TPFE Joséphine Billey, mémoire de soutenance 2014

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Novillars une “ville de fous”? Ou comment questionner l’image de son paysage

Mémoire de Travail Personnel de Fin d’Études Joséphine Billey encadrée par Frédérique Garnier 2010-2014 ENSP Versailles

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Mémoire de Travail Personnel de Fin d’Études

Novillars, une «ville de fous»? soutenance le 11 Juillet 2014 à 14h au Potager du Roi de Versailles

Membres du Jury Frédérique GARNIER, Paysagiste DPLG, encadrante Matthieu PICOT, Paysagiste DPLG Ivan ZANTCHEVSKI, Paysagiste plasticien Michel STEGRE, adjoint à la mairie de Novillars

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A – UN PROBLÈME D’IMAGE

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1- La psychiatrie, vecteur d’images et d’imaginaires

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Un regard extérieur nourrit par des images La réputation d’une «ville de fous»

2 - L’espace de la folie

«Incomposition» du cœur du bourg Triomphe de l’automobile pour une abstraction de l’espace Lapsus paysagers

3 – Le paysage vécu des Novillarois

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Des problèmes majeurs Des qualités connues mais peu reconnues

4 – Des potentialités cachées

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Un village qui paraît sans Histoire Contexte géographique remarquable

B – SENSIBILISATION DES REGARDS

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1 – Une volonté de cohérence

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Novillars, un terrain à projets de paysage Recherche de la cohérence Un processus d’ouverture des regards

2 – Une juste appréhension du terrain

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Rencontre des habitants Un travail régulier avec le maire, savoir tenir informé

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3 – Un outil de projet par le paysage : les promenades de perceptions

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Un trajet stratégique dans le village Les promenades de perceptions Rôle du paysagiste

C – D’UNE PRATIQUE DU PAYSAGE AU PROJET PARTAGÉ

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1- Communication d’une pratique paysagère

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Restitution des promenades de perceptions Vers un paysage actif

2- Vers une pratique du projet de paysage partagé(e)

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Avec les habitants En collaboration avec le paysagiste

D – UN PROGRAMME ENTRE DE BONNES MAINS

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1- Élaboration d’une démarche participative

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Mise en place d’un programme sur un an Intervention 1 Intervention 2 Intervention 3 Intervention 4 Intervention 5

2- Réception du mémoire C

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Aujourd’hui, Novillars est considéré par les habitants de Besançon, (les Bisontins) comme une «ville de fous». De manière littérale, « fou » est un terme qui désigne une personne atteinte de troubles mentaux. Certes, Novillars accueille un hôpital psychiatrique, mais est-ce une raison pour être une «ville de fous» ? Selon moi, « fou » n’est pas un terme forcément péjoratif. Au-delà de la psychiatrie, c’est un degré d’intensité, une forte passion, d’où être fou de quelque chose. Être fou c’est aussi avoir un comportement extravagant ou contraire à la sagesse qui suscite des interrogations chez autrui, et parfois laisse paraître des situations surprenantes, voire extraordinaires. Ainsi, l’imaginaire se met en éveil, et il paraît légitime de se poser la question « à quoi peut ressembler une «ville de fous ? »… simple curiosité. Situé à 12Km au Nord-Est de Besançon, capitale de la Franche-Comté, Novillars n’est pas une «ville» mais un petit village de mille six cent habitants qui vivent entre la ville et la rase campagne. Il est à la charnière de ces deux entités du paysage, ce qui lui confère son aspect mi-rural mi-urbain, autrement dit un caractère hybride qui ne lui donne pasl’apparence d’un village.

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Aux alentours de Besançon, on dit que Novillars est une « ville de fous ». Certes, son hôpital psychiatrique lui confère cette réputation depuis une quinzaine d’années, mais la question est de savoir pour quelles raisons Novillars ne parvient pas à s’en détacher. Aujourd’hui, c’est tout le village qui est teinté par cette image péjorative. Tant que l’on ne connaît pas ce petit village de Franche-Comté, ancré dans la vallée du Doubs, on ne peut pas avoir de meilleure image que celle imposée par les «on dit». Mon idée serait d’utiliser l’image de la «ville de fous» en regardant comment elle peut s’appliquer au paysage de Novillars. Ainsi, la folie serait comme une sorte de baromètre qui permet de mesurer le paysage du village. C’est un atout qui renforce l’image de Novillars comme un village insolite et différent de tous les autres petits villages franc-comtois. On observe à Novillars une nette différence entre l’image que renvoie le paysage de la commune, imaginé comme un asile perdu au milieu d’une forêt, et le village perçu par les gens qui le découvrent en le traversant. Ce décalage est intéressant car il démontre qu’il n’y a pas qu’un hôpital psychiatrique à Novillars. Contre toute attente l’image de la « ville de fous » disparaît. Elle est comme absente dans les perceptions. L’hôpital psychiatrique est caché dans son parc sur une butte, invisible, et donc imperceptible. Par conséquent, en pénétrant dans le village on s’attache à des éléments que l’on voit, ou découvre, et qui deviennent les fondateurs du paysage vécu du village. C’est le cas de la route départementale D683 doublée de la voie ferrée qui traversent le village et le coupent en deux parties distinctes. Le bas Novillars au Sud, sur la plaine alluviale du Doubs avec son imposante Papeterie qui longe la voie ferrée. Et le haut Novillars, composé du coeur du bourg face à l’usine, puis des lotissements qui grimpent jusqu’ à la forêt au Nord. Jusque dans les années 1960, le village se développait autour de son axe de communications. La D683 formait l’espace attractif du village où régnait la vie sociale, notamment grâce à l’arrivée de la Papeterie en 1882, puis d’une halte ferroviaire et d’un bar face à l’usine. Aujourd’hui, le village s’est beaucoup développé au Nord, et cet axe est devenu une route départementale qui, en traversant le cœur du bourg, peut prétendre faire la vitrine du village. Sauf qu’actuellement, elle présente une pâle image de la commune. La façade de la Papeterie est un peu décrépie, alors qu’en face, la place de la Mairie s’étend derrière un grand parking dit « trop minéral». Novillars s’est étendu de manière très hétéroclite, en rupture avec une vision globale du paysage du village. C’est sûrement ce phénomène qui empêche Novillars d’avoir une autorité sur l’image qu’il véhicule, qui semble dépendre de ses grands pôles économiques. Alors qu’il possède un contexte historique et géographique remarquable, un manque de composition des éléments du village lui confère un aspect anachronique. La juxtaposition de plusieurs constructions sans pensée globalisante rend l’espace du cœur du bourg peu lisible, voir perturbant. C’est peutêtre en cela que le paysage véhicule un sentiment proche de la folie. Une personne qui ne connait pas le village y perd ses repères. L’inconvénient est qu’elle ne trouvera pas la curiosité de découvrir les secrets du village, et cela joue un rôle dans l’image péjorative du village.

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En rencontrant des élus mais aussi des employés de la Papeterie, dans une vision à long terme, Novillars compte développer son attractivité autour du tourisme industriel naissant. Le nouveau projet de la Papeterie, notamment l’accueil prochain d’une usine de co-génération d’énergie de biomasse, favoriserait l’attractivité de touristes curieux. Dans cette optique-là, la commune devra trouver les moyens de travailler sa vitrine afin de mettre en valeur son paysage et de mettre à l’aise les personnes extérieures au village. Il faut se rendre compte que pour ce village de 1600 habitants, même si le Plan Local d’Urbanisme de 2006 a orienté Novillars en lui donnant des objectifs d’aménagement à long terme, il peut lui être difficile de lancer ses projets, surtout si il ne possède pas une équipe d’aménageurs. À Novillars, après bientôt plus de huit ans, les objectifs du PADD n’ont pas été réellement tenus, notamment en termes de valorisation de ses atouts paysagers ni de ses espaces publics. Suite à la difficiluté de mise en oeuvre d’outils méthodologiques de gestion du territoire comme le PADD, et après des rencontres avec des habitants et des élus, qui ne savent pas comment agir sur des lieux complexes de leur commune, je pense qu’il est nécessaire de mettre en place une nouvelle approche pour aider Novillars à faire émerger ses projets. Ainsi, je recherche comment le paysagiste peut apporter de la cohésion spatiale et humaine dans un village hétérogène comme Novillars, tout en valorisant son paysage ? Une volonté de sortir des méthodes d’approches classiques du paysage pour mieux m’adapter au contexte de Novillars me permet d’élaborer de nouveaux outils. Sans forcément mettre en place un plan d’aménagement digne d’un bureau d’étude, je cherche à me positionner entre les objectifs du PADD et ceux de la commune pour élaborer une image cohérente du paysage du village. Je souhaite démontrer, que le paysagiste peut être un conseiller qui aide la commune à mettre en œuvre son PLU, par l’expérimentation de différents moyens participant à un projet de paysage. Le but serait de favoriser l’arrivée des transformations de ces espaces afin de mieux les intégrer les atous paysagers au village pour que les Novillarois se les approprient. Ma démarche vise donc à étudier les perceptions des habitants sur leur village pour démontrer l’intérêt de la participation publique dans le projet de paysage, mais aussi la capacité du paysagiste à accompagner l’ouverture de leur regard sur leur environnement quotidien. J’essaie donc de mettre au point une forme de pédagogie du regard passant par des outils réfléchis, dans le but d’orienter la commune à penser le paysage du village de manière globale, tant dans ses démarches pour affirmer son caractère insolite que dans ses projets d’aménagements. Dans ce sens, j’étudierai d’abord les différents regards portés sur la commune pour comprendre la différence entre l’image et l’identité du village. Ceux des personnes qui ne connaissent pas Novillars, les visions de celles qui le connaissent mais n’y vivent pas, et le paysage vécu par les habitants. Cette étude me permettra de démontrer dans quelles circonstances Novillars pourrait être assimilé à une «ville de fous», mais aussi sa difficulté à appliquer des méthodes classics de gestion du territoire. En conséquences, dans un second temps j’exposerai quelles ont été mes stratégies d’approches des habitants et les moyens de sensibilisation du regard que j’ai mis en place dans le but de comprendre et d’intégrer les différents regards des Novillarois à un projet de paysage. Et enfin, c’est le passage de l’expérience individuelle au collectif puis au partage à toute la commune qui sera important pour attester de la capacité du paysagiste à accompagner unebv transformation du regard des Novillarois sur leur paysage quotidien. J’étudierai alors le potentiel d’une action in situ qui jouera le rôle d’une folie pour révéler la valeur du paysage.

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A - UN PROBLÈME D’IMAGE Novillars est un village particulier. Comme le dit son maire, Mr Beluche, « il ne ressemble à aucun autre village en Franche-Comté ». Là où son hôpital psychiatrique confère à Novillars l’image d’une «ville de fous», cette spécificité n’est pas vécue par tout le monde de la même manière selon si l’on habite à Novillars, ou à Besançon et ses environs. Ainsi, plusieurs représentations contradictoires d’un même village se confrontent, sans comprendre pourquoi il véhicule une image si négative. L’étude du paysage de Novillars passe par celle des différents points de vue sur le village et permet de comprendre si il existe de réels arguments pour le considérer comme une «ville de fous». Ainsi, en tant que paysagiste je tente d’étudier les différents regards sur le paysage de Novillars avec un baromètre de la folie. Cet outil me permettra de comprendre pourquoi le village n’arrive pas à se défaire de cette réputation, imprégnée à l’échelle du Grand-Besançon. Dans un premier temps, je tenterai de voir en quoi la psychiatrie renvoie une image stéréotypée, avant de comprendre comment des personnes extérieures au village perçoivent Novillars lorsqu’elles le fréquentent. Dans un second temps, il est intéressant de comparer ces points de vue extérieurs à ceux du paysage vécu par les Novillarois, et enfin de les confronter au potentiel paysager caché de la commune.

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1- La psychiatrie, vecteur d’images et d’imaginaires La psychiatrie a tendance à renvoyer des images stéréotypées, notamment par des représentations que l’on se fait du milieu hospitalier et de la maladie mentale en générale. Ainsi, l’idée est de voir quelles images nourissent notre imaginaire, et quel peut être le paysage de Novillars imaginé par les personnes qui y sont extérieures.

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Photographie prise au village de Gheel en Belgique.

Photographie de Raymond Depardon prise à l’hôpital de San Clemente, Italie.

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Photographie extraite du film Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman sorti en 1975, adapté du roman de Ken Keysey. Jack Nicholson joue alors le rôle de Randle P. McMurphy , qui se fait interner afin d’échapper à la prison. 16


Un regard extérieur nourrit par des images

Il est vrai que la psychiatrie a le pouvoir d’évoquer des images et des peurs mystérieuses sur les personnes extérieures à ce milieu. La volonté de classification scientifique absolue apparaît au cours du XIXème siècle. Ainsi, des médecins trouvent alors la photographie comme outil d’études de certaines pathologies. Elle devient un moyen pour répertorier les patients et leurs différents symptômes. En parallèle, l’institution psychiatrique est aussi remise en cause par certains artistes. La photographie est beaucoup utilisée pour témoigner d’expériences humaines éprouvantes. Elle atteste d’une réflexion sur l’enfermement, tant physique que mental. Des reportages ont été menés, notamment par Alfred Eisenstaedt photographe allemand, à l’asile de Long Island, dans le but d’écrire un article pour le magazine Life en 1938. Telle une dénonciation, Stranger to Reason a été perçu comme un cri d’indignation sur les conditions de vie des patients.

Page précédente : Hôpital de Long Island photographié par Alfred Eisenstaedt pour son reportage Stranger to reason, en 1938.

Le photographe français Raymond Depardon a passé plusieurs années à photographier les patients de l’asile de San Clemente en Italie, qui pratiquait la psychanalise de manière altenative. Un film est aussi sorti sur cette expérience. La différence et la norme à travers la maladie mentale a été un sujet de photographie que Diane Arbus a beaucoup exploité dans les années 1960. De nombreuses oeuvres artistiques, ainsi que des films ou pièces de théâtre ont été réalisés sur le thème de la psychiatrie comme Vol au dessus d’un nid de coucou de Milos Forman en 1975, Shutter Island, ou encore la pièce de théâtre Gheel, la ville des fous, qui retrace une histoire dans un petit village belge où les patients ne sont pas internés dans un hôpital, mais vivent dans des familles d’accueil du village. La plupart de ces productions nous poussent toujours à dramatiser la pathologie dans le sens où l’on met des images sur le mot psychiatrie, souvent dérangeantes et parfois choquantes. Lorsque les troubles mentaux sont visibles et explicites, ils sont parfois sans réponse sur les causes d’un tel désordre de l’homme. C’est probablement aussi ce que recherche l’artiste et ce qui le fascine. L’aspect parfois inhumain de certains actes commis par des personnes atteintes de folie fait peur, notamment par la perte de repères communs à tout homme, et cela déstabilise le spectateur.

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Photographies de Diane Arbus dans le cadre de son travail photographique sur la marginalitÊ. Date 1960’s 18


En termes de paysage, c’est asssez difficile de pouvoir s’imaginer à quoi pourrait ressembler une «ville de fous». En général les images qui émergent sont de type espace carcéral, voir sordide dans le sens où elles nous rappellent quelques dérives des systèmes de psychiatrie parfois abusifs. La «ville de fous» serait une sorte de ville close qui vit en autarcie, sans que personne ne sache réellement ce qui s’y passe. C’est un peu le cas de Novillars, puisque beaucoup de personnes extérieures ne savent pas réellement à quoi cela ressemble. Cette image reste abstraite pour des gens extérieurs au milieu de la psychiatrie et fait donc planer un aspect mystérieux sur Novillars. Je pense que grâce à elle, Novillars a la capacité de faire émerger des images du village même avant de le connaître. Qu’elles soient péjoratives, moqueuses ou même infondées, je pense que c’est une force qu’il doit conserver.

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Photographie aérienne datant de 1963, montrant les premiers travaux de construction de l’hôpital.

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Photographie extraite d’un reportage de Jean-Philippe Charbonnier illustrant le texte de Jean-Philippe Charbonnier illustre un texte d’Hervé Bazin, Bon pour l’asile ! paru en 1955, dans le magazine Réalités.

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La réputation d’une «ville de fous»

Alors qu’auparavant les « insensés », étaient enfermés dans des cachots, dès la fin du XVIIIème siècle les aliénés, ou personnes privées de raison, étaient transférés dans des hospices spécialisés. En 1838 les parlementaires votent une loi d’assistance qui affirme que: « Chaque département est tenu d’avoir un établissement public, spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés ». Cette loi avait pour but de rassembler les patients, pour les isoler, les protéger et les traiter. Comme pour faire abstraction de cette folie aux yeux des habitants, les établissements psychiatriques étaient installés à l’extérieur des villes. Aujourd’hui elles sont grandissantes et l’étalement de leur surface urbanisée tend souvent à englober ces hôpitaux. C’est le cas de l’hôpital du Vinatier. Lorsqu’il a été créé en marge de la ville de Lyon en 1876, il comptait alors plus de 75 hectares contre 44 hectares actuellement. Cet hôpital appartient aujourd’hui à la ville de Bron, dans la banlieue Est de Lyon. Situé le long du périphérique et pris dans des lotissements récents, il est tel un parc urbain, alors que son but premier était d’éloigner les patients perturbés du cœur de la ville. Cette organisation vivait en autarcie, protégée de l’hérésie urbaine, cultivant les champs, élevant les bœufs afin de se nourrir de leur propre production. Les patients étaient alors investis dans un travail quotidien. Aujourd’hui ce système n’est plus possible. Des jardiniers s’occupent du parc, notamment de trois parcs animaliers que les patients aiment à regarder. Le cas de Novillars est légèrement différent, et plus récent. Lorsque dans les années 1960 le Département du Doubs a eu besoin d’un Centre hospitalier spécialisé dans la psychiatrie aux abords de Besançon, un concours a été lancé. Le canton de Marchaux a remporté. C’est alors à Novillars, à 12 km au Nord-Est de Besançon, que le Département a racheté une parcelle de ce petit village, de 613 habitants, pour y implanter ses pavillons en 1968. Au bout de sept ans la population a triplé, et depuis le village s’est développé, mais toujours à l’écart de la ville. Aujourd’hui, on observe un curieux phénomène.

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> Photographies de l’hôpital du Vinatier à Lyon, dont émerge une ambiance particulière entre mystère, sérénnité et abandon.

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< Photographie aérienne extraite du site Googlemaps : Hôpital spécialisé dans la psychiatrie de Novillars.

L’image de Novillars a changé, c’est ce que m’explique Mr le Maire, Philippe Beluche, le 6 Septembre 2013 :

« L’image de Novillars elle est simple. Jusque dans les années 80 c’est la Papeterie, et depuis dix quinze ans, et moi je le vérifie tous les ans quand je vais distribuer le dictionnaire aux enfants de 6ème au collège de Châtillon de le Duc, parce que je suis au Conseil Général... En arrivant je me présente, et je dis que je suis le Maire de Novillars.»

Croquis de Mr Beluche, Maire de Novillars depuis 2008, et Conseiller Général du Doubs.

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«Ooooh ! et là « c’est le pays des fous ! ». Ah ça il n’y a pas photo, Novillars égale les fous ! Il y a une perception qui s’est modifiée, et ça se comprend, en fait, parce que l’activité papetière avait nettement décliné. On avait plus de papier (…) et à Novillars la prédominance maintenant est pérenne sur la folie, entre guillemets ». Aujourd’hui, c’est tout le village qui est teinté de cette image péjorative. Cette image basée sur des stéréotypes, voir même pour les collégiens de 6ème sur des « on dit », font l’objet de moqueries. À des répliques de type «T’es fou toi!» ou «T’es malade ou quoi?!» on ajoute «Va faire un tour à Novillars! », ou « Tu ne viendrais pas de Novillars toi?! ». La réputation de Novillars n’est donc pas sordide, mais basée sur une ironie qui laisse place à l’imagination.

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Photographies d’Alfred Eisenstaedt lors de son reportage à l’asile de Long Island, pour le magazine Life.

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En fait, ce ne sont que les personnes extérieures qui pensent que le village est une «ville de fous». L’image provient d’une construction mentale nourrie par différentes rumeurs, photographies ou films qui témoignent de la psychiatrie. Elle n’est pas complètement fausse lorsqu’on sait que l’asile de Novillars a été construit sur une butte à la limite du village. Caché par son parc, l’hôpital est invisible, en retrait de la vie de la cité. Contre toute attente, j’estime que cette image stéréotypée a de la valeur, notamment parce qu’elle a l’intérêt de nous faire rêver dans le sens où, même sans connaitre Novillars, il est déjà possible de s’en faire une quelconque représentation. C’est une image qui donne lieu à un décalage certain avec l’identité réelle du paysage actuel, qui est pour moi support, non pas de moqueries, mais de situations comiques. Ceux qui connaissent un peu mieux le village ont une opinion plus nuancée et diversifiée sur Novillars. Il est intéressant de comprendre ce que les gens qui le traversent perçoivent du village en confrontation avec l’image qu’ils en avaient.

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OU SCREEN SHOT DU FILM EN ARRIVANT SUR NOVILLARS

PHOTO AÉRIENNE ORIENTÉE NORD

2 - L’espace de la folie L’intérêt d’aller sur le terrain me permet de ne pas me fier uniquement aux préjugés du regard extérieur. Je cherche à me confronter à la réalité, dans l’optique de comprendre le jugement négatif porté à l’égard du village. Il s’avère qu’en se plongeant dans le cœur du bourg, certains aspects peuvent laisser à penser que Novillars n’est pas un village comme les autres. Car outre son image de ville de fous, c’est un espace de la folie qu’il offre à voir à ceux qui passent dans le village. Ce que j’appelle le cœur du bourg est l’espace qui est au centre du village, entre le parc public du château et la départementale D683. C’est un espace que l’on peut considérer comme public dans le sens ou la majorité de sa surface appartient à la commune (voir cadastre). Y sont réunis les différents équipements du village de type boulangerie, mairie, école, pharmacie, salon de coiffure, bar, tabac… Si on oublie complètement l’hôpital psychiatrique en arrivant à Novillars, c’est parce qu’on ne reconnait pas l’image préconçue que l’on s’était créée. On s’attache à ce que l’on découvre, et c’est un espace troublant qui s’offre à nous. La folie se ressent dans ce lieu décousu, éclaté, déséquilibré et pertrubant du coeur du bourg traversé. La baromètre de la folie grimpe car on perd nos repères, alors que l’hôpital n’est pas encore visible. et pour ceux qui le cherchent, il n’est pas forcément évident de le repérer.

^ voir plan du cadastre en annexe p.160.

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> Plan des entrées des bâtiments qui font le coeur du bourg, presque aucun d’eux ne se font face, comme si il n’existait pas de rue mais que des suites d’espaces.

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CEAT du château

Pharmacie

Salon de coiffure

Terrains de tennis

Mairie + salle des anciens + salle communale

Dojo + Atelier municipal Anciennes maisons des cités ouvrières

ITEP Les érables Bibliothèque municipale

Garage automobile

École Salle du diocèse

Boulangerie

Maison des associations

La Papeterie

Anciennes cités ouvrières Plan des équipements de Novillars qui forment le coeur du bourg.

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Bar tabac 100m


< Plan dessiné de Novillars orienté au Nord, en bleu le coeur du bourg avec tous les équipements.

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«Incomposition» du cœur du bourg

Plusieurs aspects du coeur du bourg laissent à penser qu’il n’a jamais été étudié de manière globale. Ce que j’appelle « incomposition » est un contraire du terme « composition ». Ce dernier signifie, selon le Petit Robert, une « action ou manière de former un tout en assemblant plusieurs parties, plusieurs éléments ». Ainsi, dans le cas de Novillars, l’incomposition serait une absence de composition des éléments du village. Elle laisse place à un vide central qui concoure à l’annihilation de toute forme de spatialité. Le lieu est très difficilement cernable, hétéroclite sous tous ses aspects.

Page précédente : Photographie aérienne du coeur du bourg de Novillars, oriéentée Nord Sud.

On observe d’abord une diversité de bâtiments de différentes époques dans un même lieu. Par exemple, en arrivant par la route D683, on aperçoit l’usine qui longe la voie ferrée. Face à elle, quelques bâtiments comme une maison à colombages, suivie d’une ancienne cité ouvrière, puis au coin, une autre maison à colombages. De l’autre côté de cette route, le bar et le tabac dans une maison assez ancienne. La route perpendiculaire s’engouffre dans une perspective sans but réel, entre des bâtiments de type années 1980, et d’autres des années 2000. Ainsi, cette concentration d’architectures hétéroclites ne laissent pas penser que l’on est dans le centre ancien, et encore moins dans un village franc-comtois. Dans le cœur du bourg, chaque bâtiment paraît posé, sans réelle motivation. C’est ce que nous montre le plan des entrées des bâtisses. Elles ont toutes des orientations différentes et ne se répondent pas. On peut même en conclure qu’il n’y a pas réellement de rue, dans le sens où il y aurait une proximité, une direction commune et un échange qui serait favorisé entre les habitants. Aucun bâtiment ne se fait face, comme si les gens ne voulaient pas se voir, ou se croiser. Cela signifie qu’en arrivant dans le cœur du bourg, on ne peut jamais avoir une complète visibilité sur la nature du bâtiment, ni sur son entrée. Il faudra donc tourner autour pour trouver par où entrer, voir même pour savoir si c’est un restaurant, ou une pharmacie.

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Photographies des maisons situées aux entrées de Novillars le long de la D683 montrant les différents styles architecturaux des bâtisses du coeur du bourg


Puis en se promenant dans le cœur du village, on peut constater à plusieurs endroits des perspectives qui ne mènent à rien. En général, les codes de l’urbanisme et d’architecture insinuent que l’homme se repère dans l’espace quand il est maître de sa perspective. Hors si les perspectives offertes par les aménagements du village n’ont aucun but, visuel ou physique, il est alors difficile de comprendre l’espace, surtout si on ne le connait pas.

< Photographie extraite du site Googlemaps qui nous montre la perspective de la rue qui entre dans le coeur du bourg, perpendiculaire à la D683.

En plan, on voit clairement qu’il n’y a pas eu de composition du cœur du bourg. Les bâtiments, majoritairement d’équipements publics, sont répartis de manière éparse et gravitent autour d’un vide central, face à la Mairie. Elle a été construite dans le parc du château dans les années 1980, formant une sorte de grand complexe qui inclut la maison des anciens et une salle polyvalente. D’ailleurs, elle tourne le dos au château, s’ouvrant plutôt à la départementale. La place vide et plate est comme le négatif de l’imposante usine. Les équipements publics sont donc tenus à distance les uns des autres, ne créant pas un cœur dans le sens où ils formeraient un groupement d’activités dans un même espace. Dénué de sens, voir même d’esthétique, ce vide est en réalité un parking qui par jour d’affluence à Novillars, peut assumer environ cent cinquante voitures. Il est donc d’une utilité primordiale pour accueillir des visiteurs à Novillars. Mais il faut bien comprendre que l’aspect éclaté du cœur du bourg trouble notre perception de l’espace. Il est trop large et le rapport avec l’immense usine nous prouve qu’il n’est pas à notre échelle. On se sent trop petit et perdu dans ce vide très minéral qui dérange car il ne nous donne pas la possibilité de percevoir le bourg de manière globale, et rassurante. Finalement on se rend compte que le piéton n’a pas forcément sa place dans le cœur du bourg. Outre une échelle démesurée de ce parking, l’étude des trottoirs du village mènent à penser qu’un piéton doit avoir des difficultés pour s’y déplacer. Comme par exemple aller de l’école à la boulangerie. Certains trottoirs sont mal entretenus, certains sont ponctués par des bacs à fleurs qui gênent le passage notamment pour un fauteuil roulant ou une poussette, et d’autres sont stoppés en un point et ne sont jamais poursuivis. Parfois on rencontre aussi l’absence d’un passage piéton dans la continuité d’un trottoir, proposant au piéton de faire un détour. Les piétons sont menés à utiliser routes et parking pour atteindre leur destination, les mettant en situation parfois dangereuses. Ces manques jouent forcément un rôle sur le mal être des personnes qui se déplacent dans le village, notamment vis-à-vis de leur sécurité propre. Ils concourent à des prises de risques des piétons qui rendent cet espace un lieu qui peut paraître hostile.

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>> Photographie prise Place du 8 Mai 1945, grande place de la Mairie trottoir abîmé par l’entrée du parking.

> Photographie prise rue Weibel en sortant de la Papeterie le long de la voie ferrée, trottoir inaperçu, enherbé par son inutilité.

> Photographie prise Place du 8 Mai 1945, grande place de la Mairie trottoir absent, les piétons sont obligés de marcher sur la route pour aller directement à la boulangerie.

> Photographie prise Chemin au dessus des Roches l’arrêt de bus est inaccessible à pied, isolé sur une île sans passage piéton.

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Des trottoirs délaissés ou jamais construits face à l’utilisation quotidienne de l’automobile.


< Plan des trottoirs et des passages piétons qui démontre la présence ponctuelle d’accotements ainsi que l’absence de passage piéton à certains endroits dangereux.

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C’est probablement un « trop d’espace » qui a conduit à une juxtaposition des éléments du cœur du village. Ils semblent avoir été accolés sans réellement penser à une cohésion globale des espaces, notamment pour le confort du piéton. C’est comme si Novillars acceptait toutes les bonnes idées, sans jamais les faire dialoguer ensemble pour former un tout cohérent. Il est probable que ce phénomène soit du, entre autre, au développement rapide de ce cœur à partir du moment où le parc du château est devenu ouvert au public. En peu de temps un grand espace, auparavant privé et cloisonné, s’est alors offert au village. Il paraît évident que ce manque de composition des éléments du cœur du bourg entrave la compréhension de la globalité du lieu. Ce vide, à la fois physique et esthétique, génère une appréhension chez le visiteur qui ne comprend pas l’espace. Pour le village, je ne pense pas que ce manque de composition soit un réel problème, il concoure à le rendre unique, mais il faut bien comprendre qu’il peut concourir à perturber la perception des visiteurs qui ne le connaissent pas. Plonger des personnes dans un univers où ils n’ont aucun repère peut les restreindre. C’est le cas de certains touristes qui font une pause en camping-car sur le parking de la Mairie. Comme le dit David Lepaul, employé communal aux espaces verts, « les visiteurs restent sur le parking ». On peut en conclure que Novillars n’inspire pas à la découverte profonde du village.

^ Voir plan des trottoires et passages piétons de Novillars en annexe p.160 UN PROBLÈME D’IMAGE

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> Photographie d’un banc situé en face de l’usine, le long de la D 683. Il pose la question de l’espace public, de sa fonction et de sa qualité.

> Plan des espaces publics réservés aux piétons, où la voiture n’est pas supposée être présente. Excepté dans le parc, tous les espaces publics sont adossées à un parking.

100m espaces publics réservés aux piétons espaces semi privés réservés aux piétons

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Triomphe de l’automobile pour une abstraction de l’espace

Il est fort probable que lorsque le parc du château est devenu ouvert au public, et que le cœur du bourg s’est étendu peu à peu dans ce nouvel espace alors végétalisé, l’automobile connaissait un essor. Ainsi, Novillars a hérité d’un système adapté à la voiture, comme beaucoup de petits villages devenus périurbains à cause de l’étalement des villes. Tout en conservant quelques témoins de son passé villageois, tout a été construit pour la nouvelle machine. C’est un atout pour les personnes âgées, oules jeunes travailleurs, mais au final cela concoure à une perte de repère de l’homme dans ces lieux. Même si le cœur du bourg est plutôt entretenu comme un espace urbain, et le reste du village plutôt comme un espace rurbain, au sens semi-urbain, semi-rural, c’est tout le village, dans ses divers aménagements, qui a mis peu à peu de côté les espaces réservés aux usages des piétons.

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Photographies des infrastructures perspectives du village qui permettent de le traverser à grande vitesse.

« Les technologies « nouvelles » de l’information et des télécommunications s’évertuent à séparer le temps de l’espace, à nier l’espace en accroissant sans cesse la vitesse. » Paul Virilio 36


La vitesse nie l’espace D’abord la barrière de la D683, doublée de la voie ferrée, scinde le village en deux d’Ouest en Est. Comme Novillars est un village de transition, où les gens ne font que passer, elle joue le rôle de vitrine du village. Autrement dit, elle présente une image de Novillars aux gens qui ne s’y arrêtent pas. La plupart des personnes qui passent à Novillars en ont donc une image qui dépend de la perception qu’ils en ont en voiture. Sauf qu’elle est un lieu où la vitesse nie l’espace. Même si un faux radar est placé à l’entrée du village, la ligne droite donne une perspective, accentuée par la voie ferrée et l’usine qui s’impose comme un mur n’empêche pas les automobilistes de dépasser la limitation à cinquante kilomètres par heure. La vitesse est dangereuse car elle a tendance à nier l’espace, comme l’écrit Paul Virilio : « Les technologies « nouvelles » de l’information et des télécommunications s’évertuent à séparer le temps de l’espace, à nier l’espace en accroissant sans cesse la vitesse. » Ainsi la vitesse est un médium qui rend abstrait l’espace dans lequel nous vivons, modifiant toute perception du lieu. Dans le cas de Novillars, elle simplifie le regard de ceux qui traversent le village en voiture, ne voyant qu’une grosse usine face à un grand parking. En conséquence, même en passant dans le village, il est possible d’avoir une image péjorative de ce lieu.

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Plan zoom sur le coeur du bourg, focal sur le parking d’un potentiel de 245 places.

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100m > Comparaisons à la ZAC de RocheLez-Beaupré dont le Super U possèdent un potentiel d’environ 246 places.

Photographie du parking central du coeur du bourg devant la Mairie.

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BOULANGERIE

P ECOLE

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P P

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< Plan zoom sur le coeur du bourg, focal sur letrajet que prend une personne de l’école à la boulangerie en bordant 6 parkings.

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100m Une allure de ZAC Puis on constate, en se promenant dans Novillars, qu’outre le fait d’être adapté à la voiture, le village exprime une certaine dépendance au véhicule. Répondant à la demande, la commune a décidé de créer un nouveau parking près de l’école, à 100m de celui de la mairie. En observant bien, on voit que chacun des équipements du village possède son propre parking. Par exemple l’espace prolongeant la place de la mairie est une énorme dalle de goudron, complétée par celle devant le Dojo, devant la boulangerie, le restaurant et récemment celle de l’école. En tout, 145 places de parking sont dessinées, et un potentiel d’accueil de 100 autres places seraient possibles dans le cœur du bourg. Au final, si l’on compare le cœur de Novillars au parking du Super U de Roche-lez-Beaupré, leur capacité d’accueil est comparable. Novillars a donc acquis l’allure d’une ZAC par ses multiples parkings éparses. L’omniprésence de la voiture concoure à l’hostilité du piéton.

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Le trottoir est un lieu où la voiture prend tous ses droits Photographies prises dans le coeur du bourg visant à dénontrer l’inconfort du piéton dans l’espace


Irrespect des zones piétonnes Le problème n’est pas tant l’usage surexprimé de la voiture que le non-respect du peu d’espaces piétonniers qui existe. Les voitures garées sur les trottoirs en sont les premiers témoins. Il est évident que peu d’efforts sont faits pour améliorer la condition du piéton dans le village. Mais si les espaces réservés aux piétons ne sont pas respectés, les Novillarois continueront à réclamer plus de parkings. C’est à croire que Novillars se trouve avec les inconvénients de la ville, et ceux de la campagne. Le cœur du village est rapidement trop loin et peu pratique donc la solution de simplicité est de prendre la voiture.

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« Ici, on accomode les restes ! » Citation de Mr Bernard Louis, adjoint au Maire introduisant un travail de mise en scène de photographies d’après le tableau de René Magritte, Trahison des images


< La Trahison des images, 1929, célèbre tableau de René Magritte.

Lapsus paysagers

Un lapsus est une erreur commise en parlant, en écrivant, par la mémoire ou par les gestes et qui consiste pour une personne à exprimer autre chose que ce qu’elle avait prévu d’exprimer. Un lapsus paysager serait une action faite dans le paysage qui ne véhicule pas le message que l’on avait l’intention d’exprimer. Dans ce sens, on observe à Novillars plusieurs de ces décalages qui perturbent la perception du visiteur. Codes de l’urbanisme non respectés C’est le cas par exemple lorsque certains codes de l’architecture et de l’urbanisme ne sont pas respectés. Comme le dit Mr Bernard Louis, adjoint à la Mairie de Novillars, « Ici, on accommode les restes ». Sa vision est très juste. L’ancien supermarché est devenu le Dojo Novillarois, l’ancien Huit à Huit, puis un bâtiment d’exposition d’un artisan du béton, et enfin l’actuelle boulangerie. Le château est devenu un C.E.A.T., l’ancien atelier municipal est aujourd’hui la bibliothèque municipale. Un panel de bâtiments n’expriment pas, par leur aspect extérieur, la fonction qui leur est attribuée. Ainsi, il est évident qu’une personne extérieure au village ne comprend pas ces nouveaux codes, spécifiques à l’évolution de Novillars. Dans ce cadre-là, j’ai produit un petit livret qui présente la série des équipements du cœur du village confrontant chacun leur fonction à l’image qu’il véhicule. En reprenant le tableau de René Magritte, qui représente une pipe mais comporte la légende : « Ceci n’est pas une pipe », je souhaite jouer sur ce décalage face à un objet. En architecture, le style d’un bâtiment véhicule l’image d’une fonction. Mais à Novillars, ce code culturel dans l’architecture, n’est pas respecté. Ces décalages issus de décisions de la commune, donnent un aspect insolite au village.

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Photographie de la seule rue et du chemin qui mène à l’hôpital spécialisé.

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L’hôpital caché malgré-lui Un autre lapsus serait celui de l’hôpital, qui se trouve exclus, caché dans son propre parc sur une butte du village. Car même si il est clairement affirmé que le lieu où l’hôpital a été construit était la seule réserve foncière de Novillars, et qu’en aucune manière il a été souhaité d’exclure l’hôpital, on ne peut pas nier son invisibilité lorsqu’on traverse le cœur du village. Une seule rue amène à l’hôpital. Autrement dit, si on ne cherche pas à aller à l’hôpital, on ne tombera pas dessus par hasard. Novillars est un village très social et n’affirme pas avoir voulu exclure l’hôpital, mais comme dans toute autre ville, et sûrement inconsciemment, l’asile novillarois est en marge de la cité. > Plan de l’implantation de l’hôpital sur une butte entre la forêt et le Doubs.

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Le plan du village donné par la mairie En 2014, le plan de Novillars donné par la mairie paraît un peu défraîchi. Des routes roses sur fond vert et un trait bleu exprimant le Doubs. Un panel de photographies expose bien ce que la mairie souhaite véhiculer de son village. Mais outre l’aspect vieillot des clichés, Novillars ne montre que des bâtiments, excepté la photographie du parc. En aucun cas on ne ressent Novillars dans cette carte. L’usine, l’hôpital et même le château y sont à peine signifiés, et aucune photographie ne les expose. C’est comme s’ils ne faisaient pas partie du paysage de Novillars, alors qu’ils sont les piliers qui font partie intégrante de son identité propre. < Carte donnée par la Mairie de Novillars pour se situer dans le village.

Selon Bernard Louis, adjoint au Maire de Novillars, les photographies choisies sont celles d’organismes ayant payé pour les faire apparaître sur la carte. Autrement dit, c’est une forme de publicité. Il est dommage que cette carte n’exprime pas le Novillars vu, ni perçu, mais un Novillars vendu.

Ces lapsus paysagers sont révélateurs. Novillars semble manquer d’autorité ou d’avis propre sur l’image globale qu’il aimerait véhiculer. Même si les intentions de Novillars sont bonnes, le résultat est parfois loufoque ou incompréhensible. Par l’accumulation de divers lapsus, Novillars devient un village insolite, mais qui ne parvient pas encore à l’affirmer en tant que spécificité qui le rend unique.

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Un coeur du bourg comme un espace vide et minéral donné à voir en vitrine du village


Le paysage actuel du cœur du bourg est marqué par un manque de composition des éléments qui le composent. L’aspect éclaté du cœur du bourg, son hostilité aux piétons et ses lapsus paysagers, contribuent à l’illisibilité perturbante de l’espace. De plus le manque de praticabilité piétonne de cette zone, qui est pourtant la clé de l’image du village, ne conduit pas les habitants à s’y retrouver, en tant que lieu de rassemblement convivial, excepté dans le parc du château. La folie est alors dans l’isolation à cause de ce système de pôles qui fonctionnent sur eux-même. L’écrivain français Pierre Véron écrivait «La folie : désertion à l’intérieur», dans son Carnaval du dictionnaire. Celui qui ne connaissait pas Novillars se rend compte que ce n’est pas qu’un asile perdu au milieu de la forêt. Celui qui habite à Novillars peut être vu comme un fou pour vivre dans un village si peu attractif,en face d’une grosse usine, le long d’une route bruyante. En fait, le village est adapté à ceux qui le connaissent car ils se sont habitués à cette dilatation de l’espace, et ne vivent pas forcément au bord de la route. Même s’ils vivent très bien à Novillars, il faut qu’ils se rendent compte que la vitrine de la D683 reste triste, et est pourtant un enjeux majeur contribuant à l’image péjorative du village.

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3 – Le paysage vécu des Novillarois Le paysage vécu des Novillarois est intéressant à étudier car il est différent de l’image que se font les personnes extérieures sur le village. Il est une forme de paysage que les gens connaissent et reconnaissent comme vécu, c’est-à-dire qu’ils ont déjà fait l’expérience de ce paysage, dans le sens qu’ils l’ont fréquenté de manière physique. Le baromètre de la folie tente de discerner les aspects fous dans ces paysages vécus. Ce qui est surprenant, c’est que leur point de vue ne coïncide pas forcément avec l’image d’une «ville de fous». En général, c’est l’usine dont ils parlent en premier, avant de parler du château, et enfin de l’hôpital, souvent oublié. Cela pose une fois de plus la question de la folie à savoir comment elle s’exprime dans le paysage vécu des Novillarois. Le paragraphe suivant est une retranscription écrite à partir des différentes interviews de Novillarois.

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Des problèmes majeurs

Selon les Novillarois, le défaut majeur du paysage du village est d’abord la Papeterie, puis la Départementale D683 doublée de la voie ferrée, et enfin la place de la Mairie. > Photographie de la Papeterie qui fait un mur devant le Doubs.

La Papeterie Pour les Novillarois, la Papeterie « moche et qui pue » est un des éléments les plus négatifs du village, en termes de beauté. Sauf quelques exceptions, qui la considèrent comme un atout et un élément identitaire du village, elle impressionne, et les odeurs qu’elle dégage sont toujours un de ses pires défauts. Elle est tout de même reconnue pour sa valeur économique et ses offres d’emplois. Beaucoup disent qu’ils sont tout de même heureux de la voir tourner, même si aujourd’hui elle ne produit « que du carton ». Depuis plus, le projet de la nouvelle usine de co-génération d’énergie de biomasse fait des émules, mais se soucient peu de l’impact paysager qu’un tel projet aura sur le cœur du village. La Papeterie n’a donc que peu de reconnaissance en termes d’esthétique et de patrimoine industriel. La Départementale + voie de chemin de fer La départementale D683, ancienne route nationale, est très bruyante (voir document page de droite). Doublée par la voie ferrée, elles ont une influence sonore qui peut se ressentir jusqu’à derrière le parc château. D’abord peu esthétiques, elles symbolisent la sortie du village. Comme le dit Cindy Guevelou, conseillère adjoint à la mairie, on ne se trouve plus dans un village. Mentalement on sait que c’est la route de Besançon. Comme beaucoup d’infrastructures, ses abords sont dangereux et irrégulièrement entretenus, ce qui ne contribue pas à son confort. Certains descendent de leur vélo, d’autres sont obligés d’être à trois pour faire passer un fauteuil roulant sur le trottoir étouffé par les arbustes pas encore taillés. La D683, malgré son côté pratique, confère une image négative au village, moche, bruyante, insécurisante selon certains habitants qui proposeraient une déviation. La place de la mairie La place de la mairie est le troisième élément critiqué par les Novillarois. Elle n’est pas conviviale, et ne procure pas l’ambiance d’un village. Pour certains, elle symbolise l’aspect non intéressant et non attractif du village, dont chacune des tentatives d’installations d’épiceries a échoué. La nouvelle boulangerie, ouverte l’été dernier, et la réouverture récente du bar central donne un espoir aux Novillarois, qui espèrent que ces commerces perdureront. Comme il n’y a jamais eu d’église à Novillars, la chapelle est arrivée tardivement et il n’y a jamais réellement eu de lieu de rassemblement. Ainsi,on peut comprendre que beaucoup attendent de la place de la mairie un pouvoir fédérateur. Hors, elle est vécue comme trop minérale, avec peu d’ombre, peu de banc et un parking qui aurait pu être situé derrière la mairie, et non devant. Considéré comme sans vie ou sans âme, la place de la mairie a du mal à être perçue comme une belle vitrine du village. Malgré son lien avec le parc du château, et le grand espace qu’elle offre, vu comme ses plus grands potentiels, elle ne parvient pas à se mettre en valeur.

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Page précédente : Plan des influences sonores de la voie ferrée (plus de 100m) et de la D 683.

< Plan des influences sonores de la voie ferrée (plus de 100m) et de la D 683.

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Des qualités, connues mais peu reconnues

Lorsqu’on leur demande les qualités de leur village, les Novillarois voient d’abord le château, son parc, la verdure en général, puis parfois la vallée du Doubs plutôt perçue comme décor. Selon eux, l’avantage de Novillars est son calme, et la proximité de la ville qu’il offre pour ceux qui travaillent à Besançon. Le château Le château des anciens seigneurs de Novillars est la fierté du village. Dès 1654, le château a été racheté par le Département du Doubs et devient l’actuel Centre Éducation et d’Accompagnement au Travail en 1964. Il y a une dizaine d’années, le parc a été divisé en deux parties. L’une privée, avec le château, et l’autre qui fait partie de la commune. Depuis plusieurs années, la partie publique du parc a été transformée en espace aménagé pour la promenade. Ouvert, semi boisé, et entretenu il est aujourd’hui le lieu de rassemblement de Novillars. Il est l’intérêt général du village, autant pour les retraités que pour les familles le week-end. Le côté boisé du parc, par des arbres très hauts et très diversifiés qui ornaient la propriété, a tendance à masquer la vue du château depuis la place de la mairie. Ainsi, à l’automne dernier, d’après une étude des arbres malades, certains individus ont été coupés afin d’éviter qu’ils ne tombent. Depuis ce jour, les Novillarois sont tous fiers de pouvoir apprécier le château et de savoir que les personnes de l’extérieur le découvrent, parfois depuis la Départementale. < Photographie du château, un domaine privé aujourd’hui devenu un C.E.A.T.

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La Papeterie perçue comme un «point noir» du paysage tant pour les Novillarois que pour les personnes extérieures au village mais qui a pourtant des qualités esthétiques


Dans le paysage des Novillarois l’impact de l’hôpital psychiatrique sur leur perception du paysage est quasi nulle. La folie s’exprimerait comme une fixation sur les problèmes paysagers liés à l’usine et à la départementale. Sans parler de psychose, mais selon les habitants, ce sont les «points noirs» du village qui au premier coup d’oeil entravent le paysage. On constate un décalage évident entre l’image de Novillars dans les yeux des habitants qui l’expérimentent au quotidien et pour les personnes de passage. Il y a des pertes de repères dans le village exprimés par chacun mais sur des aspects différents. Selon moi, il y a un déséquilibre dans la compréhension du paysage par les personnes, remettant en question le paysage de Novillars, dans son identité et sa cohérence. De la même manière, d’autres éléments du village, moins visibles, parfois cachés et inconnus de certains habitants devraient faire aussi partie intégrante du paysage de Novillars.

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4 – Des potentialités cachées Pour les Novillarois qui se promènent beaucoup, pour les anciens du village qui ont connu les périodes de fast de la Papeterie, ou pour les petits curieux amateurs de passages secrets, le paysage regorge d’Histoire qui semble aujourd’hui cachée par les constructions contemporaines, voir simplement sous-estimée. Un potentiel à la fois historique et paysager inconnu pour la majorité des Novillarois. C’est dommage car il n’est pas mis en valeur pour redorer l’image du village.

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> Nue Veler, la nouvelle ferme, petite grange dans la toponymie de Novillars.

Hypothèse d’un ancien château fort sous les fondations de l’actuel château.

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> Château rénové, appartenant aux Grands Seigneurs de Novillars, qui s’y sont succédés.

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Novillars sur la route du Rhin, une longue histoire qui date du Paléolithique


Un village qui paraît sans Histoire

«Au préalable nous fûmes incités à ce travail par une question que nous nous posions et qui nous tourmentait : était-il possible de narrer l’histoire d’une localité modeste qui, apparemment, donnait l’impression d’en être dépourvue ?»

Monsieur Jean Girard était un habitant et historien de Novillars. Il commence son livre « L’histoire de Novillars et de sa seigneurie » par une préface dont j’ai extrait cette citation. Elle me semble résumer au mieux le caractère invisible et discret de Novillars, et démontre que ce village a une histoire.

Page précédente :

Plan d’intentions de projet, redonner au coeur du bourg un potentiel fédérateur, notamment en révélant les divers qualité du village.

Un avant la Papeterie Des découvertes entre le village de Vaire-le-Petit et Novillars attestent d’une présence humaine en ces lieux durant la période du paléolithique. Puis, à l’époque romaine, quand Besançon s’appelait Vesontio, Novillars n’avait pas encore de nom officiel. C’était un lieu de passage, le long de la rivière Doubs, qui partait de Besançon par le Nord-Est. C’était la route de l’Est dans cette région de collines, permettant de rejoindre l’Allemage et l’Europe de l’Est. Des vestiges gallo-romains, de type poteries fines blanches et rouges, ont été retrouvés dans le petit bois de la Montoillotte confirmant la présence de civilisation à cette époque. Plusieurs hypothèses sur la présence d’abord d’une grange, d’où le nom de Novillars (=nouvelle ferme), puis d’un château fort n’ont pas été démontrées mais restent plausibles. Des textes de la période féodale attestent de l’existence du village sous le nom de Nue veler à partir de 1256. Les familles de Seigneurs se succèdent au château de Novillars, basé sur d’anciennes fondations du susceptible château fort. L’avènement de nouveaux moyens de transports vont modifier le rapport au territoire de ce petit village. En 1869 une voie de chemin de fer est installée qui passe entre le château et le Doubs pour desservir la gare de Roche-Lez-Beaupré. On arrive petit à petit dans une nouvelle ère industrielle, où le Doubs devient le berceau d’un développement d’industries diverses et variées, assurant à la Franche-Comté son développement économique. UN PROBLÈME D’IMAGE

^ Carte de la Franche-Comté industrielle à voir en annexe p.160.

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L’évolution de l’usine, d’une celluloserie à une Papeterie Novillars tourné vers son activité


Arrivée de la Papeterie en 1882 Le village s’est développé soudainement à partir de l’arrivée de l’usine à papier de Mr Weibel en 1882. Située sur la plaine alluviale, sur une nappe phréatique de qualité, entre la voie de chemin de fer et le Doubs, l’entreprise est bien placée pour être fournie à la fois par voie fluviale et ferroviaire. Dirigée par Mme Weibel, l’entreprise a su aider l’expansion du village, en termes de création d’emplois, mais aussi d’éducation, de spiritualité, et de dynamiques sociales. Dans un premier temps la population a augmenté considérablement. De 1881 à 1886 elle triple, passant de 71 à 236 habitants. La majorité des Novillarois travaillent alors à la Papeterie et de génération en génération. Mr et Mme Weibel ont aidé le village à se développer, et à devenir plus autonome. Par exemple, sur le plan scolaire une école sera construite dès 1883. La chapelle sera construite en 1893 sur les terres de Mme Weibel, surplombant le village. L’accroissement de Novillars se poursuit grâce à l’arrivée de cités ouvrières, quarante logements en 1925, mis en place près de l’usine pour les travailleurs. À partir des années 1950, de nouveaux logements se construisent le long de l’actuelle D683 comme les maisons castors.

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> Photographie aérienne ancienne de 1969 qui atteste de la construction récente de l’hôpital et des H.L.M.

H.L.M.

Centre hospitalier spécialisé

Arrivée de l’hôpital En 1968, c’est dans le domaine de l’équipement sanitaire que Novillars se développe. Le village cèdera la propriété de Mr Weibel, grande réserve de foncier, au Département du Doubs. La villa pittoresque sera détruite dans le but d’accueillir le nouvel hôpital spécialisé dans la psychiatrie. Les travaux débutent en 1963. En parallèle, un lotissement de 184 logements H.L.M. est créé au Nord-Est du village pour loger les hospitaliers. C’est une de sa spécificité car très peu de communes de 600 habitants ont pu accueillir dès 1968 des barres d’immeubles typique de ceux de périphérie d’une grande ville. À son ouverture en 1968, l’hôpital accueille 538 malades, et presque autant d’hospitaliers car la population de ce village de 613 habitants va presque tripler. Novillars a donc subit un nouvel éclatement en 1968. À partir de ce moment là, petit à petit la population du village ne fait qu’augmenter, notamment avec l’arrivée de nouveaux lotissements sous l’hôpital, puis de nouveaux lotissements à la lisière de la forêt.

Plan de localisation de l’hôpital dans le village, à la frontière avec Roche-LezBeaupré.

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^ Voir photo aérienne ancienne de 1969 complète en annexe p. 160.

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< Photographie des H.L.M. qui sont aujourd’hui des logements sociaux.

Développement actuel de Novillars Novillars s’est développé sous forme de différents pôles comme ses grands parcs, le château, la Papeterie et l’hôpital, mais aussi comme ses différents lotissements. Tous homogènes, avec leur propre rythme et fonctionnement, ils sont de styles architecturaux très divers. Cela donne à Novillars son aspect hétéroclite et peu poreux entre les entités du village. Entre ces pôles se sont développés quelques équipements ponctuels. Outre cet aspect diversifié, un problème plutôt d’ordre social est souvent abordé. Celui des populations des HLM qui tendent à gêner la tranquillité. Vue comme une population mobile issue des quartiers en périphérie de Besançon, des personnes qui y vivent seraient aussi génératrices de dégâts matériels dans le village. Ces Novillarois ont peine à s’intégrer. Cette mise à l’écart a été soulignée dans le PLU, mais aujourd’hui elle règne comme un facteur d’hétérogénéité sociale au sein de la population novillaroise. La conséquence est qu’il n’y a pas de projet commun, uniquement des actions en petits groupes éparses. Ainsi il sepasse des choses à Novillars, mais on en a pas l’impression.

< Plan actuel des différents pôles de Novillars.

coeur du bourg ancien parc de la Papeterie, 13Ha anciennes cités ouvirères Lehman établissement social et médical lotissement équipement scolaire commerces

100m

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Historique de Novillars

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1869 : arrivée de la voie ferrée qui relie Besançon à Baume-les-dames. Gare à Roche-lezBeaupré 1882 : la famille Weibel s’installe à Novillars pour construire une celluloserie

1869

1882

1925

1926

1931

1956

1967

1968

1981

2003

1925 : constructions des cités ouvrières Lehmann 1930 : développement d’un coeur de bourg, école, coopératives,... 1931 : construction du cimetière en direction d’Amagney 1956 : développement de l’habita privé et du lotissement des Castors 1962 : ouverture du passage sousterrain 1967 : construction des H.L.M. prévus pour accueillir les hospitaliers 1968 : ouverture de l’hopital après la déconstruction de la villa Weibel 1974 : lotissement en contrebas de l’hôpital 1980 : complexe de la mairie 2000 : stade de foot en direction de Roche-lezBeaupré 2003 : lottisement le Bois des Âges

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< Plan de la Papeterie et de l’arrivée de l’usine de co-génération d’énergie biomasse, projet encore «dans les cartons» comme dirait Mr Damongeot, directeur technique et informatique de la Papeterie. Création et diffusion d’énergie.

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La Papeterie fonctionne encore aujourd’hui, et sa cheminée verticale est un repère dans le village. Après de nombreuses périodes de crises et une succession de différents groupes sa fermeture en mai 2012 fut une déception pour les Novillarois qui perdaient un des piliers identitaires du village. Car outre une activité économique essentielle pour le village, elle est aussi un symbole. Son rachat par Mr Gemayel, membre de la famille présidentielle libanaise, a permis la constitution d’un nouveau groupe, depuis l’été 2013, appelé Gemdoubs. Depuis Août 2013, la Papeterie embauche des personnes de la région. C’est un nouveau départ pour la Papeterie, d’autant plus qu’elle a été sélectionnée sur quinze sites en France pour accueillir, dans un futur proche, une entreprise de co-génération d’énergie de biomasse. C’est une chance pour la région Franche-Comté, deuxième région forestière de France. L’usine sera installée dans le parc de la Papeterie qui compte aujourd’hui 13 hectares, dont une partie est réservée à un système d’épuration de l’eau en cinq bassins. Ce processus permet à l’usine de rejeter directement des eaux usées dans le Doubs. Le phénomène étrange qui se passe à Novillars est le rapport qu’il entretient avec les éléments encore présents qui témoignent de son histoire. Jean Girard n’avait pas tort de poser sa question. Comme rapporté précédemment, Novillars a une histoire qui remonte au paléolithique, ce qui n’est pas le cas de tous les villages de Franche-Comté. Hors les valeurs de son passé, souvent visibles dans les petits bourgs traditionnels, n’émergent pas. En tant que village industriel qui a connu une grande période de fast grâce à la Papeterie, Novillars aurait tous les avantages à mettre en valeur ce patrimoine historique qui lui confère aujourd’hui une mauvaise image, surtout s’il envisage de se développer en vue de l’accueil d’un futur tourisme industriel.

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Le Doubs idyllique bordé de prés pâturés et de ses coteaux boisés est aujourd’hui réservé à l’accueil des bateaux de plaisance


< Plan des courbes de niveau de Deluz à Besançon, Novillars au centre.

Contexte géographique remarquable

Appartenant à la vallée du Doubs, Novillars est marqué par la géographie du lieu, plutôt vallonné. Novillars s’est installé sur une petite plaine alluviale, plateforme entre des petits monts qui se suivent le long de la rivière. La rivière a creusé ses méandres laissant aux habitants la place de s’y installer. À l’inverse, sur les crêtes les forêts se sont développées, fournissant un cadre vert au Doubs. Ces éléments sont marquants dans tous les villages de la vallée. Mais pour le cas de Novillars, ils fonctionnent beaucoup comme un décor. Le Doubs Dans les années 1880, le Doubs est nettoyé en prévision de la construction du canal du Rhône au Rhin. En 1882 commence alors sa une mise au gabarit Freycinet, lui permettant d’accueillir des péniches allant de 300 à 400 tonnes (38,5x5,05m). Les travaux se terminent en 1920, avant sa mise au gabarit européen qui ne sera jamais achevée. Le transport fluvial était alors utile, tout comme le commerce ferroviaire qui alimentait toutes les industries de la partie Nord du Doubs, beaucoup plus industrialisée que sa partie Sud. Ainsi, ce sont les horlogeries de Morteau, l’automobile Peugeot Citroën à Montbéliard, et les Papeteries du Doubs, de Deluz, Novillars et Besançon qui ont conféré au Doubs son berceau de l’industrialisation. Aujourd’hui, avec l’épuisement de la production industrielle de la région, le Doubs s’est converti en canal de plaisance, pour les bateaux de tourisme fluvial. Parfois il est possible de croiser quelques pêcheurs sur la halte fluviale. Ils ont tendance à dire que les années sont de pires en pires. Selon les Novillarois, il n’y a plus de pêcheur. Pour la plupart, c’est l’état sanitaire de la rivière qui laisse à désirer. Alors une fois par an ils organisent un lâché de poissons dans l’étang du parc du château pour une journée de pêche conviviale.

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La composition du village n’a jamais été pensée en lien avec la rivière, mais la Papeterie si. Elle s’est installée sur la plaine alluviale pour profiter à la fois de la rivière, sans penser qu’elle priverait le village d’accéder au Doubs. Il reste imperceptible depuis le centre du village. De plus, la relation entre le cœur du bourg et le Doubs est loin d’être directe. La Papeterie, longue sur cent mètres, empêche tout contact visuel depuis la place de la Mairie. Il est alors nécessaire de longer la D683, de la traverser puis à la halte ferroviaire prendre le passage sous-terrain qui nous mène directement à l’entrée de l’usine. Une fois passée, l’accès n’est pas visible, il faut prendre un petit chemin qui longe les cités ouvrières Lehman, passer un panneau « propriété privée » à l’entrée, si on comprend le sous-entendu « sauf pour les piétons et les cyclistes », afin d’arriver sur la véloroute, ancien chemin de hallages qui longe la rivière. Le problème n’est pas tant le détour qu’il faut faire pour accéder à la rivière, mais c’est plutôt la complexité du parcours pour le rejoindre. Le passage sous-terrain n’est pas visible depuis le cœur du bourg, et le Doubs n’est pas perceptible par les gens qui ne connaissent pas le village. Ainsi, le Doubs si idyllique, et magnifique lieu de promenade, passe inaperçu. De plus, la qualité de la véloroute est d’attirer beaucoup de touristes, mais aussi de promeneurs. Elle est un lieu de passage de Nantes à Budapest qui devra être exploité par le village. Dans le cadre d’un projet, les villages du long de cette véloroute devront développer une boucle de découverte du village.

La forêt Les bois du Nord de Novillars, le Bois des Ages et le Bois Vernotte, représentent presque un tiers de la commune. La majeure partie a été rachetés par plusieurs communes qui ont décidé que leur forêt resterait publique. Située sur un coteau, elle est composée majoritairement de feuillus présents dans les bois franc-comtois. Chênes, aubépines, érable champêtre, hêtre, qui lui donnent un effet moutonneux, assez dense. Elle paraît fréquentée par quelques chasseurs, et pour les promenades des Novillarois qui la connaissent. Aujourd’hui, elle est entretenue par l’ONF, et produit un peu de bois. Elle est présente mentalement comme la limite d’urbanisation au nord du village, mais elle ne semble pas être considérée comme un atout. Elle paraît plutôt perçue comme un fond, presque un décor. Et pourtant, elle regorge de petites surprises comme un ancien champ de parcelles viticoles abandonnées, et un ancien terrain de moto-cross créé par des jeunes passionnés. L’accès à la forêt depuis le cœur de bourg n’est pas évident. Aucun chemin ne l’indique, et la rue qui y mène n’a pas vraiment de trottoir qui invite les gens à s’y engager. Devant un chemin qui s’engouffre dans la masse boisée, un espace ouvert, sorte d’alcôve végétale, avec des graviers au sol, présente ce qui peut s’apparenter à un parking, où parfois quelques voitures se garent. Un petit chemin, à la limite entre la lisière de la forêt côté Ouest et les jardins des logements pavillonnaires permet un passage à la charnière de deux entités du paysage. Ce genre de petites venelles rurales est intéressant et pousse à la curiosité, à l’envie de découvrir. À l’inverse, les chemins de la forêt sont en terre et en pente, donc peu praticables par temps de pluie, car ils deviennent rapidement très boueux. Le dialogue entre le Doubs et sa forêt qui sont les deux piliers identitaires de Novillars n’est que peu perceptible car il ne les a jamais pris en compte dans son développement.

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UN PROBLÈME D’IMAGE

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La Forêt

Le Doubs

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Deux structures paysagères qui font l’identité de Novillars : le Doubs au sud et la forêt au Nord. Leur accès n’étant pas mis en valeur ils en deviennent peu attractifs


La Forêt

< Des liaisons indirectes entre le coeur du bourg et la forêt et le Doubs, notamment dues au développement de Novillars autour de ses activités.

Le Doubs

RETOUR

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Plan de localisation de la Longeau qui traverse le coeur du bourg.

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La Longeau déviée pour le château La Longeau est un petit ruisseau qui prend sa source vers Amagney et descend dans Novillars. Passant près du parc du Château, elle a été déviée dans le but d’animer le jardin. Un petit ponton de pierres, une petit étang, tout favorisait au maximum la vue du ruisseau, embellie de quelques constructions. Aujourd’hui, le ruisseau est appréciable dans le parc du château, ouvert au public depuis plusieurs dizaines d’années. Par contre, en sortant du parc, notamment devant l’école, la Longeau est canalisée. Elle est contenue dans un couloir en béton qui, certes, protège le secteur des crues, mais qui nie toute la beauté d’un tel ruisseau. Dans le cade des travaux pour élaborer le pont sur la voie ferrée en 1940, la Longeau a du être à nouveau déviée pour se jeter dans le Doubs avant le pont, afin d’éviter de créer trop d’infrastructures. Elle passait alors dans un couloir empiéré entre des jardins ouvriers et l’étang créé pour les remblais du pont. Mais cette portion du cours d’eau étant mal entretenue, les pierres se sont écroulées, entravant le bon écoulement de l’eau. Il est donc étrange de voir la différence de considération pour ce ruisseau selon où il est placé dans le village. Parfois entretenu, parfois non. Cela démontre que son interaction avec le village n’est étudiée que partiellement, uniquement dans des lieux stratégiques comme le parc du château. > Photographie de la Longeau dans le parc du château.

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< Photographie de la Longeau entre l’école et la D 683 contenue dans un couloir de béton.

Novillars est un village dont le cadre laisse clairement apparaître son appartenance à la vallée du Doubs. Au cœur du village, on est peu capable d’apercevoir ses structures paysagères spécifiques qui sont la forêt, le Doubs, et la Longeau. Elles restent, dans la mentalité des Novillarois comme un décor et non comme un pilier de l’identité du paysage du village. La folie se trouve peut-être dans cette inconscience et ce détachement vis-à-vis des qualités que possède le village. Probablement due à la prédominance de ses deux pôles économiques, ses potentialités restent cachées, comme invisibles aux yeux de la plupart des Novillarois. Cela leur confère un aspect mystérieux, si près des habitants et pourtant si éloignées dans leur perception. Au final, le village s’est recentré sur lui-même, bordé par ces deux autres pôles qui marquent une limite naturelle Nord-Sud évidente à l’extension du village. Ainsi, on peut presque voir en Novillars un phénomène d’isolement dans son fonctionnement économique, sans se rattacher à son propre paysage comme ouverture.

< Photographie de la Longeau entre la place du monument aux morts et la bibliothèque.

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Le Doubs

La forêt

Le château

La véloroute

La chapelle et l’ancienne rampe de l’escalier Weibel

Potentialités cachées du village qui mériteraient d’être mise en valeur 84


En conclusion, actuellement Novillars s’impose comme un village muni de deux pôles économiquement forts, « une bipolarisation unique » selon Mr Beluche. Son expansion de manière ponctuelle de par ces grandes entités fermées, propriétés privées comme le château, l’usine, le parc de la villa Weibel, puis l’hôpital, impose un développement de la vie villageoise entre ces enceintes. Autrement dit, une suite d’opportunités commerciales ont conduit à déterminer les zones où le village devait se situer. Au final, Novillars ne s’est jamais appuyé sur ses fondamentaux géographiques pour se développer, mais s’est recentré sur lui-même, sur ses activités propres. L’absence de relation entre le Doubs et le village en est le meilleur exemple, ainsi que la différence de considération du ruisseau de la Longeau entre le parc du château et le reste du village. Ce phénomène explique la difficulté que la commune a aujourd’hui pour tenter de valoriser autant ses atouts géographiques que son patrimoine historique. La structure du village ayant toujours visé des aménagements d’ordre pratiques, probablement lié à l’efficacité imposée par la Papeterie, a mis à l’écart toute forme de valorisation des qualités paysagères du village. Ainsi, ceux qui s’attendent à entrer dans un village franc-comtois se retrouvent sans repère, déçu de cette vitrine peu attractive. Dans ce manque de considération pour des éléments du paysage qui auraient un potentiel d’attractivité extrême pour le village, la folie s’exprime par un déséquilibre des actions de projets centrées sur les activités économiques. C’est une sorte d’inconscience de ne pas valoriser son potentiel, et c’est le rôle du paysagiste que de leur redonner confiance en leur paysage.

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Plan de la ÂŤbipolarisation uniqueÂť selon le Maire de Novillars.

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100m

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Pour certaines personnes qui ne résident pas à Novillars, c’est un village « où il n’y a rien à voir » et ce n’est peut-être pas un hasard. La baromètre de la folie nous révèle, que sous plusieurs aspects le village a tendance à se présenter comme un espace peu agréable, troublant et qui se prête à l’égarement. Il dévoile un problème entre l’image véhiculée et la réalité de la vie des Novillarois. C’est un village de passage, où peu de personnes s’arrêtent. On y passe par la D 683 qui ne nous invite pas à y faire une pause. Le village entretient une image déjà péjorative communiquée par la présence de l’hôpital psychiatrique, pourtant invisible. Puis en arpentant le village, on se rend compte qu’il détient de réelles qualités qui pourraient valoriser le paysage de la commune. Ces atouts restent des éléments cachées que seuls quelques Novillarois reconnaissent comme la rampe rococo de l’ancienne villa Weibel, l’ancien champ de vignes enfriché dans la forêt, et bien d’autres. Il serait simple de penser que les personnes extérieures ne font pas l’effort de connaître le village avant de s’en faire une idée péjorative. Mais peut-être que l’on peut aussi se poser la question : quelle image souhaite véhiculer la commune sur son propre paysage ? Novillars s’est toujours laissé influencer par ses pôles, d’abord la Papeterie, puis maintenant l’hôpital, et bientôt l’arrivée de « la biomasse ! ». Au-delà d’un problème d’identité du village, c’est aussi un problème de savoir quelle image globale la commune voudrait véhiculer avant de proposer des projets d’aménagement qui valoriseront son paysage. En tant que paysagiste je souhaite proposer à Novillars de l’aider à s’affirmer comme un village franc-comtois atypique capable de jouer de son image d’une «ville de fous» pour se rendre encore plus insolite. Pour cela, les habitants doivent comprendre pourquoi leur village véhicule une image péjorative afin de mieux la maîtriser et de la modifier tout en conservant sa spécificité. Ma démarche visera donc à sensibiliser les habitants à la notion de paysage tout en les intégrant à mon projet dans le but d’enrichir mes propos et de jouer de ces décélages de perceptions d’un village, considéré comme une «ville de fous». UN PROBLÈME D’IMAGE

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B - SENSIBILISATION DES REGARDS Il est évident que pour évoluer d’une manière si décousue, par différentes petites actions à divers endroits, on peut dire qu’il n’y a pas de plan de gestion commun au village. C’est ce qui fait la spécificité de Novillars, son côté hétéroclite, mais cela n’empêche pas que certains lieux mériteraient un plan de gestion particulier. C’est ce que proposait le PADD, effectué en 2006 par l’agence d’urbanisme E.P.U.R.E. située à Besançon. Actuellement, voyant que les prochains projets seront des lotissements, on peut conclure que les modifications des espaces publics ne semblent pas être prioritaires. Et pourtant, elles ont le potentiel d’améliorer la vitrine du village dans le quotidien de tous. Ainsi, au lieu de proposer un plan d’aménagement des espaces publics, qui serait une solution une fois de plus ponctuelle et consommée à court terme, il faut aider les Novillarois à regarder leur paysage. Face à la banalisation de leurs opinions sur leur village, et à leur difficulté à tenir les objectifs du PADD, cette sensibilisation du regard serait un moyen à la fois de réfléchir sur un paysage que l’on ne voit plus car quotidien, mais aussi une forme de pédagogie visant à donner des clés du projet de paysage, pour pouvoir en débattre et prendre les meilleures décisions de manière collective. Mon étude va donc porter à réfléchir à l’intérêt de la mise en place d’un processus antérieur à un aménagement qui viserait à élaborer un projet de paysage cohérent pour Novillars. Dans un premier temps, ce processus suppose que le paysagiste collecte des informations sur le village pour le comprendre, dans le but de créer des outils adaptés au fonctionnement de la commune visant à l’aider dans la mise en place de ses objectifs. Ainsi, partant d’une volonté visant à intégrer les perceptions des habitants, c’est l’élaboration de stratégies d’approche, sous forme de différents protocoles testés sur le site, qui est spécifique à ma démarche du paysagiste. Elles déboucheront sur la création d’un outil de terrain, les promenades de perceptions, qui seront la première étape du projet.

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1-Une volonté de cohérence du paysage Dans Novillars, le travail du paysagiste serait de rechercher un moyen de rendre moins hétéroclite le paysage du village, par le travail de ses espaces publics par exemple. En termes de spatialité, la cohérence pourrait se manifester sous forme de nouveaux liens et d’une meilleure continuité entre les différents pôles de Novillars. Mais la solution ne réside pas forcément dans un projet d’aménagement, car la cohésion ne doit pas être uniquement spatiale et physique, mais perçue et vécue par les Novillarois. Peut-être qu’il serait nécessaire de trouver un moyen de fédérer les habitants autour d’un projet commun pour tenter de redonner une «âme» au village. Redonner de la cohérence au cœur du bourg viserait donc à véhiculer une vision globale du paysage de Novillars qui améliorerait son image, en passant par des projets tant spatiaux, physiques, que humains.

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> Extraits du PADD de Novillars datant de 2006. Etudes effectuées par EPURE urbanisme, surlignées afin de mettre en évidence les nécessités d’améliorations du village.

^ Autres extraits du SCOT et du PADD en annexe p. 160

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Novillars, un terrain à projets de paysage

Les analyses du paysage perçu par les Novillarois de leur commune ainsi que celui perçu par les personnes extérieures au village, montrent bien que Novillars est un terrain potentiel pour de nouveaux projets d’aménagement. Des solutions sont à trouver en termes de praticité, d’amélioration de la praticabilité piétonne pour atteindre le cœur du bourg, d’améliorer la lisibilité du centre ainsi que la mise en valeur de son patrimoine, historique, paysager ou industriel. Le PADD de 2006 prévoyait déjà quelques objectifs pour de futurs aménagements. Certains ont été mis en œuvre, comme la liaison entre le parc du château et les HLM, mais d’autres sont toujours en attente comme : « dégagement des vues vers les éléments intéressants : église, château, rivière », « assurer la porosité entre les parties urbaines et les secteurs naturels », « renforcer le cette et améliorer le centre urbain de la commune », « valoriser les atouts du territoire et la qualité de vie ». resque huit ans après, Novillars ne présente guère d’évolution en termes d’espaces publics, excepté le parc public du château. D’après l’évolution historique de Novillars, sa stratégie de développement me paraît saccadée. C’est petit à petit, par différents projets juxtaposés que le village s’est créé. Cette manière de fonctionner qui contribue à l’aspect éclaté du village et semble témoigner d’un manque d’aisance dans la démarche de projet et de la vision spatiale. C’est comme si la commune acceptait chaque bonne idée, mais sans penser à composer les différents espaces, ni à se projeter pour favoriser son intégration dans son contexte. Je pense que la raison de ces maladresses sont dues à un manque de culture du projet de paysage. Autrement dit, il est difficile de monter des projets d’aménagements suivant des objectifs imposés par le PLU lorsqu’on ne sait pas vraiment quel sera leur finalité. En fait, je soutiens qu’il manque une étape entre les objectifs du PADD et des projets de transformations spatiales que devrait entreprendre la commune pour respecter ces objectifs. C’est à la charnière entre ces deux phases de projet que je compte situer mon travail personnel comme une étape charnière qui articulerait ces phases de transformations du village.

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Recherche d’une cohérence

L’objectif premier de mon travail serait de démontrer qu’il est possible d’améliorer la cohésion du village aujourd’hui dilaté, et sans réel coeur de bourg qui fédère. Au-delà de véhiculer une image péjorative de Novillars, la situation devient problématique lorsqu’elle empêche les habitants de se sentir en sécurité dans leur propre commune, gênés dans leur quotidien par le bruit par exemple, ou que certains problèmes les contraint pour accéder d’un lieu à un autre. Sans parler de remettre en cause l’incomposition du village, qui aujourd’hui contribue à sa spécificité, il faut voir que certaines zones de Novillars sont très inconfortables pour les piétons, voir impraticables pour des personnes âgées. La recherche d’une forme de cohérence entre les éléments disparates du cœur du bourg vise donc à régler des problèmes du quotidien des Novillarois. Comme par exemple le manque de trottoirs ou passage piéton, des panneaux qui entravent la visibilité du château, le grand parking au centre du bourg. Redonner de la cohérence ce serait améliorer les transitions d’un espace à l’autre tant de manière physique que sociale. Les relier les uns aux autres permet de favoriser leur continuité dans l’espace. L’objectif final est de pouvoir véhiculer l’image d’un village dans son ensemble, contrairement au panneau de direction qui sépare chacun des quartiers. Pour engendrer cette cohérence, il ne faut peut-être pas l’envisager qu’en termes physique, sous forme d’un aménagement, mais aussi sous forme sociale, correspondant à un travail sur « l’âme du village », à savoir l’image commune que le village aimerait communiquer de son paysage.

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Un processus d’ouverture des regards

Comme je le disais précédemment, il manque une étape entre le PLU et les projets de la commune. Selon moi, la cohésion se trouve dans la vision de l’avenir, c’est-à-dire autour d’une idée commune d’un projet qui aurait un but fédérateur. L’intervention du paysagiste s’apparenterait plutôt à un processus. L’idée serait de mobiliser les objectifs du PADD et de les mettre en perspectives avec les désirs de projets des habitants. Le but serait d’intégrer les Novillarois à une forme de projet collectif, qui respecte le PLU. Le paysagiste se montrerait alors comme un médiateur qui aiderait un village à monter ses propres projets, issus d’une volonté collective qui ne dépend pas d’une seule personne. Le moyen pour démarrer ce processus serait d’abord une pédagogie du regard, c’est-à-dire d’ouvrir les Novillarois au paysage qui les entoure. C’est un travail difficile car il demande de faire l’effort de regarder ce qui nous entoure au quotidien. En contrepartie, cet exercice permettrait de déterminer les points d’incohérence du paysage actuel, autrement dit de mieux cibler les lieux à travailler avec les habitants.

Le manque de culture du projet des personnes de Novillars se fait ressentir dans son paysage actuel. Mon projet ne serait pas de tenter de résoudre des problèmes de praticabilité ou d’esthétique du village, dans le sens de le rendre plus beau par une solution d’aménagement typique d’un projet de maîtrise d’œuvre. Je souhaite montrer la valeur de l’intégration des habitants au processus de lecture et de transformation du paysage. Pour cela, mon projet se place en amont d’un éventuel projet d’aménagement de la commune, visant dans un premier temps à fédérer les habitants autour d’une vision du paysage, plutôt qu’autour d’un espace public dessiné par le paysagiste.

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2 – Une juste appréhension du terrain Les premières visites sur le terrain ont été l’occasion de me faire connaître et de collecter des informations. L’idée est donc de voir un maximum d’habitants, de commerçants, et d’élus de la municipalité dans le but de comprendre le fonctionnement de Novillars, et bien sûr ses dysfonctionnements. Cette étape est utile pour nuancer mon propos, et ne pas s’en tenir à une image péjorative, et contemplative, du village.

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> Couverture du petit livre de lapsus paysager de type : Ceci n’est pas.

Insolite Novillars,

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un village qui n’a pas peur de son image

carnet produit par Joséphine Billey, DPLG 4 avril 2014 - ENSP Versailles

Rencontre des habitants

Le projet visant à intégrer les perceptions des habitants implique la mise en place de stratégies d’approches dans le but de se faire connaître, et de collecter des informations. Le travail auprès des habitants s’est fait en plusieurs étapes. Découvrir le village, prise de contact Les premières visites sur le site m’ont permis de voir, et de sentir le rythme de Novillars. Avec mes questionnaires, je sillonne le village, mais peu d’opportunités s’offrent à moi, surtout en hiver. Alors il était plus intéressant de se présenter aux deux grosses structures du village, à la Papeterie, puis à l’hôpital. L’objectif est de comprendre le quotidien, l’histoire du village, et les projets actuels de la commune. Pour le paysagiste, adopter cette démarche de découverte et de proximité avec les habitants est une prise de contact directe avec le site. Le résultat a été riche même s’il était difficile d’aborder les Novillarois avec un simple questionnaire, mais par de multiples interviews et rencontres sur le site, mon analyse du site se précisait. Comprendre la perception des Novillarois de leur village Dans un deuxième temps, après avoir bien compris le village avec mon regard de paysagiste, je relève quelques lieux problématiques. J’ai créé un carnet récapitulatif de mon intérêt pour Novillars et de ma réflexion depuis le début de mes recherches. En générale, les photographies et documents que j’avais choisies étaient contrastés, dans le sens où ils étaient soit positifs, soit négatifs, afin de provoquer une réaction chez la personne qui les regarde. J’y ai aussi inséré trois esquisses que j’avais produites en vue de les présenter aux habitants et d’en débattre avec eux. Elles étaient toutes différentes, et proposaient des solutions d’aménagement d’un futur Novillars, intégrant la future usine de co-génération d’énergie de biomasse. Je souhaitais confronter mes idées de projet à leur réalité, et à leur volonté. Ce carnet, je l’ai appelé « Novillars une ville de ouf !, un potentiel paysager encore méconnu ». Sa particularité était d’imager ma réflexion et de justifier les choix de mes esquisses sans aucun des textes, afin que d’autres personne puissent réagir dessus sans être influencées par ce que je pensais. J’ai créé ce carnet en vue d’une deuxième série de visites sur le site qui m’a conduit à produire de nouveaux questionnaires, plus imagés et plus ludiques que les premiers. Leur but était d’abord de voir ce que les habitants perçoivent au quotidien de Novillars, puis de mesurer leur regard critique sur leur propre commune pour voir si un problème en particulier pourrait me conduire à un réel projet de paysage. Pour cette expérience, je me suis munie de trois carnets fabriqués par mes soins : un carnet de photographies aériennes anciennes de 1940 à 2003, un carnet du Novillars insolite comprenant des lapsus paysagers, et le carnet présentant mes esquisses. La stratégie de ma deuxième visite était 98


< Carnet des photos aériennes anciennes amenés sur le site pour parler avec les habitants.

d’avoir beaucoup de supports imagés qui puissent faire parler les habitants. Des éléments à la fois historiques, et donc intéressants pour des personnes âgées, et pour ceux qui ont toujours connu Novillars, des visuels qui montrent ce que l’on voit du paysage de Novillars aujourd’hui, et un carnet ludique qui montre ma vision du paysage du village. Le carnet de photographies aériennes a très bien marché, notamment pour faire comprendre en image toute l’histoire du village depuis 1940. C’était un support pour faire parler les anciens du village, afin de mieux le comparer à aujourd’hui. Puis le carnet « Novillars, une ville de ouf ! » était très bien pour montrer les qualités ou défaut d’un endroit sans y être physiquement. Ainsi, comme les personnes ne connaissent pas entièrement leur village, il était intéressant de voir ce qu’ils avaient déjà vu ou non. Cette deuxième visite sur le terrain a donc nécessité beaucoup de préparation en amont, notamment pour avoir des supports variés, et imagés plus communicatifs sur le paysage. Je pense qu’elle a bien fonctionné à partir du moment où au mois de mai les gens sont contents d’être à l’extérieur, plus détendus et plus ouvert à la discussion. Le contact avec les habitants est essentiel pour comprendre l’ambiance d’un village, son âme, et connaître son histoire. Au-delà de la collecte d’informations, leur sensibilité au paysage qui les entoure reste selon moi très vague, et ils restent très critiques sur leurs conditions de vie. Dans mon processus de projet, il faut bien voir que les divers moyens de communication que j’ai mis en œuvre pour débattre avec les habitants étaient aussi une manière d’expérimenter des stratégies pour, par la suite, aborder mes présentations à la mairie. Car en parallèle, j’ai effectué plusieurs présentations à Mr Beluche, le maire de Novillars, pour le tenir au courant de mes avancements. Mais il n’est pas toujours évident d’appréhender ce genre de débat, à la fois en critiquant et en valorisant le paysage de personnes qui le vivent et l’habitent parfois depuis toujours. C’est pourquoi les habitants m’ont apporté des clés pour mener à bien mes présentations et trouver de quelles manières communiquer mes analyses.

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Qualité ou défaut?

question posée au Maire et à son adjoint Mr Louis lors de la présentation de mon travail Mai 2014 100


Travail régulier auprès du maire, savoir tenir informé

Plusieurs visites sur le terrain m’ont amené à prendre rendez-vous avec Mr Beluche, le maire de Novillars, pour régulièrement lui présenter l’avancement de mon projet. Il faut bien voir que la mairie de Novillars a été très conciliante avec mon envie de faire un projet dans la commune. C’était un atout, dès le départ, qui m’a permis d’avoir un regard plus éclairé sur les enjeux, mais aussi de rencontrer beaucoup de personnes sur le terrain. L’intérêt était dans un premier temps d’avoir l’avis d’un homme politique qui connait bien la commune, mais aussi ses projets à venir. Mr Beluche a une vision très positive de son village, même s’il est conscient de certains problèmes, notamment en termes d’image. Il a su me donner des informations sur l’avenir de Novillars, me permettant de commencer à me projeter. J’ai lui ai aussi présenté mon travail, ainsiqu’à certains de ses adjoints. L’intérêt n’était pas de leur proposer des idées d’aménagement dans le village, mais d’abord qu’ils vérifient mes intentions, et les valident. Ils ont apprécié ma première démonstration, présentant une analyse engagée et des objectifs qui leur paraissaient cohérents avec «la philosophie» de la commune. C’est avec détente et en jouant sur l’image décalée de Novillars que j’ai abordé mon sujet. L’utilisation d’un ton humoristique mais juste, permet de communiquer sur certains problèmes qui pourraient être difficiles à formuler. Par l’usage d’une forme de bande-dessiné, l’idée était de faire passer des messages par des citations extraites de témoignages réels. J’ai commencé ma seconde présentation, par un petit test, d’images « chocs » dans le but de faire parler les élus. Ces clichés évoquaient un problème dans le paysage. J’ai appelé cette expérience le « qualité ou défaut ? ». L’objectif était de dire si l’image projetée était une qualité ou un défaut dans le paysage. Cette séance a parfaitement fonctionné car d’humeur à la convivialité, l’exercice était ludique. De courts débats, puisqu’il fallait être rapide, et des réponses radicales, démontraient très bien l’avis tranché sur la question. Dans les réactions, on comprend directement si il y a moyen ou non de faire bouger les choses à l’endroit concerné. La deuxième partie de la présentation consistait à leur exposer trois esquisses de projet, en les justifiant par les améliorations possibles du village grâce à ces solutions. Deux ont été décrètées impossibles, proposant de trop gros aménagements inconstructibles en zone PPRI. L’intérêt a été de rencontrer Mr le Maire plusieurs fois et régulièrement, trois fois en dix mois, pour à chaque fois vérifier mes positions, tout en les justifiant. Ce travail a donc été enrichissant pour m’aider à avancer dans le projet, mais aussi sur la manière de l’aborder pour communiquer sur son paysage. L’enjeu a été de m’adapter à sa vision de la commune, et de lui montrer qu’un paysagiste peut être une aide pour faire émerger une vision globale et singulière de sa commune. SENSIBILISATION DES REGARDS

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> Travail d’esquisses de plans d’aménagement présentées au Maire comme support de discussion.

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Le village a tout, notamment un PLU qui lui offre des perspectives de développement. Mais en discutant avec les habitants, le Maire et ses adjoints, et en lisant le PADD je me rends compte que le village a du mal à mettre en place des projets pour tenir ces objectifs. LAmunicipalité n’a pas réussi à s’approprier le PADD. C’est pourquoi j’ai effectué un double travail de recherches et de stratégies de communication sur un paysage devenu banal aux yeux de ses habitants. Cela m’a permis d’acquérir une connaissance et une écoute afin de créer un nouvel outil, adapté à leurs attentes. L’avantage de l’expérience menée avec le maire a été d’ouvrir son regard sur son paysage, notamment sur ce qu’il ne voit plus dans son quotidien. Être devant ces photographies, c’était être confronté à une réalité que des Novillarois oublient, ou dont ils font abstraction pour ne plus voir ce qui les gêne. Un enjeu du projet est alors de m’adapter au public pour qu’il comprenne la réalité de son paysage. Le deuxième est de trouver un moyen de donner des clés aux Novillarois qui n’ont pas, ou peu de culture du projet de paysage, pour participer à des projets qui contribuent à l’amélioration de l’image de leur commune. Ils ont des idées, des avis, des envies, mais il leur est difficile de les mettre en perspective tout seul, chacun isolé dans ce village éclaté qui vit au rythme de ses pôles économiques. Je pense que le paysagiste peut alors intervenir, en tant qu’intermédiaire entre la commune et l’ensemble des Novillarois pour proposer d’élaborer un projet de paysage commun au village.

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3 – Un outil de projet par le paysage : les promenades de perceptions Les promenades de perceptions sont un outil que j’ai créé en vue de monter un projet qui vise à fédérer les habitants autour d’une vision du paysage. Ainsi, ce projet ne cherche pas à déboucher sur une forme d’aménagement pur, mais sur un processus. Pour cela, j’ai choisi dans un premier temps le trajet de la promenade, avant d’élaborer son protocole pour démontrer l’intérêt de créations d’outils adaptés lors de médiations avec les habitants.

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> double plan Aller-Retour support du paysagiste pour prendre des notes durant les promenades

PROMENADE DE PERCEPTIONS le ..................... avec : ...................................... .................................................

ALLER

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RETOUR


Page précédente : Plan du trajet comme support des notes prises pendant la promenade avec Mme Grandvuillemin.

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Un trajet stratégique dans le village

< Support proposé aux promeneurs avant le départ de la promenade de perceptions. Le plan ci-contre est une synthèse qui indique le trajet principal, en bleu, agémenté par les détours proposés par le personnes interrogées sur le trajet qu’elle emprunteraient pour aller de la forêt au Doubs, en rouge.

Selon moi, le trajet de la promenade de perceptions doit être particulièrement bien choisi, dans le sens qu’il valide des contraintes selon plusieurs aspects. D’abord, il doit être connu des habitants, voire même utilisé au quotidien, pour qu’ils aient déjà des réactions vis-à-vis de ce qu’ils vivent, ou ont vécu, dans ces lieux. L’idéal est qu’ils répondent en parlant de leurs expériences, de la beauté ou de la laideur de ce qu’ils voient et à savoir pourquoi ils n’y vont pas plus souvent. Puis la promenade doit aussi passer dans différents lieux pour pouvoir exploiter plusieurs sensations. Ces lieux, je les ai choisis en fonction du potentiel de projets de transformations spatiales qui pourraient y être développées. Ainsi, cette promenade passe dans des lieux qui peuvent faire l’objet d’une modification bénéfique pour le village. L’intérêt pour la promenade est donc d’observer si les Novillarois ont conscience de ce champ d’actions possible pour résoudre certains problèmes, et si c’est le cas, de voir comment ils l’appréhendent. Je souhaitais que la promenade mette en lumière deux pôles de Novillars, le Doubs au sud, et la forêt au Nord. Elles sont des entités du paysage qui lui confèrent son appartenance à la vallée du Doubs. Cet axe nord-sud est alors un axe transversal à la D683 doublée de la voie ferrée qui évoque aussi la liaison entre Novillars haut et le bas Novillars. Elle est symbolique et pratique. En demandant aux habitants quel trajet ils feraient pour accéder au Doubs, ils me dessinent souvent un trajet qui leur ressemble. L’intérêt est donc la flexibilité de cette direction Forêt/Doubs qui laisse entrevoir les habitudes des gens.

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Protocole et outil adapté à la promenade de perceptions. Plans A3 AllerRetour, feutres de couleurs, et dictaphone.

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Les promenades de perceptions

Les promenades sont un moyen de rencontrer des habitants, de collecter des informations sur leur perception du village, et de les intégrer à un projet pour le paysage. Le protocole est constitué de deux grandes étapes à vocations différentes, l’aller, et le retour. En tant que guide, le but est de parler et de poser des questions en marchant, alors que le paysage défile lentement et laisse place à des perceptions sans cesse en devenir. La première question concerne les sensations : « comment vous sentez-vous dans ce lieu, en tant que piéton ? ». La deuxième question concerne la perception comme « Pouvez-vous me commenter ce que vous voyez ? » , puis la troisième correspond à une interprétation « Selon vous, quelles sont les qualités de ce lieu ? ». Ces trois questions sont une entrée en matière qui permet de décomplexer le regard, et de l’éveiller. Toute la promenade est enregistrée, ce qui me permet de prendre des notes uniquement des réponses qui me paraissent importantes, tout en pouvant retranscrire plus tard, au calme, la bande son. Cette première étape vise à intégrer dans ma démarche la définition du «Paysage» selon la Convention européenne du paysage. «Paysage» désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. La deuxième étape, le retour du Doubs à la forêt, est un accès aux éventuels projets. Les premières descriptions de perceptions ont servi à mettre en conditions le promeneur pour formuler, dès à présent ses envies de projets ou partager les moyens qu’il a en tête pour résoudre certains problèmes. Le protocole consiste en une question récurrente sur tout le trajet, « Comment pourrait-on améliorer ce lieu pour le rendre plus beau, plus pratique, plus convivial ? ». L’idée est de reprendre les notes des réponses dites à l’aller pour rebondir à ces problèmes en essayant d’y trouver une solution. Après le retour au point de départ, il est demandé de dessiner le chemin parcouru, en balisant les lieux où les besoins d’un nouvel espace se sont avérés nécessaires. Ainsi, pour chaque personne a été crée deux plans de prises de notes, un pour l’aller, un pour le retour, puis un plan général réorganisant les envies de projets de la personne sur tout le trajet.

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< plan en noir et blanc: support proposé aux promeneurs après le départ pour retranscrire les idées de projets exposées pendant le parcours.

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Le but de ces promenades est multiple. L’aller est un moment de détente, d’introspection où la promenade permet de renouveler le regard des personnes. L’objectif est de mettre en confiance la personne pour qu’elle puisse plus aisément s’ouvrir à ses propres perceptions, et se confier. Le trajet est simple et doit permettre de se concentrer sur comment son propre corps réagit à l’environnement traversé. Toute ouverture à l’écoute, aux odeurs, à la vue est utile pour relater de son expérience du paysage. L’intérêt pour la personne est de mettre des mots sur ce qu’elle ressent, afin de mieux pouvoir l’exprimer. Lors du retour, les questions sur d’éventuels projets à mettre en place pour améliorer les zones traversées précédemment est un exercice différent. Le but est de soulever la question d’une éventuelle transformation de l’espace. L’idée est de leur faire prendre conscience, que le paysage peut être modifié. Ainsi, en leur laissant une carte blanche, je souhaite distinguer leurs envies de projets pour Novillars. L’intérêt de ces promenades de perceptions est alors d’apprendre à mettre des mots sur ses intuitions afin de trouver des orientations de projets communes. La difficulté de ces promenades est donc de regarder, à la fois avec un œil nourrit du vécu et avec un œil nouveau, un paysage que l’on vit au quotidien afin de mieux le comprendre dans sa globalité, et de pouvoir l’aménager en vue d’un ensemble.

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Photos extraites des promenades de perceptions

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Rôle du paysagiste

Le rôle du paysagiste lors de ces promenades est double. Il est d’abord un guide qui tente d’inciter les habitants à regarder leur environnement quotidien au travers d’une expérience paysagère. Je souhaitais aider les personnes à s’exprimer sur leur paysage en mettant des mots sur leurs sensations à des moments donnés. Autrement dit c’est une forme d’expression d’un regard personnel, puis d’un regard critique que je cherche à développer chez les habitants. Cette forme de pédagogie par le paysage est un moyen qui à long terme permet aux habitants d’avoir un regard critique sur leur environnement et leur permet de cibler des lieux d’interventions. Autrement dit, les habitants seraient capables à long terme, pas forcément de trouver des solutions, mais d’être aptes à monter des orientations de futurs projets, comme les prémices d’un cahier des charges. Autrement dit, je cherche à montrer que les Novillarois ne sont pas fous, mais qu’ils ont un potentiel d’actions à développer pour améliorer le village. Dans un second temps, le paysagiste est un intermédiaire. Autrement dit, il va jouer un rôle entre les habitants et les acteurs d’un futur projet d’aménagement. De manière concrète, je veux de donner de la perspective aux témoignages récoltés lors des promenades de perceptions. La médiation se fera dans le sens où il y aura une communication des différents témoignages pour les placer dans un contexte de projet. Ainsi, les promenades de perceptions étaient aussi une manière de récolter de la matière que je veux montrer comme indispensable pour élaborer une intervention sur le terrain. L’intérêt des perceptions des habitants est qu’elles sont complémentaires, et qu’ensemble elles forment une vision globale du paysage de Novillars, qui n’est que peu appliquée aujourd’hui. Leur mise en relation constituera une autre étape du processus, menée par le paysagiste afin de faire émerger des réactions. Par ce travail de recherche et d’écoute, le paysagiste témoigne aussi de son engagement auprès d’une commune, qui peut avoir confiance en lui. Ainsi, le contact des habitants est aussi un moyen de véhiculer une image de la profession de paysagistes, et de la faire connaître comme créateur de processus innovateurs et adaptés. Le paysagiste a donc plusieurs rôles, celui de projeteurs, de guide qui accompagne la commune dans sa mission de transformation de l’espace, et d’intermédiaire, voir d’interventionniste qui, en amont, fédèrent une vision globale du paysage du village et fait émerger des orientations de projet. SENSIBILISATION DES REGARDS

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Pour le paysagiste, les promenades de perceptions sont un outil de collecte d’informations, mais aussi une forme de pédagogie du projet de paysage par le regard. Il semble que ce processus soit adapté au mode de vie des habitants qui sont très adeptes de promenades. Les résultats sont divers et se complètent par les différences d’âge et d’origine des habitants. Il est assez étonnant de voir des personnes qui font des fixations sur certains éléments du paysage de leur village. Le mot «verdure» par exemple est ressortis très souvent, les Novillarois apprécient beaucoup ce qu’ils appellent la verdure. D’une certaine façon, en entrant dans leur perception de leur environnement, on entre dans leur intimité. La folie se ressent à l’échelle de la perception de l’individu lorsqu’il est fou passioné de quelque chose qui lui tient à coeur dans le village. Convaincus, ils prennent mon intervention comme un moyen de faire passer leurs idées, et c’est cette volonté qui me laisse penser qu’ils sont motivés pour transformer certains aspects du village, voir même s’investir dans un projet qui concerne leur paysage. Ces promenades sont donc de bonnes bases à mettre en perspective et de bonnes prises de contacts avec des habitants qui démontrent une volonté de poursuivre l’aventure.

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Dans le cadre où les prochains projets de Novillars sont des lotissements, le paysagiste doit trouver son rôle à jouer dans ce petit village où plusieurs lieux pourraient faire l’objet d’une nouvelle organisation spatiale plus cohérente. L’intérêt de situer mon travail entre les objectifs du PADD et un futur projet de paysage, serait d’aider cette commune et ses habitants à voir leur quotidien pour mieux comprendre et cibler leurs attentes. Grâce à une prise de contact longue avec les habitants, et des promenades individuelles de perceptions, il est déjà possible d’établir les premières relations entre les points de vue et les envies de projet de chacun. L’idéal est que ce processus, situé en amont d’une transformation, vise à élaborer une sorte de partage et d’écoute des points de vue des autres. Ce processus amènerait à une transformation des regards sur le paysage de Novillars. Dans cette optique, le paysagiste tente de donner des clés du projet de paysage aux habitants et doit trouver un moyen de passer de l’expérience individuelle (promenades des perceptions) à l’expérience collective.

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C - D’UNE PRATIQUE DU PAYSAGE AU PROJET PARTAGÉ La pratique du paysage mise en œuvre avec les promenades de perceptions répond à deux enjeux majeurs. D’abord celui de la gestion du paysage du cadre de vie, d’où l’intérêt d’y intégrer les habitants, puis celui de l’aspect stratégique de l’image que représente le paysage pour déterminer le caractère attractif de Novillars. Selon moi, le rôle du paysagiste est de pouvoir faire germer des réponses à ces questions dans la tête des habitants. Car, si demain le village compte accueillir des touristes grâce au développement de la Papeterie, Novillars se posera sûrement la question de l’image qu’il voudra leur transmettre. En restituant les témoignages des promeneurs interrogés, le but est d’attester du potentiel que pourraient avoir des projets menés de manière collective dans la commune de Novillars, améliorant à la fois le quotidien de ses habitants et l’image du village.

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1- Communication d’une pratique paysagère Passer de l’expérience individuelle à l’expérience collective est essentielle pour un projet de médiation afin d’aboutir à une étape de partage. Cette occasion doit témoigner à la fois du potentiel d’implication des habitants qui ont fait la promenade, demandeurs de changements, mais aussi de leur capacité à réfléchir sur l’avenir de Novillars. C’est à ce moment charnière que le paysagiste doit montrer sa force de transformation des regards par le paysage, faisant intervenir les témoignages des habitants comme base de son projet. Il est important dans un premier temps d’analyser les résultats des promenades pour se les approprier avant de trouver un moyen de mettre en relation les points de vue les uns avec les autres, de manière cohérente afin d’en tirer des arguments de projet.

D’UNE PRATIQUE DU PAYSAGE AU PROJET PARTAGÉ

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Restitution des promenades de perceptions

L’intérêt de ces promenades individuelles est la quantité de matière foisonnante qu’elles ont pu apporter au paysagiste, tant par les témoignages que par les expériences in situ. Chacune des promenades est une histoire à raconter. L’intérêt était que le paysagiste était entièrement dévoué à la personne qui tentait l’expérience pour pouvoir l’encourager à s’exprimer. Ainsi, les résultats sont très personnels et très divers selon les promeneurs. Ils parviennent à s’exprimer tant sur l’histoire des lieux, que sur leur pratique quotidienne, sur les lieux qui posent problème, ou même générateur de conflits. Mais pas toujours de manière claire et précise. Dans un premier temps, souvent leur perception du paysage est à petite échelle. Ils se cantonnent à ce qu’ils voient au premier plan, et ne se situent pas dans un espace large. Ainsi, la forêt et la vallée du Doubs sont des entités paysagères qui forment presque un décor, qu’on ne voit presque plus. Dans leur perception, on pressent qu’ils ne sont pas faciles d’accès, ils sont loin, considérés à la sortie du village. Sur le retour de la promenade, lors de l’imagination de projets, chacun avec sa perspicacité propre amène une pierre à l’édifice d’une future étape. Par ses idées en lien avec les «manques» du lieu, en termes esthétiques ou fonctionnels, ils démontrent des envies de faire évoluer leur commune, et notamment leur vie au quotidien. La plupart du temps, ces projets sont localisés, autrement dit à l’échelle de leur perception de l’espace. « Il faut éliminer ceci », « il faut ajouter cela » sont des réponses à l’échelle locale, parfois très précises. Généralement, ils ont du mal à trouver une solution à des problèmes complexes, qui sont à plus grande échelle que celle d’un bâtiment. Peu de personnes ont ce sens de la composition dans l’espace. La réponse qui revenait souvent était « je n’ai pas d’idée » sur une situation qui leur posait problème. Cette réaction est tout à fait compréhensible car ils ne sont pas forcément aménageurs, ou projeteurs. Elle témoigne de leur perspicacité à cibler le problème, mais elle révèle aussi un manque de « savoir quoi faire », autrement dit d’arguments qui permettraient de déclencher une transformation de l’espace qui pose des difficultés. D’une certaine manière, si la personne ressent une incohérence sans pouvoir proposer un moyen matériel et budgétaire d’amélioration à la commune, cette dernière ne pourra pas forcément faire l’effort de lancer un chantier.

Les Novillarois ont donc des intuitions sur les qualités de leur paysage et sur des possibilités d’aménagement de leur territoire qu’il suffirait de mettre en commun pour que chacun puisse se nourrir du regard de l’autre et fonder une image cohérente du paysage de Novillars.

De l’individuel au collectif

Je compte restituer le pratique du paysage des promenades sous forme d’un livre pour passer de témoignages individuels à une œuvre collective. Il serait composé des principales vues du trajet effectué, accompagnées des différentes citations des habitants associées au lieu. Ainsi, le paysagiste met en débat les témoignages des habitants de manière silencieuse, à leur insu. Ecrit de manière comique et légère, le principe est de remettre en question des points de vue en les confrontant. Il est alors intéressant d’essayer de se mettre à la place de l’autre et de comprendre son opinion, sans avoir la pression de devoir en débattre à vive voix. C’est une sorte de réflexionsur le regard sous la forme d’un dialogue fictif. La photographie centrale pose une question, à laquelle certains ont donné leur avis sur la base d’une discussion silencieuse.

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Par cette première restitution, le paysagiste démontre l’importance du regard de l’autre, mais aussi la valeur du travail in situ. L’expérience du regard se fait à l’extérieur, en se confrontant à la réalité de la perception du paysage. Une mise en relation des témoignages à travers un livre est importante car elle est l’interprétation du paysagiste, mais aussi un outil de communication sur sa vision du paysage de Novillars, porté par le regard des habitants. Le témoignage de sa propre promenade est intégré à ceux des promeneurs. Il ne s’impose donc pas comme LA parole privilégiée sur celle des autres. Ainsi, le paysagiste demeure dans une volonté de ne pas se mettre à la place des Novillarois, mais de les faire s’exprimer pour les aider à montrer leur capacité de s’investir pour leur paysage.


Page précédente : < Croquis de travail préliminaire avant une intervention sur le site.

Ce travail permet dans un premier temps d’ouvrir son regard et de se poser des questions sur son paysage quotidien. L’idée de créer ce livre est idéale pour transmettre et partager les différentes envies d’habitants pour leur village, comme un appel à une réflexion commune sur le sujet et remettre en perspectives la question de l’avenir du village. D’UNE PRATIQUE DU PAYSAGE AU PROJET PARTAGÉ

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Vers un paysage actif

Le paysage n’est pas un décor « Alors que les hommes ont souvent considéré le paysage d’abord comme un objet esthétique, il représente davantage aujourd’hui la façon dont chacun perçoit et vit son territoire au quotidien. » extrait de la présentation du colloque Paysages de la vie quotidienne. Le paysage quotidien est un paysage complexe car il est difficilement perceptible et définissable, notamment pour ceux qui l’habitent. Lors des promenades de perceptions, il est impressionnant de voir quelle est la fonction du paysage, vécu comme un décor passif. D’après les témoignages des promenades de perceptions, il est intéressant de voir que des éléments reviennent de manière redondante. Ces objets marquent le Novillarois lorsqu’il regarde son paysage. Perçus par tous ou presque, ils sont donc des éléments fondateurs du paysage de Novillars. Estimés de manière positive ou négative, ce qui est sûr c’est qu’ils résonnent chez chacun qu’ils possèdent un aspect esthétique ou pratique. Ce constat permet d’établir un premier lien entre des points de vue individuels, comme une vision commune du paysage de Novillars perçu par ses habitants. D’autres éléments, à l’inverse, ne sont pas visibles. La première raison serait que les habitants n’ont pas les clés de lecture du paysage pour voir ces objets. D’une certaine manière ils ne distinguent pas l’entièreté des éléments qui composent leur village. C’est ce qu’a révélé les promenades de perceptions, notamment avec leur vision de tout ce qui est proche, sans voir ce qui est au second plan. Leur perception des lieux repose alors sur une vision modeste du village, et peut-être vague de leur paysage, autrement dit peu singulière. Les promenades de perceptions avaient donc cette double fonction d’être aussi des déclencheurs afin d’observer plus attentivement dans le but de « mieux voir ». La deuxième raison, confirmée par les promenades de perceptions, est celle du quotidien. Des éléments, souvent peu esthétiques ou peu pratiques voir dangereux, ne sont plus visibles pour des personnes extérieures au village. À cause d’une sorte d’automatisme qui leur permet de ne plus voir ce qui les gêne, les Novillarois ne remarquent plus des choses évidentes dans leur paysage. Parfois, ils ne les voient pas spontanément, et parfois ils ont du mal à les critiquer. Ils ne savent plus quoi en dire, si c’est positif ou négatif selon eux car ils y sont habitués. Ce sont par exemple les vieux lampadaires, les panneaux du code de la route dans le parc, des arbres plantés sur un trottoir qui devient impraticable... Ces éléments finissent donc par appartenir à un décor, comme fondus dans ce que les Novillarois appellent « le paysage », et qu’ils contournent du regard ou dont ils font abstraction.

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Mais le paysage n’est pas seulement un décor ! Il est vivant, comme l’explique la Convention européenne du Paysage, il est nourrit des perceptions de celui qui l’observe. Le «Paysage» selon la Convention européenne du paysage, désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. Le paysage existe dans les yeux de celui qui le regarde et se transforme au gré des actions des hommes sur leur territoire. Ainsi, à partir du moment où le paysage n’est plus regardé, il n’existe plus. Une banalisation du regard sur le paysage peut entrainer deux genres de phénomènes, visibles à Novillars. Le premier serait de ne plus reconnaître la valeur de son paysage, de ne pas le voir et par conséquent ne pas comprendre ses composantes structurantes afin de mieux les gérer à long terme. Autrement dit un regard éveillé sur son paysage quotidien est essentiel pour élaborer un réel plan de gestion pour mieux protéger, maintenir, ou mettre en valeur les potentialités paysagères du village. Le deuxième serait que toute action entreprise par la municipalité sur son territoire aurait un risque d’être décontextualisée, et de paraître presque obsolète, si elle repose sur une vision étroite du lieu. Si l’entièreté du contexte n’est pas prise en considération l’action peut fonctionner à petite échelle, mais pas dans un contexte plus large.

En conséquences, peut-être que les promenades de perceptions ne sont qu’une première étape d’ouverture du regard. Le paysage n’est pas un décor, il est actif et influence notre regard et notre point de vue sur ce qui nous entoure. Les clés que doit amener le paysagiste à la commune sont peut-être aussi de l’ordre de la pédagogie sur la compréhension de la notion de paysage et de son importance dans les enjeux du caractère attractif de Novillars.

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Une action de partage Par une intervention sur le site, je compte transformer les regards en donnant à voir Novillars d’une autre manière. Je souhaite démontrer que le paysage est un acte de l’homme, et qu’en refusant de le voir, les Novillarois auront des difficultés pour modifier l’image péjorative que leur village véhicule. Je pense que cette action sera un moyen de réactivation du paysage par une action de partage des informations que j’ai récupérées sur le site. Elle sera ma propre interprétation du village, sur la base des regards d’habitants. Par cette intervention, mon objectif serait de dénoncer « une inconscience » de la notion de paysage par un acte fort qui puisse générer une remise en question du paysage actuel de Novillars. Les éléments absents des perceptions des Novillarois discernés dans les promenades de perceptions seront un support d’actions qui auront pour but de véhiculer un message sur l’importance du paysage. Résultante et synthèse de ma démarche, je souhaite que mon intervention sur le terrain soit vecteur d’une question inhérente : « Novillars, une ville de fous ? ». Cette question est quotidienne pour les Novillarois souvent confrontés à cette image, comme une étiquette collée par les personnes extérieures au village. Elle devient une question ouverte, génératrice de nouveaux débats sur ce qui entoure les habitants. Elle est aussi une chance de pouvoir monter une vision commune du paysage qui justifierait, ou non, l’image d’une «ville de fous». Le but de mon intervention est d’être en rupture avec une mauvaise image banalisée du paysage afin de déclencher des questionnements capables de remettre en question le fonctionnement actuel du village du point de vue de la gestion de son territoire. Au-delà de comprendre le « pourquoi » de la communication de cette image négative d’une ville de fous, je souhaiterais que les Novillarois se posent aussi la question de quelle image ils aimeraient que le village véhicule. C’est sur cette question que je souhaite que mon intervention les guide.

L’ étape postérieure à mon projet de diplôme viserait à établir, sur la base des réponses à la question posée, une vision commune et concertée du paysage de Novillars qui viserait à mettre en place les bases d’un réel plan de gestion partagé et adapté à tous.

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Le paysagiste joue donc le rôle d’un guide qui ouvre les regards sur la nécessité du paysage et de son enjeu dans l’image de Novillars par une action de transformation de l’espace. Il est important pour cela que l’action devienne une action partagée, visible et accessible à tous. Le choix du lieu et du protocole du projet sera donc déterminant pour une véritable transformation des regards.

D’UNE PRATIQUE DU PAYSAGE AU PROJET PARTAGÉ

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2 - Vers une pratique du projet de paysage partagé(e) On voit généralement le métier de paysagiste comme un travail de conception et d’aménagement du paysage, ou du territoire à plus grande échelle. Certes, il a une compétence de maîtrise d’œuvre, de diagnostic territoriaux, de règlementation de l’urbanisme et de l’aménagement. Mais de nouvelles formes de pratiques sont de plus en plus reconnues, notamment dans le conseil et dans la médiation avec le public comme favorisant une meilleure intégration des projets quels qu’ils soient. Aujourd’hui par exemple, les concertations publiques deviennent nécessaires lors de certaines décisions politiques. Le ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Philippe MARTIN, a présenté en Conseil des Ministres en août dernier, un projet d’ordonnance relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Selon cet article, « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, […] de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». C’est dans cette dynamique que le paysagiste trouve une perspective pour sensibiliser les acteurs à une nouvelle pratique du paysage. Ce principe est couramment appelé « participation ». Ainsi, le paysagiste placé comme médiateur aurait une démarche particulière, qui selon moi doit s’adapter à chaque commune. En découle une démarche collective entre acteurs et habitants, et de nouveaux champs d’actions pour le paysagiste.

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Par les habitants

La participation permet un partage des points de vue entre les habitants mais aussi entre les habitants et les acteurs du paysage. Ainsi, il y a deux principaux avantages à ce type d’interventions. D’abord de guider les actions d’une collectivité ou de les réorienter grâce à une compréhension des représentations du paysage, puis la pérennité d’un paysage nourrit par une diversité de regards. Guider les actions de sa commune L’intérêt de chercher à obtenir les points de vue des habitants est une opportunité de partage de ces pensées, focalisées sur la question du paysage. Dans le village de Novillars, beaucoup de personnes semblent avoir perdu le sentiment d’unité du village, en l’exprimant en tant que « village sans âme ». Rechercher à intégrer différentes visions du village à un projet qui devient alors collectif, fait émerger un sentiment commun de voir ensemble. La confrontation des points de vue qui idéalement a lieu in situ entre les habitants, peut créer du débat qui sera le meilleur échange pour parvenir à comprendre les attentes de tous et pour définir les orientations d’un projet. Ainsi, cette démarche favorise, dès les prémices du projet, l’appropriation du futur aménagement, à condition que les moments de participation soient effectués bien en amont. Dans ce cadre, la participation des habitants est alors une aide apportée aux acteurs qui décident des projets. D’abord pour une meilleure définition des enjeux, mais aussi pour ne pas penser à la place des personnes qui vivront dans ce lieu. Un engagement des uns et des autres dans un processus de participation vise à légitimer les décisions des acteurs, mais surtout à renforcer l’impact du projet devenu collectif, mieux ciblé.

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Une diversité des regards La participation est un outil d’expressions et de partage des points de vue. Lorsque cette étape intervient dans un processus d’élaboration de projet, elle permet de donner dès le départ une spécificité au projet, marqué par l’investissement des habitants. Dans le cadre de Novillars, les témoignages permettent de ne pas s’arrêter sur une image extérieure, mais sur une perception pratiquée du lieu, plus vivante et dans l’expérimentation. Cette démarche vise à respecter la définition européenne du paysage qui induit une multiplicité des regards qui constituent le paysage. L’idée de la participation des habitants aux projets de leur territoire est une chance de préserver la diversité des regards qui constituent le paysage. Dans le cadre de ma démarche, ils ont su enrichir le contenu de mon projet en définissant mieux les enjeux des lieux à travers leur vécu. Ainsi, je pense que le paysagiste doit être garant d’une pérennité de la question du paysage dans les regards des habitants pour préserver cette richesse.

Même à l’échelle d’un village, la participation est un outil du paysagiste qui favorise l’appropriation d’un projet par ses habitants. Elle est une forme d’outil de recherche en vue de projets futurs, et doit être adaptée au fonctionnement de chaque commune. C’est en cela que le paysagiste devient créateur et concepteur de nouvelles stratégies qui concordent au mieux avec les attentes des habitants.

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En collaboration avec le paysagiste

La démarche participative mise en place dans mon diplôme vise à communiquer aux habitants de la commune de Novillars trois valeurs propres au métier de paysagiste. La première serait de comprendre la définition du paysage, transmise de manière théorique, mais surtout expérimentale grâce aux promenades de perceptions, puis à une intervention in situ. Dans un second temps, il est important de montrer la valeur d’un projet mené par des actions participatives pour comprendre, finalement, l’activité du paysagiste s’étend à des compétences en matière de médiation, fondamentales en amont d’un plan d’aménagement. Pour le paysage Un travail de pédagogie sur la signification du terme «paysage» est essentielle pour expliquer à des communes qui n’ont pas de vision globale de leur village la valeur de leur paysage. Il est un élément à part entière de la vie quotidienne dont chaque action sur le territoire impacte la perception que l’on en a. C’est pourquoi chaque transformation nécessiterait un transfert réciproque entre savoir et projets, et un intérêt pour les processus de participation des citoyens. Ces échanges sont fondamentaux pour passer d’une simple connaissance du paysage à sa reconnaissance en tant que générateur d’une qualité de vie au quotidien. Sa gestion est donc très importante afin de préserver ses qualités et d’améliorer les modes de vie des habitants du village. Pour la participation La participation est un outil qui a beaucoup de qualités lorsqu’il intègre le public en amont. Même s’il est au cœur des débats conflictuels, en recentrant la question sur le paysage le paysagiste cherche à favoriser la co-construction d’instruments qui permettent aux acteurs de mieux gérer des politiques de gestion des aménagements, en intégrant différents types de connaissances et modes de vie, révélés par la participation. Cette démarche n’est pas toujours sans risque. Le paysagiste se trouve souvent face à une hétérogénéité des regards. Face à cela il doit s’adapter et mettre en place des stratégies construites pour coordonner les points de vue. À Novillars, l’idée des promenades individuelles permettait de ne pas laisser les personnes s’influencer, pour mieux mettre en commun les points de vue en les confrontant après coup. Cette stratégie fait réfléchir et débattre de manière indirecte autour du paysage par la remise en question des points de vue de chacun lorsqu’il le confronte aux témoignages des autres habitants. L’intérêt de la participation est de faire émerger un processus d’animations locales diversifiées permettant l’information, l’implication et l’appropriation du paysage par les habitants. Dans le cadre d’un village comme Novillars, il est évident que cette démarche peut conduire à fédérer les gens, qui retrouveraient une vision commune de leur village. Mon intervention a l’intention de suggérer la question autour de l’intérêt d’un futur projet qui mettrait en œuvre cette démarche active et dynamique pour la pérennité de leur paysage.

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Pour le métier de paysagiste Le processus de médiation du paysagiste n’est pas un travail qui se fait en atelier, à part peutêtre l’élaboration de sa stratégie, mais plutôt sur le terrain. Cette démarche favorise ses relations avec les personnes du site et lui permet de véhiculer des informations sur sa pratique du paysage. D’une certaine manière, il informe sur son métier qui dépasse ses compétences de maîtrise d’oeuvre.

En tant que guide, dans ma démarche je ne me place pas comme un maître d’œuvre, vecteurs d’idées, de solutions et d’esquisses répondant à un cahier des charges. Je souhaite faire émerger une attente commune des habitants pour monter un projet collectif. Ma démarche s’oriente vers une pratique professionnelle de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage. C’est en montrant une complémentarité entre les regards des habitants et ceux des acteurs que je désire leur faire prendre conscience de ma capacité à les guider vers un projet fédérateur, visant à l’élaboration d’un cahier des charges commun de gestion du paysage du village. Cette phase apparaitrait dans une étape postérieure à mon diplôme, déclenchée par des réflexions qui en découleront. D’UNE PRATIQUE DU PAYSAGE AU PROJET PARTAGÉ

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Notamment dans la démarche de projet, c’est grâce à un protocole bien construit d’une multiplicité des regards que je parviens à monter un projet qui déclenchera des réflexions, voir dans un second temps, généreront des actions et des commandes de transformations dans le village. Par l’élaboration de ces protocoles basés sur des pratiques du paysage collectives et in situ, et par l’élaboration d’outils de communication, j’espère transformer les regards et ouvrir un nouveau champ d’actions qui débouchera sur l’émergence de projets diversifiés et adaptés au village. Même si une démarche participative est un vecteur de cohésion sociale et de projet de qualités, elle demande au paysagiste beaucoup de temps et un investissement souvent peu rémunéré, c’est pourquoi il est souvent absent dans des projets d’aménagements de marchés publics.

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D - UN PROGRAMME ENTRE DE BONNES MAINS La mise en place d’un programme à long termes s’avère être l’idée la plus judicieuse pour accompagner Novillars dans une démarche de transformation des regards sur le village. La mairie de Novillars ayant toujours supporté mes envies de projet, et ayant côtoyé des habitants plus que prêts à s’investir dans des actions pour leur paysage, je pense qu’une expérience sur un an peut correspondre aux attentes des Novillarois. Ainsi, je compte mettre en place un programme d’échanges sur la question du paysage, qui paraît d’ores et déjà permettre à la municipalité de se projeter dans une aventure pour son paysage.

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1 – Élaboration d’une démarche participative Mes recherches ont finalement abouti à l’élaboration d’une démarche participative pour Novillars comme étant une nouvelle approche singulière et adaptée au village. Basée sur l’écoute des attentes des habitants et des élus, mais aussi sur la nécessité de leur apporter des clés en matière de compréhension de leur paysage, le travail du paysagiste est donc à voir sur le long terme. Par la mise en forme d’un programme sur un an, je compte engager un partage des savoirs sur le paysage de Novillars, entre habitants, élus et idéalement différents acteurs de la région.

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Mise en place d’un programme sur un an

Mon TPFE repose maintenant sur un programme à moyen termes qui engage les Novillarois à se poser une question primordiale. Avant de chercher à modifier l’image du village dans le regard des personnes qui y sont extérieures, quelle est l’image du village qu’ils souhaitent véhiculer ? La question du paysage est alors essentielle puisqu’elle est un critère de l’attractivité de l’image du village. Selon moi, une démarche participative appliquée au paysage est appropriée pour répondre à cette question qui doit aboutir à une vision commune du paysage de Novillars. Ainsi, le programme que je propose vise à engager différentes personnes, habitants ou élus, dans des temps donnés, pour réaliser des actions in situ encadrées par le paysagiste. Ces actions ont des objectifs particuliers, et cherchent à développer le questionnement des personnes qui s’y investissent toujours orienté vers le paysage. Des mini chantiers seront une forme d’outils pour regarder le paysage, mais petit à petit pour le critiquer, et mettre en place des stratégies de transformation de l’espace. Ainsi, il y a une gradation dans les actions proposées. Elles sont de plus en plus conséquentes, rassemblant de plus en plus de personnes dans un but d’échanger au maximum et de diverses manières. L’intérêt de questionner le paysage est de toujours le regarder comme un vecteur d’image. L’idée serait d’obtenir un regard toujours à l’affût, tant des habitants que des élus qui sont conscients que leur regard sur leur quotidien est parfois un handicap pour agir sur des dégradations qu’ils ne voient même plus. Donner des clés à la fois aux habitants et aux élus sur une méthode pour regarder, puis pour agir sur son paysage est une manière d’éduquer la multiplicité des regards sur un même paysage pour leur permettre d’être complémentaires, autrement dit pour éviter un déséquilibre entre les élus qui ont la connaissance « mécanique » du village, et les habitants qui ont leur regard critique sur les actions de la municipalité. Cette complémentarité permettrait à long termes des débats toujours constructifs sur l’avenir du paysage du village.

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Intervention 1

La première intervention serait un petit chantier situé au bord du Doubs, entre la véloroute et le petit chemin qui amène au passage souterrain. L’idée serait de marquer l’accès à Novillars depuis la véloroute, tout en proposant une manière de regarder le Doubs, invisible depuis le chemin. Commencer par une petite action avec quelques habitants volontaires du bas Novillars, plutôt des adultes, permettra d’intriguer, de donner à voir le Doubs et pas seulement le longer. Je cherche à poser la question de « Comment donner à voir quelque chose que l’on ne voit plus ? » et de « Comment proposer une entrée plus accueillante de Novillars ? ». L’objectif est de faire réfléchir les habitants sur qu’est-ce qui est agréable et confortable tant physiquement que mentalement, puis de juger d’une transformation de l’espace en ce sens. Plusieurs habitants ont parlé, lors des promenades de perceptions de lieux de repos, de détente au bord du Doubs, notamment pour les personnes âgées et je pense que cette fonction peut être le point de départ de notre intervention.

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Intervention 2

La deuxième intervention serait plus conséquente. Située à l’entrée de la forêt, entre les H.L.M. et le lotissement du Bois des Âges, elle est un lieu à la charnière de deux quartiers habités. Ainsi, le chantier rattrouperait plus de monde, notamment des curieux. L’idée issues des promenades de perceptions de créer une aire de jeux pour les deux quartiers est intéressante. Ainsi, il serait jouable de proposer comme point de départ de créer une aire de jeu à l’entrée de la forêt tout en la rendant plus accueillante. L’objectif de l’intervention est donc d’ouvrir les échanges sur les qualités et les potentialités de la forêt aujourd’hui, et comment on peut y insérer une nouvelle fonction. Tout en sachant que nos actions n’apporteront pas de matériaux extérieurs, nous devrons avoir conscience que si l’espace ne sera pas entretenu la forêt reprendra ses droits et l’action n’aura en rien dégradé le bois. L’intérêt est la contrainte de faire avec ce qu’on a, et montrer que l’on peut faire beaucoup de choses avec la forêt. L’idéal sera de permettre aux gestionnaires de la forêt de Novillars d’accompagner l’action afin qu’il y ait un réel échange sur les valeurs des arbres, comme un partage de connaissances entre des habitants et des professionnels. Ainsi, cette deuxième action plus encrée dans le village permettra de faire connaître le programme d’interventions mis en place à Novillars, afin d’investir les Novillarois dans les prochaines actions. Le chantier sera ouvert aux jeunes mais aussi aux adultes qui voudront s’investir et se poser des questions ludiques sur comment monter un nouveau terrain de jeu à la lisière du bois.

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Intervention 3

La troisième intervention sera organisée avec des enfants de l’école, mais aussi avec leur famille si elle est volontaire. L’idée est d’investir plusieurs âges à se situer dans le cœur du village pour montrer ce qu’ils considèrent comme étant un défaut du paysage. L’objectif est de se poser des questions sur le paysage,( Qu’est-ce qu’on voit ? J’aime ou je n’aime pas ?) mais aussi de se positionner. L’idée sera de créer plastiquement des marionnettes qui seraient positionnées dans le village comme dénonciatrices. Le but est de placer la marionnette dans l’espace est un moyen de partager son point de vue. L’idée est donc de porter un regard critique d’enfants et de parents sur ce qu’ils voient comme des défauts de leur paysage. La marionnette est alors une forme de point de vue qui matérialise dans l’espace des interprétations. Même si les échanges ne sont pas forcément concertés, ils sont révélés par la spatialisation et la mise en valeur d’un objet plastique, dont la mutliplicité formera un discours complet.

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Intervention 4

Il est nécessaire pour cette quatrième intervention de la mener au Printemps, avec des habitants, mais à la fois avec les élus, et peut-être même des volontaires du C.E.A.T. L’idée serait d’élaborer, dans le passage Adrien Jouffroy, normalement interdit aux mobilettes, un petit jardin ombragé avec une aire de repos. Sur une envie de plusieurs habitants prêts à s’investir pour entretenir un espace comme celui-là, il est évident que l’occasion est à saisir. L’intervention des jardiniers de la commune serait appréciable pour avoir un échange sur la confection d’un nouveau jardin, sur macadam ! L’idée serait de modifier la gestion de cette espace, et de laisser dans un premier temps la végétation investir le lieu. Puis par des récupérations d’objets de brocantes ou de vieux objets des habitants, mettre en œuvre un petit jardin, espace de repos qui sera une solution spatiale expériemtnale pour prévenir les scooters de passer. Ainsi, cette intervention aurait plusieurs enjeux. Celui de contraintes règlementaires, de gestion de l’environnement, mais aussi d’apporter de nouvelles fonctions à cet espace. L’idée est de voir comment on peut jouer avec différentes contraintes. Ainsi, l’investissement de plusieurs personnes de différents milieux sera l’occasion de créer un espace d’échanges multiples sur la question complexe de la transformation d’un espace. Ce lieu serait un premier projet commun entre les habitants et des élus, en vue de le rendre plus agréable, utile et penser l’interdiction aux scooters par un autre moyen qu’un panneau d’interdiction, qui aujourd’hui concrètement ne sert à rien.

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Intervention 5

L’intervention finale sera mise en place par le paysagiste, avec le soutien des volontaires pour aménager le souterrain en galerie. L’idée est d’y organiser une exposition des différentes interventions. Ce moment de partage est considéré comme une étape clé qui permet de faire le point sur 4 chantiers qui ont fait intervenir des personnes différentes. Ainsi, c’est un moment où on vit les différentes interventions sous un autre angle. Je pense qu’il est nécessaire de faire ce retour sur les différents temps du programme aussi comme une étape qui permet de mettre en place les futures actions, plus concrètes, de Novillars. Je souhaiterais que ce moment soit une intervention qui permette de préparer un nouveau programme qui engagerait plus de Novillarois afin de généraliser la démarche de transformation des regards. Ainsi, peut-être que la journée Novill’art qui aura lieu début Juin serait l’occasion de toucher une majorité des Novillarois qui auront pris conscience de l’utilité d’un projet commun pour le paysage de leur village. Ainsi, le programme de la première année doit être une expérimentation à moyen termes, permettant de déclencher une action commune à long termes entre les habitants et la municipalité.

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2 – Réception du mémoire de Travail Personnel de Fin d’Études Après avoir envoyé mon mémoire de TPFE à tous les membres de mon jury, j’ai rencontré Mr Michel Stegre adjoint au Maire de Novillars, que je ne connaissais pas encore. Il avait déjà fait passer le mot et la promotion de ce lourd travail à ses collègues (150 feuilles). Déjà les membres du Conseil Municipal étaient intéressés, notamment Delphine que je n’avais pas encore rencontrée qui aimerait faire apparaître un petit article sur ma démarche dans le village pour le prochain « Bulletin » de la commune. Mr Stegre a été très compréhensif à l’idée que je monte un programme qui me permette de continuer mon action sur Novillars après ma soutenance. Ainsi, nous avons prévu ensemble une réunion, comme il dit une sorte de Conseil Municipal « extra-ordinaire » après ma soutenance. Cette réunion aura pour but de présenter mon travail ainsi que mon programme pour Novillars à tous les élus, mais aussi, si possible, au CAUE, Aubade et Conseil Général s’ils sont intéressés à y assister. Ce groupe de discussions viserait à juger des bases de la mise en place de mon programme, validé par mes « pères » lors de la soutenance. Le 11 Juillet est alors une date clé qui permettra de démontrer la valeur d’une démarche participative où Novillars a tout à gagner d’engager cette expérimentation pour se démarquer de tout autre village franc-comtois. L’intérêt serait, selon Mr Stegre, que cette action soit aussi une rampe de lancement pour trouver un travail qui puisse financer mes futures interventions à Novillars. Il est donc prêt à diffuser l’information.

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Le baromètre de la folie a révélé que Novillars ne possède pas l’image que l’on se fait d’une «ville de fous». Derrière son apparence très banale, et peu attractive, je me suis rendue compte que l’étrangeté de Novillars c’est qu’il ne parvient pas à mettre en valeur son patrimoine historique et géographique pourtant remarquable. La folie règne alors dans l’abstraction de ses espaces liés à l’usage intensif de la voiture, dans un développement rythmé par des opportunités d’ordres pratiques ou économiques, dans une non-considération de l’homme piéton dans ces espaces, problème de village périurbain. Ne pas voir cette folie, c’est comme ne pas voir son paysage à cause de son quotidien. Il est difficile de la diagnostiquer, et de trouver un moyen d’améliorer la situation. Voir le paysage comme un décor, c’est refuser de voir son importance et donc de se priver d’une réflexion sur les moyens d’action que l’on peut mettre en œuvre pour le transformer. Cette inconscience peut amener à des aberrations dans le paysage comme les lapsus paysagers. Selon moi, il manque à Novillars une prise de conscience sur son paysage quotidien qui permettrait pourtant de prendre des décisions cohérentes dans la création de leurs espaces, notamment en vue de l’accueil des touristes avec le développement de la Papeterie. Ainsi, mon rôle à Novillars serait d’aider la commune à mieux gérer son paysage et à lui donner une vision globale et cohérente. Pour cela, ma démarche intègre les regards des habitants sur leur village, comme une multiplicité de perceptions qui forment leur paysage. Pour moi c’est acquérir une nouvelle connaissance, mais aussi une écoute afin de mettre en place un outil adapté. Par mon intervention sur le site, je souhaite créer cette prise de conscience comme première pierre à un travail de pédagogie du regard des habitants, car au-delà du quotidien, c’est peut-être qu’ils ne savent pas regarder tout simplement leur paysage. Dans cette optique, je souhaite qu’ils adoptent un regard critique sur leur paysage afin de trouver, dans un lieu d’échange et de participation, des solutions adaptées à leur territoire et à leur mode de vie. Ma démarche de paysagiste apporte un nouveau regard sur leur paysage, mais cherche à véhiculer aussi un envie de se projeter et de trouver des moyens d’action pour faire évoluer le paysage du village. Ce nouvel aspect du métier de paysagiste ouvre la profession à de nouveaux champs d’actions qui agissent en faveur du paysage. Malgré une importante demande de développement de nouvelles stratégies de communication sur la notion de paysage et de participation, cet aspect du travail du paysagiste est encore méconnu. Ces étapes du projet ne sont souvent pas rémunérées ou que très peu reconnues, alors qu’elle favorise la bonne intégration des nouveaux projets auprès des habitants. Le fait de monter un programme que la municipalité est prête à expérimenter laisse à penser que le métier de paysagiste évolue et n’est pas figé. La communication sur les nouvelles pratiques de notre métier, comme une démarche participative, s’avère être essentielle pour ouvrir de nouveaux champs d’actions. Elle peut s’avérer être une perspective de travail du paysagiste. Pour mon cas, je considère que mon mémoire de TPFE est entre de bonnes mains qui cherchent à le mettre en valeur, et à ne pas le laisser dans un tiroir… Avec un peu de chance, c’est l’aventure vers une ville de « ouf » qui se met en place ! 157


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OUVRAGES CHARBONNET, Pierre, Les Papeteries Weibel, Société philatélique de Besançon GUY, Philippe, Les papetiers de la vallée verte, sans éditeur, 263 P. GIRARD, Jean, Histoire de Novillars et de sa seigneurerie, sans éditeur, 271 P. CARTIER, Claudine, L’héritage industriel, un patrimoine, CRDP de Franche-Comté, collection Patrimoine références, Besançon, 2002, 195 P. NARBONI, Roger, La lumière et le paysage créer des paysages nocturnes, Editions du Moniteur, Collection Techniques de conception, 2003, 230 P. COURTIEU, Jean (sous la direction de), Novillars, Dictionnaire des communes du Département du Doubs, Editions Cêtre, Besançon, Tome 5, 1986 Fondation Landscape Architecture Europe (LAE), On site, L’architecture du paysage en Europe, Acte Sud, 2009. PAQUOT, Thierry, L’espace public, collection Repères, Edition La Découverte, Paris, 2009, 125 P.

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MARCEL Odile, Paysages équitableset durables : redonner corps à l’évidence spatiale dans l’aménagement des territoires, Paysages de l’après-pétrole?, Passerelle, n°9, avril 2013 GORGEU Yves, Les rapports intimes de l’homme et des paysages, Paysages de l’après-pétrole?, Passerelle, n°9, avril 2013 DAGOGNET François (sous la direction de), Mort du paysage? philosophie et esthétique du paysage, collection milieux, Champ vallon, Seyssel, 1982, 238 P. GOGOL, Nikolaï Vassiliévitch, Nouvelles de Pétersbourg, Les classiques de Poches, Edition le livre de poche, 1998, 367P. BARTHES, La chambre claire, Les cahiers du cinéma, Galimmard, 1980 CANNAVO, Richard, Le frère des fous, Magazine Ciné Télé de l’Observateur, N°2514, janvier 2013. MARNE et GONDOIRE, Comunauté d’agglomération, Un souffle pour le site de l’hôpital, Magazine Couleurs, spécial projet Saint-Jean, N°24, Novembre 2012


ARTICLES SUR SITE INTERNET

REGARDS SUR DES TPFE

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BARNOUD Benoît, L’évolution du chaînon manquant: les paysages du canal Seine Nord Europe. 2013

PARADIS Sylvie et LELLI Laurent, La médiation paysagère, levier d’un développement territorial durable ?, http://developpementdurable.revues. org/

SITES INTERNET www.collectifderive.blogspot.fr/ www.issuu.com/streetplanscollaborative/ www.evene.lefigaro.fr www.marneetgondoire.fr www.wikipedia.fr www.irts-fc.fr/ www.cadastre.gouv www.googlemaps.fr www.géoportail.fr www.insee.fr www.directgestion.com/ www.ch-novillars.fr/ www.ch-le-vinatier.fr/ www.ufrgs.br/ www.developpement-durable.gouv.fr/ DOCUMENTS ADMINISTRATIFS

BIEWERS Adrien, Enjeu d’un lieu: Stains, square Toussaint Louverture. 2013 FAUCHEUX Alexis, Une machine à Dé paysage. Un processus mécanique pour donner l’eau à vivre dans le cadre d’une reconversion de site industriel. 2008 GRAPIN Hélène, Un canal à la marge. Le canal Saint-Denis: d’un territoire frontalier à une lisière habitée. 2013 LESCALE Charlotte, Sassalbo: Récit d’un village pour réactiver un paysage. 2013 ROUSSEAU Adrien, Les paysages de l’inatendu, voyages en territoires de l’imaginaire. 2013 VADEPIED François, Le lotissement, terreau de la ville du futur. 2007

FILMOGRAPHIE ET VIDÉOS bande annonce de la pièce de théâtre Gheel,la ville des fous sur www.dailymotion.com FORMAN, Milos, Vol audessus d’un nid de coucou, 1975

PLU de Novillars 159


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> Document représentant le cadastre de Novillars, parcelles envert correspondant aux parcelles dela commune. Les parcelles blanches sont les parcelles privées.

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> Document représentant le plan des trottoirs de Novillars en bleus, et lespassages piétons en orange.

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< Document représentant la Franche-Comté industrielle le long du Doubs.

<< Photographie aérienne complète de 1969 après construction de l’hôpital spécialisé.

< Document extrait du PADD de 2006de Novillars, par l’agence EPURE urbanisme, Besançon. < Document extrait du SCOT du Grand Besançon, annonçant les objectifs pour la zone Est de Besançon.

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UN GRAND MERCI À mon encadrante, Frédérique GARNIER, tous les membres de mon jury, qui accompagnent mon regard sur ce projet la mairie de Novillars qui m’aide à donner une perspective à ce travail tous les habitants rencontrés sur le site Simon qui m’a généreusement prêté son ordinateur ceux qui m’ont aidé à prendre du recul pour mieux faire avancer mon travail mes camarades de classe, tous dans le même bateau atelier! au Tryptique, avide de perspectives toute ma famille, dite la «Mifa», toujours présente et épanouissante tous mes amis qui ont compris mon besoin de charretter tranquilement tous les curieux qui font le déplacement pour venir voir ma soutenance mon ordinateur qui a bien voulu redémarrer après son «blackout» mon disque dur, fidèle au poste

Joséphine BILLEY ENSP Versailles j.billey@laposte.net

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