Envie de lire 37 - été automne 2014

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envie de lire les coups de coeur des bibliothécaires

nº 37 été automne 2014


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envie de lire − Vous tenez entre les mains un recueil éclectique de propositions de lectures concocté par vos dévoués bibliothécaires. Vous y trouverez aussi bien des nouveautés que des classiques, des essais que des bandes dessinées ou des romans, sans oublier la science-fiction ou les polars, bref, tout ce qui fait la diversité des collections que les bibliothèques municipales mettent à votre disposition. Nous, bibliothécaires passionnés de lecture, partageons avec vous nos coups de coeur dans ces textes que nous vous laissons découvrir et dont nous espérons qu’ils vous donneront...


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ALARD, NELLY

Moment d’un couple

Paris, Gallimard, 2013 (Blanche). 375 p. Cote R ALAR : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

AUDUR AVA OLAFSDOTTIR

L’embellie

Paris, Zulma, 2012. 394 p. Cote R AUDU : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA : CIT MIN


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Juliette et Olivier, jeunes quadragénaires, deux enfants : un garçon et une fille, bonne situation, elle est cheffe de projets informatiques, il est journaliste. En un mot, des vrais bobos. Un jour que Juliette est avec une amie et leurs enfants, Olivier l’appelle : il ne pourra pas aller avec elle au cinéma ce soir, il a une liaison depuis trois semaines et sa maîtresse fait une crise. Juliette est assommée, puis accuse le coup. Olivier ne veut pas renoncer à elle, ni à sa famille. Mais V. ne l’entend pas de cette oreille, elle c’est à Olivier qu’elle ne veut et ne peut pas renoncer. Elle s’accroche, appelle, s’incruste, envoie des dizaines de messages par jour. Il n’y a pas de choix, c’est de plus en plus uni que le couple fait front, même si parfois on doute du discours ambigu d’Olivier et qu’on souffre avec Juliette des révélations que malgré elle, elle est obligée d’entendre sur l’histoire de son mari avec cette hystérique. Cette banale histoire d’adultère vire au thriller psychologique mené de main de maître par une auteure qui analyse finement ses personnages. DM En ce mois de novembre, rien ne va plus pour la narratrice, traductrice free-lance. Son mari est en train de la quitter pour une autre et son amant vient de la larguer. Et malgré une fibre maternelle inexistante, elle a accepté de s’occuper du petit garçon de sa meilleure amie. Consolation : elle vient de gagner deux fois à la loterie. Alors peut-être un voyage serait-il la solution pour oublier ses déboires. Faire le tour de l’Islande en novembre ne pourra être que bénéfique pour oublier ses chagrins et puis, avoir la charge de Tumi, un enfant sourd-muet, bigleux et asocial est un défi en lui-même. Des rencontres cocasses, des maladresses avec cet enfant si bizarre, une météo exécrable rythment ce voyage débridé où tout peut arriver. Retrouver l’amour, grandir, se comporter comme une adulte, profiter du temps qui passe et des paysages somptueux par exemple ? Tout peut arriver. Par l’auteure de Rosa Candida, un autre roman attachant, au ton décalé et incroyablement savoureux. MCM


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BESSON, PHILIPPE

La maison atlantique

Paris, Julliard, 2014. 217 p. Cote R BESS : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Ce nouveau roman de Philippe Besson est un huis-clos étouffant. Un père, qui n’a plus beaucoup de contact avec son fils depuis son divorce avec sa mère, décide de l’inviter à passer ses vacances d’été avec lui… dans la résidence secondaire familiale qui a été le lieu d’un drame, puisque sa mère a été retrouvée morte, quelques années auparavant. Autant dire que le fils n’est pas très content de cette situation. Il aurait préféré partir avec ses amis plutôt que de se retrouver enfermé dans cette maison, dans des souvenirs qui le blessent. En plus il ne supporte plus son père, un homme à femmes, qu’il considère comme responsable de la mort de sa mère et qui il voue une haine tenace. Lorsqu’un couple s’installe dans la maison voisine, Raphaël et Cécile, lui 30 ans et architecte, elle 29 ans et professeur de lettres, tout va basculer. Avec ce récit puissant et percutant, qui avance en détruisant tout sur son passage, Philippe Besson signe, une fois encore, un très beau roman. PB




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BEWES, DICCON

Le Suissologue : un regard anglais sur la Suisse

Lausanne, Helvetiq, 2013. 320 p. Cote 949.4 BEW : BUS CIT EVI MIN PAQ SER STA

« La Suisse n’est pas une nation au sens stéréotypé du terme. La Suisse est peut-être le meilleur exemple d’autodétermination nationale ». Voici un livre drôle et réconfortant sur les us et coutumes de notre pays. L’auteur passe en revue les mythes de Guillaume Tell, Heidi, Dunant, le chocolat, les banques, le fromage et donne quelques astuces aux étrangers pour ne pas faire de gaffe et bien s’intégrer : saluer tous les invités à un apéro en arrivant et en repartant, esquiver les queues sans agressivité, arriver à l’heure lorsque quelqu’un vous donne rendez-vous à halb sieben. Cet Anglais décalé habite Berne. Une de ses astuces me laisse perplexe... Amis lecteurs de Suisse romande, à vous de voir et de compter : selon Diccon Bewes, un Suisse sur dix porte des chaussures rouges. Why ? Il énonce cinq explications, peut-être pourrez-vous lui en fournir une sixième ? FA


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BOBIN, CHRISTIAN

La grande vie

Paris, Gallimard, 2014 (Blanche). 121 p. Cote 848 BOB : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Les livres de Christian Bobin semblent devenir de plus en plus fins, mais de plus en plus denses. La grande vie est un hymne à la poésie, à quelques poètes bien évidemment, mais principalement au monde qui nous entoure et que nous ne prenons, parfois, même plus le temps de regarder. Pour s’alléger d’une vie brutale, de souffrances, de perte, la poésie est, pour l’auteur, une alternative et même la seule possible. Il fait l’éloge de la nature (des flocons de neige, une branche de lilas, un rayon de soleil, etc.) mais aussi de la lenteur, de l’éphémère, de l’ici et maintenant. Il est aussi question de Bach, de Marceline Desbordes-Valmore, de Hölderling, de Kierkegaard, de Ronsard, de Soulages… Un petit livre à lire et à relire, à méditer, qui laisse une trace indélébile chez le lecteur. « La poésie c’est la grande vie ». PB


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BOYLE, THOMAS CORAGHESSAN

América

Paris, LGF, 2007 (Le livre de poche ; 14659). 447 p. Cote R BOYL : CIT EVI JON MIN PAQ STA Titre original anglais : The tortilla curtain Cote R2 BOYL : CIT

Sud de la Californie. Près d’une réserve naturelle montagneuse se dressent les résidences d’Arroyo Blanco, petite ville prisée par quelques privilégiés désirant s’éloigner du tumulte de la ville. Delaney, écrivain pacifiste et amoureux de la nature, y vit avec sa famille. Sa vie va basculer lorsqu’un jour, en voiture, il renverse et blesse gravement un homme. Un Mexicain, Candido, qui, comme beaucoup d’autres, vit clandestinement dans la réserve avec sa femme depuis leur récent passage de la frontière. Le couple survit dans des conditions dramatiques, inhumaines. Delaney, ignorant tout de ces drames pourtant si proches, se bat aussi avec ses problèmes : sa famille, la mort de ses chiens, et surtout les débats de sa communauté quant à l’édification d’un mur autour des habitations afin d’empêcher ces « Mexicains indésirables » de causer du tort. D’abord ouvert d’esprit et défavorable à cet isolement, Delaney va peu à peu changer. Irrité pour les dégradations commises dans sa précieuse réserve, il va lentement glisser vers l’intolérance et la peur de l’autre. Un livre touchant, analysant avec brio la difficulté de cohabitation et de compréhension pouvant exister entre les communautés. Un témoignage poignant sur les conditions de vie des hommes et des femmes ayant réussi à passer la frontière, mais loin d’être saufs. LF


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BRYSON, BILL

Une histoire de tout, ou presque… Paris, Payot, 2007. 648 p. Cote 509 BRY : CIT SER

BUCK, PEARL

Vent d’est, vent d’ouest

Paris, LGF, 2001 (Livre de poche ; 912). 156 p. Cote R BUCK : JON MIN : JON


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Bill Bryson est un conteur hors pair. De plus, c'est un incorrigible curieux à l'affût des anecdotes et des faits divers. Parfait, l'histoire des découvertes en regorge. Hasards, falsifications, réfutations, jalousies, excentricités, tâtonnements, gloire et oubli, la connaissance descend rarement le long d'un fleuve tranquille pour s'échouer dans les filets des scientifiques. Et il en a fallu de la persévérance pour découvrir l'âge de l'univers, du soleil ou des dinosaures, la taille des atomes ou celle de la terre, l'origine des espèces ou l'utilité de l'ADN. LE livre à ouvrir pour (re)découvrir notre monde, et ceux qui nous l'ont révélé. Instructif et hilarant. MH

En Chine dans les années 20, Kwei-Lan jeune fille de bonne famille, est mariée à un homme qu’elle ne connait pas. Toute sa vie, elle a été préparée pour ce moment. On lui a enseigné comment être une bonne épouse respectueuse des traditions. Le jour de son mariage, elle découvre donc son futur époux, un homme qui a étudié la médecine en Occident. Un homme qui ne respecte plus les rites et coutumes ancestraux et qui veut faire d’elle son égale. Kwei-Lan est perdue face à cet homme qui rejette tout ce qui lui a été enseigné dans son enfance. Un magnifique livre écrit dans les années 30, qui nous narre le conflit qui oppose tradition et modernité. AM


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CABRE, JAUME

Confiteor

Arles, Actes Sud, 2013 (Lettres hispaniques). 779 p. Cote R CABR : BUS CIT EVI

CALVINO, ITALO

Si par une nuit d’hiver un voyageur Paris, Seuil, 1981. 276 p. Cote R CALV : EVI PAQ STA


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« Je ferai un effort pour ne pas trop inventer », nous dit Adrià au début de ses mémoires adressées à Julia, l’amour de sa vie. Souffrant de la maladie d’Alzheimer, il est pressé de se confesser. Il grandit dans les années cinquante à Barcelone dans un bel appartement attenant à un magasin d’antiquités tenu par son père. Ce dernier rêve que son fils devienne un humaniste polyglotte. Sa mère l’imagine violoniste virtuose. Surdoué, Adrià répondra aux ambitions de ses parents tout en regrettant de ne pas être simplement un enfant qu’on chérit. Après de brillantes études, il devient professeur d’histoire des idées. Cabré profite de la maladie du narrateur pour oser des divagations, des glissements d’une époque à l’autre. Il se souvient d’un ancien manuscrit appartenant à son père et, sans prévenir, sans aucun saut de ligne, le lecteur est transporté dans un monastère espagnol pendant l’Inquisition ; d’un violon d’exception de 1764 fabriqué à Crémone, on saute en 1940 à Auschwitz. Ce roman se déguste comme une rareté dont on se délecte. Heureusement, le livre fait presque 800 pages. RL « Tu vas commencer le nouveau roman d’Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur. Détends-toi. Concentre-toi. Écarte de toi toute pensée ». C’est ainsi que commence cet étrange roman que je définirais plus d’expérience littéraire. Nous, Lecteurs, sommes tutoyés et apostrophés continuellement par l’auteur qui nous demande de participer à sa réflexion sur la lecture, l’écriture, l’édition, les libraires, la censure, etc. Entre chacun de ces sujets, il ébauche des histoires qu’il ne termine pas ; après une trentaine de pages, le lecteur (personnage du roman mais nous par la même occasion) se trouve face à un livre mal relié, dans lequel il manque des pages, ou alors qui sont identiques ou blanches. La première fois, le lecteur frustré va réclamer dans sa librairie où il rencontre une lectrice qui a le même problème. Commence alors un roman d’amour entre les romans inachevés et les considérations sur la littérature. Nous sommes face à un roman déroutant, qui ne se résume pas, qui n’a pas de fin et qui se lit, tout simplement, avec le sourire. RL


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Le club des gourmets et autres cuisines japonaises Paris, POL, 2013. 208 p. Cote R CLUB : CIT EVI

COMENCINI, CRISTINA

Quand la nuit

Paris, Grasset, 2011. 296 p. Cote R COME : BUS CIT MIN SER Titre original Italien : Quando la notte Cote R5 COME : CIT EVI JON MIN PAQ SER STA


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« Qu’est ce que ça bouffe alors, dans les romans japonais ! » S’exclame dans l’avant-propos Ryoko Sekiguchi, traductrice et anthologue de ce recueil de nouvelles. Et elle a bien raison : du 12ème au 20ème siècle, dates limites des textes présentés dans ce livre, on retrouve des romans, poèmes et autres haïkus dédiés aux plaisirs de la chair. Saké, sushis, champignons vénéneux, kakis se succèdent au fil de ces extraits issus d’un vaste éventail d’auteurs japonais plus ou moins connus et aux styles variés. Au fil des textes on découvrira l’histoire de ce petit garçon délaissé, reprenant goût à la vie grâce à la chair blanche et fine des poissons ornant les sushis préparés par sa mère. On s’étonnera des nombreuses « curiosités au tofu », véritable succès lors de leur publication au 18ème siècle, et on se demandera quel goût peut bien avoir le « tofu apprivoisé » ou le « tofu sauce deux huitièmes au fil du pinceau ». Enfin, on entrera avec délice dans l’atmosphère surréaliste du « Club des gourmets », où l’art de la table relève de la magie et de la quête de l’extase. Un véritable voyage dans le temps et au pays du soleil levant. LF Marina, jeune mère dépassée, vient passer des vacances seule dans les Dolomites avec son fils de 2 ans, Marco. Elle loue un appartement à Manfred, un ours solitaire qui a dû, petit, se remettre de la fuite de sa mère avec un Américain puis de la séparation d’avec sa propre femme et ses deux enfants. Autant dire qu’il n’est pas l’ami du genre humain ! Il aurait même plutôt tendance à fuir tout ce qui ressemble à un bipède, sauf s’il s’agit de le guider en montagne. Il porte sur Marina un regard très critique, hautain et, évidemment, misogyne. Celle-ci le trouve rustre et péquenaud. Bref, ces deux-là n’ont rien en commun. A part leur solitude, peut-être ? Un beau roman à deux voix qui nous fait entrer tour à tour dans les pensées de chacun des deux protagonistes qui se cherchent et se repoussent à la fois, créant une atmosphère intime et trouble. DM


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COUPLAND, DOUGLAS

Génération A

Vauvert, Au diable Vauvert, 2013. 359 p. Cote R COUP : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Les humains n’ont plus que de la nourriture synthétique car il n’y a plus d’abeilles, donc plus de pollinisation. Et voilà que cinq personnes de tous les coins du monde se font piquer au même moment par une abeille. Commence alors une étrange expérience pour elles. Elles sont amenées de force dans un laboratoire qui fabrique une drogue annihilant tout besoin de contact, et là, on leur demande, devinez quoi, de raconter des histoires… La plume du Canadien Coupland est drôle et caustique et vous aurez beaucoup de plaisir à faire la connaissance de Zack, Harj, Samantha et les autres… FA




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DECOIN, DIDIER

La pendue de Londres

Paris, Grasset, 2013. 333 p. Cote R DECO : BUS CIT EVI JON MIN SER

Inspirée de faits réels, cette histoire met en parallèle Albert Pierrepoint, qui fut le roi des bourreaux après la Deuxième guerre mondiale, et Ruth Ellis, la dernière femme condamnée à mort en Grande-Bretagne. Entre l’as de la corde, qui se préoccupa toujours de ce que ses victimes souffrent le moins possible, et la jolie Ruth qui a toujours eu l’art de mal choisir ses amants, la confrontation finale et fatale va bientôt avoir lieu… Car, à force de se faire battre et tromper, Ruth n’en peut plus et tue son amoureux. Au-delà de la problématique de la peine de mort, ce roman est aussi la peinture d’une certaine époque, celle d’une Europe noyée dans l’alcool, où la place de la femme était tout sauf enviable. DM


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DELERM, PHILIPPE

Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables

Paris, Gallimard, 2005 (L'arpenteur). 105 p. Cote R DELE : BUS CIT JON MIN SER STA : CIT EVI SER STA

DELMAIRE, JULIEN

Georgia : premier roman

Paris, Grasset, 2013 (Littérature Française). 247 p. Cote R DELM : CIT


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La purée, la barbe à papa, un bon verre de vin chaud, une tablette de chocolat Milka achetée à la boulangerie, les petits westerns que l’on lit, enfant, en attendant que le coiffeur s’occupe de nous… tant de noms et de concepts qui résonnent en nous comme les échos de souvenirs plaisants, évoquant les délices de l’enfance. Dans les courtes nouvelles qui forment Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables, Philippe Delerm aime à se remémorer ces petits riens qui font un tout, ces instants gourmands qui, parfois, se mêlent à des élans spirituels. La lecture de ces courts chapitres fait ressurgir des ambiances passées, et le lecteur se plaira à se souvenir de moments agréables liés à ces petites choses pourtant si importantes. Lorsque le plaisir de lire rejoint celui de manger… LF

Georgia est un premier roman coup de poing et un gros coup de cœur. Le livre s’ouvre sur le décès de Venance, jeune Sénégalais, dans un centre de détention de la région parisienne, antichambre avant le retour au pays par charter. Son corps voyagera en soute. Le lecteur découvre la vie de ce jeune immigré sans-papier, dont toutes les tentatives de régularisation ont échoué, qui fait la plonge dans un restaurant et vit dans un appartement minuscule. Une nuit, il rencontre Georgia. Une jeune femme à la beauté ambiguë, toxicomane, prête à tout pour une dose, qu’il hébergera durant plusieurs nuits, se laissant bercer par ses récits réels ou imaginaires. Ces deux êtres en marge, à la dérive, se frôlent, se touchent, s’offrent une parenthèse leur permettant d’entrevoir un futur. Mais cet amour est-il à sens unique ? Avec comme fond sonore les musiques crépusculaires de Joy Division, mais aussi Ray Charles ou Billie Holiday, ce roman est un cri d’amour construit dans un style particulier : de courts chapitres et sous-chapitres percutants. Un texte à lire à haute voix. PB


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DEWITT, PATRICK

Les frères Sisters

Arles, Actes sud, 2012 (Lettres anglo-américaines). 354 p. Cote R DEWI : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA Titre original anglais : The Sisters brothers Cote R2 DEWI : CIT EVI JON MIN PAQ STA

DIAZ, JUNOT

Guide du loser amoureux Paris, Plon, 2013 (Feux croisés). 197 p. Cote R DIAZ : BUS CIT EVI JON PAQ

Titre original anglais : This is how you lose her Cote R2 DIAZ : BUS


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Oregon, 1851. Les frères Sisters, Eli et Charlie, sont deux tueurs à la solde du « Commodore ». Celui-ci les a chargés de se rendre en Californie pour mettre fin aux jours d’un chercheur d’or, un certain Hermann Kermit Warm. Sur leur chemin, précédés par leur réputation, les frères Sisters rencontrent moult personnages, prennent de monumentales cuites, jouent de la gâchette et laissent derrière eux un nombre incalculable de cadavres. Si Eli, le narrateur, a le cœur tendre et répugne parfois à exécuter tel qui a osé leur répondre mal ou tel autre dont on convoite le cheval, Charlie, en revanche, ne fait pas dans les sentiments. Après de multiples péripéties, les voici arrivés auprès de Warm, mais rien ne se passe comme prévu. Ce western teinté d’humour noir est tout simplement un régal à lire. DM

Depuis ses débuts littéraires avec Comment sortir une latina, une black, une blonde ou une métisse, Junot Diaz s’est inventé un alter ego, Yunior, que nous retrouvons dans chacun de ses livres. Toujours la même obsession chez Junot-Yunior : la femme. Ici, chacun des chapitres porte le nom de l’une de ses conquêtes, Magda, Alma, Lora, et décrit comment le sucio (l’enfoiré, si on veut), malgré toutes ses belles promesses, ment et trompe à tour de bras. Dans ce New Jersey qui l’a vu grandir (Junot Diaz, né en 1968, a émigré aux Etats-Unis à l’âge de 6 ans), il y a les Dominicaines, les Cubaines, les Portoricaines, les blanquitas… avec chacune ses spécificités. Mais, il faut bien le dire, aucune n’est enchantée de partager son fiancé. Ce guide est écrit dans une langue fourmillant de spanglish, foisonnante, truculente et tout à fait unique dans le monde littéraire. Ce texte bourré d’humour et de néologismes à lire de toute urgence. DM


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ERDRICH, LOUISE

Dans le silence du vent

Paris, Albin Michel, 2013 (Terres d’Amérique). 461 p. Cote R ERDR : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA Titre original anglais : The round house Cote R2 ERDR : BUS CIT EVI JON MIN PAQ

FORD, RICHARD

Canada

Paris, Olivier, 2013. 477 p. Cote R FORD : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA Titre original anglais : Canada Cote R2 FORD : CIT


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Depuis que sa mère a été violée et se mure dans le silence, Joe, 13 ans, cherche le violeur avec son père et ses potes. Une femme Indienne aurait-elle moins de droits qu’une autre Américaine ? Sa mère a-t-elle surpris un secret dangereux ? Père et fils tentent de maintenir à tout prix un semblant de vie familiale. Avec beaucoup de délicatesse, Louise Erdrich raconte le cheminement du père qui croit en la justice, et du fils qui n’y croit plus, depuis que son enfance a volé en éclats. Ce magnifique roman a reçu le National Book Award aux États-Unis. FA

Great Falls, USA. 1962. Après l'arrestation de leurs parents, les jumeaux Berner et Dell, 15 ans, sont promis à l'assistance publique. Pour y échapper, Berner fugue, alors que son frère est confié « aux bons soins » d'une connaissance, Arthur Remlinger, au Canada. L'adolescent doit survivre dans un milieu très rude, entouré de personnages troubles et menaçants. Dell réussira-t-il, après cette épreuve de solitude, à inventer sa vie ? Richard Ford décrit magnifiquement bien le monde en ruine perdu dans les étendues sans fin du Saskatchewan qui sert de lieu de vie à l'adolescent. Proche d'un roman noir, ce récit très sensible parle avant tout de la quête du bonheur et de la destinée humaine. De quoi méditer… FB


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FRAIN, IRÈNE

Les naufragés de l’île de Tromelin

Neuilly-sur-Seine, Lafon, 2009. 371p. Cote R FRAI : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

En 1761, un bateau qui transporte une cargaison clandestine d’esclaves fait naufrage dans l’océan Indien. Le capitaine Lafargue, pressé par le temps et l’argent, s’est obstiné à suivre une carte sans écouter l’avis de ses lieutenants. Les survivants échouent sur un îlot hostile, sans arbre, ni source. Il n’y a que des tortues et des oiseaux. Castellan prend le pouvoir en faisant creuser un puits. Même sur l’île, la ségrégation continue, les Blancs d’un côté, les Noirs de l’autre. Ces derniers acceptent d’aider à construire un bateau avec ce qui a pu être récupéré de l’« Utile », en sachant très bien qu’il n’y aura pas de place pour eux. Les Blancs s’en vont, les esclaves restent. Castellan essaie désespérément d’armer un bâtiment pour aller les chercher. Chaque fois, sa demande est rejetée. Les Noirs vont rester quinze ans sur l’île. Lorsqu’enfin, on les découvre, il n’y a plus que sept femmes et un bébé. Cette histoire a scandalisé Condorcet et a conduit à la prise de conscience de l’indignité de l’esclavage. L’îlot, toujours aussi hostile, abrite aujourd’hui une station météo. Sous le patronage de l’Unesco, Max Guérout a mené en 2006 et 2008 plusieurs campagnes de fouilles. Irène Frain a écrit ce roman en s’appuyant sur ses recherches, ainsi que sur les témoignages de l’écrivain de bord et du chirurgien de l’« Utile ». FA


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FRAYN, MICHAEL

Bienvenue à Skios

Paris, Losfeld, 2013 (Littérature étrangère). 327 p. Cote R FRAY : BUS CIT EVI STA

L’île paradisiaque de Skios, en Grèce, accueillie chaque année l’élite de la recherche dans le cadre d’un cycle de conférences organisé par la fondation Toppler, présidée par une riche Américaine. C’est dans ce décor que les rôles du professeur Norman Wilfried, un quinquagénaire célibataire et bedonnant, et d’Oliver Fox, un jeune coureur de jupons, vont s’intervertir après un malheureux échange de valises à l’aéroport. Nikki, l’ambitieuse secrétaire bombasse de la fondation, accueille avec enthousiasme le jeune homme. Certes, il ne ressemble pas à sa photo mais qu’importe, une fois qu’il a compris ce qu’on attendait de lui, il joue à perfection son rôle de sommité intellectuelle, bénéficiant de la cécité générale que lui confère sa beauté. Quant à ce pauvre Norman, le voici dans une maison éloignée de tout, luxueuse et flanquée d’une piscine, certes, mais accusée de harcèlement par une jeune femme écervelée qui n’est autre que la conquête éphémère d’Oliver. Voici une comédie anglaise déjantée et loufoque qui n’épargne ni ses personnages ni le lecteur. Delicious ! DM


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GALVIN, JAMES

Clôturer le ciel

Paris, Albin Michel, 2004. 287 p. Cote R GALV : CIT EVI JON PAQ STA

La puissance semble être le dénominateur commun aux romans de l’Américain James Galvin. Une écriture puissante pour décrire la force des sentiments, la force de la nature. Mais sans la sensibilité et l’humanité d’un écrivain, nous ne pourrions saisir toute la complexité de nos existences. Celle de Mike Arans, un rancher qui vient d’abattre son voisin, une teigne coupable d’avoir partagé ses terres pour en faire des résidences secondaires. Après avoir signé son crime, Arans s’enfuit vers les hauts plateaux pour une chevauchée ultime, poursuivi par un chasseur de primes indien. La nature paraît alors comme un écrin protecteur pour Mike, un écrin sauvage mais plein de menaces aussi. La prairie est immense, lumineuse et intemporelle. Survivre n’a plus d’importance, seul vivre est impératif, face à ces paysages inouïs, divins. James Galvin, lui-même rancher, poète et romancier, devient notre ami, en tout cas, il nous fait cadeau de la plus belle des histoires, celle d’un homme, puissant, sensible, terriblement humain, Il est également l’auteur du merveilleux Prairie, livre-culte aux États-Unis. MCM



Source : www.flickr.com/photos/freeparking/


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GARY, ROMAIN

La promesse de l'aube Paris, Gallimard, 2006 (Blanche). 390 p. Cote R GARY : CIT JON MIN SER

Romain Gary raconte dans ce roman largement autobiographique sa jeunesse, fortement marquée par l'empreinte de sa mère. Et pour cause : celle-ci ne vit que pour et par son fils qu'elle promet à une gloire certaine : afin de débusquer la voie dans laquelle pousser son rejeton, elle l'initie à la musique, au théâtre, à la peinture… tout en sachant que, bien entendu, il serait ambassadeur un jour. Véritable ode à l'amour maternel, quelque peu étouffant il est vrai, ce texte peut se lire aussi comme un roman d'aventure nous faisant voyager de la Pologne à la France et même plus loin lorsque le jeune Gary s'engage dans l'armée de l'air. Un classique à lire ou à relire… AM


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GARY, ROMAIN

La vie devant soi

Paris, Gallimard, 2012 (Folio ; 1362). 273 p. Cote R GARY : CIT EVI JON MIN PAQ SER STA : CIT PAQ

GRÉMILLON, HÉLÈNE

La garçonnière

Paris, Flammarion, 2013. 537p. Cote R GREM : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA


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La vie devant soi c’est l’histoire de Momo. Il vit avec Madame Rosa et d’autres enfants qui, tout comme lui ne connaissent pas leurs parents. Il aime de tout son cœur cette vieille dame qui est la seule mère qu’il ait connu, et assiste impuissant à son déclin. A travers ses yeux d’enfant, il nous livre sa vision du monde qui l’entoure. Ce livre est une belle histoire d’amour entre un petit garçon et une vieille dame devenue grosse et laide comme il le dit. On le lit le sourire aux lèvres, page après page. Romain Gary sous le pseudonyme d’Emile Ajar reçu le Goncourt en 1975 pour ce livre. AM

Argentine, août 1987. Dans un pays encore marqué par la dictature, Vittorio Puig, psychiatre, revient du cinéma et remonte les nonante-quatre marches qui le ramènent chez lui. Quelques secondes plus tard, sa femme Lissandra est retrouvée morte sur le trottoir, un filet de sang au coin des lèvres. Très vite sur les lieux, la police découvre des traces de lutte dans l'appartement et suspecte le docteur qui s'enlise dans ses réponses hâtives et imprécises. Aidé par une patiente convaincue de son innocence, il va rechercher qui aurait pu s'en prendre à son épouse. Au fil des indices apparaîtra le portait de la femme qu'il croyait connaître, complexe, sensible et brutal. MH


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GUYOTAT, PIERRE

Coma

Paris, Mercure de France, 2006 (Traits et portraits). 228 p. Cote 848.03 GUY : CIT

HALLGRIMUR HELGASON

La femme à 1000°C

Paris, Presses de la Cité, 2013. 632 p. Cote R HALL : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA


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Coma est une œuvre singulière, intime et touchante. Dans ce texte autobiographique, Pierre Guyotat décrit la détresse et la souffrance dans laquelle il a été plongé, à la fin des années 70 et au début des années 80, aux alentours de ses 40 ans, et qui a bien failli l’emporter. Vivant alors dans un camping-car, il est confronté à une dépression. Il sera hospitalisé durant l’hiver 1981-1982, après être tombé dans le coma, ne pesant plus que la moitié de son poids idéal. Malgré cette crise et cet effondrement, cette errance est aussi artistique : il ne cessera de se questionner sur la création littéraire, sur le livre en cours, Tombeau pour cinq cent mille soldats. Dans cet autoportrait d’artiste touchant, qui se lit d’une traite, Pierre Guyotat décrit sa douleur, mais aussi le bonheur d’être au monde. PB

A personnage exceptionnel, roman exceptionnel. Herra, maintenant, est vieille et souffre d’un cancer. Couchée dans un lit médical dans un garage sordide, elle se souvient de sa vie, des épisodes où elle fut riche ou misérable, heureuse ou malheureuse, abandonnée ou aimée. Née d’une mère paysanne et d’un père issu d’une famille de politiciens, Herra l’Islandaise a vécu d’innombrables épisodes douloureux ou plus heureux. Adolescente perdue en Pologne pendant la seconde guerre mondiale, exilée en Argentine avec son père nazi ou rentrée en Islande, de nombreux personnages ont croisé son destin. Une histoire terrifique et belle, à l’image de la couverture, repoussante et attirante à la fois. Du grand art. MCM


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HARBACH, CHAD

L’art du jeu

Paris, Lattès, 2012. 664 p. Cote R HARB : BUS CIT EVI PAQ STA Titre original anglais : The art of fielding Cote R2 HARB : BUS CIT EVI JON PAQ

HEIJMANS, TOINE

En mer

Paris, Bourgois, 2013. 155 p. Cote R HEIJ : BUS CIT EVI JON


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Il n’a l’air de rien, ce petit Henry Skrimshander, avec son petit corps malingre, mais sur un terrain de base-ball, attention les yeux ! Jamais il ne rate un lancer, et c’est d’ailleurs grâce à son talent qu’il a pu intégrer l’université de Westish dans le Wisconsin, contribuant au succès fulgurant de l’équipe des Harponneurs qui, de victoire en victoire, battra jusqu’aux meilleurs. Mais un jour, Henry rate un lancer facile et toute la machine s’enraie, il perd toute confiance et, conséquemment, son toucher miraculeux. Au-delà de cet événement, on suit les trajectoires de Guert Affenlight, directeur de l’université qui va tomber, à 60 ans, fou amoureux de l’un de ses étudiants. De sa fille Pella, de retour après un mariage catastrophique. D’Owen Dunne, l’intellectuel qui se lance dans une nouvelle relation dangereuse, ainsi que de Mike Schwartz, le capitaine de l’équipe. Chacun devra affronter son destin. Un roman passionnant aux personnages attachants qu’on dévore – même si on ne connait rien au base-ball ! DM

Quelque peu mis sur la touche au bureau, Donald décide de s’octroyer un congé de trois mois pour naviguer du Danemark aux Pays-Bas. Par cette expérience il compte se revaloriser en se prouvant qu’il est capable de se confronter aux éléments. Et à sa femme Hagar également. D’ailleurs, il est prévu qu’il embarque Maria, leur fille de 7 ans, pour passer les trois derniers jours ensemble. Il se réjouit de ce tête à tête, de leur solidarité face à la mer et de l’admiration que ses gestes protecteurs pourront susciter chez sa fille. Maria est avec lui, la mer, de calme, devient tempétueuse. Donald gère comme il peut, sans sommeil. Jusqu’à ce qu’il descende dans la cabine où dort Maria : elle n’y est plus, et ne se trouve nulle part dans le bateau… Le cauchemar commence. DM


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HENDERSON, ELEANOR

Alphabet city

Paris, Sonatine, 2013. 485 p. Cote R HEND : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

HOLLINGHURST, ALAN

L’enfant de l’étranger

Paris, Albin Michel, 2013 (Les grandes traductions). 723 p. Cote R HOLL : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER Titre original anglais : The stranger’s child Cote R2 HOLL : BUS CIT EVI MIN


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Jude a été adopté et élevé par un couple d’anciens hippies. Après la mort par overdose de son meilleur copain, il débarque à New York où il retrouve son père, dealer de hasch dans un quartier pouilleux et dangereux. Toute une faune de paumés, pseudo-artistes et d’enfants perdus se côtoient et s’affrontent. En ces années quatre-vingt, une mouvance punk puritaine veut y faire la loi : le Straight Edge. Leurs idéaux et leurs excès sont portés lors de concerts violents par une musique dure, sans concession. Jude traîne sa tristesse et son mal-être dans Alphabet City. Mais il se rendra compte que peut-être une autre vie est possible, qu’une autre vie s’écoule, ailleurs. Plus gaie, plus riche et plus féconde, hors de ce quartier maudit. Un premier roman époustouflant. MCM

1913, George invite son ami Cecil à passer le week-end dans leur maison de campagne. Ils étudient à Cambridge et ont 23 ans. Très vite ils découvrent que leur amitié est teintée de désir sexuel. A cette époque, on ne le dit pas et on ne se l’avoue même pas toujours. Cecil est un poète et un charmeur. La jeune sœur de George, Daphné, est également séduite et se laisse embrasser. Dans le chapitre suivant, le lecteur est projeté dans les années 1920 à l’occasion d’un hommage rendu au poète Cecil, mort à la Guerre. On veut écrire sur lui mais tout n’est pas bon à dire, alors George, Daphné, leur mère, la mère de Cecil, tout le monde se tait. Puis on est en 1967 et on va retrouver Daphné qui fête ses 70 ans avec ses enfants de 3 maris différents. On suivra aussi le début d’une idylle entre Peter et Paul, le futur vrai biographe de Cecil. Cette saga se terminera en 2008, en passant par 1980, ce qui nous permettra de compléter le puzzle familial. Ce superbe roman nous invite à mieux comprendre les difficultés, les souffrances et les avancées des rapports amoureux des homosexuels en Angleterre. RL


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JACOBSEN, KIRSTEN

Mankell (par) Mankell

Paris, Seuil, 2013. 291 p. Cote 839.7 MAN : BUS CIT EVI MIN PAQ SER STA

Le suédois Henning Mankell n’est pas seulement l’écrivain à succès mondialement connu. Dans ce récit, il se livre sur sa vie, son enfance, l’écriture, le processus de création et ses engagements politiques. Mankell se considère aussi comme un homme de théâtre. Il a notamment monté au Mozambique de nombreuses pièces. Dans ces entretiens, nous découvrons un homme attachant, secret et cosmopolite. Inlassablement, ce défenseur des droits humains parcourt le monde, de la Palestine à l’Afrique ou l’Inde. De son enfance dans le Nord de la Suède, dont il garde d’émouvants souvenirs, il a intégré les paysages, les gens et les ambiances que l’on retrouve dans ses romans et surtout dans l’attachant personnage de Wallander, policier atypique et déprimé. De nombreux témoignages racontent l’univers de Mankell, entre autres Desmond Tutu, sa femme Eva Bergman, et le comédien Kenneth Branagh, l’interprète de son héros Wallander au cinéma. MCM


Meeting with Henning Mankell



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KARINTHY, FERENC

Épépé

Honfleur, Zulma, 2013 (Z a). 284 p. Cote R KARI : CIT EVI JON

Budaï est un polyglotte érudit qui doit se rendre à un congrès de linguistes à Helsinki. Il débarque dans une ville qui ne ressemble en rien à la capitale finlandaise. Dans le bus qui l’amène à l’hôtel, il tente de reconnaître un monument, un bâtiment qui le renseignerait. Il est perdu. Quelle erreur a-t-il faite ? Certes, il était fatigué et s’est peut-être trompé d’avion. Le lecteur entre alors, avec le personnage, dans le monde de l’absurde. A la réception de l’hôtel, on lui parle une langue étrange. Personne ne le comprend quand il essaie de parler finnois, anglais, français ou russe. En tant qu’éminent spécialiste des langues, il tente d’analyser ce qu’il entend, les mots qu’il voit, mais sans résultat. En échange de son chèque en dollars, on lui donne quelques billets locaux mais ils ne donnent aucun indice de lieu. Pendant des jours, il arpente les rues grouillantes de monde et essaie de rentrer en contact. Épépé qui travaille à l’hôtel pourra-t-elle l’aider ? Au fil du récit, l’auteur arrive à nous angoisser et, comme le personnage, on ne comprend rien à ce monde qui l’entoure. Comme lui, on voudrait rentrer… RL


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KERANGAL, MAYLIS DE

Réparer les vivants

Paris, Verticales, 2014. 280 p. Cote R KERA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

KIREMITCI, TUNA

Un été

Paris, Galaade, 2013. 355 p. Cote R KIRE : PAQ


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Simon Limbres a décidé de se lever tôt et de partir avec deux amis pour faire du surf, sa passion. Sur le chemin du retour, entre Etretat et Le Havre, le minibus qu’ils partagent sort de la route et percute un poteau de plein fouet. Sans ceinture de sécurité, le crâne de Simon a heurté le pare-brise, le plongeant dans une mort cérébrale. Son corps gît dans le service de réanimation lorsque sa mère, puis son père, arrivent a son chevet. Le verdict est pénible à accepter pour la famille qui doit faire face à la demande du corps médical sur le don d’organes. Débute alors une épopée collective, haletante, une course contre la montre, qui laisse le lecteur sur le carreau, à bout de souffle, submergé par ses émotions. Réparer les vivants est un roman sur la transplantation cardiaque mais surtout sur la vie. Avec une écriture particulièrement belle et prenante, de longues phrases comme prononcées dans un souffle, Maylis de Kerangal parvient à faire battre le livre de cette pulsation, vitale, au centre de ce roman. Un roman à lire de toute urgence. PB Ce livre raconte l'histoire de trois personnages à un carrefour de leurs vies. De La Rochelle aux rives anatoliennes d'Istanbul, jusqu’à la vallée du Botan en terres kurdes à la Bosnie meurtrie par la guerre : Leyla, Halil et Yakup se cherchent et cherchent. Dans ce livre, Tuna Kiremitci parvient avec brio à questionner l'histoire de la Turquie. L'exil, l'amour, l’engagement politique ou les blessures passées des héros y ressortent avec talent. RD


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LAFERRIERE, DANY

Journal d’un écrivain en pyjama Paris, Grasset, 2013. 312 p. Cote 897 LAF : BUS CIT EVI JON MIN

LAYAZ, MICHEL

Le tapis de course

Carouge, Zoé, 2013. 157 p. Cote R LAYA : CIT EVI JON MIN PAQ STA


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Sur le ton de l’humour, cet ouvrage atypique ne manque pas de profondeur et est véritablement jubilatoire. Profitant des insomnies qui entrecoupent ses nuits à partir de 3 heures du matin, Dany Laferrière, récemment élu à l’Académie Française, parle de ses deux grandes passions : l’écriture et la lecture. Il donne des conseils avisés aux jeunes écrivains et plus particulièrement à son neveu (la page blanche, le début d’un roman, l’utilisation des adjectifs, etc.) mais propose également des réflexions sur la fiction, le désir d’écrire, la place de la littérature dans notre société ou la désacralisation de l’écrivain. Il rend hommage à ses auteurs fétiches et amis, comme Mabanckou, Borgès, Homère ou Tolstoï, entre autres, pour lesquels il éprouve une tendresse particulière. En 182 courts chapitres, ponctués d’aphorismes, cet objet littéraire non identifié est une véritable bouffée d’air frais, drôle, original et cocasse. PB

Tout commence le 22 août. Alors que le narrateur attend son tour à la caisse d’un supermarché, un jeune homme lui demande s’il peut passer avant lui. Face à son refus, il va le traiter de « pauvre type », avant de disparaître dans les rayons. Le narrateur, qui a d’habitude le verbe facile et de nombreuses citations toutes prêtes qu’il répertorie dans « son petit panthéon privé », ne peut répondre à cette injure. A partir de là, le ver est dans la pomme et ce roi de la pique assassine devient aphone. Toute sa vie est ébranlée et il décide de s’enregistrer sur son téléphone portable durant ses trajets. Il raconte son quotidien : son travail, il est responsable du prestigieux secteur Littérature et philosophie dans une grande bibliothèque, de ses collègues, de sa famille (sa femme et ses deux enfants), de son tapis de course sur lequel il se défoule durant des heures. Sous la forme d’un journal intime, Michel Layaz dresse le portrait d’un homme normal, odieux, aussi mauvais mari qu’il est mauvais père et collègue. L’image du bon père de famille qui a réussi se fissure sous les coups de cette altercation qui ne cesse de le hanter. PB


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LEMAITRE, PIERRE

Au revoir là-haut

Paris, Albin Michel, 2013. 566 p. Cote R LEMA : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

LOUIS, EDOUARD

En finir avec Eddy Bellegueule

Paris, Seuil, 2014. 219 p. Cote R LOUI : BUS CIT EVI JON MIN PAQ


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Guerre 14-18. Albert est poussé dans un trou d’obus par le lieutenant d’Aulnay-Pradelle. Enseveli sous la terre déplacée par une explosion, il se sent mourir étouffé. Témoin, Edouard réussit à sauver son camarade avant d’être grièvement blessé. On les retrouve ensuite à Paris. Albert s’occupe d’Edouard qui a refusé la chirurgie reconstructive pour sa « gueule cassée ». Il souffre et a besoin de fortes doses de morphine. Albert, un petit comptable fauché, doit voler pour s’en procurer. Edouard ne peut plus compter sur l’argent de sa riche famille car il a pris l’identité d’un mort pour couper définitivement les ponts avec son père qui n’a jamais accepté sa différence. Pour s’en sortir, nos deux poilus vendront des projets de monuments aux morts qu’ils ne réaliseront jamais. Ils espèrent partir dans les colonies avant qu’on découvre la supercherie. De son côté, le lieutenant Pradelle, escroque les communes en fabriquant des cercueils trop courts. « A la guerre, comme à la guerre », dit-on, et ce roman en est une brillante démonstration. RL « De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux ». Ainsi commence ce récit qui raconte la jeunesse d’Eddy Bellegueule. Sa famille est pauvre, son père est un ouvrier au chômage, sa mère est à la maison et ses frères et sœurs suivent la même voie. Leur vie, c’est la télé, l’alcool, la violence physique et verbale. Dans ce village picard on quitte l’école au plus vite et on prend le premier job venu. Mais Eddy est un enfant « différent ». Il est efféminé et n’aime pas le foot. Chaque jour, deux « camarades » de classe lui crachent dessus en le traitant de « sale pédé ». On est pourtant dans les années 2000… Eddy ne pense qu’à fuir ce milieu qui le détruit. Depuis lors, Eddy est devenu Edouard. Il qualifie ce roman d’« acte politique ». Il veut témoigner d’une réalité : celle d’un gay d’aujourd’hui issu d’un milieu défavorisé. C’est un puissant témoignage mais également une œuvre littéraire et on n’a pas fini d’entendre parler d’Edouard Louis, citoyen et écrivain. RL


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MABANCKOU, ALAIN

Demain j’aurai vingt ans Paris, Gallimard, 2013 (Folio ; 5378). 400 p. Cote R MABA : BUS CIT JON MIN SER STA : CIT STA

MACGUIRE, PAUL

Lost Vegas

Paris, Inculte, 2011 (Documents). 298 p. Cote 973.93 MAC : BUS STA


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Le jeune Michel a une dizaine d’années et il vit à Pointe-Noire au Congo, à la fin des années 1970, entre maman Pauline et papa Roger. Il est amoureux de Caroline avec qui elle rêve d’avoir des enfants, une voiture rouge à cinq places et un petit chien blanc, mais elle le quitte pour Mabélé, qui est grand et fort. Tous ses soucis, Michel les raconte au visage d’Arthur Rimbaud dont il a lu Une saison en enfer et à son meilleur ami Lounès. Ensemble ils écoutent sur le radiocassette apporté par papa Roger un chanteur moustachu qui vit heureux auprès de son arbre. Bref, une vie d’enfant, pourtant assombrie par le fait que maman Pauline n’arrive pas à tomber enceinte. Lorsqu’un marabout trouve la solution : c’est Michel qui l’en empêche, c’est lui qui détient la clé du ventre de sa mère… Livre sur la société africaine et ses croyances, cette Vie devant soi* congolaise se lit avec délectation. DM

*voir résumé sous GARY, Romain dans ce numéro

Paul MacGuire est un journaliste spécialisé dans le poker qui nous fait découvrir ce monde si particulier et son tournoi le plus prestigieux, le World Series of Poker. Il s’immerge sur plusieurs années dans cet univers fait de parties interminables et de journées sans fin afin de suivre au plus près le déroulement des parties pour tenir informé quasiment en direct tous les afficionados de ce jeu de carte, devenu si populaire il y a peu. Son livre nous immerge au cœur de la bête, pour saisir comment le monde du poker a vécu ce regain de popularité grâce aux sites de jeu en ligne, et ses nouveaux champions n’ayant jamais joué à une table autre que virtuelle et qui ont bousculé les habitudes. Une plongée en apnée au rythme frénétique dans une ville ou tout devient prétexte à parier, à rêver de gagner, voire de ne pas trop perdre, ni son argent, ni sa santé mentale. SV


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MAEDER, RACHEL

Qui ne sait se taire nuit à son pays Lausanne, Plaisir de lire, 2013 (Frisson). 300 p. Cote R MAED : BUS CIT JON MIN SER STA

Alice est une vieille dame qui réside sagement dans un foyer pour personnes âgées de Vallorbe… Sagement ? Cela n'est pas si sûr car autant son corps la lâche autant son esprit est resté vif ! Alice, tourmentée par les décès successifs de trois messieurs âgés, n'en dort plus la nuit… et si un meurtrier rôdait à Vallorbe ? Elle fait alors appel à son petit-fils Michael Kappeler pour éclaircir ces mystères. D'abord agacé par son aïeule, celui-ci doit finalement admettre que l'affaire mérite une enquête. Celle-ci va nous faire plonger dans la Vallorbe de la seconde guerre mondiale où la tourmente et de drôles de trafic avaient lieu. J'ai apprécié ce 2ème roman policier de Rachel Maeder qui est une passionnée d'histoire, et cela se ressent. Un polar au temps de la Mob ? Voilà qui est original… la lecture, ponctuée d'humour, est de plus très plaisante. FB


Source : www.flickr.com/photos/miacat63


Lieutenant Shcreiber


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MAKINE, ANDREI

Le pays du Lieutenant Schreiber

Paris, Grasset, 2014. 216 p. Cote R MAKI : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

A la sortie de son livre, Cette France qu’on oublie d’aimer, l’écrivain Andrei Makine reçoit les félicitations d’un vieil homme. Cet homme, Jean-Claude Servan-Schreiber, âgé de 92 ans, a été lieutenant dans les cuirassés pendant la seconde guerre mondiale, puis grand résistant, après avoir été exclu de l’armée parce qu’il était juif. Une amitié, alimentée par la curiosité de l’écrivain et leurs idées communes naîtra de ces échanges et Makine lui proposera d’écrire ses mémoires. Mais le livre n’aura aucun succès, il passera inaperçu dans le bruit infernal de notre société, dans la cacophonie des informations de toutes sortes. Makine n’ose lui dire que c’est un échec, mais le vieil homme a compris que ses faits d’armes, sa moralité à l’ancienne, ses combats pour la liberté n’intéressent plus personne. Il partira, comme tant d’autres, et avec lui, une certaine idée de la France s’éteindra, une France grande, glorieuse et généreuse, pour qui l’honneur et la liberté ne sont pas de vains mots. MCM


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MARAI, SANDOR

MĂŠmoires de Hongrie

Paris, LGF, 2006 (Le livre de poche ; 3430). 443 p. Cote 894.511 MAR : CIT EVI

MARAI, SANDOR

Le premier amour

Paris, Albin Michel, 2008 (Les grandes traductions). 302 p. Cote R MARA : BUS CIT EVI STA : BUS


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Hongrie, années trente. Sándor Márai, issu d’une bourgeoisie ouverte et cultivée, vit avec les siens à Budapest. Lorsque l’horreur du nazisme envahit la Hongrie et que la guerre éclate, le jeune auteur part se réfugier à la campagne. Il y attend la fin des combats, qui arrivera avec la victoire de l’Armée Rouge sur les troupes hitlériennes. Heureux d’assister à la chute du régime de la haine et curieux d’en apprendre plus sur ces « envahisseurs-libérateurs » venus de l’Est, il déchante pourtant rapidement en assistant aux violences, pillages et autres viols commis par ces derniers. Revenu à Budapest, Sándor continue d’observer avec espoir les changements politiques en cours. Il s’apercevra toutefois avec amertume qu’un régime totalitaire est venu en remplacer un autre, et que les libertés continuent d’être entravées. Mémoires de Hongrie est un témoignage historique prenant sur la Hongrie de l’après-guerre et sur les évènements qui s’y sont produit, tragédies quotidiennes ayant poussé l’auteur à s’exiler aux États-Unis en 1948. LF C’est sous forme de journal intime qu’un professeur de latin nous raconte sa dépression naissante. La cinquantaine déjà bien marquée, englué dans ses habitudes de vieux garçon, vivant seul avec sa domestique et son canari, il vient d’apprendre qu’à la prochaine rentrée il enseignera à des élèves de terminale. Il doute de ses connaissances en latin, mais il est surtout inquiet car, pour la première fois, il aura des filles dans sa classe. Pour calmer ses angoisses, il passe ses vacances dans une station thermale où il prend conscience de sa solitude, du temps qui passe. Il se souvient avec nostalgie d’un premier amour qu’il a laissé s’échapper. A son retour, bien décidé à reprendre sa vie en main, il coupe sa barbe, s’achète un costume neuf et commence à s’ouvrir aux autres. Malheureusement, c’est sur l’une de ses élèves, que son regard va s’arrêter. Sans vraiment s’en rendre compte, l’amour naissant va le pousser à martyriser le petit ami de la jeune fille, son meilleur élève par ailleurs. Márai est un des plus grands auteurs hongrois du 20ème siècle et ce roman témoigne de son talent. RL


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MARCH, WILLIAM

Compagnie K

Paris, Gallmeister, 2013 (Americana). 229 p. Cote R MARC : CIT EVI STA : JON

MASSARD, JANINE

Gens du lac

Orbe, Campiche, 2013. 191 p. Cote R MASS : EVI JON SER


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En cette année de commémoration de la Première guerre mondiale, si vous ne devez lire qu’un seul livre à ce propos, ce sera celui-ci. En une centaine de très courts chapitres, nous écoutons les voix des soldats de l’unité américaine, basée dans la Marne. Année 1917 : des premières classes, des caporaux, des sergents, des officiers, tous disent, racontent, nous parlent. Des attaques au petit matin, de leur peur, des rigolades aussi, de la mort qui rôde, des virées pour voir les filles. Bien sûr, certains rentreront au pays, bien sûr la guerre se terminera. Mais la guerre, ce n’est pas les batailles, la stratégie, les hauts faits. C’est surtout et uniquement la peur. Seulement ça, la peur. Écrit par un des 113 soldats de la Compagnie K. MCM

Ami Gay et son fils sont pêcheurs sur le Léman. A la nuit tombée, comme tant d’autres, ils dirigent leurs barques sur les eaux sombres du lac. Parfois ils croisent les pêcheurs venus de Thonon, ceux d’en face. Pendant la Seconde guerre mondiale, ils s’allieront même pour faire franchir à des centaines de résistants et de Juifs la frontière, et faire passer aussi des armes et des médicaments vers la France. Amy Gay et son fils sont des taiseux, des discrets, des modestes. La mère est plus du côté des nantis, des traficoteurs. A Rolle, peu connaissent cette histoire vraie, que Janine Massard a recueillie auprès de sa cousine. L’histoire est belle, légère et grave et, en ayant l’air de ne pas y toucher, l’auteure vaudoise nous emmène à la frontière des destins, des choix, des limites de chacun, dans une très belle langue, langoureuse et vive à la fois. MCM


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MILLS, MAGNUS

Sur le départ

Paris, 10/18, 2002 (10/18 ; 3459. Domaine étranger). 219 p. Cote R MILL : CIT

MOHSIN, MONI

Petits arrangements avec le mariage Paris, 10/18, 2013 (10/18 ; 4715). 283 p. Cote R MOHS : CIT JON PAQ


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Le narrateur, en route pour l’Inde à moto, s’arrête quelque temps dans un camping au bord d’un lac dans la campagne anglaise. L’été se termine, les derniers vacanciers s’en vont et Tommy Parker, le propriétaire du camping, lui demande un petit service en échange de l’hébergement dans une caravane (pourrie). Notre jeune homme quitte donc sa tente et s’en va peindre le portail de Parker en vert. Puis c’est la jetée qu’il faut réparer, puis les bateaux à retaper. Tous les soirs, après sa journée de travail harassant mais non rémunéré, il va boire un verre au pub, et intègre même l’équipe de fléchettes locale. Ce n’est pas que son projet est annulé, mais qu’il ne sait pas dire non. Ne le voit-on pas par la fenêtre de sa caravane, en train de faire les devoirs de Gail, la fille de Tommy ? Le jour où il voit l’annonce dans un journal local « à louer scie circulaire + ouvrier, contacter T. Parker », il comprend que le jour de son départ est encore loin et il accepte son sort avec fatalisme. Voici un drôle de roman à la limite de l’absurde, tout à fait délicieux à lire ! DM Desperate housewife à la Pakistanaise, riche, mariée, un enfant, notre héroïne n’a rien de spécial à faire. Sa vie va changer le jour où elle promet à sa tante de l’aider à marier son neveu. Cela donne des scènes cocasses, où elle fait des ronds de jambe à plus hypocrite qu’elle, avant de s’apercevoir que son neveu, même à 37 ans, ne peut épouser une fille pareille, aussi riche soit-elle. Un roman au ton léger qui cache une femme parfois très « dépérimée » pour des broutilles ou pour l’emprise des « barbus fondus » sur la société. Tout est bien qui finit bien, mais ce roman alerte et souriant nous fait entrevoir une réalité beaucoup plus sombre. Chaque en-tête de page énonce attentat, mariages forcés, domestiques et migrants exploités. On peut ne pas les lire, mais il est difficile de toutes les zapper. Au final, comme notre héroïne, force est d’admettre que son mari, Janoo, tout « polaroïd » soit–il, est une perle rare, un homme intègre, et qu’elle-même se révèle moins futile qu’il n’y paraît! Un très bon roman pour ne pas « dépérimer » ! FA


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MONENEMBO, TIERNO

L’aîné des orphelins

Paris, Seuil, 2005 (Points). 156 p. Cote R MONE : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

MONFILS, NADINE

Nickel blues

Paris, Belfond, 2008. 214 p. Cote R MONF : BUS CIT EVI JON STA


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Ce livre est né sous l’impulsion de l’opération « Rwanda : écrire pour un devoir de mémoire ». Comme 9 autres écrivains africains, Tierno Monénembo s’est rendu sur place pendant deux mois en 1999 (donc 5 ans après le génocide). Ce livre-témoignage est issu de cette « résidence ». Faustin a 15 ans. Il est incarcéré dans la prison centrale de Kigali et attend d’être exécuté. Des images de sa jeune vie, de ses frères et sœurs, de sa famille ressurgissent, par fragments, avec violence. La mort rôde encore et le plonge dans un état parfois proche de la folie. Comment peut-il continuer à vivre alors qu’il est rescapé d’une tuerie collective ? Comment ne pas chercher à rendre la justice soi-même ? Tierno Monénembo plonge au cœur de l’horreur, avec ce livre poignant, déchirant et parfois difficilement supportable. Avec un style précis et un récit discontinu, il nous plonge dans les ténèbres, dans le chaos. PB

Ce roman totalement déjanté de Nadine Monfils est d’une drôlerie inhabituelle. Ralph et Tony Boulon n’ont pas voulu suivre leurs parents et leur mémé ventriloque au camping de Torremolinos. Ils ont souhaité rester à glander et festoyer dans la villa familiale près de Bruxelles. « Allez, remue-toi, mec, les vieux rappliquent demain », c’est ainsi que l’auteure nous expose le problème des deux frangins. Comment faire pour nettoyer la sauce tomate sur le tapis, la vaisselle dans la baignoire, les traces de vomissures et ressusciter le canari retrouvé calciné dans le four ? Pour l’oiseau, il suffit d’aller piquer celui de la vieille voisine mais pour le ménage… Ils décident de kidnapper une bourgeoise. Rita se retrouve alors à briquer la maison avec un flingue collé sur sa tempe pour éviter qu’elle ne lambine. Le lendemain, tout est enfin nickel. Que faire alors de Rita ? Comment tirer encore quelques avantages de la situation ? Si vous aimez le langage fleuri (belge), l’humour noir, les rebondissements, ce roman est pour vous ! RL


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MONFILS, NADINE

La petite fêlée aux allumettes Paris, Belfond, 2012. 259 p. Cote R MONF : BUS CIT EVI

L’inspecteur Cooper et son collègue Michou, flic le jour et travelo la nuit, enquêtent sur des meurtres étranges. Les victimes sont déguisées en Blanche Neige ou en Chaperon Rouge. Nake, une jeune fille un peu excentrique, a d’étranges visions. Quand elle craque une allumette, elle voit les scènes de crimes avant que les journaux n’en parlent. Le personnage le plus savoureux est mémé Cornemuse, une inconditionnelle d’Annie Cordy et de Jean-Claude Van Damme. Légèrement obsédée sexuelle, elle nous dit : « on me surnomme comme ça parce j’ai toujours eu un faible pour les Ecossais car ils ne portent pas de culotte ». Voisine de l’inspecteur Cooper, elle va entrer dans sa vie en venant lui piquer une bouteille de whisky puis en le débarrassant de sa femme de ménage qui avait délibérément écrasé son chien. L’enquête n’est pas de celles qui vous feront vous relever la nuit, par contre, les personnages et l’humour qu’ils véhiculent sont autant de bonnes raisons pour ouvrir ce livre décapant. RL


Source : www.flickr.com/photos/gsfc


Š Pavel Losevsky


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NOZIERE, JEAN-PAUL

Camp paradis

Paris, Gallimard-jeunesse, 2013 (Scripto). 263 p. Cote R NOZI : CIT JON MIN PAQ

Camp Paradis c'est l'histoire d'un îlot créé par un couple occidental pour des jeunes « éclopés de la vie », dans un pays d'Afrique centrale déchiré par la guerre civile : pourront-ils échapper à la monstruosité qui encercle l'îlot ? Au fil des pages on découvre les zones d'ombre mais aussi l'humanisme de ces personnages attachants. En cette année des vingt ans de commémoration du génocide rwandais, on ne peut pas s'empêcher de voir un lien entre ce récit et la tragédie rwandaise. Un très beau roman, dur et tendre de Jean-Paul Nozière. RD


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OVALDE, VÉRONIQUE

La grâce des brigands

Paris, Olivier, 2013. 283 p. Cote R OVAL : BUS CIT EVI JON MIN SER STA

PELLOUX, PATRICK

On ne meurt qu’une fois et c’est pour si longtemps Paris, Laffont, 2013. 229 p. Cote 920 PEL : CIT


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Quand Maria Christina Väätonen reçoit un téléphone de sa mère, elle habite à Los Angeles. A seize ans déjà, elle avait quitté sa famille, sa bourgade paumée au fond du Canada, il y a de cela vingt ans. Etonnée d’entendre sa mère à qui elle ne parle plus depuis des années, elle l’est encore plus quand elle apprend que sa sœur a eu un enfant et que sa mère lui demande de venir le chercher pour s’en occuper. Elle se souvient alors de ce jour où elle avait entraîné sa sœur dans la forêt pour lui montrer des serpents. Apeurée, son aînée avait chuté dans un ravin. Suite à cet accident, Meena allait rester enfermée dans son adolescence. Maria Christina se réfugia alors dans ses livres, ses études et rêva de fuir la bigoterie de sa mère, l’état dépressif de son père et cette sœur abîmée. Devenir écrivain était son unique but. C’est grâce à un auteur « nobélisable » dont elle tomba amoureuse, qu’elle réussit à publier « La vilaine sœur », un roman autobiographique dans lequel elle régla ses comptes avec son enfance. Définitivement ? Pas certain… RL Patrick Pelloux, urgentiste, propose ici un recueil macabre de fins de personnages célèbres. Une trentaine de personnalités historiques, écrivains et artistes ont droit à une brève biographie, replacée dans le contexte de l’époque, dont l’issue fatale est l’apothéose, celle-ci étant souvent caractérisée par d’atroces souffrances. Le propos de Pelloux est de démontrer à quel point la médecine de l’époque est impuissante face aux maladies : l’on retrouve souvent des médecins démunis se frottant le menton au pied d’un lit pour exprimer leurs questionnements… dont l’issue est la plupart du temps une bonne saignée, même lorsque celle-ci a des conséquences catastrophiques sur le mourant qui, du coup, l’est encore plus… Bref, ce serait presque drôle si ce n’était pas arrivé pour de vrai à divers rois Henri et Louis, à Balzac, Flaubert, Molière, Charles 9, etc... dont les destins sont ici relatés. DM


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PEREZ-REVERTE, ARTURO

Le tango de la vieille garde

Paris, Seuil, 2013 (Cadre vert). 533 p. Cote R PERE : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA Titre original espagnol : El tango de la Guardia Vieja Cote R6 PERE : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER

POWELL, MARGARET

Les tribulations d’une cuisinière anglaise Paris, Payot, 2013. 248 p. Cote 305.56 POW : CIT EVI


73

1928. À bord du Cap Polonio, en route vers Buenos Aires, Max Costa fait danser les dames. Il est beau, un peu gigolo et escroc quand il le faut. Immédiatement séduit par Mecha Inzunza, il la fait danser sous le regard de son mari, le compositeur Armando de Troeye. Ensemble, ils vont retourner à la source du tango dans un bouge de Buenos Aires avant de s’aimer puis de se quitter. Dix ans plus tard, Max et Mecha se retrouvent par hasard à Nice avant de se perdre à nouveau. Ce n’est que près de trente ans plus tard qu’ils se rencontreront à Sorrente alors que Max est le chauffeur d’un médecin et que Mecha accompagne son fils Jorge, prodige des échecs, lors d’un tournoi international. Ce roman magnifique, histoire d’un amour jamais dit, est aussi un livre sur l’histoire (on y évoque la guerre d’Espagne et la guerre froide), sur la nostalgie et sur la différence des classes. Passionnant. DM

Margaret Powell (1907-1984) « entre en condition » comme fille de cuisine à l’âge de 15 ans. Pour devenir cuisinière, elle va devoir accomplir un tas de tâches qui n’ont rien à voir avec la cuisine comme nettoyer les cuivres d’une porte d’entrée, frotter les marches du perron jusqu’à s’arracher les ongles, repasser les lacets de chaussures, présenter à sa maîtresse les journaux sur un plat d’argent pour ne pas les souiller avec ses mains de pauvres. Elle devra passer inaperçue, faire discrètement son travail « chez eux », les riches, pour ensuite retourner « en bas », dans les sous-sols de ces maisons de maîtres, là où se trouvent la cuisine et les locaux du personnel. L’auteure a écrit ce livre en 1968. A travers ses souvenirs, c’est également un portrait réaliste de la vie des petites gens à Londres et dans les campagnes avoisinantes durant les années 20. Etre domestique était souvent la seule option pour une fille de condition modeste, le chômage dans les usines touchant principalement les femmes, elles n’avaient plus qu’à rester ou redevenir domestiques, comme leurs mères et leurs grands-mères. RL


74

RAVENNE, CHRISTIE

Gagatorium

Paris, Fayard, 2013. 286 p. Cote 362.6 RAV : CIT EVI SER

Christie Ravenne quitte Biarritz pour la Bretagne où vit sa fille. Sous le charme d’une résidence « bling-bling », elle achète deux appartements. Très vite, elle comprend que les résidents sont maltraités. Quand ils ont fini de manger (mal) on les renvoie dans leurs chambres. Ils sont tolérés dans le hall d’entrée où ils se retrouvent pour se plaindre. Souvent on les rabroue car ils dérangent. Christie est encore vaillante : elle peut cuisiner, sortir seule et a toute sa tête. Quand elle passe avec ses artichauts, on la regarde avec envie. Ni la direction, ni les soignants ne se préoccupent de sa voisine qui se promène nue sur son balcon et y fait ses besoins ; la famille paye et ne vient jamais, c’est le principal. La vieille dame dénonce des malversations et des dessous de table. Toute la région profite de ces vieux (riches). Elle veut s’en aller mais elle ne trouve aucun acheteur pour ses appartements. Sa santé se détériore, son compte épargne se vide, elle tombe en dépression. Mais là-bas le nombre inquiétant de suicides et « d’accidents » n’intéresse personne. Notre vieille dame décide alors d’écrire plutôt que de mourir… RL


75

RUSSO, RICHARD

Ailleurs

Paris, Table ronde, 2013 (Quai Voltaire). 261 p. Cote R RUSS : BUS CIT EVI SER

Richard Russo a été élevé seul par sa mère, Jean, une femme farouchement indépendante (sauf à son fils comme l’avenir le montrera). Employée de la General Electrics, elle vivait à Gloversville, « une ville dont il est facile de se moquer », dans la maison dont elle louait un étage à ses propres parents. C’est au moment où Richard rejoint l’université, à Phoenix en Arizona, qu’il aurait pu se faire une idée de ce que serait sa vie : Jean, sûre de trouver rapidement un emploi à la G.E., part avec lui (et pas le moindre emploi à G.E. !). Toute sa vie, Jean va coller aux basques de son fils. Celui-ci marié, puis père de deux filles, jeune écrivain puis auteur à succès, se trimballe son encombrante mère de ville en ville. Trouver un appartement qui lui convienne est une gageure : trop petit, trop sale, trop loin, trop sombre. Le patient Richard et son ange d’épouse recommencent à chercher. DM


76

SALEM, CARLOS

Un jambon calibre 45

Arles, Actes Sud, 2013 (Actes noirs). 340 p. Cote R SALE : BUS CIT EVI JON PAQ SER STA Titre original espagnol : Un jamón calibre 45 Cote R6 SALE : CIT EVI PAQ

SALEM, CARLOS

Je reste roi d’Espagne

Arles, Actes Sud, 2011 (Actes noirs). 397 p. Cote R SALE : BUS CIT EVI JON PAQ Titre original espagnol : Pero sigo siendo el rey Cote R6 SALE : CIT EVI JON PAQ


77

Dans son dernier roman, Carlos Salem nous propose de suivre les aventures de Nicolás Sotanovsky, un Argentin fraîchement arrivé à Madrid. Quand on lui propose d’occuper un appartement vide, il y voit l’occasion d’enfin pouvoir poser son sac à dos et ne plus errer. Mais, lorsqu’un colosse aux doigts comme des jambons vient le menacer de mort s’il ne retrouve pas dans les trois jours la propriétaire de l’appartement qu’il n’a jamais vue, c’est une course contre la montre pour sauver sa vie qui commence. Sous la surveillance de Serrano, l’imposant homme de main, Sotanovsky se lance dans cette quête impossible où, comme dans les autres romans de Carlos Salem, il rencontrera une galerie de personnages singuliers et des situations de suspense et d’action côtoyant l’humour et la poésie, en prenant la forme d’une quête de soi-même. SV

Le roi d’Espagne a disparu, laissant derrière lui un mot dont personne ne comprend le sens : « Je pars à la recherche de l'enfant. Je reviendrai quand je l'aurai trouvé. Ou pas. Joyeux Noël ». Pour le retrouver, le ministre de l’intérieur fait appel à l’inspecteur José Maria Arregui. Celui-là même qui avait sauvé la vie du roi quelques années auparavant. Pour retrouver le souverain et le ramener à Madrid sain et sauf, Arregui va se perdre dans l’Espagne profonde remplie de personnage hauts en couleur. Un long chemin les attend, poursuivis par de nombreuses personnes qui ne rêvent que d’une chose, tuer le roi et prendre le pouvoir. Un roman policier plein d’humour, avec des personnages plus exubérants les uns que les autres. AM


78

SKARMETA, ANTONIO

Les jours de l’arc-en-ciel

Paris, Grasset, 2013. 252 p. Cote R SKAR : BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER

Chili, 1988 : la dictature, sous pression, organise ce qui doit être le plébiscite du Général Augusto Pinochet. Ce roman raconte les quelques jours qui ont permis au peuple chilien de faire tomber le dictateur. Mêlant résistance populaire et histoire d'amour ce très beau livre ne réduit pas, comme le film No de Pablo Larrain qui s'en est inspiré, la victoire du NON à Pinochet à une simple publicité, non c'est bien plus que cela ! La génération qui a vécu l'espoir du gouvernement Allende puis le traumatisme et la répression de la junte militaire, croise une nouvelle génération, celle des années 80 ivre de liberté ! RD



Source : www.flickr.com/photos/tauri


81

STEDMAN, M.L.

Une vie entre deux océans Paris, Stock, 2013. 448 p. Cote R STED : BUS CIT : CIT

Tom et Isabel Sherbourne vivent isolés sur l’île de Janus au large de Perth, en Australie, Tom y est gardien de phare. Ils sont jeunes, amoureux et se suffisent à eux-mêmes, mais leur bonheur est entaché par les fausses-couches successives d’Isabel, et la mort périnatale de leur dernier enfant. Lorsqu’un bateau accoste sur le rivage dans lequel se trouvent un homme mort et un bébé emballé dans un chandail de femme, Isabel n’hésite pas : le destin leur a apporté un enfant. Elle convainc son mari de ne pas signaler l’affaire sur le carnet de bord et d’adopter sans rien dire la petite fille. Leur bonheur est désormais total et la famille est épanouie… mais Tom, préoccupé par le fait que, quelque part, sans doute, une mère désespérée cherche sa petite fille, est tourmenté par sa conscience. Ce roman démarre avec les hasards des histoires à l’eau de rose mais se poursuit de manière plus réaliste. On y voit comment une décision abrupte peut faire souffrir un nombre important de personnes, et pour longtemps. DM


82

TESSARECH, BRUNO

Art nègre

Paris, Buchet Chastel, 2013. 239 p. Cote R TESS : BUS CIT

TESSON, SYLVAIN

S’abandonner à vivre

Paris, Gallimard, 2014 (Blanche). 220 p. Cote R TESS : CIT EVI JON MIN PAQ SER STA


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Écrivain lessivé, Louis s'encrasse. Quitté par sa femme et l'inspiration, il traîne de pièce en pièce dans son appartement, au milieu des moutons et du linge à repasser. C'est alors qu'un ami éditeur le contacte pour co-écrire un livre promis à un grand succès. Le témoignage d'un assassin qui a purgé 20 ans de prison et qui en serait ressorti transformé. Pressé par des besoins d'argent et n'ayant pas suffisamment de forces pour se lancer dans projet personnel, Louis se résigne et bascule dans l'art nègre pour 3 pour cent du chiffre d'affaires. Voilà qui permettra déjà de payer une femme de ménage. Largement autobiographique, ce roman nous dévoile les coulisses de l'écriture sur commande avec les soucis, les motivations et les petits plaisirs d'un ghost writer. MH

S’abandonner à vivre est un recueil de dix-neuf nouvelles qui offrent un regard mélancolique et pessimiste sur la vie des différents personnages. Qu’ils soient des Nigériens échoués à Paris, des alpinistes français, des soldats en Afghanistan, des Russes, des marins ou des amoureux, ils sont tous des aventuriers à leur manière. Des femmes et des hommes qui partent, qui prennent la route, qui marchent sur les toits de Paris ou dans la steppe. Sylvain Tesson maîtrise parfaitement l’art de la nouvelle, comme il l’avait déjà prouvé avec Une vie à coucher dehors, et fait preuve d’une imagination débordante. On sent aux détours des phrases les expériences personnelles de l’auteur, sous un style superbe et de nombreuses références littéraires. Ces miniatures romanesques se dégustent avec délectation. PB


84

TORGOV, MORLEY

Le maĂŽtre chanteur de Minsk Arles, Actes Sud, 2013 (Actes noirs). 363 p. Cote R TORG : CIT PAQ

WATSON, MARK

Eleven

Paris, LGF, 2013 (Le livre de poche ; 32969). 355 p. Cote R WATS : CIT EVI STA


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Sous prétexte d’une enquête policière, l’auteur nous livre une passionnante plongée dans Munich à la fin du 19ème siècle, la vie, l’antisémitisme et le caractère pour le moins compliqué de Richard Wagner. Le mélomane inspecteur Preiss est chargé de découvrir qui en veut à la vie du Maître. En attendant, Wagner se porte comme un charme et tyrannise son entourage alors que plusieurs participants du futur opéra des maîtres chanteurs de Nuremberg sont assassinés… FA

Xavier Ireland fait le bonheur des auditeurs de la ligne de cœur radiophonique qu'il anime toutes les nuits. Pourtant, dans la vie privée, il fait tout pour éviter de s'immiscer dans les problèmes d'autrui. Jusqu'au jour où Pippa, une sacrée femme de ménage qui devient rapidement son amoureuse, le met face à ses contradictions. Agir porte à conséquence mais l'inaction aussi : c'est ce que semble vouloir dire Mark Watson dans ce roman intelligent où un fait divers influence en cascade le destin de 11 personnes. Eleven est le premier titre de cet auteur anglais à paraître en français… vivement les suivants ! FB


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WINTERSON, JEANETTE

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? Paris, Olivier, 2012. 271 p. Cote R WINT : CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

ZEH, JULI

Décompression

Arles, Actes sud, 2013 (Lettres allemandes). 282 p. Cote R ZEH : BUS CIT EVI JON MIN PAQ Titre original allemand : Nullzeit Cote R3 ZEH : BUS CIT EVI JON MIN SER STA


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Dans ce récit autobiographique, Jeanette Winterson nous raconte ses rapports avec sa mère adoptive. Cette femme de 120 kg impressionnait par son physique mais aussi par la violence qui l’habitait. Très croyante, profondément dépressive, elle s’adressait chaque jour à Dieu en ces termes : « Seigneur, laisse-moi mourir ». Difficile de grandir dans cet environnement où la dépression finissait toujours en répression. Quand elle découvre que sa fille aime les filles, un « ancien » de l’Église pentecôtiste la bat tout en essayant d’abuser d’elle. Jeannette fuit dans la lecture mais sa mère brûle ses livres disant que la littérature rime avec pourriture. Pour échapper à l’autodafé, Jeanette apprend la poésie de T.S. Eliot par cœur. Les mots sont en elle, personne ne pourra les lui voler, elle en a besoin pour compenser son manque d’amour. Sa vie est une quête incessante du bonheur qui devra passer (peut-être) par la rencontre très récente avec sa mère biologique. RL

Voici 14 ans que Sven a quitté l’Allemagne pour vivre à Lanzarote avec son amie Antje. Professeur de plongée, il attend deux Berlinois qui ont réservé une semaine pour s’initier à la plongée et passer leur brevet. Mais ce couple n’est pas n’importe qui : Theo est un écrivain quadragénaire et Jola une jeune et belle actrice qui monte. Le contrat stipule que Sven est à leur disposition 24 heures sur 24 et qu’il doit les accompagner où bon leur semble. Il est ainsi le témoin involontaire des curieuses manières de ce couple qui s’aime et se déteste à la fois. Comme on suit en parallèle la narration de Sven et le journal de Jola, on se rend vite compte du décalage entre les deux sons de cloche… Embarqué malgré lui dans les jeux pervers du couple glamour, Sven est complètement dépassé par leurs manipulations. Cruel, dérangeant, haletant, on ne lâche pas ce livre. DM


Bandes dessinĂŠes


89

ALFRED

Come prima

Paris, Delcourt, 2013 (Mirages) CIT EVI JON MIN SER STA

En 1958, en France, Giovanni a enfin retrouvé son frère aîné Fabio – un boxeur raté, baratineur et magouilleur – qu’il n’avait pas revu depuis dix ans. Il n’est pas venu seul, son père est avec lui. Dans une urne funéraire. Il propose alors à son frère d’apporter l’urne dans leur village natal pour les funérailles. Fabio s’y oppose dans un premier temps, mais criblé de dettes, il sait qu’il doit se faire oublier. Et c’est parti pour un road trip sur les routes franco-italiennes dans une Fiat 500. En chemin, le dialogue s’installe, peu à peu, mais reste largement entrecoupé de silences, de frustrations et même d’agressivité. Malgré bien des déboires et des haussements de voix, des rencontres improbables et mouvementées, les deux frères arriveront à destination, apaisés. Grâce à une narration parfaitement maîtrisée, comportant de nombreux flashbacks dans d’autres teintes, le lecteur va, peu à peu, reconstruire les pièces du puzzle de ce roman graphique et recomposer le portrait du père. Une émouvante histoire d’homme. PB


90

BLANCOU, DANIEL

Retour à Saint-Laurent des Arabes Paris, Delcourt, 2012 (Shampooing) CIT EVI SER STA

Dans ce roman graphique, Daniel Blancou interroge ses parents sur une période particulière et fondamentale de leur vie. De 1967 à 1976, ils ont tous deux travaillé comme enseignants dans un camp de réfugiés harkis. Ils se sont rencontrés sur place, se sont mariés et ont eu leur fils peu de temps après la fermeture du camp. Il est intéressant de voir comment ces deux personnes, dont c’était la première affectation, ne se sont pas rendu compte tout de suite de la situation. Il faut dire que l’affectation mentionnait « Cité d’accueil Saint-Maurice-l’Ardoise ». A aucun moment, ils ne se sont doutés que les harkis étaient parqués dans des camps à peine salubres, pour ne pas dire enfermés, avec miradors et barbelés. Durant 9 ans, ils ont essayé d’améliorer le sort de ces familles, déracinées, sans perspectives d’avenir, leur apprenant le français et en leur donnant des outils pour mieux s’intégrer dans ce pays qui les rejetait. La force de cette bande dessinée réside dans le regard neutre de l’auteur, qui ne porte pas de jugement, mais cherche à transmettre l’émotion de ses parents, encore enfouie sous une chape de plomb. Ce dialogue leur permettra enfin, après des décennies, d’extérioriser ce qu’ils ont vécu. PB


Retour à Saint-Laurent des Arabes - Daniel Blancou © Delcourt, 2012 (Shampooing)


Rimbaud, l’indésirable - Xavier Coste © Casterman, 2013


93

COSTE, XAVIER

Rimbaud, l’indésirable Bruxelles, Casterman, 2013 BUS CIT EVI JON SER STA

1870. A 16 ans, Arthur Rimbaud quitte sa ville natale de Charleville pour se rendre à Paris où il espère présenter ses poèmes à un éditeur. En vain. Il écrit une lettre aux Parnassiens, dans l’espoir de les rencontrer et Paul Verlaine l’invite à venir vivre avec lui, sa femme enceinte et ses beaux-parents. Il sera ainsi introduit chez ceux qui se nomment les « vilains bonshommes », tous admiratifs de ce talent précoce. Mais Rimbaud est colérique, capricieux, grossier, bref, ingérable et il se fâche avec tous les amis de Verlaine. Celui-ci, qui avait perdu tout goût à la vie, trouve dans la passion pour Rimbaud, une nouvelle raison de vivre. Unis par un amour dévastateur (et pas mal d’alcool !), ils s’enfuient ensemble à Bruxelles, mais l’équipée tournera court après une rupture, une tentative de réconciliation de la part de Mme Verlaine, et des retrouvailles passionnées qui s’achèveront dans le célèbre coup de pistolet que Verlaine finira par tirer sur Rimbaud. C’est en Afrique que la courte vie du poète se termine. Cette magnifique BD est un excellent moyen d’entrer dans la vie et l’œuvre de Rimbaud. DM


94

CATEL

Ainsi soit Benoîte Groult Paris, Grasset, 2013 CIT EVI SER STA

Benoîte Groult est la première à avoir publié les textes d’Olympe de Gouges, cette pionnière du féminisme du 18ème qui fut aussi le personnage principal d’une BD de Catel. Les deux femmes se rencontreront lors de conférences et dans les premières pages de ce roman graphique, on suit Catel qui est invitée dans la maison bretonne de Benoîte. En quelques notes et dessins, bien que très réticente face à la bande dessinée qu’elle juge très sévèrement, Benoîte est séduite par le projet d’être une héroïne qui s’exprime dans des bulles. Catel montre l’enfance de Benoîte en insistant sur sa mère atypique qui entretenait une relation amoureuse avec Marie Laurencin pendant que son mari était à la guerre ou, plus tard, au travail. Les pages sur Georges De Caunes, un de ses maris, sont terrifiantes. Il veut des enfants, mais des garçons. Après avoir eu deux filles, il demande à sa femme de « faire attention » et de se débrouiller toute seule avec ses aiguilles à tricoter pour réparer… Catel nous offre là une superbe biographie, originale et très fouillée de cette jeune femme de plus de 90 ans ! RL


95

CRUCHAUDET, CHLOÉ

Mauvais genre

Paris, Delcourt, 2013 (Mirages) BUS CIT EVI JON PAQ SER STA

Louise et Paul viennent de se marier lors qu’éclate la Première Guerre Mondiale. Ne supportant plus les tranchées, la mort, la peur, Paul s’automutile pour être réformé. Hélas, son colonel ne l’entend pas de cette oreille et il déserte. De retour chez Louise, il reste cloîtré pour ne pas être découvert alors que Louise travaille comme couturière dans un atelier. Un jour, il se vêt d’une robe de sa femme, d’un chapeau et sort boire un verre. Il vient de découvrir comment mettre fin à son isolement forcé. Épilation, maquillage, il deviendra rapidement une nouvelle personne : Suzanne. Suzanne est engagée comme couturière à l’atelier de Louise, se fait des copines, commence à vivre sa vie. Alors que les relations avec sa femme se dégradent, Suzanne découvre les parties fines au Bois de Boulogne et devient un personnage incontournable des nuits parisiennes. Basée sur des faits réels, cette histoire étonnante est racontée magnifiquement par un dessin noir-blanc et sépia avec quelques touches de rouge. Et interroge intelligemment sur la construction de l’identité sexuelle. Déroutant. DM


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DAVODEAU, ÉTIENNE

Le chien qui louche

Paris, Futuropolis, 2013 BUS CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

DUCOUDRAY, AURÉLIEN

Young : Tunis 1911 – Auschwitz 1945 Paris, Futuropolis, 2013 BUS CIT EVI MIN STA


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Fabien est surveillant au Louvre depuis de nombreuses années. Un métier qu’il adore. Seulement il aime aussi Mathilde. Celle-ci décide de lui présenter sa famille : ses deux frères, son père et son grand-père. Dès la première rencontre, Fabien n’est pas très à l’aise au milieu de ces gens à l’humour gras et direct. Le pire arrive quand ils ont l’idée de lui montrer un tableau, peint par leur aïeul, en lui demandant s’il aurait sa place au Louvre. Fabien ne sait que répondre en découvrant le tableau sur lequel figure un chien qui louche. Comme il ne veut pas décevoir la famille de Mathilde, il répond vaguement. Mauvaise idée ! Voilà la famille de Mathilde bien décidé à faire figurer le tableau au Louvre à l’aide de notre pauvre Fabien. AM

Victor « Young » Perez est Tunisien, né dans une famille modeste en 1911. Il grandit dans l’amour de la boxe, avec le rêve de devenir un champion, comme son idole Battling Siki. A 22 ans, il s’installe à Paris, s’entraîne d’arrache-pied et décroche le titre de champion de France poids plume en 1930. L’année suivante, il sera sacré champion du monde. Coqueluche du Tout-Paris, il se fiance avec une actrice française et tout lui sourit jusqu’à sa défaite et une longue descente aux enfers jusque dans les camps nazis. Déporté à Auschwitz, il n’est plus qu’un numéro : 157178. Le commandant étant un passionné de boxe, il le reconnaît, lui demande d’entraîner une équipe de prisonniers et de présenter des combats. En échange, il peut travailler dans les cuisines et nourrir en cachette ses amis. Avec des dessins aux traits noirs et charbonneux, l’ambiance des camps est parfaitement rendue et le lecteur souffre avec ce boxeur, s’identifiant totalement à ce destin doublement brisé. PB


98

FERRANDEZ, JACQUES

Alger la noire

Paris, Casterman, 2012 BUS CIT EVI JON MIN PAQ STA

Alger, 1962. Le climat est lourd : OAS, barricades, attentats. Un couple est retrouvé assassiné sur la plage. Elle était française, lui algérien. L’enquête s’annonce difficile. Le policier Paco s’accroche et découvre que les deux jeunes gens avaient chacun un lourd secret à porter. Lui-même pensait connaître son passé et découvre qu’il a été trompé. Ajoutez à cela le frère extrémiste d’Estelle, un flic juif assassiné, un flic ripoux, une grand-mère et une amante, et vous obtenez un suspense haletant. Ferrandez illustre en beauté le scénario impeccable de Maurice Attia. Au final, l’amour pour Alger la blanche devenue noire transparaît à chaque page de cette superbe BD. FA


Alger la noire - Jacques Fernandez Š Casterman, 2012


Š Futuropolis, 2014


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GIPI

Vois comme ton ombre s’allonge Paris, Futuropolis, 2014 CIT EVI JON MIN PAQ SER STA

Silvano Landi a 49 ans et est un écrivain en panne d’inspiration. Transporté d’urgence dans un hôpital psychiatrique après une crise, il est diagnostiqué schizophrène. Enfermé, il passe son temps à dessiner des stations-services et des arbres nus, par dizaines, inlassablement. Mais son esprit est rempli d’images différentes, fantasmées ou réelles, d’une jeune fille distante, d’une épouse qui l’a quitté ou de soldats de la première guerre, blessés, coincés entre les lignes dans une tranchée. Ces flashbacks entremêlés, ces différents récits, ces fragments s’emboîtent, peu à peu, comme les pièces d’un puzzle, et laissent apparaître un drame familial. Graphiquement, cette bande dessinée avance de rupture en rupture, Gipi alternant les genres, de manière subtile, avec des dessins en noir/blanc, des aquarelles, des lavis qui rythment les différents récits. Du grand art. PB


102

HUBERT

La ligne droite

Grenoble, GlĂŠnat, 2013 (1000 feuilles) CIT EVI PAQ STA

HYMAN, MILES

Le dahlia noir

Paris, Rivages, 2013 (Rivages/Casterman/noir) BUS CIT EVI PAQ STA


103

Hadrien est un jeune homme qui vit dans une petite ville de Bretagne. Il est étouffé par une mère castratrice, et par l’éducation stricte qu’il reçoit au Collège Notre-Dame qui fait plus penser à une prison qu’à une école. Pour survivre, il se réfugie dans les livres. Comment pourrait-il s’épanouir dans ce cadre si rigide ? Il peine à trouver sa place, se sent en décalage et seul. Il va commencer à fréquenter Jérémie, le beau gosse du lycée, avec lequel il se rend compte qu’il partage beaucoup de points communs. Cette complicité va peu à peu se transformer en sentiments plus forts, mais les réactions des autres élèves seront violentes. Aves des dessins de Marie Caillou au graphisme épuré et aux couleurs tranchantes, La ligne droite est une bande dessinée poignante qui aborde les thèmes de la découverte de l’amour, de la différence et de l’homosexualité masculine avec beaucoup de pudeur et de justesse. PB

Anciens boxeurs tous les deux, Dwight Bleichert et Leeland Blanchard sont coéquipiers depuis qu’ils ont été affectés aux Mandats. Drogue, homicides, ils ne s’ennuient pas à Los Angeles. Mais la découverte du cadavre affreusement mutilé de Betty Short, dans un terrain vague, le 15 janvier 1947, va les bouleverser et virer à l’obsession. Adapté du roman culte de James Ellroy, avec sa bénédiction, et avec l’aide de David Fincher, scénariste du film réalisé par Brian de Palma, cette BD est admirablement servie par le dessin somptueux de Miles Hyman. Incontournable. DM


104

LAMBERT, JOSEPH

Annie Sullivan & Helen Keller Bussy-Saint-Georges, Cà et là, 2013 CIT MIN PAQ SER STA

Lorsqu’Annie Sullivan est engagée comme préceptrice auprès d’Helen Keller, la petite fille n’a que 6 ans. Suite à une maladie qu’elle a contractée à l’âge de deux ans, elle est aveugle et sourde, donc muette. Elle n’a aucun moyen de communiquer et elle ne supporte que ses parents. Annie Sullivan, qui a elle-même souffert d’infection oculaire la menant presque à la cécité, devra apprivoiser cette petite sauvageonne. A force de patience, elle lui enseigne la langue des signes et, petit à petit, Helen apprend à nommer les choses. Heureusement elle est d’une grande intelligence. Entre les deux femmes va naître l’amitié d’une vie. Contre toute attente, Helen va devenir une écrivaine et une femme publique, s’engageant au parti socialiste américain. Tout cela grâce à la persévérance d’Annie Sullivan. Le dessin de Joseph Lambert réussit le tour de force d’imaginer le monde d’Helen Keller dans sa nuit. Très belle BD. DM


105

LEMIRE, JEFF

Jack Joseph : soudeur sousmarin Paris, Futuropolis, 2013 SER STA

Jack Joseph a 33 ans. Il travaille comme soudeur sous-marin sur une plateforme pétrolière offshore au large de la Nouvelle-Écosse. Il est marié avec Susie qui attend leur premier enfant. Cette naissance à venir le plonge dans son passé, dans les rapports avec son père. Ce dernier est décédé la veille d’Halloween, alors que Jack n’avait que 10 ans. Lui aussi soudeur, alcoolique notoire, il menait une vie en marge, convaincu que la mer recelait des trésors immenses qu’il découvrirait et lui apporterait la richesse. Il avait d’ailleurs offert une montre à Jack trouvée lors d’une de ses plongées. Par déception et énervement, Jack l’avait jetée à la mer, geste qu’il regrettait maintenant. Nous sommes à la veille d’Halloween et Jack est toujours hanté par des fantômes. Ce roman graphique, qui oscille entre récit initiatique et thriller psychologique, est une très belle réflexion sur la paternité, la transmission et l’héritage. En mélangeant subtilement le présent et le passé, les destins de ces deux êtres, Jeff Lemire traduit parfaitement leurs errements, leurs doutes et leur psychologie. PB


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MACOLA, PIERO

Dérives

Genève, Atrabile, 2010 (Flegme) CIT MIN STA

Dérives est un récit empli d’humanité. Bouba Boro est pêcheur, mais depuis quelque temps les affaires ne sont pas bonnes. Il ne peut rivaliser avec les chalutiers qui viennent de loin, remplissent leurs cales et modifient l’équilibre marin. Pour s’en sortir, il compte sur la chance, les paris de chevaux, et ne veut pas se résigner, comme tant d’autres, à travailler à la conserverie de poissons. Mais tout bascule lorsqu’il fait naufrage et perd sa barque. Quel sera son avenir ? Avec un graphisme de toute beauté, des crayonnés aux teintes vaporeuses et subtils, Piero Macola dresse le portrait de personnages attachants, à la dérive, tout en dénonçant la surpêche, avec un constat amer sur la mondialisation. PB


Dérives - MACOLA, Piero © Les éditions Atrabile, 2010 (Flegme)


une lĂŠgende va ici


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MADEMOISELLE CAROLINE

Chute libre : carnets du gouffre Paris, Delcourt, 2013 (Mirages) CIT SER

Mademoiselle Caroline est une illustratrice qui vit à Annecy. Dans cette BD, elle raconte sept ans de gouffre : à trois reprises, elle va sombrer dans la dépression. Aujourd’hui tirée d’affaire, elle a repris ses carnets rédigés pendant sa maladie pour en faire cet incontournable ouvrage. Les médicaments, les psys, la vie de famille qu’il faut continuer de vivre malgré tout, malgré la seule envie qui reste : passer son temps recroquevillée sur le canapé. La dépression est rendue avec une justesse bouleversante… C’est un cadeau précieux qu’offre au lecteur Mademoiselle Caroline en nous ouvrant sa vie et son cœur. Et au final, on comprend la détresse indicible qu’elle a vécue, comme tous ceux qui souffrent ou ont souffert de dépression. C’est également un bel hommage à son dernier psy, celui qui l’a sauvée, et à son mari, qui a toujours été à ses côtés. Un magnifique et poignant témoignage. DM


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MEURISSE, CATHERINE

Mes hommes de lettres Paris, Sarbacane, 2011 BUS CIT EVI JON MIN SER STA

Voici une BD qui allie culture et humour. Catherine Meurisse est illustratrice à Charlie Hebdo et ses talents de caricaturiste apportent à cette histoire de la littérature une note très piquante. Tout commence par Renart, le troubadour qui nous raconte les moines, le latin et l’apparition du français, la langue « vulgaire ». Apparaît ensuite le bon gros Rabelais qu’elle va croquer, vautré dans sa chair qui réfléchit à la pédagogie moderne. Puis elle nous parle de Racine, de Molière et de La Fontaine qui a bien à lutter contre les animaux qui réclament un pourcentage sur les droits d’auteur qu’il a touchés pour ses fables. Voltaire, Rousseau, Flaubert, Hugo, Balzac, Zola et plus récemment Céline ou le couple légendaire Sartre-Beauvoir, tous les grands auteurs ont leur histoire contée bien différemment qu’à l’école. Dans la dernière case, l’auteure se permet une petite pique à l’encontre de Marc Lévy et des autres écrivains contemporains. Si vous aimez la littérature, si vous avez envie de rafraîchir vos connaissances tout en vous amusant, alors vous ne serez pas déçu ! RL


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ORTIZ, ÁLVARO

Cendres

Montreuil, Rackham, 2013 STA

A la mort d’Hector, Polly, Maho et Piter, trois amis de longue date, qui se sont perdus de vue depuis longtemps, se retrouvent pour exécuter les dernières volontés du défunt. Ils doivent disperser ces cendres dans un lieu mystérieux, indiqué par une croix sur une carte. Commence alors un long voyage en voiture qui va être parsemé d’embuches, de courses poursuites, de rencontres étranges ou décalées. Peu à peu les langues se délient et resurgissent leurs souvenirs, les liens qui les unissaient et qui les relient encore. Cette bande dessinée pourrait être un road-movie classique, mais Alvaro Cortiz insuffle beaucoup d’humour et d’humanité dans ses personnages, les rendant touchants et attachants. L’histoire qui se déroule sur sept jours est menée main de maître, jusqu’à son dénouement. Très belle histoire d’amitié. PB


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OTT, THOMAS

Dark country Paris, Apocalypse, 2013 CIT SER

REVEL, SANDRINE ; SOWA, MARZENA

N’embrassez pas qui vous voulez Marcinelle, Dupuis, 2013 CIT EVI SER STA


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Un homme et une femme passent leur lune de miel dans un motel miteux. Ils reprennent ensuite la route, pour une destination inconnue. Durant le trajet, de nuit, elle s’endort, alors que lui, au volant, se remémore leur rencontre avec nostalgie : un bar à strip-tease, quelques billets glissés dans sa culotte, un gain au casino et une chapelle. Comme si l’amour ne pouvait attendre. Il rêve, oublie de regarder la route et… la réalité laisse la place au cauchemar éveillé. Dès lors, ce road trip deviendra haletant et cauchemardesque. Dans cette adaptation totalement libre d’un film du même nom, Thomas Ott est au sommet de son art. Sa technique de carte à gratter, sa maîtrise de la lumière et son approche cinématographique lui permettent de créer des ambiances particulières, sans texte, angoissantes et lugubres, pessimistes et étouffantes. PB

Lors d’une séance de cinéma organisée par son école, le petit Viktor tente d’embrasser sa camarade Agata qui le repousse en hurlant. La projection est arrêtée et il s’ensuivra une enquête sur Viktor, sa famille, son père et le livre qu’il serait en train d’écrire. Il faut dire qu’on est en République soviétique, le film (que tous les élèves connaissent par cœur) est l’histoire d’un garçon qui rêve de voir Staline en vrai. A travers cette BD, qui se déroule dans une période que la scénariste a bien connue, on découvre la vie sous la dictature soviétique et le désarroi des gens qui ne savent plus comment se comporter sans éveiller des soupçons. Cette histoire simple aux dessins quelque peu naïfs constitue une très intéressante porte d’entrée dans cette période particulièrement douloureuse. DM


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REVEL, SANDRINE. OCEANEROSEMARIE

La lesbienne invisible Paris, Delcourt, 2013 (Mirages) CIT EVI STA

Océanerosemarie est une jeune lesbienne jolie et féminine qui aime les robes, le rouge à lèvres et les chaussures à talons. Heureusement qu’elle a le sens de l’humour, car faire comprendre à son entourage qu’elle aime les filles est plus que compliqué et la met parfois dans des situations rocambolesques. Cette BD est la version dessinée du spectacle à succès qu’elle a mis en scène et qui assène une bonne claque aux idées reçues. Le dessin très coloré de Sandrine Revel se prête à merveille aux tribulations de la jeune femme à la recherche de la femme de sa vie. DM


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RICARD, SYLVAIN

Toi au moins, tu es mort avant Paris, Futuropolis, 2013 CIT EVI PAQ SER STA

Cette très belle bande dessinée en noir et blanc raconte l’incroyable histoire de Chronis Missos, militant communiste, qui a passé 21 ans de sa vie dans les geôles grecques. Arrêté à peine sorti de l’enfance, alors que la Grèce sort de la seconde guerre mondiale pour tomber dans la guerre civile, puis sous diverses dictatures, Chronis va subir les pires atrocités en prison. Cette BD décrit un système carcéral destructeur, la brutalité d’une dictature, mais aussi et surtout la force d’un homme, à qui on a voulu briser la vie, mais qui gardera foi en son idéal. Adapté du témoignage du héros de l’histoire, aujourd’hui décédé, ce récit est superbement illustré par Daniel Casanave. RD


Infos utiles


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adresses et contact Bibliothèque de la Cité (CIT) 5 place des Trois-Perdrix 1204 Genève 022 418 32 22 adultes 022 418 32 44 jeunes 022 418 32 33 espace films 022 418 32 66 salle d’actualité

Bibliothèque des Eaux-Vives (EVI) 2 rue Sillem 1207 Genève 022 418 37 70 adultes 022 418 37 72 jeunes

Bibliothèque de la Jonction (JON) 22 bd Carl-Vogt 1205 Genève 022 418 97 10 adultes 022 418 97 12 jeunes

Bibliothèque / Discothèque des Minoteries (MIN) 3-5-7 rue des Minoteries 1205 Genève 022 418 37 40 adultes 022 418 37 42 jeunes 022 418 37 46 discothèque


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Bibliothèque des Pâquis (PAQ) 15-17 rue du Môle 1201 Genève 022 418 37 50 adultes 022 418 37 52 jeunes

Bibliothèque de la Servette (SER) 9 rue Veyrassat 1202 Genève 022 418 37 80 adultes 022 418 37 82 jeunes

Bibliothèque de Saint-Jean (STA) 19 avenue des Tilleuls (entrée par la rue Miléant) 1203 Genève 022 418 92 01 adultes 022 418 92 02 jeunes

Bibliothèque des Sports 4 chemin du Plonjon, Parc des Eaux-Vives 1207 Genève 022 418 37 66

Service du Bibliobus (BUS) 40 points de stationnement dans tout le canton, renseignements auprès de votre commune ou au 022 418 92 70


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légendes Ces résumés vous sont proposés par Anabel Matute • Dominique Monnot • Françoise Aellen • Françoise Bonvin • Latitia Freuler • Marie-Claude Martin • Michel Hardegger • Philippe Bonvin • Raphaël Desjacques • Roane Leschot • Sébastien Vieira

Disponibilité des Documents : Existe en gros caractères : Existe en livre lu en français : Existe en livre lu en anglais Tous les documents présentés ici se trouvent en un ou plusieurs exemplaires dans les bibliothèques municipales. Vous trouverez leur disponibilité dans votre bibliothèque ou en consultant notre site internet : http://collectionsbmu.ville-ge.ch/


Coordination : Dominique Monnot Corrections : Dominique Monnot & Philippe Bonvin Réalisation, Illustrations & Réalité augmentée : Bruno Fernandes, bpoeta.net © 2014 Impression : centrale municipale d’achat et d’impression Ville de Genève ©2014


“ Il en est des livres comme du feu dans le foyer. On va le prendre chez le voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. ” Voltaire


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