Lettre ouverte 57 signataires 18 01 18

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Lettre ouverte d'adhérents, anciens administrateurs, café lecteurs et sympathisants du Café Lecture Les Augustes suite à la « Lettre de rentrée 2017 » Le 29 novembre 2017 Dans « La lettre de rentrée 2017 » du Café Lecture, le conseil d'administration des Augustes a choisi de présenter plusieurs points qui nous ont fortement interpellés. Nous avons pris l’initiative de nous réunir bénévoles de l'association, anciens administrateurs, adhérents, sympathisants du Café Lecture, pour faire entendre une autre voix que celle des dirigeants du lieu.

Tout est déjà dans le titre ... « Le moment de tourner une page pour le Café Lecture » La rentrée de septembre a été tristement marquée par le gel des contrats aidés. Nous avons donc pensé que ce titre venait annoncer la nécessaire réorganisation des postes qui devait se faire en interne. Nous avons vite déchanté quand nous avons compris que ces mots concernaient l’une des salariées du projet (licenciée pendant l’été) et qu'il était en fait question de se débarrasser des « éléments » (i.e. des individus) gênants appartenant au passé. Voici le nom de cette ex-salariée (puisqu'elle n'est jamais citée), il s'agit d'Annabel Raynaud, engagée comme bénévole au Café depuis cinq ans, salariée trois ans, dont deux en CDI. Annabel a travaillé en confiance avec tous les salariés et les équipes dirigeantes précédentes. Si, de manière générale, il semble intolérable qu’une équipe dirigeante puisse faire porter à l’une de ses employées, publiquement et dans une accusation post contrat, la responsabilité de l’ensemble des maux de l’association, nous dénonçons fermement le manque de respect, le caractère violent et humiliant de cette annonce institutionnelle envers une personne qui a donné de son temps, de son énergie, de son engagement, de ses compétences au nom et au service du lieu et des valeurs jusque là partagées. Nous considérons que ces mots sont également une offense faite à toutes les personnes qui ont façonné le projet chacun à leur manière (bénévoles, animateurs, administrateurs, salariés, etc.) ces dernières années. A la fin de la lettre, le rappel du titre « Ce ne sont pas toujours les plus belles pages qui se tournent » nous a considérablement choqué. En effet, nous sommes sidérés devant le manque d'humilité de jeunes dirigeants associatifs capables de tirer sans vergogne un trait ferme sur l'historique du Café, de voir à quel point le salariat associatif change de bord sous cette « nouvelle » gouvernance. Cette lettre est un texte officiel, on sera toutefois étonnés d'y trouver autant de fourbis, imprécisions, mélanges des genres sur les rôles et fonctions des acteurs du Café, et sur la manière dont les éléments sont présentés. L'éloge de la pensée unique pour prévenir les frottements ... " il arrive aussi que parfois dans les engrenages de nos engagements collectifs, il y ait des frottements, que soudain tout ne soit plus idéal, que les humeurs et les points de vue s'affrontent plus de raison " [extrait de la Lettre de rentrée] 1

Nous sommes surpris que le CA des Augustes considère négativement les « frottements » et y associe un sentiment d'échec. Quoi de mieux que les divergences, les désaccords, les frottements, les grains de sable dans l'engrenage (qui est d'ailleurs le nom d'une SCOP prônant l'éducation populaire) dans un projet qui se bat pour les espaces d'échanges et de dialogues, qui se bat pour la lutte contre les inégalités. Les points de vue doivent donc tous se taire face à « l'idéal » d'un « groupe humain grandiose » représenté par son Président au risque d'uniformiser la pensée, de lisser des opinions pour maintenir la gageure « tout va bien dans le meilleur des mondes » ?


Des cautions bien douteuses pour un licenciement sans faute professionnelle ni raisons économiques … " nous avons engagé en janvier les services d'une médiatrice professionnelle en gestion de conflits, spécialisées en communication non violente " [extrait de la Lettre de rentrée] La CNV (Communication non violente) semble avant tout un outil de médiation interpersonnelle. Or, la crise que le Café traverse aujourd’hui touche surtout aux relations de travail et à la structure associative, un statut qui peut offrir des conditions de travail fragiles, les salariés étant confrontés à de grandes disparités des tâches à effectuer, une rotation fréquente des bénévoles notamment des dirigeants mais aussi des salariés, des interlocuteurs multiples et changeants, une surcharge de travail... Si des conflits interpersonnels ont existé, ils témoignaient surtout d'un problème de structure et d'organisation (et non l'inverse). La CNV ne traite dans ce cas que de la partie émergée de l'iceberg, surtout, comme ce fut le cas ici, si la « médiatrice » bénévole est partie prenante en tant que Café Lectrice mandatée par le Président, lui-même pris dans ces relations interpersonnelles. Ce choix de médiation a eu pour conséquence de livrer l’une des salariées à la fureur du groupe, pendant son absence, laissant la médiatrice démunie et la salariée encore plus accablée et isolée. Le licenciement est pour nous la preuve que la médiation au rabais fournie par le CA n'a pas fonctionné et que les dirigeants n'ont de surcroît rien appris de la situation complexe qu'ils n'ont pas su délier. Un « groupe humain grandiose » ? Le CA fait mention d'avoir, pour ne pas s' « inventer experts, (…) agi sous les recommandations de la DIRECCTE (l'inspection du travail) et d'un avocat ». Or ces derniers ne se sont prononcés que sur la forme de la lettre de licenciement et non sur le fond et les motifs invoqués. Avant d'utiliser des solutions que certains d'entre nous ont qualifiées d'ultralibéralistes et macronnistes, et d'engager sciemment le Café dans une procédure de licenciement en contactant des structures juridiques, comme la DIRECCTE ou un avocat donc, nous aurions imaginé que le CA ait recours a bien d'autres options : solliciter une médiation d'urgence au CREFAD, partenaire historique de l’association, faire appel aux services de personnes reconnues compétentes, prendre les avis et les conseils des anciens administrateurs de l'association, voire discuter avec d'autres employeurs associatifs. Le CA aurait également simplement pu laisser une place à des bénévoles de l'association qui n'étaient, certes, pas administrateurs mais dotés d'une sérieuse expérience dans le milieu associatif mais dont les propositions ont été écartées. Ces personnes proposaient de penser et de mettre en place une solution collective, un travail autour du projet et de la place de chacune des personnes qui contribuent à le faire vivre. Certes, ce travail aurait engagé plus d’efforts qu’un licenciement. "malgré tous ces efforts, ces tensions ont conduit en juin et juillet à de nombreux arrêts maladie de salariées en souffrance au travail" [extrait de la Lettre de rentrée]

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La confusion entre « arrêts maladie » et « souffrance au travail » nous interpelle, d’abord parce que les deux ne sont pas toujours liés. Comment ensuite est-il possible d'accuser UNE personne, une employée, d'être la responsable des arrêts maladie d'une équipe tout en omettant que cette dernière a elle-même été arrêtée pour les mêmes raisons, la « souffrance au travail » ? Comment un employeur peut-il profiter de cette situation pour se défausser de ses responsabilités alors qu'il s'agirait de s'interroger sur la santé globale de la structure ? Et s’il s’agissait pour ces dirigeants de jouer la plus stricte transparence vis-à-vis de ses lecteurs, pourquoi ne pas mentionner les problèmes structurels du CA notamment son effectif très faible et le besoin impératif de trouver de nouveaux soutiens. En effet, la dernière année, le CA a fonctionné avec 5 à 7 administrateurs seulement, la plupart novices dans la fonction et, pour certains, dans le milieu associatif et aux Augustes.


Aussi, nous ne voyons pas quel motif il est possible d'invoquer qui soit à la fois réel et sérieux, étant donné l'absence de faute professionnelle a priori commise. Cette lettre soulève en toile de fond le problème de gouvernance associative et des conditions sociales dans les associations : problèmes de transmission du projet, garde-fou à la fonction employeur, confusion des fonctions de directeur/président, pleins pouvoirs confiés à des personnes novices... Plus globalement, il nous semble nécessaire d'alerter sur la nécessité d'accompagner et de former les nouveaux administrateurs d'un lieu associatif, de favoriser la découverte d'autres cadres associatifs ou salariaux, de créer des garde-fous statutaires (inscrire un temps minimum d'implication bénévole avant d'être élu au CA, obliger le groupe des administrateurs à se former en externe une fois par an, prévoir un accompagnement spécial de la fonction employeur en s'adressant par exemple à des syndicats comme ASSO), envisager une présidence collégiale, créer et se référer à un comité consultatif. Voici quelques pistes possibles. Car malheureusement « les bonnes intentions ne suffisent pas »... Le CA actuel est sans nul doute composé de gens travailleurs, motivés mais, pour la plupart, sans aucune expérience du monde associatif, ce qui peut avoir des conséquences graves, comme nous avons pu en être témoins cette année. Tous les problèmes rencontrés, au lieu d'être pris comme des leviers pour se questionner tant individuellement que collectivement, ont plutôt été accumulés, non traités et finalement rejetés sur un individu qui a été ensuite éliminé. On appelle cela la technique du bouc émissaire et si cela apaise l'espace d'un moment, cela ne résout en aucun cas les problèmes. La complexité d'une structure ne trouvera jamais de solutions dans la simplicité et la brutalité.

Les 57 premiers signataires, par ordre alphabétique (au 18 janvier 2018) :

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Abdo Adlo (Adhérent et bénévole bar) Nicolas Anglade (Café-lecteur) Térence Annarelli (Café-lectrice) Suzanne Arif (Café-lectrice) Aurélien Arnaud (Adhérent, animateur bénévole du “Cosmos-Café”) Clément Auboiron (Ex-président du Café Lecture, ex-secrétaire, commission salariat) Flora Bajard (Café-lectrice, militante féministe) Édouard Bray (Syndicaliste CGT, militant NPA) Manon Caudron Fournier (Adhérente, ex bénévole bar, ex référente programmation) Bertrand Chinal (Salarié associatif) Chantal Chinal (Adhérente) Olivier Clément (Adhérent, bénévole ex programmateur Art-vivant) Robin Correia (Café-lecteur) Béatrice Coudour (Travailleuse sociale militante) Bernard Coudour (Travailleur social militant) Claudine Cros (Café-lectrice) Morgan Daglia (Café-lecteur) Éliane Dessaint (Militante du mouvement pour la transition) Marianne Duforeau (Bénévole ex-administratrice des Augustes, commission salariat, co-gérante)


Noémie Dumont (Café-lectrice, salariée d'une association d'éducation populaire) Françoise Dumont (Militante éduc pop) Marine Faurie (Adhérente, bénévole bar) Odile Faye (Café-lectrice) Sabrina Ferstler (Café-lectrice, militante associative) Josette Le Franc (Membre active du SEL) Apolline Garnier (Café-lectrice) Lindita Gerdeci (Organisatrice du FLASH MOB 63, adhérente et bénévole du Café Lecture/ FCPE/ CDPE/ RESF/ FHA) Émilie Grelewiez (Café-lectrice) Sara Laborie (Café-lectrice) Hugo Lassalle (Café-lecteur et bénévole ex-animateur du café “Socio-éco'”) Ida Legagneur (Bénévole animatrice du café “Toi l'auvergnat”) Dominique Lemarquis (Café-lectrice, intervenante bénévole à plusieurs reprises) Karell Lherbier-Clair (Café-lectrice) Albert Lopez (Café-lecteur) Paulina Malecza (Café-lectrice, ex-bénévole bar et ex-animatrice du café polonais) Chanti Mauvenu (Café-lectrice) Émilie Morata (Café-lectrice) Ségolène Pardon Chinal (Bénévole de plusieurs associations d’éducation populaire) Chantal Paris (Café-lectrice) Élisabeth Pernollet (Café-lectrice et partenaire occasionnel) Mathieu Piqueras (Café-lecteur) Marie Poulard (Café-lectrice) Anne-Sophie Priou (Adhérente, ex-salariée, ex bénévole bar et coordinatrice de la programmation) Marine Raynaud (Café-lectrice) Michaël Rodrigues (Café-lecteur) Damien Roudeau (Auteur illustrateur, intervenant au Café Lecture) Paul Royer (Café-lecteur) Christelle Sanial (Café-lectrice) Didier Sauvestre (Café-lecteur) Olivier Serpe (Café-lecteur) Nishanth Therakkadavath (Café-lecteur) Paul Tixerant (Adhérent, bénévole animateur du café “Sexe & Société”) Karyn Very (Café-lectrice) Guillaume Vimont (Adhérent et café-lecteur) Pascal Virlogeux (Café-lecteur) Luka Wosnitza (Café-lectrice) François Yermia (Pianiste aux Augustes depuis 17 ans)

Le collectif CDI Café-Lecture (Contre les Dérives Institutionnelles) * Pour nous écrire et.ou co-signer la lettre : cdi.cafe-lecture@ntymail.com

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