Rétrosprective Philippe Apeloig

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“LE GRAPHISME RÉUNIT

SOMMAIRE ∙ ÉDITO

CES TROIS SUJETS : COMMUNICATION, IMAGE ET CONCEPT. EN MÊME TEMPS, MON INTÉRÊT DE LA CHOSE IMPRIMÉE A GLISSÉ DU CONTENU VERS LA FORME. J’AI COMMENCÉ À ÊTRE SENSIBLE AUX LETTRES NON PLUS SEULEMENT COMME

ÉDITO

VÉHICULE DE LA PENSÉE, MAIS AUSSI COMME MATIÈRE

I

À CRÉATION.”

Nous avons dû alors anticiper la sortie de notre journal pour être en phase avec la remarquable exposition qui se tient actuellement, et jusqu’au 30 mars 2014, au musée des Arts Décoratifs, où nous engageons vivement nos lecteurs et amis à se rendre. Plutôt qu’une redite de tout ce qui figure dans des ouvrages ou sur internet concernant cet éminent graphiste-typographe, nous avons privilégié l’interview pour sa fraîcheur, sa spontanéité, son exclusivité. Philippe Apeloig a accepté avec bienveillance de nous recevoir malgré un emploi du temps surchargé. Nous nous sommes rencontrés au sein même de son appartement, atelier et, tout en discutant, avons partagé très convivialement

sommaire

02 ∙ 03 BIOGRAPHIE/RENCONTRE

de délicieuses viennoiseries courtoisement offertes. La pertinence extrême de ses réponses à nos questions rejoint le perfectionnisme intense que l’on retrouve dans ses créations qui sont le fruit à la fois d’un immense travail et d’un talent incontesté. Nos lecteurs et amis pourront s’en rendre compte en visitant l’exposition “Typorama” où une salle entière est consacrée aux différentes et multiples étapes créatives préalables à l’œuvre finale, choisie. Le vieux typo que je suis est admiratif des réalisations de cet artiste qui met à l’honneur notre passion commune, l’art typographique.

04 ∙ 05 ALPHABETS

06 ∙ 07 RÉTROSPECTIVE

08 ∙ 09 & ÉVASION

ESAG Penninghen

31 rue du Dragon. 75006 Paris France esag@penninghen.fr

PHILIPPE APPELOIG | RÉTROSPECTIVE

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Châtelet Affiche de la saison 2010-2011

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Fêtes du livre (2003-2010)

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FIAF : French Institute / Alliance Française de New York Crossing the Line - Fiaf Fall Festival Affiche, 100 × 150 cm 2010

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Théâtre national de Toulon Affiche, 100 × 150 cm 2011

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BIOGRAPHIE

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Art de vivre

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Philippe Apeloig est né à Paris en 1962. Il étudie à l’École Supérieure des Arts Appliqués «Duperré» et à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs. En 1983 et 1985, il effectue deux stages à Amsterdam dans le studio Total Design où il s’intéresse particulièrement à la typographie. En 1985, il est engagé comme graphiste par le Musée d’Orsay. En 1988, boursier du Ministère des Affaires Etrangères, il part à Los Angeles travailler avec April Greiman. En 1993, il est pensionnaire à l’Académie de France à Rome (Villa Médicis) où il y fera des recherches de dessin de lettres. De ce travail il obtiendra le ‘gold award’ décerné par le Tokyo Type Directors Club en 1995. Après Los Angeles, Philippe Apeloig rentre à Paris et crée son propre studio. En 1993, il est le directeur artistique du magazine “Le Jardin des Modes”. De 1992 à 1998, il enseigne la typographie à l’ENSAD. En 1999, Philippe Apeloig est recruté par la Cooper Union School of Art de New York en tant que professeur de graphic design. Il occupe la position de “full time faculty” et devient conservateur du Herb Lubalin Study Center of Design and Typography. Il reste aux États-Unis jusqu’en 2003. En 1997, il devient consultant artistique du musée du Louvre, puis directeur artistique de 2003 à 2008. De nombreux prix ont honoré ses affiches. Aujourd’hui Philippe Apeloig dirige un atelier de cinq graphistes, entre Paris et New York. Philippe Apeloig est membre de l’AGI (Alliance Graphique Internationale). En 2011 il a été nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. Quelque chose en lui de don quichottesque charge ses dessins, ses mots, ses compositions d’idées qui viennent de loin. Des blessures qu’il n’a pas reçues, de la guerre qu’il n’a pas connue, des massacres planifiés qui l’ont épargné, du manque de démocratie et de liberté dont il n’a pas souffert. Un sens personnel, et universel à la fois, de la responsabilité de chaque être sur terre. Dans Pilote de guerre (éditions Gallimard), Antoine de Saint-Exupéry lui aussi disait : « Chacun est seul responsable de tous. » Sentiment qui le rapproche de l’artiste constructiviste russe El Lissitzky. Celui-ci avait illustré une nouvelle Shifs karta (Billet de bateau) en collant des caractères hébraïques sur une main. « Le recours de Lissitzky à une main tendue en geste de refus, dit l’une de ses biographes, correspond à la déclaration de Malevitch “Que le rejet du monde ancien de l’art soit inscrit sur la paume de tes mains” (tract de l’Unovis nº 1). » Philippe Apeloig s’était inspiré de cette main, ainsi que de L’Autoportrait aux sept doigts de Marc Chagall, pour le premier symbole du musée d’Art et d’Histoire du judaïsme à Paris. Finalement, le musée n’a pas retenu cette icône et, en 1997, a donné son accord à Apeloig sur le logo actuel qui inscrit – en noir et blanc – une menorah allumée (chandelier à sept branches) dans la forme stylisée d’un sceau, monnaie ancienne ou poinçon.

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Curieusement, dès ses débuts dans la vie professionnelle, le jeune graphiste se trouve le plus souvent confronté à des sujets culturels. Et se spécialise dans les travaux institutionnels. En 1993, Pierre Rosenberg, conservateur en chef du département des Peintures au musée du Louvre, présidait le jury de sélection des pensionnaires de la Villa Médicis. Nommé plus tard à la tête du musée, il confie au jeune pensionnaire, de retour de Rome, le soin de maintenir l’identité visuelle du musée, initialement créée par Grapus en 1989. La première affiche, pour la Société des Amis du Musée, qui fête ses cent ans en 19961997, rassemble en un trombinoscope les gros plans d’une vingtaine d’œuvres des sept départements du Louvre. Les neuf années suivantes, la collaboration se resserre avec le magnifique établissement où le nouveau directeur, Henri Loyrette, nomme Apeloig directeur artistique et lui constitue une équipe interne jusqu’en 2007. La mise en pages d’un livre d’art raconte une histoire, avec un début, une intrigue et une fin. La couverture d’un livre ressemble à la bande- annonce d’un film. Elle doit donner immédiatement envie de découvrir le contenu. « Quand je conçois un livre, dit Philippe Apeloig, je me transforme en couturier : je l’habille en fonction de son format, je me laisse séduire par l’éventail des matériaux et toutes les techniques de façonnage, de cartonnage et de reliure possibles. » Guidé par son amour des textes, il cherche à explorer un

genre éditorial peu commun, parfois pour des éditions limitées. En somme, le contenu doit être théâtralisé, le design du livre susciter une intimité fascinante avec le lecteur et provoquer son désir. Le graphiste conduit son regard par la rythmique de la mise en pages et des accents visuels. On peut alors parler d’improvisation maîtrisée car il a anticipé les gestes et les coups d’œil du lecteur.

Apeloig & Graphisme - définition Bien que les termes « graphisme » et « design graphique » soient des inventions du xxe siècle, l’histoire du graphisme suit celle de l’humanité depuis les grottes de Lascaux jusqu’aux néons publicitaires du quartier Ginza à Tokyo. Depuis les débuts du graphisme jusqu’à aujourd’hui, où la communication visuelle est devenue omniprésente, il a toujours été délicat de tracer la ligne de distinction qui sépare le graphisme de la publicité et de l’art, avec lesquels le graphisme partage certains principes, théories, pratiques ou langages. Un début de réponse pourrait être de définir la publicité comme étant une pratique dont le but est la vente de produits et de services tandis que le graphisme cherche à ordonner l’information, à donner forme à des idées et à communiquer des émotions à travers des objets graphiques. Les peintures des grottes Lascaux (en Dordogne, 18 000 et 15 000 ans avant J.-C.) et la naissance de l’écriture (en Mésopotamie à Sumer, vers 3500 avant notre ère) peuvent être considérés comme des éléments fondateurs de la communication visuelle. Par la suite, ce qui deviendra le graphisme va suivre l’évolution humaine et en particulier celle de l’écriture, puis celle de la diffusion des images. Eclatée en divers endroits de Paris de la Cité du Design aux Arts déco jusqu’à envahir les rues, pour sa première édition, la fête du graphisme se répand dans la ville en ce début d’année, à l’image du sujet qu’elle défend : omniprésent et insaisissable. Nous côtoyons en effet le graphisme au quotidien, dans notre rapport aux objets et au monde, sans pour autant être capables de segmenter clairement sa présence. Néanmoins, il serait temps de donner ses lettres de noblesse à ce qui, en réinventant les codes de communication traditionnels, alimenté par un souffle artistique irréfutable, tente de questionner des notions d’ampleur politique, voire philosophique. Nous choisissons pour étudier ces enjeux le cas de l’affiche, comme le lieu de la rencontre entre l’émetteur et le récepteur, le premier contact entre le passant et le message qu’on cherche à lui transmettre. Pour maximiser son effet, l’affiche se doit d’être le plus percutante possible, d’où le recours aujourd’hui quasi-systématique au graphisme, qui serait le fer de lance de la communication visuelle : le désir de donner du sens à des signes, pour qu’ils soient appréhendés, avant toute tentative d’intellection, d’une façon qui soit la plus favorable à la réception du message. Il se présente donc comme une réflexion sur les rapports de force entre texte et image, vide et plein, positionnement du sujet devant l’objet mais aussi dans le mouvement de la lecture, présence de l’émetteur ou au contraire sa disparition au profit du sujet traité. Ces questions qui mettent en cause, dans le cas d’une affiche, la place du sujet dans la ville au milieu de la foule, mais considéré comme individualité déterminée à laquelle on s’adresse personnellement, se dessinent dans la construction sémiotique de l’affiche. La mise en page, autour d’une ou plusieurs images, le choix de la typographie, le mouvement insufflé au texte sont autant de marques de la recherche d’une mise en scène du message, d’une architecture de la communication. Apeloig a découpé des lettres en papier et les a façonnées à la manière d’un escalier, faisant de l’affiche, qui semble éclairée par un réverbère.

“LE GRAPHISME ACTUEL EST TROP SOUVENT DÉPOURVU DE SENS.”

presse

2001 L'Œil Font Magazine Keith Godard Interview (e) Interview (f)

2005 étapes (Brésil Brésil) Rene Wanner’s Posterpage

Lettrine (2003)

2008 + 81 Magazine / Japon Le Mois du Graphisme / Échirolles Baseline Magazine

Divers Alphabets (2003-2010)

WwBaseline Magazine ultra-book.com Monday Design Étapes


“J’AI TRAVAILLÉ À LA MANIÈRE D’UN ARCHÉOLOGUE, EN ALLANT PUISER DANS LES RACINES ART DÉCO DE LA MARQUE, RACONTE PHILIPPE APELOIG, CE QUI M’A PERMIS D’OFFRIR AU LOGO UN NOUVEL ÉQUILIBRE, UNE FORCE ET UN MOUVEMENT TRÈS MODERNES ET, NÉANMOINS,PARFAITEMENT FIDÈLES À L’ESPRIT DE JEAN PUIFORCAT. ting dont le répertoire des mouvements est plus restreints et répétitifs. Les créateurs, dispensateurs de joie, tiennent plusieurs rôles à la fois. Leur champ d’action est de plus en plus vaste : objets, textile, graphisme, stylisme, design industriel ou multimédia, etc. Émetteurs, récepteurs, artistes, techniciens… la frontières du design demeurent floues, voire mal comprises et pourtant les designers nous abreuvent de lumière et alimentent notre goût de la consommation. L’impact des nouvelles technologies implique que les dessins techniques traditionnels réalisés à main levée ont disparus et qu’il est permis de générer des projections artistiques encore plus acrobatiques, plus expérimentales, plus parfaites. On peut modifier autant de fois que l’on veut. Les obsessions des designers sont inépuisables, et se transforment en désir de comprendre, de saisir, de tenir, défiant la démocratisation de l’art. Ils apportent cette splendeur ordinaire qui tient les hommes en émoi, dans le doute et le vertige de la pensée artistique offerte aux yeux d’un public de consommateurs. Livres Apeloig (2003-2010)

Penser le design, c’est se pencher d’un air résolu sur l’expérimentation qui assurera le secret du succès d’un produit, d’un livre, d’un vêtement… Les designers sont assaillis d’idées et d’envie de faire, de séduire, ou de provoquer. Esprits libres, ils ressentent ce que d’ordinaire d’autres ne perçoivent pas immédiatement. Ils s’octroient le courage de transgresser les contraintes techniques, financières, relationnelles auxquels ils font face. À chaque projet, il s’agit pour eux d’affirmer l’importance de leur art, d’en célébrer l’originalité et la popularité, et de lutter pour conquérir une plus juste reconnaissance. Encore étrangers des arts dits libéraux, jugés trop mécaniques ou techniques, en moins d’une génération, ils se sont transformés en passagers, en conducteurs. Les designers connectent le passé à l’avenir. Ils traversent les tendances, autant qu’ils se laissent traverser par ce que les civilisations du présent leur renvoient. Dans le grand jeu du visible ils revisitent la maison du monde de la cave au grenier.

Affiche Yves Saint Laurent pour la rétrospective au Petit Palais Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, 2008

I

RENCONTRE BIOGRAPHIE∙RENCONTRE

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Interview concours et prix

Qu’est-ce que la pensée design aujourd’hui? Par Philippe Apeloig

1992 — Silver Award, International Computer Graphics Art, Exhbition 1992 Tokyo pour l’affiche «Henry Moore»

1995 — Obtient le premier prix «Gold Award» du Tokyo Type Director Club pour la série d’affiches du festival de musique et de danse «Octobre en Normandie» pour lesquelles il utilise ses propres caractères typographiques.

2004 — Golden Bee Award, Golden

Bee 6, Moscow International Biennale of Graphic Design, Category «Posters» pour l’affiche «Vis avec nous – Vis sans nous» — Premier Award, International Typo Graphic Awards 2004, Istd pour l’affiche «Bateaux sur l’eau, rivières et canaux»

2006 — First Prize of the ‘Five Star

Designers’ Banquet’ at the International Invitational Poster Biennial Osaka 2006, organized by the University of Arts in Osaka pour l’ensemble du travail

2007 — Hong Kong International

Poster Triennial 2007, Gold, catégorie Promotion of Cultural Events pour l’affiche «Kenzaburo Oe»

2009 — Golden Bee Award, Golden

Les designers s’impliquent constamment, partout et tout le temps. Audacieux, d’une incroyable acuité face aux signes de leur époque, ils ont été de grands acteurs au XXe siècle. Ils ont participé aux inventions en germe, à l’évolution des techniques et des mœurs, et ils ont largement contribué à l’élaboration d’un monde occidental modernisé et privilégié. Depuis les théories développées au Bauhaus, ils ont laissé l’empreinte de leurs pas. Aujourd’hui, plus que jamais, les designers sont des hommes du XXIe siècle: la prolifération de leurs créations et de leur pensée influencent notre façon de vivre. Leur appétit de bousculer l’ordre établi et l’utilité de leurs créations, imperceptibles parfois tant elles sont limpides, constituent des aspects marquants de leur rôle.

Quel a été l’élément déclencheur vous poussant à travailler avec la typographie? Élève à l’École supérieure des arts appliqués (Duperré), je peinais à trouver ma voie. On nous transmettait un savoir-faire classique et traditionnel de la typographie avec des caractères en plomb. Or la technique en tant que telle me frustrait. J’aimais la peinture, la danse contemporaine et le théâtre. À l’issue de la deuxième année d’études, un de mes professeurs, Roger Druet, éminent calligraphe, qui avait remarqué mon application à dessiner des lettres, me suggéra de partir pour les Pays-Bas faire un stage chez Total Design.

Ils sont frondeurs, et leur conscience sur l’évolution des modes de vie est aiguë. Ils sont éducateurs envers leurs clients et leurs publics. Utopiques et lucides à la fois, ils croient possible de soulager le monde en participant à son évolution dans la vie quotidienne.

J’ai passé l’été de l’année 1983 à Amsterdam. À Total Design j’ai appris le système de grilles, repère fondamental pour la création de caractères. C’était surtout une porte ouverte sur la possibilité de concevoir librement, des mises en page et de conjuguer le sens et l’harmonie des formes. Je fus confronté à d’autres étudiants anglais, allemands, suisses ou américains, mieux formés que moi, et à un contexte culturel fort, inspiré du mouvement De Stijl. Au Stedelijk Museum où j’aimais aller, j’ai découvert les peintures de Mondrian, Van Doesburg, Van Der Leck.

Pour beaucoup d’entre eux, le design est entré par effraction dans leur existence. C’est au cours des études, des rencontres, de la transmission des savoirs entre professeurs et élèves, entre professionnels et stagiaires, que la pensée confidentielle de ces disciplines se concrétise et que le raffinement d’une formation artistique, nourrie du sensible, bascule vers le design, vers le fonctionnel. L’œil des designers est aguerri au point de mettre en place un mécanisme d’interrogations : savoir sonder et contrôler les moindres détails des volumes, des formes. Tout compte : le sens, la connotation, l’histoire, l’esthétique. En cela leur vision dépasse l’axe du rationalisme des agents du marke-

Émerveillement de voir que je prenais goût à l’abstraction, au modernisme et que j’apprenais un métier. La concision de Total Design, sa rigueur, son fonctionnalisme et son originale sophistication m’ont durablement influencé. Lorsque je suis reparti pour les Pays-Bas faire un second stage chez Total Design en 1985, je n’y allais plus pour me chercher, mais pour découvrir encore plus les nouvelles méthodes de travail avec les outils informatiques qui guidaient l’expérimentation. J’ai eu la chance d’assister aux démonstrations du système informatique, Aesthedes, le plus sophistiqué du moment. C’est là que j’ai réalisé les performances et les perspectives nouvelles qu’offrait cet outil encore très

nouveau dans le monde du design. Et lorsque je rencontrai Wim Crouwel, qui m’était apparu comme une sorte de héros, de modèle hors d’atteinte, j’ai su que ma façon de travailler la typographie en serait bouleversée. Des premiers essais de dessin par informatique…

Ces derniers mois un débat sur la considération du graphisme en France a fait parlé de lui . Quel est votre avis à ce sujet ? La pétition de Vincent Perottet a retenu mon attention. Je ne l’ai pas signée. Certes la situation dans laquelle travaillent les graphistes aujourd’hui est révoltante, et il a raison de la dénoncer. Mais cette polémique est aussi problématique et elle me met mal à l’aise. Par exemple, il est faux de dire qu’il y a une absence de lieux dédiés à l’activité du graphisme en France. Aussi modestes soient-elles, les initiatives publiques ou privées méritent avant tout d’être encouragées, honorées et remerciées. Par exemple, je me sens pleinement solidaire des efforts du Musée des Arts décoratifs qui depuis plus de cinq ans organisent régulièrement des expositions de graphistes, publient, donnent la parole aux créateurs. La série de conférences « Graphisme en revue » au centre Pompidou attirent un public toujours très nombreux. La BnF réserve dans sa programmation une place au graphisme contemporain, et publie des articles dans ses lettres d’informations ou au sein des catalogues qu’elle édite. Ces actes montrent que les institutions ne démissionnent pas. Des éditeurs et la presse ont, eux aussi, eu le courage de publier des ouvrages de qualité. Mauvais ou bon choix, peu importe, ils ont permis à un large public de se confronter à notre univers. Le graphisme sera mieux vu, mieux compris, et reconnu que si il coexiste avec d’autres formes artistiques. L’isoler dans des manifestations trop sectaires, c’est le condamner à se scléroser autour d’un public déjà acquis. C’est comme si on se construisait nos propres barreaux, au risque de nous maintenir en périphérie de l’art contemporain et de sa vitalité. L’espace Topographie de l’Art présente Vivo in Typo, une exposition de travaux développés depuis une vingtaine d’années par le graphiste français Philippe Apeloig. intégrant un ensemble de 30 affiches et une vidéo, l’exposition permet de partager sa passion pour les lettres considérées « non seulement comme véhicule de la pensée, mais aussi comme matière à création » . Certaines affiches ont été réalisées pour des institutions comme le Musée du Louvre, le Musée d’orsay et le Théâtre du Châtelet ; d’autres pour des manifestations culturelles comme le Festival de danse et de musique Octobre en Normandie et la Fête du Livre en Aix-en-Provence. Ces réalisations donnent à voir l’ingéniosité du graphiste dans son utilisation de l’image et du mot à travers un style épuré et minimaliste.

Bee 8, Moscow International Biennale of Graphic Design, Category «Posters» pour l’affiche

Divers Alphabets (2003-2010) Octobre ouvre la saison en musique / Octobre en Normandie, Rouen 1995

Divers Alphabets (2003-2010)

2009 Objets livres PixelCreation Alliance française des Designers Franc-Parler Hebdo Cafebook Design&Typo le Blog

Tétu Magazinea

2010 Le Bonbon Creative Review Monograph (Creative Review) WWD Magazine Galerie Anatome / 20 ans

2011 GWaramond Mixt(e) Magazine Wim Crouwel Intramuros PHILIPPE APPELOIG | RÉTROSPECTIVE

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ALPHABETS

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ALPHABETS

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À travers ses affiches et ses alphabets animés et non animés, Philippe Apeloig expérimente les variations du signe typographique. Son approche personnelle et conceptuelle poursuit les contrastes épurés de ses sérigraphies réalisées pour promouvoir des événements culturels. En ajoutant le rythme de l’image en mouvement, l’exploration des nouveaux médias enrichit son interprétation du signe comme objet graphique et esthétique. Philippe Apeloig nourrit une passion pour les lettres qu’il considère comme « véhicule de la pensée », « matière à la création ». Depuis le « gold award » du Tokyo Type Directors Club qui lui est décerné en 1995, suite à une résidence à la Villa Médicis), il gagne de nombreux prix pour ses affiches réalisées pour des musées, des expositions ou des festivals. Il joue subtilement avec l’image et le mot dans un style épuré et minimaliste. Il réalise quelques livres pour les Éditions Phaidon et crée des collections pour le Serpent à Plumes et les Éditions Robert Laffont. Il enseigne la typographie à l’ENSAD à Paris de 1992 à 1998 puis le design graphique à la Cooper Union School of Art de New York.

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Apeloig & Caractère

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Conférant une portée artistique au graphisme et à la typographie, il est, à ce titre, pensionnaire à la Villa Médicis, en 1995, où il parfait ses créations d’alphabets. Primé dans de nombreux festivals en France et à l’étranger, il bénéficie d’importantes expositions personnelles et ses créations sont acquises par des institutions culturelles au plan international (dont le MoMA). Enseignant la typographie à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris jusqu’en 1998, il est également professeur à la Cooper Union School of Art (New York) jusqu’en 2002, et intervient dans plusieurs écoles dans le monde. Il est à signaler ses travaux pour les éditeurs La Martinière, Phaidon, Le Serpent à plumes, Robert Laffont, NiL éditions – pour ce dernier il réalise la collection « Exquis d’écrivains», à partir de 2007, mettant en valeur le caractère Galliard de Matthew Carter.

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“ LE GARAMOND, DU FAIT DE SA PERFECTION, DU FAIT QUE TOUT A ÉTÉ TELLEMENT BIEN ÉTUDIÉ, EST DIFFICILE À TRANSGRESSER. ”

légendes

01 ABF Typographie dessinée pour l'Association France 2010

02 Aleph, 2006

03 Bollywood Théâtre musical de Paris Typographie 2008

04 Carré, 1993

05 Drop, 1999

06 La Lorraine Typographie Bold 2005

07 Afrique contemporaine Ndebele, 2010

08 Octobre, 2006


À travers ses affiches et ses alphabets animés et non animés, Philippe Apeloig expérimente les variations du signe typographique. Son approche personnelle et conceptuelle poursuit les contrastes épurés de ses sérigraphies réalisées pour promouvoir des événements culturels. En ajoutant le rythme de l'image en mouvement, l'exploration des nouveaux médias enrichit son interprétation du signe comme objet graphique et esthétique.

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- la typographie Outre une longue tradition de lettrage et d'imprimerie, la typographie a donné lieu à de nombreuses expérimentations au cours du XXe siècle. Les années 20 ont d'abord soulevé un questionnement idéologique et sémiotique autour du langage tandis que, dès les années 90, avec le développement des technologies informatiques, le médium a pu être travaillé plus librement, amenant alors la question de la lisibilité ainsi qu'une compréhension et une théorisation qui permirent d'asseoir la typographie en tant que discipline.

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On pense que le signe typographique est muet de sens, mais pour le typographe, les règles de ponctuation, de rythme et d'accent sont, même dans l'imprimé, matière à créer de nouvelles formes et de nouvelles relations. En laissant libre cours à notre imagination, on associe facilement des images aux lettres comme le fait Victor Hugo : « Avez-vous remarqué combien l'Y est une lettre pittoresque qui a des significations sans nombre? – L'arbre est un Y; l'embranchement de deux routes est un Y; le confluent de deux rivières est un Y; une tête d'âne ou de boeuf est un Y; un verre sur son pied est un Y; un lys sur sa tige est un Y; un suppliant qui lève les bras au ciel est un Y. » Si l'on peut voir ou percevoir ce jeu d'équilibre qu'exécutent les lettres, leur expression d'individualité et leur potentiel d'accomplissement dans l'espace et dans le temps, on aimera cette exposition qui fait chanter, jouer et danser les lettres pour exprimer leur beauté abstraite entre équilibre et proportion.

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« LES LANGUES SONT AVEC LE MONDE DANS UN RAPPORT D'ANALOGIE PLUS QUE DE LA SIGNIFICATION; OU PLUTÔT LEUR VALEUR DE SIGNE ET LEUR FONCTION DE REDOUBLEMENT SE SUPERPOSENT; ELLES DISENT LE CIEL ET LA TERRE DONT ELLES SONT L'IMAGE; ELLES REPRODUISENT DANS LEUR ARCHITECTURE LA PLUS MATÉRIELLE LA CROIX DONT ELLES ANNONCENT L'AVÈNEMENT, - CET AVÈNEMENT QUI À SON TOUR S'ÉTABLIT PAR L'ÉCRITURE ET LA PAROLE. IL Y A UNE FONCTION 12

SYMBOLIQUE DANS LE LANGAGE : MAIS DEPUIS LE DÉSASTRE DE BABEL IL NE FAUT PLUS LA CHERCHER – À DE RARES EXCEPTIONS PRÈS – DANS LES MOTS EUX-

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MÊMES MAIS BIEN DANS L'EXISTENCE MÊME DU LANGAGE, DANS SON RAPPORT TOTAL À LA TOTALITÉ DU MONDE, DANS L'ENTRECROISEMENT DE SON ESPACE AVEC LES LIEUX ET LES FIGURES DU COSMOS. »

Michel Foucault, Les mots et les choses.

- hisoire de l'alphabet Un alphabet (de alpha et bêta, les deux premières lettres de l’alphabet grec, dérivé de l'alphabet phénicien) est un ensemble de symboles destiné à représenter plus ou moins précisément les phonèmes d’une langue. Chacun de ces symboles, ou graphèmes, est aussi appelé « lettre » ; chaque lettre, en théorie, devrait noter un phonème. Certaines lettres peuvent recevoir un ou plusieurs diacritiques afin d’étendre le stock de graphèmes si celui-ci est insuffisant pour noter les sons de la langue ou permettre d’éviter les ambiguïtés. De la même manière, un alphabet peut être étendu par l’utilisation de digrammes ou encore de lettres supplémentaires. Les premiers alphabets de l’histoire sont l’alphabet ougaritique et l’alphabet linéaire (ou alphabet protosinaïtique), deux abjad d’ailleurs déjà classés dans l’ordre alphabétique levantin. Il est suivi par celui des Phéniciens, dont les descendants sont nombreux : aussi bien l’alphabet arabe que l’alphabet latin. Les deux premières lettres de l’alphabet grec, (alpha) et (bêta), ont pour origine les deux premières lettres phéniciennes : le coup de glotte et /b/, dont le nom signifiait vraisemblablement « taureau » et « maison ».

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09 SantaCo Agence de communication 2010

10 Serpent Typographie 2007

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12 Aleph, 2006

Drop, 1999

13 Décembre, 2006

14 Composition Drop & aleph 2006

15 Octobre 2006

PHILIPPE APPELOIG | RÉTROSPECTIVE

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RÉTROSPECTIVE

30 ans d’une carrière Internationale

nouvelles technologies découvertes chez Total Design notamment la conception assistée par ordinateur, de telle sorte que la typographie s’incruste dans l’image comme un coup de vent, épouse la forme des bâtiments et souligne la ligne de fuite. Cette dispo- sition du texte apporte l’illusion de vertige et surtout celle d’une troisième dimension. La magie de cette affiche se situe dans l’idée d’un mouvement immobilisé qui convoite l’arrêt du temps. C’est l’une des premières affiches de Philippe Apeloig, devenue également l’une des plus emblématiques. Percutant aussi, l’affiche de l’exposition «Chicago, naissance d’une métropole» qui inaugure le nouveau musée d’Orsay en 1987. C’est son premier travail très remarqué. Pourquoi les lettres y forment-elles comme un bolide qui opère un virage entre les immeubles, dans les airs, où le «go» exulte, fonce ? Le papier imite là une pliure et l’image de la ville est inclinée afin de créer le vertige, un rythme accéléré. Mais, en 2003, les caractères en forme de péniches de l’affiche sur les Voies navigables de France voguent, eux, tout autrement, paisibles. Les lettres se reflètent dans l’eau bleue du grand aplat monochrome. Elles y baignent comme des Nymphéas abstraites de Claude Monet, donnant l’illusion d’une ligne d’horizon. «Je ne connaissais rien aux voies navigables. Tout m’intéresse, ce n’est pas le sujet qui fait le graphisme.» Là, Apeloig a joué avec la peinture. Picasso, Corot, Van Gogh ont fait partie de ses albums d’enfance.

Los Angeles, Rome, New York

RÉTROSPECTIVE

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Chicago, naissance d'une métropole, 1877-1922 / 1987

En 1988, il part une année à Los Angeles parfaire et clore ses années de formation auprès de April Greiman, l’une des têtes de file du design californien New Wave, également pionnière dans l’utilisation du Macintosh comme outil de création. À son retour en France il crée son propre studio. Curieux de nouvelles expériences, Philippe Apeloig rejoint, à la demande de Richard Peduzzi, l’équipe des professeurs de l’Ensad, où il enseigne la typographie de 1992 à 1999. En 1993-94, pensionnaire à la Villa Médicis à Rome, il y dessine des caractères typographiques utilisés aussitôt pour la conception des affiches du festival Octobre en Normandie et qui sont ensuite repérés par le Type Directors Club (TDC) de Tokyo qui l’honore du Gold Prize en 1995. De retour de Rome, il devient consultant, puis directeur artistique au musée du Louvre jusqu’en 2008. De 1998 à 2003, il installe son atelier à New York et devient professeur titulaire à la Cooper Union School of Art de New York, l’une des écoles d’art les plus sélectives aux États-Unis, qui offre des cours gratuits et donne leur chance à des talents toutes classes sociales confondues. Il y exerce aussi les fonctions de conservateur du Herb Lubalin Study Center of Design and Typography de 2000 à 2003 (Centre de recherches et d’études sur la typographie). Il a accueilli dans ce cadre plusieurs expositions, dont Jean Widmer. A Devotion to Modernism et a crée une série de conférences sur le graphisme.

Petit Palais, affiche Yves Saint Laurent

Logo: Théatre du Beauvais 2009 Chicago, naissance d'une métropole, 1877-1922 / 1987

Logo: Café d'Art 1987

Logo: Bresils 2005

Théatre du Beauvais 2012

- affiches Les Arts Décoratifs consacrent au graphiste Nourri des courants du modernisme qui associent Philippe Apeloig, sa première importante art et design (le Constructivisme, le Bauhaus, rétrospective: 30 ans d’une carrière internationale De Stijl), Philippe Apeloig puise son inspiration qu’il met également en scène dans un livre, dans la passion qu’il cultive pour la peinture, intitulé « Typorama », publié à cette occasion. les arts du spectacle et la littérature. Il travaille essentiellement pour de grandes institutions culturelles (le musée d’Orsay, le musée du Louvre, le théâtre du Châtelet ou la direction des musées de France), des éditeurs (éditions de La Martinière, Robert Laffont, Phaidon Press), des galeries d’art dont la Galerie Gagosian et la Galerie Achim Moeller, mais aussi pour des grandes marques (Puiforcat et Hermès). Philippe Apeloig rassemble ici plus de 150 affiches, logotypes, typographies, livres et identités visuelles, ainsi que de nombreuses études préparatoires.

Musée d’Orsay, affiche Chicago

À 23 ans, Philippe Apeloig est engagé comme graphiste au musée d’Orsay où il met en œuvre l’identité visuelle conçue par Bruno Monguzzi et Jean Widmer qu’il admire particulièrement. Le musée ouvre au public en décembre 1986, et présente plus tard sa première exposition temporaire : Chicago, naissance d’une métropole 1872-1922, consacrée à l’architecture et à l’urbanisme américain. Apeloig en conçoit l’affiche à partir d’une photographie ancienne de rue vue en perspective. Il place les lettres du mot « Chicago » en utilisant les

expositions

1989 galerie impression, Paris

1999 gallery Tokyo et gallery osaka, Dai nippon Printing gallery

Philippe Apeloig crée de nombreuses affiches pour des évènements culturels ou pour des expositions comme celle de la rétrospective Yves Saint Laurent en 2010 au Petit Palais. Cette affiche est un collage qui associe le logo « YSL » créé par Cassandre en 1961 dans sa version originale, les couleurs de la robe Mondrian créée en 1965 par le couturier, et un détail d’une photo prise par Pierre Boulat en 1962. L’affiche concentre des associations d’idées en puisant dans le matériau biogra- phique de l’œuvre de Saint Laurent. Dans la plupart des compositions graphiques imaginées par Philippe Apeloig, il y a une construction de l’espace à partir d’éléments typographiques et symboliques qui s’apparente à l’ouverture d’un champ du rêve, qui trouble et émeut. Aix-en-Provence, Affiches pour la Fête du Livre Depuis 1997, il travaille pour la Fête du Livre d’Aix en Provence. Chaque année, il imagine des visuels inspirés par l’univers littéraire des auteurs invités, entre autres Philip Roth et Kenzaburo Oé, ou bien sur des thématiques d’actualité. En 2012, Philippe Apeloig développe une affiche en bleu clair traversée par un archipel. de lettres noires formant les mots « Bruits du monde », titre de la saison. Certaines d’entre elles sont prolongées d’une trace de doigt fortement encré qui pourrait symboliser l’acte de mutiler ou encore celui d’enrayer une hémorragie. Abstraite mais aussi sentimentale, la composition évoque des frontières sujettes à l’invasion et à toutes sortes de bombardements idéologiques, politiques, journalistiques, militaires et intimes. L’exposition Typorama est l’occasion de découvrir des vidéos retraçant l’élaboration d’un logotype. À travers une série d’animations, il sera possible de voir les principales étapes de cet exercice de précision et de conceptualisation. Parmi les logotypes que Philippe Apeloig a créés, celui de la direction des musées de France (2005), du Théâtre du Châtelet (2006), de l’institut national d’histoire de l’art (2001), du Domaine de Chaumont-sur-Loire (2012), du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (1997), de l’année du Brésil en France (2005), de l’Istituto Universitario di Architettura di Venezia (2004), de la maison d’orfèvrerie Puiforcat (2012) ou encore celui du Louvre Abou Dhabi (2013) pour lequel il conçoit la signalétique en collaboration avec les Ateliers Jean Nouvel.

Rouen, affiche Bateaux sur l’eau

Présentées en séquences d’une quinzaine de planches, les esquisses révèlent l’étendue de ses recherches et le recours à des techniques variées, traditionnelles ou numériques (dessins, collages, photos et impressions laser). Elles offrent ainsi des clés pour comprendre sa démarche à travers ses études préparatoires. Par exemple, la présentation de la conception de l’affiche Bateaux sur l’eau rivières et canaux pour l’exposition de maquettes anciennes de batellerie présentée à l’Armada de Rouen en 2003 par les Voies navigables de France révèle l’exigence de son approche artistique. L’affiche aboutie est un paysage typographique, un jeu délicat entre les mots, partiellement immergés, leurs reflets et la surface bleue. Elle offre un effet de profon- deur, et d’horizon.

Grand Palais, affiche Le Saut Hermès

Le Carré d’Art de Nîmes, le Palais de la Découverte ou encore le Musée Rodin lui passent commande. En 2013, la maison Hermès charge Philippe Apeloig de concevoir l’identité vi-

2001 2e exposition internationale de l’affiche, ningbo, Chine,

galerie Médiatine, Bruxelles galerija Avla nLB in Ljublijana, slovénie


Logo: Fiaf 2003

VNF Voies navigables de France Bateaux sur l'eau, rivières et canaux 2003

Le Havre / Patrimoine mondial de l’humanité 2006

L'art de l'automobile / Arts décoratifs 2011

suelle du Saut Hermès au Grand Palais, concours équestre de saut d’obstacles. L’affiche met en scène une typographie expressive qui dessine un jumping de lettres blanches sur un aplat orange, couleur de la marque. Les lignes de texte sont entrelacées à un ensemble de traits noirs effilés formant le dessin d’un cavalier sur un cheval de course. Cette création, libre et spontanée, répond à l’esprit de l’événement sportif. Le visiteur se retrouve souvent confronté à des lettres hybrides et des nouvelles polices de caractères, invité à repenser la façon de lire et de décrypter les visuels. L’exposition Typorama révèle la forte charge émotionnelle du travail de Philippe Apeloig ; un graphisme d’auteur qui dépasse l’aspect fonctionnel du design et devient un véritable tissage entre art et typographie.

Musée des Beaux-Arts de Tours,

Cette affiche repose sur une composition formée par le logo carré du Musée des Beaux-arts de Tours dessiné par Philippe Apeloig dans lequel vient s’inscrire le texte "Saison 20032004". Pour le graphiste, cette dualité, dans les commandes à destination d’institutions comme les musées, entre l’utilisation de caractères typographiques classiques et une mise en page moderne reste passionnante. Affiche de la saison du musée des Beaux-Arts de Tours, 2003 Sérigraphie/Silkscreen 120 x 175 cm

Bateaux sur l'eau, rivières et canaux.

Par son économie de moyens, sa rigueur et sa force graphique, cette affiche d’une exposition consacrée à des maquettes de péniches est particulièrement remarquable. Imaginons ce que bien des graphistes auraient conçu de manière plus convenue : une image à base de photos de maquettes. Philippe Apeloig a souhaité concevoir une image conceptuelle et essentiellement typographique. Le résultat final possède un pouvoir d’évocation étonnant avec ce grand aplat de bleu qui évoque la tranquillité des cours d’eau. L’impression "fluviale" est renforcée également par les reflets des textes-péniches, superbes trouvailles formelles qui contribuent fortement à la mémorisation de cette affiche. Exposition de maquettes de péniches, Rouen. 2002 Sérigraphie/Silkscreen 120 x 175 cm

Dix ans de la pyramide

Pour cette affiche, Philippe Apeloig ne souhaitait pas montrer à nouveau l’image de la pyramide qui avait déjà été très vue. Il a préféré une approche conceptuelle où l’édifice est évoqué sans être montré, en s'inspirant des croquis de l'architecte de la pyramide, Pei. Il en a retenu la trame de base de la verrière et a réussi à y faire "tenir" le message commandité. Affiche pour le musée du Louvre, saison 1998-99 Sérigraphie/Silkscreen 120 x 175 cm

Logo: Théâtre de chatelet Paris 2006

Art de vivre

- les logotypes

Un logotype, plus couramment appelé “ logo ”, est une représentation graphique qui sert à identifier de manière unique et immédiate les sociétés, associations, institutions, produits, services, événements, ou toute autre sorte d'organisations dans le but de différencier le propriétaire du logotype des autres entités. Un logotype est en général une marque écrite à l'aide d'une fonte de caractères spéciale, et disposée d'une manière particulière, mais lisible. La création d'un logotype peut être considérée comme une création de graphisme. De nombreux éléments sont à prendre en compte afin de transmettre le message souhaité, tant au niveau des formes que des couleurs. Ainsi, un logotype structuré sur une forme ronde, par sa référence à la Terre, à la nature en général véhicule une image de sécurité, de bien-être et d'apaisement. À l'inverse, le choix de formes triangulaires assure l'idée d'innovation, de progression et de techniques de pointes. Les formes carrées quant à elles font référence à la stabilité et la robustesse. Ces quelques formes de base se retrouvent dans de nombreux logos, et véhiculent ainsi des notions qu'un simple nom ne pourrait parfois suffire à transmettre. La croix rouge (croissant rouge dans les pays musulmans) est un exemple d'un emblème si connu, qui n'a pas besoin d'être accompagné d'un texte pour être compris. Il protège le personnel médical en temps de guerre ainsi que les victimes des conflits armés et ceux qui tentent de les aider. Les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et leur Fédération, ainsi que le Comité international de la Croix-Rouge incluent ces symboles dans leurs logos. Dans cette optique le logo se conforme aux codes admis dans un champ d'activité donné afin d'être immédiatement reconnu comme se situant dans ce champ d'activité. Mais dans ce champ, le logo doit aussi se distinguer le plus possible afin d'être identifié parmi ses pairs. Un travers commun est de se conformer aux modèles préexistants au point de diluer le message et l'identité de l'objet dans un environnement diffus. Les collectivités territoriales ont par exemple multiplié les poncifs dans les années 1970 et 1980 en basant leur logo sur : leur initiale / un code couleur associant le bleu (pour l'eau, mer ou rivière) et le vert (pour la campagne) / des hachures façon Renault « pour faire moderne ». Le choix du recours au logo par rapport à d'autres modes d'identification est aussi à mettre en balance, notamment pour une collectivité territoriale qui dispose d'autres signes.

“J’AI PASSÉ BEAUCOUP DE TEMPS DANS LES THÉÂTRES À REGARDER LA DANSE CONTEMPORAINE. JE PENSE AU MODELAGE ET L’ASSEMBLAGE D’ÉLÉMENTS ENTRE EUX, À LA NOTION DE L’ESPACE, DU

Quelques éléments qui peuvent faire un bon logo1 : Être unique, et non sujet à confusion avec d'autres logos Être fonctionnel et pouvoir être utilisé dans différents contextes tout en conservant son intégrité

PLEIN ET DU VIDE.” Musée d'art et d'histoire du Judaïsme 2009 Exposition Radical Jewish Culture Affiche 100 x 150 cm

1989 galerie impression, Paris

1999 gallery Tokyo et gallery osaka, Dai nippon Printing gallery

Le Havre / Patrimoine mondial de l’humanité 2006 Le Havre / Patrimoine mondial de l’humanité 2006

Rester efficace reproduit en grand ou en petit Fonctionner en couleurs, mais aussi en une seule couleur (noir sur blanc), ton direct, ou en trames de demi-teintes Être capable de maintenir son intégrité quand il est imprimé sur divers matériaux et objets (la forme du produit peut déformer le logo) Utiliser les principes de base du graphisme (espace, couleur, forme, consistance, et clarté) Représenter la marque ou l'entreprise de manière appropriée. Sans oublier de débusquer les artefacts possibles (le logo retourné dit le contraire de l'intention initiale). Les règles essentielles énoncées ci-avant sont reprises de l'art plus ancien de l'héraldique (le blason pouvant être considéré comme l'ancêtre du logo), à savoir : Un code couleur simplifié à l’extrême (6 couleurs de base) en suivant une règle de bon sens qui est de combiner couleurs claires et couleurs foncées Une construction à base de combinaisons de formes géométriques. Une grande stylisation des éléments graphiques. Philippe Apeloig parle, beaucoup, avec gourmandise. Il explique tout, et plus. Encore un mot, une phrase hésitante, il fait un détour, puis un autre, une digression nécessaire, il ajoute une nuance, une référence, il complique, hésite, puis il épure son propos. Il tranche. Il est graphiste. Sa manière de s’exprimer ressemble à son travail. Toute cette démarche de work in progress permanent, d’indécision qui mène à la décision, on la retrouve dans le bel et énorme ouvrage qu’il publie ces jours-ci, Typorama. Une sélection de ses réalisations où - et c’est peut-être ce qui le rend remarquable -, après une élaboration que l’on devine bouillonnante, entre modernisme et dépassement de la règle, se crée une calme vibration. Ce livre est une leçon de mise en page, où la relation entre texte et images, blancs, noirs et couleurs raconte la saga d’un métier qu’Apeloig a embrassé en 1985. Après coup, l’ouvrage a entraîné une exposition au musée des Arts décoratifs. Ces deux modes d’expression, livre et cimaises, se renforcent pour mettre en mouvement les facettes d’un designer qui met toute sa vie à répondre à une question, au service d’un commanditaire - ce qui est l’essence de tout le travail du graphiste - mais en la théâtralisant. Libération ouvre donc quatre pages à Philippe Apeloig, où il a carte blanche pour transmettre l’essence de son design graphique. Particulièrement les nombreuses typographies qu’il a créées avec la fonderie Nouvelle Noire ; elles se nomment ABF Linéaire, Octobre, Izocel, ABF Silhouette… Ces polices de caractères aux formes géométriques, grasses ou maigres, comme des vecteurs parfois, sont lisibles ou fuyantes.

«IL FAUT DÉFIER LES PROBLÈMES DE LISIBILITÉ, DÉGOURDIR LE REGARD DU LECTEUR, LE CHATOUILLER, DONNER DES MESSAGES À DÉCRYPTER»,

2001 2e exposition internationale de l’affiche, ningbo, Chine,

galerie Médiatine, Bruxelles galerija Avla nLB in Ljublijana, slovénie

PHILIPPE APPELOIG | RÉTROSPECTIVE

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& ÉVASIONS

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& ÉVASION

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"Typorama" présentée au musée des Arts décoratifs du 21 novembre 2013 au 30 mars 2014. Nourri des courants du modernisme qui associent art et design (le constructivisme, le Bauhaus, De Stijl), le designer graphique Philippe Apeloig puise son inspiration dans la passion qu’il cultive pour la peinture, les arts du spectacle et la littérature. Il travaille essentiellement pour de grandes institutions culturelles, des éditeurs (éditions de La Martinière, Robert Laffont, Phaidon Press), des galeries d’art (Gagosian, Achim Moeller), mais aussi pour de grandes marques (Puiforcat et Hermès). Ce livre présente ses réalisations sous l'angle du processus de création. Affiches, logotypes, identités visuelles, livres et animations font l’objet de textes détaillés qui révèlent les étapes successives de ses recherches et les influences majeures qui nourrissent son travail. Le dernier quart du livre est consacré aux esquisses préalables aux projets.

Dans son lexique, on décèle yiddish et mémoire. Qu’il ne fait pas crier, il lève juste «un petit voile, un petit mémorial», en montrant le village polonais de Kazimierz Dolny, où son grandpère était ébéniste. En 2001, il crée Vis pour nous, vis sans nous, une image d’où émerge une photographie de sa famille maternelle, déchirée.

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Dans la sarabande de ses messages-références qui l’accompagnent très jeune, lui qui s’est placé «comme un survivant qui allait vivre»,dans ses «révérences», pourrait-on dire, il retient les photos d’Eadweard Muybridge, le films Huit et demi de Fellini, Orpheu Negro de Marcel Camus, le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein, Harpo des Marx Brothers. Ces images, qu’il met en exergue, restent les ferments vivants des jeux de construction de ses propres images. Comme les trois enfants d’Orfeu Negro qui, à la fin du film, dansent la vie. Car il y a aussi beaucoup de danse dans ses bagages préférés la chorégraphie Nelken de Pina Bausch, West Side Story,la Danse des bâtons expérimentée au Bauhaus dans l’atelier d’Oskar Schlemmer en 1927. Ce n’est pas le catalogue d’un pédant qui a d’abord voulu être danseur puis s’est tourné vers l’art et le graphisme. Sa rencontre à Los Angeles en 1988 avec la créatrice américaine April Greiman confirmera que l’on peut être graphiste et pleinement artiste. Mais il a fait un pas de côté, une sorte de «transfert», a transformé les lettres en corps, les corps en lettres. Il ne cache pas ses sources, créant une joyeuse et riche farandole de traces symboliques. Ses mots balisent aussi son cheminement, ses voyages, ses clients. Ses études, il les a d’abord menées à l’Ecole supérieure des arts appliqués Duperré, puis à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs. Là, il a commencé par rêver de l’Américain Milton Glaser, devant son célèbre portrait de Dylan. De 1983 à 1985, il file à Amsterdam dans le studio de Total Design. Il y croise le maître néerlandais Wim Crouwel, créateur du New Alphabet, ce qui le fait s’intéresser à la typographie, au fonctionnalisme de la grille qui structure une image, ce quadrillage (invisible) qui permet d’organiser tous les signes en 2 D. Il s’initie aussi au système informatique Aesthedes.

légendes

01 ABF, Association des bibliothécaires de France 2010

02 ABF, France Et si on parlait d'argent? 2011

03 Frida and Diego A creative love 2008

04 De la Lorraine Exposition sur l'art, Lorraine 2004

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“ LA SOCIÉTÉ HUMAINE, LE MONDE, L’HOMME TOUT ENTIER EST DANS L’ALPHABET. LA MAÇONNERIE, L’ASTRONOMIE, LA PHILOSOPHIE, TOUTES LES SCIENCES ONT LÀ LEUR POINT DE DÉPART, IMPERCEPTIBLE, MAIS RÉEL; ET CELA DOIT ÊTRE. L’ALPHABET EST UNE SOURCE. ”

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05 Fête du livre Aix-en-Provence 2013

Citation: Victor HUGO

06 Henry Moore intime Galerie Didier Imbert, Paris 1992

07 Théatre du Beau/ Beauvais 2006

08 Fête du livre Aix-enProvence 1998

09 La ville blessée, la ville sonore, Octobre en Normandie, Rouen 1997

10 FIAF : French Institute / Alliance Française de New York 2009

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12 Palais de la découverte Alfred Nobel, 2008

Musée Rodin Matisse & Rodin 2009

13 Mixto géométrie 1999

PHILIPPE APPELOIG | RÉTROSPECTIVE

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