Projet de Fin d'Etudes Benoît Gadiollet

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Université pierre mendès france institut d’urbanisme de grenoble

L’accessibilitÉ, un outil du projet urbain ?

Master Sciences du Territoire Septembre 2011

Benoît GADIOLLET Directeurs de mémoire : Gabriel JOURDAN Marcus ZEPF


NOTICE ANALYTIQUE AUTEUR

Gadiollet

Benoît

COLLATION

L'accessibilité, un outil du projet urbain ? Organisme d'affiliation Directeur de mémoire : Gabriel IUG Jourdan, Marcus Zepf 88 pages 30

MOTS-CLES Accessibilité, espace public, environnement urbain, démarche participative, politique publique, loi du 11 février 2005 TERMES

RESUME

GEOGRAPHIQUES

France, Issou (78), Communauté de Communes de Save et Garonne (31), Carcassonne (11), Communauté de Communes Maremne Adour Côte Sud (40) Depuis le 11 février 2005, la "loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées" instaure des normes jugées par beaucoup comme contraignantes dans la construction de l'espace public. Pourtant, en dépassant cette interprétation minimaliste de la loi, il apparaît qu'il s'agit en fait de garantir pour tous l'accès aux ressources du territoire et plus généralement de poser la question de la place du piéton en ville et donc celle de la compétition entre différents modes de transport. En ce sens, l'accessibilité ne peut-elle pas être considérée comme une opportunité pour penser l'espace public ? comme un outil pour le projet urbain ? Les collectivités sont-elles conscientes de l'opportunité que représente pour elles l'accessibilité ?


Sommaire Avant propos Introduction 1 L’accessibilité, un concept protéiforme en constante évolution recouvrant de multiples champs d’intervention 1.1 De la desserte du territoire à l’accès aux ressources du territoire 1.2 L’évolution des perceptions : du handicap de la personne à la situation de handicap 1.3 De l’accessibilité pour tous au développement durable Conclusion partielle 2 L’accessibilité, une démarche qualité pour la production de l’environnement urbain 2.1 Au-delà de la contrainte 2.2 Comment traiter ce qui n’est pas normé ? 3 La méthode Iter pour combler un déficit de culture des collectivités territoriales sur l’accessibilité ? 3.1 Une compétence transversale jusqu’alors méconnue des services aménagements / voirie / transport 3.2 La méthode Iter, un instrument d’acculturation à l’accessibilité pour les collectivités territoriales Conclusion


Remerciements Je tiens ici à remercier chaleureusement Gabriel Jourdan, Marcus Zepf et Rachel Thomas pour avoir accepté d’encadrer ce projet de fin d’étude. Après trois années à l’IUG, j’ai une pensée émue pour l’ensemble des personnes que j’ai côtoyées, camarades de promotion, enseignants, intervenants extérieurs ou personnel administratif. Cette période enrichissante a largement contribué à faire ce que je suis aujourd’hui ainsi que ce que je serai demain, personnellement et professionnellement. Géraud Acquier, gérant d’Iter a cru en moi et accepté de me proposer un poste d’apprenti voici un an, au sortir d’une période difficile. Mille mercis pour cette confiance. Merci également à l’ensemble de mes collègues d’Iter pour cette année passionnante et les discussions toujours riches, enflammées, sincères qui m’ont poussé à toujours approfondir mon travail et remettre en cause les idées reçues. J’espère qu’ils me pardonneront de distinguer François Maréchal et Bertrand Buineau, avec qui j’ai plus particulièrement travaillé, pour les remercier pour leur écoute, conseils, confiance, leur relecture critique et attentive de ce projet de fin d’étude et qui m’ont aidé à « grandir ». Enfin, merci aux nombreuses personnes qui ont bien voulu m’accorder quelques instants de leur temps pour m’orienter dans mon travail et répondre à mes sollicitations, qu’elles soient techniciens de collectivités, d’administrations ou d’institutions, membres d’associations. Ce travail n’aurait pu exister sans leur précieux apport.


Avant propos Recommencer une année, après avoir terminé le master Urbanisme Habitat et Coopération Internationale de l’Institut d’Urbanisme de Grenoble n’a pas été une décision évidente. C’est le pari que j’ai fait, c’est le pari que l’IUG et Iter m’ont permis de tenter. Pourquoi une nouvelle année d’étude ? Iter me semblait être la structure parfaite pour me garantir les meilleures conditions d’apprentissage et d’insertion dans la vie active. De par son statut coopératif, ses valeurs et ses engagements quotidiens pour produire des études et analyses de qualité, à travers la démarche qualité mise en place au sein de l’entreprise, et surtout de par les sujets traités. L’opportunité de travailler sur des questions d’espaces publics, à travers le prisme de l’accessibilité, a été un élément moteur et important dans ma décision de postuler à Iter. Les choix d’orientations professionnelles sont souvent le fait de rencontres, parfois désirées, d’autres fois fortuites. C’est ainsi que je suis venu à la thématique de l’accessibilité universelle. Pour la première fois, en 2009-2010, l’Institut d’Urbanisme de Grenoble a organisé une initiation théorique et pratique à l’accessibilité, couplée, pour notre promotion, à un atelier d’étude pratique sur le campus de sciences sociales de l’Université Pierre Mendès-France. Yann Echinard, professeur d’économie et chargé de mission Pour une université non-discriminante/Handicap nous a commandé ce travail et nous a ainsi permis d’approcher la thématique du handicap et de l’accessibilité pour tous. L’angle d’étude choisi fut les usages des personnes. Le credo était de ne se limiter en aucun cas aux déficiences des personnes ou aux obligations réglementaires notamment introduites par la loi du 11 février 2005. Autrement dit, comment repenser les liens et le fonctionnement des espaces publics du campus à travers le prisme de l’accessibilité pour tous ? Cette rencontre fut déterminante. Dès lors, je n’ai eu de cesse de vouloir approfondir la question. Ce travail est ainsi le fruit d’un an de réflexion sur le sujet. Il est donc imparfait, car la prise en compte de l’ensemble des caractéristiques et des déterminants de l’accessibilité universelle nécessiterait des années et des années d’études à temps complet. Néanmoins, lors de mon alternance, j’ai eu l’occasion de contribuer à plusieurs études où l’accessibilité était au cœur de la commande. Iter est une coopérative avec des champs d’intervention variés, s’étendant sur l’ensemble des problématiques de la mobilité. En


participant également à des chantiers, non directement liés à l’accessibilité, j’ai pu prendre du recul sur mon sujet de Projet de Fin d’Études (PFE), pour le questionner sous l’angle plus vaste de la mobilité et de l’évolution des concepts liés à cette thématique. C’est important, notamment pour mesurer l’importance de la chaîne de compétences et de la chaîne de déplacements1. Toutefois, cela ne saurait suffire à aborder l’ensemble des dimensions de cette thématique, transversale par excellence. En se présentant comme un bureau d’étude d’assistance à maîtrise d’ouvrage, Iter participe à l’élaboration de diagnostic et formule des préconisations d’aménagement mais ne se positionne pas (encore ?) sur la mise en œuvre des projets d’accessibilité ou la formation professionnelle. Iter est un bureau d’études spécialisé dans les mobilités durables et le partage de l’espace public. Je fais donc mien le positionnement de l’entreprise par rapport au handicap : nous ne sommes ni ergonomes, ni kinésithérapeutes, ni médecins. Comme ces derniers, nous formulons des hypothèses à partir d’un diagnostic pour améliorer une situation pathologique. Le terme est peut-être fort pour caractériser l’espace public, pourtant, je considère qu’il est possible de l’aborder sous cet angle. Pathologique dans le sens où les enjeux de mobilité, d’usages, de sociabilité et d’identité2 des espaces publics sont remis en cause par l’inaccessibilité de certains d’entre eux. L’accessibilité universelle est un champ d’étude vaste, encore peu exploré par les urbanistes et recèle des potentialités énormes pour développer et améliorer les usages de nos espaces publics. Avant de rentrer pleinement dans le sujet, il me faut apporter une dernière précision sur ce travail. Le PFE est un travail de longue haleine, itératif, nécessitant de nombreuses remises en question. J’ai constamment essayé de faire le lien entre ma pratique professionnelle à Iter et une réflexion théorique, plus universitaire sur le sujet. Ce travail est donc autant un exercice de style, de type mémoire, qu’un retour d’expérience et une mise en perspective d’une pratique professionnelle. Je ne prétends pas apporter de solutions ou de recettes toutes faites. Je m’interroge sur un mode opératoire d’un sujet vaste, qui devra être complété par de nombreuses lectures pour les personnes souhaitant se plonger de manière plus approfondie dans le sujet de l’accessibilité universelle.

1 Le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer défini ainsi : « la continuité de la chaîne de déplacement comprend le cadre bâti, la voirie, les espaces publics, les transports et leur intermodalité » (Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer, 2010). 2 Bassand M., Compagnon A., Joye D., Stein V., 2001, p.13


« L’accessibilité et l’habitabilité de la cité sont faites de représentations autant que de barrières physiques, autant de mauvaise ou de bonne volonté que de problème technique » Henri-Jacques Stiker, 2009, Les métamorphoses du handicap, de 1970 à nos jours, p.220.

« Une personne handicapée dans un aménagement accessible est une personne valide (en bonne santé, capable de travail, d’exercice [Le Robert]), et inversement une personne valide dans un aménagement non accessible est une personne handicapée. Autrement dit, l’architecture crée ou supprime le handicap » Louis-Pierre Grosbois, 2007, Handicap et construction, avant-propos.


Introduction

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Ce Projet de Fin d’Études (PFE) est en grande partie influencé par l’année que je viens de passer au sein d’Iter. Ses objectifs ont évolué en fonction d’impératifs professionnels et des aléas du déroulé des missions. Ma volonté initiale était de suivre le déroulement complet d’un Plan d’Accessibilité de la Voirie et des Espaces publics (PAVE), celui de Carcassonne. Le projet était d’autant plus intéressant qu’il était complètement neuf et novateur pour Iter. Pour la première fois, nous travaillions avec un architecte, une paysagiste et un bureau Voirie-Réseau-Divers (VRD). La mission se découpait en deux tranches et devait initialement se terminer au mois de juin 2011. La première phase, correspondant à l’audit de 60km de voiries et d’une douzaine d’espaces publics, est menée par Iter. La seconde est la formalisation d’un Avant Projet Sommaire par le groupement d’architecte, paysagiste et ingénieur VRD sur une portion de 6km de voirie et trois espaces publics. L’intérêt pour Iter était, pour la première fois dans une étude accessibilité, d’être associé à la faisabilité des préconisations issues du diagnostic du PAVE. Malheureusement, le projet a pris du retard, sans qu’il puisse nous être imputé comme il fut souligné en comité de pilotage, et à l’heure où j’écris ces lignes, nous finalisons seulement le diagnostic. Mon projet de suivre le déroulé complet d’une mission s’est donc effondré. Pour plus de sécurité, j’ai décidé de travailler avec les anciens clients d’Iter. La limite de cette réorientation du PFE est que je ne touche désormais plus que le secteur public, la maîtrise d’ouvrage. Il ne m’est donc pas possible d’analyser au fil de l’eau l’adaptation de nos partenaires privés à la thématique de l’accessibilité. Avant d’aller plus amont dans l’explication, il me faut définir ici l’objet central, mais sousjacent, de ce travail, l’espace public et préciser en quoi il est lié à l’accessibilité. Pour M. Zepf, en architecture, génie urbain et urbanisme, « la notion d’espace public prend une forme matérielle et mesurable qui est caractérisée par des rapports directs entre les types d’usagers, les formes de l’espace et les catégories d’objets aménagés dans cet espace. Ces rapports ont à voir avec l’utilité de ces espaces publics urbains sur les plans fonctionnel, esthétique et social1 ». L’espace public est donc l’espace physique de mise en forme du lien social. Pour M. Bassand, A. Compagnon, D. Joye et V. Stein, « l’espace public permet l’articulation de trois logiques : celles des lieux, celles des flux, celle des jeux micro et macrosociaux2 ». Les espaces publics, tout du moins leur conception et leur usage, sont donc le reflet d’une époque, leur évolution est le reflet de l’évolution d’enjeux sociétaux et des comportements de chacun. Ainsi, la place plus importante prise par la voiture sur l’espace public au cours de la seconde moitié du XXème siècle traduit une évolution sociale tendant vers l’individualisme où la voiture est vécue comme le prolongement de chez soi, en faisant fi de l’espace public sur lequel elle circule ou stationne. D’ailleurs, il n’est pas anodin que les opérations de reconquête de l’espace public apparues ces dernières années s’attachent prioritairement à réduire l’usage de la voiture, principalement dans les centres-villes, en privilégiant les modes doux et les transports en commun. C’est-à-dire 1 Zepf M. (dir.), 2004, p.11 2 Bassand M., Compagnon A., Joye D., Stein V., 2001, p.19

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en réinjectant la possibilité de la rencontre avec l’autre au cœur de la ville. L’espace public est donc le support d’usages, c’est le lieu du lien social, c’est-à-dire de la rencontre, de l’échange, du conflit. L’espace public est par définition libre d’usage pour tout un chacun. Son appropriation par un groupe social unique (les « automobilistes », les « jeunes des quartiers », etc.) marque un début de privatisation en rendant l’échange, la rencontre difficiles, voire inexistants. Or l’espace public, qui se caractérise par l’altérité, le rapport à l’autre, ne peut être approprié sous peine de perdre l’essence même de sa raison d’être. Un espace public approprié, marqué, ne peut être créateur d’urbanité. Si ce terme est sujet à polémiques et ses définitions nombreuses, il me semble important de souligner les éléments de consensus. Pour M. Levy3, l’urbanité se caractérise par la diversité et la densité des usages sur l’espace public. L’urbanité nécessite donc l’altérité. Pour pouvoir comprendre et analyser l’espace public, M. Bassand, A. Compagnon, D. Joye et V. Stein suggèrent de l’étudier selon trois « paliers » : - « Celui de la morphologie et de l’écologie urbaine, - Celui des pratiques sociales ou comportements sociaux, - Celui des représentations que les groupes ou les individus se font de la réalité4 ». Ces trois niveaux sont imbriqués, indissociables. Ils s’influencent mutuellement. L’objectif de ce travail n’est pas d’analyser un espace public au regard de ces trois paliers, mais de s’attarder sur le concept d’accessibilité universelle pour comprendre son apport à la fabrication de l’espace public. La loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », et auparavant les lois et arrêtés de 19755, 19916 et 19997 ont peu à peu amené une nouvelle vision du handicap et de la participation des personnes dites handicapées à la vie sociale. L’accessibilité aux espaces sociaux8 est une bataille menée de longue date par les différentes associations de personnes handicapées. Pourtant aujourd’hui encore et malgré l’ancienneté de leurs revendications, la majorité des espaces sociaux ne sont pas ou difficilement accessibles à tous. La loi de 2005 fixe désormais des échéances de réalisation d’études et parfois de travaux de mise en accessibilité des espaces publics, transports collectifs, Établissements Recevant du Public (ERP) ou Installations Ouvertes au Public (IOP) pour que leur accessibilité devienne réellement effective au plus vite. Depuis certains acteurs n’ont de cesse de combattre cette loi, ainsi que les obligations et délais imposés. Ainsi la proposition de loi du 28 juin 2011 destinée à améliorer le fonctionnement des Maisons Départementales des Personnes Handicapées a été votée par le Parlement, y compris son article 19, autorisant des dérogations à l’accessibilité des bâtiments neufs. 3 Levi M., 1996 in Bassand M., Compagnon A., Joye D., Stein V., 2001, p.64 4 Bassand M., Compagnon A., Joye D., Stein V., 2001, p.3 5 Loi n°75-534 dite d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, qui reconnaît le handicap comme une caractéristique de la personne, qui doit être compensé par des aides sociales prises en charge la solidarité de la société. 6 Loi n°91-663 du 13 juillet 1991 qui a pour objectif de « favoriser l’accessibilité aux personnes handicapées des locaux d’habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public ». 7 Arrêté du 31 août 1999 relatif aux prescriptions techniques concernant l’accessibilité aux personnes handicapées de la voirie publique ou privée ouverte à la circulation publique. 8 J’entends par espace social, l’ensemble des lieux ou espaces publics permettant la pleine participation de tous à la vie sociale et à la réalisation d’interactions sociales.

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Le Conseil d’Etat a jugé cet article contraire à la Constitution » dans sa décision du 28 juillet 2011, il n’a donc pas été publié9. Les architectes ont aussi tendance à souvent remettre en cause cette loi, comme en témoigne la lettre ouverte à Benoist Apparu des architectes E. Colboc, vice-présidente du Syndicat de l’architecture, membre du Conseil d’Administration du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), C. Conrad, présidente des Architectes-Conseils de l’Etat et D. Tessier, président du Conseil Régional de l’Ordre des architectes d’Île-de-France10. Je ne suis pas architecte, je ne suis donc pas apte à juger les obligations de la loi au regard de l’ensemble des normes et contraintes techniques d’un bâtiment et je ne débattrai pas sur ce sujet. Je m’intéresserai tout au long de ce travail uniquement à l’accessibilité de la voirie et des espaces publics, pour lesquels certains architectes ont un avis beaucoup moins virulent que pour l’accessibilité d’un bâtiment. Ainsi, Vincent Sabatier, architecte conseil de l’Etat, estime que « des règles doivent être impérativement respectées pour tout ce qui relève de l’espace public11 ». Dans ce cadre précis de l’accessibilité des espaces publics, je pose le postulat que l’accessibilité n’est pas une contrainte pour produire des espaces publics, mais une opportunité. En imposant de rendre les espaces publics accessibles, la loi de 2005 offre, par ricochet, aux collectivités et aux aménageurs un outil pour les repenser, de façon durable et partagée. Mais ont-ils conscience de cette opportunité ? Si oui, comment se concrétise-t-elle ? Ou se contentent-ils de répondre aux attentes réglementaires à travers l’exécution des différents plans et travaux exigés ? Se pose alors la question de la formation, de la sensibilisation des élus et techniciens des collectivités territoriales. En tant que maître d’ouvrage et donc responsable de la mise en accessibilité de leur patrimoine, peut-on considérer qu’ils sont suffisamment au fait de l’accessibilité universelle et des enjeux qui lui sont liés ? Ceci pose la question de la possibilité de dépasser le cadre de la contrainte réglementaire dans le traitement de l’accessibilité. Comment convaincre les élus et techniciens d’utiliser l’accessibilité comme élément de méthode en vue de produire des espaces publics de haute qualité d’usage ? Si le concept de haute qualité environnementale paraît être en passe d’entrer dans les mœurs des différents fabricants de la ville (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, bureaux d’études, entreprises du BTP, industriels), il me semble que le volet social du développement durable n’est pas suffisamment mis en avant. Il s’agit certes de conceptualiser et bâtir des systèmes techniques faisant face aux enjeux environnementaux du XXIème siècle (enjeux environnementaux du développement durable), mais il s’agit aussi de permettre des interactions sociales, des usages (enjeux sociétaux, humains du développement durable). C’est alors que j’ai pensé à ce terme de haute qualité d’usage. Si la HQE a pour but de conceptualiser en amont de la réalisation des projets les outils et méthodes pour protéger l’environnement, faire des économies d’énergie, etc., pourquoi la HQU 9 http://www.lemoniteur.fr/177-regles-techniques/article/actualite/858315-acces-desbatiments-aux-handicapes-un-article-de-loi-censure-par-le-conseil-constitutionnel 10 http://www.lemoniteur.fr/153-profession/article/point-de-vue/768222-accessibilite-dansles-logements-un-enfer-pave-de-bonnes-intentions 11 http://www.lemoniteur.fr/153-profession/article/point-de-vue/769592-reglementationaccessibilite-la-reponse-de-vincent-sabatier-a-patrick-grepinet

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n’aurait-elle pas le même objectif de conceptualisation de supports d’usages de qualité ? Je n’ai manifestement pas été le premier à faire ce parallèle, puisque des organismes ou institutions se sont déjà emparés de ce terme. Le Centre de Recherche pour l’Intégration des Différences dans les Espaces de Vie (CRIDEV, dirigé par Régis Herbin) a même labellisé cette appellation, avec pour dessein de « réfléchir autrement à l’accessibilité12 ». Il s’agit de « relativiser la dimension purement technique au profit d’une dimension plus humaine de l’aménagement. Cette démarche HQU est une approche globale de la qualité d’usage qui recentre l’Homme et ses besoins au cœur de chaque projet13 ». Je pense que tous les enjeux liés à l’accessibilité n’ont pas encore suffisamment de poids dans les décisions des élus et les méthodes de travail des professionnels, qu’il serait possible et souhaitable de repenser les espaces publics de façon globale (et non uniquement réglementaire à travers la réponse à une exigence législative) pour rendre les interactions sociales plus aisées (quelle que soit leur origine). Pour faire simple, je pense que les différents plans, schémas et documents techniques actuels permettent de proposer des solutions pour répondre aux difficultés d’accessibilité (sauf en cas d’impossibilité technique avérée). Mais ces documents, avec leur approche très réglementaire, décontextualisée, sont-ils pertinents pour prendre en compte les particularités d’une ville et particulièrement les usages de ses espaces publics et ainsi travailler l’espace public au delà du cadre réglementaire ? Il me semble que non. La norme ne peut être la réponse universelle à des questions spécifiques à chaque territoire. Pourquoi ne pas dépasser la question de la norme, de la technique et considérer les usages comme le point de départ de la démarche et donc dépasser le strict champ du handicap ? Ceci permettrait de considérer les normes réglementaires au relief des usages, des pratiques du quotidien, du vécu des habitants du territoire. Ceci suppose une évolution des pratiques actuelles. C’est également la question des outils de diagnostic qui se pose : sont-ils pertinents pour prendre en compte tous les paramètres ne concernant pas strictement l’accessibilité dans la construction des réponses en termes d’interventions d’accessibilité sur l’espace public ? Autrement dit, comment aujourd’hui intègre-t-on des critères qualitatifs dans l’élaboration des diagnostics ? Peutêtre faut-il réinterroger la façon dont se déroulent les phases de concertation (imposées par la loi) et leur traduction dans les documents techniques pour que l’accessibilité soit perçue comme une véritable opportunité de refonte de l’espace public par les élus et professionnels? Ceci est compliqué, étant donné que les processus de mise en accessibilité sont très techniques. La concertation a alors un double objectif : - sociologique: connaître les usages, les pratiques (…) de façon à proposer des documents le plus proche possible du vécu des habitants et les plus cohérents possibles dans leurs pistes d’intervention sur l’espace public, 12 http://www.cstb.fr/actualites/webzine/thematiques/accessibilite/vers-une-qualitedusage-universel.html 13 http://www.cstb.fr/actualites/webzine/thematiques/accessibilite/vers-une-qualitedusage-universel.html

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- pédagogique : expliquer le projet, ses difficultés et contraintes techniques, mais aussi persuader les élus, techniciens, habitants de l’intérêt à repenser l’espace public sous le prisme de l’accessibilité. Je fais ici l’hypothèse que la démarche d’accessibilité (PAVE ou SDA) est un outil d’acculturation à l’accessibilité pour les techniciens et élus de la collectivité. C’est-à-dire un processus leur permettant d’assimiler les enjeux globaux de l’accessibilité, au-delà de la simple contrainte réglementaire. Néanmoins, pour être couronné de succès, il est nécessaire pour les élus et techniciens d’acquérir de nouvelles connaissances, d’adapter leurs méthodes et outils pour entrer en contact avec une culture qui leur était jusqu’alors parfois étrangère. Pour répondre aux enjeux énoncés plus haut, mon argumentation se développe en trois parties. La première vise à éclaircir le terme d’accessibilité et les enjeux qu’il recouvre ainsi que ses liens avec la thématique du handicap. Dans une seconde partie, je m’efforcerai de démontrer que la prise en compte de l’accessibilité peut-être une méthode qualitative pour penser les espaces publics, au delà de la contrainte. Enfin dans une troisième partie, je traiterai de l’appropriation de la thématique accessibilité par les collectivités territoriales et de la méthode développée par Iter comme processus d’acculturation.

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Partie 1 L’accessibilité, un concept protéiforme en constante évolution et recouvrant de multiples champs d’intervention

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De quoi parle-t-on ? Cette première partie a pour objectif de caractériser l’accessibilité et d’expliquer ses liens avec les situations de handicap, de voir en quoi l’accessibilité peut-être une manière d’appréhender l’environnement de la cité, dans une démarche d’écologie urbaine1. Il s’agit tout d’abord de tenter de caractériser l’accessibilité, de trouver les points communs entre des acceptions très différentes de ce terme dans des disciplines variées, puis d’examiner de plus près la question de l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Enfin, je tenterai de démontrer l’intérêt d’aller au-delà de la situation de handicap, pour traiter la question de l’espace public sous l’angle de la qualité des usages.

1.1 De la desserte du territoire à l’accès aux ressources du territoire Il serait ambitieux et fallacieux d’assimiler cette première sous-partie à une étude épistémologique. L’objectif est de présenter l’ensemble des significations du terme et d’établir le point commun entre les différents points de vue qui suivront ci-après. Dans cette optique, je me suis attaché à chercher des définitions de l’accessibilité dans des domaines très variés, puis de me recentrer sur les sciences du territoire et de la mobilité. Ces définitions sont issues soit de dictionnaires ou encyclopédies, soit de professionnels d’un secteur précis. Cette démarche ne permet pas de prendre la pleine mesure de la considération de l’accessibilité dans les différentes disciplines exposées ci-après. Néanmoins, partant du postulat qu’une pleine acceptation du concept par la majorité des acteurs scientifiques de chaque discipline se retrouverait dans les différentes encyclopédies ou dictionnaires des disciplines mentionnées, l’absence de définition permet de mesurer le chemin qu’il reste à parcourir avant que le concept d’accessibilité soit clairement défini et reconnu. Lors de mes recherches, j’ai d’ailleurs été étonné de ne pas trouver de définition de l’accessibilité dans le Dictionnaire de la pensée sociologique2 ni dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie3, deux ouvrages relativement récents, consultables au centre de documentation de l’IUG et parus aux Presses Universitaires de France, éditeur reconnu dans le monde universitaire. Autres ouvrages consultés ne présentant pas de définition de l’accessibilité, deux dictionnaires d’économie et de sciences sociales4 et un de géographie, celui de P. George et F. Verger5. L’absence de définition de l’accessibilité dans ces dictionnaires est déjà un premier enseignement : que la notion « d’accès à » ne soit pas traitée dans des ouvrages de philosophie, de géographie, d’économie et sciences sociales pose en effet question.

1 Pour plus de détails sur l’approche écologique de l’accessibilité, cf. Berthet X., 2008. 2 Borlandi M., Boudon R., Cherkaoui M., Valade B. (dir), 2005 3 Lalande A., 2006 4 Capul J-Y., Garnier O., 1999 et Echaudemaison C-D. (dir.), 2001 5 George P., Verger F., 2004

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1.1.1 L’accessibilité, de multiples définitions pour des champs d’exercices professionnels mouvants Avant d’analyser quelques définitions de l’accessibilité dans différents champs d’exercice professionnel, regardons la définition du Petit Robert : « possibilité d’accéder, d’arriver à (un lieu, un emploi…) ». Selon cette définition, l’accessibilité caractérise donc la possibilité d’atteindre un lieu physique ou de parvenir à atteindre un objectif personnel. Prenons maintenant le cas du marketing : « l’accessibilité produit désigne généralement la problématique de localisation d’un produit dans les linéaires d’un point de vente grande distribution par le consommateur. Cette notion est particulièrement importante pour des produits que le consommateur ne rattache pas intuitivement à un rayon ou à un univers produit. Du lait de soja, des lingettes, des lunettes ou des élastiques peuvent par exemple être des produits soulevant des problèmes d’accessibilité6 ». Là encore, l’accessibilité est définie par le fait d’atteindre, non pas un lieu mais un objet commercial, situé dans un rayon. Cette définition est intéressante, dans le sens où elle introduit la notion de difficulté à atteindre le produit, c’est-à-dire ce qui a motivé le déplacement. L’accessibilité n’est donc pas uniquement tributaire de critères physiques, mais relève également des représentations collectives et des associations mentales de chacun. Il peut être compliqué d’atteindre un produit si celui-ci se trouve en un lieu où le consommateur ne l’imagine pas, même s’il correspond à une logique rationnelle pour le vendeur (même marque, même type de produit, etc.). Il est également intéressant de noter que, de manière plus habituelle, l’accessibilité peut aussi désigner la possibilité de prendre un produit dans un rayon pour l’examiner ou le mettre dans son caddie, elle est alors fonction, par exemple, de la hauteur du rayon sur lequel est situé le produit. Autre domaine d’exercice professionnel, l’informatique et plus précisément, l’Internet. L’accessibilité du Web, selon Tim Berners-Lee, directeur du W3C et inventeur du World Wide Web correspond à « mettre le Web et ses services à la disposition de tous les individus, quels que soient leur matériel ou logiciel, leur infrastructure réseau, leur langue maternelle, leur culture, leur localisation géographique, ou leurs aptitudes physiques ou mentales7 ». Il est question que chacun, indépendamment de son équipement informatique personnel, de sa culture d’origine ou de sa localisation, ait accès au Web et à ses ressources. L’accessibilité aux ressources du Web peut donc être compliquée du fait de difficultés techniques mais aussi culturelles : l’accès pour tous est rendu possible par l’utilisation d’objets techniques compréhensibles par tous. Une approche différente consiste à s’intéresser aux revendications sociales pour l’accès à l’emploi, l’accès à la santé, l’accès à l’information (langue, connaissance, culture, codes sociaux [autoroute : signalétique française différente de la signalétique européenne]) ou le droit au logement, « le droit à la vie urbaine, transformée, renouvelé8 » . Il est intéressant de remarquer que selon les revendicateurs, les termes d’accès ou de droit sont utilisés indifféremment. En effet, si l’on analyse leurs attentes, il apparaît qu’elles sont sensiblement identiques. Dans tous les cas, il s’agit de disposer des conditions 6 7 8

http://www.definitions-marketing.com/Definition-Accessibilite-produit-points-de http://www.re-access.fr/notre-expertise-accessibilite-web Lefebvre H., 2009 (1967), p.108

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permettant la pleine participation à la vie sociale en bénéficiant des minimums prérequis à cette participation : travail, information, logement, etc. Ces éléments sont à tel point indispensables à la vie en société que certains acteurs n’hésitent pas à les institutionnaliser comme droits inaliénables pour chaque citoyen. L’État commence à prendre la mesure de ces évolutions, notamment à travers la loi 2007-290 sur le Droit Au Logement Opposable (DALO). Dans cette acceptation, « l’accès à » va au-delà de la considération de la simple jouissance de ressources, il est considéré comme un fondement nécessaire à la possibilité d’une vie digne. Ainsi, dans un premier temps, il apparaît que, quel que soit le champ étudié, le champ professionnel ou les revendications sociales, l’accessibilité semble se caractériser par deux éléments : - la finalité : accéder à un lien pour atteindre un objectif, réaliser une interaction sociale, (etc.) dans l’objectif d’une pleine participation à la vie en société. L’accès physique n’est pas une fin en soi, - une démarche en mouvement : pour avoir accès à / atteindre quelque chose, il y a nécessité d’en émettre le désir (besoin à satisfaire / objectif à atteindre) et de se confronter à l’environnement. C’est-à-dire qu’il est nécessaire d’établir une stratégie, adaptable en fonction de l’évolution du contexte pour atteindre l’objectif fixé. Par exemple, pour avoir accès à un emploi, il faut en émettre l’envie, se donner les moyens et se frotter à un environnement extérieur parfois hostile avant d’accéder à celui-ci. Il y a donc deux étapes différentes : - une formulation d’un besoin, d’une envie, d’un objectif personnel, ce qui sousentend une mise en condition individuelle, pour se donner les moyens d’atteindre son but, pour planifier son parcours, - un contact avec l’extérieur qui peut nécessiter une adaptation, un changement de stratégie et qui est déterminant dans l’accès à l’objectif fixé. L’accessibilité nécessite la formulation d’une stratégie à mettre en œuvre pour satisfaire une interaction sociale pouvant nécessiter d’affronter des obstacles physiques, économiques, culturels, sociaux (etc.), qu’il n’est pas toujours possible de contourner ou d’éviter. Il faut alors revoir la stratégie initiale et/ou le désir, l’objectif à satisfaire si ce dernier n’est pas accessible en l’état. Mais dans certains cas, lorsqu’il s’agit de disposer de composantes élémentaires, nécessaires, essentielles à une pleine participation de l’Homme à la vie en société, l’accessibilité se mue en droit, condition sine qua none de la possibilité d’une pleine intégration à la vie sociale. En d’autres termes, « l’accès à la ville et l’équité dans l’accès à la ville ne dépendent pas uniquement de l’accès aux réseaux ou aux services de transport, mais également de l’agencement urbain au sens large, c’est-à-dire de la diversité et de la densité des opportunités offertes par le territoire, aussi bien proche que lointain, en termes de logement, d’emplois, de commerces, de services ou d’équipements divers9 ».

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Gallez C., Ollivier-Trigalo M., Thebert M., Vilmin T., 2011, p.9

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1.1.2. L’accessibilité dans les sciences du territoire, du génie urbain et de la mobilité En adoptant la même démarche d’analyse de définitions de l’accessibilité dans différentes disciplines des sciences du territoire, de l’aménagement urbain et de la mobilité, je veux maintenant éclaircir ce que recouvre ce terme dans nos métiers d’aménageurs, d’urbanistes ou de spécialistes transport. N’y-a-t-il pas une confusion entre desserte et accessibilité ? Géographes, urbanises ou architectes accordent-ils le même sens à l’accessibilité ? Dans son Lexique de la ville10, J-P. Antoni donne cette définition de l’accessibilité : « facilité (ou possibilité) d’accéder ou d’atteindre un lieu ou un autre, de s’y rendre ou d’y entrer […] À l’échelle interurbaine, les villes constituent en effet souvent un point d’arrivée des réseaux de communication auxquels elles sont reliées et apparaissent donc globalement plus accessibles que d’autres espaces. À l’échelle intra-urbaine par contre, les accessibilités des lieux et des quartiers sont inégales, fonction du mode de déplacement utilisé, lui-même dépendant des infrastructures de communication mises en place. Dans les deux cas, une bonne accessibilité apparaît comme une facilité qui joue sur l’attractivité des villes (donc sur leur dynamisme et leur démographie) ou sur la valeur foncière des quartiers (les quartiers centraux généralement plus accessibles que les périphéries sont également plus chers). De nombreux indices permettent de mesurer et de comparer les accessibilités en termes de distance, de temps, mais également du coût que représente chaque déplacement, et ainsi de repérer les lieux ou l’accessibilité est maximale : les carrefours centraux, les axes des pénétrantes et des rocades, les échangeurs périphériques, etc. ». Pour cet auteur, et sans revenir sur la pertinence de son analyse sur les liens entre accessibilité et valeur foncière d’un lieu11, la satisfaction d’un déplacement est essentielle dans le concept d’accessibilité. Cette dernière est fonction de critères objectifs et quantifiables (distance, temps et coût). En introduisant la notion de coût dans sa définition de l’accessibilité, J-P. Antoni approche la question sociale, mais il ne s’en saisit qu’à la marge, au détour d’une parenthèse. De fait, il n’envisage l’accès que sous sa forme physique la plus élémentaire, c’est-à-dire l’infrastructure de déplacement à laquelle semblent être réduites les « infrastructures de communication » et l’objet à même d’utiliser cette infrastructure (une voiture, un vélo, un train, etc). Cette définition est donc à mi-chemin entre la satisfaction d’un besoin de déplacement (accessibilité) et l’objet technique, l’infrastructure qui permet cette satisfaction (desserte). Il ne donne d’ailleurs pas de définition de « desserte » dans son lexique. Pierre Merlin et Françoise Choay proposent une définition similaire dans leur dictionnaire de l’urbanisme et l’aménagement12. L’accessibilité est réduite à la « possibilité d’accès à un lieu ou à partir d’un lieu. L’accessibilité caractérise le niveau de desserte et influe 10 Antoni J-P., 2009 11 Pour plus de précisions, se référer au célèbre article de J-M Offner paru en 1993 dans la revue L’espace géographique « Les effets structurants du transport : mythe politique, mystification scientifique ». 12 Merlin P., Choay F., 2009

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fortement sur le niveau des valeurs foncières. On peut mesurer l’accessibilité à partir d’un point (lieu de résidence) de plusieurs façons : - par « tout ou rien » : ce lieu est accessible ou ne l’est pas ; par exemple en fonction de la distance à la plus proche station des transports en commun, - par des courbes isochrones (reliant les points vers lesquels le temps de trajet est le même par un moyen de transport donné ou par le plus rapide) ; on peut ainsi définir des durées d’accès moyennes aux différentes destinations dans la ville (aux emplois par exemple) ou une durée d’accès au centre, - par une moyenne des coûts généralisés de déplacements aux différentes destinations (emplois par exemple), - en fonction de l’offre de transport et du système d’activités : la desserte d’un lieu est liée à la proximité des points d’arrêt des transports publics, à leur fréquence, à leur temps de trajet, aux destinations qu’ils permettent d’atteindre ». Là encore l’accessibilité est essentiellement réduite à sa composante mobilité puisqu’elle caractérise pour ces auteurs l’accès à un lieu et le niveau d’offre au départ de ou vers ce lieu. S’ils prennent également en considération la question de la satisfaction d’une interaction sociale (la « destination»), elle n’est approchée que sous l’angle de la destination à atteindre, sans considérer l’objectif, la motivation sociale du déplacement. Autrement dit, ils restent dans une perspective de desserte du lieu par diverses solutions de mobilité, sans rechercher les déterminants de la volonté des individus d’accéder à ce lieu, avec une mesure quantitative de l’accessibilité très réductrice (le temps, l’argent). D’ailleurs, pour ces auteurs, la confusion entre accessibilité et desserte est évidente, ils renvoient la définition de la desserte à celle de l’accessibilité. Pour R. Brunet, R. Ferras et H. Théry13, l’accessibilité est la « capacité à être atteint par une clientèle, un message, un service (de ac-cedere, parvenir). Elle dépend de l’état des moyens de transport et représente un coût : le monde entier est accessible en tous ses points, mais le coût d’accès peut être très élevé. […] On analyse aussi l’accessibilité des services publics, notamment de ces deux services fondamentaux que sont la formation et la santé : dans certaines parties de la diagonale dépeuplée de la France, l’accessibilité des écoles et des hôpitaux décroît, surtout si se poursuit en ce domaine une politique discutable de stricte « rentabilité » des services. L’accès aux services entre dans la qualité de la vie, le prix du logement, les stratégies de l’habitation. L’accessibilité peut se définir selon divers critères (aller et retour dans la journée, la demijournée, aller et retour permettant une journée complète de travail, tout ceci supposé à des tarifs « acceptables ») ». À la différence des auteurs précédents, R. Brunet, R. Ferras et H. Théry donnent une définition de la desserte : « Apport de biens, de denrées, d’informations, à un lieu ou à un ensemble de lieux (synonyme partiel : irrigation). La desserte d’un lieu est organisée par les transports en commun ou par des services spécialisées (tournées, messagerie). Elle porte aussi sur des fluides et des services : desserte en eau potable, en électricité, 13 Brunet R., Ferras R., Théry H., 2001

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desserte postale (cf. adduction). À noter que le mot est neutre, mais non le verbe : desservir peut être servir, ou dé-servir (une ville peut-être desservie par ses élus…) […] Les villes bénéficient de dessertes multiples : routières, ferroviaires, aériennes, etc ». Leur définition de l’accessibilité est la première où entrent en compte d’autres éléments que l’accès à un lieu, l’accès aux services. Mais ils ne détaillent pas réellement ce qu’est « accéder aux services » : est-ce uniquement une question de transport ? ou alors d’horaires d’ouverture ? La suite de la définition, où l’accessibilité est tributaire uniquement de critères liés à la mobilité, semble réduire l’accessibilité à un niveau d’offre de déplacements : offre modale, quantité d’offre pour arriver en un lieu, etc. Ceci est plus à rapprocher de la desserte pour moi. D’ailleurs, je ne peux être complètement d’accord avec leur définition de ce terme. La desserte d’un lieu n’est pas uniquement tributaire de l’organisation « de transports en commun ou de services spécialisés ». Est considéré ici uniquement l’objet permettant la desserte (le transport en commun, le service de livraison à domicile) sous un angle collectif. Pourtant une infrastructure de déplacement permet la desserte d’un lieu pour tout un chacun, à condition d’avoir accès aux ressources financières pour utiliser cette infrastructure et l’objet permettant d’utiliser cette infrastructure (une autoroute et une voiture par exemple). En ce sens, la desserte influence et hiérarchise les conditions d’accès. Pour conclure sur le sens de l’accessibilité dans les sciences du territoire et de la mobilité, il apparaît que les termes d’accessibilité et de desserte ne semblent pas avoir évolué pour les auteurs cités en fonction des enjeux qu’ils recouvrent à l’heure actuelle. Selon moi, et c’est le sens que j’accorderai à ces deux termes tout au long de ce travail, l’accessibilité signifie l’accès aux ressources du territoire, quelles qu’elles soient et quel que soit le moyen d’accéder à ces ressources alors que la desserte signifie l’organisation par la société de déplacements entre deux points d’un territoire. Ce peut-être l’organisation de déplacements par les transports collectifs ou bien la possibilité, pour les usagers en ayant les moyens (financiers, culturels, etc.) d’utiliser une infrastructure de déplacement pour réaliser un trajet. La différence essentielle est que l’accessibilité a pour objectif de satisfaire un besoin d’interaction sociale alors que la desserte n’est que l’organisation d’un déplacement par la société, le fait de rendre possible un déplacement. Le déplacement n’est pas une fin en soi. Il est motivé par une volonté d’interaction sociale. Dans les définitions analysées dans cette sous-partie, l’importance de ce déterminant de la mobilité qu’est l’interaction sociale à satisfaire apparaît au mieux comme sousjacente, alors qu’elle est essentielle dans la question de l’accessibilité. Il s’agit en effet d’identifier le lieu qui offrira les ressources nécessaires à la satisfaction de cette demande d’interaction, de s’y rendre, de son domicile au lieu lui-même, c’est-à-dire en prenant en compte l’ensemble des composantes de la chaîne de déplacements et enfin de pénétrer dans ce lieu. Les barrières à son accès peuvent donc être multiples et n’ont pas pour origine uniquement des freins physiques au déplacement : - Non identification du lieu permettant de satisfaire l’interaction recherchée, - Obstacles financiers, culturels, sociaux, etc. au déplacement, - Impossibilité de pénétrer dans le lieu (barrière physique, sociale [grève], ~ 13 ~


fonctionnelle [horaires d’ouverture], etc.) Desserte et accessibilité ne sont donc pas des synonymes, même si la première peut rendre possible la seconde, elle n’en est pas une condition sine qua none de succès. Si l’on raisonne uniquement en termes de mobilité, pour avoir accès à une ressource, quelle qu’elle soit, la desserte d’un lieu en transport en commun ne garantit pas son accessibilité : il faut en effet prendre en considération l’ensemble de la chaîne de déplacement, du domicile de la personne au lieu où se trouve la ressource à atteindre. Mais, ce n’est pas suffisant pour que le lieu soit accessible. Les arbitrages de structuration d’un réseau de transport en commun (techniques, politiques, financiers, etc.) ont donc un impact énorme sur les conditions d’accès aux ressources du territoire, sur l’accessibilité de la chaîne de déplacement car ces arbitrages structurent et hiérarchisent les conditions d’accès. Les revendications des élus ou de la société civile pour l’accessibilité d’un lieu sont donc en fait souvent des revendications de desserte, qui est une des conditions de l’accès aux ressources du territoire, mais pas la seule comme nous venons de le voir. Selon les choix faits, le territoire sera plus ou moins accessible selon la structuration du réseau. Il faut en effet se repérer (où prendre le bus ?), s’orienter (dans quelle direction ?), disposer des moyens d’utiliser ce transport en commun (financier, culturel [compréhension de la codification du réseau], etc.). L’accessibilité est donc tributaire de critères purement physiques, universels (l’accès au cadre bâti et à la voirie) comme de critères propres à chaque individu (culturels, sociaux, économiques, psychologiques, etc.) : la compréhension d’un plan de réseau de transport en commun, les moyens financiers pour utiliser ces transports en commun, etc. L’accessibilité pour tous se traduit alors par une société avec un minimum d’obstacles physiques au déplacement, mais également par la suppression de barrières sociales, culturelles (etc.) à l’intégration de chacun dans notre société (revenu minimum, formation, etc.). Il est évident que tout ne peut pas être accessible, ne serait-ce que parce que la société est en constante évolution, les demandes et besoins des individus également. Il faut alors tendre vers l’accessibilité, pour améliorer la satisfaction des besoins personnels des individus. Plus ces besoins seront satisfaits, plus de nouveaux besoins apparaîtront. L’accessibilité pour tous peut donc s’apparenter à une démarche de progrès social, elle renvoie à l’inclusion14 /exclusion des individus dans la société (économique, sociale, psychologique, physique…). L’exclusion, la marginalisation, voire l’inadaptation, sont des termes utilisés pour toutes personnes ne participant pas pleinement à la vie sociale, en mettant soit l’accent sur l’environnement (exclusion) soit sur la personne (inadaptation). Il existe aujourd’hui des politiques de lutte contre l’exclusion, pour l’insertion, qui sont des mesures curatives alors que l’inclusion est une mesure préventive. L’accessibilité pour tous renvoie à ces deux logiques, curative et préventive. Curative, car en fonction de l’évolution des capacités et des besoins de chacun, de nouvelles demandes d’interactions sociales voient 14 L’inclusion fait référence à la pleine participation des individus dans la société. Cette notion renvoie donc à l’intégration des différents profils de l’Homme dans la vie sociale et non à la considération d’une catégorie privilégiée.

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irrémédiablement le jour et donc potentiellement de nouvelles situations de handicap à éliminer. Préventive, car l’analyse doit amener la collectivité à anticiper l’évolution des conditions d’accès à son territoire et alors de concevoir ces dernières sans obstacles. La planification joue un rôle important dans cette logique : en hiérarchisant les fonctions et usages attendus sur un territoire, elle structure l’organisation de ce territoire, selon les choix de la collectivité. Elle invite alors à travailler la lisibilité, la signifiance de l’espace public pour éviter de le noyer sous toujours plus d’informations, qui ont pour but de rendre le territoire accessible par tout et pour tous. Par exemple, un territoire uniforme, où tout se ressemble, nécessite beaucoup de signalétique pour éviter que les usagers ne se perdent. Mais, dans cette situation, des conflits peuvent voir le jour : l’implantation de multiples panneaux et plans sur le trottoir ne risque-t-elle pas de gêner le déplacement ? La multiplication de l’information ne concourt-elle pas à la noyer et au final à ne pas aider l’usager à se repérer ? En pensant rendre le territoire accessible à tous, la collectivité a peut-être contribué à la baisse du niveau d’accessibilité. La planification, en exprimant des ambitions et hiérarchisant les choix pour la collectivité doit alors poser dès ce stade la question de l’expression des espaces publics, de leur capacité à éclairer l’usager sur ses fonctions et sur les usages possibles ou non. L’accessibilité ne peut donc être une fin en soi, c’est un processus d’amélioration continue des conditions de satisfaction d’interactions sociales de l’Homme dans son environnement.

1.2 L’évolution des perceptions : du handicap de la personne à la situation de handicap C’est dans ce cadre d’accès aux ressources du territoire et de chaîne de déplacements que la demande de mise en accessibilité des espaces publics des personnes en situation de handicap doit être comprise15. En effet, depuis les années 1970, la modification de la considération du handicap a mis en avant le rôle essentiel de l’environnement urbain dans l’accès aux ressources du territoire. C’est cette évolution que je m’attacherai à expliquer dans cette partie, en laissant de côté le rôle des acteurs associatifs dans cette mutation16 pour m’attarder sur l’importance de ce changement de regard et l’évolution législative qui s’en est suivie. En effet, entre la loi de 1975 et celle de 2005, toutes deux essentielles dans la reconnaissance du handicap, des évolutions majeures dans la considération ont eu lieu, non sans conséquence sur les différents textes de loi promus durant cette période. Pourquoi se centrer sur la période s’étalant de 1970 à aujourd’hui ? C’est l’intervalle durant lequelle deux lois majeures ont été élaborées (1975 et 2005). Pour reprendre les mots d’H-J. Stiker, « partir de l’avant 1975 et aller jusqu’à l’après 2005 découpe une 15 Dans sa Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006), l’Organisation des Nations Unies (ONU) distingue l’accessibilité (art.3) comme un des principes fondamentaux pour « promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque ». (art.1) 16 Pour plus de détails sur le rôle de l’Association des Paralysés de France (APF) dans l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société et plus précisément sur l’accessibilité des espaces publics et transport, se référer à M. Larrouy, L’invention de l’accessibilité.

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séquence historique qui a sa cohérence, qui marque une évolution, qui a installé des débats et des interrogations majeures17 ». L’objectif de cette partie est de comprendre comment la considération du handicap a évolué depuis les années 1970, comment un nouveau référentiel s’est progressivement substitué au cadre d’analyse communément admis jusqu’au début des années 1980. Il ne s’agit pas d’éclaircir le rôle des différents acteurs dans cette évolution, mais de comprendre comment elle impacte désormais les métiers de l’urbain.

1.2.1 Le modèle individuel Pourquoi un changement de regard sur le handicap ? d’une discrimination positive issue de la loi de 1975 à une intégration à la société ? Deux évolutions caractérisent les sociétés occidentales : celle du mode de vie qui privilégie l’individualisme (sur laquelle je ne m’attarderai pas) et celle de l’origine du handicap. Il est intéressant de constater que pour ces deux domaines, la voiture intervient fortement comme une des causes des évolutions. « Un des facteurs essentiels de changement, et il est commun à l’ensemble des nations occidentales, se trouve sans aucun doute dans l’évolution de la population concernée par la déficience. Évolution dans la prise de conscience, la prise de parole, la participation à la vie commune18 ». Autrement dit, les causes des déficiences ont évolué, pour simplifier très grossièrement, de la maladie aux accidents de la route. Il n’est ici aucunement question d’opposer différentes origines de déficiences, mais de comprendre en quoi l’apparition de nombreux accidentés de la route dans les années 1960-1970 va modifier la perception, la conscience des individus du handicap : il n’est plus systématiquement la conséquence d’une maladie, il peut être une conséquence sociale. Cette origine du handicap n’est pas nouvelle, puisque avant les accidentés de la route, les invalides de guerre et accidentés du travail signalaient déjà une provenance sociale du handicap. Avec la généralisation de l’automobile et l’absence de mesures de sécurité routière (la ceinture est obligatoire à l’avant des automobiles depuis 1973, en rase campagne uniquement, puis également en agglomération à partir de 1978 et à l’arrière depuis199019), les accidents de la route se multiplient, « le rattachement du handicap à la maladie s’éloigne davantage20 ». Ce qui ouvrira peu à peu la porte à une évolution de la considération du handicap, tout comme l’augmentation de l’espérance de vie et le nombre toujours plus important de personnes âgées dans notre société, individus de plus en plus fragiles au fur et à mesure de leur avancée dans l’âge, comme le montre le graphique suivant (en 2020, 21% des Français auront plus de 65 ans, pour 16% en 200221). Un recensement de l’ensemble des situations conduisant à un changement de considération du handicap pourrait être réalisé, mais ces deux items me permettent d’illustrer le terreau qui a apporté une évolution du regard sur le handicap. 17 Stiker H-J., 2009, p.11 18 Stiker H-J., 2009, p.11 19 http://www.securite-routiere.gouv.fr/IMG/Synthese/Ceinture_de_securite.pdf 20 Stiker H-J., 2009, p.12 21 Certu, 2003, p.4

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Les déficiences par type et par âge Source : Mormiche P, 2000, p.3

Avec la parution de la loi du 30 juin 1975, « le handicap prend réellement une dimension publique et se voit consacré comme un domaine de l’action politique22 ». Mais « la vision médicale et fonctionnelle, prédominante, conduit inévitablement à centrer la loi sur l’individu et ses déficiences23 ». Pour F. Chapireau, ce n’est donc pas une loi sur le handicap, mais une loi sur l’invalidité. Selon lui, cette loi « est construite au plus près de l’infirmité et de l’invalidité : elle est entièrement appuyée sur une définition du handicap qui tend à se clore sur la personne et non à s’ouvrir sur la situation handicapante ou sur l’interaction entre la personne et la situation24 ». Néanmoins, la loi de 1975 marque incontestablement une étape importante. Elle institue comme principe fondateur de la gestion du handicap un esprit de solidarité, avec des ressources garanties, c’est une loi avec des objectifs sociaux. Le contrecoup de cette reconnaissance du handicap des personnes est la recherche de l’incapacité (de participation sociale) produite par la déficience25. Pour X. Berthet, « en soutenant l’individualisation d’un problème de société, la nouvelle loi alimente un processus ségrégatif26 », même si le terme n’est pas énoncé, c’est une forme de discrimination positive qui est instituée par cette loi. L’analyse se 22 Berthet X., 2008,p.13 23 Berthet X., 2008,p.13 24 Chapireau F., 1988 25 Stiker H-J., 2009, p.202 26 Berthet X., 2008, p.16

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concentre donc sur le désavantage et le déficit de la personne comme frein à sa participation au jeu social. Le handicap est construit d’après une perception médicale (déficiences) et fonctionnelle (la personne ne marche pas), il est centré uniquement sur la personne, ce n’est pas « l’environnement qui crée l’obstacle, mais la personne qui y est inadaptée27 ». La solution d’accès à l’espace public et au cadre bâti se traduit donc par une prothèse : à public spécifique, équipement spécifique. Ces prothèses techniques, appliqués à l’environnement « normal » des « valides », s’apparentent à de « l’orthopédie de l’environnement », pour conserver un terme médical. Ainsi, au lieu de systématiser la conception de bâtiment ou d’espace public accessible à tous, permettant l’inclusion dans la société de chacun, de nombreux exemples se multiplient où la différence entre plusieurs niveaux est compensée par un accès secondaire avec une rampe28 au lieu d’imaginer des accès de plain pied. La critique a posteriori est facile et il ne faut pas omettre les qualités de ce texte (reconnaissance de droits, allocations individuelles, intégration d’établissements spécialisés, transports spécifiques [article 52 : « adapter les services de transport collectif […] faciliter la création et le fonctionnement de services de transport spécialisés »], etc.), première véritable loi à définir une politique du handicap et donc à ouvrir le débat sur une question de société. De plus, cette loi s’inscrit dans un contexte international encore largement dominé par une approche médicale du handicap La Classification Internationale du Handicap (CIH) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), élaborée par l’épidémiologiste anglais P. Wood et publiée en 1980 l’atteste. Le handicap est considéré « comme la conséquence d’une pathologie personnelle, qu’il convient avant tout de guérir ou éliminer par des moyens médicaux, technologiques ou génétiques29 ». P. Wood définit comme méthode la classification des maladies et leurs conséquences. C’est ainsi qu’après la maladie il distingue trois phases différentes dans le handicap : - Les déficiences (troubles du corps et / ou des organes) - Les incapacités (les conséquences des déficiences) - Les désavantages (les préjudices sociaux, scolaires, professionnels qui résultent d’une déficience ou d’une incapacité). Toutefois, lentement, les mentalités commencent à évoluer. À partir de 1981 se diffuse l’expression « Personne à Mobilité Réduite » (PMR)30. Ce n’est qu’un début et seul un nombre restreint de personnes s’intéressent à ce terme et aux publics qu’il recouvre. Cette expression est symbolique de l’évolution de la considération de l’évolution 27 Berthet X., 2008, p.18 28 Cette rampe secondaire comporte plusieurs inconvénients. Elle marque un accès différencié pour les PMR, la plupart du temps, elle n’est conçue que pour les usagers de fauteuil roulant et enfin, faute de normes, elle est souvent impraticable : trop raide, trop longue, sans appui… 29 Berthet X., 2008,p.11 30 Larrouy M., 2011, p93. En 2001, le parlement européen adopte cette défnition des PMR : « les personnes handicapées […], les personnes de petite taille, les personnes avec des bagages encombrants, les personnes âgées, les femmes enceintes, les personnes avec des chariots à provisions, les personnes avec des jeunes enfants ». Il faut néanmoins rappeler que cette définition a été longue à être adoptée.

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du handicap, même si elle est souvent source de confusion : nombre de personnes confondant « mobilité réduite » avec « incapacité motrice ». Or, si l’expression « PMR » est souvent, dans l’imaginaire de la plupart d’entre nous, associée à une personne en fauteuil roulant, elle recouvre en réalité un public beaucoup plus large : l’ensemble des personnes éprouvant des difficultés à se déplacer. Outre les personnes atteintes d’une déficience physique, sensorielle, mentale ou psychique, il faut ajouter les personnes âgées et celles ayant des difficultés temporaires à se déplacer (personne en béquilles, femme enceinte, voyageur chargé, livreur doté d’encombrants colis, etc.). La RATP commence à s’intéresser à cette thématique et, sans les nommer, considère les situations de handicap dès le début des années 198031 pour répondre aux besoins des PMR. Dès sa publication, la CIH rencontre des opposants qui lui reprochent d’occulter un problème de société en ayant une interprétation uniquement médicale du handicap, via le « modèle individuel ». Ils développent alors une approche multidimensionnelle, appelée par la suite « modèle social ». Toutefois, il faudra attendre la fin des années 1990 pour que ce dernier commence à s’imposer. En France, il a largement influencé l’élaboration de la loi du 11 février 2005.

Situation intrinsèque Maladie, trouble

Situation extériorisée

Situation objectivée

déficience

incapacité

Situation socialisée handicap

Un schéma de pensée linéaire Gadiollet B., 2011, d’après Berthet X., 2009-2010

1.2.2 Le modèle social du handicap Ce modèle met l’accent sur l’environnement : l’incapacité de participation à la vie sociale n’est pas le fait de la déficience de la personne mais de l’interaction entre la déficience de la personne, une volonté d’interaction sociale et un environnement inadapté, rigide dans son utilisation. Le handicap est donc le résultat d’un processus. L’impossibilité d’accéder à l’espace public ou au cadre bâti du fait de contraintes physiques ainsi que la discontinuité de la chaîne de déplacement sont désormais des facteurs reconnus de production de handicap : le handicap devient une production sociale. Les facteurs environnementaux (qu’ils soient physiques [cadre bâti, etc.], sociaux [codes de la société], etc.) sont des éléments qui peuvent être facilitateurs ou discriminants voire bloquants dans l’objectif de satisfaction d’interactions sociales pour une personne, c’est-à-dire d’accès à une ressource x dans un lieu déterminé. Toutefois, la CIH n’est publiée en France qu’en 1988, avec une traduction ne respectant 31

Larrouy M., 2011, pp.56-57

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pas strictement l’expression originale (International classification of impairments, disabilities and handicaps, dont la traduction littérale est « classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps »). Le modèle social va mettre du temps avant d’être définitivement élaboré et reconnu, bien que H. Bloch-Lainé en ait dessiné les contours dès 196732 en mettant en avant l’inadaptation de la société. Cependant, il va s’affirmer peu à peu, notamment à travers l’outil réglementaire. La loi du 13 juillet 1991 prévoit ainsi des mesures en faveur de l’accessibilité dans les ERP et les bâtiments d’habitation, bien que le référentiel médical de la CIH n’ait pas évolué. Contrairement à loi de 1975, ce n’est pas une loi sociale, mais elle a un objectif social : l’intégration des personnes en situation de handicap. D’ailleurs, depuis cette loi, l’accessibilité ne dépend plus des affaires sociales, mais de l’urbanisme. En 1993, l’OMS s’engage dans la révision de la CIH, qui aboutira en 2001 à la Classification Internationale du Fonctionnement (CIF) qui définit le handicap comme le résultat d’une interaction sociale et environnementale. Aujourd’hui, la CIF est toujours considérée comme le cadre théorique mondial des politiques du handicap.

Des situations de handicap multiples et variées Source : COLIAC & Région Centre, 2006, p.11

La loi du 11 février 2005, « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » est largement inspirée de la CIF. Remarquons néanmoins qu’elle utilise la formulation « personne handicapée » et non « personne en situation de handicap », portant ainsi le doute sur l’évolution de la considération du handicap par le Parlement. La définition qu’elle donne du handicap n’est pas non plus de nature à rassurer les défenseurs du modèle social : « constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou trouble de santé invalidant ». S’il est fait mention de l’environnement, la formulation est ambiguë et le facteur explicatif du handicap subi par la personne est « une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou trouble de santé invalidant ». La définition adoptée par l’ONU et figurant au 1er article de la Convention relative aux droits des personnes handicapées met davantage l’accent sur la question du processus, de l’interaction entre plusieurs facteurs : « par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou 32 Stiker H-J., 2009, p.196

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sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres33 ». La définition du forum européen des personnes handicapées me paraît plus appropriée : « le handicap résulte de l’interaction entre la déficience, l’incapacité qui en découle et l’environnement physique, social et culturel. Cette situation de handicap provoque une perte partielle ou totale d’autonomie et / ou des difficultés de pleine participation34 ». Cette définition est beaucoup moins ambiguë que celle de la loi du 11 février 2005. Pour reprendre les mots de H-J. Stiker : « travailler à la définition de la population concernée par une situation permet de définir le handicap comme représentant alors le préjudice subi par l’individu dans son insertion dans la vie sociale. Selon cette optique, le handicap devient un état dans lequel la personne est incapable, ou très pénalisée, de faire face à une situation considérée comme normalement maîtrisable35 ». Cette définition est plus explicite que celle de la loi du 11 février 2005 et souligne que le handicap n’est pas une constante (de la personne) mais une variable (dépendant de l’interaction de critères propres à la personne et environnementaux).

Facteurs de risque cause

Facteurs personnels Système organique Intégrité déficience

Facteurs environnementaux Facilitateur obstacle

Aptitudes Capacités incapacités

INTERACTIONS Habitudes de vie Participation sociale situation de handicap Le modèle social du handicap Gadiollet B., 2011, d’après Berthet X., 2009-2010

Quelle différence pour la personne entre ces deux lois, ces deux modèles ? Suite à la loi de 1975, la personne en situation de handicap reste une personne Anormale (dans le sens où elle ne correspond pas à la norme socialement reconnue et acceptée par le 33 ONU, 2006, article 1er 34 in Stiker H-J., 2009, pp.204-205 35 Stiker H-J., 2009, p.96

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plus grand nombre), il faut donc trouver des solutions d’adaptation, de compensation ou de substitution. La loi de 2005 et le modèle social apportent une vision différente, l’objectif est de rendre effective la participation à la vie sociale pour tous, la personne en situation de handicap a le choix de son projet de vie grâce à la compensation des conséquences de son handicap. Quelles conséquences sur l’accessibilité ont ces deux modèles ? Dans un cas, nous sommes dans une situation d’une accessibilité spécialisée, spécifique (issue d’une vision fonctionnelle et médicale du handicap) dans l’autre, il s’agit d’une accessibilité intégrée, globale, holiste36 (issue d’une vision du handicap comme processus interagissant avec l’environnement). Le tableau ci-dessus, réalisé par X. Berthet permet de saisir les différences essentielles entre l’accessibilité telle que conçue en 1975 et en 2005.

Explications avancées

Vision Période Modèle correspondant Solutions envisagées

La pe r sonnes ne peut pas accéder au bur eau de poste car : Elle est Elle ne peut Il y a des escaliers On ne se paraplégique pas marcher préoccupe pas de fournir un accès universel aux bâtiments Vision Vision Vision Vision politique médicale fonctionnelle environnementale Loi 1975 1975-1990 1990-2005 A partir de 2005 Modèle individuel Modèle social Des équipements de la personne (transports spécialisés, ascenseurs sécurisés, annonces sonores spécifiques, etc.)

Des aménagements disponibles pour tous (rampe, ascenseur libre service, etc.)

Une autre conception de l’espace (de plain pied, accueillant, contrasté, clair, etc.)

Liens de causalité entre vision du handicap et solutions d’accessibilité Gadiollet B., 2011, d’après Berthet X., 2008

Dans le tableau suivant, X. Berthet présente une synthèse de l’évolution des conceptions du handicap. Dans ce travail, j’ai décidé de ne pas rentrer dans le détail des modèles individuel et social (visions médicale, fonctionnelle, environnementale, politique). Je renvoie donc à son travail pour plus de précisions sur ce sujet. Entre 1975 et 2005, les conceptions de l’accessibilité ont largement évolué pour aujourd’hui tendre vers le design for all. À l’heure actuelle, il n’est théoriquement plus question de politiques pour permettre aux personnes en situation de handicap de se déplacer mais de politiques d’accessibilité au cadre de vie. En effet, il apparaît que, outre l’obligation 36

Larrouy M., 2011, p.17

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réglementaire et la nécessité morale37 de la mise en accessibilité du cadre bâti et de l’espace public, l’accessibilité peut être une façon pour repenser l’accès au cadre de vie pour tous.

Type

Opérations Publics destinataires Fonctionnement

Conception Illustrations (transport)

Accessibilité type 1, dite Accessibilité type 2, dite « spécifique » « intégr ée » Dès la publication de la loi de Plus tardive, émergeant lentement au 1975 et dont des traces perdurent cours des années 1980 pour actuellement s’imposer progressivement vers la fin des années 1990 Équipements spécialisés, Aménagements intégrés dans les parallèles au réseau de transport équipements en commun Aménagements réservés à Aménagements conçus pour tous, certaines catégories de la pas de réservation ou de restriction population définies en fonction d’utilisation de déficiences médicales Aménagement nécessitant une Aménagements utilisables en intervention humaine extérieure autonomie, c’est-à-dire ne nécessitant pas l’intervention d’un agent Aménagements perçus et conçus Accessibilité perçue comme un comme techniques (prothèses enjeu d’écologie urbaine architecturales, ponctuelles, etc.) Exemple du transport spécialisé Exemple d’une ligne de bus pour les UFR, des élévateurs accessible à tous, quelle que soit la réservés aux UFR, des annonces déficience, grâce aux planchers bas, sonores déclenchées par à la rampe d’accès et aux annonces télécommande sonores et visuelles automatiques, ou encore des automates utilisables par tous, etc.

Evolution des conceptions de l’accessibilité Gadiollet B., 2011, d’après Berthet X., 2008

1.3 De l’accessibilité pour tous au développement durable Aller au-delà de la situation de handicap, revient à réfléchir à l’accessibilité universelle, c’est-à-dire à l’accès aux ressources partout, pour tous et donc à penser l’origine des situations urbaines handicapantes. Les prothèses architecturales ou urbaines, si elles sont temporairement acceptables pour pallier le déficit d’accessibilité de l’espace public et du cadre bâti ne restent pas moins des dispositifs techniques ségrégatifs. Il est nécessaire, dès la conception de supprimer les situations de handicap pour favoriser l’autonomie des personnes et la coexistence d’usages multiples. Pour R. Thomas, les situations urbaines handicapantes « naissent autant d’une inadéquation entre l’espace conçu et les usages que d’une difficulté d’appropriation et de mobilisation des aménagements du lieu : le mobilier urbain, comme les dispositifs techniques et les services de l’espace, 37 « la morale ordonne et prohibe ; le bien apparaît comme un idéal aimé », Durkheim E., 1938, L’éducation morale, in Mauss (dir.). Cité par M. Larrouy, p.29.

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participent du déplacement du piéton38 ». La question sous-jacente de l’accessibilité est alors la place du piéton dans la ville. De quelle place dispose-t-il (aux deux sens du terme : place physique et occupation de l’espace public et présence du piéton dans les représentations collectives) ? L’enjeu n’est pas dans la correction des prothèses existantes, mais dans la conception des espaces publics de demain. Comment dépasser le stade de l’accessibilité ? Comment considérer la liaison entre l’homme et son environnement dans l’espace public ? La réflexion sur les usages dans l’espace public semble être une entrée pertinente, non pas en l’opposant à d’autres aspects (esthétique ou fonctionnel par exemple), mais en associant les paramètres du lien social et du cadre bâti, en considérant ce dernier comme le support de mise en forme du lien social. La réflexion ne doit pas s’appuyer sur des dogmes reflétant la position et la volonté des différents acteurs, mais au contraire, associer les contraintes et besoins de chacun pour obtenir des espaces publics de qualité pour tous. La réflexion se portera alors principalement sur trois points39 : - un espace public fonctionnel, répondant notamment aux besoins de gestion aisée des réseaux pour les techniciens, - un espace public harmonieux, permettant principalement une mise en valeur patrimoniale de l’espace public, souvent demandée par les élus et certains maîtres d’œuvre, - un espace temps public accessible, rendant, entre autres, possible et aisée la réalisation d’interactions sociales sans difficulté pour les usagers. La question sous-jacente est la forme de gouvernance permettant une bonne intégration de ces trois dimensions et dans la modularité de la norme dans la conception des espaces publics, c’est-à-dire dépasser les approches normatives et technicistes de l’accessibilité pour se focaliser sur l’Homme et ses besoins. Dans ce contexte, le concept d’universal design, ou conception universelle paraît tout à fait adapté. Il est ainsi défini par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13 décembre 2006 : « On entend par « conception universelle » la conception de produits, d’équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous, dans toute la mesure possible, sans nécessiter ni adaptation ni conception spéciale. La « conception universelle » n’exclut pas les appareils et accessoires fonctionnels pour des catégories particulières de personnes handicapées là où ils sont nécessaires40 ». Il se base sur sept principes pour permettre l’inclusion de chacun dans la société, quelles que soient ses caractéristiques personnelles : - « Utilisation égalitaire, évitant la ségrégation ou la stigmatisation de l’utilisateur, - Flexibilité à l’usage des outils et ustensiles indifféremment dessinés pour droitiers ou gauchers par exemple, ou plus généralement pour des sujets frappés de handicaps légers, 38 Thomas R., 2005, p.45 39 Zepf M. (dir.), 2004, p11 40 ONU, 2006

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- Utilisation simple et intuitive, ou comment faciliter l’usage d’un appareil, d’un outil à toute personne, quelles que soient sa langue et sa culture, - Information perceptible, ou communiquer le nécessaire en images, mots ou sensations, tactiles par exemple, - Réduction des risques d’accidents domestiques, ou comment le design peut concourir à la sécurité, - Effort physique minimal en sollicitant peu ou pas du tout le corps et en réduisant au maximum la fatigue, - Dimension et espace libres pour l’approche et l’usage dans l’habitat (cuisine, salle de bains) ou les services (transports, bâtiments publics, magasins)41 ».

Les âges de la vie Source : Grosbois, L-P., 2007

Ce dessin, illustrant la pyramide des âges, permet de comprendre l’intérêt d’une conception universelle et non centrée sur le « cadre dynamique et motivé » du sommet de la pyramide : il est en réalité loin d’être majoritaire bien qu’omniprésent dans les représentations collectives. R Herbin a développé une autre méthode mettant aussi l’accent sur des usages pour tous : la haute qualité d’usage. L’objectif de cette méthode est d’apporter un confort d’usage de l’espace public et du cadre bâti pour tous, c’est une démarche qualité de conception d’espace public. R. Herbin développe cette méthode en s’appuyant notamment sur le concept de « convenance des espaces de vie » qu’il analyse selon 41 Bassereau, 2005, p.3

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des critères de confort et de sécurité42. La démarche participative est également très présente dans cette méthode puisqu’il fait appel au concept maîtrise d’usage pour associer les citoyens à l’amélioration continue de leur cadre de vie. La maîtrise d’usage intervient dès la conception des projets, au côté de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre, dans l’objectif d’élaborer des projets correspondant au mieux aux attentes des citoyens-usagers -habitants. L’usager apparaît alors comme l’expert de son territoire, le maître d’œuvre comme l’expert technique, capable de proposer des solutions adaptées aux besoins des habitants et aux contraintes du maître d’ouvrage. Ce dernier étant le décideur final, celui qui arbitre, choisit en fonction des attentes de la population (maîtrise d’usage), des préconisations du technicien (maître d’œuvre) et de ses propres contraintes (budget disponible, délai de mise en œuvre, etc.). Il ne s’agit pas ici d’opposer usage et environnement, mais au contraire de comprendre les relations qui les lient. L’usage ne symboliserait-il pas le pilier social du développement durable ? Le produit des notions de qualité environnementale (HQE), qualité d’usages (HQU) et de coût global ne pourrait-il alors pas être une base de transcription du concept de développement durable dans la conception de l’espace public ? L’accessibilité ne serait-elle pas le moyen d’investir le champ social du développement durable ? Concrètement comment faire pour les techniciens ? Comment aller au-delà de la réflexion sur la chaîne de déplacements et son accessibilité ? L’apport des usagers est essentiel pour identifier les interactions sociales potentielles existantes et souhaitées ainsi que les obstacles présents, ressentis, à la satisfaction de ces interactions. Il s’agit d’offrir des espaces publics adaptés aux capacités et aux besoins de l’usager, ce qui passe par l’adoption de critères qualitatifs. L’apport d’autres sciences peut également favoriser la compréhension des besoins de l’usager, le design, avec la théorie du design for all, ainsi que l’ergonomie ou l’ergothérapie43 peuvent également être des clés d’entrées permettant de comprendre les besoins de chacun et les meilleures réponses possibles qu’architectes et urbanistes peuvent apporter. F. Beaucire et G. Ignazi parlent d’ergonomie urbaine, dont l’objectif est de « mettre l’homme au centre de l’espace et de l’aménagement. L’ambition finale est de permettre une pré-évaluation d’un projet d’aménagement urbain dès sa conception44 ». L’ergonome G. Ignazi décrit les « états de la mobilité quotidienne » d’un usager dans le cadre de ses différentes activités dans l’espace public. Selon lui, deux éléments sont à prendre en compte : - L’état, la condition de l’usager sont différents à tout moment de la journée, - Chaque interaction sociale demande une dépense d’énergie dépendant de nombreux facteurs. 42 http://www.cstb.fr/actualites/webzine/thematiques/accessibilite/vers-une-qualitedusage-universel.html Ces deux critères me paraissent plus pertinents que ceux de M. Larrouy qui considère ceux de la qualité et de la sécurité. A mon sens, la qualité d’un espace public n’est pas un critère en soi mais plus la résultante de la sécurité et du confort d’usage de l’espace public étudié. 43 Sur ce sujet, l’excellent livre de l’ergothérapeute D Ferté (2008) fait référence, bien que ciblé sur l’accessibilité du domaine universitaire de Grenoble. La racine ergo provient du grec et signifie travail, activité, ouvrage, etc. Elle renvoie à l’action, au fonctionnement. 44 Certu, 2004a, p.3

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La question est alors comment limiter les dépenses d’énergie « inutiles » ? Franchir une barrière physique a un coût énergétique pour chacun d’entre nous, s’orienter dans un espace public inconnu représente aussi une dépense, plus intellectuelle. En fonction des capacités des personnes, ces coûts et dépenses sont plus ou moins élevés, mais la réflexion ne se porte pas encore suffisamment sur comment limiter l’impact sur chacun d’entre nous de ces coûts environnementaux. Cette réflexion illustre le caractère insuffisant de la norme45, qui en uniformisant les situations tend vers une vision fonctionnaliste de l’environnement, alors qu’il est nécessaire de mesurer chaque difficulté et d’y apporter une réponse appropriée, pas forcément généralisable. Pour ce faire, une grille d’évaluation avec des critères définies et par conséquent limitants est donc inéluctable. L’enjeu porte donc sur la capacité des critères à évaluer le plus pertinemment possible chaque situation de handicap et à servir de base pour l’action corrective des situations de handicap identifiées, c’est-à-dire, dépasser le stade du constat pour tendre vers la préconisation de solutions adaptées. À aucun moment mon propos n’est de remettre en question la norme. Elle est essentielle car elle fournit un cadre, un référentiel pour l’action qui est compatible avec les contradictions des besoins individuels et les contradictions d’évolutions dans le temps. Mais elle ne saurait suffire et l’analyse des usages est essentielle. Cependant, une fois cette analyse faite, le choix à faire est éminemment politique, au sens d’organisation de la cité. L’identification des usages, des échanges et des conflits qu’ils génèrent sur l’espace public amène alors à choisir entre : - Polyvalence : mélanger les usages dans l’espace public, dans la limite de leur compatibilité, - Multifonctionnalité : séparer les usages dans l’espace public et les vivre séparément, comme une somme d’usages possibles en coprésence mais distincts les uns des autres46. La question que je me pose alors est comment éviter que les interactions sur l’espace public ne se limitent à une série de conflits à arbitrer ? L’espace public est certes le lieu du conflit, mais aussi celui de l’échange. Cette multifonctionnalité ne tendrait-elle pas à réduire au minimum les échanges ou alors est-ce le fruit d’une évolution sociale à laquelle l’espace public ne fait que s’adapter ? Il ne s’agit pas ici d’opposer de façon dogmatique espace public polyvalent et espace public multifonctionnel. Si le premier paraît être en mesure de faciliter une conception à même d’offrir une mixité des usages, il est nécessaire de se rappeler qu’aujourd’hui la ville se recompose sur elle-même. Les contraintes auxquelles les professionnels du fait urbain et de l’aménagement doivent alors faire face ne peuvent pas forcément être compatibles avec cette polyvalence. La multifonctionnalité des espaces publics peut être une solution contrainte dans le cas de rénovation où l’environnement urbain ne permet pas de mélanger les usages. La co-présence d’usages n’est-elle pas préférable à l’absence d’usages ? 45 Qui plus est la norme ne défini aucun critère d’analyse et donc de solution adéquate pour les publics présentant des déficiences auditives ou cognitives. 46 Certu, 2004a, p.6

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Et, au-delà de ces contraintes, faut-il concevoir tout espace public dans une logique de polyvalence et de mélange des usages ? Prenons l’exemple d’une voirie à forte circulation routière. Faut-il la concevoir selon ce modèle polyvalent ou alors selon une logique multifonctionnelle de séparation des usages routiers, cyclistes ou piétonniers pour des questions de sécurité ? Je n’ai pas de réponse à ces questions et ce n’est pas l’objet de ce travail, mais cette question est centrale dans la conception d’un espace public et déterminera fortement l’utilisation de ce dernier.

Conclusion partielle Dans cette première partie, je me suis attaché à démontrer que l’accessibilité est un terme polysémique et qu’il peut donc être source de confusions entre acteurs aux formations différentes. Après avoir expliqué le sens que j’accorde à ce terme, l’accès aux ressources du territoire, c’est-à-dire l’accès aux espaces sociaux, il m’a paru important d’expliquer les liens entre l’évolution de l’accessibilité, celle du concept de chaîne de déplacement et celle de la considération des personnes en situation de handicap pour aujourd’hui arriver à une conception de l’accessibilité orientée par le modèle social du handicap. La prise en considération de l’interaction entre les capacités de la personne, ses besoins et désirs de participation à la vie sociale et l’environnement bâti est à l’origine de la loi du 11 février 2005. Pourtant cette dernière, par son appellation même, ne met pas explicitement en avant les liens entre facteurs personnels et environnementaux. Cette loi doit pourtant être entendue comme étant une base minimum et en aucun cas un seuil. Malgré tout aujourd’hui, il n’est pas encore évident que l’accessibilité soit bénéfique à l’ensemble de la population. Le concept de haute qualité d’usage développé par R. Herbin est intéressant dans le sens où il recadre le débat sur l’accessibilité. Il ne s’agit pas d’accessibilité aux personnes dites handicapées mais de qualité d’usage du cadre bâti et des espaces publics. La question de l’accessibilité va donc bien au-delà de quelques personnes présentant des déficiences pour se porter sur la place du piéton en ville. Les personnes en situation de handicap ne sont pas le problème, elles ne sont que le révélateur de situations urbaines handicapantes, pénibles mais acceptables pour la majorité d’entre nous alors qu’elles sont de véritables barrières lorsque l’on souffre d’une difficulté temporaire ou permanente à se déplacer dans l’espace public. « Rendre la ville accessible à tous, c’est [donc] garantir la qualité d’usage des lieux et services qui la constituent47 ».

47 Certu, 2004b, p11

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partie 2 L’accessibilité, une démarche qualité pour la production de l’environnement urbain

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Comme nous venons de le voir, traiter les espaces publics en allant au-delà de la question de l’accessibilité, pour intégrer la question des usages, de l’appropriation et de l’utilisation des dits espaces semble s’imposer si l’arbitrage politique privilégie leur polyvalence à leur multifonctionnalité. Néanmoins, dans cette deuxième partie, je me bornerai à traiter l’accessibilité comme un outil de réflexion, de conception de l’espace public, sans rentrer dans le détail des outils et méthodes des approches d’ergonomie urbaine ou de haute qualité d’usage. En apparence, cette démarche est contradictoire avec la fin de la partie précédente. Toutefois, je tiens à intégrer ici la notion de faisabilité, de réalisme dans l’action. En effet, comme nous le verrons plus loin, la notion de situation de handicap et la perception de l’accessibilité comme un outil de construction du projet urbain ne sont pas encore partagées par le plus grand nombre. Il me semble important de travailler ici sur ce qui est faisable aujourd’hui et à court terme, et non sur ce que je souhaite, mais qui n’est guère envisageable, même dans de grandes agglomérations disposant d’une expertise technique conséquente. Encore aujourd’hui, les maîtres d’ouvrage publics ne traitent que rarement les espaces publics sous l’angle de leur qualité pour favoriser des usages multiples, peut-être ne disposent-ils pas des méthodes et outils adéquats pour dépasser un mode opératoire principalement basé sur des critères normés quantitatifs. Qui plus est, le concept de haute qualité d’usage est récent et n’est pas encore suffisamment diffusé et partagé par tous pour pouvoir l’invoquer comme méthode de conception de l’espace public. Peut-être nécessite-t-il même d’être encore développé, approfondi. C’est également pour ces raisons que je ne développe pas le concept de configuration sensible de l’espace public et que je renvoie à la lecture des articles et ouvrages de R. Thomas, et plus généralement des chercheurs du Centre de Recherches sur l’Espace Sonore et l’Environnement Urbain (CRESSON) de l’école d’architecture de Grenoble sur ce sujet. Une étape intermédiaire est donc nécessaire. C’est l’accessibilité, non pas en prenant la loi de 2005 comme objectif à atteindre, mais comme seuil minimal à satisfaire, pour pouvoir ensuite dériver vers l’accessibilité comme pilier social du développement durable. Pour reprendre les mots de R. Thomas, il s’agit ici de réfléchir en termes de « situation urbaine handicapante » en s’appuyant sur l’expérience des populations dites « handicapées » pour « valoriser les potentialités d’action et dénoncer les obstacles liés à certaines configurations spatiales1 ». L’objectif de cette seconde partie est d’établir que l’accessibilité n’est pas qu’une contrainte imposée par la loi pour quelques personnes, mais bien au contraire que c’est une thématique éminemment transversale, qui permet d’appréhender le fait urbain dans sa globalité. Je m’attacherai alors à démontrer que la question du coût n’est pas essentielle, à la différence du mode opératoire et des fonctionnements induits par la réglementation. Dans un second temps, j’aborderai la problématique de comment traiter l’accessibilité 1 Thomas R., 2005, p.170

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quand la norme est muette, qu’elle n’impose pas un type d’aménagement ou d’équipement au maître d’ouvrage. Il s’agit alors de réfléchir à la définition de critères qualitatifs permettant l’accessibilité partout, pour tous. Dans cette optique, la démarche participative joue un rôle important, notamment de par son apport au processus créatif pour la maîtrise d’ouvrage et / ou la maîtrise d’œuvre.

2.1 Au-delà de la contrainte De nombreuses études ont démontré que les personnes en situation de handicap représentent entre 25 et 40% de la population française. La plus connue d’entre elles est l’enquête Handicaps, Dépendances Incapacités (HID) de l’INSEE, dont le tableau synthétisant les déficiences ressenties par la population est présenté ci dessous.

T r anche d’âge 0 à 9 ans 10 à 19 ans 20 à 29 ans 30 à 39 ans 40 à 49 ans 50 à 59 ans 60 à 69 ans 70 à 79 ans 80 à 89 ans 90 ans et plus Ensemble

Aucune 81.30 5 923 201 70.05 5 242 634 75.63 5 770 116 70.80 6 043 864 65.88 5 438 199 53.86 3 582 240 33.53 1 805 795 22.364 996 321 7.61 114 166 5.34 15 077 60.84 34 931 613

Tout typ e de déficiences Exclusivement Et autres déficiences 16.17 1 178 220 2.53 184 090 23.67 1 771 801 6.27 469 572 17.54 1 338 418 6.83 520 991 20.35 1 737 184 8.85 755 193 19.18 1 583 458 14.94 1 233 386 19.92 1 324 453 26.22 1 743 798 29.25 1 575 137 37.23 2 004 891 25.18 1 108 231 52.18 2 296 833 21.53 323025 70.87 1 063 387 8.28 23386 86.39 244 048 20.84 11 963 18.32 10 516 189 313

Pourcentage et effectifs d’individus souffrant (exclusivement ou non) de déficiences par tranches d’âge Goillot C., Mormiche P., 2002, p.70

Je ne reviendrai pas sur ce chiffre et sur la part non négligeable de personnes concernées par des espaces publics accessibles à tous. Il me paraît plus pertinent de s’intéresser aux principales critiques faites aux démarches de mise en accessibilité de l’espace public. À savoir, que c’est une thématique spécifique avec un public spécifique et des critères d’évaluation spécifiques (après tout, même si les PMR sont plus nombreux que les personnes souffrant d’une déficience, ils ne sont pas la majorité) et que son coût est beaucoup trop élevé pour les collectivités locales, les contraignant alors à faire des économies sur d’autres secteurs, l’esthétique par exemple. Je m’attacherai à démontrer que ces deux affirmations ne sont pas fondées, en me basant notamment sur des chantiers menés par Iter. La question du coût, du fait du faible nombre de retours d’expérience, est difficile à traiter. Je m’efforcerai d’illustrer qu’une approche globale de l’accessibilité n’entraîne qu’un surcoût marginal et que cette question est souvent utilisée comme prétexte mais qu’elle ~ 31 ~


ne se base sur aucun chiffre réel ou étude scientifique. Il est vrai que les interventions sur l’espace public sont extrêmement coûteuses, mais que le rendu soit accessible ou non, le coût ne varie qu’à la marge. En traitant des situations de handicap et en avançant les chiffres de l’enquête HID, il me semble avoir déjà abordé la question de la spécificité de l’accessibilité. Je préfère m’intéresser aux effets non désirés de la loi du 11 février 2005 et à l’importance du mode opératoire ainsi que des critères retenus pour comprendre pourquoi l’accessibilité n’est pas encore utilisée comme un outil du projet urbain permettant d’intégrer le pilier social du développement durable. Travailler sur l’accessibilité conduit à se pencher sur la place du piéton en ville et sur les conflits d’usage avec les autres modes de déplacement. Elle peut donc être une opportunité pour repenser les vocations de la voirie et l’usage prioritaire que la collectivité souhaite pour ses espaces publics. Je présenterai des exemples basés sur des études menées par Iter illustrant le lien entre critères quantitatifs et apparente transversalité de la démarche mais sans changement de mode opératoire. Encore une fois, ce mémoire n’a pas pour objet le cadre bâti, mais devant le faible nombre de retours d’expérience aujourd’hui disponibles, pour étayer mes propos, je pourrais citer des exemples concernant le cadre bâti ou le milieu du transport collectif afin de mettre en avant l’intérêt pour tous d’une démarche d’accessibilité universelle.

2.1.1. La surévaluation de l’importance du coût et les incohérences de la loi de 2005 2.1.1.1 Quel coût pour des espaces publics accessibles ? « L’architecture, avant d’être un métier de constructeur, est d’abord une pensée créatrice, une volonté de changer la vie en transformant le bâti. Et la première condition d’une recherche d’harmonie est de supprimer les obstacles, les impossibilités […]. L’accessibilité du bâtiment ne concerne pas que les personnes handicapées, elle est utile à tous. Non seulement elle apporte plus de confort au quotidien, mais elle est aussi plus économique. Une attitude préventive est préférable à tous points de vue à une correction a posteriori2 ». Bien que cette citation soit issue d’un ouvrage traitant de l’accessibilité du cadre bâti3, il me semble qu’elle est transposable à l’espace public. D’ailleurs, Hervé Buissier, chef de projet accessibilité de la ville de Grenoble ne dit pas autre chose dans une interview réalisée par le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement (CAUE) de l’Isère : « il n’y a pas vraiment de différences de coûts pour l’espace public4 ». Intervenir sur l’espace public est extrêmement coûteux, outre la problématique 2 Grosbois P-L., 2007, Avant propos 3 Par ailleurs, l’OMS estime le coût de l’accessibilité dans la construction neuve de bâtiment public à +1% (OMS, 2011, p.16). 4 Vidéo accessible à cette adresse : http://www.dailymotion.com/video/xf4uye_de-l-accessibilite-a-une-haute-qual_news

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du traitement en surface, il faut aussi penser aux nombreux réseaux souterrains qui cheminent sous les places et voiries. La question est alors construire un espace public neuf accessible coûte-il plus cher qu’un espace public non accessible ? Les deux citations précédentes nous ont indiqué que le surcoût, si surcoût il y a, est marginal. Les normes sont contraignantes et nécessitent un effort d’adaptation des méthodes et outils des différents acteurs de la chaîne du bâtiment (maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’oeuvre, bureaux d’études spécialisés, entreprises de BTP, industriels) mais elles n’engendrent pas de coûts supplémentaires importants. La mise en accessibilité est « indolore » puisque intégrée dans la conception de l’ensemble de l’espace public. Ce raisonnement en coût global est valable pour la construction neuve ou la refonte complète d’un espace public mais pas pour une rénovation a minima. La pose de prothèses architecturales, qui nécessite l’aménagement ou l’équipement d’un espace public pour le rendre accessible en intervenant à la marge (dont le symbole le plus représentatif est la rampe d’accès), amène à formuler la question du coût différemment : - Le surcoût est réel mais relativement réduit par rapport à une rénovation d’un espace public dans sa globalité. Il s’agit d’apporter quelques corrections à un espace public non accessible. La collectivité ne se place alors pas dans une démarche holistique de l’accessibilité mais dans une logique minimaliste de mise en accessibilité au coup par coup. Une bande d’éveil de vigilance (BEV) coûte autour de 40€ le m2 (hors pose), la mise en accessibilité complète d’un arrêt de TC dépasse généralement les 30 000€ : 35 000€ par arrêt à Grenoble5, 49 000€ par arrêt pour une ligne express en Île de France6. Ces coûts ne sont évidemment pas négligeables mais bien inférieurs à la réfection totale d’un espace public. - Le surcoût est manifeste : la réalisation initiale et les éventuelles rénovations de l’espace public ont été coûteuses pour la collectivité et il faut encore intervenir pour corriger les défauts de conception antérieurs. Si l’accessibilité de l’espace public avait été considérée dès la conception de l’espace public, il n’y aurait pas besoin d’intervenir aujourd’hui, la collectivité économiserait alors ce surcoût de mise en accessibilité. Cette dichotomie permet de comprendre le positionnement des différents acteurs. Les associations arguant de l’absence de surcoût de l’accessibilité (conception en coût global) alors que les collectivités doivent faire face à des dépenses souvent non budgétées pour rattraper les erreurs du passé (surcoût des prothèses). L’enjeu n’est donc pas dans la pose des prothèses mais dans la conception ou la rénovation complète d’espaces publics. L’installation de prothèses sera nécessaire pendant quelque temps pour éliminer les situations de handicap, mais demeure une solution non pérenne, pas totalement satisfaisante puisque c’est une compensation, mettant généralement l’accent sur la déficience de la personne plutôt que sur la situation de handicap. Si les espaces publics neufs ou rénovés conçus aujourd’hui ne le sont pas dans une optique d’accessibilité pour tous, il y a de fortes probabilités qu’il sera nécessaire d’intervenir demain pour combler les probables situations de handicap qui se révéleront à l’usage. 5 http://www.localtis.info/cs/ContentServer?pagename=Mairie-conseils/MCExperience/ Experience&cid=1245645183320 6 Certu, Adf & Adstd, 2006, p.74

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Là où il peut éventuellement y avoir surcoût, c’est lorsque plusieurs paramètres à prendre en compte sont plus ou moins compatibles, que la collectivité doit trancher un conflit entre deux impératifs techniques. Par exemple, aujourd’hui, un trottoir ne doit pas excéder 2% de dévers. Hors l’évacuation des eaux pluviales nécessitent un dévers compris entre 0,5 et 6% selon les contextes. Il y a donc conflit manifeste : les solutions pour satisfaire ces deux exigences peuvent engendrer des surcoûts. Toutefois, la loi n’impose aucun délai de mise en accessibilité des espaces publics et de la voirie. Ce qui est rationnel : il serait financièrement impossible de rendre accessible l’ensemble du territoire en 10 ou 15 ans, sans évoquer la constante évolution des besoins ou du manque de compétences de la majorité des acteurs, qu’ils soient maître d’ouvrage, maître d’œuvre ou entreprises de BTP. Le législateur a donc fait preuve de pragmatisme en exigeant que les réalisations neuves ou les rénovations soient accessibles, sauf Impossibilité Technique Avérée7 (ITA). Dès lors, pourquoi tant de récriminations sur le coût de mise en œuvre ? Il est manifeste qu’en raisonnant en coût global (construction, maintenance et entretien), la mise en accessibilité de l’espace public ne coûte pas plus cher qu’un espace public inaccessible, voire moins si l’on budgète l’absence de coûts de compensation de pose de prothèses. Mais l’obligation de rendre l’espace public accessible dès que des travaux sont programmés a pour conséquence de devoir budgéter des travaux pas forcément anticipés par la collectivité. Dans le cas d’intervention lourde (enfouissement de lignes électriques par exemple), l’impact est infime car il faut reprendre tout ou partie de la voirie. Par contre, une intervention légère (changement de mobilier urbain par exemple, sans toucher aux réseaux) entraîne la mise en accessibilité de l’ensemble de la section de voirie traitée. Si elle était accessible, le surcoût sera nul, si elle ne l’était pas, les coûts peuvent augmenter de façon conséquente. En ce sens, l’argument du coût de l’accessibilité pour la collectivité est compréhensible. Mais la question est : pourquoi avoir construit ou rénové des espaces publics depuis 30 ans sans prendre en considération les différents décrets parus depuis la loi de 1975 ? Il est vrai qu’ils n’imposaient aucun délai de mise en œuvre ni aucune pénalité. Les élus actuels doivent donc parfois supporter le coût de 30 années d’incurie et de non-respect de la législation, pour avoir arbitré en faveur de la voiture le plus souvent. Ce qui coûte également cher, c’est paradoxalement la politique de mise en accessibilité a minima, c’est-à-dire au coup par coup, sans vision globale ni formation des acteurs. Pourquoi ? Car la plupart du temps, il s’agit d’une politique de pose de prothèses architecturales et urbaines, plus ou moins appropriées aux besoins et capacités des personnes en situation de handicap. Les exemples de prothèses inadaptées sont légion. Ci-dessous un florilège de quelques situations qui illustrent ce propos. Je ne jette pas ici la pierre sur les personnes qui ont commandé, conçu ou réalisé ces travaux, mais 7 Pour mémoire, seules les caractéristiques du terrain (pente et dévers) sont considérées comme une ITA pour l’espace public. Aucun autre critère ne rentre en compte, y compris le coût de mise en œuvre.

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plutôt aux élus qui se sont contentés d’une politique à courte vue et d’une interprétation minimaliste de la loi, sans donner à leurs techniciens les moyens de contrôler l’utilité et la qualité des travaux.

Ressaut mal traité Grosbois L-P., 2007

Caniveau ensablé, bourrelet du revêtement et ressaut du bateau bloquant la roue Grosbois L-P., 2007

Grille avec fentes supérieures à 2cm Grosbois L-P., 2007

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Cheminement et quai de bus inférieurs à 1,40m (Rue des Crêts, Bourg en Bresse) Cliché : Gadiollet B., 2011

Absence de continuité dans le cheminement (Rue des Crêts, Bourg en Bresse) Cliché : Gadiollet B., 2011

Passage piéton et cheminement non conformes (Rue des Crêts, Bourg en Bresse) Cliché : Gadiollet B., 2011

Ces aménagements n’éliminant pas les situations de handicap, ils ne sont pas acceptables. Certains sont même non conformes, le surcoût provient donc essentiellement de la mise aux normes d’équipements ou aménagements neufs mal conçus et / ou mal réalisés. L’accessibilité est un sujet complexe, qui nécessite, outre une connaissance théorique du sujet, de se « frotter » au terrain pour comprendre les multiples situations de handicap existantes, les actions envisageables et les liens avec les thématiques afférentes. Respecter une norme sans se poser la question des impacts des arbitrages financiers et techniques de la collectivité amène donc à des situations où les usages ne sont pas forcément possible, comme en témoigne les photos de Bourg en Bresse ci-dessus. Il faut donc du temps pour modifier les outils de conception et de programmation avant de parvenir à élaborer des solutions recoupant l’ensemble des enjeux de l’accessibilité. Toutefois, il ne faut pas occulter l’inertie dont font preuve certaines collectivités : comment se fait-il qu’une loi passée en 2005 ne soit pas maîtrisée, au moins dans ses fondements, par certaines d’entre elles six ans après ? Il ne faut pas faire d’amalgame et je suis bien ~ 36 ~


conscient que des collectivités sont très en avance sur cette thématique. Néanmoins, ce n’est pas encore le cas pour toutes. Plus grave, certaines semblent n’avoir aucune volonté politique de traiter ce sujet, comme l’indique le baromètre de l’accessibilité de l’APF8. Enfin, pour conclure sur le coût de l’accessibilité, il ne faut pas oublier que les situations urbaines handicapantes ne sont pas forcément figées et peuvent uniquement être la résultante d’un mobilier urbain inadéquat, comme l’indiquent les photos suivantes.

Grilles sur cheminement avec fentes supérieures à 2cm source : Goutte C., Lauby J-M., Longe C., Sahmi N., 2008

Boîte aux lettres en saillie de plus de 15cm et non repérée au sol

Exemple d’aménagement évitant que la boîte aux lettres ne constitue un obstacle

source : Goutte C., Lauby J-M., Longe C.,

source : Goutte C., Lauby J-M., Longe C.,

Sahmi N., 2008

Sahmi N., 2008

Pour mettre en valeur cette barrière du mobilier urbain à l’accessibilité, Iter produit des cartes d’accessibilité de la voirie avec et sans mobilier : comme nous pouvons le voir, les différences sont conséquentes ! Une section qui apparaît comme inaccessible peut finalement l’être uniquement du fait d’un alignement de potelet réduisant la largeur du cheminement. Le coût peut donc fortement varier pour la collectivité s’il s’agit seulement 8

L’express et APF, 2011

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de remplacer du mobilier urbain ou a contrario s’il faut refaire tout un cheminement piéton en prenant garde à ne pas dépasser les 2% de dévers.

Diagnostic voirie sans prise en compte du mobilier urbain / avec prise en compte du mobilier urbain. source : Iter, 2011c

L’objection du coût de la mise en accessibilité des espaces publics est donc difficilement recevable dans la plupart des cas. Sans vouloir polémiquer, il me semble que le traitement esthétique de l’espace public représente un surcoût évident. Je ne dis pas qu’il faut uniformiser l’espace public et revenir à une vision uniquement fonctionnaliste, ce serait esthétiquement atroce et indiquerait le retour à une logique de sectorisation contre laquelle lutte l’ensemble des acteurs de la ville actuelle9. Mais il m’est malgré tout nécessaire de préciser que l’esthétisme et le patrimoine ont souvent un coût largement supérieur à la mise en accessibilité d’un espace public (dans le cadre de travaux neufs ou de rénovation d’une section de voirie ou de places). Ainsi, lors du calcul de l’estimation des coûts pour le PAVE de Carcassonne, il est apparu que les coûts moyens du revêtement à l’intérieur de la Bastide sont dix fois supérieurs à ceux hors Bastide. Même si ce n’est qu’une estimation, la proportion est significative !

9 Cf. Figure 20, D. Mangin « Le secteur à la française »

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2.1.2.2 La loi de 2005 et la rupture dans le traitement dans la chaîne de déplacements La loi de 2005 laisse 10 ans aux collectivités pour rendre accessibles leurs transports en commun et leurs ERP. Par contre, les espaces publics doivent être rendus accessibles uniquement lorsqu’il y a rénovation (et pour les aménagements et équipements neufs, évidemment), mais rien n’interdit aux collectivités de se fixer des délais plus ambitieux ! Le contexte économique actuel ainsi que le coût de mise en accessibilité des ERP et des transports en commun est lourd à supporter pour une durée inférieure à deux mandats communaux. Il paraît difficile pour les collectivités de traiter l’intégralité de la chaîne de déplacement et par conséquent ses différents maillons au coup par coup : les transports, puis les ERP, puis l’espace public. Il se peut que pour ce dernier, les collectivités se placent dans une position attentiste, délibérée ou contrainte par l’état de leurs finances, ce qui engendre par conséquent une rupture dans la chaîne de déplacements. Les transports et les ERP seront pour partie accessibles d’ici 201510, mais les espaces publics risquent d’être le chaînon manquant. Or, comme nous l’avons vu précédemment, la chaîne de déplacement doit être traitée dans son intégralité pour permettre un accès aisé aux ressources du territoire. Je ne reviens pas sur le fondement de la loi de 2005, mais son interprétation juridique ne doit pas être trop sévère sous peine de décourager les collectivités. Si une collectivité présente un SDA, un PAVE et un plan de mise en accessibilité de ces ERP avec un phasage cohérent pour rendre accessible d’ici 2015 les espaces sociaux définis comme prioritaires lors de la concertation et après 2015 l’ensemble du réseau de transport en commun et des ERP, faut-il la désavouer ? Je n’ai pas de réponse à cette interrogation, mais il me semble que traiter l’intégralité de la chaîne de déplacement et dépasser les délais de mise en accessibilité des transports en commun et des ERP n’est pas forcément une mauvaise solution, même si elle engendre des retards dans la mise en accessibilité des transports et ERP. La méthode serait alors d’intervenir en fonction de l’attractivité d’un lieu pour garantir son accessibilité par le traitement entier de la chaîne de déplacement plutôt que de travailler sectoriellement sur les transports en commun et la cadre bâti. Le choix de traiter l’ensemble de la chaîne de déplacements milite pour un étalement des travaux dans le temps, ce que certains acteurs associatifs refusent d’envisager. Leur position est compréhensible : l’environnement urbain a tellement peu évolué entre 1975 et 2005 en faveur de l’accessibilité universelle que ne pas imposer d’échéance de mise en œuvre serait prendre le risque de l’attentisme et de l’inertie. Toutefois, l’acculturation des acteurs de la chaîne du bâtiment, les délais d’études et de formulation de projet ainsi que les temporalités administratives et politiques sont des facteurs à ne pas négliger pour atteindre une certaine qualité des espaces publics nouvellement conçus ou rénovés. Travailler dans la précipitation, c’est courir le risque de faire face à des acteurs ne maîtrisant pas totalement les enjeux de l’accessibilité universelle et de ne pas intégrer les contraintes temporelles des maîtres d’œuvre (temps de la création) et des collectivités 10 Le retard est tel que très peu de réseaux de transports en commun et d’ERP publics seront accessibles d’ici 2015. Pour mémoire, à ce jour, seul le réseau de transport en commun de Grenoble est entièrement accessible. Or, la politique d’accès aux transports en commun ou à l’espace public de Grenoble est antérieure à la loi de 2005.

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(temps de la validation).

2.1.2 La loi de 2005, une étape nécessaire pour l’amélioration de l’accessibilité qui n’incite pas les collectivités à changer de mode opératoire 2.1.2.1 La place de l’automobile dans la conception de la ville contemporaine La question de l’accessibilité rejoint celle de la place du piéton en ville. Au-delà de faciliter le déplacement du piéton ou de l’inciter à l’effort physique pour préserver sa santé, l’enjeu est de proposer des espaces publics conviviaux, facilement appropriables, facilitant les interactions sociales. Cependant, depuis plusieurs décennies maintenant, la « ville automobile11 » s’organise et se structure principalement autour de la « mobilité facilitée12 », même si depuis quelques années cette tendance tend à légèrement s’infléchir. Parmi ses déterminants, une énergie à bas coût, la multiplication des infrastructures de transport, la généralisation de la voiture individuelle, etc. Cette « ville automobile » invite les techniciens à réfléchir en termes de contraintes pour le meilleur écoulement possible des flux de voitures. Les critères d’aménagement de l’espace public répondent donc aux exigences dimensionnelles des véhicules motorisés (gabarit et rayons de giration). Ce mode opératoire ne laisse qu’une place résiduelle au piéton. Elle n’est pensée qu’après celle l’automobile au prétexte qu’il est plus facile pour un piéton de s’adapter à un environnement contraignant : la voiture a besoin d’infrastructures propres à son utilisation avec des gabarits précis alors que le piéton s’accommode aux conditions déterminant sa mobilité : changement de stratégie de déplacement, emprunt d’itinéraires peu sécurisés, etc.

2.1.2.2 La ville produite par ce mode opératoire Le dogme fonctionnaliste des années 1960-70, la généralisation de la voiture, l’étalement urbain, la montée en puissance de comportements individualistes (etc.) ont notamment contribué à produire des espaces urbains fragmentés, spécialisés, dont les professionnels de la ville s’efforcent de limiter les conséquences depuis quelques années. Ces espaces sont façonnés par la voiture (et les infrastructures afférentes : route, pont, parking, etc.). Pour reprendre une expression de M. Wiel, « les conditions de la mobilité dessinent les formes urbaines ». Le croquis de D. Mangin « le secteur à la française » indique clairement le rôle des infrastructures de déplacement dans la construction de la ville. La photo aérienne qu’il a prise de Chicago permet de visualiser nettement la place de l’automobile et des infrastructures dans la ville contemporaine. Lutter contre cet urbanisme de secteur, c’est lutter contre l’entre soi et ses dérives : privatisation de l’espace public (quid des centres commerciaux : espaces publics ou espaces privatifs ?), repli sur soi et production d’environnement urbain toujours plus « sécurisé » au détriment du contrôle social (gated communities, présence accrue des 11 Wiel M., 1999, p.12 12 Wiel M., 1999, p.12. M. Wiel défini la « mobilité facilitée » comme « tout ce qui rend plus facile et moins coûteux le fait de se déplacer plus vite ».

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L’emprise au sol de la voiture, photo aérienne de Chicago source : Mangin D., 2004

forces de l’ordre et des sociétés de gardiennage privées dans les espaces publics et collectifs, multiplication des caméras de surveillance), etc. L’urbaniste a dès lors un rôle primordial à jouer en proposant des espaces publics avec des formes variées s’adaptant à une multitude d’usages. L’enjeu est de les modifier en transférant une partie de l’emprise dédiée à l’automobile au piéton. Ce qui signifie que les professionnels de l’urbs et les élus doivent relativiser la place de la voiture en ville et adapter leur mode opératoire à cet enjeu. Il s’agit de penser autrement qu’en termes de contraintes dimensionnelles pour la voiture et d’intégrer les usages piétonniers. Le vocabulaire « à la mode » est d’ailleurs très significatif : suture, couture, rénovation, renouvellement, etc. Il s’agit de « refaire la ville sur elle-même » pour lutter contre les conséquences jugées néfastes de l’urbanisation des 40 ou 50 dernières années. D Mangin et son concept de « ville passante13 » prône un urbanisme de la « ville durable et métisse plutôt que monofonctionnelle et sécurisée » en s’appuyant notamment sur le partage de l’espace public, nécessaire à la diversité des usages et support d’interactions sociales. La création de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) en 2003 est symbolique de cette politique de transformation de la ville existante. L’ANRU ne se 13

Mangin D., 2004.

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Le secteur « à la française » source : Mangin D., 2004

La ville passante ou une juxtaposition d’environnements sécurisés source : Mangin D., 2004

contente pas d’intervenir sur le cadre bâti des quartiers principalement construits entre 1950 et 1980, mais sur l’ensemble du secteur urbain, en intervenant sur des thèmes aussi variés que le foncier, l’espace public, le paysage, le cadre de vie, le bâti, les équipements publics, etc. En complément des Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS), l’objectif de l’ANRU est de « désenclaver durablement l’espace urbain, faciliter l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la culture14 », c’est-à-dire d’offrir les conditions de la restauration du lien social et le soutien au développement d’interactions sociales. Il est donc question d’accès physique (« désenclaver l’espace urbain ») et social (« accéder à l’emploi, l’éducation… ») aux ressources du territoire.

2.1.2.3 Une évolution dans la conception de la ville mais un mode opératoire inchangé Le législateur a imposé des normes rendant plus aisé l’accès à l’espace public et au cadre bâti pour l’ensemble des piétons. Ces normes peuvent être contraignantes pour d’autres modes de déplacement. Un trottoir doit aujourd’hui mesurer au minimum 1,40 mètre de large15. Dans une rue étroite avec double sens de circulation ou à sens unique mais avec du stationnement longitudinal et des trottoirs existants mesurant moins d’1,40m, 14 http://www.anru.fr/-Creation-.html 15 Des réductions ponctuelles de 0,90m sont tolérées (implantation d’un potelet, d’une poubelle, etc.). Toutefois, le CERTU recommande une largeur de trottoir de 1,80m.

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la mise aux normes de ces trottoirs peut se faire : - En supprimant un sens de circulation, - En supprimant le stationnement, - En mettant l’ensemble de la rue à niveau. Dans tous les cas, l’usage de la rue sera différent, en laissant plus de place aux piétons. L’accessibilité peut donc être un outil de création ou transformation de la ville contemporaine. Certaines collectivités ont compris l’intérêt de coupler plusieurs études, par exemple, l’accessibilité de la voirie et des espaces publics et le plan de circulation. Ainsi, la collectivité peut présenter à ses administrés une démarche cohérente et globale où la réflexion porte sur l’organisation des déplacements et la place des différents modes dans l’espace public. Entre l’emprise réservée à la circulation automobile et celle dédiée au stationnement, la voiture consomme une surface énorme, qui plus est pour le seul usage du déplacement. A contrario, le piéton n’a besoin que de très peu de place pour de multiples usages : se déplacer, mais aussi flâner, déambuler, faire du shopping, etc. En rendant les trottoirs accessibles et en limitant ainsi l’emprise de la voiture en ville, la démarche d’accessibilité est en accord avec les préconisations du Grenelle sur la réduction de la place de l’automobile dans l’environnement urbain. Iter a ainsi rendu une étude au printemps dernier à Issou (78). Ville de 4 000 habitants avec un centre ancien aux rues étroites, elle nous a sollicité pour un plan de circulation et un PAVE. Les deux études ont été menées parallèlement, comme l’indique l’organigramme ci-dessous. En mutualisant des étapes, comme le lancement de l’étude ou les ateliers de créativité, la commune fait des économies, mais surtout elle est sûre d’obtenir deux documents complémentaires, compatibles. La carte d’analyse des conflits d’usages désigne ainsi les enjeux de sécurité et prend également en compte leur cohérence avec les enjeux issus du PAVE. Autre exemple d’études en cours, le Schéma Mode Doux et le PAVE de la communauté de communes de Save et Garonne (31). L’analyse se porte sur les piétons (via le PAVE) et les deux roues : en mutualisant les études, la commune fait aussi des économies puisque l’audit des voiries prend en compte les pistes et bandes cyclables ainsi que les trottoirs16. Elle peut réfléchir à la place qu’elle souhaite consacrer à chaque mode de déplacement en fonction de l’infrastructure, des ERP à proximité, de la demande de la population, etc. puisqu’elle dispose d’informations sur la continuité des itinéraires piétonniers et cyclables, la localisation des principaux pôles générateurs de déplacement, des statistiques de la sécurité routière, de l’audit précis des voiries définies dans le périmètre de l’étude, etc. Les tableaux de synthèse des enjeux deux-roues et piétons ci-dessous permettent d’établir des préconisations intégrant les besoins des piétons et des cyclistes (phase de l’étude à venir). 16

Cf. exemple fiche audit en annexe

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PAVE Définition des périmètres & critères

Plan circulation Lancement de l’étude

Définition des carrefours

Phase 1

Premier niveau de concertation

Audit

Premier niveau de concertation

DIAGNOSTIC

Enquête

Traitements & analyses Bilan d’accessibilité & enjeux identifiés (expertise/ concertation)

Traitements & analyses

Analyse multicritères et mise en perspective des enjeux

Enjeux propres à la thématique

Rapports et validation

Phase 3

Phase 2

Définition des objectifs généraux Ateliers créativité

Ateliers de créativité

Définition du référentiel

Scénarios d’organisation intégrant les contraintes PAVE avec simulations de trafics

Préconisations et chiffrages d’aménagement et d’équipement

Mise en relation des éléments communs

Déclinaison du scénario retenu en plan de circulation Préconisations d’aménagement nécessaire à la mise en place du plan

Projet de PAVE

Projet de plan de circulation

Réalisation des livrables (chartes, fiches actions,…)

Réalisation des livrables (plan, aménagements,…)

Organigramme du PAVE et du plan de circulation d’Issou source : Iter, 2011a&b

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Analyse des conflits d’usages à Issou source : Iter, 2011b

A m é n a ge m e nt

-

S i g n a l é ti q u e

S e rv i c e

I n f o rm a t i o n

F o r m a ti o n

é q u ip e m e n t

P ré p a ra t i o n d u

- P e u d e v o ie s c y c l a b l e s

d é p la ce m e n t

a m é na gé e s

S e rv ic e s h o rs d é p la ce m e n t

E n je u x

« M ode de

tra n s p o rt

»

- T r a v e r s é e s d e c a rr e f o u r no n a m é na gé e s

S t a t io n n e m e n t d e u x

- P r é s e n c e d ’in f o r m a t io n

ro u e s

m a i s n o n g é n é r a l is é e e t

E n je u x

« lo isirs »

E n je u x

« sp o rt »

E n je u x

« o c c a sio n n el »

p a s d e f o r m a t io n s p é c if iq u e a u x d if f é r e n t s In t e r m o d a li t é T C

m o de s

- A b s e n c e d ’é q u i p e m e n t

F o n c t io n s

d e s t a t io n n e m e n t v é l o à

co m m e r c ia l e s

c e r t a in s e n d r o it s s t r a t é g iq u e s C i r cu la t i o n - M a n q u e d e s ig n a l é t iq u e

lo n g it u d i n a l e

in d iq u a n t l e s z o n e s d e s t a t io n n e m e n t C i r cu la t i o n

- M a n q u e g lo b a l d e s i g n a l é t iq u e s p r o p r e s A ccè s a u x E R P

E n je u x c o m m u n id e n t ifié s p a r IT E R e t le s u t ilis a t e u r s d e u x r o u e s

t r a n s v e rs a l e

a u x d e u x ro u e s

Synthèse des enjeux modes doux source : Iter, 2011d

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E n je u x p o t e n t ils id e n t ifié s s o it p a r IT E R s o it p a r le su t ilis a t e u r s d e u x ro u e s


Aménagement - équipement

S ignalétique

S ervic e

Préparation du déplacement

Information

F ormation

Enjeux « Moteur »

Services hors déplacement

Enjeux « Visuels »

Arrêts TC Stationnement CES

Enjeux « Auditif »

Fonctions commerciales

Enjeux « Cognitif »

Circulation longitudinale Circulation transversale Accès aux ERP

Synthèse des enjeux exprimés par les usagers source : Iter, 2011d

En apparence, coupler études accessibilité et circulation, stationnement, modes doux, etc. permet à la collectivité de se positionner dans une démarche transversale entre études préopérationnelles. En réalité, il s’agit plus d’une mutualisation de coûts et d’ajouts de critères quantitatifs à une méthode de travail basé sur la norme. Les PAVE, schéma modes doux, plans de circulation ou stationnement sont des études pré-opérationnelles. Elles sont censées s’inscrire dans un cadre défini par les documents de planification de rang supérieur (volet déplacement des SCOT et PDU principalement) qui définissent les ambitions politiques et les arbitrages qui en découlent. Hors, actuellement, le lien entre PAVE et planification est inexistant : les arbitrages se font alors sur des critères techniques plutôt que sur des ambitions politiques. Prenons l’exemple d’une étude circulation. La collectivité doit respecter certaines normes ou préconisations sur la largeur de la chaussée17. L’accessibilité est souvent réduite à des critères quantitatifs basés sur les déficiences motrices et pour partie visuelles des personnes : 2,50m minimum par sens de circulation sur la chaussée, 1,40m minimum de trottoir, etc. Cette succession de critères quantitatifs assure à la collectivité d’être conforme à la législation mais n’inclut pas la notion de satisfaction d’interactions sociales et donc de considération de l’accessibilité comme un outil pour intégrer la question des usages sur l’espace public, c’est-à-dire le pilier social du développement durable. Il serait pour cela nécessaire d’intégrer des critères de qualité, ce qui nécessite de changer de mode opératoire.

17 http://www.setra.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/conception_geometrique_route.pdf Si la largeur de chaussée n’est pas réglementée, une largeur de 3m minimum est préconisée pour l’accès des véhicules de secours.

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Plans de circulation, stationnement, schémas modes doux, etc.

PAVE

Conflits potentiels

Plans de circulation, stationnement, schémas modes doux, etc.

Mutualisation des co ûts et d’éventuelles étapes communes

PAVE

Préconisations Des PAVE qui n’invitent pas à changer de mode opératoire Gadiollet B., 2011

En aucun cas il ne s’agit de dénigrer les efforts consentis par certaines collectivités pour traiter l’accessibilité dans une optique de gestion des conflits entre différents modes de déplacements. Mon but est de comprendre comment l’accessibilité peut devenir une aide à la conception du projet urbain par le prisme des usages. Je m’interroge donc sur la loi et ses effets. L’accessibilité est aujourd’hui une réalité, elle oblige les collectivités qui ont passé outre les différents textes réglementaires publiées depuis 1975 à rendre leur réseau de transport en commun, espace public et cadre bâti accessibles. La loi du 11 février 2005 est donc un moteur de l’action de l’action publique en faveur de l’accessibilité. Cependant, en imposant des critères quantitatifs, qui sont malgré tout nécessaires pour cadrer l’action, elle n’incite pas les maîtres d’ouvrage à modifier leur mode opératoire. Dans une acception minimaliste du terme, l’accessibilité se résume alors à ajouter une batterie de critères à ceux déjà existants et ne peut être un outil pour amener la prise en compte des usages dans les projets. Comment dépasser cette vision pour considérer l’accessibilité comme une méthode d’analyse et de conception d’espace public de haute qualité d’usage ?

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2.2 Comment traiter ce qui n’est pas normé ? 2.2.1 La définition de critères qualitatifs pour répondre aux demandes d’interactions sociales La haute qualité d’usage suppose d’être capable d’identifier, d’analyser les déterminants de la qualité des dits espaces. Ce qui signifie que notre mode opératoire doit évoluer pour évaluer la qualité, selon des critères précis permettant l’appréciation de la qualité d’usage d’un lieu, sa propension à faciliter les interactions sociales. Il s’agit dès lors de dépasser le cadre strictement réglementaire pour tendre vers le pilier social du développement durable. La définition de critères qualitatifs pour établir un référentiel18 d’analyse est risquée. Comment être sûr de sa pertinence ? de sa validité ? Permet-il réellement de créer des espaces publics accessibles à tous ? Ces questions sont inhérentes au choix de ce mode opératoire et sont sources d’adaptation, d’amélioration, dans une démarche perpétuelle de recherche de qualité d’usage des espaces publics. Iter, dans sa grille d’analyse de l’accessibilité, tente de définir des critères permettant une lecture qualitative du territoire19. Le questionnement initial était plus prosaïque : comment auditer un espace public là où la norme est absente ? En s’appuyant sur de potentielles situations de handicap pour les personnes présentant des déficiences cognitives, auditives et, dans une moindre mesure, visuelles, la méthode d’Iter consiste à évaluer en quoi les différents maillons de la chaîne de déplacement (façades du cadre bâti, espace public, services de transport en commun) dans l’espace public sont lisibles, signifiants, rassurants. La signalétique est-elle compréhensible ? Est-elle associée à des pictogrammes ? Les traversées sont-elles suffisamment éclairées ? Il reste encore des critères qualitatifs à intégrer, notamment pour les personnes souffrant de déficiences motrices, qui renvoient à une vision plus large du PAVE et à un arbitrage des élus et de la société civile pour hiérarchiser les espaces publics d’un territoire. Le cadre réglementaire de l’accessibilité est alors largement dépassé puisque les choix portent sur l’organisation de la ville comme support d’usages. Cette méthode est différente de celle des ambiances architecturales et urbaines, notamment développées par le CRESSON, puisqu’elle ne fait pas le lien entre environnement et perception individuelle. Elle ne cherche donc pas s’appuyer sur les prises, les affordances qu’offre le territoire pour faciliter la mobilité des personnes. Ce concept, basé notamment sur les travaux de J-J. Gibson, s’appuie sur le fait que « nous ne percevons pas séparément les propriétés physiques d’un objet et nos propres compétences mais nous percevons directement les opportunités d’action offertes par cet objet en fonction de nos compétences motrices20 ». Nos sens et les perceptions de notre environnement nous fournissent donc inconsciemment des informations sur notre position dans l’espace et notre orientation. Créer des affordances dans l’espace public 18 Dans ce cas, le référentiel peut être ainsi défini « outil permettant l’audit, l’analyse, l’élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques reposant sur une approche holistique de l’environnement étudié et sur une évaluation multicritère de cet environnement ». 19 Les critères d’audit de la voirie sont présentés en annexe 20 http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=15902126

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peut faciliter la mobilité des personnes et donc leur accès aux ressources du territoire. La méthode Iter ne peut pour le moment pas se permettre d’aller aussi loin. En effet, aujourd’hui, la majorité des marchés de PAVE ou de SDA est prioritairement évaluée selon le coût de la réponse des différents bureaux d’étude. Dans un marché de plus en plus concurrentiel, Iter n’a pas les moyens de poursuivre le développement d’une méthode déjà saluée pour sa qualité. Cette question de la rémunération des études est cruciale. La Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques (MIQCP) vient de mettre à jour son Guide à l’attention des maîtres d’ouvrage publics pour la négociation des rémunérations des maîtres d’œuvre21 pour éviter la baisse de la rémunération de la maîtrise d’œuvre, conséquente à l’utilisation de la précédente grille datant de 1994. M. Issindou, député de l’Isère, a demandé en 2009 au ministère de l’économie s’il était possible d’encadrer la rémunération des architectes, dans le but d’éviter les « offres au rabais [qui] peuvent avoir de lourdes conséquences […] Dans une vision de long terme, il semblerait que le choix de la maîtrise d’œuvre doive reposer sur la qualité de l’équipe et sur l’excellence de la prestation22 ». Bien que ces deux exemples s’adressent aux architectes et non aux bureaux d’études techniques comme Iter, ils sont tout à fait transposables à la situation de l’entreprise. Comme nous l’avons vu précédemment, la plupart des collectivités doit aujourd’hui rattraper un retard accumulé de longue date en matière d’accessibilité. Si elles restent dans une interprétation minimaliste de la loi du 11 février 2005 et n’intègrent pas la notion de qualité d’usage, elles risquent fort de voir leur espace public devenir inaccessible dès que les critères d’évaluation de l’accessibilité changeront. Les quelques milliers d’euros qu’elles auront économisé aujourd’hui pourront demain se transformer en perte de plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros.

2.2.2 La démarche participative ou l’expertise du citoyen-habitant-usager Les aménageurs, architectes ou urbanistes sont des techniciens. Ce ne sont pas des spécialistes des déficiences des personnes. Ils doivent comprendre l’impact de la relation déficience-environnement pour éliminer la situation urbaine handicapante et améliorer l’accessibilité à l’espace public. Or la norme ne peut régenter tout l’agencement urbain, et heureusement ! Ce serait le retour à un fonctionnalisme légitimé par l’Etat. Mais la loi de 2005 a introduit de nombreux changements dans les manières de procéder et elle n’est pas encore « digérée » par l’ensemble des professionnels23. Comment faire alors ? La loi impose dans la réalisation de SDA ou PAVE de consulter les associations. « La limite de cette réglementation est d’envisager les besoins des personnes handicapées alors qu’en réalité, il s’agit de faire face à une demande de 21 http://www.archi.fr/MICQCP 22 http://www.lemoniteur.fr/165-commande-publique/article/actualite/691422commande-publique-la-determination-de-la-remuneration-du-maitre-d-uvre-est-libre 23 Bien qu’obligatoire, combien d’écoles d’architecture, d’instituts d’urbanisme (etc.) proposent aujourd’hui des modules de formation sur la ville accessible ? (Arrêté du 30 juin 2008 relatif aux diplômes professionnels relevant de l’obligation de formation à l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées délivrés par le ministre chargé de l’éducation paru au J.O n°0176 du 30 juillet 2008).

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confort d’usage ainsi qu’à un phénomène démographique général de vieillissement de la population. Dans toutes les villes, le succès du tramway accessible à tous en est le meilleur exemple24 ». Ainsi, la démarche participative semble être un point crucial pour répondre aux attentes de l’ensemble des usagers. Ce sont eux les experts du territoire, qui le pratiquent au quotidien dans toute sa complexité. Ce sont donc eux qui sont les plus à même de dénoncer les barrières à l’accès aux ressources de leur territoire. L’exercice de la démarche participative peut revêtir plusieurs formes. De la simple information à la co-construction de projet, en passant par la consultation, la concertation ou la co-production, le panel de solutions est large. Néanmoins, si l’on considère réellement les citoyens-habitants-usagers comme experts de leur territoire, il semble difficile de les cantonner dans une posture passive de réception d’informations. La consultation me paraît également être un cadre trop restreint pour intégrer réellement leur expertise. En effet, cette méthode ne permet pas de sortir d’un rapport experts techniques et élus versus habitants où les premiers demandent l’avis des seconds mais bâtissent ensuite les solutions sans apport extérieur. La concertation est un processus dynamique, elle permet de travailler avec les citoyenshabitants-usagers à la définition de leurs besoins et des solutions envisageables lors de temps d’échange précis. Ce processus reconnaît réellement les usagers comme experts de leur territoire. La co-production s’appuie sur ce cadre mais définit une instance participant en continu à la conception et à l’élaboration du projet, voire à son suivi, mais la décision finale appartient aux élus alors que dans un processus de co-décision, l’instance participe également aux choix engageant la collectivité. La loi de 2005 oblige les collectivités locales à créer des commissions d’accessibilité, avec pour objectif de faire dialoguer entre eux les différents acteurs intervenants sur le processus de mise en accessibilité. Pourtant ces commissions sont souvent cantonnées dans un rôle secondaire, alors qu’elles pourraient éclairer les collectivités dans un domaine qu’elles maîtrisent peu dans la plupart des cas. Un processus de consultation semble être le minimum requis pour recueillir les attentes des usagers mais ne permet pas d’élaborer des solutions en commun aux doléances exprimées, à la différence de processus de consultation, co-production ou co-décision. Il me semble qu’un panachage de ces deux ensembles est une solution satisfaisante. La collectivité a besoin de connaître les doléances de ses administrés (processus de consultation) et peut s’appuyer sur eux pour élaborer des solutions techniques partagées par les élus, les techniciens et les usagers. Ajouter un processus de coproduction pour définir le référentiel de critères qualitatifs d’analyse paraît être idéal, mais nécessite une démarche participative très organisée, très structurée afin de se concentrer uniquement sur la construction du référentiel. Une solide culture de la démarche participative paraît nécessaire avant de se lancer dans cette phase. Hormis pour les caractéristiques de terrain (pentes et dévers), la loi ne promeut que peu de solutions. Un processus participatif permet donc de combler ce flou en tentant de s’adapter au mieux aux besoins des habitants-citoyens-usagers de chaque territoire 24

Grosbois P.-L., 2007, avant propos

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pour proposer des solutions satisfaisantes pour les habitants, élus et techniciens. Comme l’explique H-J. Stiker, « il faut admettre que la déficience varie relativement à l’environnement25 ». Lorsque rien n’est normé, mais que des situations de handicap sont identifiées, où positionner le curseur ? La concertation permet de définir ce qui est acceptable ou non pour les usagers : à quel moment franchit-on la limite entre inclusion dans la société et compensation sociale ? Pour reprendre les mots de R. Linossier et V. Jaton26, il s’agit autant de recherche de conciliations que de « gestion du dissensus » pour faire émerger des solutions à même de favoriser la production d’espace public de qualité. C’est également le point de vue avancé par M. Prost-Colletta. Lors du colloque « l’accessibilité, le développement durable et sa gouvernance » organisé par le Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART) et l’APF le 19 mai 2010, elle déclarait « la concertation a pour objectif la qualité d’usage pour tous27 ». Le CERTU en est également convaincu, comme en témoigne la parution dès 2004 d’un ouvrage intitulé « concertation en matière d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite » et la présence d’un chapitre « concertation » dans la plupart de ses publications sur l’accessibilité depuis cette date. Dans cet ouvrage, le CERTU justifie en ces termes la nécessité d’une démarche participative : « la conduite d’un projet doit intégrer de nombreux paramètres : diversité des handicaps à prendre en compte, contexte et localisation dans la ville, comportement des usagers futurs… La mise en œuvre d’une concertation spécifique en matière d’accessibilité permet de faire face à la plupart de ces difficultés28 ». Le ministère en charge des transports, en mai 2010 insiste également sur l’importance de la concertation, il « recommande que l’élaboration d’un schéma directeur passe par une phase préparatoire indispensable de concertation qui permettra d’établir l’état des lieux et de créer les bases d’une culture locale d’accessibilité. Cette phase est aussi importante que l’élaboration du plan d’actions lui-même. […] La participation de l’ensemble du milieu associatif concerné n’est pourtant pas à négliger puisque les associations sont bien souvent les seules à posséder un niveau d’expertise suffisant permettant d’identifier les besoins réels des personnes handicapées ou à mobilité réduite29 ».

Conclusion partielle Pour conclure, si les conditions ne semblent pas encore réunies pour considérer l’accessibilité comme une aide à la construction du projet urbain, il s’avère pourtant que c’est une démarche transversale qui invite à s’interroger sur l’espace public en général et sur la compétition entre les différents modes de déplacement. La difficulté de changement de paradigme pour les collectivités face à l’évolution du fait urbain et la complexité des mobilités doit amener l’urbaniste à s’interroger sur de nouvelles 25 Stiker H-J., 2009, p. 230 26 Linossier R., Jaton V, in Zepf M. (dir.), 2004, p.30 27 APF et GART, 2010, p.43 28 Certu, 2004, p7 29 Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de Mer, 2010, p.3

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formes de planification, intégrant mieux « le rôle organisateur ou désorganisateur des infrastructures de déplacements dans la production de nouveaux équilibres urbains30 ». Dans le dessein de satisfaire de nouveaux besoins de déplacements, « la réponse de la collectivité fut longtemps de ne pas regarder le problème dans toute son ampleur et sa complexité. Elle fut de toujours ajouter de nouvelles infrastructures aux anciennes pour satisfaire tous les besoins indistinctement31 », sans se préoccuper des conséquences sur l’agencement urbain et l’accès aux espaces sociaux. D. Mangin, avec son concept de ville passante, défend la diversité des usages. La qualité des espaces publics devient alors un enjeu fondamental dans cet optique de mixité d’usages et de satisfaction d’interactions sociales. Il est donc nécessaire de s’inscrire dans une démarche globale, transversale pour garantir à tous la possibilité d’avoir accès aux ressources du territoire. L’accessibilité et la démarche participative me paraissent être deux outils essentiels pour atteindre cet objectif : - en mettant les usages et plus globalement l’Homme au cœur de la réflexion sur le projet urbain, - en associant les citoyens-habitants-usagers à la production de diagnostics, de préconisations et de solutions partagés, considérant les attentes, besoins et contraintes des usagers, des élus et des techniciens. Pour reprendre une expression en vogue, cette démarche participative et citoyenne peut aussi être un processus de reconquête de l’espace public par les habitants. Pour cela, il est nécessaire de dépasser la norme. La loi du 11 février 2005 est indispensable, pour obliger les collectivités à l’action. Néanmoins, elle ne favorise pas le changement de mode opératoire, l’adoption d’une méthode dépassant le strict respect de la règle comme ligne de conduite professionnelle. Or, la norme ne peut pas être une solution. Elle est nécessaire pour fournir un cadre, poser les bases de l’action, mais elle doit être sublimée pour atteindre des résultats satisfaisants en termes de qualité d’usage. La définition de critères qualitatifs d’analyse de l’espace public pour mesurer son degré de lisibilité, de signifiance, son potentiel anxiogène ou au contraire rassurant sont nécessaires pour atteindre une haute qualité d’usage. Si la règle suppose une structure étatique forte, à même de s’imposer à l’ensemble d’un pays, les collectivités doivent être en mesure de se transcender pour la dépasser. Ce n’est encore que trop rarement le cas pour l’accessibilité à l’heure actuelle.

30 31

Wiel M., 2007, p.88 Wiel M., 2007, p.88

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partie 3 La méthode Iter pour combler un déficit de culture des collectivités territoriales sur l’accessibilité ?

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Si la démarche participative permet aux techniciens d’appréhender au mieux les besoins des PMR, il n’en reste pas moins que les associations ne maîtrisent pas systématiquement les procédures réglementaire et technique. Qui plus est, elles sont consultées lors de la démarche participative mais ne doivent pas être en position d’être juge et partie, sous peine de laisser l’association dominante exprimer son point de vue et écraser celui des autres. C’est un risque lorsque l’accessibilité n’est pas encore totalement intégrée par les techniciens. Or, comme nous l’avons vu à la fin de la partie précédente, même le ministère des transports reconnaît que les collectivités manquent encore de connaissances, de méthodes et d’outils de traitement de l’accessibilité. Cette partie a pour objectif de saisir les mécanismes qui freinent la compréhension de l’ensemble des enjeux liés à l’accessibilité. Pour reprendre les mots de M. Chauvière, l’objectif est de « mieux comprendre la complexité intrinsèque de l’action publique, les processus qui la traversent, qui pèsent sur sa dynamique, qui facilitent ou obèrent ses résultats1 ». Comme nous l’avons vu précédemment, l’accessibilité est une thématique transversale, qui nécessite la maîtrise d’enjeux complexes et variés par les techniciens et les élus. Pour répondre aux enjeux de mise en accessibilité de la cité, pour reprendre une expression en vogue, une démarche transversale est nécessaire, impliquant l’ensemble des acteurs intéressés par les situations urbaines handicapantes. Il s’agit de comprendre comment une meilleure articulation entre services d’une même collectivité et une étroite collaboration entre gestionnaires ou responsables de différentes politiques publiques peut garantir une accessibilité optimale à la chaîne de déplacements. La notion de chaîne de compétences permet pour partie de détailler ce point. Il s’agit d’optimiser les liaisons, les articulations entre les gestionnaires de politiques publiques, entre différentes institutions ou au sein d’une collectivité ou administration. Il n’est aucunement question de remettre en cause la clause générale de compétence des collectivités locales (qui leur permet d’administrer librement leurs compétences sur leurs territoires dans tout domaine sous le contrôle du juge, sur la base de l’intérêt public local et dès lors que la compétence n’est pas dévolue par les textes à une autre personne publique [article 72 de la Constitution]), mais de comprendre comment la démarche accessibilité peut permettre de « décloisonner » les comportements et habitudes de travail au sein d’une administration ou entres collectivités. Dans ce dessein, je me suis basé sur l’expérience et les connaissances acquises durant mon alternance ainsi que sur des entretiens téléphoniques avec les anciens commanditaires de produits SDA et PAVE d’Iter2. Ces huit entretiens ne sont en aucun cas représentatifs de l’ensemble des élus et techniciens français sur la question du handicap, mais ils permettent de comprendre leurs points de vue de maîtres d’ouvrage, de commanditaires et donc les difficultés auxquelles ils font face, qu’elles soient scientifiquement fondées ou non. Tous les anciens clients d’Iter n’étaient pas forcément disponibles pour répondre à mes questions et j’ai volontairement écarté les études récentes. En effet, un des objectifs de ces entretiens était de tester l’hypothèse de la méthode Iter comme outil d’acculturation. Je ne pouvais donc pas consulter les collectivités pour lesquelles nous avons des chantiers 1 Larrouy M., 2011, préface de Michel Chauvière, p.15 2 Cf. compte-rendu de chaque entretien en annexes

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en cours ou récemment finalisés et qui n’ont pas eu le temps de s’approprier l’ensemble des documents remis3 (Conseil Général de la Martinique, villes de Carcassonne, Issou, Agen, communauté de communes de Save et Garonne). Sur les douze collectivités contactées, huit ont répondu favorablement à ma demande d’entretien. Néanmoins, le panel des interlocuteurs (petites et moyennes villes, communautés d’agglomérations, départements) est représentatif de nos missions (SDA et PAVE) et de la variété de nos correspondants : des chargés de mission (aménagement, transport) comme des chefs de service (transport, aménagement, accessibilité). Il n’y a donc aucune grande agglomération ou département très urbanisés dans nos clients. Nos commanditaires sont a priori moins structurés que les collectivités disposant d’une imposante expertise technique en interne.

Intitu lé de l’étude Étude re lative à l'élabor ation du Sch éma Direct eur d'Accessibi lité du réseau d e Tr ansport s de Voy a geurs du dé part eme nt du Jura SDA Bézier s Méd iterranée

F in de l’étude

Date de l’entr etien

Consei l Génér al du Jura

26/07/2011

Co mmuna uté d'Aggl o mér ation de Béziers Mé diterr anée Co mmuna uté d'Aggl o mér ation dAg glopol e Porvence Ville d'Auch

29/07/2011

2011

Consei l Génér al de l'Yo nne

4/0 8 /2011

2010

Co mmuna uté de Comm unes Mar emn e Adour Côte Sud Co mmuna uté d'Aggl o mé ration du Bassi n de Thau

27/0 7/20 11

Mairi e de Ca stelj aloux

01/0 8/20 11

2010

2010

SDA Ag glopo le Provence

2010

Assistanc e à maîtris e d'ouvrag e et étud e pou r l'accessib ilité ha ndicapé s des é tabliss eme nts receva nt du public , ainsi que de la voirie e t des espaces pu b lics de la ville Assistanc e à Maîtris e d'Ouvrag e pour l a réa lisa tion du sch éma directeu r d'accessibi lité de s transport s dépa rteme ntaux PAVE M ACS

2009

Missio n d'assis tance à m aîtris e d'ouvrage en vu e de l'é labor ation d'un sch éma direc teur d'accessi bilité du résea u TOTE M de Tha u aggl o méra tion Pla n de Mise en Accessib ilité de s voies et es paces pu b lics com m unaux

Co mmanditair e

2010

2011

28/07/2011 27/07/2011

01/0 8/20 11

Les entretiens effectués Gadiollet B., 2011

3 Un rendu de PAVE comprend un diagnostic (analyse technique et démarche participative), un rapport synthétisant les préconisations (avec un budget estimatif) et des fiches actions.

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3.1 Une compétence transversale jusqu’alors méconnue des services aménagements / voirie / transport Bien que ce travail soit principalement ciblé sur l’accessibilité des espaces publics, il m’est nécessaire de faire un aparté englobant les transports de personnes et le cadre bâti, pour comprendre la répartition des compétences entre institutions dans le traitement de la chaîne de déplacements. Je me limite donc volontairement au traitement de l’accès physique de cette dernière, sans entrer dans les différentes mesures d’ordre économique ou social. Le stationnement, la voirie et les espaces publics sont compétences de la commune ou de l’intercommunalité, les transports urbains, de l’autorité organisatrice de transports (dont le périmètre n’est pas forcément équivalent à celui de l’intercommunalité). Les Conseils Généraux ont la charge des transports interurbains, les Conseils Régionaux des transports régionaux et l’Etat des liaisons d’intérêt national et international. Les exploitants de réseaux de transport sont nombreux et sont liés de différentes sortes aux collectivités, soit en gestion directe (par une régie, une société publique locale), soit en gestion indirecte (délégation de service public ou marché public). Pour le cadre bâti public, tous les étages du « mille-feuille » administratif sont présents. Par exemple, pour ne traiter que du domaine scolaire, les crèches, écoles maternelles et primaires sont la compétence de la commune, les collèges du Département, les lycées de la Région et les universités de l’Etat. Mettre en accessibilité l’ensemble des domaines scolaires, dans une démarche holistique de traitement de la chaîne de déplacements, demande donc de travailler avec : - les élus et techniciens communaux ou intercommunaux en charge des crèches, écoles maternelles et primaires, de la voirie, des espaces publics et du transport urbain, - les représentants de l’exploitant des transports collectifs urbains, - les élus et techniciens du Département en charge des collèges et des transports interurbains, - les représentants de(s) l’exploitant(s) des transports collectifs interurbains et scolaires, - les élus et techniciens de la Région en charge des lycées et des transports régionaux, - les représentants de(s) l’exploitant(s) des transports régionaux, - Les techniciens et représentants de l’Etat (préfet) en charge des universités et des transports nationaux et internationaux, - Les représentants des exploitants des réseaux de transports nationaux et ou internationaux. Cet exemple de l’accès à l’éducation et à l’enseignement illustre les difficultés de la mise en accessibilité des différents maillons de la chaîne de déplacements permettant l’accès aux domaines scolaires et universitaires, et encore, il ne prend pas en compte les établissements privés d’enseignement. La question de la gouvernance des projets de mise en accessibilité est essentielle, c’est la question de l’orientation et des décisions à de multiples échelles qui est ici posée, et par conséquent celle de la mise en œuvre, ~ 56 ~


de la gestion et de l’entretien. Autrement dit, qui prend les décisions ? qui paye ? qui gère ?

Pl anification Commune

Etablissemen t Public de Coopération Intercommunale (EPCI)

Plan de déplacements urbains

Département

Région

Etat

Voi r ie Construction, entretien et police de la voirie communale Construction et entretien de la voirie communautaire (obligatoire uniquement pour les communautés urbaines)

Schéma régional des infrastructures et des transports

T r anspor ts collectifs

Organisation des transports urbains dans le Périmètre de Transport Urbain (PTU)

Stationnement public Gestion et police du stationnement (voirie ou parcs) Gestion du stationnement communautaire

Organisation des transports scolaires et des transports interurbains Organisation des transports ferrés et routiers régionaux Organisation des transports d’intérêt (inter) national

Répartition des compétences dans le champ des déplacements en France Source : Gallez C., Kaufmann V., Maksim H, Vincent S., (dir.) 2010, p205

Rendre accessible l’ensemble de la chaîne de déplacements représente un énorme défi pour les collectivités, qui nécessite une réelle politique partenariale pour aboutir à des résultats cohérents. Le risque est de voir des collectivités, administrations, Autorité Organisatrice de Transports (AOT) menant chacune leurs démarches, avec des référentiels différents, sans se concerter. Outre les économies qui pourraient être réalisées en procédant de concert, le principal risque est de parvenir à une chaîne de déplacements qui ne soit pas totalement accessible. Si, sur un même territoire, deux études sont rendues avec des méthodes différentes, des incohérences peuvent voir le jour. Le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de Mer, en charge de l’accessibilité tient un discours similaire dans une publication datée de mai 2010 faisant le bilan des premiers SDA : « L’accessibilité des transports publics ne suffit pas ~ 57 ~


à elle seule à assurer la continuité de la chaîne de déplacement telle que voulue par la loi du 11 février 2005. Les diagnostics n’ont pas pris en compte l’articulation nécessaire entre transports, voirie et établissements recevant du public (ERP). Cela s’explique, en partie, par le calendrier légal pour l’élaboration des divers documents : février 2008 pour les SDA, fin 2009 pour les plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE), début 2010 ou 2011 pour les ERP (échéance variant selon la catégorie de l’ERP). Les différents acteurs ne se sont peu ou pas concertés et rares ont été les contacts entre les AOT et les autres acteurs de l’accessibilité, notamment les autres collectivités territoriales4 ». À mon sens, les deux principales explications sont : - Une culture de la démocratie participative encore balbutiante, que J-Y. Toussaint, S. Vareilles et M. Zimmermann n’hésitaient pas à qualifier de « protoculture5 » en 2004. Bien que la situation ait évolué depuis cette date, il est difficile de dire que la démarche participative soit devenue aujourd’hui un invariant de nos métiers, - Un déficit de connaissances, d’outils et de méthodes des techniciens et élus en charge de la mise en accessibilité de la cité, dû en partie au fait qu’ils n’intégraient pas ce sujet dans leur quotidien professionnel auparavant et qu’ils en ont hérité suite à la loi du 11 février 2005, sans formation suffisante6. En effet, avant la loi de 2005, peu de collectivités disposaient de personnels ou de services dédiés spécifiquement à l’accessibilité. L’exemple grenoblois, où un service accessibilité existe depuis 19797 est rarissime. La plupart des collectivités ont intégré l’accessibilité suite à la loi du 11 février 2005. Les tensions dans les pratiques professionnelles actuelles s’expliquent pour partie par le dualisme entre le modèle médical du handicap, encore très prégnant, et le modèle social, qui n’est pas totalement passé dans les mœurs8. Lors des entretiens avec les anciens clients d’Iter, sur 7 réponses à la question « Comment la transition [avec le service prenant en charge l’accessibilité avant la loi de 2005, s’il existait] s’est-elle effectuée ? » 6 techniciens ont déclaré qu’il n’y avait pas eu de transition (« du jour au lendemain, sans formation ») et une personne qu’il y avait eu une transition rapide (« transition rapide entre les services avec une sensibilisation au handicap »). Aucun n’a bénéficié d’une formation métier sur l’accessibilité et les situations de handicap. Aujourd’hui, cinq d’entre eux regrettent toujours de ne pas avoir reçut cette formation et deux auraient souhaité bénéficier au moins d’une sensibilisation sur les déficiences des personnes. Les entretiens ont mis à jour l’arrivée brutale de la thématique accessibilité dans le quotidien professionnel des techniciens des services voirie / aménagement / espace public / logement / équipements collectifs etc. qui n’y étaient pas préparés. Plus grave, il semble que depuis cette date, peu d’actions de formation, interne ou externe, aient été 4 Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de Mer, 2010, p. 2 5 Toussaint J-Y., Vareilles S., Zimmermann M., in Zepf M. (dir.), 2004, p.129 6 Le service voirie de Béziers basait ainsi ses interventions sur les textes de 1999 jusqu’au début de l’année 2011 et l’arrivée d’un nouveau chef de service. Le service transport de l’agglomération de Thau pensait initialement que le SDA était une annexe du PDU, etc. Cf. entretien Béziers et Thau. 7 http://www.ville-rail-transports.com/content/une-politique-daccessibilit%C3%A9historique-%C3%A0-grenoble-2 8 Heyrman E, Larrouy M., in Gallez C., Kaufmann V., Maksim H, Vincent S., (dir.) 2010, p.130

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mises en œuvre. Six ans après la loi, ils n’ont donc pas toujours accès aux connaissances, méthodes et outils leur permettant de dépasser une vision minimaliste de l’accessibilité et de comprendre le sens général de la loi du 11 février 2005. Il est cependant vrai que « les techniques et le savoir-faire s’apprennent toujours rapidement si on y est disposé ; la relation à l’autre, pour être soi avec l’autre, se reprend à chaque moment9 ». L’accessibilité suppose un effort de formation technique et de compréhension humaine. Si une personne ne veut pas faire cet effort, elle reste en dehors de la compréhension des enjeux sociétaux de l’accessibilité. Cependant, il est difficilement concevable de pouvoir comprendre les liens entre accessibilité et développement durable sans bénéficier d’un apport extérieur de connaissances. D’ailleurs, aujourd’hui encore, même après le rendu des études PAVE ou SDA, d’après les techniciens interrogés, 1/3 des élus n’ont pas compris l’intérêt de l’accessibilité comme une opportunité pour repenser l’environnement urbain de leur collectivité. Il est vrai qu’à la date du lancement des études, l’ensemble des collectivités interrogées se contentait de répondre à une obligation réglementaire, les techniciens en charge du suivi de l’étude étaient aussi largement dans cette optique (60% d’entre eux). Quatre techniciens et cinq élus avouent même n’avoir jamais pris en compte l’accessibilité dans leur pratique professionnelle avant la loi de 2005 et aucun ne l’intégrait dès le stade de conception des projets. Si la situation a évolué, c’est, selon eux, en partie grâce à la méthode développée par Iter pour répondre à leur cahier des charges.

3.2 La méthode Iter, un instrument d’acculturation à l’accessibilité pour les collectivités territoriales Tous les techniciens interrogés reconnaissent que le déroulé de l’étude leur a permis d’acquérir de nouvelles compétences dans le domaine de l’accessibilité. S’ils sont plus réservés pour l’ensemble de la collectivité (autres techniciens et élus), les 2/3 d’entre eux pensent toutefois que l’étude a permis aux élus et techniciens de changer de position sur le sujet. Il est évident que les expériences vécues permettent à chacun d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences, d’éprouver et de construire le réel. La question est de savoir si le processus de l’étude a permis aux collectivités d’aller au-delà de cette acquisition de connaissances par l’expérience pour commencer à se forger une culture de l’accessibilité. Ainsi, l’ensemble des personnes interrogées estime que la méthode d’Iter leur a permis de développer plus de compétences qu’au travers d’une « simple » expérience sur l’accessibilité. Pour certains, on peut presque parler de révélation. Une technicienne de la Communauté de communes de Maremne-Adour-Côte Sud (MACS) déclare ainsi que l’étude lui a permis « une prise de consciente importante comme technicienne, j’intègre maintenant la réflexion sur les situations de handicap dans mon travail au quotidien. […] Cette prise en compte de public insoupçonné jusqu’à alors s’est faite suite à l’étude. J’ai réalisé qu’il fallait intégrer l’accessibilité en amont des projets, en phase de conception, pour ainsi éviter d’engendrer des surcoûts suite à des projets n’intégrant 9 Stiker H-J, 2009, p.222

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pas l’accessibilité10 ». En quoi les valeurs d’Iter, sa démarche, le respect des contraintes normatives inhérentes à l’accessibilité synthétisés dans sa méthode de traitement de l’accessibilité aident-ils les collectivités à se forger une culture sur ce sujet pour dépasser la norme et centrer le débat sur la question des usages ?

3.2.1 L’audit technique : une évaluation dépassant les exigences réglementaires La loi fixe un certain nombre de règles définissant ce qu’est un espace public accessible. Toutefois, il ne s’agit que d’une suite de normes et de mesures quantitatives et leur interprétation minimaliste ne permet pas de déterminer si l’ensemble de la chaîne de déplacement sur l’espace public est accessible. La méthode d’Iter dépasse largement ce cadre réglementaire, en définissant des critères d’analyse qualitatifs, pour intégrer les différents maillons de la chaîne de déplacement, par type de déficience : - préparer son déplacement, - utiliser les services sur la voie publique, - se déplacer, - accéder. Si le SDA impose de considérer les étapes de la chaîne de déplacement, ce n’est pas le cas pour le PAVE. Dans une logique de traitement holistique de l’accessibilité, Iter a transposé cette grille d’analyser au PAVE. Par exemple pour permettre l’usage d’une boîte aux lettres sur l’espace public, si la norme définit son emplacement et sa forme pour ne pas être un obstacle à la circulation, peu de normes définissent les conditions d’usage pour les différents publics amenés à l’utiliser : peut-on atteindre la fente, que l’on soit de grande ou de petite taille, ou Usager de Fauteuil Roulant (UFR) ? est-elle repérable par les malvoyants ? comment les nonvoyants l’identifient et l’utilisent (horaires de relevés, destination) ? etc. Qu’en est-il pour les distributeurs automatiques de billets ? les poubelles ? les panneaux d’informations ? les usages commerçants sur la voie publique (marchands ambulants, terrasses de cafés / restaurants) ? etc. En décomposant ainsi la chaîne du déplacement, Iter analyse les besoins des personnes sous un angle ergonomique des gestes et actions de la vie quotidienne, qui se peuvent se diviser en trois catégories : « ambulation, préhension et communication11 ». C’est l’Homme qui est au centre de la démarche, et non le respect de critères réglementaires ou de contraintes techniques, financières, etc. Ces maillons de la chaîne de déplacement sont évalués à travers de nombreux critères quantitatifs et qualitatifs qui permettent de dégager une typologie de l’accessibilité de 10 Cf. questionnaire MACS en annexe 11 Heyrman E, Larrouy M., in Gallez C., Kaufmann V., Maksim H, Vincent S., (dir.) 2010, p.124

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la voirie pour chaque famille de déficiences12 : - Le niveaux excellent (conforme, praticable et confortable), - Le niveau satisfaisant (conforme, praticable et autonomie partielle), - Le niveau basique (non-conforme, praticable et autonomie non garantie), - Le niveau non accessible (non-conforme, impraticable et adaptable), - Les impossibilités techniques avérées (pour les déficiences motrices uniquement). Le tableau suivant présente les résultats du diagnostic pour les situations de handicap rendant la voirie non accessible aux personnes atteintes de déficiences motrices. Il se décline en cartes par type de déficiences. La limite de ce tableau et de la méthode d’Iter est qu’il synthétise l’information uniquement pour l’étape « se déplacer ». Bien que les étapes de préparation du déplacement, d’utilisation des services et de l’accès aux ERP (c’est-à-dire l’interface cadre bâti-espace public) soient auditées, elles ne sont pas synthétisées. Mais les collectivités sont-elles prêtes à intégrer une telle masse d’informations ? Elles ne disposeraient plus de 5 tableaux, mais de 17 ! L’objectif est d’orienter l’action le plus efficacement possible, non pas de se disperser. Peut-être que ces étapes prendront plus d’importance au fur et à mesure que l’étape du déplacement

Handicap moteur

Km Voirie Hors Mobilier

% Total

Km Voirie Avec Mobilier

% Total

Niveau dʼExcellence Niveau Satisfaisant

0,87

7,9%

Niveau Basique

0,38

3,5 %

Non Accessible

9,17

84 %

10,41

95,4 %

Impossibilité Technique

0,5

4,6 %

0,5

4,6 %

10,92

100%

10,92

100%

TOTAL

Typologie de l’accessibilité de la voirie pour les personnes souffrant d’une déficience motrice Source : Iter, 2011a

sera traitée. L’audit de l’espace public hors voirie (places, square, parking, etc.) est plus délicat et ne peut être mené de la même façon que pour la voirie. En effet, pour cette dernière, les choix offerts aux piétons sont relativement limités et l’ensemble du cheminement est 12 Cf. critères d’audit en annexe

~ 61 ~


analysé. Sur un espace public plus vaste, où les usages sont potentiellement beaucoup plus nombreux, l’analyse porte sur l’accès aux espaces sociaux. Le fondement de l’analyse est donc la possibilité pour l’usager de réaliser les interactions sociales projetées, ce qui suppose là encore des critères d’analyse du territoire quantitatifs et qualitatifs. Selon cette méthode, l’espace public peut ne pas être totalement accessible (dévers ou ressaut à un endroit précis par exemple) s’il permet malgré tout l’accès à l’ensemble de ses ressources et ne provoque pas de ruptures dans la chaîne de déplacements. Une situation de handicap ponctuelle peut donc être tolérée si un cheminement alternatif permet aux usagers d’accéder aux ressources de cet espace. En travaillant ainsi, Iter reste dans un processus d’inventaire, sans diagnostic synthétique des conditions d’accès aux ressources du territoire et avec des critères d’audit ne dépassant que peu la norme. Toutefois, l’audit des places publiques, du fait de sa complexité, n’est pas une obligation. C’est une étape qui prend beaucoup de temps : - Audit avec mesure des dimensions de l’espace public et caractéristiques du terrain - Dessin à une échelle fine (entre 1/200e et 1/500e) - Préconisations

Audit de la place du Montalet source : Iter, 2011a

~ 62 ~


Préconisation pour la place du Montalet source : Iter, 2011a

AMENAGEMENT EQUIPEMENT

C onc ertation

SERVICE EXPLOITATION

SIGNALETIQUE

Préparation du déplacement

INFORMATION 1

1

Enjeux « Moteur »

Identifier et utiliser les services sur voie publique Arrêts Transport en Commun

Enjeux « Visuels »

Stationnement GIGGIC

1

Espaces commerciaux sur espace public

Enjeux « Auditif » 1

Cheminement longitudinal

1

1

1

Traversées piétonnes

1

1

Accéder à l'ERP

FORMATION

1

1

1

Synthèse des enjeux de l’audit source : Iter, 2011a

L’audit permet de synthétiser les enjeux du PAVE, d’après notre approche technique. Les quatre espaces fonctions de la chaîne de déplacement (préparer son déplacement, utiliser les services sur la voie publique, se déplacer, accéder) sont analysées selon : - Les situations urbaines handicapantes pour les principales familles de déficiences, ~ 63 ~


- Les types de solutions à apporter pour remédier aux situations de handicap (aménagement-équipement, signalétique, service-exploitation, information, formation). Chaque case du tableau ci-dessus indique donc de potentiels enjeux par type de déficiences, espaces fonctions de la chaîne de déplacement et solutions envisageables.

3.2.2 Les usagers comme experts du territoire Toutefois, comme énoncé précédemment, l’approche technique de l’accessibilité ne saurait suffire. Iter invite les représentants d’associations de personnes en situation de handicap, de commerçants, de parents d’élèves, etc. à exprimer leur appréciation de l’accessibilité de leur territoire. Un questionnaire reprenant les différents maillons de la chaîne de déplacement leur permet de pointer les situations urbaines qu’ils jugent handicapantes (démarche de consultation). Iter traite ensuite ces questionnaires en utilisant la même méthode analyse multicritères que pour l’analyse de l’audit technique. AMENAGEMENT EQUIPEMENT

C onc erta tion

SERVICE EXPLOITATION

SIGNALETIQUE

Préparation du déplacement

INFORMATION 1

1

Enjeux « Moteur »

Identifier et utiliser les services sur voie publique Arrêts Transport en Commun

Enjeux « Visuels »

Stationnement GIGGIC

1

Enjeux « Auditif »

Espaces commerciaux sur espace public

1

Cheminement longitudinal

1

1

Enjeux « Cognitif »

1

Traversées piétonnes

1

1

Accéder à l'ERP

FORMATION

1

1

1

Synthèse des enjeux exprimés par la société civile source : Iter, 2011a

Cette méthode permet de considérer les analyses technique (la règle et au-delà) et participative (l’accès aux ressources du territoire pour les citoyens-habitants-usagers) en formulant des enjeux partagés. Il est impossible pour la collectivité de ne pas rendre accessible un espace public sous prétexte qu’il n’a pas été mentionné par la société civile lors de la consultation : la démarche participative a pour but d’aider la collectivité à établir un diagnostic au plus près des besoins et capacités de la société civile et non de lui indiquer les processus réglementaires et techniques à suivre. L’expertise technique est uniquement du ressort de la collectivité. C’est donc elle qui est juridiquement responsable si elle ne répond pas au cadre réglementaire. L’expertise d’usage de la société civile vient en complément de l’expertise technique de la collectivité. Comme l’indique le tableau ci dessus, elle lui permet de définir des enjeux partagés qui sont une base pour établir le phasage des actions à mener pour ~ 64 ~


E njeux

AMENAGEMENT EQUIPEMENT

Préparation du déplacement Identifier et utiliser les services sur voie publique

SERVICE EXPLOITATION

SIGNALETIQUE

INFORMATION

FORMATION

Enjeux « Moteur »

1

1

1

1

1

1

1

1

1

1

1

1

Arrêts Transport en Commun

Enjeux « Auditif »

Stationnement GIGGIC Espaces commerciaux sur espace public

Enjeux « Visuels »

1

1

1

1

Cheminement longitudinal

1

1

1

1

Enjeux communs identifiés par les associations de PMR et ITER

1

1

1

1

1

1

1

1

1

1

1

Traversées piétonnes

1

1

1

1

1

Accéder à l'ERP

De nombreux obstacles pour moteurs et visuels (stationnement, mobiliers, revêtements, dimensionnements…) à corriger Aménagements pas aux normes (traversées piétonnes, places GIG-GIC) Accès aux ERP non adaptés aux handicapés (ressaut, pente, portes …) Problème dʼintensité lumineuse de lʼéclairage publique sur les places publiques Durée des feux tricolores inadaptée aux PMR

1

1

1

1

1

Enjeux « Cognitif »

1 Enjeux potentiels identifiés 1 soit par les associations de 1 PMR, soit par ITER 1

Aucune information permettant d ʼoptimiser son déplacement (pas de normalisation du site Internet, localisation des places GIG-GIC, voirie accessible…) Pas de formation des personnels de renseignements Informations peu lisible in situ (plan de ville) Problème de taille de caractère et de contraste chromatique Une signalétique incomplète pour les handicapés auditifs et très peu lisible pour les visuels et cognitifs

Synthèse des enjeux : expertises du technicien et de l’usager source : Iter, 2011a

éliminer les situations urbaines handicapantes. Mais avant de définir des préconisations, des actions, Iter associe les représentants de la société civile à une nouvelle étape dans la démarche participative du projet : les ateliers de créativité. Les techniciens de la collectivité et représentants de la société civile font l’expérience des situations de handicap, avant de travailler ensemble à la définition de solutions partagées par les usagers et la collectivité. Cette étape est extrêmement importante. Encore une fois, il s’agit d’utiliser le cadre réglementaire comme tremplin pour considérer l’Homme et ses usages comme le cœur du projet. Lors des ateliers, trois points essentiels pour la collectivité sont approchés : - La perception des situations de handicap, avec une sensibilisation de l’ensemble des techniciens et élus en simulant principalement des déficiences motrices et visuelles. Cette première étape se veut pédagogique : chacun constate par lui-même les situations de handicap, ce qui permet à Iter d’éviter d’expliquer plus en détail cette notion et d’être éventuellement accusé de positionnement partial et non objectif, prenant fait et cause pour l’usager contre la collectivité, - La coproduction de solutions acceptables pour l’ensemble des parties présentes dans le respect du cadre réglementaire de l’accessibilité, - La recherche de solutions innovantes centrées sur les capacités et les besoins des personnes. La situation de handicap n’est pas que le fait d’aménagements inaccessibles. Elle peut aussi provenir d’une information peu compréhensible, d’une absence de formation des personnels communaux aux solutions existantes, etc. Les ateliers permettent généralement aux techniciens de comprendre que les solutions pour rendre accessible leur territoire relèvent autant de l’aménagement que du service à la personne. Iter aide ainsi la collectivité à définir des actions de correction des situations de handicap mais aussi des actions de prévention. ~ 65 ~


Les photos ci-dessous illustrent des situations de handicap que les techniciens ne percevaient pas forcément avant ce contact avec la rupture de la chaîne de déplacement. Cette demi-journée où ils expérimentent le handicap est donc extrêmement importante pour prendre la pleine mesure des situations urbaines handicapantes.

Simulation de cécité complète

Simulation de déficience motrice

source : Iter, 2011c

source : Iter, 2011c

Simulation de déficience motrice

Simulation de déficience motrice

source : Iter, 2011c

source : Iter, 2011c

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Simulation de déficience motrice source : Iter, 2011c

Sans surprise, les ateliers ont été plébiscités lors des entretiens. En sus de leur intérêt pédagogique, ils permettent aux techniciens de rencontrer les représentants de la société civile dans un cadre moins officiel et plus détendu qu’une réunion publique. Pour certains, ils « permettent même de légitimer la démarche13 » auprès des associations. Il faut malgré tout noter que c’est une phase lourde pour Iter, puisqu’elle mobilise quatre personnes durant un jour et demi, sans compter sa préparation ni son traitement ultérieur. Le premier jour, il s’agit de rechercher des solutions partagées par la société civile et les techniciens selon les situations urbaines handicapantes pour les personnes présentant des déficiences : - Motrices : élimination d’obstacles physiques, - Visuelles : recherche d’équipements de sonorisation, d’informations tactiles ou podo-tactiles, contrastes chromatiques, etc., - Auditives : améliorer les sources d’information visuelle pour éviter le recours à une tierce personne, - Cognitives : définition de procédures pour proposer un espace public assurant la sécurité physique et psychique des usagers. L’objectif est de ne pas être dans la doléance, mais dans la recherche de solutions adaptées au territoire. Le second jour, ces solutions sont étudiées pour être déclinées en termes d’aménagement / équipement (mobilier urbain, signalétique, dimensionnement, etc.) et service à la personne (charte graphique, accessibilité du site internet, procédure d’intervention sur la voirie, etc). Par exemple, l’installation d’un plan de ville relève de l’atelier « aménagement », mais se conception de l’atelier « services ». Les ateliers vont donc bien au-delà de la norme : ils permettent à la société civile et aux collectivités de négocier, d’arbitrer des situations de handicap intégrant plusieurs contraintes. Par exemple, que fait-on quand il n’est pas possible de créer une place de stationnement réservé en face d’un ERP ? Peut-on réduire un trottoir de 1,40m à 1m pour 13 Cf. entretien Conseil Général de l’Yonne

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intégrer cette place ? ou décale-t-on la place là où le dimensionnement de la voirie permet de l’insérer ? Toutefois, en déterminant ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas (cf. grille d’évaluation des contrastes chromatiques ci-dessous), Iter dispose des éléments permettant de construire des préconisations partagées par la majorité des usagers et techniciens (sous

Choix issus de la concertation

Choix majoritaires

Choix secondaires

Choix marginaux

Choix des contrastes chromatiques en atelier de créativité source : Iter, 2011c

réserve qu’ils se soient exprimés durant le processus participatif).

3.3 L’apport de la méthode Iter aux collectivités Deux bases de données, « aménagement » et « concertation », permettent à Iter de disposer d’une base solide pour élaborer des préconisations répondant aux exigences réglementaires et aux besoins des usagers. Les documents techniques basés sur la loi et le référentiel de critères quantitatifs et qualitatifs d’Iter sont élaborés à partir de la base de données « aménagement ». Le traitement est automatisé pour déterminer, suite à l’audit, la typologie des sections de voirie, comme l’indique la carte ci-dessous. Iter a développé un logiciel métier, Auditer®, qui a pour objectif de faciliter l’audit terrain et le traitement des données obtenues. Toutes les situations urbaines handicapantes réglementées sont ainsi identifiées automatiquement et certaines préconisations peuvent être établies dans la foulée, notamment pour ce qui concerne les caractéristiques de terrain (pente et dévers). Cette automatisation des tâches permet à Iter de se consacrer à la formulation de préconisations pour éliminer les situations urbaines handicapantes dont aucune solution n’est réglementée par le législateur et qui relèvent pour la majorité d’entre elles d’une ~ 68 ~


approche qualitative de l’espace public. La base de données « concertation » trouve alors tout son sens. Elle contient les informations recueillies lors de la phase de consultation (expression de doléances) et des ateliers de créativité (formulation de solutions partagées). Elle facilite la rédaction des fiches actions puisqu’elle offre à la collectivité une base sur laquelle s’appuyer pour définir des critères de qualité pour ses interventions sur l’espace public. La BDD concertation enregistre les arbitrages de chaque membre des instances de validation en phase de scénarios (SDA) / préconisations (PAVE). La collectivité dispose ainsi d’informations sur les potentiels opposants à la réalisation d’une action (associations ou techniciens). C’est un outil de gestion du processus de projet et de négociation avec les différents acteurs qui permet de cadenasser le projet et de gérer les contentieux avec la société civile (procédure de dépôt de plainte obligatoire en SDA, proposé à la collectivité en PAVE). Ces deux bases de données étant remises au maître d’ouvrage, elles lui permettent de suivre l’évolution des processus d’aménagement et de concertation. À condition qu’il se saisisse de ces outils, qui sont malgré tout lourds, complexes et qui nécessitent une

Typologie des interventions source : Iter, 2011a

grande rigueur dans le suivi et le traitement, il dispose alors de moyens pour rendre son territoire accessible dans une logique de considération de la loi de 2005 comme base d’intervention pour favoriser les usages piétonniers sur l’espace public. ~ 69 ~


Les propositions de solutions de la base de données « concertation » sont classées pour produire des fiches actions orientées soit vers le service, soit vers l’aménagement. Dans l’optique de garantir des solutions efficaces pour éliminer les situations urbaines handicapantes et une cohérence d’ensemble entre les différents documents, Iter propose plusieurs outils au commanditaire : - Des bases de données et outils de suivi, - Des chartes, - Des documents d’information et des supports de communication, - Des modules de formation, - L’élaboration et l’adaptation de procédures. Cette énumération permet de comprendre qu’avant d’être une question d’aménagement, l’accessibilité repose avant tout sur l’organisation et la gouvernance de la collectivité. L’aménagement de l’espace public est le résultat visible de la mise en accessibilité d’un territoire mais n’est que la partie émergée de l’iceberg. L’accessibilité étant une thématique transversale, il appartient à la collectivité de se structurer pour garantir une politique cohérente et efficace. Si elle débute son intervention sur l’accessibilité par l’aménagement, elle prend le risque d’une action sans concertation interne et donc potentiellement source d’incohérences, mais surtout, les probabilités sont fortes de passer à côté des enjeux globaux de l’accessibilité.

Conclusion partielle Si l’accessibilité n’est pas encore passée dans les mœurs, c’est en partie du fait d’un défaut de connaissances des techniciens et élus en charge du sujet. Les entretiens ont permis de mettre à jour cette arrivée impromptue de l’accessibilité dans leur quotidien professionnel. Cette nouvelle thématique exige de nouvelles connaissances et au minimum l’adaptation des méthodes et outils existants, voire la création de nouveaux. L’accessibilité est une thématique transversale, il y a un énorme enjeu de collaboration entre les différentes collectivités selon leurs compétences. Là encore, la question de la méthode se pose. Comment traiter efficacement l’intégralité de la chaîne du déplacement lorsque les compétences sont disséminées entre collectivités de rangs différents ? Le pilotage et la gouvernance des projets sont alors primordiaux. La méthode développée par Iter peut aider les collectivités en ce sens. En posant la question du référentiel de critères d’évaluation et l’intégration de données qualitatives, il est possible de dépasser une vision strictement réglementaire du handicap. La méthode d’Iter permet de fournir des informations sur les situations de handicap par type de déficiences et sur leur degré d’accessibilité. Il s’agit bien de dépasser une vision réglementaire simpliste où un aménagement, un équipement est accessible ou non. De plus, en s’appuyant sur une démarche participative relativement poussée qui permet d’enrichir le diagnostic et les solutions envisageables, Iter fournit aux collectivités un document partagé par les techniciens et la société civile. La base de données concertation offre aux collectivités une facilité de gestion du processus de projet en enregistrant les arbitrages et les positions de chacun. Enfin, les livrables sont conçus de ~ 70 ~


façon dynamique : il n’est pas question de faire un audit à un instant précis et de livrer des solutions pour répondre aux situations de handicap identifiées mais d’aller beaucoup plus loin en fournissant à la collectivité les moyens d’intégrer l’accessibilité dans son fonctionnement. Cette façon de traiter l’accessibilité paraît pertinente pour intégrer des enjeux de développement durable et dépasser le cadre réglementaire. La méthode d’Iter nécessite certainement d’être améliorée, une réflexion sur les livrables et leur appropriation par le maître d’ouvrage me paraît indispensable : la complexité des documents font qu’ils sont difficilement transmissibles à une personne ne connaissant pas le sujet14. Toutefois, elle offre la possibilité aux collectivités qui s’emparent de la somme d’informations fournies de disposer d’outils permettant de replacer la mise en accessibilité de l’espace public dans un cadre dépassant de loin l’interprétation minimaliste de la loi du 11 février 2005. De plus en proposant un formulaire de validation des étapes, avec soumission à la collectivité des choix à opérer, Iter offre à la collectivité un outil qui facilite sa prise de décision, aide au phasage des actions et assoit sa légitimité en faisant participer au projet les représentants de la société civile. Toutefois, cette méthode est encore perfectible. Les produits accessibilité d’Iter sont au‑delà d’une étude pré-opérationnelle puisqu’ils soulèvent des enjeux globaux et amènent les collectivités à arbitrer sur la place des différents modes de déplacement dans l’espace public par exemple. Toutefois, ces arbitrages risquent d’être insatisfaisants : ils ne sont pas à leur place dans une étude pré-opérationnelle puisqu’ils relèvent des ambitions et des choix de la collectivité. Ils devraient donc se faire en amont, au moment de la planification.

14 Cf. entretien Agglopole Provence

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Conclusion

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L’accessibilité, à travers la loi du 11 février 2005, est devenue aujourd’hui une thématique incontournable pour tous les acteurs intervenant sur le champ construit de la ville. Toutefois elle souffre encore d’un manque global de connaissances, d’outils et de définition de méthodes pour pouvoir dépasser le simple respect d’une obligation réglementaire. Or les enjeux de l’accessibilité sur l’espace public vont bien au-delà du simple respect d’un texte de loi. Certaines collectivités l’ont compris, mais probablement peu ont trouvé de mode opératoire permettant de questionner, au-delà de l’accessibilité, la relation forme du bâti – lien social. En considérant les potentielles satisfactions d’interactions sociales, l’accessibilité conduit à s’interroger sur les usages dans l’espace public. Autrement dit, c’est la question des liens entre l’homme et son environnement qui se pose, qui peut se traduire par le concept de Haute Qualité d’Usage. En ce sens, l’accessibilité peut être identifiée comme la composante manquante du développement durable. Ce qui signifie que l’accessibilité dépasse largement le champ purement réglementaire et des réponses techniques aux situations urbaines handicapantes. L’accessibilité comme vecteur d’intégration du champ social du développement durable dans les politiques publiques relève alors des ambitions et choix politiques des collectivités et non d’un objet technique. Les PAVE ou SDA sont des documents pré-opérationnels, qui ont pour objectif d’assister les collectivités dans la prévention et l’élimination des situations urbaines handicapantes. Les projets qui en découlent sont lourds de conséquences sur l’aménagement et le fonctionnement d’un territoire. Ces conséquences, plutôt que de s’imposer aux collectivités, devraient être anticipées en amont, lors de l’établissement des différents documents de planification. Ce qui permettrait aux élus et techniciens de vivre l’accessibilité non pas comme une contrainte, mais comme un moyen d’arbitrer entre les différentes options d’aménagement qui découlent de leurs ambitions politiques. En posant à la collectivité la question de la place des différents modes de déplacement dans l’environnement urbain, l’accessibilité peut ainsi devenir une composante de la mobilité durable. Si Iter s’est positionné depuis plusieurs années sur le créneau de l’accessibilité et de la mobilité durable, la méthode reflète une vision encore entre deux eaux. Iter, dans le respect de ses valeurs, a toujours traité l’accessibilité en dépassant la norme pour considérer l’Homme au cœur de son environnement. Au fur et à mesure des études et du développement de la méthode, la nécessité de changer de mode opératoire est apparue. Il s’agit de dépasser un traitement de l’espace public, certes allant audelà de la norme, mais encore confiné au stade d’étude pré-opérationnelle, pour tendre vers une méthode remettant en question les outils de diagnostic et faisant le lien avec les arbitrages politiques, c’est-à-dire se diriger vers la haute qualité d’usage et le développement durable. À mon sens, l’enjeu est désormais de se positionner en amont du PAVE et du SDA. Comment l’accessibilité peut contribuer à recomposer les territoires et les fonctionnements urbains dans une approche de développement durable ? C’est-àdire l’intégrer pleinement dans le processus de planification pour assister les collectivités dans leur calibrage de l’espace public entre multifonctionnalité et polyvalence par exemple. ~ 73 ~


À l’heure actuelle, Iter est au balbutiement d’une méthode liant PAVE ou SDA et Plan de Déplacement Urbain (PDU). Pourtant, je suis convaincu que c’est un champ professionnel d’avenir. Il s’agit donc d’imaginer l’accessibilité dans une démarche verticale planification-études opérationnelles-projet, bien au-delà d’une simple démarche horizontale liant PAVE et plan de circulation par exemple.

Études de planification Ambitions politiques

Attentes des usagers

Quelle liaison ?

Études opérationnelles

PAVE

Plans de circulation

Étude transport Schéma modes doux… collectif

Des critères qualitatifs Une démarche participative Des outils de gestion du processus de projet…

projet

Quels liens entre une approche opérationnelle de l’accessibilité et sa planification ? Gadiollet B., 2011

Au même titre qu’Iter a défendu pendant des années une approche novatrice de l’accessibilité, il est maintenant nécessaire de développer le champ de la mobilité durable. Cela requiert du temps et cela suppose également que les collectivités se saisissent pleinement des différents documents d’urbanisme pour sortir de modes opératoires minés par la « prédominance de l’approche technique et financière au détriment d’une réflexion sur les logiques propres aux différents territoires1 ». Cela signifie que les collectivités ont besoin de temps pour acquérir de nouvelles compétences et connaissances, pour modifier leurs outils et méthodes. Or « un tiers des 36 000 communes françaises n’a pas défini de règles d’urbanisme et au moins 34 000 d’entre elles ont moins de 2 000 habitants2 ». Des évolutions importantes 1 2

http://www.metropolitiques.eu/De-l-urbanisme-reglementaire-a-l.html http://www.metropolitiques.eu/De-l-urbanisme-reglementaire-a-l.html

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dans la structuration même des collectivités sont donc nécessaires. La réforme en cours des collectivités territoriales sera-t-elle à la hauteur de cet enjeu ?

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references bibliographiques

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Cours THOMAS R., 2010-2011 BERTHET X., 2009-2010

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Glossaire

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AMO : Assistance à Maîtrise d’œuvre ANRU : Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine AOT : Autorité Organisatrice de transport APF : Association des Paralysés de France APS : Avant Projet Sommaire BEV : Bande d’Eveil de Vigilance CAUE : Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement CERTU : Centre d’Etudes sur les Réseaux, les Transports et l’Urbanisme CIF : Classification Internationale du Fonctionnement CIH : Classification Internationale du Handicap (1980) CSTB : Centre Scientifique et Technique du Bâtiment CUCS : Contrat Urbain de Cohésion Sociale ERP : Établissement Recevant du Public GART : Groupement des Autorités Responsables de Transport HQU : Haute Qualité d’Usage IOP : Installation Ouverte au Public INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques ITA : Impossibilité Technique Avérée IUG : Institut d’Urbanisme de Grenoble MACS : Maremne-Adour-Côte Sud (communauté de communes de) MIQCP : Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques OMS : Organisation Mondiale de la Santé PAVE : Plan d’Accessibilité de la Voirie et des Espaces publics PDU : Plan de Déplacement Urbain PMR : Personne à Mobilité Réduite PTU : Périmètre de Transport Urbain SDA : Schéma Directeur d’Accessibilité des transports UFR : Usager de Fauteuil Roulant VRD : Voirie Réseau Divers

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Table des illustrations

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Fig 1 : Les déficiences par type et par âge p.17 Fig 2 : Un schéma de pensée linéaire p.19 Fig 3 : Des situations de handicap multiples et variées p.20 Fig 4 : Le modèle social du handicap p.21 Fig 5 : Liens de causalité entre vision du handicap et solutions d’accessibilité p.22 Fig 6 : Evolution des conceptions de l’accessibilité p.23 Fig 7 : Les âges de la vie p.25 Fig 8 : Pourcentage et effectifs d’individus souffrant (exclusivement ou non) de déficiences par tranches d’âge p.31 Fig 9 : Ressaut mal traité p.35 Fig 10 : Caniveau ensablé, bourrelet du revêtement et ressaut du bateau bloquant la roue p.35 Fig 11 : Grille avec fentes supérieures à 2cm p.35 Fig 12 : Cheminement et quai de bus inférieurs à 1,40m (Rue des Crêts, Bourg en Bresse) p.36 Fig 13 : Absence de continuité dans le cheminement (Rue des Crêts, Bourg en Bresse) p.36 Fig 14 : Passage piéton et cheminement non conformes(Rue des Crêts, Bourg en Bresse) p.36 Fig 15 : Grilles sur cheminement avec fentes supérieures à 2cm p.37 Fig 16 : Boîte aux lettres en saillie de plus de 15cm et non repérée au sol p.37 Fig 17 : Exemple d’aménagement évitant que la boîte aux lettres ne constitue un obstacle p.37 Fig 18 : Diagnostic voirie sans prise en compte du mobilier urbain / avec prise en compte du mobilier urbain p.38 Fig 19 : L’emprise au sol de la voiture, photo aérienne de Chicago p.41 Fig 20 : Le secteur « à la française » p.42 Fig 21 : La ville passante ou une juxtaposition d’environnements sécurisés p.42 Fig 22 : Organigramme du PAVE et du plan de circulation d’Issou p44 Fig 23 : Analyse des conflits d’usages à Issou p.45 Fig 24 : Synthèse des enjeux modes doux p.45 Fig 25 : Synthèse des enjeux exprimés par les usagers p.46 Fig 26 : Des PAVE qui n’invitent pas à changer de mode opératoire p.47 Fig 27 : Les entretiens effectués p.55 Fig 28 : Répartition des compétences dans le champ des déplacements en France p.57 Fig 29 : Typologie de l’accessibilité de la voirie pour les personnes souffrant d’une déficience motrice p.61 Fig 30 : Audit de la place du Montalet p.62 Fig 31 : Préconisation pour la place du Montalet p.63 Fig 32 : Synthèse des enjeux de l’audit p.63 Fig 33 : Synthèse des enjeux exprimés par la société civile p.64 Fig 34 : Synthèse des enjeux : expertises du technicien et de l’usager p.65 ~ 84 ~


Fig 35 : Simulation de cécité complète Fig 36 : Simulation de déficience motrice Fig 37 : Simulation de déficience motrice Fig 38 : Simulation de déficience motrice Fig 39 : Simulation de déficience motrice Fig 40 : Choix des contrastes chromatiques en atelier de créativité p.68 Fig 41 : Typologie des interventions Fig 42 : Quels liens entre une approche opérationnelle de l’accessibilité et sa planification ?

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p.66 p.66 p.66 p.66 p.67 p.68 p.69 p.74


Table des matières

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Sommaire Remerciements Avant propos Introduction Partie 1 L’accessibilité, un concept protéiforme en constante évolution et recouvrant de multiples champs d’intervention 1.1 De la desserte du territoire à l’accès aux ressources du territoire 1.1.1 L’accessibilité, de multiples définitions pour des champs d’exercices professionnels mouvants 1.1.2. L’accessibilité dans les sciences du territoire, du génie urbain et de la mobilité 1.2 L’évolution des perceptions : du handicap de la personne à la situation de handicap 1.2.1 Le modèle individuel 1.2.2 Le modèle social du handicap 1.3 De l’accessibilité pour tous au développement durable Conclusion partielle partie L’accessibilité, une démarche qualité pour la production de l’environnement urbain 2.1 Au-delà de la contrainte 2.1.1. La surévaluation de l’importance du coût et les incohérences de la oi de 2005 2.1.1.1 Quel coût pour des espaces publics accessibles ? 2.1.2.2 La loi de 2005 et la rupture dans le traitement dans la chaîne de déplacements 2.1.2 La loi de 2005, une étape nécessaire pour l’amélioration de l’accessibilité qui n’incite pas les collectivités à changer de mode opératoire 2.1.2.1 La place de l’automobile dans la conception de la ville contemporaine 2.1.2.2 La ville produite par ce mode opératoire 2.1.2.3 Une évolution dans la conception de la ville mais un mode opératoire inchangé 2.2 Comment traiter ce qui n’est pas normé ? 2.2.1 La définition de critères qualitatifs pour répondre aux demandes d’interactions sociales 2.2.2 La démarche participative ou l’expertise du citoyen-habitant-usager Conclusion partielle partie 2 partie 3 La méthode Iter pour combler un déficit de culture des collectivités territoriales sur l’accessibilité ? 3.1 Une compétence transversale jusqu’alors méconnue des services aménagements / voirie / transport ~ 87 ~

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3.2 La méthode Iter, un instrument d’acculturation à l’accessibilité pour les collectivités territoriales 3.2.1 L’audit technique : une évaluation dépassant les exigences réglementaires 3.2.2 Les usagers comme experts du territoire 3.3 L’apport de la méthode Iter aux collectivités Conclusion partielle Conclusion references bibliographiques Glossaire Table des illustrations Table des matières

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