Envie de lire 39

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envie de lire les coups de coeur des bibliothĂŠcaires nÂş 39 hiver 2015/16 printemps 2016


envie de lire − Vous tenez entre les mains un recueil éclectique de propositions de lectures concocté par vos dévoués bibliothécaires. Vous y trouverez aussi bien des nouveautés que des classiques, des essais que des bandes dessinées ou des romans, sans oublier la science-fiction ou les polars, bref, tout ce qui fait la diversité des collections que les bibliothèques municipales mettent à votre disposition. Nous, bibliothécaires passionnés de lecture, partageons avec vous nos coups de coeur dans ces textes que nous vous laissons découvrir et dont nous espérons qu’ils vous donneront...


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ABERCROMBIE, JOE

La moitié d’un roi. Paris, Bragelonne, 2014 (La mer éclatée ; 1). 323 p. Cote R ABER : JON MIN PAQ Titre original anglais : Half a king

AABERCROMBIE, JOE

Pays rouge.

Paris, Bragelonne, 2014. 568 p. Cote R ABER : BUS CIT EVI JON MIN PAQ STA Titre original anglais : Red country


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Le prince Jarvi est né cadet, et pour cette raison il n’a pas été éduqué en vue d’hériter du trône de ce royaume du nord. Aussi, lorsque son père et son frère meurent au cours d’une expédition, c’est sans grande conviction qu’il prend la tête des troupes pour venger l’honneur de sa famille. Et d’ailleurs tout va mal tourner : il va vite être défait, se retrouver tout seul et être capturé puis vendu comme esclave pour rejoindre l’équipage de rameurs d’un navire pirate. Grâce à son astuce, néanmoins, Jarvi va réussir à survivre et revenir dans sa patrie au fil de longues pérégrinations pour se venger de ceux qui l’ont trahi. Joe Abercrombie commence une nouvelle trilogie, plus orientée vers les adolescents et jeunes adultes cette fois, mais toujours avec la maîtrise qu’on a pu découvrir dans ses œuvres précédentes. FG

Farouche Sud vit dans un trou perdu en compagnie de son frère et de sa sœur. Ils vendent chichement les maigres récoltes tirées de la ferme qu’ils exploitent en compagnie d’un employé et d’un Nordique qui se fait appeler Placide et à qui il manque un doigt probablement perdu lors d’une des nombreuses batailles qu’il semble avoir traversées dans son passé. Le jour où, revenant d’une transaction à la ville la plus proche, elle découvre que les enfants ont été enlevés par une bande de hors-la-loi, elle va partir à leur poursuite jusqu’à une ville perdue dans le désert où deux factions se livrent une guerre sans merci pour le contrôle total de leur cité. Et elle va apprendre à connaître ce Nordique qu’elle traitait de lâche, car les soudards qui s’en sont pris aux enfants de Logen le Sanguinaire ont fait une grosse grosse erreur… FG


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ADICHIE, CHIMAMANDA NGOZI

Americanah

Paris, Gallimard, 2014 (Du monde entier). 522 p. Cote R ADIC : CIT EVI JON MIN Titre original : Americanah Cote R2 ACHI : BUS CIT PAQ

Ifemelu et Obinze sont un couple d’étudiants amoureux tels qu’il en existe une multitude de par le monde. Mais ils vivent au Nigéria… Lorsque Ifemelu part aux Etats-Unis, contrainte à l’exil pour terminer ses études dans de bonnes conditions, elle est certaine d’y retrouver plus tard son promis, car rien ne semble pouvoir l’en séparer. C’est sans compter avec de terribles épreuves qui vont mettre entre elle et lui plus qu’un océan. Ce roman fleuve qui nous entraîne d’Amérique en Afrique en passant par l’Angleterre peut certes se lire comme un roman d’amour. Mais on peut y voir surtout une analyse, sous forme romanesque, de la question raciale aux Etats-Unis et de l’identité (ou des identités) des personnes noires de peau. Voilà une lecture qui questionne et qui décoiffe, à l’image de la bouleversante Ifemelu. FB


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ALCOBA, LAURA

Le bleu des abeilles Paris, Gallimard, 2014 (Blanche). 120 p. Cote R ALCO : EVI JON : CIT JON SER

Ce court roman pourrait être une ode à la langue française. L’auteur y relate son arrivée à Paris, à l’âge de 10 ans, pour rejoindre sa mère qui l’a précédée. Les parents sont argentins et ont subi de plein fouet la dictature. La mère de Laura a pu s’exiler mais son père, avec qui elle entretient une correspondance serrée, se trouve en prison. Contre toute attente, le Paris dans lequel va atterrir la petite fille n’est pas celui des Champs-Elysées et des beaux quartiers mais celui des banlieues où l’on parle autant l’espagnol, le portugais, que le français ! Mais peu importe la cité grise et le modeste appartement où elle vit… Laura n’a qu’une ambition : s’intégrer le plus rapidement possible dans son pays d’adoption. Pour cela, il lui faut à tout prix dompter ces sons si étranges, ces voyelles qu’il faut placer « juste sous le nez »... quant à la bibliothécaire… elle n’a qu’à bien se tenir ! Voilà un récit plein de l’optimisme et de l’insouciance des enfants. Rafraîchissant mais aussi instructif car on comprend mieux après cette lecture toute la difficulté de la langue française… FB


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ALCOBA, LAURA

Manèges : petite histoire argentine Paris, Gallimard, 2015 (Folio ; 5883). 144 p. Cote R ALCO : JON STA

ANGOT, CHRISTINE

Un amour impossible Paris, Flammarion, 2015, 216 p. Cote R ANGO : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA


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L’auteur raconte dans ce premier roman sa vie de clandestine en Argentine, dans les années 1975-1976, alors qu’elle n’avait que… 8 ans. Ses parents militent en effet contre la dictature militaire. Son père est emprisonné et sa mère l’entraîne dans sa vie de recluse. La petite fille doit surtout éviter de parler, de donner son nom, ce qui pourrait mettre en péril l’organisation et la vie des militants. C’est beaucoup de responsabilité pour un enfant mais elle prend son rôle très au sérieux … J’ai aimé ce récit tout en délicatesse et qui jamais ne tombe dans le pathos. Il restitue très bien l’atmosphère qui devait régner en Argentine dans cette période sombre. Si comme moi vous avez apprécié cette petite histoire argentine, vous pourrez lire Le bleu des abeilles qui lui fait suite. FB

Il y a plusieurs amours impossibles dans ce dernier roman de Christine Angot. Rachel et Pierre, qui se rencontrent dans les années 50, à Châteaurouge, elle travaillant à la sécurité sociale, alors que lui est un grand bourgeois parisien, traducteur. De cet amour naîtra une fille : Christine. Mais Pierre refuse de se marier avec Rachel, probablement à cause de leurs différences de classe sociale. Il rentrera d’ailleurs vivre à Paris, entretenant néanmoins une relation épistolaire épisodique. Pendant toute cette période, Rachel s’occupe de sa fille, avec amour, dans une relation idyllique qui se ternira lors de l’adolescence. Et plus particulièrement lorsqu’à l’âge de 13 ans, Christine revoit son père, qui a enfin accepté de la reconnaître sur l’insistance de sa mère, et tombe sous le charme de cet homme érudit, séducteur, manipulateur et prédateur. C’est à partir de ce moment qu’il abusera d’elle. Dans une langue magnifique qui donne envie de lire à haute voix, Christine Angot, apaisée, élabore une œuvre forte, livre après livre, qui se met en place comme les pièces d’un puzzle, avec comme question centrale l’inceste qu’elle a subi et plus précisément dans cet ouvrage, l’aveuglement de sa mère. PB


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AZZEDDINE, SAPHIA

Bilqiss

Paris, Stock , 2015. 208 p. Cote R AZZE : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER

Un livre qui dit NON. Le non d’une femme qui refuse de se soumettre et d’abdiquer dans un pays islamiste. Qui préfère une sentence inique à une vie confisquée. Et pourtant, un livre souvent drôle et léger, léger comme la vie devrait l’être. Condamnée à mort par lapidation pour avoir remplacé le muezzin - alors qu’il était ivre - pour un appel à la prière plutôt personnel, Bilqiss garde la tête haute et refuse de plier. Ce huis clos, soutenu par une très belle plume, est un florilège de phrases assassines contre les sociétés machistes, la bien-pensance et le détournement de la parole divine. Par miroir, ce livre est aussi un livre sur la lâcheté et la faiblesse des hommes qui détiennent le pouvoir. MH




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BALTASSAT, JEAN-DANIEL

Le divan de Staline

Paris, Seuil, 2013. 309 p. Cote R BALT : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Novembre 1950. Le monde redoute une troisième guerre mondiale en Corée. Le féroce Staline vieillissant s’installe dans un ancien palais en Georgie. Dans un des bureaux se trouve un divan, semblable à celui de Freud, le « charlatan viennois », comme il l’appelle. Staline demande à sa belle maîtresse de lui lire Pouchkine et d’écouter ses rêves. Et il rêve beaucoup : de sa femme, de son exil en Arctique, de sa mère et de Lénine, les « plus grands menteurs de la terre ». Dans la remise, le jeune Danilov attend de pouvoir lui présenter son projet de monument à sa gloire. Dans ce huis clos presqu’étouffant, le temps est omniprésent. Des horloges indiquent l’heure de Moscou, de Pyong Yang, du Pacifique et de Washington. Les officiers, la maîtresse, l’artiste, tous sont suspendus au bon vouloir du maître pour manger, dormir, se lever. Le « petit père des peuples » s’amuse à tirer les ficelles du mensonge et de la vérité tout en ayant une impitoyable conscience de sa propre décrépitude physique. L’auteur mêle réalité historique et fiction, et nous livre un fascinant roman. FA


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BARREAU, NICOLAS

Le sourire des femmes Paris, Ormesson, 2014. 286 p. Cote R BARR : BUS CIT JON MIN PAQ SER : CIT JON MIN SER STA

BIGNARDI, DARIA

Accords parfaits Paris, Escales, 2014. 230 p. Cote : BIGN : JON Titre original italien : L’acoustica perfetta Cote R5 BIGN : CIT


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Aurélie, poussée par l’instinct, dévore un roman qui va beaucoup l’aider à surmonter un moment difficile. Elle vient en effet de rompre avec Claude, son fiancé. Et, fait incroyable, à sa lecture, la jeune femme se reconnait dans un personnage du livre. Plus qu’intriguée, elle cherche à entrer en contact avec l’auteur… Et c’est là que commencent les difficultés : on dirait bien que les éditions Opale, à l’origine du livre, lui mettent les bâtons dans les roues. Pourquoi son collaborateur, André Chabanais, lui promet par exemple de l’informer de la venue de l’auteur à Paris, pour ensuite la lui cacher ? J’ai eu du plaisir à lire Le sourire des femmes qui est une comédie romantique plutôt bien ficelée qui ravira les amatrices/teurs de détente, d’humour et de rêve. FB

Adolescents, Arno et Sara se sont connus, aimés, puis séparés. 16 ans plus tard, ils se retrouvent par hasard, se marient et ont trois enfants. Leurs premières années en couple sont prometteuses : Arno vit son rêve de toujours d’être violoncelliste à la Scala de Milan pendant que Sara excelle en mère de famille attentionnée. Puis commencent les désaccords, les disputes, jusqu’au jour où Sara disparaît sans laisser d’adresse. Arno passe de l’incompréhension à la colère, puis, dans un deuxième temps, se met à sa recherche. Il aimerait surtout comprendre les zones d’ombre de son épouse qui a gardé pour elle de nombreux secrets. S’il réussit à percer les mystères de Sara, pourra-t-il la reconquérir ? Daria Bignardi, journaliste et écrivain italienne, a réussi un roman psychologique qui approche avec délicatesse les personnages. Une belle réussite à mon avis. FB


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BLONDEL, JEAN-PHILIPPE

Un hiver à Paris

Paris, Buchet Chastel, 2015. 267 p. Cote R BLON : BUS CIT EVI JON SER

BOLTANSKI, CHRISTOPHE

La cache

Paris, Stock, 2015. 344 p. Cote R BOLT : BUS CIT EVI SER


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Victor, 18 ans, quitte sa province pour entrer en hypokhâgne dans un prestigieux lycée parisien. Les élèves issus des beaux quartiers le snobent tandis que les professeurs ne voient en lui qu’un tâcheron médiocre. Il passe sa première année dans une solitude totale à travailler avec acharnement. Puis un événement tragique va bouleverser son existence : Mathieu, avec qui il avait tissé un début d’amitié, se suicide en plein cours. Victor, jusque-là insignifiant aux yeux des autres, prend soudain de l’importance en tant qu’ami de la victime. Le père de Mathieu se raccroche à lui tandis qu’un camarade l’installe dans la chambre de son frère disparu. Mais Victor cherche toujours sa propre voie… Des faits réels sont à l’origine de ce roman aux accents sincères. L’auteur, dans un style élégant et limpide, semble se délester d’un poids en mettant en mots cette période troublée de sa jeunesse. FB

Chez les Boltanski, la peur se transmet. Elle vient d’Odessa, leur ville d’origine où les pogroms furent terribles. Exilée en France la famille s’est soudée pour se rassurer jusqu’à la 2ème Guerre mondiale qui la replonge dans l’angoisse ; Etienne Boltanski, le grand-père du narrateur, faisait partie des 2% de médecins juifs qui avaient encore le droit d’exercer en « récompense » de leur engagement en 14-18. Il se sent malgré tout menacé et en 1942, avec sa femme, ils décident de simuler sa fuite. En réalité, Etienne se cachera pendant presque 2 ans dans un cagibi de la maison, coincé entre la salle de bains et la chambre, un entre-deux dû à un probable défaut de construction. Seuls son épouse et son fils aîné sont dans le secret. Luc, le père du narrateur, n’a que 7 ans et on lui laisse croire que son père les a abandonnés. Ce roman autobiographique est construit autour des différentes pièces de l’appartement parisien. Dans la cuisine il se souvient de sa grandmère et de sa polio, le grenier lui rappelle son oncle artiste… Les empreintes et les indices s’assemblent, se recoupent, tel un jeu de Cluedo. RL


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BONDOUX, ANNE-LAURE MOURLEVAT, JEAN-CLAUDE

Et je danse, aussi

Paris, Fleuve, 2015. 279 p. Cote BOND : BUS CIT EVI JON : CIT JON STA

Pierre-Marie Sotto est un écrivain célèbre en panne sèche d’écriture. Il reçoit un jour une grosse enveloppe, un manuscrit visiblement, envoyée par une parfaite inconnue, une certaine Adeline Parmelin. Retenu par la belle plume de l’intrigante Adeline, il se retrouve malgré lui à entretenir une longue discussion par e-mail avec elle. Des liens se créent au point que leur correspondance en devient presque un besoin vital qui les aide l’un et l’autre dans un moment difficile. Ce roman est une suite de lettres entre Pierre-Marie et Adeline, mais aussi entre Pierre-Marie et son couple d’amis désopilants Max et Josy, sans oublier « l’ogresse » Lisbeth. Ces échanges sont de véritables parties de ping pong adroites et jubilatoires. Les moments de tristesse alternent avec ceux d’une grande drôlerie. Sachez encore que ce roman a réellement été écrit à quatre mains. JeanClaude Mourlevat a lancé la première balle à Anne-Laure Bondoux qui l’a renvoyée… pour le plus grand bonheur du lecteur, du mien en tout cas ! FB


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BOUILLIER ; GRÉGOIRE

L’invité mystère Paris, Allia, 2004, 93 p. Cote R BOUI : CIT EVI

Grégoire Bouillier qui avait fait une entrée fracassante dans le monde littéraire en signant Rapport sur moi, prix de Flore en 2002, signe avec L’invité mystère un petit livre décalé et jouissif. Lorsque son ex-amie lui téléphone, le jour de la mort de Michel Leiris, il ne sait tout d’abord comment interpréter cette voix qui était devenue silence ni si les deux événements ont un lien. Elle lui propose de l’accompagner à la fête d’anniversaire de Sophie Calle qui invite, chaque année, un nombre de gens correspondant à son âge plus un invité mystère qui est censé incarner l’année qu’elle va vivre. C’est son ex qui est chargée cette année-là d’amener le mystérieux convive et elle a décidé que ce sera lui. Aux lecteurs de découvrir comment se déroulera cette soirée que le narrateur n’a pu refuser. Magique. PB


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BOURGOIN, STÉPHANE

Qui a tué le Dahlia Noir ? : l’énigme enfin résolue Paris, Ring, 2014 (Murder ballads). 479 p. Cote 364.15 BOU : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER

Stéphane Bourgoin, le célèbre spécialiste des tueurs en série, s’est immergé dans la fameuse affaire du Dahlia Noir. Pour ceux qui auraient loupé le début, une jeune femme de 25 ans, Elizabeth Short a été assassinée à Los Angeles : on a retrouvé son corps au matin du 15 janvier 1947, coupé en deux au niveau du bassin, nue et les jambes écartées, les joues coupées à partir de la bouche jusqu’aux oreilles, sans compter d’autres « détails » peu ragoûtants. Ce meurtre n’a jamais été élucidé et il a fait l’objet de nombres conjectures. Il a donné lieu à un tas d’interprétations et inspiré notamment James Ellroy et Brian de Palma. Plus de 65 ans après les faits, Stéphane Bourgoin nous livre le fruit d’une enquête minutieuse, où l’on découvre que les journalistes ont saboté le travail de la police, et que le corps (retrouvé « dans un terrain vague ») était allongé à 30 cm d’un trottoir où une mère de famille l’a découvert en se rendant faire ses courses avec son fils. Bourgoin a étudié le modus vivendi de plusieurs serial killers et l’a comparé avec celui de l’assassin du Dahlia Noir pour nous offrir une version qui tient certainement la route mais dont on ne saura jamais si elle est la bonne ou pas. Peu importe, ce livre est passionnant. Mais attention, il est richement illustré de photos très explicites, d’une violence parfois insoutenable. DM


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BRECART, ANNE

La femme provisoire Genève, Zoé, 2015. 155 p. COTE R BREC : CIT EVI JON MIN SER STA

Une femme reçoit la visite de Valentin, un jeune homme qu’elle n’a pas vu depuis trente ans. Son arrivée déclenche chez elle un processus de mémoire : après avoir subi un avortement, elle était partie à Berlin, où elle devait assurer une traduction. Elle y avait fait la connaissance de Javier, qui venait de quitter sa femme. Ils occupent deux chambres d’un grand appartement d’un immeuble vide de l’est de la ville. Un jour, Javier arrive avec dans ses bras Valentin, son fils, alors âgé de 10 mois. La jeune femme s’attache au petit garçon et sent peu à peu naître en elle le sentiment d’appartenir à une famille, sans savoir exactement ce que cela signifie, d’autant qu’elle n’est pas vraiment amoureuse de Javier. En promenant Valentin, la jeune femme croit apercevoir la mère du bébé. Elle imagine que son fils lui manque, et s’interroge sur son propre attachement au bébé, alors qu’elle a désiré un avortement. Elle qui avait accepté passivement de s’occuper du bébé d’une autre, dans l’ambiance feutrée de l’hiver et la chaleur étouffante de l’été berlinois, ne se sent pas le droit d’usurper le rôle de mère et décide de le lui rendre. FD


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BRETT, LILY

Lola Bensky Paris, La grande ourse, 2014. 270 p. Cote R BRET : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

BURROUGHS, WILLIAM SEWARD

Le festin nu

Paris, Gallimard, 2002. 334 p. Cote R BURR : CIT EVI JON PAQ STA


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Lola Bensky, comme l’auteure de ces souvenirs romancés, est fille de parents polonais rescapés des camps et réfugiés en Australie. A 19 ans, elle est journaliste pour le magazine australien « RockOut ». En 1967, la musique est partout : on l’envoie en reportage à Londres où elle rencontre Jimi Hendrix, Mike Jagger et couvre également le festival de Monterey. Janis Joplin parle de sexe, de drogue, d’alcool et Cher lui emprunte ses faux-cils. Même si la musique ne la met pas en transe (elle s’endort au concert de Ravi Shankar), elle excelle dans l’art d’entrer en relation et de créer un climat de confiance. Lola est une fille rondelette ; cet excès de poids la fait souffrir et lui rappelle constamment sa relation difficile avec sa mère. Comment être enfant de rescapés de camps, c’est la question qui traverse ce roman. Entre silences, non-dits, culpabilité d’être vivants, elle a grandi discrètement, sans recevoir beaucoup d’affection. Après un divorce et la mort de sa mère, Lola ose enfin perdre du poids et s’affirmer. Lola-Lily navigue de 20 à 65 ans pour nous offrir une quête d’identité passionnante. RL Plongé dans la tête d’un camé, Le festin nu est un récit irracontable et déstructuré. Entre hallucination, métamorphoses et délire, William Lee entraîne le lecteur dans une descente aux enfers de la toxicomanie. Réfugié dans « l’Interzone » (lieu entre New York et Tanger ne figurant sur aucune carte) après avoir accidentellement tué sa femme, William se prend pour un agent secret et rédige des rapports à l’aide de sa machine à écrire fort loquace. Destiné à un public averti, cet ouvrage est à la fois tragique, macabre, délirant, poétique et comique. DDB


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BUTI, ROLAND

Luce et Célie Genève, Zoé, 2015 (Zoé poche ; 64). 170 p. Cote : R BUTI : CIT JON MIN STA Existe aussi en édition originale. A noter que l’édition de poche présentée ici a été largement remaniée par l’auteur.

Dans la Suisse romande des années soixante, Célie entre comme bonne au service de Jean Périard et de son épouse Luce. Monsieur, un industriel fortuné, tyrannise son épouse avec l’aide de sa mère. Luce n’est plus que l’ombre d’elle-même. D’abord très distantes, les deux femmes s’allient et, sans mot dire, font basculer leurs destins. Après s’être attardé sur la jeunesse de l’une et l’autre femme, l’auteur fait monter la tension jusqu’à son paroxysme. Buti nous livre un excellent roman noir, court, efficace, écrit d’une magnifique plume. Un auteur romand à découvrir de toute urgence ! FB


Le jour ni l'heure: FĂŠlix Vallotton



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CAPUS, ALEX

Le faussaire, l’espionne et le faiseur de bombes Arles, Actes Sud, 2015. 284 p. Der Fälscher, die Spionin und der Bombenbauer Cote R3 CAPU : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

En novembre 1924, trois personnes se croisent sans se voir en gare de Zürich : Félix Bloch, Laura d’Oriano et Emile Gilliéron. Ils n’ont rien en commun, sinon que les deux hommes sont suisses de naissance et Laura par mariage. Le livre déroule leurs vies de personnages somme toute banals que le destin propulse dans des sphères qui le sont moins : Félix, physicien pacifiste, participe aux travaux d’Oppenheimer sur la bombe atomique. Emile devient «créateur» d’objets antiques retrouvés à Mycènes et Cnossos. Laura, chanteuse de cabaret, vendeuse de partitions puis de chapeaux, sera fusillée comme espionne de la Résistance. Capus pose sur eux un regard amical, les décrit d’une plume ironique mais bienveillante et se livre à leur sujet à quelques petites digressions sur ce qui aurait pu se passer si... qui sont autant de clins d’oeil au lecteur. FD


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CARRISI, DONATO

La femme aux fleurs de papier Paris, Calmann-Lévy, 2014. 214p. Cote R CARR : BUS CIT EVI PAQ STA

1916, sur le front des Dolomites, un médecin militaire autrichien, faute de pouvoir sauver tous les soldats qui lui sont confiés, note dans son carnet leurs derniers mots. Rouman a une nuit pour obtenir le nom du mystérieux Italien qui refuse de répondre au commandant. Ce dernier le soupçonne d’être officier et espère obtenir un échange de prisonniers. Tel un Séhérazade au masculin, l’homme qui ne veut pas dire son nom entreprend de raconter au médecin la vie d’un certain Guzman, fumeur de cigares et infatigable conteur d’histoires. De Marseille à l’Argentine en passant par Paris, vous apprenez qui est la femme aux fleurs de papier, pourquoi parfois les montagnes chantent, et qui est l’homme en smoking qui s’est laissé sombrer avec le Titanic. Une belle histoire sur le pouvoir de la parole. FA


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CATHRINE, ARNAUD

Pas exactement l’amour Paris, Gallimard, 2015 245 p. (Verticales Phase Deux) Cote : CIT EVI JON PAQ

Arnaud Cathrine revient avec un recueil de dix nouvelles qui mettent en scène des histoires d’amour. Les personnages, hommes ou femmes, sont amoureux, pas encore, sur le point de le devenir ou vivent avec des souvenirs douloureux ou nostalgiques. Avec des effets collatéraux qui explosent et rejaillissent parfois des années plus tard. La citation de Marguerite Duras qui ouvre le recueil annonce clairement le ton des nouvelles : « Après c’est devenu moins grave, une histoire d’amour ». Entre humour et gravité, caresse et violence, attente et fusion, confidence et cri, Arnaud Cathrine, avec son écriture toujours aussi ciselée, dresse une topologie amoureuse. Doux et terrible à la fois. Comme l’amour. PB


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CAUWELAERT, DIDIER VAN

Jules

Paris, Albin Michel, 2015. 277 p. Cote R CAUW : BUS EVI JON MIN PAQ SER STA

CHAMBAZ, BERNARD

Portugal

Paris, Bourin, 2013. 146 p. Cote R CHAM : CIT EVI MIN


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Une fois n’est pas coutume, c’est un canidé qui tient la vedette de cette histoire. Jules est un magnifique labrador qui officie auprès de la charmante Alice, aveugle depuis ses 17 ans. Les deux forment une paire inséparable jusqu’au jour où Alice, devenue trentenaire, retrouve la vue après une opération chirurgicale. Privé de sa maîtresse et remis à un nouveau (et terrible !) malvoyant, Jules dépérit. Qui pourra lui rendre sa raison de vivre ? Peut-être Zibal, un scientifique aussi original que malchanceux. Ce roman plaira aux amis des animaux et même aux autres car il faut bien l’avouer, ce Jules est craquant ! Cauwelaert tenait à aborder le thème des chiens d’aveugle dans un de ses livres. Le pari est tenu et de belle manière. Rocambolesque à souhait, ce récit s’avale d’une traite. FB

« Les livres appellent les livres », c’est ainsi que commence ce récit qui s’inspire de Portugal de Jean Giraudoux. Ce dernier était parti là-bas en 1940 sur les traces de son fils, Jean-Pierre, qui avait déserté, répondant à l’appel du Général De Gaulle. Chambaz nous raconte un peu du voyage de Giraudoux en sachant qu’il mourra en 1944 sans avoir revu son fils, leurs routes ne s’étant plus croisées dans cette période de guerre. Les fils appellent les fils et Chambaz nous émeut quand il parle de son projet de voyage en 1992 au Portugal, en famille, avec leurs trois enfants : « Voyage abandonné à cause de la disparition de notre fils, Martin, reporté sine die ». 20 ans plus tard, il est prêt à repartir. Il raconte alors son Portugal, celui des églises où les gens s’apostrophent à haute voix, brisant le cliché du « silence religieux ». Il évoque un peu ironiquement la « célébrissime » fenêtre de Tomar. On apprend aussi pourquoi les habitants de Porto ont gagné le surnom de « mangeurs de tripes ». Chambaz nous emmène encore à Lisbonne, au cimetière de Prazeres (plaisirs) où Pessoa repose pour terminer ensuite son périple sur la tombe de Jean Giraudoux, au cimetière de Passy. RL


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COLIC, VELIBOR

Ederlezi

Paris, Gallimard, 2014. 211 p. Cote R COLI : CIT EVI STA

CONROY, PAT

Charleston Sud Paris, Albin Michel, 2009. 583p. Cote R CONR : BUS CIT JON MIN PAQ SER


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On entend presque le rythme endiablé de la musique tzigane jouée par Azlan et ses nombreux orchestres au fil du roman. Azlan, chanteur, conteur, séducteur et bagarreur erre en Europe à travers le XXème siècle. Il vit de musique et d’alcool, de morts et de renaissances, de bagarres et de grandes amitiés ainsi que de grandes amours. Avec ses différents orchestres, il voyage et répand sa folle musique un peu partout lors de fêtes sans fin. Il sera également englouti par l’horreur des nombreuses guerres au cours de ce siècle violent. La méfiance et la haine croissantes envers les Tziganes conduira Azlan, âgé de plus de cent ans, à s’installer dans la « jungle » de Calais en 2009. DDB

Le « crapaud » est un garçon solitaire très myope que le suicide de son frère à 11 ans a rendu encore plus seul. Sa mère, férue de James Joyce et de religion, lui fait bien comprendre qu’il ne pourra jamais atteindre le niveau de son aîné. Il se laisse accuser de trafic de coke à la place d’un autre et est condamné vu son jeune âge à des travaux d’intérêt général. Cette punition, livrer les journaux du matin, va lui ouvrir une autre voie. Protégé par un antiquaire bougon et encouragé par un coach noir, il va être le moteur d’une petite révolution chez les ados de Charleston encore ségrégationniste. Il est impossible de vous parler de tous les personnages de cette saga qui nous transporte des années 60 aux années 80 où le sida pulvérise l’insouciante liberté sexuelle des jours d’avant. Il n’y a pas de pathos dans ce roman, mais un art accompli de raconter une histoire. FA


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COSTELLO, MARY

Academy street Paris, Seuil, 2015. 186 p. Cote R COST : CIT EVI Existe en langue original anglaise Cote R2 COST : CIT

DE QUINCEY, THOMAS

Confessions d’un mangeur d’opium anglais. Paris, Sillage, 2014. 155 p. Cote 828.03 DEQ : CIT EVI MIN PAQ


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Tess est la benjamine d’une fratrie de six enfants. Elle n’a que 7 ans lorsque leur mère meurt à 40 ans d’une tuberculose. Elle ne connaîtra ensuite plus qu’un père accablé de chagrin, des frères qui font ce qu’ils peuvent pour l’aider à la ferme et, heureusement, l’amour de sa sœur aînée. Elle s’en ira aux EtatsUnis où Tess la rejoindra pour commencer une nouvelle vie. A New York, elle devient infirmière et tombe amoureuse du cousin de sa colocataire. Il la quittera après une seule nuit d’amour sans jamais donner aucune nouvelle. Comme un malheur n’arrive jamais seul, Tess est enceinte… Elle élèvera Theo du mieux qu’elle peut, dans son appartement d’Academy street, entre son travail et l’amitié de Willa, sa voisine noire. Son seul bonheur, elle le trouve dans les livres qu’elle emprunte à la bibliothèque. Mary Costello brosse ici le portrait d’une femme ordinaire, dont la vie brille par son absence d’événements. Un roman délicat et d'une tristesse infine. DM

Après un avis au lecteur, Thomas De Quincey nous livre une autobiographie construite en plusieurs périodes de sa vie en lien avec son addiction à l’opium qu’il consomme sous forme de teinture alcoolique. Entre récit et réflexion, l’auteur se questionne sur les causes de cette addiction en évoquant son enfance et sa jeunesse, puis raconte le quotidien d’un mangeur d’opium en structurant son ouvrage entre les plaisirs, les souffrances et les conséquences. Rêves merveilleux, angoissés et introspections sont au cœur de cet ouvrage dont Musset fera la traduction et Baudelaire le commentaire. DDB


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DESPOT, SLOBODAN

Le miel

Paris, Gallimard, 2013. 126 p. Cote R DESP : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

DEVILLE, PATRICK

Viva

Paris, Seuil, 2014 (Fiction & Cie). 217 p. Cote R DEVI : BUS CIT EVI JON MIN : CIT


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Apeurée par un homme aux airs tyranniques, Vera, herboriste, sauve un vieillard martyrisé au bord d’une route. A sa grande surprise, ce même homme nerveux nommé Vesko vient lui remettre plusieurs bidons de miel de la part du vieillard apiculteur sur lequel il hurlait quelques jours plus tôt. Le vieux n’est autre que le père de Vesko resté reclus avec ses abeilles au pays pendant la guerre d’ex-Yougoslavie. C’est ainsi que débute le récit d’un fils contraint d’aller chercher son père qu’il croyait disparu à travers des frontières nouvelles et un pays devenu étranger. Vera vit une épopée à la fois drôle et touchante dans laquelle intervient une substance douce et collante utilisée comme monnaie d’échange mais à la fois source d’ennuis : le miel. DDB

Mexique, 1937. Léon Trotsky le renégat est accueilli au Mexique par Frida Kahlo et Diego Rivera. On sait dès le départ que, recherché, il n’en a plus pour très longtemps. Malcolm Lowry lui aussi est au Mexique, s’acharnant à écrire son roman Sous le volcan entre deux cuites et deux ruptures / rabibochages avec sa femme. Mais plus que les vies parallèles de ces deux figures célèbres, c’est l’émulation du Mexique qui est décrite ici, le Mexique qui accueille, dans le sillage de Kahlo et Rivera, mais pas seulement, la photographe Tina Modotti (qui fut l’épouse d’Edward Weston), Arthur Cravan (neveu d’Oscar Wilde), B. Traven, le mystérieux auteur du Trésor de la Sierra Madre débarqué d’un cargo norvégien sous le nom de Ret Marut. On aura même droit à la visite d’Antonin Artaud et d’André Breton qui poussa Kahlo à exposer à Paris, ce qui se passa plutôt mal. Ce passionnant récit non linéaire nous donne envie d’aller plus avant dans la (re-)découverte des artistes dont il est ici question. DM


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DIVRY, SOPHIE

La condition pavillonnaire Lausanne, Noir sur blanc, 2014 (Notabilia ; 12). 262 p. Cote R DIVR : CIT EVI

« Tu t’ennuyais beaucoup quand tu étais petite ». Ainsi commence ce roman qui, dès le début, nous interpelle, avec ce « tu » qui nous prend à partie. Peut-être que toi aussi tu t’ennuies et tu te plains de la répétition, de l’événement qui ne vient pas, de ton travail, de ta maison quelconque avec ton mari et enfants ordinaires. L’héroïne de ce roman porte les initiale M.A., nous renvoie à Emma Bovary. Elle souffre d’un excès de banalité, comme l’héroïne de Flaubert. L’habitude, le couple, la famille, tout l’ennuie ; même si les enfants la projettent comme elle dit « dans une autre humanité, d’une essence supérieure à la précédente », ça ne suffit pas à la stimuler. Elle tente alors l’adultère. Mais là encore, l’amant n’est pas à la hauteur de ses attentes : il préfère faire carrière et s’en aller. La rupture la plonge dans une dépression qu’elle doit tenir secrète. L’auteure nous livre les soupirs de son M.A. et nous donne à réfléchir sur ce qu’est une vie réussie. N’est-pas justement ce « merveilleux quotidien » que célébrait le poète Aragon ? RL




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DJAVANN, CHAHDORTT

Big Daddy

Paris, Grasset, 2015. 283 p. Cote R DJAV : BUS CIT EVI MIN PAQ STA

Dans cette petite ville de l’Amérique profonde, Big Daddy, parrain de la mafia locale, a pris sous son aile Rody, un gamin des rues qui n’a rien à perdre. Il a fait son éducation criminelle, le considérant comme son fils. Aujourd’hui Rody croupit dans une prison, condamné à perpétuité pour un triple meurtre. Son avocate le rencontre régulièrement, lui apprend à lire et à écrire. Elle le pousse à raconter son histoire, qu’elle retranscrit pour en faire un livre. Rody accepte à condition qu’elle-même fasse également le récit de sa vie. Le roman alterne donc les portraits de Rody, de son avocate et de Big Daddy, pour composer une intrigue pleine de rebondissements, où sont abordés les thèmes de la violence, des médias, du racisme et de la politique, entre autres. Ce roman noir, efficace et rythmé se lit d’une traite. DM


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D’URBANO, VALENTINA

Acquanera

Paris, Philippe Rey, 2015. 347 p. Cote R DURB : CIT PAQ SER

Quatre femmes seules : Clara l’initiatrice, Elsa la grand-mère, Onda la fille, et Fortuna la petite-fille. Les gens de Roccachiara les craignent, car la première est une « sorcière », la seconde prédit les morts et la troisième parle avec eux. Les villageois viennent pourtant en cachette chercher remède à toutes sortes de maladies. La petite Fortuna, malgré toute l’affection d’Elsa, souffre du non amour de sa mère. Elle est aussi rejetée par les autres enfants, sauf par Luce, la fille du croque mort. Les deux fillettes se lient d’une amitié étrange et exigeante. Mais Luce disparaît mystérieusement. Dix ans plus tard, lorsque Fortuna apprend qu’un squelette a été découvert près du lac, elle ne peut que revenir à la maison de son enfance. Il n’y a plus qu’Onda, toujours aussi peu aimante. A travers l’histoire de ces femmes, l’auteure signe un magnifique roman sur la transmission et les secrets. FA


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ENARD, MATHIAS

Rue des voleurs Arles, Actes sud, 2012 (Domaine français). 348 p. Cote R ENAR : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

: Cote R ENAR: STA : CIT JON MIN

« Il était une fois », c’est ainsi que pourrait commencer ce très beau roman de Mathias Enard fascinant comme les récits des Mille et une nuits. On devrait dire plutôt : « il est une fois » car ce livre raconte la jeunesse de deux jeunes Marocains de 18 ans en ces temps de révolutions arabes. Lakhdar, le narrateur est rejeté par son père qui l’a surpris avec sa cousine Meryem. Plus tard il regrettera de ne pas avoir été lui demander pardon et peut-être ensuite épouser sa cousine, reprendre l’épicerie et vivre une vie simple. Au lieu de cela, il travaillera à la Librairie de la mosquée tout en rêvant d’Europe. Bassam, son ami, n’est pas beaucoup plus heureux en famille. Il rêve aussi de liberté. La rencontre avec une Espagnole fascinée par la culture et la littérature arabe donne à Lakhdar l’élan pour aller la rejoindre à Barcelone et s’établir à la Rue des voleurs. De son côté, Bassam effectue des missions secrètes pour le Groupe de la diffusion de la Pensée coranique. Deux amis, deux destinées… RL


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FAYE, ERIC

Il faut tenter de vivre Paris, Stock, 2015, 175 p. (Bleue) Cote R FAYE : CIT SER

FERMINE, MAXENCE

Le palais des ombres Neuilly-sur-Seine, Lafon, 2014, 362 p. Cote R FERM : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA


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Eric Faye dresse le portrait d’une femme qu’il a connue par l’intermédiaire de son frère qui était son ami. Sandrine Broussard est une jeune femme fantasque qui désire vivre intensément. Après une jeunesse difficile, marquée par une mère autoritaire, elle fera tout pour s’offrir un avenir doré, attirée par l’argent et voulant ressembler à Sylvie Vartan, qu’elle considère comme une icône de beauté. Engluée dans un mariage trop jeune, elle rêve. Et c’est avec un ami qu’elle va monter des arnaques aux petites annonces de rencontre, puis en louant des maisons qui n’existent pas. Recherchée par la police, elle se mure dans la clandestinité, change d’identité et s’installe en Belgique pour éviter la prison. Eric Faye aura mis plus de 15 ans pour écrire ce livre, se détachant peu à peu du personnage pour ne pas tomber dans un récit biographique. C’est le portrait de cette femme magnétique, impatiente dans sa quête du bonheur et déconnectée du réel qui apparaît dans ces pages. Bouleversant.PB

Dans les années 1960, à Paris, Nathan Thanner est un marionnettiste d’une trentaine d’années. Sa vie va basculer lorsqu’il reçoit une lettre de son père, Hugo Thanner. Depuis plus de vingt ans, ce ex-écrivain à succès ne lui avait plus donné de ses nouvelles. C’est par cette missive qu’il apprend le décès de son père, mais aussi qu’il lui lègue sa maison, le palais des ombres, située à quelques pas du cimetière du Père-Lachaise. Cette maison a une réputation particulière, avec ses murs végétalisés et ses gargouilles, parce que tous ses propriétaires sont décédés de mort violente. En rencontrant l’éditeur de son père, dans le cadre de la succession, il découvrira que son père avait signé un étrange contrat, de leurs sangs mêlés, et part à la recherche de ce manuscrit qui suscite bien des convoitises. Dans cette quête, il devra affronter des ombres mais également des secrets familiaux. Avec une écriture poétique, Maxence Fermine signe un roman qui se dévore d’une traite. PB


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FERNANDEZ, DOMINIQUE

La course à l’abîme Paris, Grasset, 2002. 499 p. Cote R FERN : CIT EVI SER STA

FERRANTE, ELENA

L’amie prodigieuse : enfance, adolescence Paris, Gallimard, 2014 (Du monde entier). 388 p. Cote : R FERR : BUS CIT EVI JON MIN SER STA


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Dominique Fernandez connaît bien l’Italie. Amateur d’histoire et d’art, il dresse ici un portrait à peine romancé du Caravage. Le récit débute à Rome vers 1600 lorsque le jeune peintre vient s’y réfugier après avoir été emprisonné pour pédérastie. Ses mœurs dérangent mais également sa peinture qui bouscule la tradition classique. Il travaille avec des modèles vivants (souvent ses amants ou des prostituées) et son art transpire l’érotisme. Irrespectueux des codes établis par l’Eglise, il est pourtant protégé par les papes et quelques cardinaux, dont le fameux Borghese. Ceci ne l’empêche pas de développer son art librement en jouant avec la lumière et le clair-obscur, une technique qu’il maîtrise parfaitement. Débridée, passionnée, sa vie amoureuse suit aussi un chemin difficile. Epris d’un jeune voyou romain, il va le prendre sous son aile jusqu’au jour où, par jalousie, il le tuera lors d’un duel. Condamné à mort, il s’enfuit à Malte, puis à Naples. On le retrouvera sur une plage, mort à 38 ans dans des circonstances troubles. Bien documenté, superbement écrit, on dévore ce livre avec une passion caravagesque. RL J’ai lu avec beaucoup de plaisir ce premier tome d’une suite de 4 romans. On y découvre l’enfance d’Elena, la narratrice, et de sa grande amie « prodigieuse » Lila. Mais pourquoi prodigieuse ? Il faut dire que la petite fille, née comme Elena dans un quartier pauvre de Naples, excelle en tout : surdouée à l’école, elle est aussi capable de dessiner et, de plus, deviendra en grandissant une beauté admirée de tous. Pourtant, les deux filles avancent différemment dans la vie : Elena poursuivra des études alors que Lila, empêchée par les moyens financiers, travaillera très jeune dans la cordonnerie familiale. Ce roman nous plonge totalement dans la vie napolitaine haute en couleurs des années cinquante et soixante. A nouveau, Elena Ferrante brille par son écriture et la profondeur de son récit qu’on dirait en partie autobiographique… une manière d’approcher cette auteure énigmatique. En effet, l’écrivain se cache derrière un pseudonyme et ne paraît jamais dans les médias. A découvrir sans tarder ! PB


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FLAGG, FANNIE

La dernière réunion des filles de la station-service Paris, Cherche-midi, 2015. 461 p. Cote R FLAG : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER

Titre original anglais : The All-girl tilling station's last reunion Cote R2 FLAG : CIT EVI JON

Sookie, presque 60 ans, pourrait enfin respirer après avoir marié ses trois filles. Mais une nouvelle va l’ébranler : elle aurait été adoptée et ne serait pas la fille de sa terrible mère, Lenore, vieille femme excentrique et tyrannique dont elle doit si souvent réparer les frasques. A la recherche de son identité, elle découvre sa vraie famille de Polonais émigrés. Le roman s’articule autour des deux familles : celle de Sookie en Alabama et celle des Jurdabralinski dans le Wisconsin, au Nord. L’histoire s’attarde sur la vie de la famille polonaise pendant la 2e guerre mondiale : l’aînée, Fritzi, va reprendre avec ses sœurs la station-service paternelle, puis entrer au service des WASP (Women Airforce Service Pilots). Deux des sœurs la suivront dans l’armée de l’air. J’ai apprécié ce roman pour ses personnages attachants et pour le pan d’histoire qu’il révèle : celle des femmes pilotes avant l’heure au service des Etats-Unis, malheureusement tombées dans l’oubli après la guerre. De la romance, un brin d’histoire… de quoi faire une lecture très agréable. FB


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FOENKINOS, DAVID

Charlotte

Paris, Gallimard, 2014, 220 p. (Blanche) Cote R FOEN : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

: BUS CIT MIN SER : CIT EVI MIN SER

Ce roman retrace la vie, brève et tragique, de Charlotte Salomon, morte à Auschwitz à 26 ans, alors qu’elle était enceinte. Née en 1917 dans une famille juive de Berlin, elle sera marquée par une tragédie familiale – le suicide de sa maman – et vivra la montée du nazisme puis l’exil en France, après la nuit de Cristal, en novembre 1938. Elle cherchera une issue pour expier son malêtre et les blessures familiales en chantant, écrivant et dessinant. Entre 1940 et 1942, elle réalisera 800 gouaches accompagnées de textes et de partitions qui seront publiées sous le titre Vie ? ou Théâtre ?, qui deviendra son œuvre ultime. David Foenkinos lui rend un hommage touchant dans ce roman écrit comme un long poème en prose. Simultanément à l’aspect biographique, l’auteur se livre, exprime son admiration, sa quête et sa fascination pour cette artiste, qu’il a suivie sur les lieux de son enfance. Un texte magnifique. PB


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FROEHLICH, ALEXANDRA

Ma belle-mère russe et autres catastrophes Paris, Piranha, 2015. 246 p. Core R FROE : CIT EVI

GARY, ROMAIN

Les cerfs-volants Paris, Gallimard, 1984 (Blanche). 369 p. Cote R GAR : CIT EVI PAQ STA


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Lorsque Paula voit arriver, dans le cabinet d’avocate où elle exerce désormais seule (son associé et petit ami l’ayant quittée pour la secrétaire), un couple de Russes à la dégaine disons… originale, elle ne sait pas encore qu’elle va au-devant de drôles d’aventures… Les Polyakov se seraient fait dérober un violoncelle ultra-précieux par leur ancien propriétaire et Paula doit les aider à le récupérer. C’est sans compter que ledit propriétaire, lorsqu’elle prend contact avec lui, éclate de rire et lui raccroche au nez, que le soi-disant certificat d’authenticité ne vaut pas un clou et que Paula tombe amoureuse d’Artiom, le fils des Polyakov. Avec ses personnages hauts en couleur et ses situations rocambolesques, ce roman dessine le choc des cultures entre la Russie et l’Allemagne, l’est et l’ouest de l’Europe. C’est une comédie sans prétention, mais qui se lit d’une traite et qui, à coup sûr, vous fera rire. A consommer les jours de grisaille ! DM

Quand il rencontre l’amour de sa vie en 1930, Ludo n’a que 10 ans. Il dit souffrir d’un excès de mémoire : il sait qu’il n’oubliera jamais Lila, cette petite aristocrate polonaise venue passer ses vacances dans la région et qu’il côtoiera régulièrement jusqu’à la guerre. Ludo est élevé par son oncle Ambroise qu’on appelle « le facteur timbré » car cet employé des postes est toqué de cerfsvolants. Pendant la guerre, ses cerfs-volants prennent la forme de ses idées révolutionnaires. Il devra cacher aux occupants allemands sa production « front popu » ainsi qu’un Jaurès mais il refusera de se séparer de son Léon Blum. Durant cinq jours la poignée de main entre Pétain et Hitler flottera au-dessus de son toit. De son côté, Ludo entre en Résistance tout en attendant sa Lila. Il redoute qu’elle ne soit la maîtresse d’un officier allemand qui la courtisait déjà dans le passé. Quand il la rencontre au bras d’un officier allemand, elle lui promet une surprise… L’image des cerfs-volants à l’effigie de De Gaulle et de l’Oncle Ambroise flottant sur la Normandie marque la fin de ce magnifique roman. RL


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GAUDE, LAURENT

Danser les ombres Arles, Actes sud, 2015 (Domaine français) 249 p. R GAUD : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER

: CIT EVI MIN PAQ

Après la mort de sa sœur, Lucine quitte son village haïtien pour se rendre à Port-au-Prince et tenter d’obtenir de l’argent du père d’un de ses neveux. Elle est bientôt happée par la ville, tarde à se rendre chez cet homme, se retrouve hébergée dans une ancienne maison close où se réunit un groupe d’amis qui jouent aux dominos. Elle sait qu’elle refera là sa vie, d’autant plus qu’elle a retrouvé un ancien camarade des manifestations d’étudiants. L’avenir semble lui sourire, mais le tremblement de terre vient tout bouleverser et secouer le temps et les rapports sociaux : le passé et le présent, les vivants et les morts, mais aussi les pauvres et les riches, les bourreaux et les victimes, se mêlent les uns aux autres dans une communauté improbable qui, en « dansant les ombres » se soude face à la peur et prépare l’avenir. FD




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GEN’YU, SÔKYÛ

La montagne radieuse Arles, Picquier, 2015, 155p. Cote R GENY : CIT MIN STA

Sôkyû Gen’yu est à la fois écrivain et « père prieur adjoint » dans un temple bouddhiste dans la région de Fukushima. Suite à la catastrophe du 11 mars 2011, il a apporté son soutien aux sinistrés. De cette expérience sont nées les six nouvelles qui forment ce recueil. Les récits parlent du quotidien de familles ravagées par le drame qui doivent réapprendre à vivre après les deuils de leurs proches, les blessures et les larmes. Mais ils doivent également faire face à l’impalpable : la radioactivité ambiante. Une femme a décidé de quitter la région avec sa fille, pour fuir cette radioactivité trop forte, abandonnant son mari. Un homme qui vit dans des bâtiments de fortune en préfabriqué passe ses journées à décontaminer les lieux malgré un cancer du foie qui le ronge. Un garçon subit des tests ADN afin de permettre l’identification du corps de son père. La dernière nouvelle projette le lecteur dans le futur, une trentaine d’années après le drame, un homme organisant des visites sur une montagne, qui est en réalité un amas de déchets radioactifs que son père a entassés durant des années. A la fois tristes et douloureux, ces récits offrent également une ouverture lumineuse. Malgré les deuils et les larmes, la vie et la nature réapparaissent montrant un avenir possible. PB


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GIRALDI, WILLIAM

Aucun homme ni dieu Paris, Autrement, 2015. 308 p. Cote R GIRA : CIT EVI SER

GLUKHOVSKY, DMITRY

Sumerki

Nantes, Atalante, 2014 (La dentelle du cygne). 381 p. Cote R GLUK : JON PAQ SER


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Russel Core est un « nature writing » comme on dit aux EtatsUnis ; il s’est plus particulièrement attaché à comprendre le loup gris, un animal en voie d’extinction. Affamé, chassé, le loup doit parfois tuer pour survivre et Russel Core préfère se charger luimême de la traque plutôt que de laisser des chasseurs vengeurs faire des carnages. Fort de cette réputation, il reçoit un jour une lettre d’une femme qui vient de perdre son jeune fils : « Vous avez de la compassion pour cet animal. Arrêtez s’il vous plait. Venez et tuez-le pour m’aider moi ». Il décide d’aller la rencontrer en Alaska. Quand le père de l’enfant revient quelques semaines plus tard de la guerre en Irak, comme Russel Core, il veut comprendre ce qu’il s’est réellement passé. Ce loup a-t-il réellement tué ? Dans ce climat rude, l’homme s’avère parfois plus enragé que le loup. Vous apprécierez l’atmosphère pesante qui se dégage de ce roman mais vous devrez attendre l’épilogue glaçant pour savoir si la nature et l’homme se réconcilieront. RL

Dmitry Alexeïevitch gagne sa vie comme traducteur. Un jour qu’il insiste auprès de son agence car il a vraiment besoin d’argent, on lui confie un chapitre d’un manuscrit dont l’homme qui devait traduire le chapitre précédent a mystérieusement disparu. Alors qu’il entame sa traduction, Dmitry comprend qu’il s’agit du journal tenu par un conquistador qui menait une expédition dans le Yucatan du 16e siècle. Comme il se passionne pour le texte qu’il découvre, de mystérieux événements tels que de sauvages assassinats, des tremblements de terre, des tsunamis commencent à se produire alors qu’un mystérieux commanditaire lui transmet les chapitres du journal un par un… FG


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GODWIN, GAIL

Flora

Paris, Losfeld, 2014 (Littérature étrangère). 274 p. Cote R GODW : BUS CIT JON

Été 1945, Caroline du Nord. Helen a presque 11 ans. Orpheline de mère, elle a été élevée par sa grand-mère qui vient à son tour de décéder. Son père étant appelé par l’armée pour une mission secrète, il engage Flora, la cousine d’Helen, 22 ans et future institutrice, pour venir s’occuper d’elle pendant ces deux mois de vacances scolaires. Rapidement, Helen est agacée par la naïveté, la candeur et l’innocence de sa cousine, qui va jusqu’à lui faire honte face aux rares personnes qu’elles côtoient. Parmi elles, Finn, le livreur de l’épicerie, avec qui elles se lient d’amitié. Alors qu’Helen rêve qu’il vienne habiter chez eux, il n’a d’yeux que pour la gentille Flora. Des années après les faits, Helen se souvient de cet été qui aura marqué sa vie à jamais. On soupçonne dès le début une issue pas franchement heureuse, et on ne sera pas déçus… Amateurs de Laura Kasischke, précipitez-vous sur cet excellent roman ! DM


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GOOLRICK, ROBERT

La chute des princes Paris, A. Carrière, 2014. 229 p. Cote R GOOL : BUS CIT EVI PAQ

Ce livre est celui d’une rédemption. Car après avoir été un golden boy à New York dans les années 80, après avoir flambé en une soirée ce que la plupart des gens gagnent en six mois, après avoir été un type d’une arrogance et d’une vulgarité à la limite du supportable, le narrateur se retrouve seul et ruiné et jette sur sa vie d’avant un regard sans concession. Il nous dévoile sans faux semblant cette époque (les années 80) où pour certains l’argent coulait à flot et la vie se consumait aussi vite qu’une cigarette. Mais, comme dans toute tragédie, tout doit finir et si possible mal. Le spectre du Sida plane et emporte avec lui quelques vies, la drogue fait aussi ses victimes ainsi que le suicide, l’amour se paie comptant, la pression monte, l’étau se resserre et les princes partent en fumée. De sa vie d’avant, il ne lui reste plus rien sinon quelques souvenirs et le sentiment d’être un survivant. MS


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GROSSMAN, DAVID

Une femme fuyant l’annonce Paris, Seuil, 2011. 665 p. Cote R GROS : BUS CIT EVI JON MIN SER STA

GRUNBERG, ARNON

L’homme sans maladie Paris, Ormesson, 2014. 249 p. Cote R GRUN : BUS CIT EVI PAQ SER


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Ora prend la fuite pour 28 jours. C’est le temps que doit durer la mission militaire pour laquelle son fils, Ofer, s’est engagé volontairement. Elle fuit pour ne pas être là si on frappe à sa porte ; elle fuit la possible annonce de la mort du fils. Cette mère, rongée par l’inquiétude, part sac à dos avec son ami de toujours, Avram qui, lui, fuit ses démons intérieurs. Il a été torturé par des soldats égyptiens et, depuis, il n’a plus de plaisir à vivre. Séparée de son mari parti aux Etats-Unis avec son plus grand fils, Ora compte sur Avram pour parler et peut-être comprendre si ce n’est la guerre qui est partout présente autour d’eux mais au moins leurs propres combats. Ils arpentent la Galilée sur des terres où l’aridité et la luxuriance se mélangent, comme leurs souvenirs. Parfois, ils buttent sur des plaques qui rendent hommage à des soldats morts au combat… David Grossman, au moment de l’écriture de ce roman, perdait son fils au dernier jour de guerre au Sud Liban… RL

Samarendra Ambani (de père d’origine indienne et de mère suisse-allemande) est né à Zurich où il a ouvert avec un associé un cabinet d’architecte. Pondéré en toutes choses, Sam est le prototype du Suisse neutre et discipliné. Le voici parti pour Bagdad où il doit réaliser les plans d’un opéra. Surprise, lorsqu’il arrive, il trouve bien sa valise mais ses affaires ont été remplacées par des vêtements froissées et sales qui ne lui appartiennent pas. Des hommes viennent le chercher à l’aéroport, l’emmènent dans une maison, dont il deviendra rapidement le prisonnier. Torturé et humilié par ces hommes devenus geôliers qui l’accusent d’espionnage, il doit son salut à un membre de la Croix-Rouge. Sam retourne en Suisse poursuivre sa petite vie sans vagues, bien que l’expérience l’ait marqué plus qu’il ne veut se l’avouer. Jusqu’à ce que son travail d’architecte l’emmène de nouveau au Moyen-Orient, à Dubaï, où on lui a commandité une bibliothèque… L’histoire se répète. Acharnement du destin ou autre chose ? DM


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HALLGRIMUR HELGASON

Le grand ménage du tueur à gages Paris, Presses de la cité, 2014 Cote R HALL : CIT EVI MIN PAQ SER

HALLUIN, BRUNO D’

L’égaré de Lisbonne Montfort-en-Chalosse, Gaïa, 2014. 250 p. Cote R HALL : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER


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Tomislav Boksic, dit Toxic, est le plus grand tueur à gages de New York. Lorsque sa dernière mission tourne mal (il vient d’éliminer un membre du FBI), il faut qu’il parte se faire oublier un moment. Destination sa terre maternelle, la Croatie, muni d’un faux passeport russe. Devant la porte d’embarquement, des hommes en uniforme semblent chercher quelqu’un. Ni une ni deux, notre homme s’engouffre dans les toilettes, y repère un quidam qui lui ressemble vaguement, l’occit et adopte ses vêtements, son identité et son billet d’avion. Destination Reykjavik sous l’identité de David Friendly. Father Friendly. Un télévangéliste invité par le révérend local et sa famille, censé apparaître le lendemain soir à un show télévisé avec un sermon vibrant… Pas précisément dans les compétences de « Toxic », en somme ! Autant dire que notre homme va se retrouver dans toutes sortes d’aventures rocambolesques, pour le plus grand plaisir du lecteur ! DM

A la fin du 15ème siècle, le Portugal et l’Espagne se partagent le monde ; les caravelles de l’infant Henrique ne suivent plus les routes maritimes les plus directes mais elles voguent au hasard des vents, les marins ne voyant pas la terre pendant des mois. Joao Faras embarque comme médecin. Son mal de mer rend son travail difficile. A la mort du cartographe, il le remplace tout en pratiquant quelques saignées. Le voyage est dur et de nombreux marins meurent dans des tempêtes, de scorbut, de faim, à terre exécutés par les indigènes. Au bout d’un an, Joao et quelques survivants reviennent à Lisbonne. Joao retrouve sa femme et ses deux filles qui habitent une pauvre maison dans l’Alfama. Ce retour est difficile car le roi ne veut plus entendre parler des expéditions désastreuses. Joao a pourtant effectué de précieux dessins des côtes de Sao Lourenço (Brésil) et des parages de la Mer Rouge. On lui refuse pourtant l’accès de l’atelier de cartographie. Par ailleurs, la ville est en prise à la violence contre les nouveaux chrétiens, la terre tremble, la peste menace. Comment cet homme traumatisé peut-il continuer à vivre ? RL


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ICHIKAWA, TAKUJI

Dis-lui que je l’attends Paris, Flammarion, 2014, 357 p. Cote R ICHI : CIT EVI JON MIN PAQ SER

INCARDONA, JOSEPH

Aller simple pour Nomad island Paris, Seuil, 2014. (Seuil policier). 251 p. Cote R INCA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ STA


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Satoshi, un trentenaire, est propriétaire d’une boutique de plantes aquatiques. Il vit seul, plongé dans la nostalgie de sa jeunesse et de son amitié avec Yuji et Karin, avec laquelle il a échangé son premier baiser. Une rencontre inoubliable entre trois rêveurs solitaires. Il a perdu de vue ses deux amis, lorsque sa famille a déménagé suite à la mutation de son père. Un jour, une femme entre dans son magasin et lui dit chercher du travail et un toit. Il l’engage pour qu’elle crée son site internet. Ce n’est que plus tard qu’il se rendra compte que c’est une actrice et mannequin célèbre. Peu à peu, des liens se tissent entre eux et, en la guettant, il se rend compte qu’elle ne semble jamais dormir. Mais qui est-elle ? Dans ce roman à l’écriture sensible, dominé par une certaine lenteur qui permet au lecteur de percevoir les émotions des différents protagonistes, l’auteur fait ressurgir les souvenirs d’une jeunesse idéalisée qui va peu à peu rattraper les personnages et modifier le cours de leur vie. PB

Mme Jensen a repéré sur Internet une alléchante publicité pour des vacances sur une île lointaine paradisiaque. Elle et sa famille en ont bien besoin, pour se reposer et colmater les liens entre eux qui s’effritent. Arrivés sur place, père, mère et enfants doivent pourtant constater plusieurs dysfonctionnements, ceci dans la chaleur étouffante des tropiques. Stan, le cadet, troublé par la drôle d’attitude des résidents et de l’équipe du resort, sonne l’alarme. Va-t-il être écouté par ses parents et sa sœur ? Vont-ils se plier à cette nouvelle vie faite de superficialité ? ou se rebeller ? Plus qu’un simple thriller, ce roman se situe dans la veine de la satire sociale et jette un froid sur le lecteur. Voilà une histoire bien ficelée dont le suspense accroche jusqu’au bout mais qui invite aussi à la réflexion… FB


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JAUFFRET, RÉGIS

Bravo

Paris, Seuil, 2015, 277 p. Cote R JAUF : CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

C’est la vieillesse qui est le véritable personnage principal de ce roman mosaïque, comme annoncé par l’éditeur. Après un préambule qui résonne comme un coup de massue, Régis Jauffret met en scène des personnages, hommes ou femmes, âgés de 55 à 125 ans qui sont affreux, méchants, acariâtres, odieux et/ou cruels. Ils détestent le passé et combattent l’ennui en médisant sur leur progéniture. N’ont ni remords ni regrets. Mais surtout ils sont tous obnubilés par le temps qui passe et terrorisés par la mort qui s’approche. Après avoir publié quelques romans tirés de faits divers, Régis Jauffret revient à la fiction pure avec toujours son style précis et des phrases magnifiquement ciselées qui claquent comme une gifle. Féroce, acerbe et sans complaisance. Du tout grand Jauffret. Jubilatoire. PB




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JONCOUR, SERGE

L’écrivain national Paris, Flammarion, 2014. 389 p. Cote R JONC : BUS CIT EVI STA

: BUS CIT SER

Serge est invité à passer un mois en résidence d’écriture dans une petite ville perdue dans le Morvan. C’est au cours de la réception organisée pour l’accueillir que le maire va l’appeler « écrivain national ». On sourit en lisant les anecdotes liées à des rencontres littéraires où les organisateurs sont plus nombreux que le public ou, ici, quand on demande à notre pauvre écrivain d’animer un atelier d’écriture avec des illettrés. Certes, on rit mais il y a aussi de l’émotion face à ces vies de petites gens qui se battent pour conserver leur scierie menacée de disparition. Dans son contrat, il est aussi demandé à l’écrivain d’observer et de recueillir des confidences pour un prochain roman. C’était sans compter sur un fait divers qui trouble la quiétude de cette campagne : un maraîcher a disparu et on soupçonne un couple de marginaux de l’avoir assassiné. Serge est fasciné par Dora, la femme mise en cause. Il met tout en oeuvre pour la rencontrer jusqu’à arriver plusieurs fois en retard aux rencontres avec ses fans. Une galerie de portraits croqués avec énormément de tendresse. RL


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JORDAN, HILLARY

Ecarlate

Paris, Belfond, 2012 (Littérature étrangère). 420 p. Cote R JORD : BUS CIT EVI SER

Condamnée par une société puritaine, Hannah Payne va être teinte en rouge des pieds à la tête pour les 16 ans à venir. 16 ans à afficher aux yeux du monde sa faute et donner à des inconnus le pouvoir de la juger. Hannah est devenue une Chrome Rouge et donc pour la société une paria. Elle doit sans cesse se cacher, pour fuir les groupes d’extrémistes qui font la chasse aux Chromes, et assurer son existence. Mais quel est donc le crime si terrible que Hannah a commis pour purger une si lourde peine ? Hannah a avorté clandestinement et, dans cette société où l’Eglise a pris le pas sur l’Etat et dicte sa loi, l’avortement est formellement interdit. De plus Hannah ne veut pas dévoiler le nom de son amant et cela alourdit lourdement sa peine. Dans cette société hypocrite et jugeante, personne ne comprendrait l’amour qui unissait Hannah et le pasteur marié de son village. Alors pour le protéger, elle préfère se taire. Arrivera-t-elle à déjouer tous les pièges mis en place contre les Chromes et, si elle y arrive, comment vivre dans un monde où toutes libertés individuelles sont bafouées ? Largement inspiré du livre de Nathaniel Hawthorne, La lettre écarlate, publié en 1850. Hillary Jordan reprend les mêmes thèmes : société puritaine et intolérante, mais dans un monde futuriste. MS


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KARINTHY, FRIGYES

Voyage autour de mon crâne Paris, Denoël, 2006 (D’ailleurs). 283 p. Cote R KARI : EVI

Frigyes Karinthy est le père de Ferenc Karinthy, l’auteur du génial Epépé (roman présenté dans une brochure précédente). Tout commence à Budapest en 1936. Le narrateur ne se sent pas très bien. Il a des nausées et a l’impression d’entendre des trains passer : « au quatrième train je me suis rendu compte que j’hallucinais ». Ce « je » est en fait l’auteur qui raconte ses symptômes, puis l’opération de sa tumeur au cerveau. Après sa guérison, il a décidé d’écrire ce « voyage » qui n’est pas une simple description de sa maladie et ses souffrances mais bien l’exploration de zones nouvelles que la tumeur lui révèle. En 1936 ce n’était pas banal d’écrire ce type d’expérience et c’est pourquoi ce récit paraît encore très moderne. Ne soyez pas rebuté par le thème de la maladie qui n’est pas très engageant, ce serait sans compter la bonne dose d’humour et de détachement que ce roman contient. Je dois quand même ajouter que, deux ans plus tard, l’auteur mourra d’une attaque cérébrale. RL


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KAY, GUY GAVRIEL

Les chevaux célestes Nantes, Atalante, 2014 (La dentelle du cygne). Cote R KAY : JON PAQ

A la mort de son père, Shen Tai, jeune lettré de l’empire de la Kitai, s’est retiré sur les bords du lac du Kuala nor pour y passer les 2 années de son deuil à enterrer les combattants victimes de la dernière grande bataille entre la Kitai et le Tagur, empire des steppes. Les morts n’ont en effet jamais reçu de sépulture et leurs âmes hantent les montagnes. Ce faisant, il gagne l’estime des deux camps qui l’aident à survivre en le ravitaillant. Lorsque vient le temps de rentrer chez lui, la reine des Tagurans lui offre le cadeau le plus précieux qui soit : 250 chevaux de Sardie, qui sont vénérés plus que tout dans la Kitai. Shen Tai comprend alors que sa vie ne sera plus jamais la même car tout le monde va vouloir s’accaparer ces chevaux. Son retour dans la Kitai va dès lors s’avérer plus dangereux que prévu car il va se retrouver au cœur de luttes de pouvoir sur son chemin comme dans la capitale impériale car l’empereur vieillissant est manipulé par son entourage et la lutte de succession est déjà engagée. Comme à son habitude, Guy Gavriel Kay sort une fantasy historique très bien documentée sur l’époque des Tang : le raffinement de cette civilisation, les luttes de pouvoir, les us et coutumes de la cour sont admirablement rendus. FG


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KELLERMAN, JESSE

Les visages

Paris : Sonatine, 2009 (10/18; 4266. Domaine policier). 471 p. cote R KELL : BUS CIT EVI JON PAQ MIN SER STA

: CIT JON SER

Le galeriste d’art Ethan Muller découvre dans un appartement new yorkais minable et abandonné une série de dessins extraordinaires d’un certain Victor Cracke. Lorsque les œuvres de l’artiste sont enfin exposées, Ethan est contacté par un ancien policier qui a reconnu dans les dessins les visages d’enfants disparus depuis des années. Un bon thriller me direz-vous sans doute, et surtout un bon roman. C’est l’occasion pour l’auteur de dézinguer joyeusement un certain milieu artistique branché! A travers l’histoire de la famille Muller devenue riche grâce au travail acharné de l’ancêtre colporteur, Kellerman raconte le rêve américain dans toute sa splendeur et ses côtés plus obscurs. Les deux intrigues se rejoignent pour un dénouement que je vous laisse découvrir. FA


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DE KERANGAL, MAYLIS

Dans les rapides Paris, Naïve 2007, 112 p. Cote R KERA : CIT

KIM, JOO-YOUNG

Le bruit du tonnerre Arles, Actes sud, 2012 (Lettres coréennes). 418 p. Cote R KIM : BUS CIT EVI JON PAQ


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Trois filles pas fifilles, quinze ans bientôt seize, en 1978 au Havre. Pas n’importe quel port « un formidable émetteur-récepteur à sons d’outre-Manche (…) les disques nécessaires y arrivent plus vite qu’ailleurs ». Un dimanche de pluie, Lise, Nina et Marie, la narratrice, font du stop. Le type qui les prend redémarre en trombe et le moteur vrombit, mais autre chose aussi, qui vient du Blaupunkt : une musique faite pour elles. « Qu’est-ce que c’est, ça !? » « Blondie – Parallel Lines ». Pas une once de gratitude pour le passeur, mais à partir de là, le rock comme religion. Elvis, les Beatles, les Stones, Neil Young, Bowie, T-Rex, AC/DC, les Clash… Alors, le projet d’un voyage à New York, pour y croiser Joey Ramone, Andy Warhol, Lester Bang, John Cale. Mais en attendant, le lycée, l’aviron, les garçons. Pierre, qui s’occupe du fanzine « Niagara Rock ». Il est question de publier un prochain numéro sur les filles et le rock. Dans les rapides écrit dans un style efficace et rythmé, nous fait aussi entrer dans l’intimité d’un trio de filles, d’accord sur tout dans la vie… jusqu’à la découverte d’un album de Kate Bush. PG En Corée du début du 20ème siècle, une veuve est condamnée à rester chaste dans la maison de sa belle-famille. La jeune Killyo issue d’une noble famille désargentée habite donc avec sa belle-mère après le décès de son époux. Victime d’un viol, elle accouche en cachette et se retrouve au ban de la société. C’est un boucher, un paria, qui recueille l’enfant qu’elle croyait avoir abandonné. A travers l’histoire de ces deux êtres, l’auteur raconte les heurs et malheurs de la Corée. Le boucher devient révolutionnaire, le violeur espère devenir un homme reconnu, et Killyo arrive malgré les difficultés à cette époque pour une femme à ne pas vivre en couple à prendre son destin en main. A relever, et c’est assez rare, les notes du traducteur sont passionnantes et aident beaucoup à la compréhension de l’histoire. FA


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LAFON, MARIE-HÉLÈNE

Joseph

Paris, Buchet-Chastel, 2014. 139 p. Cote R LAFO : CIT EVI JON

Joseph est un homme simple, à la vie rectiligne. Né de parents fermiers, il va poursuivre dans cette voie et travailler comme employé de ferme auprès de plusieurs propriétaires dans le Cantal. Il n’a pas vraiment de vie à lui, car il loge chez ses patrons, presque comme un membre de la famille, mais pas vraiment. Il aime le travail bien fait et est loin d’être bête… n’était-il pas le premier de classe en calcul ? Et pourtant, sa vie en marge semble le contenter. En petites touches l’auteur aborde le personnage de manière à la fois fine et directe. Petit à petit, on le découvre bien, Joseph, avec ses fêlures et sa solitude et on s’y attache. J’ai beaucoup aimé ce roman pour son originalité : en effet, cela n’est pas tous les jours qu’un ouvrier agricole campe le personnage principal d’un roman ! FB


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LANDER, LEENA

Le silence de Saida Arles, Actes sud, 2014 (Lettres scandinaves). 397 p. Cote R LAND : BUS CIT JON PAQ STA

Risto a quitté sa femme et revient au village de sa grand-mère Saida. Il prend possession de la maison de l’«oncle Arvi», personnage à l’origine et au comportement mystérieux. Les livres conservés par l’«oncle» et un étrange souvenir d’enfance le poussent à enquêter sur le passé de sa famille. Lorsqu’il avait sept ans, il a vu pour la seule fois de sa vie sa rayonnante et généreuse grand-mère inquiète et muette. C’était lors d’un jeu, lorsqu’il a lu sur une stèle « Souviens-toi de l’offrande suprême pour la cause ». Son histoire familiale l’amène en 1918, lors de la guerre civile qui a opposé les habitants de la Finlande, les rouges enthousiasmés par la révolution russe et les blancs affolés par les bolchéviques, mais aussi soucieux d’indépendance. L’auteure donne la parole aux deux camps, aux forts et aux faibles, aux rêveurs et aux combattants, et nous offre un roman complexe à l’image de l’histoire de son pays. FA


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LEO, MAXIM

Histoire d’un Allemand de l’Est Arles, Actes Sud, 2014 (Babel ; 1144). 303 p. Cote 943.1 LEO : CIT EVI JON

Journaliste au Berliner Zeitung, Maxim Leo nous raconte tout au long de ce passionnant ouvrage l’histoire peu commune de sa famille. Il évoque avant tout Gerhard, son grand-père maternel, héros de la Résistance française, puis homme influent au sein du gouvernement est-allemand. Mais le personnage le plus attachant est sans doute sa mère, Anne, journaliste, membre du SED, le parti unique, qui voue pour Gerhard, son père, une admiration sans bornes. Au fil des années, elle remet en question ses certitudes et constate avec tristesse que la RDA est en réalité une entrave au socialisme. « Elle sait désormais qu’elle croit certes en la bonne cause, mais qu’elle vit hélas dans le mauvais pays ». Un livre à lire absolument pour tous ceux qui veulent mieux comprendre l’Allemagne d’après-guerre et sa réunification. TL


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LEYSHON, NELL

La couleur du lait Paris, Phébus, 2014 (Littérature étrangère). 175 p. Cote R LEYS : CIT EVI PAQ

On est dans les années 1830 dans la campagne anglaise. Mary est la jeune narratrice de 15 ans de ce récit écrit de sa main, maladroitement. Elle c’est la boiteuse de la famille, et avec ses trois sœurs, sa mère dénuée de tout sentiment et son père lointain, elle doit gérer la ferme familiale. Mary travaille infatigablement, elle est proche de son grand-père paralysé, reclus dans l’écurie, et ses visites leur donnent de la joie à tous les deux. Mais un jour, son père lui apprend qu’elle s’en va au presbytère du village voisin, travailler pour le pasteur et surtout pour assister sa femme, gravement malade. C’est là, avec M. Graham, qu’elle apprendra à lire et à écrire. Mais à la mort de Mme Graham, qui fut si bonne pour elle, tout change. Le destin est implacable pour la pauvre Mary et la confession terrible. Un roman sombre et sans espoir. DM


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LONDON, JACK

Martin Eden Paris, Phébus, 2013. 456 p. Cote R LOND : CIT EVI JON MIN PAQ STA Existe en langue original anglaise. Titre original anglais Martin Eden Cote R2 LOND : CIT EVI JON MIN PAQ

Lors d’une rixe, Martin Eden, jeune marin vivant d’aventures et de travail, défend sans le savoir un homme aisé de la classe bourgeoise. Pour le remercier, celui-ci l’invite à un dîner pendant lequel le jeune bagarreur de la classe ouvrière tombe éperdument amoureux de sa sœur Ruth. Issue également d’une classe aisée, elle étudie la littérature. Pour la séduire, Martin va se mettre aux études afin de s’instruire. D’abord autodidacte, puis à l’aide de Ruth, sa fiancée, il développe un réel goût pour la littérature et l’envie de devenir écrivain apparaît petit à petit. Travailleur et obstiné, le jeune marin se dévoue d’arrache-pied à cette nouvelle volonté. Son petit succès auprès des journaux l’encourage mais cela ne dure pas. Refus après refus, il n’abandonne pas et se tue à la tâche afin de pouvoir subvenir à ses besoins et surtout aux frais que l’écriture implique. DDB




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MA, JIAN

La route sombre Paris, Flammarion, 2014. 441 p. Cote R MA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

J’ignore comment le titre serait traduit en chinois. Le français donne hélas bien le ton de ce roman. Depuis qu’elle attend son deuxième enfant, Meili doit fuir. Avec son mari Kongzi, descendant de Confucius et instituteur, ils prennent la route, ou plutôt le fleuve Yangtsé, pour se cacher des agents du planning familial. Dès lors, ils n’ont plus d’existence légale. Leur fille ne peut aller à l’école et eux acceptent n’importe quel travail dangereux pour survivre. Sans déflorer l’histoire et ses malheurs, sachez que Meili ne veut plus subir les assauts de son mari prêt à tout pour avoir un fils, ni continuer à perdre ses enfants et son âme. Sa révolte conduit à un curieux dénouement que je vous laisse découvrir. FA


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MALAMUD, BERNARD

L’homme de Kiev

Pars, Rivages, 2015 (Rivages poche ; 834). 427 p. R MALA : CIT EVI

Inspiré par l’affaire Beilis, un Juif ukrainien accusé à tort d’avoir commis un crime rituel sur un enfant, Bernard Malamud nous fait découvrir un récit palpitant, dans la Russie tsariste, en pleine fièvre antisémite, au début du XXe siècle. Dans ce roman, Yakov Bok est un réparateur, il répare tout. C’est aussi un passionné de philosophie, il dévore les écrits de Spinoza sans toujours les comprendre. Mais c’est surtout un pauvre homme, sans amis, abandonné par son épouse, qui décide un jour de quitter son shtetl pour trouver une vie meilleure à Kiev, la Babylone russe. Et c’est pour lui un cauchemar sans fin qui va commencer... Ecrit en 1966 et récompensé par le National Book Award et le Prix Pulitzer, ce classique de la littérature américaine vient d’être réédité en français. TL


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MANOOK, IAN

Yeruldelgger Paris, Albin Michel, 2014. 542 p. Cote R MANO : CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

: Cote R MANO : CIT PAQ SER STA

Yeruldelgger est inspecteur de la police judiciaire d’Oulan Bator, capitale de la Mongolie. Sa vie a été brisée par la mort de sa petite fille, assassinée alors qu’il enquêtait sur une vaste affaire de corruption et de vente illégale de terre, mais ce meurtre n’a jamais été élucidé. Alors que deux affaires lui tombent dessus au même moment, une petite fille enterrée dans la steppe avec son tricycle et des Chinois assassinés dans une usine d’Oulan Bator sur lesquels on a gravé des symboles nazis, il va se lancer dans ces deux enquêtes pour comprendre qu’elles ne sont peut-être pas si distinctes que ça. Tout le relance en effet vers des trafics liés aux richesses minières de la Mongolie et à la corruption qui en découle, et par là-même vers sa petite Kuchi. FG


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MAUVIGNER, LAURENT

Autour du monde

Paris, Minuit, 2014, 371p. Cote R MAUV : CIT EVI JON PAQ STA

MESSUD, CLAIRE

La femme d’en haut Paris, Gallimard, 2014 (Du monde entier). 375 p. Cote R MESS : BUS CIT EVI JON PAQ STA


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Le 11 mars 2011, la terre tremble et le Japon est balayé par un tsunami. Autour du monde dresse le portrait de différents personnages, aux quatre coins du globe (Japon, Israël, Russie, Dubaï, Tanzanie, Floride, etc.), qui vivent tous des moments particuliers avec comme toile de fond la tragédie japonaise. Séparés par une photo, une quinzaine de récits offrant une vue d’ensemble du monde et de sa pluralité, s’enchaînent, le lecteur glissant de l’un à l’autre, avec fluidité. Laurent Mauvigner parvient à tenir ce roman choral de main de maître, jonglant avec différents récits, d’une solitude à l’autre, d’un désamour à l’autre, mettant en lumière des blessures secrètes et la violence des rapports humains. Chaque nouvelle étape de cette sorte de tour du monde est une nouvelle histoire, un roman en soi. D’une écriture magnifique, l’auteur décrit un monde qui bouge sans cesse, vacille parfois, dans lequel les individus ont de la peine à garder leurs centres de gravité. Et si l’écriture offrait cet ancrage ? PB

Nora Eldridge, la jeune quarantaine, est institutrice dans le Massachussets. Artiste frustrée, elle est également célibataire, s’occupe de son père veuf et n’a que peu d’amis. A la rentrée scolaire apparait un nouvel élève, le petit Reza Shahid, dont le visage beau et lumineux la séduit immédiatement. Séduite, elle ne l’est pas moins par Madame Shahid, Sirena, une artiste d’origine italienne mariée avec un Libanais. C’est pour la carrière de celuici, Skandar, qu’ils sont venus passer une année à Manchester, près de Boston. Sirena propose à Nora de louer un atelier ensemble afin que l’un et l’autre puissent s’adonner à leur art. Dès lors, Nora va vivre au rythme de la famille, devenir sa baby-sitter attitrée, sa plus proche amie. Amoureuse pour différentes raisons de chacun des trois membres de la famille Shahid, elle ressent comme une trahison leur voyage de retour vers l’Europe qui s’approche… Hélas, il s’avèrera que le mot amitié ne revêt pas la même signification de part et d’autre de l’Atlantique, et Nora l’apprendra à ses dépens. Ce roman presque en huis clos fait monter la tension jusqu’au final machiavélique…. DM


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MEYERHOFF, JOACHIM

Jusqu’ici et pas au-delà Paris, Carrière, 2014. 381 p. Cote R MEYE : CIT SER

Le père de Joachim Meyerhoff est psychiatre et directeur d’une institution pour enfants et adolescents. C’est dans une des ailes du bâtiment que vit la famille au rythme des hurlements des uns et des déambulations des autres. Autant dire que pour Joachim et ses deux frères aînés, la vie est loin d’être banale. C’est à travers de petites chroniques pas forcément liées les unes aux autres que Joachim nous raconte son enfance et son adolescence. Enfant, des crises incontrôlables le transformaient en furie, une manière de se démarquer dans la fratrie ? On n’est plus à une bizarrerie près, chez les Meyerhoff, et dans le genre original, Joachim fait la part belle à son père, curieux de tout et intellectuellement insatiable, mais aussi étrangement absent lorsqu’il faut choisir entre la vie de famille et un livre. Ce qui nous vaut des pages assez drôles, mais aussi très sensibles lorsqu’il s’agit d’accompagner ce père dans la séparation d’avec sa femme, puis dans la maladie et de lui dire adieu. Ce récit qui passe du rire aux larmes emporte facilement son lecteur. DM


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MOORE, EDWARD KESLEY

Les suprêmes

Arles, Actes sud, 2014 (Lettres anglo-américaines). 315 p. Cote R MOO : BUS CIT PAQ

Elles sont trois : trois copines afro-américaines qui se connaissent depuis l’adolescence et se sont surnommées Les Suprêmes en hommage aux chanteuses des années 60. Odette est née dans un sycomore, parle avec les fantômes de sa mère (très agréable) et de Mme Roosevelt (une pocharde enquiquineuse). Quand elle apprend qu’elle a un cancer, elle ne se laisse pas abattre et nous raconte avec le sourire son combat et celui de ses amies.« Clarice ne ferait jamais la moindre réflexion à Barbara Jean sur ses habitudes vestimentaires, et nous le savions toutes les deux. De la même manière, Clarice et Barbara Jean ne me diraient jamais en face que j’étais grosse et nous ne rappellerions jamais à Clarice que son mari se tapait tout ce qui bougeait. Entre Suprêmes nous nous traitions avec beaucoup de délicatesse. Nous fermions les yeux sur les défauts des autres et faisions preuve de prévenance, même quand cela n’était pas mérité ». Sur fond d’Amérique encore en proie à la ségrégation, une belle histoire d’amitié et d’optimisme à savourer sans modération. FA


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MORAVIA, ALBERTO

Nouvelles romaines Paris, Flammarion, 2008 (GF ; 389). 314 p. R MORA : CIT EVI

« Quand la bonne dame qui nous apporte les subsides du Secours de Rome nous demanda, elle aussi, pourquoi nous mettions au monde tant d’enfants, ma femme, qui ce jour-là était mal lunée, lui dit la vérité : si nous avions des sous, le soir nous irions au cinéma. » Le ton est donné... Ce n’est pas la dolce vita que nous conte Alberto Moravia dans ce recueil de nouvelles, mais le quotidien des sans-grades, du petit peuple de Rome des années d’après-guerre. Mais, pas de mépris pour ces personnages. Bien au contraire beaucoup de tendresse et en fond de décor, cette ville éternelle et enchantée. Si quelques nouvelles peuvent nous sembler datées, la plupart nous ravissent et l’on y retrouve l’insolence et la légèreté de l’âge d’or du cinéma italien que nous avons tant aimé. TL


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MORDILLAT, GÉRARD

Les vivants et les morts Paris, Calmann-Lévy, 2004. 657 p. Cote R MORD : CIT Existe en série en DVD sous le même titre Cote S VIVA : CIT

A Raussel tout le monde est employé à la Kos, qui fabrique de la fibre plastique. Le jour où l’usine ferme c’est toute la ville qui trinque. La vie de Rudi et Dallas qui y travaillent tous deux, vole en éclat : le jeune couple vient de s’endetter pour s’acheter une maison, leur fils Kevin n’a que quelques mois et l’argent que gagne Dallas en faisant des ménages ne suffit pas à les faire vivre. La lutte s’organise : les ouvriers galvanisés par Rudi se mobilisent pour sauver leur usine. Entre insurrection et révolte, chacun devra choisir son camp et personne ne sortira indemne de cette rude bataille. Véritable fresque sociale, ce roman animé par une écriture directe et sans fioritures, dépeint les espoirs et les désillusions de travailleurs confrontés à la logique infecte d’un ultra libéralisme cynique et pourri. Dans ce combat à l’issue incertaine, certains seront prêts à tout pour garder ne serait-ce que leur dignité. CLR


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MURAKAMI, HARUKI

L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage Paris, Belfond, 2014. 367 p. Cote R MURA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

: CIT MIN PAQ SER STA  : BUS CIT PAQ STA

Tsukuru Tazaki, étudiant à Nagoya, fait partie d’un groupe de cinq amis inséparables. Du jour au lendemain, il se retrouve exclu de ce groupe sans aucune explication. Traumatisé, il poursuit ses études, tant bien que mal en gardant enfouie cette profonde blessure en lui. Les années passent et Sara, sa nouvelle compagne, lui suggère de retrouver ses amis afin de comprendre la cause de son exclusion et ainsi se libérer de son sentiment d’abandon. Il commence alors son pèlerinage… Dans la veine des premières œuvres de Murakami, la Ballade de l’impossible notamment, l’auteur nous touche par la délicatesse de son propos. Nous voilà embarqués et captivés dès les premières pages. TL


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MURGIA, MICHELA

La guerre des saints Paris, Seuil, 2013. 114 p. Cote : MURG : BUS CIT EVI Titre original italien : L’incontro Cote RS MURG : CIT EVI PAQ

Comme chaque année, Maurizio passe ses vacances d’été chez ses grands-parents, à Crabas, un grand bourg sarde. Là, le jeune garçon profite de la compagnie de ses amis Giulio et Franco pour faire les quatre cents coups. L’été file tranquillement jusqu’au jour où une incroyable nouvelle ébranle tout le village : une deuxième paroisse doit voir le jour ! Les langues se délient, les clans se forment et une grande question se pose : comment la procession de Pâques va-t-elle se dérouler avec deux églises qui revendiquent le même itinéraire ? Les deux curés sont à cran, les servants de messe aussi, Franco d’un côté, Giulio et Maurizio de l’autre. Michela Murgia, dont le précédent roman Accabadora avait obtenu d’excellentes critiques, offre un roman court mais ô combien savoureux. On respire avec elle le parfum de l’enfance et l’atmosphère typique d’un village de l’Italie du Sud… et on rit beaucoup ! FB


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OCHAYON, KALANIT W.

De la place pour un seul amour Paris, Albin Michel, 2013 (Les grandes traductions). 337 p. Cote R OCHA : BUS CIT EVI MIN PAQ

OKORAFOR-MBACHU, NNEDI

Qui a peur de la mort ?

St-Laurent-du-Var, Panini books, 2013 (Eclipse). 503 p. Cote R OKOR : MIN PAQ


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« Vous avez un petit cœur…Un cœur étroit. Il n’y a pas de place dans votre cœur pour plus d’un amour ». C’est la sentence que délivre le rabbin à Na’omi en mal d’enfant. Trois femmes, trois voix pour ce premier roman qui nous tient en haleine jusqu’au bout. Na’omi a perdu son fils dans un accident. Tamar n’a pas eu le temps de connaître sa sœur aînée qui a disparu à la plage alors qu’elle était enfant. Sacha, dotée d’une sœur et d’un « beau-frère » branchés sur les shows érotiques, est amoureuse sans espoir de son patron. Chaque jour, Na’omi qui s’est retirée du monde normal, se poste au même carrefour, sur la route d’Haïfa… Je vous laisse découvrir en quoi la folie de cette mère relie tous les personnages. FA

Onyesonwu, nommée par sa mère « Qui a peur de la mort ? » est une « ewu », une paria rejetée car issue d’un viol. Douée de dons de magie qui l’effraient, elle n’a de cesse d’apprendre la sorcellerie. Sa quête l’amène dans le désert avec un groupe d’amies qui ont aussi été excisées et un autre « ewu ». L’auteure d’origine nigériane sublime l’histoire tribale et génocidaire du continent africain en imaginant une héroïne forte et complexe qui essaie d’allier tradition et modernité pour devenir femme. Ce roman onirique a reçu en 2011 le « World fantasy award » et en 2014, le prix du meilleur roman étranger aux Imaginales d’Epinal. FA


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ONUZO, CHIBUNDU

La fille du roi araignée Paris, Escales, 2014. 293 p. Cote R ONUZ : BUS CIT EVI JON MIN PAQ

A Lagos, la jeune Abike Johnson, 17 ans, est la fille d’un richissime magnat du pétrole. Abike a l’habitude de se faire emmener par le chauffeur de son père dans les quartiers populaires de la capitale. Un jour, son regard croise celui d’un jeune marchand ambulant à l’allure noble et racée qui l’attire irrésistiblement. Une amitié va naître entre les deux jeunes gens, sentiment qui va rapidement se transformer en relation malsaine composée d’amour, de haine, de fascination et de répulsion. Liés par un lourd secret, les deux jeunes gens parviendront- ils à dépasser leurs différences ? Ce récit à deux voix offre une alternance des points de vue, qui nous permet d’appréhender la réalité nigériane où la plus grande pauvreté côtoie une richesse sans limites. Un premier roman puissant d’une jeune auteure à suivre, qui ne craint pas de dénoncer la corruption qui règne dans un des pays les plus pauvres du monde pourtant producteur de pétrole. CLR




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PANKIEWICZ, TADEUSZ

La pharmacie du ghetto de Cracovie Arles, Actes sud, 1998. 205 p. Cote 943.8 PAN : CIT EVI PAQ

Ce pharmacien est le seul « aryen » à être resté dans le ghetto de 1941 à 1943. Les Allemands redoutaient les maladies contagieuses, particulièrement le typhus, c’est ainsi qu’il les a convaincus de garder son officine ouverte. Au péril de sa vie, et avec l’aide de ses trois collaboratrices, il a tout fait pour aider ses compatriotes. En 1941, il restait 15 000 Juifs sur les 80 000 que comptait la ville en 1939. Il raconte avec simplicité ce qu’il a observé : la brutalité des SS, les instants d’humanité de certains. Il dit l’importance des « Kennkarte » pour travailler à l’extérieur du ghetto, puis les épurations pour cause de « surpopulation ». Au début, les Allemands mettent relativement les formes et prennent les Juifs en photo pour montrer comme ils sont bien traités. Puis les « épurations » se durcissent, et la vérité sur les camps de concentration se révèle. La pharmacie que Pankiewicz défend à coup de pots de vin et de patience est plus que jamais un refuge. Ceux qu’il a aidés ne l’ont pas oublié. En 1983, les autorités d’Israël ont élevé au rang des Justes cet homme modeste qui a refusé après guerre un poste honorifique et a terminé sa carrière dans une banlieue de Cracovie. FA


100

PERU, PIERRE

Druide

Paris, J’ai lu, 2012 (J’ai lu fantasy ; 9854). 602 p. Cote R PERU : CIT PAQ SER

Depuis la fin de la guerre contre les armées de vermine du Rôdeur, les druides sont les garants du pacte ancien. Ils vivent dans la forêt répartis en quatre ordres et conseillent les hommes lorsque des différends apparaissent. Une nuit, cinquante soldats du royaume du Sonrygar sont sauvagement assassinés au cœur d’une forteresse réputée inviolable, et bien entendu ce royaume accuse immédiatement son ennemi juré, le royaume du Rahimir, de ce forfait. Les druides dépêchent alors Obrigan, druide de l’ordre des loups, pour tenter d’élucider ce massacre et très vite il perçoit que ce n’est pas l’œuvre d’hommes, quels qu’ils soient, mais de forces bien plus diaboliques. Obrigan arrive à retarder la guerre de 21 jours pour trouver la cause de ce carnage, mais c’est bien peu pour lutter contre des forces qui réclament vengeance depuis quatre siècles… FG


101

PEVEL, PIERRE

Haut-Royaume Paris, Bragelonne, 2013. 2 vols. Cote R PEVE : EVI JON MIN PAQ

Lorn Askarian avait tout pour devenir l’un des chevaliers les plus influents et respectés du Haut-Royaume avant sa disgrâce. Suite à des accusations de trahison, il est enfermé dans les geôles de la forteresse de Dalroth dans lesquelles il va tenter de résister durant trois ans à l’Obscure qui pervertit âme et corps. Lorsqu’il est rappelé par le Haut-Roi pour sauver son royaume des agissements sournois de la reine et de ses conseillers en le nommant premier chevalier, il ne sait pas s’il pourra mener sa mission à bien. Il fait renaître la garde d’onyx de ses cendres, rétablit son aura et son pouvoir, mais pourra-t’il laisser son désir de vengeance contre ceux qui l’ont trahi passer après sa fidélité au Haut-Roi ? FG


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PIÑEIRO, CLAUDIA

A toi

Arles, Actes sud, 2015. 171 p (Lettres latinoaméricaines) Cote R PINE : CIT EVI JON

POSTEL, ALEXANDRE

L’ascendant

Paris, Gallimard, 2015 (Blanche). 124 p. Cote R POST : CIT SER STA


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Ernesto et Inés sont mariés depuis vingt-deux ans. Certes, leur vie sexuelle est à peu près au point mort, au grand dam d’Inés, mais elle considère tout de même leur union - sublimée par la naissance d’une fille maintenant adolescente - comme une réussite. Or voilà qu’Inés tombe un jour sur un message adressé à son mari par une femme qui signe un A toi agrémenté d’un coeur. Les sens aux aguets, elle soupçonne son mari de lui mentir lorsqu’après avoir reçu un coup de fil, il dit devoir s’absenter pour raison professionnelle. Il s’en va dans sa voiture, discrètement suivi par sa femme au volant de la sienne. Elle assiste alors de loin à une dispute entre Ernesto et sa maîtresse (sa secrétaire) qui se termine par un accident où la jeune femme trouve la mort. Inés rentre et décide de couvrir son mari, trop heureuse d’être enfin débarrassée de l’encombrante… Mais les choses ne se passeront pas tout-à-fait comme prévu, et ce roman faussement léger vous réservera quelques surprises. DM

Le narrateur, un jeune vendeur de téléphones mobiles sans histoires reçoit un jour le coup de fil lui annonçant la mort de son père. Depuis le décès de sa mère plusieurs années auparavant, il avait peu vu son père. Ils n’étaient pas proches et, vivant à plusieurs centaines de kilomètres, ils n’avaient pas pour habitude de se rendre visite. Afin d’organiser les obsèques, le narrateur se rend dans la ville de son père et s’installe dans sa maison. C’est là qu’il fera une découverte absolument effroyable qui, suivie d’un ensemble de mauvaises décisions, vont amener le jeune homme dans une situation inextricable. Vous l’aurez compris, je ne voudrais pas déflorer l’intrigue mise ingénieusement en place par ce redoutable jeune auteur qu’est Alexandre Postel (découvert et déjà admiré dans son précédent roman, Un homme effacé). Sachez que c’est quand même assez noir et qu’on ne lâche pas ce court mais intense roman. DM


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RABATE, PASCAL

Jusqu’à Sakhaline Paris, Futuropolis, 2009. 157 p. Cote 915.7 RAB : EVI STA

REVERDY, THOMAS B.

Il était une ville

Paris, Flammarion, 2015, 269 p. Cote R REVE : BUS EVI JON STA


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Pascal Rabaté dessine, Jean-Hugues Berrou photographie. L’un et l’autre écrivent. Ils ont lu et aimé L’île de Sakhaline de Tchékhov qui relate son voyage entrepris 1890. A cette époque le Transsibérien n’existe pas et le grand auteur russe part en bateau. Son périple va prendre 3 mois. Tout au long de leur livre, Pascal et Jean-Hugues choisissent des extraits du récit de voyage de Tchékhov et le mettent en rapport avec leurs expériences. « Sur le bateau, mon premier souci a été de donner libre cours à mon talent, autrement dit je suis allé me coucher », cet extrait, tiré du livre de Tchékhov, est suivi par les mots de Berrou qui disent comment l’hôtesse qui règne sur chaque wagon a aidé nos deux voyageurs à gagner leurs couchettes, en : « poussant de la tête et des mains nos culs morts. On regrette l’anesthésie alcoolique ». Ce carnet de route original nous apprend beaucoup sur l’histoire de Sakhaline, cette île peuplée de descendants de bagnards, d’exilés, de déplacés et de quelques Ghiliaks, ses premiers habitants. Les illustrations en noir et blanc rendent bien le côté austère de cette contrée inhospitalière longtemps interdite aux étrangers. RL Thomas B. Reverdy signe un très beau roman choral qui met en scène plusieurs personnages. Eugène, un ingénieur français muté à Détroit pour mettre en place un nouveau programme de fabrication automobile. Il a de la peine à s’intégrer et va régulièrement dans un bar dans lequel il rencontre Candice, une serveuse au sourire rouge brillant qui pourrait bien lui donner une raison de s’ancrer dans cette ville. Simultanément le jeune Charlie, 12 ans, décide de fuir avec des copains, après que l’un deux ait été tabassé par sa mère, vers ce qu’ils appellent la zone, un no man’s land caché en plein cœur de la ville. Mais où convergent tous ces enfants ? C’est la question que se pose le lieutenant Brown, en charge des dossiers de disparition qui s’empilent sur son bureau. Mais le personnage omniprésent de ce roman est la ville de Détroit qui tombe en ruine après avoir subi de plein fouet la crise économique. Le lecteur est pris aux tripes par ces histoires qui se croisent, avec comme toile de fond cette ville tentaculaire, cruelle et décatie que le lecteur entend presque respirer sous une plume très poétique. PB


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ROGUET, DIDIER J.

Plantes & spiritualités La Chaux-de-Fonds, Belvédère, 2015. 95 p. Cote 398.3 ROG : CIT

ROLIN, OLIVIER

Le météorologue Paris, Seuil Paulsen, 2014 (Fiction & Cie). 205 p. Cote R ROLI : BUS CIT EVI JON PAQ


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Si vous avez raté la remarquable exposition du Conservatoire et Jardin botanique de Genève cet été, vous pouvez alimenter vos regrets à la lecture de ce bel ouvrage qui n’est pas un catalogue d’exposition ordinaire. Sur l’alliance plantes et spiritualités plurielles, l’auteur tire parti de ses voyages, rencontres et connaissances ethnobotaniques pour nous narrer en quelques chapitres les plantes des dieux et du diable, celles qui sont médiatrices, celles qui honorent les morts, les arbres de vie et les arbres sacrés. Comme pour l’exposition au jardin, le livre ne se prétend pas exhaustif mais tous les grands courants religieux et continents sont représentés. A feuilleter et à méditer sans modération. FA

Olivier Rolin aime la Russie et ses habitants, ces petites gens ballotés par l’Histoire. C’est l’un d’entre eux qui le touche lorsqu’il part dans les îles Solovsi pour visiter un monastère devenu le premier goulag en 1923. Dans la bibliothèque, il lit les lettres que les détenus écrivaient à leurs proches et s’émeut des dessins de fleurs, d’animaux, d’aurores boréales qu’Alexeï Féodossiévitch Vangenheim envoyait à sa petite fille. Une éducation à distance en attendant son retour à la maison. Fervent communiste, ayant toujours servi le Parti, il est convaincu que Staline va le libérer. Entre deux lettres à sa famille, il tente des requêtes aux dirigeants du pays pour leur rappeler qu’il est innocent. Il était météorologue et comme beaucoup d’intellectuels, il a été accusé de « sabotage ». Emprisonné en 1934, il est exécuté 3 ans plus tard durant la « Grande Terreur » : en 16 mois, 750’000 personnes sont fusillées et autant sont envoyées dans des camps, sans compter les morts « naturelles » de froid et de faim. Pour ce grand roman inspiré de faits réels, Rolin a obtenu le prix du style 2014. RL


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RUFFATO, LUIZ

A Lisbonne, j’ai pensé à toi Paris, Chandeigne, 2015. 106 p (Bibliothèque lusitane) Cote R RUFF : CIT EVI

En introduction de ce roman, Luiz Ruffato, auteur brésilien d’une cinquantaine d’années, a précisé qu’il était constitué du récit que lui a fait Sérgio de Souza Sampaio, immigré issu du Minas Gerais (Brésil) lors de quatre entretiens qu’ils ont eu en août 2005. Sérgio a débarqué à Lisbonne sans grande conviction et sans rien dans les poches, poussé par les habitants de son village d’origine. S’il devait faire fortune dans la capitale portugaise, comme il l’espère, il lui faudra beaucoup de patience… D’hôtel miteux en cantines bon marché, Sérgio déambule dans Lisbonne en luttant contre le froid et l’humidité qui lui glace les os. Partout, il est un étranger, la langue même, pourtant dénominateur commun le plus évident entre le Brésil et son pays d’accueil est différente et le stigmatise. A travers ce portrait d’un homme seul et déraciné, Luiz Ruffato peint un portrait superbe d’une ville au charme désuet dans une langue qui emprunte aux deux variantes et qui rend avec beaucoup de justesse l’atmosphère particulière de Lisbonne. Une lecture savoureuse. DM


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SALVAYRE, LYDIE

Pas pleurer

Paris, Seuil, 2014.278 p. Cote R SALV : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER

: CIT EVI JON MIN PAQ  : CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Lydie Salvayre fait parler ici sa mère, Montse, une nonagénaire d’origine espagnole qui vécut presque toute sa vie en France. C’est à travers son récit et son langage hispano-français que Lydie Salvayre nous raconte l’été 1936 de sa mère. Un été fait de promesse d’avenir malgré la situation politique. Montse quitte son village catalan avec son frère Josep, pour Barcelone où la jeunesse se retrouve pour imaginer un monde nouveau. C’est là qu’elle va follement aimer André, un soldat français qui la quitte au matin pour rejoindre le maquis. Enceinte, Montse retourne au village et épouse précipitamment Diego qui lui faisait les yeux doux et qui ne sera pas regardant sur la paternité de l’enfant à venir, enfant qui sera la sœur aînée de Lydie Salvayre. En écho à ces événements individuels, Lydie Salvayre évoque le séjour de Bernanos à Majorque, au début de la guerre civile où le moindre soupçon donne lien à des éxécutions sommaires. Ce roman mérite bien son prix Goncourt 2014 ! DM


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SAWYER, ROBERT J.

Singularité

Paris : Laffont, 2010 (Ailleurs et demain). 3 t. Cote R SAWY : PAQ STA

Sur le thème battu et rebattu de l’intelligence artificielle, l’auteur réussit malgré certaines lourdeurs à nous tenir en haleine sur trois volumes. « Webmind » est une entité née accidentellement après une coupure du web voulue par l’Empire du Milieu. « Il » prend conscience de son existence grâce à Caitlin, jeune fille de 14 ans, aveugle de naissance qui a recouvré la vue à la suite d’une opération. Grâce à son « oeilpod », c’est ainsi qu’elle nomme la prothèse que le professeur Kuroda lui a posée, elle voit le web, puis découvre les couleurs du monde et « Webmind » les découvre aussi à travers elle. Bien sûr l’existence de cette entité non humaine qui prétend vouloir le bien sans devenir un dieu va poser quelques problèmes aux autorités politiques… FA




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SEPETYS, RUTA

Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre Paris, Gallimard, 2013 (Scripto). 423 p. Cote RjA SEPE : BUS CIT EVJ JON MIJ PAQ SEJ STJ

En 1941, Lina est brutalement séparée de son père et chargée dans un wagon fermé avec sa mère, son frère et d’autres femmes et enfants. Après des jours de voyage, ils arrivent dans un camp de l’Altaï où ils doivent travailler la terre pour les Soviétiques et payer leur nourriture à leur logeuse. Le froid et la faim, les violences et pressions psychologiques deviennent leur quotidien. Ce qui sauve la jeune fille, c’est son goût pour le dessin. Elle brave tous les dangers pour continuer son art, en espérant que son père verra un jour ses créations et pourra les retrouver. Après quelques mois, la déportation reprend ; destination le cercle arctique, là où même les soldats russes ne veulent pas aller. Ce roman, inspiré par l’histoire familiale de l’auteure, témoigne de l’étendue des crimes de Staline et met en lumière un petit pays dont on parle peu, la Lituanie. FA


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SHARMA, AKHIL

Notre famille

Paris, Olivier, 2015. 220 p. Cote R SHAR : BUS CIT EVI JON PAQ SER STA Titre original anglais : Family life Cote R2 SHAR : BUS CIT JON MIN PAQ SER

SHINER, LEWIS

Les péchés de nos pères Paris, Sonatine, 2011. 594 p. Cote R SHIN : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA


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Pourtant attachée à son pays d’origine, l’Inde, la famille d’Ajay décide d’immigrer aux Etats-Unis. Le père y passera une année avant d’accueillir sa femme et leurs deux fils dans un minuscule appartement du Queens. Ajay, le narrateur, a huit ans, son frère Birju en a douze. Eberlués, ils contemplent l’eau qui sort d’un robinet, une chose qu’ils n’avaient jamais vue jusqu’alors, et s’extasient devant la télévision. Cahin-caha, chacun s’adapte à cette vie et à cette culture à mille lieues de celles de l’Inde. Et puis Birju, le frère aîné, qui fait la fierté de ses parents pour avoir réussi, à force de travail, à être admis à la Bronx High School for Sciences, est victime d’un accident qui va le plonger dans le coma. Tout le destin de la famille s’en trouve bien évidemment bouleversé. Ce roman traite d’une manière très réussie de l’immigration, ses espoirs et ses rêves brisés. Au-delà de cette problématique, c’est la place du jeune frère rescapé qui est abordée, de manière touchante et avec beaucoup de justesse. DM Les parents de Michael ont vécu à Durham, Caroline du Sud, jusqu’à sa naissance ; son père mourant veut y finir ses jours et Michael l’accompagne. Entre deux visites à l’hôpital, il gratte du côté de sa famille, de ses connaissances, car il a toujours senti qu’on lui dissimulait des choses. En interrogeant des collègues de son père qui travaillaient ensemble à la construction d’une autoroute, il apprend qu’un soir des années 60, ils ont aidé leur patron à cacher un cadavre dans le béton d’un pilier. Après enquête, la police confirme qu’il s’agit du corps d’un activiste noir porté disparu qui luttait pour leurs droits civiques : à cette époque, on délogeait la population noire pour la pousser hors des centres urbains. Plus de 30 ans plus tard, les haines entre communautés se sont transmises et sont toujours explosives. Soulagé, le père de Michael raconte enfin son histoire qui sera également celle de son fils puisqu’il finira par lui révéler ses origines. La mère, issue d’une famille influente de la région, essaiera encore de nier la vérité. Ce roman a été élu meilleur livre de l’année 2011 par le Los Angeles Times. RL


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TREVOR, WILLIAM

Cet été-là

Paris, Phébus, 2012 (Littérature étrangère). 252 p. Cote R TREV : BUS CIT EVI JON Titre original anglais : Love and summer Cote R2 TREV : STA

Ellie Dillahan, orpheline, a été élevée chez les sœurs. Puis elle a été placée comme gouvernante chez un veuf dans une ferme isolée. Celui-ci l’a rapidement demandée en mariage et Ellie se trouve maintenant liée à cet homme gentil, certes, mais pour qui elle éprouve peu de sentiments. Sa vie est rythmée par les quelques expéditions à Rathmoye, la ville la plus proche, où elle va vendre ses œufs et acheter son épicerie. C’est lors d’un enterrement qu’elle croise pour la première fois Florian Kilderry, un inconnu dans cette ville. Séduit par Ellie, il parvient à entrer en contact avec elle. Florian est revenu vendre la maison de ses parents décédés, et son but est de quitter l’Irlande dès que la transaction sera terminée. Malgré la brièveté du temps qui leur est accordé, ils entament une liaison secrète et Ellie tombe follement amoureuse de ce jeune homme avec qui elle découvre enfin la passion. Mais le temps file et il n’est pas de son côté. Vaut-il mieux connaître la passion quitte à la perdre ou n’avoir jamais ressenti l’amour ? Quand deux personnes ont des attentes différentes, l’un au moins souffre et c’est ce qui va se passer cet été-là… DM


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TREVOR, WILLIAM

Les enfants de Dynmouth Paris, Phébus, 2014 (Littérature étrangère). 237 p. Cote R TREV : BUS CIT EVI

Timothy Gedge a 15 ans, est un « gosse-à-clefs », un de ces laissés pour compte dont les parents ne s’occupent pas et qui se promènent avec la clé de la maison autour du cou. Son père est parti quand il n’avait que 3 ans, il n’intéresse pas sa mère et sa sœur aînée le déteste. Timothy déambule dans la ville de Dynmouth l’oreille tendue, surprenant des conversations qui ne lui sont pas destinées, guignant par les fenêtres, et colportant perfidement rumeurs et ragots… William Trevor parvient à colorer ce jeune personnage d’une perversité inouïe, faisant monter une tension palpable. On devine le malaise accompagnant chacune de ses apparitions, le regard effaré de ses interlocuteurs à chacune de ses révélations ou questions, et leur volonté d’échapper à cette compagnie inquisitrice en fuyant à toutes jambes. En mêlant ses propres affabulations à ce qu’il a réussi à extirper de ses divers espionnages, le petit démon va jeter une sacrée pagaille parmi les habitants de Dynmouth. Et le lecteur, pour autant qu’il ait été, ne fût-ce qu’un peu, compatissant au départ, va se mettre comme tout le monde à détester ce petit morveux. Et c’est toute la force de Trevor, d’avoir créé de manière subtile un être aussi totalement malveillant. DM


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VAILLANT, JOHN

Le tigre : une histoire de survie dans la taïga Lausanne, Noir sur blanc, 2011. 445 p. Cote 916.7 VA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ STA

VAILLANT, JOHN

L’arbre d’or

Lausanne, Noir sur blanc, 2011. 333 p. Cote 634.9 VAI : CIT EVI JON MIN STA


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1997, un homme est mort, dévoré par un tigre. On est à l’extrémité orientale de la Russie, non loin de la Chine et de la Corée, en face du Japon et de l’île de Sakhaline. La région est pauvre et la population survit principalement de ce que la taïga lui offre : la chasse et la cueillette de pives. Le tigre sibérien est un animal en voie de disparition. Plus gros que son cousin d’Asie, il reste un trophée très recherché. Les Chinois payent cher (et c’est tentant quand on est un pauvre chasseur russe) certaines de ses parties pour en faire des potions aphrodisiaques. Ioui Trouch est responsable de l’organisation chargée de la protection du tigre. On lui demande d’enquêter sur cette mort étrange car on sait que le tigre tue rarement sans raison. Ioui interroge des témoins, analyse les détails, et tel un détective, il va tenter de comprendre ce qui a rendu le tigre fou. Ce récit se lit comme un polar. Je vous conseille vivement ce voyage fascinant dans cette région méconnue, à plus de 10’000km de Moscou, où on accueille l’étranger par ces mots : « Alors, qu’est-ce qui t’amène dans ce trou du cul du monde ? » RL A l’extrême ouest des Etats-Unis, la forêt côtière s’étend de Vancouver jusqu’à l’Alaska. En Colombie-Britannique, la population vivait d’abord du commerce de peaux de loutres. Au 19ème siècle, c’est l’industrie du bois qui prend de l’essor. Dans cette région tempérée, on trouve les plus grands arbres au monde. On apprend qu’un mètre carré de terre de forêt tempérée contient jusqu’à deux millions d’êtres vivants. Malheureusement, on tronçonne sans penser à replanter. Vers les années 1960, certains bûcherons alertent l’opinion publique pour empêcher les coupes sauvages. La forêt se meurt. Grant Hadwin est un bûcheron amoureux des arbres. Il refuse de travailler pour des exploitants sans scrupules. En 1997, lassé de ne pas être compris, il commet un acte d’une violence inouïe. Il abat un épicéa de Sitka vieux de 300 ans, haut de 50 mètres et couvert d’aiguilles dorées, une espèce extrêmement rare. Suite à ce « crime », il est recherché par la police mais personne n’entendra jamais plus parler de lui. Est-il mort ? Survit-il seul au milieu de cette forêt qu’il connaissait si bien ? RL


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VIGGERS, KAREN

La mémoire des embruns Paris, Escales, 2015. 442 p. Cote R VIGG : BUS CIT EVI PAQ

Au soir de sa vie, Mary décide de retourner sur l’île de Tury en Tasmanie, là où elle a vécu avec son mari Jack aujourd’hui disparu. Sa fille Jan est très fâchée: elle aimerait la mettre en maison de retraite. Seule sa petite-fille Jacinta et son dernier fils Tom la comprennent. Tom est revenu brisé d’un séjour en Antarctique. Le continent blanc l’a envoûté mais son mariage n’y a pas résisté. Mary « survit » tant bien que mal grâce aux visites d’un garde forestier. Il a un secret, elle aussi. C’est pour cela qu’elle a choisi de vivre ses derniers jours près du phare où son mari était gardien et où ils ont élevé leurs enfants. Un magnifique roman sous le signe du vent et de la nature sauvage. FA


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WHITEHEAD, COLSON

Zone 1

Paris, Gallimard, 2014 (Du monde entier). 337p. Cote R WHIT : JON PAQ

Après la « Grande nuit », l’humanité se divise en deux groupes, les « Phènes » et les « Zomb », morts-vivants qui se nourrissent de la chair des autres. Ne vous attendez pas à un énième roman d’horreur dégoulinant d’hémoglobine, ni à un roman de sciencefiction classique. Marc Spitz, jeune homme moyen en tout, comme il le dit lui-même, fait partie du groupe des nettoyeurs chargé de rouvrir les rues de New York abandonnée. Les moyens de communication d’avant ne fonctionnent plus. Cela n’empêche pas le gouvernement autoproclamé d’exercer sa propagande en prétendant que le terrain ne cesse d’être reconquis. Whitehead décrit une Amérique glaçante qui construit des murs illusoires pour se protéger. Derrière le cynisme volontariste de l’auteur, transparaît, me semble-t-il, une certaine nostalgie, celle du New York d’avant le 11 septembre 2001. FA


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WOOD, BENJAMIN

Le complexe d’Eden Bellwether Honfleur, Zulma, 2014. 499 p. Cote R WOOD : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER Titre original anglais : The Bellwether revivals Cote R2 WOOD : CIT EVI STA

Ce premier roman se passe de nos jours à Cambridge. Oscar est attiré par la musique qui s’échappe d’une chapelle. Fasciné, il entre et fait la connaissance d’Iris également subjuguée par le jeu de l’organiste qui n’est autre que son frère, Eden Bellwether. Commence alors une relation étrange entre Oscar et le groupe d’étudiants qui gravitent autour du jeune prodige. Eden est quelqu’un de machiavélique et narcissique qui manipule et fascine à la fois les personnes qui le côtoient. Oscar n’est pas du même milieu social que ses nouveaux amis. Il travaille comme aide-soignant dans une maison de retraite. Il est indépendant et ne peut pas compter sur sa famille pour l’entretenir. Oscar est introduit dans ce monde de privilégiés où, entre les cours, on passe son temps à boire des grands crus tout en faisant des expériences paranormales. Petit à petit, Oscar réalise que sous le génie d’Eden se cachent de gros troubles psychologiques. D’instinct Oscar aimerait fuir la folie d’Eden mais il est amoureux d’Iris… Le lecteur se sent glisser avec les personnages dans une ambiance malsaine. Troublant ! RL




125

ZENATTI, VALÉRIE

Jacob, Jacob

Paris, Olivier, 2014. 165 p. Cote R ZENA : BUS CIT EVI JON  : EVI JON SER

Valérie Zenatti plonge dans sa mémoire familiale pour relater la jeunesse de son grand-oncle Jacob. Né dans une famille juive et très pauvre d’Algérie, il se voit refuser l’accès au lycée… mais peu de temps après, il est tout de même convoqué sous les drapeaux pour bouter l’ennemi nazi hors de France. Le portrait du jeune homme est touchant et son destin frappe par tant d’injustice. De sa belle écriture au grand souffle, Valérie Zenatti évoque à la fois l’âpreté des liens familiaux, la pauvreté et surtout l’horreur de la guerre vue par les yeux d’un tout jeune soldat. Ce récit fait revivre un garçon mort loin des siens à 19 ans et ça n’est que justice… Une histoire qu’on n’oubliera pas… FB


126

ZWEIG, STEFAN

Le bouquiniste Mendel Paris, Grasset, 201 (Les cahiers rouges). 50 p. Cote R ZWEI : CIT EVI JON MIN SER STA

Jakob Mendel, juif originaire de Galicie, est un bouquiniste à la mémoire prodigieuse. Il délivre ses expertises au public venu nombreux le consulter au café Gluck à Vienne. En dehors des livres, cet homme remarquable ignore tout du monde qui l’entoure. La Première guerre mondiale éclate. Accusé à tort d’intelligence avec l’ennemi, il est emprisonné dans un camp de concentration et en ressort à jamais brisé. Stefan Zweig nous prouve une fois de plus combien il excelle dans l’art de la nouvelle et nous voilà captivés dès les premières lignes et portés par son style éblouissant. Il faut impérativement découvrir ou redécouvrir cet auteur. TL


Bandes dessinĂŠes


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ALTARRIBA, ANTONIO

Moi, assassin

Paris, Denoël, 2014 (Denoël graphic). BUS CIT EVI PAQ SER STA

Enrique R. Ramirez, âgé de 53 ans, est professeur d’histoire de l’art à l’université du Pays Basque et dirige un groupe d’études intitulé « Chair souffrante, la représentation du supplice dans la peinture occidentale », en faisant référence à des peintres comme Bruegel, Goya, Dix, Ensor, Munch, Bacon entre autres. Mais surtout il voue une passion pour le meurtre, qu’il commet sans mobile, avec comme devise : Tuer n’est pas un crime. Tuer est un art. Il choisit minutieusement ses proies, dans des lieux géographiques éloignés et accomplit son geste, avec à chaque fois d’autres techniques, d’autres armes afin que personne ne puisse remonter jusqu’à lui. Mais lorsqu’il arrive au congrès international sur l’art de la Renaissance et du Baroque pour donner une conférence, son collègue et ami remarque une tache rouge sur la poche de son manteau provenant d’un crime qu’il vient de commettre. Sa double vie sera-t-elle découverte ? En noir/blanc, avec comme seule couleur un rouge sang, cette bande dessinée décrit avec violence le parcours d’un homme, sur fond de rivalité académique. Sensibles s’abstenir ! PB


129

CATEL, PARINGAUX, PHILIPPE

Dolor

Bruxelles, Casterman, 2010 CIT MIN STA

Dolor c’est le poids de l’absence que doit porter Dolorès, une jeune femme abandonnée par son père, Paco Serrat, aujourd’hui mort sans qu’elle l’ait revu. A son enterrement, la dernière compagne de Paco lui remet une lettre et un journal intime. A les lire, elle découvrira enfin la vérité, la raison pour laquelle un mari et un père a quitté sa famille sans explication. Cette magnifique BD revient sur le destin de Mireille Balin (1909-1968), la Greta Garbo française qui, après avoir été la compagne de Jean Gabin, finit dans l’alcoolisme et dans l’oubli, la réputation entachée de collaboration. Une magnifique BD rythmée et colorée, à découvrir. DM


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CHO, MICHAEL

Petite voleuse Paris, Delcourt, 2014 (Outsider). CIT STA

GERMAIN, GABRIEL

Lune et l’autre

Bruxelles, Casterman, 2014. STA


131

Corinna Park travaille dans une agence de publicité à New York, mais ne se sent pas vraiment à sa place. Après des études de littérature à l’université, elle rêve d’une carrière d’écrivain. Elle est un peu lasse, démotivée et reste en retrait des discussions sur son lieu de travail. A part son chat, un peu ingrat, elle se sent bien seule. Pendant ses soirées, elle surfe distraitement sur des sites de rencontres. Son petit plaisir est d’aller dans un supermarché de son quartier, d’acheter de la junk food et de glisser discrètement un magazine dans ses affaires, comme un bonus. Et pour le frisson que cela lui procure. Mais un évènement va changer sa vie. Ce premier roman graphique d’un Canadien d’origine coréenne décrit parfaitement la solitude et la rédemption de cette jeune femme un peu à la dérive, désabusée et amère, mais extrêmement sensible. Le choix des dessins en noir et blanc rehaussés d’un rose éclatant renforce l’atmosphère décrite. PB

Cette bande dessinée met en scène trois personnes solitaires malmenées par le destin, perdues, à bout de souffle, qui vont se croiser et peut-être entrevoir un futur. Risa est une prostituée qui vient de tuer son proxénète qui la violentait. En quittant l’hôtel de passe, au pas de course, elle bouscule un passant, perdant son portefeuille. Hana est une jeune fille apeurée qui se cache sous les sièges d’un bus, dans lequel Risa fuit Tokyo. Shi-Ichiro est un architecte qui vit sur son lieu de travail depuis sa séparation avec son amie. En retrouvant le portefeuille de Risa, il est convaincu que c’est un signe du destin et que celle-ci peut lui permettre de changer de vie. Avec des dessins aux couleurs vives qui offrent une certaine forme de douceur, Lune et l’autre est un thriller social qui se déroule dans un Japon contemporain baigné de magie ancestrale. PB


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GREENBERG, ISABEL

L’encyclopédie des débuts de la terre Bruxelles, Casterman, 2015. CIT JON MIN PAQ SER

Lorsque l’homme du Nord rencontre la femme du Sud, ils tombent tous deux immédiatement et éperdument amoureux. Malheureusement un champ magnétique les empêche de se tenir à moins de cinquante centimètres l’un de l’autre. Même le vieux sage n’a pas de réponse ni de solution. Ne pouvant se toucher, les amants vont inventer des histoires pour se distraire. Sentant qu’il doit lui manquer une partie de son âme, l’homme du Nord va partir à la recherche de ce fragment. Dans son périple, il rencontrera différents peuples, plus ou moins amicaux, avec lesquels il partagera sa propre histoire mais également les légendes de son pays, tout en écoutant les récits locaux. Son talent de conteur lui offrira des fortunes diverses. Cette bande dessinée s’inspire de contes classiques (Abel et Caïn, la Tour de Babel, Homère, la Bible, etc.) et est un récit enchâssé, l’épopée du personnage principal étant régulièrement entrecoupée par d’autres histoires. Le dessin est simple et pur soulignant parfaitement la portée onirique de ce très bel album, premier récit de cette auteure britannique. A découvrir de toute urgence. PB


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LE HENANFF, FABRICE, SEKSIK, LAURENT

Modigliani : prince de la bohême Bruxelles, Casterman, 2014 CIT SER

Paris, 1917. Amedeo Modigliani vit dans des conditions misérables avec sa compagne et muse, Jeanne. Le monde n’a pas encore pris la mesure de son talent, et il vivote grâce au soutien de son agent, Léopold Zborowski, qu’il traite pourtant comme un chien. Tuberculeux, il n’a pas pu partir au front et il aggrave son état de santé en abusant d’alcool et de drogues. On le suit jusqu’à sa mort en 1920, alors que Jeanne vient de donner naissance à leur fille. Une biographie en BD va toujours à l’essentiel ; ici, on a insisté sur l’artiste maudit, incompris de tous (sa seule exposition fut un fiasco) et sur l’amour sans faille de sa femme, fidèle présence lumineuse – qui le suivra dans la mort. Les cases de cette sublime BD sont autant de tableaux, à contempler sans modération. DM


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LEPAGE, EMMANUEL

Voyage aux îles de la Désolation Paris, Futuropolis, 2011 BUS CIT MIN SER STA

LEPAGE, EMMANUEL

La lune est blanche Paris, Futuropolis, 2014. BUS CIT EVI JON MIN SER STA


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En 2010, Emmanuel Lepage accompagna son frère François, photographe professionnel, sur le Marion-Dufresne, un navire spécialement conçu pour ravitailler les bases scientifiques subantarctiques en personnel, en vivres et en pétrole. Pendant trente jours, ils vont partir pour une mission dans les terres australes et antarctiques françaises qui portent des noms qui font rêver : Crozet, Amsterdam, Saint-Paul et Kerguelen, surnomées jadis les îles de la Désolation. Le but est de suivre la vie quotidienne de l’équipage et des équipes scientifiques. Le Voyage aux îles de la Désolation est un journal de bord, un carnet de voyage montrant la difficulté de telles missions et les liens qui se créent dans des climats extrêmes. PB

Après une première expérience australe relatée dans le Voyage aux îles de la Désolation, Emmanuel Lepage est resté en contact avec l’IPEV, l’Institut Français Paul-Emile Victor. Les dirigeants, conquis par leur précédent travail, leur ont proposé une nouvelle aventure, encore plus extrême, à savoir un raid en Antarctique, toujours avec son frère. Sur la base Dumont d’Urville, en terre Adélie, le projet est de témoigner de la vie de la base, des scientifiques et des chercheurs et, ensuite, de participer à un raid de 2000 kilomètres, comme chauffeurs, pour rejoindre la station Concordia, une des trois stations en Antarctique à fonctionner toute l’année. Mais rien ne se passera comme prévu. L’homme est dépendant des conditions climatiques et il est habituel qu’un bateau ne puisse appareiller ou doive modifier sa route à cause de plaques de glace infranchissables. A la fois carnet de voyage, journal intime, récit historique expliquant les enjeux politiques et stratégique et reportage, La lune est blanche est un album captivant. Il relate une expérience humaine forte, en associant dessins, croquis et photographies, avec maestria. Pour les amoureux des grandes étendues. PB


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LEVALLOIS, STÉPHANE

Racket

Paris, Futuropolis, 2015 CIT

LUPANO

Un océan d’amour Paris, Delcourt, 2014 (Mirage). Cote R FERM : BUS CIT JON PAQ SER STA


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Une adolescente se fait braquer dans la rue. Comme elle refuse de donner son portable, l’assaillant va lui donner des coups et la poignarder pour arriver à ses fins. Titubant, elle parviendra à rentrer chez elle. C’est son père qui préviendra les secours. Opérée, puis dans le coma, elle restera à l’hôpital, son père à son chevet. Seule dans son lit, immobile, elle entame une longue lutte contre la mort : son esprit est assailli par des démons et des figures fantasmagoriques qui tournent autour d’elle, malfaisantes et sournoises. Cette bande dessinée sans parole et en noir et blanc est d’une force rare, laissant peu de répit au lecteur. Différentes techniques de dessins et de mise en page créent une sensation d’oppression qui jaillit au détour des pages, mais laissent également apparaître des instants de grande tendresse et de grâce. L’auteur parvient parfaitement à plonger le lecteur dans l’esprit de cette jeune femme, dans sa lutte contre la mort et l’espérance d’une renaissance. PB

Le personnage principal est un vieux pêcheur qui vit en Bretagne avec sa femme, une force de la nature un peu revêche. La pêche est maigre et, alors qu’il fait une pause avec son second sur son petit bateau, son embarcation va se faire emporter dans les filets d’un énorme baleinier, le Cold Fish. Son second doit sa survie au canot de sauvetage, mais lui reste, seul, à la dérive. Lorsque tous les pêcheurs rentrent au port, sa femme reste silencieuse sur le quai, comprenant qu’une tragédie a dû se passer. Inconsolable, elle ne peut se résoudre à sa disparition et décide, par amour pour lui, de se lancer à sa recherche, certaine qu’il est encore vivant. C’est cet amour fou qui est décrit sur plus de 200 pages, sans parole. Je vous conseille vivement de vous laisser emporter par ce beau voyage, qui va de rebondissement en rebondissement. PB


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MACCLOUD, SCOTT

Le sculpteur

Paris, Rue de Sèvres, 2015 CIT EVI JON STA

David Smith est un sculpteur qui consacre sa vie à l’art. Après avoir connu quelque succès à la sortie de l’université, il est vite retombé dans l’oubli, les galeristes le confondant parfois avec un homonyme, plus âgé. Grâce à un pacte avec le diable, revisitant le mythe de Faust, il voit son rêve d’enfant s’exaucer : pouvoir sculpter tout ce qu’il souhaite à mains nues. En contrepartie, il ne lui reste que 200 jours à vivre. Mais comment réaliser des œuvres qui pourront lui survivre alors que simultanément il tombe amoureux d’une jeune femme, Meg ? Mais cette BD n’est pas qu’une histoire touchante et romantique, c’est également une critique de l’art, des critiques et du milieu artistique new yorkais. Sur plus de 480 pages, en bichromie de bleu et de noir, Scott Mc Cloud, qui n’avait plus rien publié depuis plus de 15 ans, tient de main de maître son récit avec une excellente structure narrative qui explose comme un feu d’artifice. PB


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MATHIEU, MARC-ANTO INE

Sens

Paris, Delcourt, 2014 CIT EVI JON MIN PAQ SER

Sens met en scène un personnage sans voix, sans visage, en imperméable et chapeau, qui suit des flèches, de toutes sortes, noires ou blanches. Il semble chercher quelque chose, tombe, hésite, reprend sa marche et poursuit sa quête, inlassablement. En noir et blanc, avec un dessin par page, Marc-Antoine Mathieu se réinvente à chaque album, explorant d’autres pistes, d’autres mondes, d’autres techniques, d’autres mises en abîme. Entre poésie et absurde, cheminement personnel et allégorie de la vie, cet album à la facture impeccable est une pure merveille. PB


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PAQUET, PIERRE, ALONSO, JESUS

PDM

Genève, Paquet, 2015 CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

REVEL, SANDRINE

Glenn Gould : une vie à contretemps Paris, Dargaud, 2015 CIT EVI SER STA Pour ceux qui désireraient en savoir plus, je vous conseille l’excellentissime film documentaire, Glenn Gould, The Alchemist, disponible sur le réseau. CIT EVI STA


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Pierre Paquet est éditeur de BD à Genève. Il nous raconte son parcours compliqué. Difficile de faire sa place dans un monde où les jalousies et les coups bas ne sont pas rares. Pierre est passionné de BD et aime le travail de son ami Jean-Marc Mathis que Casterman vient de refuser pour sa collection « A suivre » : pas assez commercial ! Paquet propose de l’éditer : « ça doit pas être bien compliqué d’imprimer une BD »... En 1998, il est à Angoulême avec ses premiers poulains, dont JP (Kalonji) qui l’attaquera plus tard en justice. Paquet passe alors des années difficiles où se propage la (fausse) rumeur qu’il ne paye pas ses artistes. Heureusement, d’autres lui font confiance et l’aident à réaliser son rêve de devenir un éditeur reconnu. Servi par un dessinateur de talent, Jesus Alonso, Pierre Paquet se livre avec une rare sincérité. Il évoque son enfance, la perte de son papa à 11 ans, son amitié pour David, son presque frère, qui mourra durant ces années noires. Mais le héros de cette autobiographie c’est Fiston, son chien, sans lequel il n’aurait jamais tenu le coup et à auquel il rend hommage. RL Cette bande dessinée est une biographie du génial et excentrique pianiste et compositeur canadien. Avec une très grande qualité graphique et narrative, Sandrine Revel parvient à décrire la folie – géniale – qui animait ce musicien hors norme. Fragile, hypocondriaque, fétichiste (avec, par exemple, sa chaise de piano fabriquée par son père qui couinait lors de ses concerts et enregistrements, rendant fous les ingénieurs du son), perfectionniste à l’excès et maladivement solitaire. Construit sous la forme d’un flashback, le lecteur découvre son enfance, la vie avec ses parents, sa première tournée, l’enregistrement mythique des Variations Goldberg dans les années 50, son statut de véritable star, l’abandon de sa carrière de concertiste en 1964 et l’accident vasculaire cérébral qui lui sera fatal. Plus qu’une biographie, cette bande dessinée est un hommage au musicien et plus particulièrement au piano, avec des dessins magnifiques sur la gestuelle entre autres. PB


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STOK, BARBARA

Vincent

Genève, EP, 2015 (Atmosphères) CIT

TAMIKI, MARIKO

Cet été là

Paris, Rue de Sèvres, 2014 BUS CIT EVJ JON PAQ STA


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La dessinatrice néerlandaise Barbara Stok fait ici le portrait de son compatriote, Vincent Van Gogh, que l’on reconnaît immédiatement sur la couverture malgré un trait minimaliste. Le parti de l’authenticité a été pris puisque les textes sont essentiellement tirés des lettres de Vincent et Theo Van Gogh. Ce sont les trois dernières années de la vie du peintre qui sont racontées ici, entre 1888 et 1890, entre Paris et le sud de la France. Vincent est victime de crises d’épilepsie, de coups de folie, c’est un génie mais on le découvre totalement obsédé par son art. A tel point qu’il en devient... chiant. On comprend que ses pairs finissent par le fuir, eux qui veulent aussi vivre et s’amuser alors que Vincent ne demande qu’à peindre, peindre encore et ne parler que de peinture. Le dessin de Barbara Stok, qui fait la part belle aux couleurs primaires, peut certes sembler naïf mais je trouve qu’il rend très bien l’atmosphère colorée du sud de la France et la peinture de Van Gogh. Cette BD constitue une très belle entrée dans l’oeuvre du peintre. DM Chaque été, Rose retrouve son amie Windy au bord du lac Awago dans l’Ontario. Les journées brûlantes s’écoulent entre baignades à la mer, balades à vélo et visionnement de films d’horreur que les deux filles louent au drugstore du village. Un peu livrées à elles-mêmes les deux amies observent le monde qui les entoure : la nature, mais surtout le monde des adultes. Les parents de Rose se déchirent, sa mère totalement déprimée semble porter un lourd secret, mais ce sont les relations tumultueuses entre les membres de la bande des grands ados du village qui fascinent Rose un peu plus âgée que Windy qui préfère encore jouer. Chronique d’un été, roman graphique en noir blanc « Cet été là » évoque subtilement le délicat passage du monde de l’enfance à celui de la préadolescence avec son lot de rêves et d’angoisse. CLR


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TANIGUCHI, JIRO

Elle s’appelait Tomoji Paris, Rue de Sèvres, 2015 BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Inspiré de la vie de Tomoji Uchida, fondatrice d’un temple bouddhiste que Jiro Taniguchi et sa femme fréquentent, ce manga nous offre un aperçu de ce qu’était la vie dans une campagne japonaise des années 1920-1930. La petite Tomoji aura à souffrir bien des malheurs : la mort de son père, celle de sa petite soeur, puis le départ de sa mère à la recherche de travail. C’est sa grand-mère qui va les élever, elle et son frère. Jolie, sage, positive et toujours de bonne humeur, la fillette avale sans broncher les kilomètres qui la séparent de l’école, sert avec le sourire les clients venus acheter des denrées à la petite épicerie tenue par sa grand-mère. Un jour, alors qu’elle est âgée de 13 ans, elle croisera le chemin d’un jeune homme venu photographier sa grand-tante (qui n’est autre que la grand-mère de Tomoji). Il s’appelle Fumiaki Itô, il a 19 ans. Ils devront attendre sept ans avant de se rencontrer à nouveau. Entre-temps, Tomoji sera partie à Tokyo travailler dans un atelier où elle apprend à coudre des kimonos. Ce portrait est brossé avec beaucoup de délicatesse, et très subtilement l’est l’histoire d’amour naissante entre Tomoji et Fumiaki qui se retrouveront pour se marier. Une BD pleine d’émotion, parfois contenue, qui nous plonge avec bonheur dans la culture japonaise de l’époque. DM


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TANIGUCHI, JIRÔ

Les gardiens du Louvre Paris, Futuropolis, 2014 (Louvre éditions) BUS EVI STA

Le personnage principal est un mangaka japonais. De retour du salon de la bande dessinée de Barcelone, il décide de s’arrêter cinq jours à Paris, avant de rentrer au Japon. Malade, transi de fièvre, il passe sa première journée cloîtré dans sa chambre d’hôtel, avalant des médicaments. Le deuxième jour, se sentant un peu mieux, il décide de se rendre au musée du Louvre, qu’il n’a encore jamais visité. A l’intérieur, il est happé par la foule et pris de vertige, il s’effondre sur le sol. Il entend une voix de femme qui le ramène à la réalité, lui expliquant qu’elle est l’un des gardiens du Louvre et qu’elle n’est autre que la Victoire de Samothrace. Entre rêve et réalité, plongé dans « les limbes oniriques de son imagination », le personnage principal va découvrir ce musée de façon singulière, avec une touche de fantastique. Jirô Taniguchi ajoute de la couleur à ses dessins toujours aussi précis, tout en finesse, de plus en plus occidentaux peut-être, permettant au lecteur de se plonger dans Paris et dans la découverte des galeries du Louvre. PB


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TIRABOSCO, TOM

Wonderland

Genève, Atrabile, 2015. BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Il aura fallu plus de 10 ans à Tom Tirabosco pour mener à terme ce projet autobiographique, à savoir raconter la vie du jeune Tommaso, de sa naissance à son entrée au collège. Il dresse le portrait de sa famille, de la rencontre de ses parents à Rome, de son père au tempérament volcanique, mais aussi colérique et tyrannique, de ses deux frères, mais principalement de Michel, qui arrivera au monde sans mains et avec une seule jambe. Malgré son handicap et la prothèse de sa jambe, son frère devient vite la terreur du quartier, qui joue au football et fait les 400 cents coups, sans jamais se plaindre. Le petit Tommaso, bien qu’étant l’aîné, devra trouver sa place dans cette famille et s’échappera dans les livres, de la peinture de Titien à Walt Disney, et commencera à dessiner. Un peu nostalgique, mais d’une grande sincérité, Tom Tirabosco signe un album touchant aux dessins magnifiques, parfois en pleine page, chez l’éditeur genevois Atrabile dont la ligne éditoriale est d’une qualité sans faille. A lire de toute urgence. PB


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TOULME, FABIEN.

Ce n’est pas toi que j’attendais Paris, Delcourt, 2014 (Encrages) BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Fabien, sa femme Patricia et Louise, leur fille, vivent au Brésil, pays d’origine de Patricia, mais décident de rentrer en France alors que la jeune femme est enceinte de cinq mois. Malgré que la grossesse se passe bien, Fabien ne peut s’empêcher de craindre que la petite fille à naître ne soit pas « normale » et chaque examen le confronte à ses angoisses. Mais les résultats sont bons et la petite Julia finit par arriver, sans éveiller aucun soupçon de la part du corps médical... Ce qui n’est pas le cas de son père : il trouve qu’elle a les yeux bridés, le cou court et la tête sacrément plate. Ce n’est qu’après quelques jours qu’une trisomie 21 est diagnostiquée. Le ciel tombe sur la tête de la famille ! Fabien a beaucoup de peine à faire face au handicap de sa fille, qui provoque chez lui dégoût et répulsion. Il se sent incapable de lui donner le bain ou même de la prendre dans ses bras. Il raconte à travers cette BD autobiographique son cheminement vers sa fille, comment il a accepté cette enfant différente et comment il a fini par l’aimer de tout son coeur. Un témoignage bouleversant de sincérité qui touche au coeur et qui, espérons-le, aide à regarder différemment les personnes atteintes de trisomie 21. DM


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TOYODA, TETSUYA

Coffee time

Paris, Ki-oon, 2014 (Latitudes) BUS CIT EVI JON MIN STA

Ce manga propose dix-sept nouvelles qui n’ont, à priori, rien à voir les unes avec les autres, si ce n’est le fil conducteur qu’est le café. Mais plus la lecture avance, plus ces nouvelles se font écho, se complètent subtilement, certains personnages réapparaissant parfois. Des individus un peu cabossés par la vie, un peu désabusés, se rencontrent, dans des situations étranges, parfois surréalistes : une musicienne, un scénariste italien mythomane, un détective privé, une jeune fugueuse, des gangsters, etc. Le café tient un part importante dans ces courtes nouvelles car il est souvent le lien qui permet aux personnages de se rencontrer, de se parler, de lier une partie de leurs vies, rendant possibles des échanges et des discussions. La grande force de Tetsuya Toyoda est de placer l’humain au centre des récits et de se concentrer sur les sentiments des individus. PB


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VALAMBOIS, RODÉRIC

Mal de mère

Bruxelles, Quadrants, 2015 (Astrolabe) BUS CIT JON MIN PAQ

La famille Valambois. Le père Jean-Mary, homme de prestance, cultivé, cynique, autoritaire, est par ailleurs le maire de la commune. La mère est une institutrice et une femme au foyer accomplie. Cédric, le fils aîné, Rodéric, qui a 9 ans, le narrateur, et leur petite sœur Vanessa. Et puis l’alcool s’invite dans la famille, Rodéric, qui n’a rien voulu voir, s’en rend compte lorsque sa sœur lui montre des bouteilles de porto que leur mère a cachées un peu partout. On essaie de faire avec, de faire semblant, de faire comme si… Mais toutes les frustrations encaissées au fil des années par la mère dont personne ne reconnaît tout ce qu’elle fait pour la famille, sont trop insupportables pour qu’elle puisse désormais se passer du « soutien » de l’alcool. Peu à peu il laisse des traces, visage bouffi, chutes dans l’escalier… Les tentatives de désintoxication sont des échecs. Comment on fait en tant qu’enfant pour regarder sa mère tomber en pleine déchéance ? Pour Rodéric, ce sera le rejet pur et simple. Et à la fin, après la mort, cette BD autobiographique pour tenter de comprendre et d’analyser. Poignant. DM


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ZANZIM

L’île aux femmes Grenoble, Glénat, 2015 (1000 feuilles) BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Céleste Bompard est un homme à femmes. Pilote de son état, il doit temporairement suspendre ses velléités de séduction lorsque la guerre éclate et qu’il est désigné pour convoyer à bord de son avion les lettres des Poilus à leurs amoureuses. Lors d’une de ses missions, l’avion de Céleste crashe sur une île qui a l’air déserte mais qui, il le découvrira peu après, abrite une colonie de femmes qui s’avèrent tout aussi sublimes que farouches, indépendantes et ayant rejeté tout élément masculin. Tout ? Non, car il y a enfermé ici un reproducteur vieux et épuisé, dont Céleste, la langue pendante et les yeux exorbités, aimerait bien prendre la place… Cette interprétation du mythe des Amazones est une réussite : drôle, colorée, sensuelle, elle fait la part belle aux femmes, toutes séduisantes malgré leurs défauts. Réjouissant ! DM


Infos utiles


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adresses et contact Bibliothèque de la Cité (CIT) 5 place des Trois-Perdrix 1204 Genève 022 418 32 00

Bibliothèque des Eaux-Vives (EVI) 2 rue Sillem 1207 Genève 022 418 37 70 adultes 022 418 37 72 jeunes

Bibliothèque de la Jonction (JON) 22 bd Carl-Vogt 1205 Genève 022 418 97 10 adultes 022 418 97 12 jeunes

Bibliothèque des Minoteries (MIN) 5 Parc des Minoteries 1205 Genève 022 418 37 40


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Bibliothèque des Pâquis (PAQ) 15-17 rue du Môle 1201 Genève 022 418 37 50 adultes 022 418 37 52 jeunes

Bibliothèque de Saint-Jean (STA) 19 avenue des Tilleuls (entrée par la rue Miléant) 1203 Genève 022 418 92 01 adultes 022 418 92 02 jeunes

Bibliothèque de la Servette (SER) 9 rue Veyrassat 1202 Genève 022 418 37 80 adultes 022 418 37 82 jeunes

Service du Bibliobus (BUS) 40 points de stationnement dans tout le canton, renseignements auprès de votre commune ou au 022 418 92 70


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légendes Ces résumés vous sont proposés par Caroline Langendorf Richard • Deborah Di Benedetto • Dominique Monnot • François Gerber • Françoise Aellen • Françoise Bonvin • Françoise Delapierre • Marjorie Schoch • Michel Hardegger • Philippe Bonvin • Philippe Gindre • Roane Leschot • Tony Larsen

Disponibilité des Documents  : Existe en gros caractères  : Existe en livre lu en français  : Existe en livre lu en anglais Tous les documents présentés ici se trouvent en un ou plusieurs exemplaires dans les bibliothèques municipales. Vous trouverez leur disponibilité dans votre bibliothèque ou en consultant notre site internet : http://collectionsbmu.ville-ge.ch/


“ Il en est des livres comme du feu dans le foyer. On va le prendre chez le voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. ” Voltaire


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