PIXELS OF PARADISE
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IDOLES 3
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L’exposition IDOLES questionne la représentation du pouvoir et des pouvoirs, lorsque ceux-ci veulent montrer et démontrer leur puissance et leur force de ralliement. Vide et répétition pourraient être les deux caractéristiques de ces images qui témoignent de la propagation, par la force et la mise en scène, d’un message d’adhésion qui ne souffre aucune zone d’ombre. Jusqu’au moment où les idoles chutent... Entre démocratie et dictature, entre ferveur religieuse et vénération du marketing, entre la foule et les élus de tous ordres, des échos apparaissent qui interrogent la dévotion en divers aspects et dévoilent la puissance idolâtre d’un vivant devenu image ou d’une image devenue vivante, capable face à des milliers d’yeux, de capter la multitude. Lieux vides prêts à accueillir les centaines d’actionnaires des grandes multinationales, rangées d’uniformes face au discours de Barack Obama, culte de la personnalité en Syrie, célébrations déshumanisantes du 1er mai en Corée du Nord, fanatisme et envoûtement dans une communauté religieuse, symboles totalitaires de la publicité, chute des régimes et médiatisation télévisuelle de l’Histoire, théâtralisation de la représentation de la guerre : ces diverses perspectives se répondent et entraînent distorsions et réverbérations de sens et de formes. Ces images fortes, qui révèlent des similitudes troublantes, quel que soit le « camp » auquel elles appartiennent, disent mieux que les mots la fascination qu’entraînent l’esthétisation du pouvoir, sa mise en scène et sa décadence. L’exposition DATAZONE de Philippe Chancel poursuit ce point de vue critique en traversant les continents pour y capturer les signes de la globalisation sous un angle qui refuse toute spectacularisation et qui défie la représentation médiatique. Prolongeant le point de vue entamé dans IDOLES, l’exposition DATAZONE tente d’objectiver notre regard, de le nettoyer des cadres attendus pour rendre à la réalité, une forme sans message pré-construit.
Christopher MORRIS, “Obama’s war”, © Christopher Morris / VII.
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Christopher MORRIS, “Obama’s war”, © Christopher Morris / VII.
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Eric Beaudelaire, “The dreadfull details”,
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Robert BOYD, “The Man Who Fell to Earth” p.11 > 15 : Philippe CHANCEL, “Arirang”
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Oliver HARTUNG, “Syria al-Assad”
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Cyril PORCHET, “Meetings”, 2011
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Christian LUTZ, “In Jesus name”
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Branislav KROPILAK, “Billboards”
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MIRAGES 25
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Au sein de l’atmosphère bourgeoise d’un hôtel particulier du XVIIIe siècle, l’exposition MIRAGES propose un panorama de travaux artistiques où l’écran, au sens littéral et figuré, occupe le coeur. La série photographique Sacré de Matthieu Gafsou propose une inquiétante plongée dans les froides images ritualisées d’une certaine église catholique et leur atmosphère de fin de monde. Ces photographies rythment l’exposition comme un chemin de croix qui mène inexorablement au vide. Dans l’environnement patrimonial de cette maison qui respire le luxe et l’abondance, le vide contemporain et son corollaire, la surface de l’écran, rompent radicalement avec le raffinement décoratif qui compose le mobilier. Tournée vers la (post) modernité, la sélection d’artistes présentée dans MIRAGES interroge l’illusion, le reflet, le leurre, tout ce qui fait fantôme dans nos vies réelles grâce ou à cause de l’écran, de son effet-miroir et de sa formidable puissance à nous engloutir dans une réalité seconde. Envoûtante et désenchantée, l’exposition MIRAGES réactualise la vanité à travers l’environnement de la communication généralisée qui semble aujourd’hui nier la mort. Les travaux sont ici le reflet du flottement actuel qui nous étreint quant au sens à donner aux discours des médias de tout type qui nous entourent, dévastateurs, fascinants et créateurs d’un nouveau réel à la nature indéterminée : potentiel et incontestable à la fois.
Bjørn MELHUS, “Sudden Destruction”
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Bjørn MELHUS, “The Oral Thing” < p 34 : Robbie COOPER, “ Immersion”
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Matthieu GAFSOU, “Sacré”, < p 30 : Samuel BIANCHINI, “ All Over”
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Matthieu GAFSOU, “Sacré”
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ICテ年ES 41
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L’exposition ICONES se déploie sur trois niveaux, dans les espaces du Musée des Beaux-Arts de Liège (BAL). La programmation de BIP2014 rentre tout d’abord en dialogue avec les collections du Musée. Peintures classiques et modernes, figuration et abstraction, pièces contemporaines, Trésors de la Fédération WallonieBruxelles et de la Ville de Liège sont réorganisés pour répondre à la sélection de BIP2014 sur le mode de la distanciation, du reflet et de la résonance. La vaste question de la représentation artistique, de son champ d’action et de ses effets sur le sens donné par l’homme au monde à travers les âges, est interrogée par la photographie. Le pictural y est relayé par l’image mécanique et vice-versa, grâce à des rapprochements formels qui traversent le temps et réverbèrent les catégories admises de l’histoire de l’art. Ainsi, au 3e étage, en présence de pièces des XVIIIe et XIXe, la question du portrait et du corps est mise en perspective, à l’intersection du pictural et du photographique. Les représentations symboliques et mythiques, notamment dans leurs enjeux d’élévation spirituelle, sont également réexaminées par la présence d’oeuvres contemporaines qui les visitent sous un angle à la fois proche et lointain. Le 2e étage, consacré aux oeuvres majeures, à la modernité et au contemporain, verra là aussi s’établir un dialogue inédit entre les occurrences actuelles de la photographie et les mouvements artistiques reconnus. Impressionnisme, surréalisme, courants abstraits se prolongent dans leur devenir, à travers des relectures et des poursuites qui posent un regard détourné sur l’histoire de l’art et ses techniques. Dans cette chambre d’échos, la question de l’original et de la copie, du Chef-d’oeuvre et du personnage de l’Artiste, sont aussi revus par le petit bout de la lorgnette. Les pièces inestimables des collections, avec parmi eux les célèbres tableaux de la vente de Lucerne, sont ainsi présentés dans un préambule distancié où, avec humour et néanmoins profondeur, l’authenticité et son cortège de valeurs associées (jalons historiques, valeurs symboliques et financières, poids du « grand nom », romantisme de la figure du créateur tourmenté) sont questionnées par la réalité de la contrefaçon et de la fiction cinématographique. Plongée dans l’obscurité, la Salle Saint-Georges au rez-de-chaussée accueille des installations vidéos où l’élévation et la chute, le mouvement et l’immobilité se croisent pour, au final, poser les termes de l’apparition de l’image et de son évanouissement. Le parcours au BAL se terminera par l’Espace Jeune Artiste qui sera investi par de jeunes photographes liégeois ou ayant étudié la photographie à Liège, sélectionnés spécialement pour l’occasion.
Thomas DEVAUX, “Collages” Courtesy Thomas Devaux, Paris
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Sophie LANGHOR, “Drapery”
Sophie LANGHOR, “Drapery” Courtesy Sophie Langhor & galerie Nadja Vilenne, Liège. > p. 44 : Lea GOLDA HOLTERMAN, “Orthodox Eros”, Courtesy Eric Kawan & galerie Gougenheim, Paris.
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Raoef MAMADOV, “Last Supper” Courtesy galerie Lilja Zakirova, Heusden a/d Maas.
p. 50 > 51 : Jean-Claude MOSCHETTI, de la série “Volta Noire”, Pouni 01, 2010 Courtesy Jean-Claude Moschetti
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Sasha BEZZUBOV & Jessica SUCHER
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Audrey TCHEN FO, “De la planète Mars”, 2012 Courtesy Audrey Tchen Fo > p. 55 Fabrice FOUILLET, Ste Thérèse - Metz (France) - André Remondet - 1959 Courtesy Fabrice Fouillet
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Thomas CARTRON > p. 57 Corinne VIONNET, Cervin (de la série Photo Opportunities), 2006 Tirage photographique résultant de la superposition de clichés collectés sur Internet Musée d’art, Sion, inv. BA 3276 - Achat en 2012
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Marie-Jo LAFONTAINE, “Ivre d’éternité, j’oublie la futilité de ce monde “, Installation Video, 1990/2000 Courtesy Marie-Jo Lafontaine
Lola MEOTTI,”Where”, 2013 Photographies d’OVNI dont l’objet a été retiré. Courtesy Lola Meotti
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Marco BRAMBILLA
David CLAERBOUT,”
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Renaud GRIGOLETTO, s.t., de la série «Elvis Jr. ». Courtesy Renaud Grigoletto
Benjamin LEVEAUX,”Tina 6” Courtesy Benjamin Leveaux
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Max PINCKERS, « Not in Order of Appareance », video Courtesy Max Pinckers in collaboration with Adam Broomberg & Oliver Chanarin. Based on an idea by Setareh Shahbazi.
Thomas DEMAND,”Hole”
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< p. 66 Damien HUSTINX, « HSS » (Hollywood Stars System) – 2008 Courtesy Damien Hustinx
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David CLAERBOUT
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Michel François & Guillaume Désanges , > p. 69 Michael WOLF, China Copy Art # 48, Jasper Johns (36€), 40 x 50 cm, 2006 ©Michael Wolf and Courtesy Fifty One Fine Art Photography, Antwerpen.
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AbOut thE ChAIR
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At Musée des Beaux-Arts de Liège – BAL, the BIP2014 programm will complement the Museum’s permanent collections. Classical and modern paintings, figurative and abstract art, contemporary pieces, treasures of the Wallonia–Brussels Federation and the Graindorge collection will be reorganized to fit the BIP2014 selected theme of ways of distancing, reflecting and resonating. The broad issue of artistic representation, its scope and its impact on the meaning man has given the world throughout the ages will be questioned through photography and video. The pictorial will be replaced by the mechanical image and vice versa through subtle multiplier effects and reversals. The accepted categories of art history, consecrations and achievements will be viewed through the small end of the telescope. On the 3rd floor, in the presence of a specially-made selection of seventeenth, eighteenth and nineteenth century showpieces, the question of portraiture and the body will be put into perspective at the intersection of painting and photography. Mythical symbolic representations, particularly as regards the question of spiritual elevation, will also be brought into reconsideration by the presence of contemporary works that will cause the visitor to re-examine them from a different angle, close and distant at the same time. The 2nd �loor – devoted to the “Treasures”, to modernity and to the contemporary – will also be witness to a unique meeting between current occurrences of photography and reputed artistic movements. Impressionism, surrealism, and abstract and minimalist waves will here discover their future through reinterpretations and continuation that unexpectedly fall within the course of development in the history of art and techniques. Treasures from the Wallonia–Brussels Federation Collection, including the famous paintings from the sale of Lucerne, will meanwhile be presented in an aloof preamble where the �igure of the cursed artist, of the masterpiece, of the original and of the unique will be reinterpreted with humor and yet depth. Finally, plunged into darkness, the Salle Saint–Georges (ground�loor) will house video installations in which rising and falling, and movement and stillness, will meet in resonance. Le parcours au BAL se terminera par l’Espace Jeune Artiste qui sera investi par de jeunes photographes sélectionnés spécialement pour l’occasion. 74
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VuES DE L’ESPRIt PHOTOGRAPHIE ET Au-DELÀ
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« Tout ce qui touche l’homme reçoit une empreinte ; l’âme y est visible par quelques rayons (…) Cela tient principalement au goût de l’artiste. Et surtout, pourquoi ne le dirions-nous pas, à une certaine transmission fluidique, que la science n’est pas en état de déterminer aujourd’hui, mais qui n’en existe pas moins. Pensezvous que ces plaques imprégnées de préparations assez sensibles pour s’impressionner à l’action de la lumière, ne soient pas modifiées par l’influx humain ? Nous touchons là à une question délicate : l’âme peut-elle agir sur la matière ? » Théophile GAUTIER – « Seconde exposition de la Société française de Photographie », 1857* .
Outil par excellence, depuis ses origines, de la retranscription du réel – ou du moins de la transcription du visible –, la photographie a toujours entretenu une fascination et même d’évidentes affinités avec ce qui la dépassait, lui échappait : l’invisible. Médium hybride entre art et technique, entre science et industrie, entre communication et divertissement, la photographie a d’emblée oscillé en outre entre deux pôles, finalement moins contradictoires que complémentaires : le positivisme et certaines formes, parfois élaborées, de « pensée magique ». Micro- et macrophotographie, chronophotographie, bientôt les ultra-violets et les rayons X... Voir mieux, voir « entre », voir plus loin, plus près, au travers ou au-delà : la soif de voir de la photographie était inextinguible et, en soixante ans d’existence (1840-1900), elle accompagnait sans cesse de nouveaux usages, des perfectionnements techniques, des croyances inédites. Théophile Gautier ou même le très réaliste Balzac accréditeront la « théorie des spectres », qui veut que le psychisme humain soit composé de couches, à la manière d’un oignon, dont chaque photographie vient, par transfert de substance, dangereusement ôter une épaisseur vitale. (Le même thème, dérivé de Dorian Gray et d’autres liés au vampirisme, inspirera à Michel Tournier la nouvelle « Les suaires de Véronique » en 1978, où les expérimentations d’une photographe sont envisagées comme une sorte de « mise à mort » du sujet photographié – à une « dermographie ».)
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Duchenne-de-Boulogne, Londe ou Baraduc, d’autres encore oscilleront entre science et expérimentation : la fin du XIXe siècle cherchera à capter les auras et les fluides, les ondes et les pensées, les états-limites, le paranormal, les images mentales (comme dans le cas de l’optogramme, sorte de « photographie rétinienne » ultime décelable au moment du trépas). Surfant sur le succès crédule et mondain du spiritisme et de l’occultisme, la photographie spirite, quant à elle,
profitera des accidents du hasard et des imprévus de la technique pour entretenir avec l’au-delà des liens prétendument privilégiés, faisant apparaître les fantômes, s’élever les tables et les âmes, s’allumer les ombres... La photographie à vocation spirite, donnant la trace de « l’atmosphère fluidique de l’homme vibrant à sa périphérie comme la manifestation extracutanée de sa force intime et personnelle » (d’après le commentaire qu’en livre le musée d’Orsay), a été très à la mode des années 1880 jusqu’à 1920 environ, en Angleterre surtout, mais aussi en France, aux Etats-Unis et ailleurs. Variés, inventifs, souvent étranges, singuliers, les résultats photographiques révèlent des images fantomatiques qui trouveront leur prolongement dans les expérimentations futuristes (de Bragaglia par exemple, dans les années 1910) ou dans certaines photographies du peintre Edvard Munch et de l’écrivain, peintre et photographe August Strindberg. Pratiquée par des pseudo-scientifiques regroupés dans des associations ou par des amateurs « éclairés » (et parfois illuminés), la photographie spirite du tournant du siècle dernier représente un authentique mouvement à caractère historique ; mais elle a aussi amené de nouvelles percées en matière d’usages (souvent de nature plus ou moins fétichiste et sentimentale) et d’esthétiques (systématisant des effets obtenus la plupart du temps, à l’origine, par tâtonnement ou par inadvertance).
Si l’époque moderne a vu s’imposer majoritairement trois conceptions dominantes de la photographie (documentaire, plasticienne, ou encore et surtout une troisième voie, faite de la conjugaison ambivalente des deux premières), nombre de travaux actuels, qu’ils réfèrent explicitement ou non aux essais historiques en la matière, continuent de s’intéresser à cet invisible qui toujours bordera la photographie, à ces croyances obscures ou lumineuses qu’elle perpétue en son sein, à la capacité de l’image, par transfert argentique ou numérique, à nous mettre en contact avec « l’âme humaine » (« la ressemblance intime », disait déjà Nadar) ou avec les mystères du magnétisme psychique… Il s’agit alors d’envisager la photographie aussi et peut-être avant tout comme image mentale, comme l’expression visuelle d’une forme de pensée, comme le dévoilement du monde par-delà ses « simples » apparences : instrument privilégié d’une méditation ou d’une rêverie, aire de déploiement d’un imaginaire et d’une poésie dont les contours mal définis, de raison en déraison, d’illusion en hallucination, ne cessent d’être repoussés.
*Article paru dans l’Artiste, (déc. 1856-mars 1857), cité par André Rouillé, La Photographie en France. Textes et controverses (1816-1871), Macula, 1989, p. 283-285.
Alain RIVIère, Vue de l’esprit - Département : confusions, pertes, 2004 Courtesy Alain Rivière
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Que la photographie ait à voir avec le temps, avec la saisie de la vie et l’arrêt de mort, est une chose connue et reconnue depuis longtemps. Ce vertige du temps, cette « folie » de la photographie qui débouchait à la fin de La Chambre claire sur ce que Barthes appelait « l’extase photographique », se sont atténués – comme il le prédisait dès 1981 – sous deux facteurs qui ont fini par les tempérer, par les recouvrir presque complètement : le peaufinage des enjeux esthétiques, et la banalisation due à une consommation pléthorique, notamment via les réseaux sociaux.
Cette violence, cette folie, ce vertige (moins spectaculaire que philosophique et affectif, profond, intime) sont pourtant toujours en elle, tapis dans les recoins
d’ombre, attendant de nous saisir au détour d’un silence ou d’une solitude qui serait propice à (nous) saisir. La photographie nous parle moins du monde que de nous-mêmes, elle se fait moins image rétrospective qu’introspective ; prise entre réel et imaginaire, entre présence et absence, entre visible et invisible, sa dimension spectrale affleure alors, réveillant en nous des croyances enfouies, nourrissant des illusions ou des espoirs singuliers. Elle devient fétiche et fantôme, confident rassurant ou inquiétant, rétine hallucinée du savant. Elle retrouve ses pouvoirs de médium ; assume l’intensité des échanges dont elle est la trace ; endosse enfin, comme dans un dernier feu, en ces temps de désenchantement et de plate hyperlisibilité, ses fonctions envoûtantes, suggestives ou allusives – magiques.
Louis DARGET,
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> p. 107 : Attitudes passionnelles: « Extase » Iconographie photographique de la Salpêtrière, Paris, 1877-1878.
Emmanuel d’Autreppe
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Paul Nougé, La Jongleuse, de la série « La subversion des images », 1929-1930. Cliché : Marc Trivier © Cliché Doc AML.
Sarah VAN MARCKE, “Portrait of Hans Van der Laan 2, 2012”, 1x1m framed fine museum art print - Courtesy Sarah Van Marcke
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Sans titre, photographie spirite (années 20 ?), reproduction (positif sur verre d’époque). Coll. part. - Musée d’histoire surnaturelle, Bruxelles < p. 112 : Hippolyte Baraduc,
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Gast BOUSCHET & Nadine HILBERT, “UNGROUND PHASE 1”, installation vidéo. bande sonore réalisée en collaboration avec Jason van Gulick (FR). > p. 115 : Marie Sordat, Swan Song Series, 2012-2013.
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Pol PIERART, s.t., s.d. Courtesy Pol Pierart & galerie Nadja Vilenne. > p. 117 : Joel Nepper, de la série « Individuation » collodion humide - Courtesy Joel Nepper.
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Akiko Takizawa, « Senbazuru (Thousands Cranes) »
Akiko Takizawa, Magnolia #3, from the series « Where we belong » (2004/2014).
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Capitaine Lonchamps, Nuit, DV transféré sur DVD 13.50”. couleurs, son. 1994-96 - 2004. courtesy galerie Nadja Vilenne. Liège.
Franรงois Goffin, sans titre (collodion humide), 2013 Courtesy Franรงois Goffin
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Bénédicte Deramaux, de la série « Avant l’aube », SX-70 Time Zero Film, 2008 Courtesy Bénédicte DERAMAUX
Edouard DECAM, Le quatrième continent, Yebes | 4 heures 23 minutes, 2013 Courtesy Edouard Decam
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Catherine Lambermont, La nuit l’Isola, #8, Comacina, 2011 > p. 125 : Marie DOCHER, portrait de la série “Epiphanies”, 2010
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??? Sans titre, photographie spirite Coll. part. - Musée d’histoire surnaturelle, Bruxelles < p. 126 : Alain RIVIère, Vue de l’esprit - Département : confusions, pertes, 2004
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EVERMORE Patrick Everaert
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“Pourquoi créer des images aussi étranges et indécises? Mais quel est précisément votre message? Expliquezmoi!” Ces apostrophes, je les entends depuis 25 ans. Elles sont le plus souvent le fruit d’une interrogation candide, mais parfois aussi, elles ressemblent à des mises en demeure. “Si vous ne produisez pas de contenu plus compréhensible, c’est parce que vous ne savez pas trop ce que vous faites!”. Cette interpellation, parfois entendue et souvent sous-entendue, est révélatrice d’une réalité contemporaine où il est devenu obscène de poser des questions, si on ne les accompagne pas immédiatement de réponses claires, complètes et définitives.
Aujourd’hui, le simplisme règne en maître. La popularité des extrêmes en politique enfle au fur et à mesure que les tribuns opposent des réponses trop simples à des questionnements qui sont à la fois multiples et complexes. Par ailleurs, trop peu d’acteurs de la vie publique semblent disposés à envisager, de front, la diversité des enjeux contemporains dans toutes leurs nuances et interactions. Dans les media, comme dans la conscience collective, les problèmes sont appréhendés les uns après les autres. Ils s’effacent successivement; la crise du système bancaire occulte la crise économique qui elle-même relègue les crises environnementales au second plan, etc. Bien entendu, dans les faits, elles persistent et se nourrissent mutuellement. Mais nous semblons ne vouloir/pouvoir appréhender qu’une seule question et une seule réponse à la fois. Pourquoi aborder ces sujets dans le cadre d’un texte sur l’art ? Parce que, dans ce contexte politique, social, économique et culturel, un des rôles majeurs de l’artiste me semble plus que jamais consister à faire naître et à entretenir le doute en résistant à la dictature des réponses toutes faites. J’ai écris les lignes ci-dessous en 2010. Quatre ans plus tard, leur contenu me semble toujours valide et j’ai la faiblesse de croire qu’il aura encore une certaine pertinence dans les décennies à venir :
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“En ces temps où on monte en épingle les différences superficielles (culturelles, ethniques, religieuses...) qui séparent artificiellement les êtres humains, il me semble plus important que jamais de s’abandonner aux délices de l’étrange(r) et de résister aux tentations déclamatoires simplistes. Privilégions plutôt toutes les réflexions subtiles et nuancées sur la complexité des racines profondes et communes qui fondent notre condition humaine. Face à un étalage opprimant d’images autoritaires, face à une entreprise d’étourdissement généralisé program-
mé par une industrie du divertissement qui s’étend à tous les secteurs de la société - à commencer par celui de l’art -, face à la confrontation systématiquement polémique et stérile de certitudes opposées qui substitue à la notion de débat une juxtaposition brute de discours autistiques. Face donc à cette propension contaminante à céder à la facilité, j’essaie modestement de résister en inoculant, dans mon travail, du doute et par là même de créer un espace à investir par l’imaginaire du spectateur. En espérant que dans ce va-et-vient entre le regardeur et l’oeuvre puisse advenir de l’intelligence en mouvement.” Patrick Everaert
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Légendes #1 - Sans titre (2008) 89 x 100 cm Courtesy Galerie Aline Vidal #2 - Sans titre (2012) 60 x 51 cm Collection de l’artiste #3 - Sans titre (2011) 65 x 54 cm Courtesy Galerie Aline Vidal #4 - Sans titre (2013) 60 x 60 cm Collection de l’artiste #5 - Sans titre (2010) 50 x 50 cm Courtesy Galerie Aline Vidal #6 - Sans titre (2008) 80 x 80 cm Courtesy Meessen De Clercq #7 - Sans titre (2013) 60 x 60 cm Collection de l’artiste #8 - Sans titre (2011) 70 x 50 cm Courtesy Galerie Aline Vidal #9 - Sans titre (2008) 100 x 70 cm Collection de l’artiste #10 - Sans titre (2011) 69 x 70 cm Courtesy Galerie Aline Vidal #11 - Sans titre (2010) 60 x 60 cm Collection de l’artiste #12 - Sans titre (2011) 85 x 85 cm Courtesy Galerie Aline Vidal Tirages Lambda collés sur Dibond avec protection anti-UV et anti-griffes. Toutes les pièces sont des exemplaires uniques. © Patrick Everaert http://www.patrickeveraert.info
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Au coeur d’un atelier d’imprimerie, en présence des machines et du bruit de la technologie, Yves Gellie et Vincent Fournier présentent deux séries complémentaires sur l’utopie technologique et ses manifestations troublantes quand elle se concrétise. Entre exploration spatiale et robotique perfectionnée, la technique se met au service du rêve, jusqu’à atteindre un déconcertant état de réalité où la limite avec la fiction se brouille. En 2008, Yves Gellie commence à visiter les plus grands laboratoires mondiaux de robotique humanoïde, où les ingénieurs travaillent sur le développement d’avatars anthropomorphes destinés à des fins militaires, médicales ou sociales. Pourvoyeuse d’un imaginaire riche en fascination et en craintes, la robotique se dévoile ici dans ses aspects les plus équivoques : objet de science tout en câbles, métal et informatique d’une part, jumeau monstrueux et plus-que-parfait de l’espèce humaine dans sa ressemblance, son mouvement et ses attributs, d’autre part. Vincent Fournier, quant à lui, a porté son regard sur différents endroits, aux quatre coins de la planète, où des programmes spatiaux sont élaborés. Malgré le côté terre-à-terre de ses images, prises dans les ateliers, dans les bureaux et salles de contrôle pour la plupart, la série Space Project nous fait basculer dans le surréel et le cinématographique, à la lisière de la sience-fiction malgré un ancrage dans une démarche strictement documentaire.
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Ils sont maçons, bergers, facteurs, cordonniers, plombiers, agriculteurs, soudeurs, laveurs de vitres, pécheurs, abbés, moines,… Ils sculptent des légendes sur des rochers, découpent des cathédrales dans la mosaïque, badigeonnent les rues de messages enflammés, dressent des sanctuaires de coquillages, peuplent leurs jardins d’une armada de sculptures, recouvrent les murs de leurs maisons de souvenirs et visions nocturnes, gravent les murailles de prisons et asiles de signes hiéroglyphiques, élèvent des grottes et cabanons de ciment en pleine nature, agrémentent les façades d’église de peintures délirantes, miniaturisent des chapelles et mausolées dans leurs cours,…
Derrière toutes ces manifestations marginales, se profilent un idéal, une foi, un système de valeurs et de croyances, un outillage mental. Cette foi peut se traduire par la matérialisation de la croyance religieuse courante, mais aussi par la mise en oeuvre d’une croyance très personnelle, un mysticisme inventé, une religion singulière, avec ses préceptes, ses prières, sa morale, sa méthodologie. L’œuvre est à la fois le reflet de cette croyance et l’intermédiaire entre le créateur et l’audelà, elle traduit le dépassement de soi. L’acte de créer est vécu comme une aventure spirituelle, l’objet créé est conçu comme un territoire sacré et le créateur puise son énergie dans la foi.
Le plus souvent issus de milieux modestes, sans connaissance particulière en art ou en architecture, ces ‘gens du commun’ transcendent leur vie ordinaire, souvent recluse, en aménageant avec une certaine exubérance leur espace privé ou celui relevant du domaine public. Ils subliment leur vie et l’espace, répondant à une nécessité existentielle, un besoin irrépressible et immédiat de créer, sans contrainte extérieure, avec une ingéniosité sans limite, une patience incommensurable et des matériaux hétéroclites. Sorte d’extension vitale d’eux-mêmes, leurs créations sont le fruit d’un bricolage intellectuel, d’un bricolage d’images – populaires, religieuses et profanes –, de résidus d’évènements, de souvenirs, de fantasmes, de rêves, de visions.
Brigitte Van den Bossche
Tous ces créateurs sont baptisés poétiquement inspirés du bord des routes, bâtisseurs de l’imaginaire, habitants-paysagistes, rocailleurs de rêves, révoltés du merveilleux, irréguliers de l’art, bricoleurs-bâtisseurs, inspirés des maisons standards, anarchitectes, curés illuminés, turbulentes soutanes ( !) et autres indisciplinés de l’art.
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Dans le contexte des plus appropriés de la Chapelle Saint-Roch, à Liège, le MADmusée présente un florilège d’images attestant de cette foi. Images pieuses et teintées de prosélytisme, images de dévotions personnelles, images d’intimes exploits, images d’une authentique ‘subculture’ populaire aussi,… Sont dévoilés d’une part un ensemble de cartes postales anciennes, glanées et rassemblées par le peintre et sculpteur français Jean-Michel Chesné (collection entamée en 1993 après sa visite du Palais Idéal du Facteur Cheval et riche aujourd’hui de plusieurs milliers de clichés rares) ; d’autre part une série de reproductions du photographe suisse Mario del Curto (dont l’intérêt prononcé pour les Clandestins de l’art brut, avec lesquels il entretient une relation personnelle, se traduit depuis 1983 par une approche subtile et délicate). Toutes ces images célèbrent des univers déployés avec une force et une sensibilité exacerbées. Elles exaltent aussi la beauté du geste, la mystique de la tâche.
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Au-DELÀ 161
Trente photographes âgés de 13 à 30 ans dévoilent, dans les rues de Liège, leurs interprétations du “Voir et Croire”… Trente approches inévitablement singulières ! Durant quatre mois, ces jeunes artistes se sont mis en création, en “atelier photo”, au sein d’une Maison de Jeunes, entourés de leurs animateurs-photographes, de philosophes de PhiloCité (pour déplier le thème de BIP2014) et de l’artiste plasticien, Michael Dans (pour enrichir le processus créatif en cours et concevoir la scénographie de cette exposition urbaine). Ce projet est né de convictions. Tout d’abord, les regards de jeunes sur la thématique peuvent enrichir cette Biennale. Et surtout, pour ceux-ci, participer à un processus collectif de création dont la finalité est d’exposer dans un cadre aussi prestigieux que celui de la BIP, est source de valorisation et d’apprentissages. Se confronter à d’autres, se frotter à un artiste résolument contemporain, questionner son rapport à l’image, (s’)exposer sur l’espace public, formuler autour de son travail créatif et chercher, par la photographie, à dire... Ces démarches sont émancipatrices, même si parfois infimes. En jalonnant l’espace public de photographies, nous souhaitons guider les visiteurs (avertis ou surpris) de lieu d’exposition en lieu d’exposition et attirer (peutêtre) un nouveau public. Les œuvres sélectionnées pour ce parcours urbain dévoilent des univers contrastés, tant au niveau des sujets photographiés que de l’approche de la thématique, des degrés de mise en scène, des désirs d’accrochage, … Face à une telle diversité, on se rappelle que “les jeunes” n’existent pas, mais bien trente individus au parcours unique, aux identités multiples. Les travaux exposés en rue rendent “visible”… Mais ces images, que disent-elles du quotidien de ces jeunes et de leurs (dés)illusions ? L’image permet-elle de connaître ne serait-ce que des fragments de leurs réels ? Du réel ? Et nous spectateurs, que voyons-nous ou pas ? A quoi voulons-nous croire, encore ? L’image ne nous affectet-elle pas plus que la réalité ? Autant de nébuleuses … Finalement, qui sait dire qui sera touché par quoi ? Marie Pirenne, Fédération des Maisons de Jeunes en Belgique francophone
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PIXELS OF PARADISE postface
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L’image est source de promesses. Qu’elle mente, elle nous attire malgré tout, et nous hypnotise. Qu’elle dise une vérité, elle déborde de son cadre et nous mène à la conscience d’une complexité plus vaste. Le plus troublant est que l’image ment et dit la vérité en même temps. Son pouvoir d’envoûtement et sa puissance de preuve vont de pair, pour le meilleur et pour le pire. Il ne s’agit pas ici de jouer au “vrai ou faux” mais, au contraire, de prendre la pleine mesure de ce flottement immuable dans notre rapport aux images et à leur “vérité”. Un balancement qui nous fait avaler des couleuvres, qui détermine notre point de vue, qui peut aussi nous émouvoir. Voir et Croire sont ainsi les deux mots-clés de BIP2014, la 9e édition de la Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels de Liège intitulée PIXELS OF PARADISE. Entre ces deux mots, entre Image et Croyance, il y a un lien indéfectible que BIP2014 a tenté d’explorer à travers une sélection artistique éclectique où la mystification tout autant que le sacré ont leur place, bien souvent noués l’un à l’autre…
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Le voir et le croire sont profondément inscrits dans la tradition chrétienne et ce terreau culturel a des conséquences sur notre rapport aux images, jusqu’à aujourd’hui, que l’on soit croyants ou non. L’interdiction du deuxième commandement de la Bible est sans appel : “Tu ne feras aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images, pour leur rendre un culte”. Cependant, et contrairement au judaïsme qui l’a suivi, de même que l’islam qui condamne toute représentation, le christianisme a produit des images qui avaient statut d’icône et qui servaient comme telle dans le culte. La querelle des iconoclastes et des iconodules (aux VIIIe et IXe siècles) a montré
que, lorsqu’il s’agit de croyance dans l’image, la frontière entre l’eikon (l’icône, où l’image est un médium pour atteindre la divinité irreprésentable et dont le statut est symbolique) et l’eîdolon (l’idole, où l’image est vénérée pour elle-même, comme si elle incarnait la divinité en vérité et en réalité) est mince.
Dans notre culture occidentale, cet ancrage religieux et métaphysique de l’image, a imposé au fil des siècles un imaginaire de “l’image non peinte”, produite par impression, transfert ou empreinte, et dont la photographie – et à sa suite le cinéma et les autres moyens de reproduction mécanique du visible – est venue révéler l’immense puissance. Daniel Grojnowski, dans son livre Photographie et Croyance*, n’hésite à avancer que la photo, “bien qu’elle résulte d’une multiplicité de procédés au renouvellement toujours en cours, n’en préserve pas moins auprès du public un statut stable : une véritable prise de vue du réel.” Il va plus loin encore, en soutenant que “toute photographie est christique” du fait qu’elle appelle une adhésion. Sur base de cette tentation, de cette attirance à laquelle il est bien difficile de résister, le pouvoir, qu’il soit clairement identifié ou plus nébuleux, utilise massivement la force de persuasion visuelle pour tenter d’emporter notre consentement, conscient ou inconscient. Le fanatisme de l’image et son cortège d’effets de croyance prennent en effet de nos jours une dimension qu’ils n’ont jamais atteinte auparavant, peut-être en contrepoint d’une société qui se prétend être rationnelle. Industries médiatiques et de la communication, prosélytisme religieux et spirituel de toute sorte, marketing et économie comptent parmi les champs d’action des images, lourdement convoquées pour nous pousser à les suivre. Le paradis est pixellisé.
À travers plusieurs expositions, BIP2014 laisse aux artistes le soin de décliner, d’une façon souvent inattendue, cette thématique. Point ici de démonstration, de dénonciation. Plutôt une tentative de faire s’entrecroiser les points de vue politiques, esthétiques et psychologiques ; les visions documentaires et les démarches plasticiennes ; la photographie, mais aussi la vidéo et les arts numériques. Ce brassage aimerait dire quelque chose de la vénération que l’on porte au visible, dans ses multiples dimensions. Une vénération que BIP2014 supporte et met en perspective, grâce à la création artistique, ce serment qui déplace les dogmes. Anne-Françoise Lesuisse , Directrice artistique de Bip2014
Lucien Barel, Directeur du Centre culturel « Les Chiroux »
*Daniel Grojnowski, Photographie et Croyance, Paris, Editions
de la Différence, coll. “Les Essais”, 2012.
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English version of the texts
IDOLES
L’exposition IDOLES questionne la représentation du pouvoir et des pouvoirs, lorsque ceux-ci veulent montrer et démontrer leur puissance et leur force de ralliement. Vide et répétition pourraient être les deux caractéristiques de ces images qui témoignent de la propagation, par la force et la mise en scène, d’un message d’adhésion qui ne souffre aucune zone d’ombre. Jusqu’au moment où les idoles chutent... Entre démocratie et dictature, entre ferveur religieuse et vénération du marketing, entre la foule et les élus de tous ordres, des échos apparaissent qui interrogent la dévotion en divers aspects et dévoilent la puissance idolâtre d’un vivant devenu image ou d’une image devenue vivante, capable face à des milliers d’yeux, de capter la multitude.
Lieux vides prêts à accueillir les centaines d’actionnaires des grandes multinationales, rangées d’uniformes face au discours de Barack Obama, culte de la personnalité en Syrie, célébrations déshumanisantes du 1er mai en Corée du Nord, fanatisme et envoûtement dans une communauté religieuse, symboles totalitaires de la publicité, chute des régimes et médiatisation télévisuelle de l’Histoire, théâtralisation de la représentation de la guerre : ces diverses perspectives se répondent en écho et entraînent distorsions et réverbérations de sens et de formes. Ces images fortes, qui révèlent des similitudes troublantes, quel que soit le « camp » auquel elles appartiennent, disent mieux que les mots la fascination qu’entraînent l’esthétisation du pouvoir, sa mise en scène et sa décadence.
L’exposition DATAZONE de Philippe Chancel poursuit ce point de vue critique en traversant les continents pour y capturer les signes de la globalisation sous un angle qui refuse toute spectacularisation et qui défie la représentation médiatique. Prolongeant le point de vue entamé dans IDOLES, l’exposition DATAZONE tente d’objectiver notre regard, de le nettoyer des cadres attendus pour rendre à la réalité, une forme sans message pré-construit.
MIRAGES
Au sein de l’atmosphère bourgeoise d’un hôtel particulier du XVIIIe siècle, l’exposition MIRAGES propose un panorama de travaux artistiques où l’écran, au sens littéral et figuré, occupe le coeur.
La série photographique Sacré de Matthieu Gafsou propose une inquiétante plongée dans les froides images ritualisées d’une certaine église catholique et leur atmosphère de fin de monde. Ces photographies rythment l’exposition comme un chemin de croix qui mène inexorablement au vide. 172
Dans l’environnement patrimonial de cette maison qui respire le luxe et l’abondance, le vide contemporain et son
corollaire, la surface de l’écran, rompt radicalement avec le raffinement décoratif qui compose le mobilier. Tournée vers la (post) modernité, la sélection d’artistes présentée dans MIRAGES interroge l’illusion, le reflet, le leurre, tout ce qui fait fantôme dans nos vies réelles grâce ou à cause de l’écran, de son effet-miroir comme de sa formidable puissance à nous engloutir dans une réalité seconde. Envoûtante et désenchantée, l’exposition MIRAGES réactualise la vanité à travers l’environnement de la communication généralisée qui semble aujourd’hui nier la mort. Les travaux sont ici le reflet du flottement actuel qui nous étreint quant au sens à donner aux discours des médias de tout type qui nous entourent, dévastateurs, fascinants et créateurs d’un nouveau réel à la nature indéterminée : potentiel et incontestable à la fois.
ICONES
L’exposition ICONES se déploie sur trois niveaux, dans les espaces du Musée des Beaux-Arts de Liège (BAL).
La programmation de BIP2014 rentre tout d’abord en dialogue avec les collections du Musée. Peintures classiques et modernes, figuration et abstraction, pièces contemporaines, Trésors de la Fédération WallonieBruxelles et de la Ville de Liège, donation Graindorge sont réorganisés pour répondre à la sélection de BIP2014 sur le mode de la distanciation, du reflet et de la résonance. La vaste question de la représentation artistique, de son champ d’action et de ses effets sur le sens donné par l’homme au monde à travers les âges, est interrogée par la photographie. Le pictural y est relayé par l’image mécanique et vice-versa, grâce à des rapprochements formels qui traversent le temps et réverbèrent les catégories admises de l’histoire de l’art. Ainsi, au 3e étage, en présence de pièces des XVIIIe et XIXe et d’une sélection spéciale opérée pour l’occasion, la question du portrait et du corps est mise en perspective, à l’intersection du pictural et du photographique. Les représentations symboliques et mythiques, notamment dans leurs enjeux d’élévation spirituelle, sont également réexaminées par la présence d’oeuvres contemporaines qui les visitent sous un angle à la fois proche et lointain. Le 2e étage, consacré aux Trésors, à la modernité et au contemporain, verra là aussi s’établir un dialogue inédit entre les occurrences actuelles de la photographie et les mouvements artistiques reconnus. Impressionnisme, surréalisme, courants abstraits se prolongent dans leur devenir, à travers des relectures et des poursuites qui posent un regard détourné sur l’histoire de l’art et ses techniques. Dans cette chambre d’échos, la question de l’original et de la copie, du Chef-d’oeuvre et du personnage de l’Artiste, sont aussi revus par le petit bout de la lor-
gnette. Les pièces inestimables des collections, avec parmi eux les célèbres tableaux de la vente de Lucerne, sont ainsi présentés dans un préambule distancié où, avec humour et néanmoins profondeur, l’authenticité et son cortège de valeurs associées (jalons historiques, valeurs symboliques et financières, poids du « grand nom », romantisme de la figure du créateur tourmenté) sont questionnées par la réalité de la contrefaçon et de la fiction cinématographique. Plongée dans l’obscurité, la Salle Saint-Georges au rez-de-chaussée accueille des installations vidéos où l’élévation et la chute, le mouvement et l’immobilité se croisent pour, au final, poser les termes de l’apparition de l’image et de son évanouissement.
Le parcours au BAL se terminera par l’Espace Jeune Artiste qui sera investi par de jeunes photographes liégeois ou ayant étudié la photographie à Liège, sélectionnés spécialement pour l’occasion.
About the Chair
Czech section of the Biennial of Photography and Visual Art Liege 2014 co-organized by the MeetFactory International Art Center in Prague in collaboration with the Czech Center Brussels.
Exhibiting artists : Zbyněk Baladrán, Veronika Bromová, Radek Brousil, Aleš Čermák, Jiří Černický, Matyáš Chochola, Nikola Čulík, Romana Drdová, Peter Fabo, Ivars Gravlejs, Jan Haubelt, Lukáš Jasanský & Martin Polák, Antonín Jirát, Tereza Kabůrková, Michal Kalhous, Viktor Kopasz, Václav Kopecký, Eva Koťátková, Alena Kotzmannová, Václav Magid, Ján Mančuška, Tomáš Moravec, Markéta Othová, Johana Pošová, Pavel Příkaský, Lucia Sceranková, Pavla Sceranková, Jiří Skála, Jiří Thýn, Tomáš Vaněk, Ladislav Vondrák, Dušan Zahoranský, Martin Zet. Curators : Hynek Alt & Aleksandra Vajd, Karina Pfeiffer Kottová Exhibition Architect : Jan Pfeiffer Production : Jan Kratochvil Special thanks to : Kristina Prunerová, Kristýna Holubová
The exhibition project titled About the Chair presents works by over 30 emerging and established artists working within and beyond the contemporary Czech art scene. A leitmotiv and key to the exhibition’s logic is an image of the chair, represented in photographs, installations, performances, videos and other media. This simple, yet multi-layered object somewhat counterweights and yet corresponds to this year’s theme of the BIP Liege, Pixels of Paradise. The chair is down to earth. It stands for temporality as well as solid founda-
tion. When multiplied, it creates space for communication, discourse and community. In its form, it is both unique and universal. This exhibition intends to explore the basic element of the chair excerpted from the commonplace and perceived by artists from various viewpoints, in its material and transcendental dimensions.
Our curatorial approach was driven by the attempt to overcome some limits of exhibitions set to map certain art scenes, nationalities or artistic media. We tried to avoid the - by definition ideological or misleading - notion of objectivity and confirmation of existing relations or established values. We have decided to build this presentation from the very ground, using the selected key to allow for systematic, but at the same time playful methodology leading to clear and yet somewhat surprising results.
In his work titled What is a Chair (2005), the internationally recognized Slovakian artist Ján Mančuška used a large-scale, hand-written diagram on the wall to explore all possible aspects of the chair, starting with its physical appearance, function and material and ending with rather philosophical or social observations. We have applied a similar system to the heterogeneous depictions of the chair and the relation to its inner and outer space, which we have found in a number of works by diverse artists active in the contemporary Czech art scene. As a starting point, we took the chair as a metaphor for several tendencies we believe are present in this particular scene : - The chair is local. It represents intimacy, basic social schemes. - It works best when contextualized. - It is conceptual in many more ways than Joseph Kosuth originally thought of. - It embodies stability and a solid base. - The chair is a pure structure, it contains nothing unnecessary. - It will hold something or someone heavy, yet it is relatively light and fragile. - It stands for strength, the political dimension of which is implied indirectly. We understand these sentences as suggestions offered to the viewer in order to be re-examined within an artificial context created through this exhibition. However narrow the key of the chair might seem as a central theme and building principle, the chairs shown in this context stand for anything but uniformity. They are constellations of matter in space, but also bridges of human interaction. They are challenged, deconstructed or even destroyed, or taken as silent actors in crucial intellectual exchanges or happenings. They are treated as formal, beautiful elements ought to be perceived in
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their innermost details, or as mere utilitarian objects, which might even become harmful. For some artists, they constitute a point of departure towards abstraction or abstract thinking, for others they stand for the most physical counterpart of their own body and action. Together they form a specific temporary universe, where diverse elements structured by the very same law of divine mathematics sometimes resulted in the wildest forms and creations. Karina Pfeiffer Kottová
The exhibition was supported by BIP Liege, the Ministry of Culture of the Czech Republic and Czech Center Brussels.
VUES DE L’ESPRIT « Tout ce qui touche l’homme reçoit une empreinte ; l’âme y est visible par quelques rayons (…) Cela tient principalement au goût de l’artiste. Et surtout, pourquoi ne le dirions-nous pas, à une certaine transmission fluidique, que la science n’est pas en état de déterminer aujourd’hui, mais qui n’en existe pas moins. Pensezvous que ces plaques imprégnées de préparations assez sensibles pour s’impressionner à l’action de la lumière, ne soient pas modifiées par l’influx humain ? Nous touchons là à une question délicate : l’âme peut-elle agir sur la matière ? » Théophile GAUTIER « Seconde exposition de la Société française de Photographie », 1857* .
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Outil par excellence, depuis ses origines, de la retranscription du réel – ou du moins de la transcription du visible –, la photographie a toujours entretenu une fascination et même d’évidentes affinités avec ce qui la dépassait, lui échappait : l’invisible. Médium hybride entre art et technique, entre science et industrie, entre communication et divertissement, la photographie a d’emblée oscillé en outre entre deux pôles, finalement moins contradictoires que complémentaires : le positivisme et certaines formes, parfois élaborées, de « pensée magique ». Micro- et macrophotographie, chronophotographie, bientôt les ultra-violets et les rayons X... Voir mieux, voir « entre », voir plus loin, plus près, au travers ou au-delà : la soif de voir de la photographie était inextinguible et, en soixante ans d’existence (1840-1900), elle accompagnait sans cesse de nouveaux usages, des perfectionnements techniques, des croyances inédites. Théophile Gautier ou même le très réaliste Balzac accréditeront la « théorie des spectres », qui veut que le psychisme humain soit composé de
couches, à la manière d’un oignon, dont chaque photographie vient, par transfert de substance, dangereusement ôter une épaisseur vitale. (Le même thème, dérivé de Dorian Gray et d’autres liés au vampirisme, inspirera à Michel Tournier la nouvelle « Les suaires de Véronique » en 1978, où les expérimentations d’une photographe sont envisagées comme une sorte de « mise à mort » du sujet photographié – à une « dermographie ».) Duchenne-de-Boulogne, Londe ou Baraduc, d’autres encore oscilleront entre science et expérimentation : la fin du XIXe siècle cherchera à capter les auras et les fluides, les ondes et les pensées, les états-limites, le paranormal, les images mentales (comme dans le cas de l’optogramme, sorte de « photographie rétinienne » ultime décelable au moment du trépas). Surfant sur le succès crédule et mondain du spiritisme et de l’occultisme, la photographie spirite, quant à elle, profitera des accidents du hasard et des imprévus de la technique pour entretenir avec l’au-delà des liens prétendument privilégiés, faisant apparaître les fantômes, s’élever les tables et les âmes, s’allumer les ombres... La photographie à vocation spirite, donnant la trace de « l’atmosphère fluidique de l’homme vibrant à sa périphérie comme la manifestation extracutanée de sa force intime et personnelle » (d’après le commentaire qu’en livre le musée d’Orsay), a été très à la mode des années 1880 jusqu’à 1920 environ, en Angleterre surtout, mais aussi en France, aux Etats-Unis et ailleurs. Variés, inventifs, souvent étranges, singuliers, les résultats photographiques révèlent des images fantomatiques qui trouveront leur prolongement dans les expérimentations futuristes (de Bragaglia par exemple, dans les années 1910) ou dans certaines photographies du peintre Edvard Munch et de l’écrivain, peintre et photographe August Strindberg. Pratiquée par des pseudo-scientifiques regroupés dans des associations ou par des amateurs « éclairés » (et parfois illuminés), la photographie spirite du tournant du siècle dernier représente un authentique mouvement à caractère historique ; mais elle a aussi amené de nouvelles percées en matière d’usages (souvent de nature plus ou moins fétichiste et sentimentale) et d’esthétiques (systématisant des effets obtenus la plupart du temps, à l’origine, par tâtonnement ou par inadvertance).
Si l’époque moderne a vu s’imposer majoritairement trois conceptions dominantes de la photographie (documentaire, plasticienne, ou encore et surtout une troisième voie, faite de la conjugaison ambivalente des deux premières), nombre de travaux actuels, qu’ils réfèrent explicitement ou non aux essais historiques en la matière, continuent de s’intéresser à cet invisible qui toujours bordera la photographie, à ces croyances obscures ou lumineuses qu’elle perpétue en son sein, à la
capacité de l’image, par transfert argentique ou numérique, à nous mettre en contact avec « l’âme humaine » (« la ressemblance intime », disait déjà Nadar) ou avec les mystères du magnétisme psychique… Il s’agit alors d’envisager la photographie aussi et peut-être avant tout comme image mentale, comme l’expression visuelle d’une forme de pensée, comme le dévoilement du monde par-delà ses « simples » apparences : instrument privilégié d’une méditation ou d’une rêverie, aire de déploiement d’un imaginaire et d’une poésie dont les contours mal définis, de raison en déraison, d’illusion en hallucination, ne cessent d’être repoussés. Que la photographie ait à voir avec le temps, avec la saisie de la vie et l’arrêt de mort, est une chose connue et reconnue depuis longtemps. Ce vertige du temps, cette « folie » de la photographie qui débouchait à la fin de La Chambre claire sur ce que Barthes appelait « l’extase photographique », se sont atténués – comme il le prédisait dès 1981 – sous deux facteurs qui ont fini par les tempérer, par les recouvrir presque complètement : le peaufinage des enjeux esthétiques, et la banalisation due à une consommation pléthorique, notamment via les réseaux sociaux.
Cette violence, cette folie, ce vertige (moins spectaculaire que philosophique et affectif, profond, intime) sont pourtant toujours en elle, tapis dans les recoins d’ombre, attendant de nous saisir au détour d’un silence ou d’une solitude qui serait propice à (nous) saisir. La photographie nous parle moins du monde que de nous-mêmes, elle se fait moins image rétrospective qu’introspective ; prise entre réel et imaginaire, entre présence et absence, entre visible et invisible, sa dimension spectrale affleure alors, réveillant en nous des croyances enfouies, nourrissant des illusions ou des espoirs singuliers. Elle devient fétiche et fantôme, confident rassurant ou inquiétant, rétine hallucinée du savant. Elle retrouve ses pouvoirs de médium ; assume l’intensité des échanges dont elle est la trace ; endosse enfin, comme dans un dernier feu, en ces temps de désenchantement et de plate hyperlisibilité, ses fonctions envoûtantes, suggestives ou allusives – magiques. Emmanuel d’Autreppe
*Article paru dans l’Artiste, (déc. 1856-mars 1857), cité par André Rouillé, La Photographie en France. Textes et controverses (1816-1871), Macula, 1989, p. 283-285.
Evermore Pourquoi créer des images aussi étranges et indécises? Mais quel est précisément votre message? Expliquezmoi! Ces apostrophes, je les entends depuis 25 ans. Elles sont le plus souvent le fruit d’une interrogation candide, mais parfois aussi, elles ressemblent à des mises en demeure. “Si vous ne produisez pas de contenu plus compréhensible, c’est parce que vous ne savez pas trop ce que vous faites! »; cette interpellation, parfois entendue et souvent sous-entendue, est révélatrice d’une réalité contemporaine où il est devenu obscène de poser des questions, si on ne les accompagne pas immédiatement de réponses claires, complètes et définitives.
Aujourd’hui, le simplisme règne en maître. La popularité des extrêmes en politique enfle au fur et à mesure que les tribuns opposent des réponses trop simples à des questionnements qui sont à la fois multiples et complexes. Par ailleurs, trop peu d’acteurs de la vie publique semblent disposés à envisager, de front, la diversité des enjeux contemporains dans toutes leurs nuances et interactions. Dans les media, comme dans la conscience collective, les problèmes sont appréhendés les uns après les autres. Ils s’effacent successivement; la crise du système bancaire occulte la crise économique qui elle même relègue les crises environnementales au second plan, etc. Bien entendu, dans les faits, elles persistent et se nourrissent mutuellement. Mais nous semblons ne vouloir/pouvoir appréhender qu’une seule question et une seule réponse à la fois. Pourquoi aborder ces sujets dans le cadre d’un texte sur l’art? Parce que, dans ce contexte politique, social, économique et culturel, un des rôles majeurs de l’artiste me semble plus que jamais consister à faire naître et à entretenir le doute en résistant à la dictature des réponses toutes faites. J’ai écris les lignes ci-dessous en 2010. Quatre ans plus tard, leur contenu me semble toujours valide et j’ai la faiblesse de croire qu’il aura encore une certaine pertinence dans les décennies à venir.
« En ces temps où on monte en épingle les différences superficielles (culturelles, ethniques, religieuses...) qui séparent artificiellement les êtres humains, il me semble plus important que jamais de s’abandonner aux délices de l’étrange(r) et de résister aux tentations déclamatoires simplistes. Privilégions plutôt toutes les réflexions subtiles et nuancées sur la complexité des racines profondes et communes qui fondent notre condition humaine. Face à un étalage opprimant d’images autoritaires, face à une entreprise d’étourdissement généralisé program-
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mé par une industrie du divertissement qui s’étend à tous les secteurs de la société - à commencer par celui de l’art -, face à la confrontation systématiquement polémique et stérile de certitudes opposées qui substitue à la notion de débat une juxtaposition brute de discours autistiques. Face donc à cette propension contaminante à céder à la facilité, j’essaie modestement de résister en inoculant, dans mon travail, du doute et par là même de créer un espace à investir par l’imaginaire du spectateur. En espérant que dans ce va et viens entre le regardeur et l’oeuvre puisse advenir de l’intelligence en mouvement. » Patrick Everaert
prescience Au coeur d’un atelier d’imprimerie, en présence des machines et du bruit de la technologie, Yves Gellie et Vincent Fournier présentent deux séries complémentaires sur l’utopie technologique et ses manifestations troublantes quand elle se concrétise. Entre exploration spatiale et robotique perfectionnée, la technique se met au service du rêve, jusqu’à atteindre un déconcertant état de réalité où la limite avec la fiction se brouille.
En 2008, Yves Gellie commence à visiter les plus grands laboratoires mondiaux de robotique humanoïde, où les ingénieurs travaillent sur le développement d’avatars anthropomorphes destinés à des fins militaires, médicales ou sociales. Pourvoyeuse d’un imaginaire riche en fascination et en craintes, la robotique se dévoile ici dans ses aspects les plus équivoques : objet de science tout en câbles, métal et informatique d’une part, jumeau monstrueux et plus-que-parfait de l’espèce humaine dans sa ressemblance, son mouvement et ses attributs, d’autre part.
Vincent Fournier, quant à lui, a porté son regard sur différents endroits, aux quatre coins de la planète, où des programmes spatiaux sont élaborés. Malgré le côté terre-à-terre de ses images, prises dans les ateliers, dans les bureaux et salles de contrôle pour la plupart, la série Space Project nous fait basculer dans le surréel et le cinématographique, à la lisière de la sience-fiction malgré un ancrage dans une démarche strictement documentaire.
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OMG* [ OH MY GOD ] Ils sont maçons, bergers, facteurs, cordonniers, plombiers, agriculteurs, soudeurs, laveurs de vitres, pécheurs, abbés, moines,… Ils sculptent des légendes sur des rochers, découpent des cathédrales dans la mosaïque, badigeonnent les rues de messages enflammés, dressent des sanctuaires de coquillages, peuplent leurs jardins d’une armada de sculptures, recouvrent les murs de leurs maisons de souvenirs et visions nocturnes, gravent les murailles de prisons et asiles de signes hiéroglyphiques, élèvent des grottes et cabanons de ciment en pleine nature, agrémentent les façades d’église de peintures délirantes, miniaturisent des chapelles et mausolées dans leurs cours,… Tous ces créateurs sont baptisés poétiquement inspirés du bord des routes, bâtisseurs de l’imaginaire, habitants-paysagistes, rocailleurs de rêves, révoltés du merveilleux, irréguliers de l’art, bricoleurs-bâtisseurs, inspirés des maisons standards, anarchitectes, curés illuminés, turbulentes soutanes ( !) et autres indisciplinés de l’art. Le plus souvent issus de milieux modestes, sans connaissance particulière en art ou en architecture, ces ‘gens du commun’ transcendent leur vie ordinaire, souvent recluse, en aménageant avec une certaine exubérance leur espace privé ou celui relevant du domaine public. Ils subliment leur vie et l’espace, répondant à une nécessité existentielle, un besoin irrépressible et immédiat de créer, sans contrainte extérieure, avec une ingéniosité sans limite, une patience incommensurable et des matériaux hétéroclites. Sorte d’extension vitale d’eux-mêmes, leurs créations sont le fruit d’un bricolage intellectuel, d’un bricolage d’images – populaires, religieuses et profanes –, de résidus d’évènements, de souvenirs, de fantasmes, de rêves, de visions.
Derrière toutes ces manifestations marginales, se profilent un idéal, une foi, un système de valeurs et de croyances, un outillage mental. Cette foi peut se traduire par la matérialisation de la croyance religieuse courante, mais aussi par la mise en oeuvre d’une croyance très personnelle, un mysticisme inventé, une religion singulière, avec ses préceptes, ses prières, sa morale, sa méthodologie. L’œuvre est à la fois le reflet de cette croyance et l’intermédiaire entre le créateur et l’au-delà, elle traduit le dépassement de soi. L’acte de créer est vécu comme une aventure spirituelle, l’objet créé est conçu comme un territoire sacré et le créateur puise son énergie dans la foi. Dans le contexte des plus appropriés de la Chapelle Saint-Roch, à Liège, le MADmusée présente un flo-
rilège d’images attestant de cette foi. Images pieuses et teintées de prosélytisme, images de dévotions personnelles, images d’intimes exploits, images d’une authentique ‘subculture’ populaire aussi,… Sont dévoilés d’une part un ensemble de cartes postales anciennes, glanées et rassemblées par le peintre et sculpteur français Jean-Michel Chesné (collection entamée en 1993 après sa visite du Palais Idéal du Facteur Cheval et riche aujourd’hui de plusieurs milliers de clichés rares) ; d’autre part une série de reproductions du photographe suisse Mario del Curto (dont l’intérêt prononcé pour les Clandestins de l’art brut, avec lesquels il entretient une relation personnelle, se traduit depuis 1983 par une approche subtile et délicate). Toutes ces images célèbrent des univers déployés avec une force et une sensibilité exacerbées. Elles exaltent aussi la beauté du geste, la mystique de la tâche.
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Brigitte Van den Bossche
Au coeur d’un atelier d’imprimerie, en présence des machines et du bruit de la technologie, Yves Gellie et Vincent Fournier présentent deux séries complémentaires sur l’utopie technologique et ses manifestations troublantes quand elle se concrétise. Entre exploration spatiale et robotique perfectionnée, la technique se met au service du rêve, jusqu’à atteindre un déconcertant état de réalité où la limite avec la fiction se brouille.
En 2008, Yves Gellie commence à visiter les plus grands laboratoires mondiaux de robotique humanoïde, où les ingénieurs travaillent sur le développement d’avatars anthropomorphes destinés à des fins militaires, médicales ou sociales. Pourvoyeuse d’un imaginaire riche en fascination et en craintes, la robotique se dévoile ici dans ses aspects les plus équivoques : objet de science tout en câbles, métal et informatique d’une part, jumeau monstrueux et plus-que-parfait de l’espèce humaine dans sa ressemblance, son mouvement et ses attributs, d’autre part.
Vincent Fournier, quant à lui, a porté son regard sur différents endroits, aux quatre coins de la planète, où des programmes spatiaux sont élaborés. Malgré le côté terre-à-terre de ses images, prises dans les ateliers, dans les bureaux et salles de contrôle pour la plupart, la série Space Project nous fait basculer dans le surréel et le cinématographique, à la lisière de la sience-fiction malgré un ancrage dans une démarche strictement documentaire. Marie Pirenne
PIXELS OF PARADISE Seeing and believing will be the two keywords for BIP2014, the 9th staging of the Biennial, entitled PIXELS OF PARADISE. Images are always an ambiguous source of promises. Images lie and tell the truth at the same time. Their powers of enchantment and proof go hand-in-hand. It is this unwavering link that BIP2014 will attempt to explore through an eclectic artistic selection where both mystification and the sacred are in play, being, as they so often are, bound together. Seeing and believing are deeply engraved in the Christian tradition and this cultural breeding-ground has implications for the observer’s relationship with images, regardless of whether the beholder is religious or not. Despite the prohibition of the second commandment of the Bible, Christianity has produced iconic images, images which have served as such in worship. Nevertheless, the feud between iconoclasts and iconodules (in the eighth and ninth centuries) shows that when it comes to belief in images, the line between eikon (icon, where the image is a medium to reach the unrepresentable divinity and has symbolic status) and eîdolon (idol, where the image itself is worshiped, as if it embodied the divinity in truth and reality) is thin.
Over the centuries, the religious and metaphysical anchoring of images in Western culture has imposed upon us a fantasy of the “unpainted picture”, images produced by printing, transfer or etching; the immense power of this fantasy was revealed with the advent of photography, and afterwards with film and other means of mechanical reproduction of the visible. On the basis of this near irresistible attraction, power, whether it is clearly identified or ambiguous, relies on visual persuasion in its attempts to gain our conscious or unconscious consent. The fanaticism of the image and its attendant effects of belief have, in fact, today taken on a dimension that has never before been reached, perhaps in contrast to a society that claims to be rational. Included within the scope of the image are media and communication industries, spiritual and religious proselytizing of any kind, and marketing and economics, all crudely convened to force us to follow them.
Of course, it is not a question of playing “true or false”, but rather of sizing up this enduring balancing act in our relationship with images and their “truths”. Paradise is pixelised. Anne-Françoise Lesuisse, Artistic director of BIP2014
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LES ARTISTES, LES COMMISSAIRES / The ARTISTS, THE CURATORS Les expositions IDOLES, ICONES, MIRAGES, PRESCIENCE, ainsi que les expositions à la GALERIE SATELLITE, ont été organisées par l’équipe de BIP2014 / Centre culturel de Liège “Les Chiroux”, secteur Arts plastiques. The exhibition IDOLES, ICONES, MIRAGES, PRESCIENCE, and the exhibitions presented at GALERIE SATELLITE, have been curated by the team of BIP2014 / Centre culturel de Liège “Les Chiroux”, secteur Arts plastiques. IDOLES Eric Baudelaire (F), Robert Boyd (US), Philippe Chancel (F), Oliver Hartung (D), Branislav Kropilak (SVK), Christian Lutz (CH), Christopher Morris (US), Cyril Porchet (CH) ICONES Sasha BEZZUBOV et Jessica SUCHER (US), Marco BRAMBILLA (US), Thomas CARTRON (F/B), Alexandre CHRISTIAENS (B), David CLAERBOUT (B), Thomas DEMAND (D), Guillaume DESANGES (F) et Michel FRANCOIS (B), Thomas DEVAUX (F), Fabrice FOUILLET (F), Renaud GRIGOLETTO (B), Léa Golda HOLTERMAN (ISR), Damien HUSTINX (B), Marie-Jo LAFONTAINE (B), Sophie LANGOHR (B), Benjamin LEVEAUX (B), Raoef MAMEDOV (RUS), Lola MEOTTI (F/B), Jean-Claude MOSCHETTI (F), Max PINCKERS (B), Audrey TCHEN-FO (F), Corinne VIONNET (F), Michael WOLF (D) MIRAGES Robbie Cooper (UK), Samuel Bianchini (F), Ronald Dagonnier (B), Matthieu Gafsou (CH), Djos Janssens (B), Loriot – Mélia (F), Björn Melhus (D), Sébastien Reuzé (B) PRESCIENCE Vincent Fournier (F) et Yves Gellie (F)
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GALERIE SATELLITE Sébastien Cuvelier (B) et Jean-Christophe GUILLAUME (B) L’exposition VUES DE L’ESPRIT est un projet des Brasseurs Art contemporain, en collaboration avec la Société libre d’Emulation et le Cercle des Beaux-Arts. The exhibition VUES DE L’ESPRIT has been curated by Les Brasseurs Art contemporain, in collaboration with la Société libre d’Emulation et le Cercle des Beaux-Arts. VUES DE L’ESPRIT Gast BOUSCHET & Nadine HILBERT (B/Lux), Capitaine LONCHAMPS (B), Edouard DECAM (F), Bénédicte DERAMAUX (F), Marie DOCHER (F) , François GOFFIN (B), Catherine LAMBERMONT (B), Joel NEPPER (Lux), Pol PIERART (B), Alain RIVIERE (F), Marie SORDAT (F/B), Akiko TAKIZAWA (J), Sarah VAN MARCKE (B) Ainsi que des images issues de diverses collections et institutions, que nous remercions pour leur précieuse collaboration / With additional images from various collections and institutions, we would like to thank for their precious collaboration : Surnateum/Musée d’histoire surnaturelle (Christian Chelman, B) ; Institut für Grenzgebiete der Psychologie und Psychohygiene (D - images de/by Louis DARGET, Albert v. SCHRENCKNOTZING, Hippolyte BARADUC…) ; Archives du Musée de la Littérature (B - images de/by Paul NOUGE) ; Museum Dr. Guislain (B). L’exposition OMG* est un projet du MADmusée. The exhibition OMG* has been curated by the MADmusée. OMG* (*Oh My God) Jean-Michel CHESNE (F) (collections de cartes postales / collection of postcards) et Mario DEL CURTO (CH)
L’exposition EVERMORE a été réalisée sous le commissariat conjoint de Laurent Jacob (Espace 251 Nord) et Anne-Françoise Lesuisse. The exhibition EVERMORE has been curated by Laurent Jacob (Espace 251 Nord) and Anne-Françoise Lesuisse. EVERMORE Patrick Everaert (B) L’exposition DATAZONE a été ralisée en collaboration avec l’enseignement secondaire artistique à horaire réduit - ESAHR de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège (commissaire : Frédéric Materne) The exhibition DATAZONE has been realised in partnership whith ESAHR (part-time secondary art education / Académie Royale des Beaux-Arts de Liège (curated by Frédéric Materne) DATAZONE Philippe Chancel (F) L’exposition AU-DELA est un projet de la Fédération des Maisons de Jeunes en Belgique francophone (Marie Pirenne), avec la collaboration de Michael Dans. The exhibition AU-DELA is a project by the Fédération des Maisons de Jeunes en Belgique francophone (Marie Pirenne), with the collaboration of Michael Dans. PARTICIPANTS : Centre de Jeunes et de quartier La Bicoque : Caroline BAUDOIN , Chris BEAUPERE, Long CAO, Olfa CHEDLI, Olivier DUFAYS, ValÈrie GEROUVILLE, ValÈrie HENROTAY, Rose MBUYI, Miled MEKAOUI, Wissem MEKAOUI, VÈronique NEYCKEN, Gaid PRIGENT, Pietro. Centre de Jeunes des RÈcollets : Native HUBY, AnaÎlle VAN MUYLDERS
Maison de Jeunes La Mezon : Yves DELHALLE, Margaux RAVIGNAT Maison de Jeunes de Saint-Georges: Bruno CHAMBERLAN, Lise VAN EYCK Maison de Jeunes díYvoir : ChloÈ BIRRER, Stive BRUYERE ABOUT THE CHAIR est la section tchèque de BIP2014. L’exposition a été co-organisée par le Centre International d’Art MeetFactory à Prague en collaboration avec le Centre tchèque à Bruxelles. Commissaires : Hynek Alt & Aleksandra Vajd, Karina Pfeiffer Kottová. Architecte de l’exposition : Jan Pfeiffer Production: Jan Kratochvil ABOUT THE CHAIR is the Czech section of BIP2014 The exhibition is co-organized by the MeetFactory International Art Center in Prague in collaboration with the Czech Center Brussels. Curators: Hynek Alt & Aleksandra Vajd, Karina Pfeiffer Kottová. Exhibition Architect: Jan Pfeiffer. Production: Jan Kratochvil Remerciements particuliers à / Special thanks to : Kristina Prunerová, Kristýna Holubová ABOUT THE CHAIR Zbyněk Baladrán, Veronika Bromová, Radek Brousil, Aleš Čermák, Jiří Černický, Matyáš Chochola, Nikola Čulík, Romana Drdová, Peter Fabo, Ivars Gravlejs, Jan Haubelt, Lukáš Jasanský & Martin Polák, Antonín Jirát, Tereza Kabůrková, Michal Kalhous, Viktor Kopasz, Václav Kopecký, Eva Koťátková, Alena Kotzmannová, Václav Magid, Ján Mančuška, Tomáš Moravec, Markéta Othová, Johana Pošová, Pavel Příkaský, Lucia Sceranková, Pavla Sceranková, Jiří Skála, Jiří Thýn, Tomáš Vaněk, Ladislav Vondrák, Dušan Zahoranský, Martin Zet
Maison de Jeunes de la Basse Meuse : David DEWAIDE, Laura DEWAIDE, Victor FRENAY, Justine LACROIX, Nicolas MARTUNISSEN, Astou SYLLA 179
L’équipe de BIP2014 / The team of BIP2014 Présidence / Presidency
Pierre Stassart Direction
Lucien Barel
Direction artistsique / Artistic direction
Anne-Françoise Lesuisse Coordination :
Anja Buecherl, Eveline Massart, Marc Wendelski Régie / Technical Staff :
Gilles Dewalque, Frédéric Winand, Luigi Baldassi, Tof, Marc Wendelski, Lucien Barel
Commisariat / Curatorship : Anne-Françoise Lesuisse, Laurent Jacob, the team of “Les Brasseurs” - art contemporain, the team of MADmusée. Graphisme / Graphic design : Karin Simon, Marc Wendelski, Gilles Dewalque Agence de presse / Press agency : CARACAS scrl
BIP2014 est Une organisation du centre culturel de liège - les chiroux
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REMERCIEMENTS / THANKS L’équipe de BIP2014 remercie chaleureusement / The team of BIP2014 warmly thanks .....
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Imprimerie Vervinckt & fils
www.bip-liege.orG
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TABLE DES MATIères 3 > 24 25 > 40 41 > 72 73 > 104 105 > 128 129 > 144 145 > 152 153 > 160
161 > 168 169 > 170 181 182
IDOLES
MIRAGES Icônes
MIRAGES
VUES DE l’ESPRIT
Texte - Emmanuel d’autreppe
EVERMORE
Prescience
OMG* (Oh my god) Texte - Brigitte Van den Bossche
Au-delà
Pixels of paradise
Postface - Anne-Françoise lesuisse
Remerciements / Thanks Soutiens & Sponsors
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AchevĂŠ dâ&#x20AC;&#x2122;imprimer sur les presses de Raymond Vervinckt & Fils sprl en mars 2014 ISBN :
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