageur». Le contact physique est englouti, or l’englouti est plus avec l’eau éveille particulièrement riche de sens (ou plus volumil’imaginaire, L’eau est en effet un neux) et révèle bien des secrets milieu dynamique qui répond à la sur l’émergé, qui lui se réduit à la dynamique de nos mouvements. partie visible, perceptible, d’ap/////DOWN THE HILL Lorsque nous sommes immergés, parence. Le lien entre l’émergé http://www.flickr.com/photos/ nous sentons que l’eau s’adapte et l’englouti est mystérieux et rico973/3076359922/ à notre corps et épouse sa forme invisible tout comme le lien entre La limite peut-être floue. L’incerti- complètement. Puis lorsque nous le conscient et l’inconscient. La tude des méandres entre la terre créons un mouvement, elle se surface de l’eau apparaît donc et l’eau, dans la confusion de la meut de manière sensuelle, cacomme le symbole de la limite brume ou des marais, déconnec- ressant le corps pour le contourentre le perceptible compréhente l’objectivation de la perception ner. La caresse imaginaire de sible (l’émergé) et le mystérieux et ouvre le champ à l’imaginaire. l’eau en fait un élément tactile, potentiel caché (l’englouti, l’indiAutrement dit le brouillard (com- une substance douce et chaude, cible). me les autres limites imprécises enveloppante et protrectrice. Ce de l’eau), est un appel à la rêve- sentiment d’enveloppement dans rie. D’ailleurs ne dit-on pas « être une substance chaude et humidans les nuages » ? de, dans l’imaginaire, est guérisseur, aussi le bain d’eau chaude influence psychiquement le baigneur vers un état de bien être.
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L’eau mélangée à la terre forme l’imagination de la force.» Gaston Ce vieil haïku, considéré comme la pâte. Or la pâte est une matière Bachelard, l’eau et les rêves p,147 l’un des plus réussis évoque à qui a de fortes répercussions in- La pâte renvoie donc à la pensée l’auditeur presque automatiqueconscientes ou symboliques. Elle de la force. Le limon est aussi ment le bruit de la grenouille qui montre, en effet, que l’eau «dé- un mélange de terre et d’eau et plonge, car c’est un bruit univertend » les autres éléments. Elle porte en plus une idée de « ferti- sellement connu et qui est dans renvoie à une viscosité, un mou- lisation ». la mémoire, qui est reconnu entre vement de pétrissage, des imd’autres bruits. pressions complètement tactiles, mots sont directement D / LE BRUIT DE Certains elle peut être gluante évoquant issus de bruits d’eau, comme L’EAU: les montres molles de Dali. «gargouille » «L’eau est aussi un modèle de siUN LANGAGE. lence (…) il semble que pour bien comprendre le silence, notre âme ait besoin de voir quelque chose qui se taise. » Gaston Bachelard, l’eau et les rêves p.258
/////WHALE BREACH 100 http://www.flickr.com/photos/ cornforthimages/4824025773/
4 / LÉGENDES ET CROYANCES LIÉES À L’EAU.
A / MYTHES ET L’eau, par son bruit, inspire le langage ; le chant du ruisseau LÉGENDES ou des cascades est un chant de /////PUBLICITÉ LIPTON 2006 jeunesse que l’homme peut intuihttp://www.flickr.com/photos/ tivement comprendre. thinksuitocreate/3216585576/ Le langage par ses intonations et La fascination pour l’eau et les symboles qu’elle véhicule est «La pâte produit la main dynami- ses significations rappelle parfois universelle. Elle se retrouve à traque qui donne presque l’antithèse le bruit de l’eau. Pour Bachelard vers les mythes et les religions, de la main géométrique de l’homo le « A » et le « O » sont des voyelqui illustrent certaines des imales d’eau. faber Bergsonien. ges symboliques de l’eau vues Elle est un organe d’énergie et «Le vieil étang. auparavant. Une grenouille y plonge non plus un organe de forme. La main dynamique symbolise Le bruit de l’eau !» Célèbre haïku japonais de BASHÔ (1644-1694)
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dans l’arche un voyage immobile ces ( par exemple, dans le rituel qui le transforme pour le dépo- du baptême). ser dans un monde neuf (mort et renaissance). Les enjeux sym- L’eau peut exercer une séducboliques sont l’initiation par la re- tion malintentionnée et manipumise en question, pour aboutir à latrice : la légende des sirènes, l’expérience acquise, la nouvelle ces êtres dont le chant envoûtant compréhension. et la grande beauté font périr les De même, le périple d’Ulysse marins, fourbes et séductrices, constitue un parfait exemple du est issue de la crainte suscitée long voyage initiatique à travers par la confusion tant de l’eau, des eaux peu amicales. Ulysse que des esprits. La ténacité de est toujours poussé en avant ces légendes est surprenante : par le désir de retour, un retour les sirènes telles qu’elles ont été /////ARCHE DE NOÉ http://www.flickr.com/photos/ au bout duquel il découvrira que décrites n’existent sûrement pas, elisabaron/4275003384/ bien des choses se sont transfor- pourtant les marins de tous les L’histoire de Noé et de son arche mées, ainsi que le fait que per- horizons connaissent des anecest porteuse de bien des symbo- sonne ne le reconnaît et qu’il a dotes sur ces êtres hybrides et les : l’eau y est un élément utilisé donc changé. les transmettent encore et enpar dieu pour détruire et renou- On peut encore évoquer le mythe core. Il faut voir là-dedans une veler entièrement le monde. On de Jonas qui se retrouve captif matérialisation qui va plus loin retrouve ici, l’idée de nivellement dans l’estomac d’une baleine, que l’histoire d’une légende. La des terres, pour effacer les tra- et qui, parvenant à rejoindre le sirène est une vision imaginaire ces du passé, puis de nouvelle rivage et en sortir a l’impression incarnée de l’imprévisibilité et du fertilisation, idée évoquée par les d’une renaissance. Ces mythes mépris, ou du peu de considéracrues des fleuves. montrent une grande valeur sym- tion pour la cause humaine, de Dans le texte dieu s’adresse à bolique et mythique accordée à l’eau envers L’Homme. Elle est Noé : «Tu feras une culmination l’idée d’immersion. Les voyages l’être incarné par lequel le défi et à l’arche. Et tu la termineras en pouvant êtres interprétés en fait la confrontation Eau-Homme peut haut d’une coudée. Tu situeras comme des voyages immobiles, s’exprimer. la porte sur le côté. Tu feras un des immersions dans le monde pont inférieur, un deuxième et des symboles. La source est souvent aussi le un troisième.» (Genèse 6-16). Les lieu de séjour d’une divinité, une mystiques virent dans cette for- L’immersion est un acte matériel fée, par exemple. En général ces me pyramidale et ascensionnelle significatif qui engage une certai- divinités drainent des légendes l’image des degrés de la connais- ne osmose. Le corps est perméa- du type « la fée de la source ne sances initiatique. Noé accomplit ble aux symboles et aux substan-
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doit pas être dérangée de maniè- L’étroite familiarité entre l’eau et Dans l’astrologie les signes d’eau re inconsidérée, car elle pourrait l’existence humaine en fait l’élé- ont plutôt un caractère de sensibise mettre en colère. » ainsi les ment par excellence des actes lité ou d’émotivité (contrairement : sources sont sévèrement proté- rituels. Ainsi, le baptême par im- feu = ardeur+enthousiasme, air gées et entretenues par la divinité mersion est une allusion réaliste = intellectualité, terre = matériaqu’elles abritent, et ainsi respec- à la mort et à la renaissance. Le lité). tées, aidées par ces croyances rituel est une remémoration du Dans la religion chrétienne les populaires. Les fontaines possè- mythe, il marque l’intégration de éléments et les symboles dent aussi leurs êtres légendaires l’homme à cet univers par l’initia- naturels véhiculés sont répartis propres et leurs croyances. tion. de cette façon :
B / RITUELS ET CROYANCES Dans le folklore, on retrouve des rituels liés à l’eau. Ils sont parfois la réminiscence de pratiques de magie occultées au fil du temps par les religions. L’eau est dans toutes les religions un vecteur possible de purification. Les actes pieux d’immersion ou d’ablution pour se purifier se retrouvent dans tous les pays. L’eau est particulièrement pratique et efficace pour ce genre d’assouvissement, elle présente en effet l’avantage d’être frac- /////MOSQUE BY NIGHT tionnable à l’infini et de dispenser http://www.flickr.com/photos/ reibenberg/3888089604/ son pouvoir à chaque goutte.
/////NOTRE DAME BY NIGHT http://www.flickr.com/ photos/29606943@N02/4919726264
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SAISON TERRE AIR FEU EAU
HIVER
AGE
NORD
FROID
SANGUIN
EST
CHALEUR
COLÉRIQUE
SUD
SÉCHERESSE
OUEST
HUMIDE
ENFANCE MÉLANCOLIQUE
PRINTEMPS JEUNESSE ÉTÉ
TEMPÉRAMENT ORIENTATION TEMPÉRATURE
MATURITÉ
AUTOMNE VIEILLESSE FLEGMATIQUE
5 / CONCLUSION Dans cette classification, l’eau de la flamme d’un feu sans fus’oppose à la vivacité du feu, par mée, viennent se baigner la nuit, une sagesse et une nonchalance, on laisse toujours un seau pour une forme de lenteur symbolique ne pas les offenser. Plusieurs Nous venons de réaliser à quel et de conscience posée. histoires circulent, de baigneurs point l’eau est un élément fondaqui s’étaient attardés trop tard le mental, à différents niveaux, pour Dans quasiment toutes les soir et qui ont été effrayés par un l’Homme. Elle peut encourager cultures où est pratiquée la ré- djinn. notre imaginaire à s’exprimer. génération totale, il existe des L’eau se positionne en tant que légendes fantomatiques, atta- -Dans les banya russes, on parle métaphore de la vie, mais elle chées aux lieux du bain : d’esprits qui rodent aussi la nuit. provoque aussi par une interaction sensorielle, différentes réac-Dans les saunas finlandais, on tions à plusieurs niveaux de comcroyait jadis que, sous les bancs, préhension. Elle est au coté de habitait le génie de la terre et l’homme pendant tout son séjour que les fées y prenaient leur bain dans le monde et ne faisant pas après le tour des hommes et des que l’accompagner, elle interagit femmes. Aujourd’hui on dit qu’il avec lui, avec son corps, avec est le lieu des petits lutins qui sursa perception, avec son esprit et veillent les enfants polissons. son imaginaire… Il est important, en ce qui concerne l’architec/////POSEÏDON ture des équipements d’eau de -Dans les hammams on pense http://www.devoir-de-philosophie.com/ comprendre quelles interactions que les djinns, des esprits issus poseidon-mythologie-138934.html 58
//////IV/ HABITER LE BAIN PUBLIC
symboliques existent entre les tu es et dont je suis, la manière humains et l’eau. L’eau a la vertu dont nous sommes sur terre est d’être extrêmement riche de sens le « buan » (buan est un mot du vieil allemand signifiant bâtir, mais également dans la diversité des expériences habiter, et l’être de l’habitation (bauen, qu’elle permet, dans son lien psybuan, bhu, beo) s’étend dans l’originie chique, physique et symbolique du langage allemand jusqu’à « bin » de primordial avec le genre humain. « ich bin » (je suis). , l’habitation » Le projet d’architecture mettra à Dans la continuité avec l’étude Martin HEIDEGGER Bâtir Habiter Penprofit ces connaissances, pour sur la symbolique de l’eau, nous ser dans Essais et conférences p 173 les ambiances notamment, ainsi cherchons maintenant à mieux que pour la diversité des expé- comprendre ce que peut signifier D’après Heidegger, habiter c’est riences proposées. Le projet de- un espace permettant un lacher- ménager une possibilité d’être au vrait laisser une place à une part prise imaginaire. Quadriparti (composition de quad’irrationnelle pour permettre une tre entités qui intimement liées ritualisation du bain, à travers une Concevoir un lieu de bain-public forment un centre invisible autour mis en scène spatiale permettant répond à l’ambition de donner la duquel la vie se déroule, en deux une représentation symbolique possibilité aux utilisatuers de trou- axes : la terre et le ciel, les divins des interactions avec l’eau. ver un bien-être. Mais nous pou- et les mortels et ainsi être dans vons nous intrroger sur ce qu’est un endroit où l’on peut séjourner « être » et comment l’espace dans une paix et une liberté prépeut influencer sur « être » ? et servée des menaces extérieupar quel miracle « être bien »… res… « Si je dis « un homme » et que « être » dans un espace c’est par ces mots je pense un être qui « l’habiter », pas seulement dans ait manière humaine, c’est-à dire le sens de l’habitation / logement, qui habite, alors en disant « un mais dans le sens du lieu où l’on homme », je déjà le séjour dans le peut demeurer, séjourner en s’y Quadriparti auprès des choses. » tenant, en quelque sorte, bien Id p183 comme « chez-soi ». Aussi pour bâtir le lieu offrant la Et « être » signifie « habiter », possibilité d’habiter, il faut déjà dans le sens de « séjourner dans au préalable apprendre à habiter. le monde », demeurer quelque En vieil allemand, « bâtir » (buan) /////EAU DANS L’EAU DANS UN part, sur terre, dans son corps. signifie « habiter », et les deux siVERRE « je suis », « tu es », veulent dire : gnifications se détachés au fil du http://www.flickr.com/photos/ laurentrabatel/3865276370 j’habite, tu habites. La façon dont temps, ce qui reflète une perte
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de sens : « bâtir » a perdu son En remplissant cette «charte », sens premier « d’habiter » et ne -Permettra d’accueillir le ciel, le bâtiment donne un premier signifie plus que construire, édi- autrement dit, la lumière, la pluie, potentiel d’abri pour l’être car il fier, prendre soin (entretenir ré- la neige, le vent, la vue sur le ciel, admet et permet au quadriparti nover). Et « habiter » n’est plus il y a donc la nécessité de penser de s’installer. perçu comme la caractéristique la couverture du bâtiment. fondamentale de la condition huDans le bain public nous poumaine (la notion est passée en -Ménager un lieu pour le divin, un vons retrouver ces liens avec le second plan). lieu sanctifié où l’attente et l’es- Quadriparti : poir lié au divin peuvent s’expriDonc dans la conception d’es- mer, un lieu « sacré » -la terre : dans le meilleur des cas paces capables d’interagir réelnous pouvons nous installer dans lement avec le corps et l’être -Permettre de témoigner de la vie un paysage privilégié, mais nous des utilisateurs, et leur offrir une mortelle, en ritualisant les étapes pouvons aussi, si ce n’est pas le « habitation » temporaire, il faut de la vie, pour en avoir une claire cas, ménager un lieu de terre (un permettre je ne dirais pas une conscience. jardin) à l’intérieur du bâtiment. « appropriation » du lieu – synoCe lien à la terre est d’autant plus nyme d’un apport trop personnel intéressant qu’il est préservé de pour un espace public –mais un l’environnement extérieur, qui «investissement » de l’espace peut être une ville (minérale), pendant la durée de la présence dans laquelle le lien à la terre est dans le lieu. parfois détourné par une revêtement global. Selon Heidegger, le lieu doit assurer sa fonction « d’habitation » -le ciel : le traitement de l’apport c’est à dire d’abord de protection, de lumière et des percements de mise en sûreté par rapport à du bâtiment permet de maîtriser l’extérieur, et il doit être conçu l’échange avec le ciel. La « voûavec une prise en considération te étoilée » qui se retrouve dans du mode d’habiter lié au Quadribeaucoup de bains existants parti, c’est a dire qu’il doit : symbolise oniriquement ce lien /////AQUARIUS - HEURES À L’USAavec le ciel. La possibilité de se GE DES ANTONINS, CLERMONT-Se concevoir en tenant compte FERRAND baigner à l’extérieur permet un http://hdelboy.club.fr/oeuvre.htm de la terre : l’utiliser sans l’épuiressenti des éléments, tel que le ser, la préserver, la ménager ( par vent, la pluie et la neige éventuelexemple, en tenant compte de la lement. topographie.)
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Ainsi nous constatons que le avec l’autre sans pour autant dé-Le divin : le bain, en particu- bain public, s’il ménage un es- passer la limite de distance aussi lier dans les autres cultures, se pace protégé pour l’être peut bien en physique qu’en degré de prête, entre autre, à l’activité de devenir, comme dans d’autres bonnes manières et de politesméditation, et des lieux plus inti- cultures, un lieu d’habitation (au se. Le dépassement de la limite mes ou plus résonants, ménagés sens d’abri de l’ « être »), de vie, transformerait la « chaleur hudans l’espace peuvent canaliser d’échange, de rituels, de souve- maine » en « sentiment d’agrescet échange, en sacralisant cer- nir, un lieu sacré. sion ». les hommes ont besoin taines zones. La possibilité de d’être ensemble pour « grandir contemplation (d’un détail, d’une intérieurement », ou ne pas s’enœuvre artistique, d’un point de nuyer, mais ne peuvent pas, pour vue sur le paysage) rend plus faautant, toujours se supporter !... cile ce lacher-prise vers la spiriAussi faut-il essayer de leur pertualité. mettre de pouvoir co-« habiter » dans des proportions accepta-Les mortels : se baigner et voir bles. Il existe néamoins une del’eau évoque symboliquement le mande intime de rencontre et de cycle de vie de l’Homme. Toulien social chez tout homme. tes les étapes de la naissance à /////SALLE DE REPOS BAINS la mort, en passant par les mo- COREEN «Construire un espace habité ments de paix et ceux de colè- http://www.flickr.com/photos/ c’est donner les moyens à chare, sont d’une manière ou d’une poketo/1813868725/ cun d’apporter les fils différents autre représentées par l’eau. Investir l’espace c’est aussi pou- et de couleurs diverses parfois de Dans les autres cultures où le voir l’habiter avec les autres, en- sa propre histoire pour tisser avec rituel du bain est établi, des cé- semble. Et nous savons que la d’autres une nouvelle histoire.» rémonies au bain rythment la vie bonne distance d’un humain à Bernard SALIGON, Qu’est-ce qu’habi(naissance, adolescence, maria- l’autre est extrémement comple- ter ? p13 ges, mort…). Au bain, se côtoient xe, à travers le prisme d’une part L’espace conçu doit permettre tous les âges et chacun peut voir de l’individualisme contemporain de donner une articulation entre évoluer l’autre et se voir viellir soi- sur le plan de la communication, l’intime et le commun. Bernard même, on trouve ici un repère hu- et d’autre part de l’habitude de Saligon prône que comme toute main dans le présent qui permet distance, sur le plan de la culture articulation, le mieux est qu’elle de continuer à « devenir ». (qui varie d’une culture à l’autre, ne soit pas elle-même visible et lors d’un dialogue entre deux in- qu’elle mette en valeur les notions articulées. connus par exemple). La chaleur humaine, notion intuitive, consiste en un « contact »
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L’intimité, c’est notre réalité inté- deur, il est nécessaire de les rieure, et la pudeur consiste à dé- entraîner dans un environnement sirer la cacher de la vue de l’autre. favorable, en transition douce. La préservation de l’intimité est très importante pour L’Homme, car en occultant son « être caché » il se permet à lui-même de trouver le courage d’aller vers le dehors en oubliant temporairement le dedans. Et aller vers le dehors est extrêmement nécessaire.
//////V/ ENJEUX ACTUELS; POINT DE VUE SOCIOLOGIQUE. 1/ CONTEXTE ET NOUVEAUX MARCHÉS
«Le mythe de la caverne, n’est Les marchés actuels convergent /////IS THERE ANYBODY OUT pas possible que parce que le su- THERE? vers une clientèle ciblée ou séjet ne peut pas trouver en lui ce http://www.flickr.com/photos/ lectionnée. Les établissements point de révélation de la vérité. ende/7521239/ thermaux et du thermalisme tel Sinon l’homme serait à lui-même Le dévoilement de l’intimité s’il qu’on les a connu sont en déclin, son propre objet de connaissan- est vécu « ensemble » peut être devant faire face à un essor de ce…» Id p 56 Ainsi il existe le be- plus simple. Et la création d’un la thalassothérapie qui offre des soin fondamental de se confron- véritable lien de groupe, dans un prestations diversifiées à une ter à l’inconnu, au monde, aux contexte d’activité d’eau, peut se clientèle choisie. Aujourd’hui de autre, en fait à autre choses que faire lorsque le nombre de per- nombreux projets existent en masimplement soi-même. sonnes ne dépasse pas 7 ou 8 tiêre de thermo-ludisme et autre environ. Au-delà le surnombre centre aquatoniques qui incarOublier son intimité peut aussi conduit les plus timides à se re- nent le renouveau du thermase traduire par la dévoiler partiel- plier à nouveau et à ne plus par- lisme français. Le bien-être étant lement ! Or dans le bain public, tager leur intimité, ce qui décou- devenu un produit de loisir à part la révélation de l’intimité, simple- rage la possibilité de création entière. ment du corps, est obligatoire. La d’un lien social, de rencontre. Le D’autre part, quelques hammams pratique du bain public nécessite bain doit donc ménager des es- et saunas sont répartis dans la non pas d’avoir une aisance au paces qui permettent à un petit ville. Or le hammam simple reprédéshabillage, mais une certaine groupe de personnes de s’isoler sente un investissement souvent tolérance au dévoilement de l’in- du tout. Ainsi le commun est ap- important pour un public trop timité du corps. préhendé à l’échelle d’un com- restreint. La fréquentation par les Pour permettre aux personnes mun agréable et permettant le communautés musumanes et juimal à l’aise de vaincre leur pu- « laisser aller ».
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ves permettent à l’heure actuelle 38°C et en bouillonnement conti- selon les attentes des consomle maintien des établissements nu, n’est pas vidée mais filtrée et mateurs fortunés. de hammam existans. Pourtant, recyclée). L’ argument des structures de de plus en plus, la pratique réguspa actuelles est de permettre de lière du hammam par une clien- SPA est à l’origine l’abréviation réparer les méfaits du stress. tèle féminine occidentale devient d’une expression latine : Sanitus 2/ LE STRESS à la mode. Per Acqua ( la santé par l’eau). Par ailleurs, des centres de re- Aujourd’hui la définition s’est molaxation fonctionnent ouverte- difiée pour regrouper en fait tous ment pour une clientèle issue les nouveaux concepts d’aide à d’une bourgeoisie aisée. Ces la relaxation incluant souvent les établissements prennent soin de dernières innovations en la mane pas attirer ni se faire connaître tière, présents dans de luxueux d’une clientèle potentielle qui se- complexes de loisirs. Le mot a rait « hors cible privilégiée » par ainsi un peu perdu de son sens exemple malade, obèse ou dans d’origine et est devenu un mot une tranche d’age non solvable. « fourre-tout », et c’est pour cette raison que je ne souhaite pas Toue une série de nouveau l’utiliser. /////CONSEILS SANTE GUY ROULIER concepts de centres de relaxa- Le développement des spas ré- www.naturemania.com/.../ images/ tion se développent, le plus sou- sulte d’un phénomène de mode, stress1.jpg vent regroupés sous l’appella- redonnant petit à petit une importion « spa ». En général, il s’agit tance au loisir et au bien être du Dès son apparition, la notion de d’une proposition de services de corps. Ce phénomène est assez stress est devenue assez rapiderelaxation soi-disant par l’eau in- récent, et assimile parfois des ment, une notion tiroir recueillant cluant la pratique d’un sport ou pratiques exotiques, par exemen son sein tous les malaises et les massages. ple, le massage aux pierres de les agacements de l’humain moLe mot spa désigne aussi un ob- lave, lui conférant un aspect déderne. Véritable fléau de notre jet : une sorte de jacuzzi amé- paysant. société, le stress est apparu lorslioré, grande baignoire pouvant que l’urbanisation a explosé et recevoir plusieurs personnes à la Pourtant ce nouveau marché que la population s’est déplacée fois, qui est munie d’hydrojets et reste incertain étant donné la pour aller vivre dans les villes. Le de trous par lesquels s’échappe fluctuation peu prévisible, en réamot, devenu d’usage courant, est de l’air comprimé, afin de procu- lité des succès et des échecs de utilisé généralement pour décrire rer une sensation de massage tel ou tel nouveau produit. Des les multiples événements et cir(l’eau qui est maintenue à une services demeurent, souvent constances imposés par la vie température constante d’environ luxueux, et contraints d’évoluer
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moderne. Le succès du mot est ciale, la non reconnaissance de Nous vivons dans une société étayé par ses allitérations : «les l’instituion, l’existence de traces du risque, de l’impermanence : ‘s’ comme ceux des serpents qui de négligences partout faisant la violence directe est partout, sifflent dans nos têtes sonnent de naître un sentiment de droit. En tant physique que morale. L’imfaçon menaçantes à nos oreilles» général : l’inadéquation de l’envi- permanence existe dans tous Gabriel MOSER, Les stress urbains, ed ronnement aux besoins de l’usa- les domaines de la vie (valeurs, Armand colin 1992 Le stress urbain ger. relations, travail…) et ne va pas est devenu une question sociale en s’améliorant, ce qui est source de première importance : beaude stress. coup d’urbains se sentent agresA titre d’exemple de ce vers quoi sés, en particulier, dans les espapeut tendre la vie urbaine exaces publics, par des conditions cerbée citons cette impression ambiantes telles que le bruit et la de François Roche, recueillie à densité. Bogota, Colombie en 2001 : «la violence est là (..) la violence ici, Dans le langage courant le stress ça s’apprivoise par nécessité. Evidésigne une pertubation du bienter de faire ceci ou cela, cet uniêtre psychologique de l’individu, vers réactive nos peurs d’enfants. due à une excitation, au sentiment La violence transforme non seud’être débordé et de ne pas poulement la vision de la ville mais voir faire face aux nombreuses son usage. La sécurisation est sollicitations et obligations quocodifiée, elle détermine une estidiennes. L’individu doit adopter thétique, une psycho-sensorialité un comportement adaptatif. des espaces. La vie dépend de la vitesse de réaction et d’impro/////ANTIPUB L’un des stigmates du stress ur- http://www.flickr.com/photos/ visation.» François Roche, teen years bain, et dont les conséquances groume/4728305497/ after. Cette citation met en éviconcerne plus particulièrement D’autre part, les réactions au dence que le stress a tendance à les architectes, est le vandalis- stress sont question de percep- régir non seulement les comporme : ce comportement d’agres- tion individuelle, il en existe autant tements, mais par conséquence sion est pratiquement unique- que de différences individuelles. l’espace et sa perception. ment visible en milieu urbain. Il Une adaptation au stress est résulte de plusieurs éléments : possible par processus cognile rejet de l’objet vandalisé pour tif, c’est-à-dire que la force de cause de non appartenance aux l’habitude atténue la réaction de références évoqués par l’objet, le stress. problème de la non cohésion so-
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3/ LA CIBLE : L’INDIVIDU HYPERMODERNE
/////COUVERTURE L’INDIVIDU HYPERMODERNE http://multimedia.fnac.com/ multimedia/images_produits/ ZoomPE/6/2/1/9782749203126.jpg
A/ SON CARACTÈRE L’individu hypermoderne est «Centré sur la satisfaction immé- cette personne d’aujourd’hui, diate de ses désirs et intolérant habituée à fonctionner à travers à la frustration, il poursuit cepen- des valeurs de consommation. dant dans de nouvelles formes de Le travail n’est plus la figure cendépassement de soi une quête trale comme dans la modernité, d’Absolu, toujours d’actualité. et n’officie donc plus en tant que Débordé de sollicitations et d’exi- « grand intégrateur » social. Cet gences d’adaptation permanente individu évolue dans un monde conduisant à un état de stress de surabondance événementielchronique, pressé par le temps le : l’hypermodernité est une moet talonné par l’urgence, dévelop- dernité exacerbée, démesurée. pant des comportements compul- Les sociologues s’attachent à sifs et trépidants visant à combler sonder la personnalité contemposes désirs dans l’immédiat et à raine, la façon d’être un individu gorger chaque instant d’un maxi- dans les formes extrêmes d’indimum d’intensité, il peut aussi tom- vidualisme contemporain. Attenber dans un excès d’inexistence, tifs à différentes dimensions, ils lorsque la société lui retire les ont livré des observations sur des supports qui lui permettent d’être traits de comportement et de caun individu au sens plein de ce ractère spécifiques tels que l’interme.» Nicole Aubert dans l’individu différence, le détachement, le désengagement, le manque d’élan, hypermoderne p8 l’abscence de spontanéité, le calcul permanent, l’instrumentalisation de soi et des autres, les comportements fuyants, l’évitement.
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Il existe deux extrêmes au com- L’individu hypermoderne veut asportement hypermoderne : souvir ses désirs égoïstes et se libérer des contraintes sociales et -d’un coté, l’individu vivant dans collectives : il défie l’ « establisl’excès permanent de consom- hment » jusqu’à parfois dévelopmation, de pression, de sollicita- per une certaine perversité indivition, de stress et en quête de per- dualiste. Il ne veut plus se sentir formances toujours plus grandes. responsable dans un cadre de C’est le « défoncé de l’activité » vie collective, mais veut penser à pour lui l’échec est une catastro- son auto accomplissement. phe sans nom, mais il repousse Par conséquence, aujourd’hui les pourtant toujours ses limites. Il re- lignes de communauté sont profuse la passivité car elle lui paraît gressivement devenus consomimproductive et asociale. mables et périssables. Le dé- /////ART COREEN sengagement communautaire http://ontavu.com/wp-content/ -de l’autre coté, celui n’ayant pas est une réalité dans laquelle être uploads/2009/09/homme-invisible.jpg ou plus de support économique ensemble tend à devenir bref et B/ SON et qui connaît un parcours d’ex- dépourvu de projet. Aussi vit-on à CORPS clusion et d’échec. Il se définit notre époque une crise de sens, en terme de manque. Il est frus- due à la disparition de tout systré de ne pouvoir consommer et tème de notion collective immuas’accomplir et nourrit un senti- ble et indiscutable permettant ment de vide psychique qui peut de structurer la vie commune. La «Le corps est aussi soumis à la conduire à la dépression. C’est le société est caractérisée par une société de consommation, qui « looser » de l’hypermodernité, impermanence générale. d’ailleurs en profite allègrement, le laissé pour compte, il vit dans En réaction à cela, le tribalisme développant de nombreux marune détresse sociale et psychi- (par exemple à travers les « ra- chés autour. La consommation que, il a le sentiment de ne pas ves ») plutôt spontané, hors sys- des ménages en produits de exister, d’être exclu. tème, mais qui revalorise d’une beauté et d’entretien corporel a certaine manière l’être ensemble, augmenté de 60% en seulement La plupart des gens se situe fait un retour surprise. 7ans» Elisabeth Tessier-desbordes le entre ces deux extrêmes, néan- Le bain public, comme nous le corps hypermoderne dans l’individu hymoins tout le monde éprouve les voyons dans d’autres cultures, permoderne p173 tensions de l’hypermodernité. peut favoriser l’entretien du lien Bref, il existe de toute évidence social communautaire de maun besoin de se détendre. nière saine et proportionnée par rapport à l’activité des gens.
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Le corps est à la fois un objet sur C/ TENTATIVES lequel on peut agir, et un constiDE SÉCESSION tuant de l’identité : à la fois un objet et un sujet. Lorsqu’il est objet, le corps devient pour l’individu L’individu hypermoderne pourson « double », l’alter ego qui le tant essaie de résister à l’hypersert ou le dessert : un détache- consommation de manière plus ment s’opère. ou moins consciente : non pas en L’importance du corps s’inscrit la rejetant car il sait qu’il en a bedans trois domaines : la santé, soin, mais justement en prenant /////STEUNG MEANCHEY 6 la beauté et la sexualité. En ef- conscience qu’il est manipulé et http://www.flickr.com/photos/ ianna/3300278878 fet, nous pouvons remarquer que en choisissant son niveau de dules publicités de produits pour le perie, et en jouant de cette macorps jonglent toujours avec ces nipulation pour agrémenter son trois notions en même temps. Le quotidien. corps doit satisfaire aux exigen- «farniente, « ne rien faire » de ces de la sociét de consomma- particulier, ne signifie pas « faire tion : performance, plaisir et bien- rien » mais plutôt avoir ses proêtre, et esthétisme. D’autre part, pres activités : un temps à soi où, le corps est considéré comme à l’écart des produits, des lieux et un reflet de l’âme. Un laisser-aller des services définis et proposés corporel traduirait un laisser-aller par d’autres, l’on s’invente une de l’âme, un manque de carac- autre vie» Bernard Cova et Véronitère. que Cova : l’hyperconsommateur entre Paradoxalement, le corps n’a immersion et sécession dans l’individu jamais été aussi peu utilisé, la hypermoderne p.203 technique permettant de ne plus avoir recours à la force musculaire. C’est pourquoi ce corps peut vivre aujourd’hui une vie un tiers plus longue que celle de nos aînés. La donne est radicalement changée : il est possible de vivre très vieux avec un corps dans lequel on se sent bien. L’expérience que nous avons de notre corps a complètement changé.
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//////VI/ CONCLUSION POSITIONNEMENT Dans la mesure où la plupart de la population mondiale sera citadine (80% en 2050), une nouvelle culture urbaine est à développer, une nouvelle manière de vivre la ville, y incluant ses failles et ses inconvénients, particulièrement la sur-sollicitation, la quantité de nuisances et le stress. Il s’agit de proposer un autre repère que la surconsommation, qui constitue équipement de loisir peut être /////CONCEPT JARDIN 1 un mode de vie risquant d’ac- envisagée actuellement. Cet Tpfe Benoît Casquet juillet 2011 Paris centuer les fractures économico- équipement abriterait un loisir ac- Val de Seine sociales, et même de péricliter cessible et simple, un temps de à long terme. L’alternative, ici, pensée positive, de rêverie ima- cette situation est engendrée par consiste en un lieu à l’échelle hu- ginaire dans la sensation de lé- le plein vertical, à la campagne, maine qui vient se greffer au sein gèreté qu’un corps éprouve iné- elle est créée par le vide horizonde l’espace public et qui propose vitablement dans l’eau (comme tal. un temps de pause, de calme et l’a démontré Archimède) Par ailleurs, si les effets du stress de détente, un temps de dialogue sont moindres en campagne, la et d’entretien du lien social, dans Cependant, ne nous limitons pas tension physique existe tout de à la ville : les populations rurales des bains publics. même. Par exemple, les équipements peuvent aussi avoir besoin de de loisirs sportifs de proximités tels lieux: L’accès à tous implique d’enfonctionnent très bien, car ils En effet, l’isolement géographi- trer dans une logique non pas bénéficient d’un préjugé favora- que empêche parfois l’accès du «less is more » mais du « les ble, progresivement acquis de- au loisir, et c’est souvent le loisir sis possible ». c’est à dire du puis un siècle et demi en matière de masse, intégré à de grosses « faire moins pour faire avec» d’intégration sociale, d’émanci- structures qui propose ses ser- Notion avancée par François pation individuelle et du plaisir vices à ces populations, à des Roche dans Te(e)n years after, qu’il procure. La promotion des distances déraisonnables. Ainsi rendre possible les choses, par équipements de bains publics, l’échelle humaine est perdue, leur échelle raisonnablement huqui constitueraient un « autre » mais contrairement à la ville où 68
maine, leur accessibilité, par une maillon de la chaine de produc- /////CONCEPT JARDIN 2 certaine forme de ce que l’on ap- tion et l’abandonner à son sort Tpfe Benoît Casquet juillet 2011 Paris Val de Seine pelle le système D. dès qu’il a fini de produire ?» Sieg«Le rôle joué par le bain dans une fried Giedion, La mécanisation au pou« une société qui encourage le civilisation donnée révèle l’atti- voir, p512 plein épanouissement de la pertude de cette civilisation à l’égard de la réflexion et indique dans Cette quesion soulevée par Sieg- sonnalité manifeste du même quelle mesure le bien-être indivi- fried Giedion n’appelle certaine- coup un désir naturel de reconsduel fait partie intégrante de la vie ment pas à une réponse simple. tituer l’équilibre physiologiue de communautaire. (…) C’est un pro- Celle-ci dépendrait, en effet, de l’individu grâce à des établisseblème social : la société se doit- convictions culturelles, idéolo- ments de bains ouverts à tous. Que ce soit sous forme de salles elle de prendre en main la santé giques et politiques. de marbre, comme chez les Roet le bien être de ses membres Mon positionnement prendra mains, ou de huttes en rondins ou s’agit-il là, au contraire, d’un problème individuel ? L’état a-t-il pour acquis qu’il est faisable et comme en Sibérie. L’aspect file devoir de fournir aux individus positif, pour la collectivité, de fa- nancier, contrairement à ce que les moyens de se relaxer, quel voriser l’émergence des équipe- l’on affirme si souvent, n’entre pas ici en ligne de compte et n’est que soit le coût, ou doit-il consi- ments de bain public. Siegfried Giedion ajoute comme souvent qu’un prétexte » id p.578 dérer l’homme comme un simple pour me conforter : 69
dans un //////VII/ 1.Insertion existant : LES PROJETS Le bain public peut
bâtiment -Façade des circulations des barres de logement souvent très peu ouvertes en façade) avec s’intégrer la création d’une verrue de type dans une enveloppe existante « cabanon vertical » dans la mesure où cette envelop1/ RÉPARTITION pe présente un volume suffisant -Espaces dégagés devant les piGÉOGRAPHIQUE. et adapté. L’implantation est pos- gnons aveugles sible : -Toiture d’immeubles (sous réser-A l’intérieur d’un ancien équipe- ve d’une possibilités de supporLe Bain public moderne est un ment public inutilisé (par exem- ter le poids supplémentaire) équipement à l’échelle du quar- ple un ancien bain-douche) tier. Dans l’idéal, chaque localité peut faire construire dans un es- -Dans des espaces vacants et 4.Construction neuve : pace vacant de son territoire, un inutilisés des immeubles (par tel équipement. exemples les caves ou les rez de - sur un terrain vacant, si possiPour répondre à l’ambition de dé- chaussée) ble à proximité d’un plan d’eau velopper des structures de bains ou d’un paysage adapté à la publics à proximité de tous, nous contemplation, plus particulièrepouvons envisager différents cas 2.Extension d’un bâtiment exis- ment en milieu rural. de figure d’implantation. tant : les équipements municipaux en Un exemple de répartition géoactivités de type piscine ou équi- graphique d’un équipement simipement sportif – voire administra- laire à celle du bain public, pourtifs – peuvent être prolongé par rait être celui des églises : elles se un espace de bain public. veulent proche des gens relativement facilement accessible, elles se trouvent au cœur des localités 3.Implantation de type parasite : et en constituent le plus souvent un bâtiment de référence. Le bain public, afin d’être au plus proche des gens peut aussi profiter de ces espaces inutilisés de la ville, et venir « s’accrocher » à des endroits incongrus du type :
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/////PLAN MASSE ADAQUARI Tpfe Benoît Casquet juillet 2011 Paris Val de Seine
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2/LE PROJET : UNE ALCÔVE URBAINE Les configurations possibles sont très diverses et celles qui précèdent ne sont évidemment pas listées de façon exhaustive. L’exigence première pour le bain public est qu’il soit implanté à proximité de « là où sont les gens » c’est à dire à une distance faible des zones d’habitation et d’activités, si ce n’est au cœur de ces zones. A ce stade, les exigences qu’impose un site quel qu’il soit n’auront que peu d’importance, le concept pouvant se développer dans tous les cas avec une architecture plus précisément adaptée à l’endroit investi. La relation au site est particulière à chaque emplacement, mais les principes fondamentaux du projet restent les mêmes. Afin de montrer le projet dans ses concepts, plutôt que dans ses applications, nous déve///// lopperons le cas de figure de la ECLATE construction neuve sur un terrain ADAvacant disponible, en milieu urQUARI Tpfe Benoît bain. Dans ce milieu, supposé Casquet dense et quelque peu hostile à juillet 2011 « l’humanité » (dans le sens de Paris Val de Seine
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la perte de l’échelle humaine), «il faut apprendre à créer des afin de laisser encore une fois nous amènerons le projet comme lieux qui ne nomment plus les le corps prendre la décision du une « alcôve urbaine » telle que choses, ni assignent des gens à temps suffisant ou non, de bain le définit Tadao Ando. La position des pratiques mais qui appellent, et de cheminement, d’aller-rede repli par rapport à l’environ- qui font un signe, qui ouvrent et tour. L’usage courant veut que nement immédiat invite le projet qui suggèrent.» id p.53 près des bassins, souvent, une à se développer dans son inté- Cette dernière remarque pose horloge est disposée bien en vue riorité, en construisant un monde la question de la détermination avec une note clouée en dessous intérieur propice à l’une des re- du parcours. Justement le par- « bain à 38°C. temps conseillé : quêtes du bain public : un lieu à cours dans le bain doit être intui- 20minutes ». Si ces indications « habiter ». tif et spontané, et non forcé. La sont parfois nécessaires elles doit être minimale, devraient être alors plus dissimu3/LE PARCOURS signalétique car le parcours doit être une dé- lées, pour permettre au raisonne– couverte par l’espace et non par ment de lacher-prise sur les senl’écrit. Comme l’a fait P.Zumthor sations du corps. LE POSSIBLE dans les thermes de Vals, il me «Nous soulignons que le possi- semble important de laisser le ble est possible et que les gens si mystère sur l’expérience d’eau l’occasion leur est donnée, peu- qui se cache derrière le passage. vent ne pas toujours reproduire A peine distingue-t-on un nombre leur propre aliénation. Le possi- gravé dans la pierre (un peu trop ble n’est possible que s’il donne haut pour attirer le regard), préaccès à un espace de l’ouvert.» venant de la température de l’eau Bernard Salignon qu’est ce qu’habiter ? dans le bassin. Cela préserve p.100 l’émotion provoquée par l’expéLe parcours qui reste ouvert per- rience d’eau que l’on va réalimet à l’utilisateur de trouver son ser, car on la découvre avec son chemin personnel, aussi il est corps et ses sensations, plutôt préférable de préserver des bir- qu’avec son intellect et la lecture fucations possibles au parcours d’un écrit. prédéterminé. L’homme doit pouvoir décider de sa condition et Un autre détail relevé dans les son bien être dépendra de ce thermes de Vals est l’absence choix. Il doit être guidé mais res- (ou la dissimulation) d’horloge. L’architecte soustrait le repère ter libre : temporel habituel au regard,
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EQUIPEMENT EAU
EQUIPEMENT
COMMERCE
/////DISTRIBUTION PROGRAMMATIQUE Tpfe Benoît Casquet juillet 2011 Paris Val de Seine
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4/ L’ALCÔVE, LE NID, LE REFUGE.
“C’est par la simplification géomé- Bachelard montre que le refuge trique que la substance physique attribué aux animaux, par exemprend forme et qu’un paysage ple le nid des oiseaux, déclenche spécifique est créé à l’intérieur. en nous une “rêverie de la sécuCette architecture sert d’«alcôve rité”. Dans le refuge de l’être, la urbaine»»Id p.23 sécurité est ressentie par une L’acceptation du dévoilement confiance instinctive en le lieu, passe par un sentiment d’être Le parcours de régénération du même si elle est en réalité précaiprotégé qui peut être apporté bain se fait dans un monde in- re, parfois. dans son germe, la vie notamment par l’architecture. en térieur, celui du bâti et celui du est bien-être, le bien-être est aneffet, dévoiler son corps c’est se corps qui sont en connexion. ce térieur au besoin de se défendre priver d’une protection (les vête- monde est protégé, séparé du contre l’agressivité du monde. ments) qui cache l’être profond reste, de l’agitation extérieure. Lorsque l’on dit “se retirer dans un peu plus que la peau. le bâti Cependant si l’extérieur n’est pas son coin”, on sous-entend que peut en quelque sorte se substi- “agité”, nous pouvons envisager dans cette encoignure, ce petit tuer à cette armure perdue. de laisser pénétrer la nature et le espace, l’être peut trouver le gerDans le bain public, on peut évo- paysage dans l’alcôve. Dans ce me d’une chambre ou d’un habiquer une interaction entre l’en- projet nous nous placerons dans tat. Ainsi le coin, ou le recoin, où veloppe du bâti et l’enveloppe le cas ou l’environnement exté- l’on peut se blottir est une figure charnelle justement : tous deux rieur (la nature) est en interaction du refuge dans lequel se trouve tournés vers l’intérieur, pour per- avec le projet. la paix, un “chez-soi”. Dans son mettre de trouver une paix (la paix «Il est très frappant que même coin, l’être dans sa solitude et intérieure), elles séparent et pro- dans la maison claire, la son ennui bienvenu, part dans la tègent des agressions extérieu- conscience du bien être appelle rêverie et peut penser assimiler res ; une enveloppe ne se substi- les comparaisons de l’animal en le monde... tue pas réellement à l’autre, mais ses refuges. (...) Ainsi le bienelles ont la même fonction d’abri être nous rend à la primitivité du de l’être, d’habitation. Le bain pu- refuge. Physiquement, l’être qui blic peut être conçu comme une reçoit le sentiment de refuge se alcôve urbaine, au sens où Tadao resserre sur soi même, se retire, Ando l’entend : «l’environnement se blottit, se cache, se musse.(...) extérieur est invariablement reje- l’être aime à se «retirer dans son té. Un monde nouveau et séparé coin».» Gaston Bachelard. la poétique est crée à l’intérieur.» Tadao Ando de l’espace p,93 Ando par Ando p,46
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promeneurs qui profitent du beau temps pour découvrir ce paysage tropical, l’île est un monde à part. À l’abri derrière un bandeau d’arbre fruitiers Bertrand aperçoit un spacieux jardin en contre bas. On y accède par des coursives en bois, celles-ci descendent en pentes douces passant, tantôt derrière des cascades, tantôt pouvant servir de ponton pour observer les alentours. Le parcours prend une dizaine de minutes, mais le temps n’a plus d’importance, Bertrand se laisse porter par son regard qui embrasse l’ensemble de l’atrium. Il franchit le seuil de l’entrée enfouit derrière une cascade. Il y a 5/ SCÉNARIO là quelques confortables chaises D’INTENTIONS. pour attendre, un comptoir d’acPour faire émerger des intentions sans savoir très bien ce qu’il va y cueil. En passant les coursives spatiales plus concrètes du bain- trouver ; de l’extérieur, on ne peut il s’est rendu compte que l’Adapublic, j’ai choisi de conter l’his- pas vraiment deviner ce qui se quari dispose aussi d’un café et toire d’une personne se rendant passe à l’intérieur, un nuage de de bains de soleil, l’ambiance y pour la première fois à l’Adaquari vapeur s’échappe de temps à est tamisée et chaleureuse. Un de l’île Seguin : autre du jardin botanique en surcouple se tient à la réception. face… Le Projet s’est implanté à Bertrand fait signe qu’il est là La semaine de Bertrand a été la place des anciennes usines et l’homme s’approche de son longue et fatigante… Pour se Renault, L’enveloppe extérieure comptoir : donner du courage il s’est pro- est végétale est minimaliste. -« Je viens pour l’adaquari… » mis d’aller ce week-end essayer dit-il timidement le nouvel Adaquari qui s’est Le tramway le dépose à l’entrée -« Oui, bien sur, l’entrée est à 4 construit sur l’île Seguin. Muni de d’une foret luxuriante et déjà le euros et vous pouvez prendre un son nécessaire de piscine, il se fond sonore de la ville baisse de abonnement… » rend dans cet intrigant bâtiment quelques décibels. Il y a là des 76 /////CONCEPT JARDIN 3 Tpfe Benoît Casquet juillet 2011 Paris Val de Seine
de lumière. pureté, l’asepsie rassurante. Un Bertrand soulève et passe l’épais produit est prévu pour se désinrideau de peau pour entrer dans fecter les pieds, du savon est mis le vestiaire des hommes, il y a à disposition, se laver est un plailà un banc, une cabine et des sir, une première impression de casiers en bois. Un bois verni à purification. la couleur chaude, rougeoyante, Une fois propre, il ressort et ob/////CONCEPT JARDIN 4 rend la pièce chaleureuse. Ber- serve l’espace qui se présente à Tpfe Benoît Casquet juillet 2011 Paris trand localise son casier et y lui. Val de Seine -« Bah, on verra, je vais prendre dépose ses chaussures, il se Quelques personnes sont alanune entrée normale… » Répond change dans la cabine car il est guies, rêvassants, dans un basBertrand légèrement sceptique. assez pudique. Son maillot enfilé sin à demi caché par une paroi il y jette le reste de ses vêtements de bois. Ils ont le regard dans le lointain et font nonchalamment Par une ouverture dans la pièce et ferme son casier. La sortie de l’autre côté du vesbalancer leurs jambes dans l’eau d’entrée, on distingue un peu l’espace intérieur… À travers une tiaire lui permet de voir enfin l’es- avec une grande lenteur. Cerenfilade de cadrage, il remarque pace intérieur de l’Adaquari, un tains discutent, mais la plupart quelques silhouettes en maillot espace qui paraît assez grand se prélassent simplement. Le qui se meuvent là derrière, l’am- mais recoupé en recoins plus pe- regard des baigneurs se pose tits par des parois qui ponctuent sur des rais de lumière filtrante et biance à l’air calme… Le garçon de l’accueil indique à l’espace. Son regard peut néan- sur les ouvertures de la paroi de Bertrand la direction du vestiaire, moins embrasser pratiquement bois ajourée qui ferme ce bassin après lui avoir remis une clef de toute la longueur et la largeur de sur le jardin extérieur. l’espace principal. Son parcours De l’autre côté, un mur massif casier. est, au départ, guidé par des emprunt de pesanteur, uniforme, invite par sa forme à avancer. -« Vous n’avez qu’à vous laisser passages en bois, il les suit. On perçoit des ouvertures d’où guider. » Lui dit-il. En premier, des douches s’im- s’échappe une nuée de vapeur Bertrand franchit un rideau posent à lui. Bertrand en choi- d’eau, on peut entrapercevoir la opaque et se retrouve dans un sit une et consent à se laver. Il Seine glissée le long des rives de couloir qui dessert le vestiaire se lave entièrement en réglant Boulogne. homme et le vestiaire femme. Ce- la température de l’eau bien Vers la paroi du fond Bertrand lui pour l’homme est le deuxième. chaude, comme il aime à le faire distingue un passage… Peut-être La paroi du couloir contient des dans sa salle de bain. Dans cet que d’autres espaces se présenniches de coquetterie pour se espace, il trouve aussi des toi- teront encore… Il ira plus tard. recoiffer en sortant. L’espace est lettes. Ce lieu invite à la propreté assez simple et brut, mais baigné par sa blancheur évoquant la
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Pour l’instant il a envie de s’im- dehors, en extérieur mais toumerger dans le bassin aux gens jours dans l’eau et découvre un alanguis. L’eau est chaude, 38°, ample jardin, ses arbres, ses température parfaite. Il se trouve plantes, ses pierres et ses cheune place sur les bancs aména- minements de sable. Le parc acgés dans l’eau pour s’asseoir, et cueil une piscine extérieur et des se rend compte qu’en s’allon- jeux aquatique. Des enfants court geant presque, en posant sa tête et s’asperge en riant avant de sur le rebord, sa position est alors s’allonger sur les pelouses plus mi-allongée mi-assise, et qu’il au loin. Comme c’est agréable est bien comme ça, avec l’eau de sentir le vent transportant les /////TEMPLE D’ANGKOR jusqu’aux oreilles et au menton. essences parfumées, d’entendre http://fr.wikipedia.org/wiki/Angkor Il réalise aussi que des petits le bruissement des feuilles et le jets d’eau sont éparpillés dans clapotis de l’eau, de voir le ciel… le bassin pour masser, et, amusé L’air est frais à l’extérieur, mais on la chaleur est supportable (40 à il part à leur recherche… Il en se sent bien quand même dans 50°C). Il s’installe assis sur un tabouret et observe. Des vasques trouve sous les pieds (en jets as- l’eau chaude. cendants) au niveau des jambes Bertrand se laisse aller quelques permettent de tiret de l’eau fraîche (en jets horizontaux) et au niveau minutes puis se fait masser éner- et coupelles sont mises à dispogiquement les épaules et le cou sition pour puiser l’eau fraîche et des reins. par des jets d’eau en col-de- la verser sur soi. Certaines perIl décide ensuite d’explorer les cygne qui s’enclenchent par in- sonnes sont allongées sur des socles recouverts de marbres différentes séquences qui s’offre termittence. ou de faïence. La lumière est à lui. Après plusieurs espaces indiquant des températures de Il décide de rentrer et de voir tamisée, discrète, elle filtre par bains de plus en plus chaud ce qui l’attend ensuite. Toujours quelques percements sur les plaBertrand découvre, plus loin une en suivant les coursives en bois fonds et les parois. Tous les murs étendu d’eau faisant face à la il s’élève d’un étage et là se di- sont recouverts de marbre ou de façade translucide. Il peut sen- rige vers le hammam. Lorsqu’il faïence de couleur sombre. L’amtir le soleil chaud de l’après-midi ouvre la porte, un nuage de va- biance est tout autre que lorsqu’il peur s’échappe et l’entoure de était dans le bassin, ou tout sécher sa peau. Il s’immerge et son esprit s’évade, brouillard. Il entre vite, referme la n’était que légèrement baigné de il note que le bassin continue der- porte, et choqué par la chaleur, lumière naturelle. Ici la lumière rière la paroi de verre : les gens reste quelques instants sur place est filtrée à travers d’épaisses passent à travers une ouverture en cherchant sa respiration. Au parois, les percements de la couau raz de l’eau et Bertrand s’y bout de quelques secondes il verture rappellent un ciel étoilé. risque à son tour. Il se retrouve s’habitue et avance. Finalement Si auparavant c’était le jour réa-
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liste, ici c’est la nuit imaginaire. Après un certain temps dans le Au fond de la pièce, un lourd hammam, Bertrand décide de rideau laisse deviner l’entrée de sortir, il se sent las, il a envie d’eau quelque chose, derrière ce ri- fraîche et de reprendre ses esdeau la température est encore prits après s’être autant chauffé. plus élevée et la luminosité en- Il dévale le parcours qui l’amène core plus basse, comme la cha- dans l’espace principal et se leur, la brume de la vapeur d’eau rince dans une douche à proximiest intensifiée, on ne voit que les té, inopinément il remarque que silhouettes des autres visiteur. d’autres douches adjacentes Les personnes qui se trouvent là sont différentes : douche en /////DESSIN DE HAYAO MIYAZAKI ne font plus de mouvements inu- pluie, douche en jets horizontaux, Film d’animation : Laputa, le château dans le ciel 1986 天空の城ラピュタ tiles et se laissent aller à trans- douche avec un tuyau, douche pirer en se rinçant de temps à en ligne qui forme une « feuille » autre. Avec des gants de crins, d’eau. Amusé il les essaye… Puis sèche. Après réflexion, il renonce certains se gomment la peau il s’aventure dans une deuxième à tenter l’expérience cette fois ou celle d’un proche. Bertrand coursive sur laquelle plusieurs ci… se met au diapason et reste là personnes profite de l’oblique -« Une autre fois peut être, je relonguement en se rinçant parci- pour s’allonger et s’évaporer, la viendrai… » monieusement d’eau fraîche, en se trouve un espace de repos en Son regard traverse les parois profitant de l’effet bénéfique de face de l’atrium avec des chaises vitrées, devant et au-dessus de la chaleur et de la transpiration. Il longues. La limite entre intérieur lui, son esprit s’évade dans le jarreste tranquille et respire calme- et extérieure est imperceptible din et dans le ciel, ses pensées ment en observant la lumière… Bertrand trouve là un transat dis- s’envolent et Bernard somnole… Petit a petit il distingue les détails posé devant une vue du jardin in- Il récupère. des éléments qui composent térieur… Ici il peut contempler le Il sourit malicieusement en oberl’espace, socles de marbre noir, ciel et la course des nuages. Le vant, d’un œil, des jeunes qui vasques, ainsi que le poêle qui sol est en bois, et exactement au sortent rougeauds du sauna diffuse cette intense chaleur. même niveau que le jardin, qui ou du bain apparemment « très Il adresse la parole à la personne ainsi donne l’impression qu’il va chaud », et qui se jettent dans le bain à 16°C en poussant de près de lui, qui souriante et l’air s’infiltrer vers l’intérieur… complice, continue avec joie la Il ne sait pas depuis combien de petits cris de saisissement et conversation : temps il est là, il voit en levant les sortent aussi vite qu’ils y sont -« Ah c’est la première fois que yeux qu’un sauna est proposé. Il entrés en riant de leur courage… vous venez ? Êtes vous déjà des- sait que la chaleur du sauna est Alors qu’un vieil homme y entre cendu dans le bain froid ? Vous encore plus forte que celle du à son tour sans le moindre signe verrez c’est saisissant !... » hammam, car c’est une chaleur de déstabilisation et reste une
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minute dans l’eau froide jusqu’au comme régénérée et purifiée. Sticou devant les yeux médusés mulé par le froid, Bernard ne reste des premiers. que quelques secondes dans le bain à 16°C, et ressort vainqueur, Après s’être suffisamment repo- triomphant, l’air digne : il n’a pas sé, Bertrand décide de tenter bronché… l’expérience lui-même et de pas- Il ressent que grâce au bain froid ser dans le bain chaud, l’eau est son corps a retrouvé sa tempéra/////ESQUISSE ADAQUARI à 41°C. Il met une minute à entrer ture normale. Tpfe Benoît Casquet juillet 2011 Paris dans l’eau jusqu’à la taille puis Rechargé à bloc, il décide qu’il Val de Seine une minute encore à s’immerger est temps de s’en retourner et jusqu’aux épaules. Enveloppé regagne les vestiaires après une et l’Adaquari de l’île Seguin vont d’une telle chaleur il se sent bien, dernière douche. Il se sent agréa- réussir à s’apprivoiser, et y aller il sent son corps et ses muscles blement fatigué, d’une fatigue régulièrement dorénavant serait se détendre et se ramollir sous saine qui le rend plus léger, et une une bonne idée. l’effet de la chaleur. L’espace est fois rhabillé, recoiffé, paré à noupetit et presque fermé, la couleur veau à sortir, il décide de s’accorrouge d’un des murs intensifie der encore le temps d’un bon thé encore l’impression d’envelop- dans un coin paisible du bar près pement. Le corps est immergé de l’entrée. Au fond du bar une et la surface de l’eau aux ondes fenêtre cadre une vue sur le jarcalmes viens caresser la base du din intérieur. Il peut apercevoir les visage. La lumière provient de gens qui sont dans les bassins. Il l’eau car les parties immergées pense que la prochaine fois, il sesont plus visibles que ce qui est rait encore plus agréable de venir hors de l’eau. avec sa femme, ses enfants ou Cinq minutes après Bernard a un ami. Il sort et retourne chez lui, rassemblé son courage et s’est non sans se retourner sur ce bâticoncentré pour entrer dignement ment, cette anfractuosité, un peu dans le bain froid sans pousser moins énigmatique maintenant, le cri habituel « Ouh ! c’est froid qui lui a permis de se régénérer ! »… Il s’immerge très vite, sans physiquement mais aussi psytrop hésiter, il souffle fort pour chiquement. Son corps lui paraît surmonter le choc thermique, plus léger, relâché, il n’a plus mal son corps si réchauffé et ramolli au dos, son esprit est plus optise retend tout de suite sous l’effet miste et il a envie de sourire dans du froid intense, laissant sa peau la rue… Il a le sentiment que lui
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6/ PROGRAMME(S).
A / POUR TOUS, PARTOUT.
B/ PROGRAMME MINIMAL :
Nous allons nous positionner en termes de programme dans pluEn principe, et utopiquement, le Le « programme type » minimal: sieurs cas de figure : bain public doit permettre à que lieu de bain permettant la régéUn premier programme simplifié chaque personne, quel que soit nération totale, s’apparente au du bain public entend montrer la son style, son niveau social ou sa bain traditionnel japonais auquel volonté de s’adapter à différents particularité au accès aux bains. s’ajoute une étuve (sèche ou hubudgets et à différents espaces, L’endroit, par l’espace même, ne mide) et qui est adapté à la fréétant donné que cet équipement doit pas juger les peurs et les hé- quentation publique. a pour ambition de s’implanter au sitations des usagers, mais per- Il se compose au minimum de : plus proche des gens et de mamettre à ceux-ci d’instaurer une nière multipliable. relation de sécurité avec l’eau et Je détaillerai ensuite plus précil’espace, les conduire à travers sément le programme du bain un parcours graduel, les inviter à public dont je développerai l’arrevenir régulièrement pour s’apchitecture proprier le rituel de la régénération totale adapté à la particularité de chacun. D’autre part, il n’est pas nécessaire dans un bain public de circuler dans des bassins d’eau où l’on n’a pas pied, la nage n’étant pas obligatoire. Des bancs se trouveront dans les bassins pour permettre aux personnes de s’asseoir et aux plus petits de ne pas couler. Ainsi les bassins seront d’autant plus adaptés « à tous », incluant les personnes âgées, les enfants et les autres. Dans cet esprit et dans la mesure du possible l’accès aux personnes à mobilité réduite sera a priori possible.
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. ESPACES INTÉRIEURS
2200 M2
-Salle Chaude Bassin+Bains Bouillonants +Sauna & Hammam
700m2
-Salle Froide Bains d’eau fraiche, Salle de massage
700m2
-Salle Tiède, Espace de Transpiration Douche Particulières + Espaces de relaxation -Bassin Ludique Pataugeoire+Bassins 3-8 ans
400m2+150m2
350m2
. VESTIAIRES -6 Blocs Vestiaires Hommes & Femmes
. ESPACES EXTÉRIEUR -Bassin Sportif -Bassin Détente Jets d’eau + Jets Massants -Bassin Enfants Extérieur
. AMÉNAGEMENT EXTÉRIEUR -Plages -Solarium -Jardin Planté
500 M2 6x45m2
1500 M2
900m2 700m2 500m2
1200 M2 600m2 200m2 400m2
780 M2
. PROGRAMMES ANNEXES -bibliothèque -Restaurant -Sports
180m2 350m2 250m2
. ACCUEIL
300 M2
. ADMINISTRATION . TECHNIQUE/MAINTENANCE
-Locaux Personnel -Locaux Techniques Bassins exterieur + Locaux Techniques Adaquari -Maintenance -Entretien -Reserve Matériel
. SURFACE INTÉRIEURE : . CIRCULATION (15%) . SURFACE TOTALE INTÉRIEURE : . SURFACES EXTÉRIEURES :
75 M2 70m2 350m2 50m2 100m2 40m2
825 M2
4680 M2 700 M2 5380 M2 2700 M2
///// PROGRAMME ADAQUARI Tpfe Benoît Casquet juillet 2011 Paris Val de Seine
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L’EAU, SYMBOLIQUE ET THÉRAPEUTIQUE
////// VIII / BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE
HISTOIRE DU RAPPORT À L’EAU, DES ÉQUIPEMENTS ET DES PRATIQUES
+ Internet / Jacques BETHEMONT, L’eau et + Livre / Françoise DE BONNEVILLE, Le libre du le sacré, http://xxi.ac-reims.fr/fig-st-die/actes/ bain, Flammarion, Paris 2001 actes_2003/bethemont/cafesacre.html + Livre / Paul GERBOD, loisir et santé, les ther+Internet / Pascal GALVANI, L’eau, élément malismes en Europe des origines à nos jours, ed d’écoformation concrète et symbolique, http:// Honoré Champion, Paris, 2004 www.barbier-rd.nom.fr/PGalvaniEauEcoformation. + Livre / Siegfried GIEDION, la mécanisation au html pouvoir, contribution à l’histoire anonyme, Centre + Livre / André AUTHIER, la médecine des eaux, Georges Pompidou, Paris, 1980, première édition ed. Privat 1998 1948. + Livre / Gaston BACHELARD, L’eau et les rêves, + Livre / Akura MIZUBAYASHI, Autour du bain José Corti 1982 : de l’intimité familiale à la sociabilité, critique +TPFE/ Christophe GALLIERO, Images et pran°428-429 : dans le bain japonais, 1983 tiques de l’eau et du bain, TPFE sous la direction + Livre / Georges VIGARELLO, Le propre et le d’Edith GIRARD, Ecole d’Architecture de Paris sale, l’hygiène du corps depuis le Moyen Age Belleville, 1987 l’univers historique, éditions du seuil, Paris, 1985. + Pièce de théâtre / « le bain »- pièce de théâtre comique. Thème : deux hommes enfermés dans une salle de bain pendant plusieurs mois pour un programme de télé-réalité. + TPFE / Younes ABOUEDDAHAB, Eau et architecture des hammams, TPFE sous la direction de Bruno QUEYSANNE, Ecole d’architecture de Grenoble, 2000 + TPFE / Amandine QUEYROI, Water Shine..., TPFE sous la direction de Philippe BESÈME, Ecole d’architecture de Grenoble, 2000
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CONJONCTURE SOCIALE CONTEMPORAINE
ARCHITECTURE
+ Internet / Yvonne BERNERD, Le stress urbain, + Internet www.new-territories.com/roche%20 http://www.mcxapc.org/docs/ateliers/stressyb. defaut2.html html + Livre / Gaston BACHELARD, la poétique de + Internet / article Psychologiques.com/cfml/ l’espace, ed Quadrige/Puf, Paris, 1ère ed 1957 article/c_article.cfm ?id=1372 + Livre / Gaston BACHELARD, L’eau et les rives. + Journal / « A nous Paris », # 238 semaine du Essai sur l’imaginaire de la matière, ed Le livre de 20 au 26 sept 2004, article p4 : Gouttes d’eau sur poche biblio essais. stress brûlant, Neuilly sur Seine. + Livre / Oliver BEDU, Le cabanon vertical, CAUE + Livre / Nicole AUBERT, L’individu hypermodes Bouches du Rhône, Marseille 2003 derne, ed Eres, 2004 + Livre / Sophie FLOUQUET, L’architecture + Livre / Gabriel MOSER, Les stress urbains, ed contemporaine, ed Scala, 2004 Armand colin 1992 + Livre / Martin HEIDEGGER, Bâtir Habiter Pen+ Livre / Bernard SALIGNON, Qu’est-ce qu’habi- ser dans Essais et Conférences, ed Gallimard, ter ?, réflexion sur le logement social à partir de première parution à Pfulligen 1954. l’habiter méditarranéen, ed Z éditions, Nice, 1998 + Livre / Frédéric MIGAYROU, Zeynep MENNAN + Revue / Le Moniteur des Travaux publics et (direction associée), Architectures non-standard, du bâtiment n°5472 (Equipements sportifs et de éditions du centre Pompidou, déc 2003. loisirs- la nouvelle vague des complexes aqua- + Livre / Phyllis RICHARDSON, sous la direction tiques) de Lucas DIETRICH, XS : Grandes idées, Petites + Revue / Psychologies magazine, # 240, structures, Thames & Hudson, Londres, 2002. « prendre son temps » + Livre / François ROCHE, Te(e)n years after, ed + TPFE / Marie-Estelle MISEREY, L’architecture Les architecture hérétiques. source de bien être - Mens sana in corpore sano, + Livre / Serge SALAT Françoise LABBE, ANDO TPFE sous la direction de Brigitte LODOLINI, par ANDO, catalogue exposition réalisée par «arc Ecole d’architecture et de paysage de Bordeaux en rêve », Bordeau/Genève, 1988. 2008. + Livre / Junishiro TANIZAKI, Eloge de l’ombre, + TPFE / Théo RIBOUD, Les profondeurs de POF, 1983. l’intime-construction et mise en scène de l’intimité + Livre / Peter ZUMTHOR, Hélène BINET, Peter dans les centres de massages à Pékin, TPFE ZUMTHOR works, ed Lars Müller publishers, sous la direction de Alessia DE BIASE, Ecole Baden (Suisse) 1998. d’architecture de Paris-Belleville.. + Revue / d’A n°104 (volumes d’eau piscines thermes)
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ARCHITECTURE
DIVERS
+ Revue / Archeologia,n°439 (Un édifice excep- + TPFE / Estelle AUDRIC,Mise en eau de l’usine, tionnel : les bains souterrains de Taposiris Magna) TPFE sous la direction de Sofia MARTINEAU + Revue / Architecture intérieure, CREE n°328 SANCHEZ, Ecole d’architecture de Paris-Mala(Hotel Shu Uemura et bains publics; Muroto, quais 2007 Shikoku, Japon.) + TPFE / Cécile BEAUCHAMP, Les Bains publics de proximité, TPFE sous la direction de Suzanne MONNOT, Ecole d’architecture de Lyon 2005. + TPFE / Anna-Maria KARETZOPOULOU, Les Néréides : un centre de remise en forme en mer Egée, TPFE sous la direction de Claude HOURCADE, Ecole d’architecture de Lyon 2001. + TPFE / Rémy OLIEL, Juline BRUNO-MATTIET, Réintroduction de l’esthétique dans une problématique purement fonctionnaliste. TPFE sous la direction de Patrick THEPOT, Ecole d’architecture de Grenoble, octobre 2000. + TPFE / Carine SAUVAGE, Le bien-être en terres d’Aubrac, TPFE sous la direction de Claude COSTANTINI, Ecole d’architecture Paris Val de Seine 2007. + TPFE / Sarah VIRICEL, Le bain, espace de service pour une unité d’habitation, TPFE sous la direction de Pascal ROLLET, Ecole d’architecture de Grenoble, sept 1997.
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autant qu’il en aura esté manière. On fera des verges ou ////// IX / chaude tiré de chaude, & qu’il en entrera des arcs de fer qu’on attachera ANNEXES par la même proportion de celuy à la charpenterie avec des cram-
qui contient la froide dans celuy pons de fer assez prés-à-prés Les dix livres d’architectures de qui contient la tiède. Le dessous pour faire que des quarreaux de Vitruve / cinquième livre / cha- des bains sera échauffé par un poterie qui doivent estre sans pitre X : seul fourneau. rebord posent chacun sur deux arcs ou verges de fer, afin que De quelle manière, les Bains Le plancher des Etuves qui doit tout le lambris de la voûte soit doivent être disposez & quelles être creux & suspendu sera ainsi soûtenu sur du fer : Le dessus de sont leurs partis. fait. Il faut premièrement faire un ce lambris sera enduit de terre pavé avec des quarreaux d’un pié grasse meslée avec de la bourre, Il faut premièrement choisir & demy qui aille en penchant vers & le dessous qui regarde le pavé, un lieu fort chaud & qui ne soit le fourneau, en sorte que si l’on avec de la chaux & du ciment point exposé au Septentrion. y jette une balle, elle n’y puisse que l’on recouvrira de Stuc, ou Les Etuves chaudes & les tièdes demeurer, mais qu’elle retourne de quelque autre enduit plus doivent avoir leurs fenêtres au vers l’entrée du fourneau : car, délié. Il sera bon que cette voûte couchant d’Hyver, ou si le lieu n’y par ce moyen, la flamme ira plus soit double, afin que la vapeur est pas disposé, il faut les tourner facilement sous-tout le plancher qui sera receuë entre-deux, s’y au Midy : parce que le temps de suspendu. Sur ce pavé on bastira dissipe & ne pourrisse pas si-tost se baigner, suivant la coustume, des piles avec des Briques de la charpenterie. est depuis le midy jusqu’au soir, huit poulces, disposées & espail faut aussi faire en sorte que cées en sorte qu’elles puissent La grandeur des Bains doit estre le Bain chaud qui est pour les soutenir des quarreaux de deux proportionnée au nombre du hommes, & celui des femmes, piez en quarré. Ces Piles seront peuple : mais leur proportion doit soient proches l’un de l’autre ; hautes de deux piez & maçon- être telle qu’il leur faut de largeur parce qu’on pourra échauffer les nées avec de la terre grasse un tiers moins que de longueur, lieux où sont les vases de l’un meslée avec de la bourre ; & elles sans comprendre le Reposoir & de l’autre Bains avec un même porteront, ainsi qu’il a esté dit, les qui est autour du Bain, & le Cofourneau. On mettra sur ce four- quarreaux de deux piez en quar- ridor. Ce Bain doit être éclairé neau trois grands vases d’airain, ré, sur lesquels sera le Pavé. par en haut afin qu’il ne soit pas dont l’un sera pour l’eau chaude, obscurcy par ceux qui sont à l’autre pour la tiède, & le troisième Pour ce qui est de la voûte des l’entour. Il faut que ces Reposoirs pour la froide : ces vases seront Bains, le meilleur est qu’elle soit qui sont autour du Bain soient tellement placez & disposez que de pierre : mais si elle n’est que assez grands pour contenir ceux de celuy qui contient l’eau tiède, de charpenterie, il la faudra garnir qui attendent que les premiers il ira dans celuy qui contient la & lambrisser de poterie en cette
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venus qui sont dans le Bain, en Le Bain chaud. Ces Vases seront tellement plasortent. Le Coridor qui est entre Caldarium & Laconicum signi- cez. le mur & la Balustrade ne doit pas fient quelquefois la même chose, avoir moins de six piez de large à savoir ce qu’on appelle Etuves La disposition & la forme de ces : parce que le degré qui est au en François. C’estoit un lieu où trois vases qui est décrite assez dessous, & l’appuy de dessus en l’on échauffoit seulement l’air obscurément par Vitruve n’est emportent deux. pour faire suer. Cicéron & Celse expliquée par les Interprètes l’appellent Asseum, pour le dis- qu’avec des figures qu’ils en ont Le Laconicum ou Etuve à faire tinguer du Bain chaud qu’ils nom- fait tailler. Celle que Barbaro a suer, doit être jointe avec l’Etuve moient Calidam Lavationem, & mise dans son édition latine fait qui est tiède, & il faut que l’une qui estoit ce que Vitruve appelle assez bien entendre comme l’eau & l’autre ayant autant de largeur icy Caldarium. estoit beaucoup échauffée dans qu’elles ont de hauteur jusqu’au l’un, & seulement renduë tiède commencement de la voûte, qui Les lieux ou sont les vases. dans l’autre, & conservée froide est en demi-rond : au milieu de Vasaria estoit une des chambres dans le troisième, par la situation cette voûte on doit laisser une des Bains où l’on serroit les dif- qu’ils avoient plus proche ou plus ouverture pour donner du jour, & férent vaisseaux qui servoient éloignée du feu ; mais la manière y suspendre avec des chaisnes à puiser l’eau, & jetter sur ceux par laquelle Vitruve entend que ou bouclier l’airain, par le moyen qui se baignoient. Ces vaisseaux le vase de l’eau tiede en recevoit duquel, lorsque l’on le haussera estoient Cacabi, des Chaudrons autant de froide qu’il en donnoit ou baissera, on pourra augmen- ; Trullae, des Poëslons ; Vrceoli, de tiede au vase d’eau chaude, ter, ou diminuer la chaleur qui des Eguieres. Il y avoit encore n’est point expliquée par cette fait suer. Ce lieu doit aussi estre dans cette chambre ces grands figure : Celles de Cisaranus & de arrondy au compas afin qu’il re- vases d’airain dont il est parlé Rivius sont faites pour expliquer çoive en son milieu également en suite, & sui contenoient l’eau cette communication des eaux la force de la vapeur chaude qui chaude, la tiede, & la froide qui de différente température. Elles tourne & s’épand dans toute sa estoient conduites dans les Bains représentent les trois vases pocavité. par de differents tuyaux. sez les uns sur les autres, savoir le vase A, qui contient la froide, le VITRUVE, De Re Architectura / les dix Fourneau. vase B, où est la tiede ; & le vase Livres d’Architecture de Vitruve, corrigés Hypocaustum signifie ordinaire- C qui est celui de la chaude ; en & traduits par M.Perrault, de l’Académie Royale des Sciences, éd J.B Coignard, ment un Poësle fait pour échauf- sorte que ces vases envoyent fer l’air d’une chambre laquelle chacun leur eau dans les Bains Paris, 1684. estoit appelée Laconicum dans le par les conduits FFF, n’ayant de Bains : mais icy c’est un fourneau communication que par un petit qui échauffe l’eau pour les Bains. conduit, savoir le vase A, avec le
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vase B, où est la tiede ; & le vase un autre la tiédeur, & pour n’alté- sorte que pour obvier à cet inC, qui est celuy de la chaude ; en rer point la froideur de celle du convénient, il faut concevoir que un petit conduit, savoir le vase A, troisième ; la transfusion de l’eau le Siphon K, qui fait aller l’eau avec le vase B, par le conduit D ; d’un vaisseau dans un autre se tiède dans le vase de la chaude & le vase B, avec le vase C, par le fera aisément, ainsi que Vitruve la a une soupape au bout qui est conduit E. Mais l’inconvénient est demande, par le moyen de deux dans le vase de l’eau chaude & qu’il est impossible que la cha- syphons courbez K & L, dont l’un, que cette soupape empesche leur qui monte fort promptement savoir L, portera la tiede dans le que la chaude ne puisse passer ne se communique bien-tost, & vase de la chaude qui est G, les dans le vase de l’eau tiede : car ne passe du vaisseau inférieur trois vases estant à niveau : car il cela estant ainsi, lorsque l’eau qui est immédiatement échauffé est facile par le Siphon K, une pa- tiede baissera dans son vase, il par le feu, dans le vase du milieu, reille quantité de la tiede, que le ne pourra recevoir que l’eau du & dans celuy d’enhaut, & qu’elle Siphon attirera du vase H, & que vase qui contient la froide : il faut n’y devienne même plus chaude par la même raison l’eau tiede encore supposer que le Siphon L, qu’en celuy d’embas. De sorte baissant dans le vase H, donnera qui porte l’eau froide dans le vase que Vitruve ne s’estant point ex- occasion à la froide du vase I, de de la tiede, a aussi une soupape pliqué là dessus ; j’ay crû que descendre par l’autre Siphon L. au bout qui est dans le vase de je pouvois ajoûter aux interpré- Toute la difficulté est que l’usage l’eau tiede pour empêcher que tations de Berbaro & de Rivius, de ces trois vases estant de four- lors que l’on tire de l’eau froide, la une troisième qui me semble en nir de l’eau non seulement l’un à tiede ne puisse passer du vase H quelque façon probable, qui est l’autre, mais principalement aux dans le vase I. de placer les trois vases G, H, & Bains par le moyen des tuyaux, I ; à costé l’un de l’autre, savoir G qui sont au fond de chaque vase Le dessous des Bains. pour la chaude, H, pour la tiede, & qui vont décharger dans le pain Alveus signifie proprement dans I, pour la froide ; supposant que ces différentes eaux quand on les Bains la cuve où l’on se l’on a soin de faire que le vase qui en ouvre les robinets ; il arrivera baigne, mais on peut douter s’il contient le froid soit toûjours plein lorsqu’on tirera de l’eau tiede du ne doit point entendre icy des : car si ces vaisseaux sont dis- vase H, que cette eau venant à vaisseaux d’airain où les eaux posez de la manière qui se voit baisser dans son vase qui est chaude, tiede & froide estoient dans la figure qui est telle qu’ils au milieu des deux autres, l’un contenuës ; Et si cela estoit ainsi, reçoivent du feu les impressions & l’autre de ces vaisseaux dont la figure de Barbaro & la mienne différentes & nécessaires pour l’eau sera alors plus haute, ne seroient meilleures que celle de donner à l’eau de l’un la cha- manquera pas de la laisser cou- Cisaranus, parce que le texte dit leur, à celle de l’autre la tiédeur, ler dans le vase du milieu, ce qui que la voûte qui est dessous ces & pour n’altérer point la froideur est contre le texte, qui dit que vaisseaux pour les échauffer, leur de celle du troisième ; la transfu- l’eau froide seulement doit entrer est commune, ce qui ne seroit sion de l’eau d’un vaisseau dans dans le vase de l’eau tiede. De
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pas aux vases de Cisaranus dont croyent ; mais que c’est une baigne ; ce que je ne puis croire, il n’y a que celuy de l’eau chaude espèce d’enduit, opère albario à cause de la petitesse de ce qui soit sur le feu. sive tectorio : J’interprète Alba- bain, qui selon la supputation de rium opus, le stuc, parce que Barbaro n’auroit que quatre piez : Mercurial, dans sa Gymnastique, de tous les enduits il est le plus car cette grandeur ne peut estre croit que ce fourneau souterrain banc à cause du marbre dont il suffisante pour un bain public tel estoit commun et donnoit de la est fait. Je traduis aussi sive tec- qu’est celuy dont il peut estre enchaleur tant aux vases d’airain torio, c’est-à-dire sive alio quo- tendu d’une baignoire de quatre qu’à l’Etuve et aux Bains chauds, vis tectorio, de quelque autre piez de long, qui n’est que pour ce qui se voit aussi dans le cha- enduit plus delié que le ciment : une seule personne ; & d’ailleurs pitre suivant, par la situation des parce qu’après avoir dit qu’il faut on sait qu’il y avoit des bains si différentes parties dont les Bains mettre le stuc, qui est un enduit grands que l’on y pouvoit nager, estoient composez. délié, sur le dégrossissement du & et qui pour cette raison estoient ciment, il faut entendre que si au appelez Colymbethrae : Mais ce Si l’on y jette une balle. lieu du stuc on y met une autre qui est dit d’alveus, savoir, qu’il Mercurial apporte une autre rai- espece d’enduit, ce doit estre un est entre le mur & la Ballustrade, son de cette pente que le pavé enduit fin & delié. inter parietem & pluteum fait endu fourneau devoit avoir, & un tendre assez clairement qu’alautre usage de ces balles, qui Le reposoir. veus ne peut estre le bain. Toute estoit que ceux qui avoient soin J’ay ainsi interprété le mot grec la difficulté est sur l’equivoque d’entretenir le feu dans ce four- Schola, qui signifie un lieu où d’alveus, qui à la vérité est synoneau, le faisoient en jettant une l’on demeure sans agir & sans nyme avec labrum, & ne peut siballe frottée de poix, & faisant travailler du corps. C’estoit un gnifier un Coridor que métaphorirouler cette balle sur le plancher endroit dans les Bains où ceux quement ; mais cette signification qui devoit ainsi estre en pente, qui vouloient se baigner atten- est familière à Vitruve, ainsi qu’il afin que la balle put revenir. doient qu’il y eust place dans a esté expliqué à l’endroit où il Néanmoins Palladius dit que l’eau. Quelques-uns estiment appelle alveolatum stylobatam, cette porte de l’âtre du fourneau que c’estoit un Portique : Barbaro un Piedestail continu dont la cordes Bains étoit faite pour aider la croit que Vitruve a ainsi appelé niche & la base font des saillies chaleur à monter afin d’échauffer le rebord du bassin dans lequel qui laissent une partie enfoncée plus puissamment. l’eau estoit conte-nuë. dans le milieu & semblable à un texte de Vitruve, principaleOu de quelque autre enduit. Le Coridor. ment la chose estant aussi claire Il paroist par cet endroit qu’Alba- Philander & Barbaro veulent qu’elle l’est, comme il se peut rium opus n’est point un simple qu’Alveus que j’interprète Cori- voir par la Figure de la Planche blanchissement de lait de chaux, dor, soit icy la mesme chose que XLVIII, qui est conforme en cela commet tous les Interprètes le labrum qui est le bassin où l’on se à celle que Pyrrho Ligorio a des-
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sinée sur un bas relief antique, & qu’il a communiquée à Mercurial : car il paroist par cette figure que le bain estoit un bassin de pierre dans lequel un grand nombre de personnes se pouvoient baigner ensemble ; & qu’autour de ce bassin il y avoit aux deux costez marquez CC, dans la Planche XLVIII un espace assez large, & que le long des deux costez il y avoit une Ballustrade qui faisoit un Coridor DD, de chaque costé. Le laconicum Les Anciens appelloient ainsi les Etuves sèches, parce que les Lacédémoniens en ont esté les inventeurs, & qu’ils s’en servoient ordinairement. Mercurial reprend ceux qui confondoient le Laconicum, qui estoit le lieu où l’on suoit, avec l’Hypocaustum, qui estoit le fourneau qui échauffoit le Laconicum.
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////// X / REMERCIEMENTS
On ne fait pas de grandes choses, mais seulement des petites avec un amour immense. Mère Teresa Je tiens à remercier particulièrement mes Parents, sans qui, mon éducation et ma survie n’auraient pas été possibles. Je tiens également remercier l’ensemble des enseignants qui ont eu la force et la patience de me supporter. Un grand Merci à mes amis de Paris Val de Seine, l’ensemble de mes études et mon travail ont été marqués par vos remarques et suggestions.
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