Envie de lire 40

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les coups de cœur des bibliothécaires

nº 40 automne / hiver 2016 / 17

Voltaire

envie de lire

“ Il en est des livres comme du feu dans le foyer. On va le prendre chez le voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. ”

envie de lire les coups de coeur des bibliothécaires

nº 40 automne / hiver 2016 / 17


envie de lire − Vous tenez entre les mains un recueil éclectique de propositions de lectures concocté par vos dévoués bibliothécaires. Vous y trouverez aussi bien des nouveautés que des classiques, des essais que des bandes dessinées ou des romans, sans oublier la science-fiction ou les polars, bref, tout ce qui fait la diversité des collections que les bibliothèques municipales mettent à votre disposition. Nous, bibliothécaires passionnés de lecture, partageons avec vous nos coups de coeur dans ces textes que nous vous laissons découvrir et dont nous espérons qu’ils vous donneront...


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ABBOT, ALYSIA

ADAM, OLIVIER

Paris, Globe, 2015. 381 p. Cote 828.03 ABB : BUS CIT EVI

Paris, Flammarion, 2016. 266 p. Cote ADAM : BUS CIT EVI MIN SER STA

Fairyland

En 1974, Alysia n’a que 2 ans quand sa mère meurt. San Francisco est alors la capitale des hippies, des excentriques, des homos et de ceux qui affichent leur différence. Steve Abbot, le père d’Alysia, est gay et militant. Il assume pleinement son rôle de père mais il n’est pas très structurant. La nuit, il fréquente les clubs où on refait le monde à coups de poèmes ; il y emmène sa fille, lui apprend à faire pipi comme les hommes et la gronde à 4 ans parce qu’elle ne sait pas préparer son petit-déjeuner. Ce manque de maternage est compensé par l’amour de ce père débordé par une responsabilité trop soudaine. Dans les années 80, le sida frappe la communauté homosexuelle. Son père, comme presque tous ses amis, est contaminé. En stage à Paris, Alysia reçoit une lettre où il lui demande de l’accompagner durant sa dernière année de vie. Elle lui en veut de ne pas la laisser vivre sa jeunesse tout en se culpabilisant de retarder son retour à San Francisco. Le récit poignant d’une époque où on disait volontiers que les gays avaient bien mérité ce sida qui les tuait. RL

La renverse

Antoine est un jeune homme solitaire. Il vit en Bretagne, travaille dans une librairie avec le propriétaire Jacques qu’il considère comme son père et partage sa vie avec Chloé, sa compagne avec laquelle il parle peu, n’arrivant pas à extérioriser le passé qui le ronge et qui l’a laissé exsangue. Il entend à la radio, puis à la télévision, la mort de Jean-François Laborde, un homme politique qui est lié à sa famille et qui l’a plongé, dans son adolescence, dans un scandale public qui a éclaboussé sa famille, la faisant voler en éclats. Il décide alors de prendre la route pour assister à l’enterrement de cet homme. Est-ce que cette mort lui permettra de faire table rase du passé et d’aborder la vie et le futur plus sereinement ? Olivier Adam plonge dans ce fait divers, dans les secrets de cette famille, mais aussi dans le monde politique avec ce texte fort, touchant et parfaitement maîtrisé. PB


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ALEKSIEVITCH, SVLETANA A

La supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse Paris, Lattès, 1998. 267 p. Cote 621.48 ALE : BUS CIT EVI JON PAQ

ABERCROMBIE, JOE

Anthologie de poésie haïtienne contemporaine : 73 poètes Paris, Points, 2015 (Points. Poésie ; 4217). 557 p. Cote 897 ANT : CIT EVI

Ouvrage plus que jamais d’actualité : 5 ans après Fukushima, 30 ans après Tchernobyl et la centrale nucléaire de Bugey aux portes de Genève qui aujourd’hui nous inquiète tous à juste titre ! Svetlana Aleksievitch, écrivaine et journaliste biélorusse, prix Nobel de littérature 2015, nous livre une fois de plus un chef-d’oeuvre, un livre terrifiant, bouleversant, mais aussi d’une grande beauté. Selon son habitude, l’auteure recueille, dans un style magnifique, les récits de nombreuses personnes qu’elle a rencontrées. Il s’agit cette fois des témoins de la catastrophe de Tchernobyl. L’apocalypse, le désordre, la dissimulation, le fatalisme slave, la fin de l’URSS, tout y est évoqué. Etrangement, au cœur de cette désolation, la nature est restée somptueuse. Heureusement survivent l’amour et la mémoire du grand courage de certains. TL

Honneur aux anciens : René Depestre ouvre cette belle anthologie et honneur aux plus jeunes : nous la refermons avec Fabien Charles, né en 1993. Avec la complicité de Rodney Saint-Eloi, auteur et éditeur, James Noël, lui-même écrivain, a demandé aux poètes de choisir chacun cinq de leurs textes. Bien sûr, Haïti est au cœur de tous ces poèmes, Haïti rêvée, meurtrie et chérie. Dany Laferrière confie pourtant « Mon enfance me manque plus cruellement Que mon pays » Tous et toutes sont ouverts au monde. Lyonel Trouillot écrit à Yvon Le Men « Il n’y a plus de poème », Gary Klang dialogue avec Apollinaire « Il est grand temps de rallumer les étoiles ». Il y en a à foison, découvrez Jean-Philippe Dalembert, Mackensy Orcel, Yves Romel Toussaint, impossible de citer tous les représentants de ces nouvelles générations qui font dire à Kettly Mars que « Contre la mort lente par néolibéralisme, Contre les guerres saintes et les angélismes, La poésie est la seule arme de construction massive ». FA


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ATKINSON, KATE

Les choses s’arrangent, mais ça ne va pas mieux Paris, Fallois, 2006. 410 p. Cote ATKI : CIT EVI JON SER Titre original anglais : One good turn Cote R2 ATKI

BAXTER, STEPHEN

Anti-glace

Saint-Mammès, Bélial, 2014. 270 p. Cote BAXT : BUS PAQ SER

Jackson Brodie, ex-soldat, ex-policier, ex-détective privé, accompagne au Festival d’Edinbourg sa compagne Julia, actrice dans une obscure production du Festival off. Il assiste par hasard à un banal accident de voiture qui dégénère en bagarre. Acteurs et témoins de cet accident se croisent et s’entrecroisent tout au long du roman : un personnage louche dont on ne connaît que le nom d’emprunt, un auteur de romans policiers sans aucun intérêt, un personnage douteux qui brandit une batte de baseball, un promoteur immobilier véreux et sa femme, une inspectrice de police et son fils, une prostituée russe… et le cadavre d’une jeune femme, découvert par Brodie et qui disparaît. Pour la plus grande joie du lecteur, sur un ton plutôt sarcastique, avec son humour un peu décalé, son ironie mordante et sa prose entraînante, Kate Atkinson tisse la trame de son récit avec les histoires de tous ces personnages dont l’évènement initial va peu ou prou bouleverser la vie. Elle les place dans des milieux décrits sans complaisance : un théâtre d’avant-garde hermétique, un « événement littéraire » qui se prend trop au sérieux ou la prostitution gérée par la mafia russe. FD

Amis de Jules Verne et de Tintin, voici un bon roman steampunk. En 1870, l’Angleterre domine une grande partie du monde grâce à la découverte de l’anti-glace, une matière hautement énergétique qui s’est révélée être une redoutable arme de guerre. Les tensions montent entre la France, la Prusse et l’Angleterre. Notre héros, Ned Vicars, est diplomate et représente son gouvernement pour l’inauguration d’un superbe navire, porteur d’une nef volante le « Phaéton ». L’anti-glace a aussi permis de fabuleux progrès dans les transports. Mais le bateau est saboté et Ned se retrouve coincé dans la nef en compagnie d’un génial savant et d’un journaliste, en partance pour la lune…. FA


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BELEZI, MATHIEU

Un faux pas dans la vie d’Emma Picard Paris, Flammarion, 2015. 255 p. Cote BELE : BUS CIT

A la fin des années 1860, le gouvernement français du second Empire proposait une ferme et 20 hectares aux candidats colons afin de peupler l’Algérie, vendue comme un pays de Cocagne. Venue d’Alsace, veuve avec ses quatre enfants, Emma Picard tentera l’expérience et se retrouvera confrontée à la dureté sans merci d’une terre et d’un peuple qui ne voulaient pas d’eux. « Tu te souviens, Léon ? ». C’est au travers d’un monologue empreint d’amour et de culpabilité adressé à son dernier fils qu’Emma Picard retrace les dernières années de sa vie. Une vie à la dureté effroyable sur une terre aride, constamment à la recherche d’eau et la faim au ventre. Une vie de malheurs et d’entêtement, viscéralement attachée à son rêve et à la terre. Un texte lourd et pourtant fluide, sans chapitres ni paragraphes pour un récit sombre et bouleversant, dernier témoignage d’une mère à son enfant. MH


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BESSON, PHILIPPE

Les passants de Lisbonne Paris, Julliard, 2016, 192 p. Cote BESS : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Sur la terrasse d’un hôtel de Lisbonne, un homme rencontre une femme par hasard et décide de l’aborder. Lui s’appelle Mathieu et a retrouvé un jour une lettre d’adieu dans un appartement vide, laissée par son amoureux. Elle, Hélène, a vu en direct à la télévision le séisme qui a frappé San Francisco emportant son mari, sans lui rendre le corps pour lui offrir une sépulture et faire son deuil. Avec Lisbonne en toile de fond, ces deux êtres vont partager leurs souffrances, la séparation amoureuse pour l’un et le deuil pour l’autre, essayant de trouver des réponses pour accepter ces disparitions, encore vives, au fil de leurs promenades dans la ville. D’une écriture magnifique et ciselée, Philippe Besson continue son travail sur les sentiments, parvenant avec brio à décrire les tourments de ces deux personnages bercés par la mélancolie de la ville. PB


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BINET, LAURENT

La septième fonction du langage Paris, Grasset, 2015. 494 p. Cote BINE : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

En sortant d’un dîner avec Mitterrand, l’écrivain et sémiologue Roland Barthes se fait renverser par une camionnette de blanchisserie. Puisqu'il a été retrouvé sans papier ni clés, (ce qui est inhabituel) des soupçons s’éveillent et une enquête est ouverte avant même qu’il ne décède des suites de son « accident ». Le commissaire Bayard et son traducteur étudiant en sémiologie Simon Herzog découvre bien vite ce qui pourrait être la cause de sa mort : La septième fonction du langage, document théorisant un langage permettant de contrôler et dominer autrui grâce à la parole... DDB

BLAS DE ROBLES, JEAN-MARIE

L’île du Point Némo

Honfleur, Zulma, 2014. 460 p. Cote BLAS : BUS CIT EVI MIN SER

Vous aimez Jules Verne, Dumas, Flaubert, Conan Doyle, Agatha Christie, Tintin, Blake et Mortimer ? Ce roman d’aventures, c’est tout cela, et plus encore. Un certain John Shylock Holmes accompagné de son majordome, d’un riche dandy et de quelques autres personnages atypiques s’embarquent dans le Transsibérien à la recherche d’un diamant volé. Leur point de chute : le « point Némo » qui se trouve être l’endroit de l’océan le plus éloigné de toute terre émergée ; il se situe dans le Pacifique Sud, entre le Chili et l’île de Pâques. Parallèlement à cette folle équipée, on est invité dans la chambre d’un homme qui tente de réveiller sa douce endormie en lui racontant des histoires comme elle le faisait dans son usine de cigares. En effet, on apprend qu’à Cuba, pour augmenter la rentabilité des ouvriers, une personne est payée pour lire à haute voix la presse, mais aussi de la propagange politique ou des classiques. C’est ainsi qu’un célèbre cigare de la Havane s’appelle le « Montecristo ». Un roman érudit, foisonnant, ébouriffant et très drôle ! RL


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BOCQUET, FRED

La porte

Genève, Cousu mouche, 2014. 152 p. Cote BOCQ : CIT

BOURDEAUT, OLIVIER

En attendant Bojangles Le Bouscat, Finitude, 2016. 158 p. Cote BOUR : BUS CIT EVI JON MIN

: CIT JON MIN SER

Changement de ton radical pour Fred Bocquet : après les hilarants Monsieur Quincampoix et La Ricarde, nous voici dans une petite localité de France qui vient de vivre un drame atroce. Une petite fille de six ans et demi a été tuée à coups de couteau. Comme toujours dans les villages, ça discute au bistrot du coin, et c’est un peu le même principe qu’a utilisé l’auteure : en courts chapitres, chacun y va de son commentaire. C’est ainsi que s’expriment la journaliste dépêchée sur les lieux, le curé, le tenancier de la taverne locale, l’institutrice et même le doudou de la petite, entre autres. Cette pluralité de points de vue de personnes plus ou moins touchées par le drame compose un univers où se dessinent les personnalités de chacun avec ses manies, ses obsessions, ses petitesses, parfois. Avec au bout du chemin cette porte maculée de sang qui, ce soir-là, était fermée, empêchant la pauvre petite fille d’échapper à son prédateur. Ce roman a l’originalité d’offrir également le point de vue de l’adolescente puis de la femme qu’elle n’a jamais pu devenir. Pas de pathos néanmoins dans ce roman terrible, mais délicat et poignant. DM

Mr Bojangles de Nina Simone passe en boucle pour accompagner les pas de danse de Louise et Georges sous le regard heureux de leur fils, le narrateur de ce roman. Ce couple est fou-amoureux et même, un peu fou tout court. On comprend vite que la mère, qui a exigé de son mari de l’appeler chaque jour différemment, n’a pas toujours les pieds sur terre : elle s’imagine que Napoléon fait partie de sa famille, que son mari est aussi son père et que son fils est un locataire qui a de la chance de ne pas travailler le mercredi. Par amour, Georges rentre dans son jeu. Il aime cette vie hors du commun et passe à sa femme toutes ses excentricités. Il simulera un enlèvement pour éviter à son amour de finir ses jours en clinique psychiatrique. Etre à ses côtés, jusqu’au bout, quitte à entraîner leur fils dans leur délire. Ce livre est jubilatoire si on accepte de vivre cette douce folie avec les personnages.RL


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BROOKS, GERALDINE

Le livre d’Hanna

Paris, Belfond, 2008 (Littérature étrangère). 418 p. Cote BROO : BUS CIT EVI Titre original anglais : People of the Book Cote R2 BROO : BUS EVI JON PAQ SER STA

BRUSSET, CHRISTOPHE

Vous êtes fous d’avaler çar ! Paris, Flammarion, 2015 (Flammarion document). 265 p. Cote 338.1 BRU : BUS CIT MIN PAQ SER

Hanna Heath est conservatrice de livres anciens à Sydney. Elle est chargée d’examiner un livre ancien qui vient de resurgir à Sarajevo après le siège de la ville. Il s’agit d’une haggadah, un récit de l’Exode destiné à être lu dans les foyers lors de la fête de Pessah, richement illustré contrairement à la tradition hébraïque. Elle découvre plusieurs signes (traces d’eau de mer, taches de vin, disparition de fermoirs...) qui laissent penser que le manuscrit a eu une existence mouvementée. En croisant l’histoire personnelle d’Hanna, celle du livre et celles de tous ceux qui, Juifs, chrétiens ou musulmans, se sont battus pour le sauver des autodafés, destructions, bombardements et confiscations qui le menaçaient, l’auteur nous fait voyager à travers les siècles de Sarajevo à Jérusalem en passant par Tolède, Vienne, Venise ou Londres, dans une enquête extrêmement bien documentée qui tient le lecteur en haleine. FD

Après des années passées au service de l’agroalimentaire, Christophe Brusset a décidé d’opérer un virage dans sa carrière et de dénoncer les dérives de l’industrie qu’il a servie parfois malgré lui. Champignons chinois vendus comme cèpes de Bordeaux, aliments bourrées de pesticides, viande avariée recyclée en boulettes, faux safran vendu au prix du vrai, sucre liquide vendu pour du miel, poivre plein de crottes de rat… on en apprend de belles ! La course au profit est telle qu’il faut absolument vendre, au détriment du consommateur, bien sûr. Et l’on se scandalise du laxisme des contrôles sanitaires qui ne font vraiment pas leur job. Si le consommateur est victime, il n’en est pas moins coupable : ne veut-on pas acheter toujours plus à un prix moindre ? Eh bien, c’est clair, le prix bas a un coût, et ce pourrait bien être celui de notre santé. Pour ne pas tout-à-fait déprimer, Christophe Brusset nous livre heureusement, en fin d’ouvrage, un guide de survie en supermarché, fort utile pour ceux qui souhaitent devenir « consommacteurs ». Salvateur ! DM


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CERCAS, JAVIER

CHAPUIS, OLIVIER

Arles, Actes sud, 2015 (Lettres hispaniques). 403 p. Cote CERC : BUS CIT EVI JON PAQ

Lausanne, BSN Press, 2015 (Fictio. Roman noir). 91 p. Cote CHAP : BUS CIT EVI JON

L’imposteur

Javier Cercas s’est lancé dans une enquête au long cours. En 2005, Enric Marco, qui était le président de l’association des anciens déportés espagnols, a été démasqué par un historien : il n’avait jamais été dans les camps. Ce fut un choc pour toute l’Espagne. Comment un homme a-t-il réussi à abuser tant de monde, à donner des conférences, à être la référence, le porte-parole, des anciens déportés, lui qui, certes, s’est rendu en Allemagne en 1941, mais comme ouvrier volontaire dans l’industrie du Reich ? Cercas, tout autant fasciné que dérouté, voire dégoûté par le personnage, va tenter de le comprendre et l’interviewera à cinq reprises, puis se rendra lui-même à Flossenburg. Au moment de l’écriture du livre, Marco a plus de 90 ans, il se montre agacé, se veut victime malgré l’évidence. Une situation qui pousse l’écrivain à se questionner sur le réel et la fiction, lui dont le métier est de mêler l’une et l’autre, de s’inspirer de l’une pour imaginer l’autre. Parfois les frontières ne sont pas si claires, et c’est peut-être le cas dans le cerveau d’Enric Marco. En tout cas, cela nous vaut un livre passionnant. DM

Le parc

Cédric Vallotton, un attaché commercial (presque) sans histoire, traverse le parc Mon-Repos pour se rendre chez un client. En avance, il s’arrête dans l’ancienne orangerie habitée par un peintre avec qui il échange un café et des propos philosophiques. De retour dans le parc, il se fait presque percuter par un jeune homme en train de courir …et se fait abattre froidement par une balle dans la tête. C’est ensuite à l’agent Baumann qu’on s’intéresse, alors qu’il est chargé d’une visite à domicile. Puis à l’emploi du temps du jeune Loïc Ménétrey, petit dealer bien connu des services de police, de celui de sa petite amie venue le visiter. De Sam, un jeune ado qui n’a pas cours ce jour-là. Et d’un père de famille amateur de tir sportif. Ces six personnages vont, parfois malgré eux, construire une trame qui va culminer avec la mort d’un homme dans le parc Mon-Repos. Ce court mais percutant roman m’a scotchée. En plus de l’intelligence de sa construction, on remarquera l’écriture brillante du jeune auteur lausannois. Lancezvous sans hésiter dans ce roman court mais intense !DM


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CHARLIER, PHILIPPE

Zombis : enquête anthropologique sur les morts-vivants Paris, Tallandier, 2015. 223 p. Cote 299.6 CHA : CIT JON MIN STA

CHAVASSIEUX, CHRISTIAN

L’affaire des vivants

Paris, Phébus, 2014 (Littérature française). 340 p. Cote CHAV : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Le saviez-vous ? Les zombis viennent de Haïti et existent vraiment. On retrouve ces créatures que l’on croyait mythiques dans la religion vaudoue. Le médecin légiste et anthropologue Philippe Charlier s’est rendu sur place afin d’enquêter. A l’aide de témoignages de sorciers, de médecins et de citoyens apeurés il réussit, malgré les secrets et les non-dits, à comprendre le mécanisme de zombification par un bien étrange poison. Il se heurte également aux soucis d’identité, de manque d’accès aux soins et surtout à cette tradition qu’une déclaration de mort est faite par la famille et non par un médecin… Mort-vivant ou vivant-mort, le peuple craint les sorciers zombificateurs en quête de personnes vivantes déclarées mortes à tort. DDB

Charlemagne est élevé par son grand-père comme un futur seigneur. Au fil des années, il acquiert une belle assurance. On est en 1870, Napoléon III est capturé à Sedan et on cherche de la chair à canon. En plus de tous ses talents Charlemagne a de la chance et il revient de guerre avec une ambition démesurée. Grâce à son intelligence et son charisme, il fait prospérer la ferme de ses parents qui n’y étaient jamais parvenus. Amoureux de la fille d’un marchand de tissus des environs de Lyon, il l’épouse tout en promettant à ses beaux-parents de développer leur commerce. Tout réussit au jeune homme quand il devient papa d’un Ernest qui n’a ni le prénom, ni le physique, ni l’esprit de son père. Petit, peu sûr de lui, sensible, il est pourtant le personnage attachant de cette histoire. L’ascension sociale de Charlemagne l’a transformé en homme violent qui bat sa femme, son fils et humilie les faibles. Mais chez Chavassieux, les gens ne sont pas aussi caricaturaux et il nous réserve bien des surprises... Un tableau précis d’une époque que l’auteur a su parfaitement restituer. On s’y croirait. RL


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COLLASSE, RICHARD

Seppuku

Paris, Seuil, 2015. 398 p. Cote COLL : CIT

Le 1er janvier 1965, dans un parc de Tokyo, Emile Monroig s’adonne au rituel du seppuku – ou hara-kiri. Quelques jours plus tard, R.C., le narrateur, ambassadeur de son état, reçoit de celui qui fut son mentor au Japon 36 carnets qui constituent le récit de sa vie. Né en Allemagne, fils d’un dignitaire nazi et d’une Française, Wolfgang (puisque tel était son nom de naissance) a une dizaine d’années lorsque la guerre éclate. A l’abri de tout danger, il vit avec sa mère qui joue du piano et aura pour compagnon de jeu un jeune Juif recueilli par la famille, Emile. Il est aussi très impressionné par les visites d’un médecin japonais qui loge parfois chez eux et à qui il fera une promesse. Puis la guerre va finalement s’inviter dans leur vie sous la forme de bombardements qui auront raison de la famille. Balloté de gauche à droite, le jeune homme va changer de nom, de pays et deviendra reporter de guerre en Corée. Au fil du récit, on suit la vie de cet homme que l’histoire va emporter avec lui jusqu’au Japon, où son destin, finalement, se scellera. Ce roman m’a tenue en haleine de bout en bout. DM


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CORTANZE, GÉRARD DE

Les amants de Coyoacan Paris, Albin Michel, 2015 Cote CORT : CIT EVI SER

Mexico, 1937. Léon Trotski et son épouse Natalia débarquent dans la capitale mexicaine qui a accepté d’accueillir ces exilés forcés. Flanqués d’une garde rapprochée pour les protéger, ils arrivent chez Frida Kahlo et Diego Rivera qui n’ont jamais caché leur sympathie communiste. Leur couple bat de l’aile, Frida est fatiguée des infidélités de Diego, mais ne se prive pas de le tromper également, que ce soit avec des hommes ou avec des femmes. Et puis Léon arrive et avec lui, une nouvelle passion qui va les consumer tous les deux, alors qu’ils doivent se cacher de leur conjoint respectif. Ce roman passionnant débute à ce moment de la vie de Frida jusqu’à sa mort en 1954, s’attachant à cette artiste géniale, passionnée, libre… et pleine de douleurs. Autour d’elle, outre Trotski, gravitent son mari adultère, dont elle ne peut se passer, un André Breton snob qui en prend pour son grade, comme d’ailleurs tous les surréalistes, Traven, Cravan et d’autres qui ont fait de Mexico un haut lieu de la vie intellectuelle et de la révolution. Un roman passionnant et qui se dévore, où l’on (re)découvre une femme exceptionnelle. Viva Frida ! DM


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CRONENBERG, DAVID

Consumés

Paris, Gallimard, 2016 (Du monde entier). 371 p. Cote CRON : CIT EVI JON

DAULL, SOPHIE

Camille, mon envolée Paris, Rey, 2015. 185 p. Cote DAUL : BUS CIT EVI JON PAQ SER

A l’ère des nouveaux médias, Naomie et Nathan, photojournalistes à sensation, enquêtent sur deux affaires totalement différentes qui les emmènent chacun d’un bout à l’autre du monde. D’une part, le cas Arosteguy, jeune femme retrouvée en morceaux dans son appartement parisien, et de l’autre, le cas Molnár, chirurgien hongrois impliqué dans un sordide trafic d’organes mais fortement réputé pour ses opérations mammaires. Deux enquêtes pourtant bien éloignées qui trouveront des points de convergence dans des histoires de MST, cannibalisme, mises en scène de meurtres et autres imprimantes 3D. DDB

Camille n’avait que 16 ans quand une maladie fulgurante l’a emportée en quelques jours. Ce livre a été écrit après ce drame pour évacuer la tristesse infinie qui rongeait Sophie Daull, la mère de cette fille unique. L’éditeur a choisi de présenter ce témoignage comme un « roman » pour, dit-il, souligner sa dimension poétique. Certes, il ne s’agit pas simplement de relater un fait divers mais de l’habiller de littérature, ce qu’a particulièrement bien réussi l’auteure. Malgré le thème, ce n’est pas un livre désespérant. L’humour est présent, d’autant plus qu’il faisait partie du lien qui existait entre Camille et sa mère. L’auteure raconte à sa fille décédée la visite à la morgue, la recherche de l’entreprise de pompes funèbres, l’enterrement, les visites des proches. On pleure évidemment beaucoup pendant cette lecture mais on admire aussi le courage de ce couple aimant, soudé, pour faire face. Et ironie de l’histoire, à 20 ans, Sophie Daull avait trouvé chez elle sa mère assassinée de 33 coups de couteau. C’était comme une répétition générale du drame qu’elle vivrait 30 ans plus tard… RL


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DELMAIRE, JULIEN

Frère des astres Paris, Grasset, 2016. 232 p. Cote DELM : STA

DESARTHE, AGNÈS

Ce cœur changeant Paris, Olivier, 2015. 336 p. Cote DESA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Frère des astres est un très beau roman, librement inspiré de la vie de Benoît Labre, surnommé le vagabond de Dieu du XVIIIème siècle. Transposé à l’époque actuelle, Benoît vit dans le nord de la France. Suite au décès de son père, sa mère plonge dans l’alcoolisme. Ces deux évènements le poussent à prendre la route avec, comme seul bagage, une besace contenant l’écharpe de son père, un livre de prières et un chapelet. Le lecteur suit alors les pérégrinations de cet homme, ses rencontres de fortune, pas toujours faciles, mais surtout sa foi inébranlable qui lui permet de supporter ce qui lui arrive et de jouir de chaque instant. En courts chapitres, Julien Delmaire parvient avec une écriture incisive et précise, éclatante et lumineuse, à faire vivre ce personnage hors norme, dans un road movie contemporain, qui fait penser parfois à Sur la route de Kerouac. PB

Rose est née à la fin du 19e siècle, d’une mère danoise séduisante mais peu aimante et d’un père français quelque peu tourmenté. La jeune fille est bourlinguée du Danemark à la France en passant par l’Afrique. Mais c’est à Paris qu’elle décide de commencer sa vie d’adulte sitôt la vingtaine franchie. D’un naturel conciliant, elle se fera rapidement exploiter par la tenancière d’une auberge, puis, la dégringolade n’ayant plus de frein, elle finira dans une maison d’opium d’où heureusement une ancienne connaissance la repêchera. Avec le destin de Rose qui semble alterner entre celui d’une Cosette et celui d’une princesse déchue, Agnès Desarthe nous pose la question de la difficulté d’être soi et de faire fi des vents contraires. Ce récit très romanesque plante très haut le décor du début du 20e siècle. Une richesse et un dépaysement dont on aurait tort de se priver… FB


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DIVRY, SOPHIE

Quand le diable sortit de la salle de bains : roman improvisé, interruptif et pas sérieux Lausanne, Noir sur Blanc, 2015 (Notabilia). 306 p. Cote DIVR : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

ECHENOZ, JEAN

Envoyée spéciale Paris, Minuit, 2016. 312 p. Cote ECHE : CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

On aurait tort de penser que Sophie Divry, en traitant les thèmes du chômage et de la précarité, a écrit un roman triste. Au contraire, ce texte est une pure merveille de drôlerie. Drôle, oui, mais littéraire aussi, car les trouvailles de langage y foisonnent : l’auteure joue avec les mots, invente une nouvelle langue qui rend le récit joyeux même si, effectivement, l’histoire est triste : une trentenaire au chômage doit jongler avec les quelques sous qui lui restent en poche jusqu’à la fin du mois. Sophie Divry réussit à intéresser le lecteur au sort des laissés pour compte de la société sans jamais alourdir l’ambiance. Au contraire, elle réussit un roman hors norme que je qualifierais de jubilatoire. A lire de toute urgence ! FB

Constance est enlevée un jour à Paris par trois gaillards qui l’emmènent dans une ferme isolée de la Creuse. Le temps passant, elle prend son emprisonnement pour une cure de repos et s’attache à ses deux geôliers (un peu empotés, il faut bien le dire). A Paris, Lou Tausk, son mari (sur le papier), un parolier autrefois adulé mais en perte de vitesse, reçoit une demande de rançon. Pas autrement concerné par la situation de Constance, mais un peu emprunté par cette situation quand même, il demande conseil à son avocat et demi-frère, Hubert, qui lui suggère de patienter sans bouger. La situation s’éternise et le général Bourgeaud, commanditaire de l’enlèvement, n’obtenant aucun résultat, somme ses hommes de main d’envoyer Constance à Pyongyang pour une douteuse et floue affaire d’espionnage… Ce roman impossible à raconter est jubilatoire par l’écriture incomparable d’Echenoz, qui nous entraîne avec un humour subtil dans des aventures atypiques. A lire. DM


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ERNAUX, ANNIE

Le vrai lieu

Paris, Gallimard, 2015 (Blanche). 110 p.. Cote 848.03 ERN : CIT EVI MIN SER

FLANAGAN, RICHARD

La route étroite vers le nord lointain Arles, Actes sud, 2016 (Lettres des antipodes). 430 p. Cote FLAN : CIT EVI JON MIN PAQ Existe en langue originale anglaise : The narrow road to the deep North Cote R2 FLAN : BUS CIT EVI JON MIN PAQ

Michelle Porte, une réalisatrice de très beaux documentaires filmés dont Les lieux de Marguerite Duras (DVD présent dans nos collections), propose en 2008 à Annie Ernaux de parler des lieux de sa vie. Quelques-uns de ces entretiens filmés ont été diffusés à la télévision en 2013, mais les autres font l’objet du Vrai lieu – un magnifique recueil publié chez Gallimard. Celle qui, bien que de tendance féministe, ne veut pas être considérée comme « Une femme qui écrit mais comme quelqu’un qui écrit » nous fait entrer dans sa vie à travers cette question de la géographie de l’intime. On traverse ainsi Yvetot, le lieu de son enfance et de son adolescence qui apparaît dans beaucoup de ses livres ; Paris et Cergy Pontoise où elle vit depuis les années 1970 et qu’elle considère comme parfait car comme un « entre deux », entre ville et campagne. Ces évocations sont éclairantes à plus d’un titre : elles nous renseignent sur sa biographie, sur ce qui, à l’origine, a amené la romancière à écrire, et sur « Le vrai lieu » qui pour elle n’est autre que l’écriture elle-même et son inspiration. GV

1942. Dorrigo Evans est un jeune médecin australien idéaliste. Chirurgien et officier, il est donc haut gradé dans un camp de prisonniers affectés à la construction d’une ligne de chemin de fer qui doit relier le Siam à la Birmanie. Cette entreprise commandée par les Japonais sous la férule du terrible Takamura, est destinée à sauver un dernier avantage stratégique au Japon qui est en train de perdre la guerre. Mais les conditions sont épouvantables : le choléra décime les hommes, quand ce n’est pas tout simplement la faim, ou les conditions d’hygiène déplorables. Dorrigo se bat en vain pour soigner sans pratiquement aucun matériel ni médicament et pour tenter de ménager ses hommes. La vieillesse arrivée, il se retourne vers ce passé qui a fait de lui un héros de guerre dans lequel il ne se reconnait pas, mais qui a aussi été illuminé par l’amour fou qui l’a uni à Amy, la jeune épouse de son oncle. Un roman parfois insoutenable et parfois sublime, inspiré de l’expérience du père de l’auteur qui a bel et bien œuvré sur ce terrible chantier de la mort. DM


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FRAIN, IRÈNE

Marie Curie prend un amant Paris, Seuil, 2015. 357 p. Cote FRAI : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

FRENCH, NICCI

Mémoire piégée Paris, Pocket, 2008 (Pocket ; 13145. Thriller). 437 p. Cote FREN : CIT MIN

De Marie Curie, on connaît surtout la grande scientifique, épouse de Pierre dont elle est une figure indissociable. On sait peut-être moins que Marie, devenue veuve prématurément, a vécu une idylle cachée avec Paul Langevin, un ami physicien marié à une épouse plutôt difficile. Irène Frain s’est beaucoup documentée pour raconter cette passion. Elle a décrypté notamment un carnet de dépenses de Marie qui lui a révélé beaucoup de secrets : par exemple, pourquoi donc Marie Curie, à la garde-robe d’ordinaire si modeste, a-t-elle fait des frais de toilette ? Pour Paul bien entendu. Mais l’amour illégitime ne va pas de soi au début du 20e siècle, surtout lorsqu’on est très connue et étrangère de surcroît… J’ai beaucoup apprécié cette immersion dans le monde de ces scientifiques de renom et dans l’atmosphère d’il y a un siècle. FB

Les familles de Jane et Natalie ont toujours été très proches, et les deux jeunes filles étaient meilleures amies jusqu’à la disparition soudaine de Natalie, à l’âge de 16 ans, lors d’une fête de famille. Un quart de siècle plus tard, Jane est en train de divorcer du frère aîné de Natalie. Lors d’une autre fête de famille, on découvre le squelette de Natalie dans le jardin. Cette découverte bouleverse tout le monde, en particulier Jane ; ses souvenirs du jour de la disparition de son amie remontent à la surface et la hantent. Sa mémoire lui repasse presque en boucle les évènements des dernières heures de Natalie, au point qu’elle décide de s’adresser à un psychothérapeute. Parallèlement à sa thérapie, en se basant sur les souvenirs qui se précisent peu à peu, elle mène sa propre enquête sur la mort de son amie. A cause de sa quête de vérité, des secrets de famille se dévoilent, les relations entre les membres des familles impliquées s’altèrent… Mais dans quelle mesure ses souvenirs sont-ils « vrais » ? Correspondent-ils à la réalité, ou son thérapeute les manipule-t-il ? Ou elle-même ? C’est fascinant et haletant… FD


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FRENKEL, FRANÇOISE

Rien où poser sa tête Paris, Gallimard, 2015 (L’arbalète). 289 p. Cote 944.081.6 FRE : CIT EVI STA

Réédition chez Gallimard d’un ouvrage paru en 1945 aux éditions Jeheber à Genève qui raconte la fuite en 1939 de Françoise Frenkel, libraire à Berlin, juive d’origine polonaise. Elle quitte l’Allemagne pour la France où elle espère trouver refuge. Elle devra se cacher durant plusieurs années avant de passer clandestinement la frontière suisse, à Genève, en 1943. Ce livre est un précieux témoignage de la vie au quotidien dans la France de Vichy au milieu d’un peuple en pleine confusion. On rencontre des personnages tantôt héroïques, tantôt fatalistes, voire cyniques et corrompus. D’une écriture limpide, un peu scolaire, l’auteure relate sa vie d’alors avec une certaine distance ce qui procure au récit un sentiment d’étrangeté. Cette édition est préfacée par Patrick Modiano. TL


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FULLER, CLAIRE

Les jours infinis Paris, Stock, 2015 (La Cosmopolite). 324 p. Cote FULL : PAQ STA Titre original anglais : Our endless numbered days Cote R2 FULL : BUS JON MIN STA

Peggy est revenue chez elle. Elle a retrouvé sa pianiste de mère et son petit frère Oskar, dont elle ignorait l’existence. Pendant neuf ans, elle a vécu dans une hutte avec son père qui lui avait fait croire que le monde entier avait disparu sauf eux. Le temps s’écoule sans être mesuré, ce qui compte c’est la survie, la lutte contre le froid et la faim, et la métamorphose de la petite fille admirative de son père en une jeune femme qui lutte pour avoir son lit, ses habits, son prénom, son territoire. Le dénouement est à la mesure de cet incroyable huis-clos et laisse un goût amer. Au fur et à mesure de ce roman haletant, les explications que nous aimerions trouver s’effondrent les unes après les autres. FA


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GAULIS, MARIE

Le royaume des oiseaux Carouge, Zoé, 2016. 124 p. Cote GAUL : BUS CIT JON STA

GILBERT, DAVID

& fils

Arles, Actes Sud, 2015. 489 p. Cote GILB : BUS CIT EVI PAQ

Marie Gaulis retrace l’histoire de ses ancêtres et du château savoyard dans lequel elle a elle-même vécu. Tour à tour, ses arrière-grands-parents prennent la parole, puis ses grandsparents. Marie parsème ces récits de ses propres souvenirs. Se dégage de ces pages une certaine nostalgie de ce paradis perdu. Pourtant, il ne faisait pas si bon vivre au château, entre courants d’air et fuites d’eau par le toit… Pourquoi les aïeux de l’auteur ont-ils négligé l’entretien du domaine ? L’auteur parle d’indolence et d’incapacité à s’adapter au monde moderne. Son arrière-grandmère, pièce rapportée d’Amérique, avait pourtant apporté avec sa fortune une belle énergie, hélas insuffisante pour lutter contre des siècles d’oisiveté. J’ai beaucoup apprécié ce récit pour ses portraits si bien restitués et pour l’élégance de son style. FB

Après l’enterrement de son meilleur ami, Andrew N. Dyer, écrivain de renom, décide de convoquer ses trois fils. L’aîné est parti en Californie pour fuir la drogue et son père qu’il n’apprécie guère. Le deuxième est un documentariste renommé qui a fait scandale avec une vidéo d’un corps en décomposition. Ils ne connaissent pas leur demi-frère de 18 ans qu’Andrew a adopté après la mort de sa maîtresse. Le vieil écrivain a dédié sa vie à sa carrière et il aimerait s’expliquer avant de mourir. Philip, le fils de son ami décédé, connaît bien la famille et son regard décalé sera le fil conducteur du roman. L’auteur digresse, passe d’un personnage à l’autre, nous perd parfois dans de longues considérations sur la vie, la mort, l’art, mais il sait nous intéresser suffisamment pour qu’on s’accroche à ces histoires d’hommes. Dans cette famille bourgeoise new-yorkaise, on a de la peine à parler et à se dire « je t’aime »... A l’intérieur du roman, il y a un autre roman, Esperluette, le chef-d’œuvre qu’Andrew a écrit à 27 ans, qui nous révèle une autre facette de son auteur. Un grand livre sur les relations pèrefils. RL


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GUENA, PAULINE, BINET, GUILLAUME

L’Amérique des écrivains Paris, Laffont, 2014. 339 p. Cote 820.9 GUE : CIT EVI PAQ SER STA

La romancière Pauline Guéna et son compagnon photographe Guillaume Binet ont entrepris une démarche peu banale : sillonner les Etats-Unis en camping-car avec leurs quatre enfants, à la rencontre d’écrivains américains qu’ils admirent. Le résultat est un ouvrage complètement atypique, à la fois recueil de photos, livre d’entretiens et journal de bord. Ce sont en tout vingt-six auteurs qui sont interviewés et qui s’expriment dans une atmosphère que le lecteur sent détendue. Malgré cette décontraction, les interviews sont de haute tenue car Pauline et Guillaume sont de fins connaisseurs de la littérature américaine. Les photographies sont magnifiques et présentent les auteurs dans leur cadre de vie. Elles illustrent également le quotidien de la tribu familiale, sans oublier des clichés de paysages ou lieux improbables, certainement jamais photographiés auparavant. Je vous laisse le plaisir de feuilleter ce beau livre pour découvrir l’identité de ces vingt-six écrivains et plonger dans ce passionnant road trip. CLR

HOPE, ANNA

Le chagrin des vivants Paris, Gallimard, 2016 (Du monde entier). 383 p. Cote HOPE : BUS CIT EVI JON MIN PAQ

Novembre 1920. L’Angleterre s’apprête à fêter en grande pompe le retour du soldat inconnu. Ada a perdu son fils à la guerre. Une lettre laconique l’en a informée. Depuis, elle n’arrive pas à y croire et attend son retour. L’aristocrate Evelyn ne doute pas, elle, de la mort de son fiancé. Après s’être épuisée à travailler dans une usine d’armement, elle a trouvé un poste apparemment moins dangereux. Chaque jour elle enregistre les réclamations des soldats revenus vivants, contraints de justifier la moindre blessure. Contrairement à Evelyn, Hettie a besoin de travailler pour gagner sa vie, nourrir sa mère et son frère qui n’arrive pas à se réadapter à la vie civile. Chaque soir, au grand dam de sa mère, elle va danser au Palais pour 6 pence la danse. Ces trois femmes ne se connaissent pas, leurs destins sont pourtant liés par l’existence d’un même homme. Anna Hope mène son roman de main de maître avec un art de la construction qui n’est pas sans rappeler celui de Pierre Lemaître dans Au-revoir là-haut, mais ici, le rôle des femmes pendant et après la Grande Guerre est enfin mis en lumière. FA


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HUNT, LAIRD

JAENADA, PHILIPPE

Arles, Actes Sud, 2015 (Lettres anglo-américaines). 261 p. Cote HUNT : EVI JON

Paris, Julliard, 2015 Cote JAEN : BUS CIT EVI STA

Neverhome

Quand la Guerre de Sécession éclate, Constance vit tranquillement dans sa ferme de l’Indiana avec Bartholomew, son compagnon. « J’étais forte, lui pas, ce fut donc moi qui partis au combat pour défendre la République », c’est ainsi que débute le récit tiré de faits réels. D’autre part, elle a vraiment envie de voir du pays et éprouve surtout le besoin de voir qui est en elle. Déguisée en homme, se faisant appeler Ash Thompson, elle s’engage. Trop heureux de trouver des volontaires pour le combat, on bâcle les visites médicales. On a confiance en cet « homme » massif et volontaire. Après avoir bu quelques whiskies, participé à un concours à qui mangerait le plus de biscuits et lancé des couteaux, un gars tente de la défier au bras de fer et finit avec une main écorchée. On lui remet alors un Springfield 1861 lui permettant de tuer un homme à 400 mètres. Elle avait fait ses preuves, elle était des leurs. Entre les combats sanglants, elle écrit des lettres à son mari qu’elle n’oublie pas. Un jour, elle est grièvement blessée et perd la trace de son régiment. Elle décide de rentrer chez elle…RL

La petite femelle

Accusée d’avoir tué son amant de sang-froid, Pauline Dubuisson est jugée en 1953 par une cour qui ne lui fait pas de cadeau. Traînée dans la boue par une presse bien-pensante qui voit en elle une garce sans cœur, une pute froide et manipulatrice, Philippe Jaenada entreprend de réhabiliter cette belle jeune femme éprise de liberté et en avance sur son temps. Elevée par un père ambitieux qui reconnaît son intelligence exceptionnelle et met en elle tous ses espoirs, cadette de trois frères dont l’un mourra le jour de son anniversaire, laissant leur mère dans un état proche de la neurasthénie, Pauline se débat comme elle peut pour grandir. On lui reprochera plus tard ses liaisons avec des soldats allemands, et ses chastes baisers dans un parc municipal seront transformés par les témoins en fornication effrénée dans les buissons… La rumeur publique décide une fois pour toutes qu’elle est une traînée et elle va être victime d’un acharnement qui laisse peu de chance à la vérité des faits de se manifester. En l’occurrence, Jaenada réussit parfaitement son contrat, en remettant les choses dans leur contexte et en reprenant minutieusement les points litigieux du procès. Comme pour Sulak, son précédent roman, on adopte les yeux fermés son parti-pris et on regrette qu’il ne fut pas, en 1953, l’avocat de Pauline. Un livre hautement recommandable, fascinant, à l’écriture brillante, drôle et reconnaissable entre mille, la touche Jaenada…DM


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JON ATLI JONASSON

Les enfants de Dimmuvik Lausanne, Noir sur blanc, 2015 (Notabilia ; 19). 89 p. Cote JONA : EVI JON

JON KALMAN STEFANSON

D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds Paris, Gallimard, 2015 (Du monde entier). 442 p. Cote JONK : BUS CIT EVI JON MIN PAQ

Une vieille femme pleure son frère qu’on vient d’enterrer. A cette occasion, les souvenirs de leur enfance misérable ressurgissent. La famille habitait aux abords d’une sombre crique, d’une mer sans poissons, d’un champ de lave et sous un ciel juste bon à être imploré. En Islande, en cette année 1930, la narratrice avait 12 ans. Leur mère ne parlait plus, ne semblait plus rien voir ni entendre suite au décès de son nouveau-né. Le malheur appelant le malheur, les brebis tombèrent malades et durent être abattues. C’était leur seule richesse. Pendant que le père et le fils tentaient de pêcher au péril de leur vie, elle regardait sa petite sœur dépérir et sa mère perdre la raison. Chaque jour, elle ou son frère était envoyé chercher le lait chez des riches pendant que le père tuait en douce les chiens errants qu’il servait au repas du soir. Faim, misère, poids de la religion, maladie, ses réminiscences transpirent l’angoisse et la mort. Une courte nouvelle qui dit pourtant beaucoup sur la vie des fermiers islandais. RL

Voilà un roman qui se mérite si on accepte de se laisser emporter dans des époques différentes, si on aime passer d’une voix, d’un point de vue, à l’autre et si les longues phrases, à l’orée de la poésie, ne nous font pas peur. Au début du récit, Ari revient en Islande après avoir passé deux ans au Danemark. Fouillé dans son intimité à l’aéroport par son cousin douanier, il passe par Keflavik, ce bout de pays noirci par la lave, battu par les vents, où l’attendent les souvenirs de sa jeunesse des années 80 quand la pêche y était libre et qu’on engageait des jeunes pour préparer la morue. Ari se souvient aussi de son grand-père Oddur, capitaine et armateur, et de sa grand-mère Magrét que beaucoup disaient folle. Mais Ari est un poète et il aime ce qui sort de l’ordinaire, du train-train qu’il a d’ailleurs quitté brutalement un matin sans que sa femme et ses enfants n’en comprennent les raisons. Un souffle poétique traverse ces pages et rarement la puissance d’évocation n’a été aussi forte. RL


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JOSSE, GAËLLE

Le dernier gardien d’Ellis Island Lausanne, Noir sur Blanc, 2014 (Notabilia ; 13). 166 p. Core JOSS : BUS CIT EVI PAQ SER STA

: CIT

JOYCE, GRAHAM

Les limites de l’enchantement Paris, Gallimard, 2015 (Folio science-fiction ; 532). 412 p. Cote JOYC : PAQ

12 novembre 1954, c’est la date qui figure au début du journal de John Mitchell dans lequel il relate ses neuf derniers jours sur Ellis Island, en face de Manhattan. Il sera le dernier directeur de ce centre où tant d’immigrants ont transité. Il se souvient de Liz, sa femme adorée, infirmière, qui est morte du typhus. Il évoque aussi Nella, une immigrante italienne arrivée avec son frère malade mental. Séparés de force, leurs destins hantent encore les nuits du directeur. Sans pathos, l’auteure raconte cette île où tout se jouait au pied du grand escalier qui menait à la visite médicale. Pour qui a pu visiter ce lieu converti aujourd’hui en musée, le roman sonne juste. Je conseille cette lecture à tous les amoureux de la grande Histoire, mais également à ceux qui s’intéressent à ces gens qui maintenant encore sacrifient tout pour tenter de tout recommencer et qui, du jour au lendemain, peuvent être refoulés pour cause de mauvaise santé, de manque de formation ou pour d’autres raisons politiques. Dans ce roman, le gardien est devenu inutile. Comme les « refoulés », il n’a pas d’alternative de vie. Comme eux… RL Guérisseuse ou sorcière ? sage-femme ou avorteuse ? saine d’esprit ou bonne à interner ? Qui est celle que tout le monde appelle Maman quand on a besoin d’elle pour mieux la dénigrer dès que tout va mieux ? Pour Fern sa fille adoptive, il n’y a aucun doute : Maman Cullen est une sage-femme au sens noble du terme, elle veut d’ailleurs étudier pour obtenir un diplôme pour ce métier qu’elle connaît déjà. Mais voilà, une des jeunes filles qui avait requis les services de Maman meurt, le propriétaire réclame des arriérés de loyer exorbitants et Fern ne peut empêcher le médecin d’hospitaliser sa mère. Elle se retrouve seule à jongler entre les visites à l’hôpital, ses études, trouver de quoi gagner sa vie et préparer son initiation à la magie. Tout ceci paraît très mélo mais rassurez-vous ce n’est pas le cas, juste l’histoire de deux attachantes sorcières pas tout à fait comme les autres dans l’Angleterre des années 60. FA


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KAKUTA, MITSUYO

La cigale du huitième jour Arles, Actes sud, 2015. 343 p. Cote KAKU : BUS CIT EVI JON PAQ SER STA

« Je suis sincèrement désolée, mais je ne trouve pas les mots pour demander pardon ». C’est ce que déclare à son procès Kiwako, coupable d’avoir enlevé, caché, chéri et aimé pendant près de quatre ans la petite fille de son amant. La première partie raconte la fuite éperdue de cette femme à qui l’on dit que le bébé lui ressemble. Sans papier officiel pour l’enfant, recherchée par la police, elle doit abandonner son identité, continuellement ruser pour que la petite Kaoru mange à sa faim. La seconde partie donne la parole à Kaoru redevenue Erina. La jeune femme a occulté ses années d’enlèvement, tellement le retour à la vie « normale » et à sa « vraie » famille ont été difficiles. Elle est comme la cigale du huitième jour de la légende, celle qui reste en vie alors que les autres ne sont plus. « On peut penser qu’elle refuse de voir mais je pense que les choses horribles ne sont pas les seules à donner envie de fermer les yeux ». A travers le portrait de ces deux femmes, l’auteure offre un magnifique roman sur l’amour et la filiation. FA


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KERR, PHILIP

La paix des dupes : un roman dans la seconde guerre mondiale Paris, Masque, 2007. 431 p. Cote KERR : BUS CIT JON MIN SER

En se basant sur la rencontre à Téhéran en 1943 de Churchill, Roosevelt et Staline, Philip Kerr imagine un espion philosophe, Juif allemand d’origine, communiste dans sa jeunesse, recruté par Roosevelt en personne pour préparer ce sommet! Willard doit, entre autres, étudier si le massacre de Katyn où 4000 officiers polonais ont été exécutés est bien le fait des Russes, ou s’il s’agit d’une « intox » des nazis. Dans l’entourage d’Hitler, on sait bien que la guerre est perdue. Un plan hasardeux est même mis en place pour assassiner les trois dirigeants. De Washington à Berlin, en passant par la Turquie et l’Iran, l’auteur mène tambour battant son histoire. Rumeurs, assassinats, complots et non-dits se succèdent pour organiser le partage de l’Europe. Les trois vainqueurs de la guerre n’en sortent pas grandis. FA


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KOEHLMEIER, MICHAEL

Deux messieurs sur la plage Paris, Chambon, 2015. 249 p. Cote KOEH : CIT

KOUDOUNARIS, PAUL

L’empire de la mort Paris, Regard, 2011. 223 p. Cote 128.5 KOU : CIT EVI STA

Tout le monde connaît Charlie Chaplin et Winston Churchill, deux monstres sacrés sans qui le 20ème siècle n’aurait pas été ce qu’il fut. Ce qu’on sait moins (moi, en tout cas, qui ne suis spécialiste ni de l’un ni de l’autre), c’est qu’ils étaient tous les deux sujets à des accès de la plus noire dépression. Lorsqu’ils se rencontrèrent par hasard en Californie en 1929, ils passèrent un pacte : lorsque l’un des deux subirait une attaque du « chien noir », il appellerait l’autre à la rescousse. C’est le propos de ce roman qui nous emmène dans l’intimité d’un Chaplin héroïnomane, ruiné par son divorce et se débattant avec la presse au sujet de son dernier film (Le cirque) et d’un Churchill plus ou moins alcoolisé s’adonnant à la peinture dans les prairies verdoyantes du Kent. Même si l’on ne sait pas exactement ce qui relève de la fiction ou de la réalité, le mérite de ce livre est de nous emmener cheminer un peu avec ces deux hommes admirables et fragiles, et la promenade est fort intéressante. DM

Cet ouvrage merveilleusement illustré met en valeur les plus remarquables ossuaires du monde et leur histoire. L’empire de la mort, c’est cette fascination pour le passage vers l’au-delà malgré le tas d’os laissé sur terre. Dans ces lieux conçus avant tout pour vider les fosses communes, leurs concepteurs cherchent tout autant à rendre hommage aux morts les plus importants qu’à effrayer les fidèles : « Alors, misérable, pourquoi fais-tu le fier ? Tu n’es que cendre et comme nous redeviendras cendres, cadavre fétide, nourriture et morceau de choix pour les vers ». DDB


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LAMBRICHS, LOUISE L.

Journal d’Hannah

Paris, Olivier, 2002. 271 p. 18 cm (Petite Bibliothèque de l’Olivier ; 33) Cote LAMB : CIT STA

Hannah Périer, jeune femme d’origine juive, apprend qu’elle est enceinte de son deuxième enfant. L’annonce de cette grossesse est un grand bonheur pour elle. Nous sommes en 1943 et dans une période si sombre cet enfant est pour Hannah porteur d’espoir. Mais son mari Robert, qui œuvre dans la Résistance, ne l’entend pas de cette oreille : avoir un enfant en ces temps tourmentés est beaucoup trop risqué, il faut avorter. Hannah se soumet et avorte d’une petite fille. Dévastée, la jeune femme commence à rêver toutes les nuits de Louise, son bébé jamais né. Hannah tient un journal intime, confident de son quotidien de femme mariée, de ses relations avec Colette, sa fille aînée, des années de guerre, de l’antisémitisme et surtout de sa terrible solitude face à l’absence de Louise qui devient nuit après nuit plus vivante dans son inconscient. Récit fort et sensible, ce journal (élu meilleur roman de l’année 1993 par le magazine Lire) se lit d’une traite et questionne sur la force du subconscient et le pouvoir libérateur de la parole. CLR

LANGE, HENRIK

90 autres livres cultes à l’usage des personnes pressées Bussy-Saint-Georges, Cà et là, 2011 (Longues distances). 187 p. Cote 809.3 LAN : BUS CIT JON SER

Après le succès de 90 livres à l’usage des personnes pressées et 90 films cultes à l’usage des personnes pressées, Henrik Lange remet ça pour notre plus grand plaisir. Malgré son titre à rallonge, ce livre présente les résumés de 90 œuvres classiques différentes en 4 cases dessinées et quelques phrases. Ce livre s’adresse à ceux qui n’ont pas eu le temps ou le courage de lire certains classiques comme Beckett, Saint-Exupéry ou encore Flaubert. Lange simplifie chaque œuvre avec beaucoup d’humour et de dérision et ses dessins collent parfaitement avec son ton caustique C’est très amusant, efficace et on en redemande. JS


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LAURENS, CAMILLE

Celle que vous croyez Paris, Gallimard, 2016 (Blanche). 185 p. Cote LAUR : CIT EVI JON

LERESCHE, YVES

Roms : la quête infatigable du paradis Gollion, Infolio, 2015. 256 p. Cote 909.049.9 LER : CIT EVI EVJ STA

L’art de l’ellipse, du mystère, de la fausse piste, Camille Laurens maîtrise parfaitement sa narration, jusqu’au choix du titre tronqué. Pour reconquérir un ex-amant, Claire, une femme de 48 ans, invente un faux profil Facebook : elle se fait passer pour une fille de 24 ans. Prise à son propre piège, elle tombe amoureuse d’un ami de son amant, de 12 ans plus jeune qu’elle. N’osant affronter la réalité, elle repousse la rencontre. Quand on pense arriver à l’épilogue, l’auteure introduit une Camille qui anime des ateliers d’écriture dans un hôpital où on retrouve une Claire. Une autre ? La même ? L’auteure s’amuse à nous égarer pour ensuite nous remettre sur ses rails. Elle décline avec habilité, humour et justesse la condition de la femme vieillissante, en particulier ce passage de 49 à 50 ans : « du jour au lendemain, impropre à la consommation ». RL

Yves Leresche, photographe lausannois, expose son travail mené sur la population roms en Suisse et en Roumanie. Ce documentaire relate l’histoire des roms de Roumanie et les motivations qui les poussent sur les routes d’une Europe occidentale riche à leurs yeux. Leresche insiste bien sur le fait que cette population ne doit pas être étiquetée au 21e siècle de « gens du voyage ». Poussée par la fin du communisme roumain dans les années nonante, elle est à la recherche d’une meilleure condition de vie. Ce documentaire enrichi par l’expérience du photographe qui a habité chez les roms et qui a suivi leurs déplacements sur cinq années, met en valeur l’humain et la culture roms, au détriment des préjugés actuels. KK


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LLOYD JONES, STEPHEN

L’ombre

Paris, Super 8, 2015. 535 p. Cote LLOY : CIT JON PAQ SER STA

LOBE, MAX

Confidences Genève, Zoé, 2016. 284 p. Cote LOBE : BUS CIT EVI JON MIN SER

Peu habituée aux thrillers gothiques, et donc pas tellement à même de juger la qualité de ce roman à l’aune du genre, je ne suis peut-être pas la personne adéquate pour vous recommander cette Ombre… N’empêche que je me suis laissé emporter par cette histoire qui traverse l’Europe et les siècles. L’intrigue naît en Hongrie au 19ème siècle et le livre s’achève dans le nord de la France de nos jours. Entre-temps on y aura vu un méchant, Jakab, aux pouvoirs stupéfiants (il est quasi immortel et peut prendre la forme d’à peu près n’importe qui), poursuivre avec acharnement la famille de Hannah White. L’alternance des chapitres nous emmène dans le folklore hongrois, à Oxford dans les années 1970, au pays de Galles et en France aujourd’hui. Peu à peu l’intrigue se construit et le lecteur ne sait plus à qui il peut faire confiance - rappelons que Jakab est métamorphe… Pourquoi la famille d’Hannah est-elle poursuivie ? saura-t-elle développer des moyens suffisants pour échapper à son bourreau ? Ce suspense un peu sanglant et assez flippant se lit d’une traite. DM L’auteur, établi depuis une dizaine d’années en Europe, retourne en visite dans son pays d’origine, le Cameroun. Là, il rencontre Ma Maliga, une vieille dame qui en connait long sur la période troublée qui a mené à l’indépendance du pays. Elle va lui parler entre autres de Ruben Um Nyobé, leader charismatique traqué et finalement abattu par la force coloniale. En même temps que le narrateur, le lecteur en apprend beaucoup sur l’histoire du Cameroun dans les années cinquante. Toutefois, ce livre est loin d’être un manuel d’histoire : on le rattacherait plutôt, grâce à l’oralité du récit et à la langue savoureuse de Ma Maliga, au registre du conte, même s’il n’en n’est pas un non plus. Le récit est entrecoupé de passages où l’écrivain raconte des épisodes de son voyage qui le confronte à son identité "africanooccidentale". Ces pages qui font passer du rire aux larmes ne laisseront personne indifférent. FB


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LOBE, MAX

La trinité bantoue Carouge, Zoé, 2014. 199 p. Cote LOBE : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

LOVECRAFT, HOWARD PHILLIPS

Les montagnes hallucinées : et autres récits d’exploration Saint-Laurent-d’Oingt, Mnémos, 2013. 329 p. Cote LOVE : MIN PAQ SER

Mwana vient du Bantouland et habite l’Helvétie, c’est ainsi que l’auteur nous situe son personnage. Licencié par son patron pourtant compatriote, Mwana trouve un stage mal payé dans une association qui lutte contre le racisme et, plus précisément, contre les affiches anti moutons noirs. Mwana est noir, un handicap évident pour trouver du travail mais il est aussi homosexuel, ce qui n’est pas acceptable dans son pays, dans sa famille et plus particulièrement chez sa sœur très catholique qui vit à Lugano. Leur mère apprend qu’elle a un cancer et accepte de se faire soigner en Suisse. Entre la maladie de sa mère, le rejet de sa sœur, sa recherche d’emploi, sa cohabitation avec Ruedi, un joli rouquin également au chômage, et la faim qui les oblige à demande l’aide sociale, Mwana a de la peine à trouver sa place. L’auteur critique la société occidentale mais également sa terre natale trop souvent accrochée au passé et aux traditions. Ce récit sent le vécu et, malgré les thèmes abordés, le rire se mêle souvent à l’émotion. RL Lors d’une mission scientifique en Antarctique, les corps d’étranges et anciennes créatures sont retrouvés, étonnamment bien conservés par la glace. Peu après, une partie de l’équipe se fait tuer sauvagement et une partie des créatures, ainsi que deux scientifiques, disparaissent. William Dyer, géologue à la grande Miskatonic University, et son étudiant Danforth décident de partir sur leurs traces avec un des avions de l’expédition. Derrière de hautes montagnes, ils trouvent une inquiétante ville aux proportions incroyables et à l’architecture singulière. Les scientifiques décident d’explorer cette ville fantôme qui semble avoir été construite bien avant la naissance des humains, et, grâce à des bas-reliefs, arrivent à recomposer les bribes d’une légende effroyable. CM


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LUCARELLI, CARLO

La huitième vibration Paris, Métailié, 2010. (Bibliothèque italienne). 413 p. Cote LUCA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER Titre original italien : L’ottava vibrazione Cote R5 LUCA : MIN SER

Une chaleur intense, un soleil de plomb, la sueur... et des colons, des soldats, combattant la Résistance érythréenne tout en colonisant l’Abyssinie. Nous sommes en 1896 et l’Italie veut devenir une puissance coloniale elle aussi en s’accaparant ce territoire aride qu’est l’Erythrée actuelle. Son corps expéditionnaire est composé en grande partie de soldats de toute la péninsule, ils sont là pour différentes raisons : ou par conviction ou enrôlés de force ou fuyant quelque chose. Parmi eux un carabinier qui s’est engagé pour traquer un tueur d’enfant, cette Erythréenne mariée à un Italien, cette femme qui vend son corps aux soldats ou ce colon qui veut faire de cette terre aride un jardin luxuriant. Et puis, il y a ce major drogué qui va envoyer à la mort des milliers de soldats car, oui, l’armée coloniale s’apprête à perdre la bataille d’Adoua, première victoire d’une résistance indigène face à une armée impérialiste. Le dernier livre de Carlo Lucarelli est un grand roman d’aventures, historique, anticolonial, policier et d’amour. RD


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MACCANN, COLUM. MCCANN

Zoli

Paris, Flammarion, 2014. 389 p. Cote MACC : BUS CIT EVI JON SER STA Existe en langue originale anglaise : Zoli Cote R2 MACC : CIT

: BUS EVI

Ce roman historique se déroule en Slovaquie dans les années 30, en pleine période de conflit, juste avant qu’éclate la deuxième guerre mondiale. Zoli, une petite fille tsigane perd ses parents ainsi que ses frères et soeurs durant les horreurs commises par le régime slovaque fasciste. Elle grandit auprès de son grand-père qui lui apprend à lire et à écrire, rare pour une communauté tsigane qui perpétue une tradition essentiellement orale. Zoli devient une jeune femme, elle chante et elle écrit. Elle va rencontrer un poète tchèque, Stansky, qui va l’encourager à publier ses poèmes et profiter d’en faire une icône du parti communiste, ce qu’elle refusera. Rejetée par sa communauté qui pensait que Zoli l’avait trahie, elle va être contrainte à l’exil, à errer perpétuellement en quête d’un endroit où elle sera enfin acceptée. KK


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MACKEON, DARRAGH

Tout ce qui est solide se dissout dans l’air Paris, Belfond, 2015. 423 p. Cote MACK : BUS CIT EVI JON SER

MAGGETTI, DANIEL

La veuve et l’enfant Carouge, Zoé, 2015. 144 p. Cote MAGE : CIT JON

: BUS EVI SER

Le 26 avril 1986, la centrale nucléaire de Tchernobyl déversait ses radiations de mort sur des milliers de kilomètres. Dans ce premier roman saisissant, l’écrivain irlandais Darragh MacKeon raconte le quotidien de quatre personnages touchés par la catastrophe : Evgueni, jeune garçon prodige du piano, sa tante Maria, ex-dissidente envoyée en pénitence dans une usine, son mari Grigori, médecin dépêché en urgence sur les lieux du drame, ainsi qu’un jeune paysan, qui assiste impuissant à l’embrasement de ses terres. Quatre voix pour dire l’amateurisme et le silence des autorités qui minimisent l’horreur et méprisent la population. Quatre destins qui s’entremêlent dans un récit réaliste, d’un profond humanisme, porté par une écriture parfois lyrique. Darragh MacKeon entraine le lecteur au cœur de la catastrophe et rend ainsi un hommage bouleversant aux milliers de victimes anonymes de ce drame nucléaire. Un jeune auteur brillant à suivre absolument ! CLR

Anna Maria, une veuve âgée et distante, voit arriver dans son village reculé des Centovalli le nouveau curé de la paroisse, Don Barbisio. Le prêtre, envoyé là pour expier ses fautes, verra son séjour à B. prendre de l’intérêt lorsqu’Anna Maria, devenue sa domestique, se mettra petit à petit à parler. Et on comprendra pourquoi elle vit en paria dans son propre village. L’auteur, lui-même originaire de cette région, fait revivre cette femme, qui a réellement existé, alors que le fier Don Barbisio est un personnage fictif. Sous la plume à l’écriture ample de l’auteur surgit l’univers étriqué de ce coin des Alpes au 19e siècle, où la beauté des lieux ne suffit pas à faire oublier la misère et la rudesse du quotidien. Une immersion réussie vers le passé. FB


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MANN, SUNIL

MARIS, BERNARD

Genève, Sauvages, 2015 (Furieux sauvages). 298 p. Cote MANN : CIT MIN PAQ

Paris, Flammarion, 2014. 152 p. Cote 848.009 HOU : BUS CIT EVI

L’autre rive

Houellebecq économiste

Titre original allemand : Uferwechsel Cote R3 MANN : MIN

A Zurich, un émigré est retrouvé mort, apparemment tombé d’un avion. Le détective Kumar habite toujours le Kreis 4, quartier où ses parents indiens se sont installés il y a des années. Kumar carbure au whisky Amrut et à la cuisine de sa mère. Un mystérieux commanditaire lui demande de faire la lumière sur cet étrange décès. Avec l’aide de son ami José, journaliste, et de sa meilleure amie Miranda qui, dans une autre vie, s’appelait Gustavo, le voici amené à démêler des liens occultes entre prostitution gay et milieu judiciaire. Il doit aussi accepter la déprime de son père et contrer en douceur les manœuvres de sa mère qui rêve de le marier. Tout ceci donne un polar atypique, drôle, noir et tendre… et un auteur suisse allemand à découvrir! FA

Dans ses livres, Michel Houellebecq dénonce le monde tel qu’il le voit devenir. Bernard Maris s’était emparé de ses romans et poèmes (avant la parution de Soumission) pour en révéler la dimension économique au travers des écrits des grands auteurs tels que Keynes, Marx ou Malthus. Bernard Maris observe le monde actuel où les clivages de gauche et de droite semblent de moins en moins clairs, et où les économistes n’arrivent guère plus qu’à expliquer pourquoi ils s’étaient trompés. Il dépeint les travers de notre société individualiste avec le regard des écrits de Michel Houellebecq. Houellebecq comme réel support au propos ou prétexte utile ? Ce n’est pas toujours évident. Mais cet essai à l’humour omniprésent propose un brillant instantané du libéralisme et de ses dérives. Un réquisitoire contre l’impitoyable loi de l’offre et de la demande. MH


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MAUPASSANT, GUY DE

Les prostituées

Paris, Gallimard 2015 (Folio ; 6004). 278 p. Cote MAUP : CIT EVI (ces textes peuvent également se trouver dans d’autres ouvrages sur le réseau)

MONNIN, ISABELLE

Les gens dans l’enveloppe Paris, Lattès, 2015. 379 p. Cote MONN : EVI STA

: CIT SER STA

A l’occasion de la grande exposition du Musée d’Orsay consacrée aux courtisanes, les éditions Gallimard ont réuni en un volume les nouvelles de Guy de Maupassant évoquant le monde de la prostitution. De nombreuses prostituées peuplent l’oeuvre de cet auteur. Il faut dire qu’il leur voue une passion réelle. Parmi ces récits, c’est sans doute Boule de Suif le plus remarquable. C’est d’ailleurs celui qui l’a rendu célèbre. Il relate la fuite en diligence de quelques bourgeois de Rouen devant l’avancée de l’armée allemande en 1871. Parmi les voyageurs se trouve Boule de Suif, prostituée au grand coeur. Elle sera victime de la morale bien-pensante de son époque et de la lâcheté des nantis. Il faut absolument redécouvrir cet immense écrivain. TL

Sur un coup de tête, sans raison apparente, Isabelle Monnin achète un jour pour 10 euros un lot de photos sur Internet. Les paysages, les habits, les couleurs, tout lui rappelle son enfance dans les années 70. A partir de ces images, elle va inventer des vies à ces « gens de l’enveloppe ». Une jeune fille est régulièrement sur les photos, elle sera l’héroïne qu’elle prénommera Laurence. Par contre, sa maman n’est jamais photographiée ; il y a bien un père, des grands-parents, mais point de maman. Ainsi, elle la fait partir en Argentine avec un amant pour fuir le quotidien en famille, l’usine dans l’espoire d’espérer une vie plus palpitante. Après la partie romancée, l’auteure a mené l’enquête pour pouvoir peut-être rencontrer ces personnes. A partir d’un clocher en arrière-plan, elle va retrouver le nom du village où habitait cette famille. Les pièces du puzzle se mettent alors en place et la réalité va croiser la fiction en particulier lorsqu’elle découvrira que la Laurence de son récit s’appelle bien Laurence dans la vraie vie… Un CD d’Alex Beaupain accompagne cet ovni littéraire : 12 chansons inspirées par ces mêmes photos. RL


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MORDILLAT, GÉRARD

MORRISON, TONI

Paris, Calmann-Lévy, 2004. 657 p. 23

Paris, Bourgois, 2015. 196 p. Cote MORR : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Les vivants et les morts

Délivrances

La série existe en DVD Cote S VIVA : CIT Trad. de : God help the Child  : Cote R2 MORR : CIT JON MIN PAQ

A Raussel tout le monde est employé à la Kos, qui fabrique de la fibre plastique. Le jour où l’usine ferme c’est toute la ville qui trinque. La vie de Rudi et Dallas qui y travaillent tous deux, vole en éclats : le jeune couple vient de s’endetter pour s’acheter une maison, leur fils Kevin n’a que quelques mois et l’argent que gagne Dallas en faisant des ménages ne suffit pas à les faire vivre. La lutte s’organise : les ouvriers galvanisés par Rudi se mobilisent pour sauver leur usine. Entre insurrection et révolte, chacun devra choisir son camp et personne ne sortira indemne de cette rude bataille. Véritable fresque sociale, ce roman animé par une écriture directe et sans fioritures, dépeint les espoirs et les désillusions de travailleurs confrontés à la logique infecte d’un ultra libéralisme cynique et pourri. Dans ce combat à l’issue incertaine, certains seront prêts à tout pour garder ne serait-ce que leur dignité. CLR

Comme dans tous les romans de Toni Morrison, la couleur de peau a ici une importance capitale. Et quelle couleur de peau ! Sa mère a cru s’évanouir en la découvrant pour la première fois et son père, lui, s’est carrément éclipsé. Car oui, la petite Lula Ann a la peau noire, tellement noire qu’on la dirait bleutée. Rejetée par sa mère, une métisse à la peau claire, elle vit une enfance triste, tant en famille qu’à l’école. Mais, jeune femme, elle prend sa revanche en tirant parti de son teint d’ébène. Elle vit alors une période heureuse jusqu’au jour où un drame de son enfance refait surface. L’amour, la culpabilité, le racisme et la jeunesse bafouée sont quelques thèmes abordés dans ce roman fort, très fort… FB


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MOSSA

La gitane et son destin : témoignages d’une jeune gitane sur la condition féminine et l’évolution du monde gitan

MOUTON, ANTOINE

Le metteur en scène polonais Paris, Bourgois, 2015. 116 p. Cote MOUT : BUS CIT EVI JON

Paris, Harmattan, 1992. 103 p. Cote 909.049.9 MOS : PAQ

Ce documentaire est le témoignage d’une jeune gitane sur la condition féminine et sur l’évolution du monde gitan. Cette bohémienne nous relate son enfance, son mariage ainsi que les coutumes dans lesquelles elle baigne. Elle vit en France, confrontée à la communauté Paya, qui est la communauté française ici, elle nous explique les différences de mentalité et de comportements entre ces deux cultures. Elle insiste sur le fait que, malgré les préjugés sur les gens du voyage, le gitan a bon cœur et il suffit d’être sincère avec lui pour gagner son amitié durable. Tout le long de ce récit, Mossa évoque ses déplacements en roulotte avec sa famille, puis sa vie sédentaire à Perpignan avec son mari où elle semble heureuse de mener une vie qui, si elle est sédentaire et plus confortable, n’en est pas moins précaire. KK

A la demande du directeur d’un grand théâtre parisien, le metteur en scène polonais doit adapter, pour ouvrir la saison, l’oeuvre d’un romancier autrichien. Le metteur en scène polonais a une excellente réputation et beaucoup de kilomètres au compteur. Il a quelques marottes étranges aussi, comme remplir d’œufs durs les poches de son manteau. Mais là, avec cette pièce, il devient fou, le scénario change d’une fois à l’autre… Il faut dire que le metteur en scène polonais n’a lu que les trente premières pages de l’oeuvre et qu’il s’impose d’intégrer dans sa mise en scène une armoire qu’il a reçue en donation, armoire qui cache la célèbre comédienne française, celle qui va, par sa présence, assurer le succès de la pièce. Pourtant ce n’est qu’à la toute fin qu’elle apparaîtra, après avoir passé toute la pièce couchée sur une peau de bête. Enfin, c’est ce qui est prévu, mais pour l’instant, le metteur en scène polonais n’est pas encore tout à fait fixé… Vous le comprendrez, ce texte loufoque et complètement déjanté se moque d’un certain snobisme intellectuel. L’écriture est remarquable, par la longueur des phrases, les digressions, le côté obsessionnel, l’humour décalé. J’ai adoré ce livre original et très drôle. DM


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MUKASONGA, SCHOLASTIQUE

Cœur tambour

Paris, Gallimard, 2016 (Blanche). 175 p. Cote MUKA : CIT EVI JON PAQ STA

Ce livre retrace l’itinéraire d’une chanteuse africaine, Kitami, surnommée « l’Amazone noire ». Celle-ci a été retrouvée morte dans des circonstances peu claires. Est-ce un suicide ? Un meurtre ? L’histoire est relatée par un journaliste, qui l’a rencontrée à plusieurs reprises et qui a reçu, quinze jours après sa mort, un important colis comprenant une valise cabossée, des dessins de Kitami, encore adolescente et nue, une pièce de métal mais surtout un cahier écrit de sa main. C’est ce récit qui est ici reproduit. Qui était cette femme qui envoûtait les spectateurs par sa voix, tombant en transe lors des concerts, accompagnée de trois tambourinaires ? Pourquoi avait-elle un rapport aussi étrange et particulier avec son tambour ancien auquel elle avait donné le nom de Ruguina et qui semblait battre au même rythme que son propre cœur ? Il est question de son enfance au Rwanda, des difficultés rencontrées parce qu’elle était tutsi, mais surtout de sa rencontre avec une femme considérée comme une sorcière et qui lui aurait transmis des pouvoirs surnaturels. Après plusieurs romans autobiographiques, Scholastique Mukasonga se libère du poids du passé rwandais et signe un roman magnifique et apaisé, véritable ode à la musique. PB


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ORSENNA, ERIK

L’entreprise des Indes Paris, Stock, 2010 Cote ORSE : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

: Cote ORSE : BUS

Ce roman est le fruit de la collaboration d’Erik Orsenna et du frère de Christophe Colomb, Bartolomé qui, au seuil de sa vieillesse à Hispaniola, se confie à un autre Bartolomé, Las Casas, et à son scribe, Frère Jérôme. Bartolomé C. explique à Bartolomé de L.C. comment il a quitté Gênes où il se sentait confiné par les montagnes et une éducation stricte et pieuse dans une famille de commerçants, pour Lisbonne, ouverte sur la découverte d’un monde depuis peu atteint de rotondité et dont les bateaux partent « poussés par un rêve ». Par hasard, il entre dans l’atelier de maître Andrea, cartographe de son état, qui l’embauche parce qu’il sait « écrire petit ». Il confie à Las Casas ses rêves de mer, de voyages, d’îles ; il lui parle de son frère visionnaire. Il lui raconte aussi ses activités de faussaire : il s’agit de tracer des cartes aussi précises que possible destinées aux capitaines de navire, et d’autres plus fantaisistes destinées à la concurrence. De leur langue chaleureuse et chatoyante, Erik et Bartolomé font revivre le monde interlope d’un grand port, du « faiseur de veuves » au perroquet injurieux, au tournant d’un siècle foisonnant d’hypothèses scientifiques et de cruautés politiques et religieuses. FD


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OSTER, CHRISTIAN

Le cœur du problème Paris, Olivier, 2015. 187 p. Cote OSTE : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STAI

Le cœur du problème, pour Simon, c’est qu’il trouve chez lui l’amant de sa femme mort dans son salon. Diane, son épouse, le quitte avec le cadavre sur les bras… qu’en faire, en voilà une question épineuse ! Simon, seul dans sa maison bordée d’un jardin (détail d’importance !) échafaude des solutions tout en broyant du noir. Il finit par se rendre au commissariat où il fera la connaissance d’Henri, un policier qui, une fois à la retraite, recherchera sa compagnie... par amitié désintéressée ou pour glaner des indices sur la disparition de Diane et de son amant ? Voici un court roman glaçant mais non dénué d’humour, que j’ai eu plaisir, comme bien d’autres romans d’Oster, à dévorer. FB

PIGANI, PAOLA

N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures Paris, Liana Levi, 2014. 213 p.. Cote PIGA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

En 1940, lors d’une guerre qui n’est pas la leur, les Tsiganes sont confrontés à la pire des peines: la privation de liberté. Le décret interdisant la libre circulation des personnes nomades mènent tous les Manouches de Charente dans le camp d’internement de l’Allier. Parmi eux, Alba, jeune fille de quatorze ans qui y deviendra femme. Malgré l’horreur du quotidien, elle découvre l’amour et même la maternité. Elle, ainsi que de nombreux autres Tsiganes, y seront enfermés six longues années privés de leurs chevaux et roulottes. DDB


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QUEFFELEC, YANN

L’homme de ma vie Chamonix, Guérin, 2015. 268 p. Cote 848.03 QUE : BUS CIT EVI MIN SER STA

ROLIN, JEAN

Chemins d’eau Paris, Table ronde, 2013 (La petite vermillon ; 382). 356 p. Cote 627.1 ROL : EVI

Dans la fratrie Queffélec, il n’y en a que pour l’aîné, Hervé, le surdoué. Anne, musicienne s’en tire plutôt bien. Tanguy a droit à l’attention destinée au petit dernier. Et puis, il y a Yann, le cadet, le mal-aimé, le canard boiteux. Les quatre enfants grandissent dans l’ombre d’un monument de la littérature française, Henri Queffélec, et d’Yvonne qui, jusqu’à sa mort précoce (Yann était adolescent), a pallié les lacunes de son mari en termes d’affection et de reconnaissance. Mais cela ne s’arrange pas lorsque Yann se pique d’écrire… L’écriture c’est la chasse gardée du père, qui n’acceptera jamais que son fils (pas n’importe quel fils : celuici !) marche sur ses plates-bandes. De plus, il a l’outrecuidance d’obtenir le prix Goncourt ! C’en est trop pour le père Queffélec. Yann a mis plus de trente ans à accoucher de cet ouvrage sur l’auteur de ses jours, mort en 1992. Ce père qui ne l’a jamais reconnu non seulement en tant qu’auteur, mais en tant que fils, ce père dont il cherchera toujours, en vain, l’amour. Un récit poignant sur une relation filiale gâchée… DM A la fin des années 70, au moment où le tourisme fluvial commence à attirer les premiers touristes, principalement des Anglais, Jean Rolin se balade lui aussi sur les canaux de France et Belgique. Sur son « baquet » de location, il navigue sur le Canal de Nantes à Brest, dans les eaux de Bourgogne, du Midi pour ne citer que les endroits les plus connus. Avec lui, on affronte les éclusiers et pêcheurs bougons, les restaurateurs pas toujours enclins à servir « l’étranger », les hôtels fermés. Même si son côté grognon peut parfois énerver, on sourit à ses descriptions d’attaques de chiens, on rit franchement quand il compare les chèvres à des plantes d’agrément pour éclusières ou quand il ironise sur les flamants qui préfèrent les sorties d’égouts aux étendues qu’on leur a préservées. D’anecdotes en réflexions, de villages en campagnes, d’une belle tournure à un juron, l’auteur nous embarque avec lui dans un voyage hors sentiers (fluviaux) battus. RL


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ROY, LORI

De si parfaites épouses Paris, Masque, 2015. 313 p. Cote ROY : PAQ SER

Fin des années 50 à Détroit. Le quartier blanc d’Adler Avenue s’inquiète. L’usine où tous les hommes travaillent licencie. Les femmes attendent chaque soir leur retour après avoir fait le ménage, les courses et la cuisine. Autre sujet d’inquiétude, des gens de couleur sont venus s’installer tout près de « leur » avenue et Malina soupçonne son violent de mari de s’attarder un peu trop de ce côté-là. Elle n’en dit pas un mot à ses voisines Grace et Julia car les apparences doivent être sauves coûte que coûte. Ce bel édifice se fissure lorsqu’une autre de leur voisine, Elisabeth, disparaît. La jeune fille est un peu attardée et tout le quartier s’émeut. Des battues s’organisent, avec bien sûr les hommes à la manoeuvre… Les dames préparent café et collations. Personne ne parle de l’assassinat d’une jeune femme noire près de l’usine. En quelques centaines de pages, l’auteure mitonne un sarcastique huis-clos. FA

RUAULTS, CHRISTOPHE

Confession d’un hypocondriaque Paris, Michalon, 2013. 251 p. Cote RUAU : BUS

Quoi de plus abracadabrant qu’un journaliste hypocondriaque, responsable de la rubrique santé ? Voilà l’histoire ou plutôt le récit comique de Thomas Lutraux. Dans ce roman, il est malade mais il se soigne et nous parle de ses peurs les plus déraisonnables lorsqu’il entend parler d’un nouveau virus à l’autre coin du monde ou des risques de développer une rhinite s’il oublie son pince-nez à la piscine. On plonge dans un bassin débordant de médicaments, de consultations et d’analyses en tout genre auxquelles se livre Thomas pour se rassurer ou au contraire pour s’alarmer. Sa névrose quotidienne est racontée avec une ironie brillante et efficace dans laquelle on rit et où tout le monde peut se retrouver en ouvrant Doctissimo ou une encyclopédie médicale. JS


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RUMIZ, PAOLO

SAINT-PERN, DOMINIQUE DE

Paris, Hoëbeke, 2015 (Etonnants voyageurs). 165 p. Cote 910.45 RUM : BUS CIT EVI JON SER

Paris, Stock, 2015. 429 p. Cote BLIX : CIT

Le phare, voyage immobile

Baronne Blixen

: CIT EVI

Paolo Rumiz est considéré actuellement comme le Nicolas Bouvier italien. Il voyage et rapporte des récits poignants, documentés et bien écrits. Ici, il nous raconte son voyage immobile dans un phare perché au sommet d’un rocher perdu au milieu de l’Adriatique, entre la Croatie et l’Italie. Il ne souhaite pas divulguer le nom de l’île pour la préserver des curieux. Les seuls habitants sont les deux gardiens de phare encore en activité et les nombreux oiseaux qui s’y arrêtent. Là-bas, la nature se déchaîne parfois et la Méditerranée prend alors des airs d’Atlantique, en particulier quand le Sirocco souffle rageusement la nuit : « j’ai le sentiment d’être nu devant le portail de SaintPierre ». On lui avait dit qu’il ne pleuvrait jamais dans cette île et pourtant l’eau qui tomba durant son séjour suffira à remplir le réservoir pour l’année. On lui avait également prédit qu’il allait s’ennuyer sur son caillou, mais au contraire, il apprécia de vivre au rythme des éléments. Avec lui, on vit au jour le jour et on déguste avec lui ce temps qui prend le temps de passer. RL

Les heureux lecteurs de La ferme africaine auront raison de se ruer sur ce roman biographique où ils en apprendront plus sur son auteur, Karen Blixen. Née au Danemark, elle est folle amoureuse d’un homme qui se refuse à elle et finit par épouser son frère jumeau, Bror, qui l’emmènera en Afrique diriger la ferme en question. Volage, il lui offre la syphilis comme cadeau de mariage… Elle tombe amoureuse de Denys Finch Hatton, un guide de safari britannique, qui se tuera accidentellement aux commandes de son avion. De retour au Danemark après la faillite de sa ferme, elle vivra des écrits publiés sous le nom d’Isak Dinesen. Elle engage Clara, une jeune femme qui deviendra sa gouvernante, sacrifiant pour elle ses études et sa jeunesse. La baronne n’est pas tendre avec elle, et l’on découvre peu à peu une femme acariâtre et capricieuse, dont le comportement va jusqu’à la perversion lorsqu’elle signe un pacte avec le jeune poète danois Thorkild Bjornvig dont elle devient la muse et lui l’esclave… Karen Blixen deviendra ensuite cet oiseau tout maigre et maladif qui inspire une certaine pitié, mais qui, même lorsqu’on connaît ses travers, n’en finit pas de fasciner… DM


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SERENI, CONSTANCE, SOUYRI, PIERRE-FRANÇOIS

Kamikazes : (25 octobre 194415 août 1945).

SHTEYNGART, GARY

Mémoires d’un bon à rien Paris, Olivier, 2015. 397 p. Cote SHTE : BUS CIT EVI PAQ

Paris, Flammarion, 2015 (Au fil de l’histoire). 251 p. Cote 940.54 SER : BUS CIT PAQ

Voici une étude qui va égratigner bien des préjugés. Sachez d’abord que l’amalgame entre les kamikazes japonais de la 2ème guerre mondiale et les « kamikazes » terroristes de Daech, par exemple, est abusif, en raison du contexte et des motivations des uns et des autres, comme cela est très bien démontré en ouverture d’ouvrage. Vous avez en tête de fiers guerriers nippons fascinés par la mort, qui partent en souriant pour leur dernier combat, heureux de mourir pour leur patrie ? La vérité, bouleversante, est tout autre. Dès 1944, l’utilisation de kamikazes constitue une tentative désespérée pour le Japon de frapper fort et d’éviter la défaite. Malheureusement, outre que les actions kamikazes n’étaient pas franchement efficaces, ce qui fait déplorer un nombre indécent de jeunes vies gâchées, le matériel commençait à manquer. Les formations étaient sommaires (certains partaient au volant de leur avion parfois pour la première fois), et les jeunes hommes (souvent des étudiants de branches plutôt littéraires, les scientifiques pouvant être plus judicieusement utilisés ailleurs) étaient endoctrinés et davantage contraints que consentants. Je vous recommande vivement la lecture de ce document passionnant qui vous en apprendra beaucoup. DM

Igor Shteyngart est né à Leningrad en 1972. Lorsqu’en 1979, une épopée improbable l’emmène avec ses parents jusqu’en Amérique – chez l’ennemi ! – il a l’impression subite d’avoir quitté un environnement monochrome pour une vie pleine de couleurs. Petit à petit, il deviendra Gary, se métamorphosant culturellement, identitairement, linguistiquement. Le bon petit citoyen soviétique, qui a toujours pensé que le meilleur Boeing ne vaudra jamais le plus mauvais Tupolev, doit maintenant retourner sa veste. Ce n’est pas un apprentissage facile et la vie en réserve d’autres que l’auteur nous livre avec un humour décapant et un sens de l’observation personnel. Il faut non seulement s’intégrer dans une autre culture mais ensuite on est adolescent et on s’intéresse aux filles, et il faut se construire en tant qu’homme, se libérer du joug des parents (juifs ! en tant que fils unique !). J’ai beaucoup aimé ce livre de Gary Shteyngart dont l’écriture dynamique ne laisse jamais en paix. Illustré de clichés le montrant tout au long de sa vie, l’auteur montre toute l’étendue de son auto-dérision. Délicieux. DM


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SILVEY, CRAIG

Le secret de Jasper Jones Paris, Calmann-Lévy, 2010. 381 p. Cote SILV : CIT EVI PAQ STA

SEURAT, ALEXANDRE

La maladroite

Arles, Rouergue, 2015 (La brune). 128 p. Cote SEUR : BUS EVI SER

: CIT SER

Charlie est un garçon solitaire, fou de livres et nul au baseball. Lorsqu’en pleine nuit le « terrible » Jasper Jones à moitié aborigène tape à sa fenêtre et demande son aide, sa vie bascule. Jasper a peur, c’est dans la clairière où il se réfugie pour échapper à son ivrogne de père ou à l’école qu’il a fait une terrible découverte. Charlie accepte de se taire, les deux garçons se retrouvent liés et emmêlés dans une histoire qui les dépasse et qui cache bien d’autres secrets dans la petite ville. Un roman d’apprentissage sensible qui nous vient d’Australie. FA

Un fait divers a marqué l’auteur : la mort d’une enfant battue et le désarroi de toutes les personnes qui avaient compris sa souffrance sans pour autant réussir à y mettre fin. Au début du roman, Diana a 8 ans et a disparu. Cet avis de recherche est le déclencheur de récits. Comme si elle était à la barre des témoins, l’institutrice raconte le visage gonflé, le doigt cassé, les bleus, les bosses. Puis c’est la grand-mère qui dit avoir finalement appelé le numéro d’urgence pour signaler sa propre fille. Ensuite la tante se souvient d’une discussion avec sa sœur sur la normalité de Diana. Le frère répète que sa sœur était maladroite, que c’est ainsi qu’on lui a dit de répondre. Suivent encore les témoignages d’un gendarme, du médecin scolaire, de la directrice, de la deuxième et de la troisième directrice car à chaque signalement la famille déménageait. Et Diana ? Elle répétait qu’elle allait bien. Mais a-telle vraiment su ce que voulait dire « aller bien » ? Sans pathos, un texte brut et poignant. RL


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STAROBINETS, ANNA

Le vivant

Bordeaux, Mirobole, 2015 (Horizons pourpres). 474 p. Cote STAR : JON MIN PAQ STA

« Le vivant est immuable et la mort n’existe pas ». Il y a très exactement trois milliards d’êtres humains sur terre, tous connectés au « socio ». La conception des enfants se fait lors de festivals de reproduction et, à soixante ans dernier délai, les adultes partent en « pause » obligatoire après une bonne douche. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’à la naissance de « Zéro ». Il n’a pas de code génétique enregistré dans la banque de données et est envoyé avec les « corrigés ». Son existence est-elle signe d’un dysfonctionnement du système ou de son renouveau ? A la manière d’une entomologiste, l’auteure livre une dystopie étrange et dérangeante FA


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STEEN, CÉLINE

Petit précis pour cuisiner sans produits d’origine animale Paris, Marabout, 2013. 272 p. Cote 641.563 STE : BUS JON

Vous vous tâtez encore à devenir végétalien ? Ou vous ne savez pas quoi cuisiner pour vos amis végan ? Vous avez peur que ça soit trop compliqué ou contraignant ? N’ayez plus peur et laissez-vous guider. Ce livre est une référence pour changer son alimentation afin qu’elle devienne 100% végétale. Plus de 200 recettes simples et efficaces avec toutes les indications nécessaires pour trouver des substituts alimentaires adéquats ou trouver des recettes qui s’appliquent aussi aux intolérances alimentaires. Et, contrairement aux idées reçues, Céline Steen nous prouve bien, dans ce livre, qu’il est facile de faire une onctueuse et délicieuse mousse au chocolat sans œuf, sans lait et sans beurre ! JS


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STOICHITA, VICTOR IERONIM

THEORIN, JOHAN

Arles, Actes sud, 2014. 356 p. Cote STOI : CIT EVI JON

Paris, Albin Michel, 2013. 441 p. Cote THEO : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Oublier Bucarest

Loin de la vision morne d’une Roumanie communiste des années 50, le narrateur retrace ses souvenirs et ses histoires de famille dans un milieu bourgeois en se laissant porter par la spirale du temps. De son éducation à ses études universitaires, il dresse un riche tableau des divers membres de sa famille ainsi que la situation politique et culturelle d’un milieu qui échappe presque aux méfaits du régime communiste. DDB

Froid mortel

A Valla, en Suède, à proximité d’un pénitencier/hôpital psychiatrique où sont détenus des criminels dangereux, Jan Hauger, éducateur, parvient à se faire embaucher dans une crèche un peu spéciale qui reçoit les enfants de ces détenus. Sous réserve de surveillance et selon un protocole précis, les enfants et les parents sont autorisés à se voir. On ne tarde pas à apprendre que Jan a un agenda caché : il désire retrouver une jeune femme, amour de jeunesse maintenant enfermée dans le pénitencier. Peu à peu, il dresse un plan pour entrer en contact avec elle et s’aperçoit au fil des semaines que tout son entourage, sur son lieu de travail, cache également des secrets en lien avec la prison. L’histoire est bien menée, dans un climat trouble à souhait où domine la peur - chez les personnages autant que, envoûtante, chez le lecteur - et le suspense est régulièrement renouvelé. Une lecture difficile à abandonner avant la fin... surprenante ! FD


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THODE-STUDER, SYLVIA

Les tsiganes suisses : la marche vers la reconnaissance Lausanne, Réalités sociales, 1987. 188 p. Cote 909.049.9 THO : JON PAQ

TREMAYNE, PETER

Les mystères de la lune Paris, 10/18, 2009 (10/18 ; 4199. Grands détectives). 442 p. Cote TREM : BUS CIT PAQ

Ce mémoire publié en 1987 à Lausanne est un travail collectif portant sur les tziganes de suisse, les Yenisch, mais également sur d’autres ethnies tziganes d’Europe. Comme l’auteur l’indique, il n’est pas nécessaire d’être tziganologue, spécialiste en la matière, pour réussir à saisir les différents aspects évoqués dans ce documentaire. Du 15e au 20e siècle, c’est la vie de ces populations méconnues, voir inconnues, qui nous sont présentées. C’est avec acharnement que l’on rejette l’autre, le barbare, l’inconnu, son mode de vie inspire le qualificatif suivant : « associable ». La population sédentaire est ici confrontée aux peuples nomades. KK

Amie et ami de l’Irlande et du polar, je vous conseille vivement les enquêtes de Sœur Fidelma. Vous découvrirez une contrée où les femmes ont les mêmes droits que les hommes, si ce n’est plus ! Au 7e siècle, le pays est christianisé mais les anciennes croyances sont encore très présentes. L’église irlandaise n’est pas encore soumise à Rome et le célibat des prêtres peu répandu. Fidelma peut donc être religieuse et avoir comme compagnon un moine saxon. Elle a étudié le droit à Tara et est devenue « anruth », ce qui équivaudrait à avocate et juge d’instruction. Ses compétences pour instruire une enquête sont encore renforcées par le fait qu’elle est fille du roi de Munster. Dans cet épisode, elle et Eadulf cherchent un assassin qui tue des jeunes filles les soirs de pleine lune, le tout sur fond de rumeurs contre les mystérieux étrangers qui se sont installés à l’abbaye voisine… FA


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TREVOR, WILLIAM

En lisant Tourguevniev Paris, Phébus, 1993 (D’aujourd’hui étranger). 236 p. Cote TREV : CIT STA

VEYNE, PAUL

Palmyre : l’irremplaçable trésor Paris, Albin Michel, 2015. 140 p. Cote 939.4 VEY : BUS CIT EVI JON MIN PAQ STA

Lorsqu’à 21 ans, Marie-Louise Dallon accepte d’épouser Elmer Quarry, de 14 ans son aîné, c’est plus par ennui que par amour. Propriétaire du magasin de draps et tissus de la ville, Elmer fait pourtant figure de bon parti. Mais Marie-Louise ne se doute pas qu’elle sera accueillie plus que froidement par ses deux belles-sœurs, vieilles filles acariâtres qui n’auront de cesse de la vilipender. Dans cette union morne et décevante, Elmer et MarieLouise se côtoient sans se détester mais n’attendent plus rien l’un de l’autre. C’est alors que Marie-Louise retrouve son cousin Robert, vers qui elle s’est toujours sentie attirée. Ils passent ensemble tout le temps qu’ils peuvent et Robert l’initie aux livres de Tourgueniev. De santé fragile, il ne survivra malheureusement pas longtemps et la pauvre Marie-Louise se retrouve seule avec ses rêves, ses souvenirs… et ses livres. On le sait dès le début, la jeune femme finira sa vie dans une maison de soin, solitaire et mutique, victime d’un mal psychologique plus que physique. Une triste vie gâchée comme sait si bien les imaginer le grand écrivain irlandais. DM Durant l’été 2015, les forces de DAECH ont détruit le site millénaire de Palmyre en Syrie. De plus, ils ont assassiné Khaled al-Assad, le directeur des antiquités de Palmyre de 1963 à 2003. Paul Veyne lui a d’ailleurs dédicacé ce livre petit en taille, mais immense en évocation érudite. Spécialiste de l’Antiquité romaine, l’auteur nous emmène à travers les âges et fait revivre les temps de Palmyre la superbe, celle qui vénérait des dizaines de dieux, parlait plusieurs langues et se trouvait à la croisée des routes de l’Orient. On a le cœur serré lorsqu’on lit ces pages et décidément, on peine à comprendre les raisons d’une telle barbarie. FB


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VIGAN, DELPHINE DE

D’après une histoire vraie Paris, Lattès, 2015. 478 p. Cote VIGA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

: CIT EVI JON MIN PAQ SER STA  : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

WALTARI, MIKA

Ce genre de choses n’arrive jamais Arles, Actes Sud, 2015 (Lettres scandinaves). 111 p. Cote WALT : CIT EVI JON MIN PAQ SER

Delphine est une auteure célèbre après le succès retentissant de son roman Rien ne s’oppose à la nuit. Ce livre très intime où elle a livré beaucoup d’elle-même l’a littéralement vidée et la voici en plein doute : parviendra-t-elle de nouveau à écrire ? Et sur quoi ? Le destin met sur sa route L., une femme de son âge, classe et charismatique, aux intérêts similaires, qui lui offre une amitié sans faille. En cas de coup de mou, L. est toujours là. Pour partager les joies, les peines. Mais elle sait aussi se faire discrète, ne s’interposant pas entre Delphine et son amoureux ou ses enfants. En revanche, L., ellemême écrivain, intervient dans les tentatives de plus en plus vaines d’écriture de Delphine, l’aiguillant, la corrigeant, la réprimandant parfois. Puis dans les démarches administratives que Delphine se sent incapable de mener à bien. Peu à peu, L. est devenue le pilier de la vie de Delphine qui lui confie tout et lui voue une amitié aveugle. Et puis L. finit par prendre beaucoup, trop de place, et l’on se demande avec Delphine si ses intentions sont vraiment désintéressées… Un roman captivant sur l’écriture, l’inspiration, l’amitié, le harcèlement et la manipulation, qui se lit d’une seule traite. DM

Ecrit en 1939, Ce genre de choses n’arrive jamais restitue l’atmosphère angoissante de l’avant-guerre. Imaginez un homme qui part en voyage, dans un but indéfini. Malheureusement son avion, pris dans une tempête et pilonné par l’armée, s’écrase au sol. Blessés, à bout de force, lui et l’unique autre passagère, se retrouvent dans un pays hostile où la guerre fait déjà rage. Ils doivent survivre, s’entraider, et surtout trouver un moyen de fuir le chaos ambiant. Voici un court récit inclassable magnifié par le style du grand auteur finnois. FB


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WIAZEMSKY, ANNE

Un an après

Paris, Gallimard, 2015 (Blanche). 201 p. Cote WIAZ : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Mai 1968. Un an après une Année studieuse, le couple Anne Wiazemsky et Jean-Luc Godard s’est installé dans son nouvel appartement à Paris. Situé au cœur de la capitale, à la rue Saint-Jacques dans le 5e arrondissement, cet appartement est à la fois le refuge et le théâtre des événements que vit le couple à travers mai 68. La romancière raconte, dans un style très direct et personnel, cette page de l’Histoire. Le chaos de la révolution suit l’étiolement du mariage Wiazemsky/Godard. De ce point de vue, ce deuxième volet est plus intéressant que le premier car il met en perspective le bouleversement historique avec celui du destin personnel selon une narration qui suit les étapes de la fin d’une histoire d’amour. Même sans ce second niveau d’interprétation, cette lecture est, de toute façon, plaisante ne serait-ce que parce qu’elle nous plonge dans le milieu de l’intelligentsia et dans le monde du cinéma de la nouvelle vague. Laissez-vous noyer ! GV


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WINTER, KATHLEEN

Annabel

Paris, Bourgois, 2013. 453 p. Cote WINT : BUS CIT EVI JON PAQ STA

: CIT EVI JON MIN PAQ  : CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

En 1968, dans une région reculée du Canada, naît un enfant qui n’est ni garçon, ni fille, mais qui possède tous les attributs masculins et féminins. A part le corps médical, seuls les parents et une amie présente à l’accouchement partagent ce secret. Le père prend la décision d’opérer l’enfant, de le bourrer d’hormones et de l’élever comme un garçon. Sa maman aurait secrètement préféré une fille et son amie l’appelle « Annabel » quand elle est seule avec « lui ». Très vite Wayne ne se sent pas comme les autres garçons. Il aime le beau, ce qui brille. Sensible et émotif, il va très vite tomber amoureux de la petite Wally au point de vouloir devenir elle. Wayne lui confie son mal-être pendant qu’elle lui parle de son rêve : devenir chanteuse classique. Avec elle, il s’autorise à vivre ses deux sexes. Dans une ville de 30’000 habitants, on recense en moyenne 10-12 intersexes (terme actuellement utilisé) mais on n’en parle que trop peu. Même si l’auteure n’a pas vécu personnellement ce destin-là, le récit sonne juste et témoigne de ces vies souvent compliquées parce qu’un sexe a été imposé à la naissance. RL


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ZENITER, ALICE

Juste avant l’oubli Paris, Flammarion, 2015. 286 p. Cote ZENI : BUS CIT JON SER

Franck aimerait passer aux choses sérieuses avec Emilie mais celle-ci part plusieurs mois sur une île des Hébrides pour les besoins de sa thèse sur Galwin Donnell. Elle doit préparer un colloque sur ce célèbre auteur de romans policiers décédé de façon mystérieuse dans les années quatre-vingts sur cette île perdue. Franck rejoint sa bien-aimée pour ces journées d’études en espérant que ce séjour scellera définitivement leur amour mais sur place, les défis sont de taille. Ce livre est à la fois un roman d’amour et un roman littéraire pimenté d’un soupçon de suspense. L’aspect littéraire domine à mon avis car Alice Zeniter donne un tel relief à Galwin Donnell qu’on le prendrait pour un auteur ayant réellement existé. Quelle imagination et quelle verve littéraire ! FB

Bandes dessinées


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ABIRACHED, ZEINA

BAGIEU, PÉNÉLOPE

Bruxelles, Casterman, 2015 CIT EVI JON MIN PAQ SER

Paris, Gallimard, 2015 CIT EVI JON MIN PAQ SER

Le piano oriental

Beyrouth, années 1950. Abdallah Kamanja, cherche désespérément comment transformer un piano traditionnel (qui n’a que des demi-tons) de sorte qu’il puisse jouer de la musique orientale (faite de quarts de tons). Son invention une fois mise au point, il est invité par un facteur d’orgues viennois et entreprend ainsi un voyage épique jusqu’à Vienne. Années 2000, sa petitefille, Zeina Abirached, quitte le Liban pour la France, doit adopter la langue française au détriment de l’arabe et se trouve finalement sans cesse tiraillée entre les deux cultures. Ce roman graphique en noir et blanc aux lignes épurées mais fourmillant de détails, de fioritures et d’onomatopées m’a enchantée, non seulement par son aspect graphique, mais aussi par son inventivité et son propos sur la double identité. DM

California dreamin’

Ellen Cohen naît en 1941 à Baltimore. Papa Cohen tient une épicerie et se rêve en chanteur d’opéra, maman a été choriste dans un groupe de jazz et, depuis petite, Ellen affirme qu’elle sera chanteuse. Boulimique depuis la naissance de sa petite sœur, Ellen est obèse, possède une voix sublime, un sens de l’humour ravageur et un besoin immense d’être aimée. A 19 ans elle quitte la maison pour tenter sa chance à New York et devient Cass Elliot. Elle côtoie des artistes, consomme acides et LSD, rencontre Denny, chanteur du groupe des Journeymen et en tombe amoureuse. Les Journeymen deviendront « The Mama’s and the Papa’s » et en 1965 leur morceau « California dreamin’ » deviendra un tube mondial. Cass Elliott sera « la » voix du groupe et l’un de ses membres les plus charismatiques jusqu’à sa dissolution en 1968. Pour ce nouvel album, qui plonge le lecteur dans l’insouciance des années 60, Pénélope Bagieu a délaissé tablettes et autres palettes graphiques et a travaillé uniquement au crayon gris : le résultat est bluffant : son trait vif et spontané colle ainsi parfaitement à la personnalité hors normes de son héroïne et nous offre ainsi un album dense et abouti. CLR


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FORTU

Saudade Paris, Delcourt, 2016 (Shampooing) CIT EVI SER

GOETTING, JEAN-CLAUDE

Watertown

Bruxelles, Casterman, 2016 CIT MIN PAQ STA

En quinze nouvelles au style minimaliste, avec deux dessins par page, sans cases ni limites, l’auteur met en scène des gens normaux qui sont tous frappés d’une sorte de nostalgie, du regret d’un passé meilleur mais qui s’est dissipé. De ce que le terme saudade décrit si bien. Le choix du dessin, très sobre, convient parfaitement aux propos, lui donnant une force et une justesse de ton remarquables. Que dire de cet homme brisé par un drame qu’il ne peut plus supporter. Ou de ce jeune homme qui avait des rapports difficiles avec son père et qui parvient enfin à lui dire ce qu’il a sur le cœur, malgré une situation particulière. Quinze nouvelles racontées à la première personne, avec des personnages qui se croisent parfois ou réapparaissent dans une autre nouvelle. Une très belle découverte. PB

Comme à son habitude, le narrateur passe à la boulangerie de Monsieur Clarke pour y acheter un muffin. Au moment de payer, alors qu’il lui lance « à demain », Maggie Laeger, la serveuse, lui répond simplement « non… demain je ne serai plus là ». Le lendemain le patron de la boulangerie est retrouvé mort et Maggie a bel et bien disparu. Deux ans plus tard, à l’autre bout du Massachusetts, il rencontre une certaine Marie Holkins, qui tient un magasin d’antiquités… et il est certain que ces deux personnes n’en font qu’une. Il se décide alors à mener l’enquête. L’auteur nous plonge dans les Etats-Unis des années 50, avec des dessins dominés par des teintes sombres qui créent une étrange ambiance... PB


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JUNG

LARCENET, MANU

Bruxelles, Quadrants, 2015. (Quadrants Astrolabe) CIT JON MIN SER

Paris, Dargaud, 2009-2014. 4 vol. CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Le voyage de Phoenix

Très belle bande dessinée en noir et blanc qui relate l’histoire de destins croisés. La narratrice, Jennifer, a 45 ans et vit dans la banlieue de Minneapolis, aux Etats-Unis. Elle n’a jamais connu son père, un soldat envoyé en Corée du Sud et qui a fui en Corée du Nord suite à un évènement tragique. Pour tenter d’obtenir des informations sur son père, elle part travailler dans un orphelinat coréen. C’est ainsi qu’elle rencontra un couple d’Américains. Aron et Helen, venus chercher leur fils adoptif, Kim. Probablement parce que ce sera son premier dossier, elle gardera contact avec cette famille, apprenant plus tard le drame qui les frappera. Comme dans les trois tomes de Couleur de peau, récit intime autour de l’adoption, Jung retranscrit avec beaucoup de justesse les sentiments des différents personnages qui se croisent dans cet album sombre et poignant à la recherche de la lumière. PB

Blast

Le « blast », c’est ce court instant de perfection dont Polza, masse inouïe de 150 kilos, fait l’expérience. Il se manifeste par un craquement dans la tête, comme le son d’un os qui se brise, puis un trou semble s’ouvrir au-dessus du crâne. Immédiatement vient cette sensation de peser trois fois son poids mais suspendu et finalement léger, limpide… La quête du « blast » va mener Polza dans des recoins oubliés pour rencontrer de sombres personnages. Entre drogue et alcool, il est impliqué dans une affaire de meurtre. C’est lors de cet interrogatoire que cet instable personnage va dévoiler les détails de sa sinistre aventure. DDB


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NILSEN, ANDERS

Fin

Genève, Atrabile, 2015 CIT SER

OUBRERIE, CLÉMENT. SFAR, JOANN

Jeangot : Renard Manouche Paris, Gallimard, 2012 (Jeangot ; vol. 1) BUS CIT EVI JON PAQ SER STA

Cette bande dessinée a été réalisée dans l’année qui a suivi le décès de la fiancée de l’auteur, regroupant ses pensées, les derniers instants passés avec elle, mais surtout le nouveau défi à relever : comment réussir à vivre sans l’être aimé ? Après un prologue excessivement touchant, qui vaut à lui seul la lecture de cet album, plusieurs courts chapitres, dominés par des teintes bleues, décrivent les errances de cet homme qui doit affronter un nouveau quotidien. Les différents états d’âme et les sentiments qui l’assaillent et le font chavirer sont parfaitement décrits. En utilisant des techniques différentes - dessins minimalistes, variations de formes géométriques, pages de textes, insertions de photographies – Anders Nilsen propose un album fort sur une thématique difficile, peu abordée en bande dessinées. PB

Cette bande dessinée nous présente la vie de Django Reihnardt, célèbre guitariste dans l’histoire du jazz de l’Entre-deux-guerres. Né en Belgique mais manouche d’origine, ce que va composer et créer Reihnardt, deviendra par la suite le style musical appelé jazz manouche. Sfar représente en illustrations un renard et un hérisson inséparables. Par ces personnages animaliers, ce sont des éléments biographiques du musicien lui-même qui nous sont révélés, sa carrière, sa vie de gitan et ces galères. Son succès ne l’empêche pas de continuer sa vie de bohémien. Le ton de cette bande dessinée se veut drôle et ses personnages attachants. KK


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PARK, KYUNGEUN, SAFIEDDINE, JOSEPH

Yallah bye

Paris, Lombard, 2015 BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

PEDROSA, CYRIL

Les équinoxes

Marcinelle, Dupuis, 2015. (Aire libre) BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Une famille se retrouve coincée au Liban pendant l’intervention israélienne de 2006. Cette bande dessinée raconte le cauchemar de cette famille ainsi que la terrible attente du fils aîné resté en France. Le peuple libanais représenté par le père, le grand-père et leurs amis, toujours confiant, fier et digne malgré l’horreur, contraste avec le reste de la famille occidentale complètement perdue dans ce énième conflit secouant la région. Tiré d’une histoire vraie endurée par le scénariste Joseph Safieddine, celle-ci est magnifiquement mise en image par Kyungeun Park. Une très belle bande dessinée. RD

Cyril Pedrosa signe un album magnifique avec comme thème central la solitude. Découpé en quatre chapitres, les quatre saisons et plus précisément le moment de l’équinoxe, c’est une véritable fresque qui est proposée sur 330 pages. Plusieurs personnages d’âges divers, de tous milieux sociaux, mais également dans différentes époques et lieux, se croisent ou non, se connaissent parfois, mais ont, comme point commun, d’être confrontés à des situations délicates avec des êtres proches : rapports conflictuels entre générations, ruptures amoureuses, etc. Mais ces différentes personnes trouveront peut-être des réponses à leurs questions et un apaisement ? Dans ce magnifique album polyphonique, Cyril Pedrosa, au sommet de son art, propose une intensité et une sensibilité narrative exceptionnelle. Du tout grand art. PB


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PRINCE, LIZ

QUELLA-GUYOT, DIDIER

Bussy-Saint-Georges, Cà et là, 2014 CIT

Charnay-les-Mâcon, Bamboo, 2015 (Grand angle) CIT EVI

Garçon manqué

Depuis toute petite Liz déteste le rose, les robes, les poupées. Sa famille respecte ses goûts et sa personnalité, mais le monde extérieur se montre moins compréhensif envers ce « garçon manqué ». N’appartenant ni au monde des filles ni à celui des garçons, Liz est sans cesse jugée et devra apprendre à se construire et à se faire accepter telle qu’elle est, au-delà des clichés. Un roman graphique qui sonne juste et qui évoque la question de l’identité et de la perception de la féminité dans nos sociétés, avec humour et tendresse. CLR

Facteur pour femmes

En 1914 la guerre est déclarée et tous les hommes d’une petite île bretonne sont mobilisés. Tous, sauf Maël qui est né avec un pied bot. Le jeune homme est chargé de distribuer le courrier aux habitantes de l’île. Beaucoup se sentent seules et souffrent de l’absence de leur mari. Peu à peu Maël deviendra l’amant de la plupart d’entre elles. Le jeune homme prend confiance en lui et enhardi, modifie en sa faveur le contenu des lettres que les soldats envoient à leurs femmes : de personnage sympathique le facteur se mue en salaud. Quand la guerre s’achève et que les hommes rentrent sur l’île, Maël n’est pas prêt à leur laisser sa place… Un album original au dénouement surprenant, dont les couleurs lumineuses magnifient la Bretagne, ses paysages et la force de caractère de ses habitantes. CLR


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RENNER, BENJAMIN

Le grand méchant renard Paris, Delcourt, 2015. 183 p. Cote BD RENN : BUS CIT SER

TANIGUCHI, JIRO. KUSUMI, MASAYUKI

Le gourmet solitaire Paris, Casterman, 2005 (Sakka) CIT EVI MIN PAQ SER STA

Un renard peureux et un grand méchant loup vivent ensemble dans la forêt non loin d’une ferme qui enferme leur repas favori : les poules. A peine le loup s’en approche, le fermier dégaine son fusil et tire sans scrupules. Il envoie donc son ami le renard, plus discret mais terriblement maladroit, à sa place afin de capturer des poules. Le renard manque de crédibilité dans son rôle de « méchant » et n’arrive finalement qu’à voler trois œufs qu’il couve jusqu’à leur éclosion. A la naissance des poussins, il s’en occupe pour les faire grossir dans le but de les manger. Toutefois, une inévitable affection va naître et une merveilleuse histoire va commencer entre les poussins et leur « maman » renard… DDB

Après le premier volet du gourmet solitaire, voici une suite réussie, dans la même veine. Le lecteur n’a que peu d’informations sur le personnage principal, Goro Inokashira, si ce n’est qu’il travaille dans le commerce et qu’il est seul. Il déambule dans les rues de Tokyo, et même dans Paris pour l’une des nouvelles, dès qu’il a fini son travail, à la recherche d’une bonne table, ses choix se portant le plus souvent vers une cuisine familiale de qualité. Il scrute l’intérieur du restaurant, puis la carte, pour s’imprégner des lieux et enfin commande un plat, ajoute du riz et/ou des nouilles… pour ressortir à chaque fois en ayant trop mangé, mais heureux de ses découvertes culinaires. Le style de Taniguchi est toujours précis, presque intemporel, avec son dessin caractéristique. Le lecteur sent le gourmet qui prend plaisir à décrire un plat par nouvelle… parvenant à nous faire saliver. PB


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TIETAVAINENEN, VILLE

Les mains invisibles Bruxelles, Casterman, 2015. 217 p. CIT EVI

TOMINE, ADRIAN

Les intrus

Bègles, Cornélius, 2015 (Pierre ; 57) CIT JON MIN STA

Cette bande dessinée mérite les éloges et les prix qui ont suivi sa publication : un dessin magnifique pour illustrer une actualité brûlante. On va suivre le destin d’un Marocain qui décide de quitter son pays pour trouver du travail en Europe afin d’envoyer de l’argent proprement gagné à sa famille. Au Maroc, l’immigration clandestine porte le nom d’« harraga » qui contient l’idée de percée, de franchissement de frontières mais aussi de retour. Case après case, on va suivre ce pauvre artisan couturier qui peine à nourrir les siens. Son père, sa femme, ses amis approuvent son départ. Il survit à une épouvantable traversée en bateau pendant laquelle son meilleur ami se noie sous ses yeux. Arrivé en Espagne, on lui confisque ses papiers pour mieux l’exploiter dans une ferme agricole qui produit des fruits et des légumes. Leur salaire est si misérable qu’il ne lui reste rien à envoyer chez lui. Il tente de fuir à Barcelone où les conditions de survie sont encore pires. Comment s’en sortir quand on est né au mauvais endroit ? Telle est la question soulevée ici mais également dans la vraie vie. RL

Les personnages d’Adrian Tomine ont vieilli, comme lui, et ne sont plus des adolescents mais des adultes toujours englués dans une solitude difficile à vivre, que l’auteur retranscrit avec justesse. Et comme dans ces précédents albums, il excelle dans le format des histoires courtes, utilisant des styles différents, soit en couleur, soit en noir/blanc, avec des mises en pages variées. Le travail est précis et beau, digne héritier d’un Chris Ware, avec une patte minimaliste très « ligne claire » qui tend vers une forme d’épure. Ses histoires sont plutôt des tranches de vie que des nouvelles avec un début et une fin, qui mettent en scène des hommes et de femmes, harassés par leur quotidien, qui vivent dans des sociétés urbaines chargées de mélancolie dans lesquelles ils ne trouvent pas leur place. PB


Infos utiles


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adresses et contact Bibliothèque de la Cité (CIT) 5 place des Trois-Perdrix 1204 Genève 022 418 32 00

Bibliothèque des Eaux-Vives (EVI) 2 rue Sillem 1207 Genève 022 418 37 70 adultes 022 418 37 72 jeunes

Bibliothèque de la Jonction (JON) 22 bd Carl-Vogt 1205 Genève 022 418 97 10 adultes 022 418 97 12 jeunes

Bibliothèque des Minoteries (MIN) 5 Parc des Minoteries 1205 Genève 022 418 37 40

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Bibliothèque des Pâquis (PAQ) 17 rue du Môle 1201 Genève 022 418 37 50 adultes 022 418 37 52 jeunes

Bibliothèque de Saint-Jean (STA) 19 avenue des Tilleuls (entrée par la rue Miléant) 1203 Genève 022 418 92 01 adultes 022 418 92 02 jeunes

Bibliothèque de la Servette (SER) 9 rue Veyrassat 1202 Genève 022 418 37 80 adultes 022 418 37 82 jeunes

Service du Bibliobus (BUS) 34 points de stationnement dans tout le canton, renseignements auprès de votre commune ou au 022 418 92 70 www.bm-geneve.ch


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légendes Ces résumés vous sont proposés par Capucine Mulette • Caroline Langendorf Richard • Deborah Di Benedetto • Dominique Monnot • Françoise Aellen • Françoise Bonvin • Françoise Delapierre • Géraldine Veyrat • Jessica Schenk • Kosovare Kelmendi • Michel Hardegger • Philippe Bonvin • Raphaël Desjacques • Roane Leschot • Tony Larsen

Disponibilité des Documents  : Existe en gros caractères  : Existe en livre lu en français  : Existe en livre lu en anglais Tous les documents présentés ici se trouvent en un ou plusieurs exemplaires dans les bibliothèques municipales. Vous trouverez leur disponibilité dans votre bibliothèque ou en consultant notre site internet : http://collectionsbmu.ville-ge.ch/


les coups de cœur des bibliothécaires

nº 40 automne / hiver 2016 / 17

Voltaire

envie de lire

“ Il en est des livres comme du feu dans le foyer. On va le prendre chez le voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. ”

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