Stéphane Blondeau

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STÉPHANE BLONDEAU Artiste plasticien

Né le 8 octobre 1969 à Besançon

DIPLÔMES DNSEP opt. Art : École régionale des beaux-Arts de Besançon, septembre 2010. BTS infographie : Supcréa Grenoble, septembre 2002.

CERTIFICAT D’IDENTIFICATION Code APE : 923A activités artistique N° SIRET : 498 217 173 00018 N° d’ordre Maison des Artistes : B012950

ADRESSE 11, rue Jean Jaures 25500 Morteau FRANCE Tél. 03 81 67 73 12 mail: blondeau25@free.fr www.labo25.com www.etredieu.com www.stephaneblondeau.com



PRÉSENTATION Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Besançon (DNSEP) en 2010 et d’un BTS de graphiste/designer de l’école Supcréa de Grenoble en 2002. Mon travail exploite toutes sortes de techniques maîtrisées en peinture, photographie, dessin, gravure et sculpture. Ma peinture a fait l’objet d’articles publiés, et mes installations réalisées ces deux dernières années ont été présentées récemment à l’ERBA Besançon (sept. 2010).

Installation www.labo25.com

J’ai réalisé de 2009 à début 2010 cinq installations ( Poupées organiques, Sous les toits, Artketing, Journal intime, Momie ) en utilisant tous les moyens artistiques mis à ma disposition. Les installations se rejoignent au croisement du corps et de l’esprit avec LABO25. Une structure imaginée pour parler de notre société en utilisant plusieurs techniques ( peinture, photographie, sculpture ). J’ai voulu m’exprimer sur ce monde de plus en plus pressurisé et aseptisé. J’ai abordé des sujets différents en utilisant à chaque fois, une mise en opposition d’idées sur une société qui est pour moi déprimée. Un dedans/dehors évident ou je m’emploie à faire ressortir certaines dérives. J’ai utilisé pour réaliser ces œuvres mes expériences de peintre, de photographe, de graphiste mais aussi de cuisinier.

Photographie www.etredieu.com

Je travaille actuellement sur un projet de photographie ( être dieu ) où je fais le portrait d’hommes et de femmes chez eux ou en extérieur. Une expérience artistique itinérante qui est amenée à s’étendre audelà de nos frontières. A travers cette démarche, je veux mettre en avant l’individu en le photographiant. Une sacralisation profane de chaque être. Une immortalité légitime à tous. Pour satisfaire ce projet, très peu de moyens sont nécessaires : un drap bleu, un appareil photo et bien entendu de nombreuses personnes volontaires. Un dialogue ouvert à toutes les civilisations, de cultures, de traditions ou de religions différentes.

Peinture www.stephaneblondeau.com

La peinture reste pour moi importante, c’est mon moyen d’expression par excellence. J’ai réalisé entre 2005 et 2008 à peu près 300 tableaux d’encres et dessins. Un travail sur le corps et le geste de longue haleine qui a donné lieu à une publication dans la revue Chimères ( nº 60 ) en 2006 « La naissance est dans le geste »  texte de Philippe Roy. Un séminaire du groupe « Gilles Châtelet  lui a été consacré en 2007 à Paris. Joachim Dupuis a écrit « Cosmogonie » en 2008 sur la série des personnages filaires. Ces textes philosophiques sont présents dans « La béance du ruban » catalogue raisonné sorti en octobre 2009.



SOMMAIRE Travail réalisé entre 2005 et 2010

LABO25

(installations)

Poupées Organiques

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Sous les toits

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Journal intime

page 27

Artketing

page 29

Momie

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ÊTRE DIEU

Photographies

LA BÉANCE DU RUBAN

Peintures

ARPENTAGES

Texte de Joachim Dupuis

page 35

page 43

page 61



LABO25 Installations


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Planche tendance actuelle composÊe d’images, de logos et de typographies issus des magazines


LABO25

2009/2010 Projet LABO25 est une structure artistique composée de plusieurs installations réalisées ces deux dernières années. Un travail composé de sculptures, de peintures, de photographies ou bien encore de sons et d’odeurs. Ici, tous les sens sont mis à contribution pour mieux capter l’attention et nous envahir en conjuguant plusieurs techniques d’expressions plastiques : art, design et communication. J’ai imaginé cette plate-forme pour pouvoir poser de nombreux idées et concepts qui touchent la société actuelle en devenir et ma vision d’un monde de plus en plus pressurisé et aseptisé. Pour critiquer ce système, j’ai voulu attirer l’attention en utilisant les mêmes codes couleurs plaisants et attirants que les médias utilisent aujourd’hui. A la manière d’une agence de communication, j’ai mis du blanc et du rose à tous les étages pour montrer un beau extravagant, maîtrisé, préparé et travaillé. Ce « beau » à la mode sera bien entendu mis en opposition avec ma vision du système qui est pour moi beaucoup plus sombre. LABO25 parle du corps et de l’esprit en utilisant du sensationnel lisse pour inviter à glisser dans un univers grinçant. Dans LABO25, il y a des poupées organiques dans des bocaux et des scientifiques aux visages blafards. « Sous les toits » une chambre lourde et irrespirable vidée de tout, au service d’une épatante sculpture. Cette pièce irrespirable est mise en opposition à une autre qui paraît légère et parfumée. Dans LABO25 il y a également « Journal intime » où la douceur devient tranchante, « Artketing » où je m’implique personnellement en mettant en relation l’artiste, l’oeuvre et le marché de l’art, et pour finir « Momie », une femme qui jaillit du sol en s’extirpant d’un fushia éclatant. Toutes ces installations sont reliées entre elles par ce fil conducteur rose sur fond de crise durable. Elles se tendent, s’étirent entre intérieur et extérieur, un dedans/dehors où je cherche inlassablement à perforer un système convenu afin d’y trouver d’autres pistes, d’autres gestes fertiles. Au-delà de l’expertise, LABO25 veut en finir avec les prétentions politiques et mondaines de la pseudo-scientificité pour un nouveau sol riche où tout deviendrait possible.


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Photomontage, point de vue sur une société en crise

Le cri de Munch, représentation d’un monde déformé


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Présentation Ma « mission » était de l’ordre d’un directeur artistique. L’objectif était d’utiliser toutes mes compétences pour créer un ensemble artistique cohérent. La complexité de ce projet résidait dans le fait que je devais m’impliquer en tant qu’artiste plasticien, metteur en scène ou entrepreneur. J’ai fait appel à de nombreux paramètres extérieurs en sollicitant des corps de métiers plus variés les uns que les autres : chef d’entreprise, garagiste, ferronnier, boucher, imprimeur, photographe et acteurs.

Conception 1. Utiliser plusieurs moyens d’expression pour parler des problèmes de notre société - Aborder la crise actuelle en mettant en scène l’humain, son environnement, son devenir. Thèmes choisis : - Le corps, le corps sain et le corps sans organes avec les « Poupées organiques ». - L’esprit enfermé ou libéré avec « Sous les toits » - Les tensions internes avec « Journal intime » - Le rapport à l’argent avec « Artketing » - Le conditionnement et l’angoisse avec « Momie »

2. Construire plusieurs installations suivant les thèmes choisis

- Organiser un emploi du temps pour avancer au mieux dans ce projet en prenant en compte les contraintes d’ordre techniques, économiques ou humaines.

3. Élaborer une structure afin de relier entre elles ces installations

- L’objectif était de créer un milieu artistique cohérent pouvant supporter plusieurs concepts, plusieurs installations. 4. Utiliser les codes esthétiques existants pour mieux plaire et attirer l’attention - Analyser les moyens utilisés aujourd’hui dans la communication et la publicité pour créer une charte graphique ( planche tendance p. 8 ).


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LABO25

5. Trouver un nom, un logo pour cette plate-forme stylisée

- Recherche et concept autour d’une identité forte à la manière d’un laboratoire médical. Vu que le thème portait sur l’homme et la société, il était évident pour moi de choisir LABO25 comme nom d’entreprise. Il s’agissait bien d’une expertise sur le corps et l’esprit de chacun. Un laboratoire d’analyse et de traitement où tout est mis en œuvre pour interpeller et surprendre. Son caractère lisse, blanc, rose et brillant correspond bien aux codes couleurs actuels. A travers LABO25, je fais référence aux thèmes récurrents que l’on trouve dans le divertissement audio/visuel mais aussi dans toute notre société où l’expert tient une place prépondérante. Le nº25 représente mon département, un point d’ancrage géographique.

6. Elaborer un site internet

- Créer un site internet pour LABO25 avec toutes les installations représentées en utilisant la charte graphique créée ( rose & blanc ).

Création du logo et du site internet LABO25.com .COM


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Recherche sur le thème du corps dans la publicité, l’information ou le divertisement. Les exemples sont nombreux

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Le corps-sans-organes ( abrégé en CsO par les auteurs ) est un concept développé par les philosophes français Gilles Deleuze et Félix Guattari dans leurs œuvres communes : L’Anti-Œdipe et Mille plateaux. L’expression de « corps sans organes »  a d’abord été formulée par le poète français Antonin Artaud.

Le CsO est une production du désir que font les machines désirantes, il s’oppose à l’organisme. Le corps souffre d’avoir une organisation, ou pas d’organisation. Le CsO est un corps sans image ( « avant »  la représentation organique... ), il est inévitable parce qu’il nous pénètre sans cesse, et sans cesse nous le pénétrons. Le CsO est un programme, une expérimentation et non un fantasme. C’est par le corps, et par les organes physiques, que le désir passe et non par l’organisme. Deleuze dans son Bacon explique « le corps sans organes se définit donc par un organe indéterminé, tandis que l’organisme se définit par des organes déterminés ». Il y a de multiples possibilités du CsO selon les désirs, les êtres... Citons comme exemple le corps hypocondriaque, dont les organes se détruisent, ou le corps schizophrène, qui mène la lutte contre ses propres organes. Si Deleuze aime à prendre l’exemple du schizophrène, en citant notamment l’œuvre d’Antonin Artaud, il signale que le CsO peut aussi être « gaieté, extase, danse... »  mais l’expérimentation n’est pas anodine, elle peut entraîner la mort. Il faut, par conséquent, être prudent même si l’expérimentation du CsO est une question de vie ou de mort. Car pour Deleuze il ne faut pas, comme le prétend la psychanalyse, retrouver notre « moi » mais aller au-delà. Deleuze dit, dans l’Abécédaire, qu’ « on ne délire pas sur papa-maman, on délire le monde » . Aussi précise-t-il dans Mille plateaux : « Remplacer l’anamnèse par l’oubli, l’interprétation par l’expérimentation. »  Deleuze s’oppose à l’idée du désir perçu comme manque ou fantasme. L’Anti-Œdipe Gilles Deleuze et Félix Guattari, Éditions de Minuit, 1972 Mille Plateaux Gilles Deleuze, Éditions de Minuit, 1980 l’Abécédaire Gilles Deleuze, entretiens avec Claire Parnet, Éditions Montparnasse, 2004


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POUPEES ORGANIQUES Le corps, le corps sain et le corps sans organes*

Projet Créer des personnages au stade embryonnaire. Une sorte de nouvelle humanité hybride dégagée de toutes vulnérabilités organiques. Des corps sans organes à l’avenir prometteur. Ces poupées/fœtus devront être proposées et exposées dans des bocaux lors de l’exposition comme un produit de luxe. Il faudra concevoir une structure/ vitrine pouvant accueillir une vingtaine de ces bocaux. Le nombre est important car il démontre la maîtrise et l’aboutissement du processus de création. La structure/vitrine sera transparente comme les bocaux laissant ressortir les poupées organiques. L’effet de répétition apportera également un rythme à la manière d’une trame cinématographique. Il faudra également créer un pont entre ces personnages monstrueux et la société en apportant un caractère humain. Pour se faire, réaliser une série de photographies réalistes du laboratoire ou l’enjeu est de taille. Chirurgiens, infirmières et décideurs seront mis en scène pour un tableau morbide et froid.

Réalisation des poupées Les poupées ont été fabriquées en fonction du contenant, des bocaux à asperges ( pour leurs formes longilignes ). Le format est de 30 cm de haut et 7 cm de diamètre, ce qui convient parfaitement car je ne voulais pas que l’aspect soit lourd et grossier. Cuisinier de métier je pouvais alors réaliser la fabrication avec l’aide d’un ami boucher. Nous nous sommes rencontrés afin d’élaborer une poupée faite de boyaux et de farce blanche aux dimensions convenues. Une couleur très claire pour ne pas rappeler le rosé de la chair humaine. Ce côté blanchâtre pouvait également faire référence à la pureté, ce qui me convenait très bien.


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Contraintes La fabrication s’est très bien passée sans difficultés ni obstacles. Un après-midi a suffi pour monter, farcir et assembler les poupées. Elles ont été ensuite placées à l’intérieur des bocaux dans mon atelier. Pour conserver le produit, j’ai utilisé de l’alcool blanc ménager. Les joints à conserve ont été peints en rose, couleur sélectionnée pour LABO25.

Réalisation de la structure/vitrine En ce qui concerne la structure, j’ai cherché autour de moi dans le milieu horloger des matériaux de foires ou de salons que je pouvais récupérer. Par chance, le choix était grand mais pas toujours aux formes ou aux couleurs voulues. J’ai trouvé finalement un ancien stand qui convenait parfaitement. J’ai obtenu l’autorisation de l’entreprise pour utiliser une partie de cette structure. Un ensemble de cubes en plexiglas transparent rose fixé par des tiges en acier. Je devais maintenant l’adapter à mon projet. La principale contrainte a été de construire une armature métallique pour soutenir tous ces éléments. J’ai sollicité le ferronnier d’art Benoît Vuillemin qui a rendu cette construction possible et solide.

Fabrication des poupées organiques

Prise de vue et réalisation des photographies Conception J’ai décidé de réaliser trois photographies du bloc OP. Un triptyque au format allongé d’une taille moyenne. Maximum 1 mètre de large X3. Trois prises de vue sur pied de la même pièce. Seul le placement des acteurs modifiera le résultat final. L’appareil photo utilisé est un Canon Eos5DII au capteur numérique de 21 millions de pixels ce qui reste confortable. L’utilisation du numérique se justifie par le travail de retouche sous Photoshop, incontournable. Un travail laborieux vu que le laboratoire se trouve dans une boucherie où le fumé et le sel altèrent la blancheur des murs.

Inspiration pour les photographies du bloc


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Conception du bloc opératoire et création des rôles J’ai imaginé une pièce proche de la réalité hospitalière. Une pièce aseptisée, lisse et froide où se déroule une scène entre plusieurs personnages. Il y a des chirurgiens, des infirmières et un homme étrange. Une personne pouvant représenter l’autorité, le commanditaire ou bien tout simplement le politique. Ce rôle est primordial dans ce triptyque car il dynamise la scène. J’ai voulu trois clichés d’un instant précis avec uniquement un jeu de regards entre les différents personnages. Tout est figé dans cette pièce dramatique où le dénouement n’est pas connu. J’ai choisi d’avoir deux chirurgiens, une infirmière et une jeune stagiaire infirmière pour représenter au mieux la réalité. Le personnage « politique » sera en noir pour accentuer le côté lugubre et étrange. J’ai réalisé trois planches à dessins afin de positionner au mieux les personnages et leurs jeux de regards. Le story-board était réalisé, je pouvais à présent partir en repérage.

Repérage Lors du repérage dans ce laboratoire de boucherie j’ai cherché une pièce ou il était possible d’avoir un maximum de recul pour l’appareil photo. Je voulais un cadrage large pour pouvoir placer une table d’opération et cinq acteurs. Il me fallait également une porte coulissante pour la circulation des comédiens. J’ai trouvé cette pièce et calculé l’espace pour m’organiser lors de la séance finale. Le seul souci venait des murs carrelés fumés comme des saucisses. Comme je l’imaginais, le lieu était jauni, loin de la blancheur des blocs opératoires que l’on connaît. Autre point, la pièce correspondait mais était polluée par des accessoires et machines de boucherie. J’ai su à ce moment-là qu’il y aurait beaucoup de travail de nettoyage et de retouche sur les trois images.

Schéma /plan préparatoire


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Prise de vue Rendez-vous confirmé pour tous les protagonistes. Nous avons : - Un photographe avec son matériel pour m’assister lors des prises de vue. - Une personne chargée des costumes et du maquillage. - Deux acteurs/modèles pour le rôle des chirurgiens. - Deux acteurs/modèles pour le rôle d’infirmières. - Un acteur/modèle représentant le commanditaire, l’autorité, l’homme politique. La préparation a consisté à mettre en place le laboratoire, placer l’éclairage, le pied photo le plus loin possible de la table de chirurgie puis faire des essais d’éclairage et de mise au point avec l’appareil photo. Dans un même temps, j’ai dirigé les acteurs/modèles en séance d’habillage et de maquillage coordonné avec soin par une assistante.

Séance photos au laboratoire


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Contraintes La principale contrainte a été de trouver les accessoires hospitaliers afin de rendre cohérente la mise en scène. J’ai pu grâce à une amie récupérer des habits de chirurgie, masques, gants, pinces et ciseaux. La deuxième contrainte était de mettre en place la prise de vue en laboratoire avec des acteurs/modèles, un service d’assistants pour l’éclairage, le maquillage et les prises de vue. Ne bénéficiant d’aucune aide financière, il m’était impossible de faire appel à un quelconque service payant. J’ai donc mis à contribution les personnes de mon entourage disponibles sur une journée à une date choisie. Date difficile à trouver en vue des disponibilités de chacun. Finalement tout s’est très bien déroulé avec un rôle précis pour tous. Quant à moi mon rôle de metteur en scène était très intéressant. J’ai eu plaisir à monter ce projet, à le voir prendre forme, devenir concret, exister, nourri par tous. J’ai réussi je pense le plus difficile en insufflant à tous le désir de faire, de participer et de construire ensemble une œuvre atypique.

Retouche photos Le travail de retouches et de corrections sur Photoshop était important. J’ai passé une dizaine d’heures à corriger la perspective, la colorimétrie puis nettoyer le lieu de toutes pollutions visuelles pour avoir ce rendu chirurgical. J’ai ajouté un panneau radiographique des poupées puis cadré l’image de façon panoramique. Ce choix de cadrage apporte une dimension théâtrale à ces trois scènes successives.


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Contribution et participation Pour ce projet, j’ai utilisé mon relationnel, des personnes avec qui je travaille et des amis. Tous ont joué le jeu à titre bénévole. Un grand merci à M. Bole Président directeur général de la société Ambre pour le prêt des matériaux du stand. Pascal Mairot pour ses conseils en ébénisterie et sa participation aux conditionnement et agencement de l’installation. Benoît Vuillemin pour l’armature métallique des blocs plexiglas. René Cupillard et François Meunier en acteurs/modèles convaincants. Damien Faivre le boucher pour la fabrication des poupées, sa femme et sa fille pour leurs prestations d’acteurs. Antoine Catarino pour les prises de vue au laboratoire et les tirages photo. Marylise Fleury pour tous les accessoires hospitaliers et Catherine Monnier pour l’organisation de la séance photo.

Analyse Analyse Peut-être que notre société est en train de tendre vers une uniformisation universelle de l’être sous toutes ses formes pour finir par ressembler un jour à une civilisation clonée ? Nous vivons aujourd’hui dans une société où le corps occupe une place de plus en plus grande. C’est un pôle pluridimensionnel, représentatif de multiples valeurs, qui, exploitées de diverses manières, amène les individus non seulement à s’y intéresser, mais aussi à tout centrer sur lui. Le corps est sur-médiatisé et l’image que l’on nous en propose est unique, c’est celui d ‘un corps harmonieux, résistant, aux mensurations préétablies qui correspond à celui d’un homme et d’une femme au statut idéal. Ces derniers sont les référents d’une population grandissante qui s’efforce d’y ressembler par de multiples moyens tous plus durs et coûteux les uns que les autres. Il y a bien entendu l’esthétique mais aussi les organes internes qui devront un jour ou l’autre s’adapter. Peut-être… En attendant que les vitamines et protéines fassent leurs effets, je propose une autre alternative, un être nouveau, non pas des avatars mais plutôt des êtres monstrueux aux devenirs prometteurs.


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Montage final des bocaux dans la structure en plexiglas rose

Exposition à l’école des Beaux-Arts de Besançon, septembre 2010.


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Phases de réalisation du papier peint avec le canard pochoir

Pièce nº1

Pièce nº2


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SOUS LES TOITS Conception L’idée est de concevoir une installation représentant l’intérieur d’une maison avec son habitant terrorisé par l’extérieur. Il faut mettre en avant le confort, la tranquillité et l’isolement. Un univers replié sur lui-même avec aucune ouverture sur le monde extérieur, une sorte de « bunker déco ». Proposer une alternative à ce processus destructeur en utilisant les mêmes codes visuels mais en les nuançant. Pour le faire, dupliquer cette pièce et modifier uniquement l’essentiel. Utiliser également le sens de l’odorat pour accentuer la différence entre ces deux espaces.

Création Créer deux pièces identiques et agencer l’intérieur de façon opposée. Ce commun architectural ( murs ) sera accentué par la présence d’un bloc blanc au centre de chaque pièce. Symbolisant le cœur de la demeure, ce cube accueillera la représentation de l’être enfermé ou libéré. J’ai choisi d’utiliser deux sculptures intimes et personnelles pour les représenter. En ce qui concerne l’odorat, il faut trouver deux odeurs, l’une pour le renfermé, l’autre pour la libérté. Ces odeurs seront diffusées dans les deux espaces.

Pièce nº1. extérieur/intérieur

Pièce nº2. intérieur/extérieur

La sculpture est « jolie », lisse, douce et intime elle a puisé sa beauté autour d’elle elle se nourrit à tout prix de ce petit monde pour elle c’est fini elle est gavée, elle suffoque autour d’elle, l’air n’est plus respirable

La sculpture est fragmentée, éclatée et dissoute elle envahit, s’étend autour d’elle elle se déplie sur le monde pour elle ce n’est qu’un début elle est prête à donner la vie autour d’elle, l’air est respirable


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Réalisation Papier peint J’ai créé tout d’abord un papier peint pour chaque pièce. J’ai choisi un papier gris ( 50 % de noir ) comme fond pour les deux lieux. J’ai ensuite habillé le papier en tamponnant un petit canard de couleur noire pour la pièce nº1 et blanc pour la nº2. Le canard représente une forme simple, décorative, ludique et a également une connotation plus intime voir sexuelle, parfait donc pour recouvrir ces deux lieux. J’ai découpé le tampon dans du contre-plaqué et recouvert la face destinée à l’impression d’une résine caoutchouc. J’ai ensuite appliqué l’encre au rouleau sur ce tampon pour reproduire le dessin sur le papier. Le canard occupe 10 cm2, soit 100 canards le m2. Une fois le papier peint terminé, je me suis aperçu que la répétition des imprimés ( jamais identiques ) allait parfaitement pour cette installation. A travers ces monotypes, on pouvait y voir la trace de l’homme, la différence, le temps, une répétition obsessionnelle brute et délicate à la fois.

Sculptures Sculpture pièce nº1 : J’ai choisi de réaliser une reproduction de poupée gonflable. Une poupée assise les bras au ciel. La statue a été partiellement moulée puis montée, poncée pour être peinte d’une couleur mode en fuschia métallisé/vernis. Cette opération a été faite chez un ami garagiste. Le rendu est superbe, lisse, clinquant à la hauteur d’un artisan spécialisé. Je retrouve bien en cette pièce toutes les idées développées plus haut. Cette poupée pailletées sera disposé sur le cube/socle au cendre de la pièce. Sculpture pièce nº2 : Ici, j’ai choisi de m’appuyer sur la précédente sculpture pour réaliser une coquille fine et fragile. J’ai donc moulé la première statue pour en faire des fragments plus ou moins gros. Tous ces morceaux seront disposés sur le cube/socle et le sol ( pour les plus petits ).


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Odeurs Pièce nº1 La fabrication de ce « parfum » n’a pas été très difficile. Après quelques macérations et autres expériences culinaires, j’ai fait plusieurs mélanges à base de terre, de tourbe, de naphtaline, d’eau et d’alcool. Le résultat est pour moi satisfaisant. Il me faudra quand même trouver la bonne dose pour le diffuser. Pièce nº2 Plus difficile ici. Comment représenter l’espace, la liberté et le grand large... Après plusieurs essais de mélanges de parfums, d’huiles essentielles, de fleurs et de plantes, le résultat était toujours mauvais. Une odeur trop forte, trop présente, renvoyant au parfum du commerce et à tous ces diffuseurs d’ambiance. L’idéal serait qu’il n’y ai pas du tout d’odeur, mais c’est impossible. Il faudrait que je me transforme en Grenouille* pour réussir ce tour de force. J’ai donc sélectionné les deux odeurs qui me semblaient les mieux placées, des odeurs douces et marines. La solution est de vaporiser juste ce qu’il faut dans la pièce. A la limite du parfum, cette odeur doit resté discrète, voir absente. Un ventilateur viendra renforcer l’effet fraîcheur. Sol Pour créer un lien entre les murs et les sculptures, j’ai décidé de marquer le sol autour du centre de ces deux pièces. Les fragments de la sculpture nº2 ( les plus petits et les poussières ) seront disposés sur le sol autour du cube. Ils seront placés en dégradé sur 50 cm environ. Pour la pièce nº1, je marquerai le sol de moisissures ( biologiques ) sur 50 cm. Pour le faire, je vais frotter le sol de fruits moisis, j’humidifierai le plan et laisserai faire. L’essai réalisé dans mon atelier est concluant. Les moisissures se développent rapidement changeant d’aspect et de couleur.

* Référence à Jean-Baptiste Grenouille héros du roman de l’écrivain allemand Patrick Süskind. Le Parfum, Editions Fayard, 1986


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Statue poupée gonflable en plâtre de la pièce nº1, avant/après peinture. Format : 120 cm de haut

Statue fragmentée en céramique de la pièce nº2

Exposition à l’école des Beaux-Arts de Besançon, septembre 2010.


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Analyse On pourrait commencer à dire que ces deux pièces font penser à des tombeaux. Les murs ont été recouverts de symboles répétés, avec en son centre un bloc blanc d’un mètre de large. La fresque murale nous renvoie aux hiéroglyphes par ces répétitions mais aussi par la représentation d’un animal. En effet, on trouve le canard dans de nombreuses sépultures anciennes, égyptiennes notamment. Les deux statues placées au centre des deux pièces sont montées sur des blocs qui suggèrent un cercueil. Du coup, les corps se trouvent en dehors de cet espace dédié. Ces présentations peuvent également représenter des statues érigées à l’effigie d’êtres particuliers. Les odeurs présentes dans ces deux « tombeaux » apportent à ces lieux une dimension sensible et personnelle décisive. On peut imaginer le contraste entre la statue « chic fushia » et cette odeur de renfermé, de moisi et de terre. Odeurs qui nous renvoient à la mort. Dans l’autre pièce où la statue est fragmentée, brisée et cassée, on devine un univers plaisant et vivant. Une odeur de grand large qui représente sans équivoque le monde extérieur. L’installation de la pièce nº2 avec tous ces morceaux de coquilles et de poussières craquantes suggèrent de nombreuses pistes attirantes. En comparaison, la pièce nº1 avec sa « poupée pailletée » devient ( grâce ou à cause des odeurs ) beaucoup plus fade et bien moins accueillante. S’opèrent alors une évolution et un changement radical entre ce que l’on pouvait y voir et une certaine réalité induite par la deuxième pièce. Nous avons donc ici deux pôles extrêmes : la vitalité et le mortifère. C’est pourquoi ces directions opposées impliquées par les deux installations retentissent l’une sur l’autre et par là-même s’amplifient. Bien plus, c’est par le cœur de leur croisement que se crée cette polarisation, croisement que forme ici la juxtaposition des deux pièces.


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Les six tableaux préparés spécialement pour recevoir les écritures

Simulation de la pièce idéale pour cette installation


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Journal intime Conception Pour ce travail, j’ai voulu me rapprocher le plus possible de l’intime, rentrer au coeur de la vie et d’en extraire une sensibilité tranchante. J’ai créé à l’aide de visuels et de bandes sons, une atmosphère douce et frictionnante. Ces visuels en toile imprimés, je les ai estompés en gommant le contraste avec du pigment blanc. J’ai ensuite écrit au crayon le journal intime en respectant ses codes, à savoir sa particularité d’être rédigé régulièrement à un rythme quotidien avec des entrées datées. Des pensées intimes d’une centaine de lignes couvrant l’ensemble des toiles.

Création Les toiles J’ai tout d’abord réalisé des photographies d’un modèle en mouvement. J’ai ensuite sélectionné 6 photographies correspondant à mon désir d’intime. Ces photographies plus ou moins floues ont été cadrées au format carré puis estompé sur Photoshop. J’ai diminué le contraste au maximum puis donné les épreuves à l’imprimeur afin qu’il réalise des tirages sur de la bâche. Le choix de l’imprimeur s’est porté sur l’entreprise Courvoisier à Mamirolle avec qui je travaille pour la société Ambre. Ces « tableaux » seront ensuite frottés avec du pigment blanc pour avoir un rendu encore plus doux et nuancé. La bande son Cette trame sonore a été travaillée à partir du texte sur lequel sont venus se greffer des sons, des bruits et des rythmes variés. Le texte a été lu et chanté par un homme et une femme puis enregistré. J’ai demandé à deux acteurs vocaux l’enregistrement de plusieurs lectures de niveaux différents, haut en couleur et grave comme le peut être la vie. Ces bandes sons ont servi de base au montage audio final. Le mixage a été fait sur ordinateur en utilisant un logiciel pouvant gérer plusieurs pistes audio. J’ai inclu des fondus entrants et sortants pour avoir des entrées douces et des ruptures de rythmes. Au fil du temps, la bande son devient tendue et crispée.


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Photo montage de l’installation

Exposition à l’école des Beaux-Arts de Besançon, septembre 2010.


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ARTKETING Projet Parler, montrer, dénoncer le marché de l’art ou plutôt l’art du marché avec en tête de proue Damien Hirst et Jeff Koons artistes managers. Ces deux artistes, les plus médiatiques et les plus chers de l’art contemporain, ont d’autres points en commun. Ils bénéficient d’une actualité de premier ordre, font polémique, enregistrent leur record respectif aux enchères en 2008… et connaissent bien les rouages de la communication et de la finance. Deux excellents traders de l’art contemporain actuel. Jeff Koons comme Hirst, gère son entreprise artistique de main de maître. Tous deux emploient une centaine d’assistants, sont soutenus par des poids lourds comme la Gagosian Gallery, collectionnent les enchères millionnaires. Le record de Jeff Koons s’élève d’ailleurs à 11,5 millions d’euros pour l’œuvre Balloon Flower ( Magenta ) vendue chez Christies’s Londres. Leurs velléités d’indépendance et leurs connaissances des rouages du marché datent des années 80 : le jeune étudiant en art qu’était Hirst en 1988 s’érigeait en champion de l’auto-promotion en orchestrant l’exposition Freeze. Il fut alors repéré par le publiciste, collectionneur et marchand d’art Charles Saatchi, celui qui lança en 1997 les Young Bristish Artists. A la même époque, son aîné Jeff Koons était trader à Wall Street. Lancé dans une carrière artistique, il bénéficia lui aussi d’un sponsor de premier ordre : François Pinault. « Artketing » veut montrer d’une manière simple le processus qui n’a d’autre pedigree que la signature d’un artiste starisé et ce malgré un contexte économique alarmant. A la manière de Koons ou de Hirst, dont le travail est simple, efficace proche du sensationnel mais loin d’être exceptionnel. Il y aura donc pour ce travail trois représentations : l’artiste, l’œuvre, le marché de l’art.


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Création Planche à billets

L’artiste et l’œuvre

Pour représenter l’artiste, son interversion et sa transformation, j’ai réalisé trois planches à billets autoportrait. L’artiste créateur devient donc imprimeur de billets de banque avec ce triptyque noir et blanc en négatif.

L’œuvre et le marché de l’art

J’ai réalisé un tableau traditionnel représentant l’Art en mettant en avant sa valeur avec des billets de 500 euros. Billets plastifiés mis sous vide d’air puis scellés ( cire et poinçon ) avec le prix écrit sur un post-it ( valeur 170 000 euros ). Cette « Œuvre » sera sublimée par un encadrement style ancien sculpté/doré puis placé à 2 mètres du sol. Cette position du tableau en hauteur, représente un certain isolement, une certaine inaccessibilité.

Le marché de l’art et l’artiste

J’ai utilisé une échelle blanche pour représenter l’ascension et la réussite. Un processus économique à plusieurs paliers. Cette échelle sera placée entre les planches à billets et l’œuvre ultime. Elle permettra d’accéder à l’œuvre. Un lien indispenssable pour Artketing.

Réalisation La simplicité de ce projet a permis de réaliser cette installation rapidement, s’était son but premier. Les billets de 500 euros ont été placés en vrac sur du contreplaqué avec le post-it 170 000 euros ( valeur des billets ) avec l’inscription : « L’art j’adore ». J’ai placé cette planche dans une poche plastique pour ensuite faire le sous vide d’air. Processus réalisé en laboratoire de cuisine. L’échelle a été achetée dans un magasin de bricolage puis peinte en blanc. En ce qui concerne les trois planches à billets autoportrait, j’ai placé les billets de 500 euros noir et blanc sur trois contre-plaqués format 30/40 cm. J’ai ensuite placé sur chacun d’eux un portrait de moi en négatif sur film transparent. Ces trois portraits me représentent successivement, concentré, étonné puis soucieux.

Autoportraits imprimés en négatif sur du film transparent pour les planches à billets.


LABO25

Contraintes La principale contrainte était au moment de la conception. En effet, il fallait trouver de manière simple comment représenter l’artiste, son oeuvre et le marché de l’art puis créer des liens entre ces trois éléments.

Analyse Cette idée de billets sous vide puis scellé représente bien pour moi la valeur économique d’une œuvre. Un coffre-fort à ciel ouvert avec 170 000 euros à l’intérieur. Pourtant, l’argent présenté en plusieurs couches ne nous permet pas de connaître la somme exacte. L’œuvre est garante de sa valeur qu’elle contient mais rien n’est sûr. Vaut-elle autant qu’indiqué sur le post-it ? Pour le savoir, il n’y a qu’une solution, couper la poche et détruire l’œuvre.

Cadre doré avec billets de banques sous vide d’air


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Préparation de la statue avant de recevoir la peinture/résine fushia définitive Format : 165 cm de haut

Exposition à l’école des Beaux-Arts de Besançon, septembre 2010.


LABO25

MOMIE Projet Dernière oeuvre de LABO25 Cette installation doit montrer le conditionnement de l’homme dans ce monde mais aussi proposer une sortie, une extraction vers autre chose. Réaliser une sculpture représentant l’être humain momifié par la vie, en dedans par un régime alimentaire et intellectuel remplis de conservateurs et autres produits « sains » et en dehors la raréfaction de l’air. Cette installation est très proche de l’esprit LABO25 avec ce désir de voir et de vivre autre chose avec comme point final une femme qui se tend, s’étire et s’extirpe de ce monde rosifié. Une perforation utile et vitale, à moins qu’il ne soit déjà trop tard...

Création Construire une sculpture droite, élancée vers le ciel. Cette statue représente une femme nue, les bras le long du corps avec la tête orientée vers le ciel. Réaliste et à l’échelle1 elle sera de couleur blanche mate recouverte partiellement d’une peinture résine brillante rose fushia. Cette peinture sera versée sur la tête pour s’écouler lentement le long du corps. Pour accentuer l’effet « extraction du sol », un socle rond et fin sera disposé à la base de la statue. Peint de la même couleur ( fushia ), il représentera une flaque.

Réalisation La statue J’ai dessiné la momie sur papier puis réalisé un plan de la structure métallique destinée à la soutenir. J’ai construit autour de cette architecture squelette un volume en mousse polyuréthane. J’ai ensuite moulé partiellement un corps de femme, assemblé les morceaux pour enfin lisser l’ensemble. J’ai demandé au ferronnier Benoit Vuillemin de me réaliser la base et le socle rond en acier. La seconde phase a consisté à finaliser le rendu en ponçant, lissant et apprêtant la sculpture avec un blanc mat façon chaux pour un meilleur contraste avec la résine fushia brillante qui viendra ensuite s’écouler le long du corps. La résine Avant de renverser la peinture résine sur la tête de cette femme momie, j’ai recouvert le socle de cette même couleur en remontant légèrement sur ses jambes. Ce choix est primordial car il favorisera l’effet intérieur ( sol ) vers l’extérieur ( air ). En effet, sans ce détail, on aurait vu uniquement la peinture renversée sur sa tête.



ĂŠTRE DIEU Photographie


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Site internet « être Dieu » Portraits et positions géographique

être dieu / be god / ser dios / ser deus / god wees / essere dio / være gud / tanrı olmak / gott sei / fod yn dduw / bondye kapab / ir dievs / vara gud / vera guð / være gud / ay diyos / būti dievo / fie dumnezeu / je bůh / je Boh / được thần / είναι θεός / бити бог / быть богом / ‫ םיהולא תויהל‬/ ‫ هللا نأ‬/


ETRE DIEU

2010/2012 Projet « être dieu » est un énoncé provocant dont j’attends un positionnement critique des protagonistes. Ce projet est une expérience artistique itinérante prévue sur plusieurs années. On y découvre une série de photographies d’hommes ou de femmes chez eux ou en extérieur. Je vais leur proposer d’être « Dieu », une sacralisation profane de chaque être. Les personnes qui le désirent seront prises en photo dans une position libre ( assises, couchées, allongées, accroupies, nettes ou floues qu’importe ). Je placerai derrière elles une toile carrée bleue, couleur utilisée en montage vidéo pour l’incrustation d’images. Ces incrustations seront effectuées ultérieurement par rapport à l’expérience vécue. Nous aurons donc une personne représentée avec en fond le carré bleu et en contre-fond le lieu choisi. Ce travail met en avant l’image d’êtres de nationalités, de cultures ou de religions différentes. Une oeuvre collective qui est amenée à s’étendre au rythme des rencontres.

Adjik. °N - °E

Amoussa. °N - °E

Jean-Charles. °N - °E

Jordan. °N - °E

Gilles. °N - °E

Fetouma. °N - °E

Jaeel. °N - °E

Zefir. °N - °E

Anaée. °N - °E

Simulation des prises de vues en situation


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Logo créé en 2009 pour le projet « être dieu »


ETRE DIEU

Conception - Rencontrer des personnes et leur proposer d’être « Dieu ». - Discuter sur cette démarche artistique, échanger des points de vues. « être dieu » est un énoncé provocant donc j’attends un positionnement critique des protagonistes. - Remplir ( pour ceux qui acceptent ) une fiche d’informations personnelle : nom / prénom / adresse ( facultatif ), signature, lieu, date et position géographique ( latitude/longitude ). Ces fiches ne seront pas diffusées sur internet ( uniquement le prénom et la position géographique ). Cette fiche servira également pour le droit à l’image. - Réaliser des prises de vue. Prendre en photo ceux qui le souhaitent avec le fond bleu et le lieu ( choisi par la personne ). Ce choix reste limité, il sera forcément aux alentours du lieu de rencontre. Il faut également éclairer les personnes sur les possibilités de représentations physiques. En effet les personnes restent libres pour représenter leur image. De ce fait elles peuvent choisir une position assise, couchée, allongée, accroupie, nette ou floue ( action ) et pourquoi pas sortir du cadre. - Cadrer des images au format carré et centrer le carré bleu. Il doit être positionné de manière identique sur toutes les photos car il accueillera plus tard une vidéo ( incrustation ). - Diffuser et classifier des photographies sur le site web en créant « Le catalogue des Dieux ». Les photographies seront par la suite classées par pays, par lieux. - Utiliser les réseaux sociaux pour montrer, divulguer, informer. - Diffuser des photographies, dans la rue ou un lieu public ( arrêt de bus, colonnes maurice, halls ... ) Ces photos/visuels seront composées du portrait avec le prénom, de l’inscription « Etre Dieu » et de la position géographique ( longitude/ latitude ). Ce travail doit être mené conjointement avec les services culturels ( DRAC, associations... ). Ils prendront en charge le coût des expositions.


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Création Pour satisfaire ce projet, très peu de moyens sont nécessaires. Je n’ai besoin que du drap bleu, de deux tiges métalliques ( pour tendre la toile ) et de mon appareil photo. Une caméra me servira à filmer le processus avec la participation d’une tierce personne choisie sur place. - Drap bleu 150/150cm - 4 tiges télescopiques en alluminim

Premiers essais Avant de m’engager dans cette aventure humaine, j’ai choisi de réaliser plusieurs rencontres dans mon village. Je voulais maîtriser la partie pratique tout d’abord mais aussi estimer les problèmes éventuels pouvant survenir de milieux inconnus. Ce petit périple a été planifié sur un week-end. Lors de ces essais, nous avons partagé nos différents points de vue et discuté de ma démarche artistique, un échange incontournable pour mieux apprécier mes futures explorations. J’ai sélectionné ce week-end là des connaissances mais aussi des inconnus rencontrés sur ma route.

Exemple de photo finale ( 1er essai ) avec la fiche personnelle


ETRE DIEU

Réalisation Pour commencer cette expérience, il m’a fallu choisir un lieu, une ville et un quartier. Pour la première, j’ai choisi Besançon comme ville de départ. La date a été fixée au samedi 26 juin, de 16h à 18h place Granvelle. Je vais utiliser les réseaux sociaux tel que Facebook et le mailing pour informer les gens. Par la suite, j’utiliserai les médias locaux pour lancer l’information ( radios, TV, presse ).

Quelques photos de la première série ( 11 portraits ) réalisée à Besançon le 26 juin.

Analyse Cette première expérience dans un lieu public était pour moi nouvelle mais surtout source de questionnements : Qui allait venir ? Comment allait être perçu mon travail ? Qui allait vouloir participer ? Des questions qui ont rapidement trouvé des réponses avec la participation de onze volontaires. Je connaissais une partie des protagonistes et des inconnus sont venus, intrigués, participer à ce tableau conceptuel. Ce nombre était suffisant pour parfaire et maîtriser mon sujet. J’ai donc placé le drap bleu au centre du kiosque, sous un ciel « radieux », puis discuté avec les personnes intéressées. Je me suis aperçu lors de ces échanges, qu’il était très important de préciser la libre posture ( intention ) à avoir lors des prises de vue. En effet la plupart étaient rassurés de choisir une position correspondant à cette idée d’être Dieu. Certains étaient même contre cette idée de poser et de ce fait décidaient d’être peu, voire pas du tout, représentés sur la photo ( ils ont quand même remplis la fiche ). J’ai pu grâce à cette première réfléchir et corriger quelques problématiques d’ordre technique. En effet, il faudra par la suite que je me place toujours à la même distance de la toile, à la même hauteur avec pour l’appareil photo la même focale d’ouverture. J’ai constaté à mon retour et lors du montage, des différences de profondeur et d’échelle sur les prises de vues. Il faudra également que je prenne plus de temps pour discuter avec les gens autour de cette idée d’être Dieu. À suivre sur www.ertedieu.com



LA BÉANCE DU RUBAN Peinture


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Encre et surimpression photographique Format : 20/30cm


LA BÉANCE DU RUBAN

2005/2006 Projet Ce travail a été une évolution permanente, un chantier, des recherches, un monde en perpétuel mouvement où les figures se transforment, fusionnent dans une matière presque magmatique. Un processus artistique qui allait m’amener à épurer les formes et les figures. L’établissement en devenir d’une embryologie picturale en laquelle et par laquelle naissent à chaque fois de nouvelles humanités hybrides. Ces dernières naissent par le milieu de la surface picturale et vont jusqu’à s’en nourrir. Chaque « tableau » est une scène sans représentation, elle produit la scène. Nous sommes ailleurs et pourtant dans la chair, des saignées nous conduisent, la profondeur est devant et dedans. Pas d’addition sans soustraction. Texte issus du livre « la béance du ruban »

Encre, scotch et calque Format : 12/12cm


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LA BÉANCE DU RUBAN

TRAVAIL SUR LE CORPS Conception J’ai créé ici trois groupes d’encres sur papier dont les procédés diffèrent. Ces trois groupes sont présentés dans un ordre progressif. Une quasi-constante de l’ensemble des présentations picturales : des corps s’insèrent dans des couches de matière, ils fusionnent avec elles, jusqu’à ne presque plus apparaître parfois. La matière picturale a été préparée spécialement pour le tableau, elle ne représente pas une autre matière ( terre, pierre, bois ou autres ).

Création groupe 1 Dans un premier groupe, le procédé a consisté tout d’abord à étaler au rouleau des pans d’encres sur des feuilles annexes. Sur ces pans j’ai tracé des lignes, des coups de crayon les ont grattés puis des motifs ont été imprimés par monotypes. J’ai ensuite prélevé des parties en les photographiant ( soit à taille réelle, soit en les agrandissant ). Sur ce premier prélèvement seront ensuite sur-imprimées photographiquement ( blocage du défilement de la pellicule ) des parties de photos de nus réalisées antérieurement puis parfois s’y ajoutera une troisième couche sur-imprimée de motifs typographiques. La photo finale inclut ainsi deux, trois couches superposées. C’est le premier procédé, par surimpression photographique. Ce procédé est destiné à évaluer des préparations. Je teste des alliances de corps et de matériaux, de matériaux et de signes, de matériaux entre eux. Il n’y a pas de visage, ceci pour éviter toute destination expressive qui serait adressée à une vie extérieure au tableau ( nous les spectateurs, un personnage fictif ) ou à une histoire comme pourrait l’être le passé ou l’avenir du modèle dont l’expression du visage en témoignerait l’incidence ( par exemple un regret ou une attente ). Les matériaux se fusionnent par transparence et les découpages géométriques permettent des variations de ces fusions, faisant ressortir dans une bande tantôt plus tel matériau que tel autre ou l’inverse dans une autre. Cela forme des jeux de va-et-vient entre le fond et la surface qui laissent planer une sorte d’indécision dans une profondeur maigre.


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groupe 2 Le deuxième procédé du deuxième groupe délaisse la photographie. La visibilité du corps coïncide avec des zones de visibilité vague ( zones blanches, tachetées, grisées, perlées ). Elles sont produites par tamponnage, frottements de tissus chiffonnés humides. Ces zones s’insèrent selon un à peu près, un « voir juste assez » dans un matériau pictural qui se les approprie en les faisant communier avec son colori, ou en leur renvoyant seulement un écho dans les triptyques. D’où la présentation de corps fantomatiques, spectraux. Ce deuxième procédé fait ressortir une sorte de matière-peau constituée par des coloris variant du noir aux gris-bleutés ou par des rouges souvent mats. Coloris seuls ou formés par des séries de cadrages. C’est une matière-peau car on ne sait pas trop si les corps s’extirpent de cette matière ou y rentrent.

1er groupe. Format : 15/15cm

groupe 3 Le troisième procédé abandonne la visibilité vague du « voir juste assez » pour la visibilité économique du « voir juste ce qu’il faut ». La technique est proche de celle du deuxième groupe, j’ai retiré de la matière. La grande différence est que cette soustraction s’effectue maintenant avec mes doigts. Chaque ligne soustractive est un geste, une danse des doigts. Parfois la profondeur des fresques de figurines-doigts est conjurée par une ligne d’horizon qui devient un trait libre à l’avant plan, la profondeur doit venir vers la surface. Des écritures surgissent, dans certaines encres des lignes courbes ou bouclées viennent se mêler aux scènes.

2e groupe. Format : 18/24cm

Contribution et participation J’ai partagé ce travail avec Philippe Roy avec qui j’ai échangé des idées. Son analyse et sa lecture philosophique m’ont nourri et permis d’avoir une autre approche sur mon travail.

3e groupe. Format : 10/10cm


LA BÉANCE DU RUBAN

Livret « la naissance est dans le geste » Chimère nº60, Esthétique Texte philosophique de Philippe ROY.


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Planche esquisse et recherche. Format : 50/75cm


LA BÉANCE DU RUBAN

2007/2008 Des toits à la verticalité Je me propose d’exposer ici un extrait de mon travail en peinture réalisé entre 2007 et 2008. Série de 31 tableaux , un ensemble qui inaugure un autre monde, un monde sans représentativité. Le passage entre les encres de 2006 et cette série s’est déroulée par paliers. Un ensemble d’une centaine de dessins et de tableaux ont préparé l’arrivée des personnages filaires. Cette série se termine ici, en trois groupes.

Une des réalisations transitoires vers les personnages filaires. Format : 60/80cm Vous pouvez retrouver l’ensemble de ces tableaux dans le livre « La béance du ruban » voir page 74


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Dessins prĂŠparatoires sur du papier A4


LA BÉANCE DU RUBAN

PERSONNAGES FILAIRES Conceptions Les personnages filaires. Début 2007, essais, composition, recherche. Conscient de l’importance du fond, j’ai dessiné les personnages en privilégiant l’expression, l’attitude et l’intention d’un simple trait énergique. De nombreux dessins sont nés après mon travail sur le corps, suite sans doute logique à cet affinage corporel. Dans cette série des toits, je me suis essayé timidement, on en trouve quelques uns plus ou moins fins, plus ou moins expressifs. Ils sont très discrets dans cet ensemble. Les dessins réalisés sur papier blanc ( ci-contre ) m’ont permis surtout de travailler la gestuelle. L’expression des personnages et l’efficacité du geste sont contenues dans l’épaisseur du trait sur ces fonds de matières pigmentées ( ils vont s’épanouir dans la dernière série page 63 ).

Création Les fonds Il est intéressant de constater l’utilité des fonds travaillés, colorés. Effectivement, ces plates-formes vont apporter aux personnages filaires une dimension « sensible », une peau en dehors des corps. Peut être une peau commune, une peau élastique et compressée à la fois. Les simples personnages filaires dessinés sur papier fond blanc trouvent toute leur dimension dans cet agencement texturé. Il est important de signaler que pour moi, ces personnages ne cherchent pas à communiquer avec nous un message précis. Ils ne racontent pas d’histoires bien définies, ils vivent juste l’instant. Ils ne sont pas dans l’illustration d’un monde imposé mais plutôt évoluent dans leur propre monde, leur propre corps. Du sensible granuleux, de l’émotion tendue vers nous. Nous sommes ailleurs et pourtant dans la chair, des saignées nous conduisent.


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Les toits, septembre, octobre, novembre 2007 Cette série de tableaux est issue d’une seule et même image ( nº1 ). Un tableau rectangulaire de 100/50 cm avec des aplats de couleur sans personnages. Une matrice dans laquelle j’ai pu me glisser, me perdre, découvrir plusieurs lieux de créations. Elle m’a servi de terrain expérimental, une vue aérienne qui m’a permis d’y poser mes idées et mes envies. Je me suis rapproché, accroché pour en extraire des parcelles. Un zoom ( cadrage ) pour y voir autre chose. Je voulais faire une série de tableaux dans le tableau. J’ai très vite découvert que ce terrain de jeu allait m’offrir de nombreuses pistes d’envol. Il y avait ces lignes qui sortaient du cadre offrant au lecteur un éventuel « autour », le gras du trait ( zoom puissant ) et les détails qui nous en rapprochaient encore plus. Je me suis laissé entraîner au delà des limites ( limites physiques imposées par la toile ). Prolonger un peu le tableau. Inviter l’œil au delà des frontières. La série de 12 tableaux qui découle de ce terrain spécialement préparé, favorise les échos, les échanges, des liens multi-directionnels. En ce qui concerne la préparation des toiles, j’ai apprêté tous ces fonds d’une peinture poreuse et pigmentée. Je préfère depuis très longtemps le grain mat aux peintures brillantes. Ci-contre 6 toiles de la série de 12

1. la matrice, format 100 / 50 cm


LA BÉANCE DU RUBAN

Format des tableaux 80/80 cm


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Format des tableaux 120/100 cm

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LA BÉANCE DU RUBAN

Passage à la verticalité, les filaires s’imposent mars / avril / mai 2008 Passage au plan vertical, profondeur, couches superposées, multiples. Toujours de la matière de fond avec une couche de flou en plus. Des aplats colorés indiquant une profondeur. Ces derniers tableaux sont pour moi plus élaborés, plus fins. On retrouve tout ce qui m’intéressait auparavant avec plus de mouvement, de danse, d’énergie. Les tableaux son construits sur la même idée que la première série sans que j’aie eu besoin d’une matrice. On est passé de l’horizontalité à un terrain vertical où j’ai ajouté des personnages filaires au trait ( épaisseur et densité variés ) sur les toiles talquées et brossées. J’ai ajouté ensuite des points d’ancrage ( typographie ). Ces lettres posées sur la toile permettent de fixer des zones, accentuant l’effet de flou et de mouvement au reste du tableau. Ces points d’ancrage nous renvoient également à l’écriture. Ces lettres ici dénuées de sens fixent au mieux la toile pour créer un lien vers l’extérieur. Ils ont donc beaucoup d’importance. Je les définis comme une accroche visuelle qui nous mène au plus profond du tableau. Les personnages filaires sont maintenant posés et en mouvement. Ils poussent, s’étirent, s’épanouissent. Une sorte de poussée végétale, une idée de naissance, de germination. Le fond est effectivement essentiel comme je l’ai dit plus haut. Le fond apporte une dimension organique. Le filaire reste lui dans l’intention. Une expression dans la matière. A signaler également l’évolution des tableaux vers le « plus clair ». Les premiers de la série ont des aplats noirs qui finissent par se fondre dans le décor, voire disparaître dans le dernier ( nº11 ). Ci-contre 6 tableaux de la série de 11


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Analyse Vous trouverez dans le livre « La béance du ruban » les écrits de Joachim Dupuis ainsi que ceux de Philippe Roy « La naissance est dans le geste », revus et augmentés pour l’occasion.

La béance du ruban

La béance du ruban

ban des matières opère, se transforme, ous gagnons ce qui nous prend.

Dans cette série j’ai continué sur ma lancée avec des fonds capables de soutenir, de connecter toutes les nouvelles « dispositions » de la matière et des filaires. Ce creusement, c’est un creusement topologique, une sorte de mobilité des matières, qui se mettent à claquer comme des fouets, et les êtres filaires - qui se font de plus en plus envahissants, comme la levée d’une ethnie révolutionnaire. L’espace des tableaux plus sombre est comme une sorte de grande « enveloppée contrapuntique ». Cette dernière série s’affirme par les trouées noires qui dévorent et mettent en branle le milieu, comme l’aspirant et générant tous une électricité qui parcourt les échines des filaires et qui irriguent les cloisons d’une « ville »  qui se met à flamber dans une allégresse et horreur tout à la fois.

Stéphane Blondeau est artiste peintre, graphiste designer et plasticien. Né le 8 octobre 1969 à Besançon il a commencé à peindre dans les années 80. Autodidacte, l’artiste a accumulé les expériences artistiques, son travail est aujourd’hui reconnu. Il a donné lieu à une publication dans la revue Chimères (n°60) en 2006 « La naissance est dans le geste ». Un séminaire du groupe « Gilles Châtelet » lui a été consacré en 2007 à Paris, les textes philosophiques de ce livre sont les restitutions revues et augmentées de deux des interventions.

Stéphane Blondeau œuvres 2005-2008

téphane Blondeau allant de 2005 à 2008 monde en perpétuel mouvement où les « La béance du ruban » est le processus embryologie picturale en laquelle et par ères naissent par le milieu de la surface ésentation, elle produit la scène (au deux appelés par Artaud fait battre le coeur r. Des saignées nous conduisent.

Dernière série de tableaux septembre /octobre / novembre 2008

Livre couleur 160 pages. Série limitée et numérotée ( 200 exemplaires ) + une encre originale Prix : 50 euros

Peintures : stephaneblondeau.com

Stéphane Blondeau œuvres 2005-2008 série limitée

Instalations 2009 : labo25.com Photographie/vidéo : etredieu.com


LA BÉANCE DU RUBAN

Format des tableaux 100/100 cm



ARPENTAGES

« Arpentages » : Stéphane Blondeau « J’écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l’aventure d’être en vie ». HENRI MICHAUX

A Stéphane Blondeau

L’œuvre de Stéphane Blondeau, depuis 2005, ne cesse d’étonner le spectateur par la richesse prodigieuse de son inventivité. On peut repérer, cartographier trois projets distincts : « La béance du ruban », « Labo25 » et « Etre dieu ». Comment articuler ces trois projets ? Qu’est-ce qui les relie ? Qu’est-ce qui les différencie ? Peut-on parler d’une unité de l’œuvre ? L’idée d’œuvre a-t-elle d’ailleurs encore un sens au niveau d’un tel champ de créativité ? Pour répondre à ces quelques questions, il faut faire le parcours, un parcours parmi d’autres, des créations de l’artiste. Car chacun doit tracer son chemin. C’est pourquoi c’est sous le titre : « arpentages » : Stéphane Blondeau, que nous écrirons ces quelques lignes.

« La béance du ruban » De 2005 à 2008, Stéphane Blondeau n’a essentiellement fait que des peintures. Plus de 300 œuvres ont vu le jour, mettant en lumière à chaque étape de leur constitution un ou plusieurs types de gestes. La notion de geste (geste de soustraction, geste de mutilation, geste-vampire), selon la voie ouverte par Philippe Roy 1, marque moins le travail effectif du corps de l’artiste que sa participation à une sorte d’exigence, ou de responsabilité, à ne pas réduire une toile, une surface peinte à une simple figuration, une mise en scène, ou une abstraction dont le sens exigerait le déchiffrage de codes. Le geste est au-delà et en deçà de toute demande sociale (« organisée ») : il relève plutôt de la part intensive du « corps sans organe » selon le mot d’Artaud. Cet ensemble de tableaux, fait lui-même de groupes ou de séries, dont « Villes » est le plus éclatant moment, marque une nouvelle étape dans la recherche picturale contemporaine. Il ne s’agit plus, pour le peintre, de se dessaisir de la perspective traditionnelle, pour atteindre l’« espace mural » (comme cherchait Pollock et avant lui Kandinsky) ou l’« espace haptique » (comme dit Aloïs Riegl). Il s’agit d’inventer un régime spatial-temporel qui ne soit même plus travaillé par les codes et les figures. SB prend ainsi la peinture par le « milieu ». C’est pourquoi sa peinture ne commence pas avec la perception, elle ne commence pas par la conscience et ne finit pas par l’étape de la connaissance (comme au terme d’un progrès). Les tableaux sont des lieux d’expérimentations, non des lieux d’interprétations qui nous renverraient, comme à l’infini, comme autant de miroirs, notre monde, c’est-à-dire indistinctement la nature vue par la culture ou la société vue par elle-même. SB fait partie de ces peintres qui sont des visionnaires, qui inventent les conditions d’une expérience qui va bouleverser notre vie. Un autre regard est possible alors : comme l’effraction d’un certain nombre de modalités instaurées par la société dans l’image qu’elle se fait d’elle-même et qu’elle veut donner d’elle-même.

1

Voir le beau texte de Philippe Roy dans Chimères n° 60 : « la naissance est dans le geste ».


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On plonge ainsi, avec ses tableaux, dans une expérience affective si forte, qu’elle nous met dans une disposition pré-individuelle, selon le terme de Simondon, où le fond et la forme n’ont plus de barrière, ou de séparation : la matière n’étant plus déterminée par une forme préétablie. Cette expérience des possibilités de vie, que rend possible les tableaux, est à voir comme phases de transitions, blocs d’espace-temps, plutôt que comme découpages d’époques, de styles, de « visions du monde ». Aussi les êtres filaires qui habitent les toiles sont marqués tout d’abord par ce geste de soustraction qui nous fait échapper au mode habituel du regard de la peinture : nous ne pouvons plus projeter dans la toile et en eux, ce que nous pensons à partir du monde. Les êtres filaires n’incarnent pas des figures de notre monde, ils ont leur propre mobilité, leur devenir, ils sont comme des vampires : ils se nourrissent d’eux-mêmes et nous mordent sans relâche pour peu que nous posions le regard sur eux. Ils se mettent à vivre dans les tableaux, à évoluer dans des milieux selon une métaphore embryologique qui ne portera pourtant à terme aucun organisme : ce sont des Corps-sans-organe, des surfaces d’inscriptions, d’ancrage (ou d’« encrage »), des fulgurances majestueuses. Et ces milieux où ils se baignent, ce sont comme des marécages. Sans cesse, dans ses tableaux, SB montre les « virtualités » de ces êtres à la découpe si étrange et à l’épure si familière qu’ils sont comme « nos doubles ». Par analogie (avec des tableaux de De Stäel ou de Klee), nous pouvions appeler Toits, Villes, ces lieux de vies, ces biotopes pour filaires. Mais ces séries, ces groupes de peintures, qui nous donnent à voir ces lieux, c’est plutôt comme des paliers complexes pour appréhender une certaine naissance, la naissance de gestes, d’une certaine manière de rompre avec la représentation, de rompre avec le regard social, qui malgré tout travaille parfois les artistes. En ce sens, SB n’aura pas cessé dans ces toiles d’être un archéologue, de remonter en deçà des choses et des mots, d’explorer des territoires inconnus en voyant et en créateur génial ! Montrer les points aveugles, se placer dans les espaces intermédiaires, interstitiels, voilà ce que « la béance du ruban » aura été ! De cette expérience, l’auteur de ces lignes, aura reçu sans doute une profonde empreinte, un profond sentiment de reconnaissance d’avoir pu assister à la naissance d’un monde 2.

« Labo 25 » Entre 2008 et 2010, Stéphane Blondeau ne peint presque plus. Il délaisse les instruments du peintre pour des matières et des procédés plus liés à des performances, encore que le mot ne soit pas parfaitement conforme à la démarche : puisque nous allons le voir, il ne s’agit pas de produire des actes, de faire participer, comme une sorte de communion, mais de tenter de rendre sensible à l’idée de communauté, à l’idée de réunions stellaires ou solaires. Labo25 est un nouveau projet axé sur des installations, qui forment un tout, une plate-forme. Ce projet est en effet composé de cinq installations : « Poupées organiques », « Sous les toits », « Journal intime », « Arketing » et « Momie ». SB semble, désormais, préoccupé par la société : notre monde. Et dans son versant le plus horrible : le versant normatif. Il écrit en effet que Labo25 est une « plate-forme pour pouvoir poser de nombreux idées et concepts qui touchent la société actuelle en devenir et ma vision d’un monde de plus en plus pressurisé et aseptisé ». On pourrait voir dans ce nouveau travail une face cette fois plus généa-

2

Voir notre article, « Cosmogonies », publié dans le catalogue raisonné des œuvres du peintre : « La béance du ruban ».


ARPENTAGES

logiste, si l’on permet que je reprenne cette catégorisation foucaldienne, c’est-à-dire un travail plus tourné vers la critique des pouvoirs, vers les rapports de force qui tissent notre peau sociale. C’est là un regard histologique, un regard critique sur la clinique de notre temps. SB est un anatomiste de la société. SB semble même avoir poussé le paradoxe (entre la nature de ces deux projets), au point d’estampiller son nouveau travail, par un logo, qui est comme la signature d’une grande marque. Pourtant, ce logo est pour le moins très intéressant, car il tient en lui-même l’idée d’expertise mais aussi comme on le verra plus loin, il peut être articulé comme un diagramme, impliquant en lui une sorte de geste d’écartèlement, de fragmentation.

Voyons tout d’abord comment est pensé le regard clinique de la société.

« Poupées organiques ». C’est la plus complexe des installations présentées (du moins dans sa mise en place). Elle est composée d’une table d’opération en plein travail et une sorte d’établi de laboratoire, de vitrine où l’on peut voir dans des bocaux des « fœtus », ou « boudinés », ficelés. Il s’agit de montrer comment la création de personnages au stade embryonnaire est conditionnée dès la naissance par la société : puisque toute naissance a lieu dans un hôpital, suivant des procédures spécifiques, requérant des experts selon une hiérarchie presque hiératique. La présence d’un commanditaire au sein de la salle d’opération indique que ces naissances programmées relèvent aussi des instances du pouvoir politique, et c’est pourquoi ils font très tôt l’objet d’une uniformisation. SB laisse toutefois entrevoir une sorte d’ « avenir prometteur », par l’espèce de danse que suggèrent les fœtus dans les bocaux, comme si toute singularité ne s’éteignait jamais. Cette première installation a nécessité un local spécifique aménagé pour l’occasion comme un lieu aseptisé et l’aide de figurants. L’acteur sans sa blouse a l’air d’un mort-vivant, et aucune expression d’humanité ne ressort des médecins et infirmière. On peut mettre en relation cette installation avec « Arketing » d’une part et « Momie » d’autre part. « Arketing » et « Poupées organiques » impliquent, chacune, très clairement cette double dimension d’expertise. L’une au niveau médical, l’autre au niveau commercial avec le marché de l’art. Ce que semble confirmer le peintre lui-même : «  A travers labo 25, je fais référence aux thèmes récurrents que l’on trouve dans le divertissement audio/visuel mais aussi dans toute notre société où l’expert tient une place prépondérante ». « Momie » fait le lien entre les installations. La momie est un « état » de l’homme dans nos sociétés, il est ce que nous sommes. Nous sommes des êtres qui avons brimé nos virtualités, notre puissance de vie. Nous sommes des morts-vivants. Ici SB rejoint le grand cinéaste de l’horreur Georges Romero  3 dans une mise en lumière de notre condition mortifère. La place de « Sous les toits », de « Journal intime » semblent moins évidentes. Le titre de la première n’est pas sans évoquer « les toits » des peintures du premier projet. Pourtant il ne s’agit pas de la même chose. « Sous les toits », c’est vraiment sous nos toits, dans nos maisons, dans le sol privé de nos existences.

Entre « sous les toits » et « journal intime » il y a certaines similitudes de perspective :

1°) le choix tout d’abord d’un lieu-tombeau, parsemé de hiéroglyphes, de symboles, de signes presque animaux fait écho à l’intimité de la chambre que forme le journal, ou dans lequel il se trouve. 2°) les hiéroglyphes, dont le sens nous échappe, font écho aux lignes écrites sur les murs de

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A ceci près que chez Romero les « morts-vivants » sont les révolutionnaires et que les humains qui recherchent les lieux d’enfermement (d’une maison au « panic room », via un centre commercial) sont plutôt ceux qui refusent de changer.


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« journal intime » qui nous échappent d’autant plus qu’ils sont pris dans un voile de transparence. Cette transparence est d’ailleurs aussi la marque des figures, comme le suggèrent les tableaux de femmes, tissés avec le « Journal ». Tout semble, en ces lieux, s’ancrer dans une diaphanéité : le côté réaliste des écritures semblent ici martelé (comme les canards), ciselé, pour décrire un nivellement du sens. Le sens nous échappe car il est épuisé, il n’a pas de réserve, il est sans virtualité. Il y a aussi l’idée que nous sommes comme en joie (à la manière de la statue, poupée gonflable fuchsia) devant ce non-sens ; nous sommes dans des postures d’adoration face à ce non-sens de nos vies, car pour nous c’est notre symbolisme. Notre peau, comme ces figures de transparence, est ciselée de symboles incompréhensibles, de tatouages horribles. Le choix du tombeau rappelle ou appelle bien sûr la momie, car c’est un lieu qui n’a plus rien de vivant, il n’a rien pourtant de l’au-delà : c’est notre monde, qui se renferme comme un « coquille vide ». Il ne s’agit pas d’un symbolisme égyptien. C’est dire seulement que même la sphère privée est touchée par le desséchement, la normalisation (ainsi que l’exprime la répétition infinie du canard, qui est aujourd’hui également un objet-fétiche qui habille nos maisons). Ce qui est à noter aussi : la résonance du tombeau-presque égyptien qui ne prendra toute sa force que si l’objet fétiche, au centre de la pièce, se fragmente. La place centrale du lieu doit donc marquer une destruction de l’objet du désir, un manque, une déchirure : comme une brisure du fantasme. C’est une manière de marquer la fragmentation du corps ou le devenir du corps vers le « corps sans organe ». Il faut quitter le pulsionnel, quitter ce qui nous rattache au fantasme, pour accéder à un monde divin, qui nous écartèle, nous tire vers plus de puissance de vie. L’idée que « Sous les toits » se présente finalement comme un double lieu ne veut pas dire qu’il y a deux lieux. L’inversion du « visuel » et du « odoriférant » (comme un chiasme savamment préparé par l’artiste, qui donne autant du poison que du remède, pharmakon) suggère plutôt un même lieu qui devrait être saisi à la fois par les spectateurs selon une double polarisation : momification ou devenir-éclatement. Cette polarisation visant moins à une neutralisation, qu’à nous basculer vers l’un des deux pôles. Car le mortifère ne sera pas là où il y a éclatement de la statue mais bien là où nous croyons nous délecter de nos désirs fantasmatiques. Les canards euxmêmes (envers et endroits les uns des autres) seront estompés par ce devenir, nous portant moins à une normalisation qu’à des vies possibles. L’apparence, la recherche de la figuration, d’un sens communiquant seront soufflées par la part vitale. Non pas deux êtres, donc, mais deux parts de nous-mêmes dont l’une semble avoir pris jusqu’ici le dessus : il ne tient qu’à nous de révolutionner notre regard, nos actes, en retrouvant le geste d’écartèlement qui maintient les pôles ensemble. Point zéro, aurait dit Gilles Châtelet 4 , qui chasse les codes, défait les répétitions pour penser la différence. SB s’attache à nous donner une idée d’une autre clinique, d’une autre manière de jouer avec nos peaux. Nous avons trop tendance à prendre l’apparence pour la plus belle peau. Par cette série d’installations, SB nous fait passer par des phases multiples de décompression, par une sorte d’expérimentations. Il nous montre de quoi nous sommes faits, des peaux et des lambeaux qui nous recouvrent. Alors comment penser ce passage des peintures aux installations  ? Y a-t-il une continuité ou rupture ?

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Voir Gilles Châtelet, « Les Enjeux du mobile », Seuil.


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L’idée de mobilité s’est déplacée, elle n’a plus lieu dans le cadre d’un musée, ou d’un lieu traditionnel (encore que SB ait réfléchi, comme avant lui, Rotkho sur la manière de créer une dynamique de l’expérience de ses tableaux). Mais dans des lieux presque publicitaires. Nous sommes dans des lieux-symboles. SB nous met en charge, en responsabilité de briser les signes, de les retourner, de casser les figures, de rendre transparents, d’effacer les mots trop signifiants, qui renvoient toujours et encore à une intimité plus ou moins « gastrique » (pour parler comme Sartre) qu’évanescente. Du côté de notre monde, des canards, les monstres sont dans des vitrines, ils sont loin de nous, ils sont dans des verres, on les voit comme derrière un écran. Il s’agit d’une sorte de lieu prophylactique. L’informe tente d’être normalisé, mesuré, mis en bocal. Il faut que de notre côté, tout soit à sa place, que tout soit rigide, que les mobilités les plus singulières soient « parquées ». Le sentiment c’est que ces pièces, ces lieux sont vides, on a du mal à y respirer. Nous nous momifions en les habitant, nous nous desséchons. Notre peau claire est comme pétrifiée par une Gorgone qui a les beaux traits d’une poupée gonflable. Non plus les cellules de vie des filaires, du moléculaire, mais une sorte de couche épaisse, visqueuse, une chair rosâtre qui est étonnamment homogénéisante et qui nous encolle. Nous sommes loin de ces peintures du début matinal de la création, où SB dessinait pour la première fois des espaces vivifiants, le grouillement d’un peuple nouveau. Les peintures avaient quelque chose encore d’un autre monde, et on pouvait penser que cela ne nous impliquait pas plus que ça. Mais en nous montrant les mondes tels que nous les arpentons sans cesse avec des symboles qui nous parlent, on est maintenant au plus prêt de ce qu’on peut mesurer, de la Terre, de la menace d’étouffement que cette Terre recèle : sans le savoir, nous sommes en train de construire notre propre mausolée ! Les installations sont donc faites de gestes multiples qui s’enchaînent et qui sont des fractures dans notre monde (geste d’écartèlement, geste de transparence). Il s’agissait de montrer que notre monde a écarté tout le monstrueux, et que pour le retrouver peut-être rien moins qu’un écartèlement, une Passion serait nécessaire. Etre dieu ? Une dernière remarque s’impose. On a commencé par dire que ce projet était placé sous le signe d’un logo, mais nous pourrions dire aussi qu’il est un diagramme, si on sait le regarder avec des yeux neufs, si on est attentif au geste qu’il capture. Le titre Labo25 « symbolise » en effet une expérience de perforation en train de se faire : le cercle étouffant est en train d’être rongé, creusé par une béance, celle du Labo25. Le blanc de la pureté n’entre pas dans le cercle, mais le perfore : c’est comme le trou d’une poinçonneuse. Le travail du geste de la main, qui vient trouer les encerclements, les délimitations de l’espace signifie la fin d’un arpentage glissant, moisi, où les contrées inconnues, lointaines, comme dirait Proust n’ont pas leur place. Si nous sommes dans un monde où tout est calculé, mesuré par le profit, il est nécessaire de se mettre au niveau de l’arpentage de notre monde pour ouvrir, perforer nos regards. SB le sait bien, et c’est pourquoi il se met à notre niveau pour casser avec ses mains de pianiste, la matière des signes, des valeurs, du culturel, de la marchandisation, du fétichisme. SB a franchi une nouvelle


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étape, avec ce projet, il ne nous fait plus seulement vibrer dans les profondeurs de la béance, il nous montre ses entours, ce qui au plus bas de la matière, la matière des signes, de la machine sociale rocailleuse. Il veut la perforer, pour redonner goût à une existence plus riche nourrie par cette béance qu’il appelle de ses vœux, de ses gestes. Allez Travailleurs ! Encore un effort !

« Etre Dieu » Très récemment, SB a commencé un troisième projet : « Etre dieu ». Il nous semble que ce dernier projet est encore dans la ligne de conduite que s’est fixé l’artiste : il faut maintenant bâtir une humanité. Où est-elle ? La seule réponse qui vaille : en nous. L’arpentage se fera dès lors dans une sorte d’itinérance. Il s’agira de se faire une nouvelle peau sur les squames de la seconde. La seconde, on s’en souvient, c’est cette peau grisâtre de rhinocéros, ou blême de mortvivant, coexistant avec une première peau, celle que les peintures du premier projet cherchaient, tentaient d’expérimenter. La première peau, c’était celle de l’étonnement, la seconde, celle de l’horreur, ou de la résignation, quelle sera donc cette troisième peau ? Sinon celle de la lumière de chacun. Peau des dieux. « Etre dieu ». L’indice de la minuscule peut faire songer qu’il ne sera pas question de monothéismes, des religions de l’Un. Pourtant, on retrouve la majuscule lorsque SB parle de son projet : « ce projet est une expérience artistique itinérante prévue sur plusieurs années. On y découvre une série de photographies d’hommes ou de femmes chez eux ou en extérieur. Je vais leur proposer d’être « Dieu », une sacralisation profane de chaque être ». Pourquoi cette sacralisation qui ressemble presque à une façon de devenir Jésus ? On peut tout d’abord remarquer que ce projet n’a de sens que dans un périple, dans un parcours. Il ne s’agit pourtant pas d’un chemin de croix, où l’artiste viendrait poser lui-même. Il s’agit plutôt de « révéler » les libertés de chacun. La religion est ici un « objet » auquel l’artiste devait se confronter. Mais plutôt que de le faire selon la phraséologie habituelle du renversement des attributs de la divinité, ou de la reprise de certains thèmes, SB propose carrément une autre manière de dissocier l’approche créative de l’approche de la Création. Il s’agit tout simplement d’être dieu. Dans la cabale juive, il y a l’idée que Dieu au fond transparait dans les actes de ceux qui agissent selon Ses préceptes. Mais SB ne se représente pas Dieu comme la somme des visages qui l’incarnerait. Chaque être, chaque profil, répondant de soi-même à un questionnement propre : celui d’oser se poser à la face du monde, dans la position souveraine qui lui plairait. Le carré bleu incarnant la divinité, l’attitude d’expression de la personne est en quelque sorte à concevoir paradoxalement, comme une sorte d’épreuve par rapport à ses propres croyances. C’est d’ailleurs pourquoi, les attitudes les moins réfléchies seront celles où il y aura à la place de Dieu, un vide, pour symboliser sa toute-puissance (la personne affirmant son incapacité à être justement à la place de Dieu). Au contraire, on trouvera une attitude presque désinvolte, presque blasphématoire, là où l’individu voudra prendre Sa place. L’intérêt résidant pour l’artiste sans doute dans l’écart des attitudes, dans ce différentiel de notre rapport à la Loi, qu’incarne à sa façon Dieu.

Il est certes fréquent chez certains grands photographes aujourd’hui de montrer, à travers des expositions en plein air, des photos du monde. SB veut plutôt montrer les gens d’une ville,


de toutes villes qu’il visitera : les photos sont un regard sur soi-même, sur nos postures, sur notre capacité à affronter les normes. C’est comme un pôle éthique : à chacun sa singularité. Bien sûr, l’artiste sait très bien, que les attitudes seront marquées par l’oscillation entre le pôle de l’absence et celui de la pure présence de nouveaux dieux. Mais après tout c’est l’éclat de chacun qui est appelé. Nouvelle forme de communauté où chacun se prête à l’exercice, en dépit de ce que ça coûte en termes de rapport à soi, c’est-à-dire aussi rapport à l’ordre moral, religieux. « Quelle déprise puis-je bien exiger de moi, lorsqu’on me propose d’être « dieu » ? ». Voilà la nouvelle maxime ! Non pas une maxime universelle, mais une maxime locale, une maxime du singulier. Le dernier geste de SB est pour le moins le plus audacieux qu’il ait jamais tenté : il interpelle maintenant chacun au cœur même de toutes les villes, appelant peut-être à une sorte d’embrasement politique, une lumière enfin dans ces lieux politiquement ténébreux de notre époque. C’est sans doute là aussi qu’on repérera le point de contact, presque divin, qui touche les artistes entre eux : comme Isabel Caccia qui emporte avec elle, avec l’aide de ses trames les désirs de milliers de passants, SB va saisir la chair rayonnante, la peau solaire de ces hommes et ces femmes, de ces passants aussi de la ville, porteurs alors, dans leur rassemblement non mesuré, risqué, d’une éthique nouvelle ! « Etre dieu », c’était donc cela : créer un royaume, une sorte de souveraineté qui n’écrase pas par sa Loi, mais qui est la vitalité du geste en chacun de nous ! Donc trois projets unis finalement par un certain travail sur les trois épaisseurs du geste. Trois peaux, trois épaisseurs constitutives de gestes qui se retournent ou non en signes. Textualité savante ou imbécile ! Les gestes de SB taillent dans les peaux qui nous constituent. Après nous avoir donné la vie des plis, dans les plis de la matière, SB nous a donné à penser la part normalisée de notre être, c’était la peau momifié, sans vie. Il fallait alors redonner un espoir plus grand : c’est la « troisième peau », la peau qui se conquiert dans la Chair, qui se conquiert dans l’affrontement de chacun avec lui-même et ses croyances et la part la plus spirituelle, comme si maintenant il fallait révéler par la photographie la matière de l’âme, la membrane qui formera peut-être le déclic d’une nouvelle humanité, non plus tournée vers Dieu, vers le Bien, mais vers la singularité de chacun. Ce serait ça le vrai grand partage, connecter ses peaux, les faire s’aérer, faire crépiter les alvéoles vitales. Joachim Dupuis

Professeur de lettres et de philosophie à l’ISEN et l’ICAM de Lille Membre du groupe de travail « Gilles Châtelet ». http://groupe.chatelet.neuf.fr Articles publiés : Les diagrammatismes de Gilles Châtelet et de Michel Foucault, « Chimères N°58 » Variations, métamorphoses et cristal, à propos de la rencontre entre musique et pensée dans le minimalisme, « www.musicologie.org » (2004) La pièce manquante, à propos de Georges Perec, «Interdits.net» (2003) La bombe Foucault, « www.Interdits.net » (2001)



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