Les mémoires de Claire et Alfred RIFF
Témoignages chrétiens et aventures -1-
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SOUVENIRS D’ENFANCE
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OCCUPATION ALLEMANDE
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INCORPORÉ DE FORCE DANS L’ARMÉE ALLEMANDE
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ROBERTSAU
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MENUISERIE RIFF
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HOMMES D’AFFAIRES DU PLEIN ÉVANGILE
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VISION POUR MADAGASCAR
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MADAGASCAR
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MISSION
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NOTRE MISSION EN AFRIQUE DU SUD
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L’ASM : AFRICA SCHOOL OF MISSIONS
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AMÉRIQUE
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ISRAËL
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VOYAGE EN ASIE
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AUTRES VOYAGES AUTOUR DU MONDE
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DIVERS
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PRÉFACE Premier livre, première expérience. A 88 ans, après une vie remplie de témoignages chrétiens et d’aventures, écrire un livre n’est pas une petite affaire. Commencer à pianoter sur un ordinateur à cet âge, c’est un encouragement pour tous ceux qui veulent aller de l’avant, vers l’inconnu, la nouveauté. Le secret, c’est de puiser sa force en Christ. Bien … Le style est particulier, mais c’est le style d’Alfred, dans toute sa simplicité. Avec un mélange d’allemand, d’alsacien, de français et d’anglais, le tout assaisonné d’humour, … et on reconnaît bien notre cher ami et parent, c’est bien lui, c’est bien son histoire et celle de Claire. Mais c’est aussi et d’abord un recueil historique, évoquant l’Alsace avant la guerre, mais aussi les Alsaciens pendant l’évacuation et l’occupation allemande. Des périodes que beaucoup d’entre nous n’ont pas connues. On pourrait remplir plusieurs livres, s’il fallait mentionner toutes les bénédictions de Jésus et les riches expériences spirituelles vécues, s’il fallait énumérer ou quantifier les matériaux, la nourriture ou les fonds partagés et expédiés à travers l’Europe, l’Asie, l’Afrique et ailleurs, ou encore, s’il fallait citer tous les hommes et toutes les femmes au service de Dieu qui ont croisé la route de Claire et d’Alfred Riff. Quant à moi, je suis heureux d’avoir croisé leur chemin, tout au début de ma conversion. Et de les avoir accompagnés de loin ou de près, pendant plus de trente ans, dans leur pérégrination, ou plutôt dans leur pèlerinage. Je suis convaincu que nous avons tous besoin d’amis comme Alfred et Claire : d’exemples, de mentors, de référents ou de tuteurs. Pour pouvoir à notre tour, un jour, accompagner, entourer, guider un jeune frère en Christ. Je pense que dans l’Église et avec notre entourage, nous avons besoin, toujours et encore, d’apprendre et de réapprendre l’amour, la communion fraternelle et le partage, c’est là notre défi. Ce livre est le témoignage d’une vie remplie, protégée et gardée dans la main de Christ. Son but est de conserver l’histoire de deux pionniers du monde évangélique alsacien… Mais c’est aussi un témoignage pour la famille, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants. Un partage d’histoires issues d’un autre monde, avec de beaux souvenirs d’enfance à la campagne. Mais aussi un récit sur la folie de la guerre, destructrice, meurtrière, … aujourd’hui, on a bien raison de militer pour la paix, contre le « fascisme », et de parler haut et fort de l’Amour de Dieu. C’est, enfin, le témoignage d’un christianisme engagé, mais aussi la réponse d’un Dieu vivant qui prend soin de ses bien-aimés, et qui les bénit en retour. À lui la gloire. Ton voisin et frère en Christ, Jean-Jacques
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REMERCIEMENTS et INTRODUCTION Tout d’abord, un grand merci à Jean-Jacques pour la préface de mon livre. Avec beaucoup de sagesse, il a résumé l’essentiel de ce document. Je tiens à remercier également tous ceux qui ont participé à l’élaboration et à l’écriture de ce livre, et notamment mon épouse Claire, mon fils Bernard, Denis Kraft, Bernadette et Jean-Jacques Klug. Et aussi tous ceux qui se sont donné la peine de lire et de relire mes notes : merci pour leurs conseils, leurs corrections, et merci, surtout, d’avoir accepté et tenu compte de mon franc-parler. Pour ceux qui ne me connaissent pas, c’est une bonne occasion pour moi de partager avec vous mon histoire : une vie remplie d’aventures, de voyages et de bénédictions. C’est vrai, ma vie a été une grande aventure, qui a commencé à l’âge de quatorze ans. C’est à cet âge que j’ai découvert la chose la plus importante d’une vie, c’est que Dieu existe. Et c’est pour cette raison que j’ai décidé, adolescent, de suivre Celui qui a créé le monde et tout l’univers. Je ne parle pas de religion. On entend souvent dire que la religion, ce n’est que pour les personnes âgées. On dit aussi, parfois, qu’un chrétien ne peut pas profiter de la vie. Je ne suis pas religieux, mais croyant. Ce document ne se lit pas comme un roman d’amour. On peut le lire par étapes, dans le calme. Je vous demanderais simplement d’accepter et de supporter mon style alsatique, avec mes fautes de grammaire, et mon humour, qui m’accompagne partout où je vais… Ce livre est aussi un document, surtout les passages concernant l’évacuation en Dordogne, la guerre et aussi l’époque où, juste à la fin de la guerre, j’ai été fait prisonnier par les Russes, à Berlin. Vous reconnaîtrez, dans ce témoignage, la main de Dieu avec ses miracles. Oui, j’ai bien dit « miracles ». On utilise trop souvent une autre expression : « Il avait de la chance !» Chez les chrétiens, on ne parle pas de chance. Quelqu’un a dit un jour : « On ne meurt pas à cause d’un accident ou d’une maladie, mais on meurt parce que c’est la volonté de Dieu.» Je suis du même avis. Ce livre a été écrit pour encourager les personnes découragées. Il ne faut jamais perdre l’espérance. Il a aussi été écrit pour des personnes qui ne croient pas en Dieu. Chacun peut faire cette expérience, j’ose dire qu’on peut même mettre Dieu à l’épreuve. Naturellement, ces mémoires ont surtout été écrits pour les personnes de notre famille. Peut-être le seul témoignage qui restera de Mamie et de Papi, lorsqu’un jour ils ne seront plus là. En écrivant ces mémoires, j’ai souvent pensé aux nombreux amis que nous avons eus dans le monde, près de chez nous et jusqu’aux extrémités de la terre. Bien sûr, je ne veux pas oublier la personne la plus proche et la plus importante dans ma vie : Claire. Avec elle, j’ai partagé 60 ans déjà, et nous avons fêté nos noces de diamant le 23 avril 2013. Mai 2013 Alfred RIFF
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Chapitre 1 SOUVENIRS D’ENFANCE St. Goar (dans la vallée du Rhin en Allemagne) L’Allemagne a perdu la Première Guerre mondiale (de 1914 à 1918) et la France a occupé une partie du pays ainsi que la vallée du Rhin. Comme mon père travaillait comme pilote sur le Rhin, on l’a engagé pour piloter les bateaux des firmes françaises à travers les rochers de la Lorelei, jusqu’à Bingen. Mes parents ont donc déménagé de l’Alsace à St. Goar, tout de suite après leur mariage, en 1923. Ma sœur Berthe est née un an plus tard à Oberseebach, en Alsace. Moi, je suis né à Koblenz (Coblence), en Allemagne, en 1925. Raymond, le plus jeune, est né à St. Goar en 1927. Nous avons donc vécu notre petite enfance à St. Goar. C’est une petite ville au bord du Rhin, entre Bingen et Koblenz, accolée aux montagnes du Hunsrück. Sur la colline, en montant vers le Hunsrück, il y a un grand château : le Rheinfels. Tous les ans, il y avait une grande fête et je me rappelle que le clou de la fête consistait à tirer sur un grand aigle en bois fixé sur le haut d’un mur. Et celui qui arrivait à le faire tomber ainsi était couronné le Schützenkoenig (le champion des tireurs), le roi de la fête. Je me rappelle d’un hiver extrêmement froid : le Rhin était complètement gelé et j’avais attrapé une double pneumonie. Les antibiotiques n’existaient pas encore. Le médecin avait dit : « Si à minuit, il n’y a pas d’amélioration, il n’y aura pas d’espoir de survie. » Mais j’ai survécu cette nuit-là, ce n’était pas encore mon heure. Je me rappelle également d’un accident. J’ai été percuté par une voiture, juste devant notre maison, on m’a ramassé sous la voiture, mais là s’arrête mon souvenir. J’avais tout juste cinq ou six ans.
Je possède une photo d’un de mes anniversaires au jardin d’enfants. Ma mère avait offert des gâteaux et du cacao pour toute la classe. -5-
définitivement St. Goar pour rentrer en Alsace, donc en France.
Je me rappelle encore d’une grave inondation aux abords du Rhin. Toute la ville était sous l’eau. Je vois toujours cette scène où l’eau du Rhin sortait subitement des égouts, remplissant les caves et montant jusqu’au premier étage.
Retour en Alsace Pendant quelques mois, nous avons habité dans le village de ma mère à Oberseebach. J’étais obligé d’aller à l’école dans ce village et j’ai commencé à apprendre le français avec les enfants de six ans, alors que moi j’en avais déjà huit ! C’était humiliant pour moi et très pénible.
Notre logement était un rez-de-chaussée surélevé, le locataire qui y avait habité avant nous nous avait parlé d’une crue au cours de laquelle l’eau était rentrée par la fenêtre, avait longé le plafond et était ressortie par la fenêtre de l’autre côté.
Après quelques mois, nous avons déménagé à la Robertsau, un faubourg de Strasbourg où mes parents avaient acheté une maison. Une nouvelle vie a commencé pour nous. Nos camarades de la rue de l’Angle n’avaient pas la chance de voyager comme nous (les gens voyageaient à peine, à cette époque), alors que nous, nous nous déplacions tous les ans de l’Alsace à St. Goar, aller-retour. Les vacances en Allemagne duraient environ deux mois. Chaque fois, nous prenions le train et nous passions la frontière à Wissembourg. Contrôle des bagages par les douaniers. Pour nous, c’était une petite aventure révoltante, qu’une personne en uniforme ose fouiller dans nos bagages pour chercher je ne sais quoi !
Comme beaucoup d’autres garçons, j’étais parfois un vrai petit voyou. Un jour, un homme qui faisait le même travail que mon père, m’avait donné de l’argent pour que je lui achète des cigarettes. Au lieu d’acheter des cigarettes, je m’étais acheté des bonbons chez le boulanger. On peut imaginer la suite de l’histoire, lorsque plus tard, il m’a attrapé... Une autre fois, j’avais attaché un objet à une longue ficelle, je l’avais placé sur le chemin d’un parc, et je m’étais caché derrière une haie. Lorsque quelqu’un se baissait pour ramasser l’objet, je tirais sur la ficelle. Le résultat était toujours le même lorsqu’on m’attrapait… mais j’ai appris à courir très vite. J’allais à l’école. Je parlais l’allemand et le dialecte de la région. Personne ne parlait le français. Il faut préciser que mes parents étaient nés pendant la période où l’Alsace était allemande (de 1870 à 1918, donc pendant 48 années). Je peux dire que les années en Allemagne étaient heureuses pour nous les enfants, car nous ne nous préoccupions pas de la politique. En 1933, Hitler a pris le pouvoir. On voyait les gens s’inscrire dans le Parti nationalsocialiste (nazi) et la jeunesse, filles et garçons, dans la Hitlerjugend (jeunesse hitlérienne). Hitler a chassé les occupants français et nous avons dû quitter
A Oberseebach (aujourd’hui Seebach), la ferme dans laquelle mamama Riff est née. De gauche à droite : Georges un cousin de ma mère, Claire, ma mère, Salomé la femme de Georges et Martin le frère de ma mère. Aujourd’hui il n’y a que Claire encore en vie.
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De St. Goar à la Robertsau Nous avons habité à la Robertsau dès notre arrivée de St. Goar. J’allais à l’école à la Robertsau. Mais comme nous avions habité en Allemagne et que je ne parlais pas le français, j’étais en retard d’une année. A St. Goar, nous parlions le dialecte de ma mère, c’est-à-dire celui d’Oberseebach. Avec les copains allemands, nous parlions le dialecte de la région rhénane. Vacances à Seebach Pour partir en vacances, on prenait le train de l’Allemagne à l’Alsace. Tous les ans, nous passions nos vacances non pas à St. Goar mais à Oberseebach et à la Wantzenau. Pour nous rendre à Oberseebach, nous descendions du train à Hunspach. Mon oncle Martin (le frère de ma mère), qu’on appelait Martel, nous attendait avec ses deux chevaux et son attelage dans lequel nous nous installions et c’était pour nous une immense joie. Martel était costaud, bruni par le soleil, il se faisait une joie de nous ramener à la ferme. Une tante de ma mère nous y attendait. On la nommait Grosel, ce qui veut dire « vieille tante » ou « grand’mère ». C’était une vieille femme qui se plaignait tout le temps. Dans la même maison habitaient aussi son fils et sa bellefille : Georges et Selmel (Salomé). Et leur fils à eux s’appelait aussi Georges, mais lui, on l’appelait Georgel. Il avait un an de plus que moi.
Fête au village de Seebach avec nos amis d’Afrique du Sud Sieglinde et Harry Brandt.
C’étaient pour nous des vacances idéales. Nous avions beaucoup d’amis. Derrière la ferme se trouvait le cimetière où reposent nos ancêtres. Je n’ai qu’un vague souvenir de mon grand-père. Il y avait aussi beaucoup d’arbres fruitiers et j’allais souvent ramasser des pommes, des poires, des quetsches, des mirabelles, etc. Seebach était pour moi un petit paradis. Nous mangions les produits de la ferme. J’aimais leur cuisine. Lorsque j’étais petit, il me fallait monter sur une chaise pour grimper dans mon lit, tellement il était haut, et, pour me couvrir, il y avait un gros duvet bien lourd. Un jour, nous avons cherché du foin et j’étais assis sur l’attelage, qui était chargé jusqu’en haut. Une fois dans la grange, j’ai voulu sauter en bas, mais j’ai mal évalué la distance et je suis tombé de plusieurs mètres de haut, sur le dos. J’aurais pu mourir, mais je n’avais aucune blessure, juste une très grande frayeur. Nous, les enfants, nous devions travailler dans les champs, tout comme les grandes personnes. Pour la cueillette des haricots, nous étions obligés de nous lever très tôt pour être dans les champs à cinq heures du matin. Oui, j’ai bien dit cinq heures du matin.
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Vacances à la Wantzenau Après trois à quatre semaines passées à Seebach, c’était le moment de quitter la famille de ma mère. Martel nous ramenait à la gare de Hunspach, qui se trouvait à quelques kilomètres de Seebach, et nous prenions le train jusqu'à Hoerdt. Là, l’oncle Wendel, le frère de mon père, nous cherchait avec son Schimmel (son cheval blanc). Toujours cette joie de monter sur l’attelage et de faire les quelques kilomètres pour aller à la Wantzenau, village de mon père. La vie était différente. Il y avait la grand-mère, Helmine, qui était très gentille. La femme de Wendel qui s’appelait Mathilde et leurs deux garçons, Robert et Charlot, puis leur fille Marie-Thérèse, née quelques années plus tard. Il y avait aussi un knecht (un commis de ferme), un Allemand, ancien prisonnier de guerre. Là, nous n’avions pas de copains. La vie se passait uniquement en famille.
Avec ma sœur Berthe à la ferme de la Wantzenau.
Plantation de peupliers à Seebach Ma mère avait hérité d’un pré à Seebach, dans son village natal, qui ne nous rapportait rien du tout. Avec son accord, j’ai donc planté des peupliers sur ce terrain. J’avais demandé au cousin de ma mère, un « drôle de personnage », de me montrer le terrain. C’était un pré au milieu d’autres prés. Il m’avait montré où se trouvaient les bornes du terrain. D’ailleurs, il possédait lui aussi un pré, de l’autre côté de la rivière. En automne, j’ai acheté une centaine de jeunes peupliers, puis, avec quelques-uns de nos ouvriers, nous sommes allés sur le terrain. Nous avons même dû creuser des tranchées pour l’écoulement de l’eau, car le terrain était un peu marécageux. Ensemble, on a fait une centaine de trous et planté les jeunes peupliers. A la fin de cette journée fatigante, nous avons pris le chemin du retour vers Strasbourg (environ 60 km.) Tous les ans, je suis allé voir ces peupliers qui ont bien grandi dans ce terrain humide. Entretemps, d’autres cultivateurs ont eu la même idée. Et au fur et à mesure, la région est devenue une vraie forêt. J’ai mesuré de temps en temps le diamètre des arbres. Il était déjà de 40 à 50 cm. Les années ont passé. Le cousin de ma mère et sa femme sont morts. Un jour, après leur mort, un de leurs voisins est venu me voir pour me dire que les arbres que j’avais plantés ne se trouvaient pas sur le terrain de ma mère mais sur son terrain et que le terrain qui appartenait à ma mère était en fait celui que le cousin avait exploité. Ma déception fut naturellement immense. Juridiquement, je ne pouvais rien faire. Peu après, le voisin a fait couper les arbres et les a vendus. Naturellement, ce voisin aurait pu faire un geste en notre faveur mais rien de rien. Une déception, donc…
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Chapitre 2 OCCUPATION ALLEMANDE
Fin août 1939 C’était fin août 1939, mon père voulait absolument que j’embarque sur un chaland, sur le canal. Ce n’était pas mon rêve. Un soir, il m’a déposé sur un chaland près de l’Orangerie, à Strasbourg. Les occupants venaient du village d’Offendorf, en Alsace. Il y avait à bord une jeune fille rousse que je n’appréciais pas du tout, elle n’aurait certainement pas été élue « Miss Alsace ». J’étais malheureux, les larmes coulaient la nuit. Le lendemain, on a commencé à naviguer, en direction du Haut-Rhin. Déclaration de guerre Tout le monde avait la conviction qu’une guerre avec l’Allemagne était imminente. Effectivement, la déclaration de guerre eut lieu le 1er septembre 1939. Mon père m’a recherché lorsque nous étions près de Plobsheim et je suis rentré à Strasbourg, heureux et soulagé. J’aurais certainement pris la fuite en cours de route. Évacuation Tout de suite, le préfet a donné l’ordre d’évacuer toute la population de la ville de Strasbourg, ainsi que celle de tous les villages du Nord de l’Alsace longeant le Rhin et la frontière avec l’Allemagne. Les Allemands avaient construit des fortifications (des bunkers) le long du Rhin qu’ils appelaient « la ligne Siegfried ». Du côté français, des fortifications similaires avaient été construites : « la ligne Maginot ». Tout le monde croyait que la guerre aurait lieu aux frontières de l’Alsace et de la Lorraine. Ce fut la raison de l’évacuation, afin de préserver les habitants des batailles présumées. L’exode de la plupart des Strasbourgeois se faisait à pied. Certaines personnes possédaient des voitures, mais l’armée les a réquisitionnées très vite. Certains partaient par les trains mis à la disposition des réfugiés. Mes parents, mon frère, ma sœur et moi-même avons commencé l’exode à pied, avec une charrette, et juste le strict nécessaire. Partis en direction de Molsheim, avec des milliers d’autres personnes, nous avons atteint vers le soir le village de Wolxheim, à 30 km de Strasbourg. Après y avoir passé la nuit, nous avons été embarqués dans des wagons de chemin de fer, et après deux étapes nous sommes arrivés dans les Vosges. Le Blitzkrieg : la guerre éclair Adolf Hitler a déjoué les plans des alliés. Il a contourné toute la ligne Maginot par le Luxembourg, la Belgique et la Hollande et a vaincu, par surprise et en peu de temps, les armées alliées (anglaises et françaises), ces armées défaitistes, mal organisées et pas du tout préparées à se battre contre une armée allemande fanatique, remplie d’idéaux et bien entraînée. C’était cela, le Blitzkrieg.
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En route vers « l’intérieur » de la France Après deux semaines d’attente dans les Vosges, nouveau départ vers un avenir inconnu. Nous voilà entassés dans des wagons à bestiaux. Au sol, il y avait de la paille. Le moral, surtout pour les personnes âgées, était au point zéro. Moi, j’avais juste quatorze ans et quatre mois. À cet âge, on n’a pas de problèmes, au contraire : tout est aventure. Après quelques jours dans ces wagons, nous sommes enfin arrivés à Périgueux, en Dordogne. De là, transport vers Ribérac et après, en camion, nous sommes arrivés à notre destination définitive. L’adresse était : « le Moulin de Laudibertie à Festalemps ». L’accueil en Dordogne L’accueil était tout sauf cordial. On nous disait : « Juste pour une nuit !» Nous étions considérés comme des « schleus » et des « boches » (surnoms qu’on donnait aux Allemands, et à nous, comme notre dialecte est germanique). Naturellement, c’était compréhensible avec nos « ja, ja » et les personnes âgées ne parlaient pas un mot de français. Enfin, comme personne ne pouvait changer la situation, les habitants qui nous logeaient se sont calmés et en fin de compte, nous sommes devenus amis. Ma sœur est restée en correspondance avec les jeunes de cette époque, pendant soixante ans, jusqu’à son décès. Vie de réfugiés Il faut dire que nous n’habitions pas un hôtel de luxe. Nous avions deux chambres à notre disposition. Un sol en béton et une cheminée ouverte dans seulement une des chambres. Dans ces deux chambres vivaient notre famille de cinq personnes, un vieux couple (Joseph et Madeleine) avec le père de Madeleine, âgé de plus de 80 ans, ainsi qu’une jeune femme seule avec son garçon de cinq ou six ans, soit dix personnes. Tous faisaient la cuisine à la cheminée au bois, mais plus tard nous avons reçu un petit four. Je plaignais ma mère qui devait préparer les repas en se disputant le peu de place sur le petit fourneau. Nous dormions sur la paille, par terre, entre les bagages. Moi, de mon côté, j’étais la plupart du temps chez mon copain, Gilbert, qui avait été mon voisin en Alsace, et qui se trouvait maintenant à quelques kilomètres de chez nous en Dordogne. Nous allions souvent à la pêche ou à la recherche de champignons. En bas du village, il y avait un petit ruisseau, j’avais fabriqué des cages en fil de fer et je les plaçais à certains endroits dans le ruisseau. J’attrapais des brochets, des anguilles, mais parfois il y avait aussi des rats. Joseph était menuisier de métier. Un jour, j’en avais assez de dormir par terre sur de la paille. J’ai fabriqué des lits en bois avec des planches, des clous et des outils que j’ai trouvé dans une grange. Lorsque Joseph, le menuisier, a vu ce gamin de quatorze ans qui commençait à bricoler des lits, il en a eu honte et il m’a donné un coup de main. Finalement, nous avions un cadre de lit à 50 cm du sol, sur lequel nous mettions de la paille, et, en dessous, un endroit pour ranger nos bagages. Un matin, nous avons découvert que le père de Madeleine était mort subitement dans la nuit. Nous avons su, par la suite, que le vieil homme avait environ 200 000 francs dans ses bagages, une vraie fortune à l’époque. Tous les trois étaient des grands avares, et en plus ils avaient mauvais caractère. Des gens riches leur avaient proposé une belle maison, une sorte de petit château avec parc, juste à 100 m de là où nous étions logés. Ils leurs avaient demandé un loyer de 25 centimes par jour, mais ils préféraient dormir gratuitement sur la paille, entassés dans une chambre avec dix personnes. Il faut dire que les propriétaires du petit château ne voulaient pas louer à des gens avec des enfants, sinon mes parents n’auraient pas hésité à le louer. Nous sommes restés à cet endroit toute une année, presque jour pour jour. - 10 -
Les premiers soldats allemands Entre-temps, l’armée française avait perdu la guerre. Les soldats allemands sont venus jusque dans notre village. Les habitants avaient très peur. Par contre nous, les réfugiés alsaciens qui savions parler l’allemand, nous avons pu nous entretenir avec les soldats et ainsi ils n’ont fait aucun mal aux habitants. Première embauche, sur un chaland avec mon père Comme nous n’avions pas grand-chose à faire, mon père avait eu une drôle d’idée, celle de me faire embaucher comme berger. Mais après mon refus, il décida de partir avec moi (à Toul, via Paris) pour prendre possession d’un chaland sur le canal (de la Marne au Rhin). Je n’osais pas le contrarier, mais d’avance je sentais que nous aurions des aventures et des problèmes. Nous sommes allés en train à Paris, où nous nous sommes rendus au bureau de la navigation sur les canaux. Ils nous ont indiqué un chaland qui se trouvait à Toul. C’était un pétrolier. Arrivés làbas, nous nous sommes installés plus ou moins bien, un peu comme deux célibataires stupides. Première aventure de mariniers Le premier jour, nous étions attachés à un remorqueur et nous traversions Toul. Le bateau étant vide, donc léger, et nous nous rapprochions dangereusement du remorqueur. Il n’y avait pas d’ancre pour stopper la vitesse, mais il existait une chaîne qu’on pouvait faire descendre dans l’eau. Mais cette chaîne freinait trop fort, et nous n’arrivions plus à la remonter, le système était bloqué. Que faire ? Il y avait une solution : avec un morceau de ferraille, j’ai cassé le système et toute la chaîne est tombée dans l’eau. Sans doute qu’elle se trouve encore aujourd’hui au fond du canal à Toul. Deuxième aventure … bosses et palabres Un autre jour, un chaland venait en sens inverse à notre rencontre, juste devant un pont. Nous ne pouvions pas freiner et nous avons foncé en plein sur le chaland. Grandes palabres, bien sûr, des bosses. Nous avons dû nous rendre à la mairie pour faire un constat et beaucoup de « bla, bla, bla ». Troisième aventure … histoires de marins d’eau douce Sur la plate-forme du chaland se trouvait un plus petit bateau que nous aurions dû mettre à l’eau. Comme le chaland était vide, il était plus haut. Quelque part en Lorraine, je voyais qu’on s’approchait d’un pont et à cause du petit bateau nous étions trop hauts pour passer sans dommage. Seulement nous n’avions pas de freins et voilà que, dans un grand fracas, notre petit bateau s’est retrouvé en mille morceaux sur le pont. Quatrième aventure … à la soupe ! On mange ! Comme mon père m’avait désigné comme cuisinier pour nous deux, je préparais un pot-au-feu, alors que nous n’avions qu’un petit réchaud à pétrole. J’ai dû faire un faux mouvement et voilà notre repas par terre. Mon père pouvait se mettre dans de très grandes colères et je craignais le pire. Je me suis dépêché de remettre dans le pot le morceau de viande et les légumes et j’ai ajouté de l’eau, puis j’ai nettoyé le sol. Heureusement, mon père n’a rien remarqué, il était seulement étonné de me voir nettoyer le sol. Mais la soupe était probablement bonne, surtout quand on a faim… - 11 -
Cinquième aventure des Dachkandelsmariner (selon une expression alsacienne peu connue signifiant « marins de gouttière ») Nous sommes arrivés à destination, à Mommenheim (un village alsacien) où nous devions charger du pétrole. Comme nous ne comprenions rien au chargement, nous leur avons fait confiance, mais ils ont surchargé le bateau. Oh, la, la ! Nous touchions le fond (ou le sol) du canal et les tracteurs avaient du mal à nous tirer. L’hiver commençait à devenir rude. Nous sommes arrivés jusqu’à Lutzelbourg et là, le bateau s’est pris dans la glace. On en avait vraiment ras le bol. Nous avons quitté le bateau avec chacun son balluchon et nous sommes retournés à Paris au bureau des transports sur canaux. Bien sûr, on ne nous a pas fait de compliments et nous avons eu droit à de belles remontrances. Nous nous sommes fait porter malades. Sixième aventure … avec les 40 voleurs Il commençait à faire nuit à Paris. À la gare de l’Est étaient entreposés de nombreux lits de camp. Nous avons demandé à un chef de gare si nous pouvions passer la nuit sur ces lits. Il nous a dit que ces lits étaient réservés pour des militaires de passage. Il nous a proposé de le suivre et, plus loin, il nous a fait entrer dans un grand local. Il y avait plein d’hommes, debout, assis, couchés sur des sommiers, beaucoup fumaient, ça ne sentait pas très bon. Nous nous retrouvions en plein dans « Ali Baba et les 40 voleurs ». Ali n’était pas présent, mais les 40 voleurs, si ! C’était un asile pour les sans-logis ou, autrement dit, les clochards. Mais comment ce chef de gare pouvait-il nous prendre pour des clochards ? C’était normal, mon père avait une grande moustache et il ne s’était pas rasé depuis bien longtemps (d’ailleurs moi non plus), nous étions mal habillés et en plus nous avions des balluchons à la place d’une valise. Tout indiquait que nous faisions partie des clochards. Naturellement, nous avons immédiatement pris la fuite. Finalement, nous avons trouvé une chambre à l’hôtel et le lendemain nous avons pris le train pour Périgueux – Ribérac. Et, après les quelques kilomètres à pied, dans le froid et la neige, de la gare à notre logement « 5 étoiles », nous avons rejoint nos proches. D’ailleurs les habitants de la Dordogne n’avaient jamais connu un hiver aussi froid avec de la neige, et ils accusaient les Alsaciens de leur avoir apporté cet hiver rigoureux. Notre excursion, avec toutes ses péripéties, était terminée. Retour en Alsace C’était en août 1940. La France était occupée par l’Allemagne et l’Alsace annexée au Reich. Pour le gouvernement d’Hitler, nous les Alsaciens étions considérés comme allemands et nous n’avions donc rien à craindre. Nous pouvions retourner en Alsace. Cette fois, ce n’était pas dans des wagons à bestiaux. Nous avons eu droit aux wagons de voyageurs. Arrivés à Strasbourg, nous étions accueillis avec de la musique, des fanfares et un discours de bienvenue, non pas en langue française, mais en allemand, assaisonné de plein de croix gammées, ce que nous découvrions pour la première fois. Une page de l’histoire était terminée. Malheureusement, beaucoup de drames allaient suivre.
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Chapitre 3 INCORPORÉ DE FORCE DANS L’ARMÉE ALLEMANDE De retour de Dordogne Après le retour en Alsace, de la Dordogne où nous nous étions réfugiés pendant un an (de 1939 à 1940), notre chère patrie l’Alsace était sous le joug allemand, donc rattachée « au Reich » et automatiquement, nous avons eu la nationalité allemande. Arbeitsdienst (service du travail obligatoire) et apprentissage J’ai eu la chance de trouver une place comme apprenti dans l’usine Junkers Werke à la Meinau (à l’endroit où se trouve aujourd’hui le grand Garage Citroën). Ils fabriquaient des moteurs pour les avions Junkers. Comme nous travaillions pour l’aviation allemande, comme apprentis, nous étions automatiquement enrôlés dans la Flieger Hitlerjugend (jeunesse hitlérienne de l’aviation). Nous étions obligés de mettre un uniforme avec un bandeau au bras gauche avec la croix gammée. Nous faisions des exercices tous les jours, marcher au pas et chanter des chants hitlériens. En général, les Alsaciens étaient contre le régime hitlérien, pas spécifiquement antiAllemands, mais contre la dictature totalitaire nazi. Stage de vol à voile Les Allemands s’occupaient beaucoup de la jeunesse, ainsi j’ai pu faire un stage de vol à voile, près du village de Kirrwiller, du 8 au 22 août 1941. Notre « avion » était assez primitif, nous devions le tirer en haut d’une colline, et une fois en haut, le pilote s’installait sur le siège. Il y avait deux pédales pour la direction gauche ou droite et un manche pour la direction vers le haut ou vers le bas. À l’avant était attachée une double corde en caoutchouc tirée par quelques copains et, à l’arrière, trois hommes retenaient l’avion. À un signal donné, l’équipe de devant tirait sur la corde et à un moment précis ceux de derrière lâchaient l’avion, lequel volait quelques centaines de mètres plus bas dans un pré où les paysans faisaient du foin. De temps à autres, l’avion rentrait dans leurs tas de foin. C’est sûr, ils n’étaient pas contents. Ces exercices duraient toute la journée, monter sur la colline en tirant l’avion, redescendre en quelques instants et ainsi de suite. Le soir, nous étions fatigués et affamés. Le repas qu’on nous servait au restaurant ne suffisait de loin pas pour satisfaire notre appétit et ainsi mon ami Sepp et moi faisions des balades dans les jardins qui entouraient le village. C’était la saison des fruits et nous avons pu compléter notre repas par des mirabelles, des mûres et d’autres fruits. Pour nous, ça a été une période inoubliable.
Stage de vol à voile à Kirrwiller. - 13 -
Stage de ski J’ai également pu faire un stage de ski en Forêt Noire, près du Feldberg. Le village s’appelait Altglashütten. Dans l’usine Junkers, j’ai appris le métier d’ajusteur. J’ai réussi mon examen avec une mention bien, le 24 juillet 1943. Le 10 octobre 1943, Strasbourg a été bombardée en plein jour. C’est surtout le faubourg du Neudorf qui a été le plus touché. Le 28 septembre 1943, j’ai été licencié et le 4 octobre, j’ai été incorporé de force dans le RAD, (abréviation désignant le Reichsarbeitsdienst, le service de travail obligatoire du Reich). C’était plus ou moins un camp de travail prémilitaire qui se situait à Mainz (Mayence). J’y suis resté jusqu’au 2 janvier 1944. Incorporé de force dans la Luftwaffe Quelques semaines après mon retour à Strasbourg, le 25 janvier 1944, j’ai été incorporé de force dans la Deutsche Luftwaffe (l’armée de l’air allemande). Là, c’est une autre vie qui a commencé, vraiment difficile. Pourtant, l’armée de l’air avait quelques avantages sur l’armée de terre : nous étions constamment en déplacement, d’un aéroport à l’autre, en France, en Hollande, et naturellement en Allemagne. C’est ainsi que, vers la fin de la guerre, je me suis retrouvé à l’aéroport de Berlin. L’incorporation dans l’armée de l’air J’ai donc été incorporé le 25 janvier 1944, contre ma volonté comme la plupart des Alsaciens. Quand on est jeune (j’avais à peine dix-neuf ans), on ne se rend pas immédiatement compte de l’importance cruciale d’un tel moment. Les plus âgés qui étaient aussi enrôlés ne l’ont pas vu de cette façon. Pour la plupart, qui étaient mariés et avaient des enfants, c’était très dur. Ils étaient vraiment malheureux et furieux d’être séparés de leurs bien-aimés. Nous avons donc embarqué à la gare de Strasbourg. Le train dans lequel on se trouvait était exclusivement bourré d’Alsaciens incorporés. Pendant que le train se mettait lentement en route, tous, dans un même chœur plein de rage et de colère, chantions la Marseillaise. Les gardes allemands responsables du convoi n’ont rien dit, mais ils pensaient presque à haute voix : « Attendez seulement, on va déjà s’occuper de vous ! » Premiers jours dans l’uniforme allemand C’est ce qu’ils ont fait en arrivant à Crailsheim, en Allemagne. Crailsheim est une ville qui se trouve aux environs de Stuttgart. Nous étions transférés dans des baraquements et le « cinéma » a commencé immédiatement. Il fallait se débarrasser de nos vêtements civils et endosser l’uniforme allemand de l’aviation. À partir de ce moment, nous avions le privilège et l’honneur de participer à la construction du millénaire nazi. des wagons à bestiaux et le voyage a commencé vers le sud de la France dans une petite ville du nom de Lamalou-les-Bains. Nous n’avons rien vu des bains. Les exercices ont commencé tout de suite. Tout était fait pour nous intimider, nous les Alsaciens, pour nous faire comprendre qui étaient les chefs et nous rappeler que nous n’étions que des numéros. J’ai fait beaucoup de gardes la nuit, car nous étions, après tout, dans un pays ennemi occupé (pas pour nous les Alsaciens).
Lamalou-les-Bains Après deux semaines, logés dans notre hôtel 5 étoiles, nous étions tous transférés dans - 14 -
Interprète Moi, j’avais un grand privilège. Mon sous-officier avait une fiancée dans ce patelin et, comme il ne parlait ni n’écrivait le français, il m’a demandé de traduire ses lettres d’amour du français à l’allemand et inversement. J’ai fait ce travail avec un grand plaisir et avec une grande ferveur. Je pense que j’ai fait un bon travail, même si je n’avais encore aucune expérience dans le domaine de l’amour. En route vers la Hollande Après des semaines d’entraînement, nous étions de nouveau déplacés, cette fois-ci en Hollande. Pendant quelques jours nous avons été sur les routes, à travers la France, en passant par Paris, et nous sommes enfin arrivés dans une ville du nom de Best, en Hollande. Notre train était constitué de trois wagons de soldats alsaciens et d’un convoi de marchandises. En route, pendant une halte, certains de nos camarades ont découvert un wagon plein de cartons de bouteilles de Cognac, et un autre wagon plein de petits-beurres. Ils ont cassé les plombs des wagons, et tout le monde s’est richement servi, « un libre-service grandiose ». Les gardes n’ont rien vu, ou n’ont rien voulu voir. On peut s’imaginer la beuverie où presque tous étaient ivres. Moi, je ne voulais pas participer à leur cinéma. Arrivés à Best, transfert dans un couvent de sœurs catholiques. Malgré le bon hôtel, les exercices continuaient sans relâche.
En janvier 1944 sur un aéroport quelque part en Allemagne. Humiliations Pendant les alertes, pendant que des formations de bombardiers nous survolaient pour aller bombarder des villes allemandes, nous nous réfugions dans des trous creusés dans le sable. À cette occasion, un peu de sable s’était infiltré dans le fourreau de ma baïonnette. Pendant l’inspection, mon supérieur l’avait remarqué (pas moi !). Lui, par expérience, connaissait le « truc » du sable qui rentre partout. Comme punition, exercice le dimanche après-midi, pas de quartier libre, mais de l’exercice dans le sable en plein soleil. Naturellement, je n’étais nullement enchanté. Et pendant ces exercices humiliants, l’idée m’était venue : et si maintenant je me sentais mal, que se passerait-il ? Dans un cas pareil on ne pourrait pas me punir, on ne pourrait pas non plus me dévorer. Alors je me suis couché dans le sable et j’ai feint un malaise. Naturellement, le sous-officier a braillé comme un fou, et moi je me suis dit : « Tu peux me … si tu veux ». Et finalement, il ne pouvait pas brailler éternellement, donc il m’a laissé tranquille. Pour moi, c’était une bonne leçon ou une bonne expérience que j’ai décidé d’appliquer à l’avenir. On apprend toujours à se débrouiller, même si on n’a que dix-neuf ans. - 15 -
À Veghel Après quelques semaines, nouveau départ pour une autre ville, ou village, du nom de Veghel. Même cinéma qu’à Best. Après quelques semaines d’exercices, autre départ, toujours en Hollande, à Heubergen. J’ai souvent dû faire la garde de nuit. En Hollande, il y avait pas mal de maquisards. Une nuit, un camarade alsacien a reçu une balle à l’épaule pendant qu’il montait la garde, heureusement sa tête n’a pas été touchée. De l’argent plein les poches Un jour, on m’a demandé d’accompagner un sous-officier qui allait à Amsterdam pour chercher de l’argent. C’était une sortie agréable. Comme cet étourdi n’avait pas emmené de sacoche pour mettre l’argent, on devait mettre l’argent dans nos poches. On avait de l’argent, comme on dit, « plein les poches ». Une autre fois, on cherchait quelqu’un qui savait souder du fer. L’officier avait l’air sérieux et comme tout le monde était méfiant, mais pas moi, je me suis présenté : « je sais souder », ce qui était vrai. Il y avait le stand de tir à réparer, et j’ai pu choisir un camarade, et pendant que les autres étaient « dressés », nous, nous avions la belle vie… pendant quelques jours. Retour en Allemagne Le temps en Hollande a pris fin. Nouveau départ, et cette fois-ci, retour en Allemagne. Mais voilà que notre groupe d’Alsaciens a été dissous, c’est-à-dire que chaque soldat a été envoyé dans un autre régiment en Allemagne. J’avais juste un seul camarade alsacien avec moi. Celui-ci a été envoyé plus tard au front, et a perdu une jambe. En rentrant en Alsace, il s’est mis à son compte comme joaillier. Mais j’ai entendu dire qu’il s’était suicidé par la suite. Rauss ! (dehors !) à Fassberg On a donc pris un train de Hollande pour l’Allemagne. Lors d’un contrôle de police, on a été mis dehors. On n’avait pas le droit de prendre ce train, qui était uniquement réservé aux civils. Finalement, on a atterri sur un grand aéroport du nom de Faßberg (Fassberg) qui se trouve dans le nord de l’Allemagne. Là, on a été instruits comme dans une école, pour apprendre à travailler sur les moteurs d’avions. On avait la belle vie. Cette belle vie a malheureusement pris fin trop tôt, à notre avis. Munich De Fassberg, nous avons été déplacés vers München (Munich). À Munich, il y avait beaucoup de bombardements. Pendant les alertes, il fallait sortir dans la nature et se réfugier dans des trous dans le sol. Il n’y avait pas de bunker. Plusieurs formations de bombardiers nous ont survolés, heureusement sans laisser tomber les bombes. Sachau Après un certain temps, j’ai été déplacé à Sachau sans mon camarade alsacien. Nous n’avons rien vu de la ville ou du village de Sachau. Nous étions logés dans des baraques, dans une forêt avec une immense clairière qui servait de piste d’atterrissage pour les avions. Sur ce terrain, il y avait quatre escadrilles de chasseurs, des Messerschmitt. (Messerschmitt est le nom d’une entreprise allemande qui fabrique des avions depuis 1938). Notre travail consistait à préparer les avions de chasse, dont les pilotes étaient encore en formation, pour qu’ils soient opérationnels dans les prochaines semaines. - 16 -
Première alerte pour nos avions chasseurs Le jour arriva où les pilotes ont dû se battre. La première journée d’alerte, tous les pilotes ont sauté dans leur machine. Comme il y avait quatre escadrilles d’une vingtaine d’avions, il n’y avait pas de temps pour que les avions décollent les uns après les autres, alors il s’est passé quelque chose d’unique. Les vingt avions de chaque escadrille ont décollé ensemble, une escadrille après l’autre, et même pas sur une piste, mais en travers du terrain. En quelques minutes, les quatre escadrilles étaient en l’air. Une aventure inoubliable. Mais le soir, il n’y a que la moitié des chasseurs qui sont revenus sur la base, les autres avaient été abattus. Et moi, je n’ai pas revu mon pilote, un jeune homme très sympathique. Le lendemain, même manœuvre, et presque tous nos chasseurs ont été abattus en deux jours. À Naumbourg Comme on n’avait plus besoin de moi, j’ai été déplacé à Naumburg (Naumbourg). Là se trouvaient les casernes de l’infanterie, je n’étais pas heureux. Comme c’étaient tous des soldats de la Luftwaffe, on faisait encore une fois un dernier tri. Chacun de ces soldats devait se présenter devant une commission d’officiers. Moi, je suis passé à 22h. On m’a posé des questions sur les avions, sur les moteurs, etc. Retour à la Luftwaffe Je pense que j’ai donné les bonnes réponses et c’est ainsi que j’ai pu retourner à la Luftwaffe. Donc, de nouveau, départ pour Leipzig. Leipzig, rien de spécial. Nouveau départ pour Bad Sulza. De Bad Sulza à Frankfurt am Main (Francfort-sur-le-Main). De Francfort à Jüterbog et, finalement, je suis arrivé à Berlin, à l’aéroport de Berlin-Schönefeld. De Jüterbog, on avait pris le train jusqu’à Berlin. Nous étions quatre soldats et deux sous-officiers. Pour nous loger, nous devions nous débrouiller nous-mêmes. On est allés au village, près de l’aéroport. On a regardé dans une ferme où vivait une dame d’un certain âge. Elle disait qu’elle n’avait de la place que pour une seule personne. Intérieurement, j’ai espéré pouvoir rester dans cette ferme. Notre groupe a préféré retourner dans la ville de Berlin. Le village était trop paumé pour eux. Alors ils ont décidé que c’était moi qui devais rester au village. Quel bonheur ! À l’aéroport de Schönefeld J’étais donc devenu un habitant du village de Schönefeld. La dame, une veuve, était très gentille, avec son garçon de dix-neuf ans. J’avais ma ration de nourriture comme soldat et la dame me donnait encore des repas supplémentaires. J’étais donc comme chez moi. Le matin, je faisais le trajet à pied jusqu’à l’aéroport et le soir, le retour. À l’aéroport, je m’occupais de l’entretien des avions, ce qui me plaisait énormément. J’avais vraiment la belle vie. Dénoncé par une femme Dans ce village se trouvait un camp, avec des Français forcés à travailler pour le « Reich ». Un des Français venait de temps en temps à la ferme. Je détournais pour lui de l’huile de moteur d’avions que je cachais dans la grange de la ferme. J’indiquais secrètement au Français l’endroit où se trouvait la marchandise. Tout se faisait en secret, sortir l’huile de l’aéroport sans se faire attraper, et aussi la cachette dans la ferme. C’était un grand risque. Il utilisait l’huile pour la cuisine. Dans la ferme, une femme habitait au premier étage. Elle m’a vu parler avec ce Français incorporé de force dans le service civil, ce qui ne lui a pas plu. Elle m’a donc dénoncé à la police. J’ai reçu l’ordre de me présenter au commissariat. J’en ai informé mon supérieur, qui m’a accompagné, ainsi que cette femme qui m’avait dénoncé. Mon supérieur était à cent pour cent de mon côté. Face à la police, il s’est exprimé de la façon suivante : « Dans cette affaire, une tête va tomber… ». Finalement, tout s’est arrangé, ce qui n’était pas toujours le cas. J’ai gardé ma tête, la femme aussi.
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Un gendarme mécontent Dans la même ferme logeait aussi un gendarme d’un certain âge. Il était surtout obligé de faire la ronde la nuit. Il m’a reproché le fait que les jeunes (c’était moi) puissent dormir tranquillement la nuit, alors que les vieux (c’était lui) étaient obligés de travailler, ce qui n’a pas facilité notre relation. Comme presque toutes les nuits, la sirène hurlait car Berlin était constamment bombardée. Les gens devaient se lever et rejoindre un bunker ou se réfugier dans leur cave. Moi, je sortais même du village. J’avais trouvé dans les champs un grand tas de paille et c’était là que je me sentais en sécurité. C’était une occasion unique de voir la ville de Berlin en feu sous les bombardements.
Bombardement de Berlin Comme l’aéroport était en dehors de Berlin, j’ai pu assister un jour à un bombardement exceptionnel. C’était une belle journée ensoleillée, temps clair. Alarme. J’ai retrouvé mon bunker de paille. De l’horizon, les premières formations avançaient vers Berlin. Une formation était composée de 45 bombardiers. À un signal donné, tous les bombardiers ont lâché leurs bombes en même temps, c’est ce qu’on appelle poser « un tapis de bombes». J’ai regardé ce phénomène pendant presque une demi-heure, formations après formations lâchant des milliers de bombes (pour environ 1 250 bombardiers). Un spectacle beau à voir mais terrifiant, qui signifiait « l’enfer, la mort et la destruction de Berlin ». Chute de Berlin, les derniers jours de la guerre Comme les troupes russes s’approchaient rapidement de Berlin, quelques supérieurs et moimême avons reçu l’ordre de partir avec un avion bombardier vers le sud de l’Allemagne, pour créer une nouvelle base. Comme j’étais « le spécialiste » des moteurs d’avions, ce qu’on appelle le mécanicien, il n’y avait pas grand-chose à faire. Inutile de dire ce que cela représentait pour moi, jeune homme de dix-neuf ans, que de pouvoir participer à un vol. Notre occupation principale était surtout de nous réfugier dans les abris souterrains à cause des alertes de plus en plus fréquentes et des attaques des chasseurs anglais sur notre aéroport. Mais ce qui n’était pas prévu, c’était que l’armée anglaise avancerait plus rapidement que les Russes, ce qui nous a obligés à fuir, et à retourner sur notre base à Berlin, dans le même avion resté indemne jusque-là. Mais très vite, Berlin a été encerclée par les troupes russes, américaines, françaises et anglaises. L’étau de fer se resserrait de plus en plus. La guerre autour de nous faisait rage, c’était l’enfer. En guise de témoignage, je peux dire que je n’avais pas peur : quelque chose en moi me donnait la paix intérieure, c’est une paix que le monde ne peut pas donner. J’avais comme une conviction intérieure que rien de grave ne pourrait m’arriver. J’étais encore un jeune croyant : je m’étais converti au Seigneur quelques années auparavant, à l’âge de quatorze ans. Maintenant, j’en avais dix-neuf. Je n’avais aucune expérience spirituelle, mais Dieu a pourvu pour « la différence ». J’ai souvent pensé à mon meilleur ami, René Ledig. Lui aussi avait été incorporé de force dans l’infanterie. Il avait eu une permission à Strasbourg et avant son départ pour le front russe, il avait dit à ma sœur qu’il ne reviendrait plus. Effectivement, il est mort quelques temps après, quelque part en Russie. Pressentait-il qu’il allait être tué ? J’ai des documents transmis par son frère, au sujet du jour de sa mort. Une grenade ou un obus, qui l’a tué sur le coup, c’était le 25 juillet 44.
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Personne ne sait où est sa tombe. Mort pour qui ? C’était un garçon croyant et nous savons avec certitude qu’il est depuis tellement longtemps dans un monde où il n’y a plus ni larmes ni versement de sang, mais un bonheur parfait et éternel. De retour, donc, sur notre aéroport à Berlin, nous entendions les bombardements de l’artillerie des orgues de Staline, les explosions des dépôts de munitions, les bombardements de la ville de Berlin, jour après jour. Cette fois-ci, la guerre se trouvait juste à notre porte et non plus à des centaines de kilomètres comme les années précédentes. Les semaines et les mois précédents, nous étions habitués aux bombardements répétés, jour et nuit, sur la ville de Berlin, par des centaines et des centaines de bombardiers qui posaient leurs « tapis » meurtriers. Le mot « tapis » venait du fait que lorsque les 45 bombardiers d’une formation laissaient tomber leurs bombes tous ensemble, il ne restait plus rien là où les bombes étaient tombées, cela signifiait donc la destruction complète de tout un quartier d’une grande ville. Oui, maintenant la mort ne venait pas seulement de l’air mais aussi par la terre. C'est-à-dire de toutes les directions. Et moi, jeune homme et jeune croyant, je me trouvais maintenant au milieu de l’enfer, toujours indemne, toujours en vie, et j’ose ajouter, toujours sans peur. Vu la situation désespérée, un soldat et moi avons reçu l’ordre, par l’un de nos officiers, de détruire tous les avions stationnés sur le terrain pour qu’ils ne tombent pas entre les mains de l’ennemi. Armés d’une mitrailleuse lourde de 2 cm (pour les connaisseurs), nous avons fait le tour de l’aéroport pour remplir notre mission avec beaucoup de zèle. À cette occasion, nous avons mis à feu ou en pièces des bombardiers, des avions chasseurs, des avions de transport, etc. Tous ces avions d’une valeur inestimable ont ainsi vécu la fin de la guerre à leur façon. Pour moi, personnellement, il valait mieux détruire du matériel que des vies humaines. J’ajoute que Dieu m’a préservé : je n’ai jamais eu à tirer sur quelqu’un. Après cette victoire sur le matériel, l’officier nous a remis nos papiers en disant : « Faites ce que vous voulez, maintenant. Il y a une voiture à votre disposition pour partir.» Mais partir où ? Faire quoi ? Autour de nous, il y avait un anneau de fer, sans aucune chance de fuir, ni dans une direction, ni dans une autre. Libre Nous étions quatre soldats, nous avons décidé de passer la nuit à l’aéroport et de partir le lendemain, de bonne heure, « quelque part ». Nous nous sommes couchés pour « dormir ». Ce n’était pas le moment idéal pour dormir, avec ce qui se passait autour de nous, mais la fatigue impose sa loi à tout le monde. Mais pour moi, un miracle de plus était en train de se réaliser. Je suis tombé dans un profond sommeil, comme jamais auparavant. J’ai toujours appelé ce sommeil « un sommeil biblique » comme cela est mentionné en plusieurs endroits dans la Parole de Dieu, en commençant par Adam (encore pour les connaisseurs). Quelle n’était pas ma surprise en me réveillant le lendemain matin, de constater que mes soidisant camarades étaient bel et bien partis sans me réveiller pour m’emmener. Comme on peut bien se l’imaginer, j’ai commencé par m’énerver et me fâcher. Mais j’ai très vite compris que certainement, une fois de plus, Dieu avait pris soin de moi, afin que tout marche selon son plan toujours parfait. Je me suis donc calmé et j’ai fait un petit tour dans les halls vides de l’aéroport, par exemple dans la cuisine pour voir s’il y restait encore quelque chose à manger ou à emmener. - 19 -
Mais naturellement, il y avait déjà eu, longtemps avant moi, des gens plus malins et plus rapides pour faire disparaître les réserves qui restaient. J’ai aussi constaté que j’étais le dernier soldat sur cet immense aéroport, drôle de situation ! J’ai pris quelques bagages et je suis allé à pied jusqu’au prochain village, pour faire mes adieux à la vieille dame chez qui j’avais habité pendant quelques mois. Cela avait été un grand privilège pour moi que d’habiter comme militaire chez des privés. Le Seigneur m’a toujours gâté. J’ai d’abord pensé à me débarrasser de mon uniforme et à me mettre en civil. Mais les soldats allemands qui auraient eu éventuellement à défendre le village auraient pu remarquer la manœuvre, me prendre pour un déserteur et me fusiller. De plus, dans cette même maison habitait la femme qui m’avait déjà dénoncé une fois à la police parce que j’avais des contacts avec des prisonniers français qui travaillaient dans le même village. C’était grâce à mon supérieur que j’avais eu la vie sauve. J’ai donc quitté le village avec l’ancien gendarme qui se trouvait là juste à ce moment, à la ferme. Nous avons fait nos adieux et pris la direction de l’ouest. De toute façon, nous ne savions pas où aller. Arrivés à l’entrée du village suivant, nous avons rencontré des hommes du Volkssturm. (Le Volkssturm, « tempête du peuple », était une milice populaire levée en 1944). C’étaient des hommes d’un certain âge enrôlés en dernière minute, parfois aussi des enfants âgés de quatorze à seize ans, pour défendre et sauver la grande nation. Prisonnier des Russes Nous nous trouvions au milieu de la route à discuter ensemble, quand tout à coup, une jeep s’approcha de nous, avec quelques soldats à bord. Nous étions surpris en voyant leur uniforme qui ne ressemblait nullement au nôtre. Nous avons vite compris que ce n’étaient pas des Allemands, mais des soldats russes. La surprise était totale pour les uns comme pour les autres. Mon compagnon de route et les hommes du Volkssturm se sont retirés lentement derrière un mur près de la maison. Je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas fait la même chose. Moi, je suis resté au milieu de la route. Tout à coup, ils commencèrent à se tirer dessus. Moi, les mains en l’air, j’étais la plus belle des cibles qu’on puisse imaginer. Miraculeusement, personne n’a tiré sur moi. De toute façon, je n’étais pas armé. Là, un soldat russe descend de la jeep, s’avance vers moi et pointe son révolver sur ma poitrine. La situation ne pouvait pas être plus dramatique. Naturellement, une seule pensée me passait par la tête : pourvu qu’il n’actionne pas la gâchette de son révolver, sinon la guerre sera finie pour moi. Mais la guerre n’était pas encore terminée pour moi. J’étais seulement prisonnier de guerre, c’était le 23 avril 1945. J’avais dix-neuf ans, mais malgré cette situation dramatique, je n’avais toujours pas peur. Cette paix intérieure ne m’avait toujours pas quittée. Le Russe m’a obligé à monter dans la jeep et le chauffeur a fait demi-tour pour rouler dans la direction d’où nous venions. La fusillade avait cessé. Mais à ce moment là, un des Volkssturm qui s’était réfugié derrière le mur, est sorti avec une Panzerfaust (une fusée anti-char), s’est placé sur la route, a visé et tiré sur nous. On a vu le projectile voler vers nous, mais le chauffeur a accéléré et le projectile a explosé juste quelques mètres derrière la voiture. Il n’y avait aucun blessé et aucun dégât. Une fraction de seconde plus tard et nous aurions tous été tués. Encore une preuve de plus que mon heure n’était pas arrivée. Nous nous sommes éloignés du village. Nous avons traversé le village où j’habitais sans voir qui que ce soit. Nous avons roulé longtemps sans voir de soldats allemands, et pourtant, il y avait la guerre autour de nous, mais chose étonnante, pas sur notre chemin. - 20 -
Tout à coup, nous étions du côté russe. Nous avions passé par une fente du front dans cette gigantesque bataille autour de Berlin. Certainement, des anges du Seigneur ont reçu l’ordre d’écarter ce front pour nous laisser passer sans problème. Cela m’a rappelé le passage du peuple d’Israël dans la Mer Rouge à un emplacement précis. Dans l’éternité, bien des questions auront leur réponse. Et nous voilà de l’autre côté de la barrière, du côté de l’armée russe. Quelle armada, quelle armée immense de soldats, canons, blindés, camions, etc. Nous sommes effectivement passés à des endroits où la bataille faisait rage quelques instants auparavant. Au-dessus de nous, dans le ciel, quelques rares avions allemands qui essayaient de se battre ont finalement été abattus. Mourir en dernière minute pour qui et pour quoi ? Je me trouve donc dans la jeep, prisonnier de guerre, quel sera mon sort ? Toute la journée, nous roulons derrière les lignes russes, comme un général qui inspecte et passe en revue son armée. Il faut dire que le spectacle était unique, c’était même un privilège pour moi de pouvoir voir et vivre cela. Restait la question : que vont-ils faire de moi ? Pendant toute la guerre, j’avais sur moi une carte d’identité française que j’ai montrée aux Russes. Je leur ai expliqué que je ne suis « pas un Niemetzki mais un Franzuski » (pas un Allemand mais un Français). J’avais appris quelques mots en russe « au cas où ». C’était le moment de les mettre en pratique. Nous avons roulé toute la journée, jusqu’à la tombée de la nuit. Nous n’avons pas rencontré un seul prisonnier allemand. Les Russes se seraient très vite débarrassés de moi. Peut-être, là aussi, Dieu nous a-t-il fait prendre des routes où il n’y avait pas de prisonnier ? Le soir, nous nous sommes arrêtés dans un parc où étaient stationnés beaucoup de camions. On m’a fait monter sur l’un des camions qui était ouvert. Au-dessus de moi, un ciel clair, plein d’étoiles : « Hôtel 1 000 étoiles ». Bientôt, je suis tombé à nouveau dans un profond sommeil, gardé par mes anges gardiens et pour plus de sécurité, par des sentinelles russes bien armées. Quel privilège ! Le lendemain, on m’a cherché pour reprendre la route. À un moment donné, les Russes se sont arrêtés dans un village devant une ferme, c’était probablement leur quartier général. On m’a fait descendre pour m’enfermer dans la cave de la ferme. Une fois habitué un peu à l’obscurité, j’ai vu que la petite cave était pleine de fruits en bocaux, de confitures, etc. Après un moment d’hésitation, je me suis régalé et j’ai dégusté les bontés du Seigneur. J’ai pensé au prophète Eli. Pour lui, ça avait été plus compliqué. Dieu avait dû embaucher des corbeaux qui devaient livrer à domicile le pain et la viande. Il buvait l’eau du torrent. Moi, le privilégié, j’étais placé au milieu d’un self-service, il y avait même une grande gourde de vin bien remplie. Peu de temps après, la porte s’ouvre, et un autre prisonnier est envoyé dans la cave. C’était un officier qu’ils avaient dégradé. Il était complètement démoralisé et il me disait : « De toute façon, ils (les Russes) vont nous tuer, on n’a aucune chance ». Après ces paroles, j’ai eu peur pour la première fois de ma vie. Avoir survécu à cette guerre cruelle et en dernière minute, ils vont me tuer bêtement ! J’ai appris par là une grande leçon : l’impact des paroles négatives qu’on entend ! Quelle puissance se cache derrière des mots ! Mais après quelques heures, les soldats russes sont venus nous chercher, en nous disant « dawaï !», ce qui veut dire « allez-vous-en ! ». On n’a pas bien compris, au lieu de nous exécuter, ils nous renvoient. Nous voilà libres !
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A nouveau libre, puis arrêté plusieurs fois Mais pour aller où ? Le village était plein de soldats russes. On nous arrête aussitôt, leur slogan était : « Hitler kaputt, Berlin kaputt ! » (Hitler est fichu, Berlin est fichue !) On nous laisse repartir. D’autres nous arrêtent : « Hitler kaputt, Berlin kaputt ! », toujours la même histoire. Nous arrivions toujours à nous éclipser discrètement. C’est seulement beaucoup plus tard que j’ai réalisé la protection divine : être entre leurs mains, eux qui haïssaient les Allemands et moi en uniforme de l’aviation allemande, me trouvant parmi des milliers de soldats russes. Mais Dieu, dans sa grande bonté, interdisait à qui que se soit de me toucher, de me battre ou de me tuer, surtout quand on connaissait le sort de beaucoup de prisonniers, comment on les massacrait, de chaque côté, russe ou allemand. Mon compagnon de route et moi avons pu quitter le village pour aller on ne sait où. Prochain village, même scénario : eux « Hitler kaputt, Berlin kaputt ! », et moi « Franzuski, niet Niemetzki ». Tôt ou tard, ils vont nous reprendre pour nous mettre dans un camp de prisonniers ou dans un train comme des animaux pour atterrir en Sibérie, d’où la plupart des prisonniers ne sont jamais revenus. En cours de route, nous étions constamment arrêtés par des patrouilles. Ils nous relâchaient assez rapidement. Personne ne voulait de nous. (Persona non grata). Nous n’avions aucune valeur pour l’empire bolchévique victorieux ! En route, j’ai remarqué que mon compagnon de route restait toujours très en arrière. Moi, avec mon « Franzuski », j’avançais plus facilement. Après de longues réflexions, j’ai pris la décision de partir seul. J’ai donc continué ma route seul, toujours en uniforme, sur une route, je ne sais où, dans une direction inconnue, dans un pays inondé par l’armée russe victorieuse, à la merci de tous et de tout le monde, toujours en liberté, en bonne santé et ayant comme seul bagage, ma petite foi en un grand Dieu qui m’a fait voir ou vivre un miracle après l’autre. Je n’ai plus jamais revu mon compagnon de route. Le soir, j’ai été arrêté de nouveau dans un village. Il y avait deux fermes l’une à côté de l’autre. D’un côté, c’étaient des civils allemands en fuite et qu’on faisait entrer dans l’une des fermes. De l’autre côté, c’étaient des étrangers, forcés de travailler en Allemagne et qui voulaient aussi et enfin rentrer dans leur pays, et qui devaient entrer dans la ferme d’à côté. Moi, naturellement, j’étais du côté allemand. Mais j’ai finalement réussi, après plusieurs tentatives repoussées par les sentinelles russes, à être transféré du côté étranger. En me voyant arriver en uniforme allemand, on m’a vite dénoncé aux officiers russes qui avaient un bureau dans cette maison. A deux reprises, les officiers m’ont convoqué dans leur bureau, accompagné d’une jeune française, la seule parmi tous ces étrangers. Les officiers m’ont posé plein de questions par l’intermédiaire d’une traductrice russe. Finalement, ils m’ont laissé tranquille. Après cela, la Française, une femme très gentille, m’a rendu attentif sur le fait que, dans le jardin, il y avait une petite remise où se trouvaient des habits civils. Il ne fallait pas me le dire une deuxième fois pour que je me change immédiatement en civil. La surprise était grande pour les autres étrangers qui me voyaient maintenant en civil, eux qui haïssaient les Allemands du fond de leur âme. La nuit est arrivée et chacune de ces centaines de personnes présentes dans la ferme a trouvé une place pour dormir dans les granges, les étables et les écuries. Moi aussi, j’ai trouvé discrètement un endroit sur la paille, sans trop me faire remarquer, et une fois de plus protégé par mes anges gardiens. J’ai passé une bonne nuit, cette fois-ci dans « un hôtel sans étoiles ». Le lendemain matin, dans la cour, il fallait se mettre en rang pour qu’ils nous laissent repartir sur la route. Je me suis bien placé au milieu du groupe, enfonçant ma casquette sur mes oreilles pour que personne ne me remarque et ne me dénonce en dernière minute, pour finalement, à un pas de la liberté, être repris et quand même atterrir en Sibérie ! Les gardes ont donné le signal de départ. Mon cœur battait plus fort que jamais, et personne n’a plus rien dit ou remarqué. Nous partions - 22 -
tous vers un destin inconnu, chacun pour soi, peut-être vers la liberté. Vers la liberté ? Nous étions toujours loin de ceux qu’on aimait tant et qu’on avait tellement envie de revoir. Mais nous étions toujours dans cette Allemagne occupée par de gigantesques armées. J’avais donc échangé mon uniforme de la Luftwaffe contre des habits civils. Je me sentais vraiment à l’aise et les chances de réussir à rentrer bientôt en France étaient au beau fixe. L’idée cauchemardesque de me retrouver en Sibérie se perdait peu à peu, bien que la guerre ne soit pas encore terminée. Nous tous qui sortions de la cour de la ferme avons pris une même direction, guidés par ce flair animal comme les oiseaux migrateurs. Nous avons suivi d’autres personnes dans la direction du sud-ouest. Mais qui étaient toutes ces personnes ? On ne se connaissait pas, on ne se parlait presque pas, chacun n’avait qu’une idée en tête : fuir. La plupart avaient des milliers de kilomètres à faire, vers le sud, vers l’est ou vers l’ouest. Presque tous étaient des personnes déportées de leur pays, obligées à travailler pour l’ennemi contre leur volonté. Oui, de toutes les nations et langues de l’Europe. Comme je ne voulais pas prendre la route tout seul, je me suis un peu attaché à un couple de hollandais. Lui portait une immense contrebasse. Certainement, c’étaient des musiciens qui devaient distraire les soldats du grand Reich. Mais j’ai remarqué bien vite que je n’étais pas le bienvenu et j’ai décidé de continuer mon chemin seul. Sur la route traînaient beaucoup de choses que des gens avaient abandonnées dans leur fuite soit, en partie, devant les Allemands, mais aussi par peur des Russes. Il faut dire que nous avions peur des Russes, tous, sans exception. En chemin, j’ai trouvé une bicyclette à laquelle il manquait la roue avant que j’ai vite retrouvée. J’ai fixé cette roue, mais je n’ai pas serré les boulons au cas où quelqu’un aurait cherché à me reprendre la bicyclette, sachant que, si quelqu’un venait à faire un geste un peu brutal, la roue sortirait du cadre et que la bicyclette serait alors sans valeur. C’était certainement ce qui s’était produit avant moi. Enfin, j’avais une bicyclette et je pouvais marcher à côté sans avoir à porter mes quelques bagages. À un moment donné, les soldats russes nous ont fait quitter la grande route, dans une forêt, pour nous faire passer par un chemin. C’était pour nous piller. Ils étaient surtout intéressés par nos montres. Mais les gens qui se trouvaient devant moi, probablement des Polonais parlant le russe, ne se sont pas laissé faire. Ils ont réussi à ce que les Russes nous laissent passer sans rien nous prendre. Et sans aucune intervention de ma part, j’ai pu passer avec eux. Se nourrir Le soir, je me suis arrêté dans un village. Tous les villageois s’étaient sauvés et il y avait naturellement du monde partout. Aussi fallait-il se procurer quelque chose à manger. Je ne me souviens plus si j’avais eu quelque chose à me mettre sous la dent. Tant pis pour l’hôtel restaurant 5 étoiles ! L’essentiel était que la guerre soit finie et que je sois libre. Et pas en route vers la Sibérie, avec des milliers de soldats allemands. Le lendemain, je reprenais le chemin de la liberté. En route, je suis entré dans une maison vide. Ses habitants avaient dû la quitter précipitamment : sur la table, ils avaient laissé un lapin rôti avec des pommes de terre. Cela devait faire plusieurs jours, il y avait de la moisissure dans les plats. Autour de la viande du lapin, un peu de graisse avait durcie. Avec habileté, je l’ai enlevée,
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bien sûr je n’ai pas mangé la viande. Cette graisse m’a bien servi plus tard dans mes menus exceptionnels. J’ai aussi trouvé un reste de sirop dans un verre et de la rhubarbe dans le jardin. Je l’ai faite cuire et ajoutée au sirop : hop-la, de nouveau une délicatesse inattendue ! Dans l’après-midi, je me suis arrêté dans une petite usine Telefunken. Il y avait déjà du monde pour prendre les meilleures places. Mais malgré tout, l’estomac réclame son dû. Et, comme tout le monde avait un estomac vide, il fallait se débrouiller. Et on s’est débrouillés. Dans un pré, non loin de là, gisaient des bêtes mortes depuis un moment. Mais, dans le même pré se trouvaient aussi des vaches vivantes, donc de la viande fraîche. Comme nous ne voulions pas mourir de faim, il fallait que les vaches, ou du moins l’une d’entre elles, meurent pour nous. Nous avons donc appliqué une devise du Führer : « Tous pour un, et un pour tous ». Ce fut donc une vache pour tous. Nous avons trouvé une corde avec laquelle nous avons encerclé une vache, puis nous lui avons enfilé la corde autour du cou. La bête s’est mise à courir, nous restions accrochés derrière elle. Malheureusement pour elle, elle a couru vers un arbre, ce qu’elle n’aurait pas dû faire. Nous avons réussi à la bloquer et à l’immobiliser. Avec un gros marteau, nous l’avons donc … Nous avons emmené la vache dans l’atelier où nous l’avons suspendue à une grande échelle. Et c’est moi, avec mon canif (un couteau pour ouvrir les lettres) qui ai coupé la vache en morceaux. Je ne savais pas que j’étais un charcutier si bien expérimenté ! Chacun a reçu sa part et, le lendemain, avec ma bicyclette chargée de beaucoup de viande, j’ai continué ma route, toujours tout seul. Nouvelle arrestation, nouvelles trouvailles alimentaires Ensuite, nous tous qui faisions la route avons été, à nouveau, arrêtés par les Russes. Ils nous ont internés dans un immense camp militaire allemand désaffecté. Il y avait quelques milliers de personnes, pourtant chacun a trouvé une place dans une baraque. Il faut dire qu’on pouvait sortir du camp comme on le voulait. J’en ai profité pour aller au village voisin. Dans une ferme, j’ai trouvé plein de sacs avec des pois séchés. J’en ai ramené plusieurs kilos, et pendant quelques jours, il y avait au menu des pois, des pois … et encore des pois. Donc je possédais de la viande et des pois. J’ai échangé un peu de viande contre de la farine et de l’huile de moteur. J’ai fait du pain moi-même, dont voici la recette : farine, eau. J’ai fait une pâte, j’ai mis la pâte sur une tôle, la tôle sur un feu : et voilà, du pain frais, fait maison. Que c’était bon ! Aujourd’hui, j’en rigole. Avec l’huile de moteur, préalablement bouillie pour éliminer les déchets nocifs, j’ai fait des pommes frites et d’autres menus intéressants. Pour trouver des pommes de terre, il fallait sortir du camp et aller dans un champ où l’on venait tout juste d’en planter. Quand on a trouvé la première ligne, il suffisait de suivre cette ligne, et voilà, des patates à volonté. Après deux ou trois semaines passées au camp, les Russes nous ont donné à manger pour la première fois. J’ai été le premier à recevoir une pleine gamelle de soupe. Mais malheur, c’était le dessus du pot et il n’y avait que de la graisse. Mais bonheur, j’avais de la graisse pour le reste de mes jours. Quelle manne ! Pommes de terre, farine, graisse, viande, huile de moteur, pois ! Pendant les semaines suivantes, il y a eu assez de ravitaillement.
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Naturellement, nous ne voulions pas rester toute notre vie dans ce camp. La plupart de ces prisonniers étaient français. Je restais assez discret, je ne voulais pas trop être copain avec les autres. Les Russes cherchaient des volontaires pour des traductions en allemand, je ne me suis pas présenté. Il est arrivé enfin, enfin ! Le jour où les Russes nous ont dit que nous allions être transférés. On n’en savait pas plus. Effectivement, un matin, des camions sont arrivés et nous avons tous quitté le camp sur ces camions. Nous sommes arrivés, après de nombreux kilomètres, devant une ferme qui se trouvait près d’une rivière avec un pont artificiel gardé par des soldats russes. Nous étions tous alignés en dehors de la ferme. Dans la cour de la ferme se trouvait une grande table. Autour de cette table, une douzaine d’officiers russes siégeaient. Chacun de nous devait entrer dans la cour pour être questionné une dernière fois. Une voix intérieure me disait qu’il ne fallait pas que j’entre dans cette cour. Je savais qu’une réponse maladroite pouvait être fatale pour mon avenir. À une seconde de la liberté, ils pourraient me garder et je savais ce que cela signifiait : Sibérie. Ils en ont récupéré quelques-uns. C’est bien, ma petite voix, mais elle ne m’a pas dit comment faire. C’était ce moment pour moi, un moment, je dirais, de vie ou de mort. La plupart des prisonniers allemands sont morts en Sibérie. Oui, comment faire pour ne pas être obligé de me présenter devant ces officiers ? Il y avait, à côté de moi, un autre jeune homme. On ne se connaissait pas, mais il avait les mêmes intentions que moi. Ensemble, nous avons regardé le défilé des gens qui entraient et ressortaient. Et, tout d’un coup, je savais ce qu’il fallait faire. Naturellement, c’était un grand risque. Si on se faisait attraper, il ne restait plus aucune chance de revoir la patrie lointaine. J’ai remarqué que les gens qui entraient dans la cour laissaient leurs bagages à l’extérieur. Quand ils sortaient, ils revenaient vers nous prendre leurs bagages et s’avançaient dans une autre colonne. Quand la colonne était de trente personnes, elle s’avançait vers le pont, passait entre les sentinelles russes, puis traversait la rivière. De l’autre côté, des soldats américains les prenaient en charge. Donc, le jeu était simple, mais dangereux. Il fallait bien observer toute la scène, être sûrs que personne ne nous observe, ni les Russes, ni les civils, car il arrivait que des civils dénoncent des pro-allemands. A un moment favorable, nous avons pris le risque. Nous avons ramassé nos bagages et nous nous sommes avancés, comme si de rien n’était. Nous nous sommes intégrés à une colonne. Enfin, les trente personnes requises pour avancer étaient là. Après un dernier adieu aux sentinelles russes, nous avons traversé le pont pour être accueillis par les soldats américains. Heureusement que personne n’a entendu battre nos cœurs ! Libre pour de bon Je savais que, enfin, c’était définitivement la liberté. Personne ne me connaissait et ne pouvait savoir si j’étais militaire incorporé ou civil. Les Américains nous emmenèrent dans une caserne où nous avons passé la nuit. Le lendemain, un train avec des wagons à bestiaux nous attendait et nous avons commencé le grand voyage à travers l’Allemagne détruite par les bombardements et la guerre.
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Comme cela ne me plaisait pas d’être enfermé dans un wagon, sitôt le train en marche j’ai grimpé sur le toit du wagon. J’y ai passé la plupart du temps qu’a duré le voyage, même la nuit où j’y dormais parfois. Je crois qu’il a fallu presqu’une semaine pour enfin rentrer en France. Heureusement, il y eu du beau temps tout au long du trajet. Encore une petite rencontre près de la frontière française. En route, nous nous sommes souvent arrêtés. A l’un de ces arrêts, un train était stationné à côté du nôtre, avec des prisonniers allemands. Comme j’étais sur le toit du wagon, tout le monde pouvait me voir. Subitement, un des prisonniers m’appelle et me dit : « Tu ne me reconnais pas, Fredel ? » Et, effectivement, je le connaissais, c’était un ami de la Robertsau, avec qui je chantais dans la chorale de l’église. Il est devenu plus tard le dirigeant de cette chorale pendant de longues années. Il a été libéré un peu plus tard. La fin de la guerre et le retour en Alsace Je suis revenu de la guerre le 3 juin 1945, un miracle quand je pense que plus de 30 000 Alsaciens ont dû laisser leur vie. Pourquoi et pour qui ? Mon frère est aussi rentré du RAD juste quelques jours avant que les troupes françaises viennent libérer l’Alsace. Il avait encore reçu une lettre pour être enrôlé dans l’armée allemande mais il n’avait pas donné suite et il était resté chez mes parents, courant le grand risque d’être découvert en dernière minute par la police allemande. Ma sœur aussi avait été enrôlée dans l’Arbeitsdienst mais elle était malheureuse, elle faisait la comédie et elle pleurait tout le temps. Finalement, elle avait été renvoyée à la maison. Mon père n’avait pas été enrôlé, et ainsi toute la famille était belle et bien présente au domicile à la Robertsau. Mauvaise nouvelle, quand même, pour moi, celle de la mort de mon meilleur ami René Ledig, tué quelque part en Russie. Mon autre ami Bernhard Güscht est revenu de la guerre, peu de temps après moi. Lui aussi est mort depuis longtemps. Un accident de la route sur le chemin de Strasbourg, où il travaillait. Mon autre ami Seppel Horst est rentré aussi, peu après. Malheureusement, lui aussi, en rentrant du travail le soir, a eu un accident stupide. L’occupant d’une voiture stationnée sur le bord de la route a ouvert la porte sans regarder. Mon ami a buté contre cette porte, il a été renversé et un camion l’a écrasé. J’ai donc perdu très tôt mes trois meilleurs amis. La vie a continué, ou plutôt a commencé à nouveau pour moi. A ce moment-là, j’avais tout juste 20 ans. Voilà, je suis donc rentré de la guerre le 3 juin 1945. Pour couronner le tout, ce dimanche était celui de la fête des mamans, et la mienne, après un an et demi, a pu revoir son fils dont elle n’avait plus aucune nouvelle depuis la libération de Strasbourg en novembre 1944.
Liste de toutes les villes ou aéroports jusqu’à la fin de la guerre 1) FPKO Crailsheim (Allemagne) 2) 13 Flg R 71 Lamalou-les-Bains (France) 3) 13 FLg R 71 Best (Hollande) 4) 10 FLg R 51 Veghel (Hollande) 5) 3 FLg R 51 Heubergen (Hollande) - 26 -
6) FLgT S II 7) FLgT S III 8) II JG 301 9) G.E.B. 10) F.E.B. IV 11) F.E.B. IV K 12) F.W.K. 137 13) O.K.L.E.ST 14) O.K.L.E.ST 15) O.K.L.E.ST 16) O.K.L.E.ST
Fassberg (Allemagne) Munich (Allemagne) Sachau (Allemagne) Naumbourg (Allemagne) Leipzig (Allemagne) Bad Sulza (Allemagne) Francfort-sur-le-Main (Allemagne) Jüterborg (Allemagne) Telefunken Berlin – Schönefeld (Allemagne) Telefunken Langensalza (Allemagne) Telefunken Berlin – Schönefeld (Allemagne)
Publication dans un journal allemand. Les hommes et l’armement russes pour la conquête de Berlin : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12.
Hommes : Chars : Demi-chars : Canons anti chars : Artillerie : Mortiers : Orgues de Staline : Canons antiaériens : Avions de chasse : Bombardiers : Avions de combat : Autres avions :
1 593 000 3 827 2 334 4 520 15 654 15 181 3 255 3 411 3 275 1 467 1 709 245
Les Russes n’ont indiqué leurs pertes à Berlin que 20 ans après la guerre : Du 16 avril 1945 au 8 mai 1945, les Russes ont perdu 304 887 hommes. Nombre de tirs d’artillerie : 1 800 000. Il y avait 36 000 tonnes de grenades. Ils ont perdu 2 156 chars. Ils ont perdu 1 220 pièces d’artillerie. Ils ont perdu 527 avions. Par endroits, il y avait un canon tous les 4-5 mètres. Ci-dessous quelques indications des mutations et des unités au sein de la Luftwaffe que j’ai trouvées dans un carnet de notes de cette époque, sans toutefois pouvoir indiquer les dates. Dates à retenir : Le 28 janvier 1940, début de mon apprentissage d’ajusteur aux Junkerswerke à la Meinau. Du 8 au 22 août 1941, stage de vol à voile à Kirrwiller en Alsace. Du 14 au 21 février 1943, stage de ski en Forêt Noire Le 28 septembre 1943, départ de chez Junkers Le 10 octobre 1943, bombardement du Neudorf Du 4 octobre 1943 au 2 janvier 1944, incorporation au RAD à Mayence 25 janvier 1944 au 03 juin 1945, incorporé à la Wehrmacht 25 juillet 1944, mon meilleur ami René Ledig est mort en Russie - 27 -
Les dates de l’incorporation de force dans l’armée de l’air allemande Crailsheim, le 25 janvier 1944 (Allemagne) Lamalou-les-Bains, du 9 février 1944 au 9 mars 1944 (France) Best, du 15 au 19 mars 1944 (Hollande) Veghel, du 22 mars 1944 au 9 avril 1944 (Hollande) Heubergen, du 9 avril 1944 au 18 mai1944 (Hollande) Fassberg, du 19 mai 1944 au 11 septembre 1944 (Allemagne) Munich, du 11 septembre 1944 au 2 octobre 1944 (Allemagne) Sachau, du 3 octobre 1944 au 27 novembre 1044 (Allemagne) Naumbourg, du 28 novembre 1944 au 3 décembre 1944 (Allemagne) Leipzig, du 3 au 24 décembre 1944 (Allemagne) Bad Sulza, du 25 décembre 1944 au 31 décembre 1944 (Allemagne) Francfort-sur-le-Main, du 4 au 5 janvier 1945 (Allemagne) Jüterborg, du 9 au 16 janvier 1945 (Allemagne) Berlin, du 17 janvier 1945 au 15 février 1945 (Allemagne) Langensalza, du 15 février 1945 au 4 avril 1945 (Allemagne) Berlin, du 23 avril 1945 au 3 juin 1945 (prisonnier) Strasbourg, retour le 03 juin 1945 (France) Ces dates peuvent varier de quatre à cinq jours par suite de déplacements d’un aéroport vers un autre ou d’une ville vers une autre, en plus des retards dus aux bombardements en cours de route.
Plaque d’identité 484-13/3 F1 RGT 71
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Chapitre 4 ROBERTSAU
Jeunesse Entre douze et quatorze ans, je fréquentais les cours de confirmation. Comme tous les jeunes, je ne comprenais pas grand-chose à la religion. Comme, à la Robertsau, nous étions de nombreux confirmands, nous avions deux pasteurs pour nous enseigner. L’un des deux avait été missionnaire en Afrique. Naturellement, le jour de ma confirmation est arrivé. Pour les confirmands, une occasion de recevoir un habit neuf et des cadeaux. Les uns, après la confirmation, ont continué à aller à l’église le dimanche, les autres ne sont jamais revenus.
Confirmant à l’âge de 14 ans à l’église de la Robertsau en 1939
Ma conversion Une période importante de ma vie s’est jouée dans les années 1938 à 1940, quand j’avais l’âge de 13 - 14 ans. Ma mère allait de temps en temps dans une réunion à Neudorf, chez un dénommé Henry Waechter. C’étaient des réunions évangéliques qui se tenaient dans la maison de M. Waechter, lequel possédait une grande salle au rez-de-chaussée de sa maison. - 29 -
Dès mon jeune âge, j’avais un intérêt pour les choses spirituelles, et ma mère m’a emmené dans ces réunions. Elle prenait le tram et moi, j’allais à bicyclette. M. Waechter travaillait comme contrôleur dans les trams de Strasbourg. Mais en privé il était prédicateur indépendant. Ses messages étaient différents de ce qu’on entendait dans les églises officielles. Et les chants de l’assemblée venaient spontanément des cœurs des croyants. J’étais intérieurement touché par les messages ainsi que par ces chants vivants. Et c’est ainsi que je me suis converti au Seigneur Jésus-Christ. J’ai compris déjà très jeune que je devais faire ce pas pour la vie ici-bas et pour l’éternité. J’écris ces lignes 75 ans après, et encore après tant d’années je n’ai pas perdu ma foi. Je n’ai jamais douté une seule fois dans ma vie de l’existence de Dieu, malgré des hauts et des bas. Lorsque nous sommes revenus de la Dordogne, après un an de d’exil, l’Alsace était redevenue une colonie allemande. Les réunions chez M. Waechter ont continué comme avant, même sous le régime nazi. Un soir, dans une réunion, en plein milieu de la soirée, des SS sont entrés dans la salle, M. Waechter a été arrêté et les réunions définitivement interdites. M. Waechter a été emmené et mis en prison, heureusement seulement pour quelques jours, et il a été libéré après. Après la guerre, donc quelques années plus tard, M. Waechter n’a plus repris les évangélisations dans sa maison. Néanmoins, il a prêché dans d’autres églises et d’autres salles. Je remercie Dieu, encore aujourd’hui, d’avoir pu faire la connaissance de cet homme de Dieu extraordinaire. Prédicateur laïc En 1958, j’ai participé, entre autres, à un cours de théologie pour devenir prédicateur laïc. On nous appelait aussi « lecteurs ». Ceci me prenait beaucoup de temps pour préparer les messages pour les cultes du dimanche matin, parfois deux cultes. Nous les laïcs, nous étions quelques dizaines en Alsace à remplacer les pasteurs malades, en vacances ou absents pour d’autres raisons. J’ai aussi remplacé assez souvent l’aumônier des deux prisons de Strasbourg. On m’a demandé de prêcher dans d’autres églises, pas seulement de la Confession d’Augsbourg, mais aussi chez les baptistes, les méthodistes, les pentecôtistes, dans des églises charismatiques, et souvent à Kehl, en Allemagne. Voici un petit récapitulatif des cultes lors desquels je suis intervenu comme lecteur (il y en a près de 400) : Montagne Verte : 38 fois Obenheim : 7 fois Bertstett : 3 fois Blaesheim : 4 fois Bust : 1 fois Liebfrauenberg : 1 fois Robertsau : 3 fois Bethesda : 1 fois Meinau : 10 fois Chez les Gitans : 3 fois Hunawihr : 1 fois Hohfrankenheim : 1 fois Benfeld : 7 fois Hangenbieten : 1 fois Souffelweyersheim : 2 fois Reitwiller : 8 fois Vendenheim : 1 fois
Boofzheim : 1 fois Entzheim : 8 fois Siewiller : 1 fois Daubensand : 1 fois Hunspach : 2 fois Cité de l’Ill : 1 fois Sion : 8 fois Pfulgriesheim : 27 fois Steinseltz : 1 fois Natzwiller : 41 fois Cronenbourg : 2 fois Erstein : 9 fois Reichstett : 2 fois La Wantzenau : 1 fois Plobsheim : 2 fois Gimbrett : 8 fois Gerstheim : 7 fois - 30 -
Olwisheim : 2 fois Maison d’arrêt : 72 fois Hôpital civil : 1 fois Kehl (Allemagne): 24 fois Nelspruit (Afrique du Sud) : 9 fois
Eckwersheim : 1 fois Maison de correction : 65 fois Chez le pasteur Oppermann : 2 fois Klagenfurt (Autriche) : 2 fois
Mariage de Claire et d’Alfred Je fréquentais la jeunesse chrétienne dans la paroisse protestante de la Robertsau. En même temps, je chantais dans la chorale de l’église. Tout cela a permis de bons contacts entre les jeunes, entre garçons et filles. Il faut dire qu’en ce temps-là, après la guerre, la Robertsau était plutôt un village qu’un faubourg de Strasbourg. Tout le monde connaissait presque tout le monde. Nous, les jeunes, nous faisions beaucoup de sorties, d’excursions dans les Vosges. Souvent avec les parents, car la voiture n’était pas chose commune à cette époque. Tout se passait à pied, en vélo, en tram et en train. Téléphone, radio, télévision, nous ne connaissions pas. Naturellement, Claire était de la partie. Elle s’était convertie en 1940. Nous nous sommes rencontrés de plus en plus souvent et sommes tombés amoureux l’un de l’autre. Le temps était venu pour les fiançailles, mais comme les logements étaient rares après la guerre, nous devions attendre encore deux ans pour enfin pouvoir nous marier. J’avais vingt-huit ans et Claire, six ans de moins. Nous nous sommes mariés le 23 mai 1953 à l’église de la Robertsau, ce fut une journée très ensoleillée. Le verset biblique qui nous a été donné pour notre avenir se trouve dans Jean 7, verset 38 « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein ». Les noces se sont déroulées dans la maison des parents de Claire. Nous avions embauché une cuisinière, pour avoir un bon repas. Pour la plupart d’entre nous, le restaurant n’était pas encore à la mode, ni les listes de mariage. Des pots de fleurs et des vases étaient des cadeaux classiques. Une fois les fleurs fanées et les pots cassés, il ne restait plus grand-chose en souvenir de notre mariage. Nous avons trouvé un logement mansardé où nous avons logé environ huit ans. Plus tard, nous avons construit une maison à la Meinau.
Cette année, le 23 mai 2013, nous avons fêté nos 60 années de mariage, les noces de diamant.
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Chapitre 5
MENUISERIE RIFF
Ceci est un témoignage vécu par deux jeunes hommes. Ces deux jeunes, c’étaient Raymond, mon frère, qui avait dix-neuf ans à ce moment-là, et moi, Alfred. J’avais vingt-et-un ans. Un an après la guerre, mon frère et moi avons commencé une menuiserie. Raymond a appris le métier de menuisier, tandis que moi j’ai appris le métier d’ajusteur, donc dans la métallurgie. Ni l’un ni l’autre n’avions de l’argent. C'est-à-dire que nous commencions avec rien. Nous avions la chance d’habiter chez nos parents, qui possédaient autour de la maison un jardin et à l’intérieur, dans le sous-sol, une cave. Cela ne pouvait pas être plus primitif. Mais nous avions tous les deux une bonne santé et beaucoup de courage, en plus d’une petite foi en un grand Dieu. Création d’une menuiserie La première commande venait d’un magasin de sport de Strasbourg. Ils avaient un stock de luges qui avaient été fabriquées pendant la guerre et qui étaient de mauvaise fabrication. Aujourd’hui, on dirait qu’elles étaient invendables. Il fallait les démonter, les réparer et les assembler à nouveau. La seule machine que nous possédions à ce moment-là était une perceuse électrique qu’on pouvait fixer sur un support. Après ce travail, nous avons fabriqué nous-mêmes des traîneaux neufs qui se vendaient bien.
Photo prise le lundi matin 28 mars 1949 avec mon frère Raymond, assis sur des planches de notre menuiserie au début de la création de l’entreprise.
Par la suite, on a commencé à faire des établis de menuisier que nous avons vendus à des quincailliers de la Sarre, en Allemagne. Entre-temps, nous avons construit une baraque en bois, dans le jardin de nos parents. Nous étions obligés d’acheter des machines professionnelles à crédit et avec de l’argent prêté par des gens de notre famille. - 32 -
Toute cette construction a été érigée illégalement, sans permis de construire. Mais ces deux jeunes de dix-neuf et vingt-et-un ans avaient bien d’autres problèmes que celui de s’occuper de questions administratives. Des problèmes concernant notamment la police du bâtiment, qui tôt ou tard devaient ressurgir. Quand on travaille du bois, il y a de la sciure, des copeaux et du bois de chauffage. Comme c’étaient de petits morceaux de bois, ça a surtout servi à allumer le feu. J’appelle cela des déchets. Donc, il n’y avait qu’une solution : les vendre. Mon frère et moi étions des chrétiens convertis, nous avions donné notre vie au Seigneur JésusChrist. Et là, nous étions convaincus qu’il fallait faire quelque chose pour l’œuvre de Dieu. Après de longues réflexions, nous avons décidé de donner ces déchets pour le Seigneur. Concrètement, il fallait couper ces longues pièces en petits morceaux pour pouvoir les utiliser dans des fours de particuliers. Beaucoup de sciure et de copeaux étaient mis en sac et vendus. Naturellement, il fallait aussi trouver des acheteurs à qui nous pouvions vendre ces déchets. L’argent a été donné pour différentes œuvres chrétiennes ou des missions. Lorsque deux jeunes travaillent le bois, il n’y a pas tellement de déchets et pas non plus tellement d’argent. Mais nous étions contents et heureux d’avoir trouvé une bonne solution. J’ajoute que nous-mêmes, nous avions besoin d’argent et chaque centime était compté. Mais derrière tout cela, il y avait aussi un plan, c’était le plan de Dieu. C’est bien d’avoir un associé, dans une entreprise, et chez nous, c’était Dieu le troisième associé. Nous étions finalement dépendants de Dieu pour la bonne marche de l’entreprise. C'est-à-dire qu’on dépendait toujours, et dans toutes les circonstances, de la bénédiction de Dieu. Et je dois dire que Dieu nous a bénis. C’est-à-dire que nous avons eu beaucoup de commandes et que nous avons été obligés d’embaucher notre premier ouvrier. Nous étions maintenant trois ouvriers. Avec trois ouvriers, on a plus de déchets. Plus de déchets, cela donne plus d’argent pour l’œuvre de Dieu. Ce cycle a continué avec les années. Nous avons agrandi notre baraque. Jusqu’au jour où deux agents de la ville de Strasbourg nous ont rendu visite. Ils nous demandaient ce que nous faisions ici, dans ce quartier « non industriel ». Ils nous ont donné un terrain à la Meinau. Finalement, nous avons dû tout démonter et reconstruire une nouvelle usine.
Vue d’ensemble de notre menuiserie à la Robertsau, construite sans permis de construire. - 33 -
Extension de la menuiserie Au fur et à mesure, nous avons agrandi l’usine et avons installé une scierie, une parqueterie et une grande menuiserie avec environ 130 ouvriers. On peut facilement imaginer qu’avec tout ce monde, il doit y avoir des masses de bois de chauffage qu’il fallait couper en morceaux, charger, vendre, et transporter chez des particuliers. Tout ce travail s’est fait, pendant de longues années uniquement grâce à des volontaires venant d’Alsace, de Suisse et d’Allemagne. C’étaient tous des chrétiens qui voulaient, eux aussi, faire quelque chose pour l’œuvre de Dieu. Un chrétien peut prier ou chanter pour plaire à Dieu. Mais on peut aussi couper du bois pour Dieu. C’est ce qu’ils ont fait avec enthousiasme. On peut s’imaginer que, grâce à la vente de ce bois, il y a eu pas mal d’argent qui est entré dans la caisse de Dieu. Parfois, ce n’était pas facile de donner cet argent à gauche et à droite pour des œuvres chrétiennes, surtout que nous, nous en avions toujours besoin. Mais notre troisième associé a vu ça d’un autre œil. Oui, Dieu ne nous bénit pas n’importe comment. Il nous teste aussi pour voir si nous sommes fidèles, ou seulement des hypocrites. Une dernière question : « Qu’est-ce que nous avons fait avec cet argent ? ». On a créé une radio chrétienne, avec d’autres amis chrétiens, qui s’appelait « Radio Evangile » et dont les locaux étaient à la Robertsau, et plus tard à Monte-Carlo. Nous avons pu envoyer de l’argent ou du matériel dans plusieurs pays du monde, et ceci pendant de longues années. A l’âge de 60 ans, j’ai donc quitté l’entreprise pour aller moi-même, avec Claire, en mission. L’entreprise a malheureusement fait faillite après la mort de mon frère et de sa fille dans l’accident d’avion du Mont Ste Odile.
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Chapitre 6 HOMMES D’AFFAIRES DU PLEIN EVANGILE
La Communauté des Hommes d’Affaires du Plein Evangile est devenue aujourd’hui l’association des « Chrétiens Témoins dans le Monde ». Au printemps 1978, Claire et moi avons reçu une forte conviction d’aller, la même année, en Amérique avec un groupe chrétien. Il s'agissait d’assister à une conférence mondiale du FGBMFI, le Full Gospel Business’Men Fellowship International, (la Communauté Internationale des Hommes d’Affaires du Plein Evangile). On ne connaissait rien de ce mouvement. Le principe de cette association est d’inviter des personnes à une réunion chrétienne autour d’un repas, dans un restaurant. Rares sont ceux qui viennent dans une église, on a plus de succès en les invitant au restaurant. Dans ces rencontres, il y a de l’ambiance : des chants, de la musique, des témoignages de chrétiens qui ont vécu des expériences spirituelles. Et, pour couronner le tout, il y a le message d’un orateur. Celui-ci peut venir aussi d’un pays étranger. La condition, c’est d’annoncer le « Plein Evangile » et de respecter l’inter-confessionnalité.
Pour pouvoir participer à ce voyage, nous nous sommes renseignés dans différents milieux chrétiens, en Allemagne aussi. Finalement, dans un groupe de prière se trouvait une dame qui nous a dit avoir entendu qu’un groupe dans la région parisienne devait partir pour une conférence en Amérique. Ainsi, après de longues recherches, nous avons enfin pu contacter la personne responsable de l’organisation de ce voyage. Malheureusement, on nous a dit que le nombre de participants était complet, mais qu’ils nous mettaient sur une liste d’attente.
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Le but du voyage était Los Angeles, et voilà donc qu’après tant de difficultés, nous avons atterri dans cette ville. Les réunions se tenaient dans un immense bâtiment, ça dépassait tout ce que nous avions vu jusqu’à présent. Parmi ces milliers de personnes présentes, il y avait des personnes de la haute société : des ministres, des hommes d’affaires importants. Parmi ces personnalités, il y avait le directeur de la NASA, le chef du bureau de l’ex-président Eisenhower et le fondateur des Hommes d’Affaires du Plein Evangile, M. Demos Shakarian. Notre groupe de Français a été invité à plusieurs reprises par des groupes d’Hommes d’Affaires dans trois différents endroits de la Californie. Dans l’une de ces rencontres, j’ai reçu une prophétie qui disait que lorsque je rentrerais dans mon pays, je créerais une communauté d’Hommes d’Affaires du Plein Evangile et que le Seigneur serait avec moi et bénirait cette œuvre. C’est ce que j’ai fait en rentrant à Strasbourg, avec d’autres amis précieux. J’en été le président pendant six ans, jusqu’à notre départ pour l’Afrique du sud. En dehors des réunions qui se tenaient le soir, nous avons eu l’occasion de visiter des endroits intéressants comme Disneyland. Nous avons aussi fait une sortie au Mexique et un voyage de plusieurs jours à San Francisco. Nous avons survolé en hélicoptère la baie de San Francisco, où se trouve la prison d’Alcatraz, et visité le grand pont, le « Golden Gate Bridge ». Nous avons logé dans un local appartenant à une église de San Francisco. Un jour, en roulant sur l’autoroute près de San Francisco, la voiture guide qui roulait sur le côté droit de l’autoroute a pris subitement la sortie de l’autoroute et, comme nous nous trouvions sur le côté gauche, nous n’avons pas pu rejoindre la voiture de devant et nous avons pris la seconde sortie. Mais, à partir de ce moment-là, nous n’avions plus de guide et, le pire, c’est que nous n’avions pas l’adresse de notre logis. Que faire ? Nous avons pris une route, en espérant que ce soit la bonne pour rentrer. Personne dans la voiture ne parlait l’anglais, nous nous arrêtions de temps en temps dans un magasin pour nous renseigner mais nous n’arrivions pas à nous faire comprendre. Mais je me suis rappelé que, pas loin de notre logis, se trouvait une usine qui fabriquait du sucre. Cette usine avait des cheminées assez hautes. En essayant d’expliquer à des gens cette image, on commençait à s’y retrouver. Et finalement, comme par miracle, nous sommes rentrés au logis. Petites et grandes expériences au service du Maître Une prophétie reçue en Amérique « Pour toi mon fils, à qui il a été beaucoup donné, on te demandera beaucoup. Et comme j’ai préparé Moïse dans le désert pendant 40 ans, dit le Seigneur, de la même façon je t’ai préparé. Alors ne considère pas comme étrange la façon par laquelle je t’ai préparé. Parce que même pendant les temps arides, j’étais là, dit le Seigneur. Et donc, comme j’ai conduit Moïse en avant, je te conduis maintenant mon fils. Pour toi, ce voyage n’était pas fait par accident, dit le Seigneur, ce n’était qu’un commencement. Et pour toi, j’agrandirai ton cœur, dit le Seigneur, et comme Moïse, quand il m’a dit : je ne suis pas un homme éloquent, toi tu as dit la même chose. Par conséquent, je mettrai les paroles dans ta bouche pour libérer les captifs, pour proclamer la vie qui est dans l’Esprit. Et en vérité, ta vie sera riche dit le Seigneur, dans ses derniers jours. Je te donnerai la grâce et je ne te laisserai pas porter un fardeau plus lourd que tu ne peux le supporter. Mais sache que, pendant ces derniers jours, je te demanderai beaucoup, dit le Seigneur ».
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Le sachet de blé Comme j’étais moi-même un homme d’affaires et que j’avais pas mal d’expérience dans le domaine spirituel, j’ai également été appelé à intervenir comme orateur dans différents chapitres en France et aussi en Allemagne. Un jour, le Seigneur m’a conduit à faire quelque chose de particulier, on peut dire d’exceptionnel. L’idée était de faire des petits sacs en étoffe et de les remplir avec des grains de blé, de la quantité que peut contenir une paume de main. Lors de ces rencontres des Hommes d’Affaires du Plein Evangile, à la fin du message de l’orateur, il y avait souvent un appel. A cette occasion, plusieurs personnes s’engageaient et se convertissaient (en donnant leur vie au Seigneur Jésus). A la fin de mon message donc, j’invitais ces personnes à s’avancer et après la prière, je leur proposais de prendre un sachet de blé pour marquer leur engagement. Bien évidement, ce n’était qu’un geste symbolique, c’était Jésus (et l’Esprit-Saint) qui agissait en réponse à une prise de décision, le petit sac de blé ne pouvait avoir aucune influence spirituelle ou positive sur la vie de ces personnes. Alors que j’étais en train d’écrire ce livre, trente-cinq ans après, j’avais tout à fait oublié l’histoire de ces petits sacs de blé. Mais une amie vient de me parler d’un entretien téléphonique qu’elle a eu hier, avec une jeune femme habitant dans le Sud de la France (c’est leur premier contact depuis trente-cinq ans). A l’âge de douze ans, très précisément lors de la soirée du 14 avril 1984 à Chambéry, où elle accompagnait ses parents à une réunion des Hommes d’Affaires du Plein Evangile, elle a été touchée par l’amour de Jésus, elle s’est avancée et elle a pris un petit sac de blé. Aujourd’hui encore, ce sachet est bien en évidence sur son buffet, elle s’en sert pour parler de l’amour et de la fidélité de Jésus à ses amis. Voici un récapitulatif des villes dans lesquelles j’ai été orateur dans le cadre des Hommes d’Affaires : En France : Paris Lille Chambéry Nantes Haguenau Mulhouse Horbourg-Wihr
En Allemagne : Ulm Fribourg-en-Brisgau (Freiburg) Baden-Baden Heidelberg Karlsruhe Saarbrücken Saint-Wendel (Sankt Wendel) Viernheim Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main) Idar-Oberstein Pirmasens Wetzlar Albstadt
En Suisse : Delémont En Autriche : Klagenfurt
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Chapitre 7 VISION POUR MADAGASCAR
Introduction Les pages qui vont suivre, ne sont pas écrites pour donner des leçons, mais pour donner à réfléchir à ceux qui lisent ces lignes attentivement. Comment peut-on aider le peuple malgache, aimé de Dieu, qui souffre tant et depuis trop longtemps ? Tous ceux qui combattent le beau combat de la foi sont bien conscients que ce n'est pas un travail uniquement social qui changera la situation, mais d'abord un travail spirituel. Ces deux versets bibliques sont la garantie totale que le changement dans la bonne direction peut avoir lieu : - dans 2 Corinthiens 5 verset 17, il est écrit : « Si quelqu'un entre en communion vivante avec le Christ, il devient un homme nouveau, il est recrée. L'ancien état est dépassé. Ce qu’il était autrefois a disparu. La nouvelle création a déjà commencé ; voici : tout est devenu nouveau. Tout cela, du début à la fin, est l'œuvre de Dieu. » (La Bible, version Parole Vivante). -
dans Ezéchiel 36 versets 25-27, nous lisons : « Je répandrai sur vous une eau pure, afin que vous deveniez purs, je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles. Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau, j'enlèverai de votre être votre cœur dur comme la pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit et je ferai de vous des gens qui vivent selon mes lois et qui obéissent à mes commandements pour les appliquer. » (La Bible, version du Semeur).
Le travail de littérature Le travail de "littérature" veut dire, pour nous, l’achat et la distribution de bibles, de nouveaux testaments, d’évangiles, de traités, de livres chrétiens, qu’on peut aussi emprunter dans des centres, et la création de librairies chrétiennes. Jusqu'à ce jour, nous avons pu acheter des milliers de bibles pour un prix vraiment hors concurrence à Madagascar même, ainsi que des dizaines de milliers d'évangiles et qui ont été distribués un peu partout sur l'île. Presque dans chaque ville, il y a des volontaires qui reçoivent cette littérature et qui la donnent gratuitement à des pasteurs venant de la brousse. Nous proposons à ces pasteurs que, dans la mesure du possible, les bibles soient vendues aux villageois pour une petite somme d'argent, et que les pasteurs gardent l'argent reçu. Cela constitue un petit revenu pour les pasteurs, et en même temps, les bibles sont distribuées jusqu'au fin fond de la brousse. Nous avons aussi reçu, de France, un certain nombre de livres chrétiens que nous avons pu offrir à des librairies ou des bibliothèques, pour être mis à la disposition du grand public. Une des plus grandes priorités, c'est de faire parvenir la parole de Dieu au peuple malgache. Dans Matthieu 4, verset 4, nous lisons : « Pour vivre, l’homme n'a pas seulement besoin de pain, - 38 -
mais aussi de toute parole que Dieu a prononcée». (La Bible, version Parole Vivante). Et dans Hébreux 4, verset 12, nous lisons : « Car la Parole de Dieu est vivante et efficace. Elle est plus tranchante que toute épée à double tranchant, elle pénètre jusqu'au plus profond de l'être, jusqu'à atteindre âme et esprit, jointures et moelle, et juge ainsi les dispositions et les pensées du cœur ». (La Bible, version du Semeur). Le problème des routes Un autre grand problème subsiste dans le pays, c'est celui du mauvais état des routes, et avant tout l'absence notoire d’infrastructures. Chacun sait que ce domaine est le plus coûteux. Voici un exemple typique à Tana : un trou dans une des rues de Tananarive entraîne des conséquences désastreuses pour des milliers de gens. Des milliers de voitures passent chaque jour, chacune doit s'arrêter et mettre la première vitesse, chaque automobiliste essaye de franchir le trou, chaque voiture pollue continuellement l'environnement et fait du bruit par le moteur et par sa carrosserie, et ceux qui sont assis au bord de la route pour vendre leurs bananes ou leurs cacahuètes respirent les gaz d'échappement et sont exposés du matin au soir à cette pollution. Personne n'agit pour changer les choses. Chacun rejette la responsabilité sur les épaules du gouvernement. Mais celui-ci n'a pas les moyens d'entreprendre des réfections. La circulation est ralentie, les bouchons sont de plus en plus nombreux, le consommateur utilise plus d'essence, importée avec de fortes devises qui endettent le gouvernement. Et tout cela à cause d'un trou, facile à réparer, pour peu d'argent ! Un trou ? En fait, ce sont des milliers de trous, rien que pour la ville d’Antananarivo. Y a-t-il une solution ? Oui, selon les uns et non, selon les autres. Le problème de l'infrastructure concerne effectivement le gouvernement, mais aussi chaque citoyen. Là encore, la radio et la télévision peuvent contribuer à la résolution de ces difficultés en montrant à la population qu'il est malgré tout possible, avec un petit effort individuel, de prendre une pelle et de boucher le trou qui se trouve juste devant sa porte, ce qui peut stimuler les initiatives, à condition que le trou ne soit pas, déjà, trop profond... Il est dommage que les chrétiens soient si aveugles et inconscients ou peut-être trop fainéants pour donner un meilleur témoignage dans ce domaine. Peu de personnes prennent des initiatives ou ont le sens des responsabilités. Finalement, la formule " aide-toi et Dieu t'aidera" est vraie. Elle est valable pour le gouvernement, la population en général, mais aussi et avant tout pour chacun, personnellement. Qui sera le premier à prendre l'initiative? Le reboisement L'île verte est devenue une île de couleur brun-ocre. Chaque Malgache sait ou doit savoir que le reboisement de l'île est devenu une priorité touchant à la population toute entière. Si un Malgache sait abattre un arbre, il devra aussi savoir planter un autre arbre. Cela devrait faire l'objet d'une obligation absolue. Il ne s'agit pas seulement de planter un arbre, mais, pour chaque arbre abattu, d’en planter au moins dix autres. Il y a des domaines où l'on ne peut pas permettre à chacun de faire ce qu'il veut, mais où le gouvernement doit prendre des sanctions sévères envers tous les contrevenants de toutes classes sociales (je pense au parc d’Antsirabé). - 39 -
Pourquoi ne pas prendre exemple sur ceux qui ont de l'expérience dans ce domaine, que ce soit la France, l’Allemagne, l’Afrique du Sud ou Israël ? Il n'y a rien de honteux à demander des conseils au voisin pour éviter une catastrophe nationale. La responsabilité est vraiment partagée, surtout dans le domaine du reboisement où le changement de mentalité est indispensable. Tout n'est pas encore perdu ! Ce n'est pas une petite affaire, mais il faudra bien commencer par un premier pas. En Allemagne, entre les deux guerres, ils ont employé des chômeurs pour construire des autoroutes, en les logeant dans des baraques, en leur donnant de la nourriture et en leur payant 25 pfennigs par jour. Ce qui était valable dans le passé, l'est encore aujourd'hui. Le pays compte assez de jeunes et de moins jeunes sans travail. Donnons à ceux qui le veulent une chance de s'en sortir. Tous ne veulent certes pas travailler, mais les personnes de bonne volonté existent, capables et sérieuses. Encore une idée : pourquoi l'ouvrier ne ferait-il pas crédit à l'Etat ? (C'est peut-être du jamais vu). J'explique, chaque ouvrier a droit à un salaire. Si l'Etat n'est pas en mesure de le lui payer, qu'il en paye une partie et le reste plus tard avec une garantie de revalorisation, d'actualisation et d'intérêts, avec l'appui d'un pays étranger ou de la banque mondiale. N'oublions pas que les salaires actuels sont très bas. Demain, peut-être, la main d'œuvre sera plus chère et rare, ce qui augmentera sensiblement le tout. Le reboisement est une formule qui intéressera peut-être même certains pays étrangers, comme par exemple l’Afrique du Sud. Offrons-leur de la terre pour planter durant une certaine période. 20, 30, 40 ou 50 ans. Il en est de même pour l'industrie, donnons-leur la possibilité d'investir. Une chose est sûre, personne n'emportera les usines ou les terrains vers l'étranger. Dans cette perspective, le pays ne peut être que gagnant. La population aussi. Nous avons à notre disposition assez d'intellectuels qui pourraient influencer le gouvernement au niveau des actions urgentes de reboisement. Quittons les tables rondes pour passer à l’action avant qu’il ne soit trop tard. La télévision et la radio Heureusement, il existe déjà, dans quelques villes, des radios chrétiennes. Chacun de nous connaît l'impact des médias sur un peuple. Ces radios sont dirigées par des volontaires, souvent très jeunes, et qui consacrent tout leur argent, leur temps au service du Seigneur. C'est un grand privilège de trouver à Madagascar un si grand nombre de jeunes qui se sentent appelés à servir Dieu, d'une manière ou d'une autre. Par ces radios, nous avons la possibilité d'influencer la population dans le domaine spirituel et aussi dans le domaine pratique pour l'amélioration du statut social de chaque individu. Nous savons aussi que, dans ce domaine, nous avons beaucoup à apprendre des professionnels de la radio officielle. Ce sont des hommes d'affaires et des économistes. L'un des plus grands problèmes, c'est la nécessité de changer la mentalité de beaucoup de personnes concernant l'occultisme, la sorcellerie, le culte du retournement des morts. Il y a de grands progrès à faire pour libérer une majeure partie du peuple malgache de tous ces péchés. La Bible évoque ces choses dans un langage très sérieux, dans Deutéronome 18, verset 10-12 : « Qu'on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui exerce le métier de devin, d'astrologue, d'augure, de magicien, d'enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui - 40 -
interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l'Eternel. » (La Bible, version Louis Segond). Un autre point préoccupant, c'est la pauvreté. Nous qui venons de l'extérieur, nous constatons que cet esprit de pauvreté règne sur toute l’île. Nous devons tout mettre en œuvre pour que le peuple soit éclairé à ce sujet. L'esprit de pauvreté est un esprit de destruction. Les enfants de Dieu doivent être mis en garde contre cet esprit et refuser cette puissance des ténèbres.
Un groupe de Lazaristes. Ce sont des gens pauvres qui reçoivent de l’aide d’une dame : Mle Esther.
Par l'influence persévérante de la radio, nous arriverons à obtenir des victoires sur ces esprits, et la bénédiction de l'Eternel pourra à nouveau reposer sur les foyers chrétiens et les autres. Tant que ce problème ne sera pas réglé, nous aurons beaucoup de mal à faire passer nos messages et à faire accepter à la population nos propositions d'aide sociale. Dans l'avenir, il y aura de plus en plus de foyers qui posséderont une radio, raison de plus pour concentrer nos efforts dans le domaine des médias. Parallèlement à la radio, il faudra penser au travail de la télévision. L'avenir appartient à la télévision. A Madagascar, de plus en plus de personnes auront la possibilité d'avoir cet appareil chez eux. Le pays ne restera pas perpétuellement dans un état de pauvreté. A partir du moment où les gens gagneront plus d'argent, la première chose à acquérir sera une télévision. Dès à présent, pensons à l'avenir. Il serait de toute importance de songer à créer une équipe privée, constituée de personnes compétentes, qui produise des films à projeter à la télévision nationale, un travail de qualité professionnelle et non pas du bricolage. Et, comme pour la radio, la première priorité est d’ordre spirituel. La deuxième priorité serait de filmer des scènes de la vie quotidienne, comme la construction d'un WC ou d'une citerne d'eau, - 41 -
l'art de planter des arbres fruitiers ou des arbres pour le bois de chauffage, l’art de la taille, des soins à apporter à un arbre pour avoir le minimum de travail et le maximum de rendement, l'art de planter intelligemment des légumes, l’art d’élever de la basse-cour, des poules, des lapins, des oies, des canards, l'art de construire astucieusement une maison, une remise, un hangar ou autre chose (car on construit souvent trop compliqué et trop cher, ou on dépense l'argent inutilement par manque d'expérience et d'éducation), et enfin la façon pratique de boucher les trous sur les routes, au moins devant sa propre maison. En fait, il existe une foule de possibilités pour changer la mentalité d'un peuple, de lui montrer ce qu'il n'a jamais vu, de lui apprendre des techniques nouvelles, de l'aider à abandonner des traditions négatives. Idées et témoignages Ce ne sont pas toujours les plus intelligents qui ont des idées. Il n'est pas inutile de réfléchir pour avoir une vie plus belle, plus remplie, plus facile, etc. Voilà ce qui est arrivé à mon épouse, par exemple. En 1939, au début de la guerre, alors qu’elle avait huit ans, sa famille et elle ont dû se réfugier dans une petite ville en Alsace. C'était l'automne. Dans cette petite ville vivaient quelques cultivateurs qui possédaient des pruniers et des quetschiers, sans savoir quoi faire de tous leurs fruits. Un cultivateur qui ne sait pas quoi faire de ses fruits ! Mon épouse en a acheté 50 kg pour peu d'argent. Elle a rangé ces fruits sur une tôle et les a emmenés chez le boulanger. A l'époque, on pouvait apporter les gâteaux et les fruits chez le boulanger qui les mettait dans son four. Les fruits sont restés pendant huit jours dans ce four, ensuite elle est allée les chercher. Ils étaient séchés pour qu'on puisse les garder pendant tout l'hiver. On pouvait les réutiliser pour confectionner des gâteaux, de la confiture, etc. Des cultivateurs ont vu cela et ont été très étonnés qu'une petite citadine d’à peine huit ans leur donne une pareille leçon ! Naturellement, il y a aussi des agriculteurs qui connaissent cette leçon. A Madagascar, des centaines de milliers de personnes sont comme ces cultivateurs en Alsace, sans idées et sans initiatives. Que cette petite histoire serve d'exemple pour beaucoup de Malgaches et qu'elle soit imitée. L’exemple d’Oberlin Souvent, le fatalisme des Malgaches face à la pauvreté les amène à perdre tout espoir d'un avenir meilleur. Il n’y a pas plus de 150 à 200 ans en Alsace, on vivait dans une situation identique. Le 31 août 1740, un dénommé Jean Frédéric Oberlin est né à Strasbourg. A 27 ans, après avoir fait des études de théologie, J.F. Oberlin est devenu pasteur et il a été envoyé dans un village de la vallée de la Bruche. Les gens y étaient très pauvres, les routes y étaient mauvaises, il y avait peu d’industrie et le bois manquait souvent. Cette situation, je la compare souvent avec celle que j'ai rencontrée dans certaines régions de Madagascar. Cet homme est arrivé de la ville, sans aucune connaissance agricole, mais il avait une foi inébranlable dans le Dieu Vivant.
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C’était un pionnier. Je cite ici des extraits d'une brochure reçue récemment de quelqu'un : "C'était un homme controversé, un philanthrope, un conducteur de routes et d'écoles et plus encore, un sage, un homme de piété, un chef qui, d'une main de fer et d'une voix ardente fustigea un petit peuple étonné, un être doué de bon sens, qui n'avait pas peur d'un certain opportunisme politique ou au contraire un missionnaire parfois inquiétant doté d'une forte personnalité". Qui sait, en France, ce qu'évoque le nom de J.F. Oberlin un peu partout dans le monde ? De son vivant déjà, les grands personnages de la révolution française aussi bien que le Tsar de Russie ou les colons d'Amérique avaient connaissance de son œuvre. Innombrables sont, à travers l'Europe protestante, les centres de jeunesse, les foyers, les salles de réunions qui ont emprunté leur nom à J.F. Oberlin. Il est connu jusque dans le lointain Japon où l'on trouve des traces de son influence. Pendant toute une vie, J.F. Oberlin s'est battu contre l'analphabétisme, contre la terre ingrate et le climat difficile, contre le découragement aussi. Grâce à lui, le complément économique indispensable de l'industrie textile fut introduit dans la vallée. "... Durant les trois décennies qui suivirent la deuxième guerre mondiale, les protestants de sa région ont donné cinq fois plus aux missions d'outre-mer que ne l'ont fait les autres protestants d'Alsace". J.F. Oberlin est intervenu partout où les individus et les collectivités manquaient de prévoyance, de courage ou d'esprit d'initiative. Une agriculture pilote, des réalisations civiques, des jardins d'enfants, des écoles, un travail préscolaire. C'était l'avant-garde. C'est devenu l'institution. La rééducation, la réadaptation des enfants caractériels à une vie normale est un de ces domaines où la vocation chrétienne doit s'insérer, à une époque où les détresses de l'esprit et de l'âme sont souvent plus grandes que celles du corps. J.F. Oberlin a même enseigné un peu de botanique, c'est-à-dire ce qui était nécessaire pour l’élaboration des remèdes utilisés parmi les campagnards. Le ministre était laborieux, très actif, très instruit, il a dressé et imprimé la carte de son canton qui comprenait sept à huit villages ou hameaux, rien n'échappait à ses yeux, rien ne l'arrêtait quand il s'agissait d'opérer le bien. Les chemins de communication dans ces lieux sauvages étaient en très mauvais état, et ses soins infatigables ont procuré des chemins praticables. Le bois devenant de plus en plus rare, de jour en jour, chaque chrétien doit s'appliquer à le ménager de son mieux. Une des pratiques qui demande plus de bois qu'il n'en faudrait est la chauffe des fours. J.F. Oberlin a donné une idée aux cultivateurs. Quand le bois commençait à manquer pour faire cuire le pain, il leur disait ceci : « Vos fours sont trop grands. Chaque maison chauffe son four froid, parce que chacun a le sien propre, au lieu que dans tous les endroits où les choses sont mieux arrangées, un seul four sert à plusieurs, quand il est une fois chaud, on entretien la chaleur avec peu de bois. Associez-vous à six ou huit ménages, arrangez-vous de façon que tous cuisent leur pain de son propre bois. Mais comme celui qui chauffera le premier, consumera beaucoup plus de bois que les suivants, il faut que la deuxième fois, un des autres cuise le premier et ainsi chacun son tour. »
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Ces quelques initiatives d'un grand homme (parmi d’autres grands hommes) ont prouvé que, pour tous les problèmes, il y a une solution, surtout si on accepte d'être enseigné. Nous voulons prier pour beaucoup d’autres « Oberlin » pour Madagascar. Récapitulation Voici donc, en quelques pages, ce qui se faisait dans le passé et ce qui devrait se faire dans l'avenir. J'ai essayé de démontrer par ces quelques exemples, propositions, idées et surtout par un langage très simple, sans grande éducation, ce qu'est la situation actuelle de l'île de Madagascar, avec quelques solutions à y apporter. L'initiative du pasteur Oberlin peut servir d'exemple de solution au problème malgache, qui n’a rien d'exceptionnel. Mais cela illustre aussi combien il est important de se retrousser les manches, et que, sans travail, rien ne peut se faire, qu'il faut beaucoup de bonne volonté et une grande foi dans notre Dieu Tout-Puissant qui est capable de faire des miracles à l’infini. Tout ceci peut ramener la bénédiction sur le peuple bien-aimé de Madagascar. Je conçois qu'en lisant ces lignes, certains lecteurs auront peut-être un sourire au coin des lèvres en pensant qu'il faut être bien naïf pour croire que tout peut être réalisé. La balle est dans les deux camps en même temps, donc c'est à nous de jouer avec l'aide de Dieu. Plantation d’arbres fruitiers Autour de chaque maison, si c'est possible, il devrait y avoir des arbres fruitiers. Un arbre ne se plante qu'une seule fois, on n'a pas besoin de le replanter tous les ans, et il est important d'apprendre à la population à planter des arbres, en utilisant les terrains vagues que certains possèdent. Les arbres donnent de l'ombre et des fruits, appréciables compte tenu des faibles moyens de la population. Les fruits peuvent être consommés sur place, ou séchés et consommés hors saison, en confitures. N'oublions pas la possibilité d'avoir des abeilles productrices de miel, si nutritif. Ces choses semblent être assez méconnues de la population. D’où l’idée des émissions de radio et de télévision... Centres d’apprentissage Comme, à Madagascar, les centres d'apprentissage sont quasi inexistants, les jeunes n'ont pratiquement aucune chance d'obtenir une formation professionnelle et de trouver un travail à leur convenance. Naturellement, l'industrie privée n'a pas encore les moyens de s'occuper d'un tel domaine. L'Etat lui-même ne peut pas encore financer des établissements de ce genre. Cependant, il existe une solution partielle à ce problème. On pourra créer des centres de formation, non pas pour enseigner des métiers qui demandent une formation en trois ans, voire trois ans et demi, mais pour proposer une formation pratique. On part du principe que chaque métier comprend un certain nombre de règles de base à savoir. On pourra, durant une même période, instruire des jeunes en menuiserie, en serrurerie, en peinture, en électricité, en mécanique, en bâtiment, etc. Ces jeunes, quinze à vingt élèves par classe à peu près, pourront être instruits durant quelques mois et seront libérés ensuite dans des conditions plus favorables pour trouver du travail et être autonomes. - 44 -
Ayant été confronté au domaine pratique pendant toute ma vie, je suis convaincu de la validité de cette formule à 100%. La problématique concernant les filles est la même que celle des garçons, même si les formations qu’on leur propose devront être appropriées. La formation réservée aux garçons serait donc celle-ci : savoir couper une planche, percer des trous dans du bois, du fer ou du béton, faire un assemblage, savoir faire du béton, placer une brique sur l'autre, savoir faire une connexion électrique, changer des bougies sur un moteur... pour ne citer que quelques exemples. Celle réservée aux filles leur permettrait de savoir coudre, faire la cuisine, nettoyer une maison, garder des enfants, etc. Comment un jeune homme, qui n'a jamais manipulé un marteau correctement, percé un trou dans un morceau de fer, regardé dans un moteur ou préparé une peinture peut-il trouver un emploi ? Les chances sont minimes. Comment une jeune fille qui a toujours cuisiné assise par terre, qui n'a jamais coupé un bout de tissu avec des ciseaux, ni nettoyé comme il faut un logement peut-elle être utile dans un travail auprès de gens aisés, dans une belle villa, chez des personnes venant d'un autre monde ? Elle non plus n'a aucune chance. Apprenons donc à travailler à un maximum de jeunes gens et de jeunes filles pour leur offrir la perspective d'un avenir meilleur. Constructions de citernes d’eau Certaines régions de Madagascar, surtout dans le sud-ouest, sont connues pour être des régions où la pluie, donc l'eau, est rare. Certains ont très peu de moyens, voire pas de moyens du tout, pour en acheter. Mais comme pour tout problème, il existe une solution. A la Ligue de Tana, nous avons construit un modèle de citerne d'eau. Il est très simple de construire une citerne d’une contenance moyenne de 3 000 à 4 000 litres. Naturellement, chaque famille intéressée peut en construire une deuxième, ce qui permet de doubler la contenance d'eau. Dans un pays sec, chaque maison, ou hutte, devrait avoir sa, ou ses citerne(s) d'eau. Pépinières et élevages Pour le reboisement, la plantation d'arbres fruitiers ou autres, il faut des jeunes plants. Madagascar est à reboiser complètement. Pour cela, il faudra des dizaines de milliards de plants et, pour obtenir des plants, il faut patienter un certain temps. Répartis sur tout le pays, on devrait recenser les jeunes chrétiens ayant un réel désir de gagner de l'argent, et motivés par la production de plants pour le reboisement et, en particulier, des arbres fruitiers. Des centaines de jeunes trouveront ainsi un emploi et un avenir plus ouvert. Le pays compte assez d'ingénieurs agricoles diplômés pour prendre en main une telle campagne. Activer l'élevage de lapins, de poules, de canards, d'oies, de poissons est également nécessaire. Il faudra penser à exporter certaines denrées alimentaires fabriquées dans le pays même, par exemple, le foie gras d'oie qui se vend à un prix faramineux en Europe. Les rizières sont un emplacement favorable pour un élevage de masse de ce genre d'animaux. Dans les - 45 -
régions où l'on trouve beaucoup de lacs, il conviendrait d'étudier la possibilité d'élevage de poissons qui serviront à alimenter l'homme, ou qui, séchés, serviront comme nourriture pour les poules et autres animaux. Travail d’hélicoptère L'évangélisation de l'arrière-pays dans la brousse pose un grand problème. On parle de milliers de villages où l'évangile n'a pas encore été annoncé. Comment s'y rendre avec des routes inaccessibles en voiture, même en char à bœufs ? Quelle énergie il nous faudrait pour nous rendre jusque dans les villages les plus reculés du pays !
L’arrivée de l’hélicoptère dans le village de Longozabe. Tout le village est présent. Le frère E. Tanner, de la Suisse, a imaginé une solution. Il a envoyé un hélicoptère pour apporter de nombreuses solutions, sachant que le déplacement en hélicoptère se fait soixante fois plus vite qu'à pied ! Lui-même était missionnaire en Afrique et connaît parfaitement les problèmes qui caractérisent cette tâche. Jusqu'à présent, il nous a proposé un prix exceptionnel. Pour nous, c’est plus de vingt fois moins cher que le prix officiel. Normalement, une heure coûte 1 200 dollars américains, mais nous ne payons que 50 dollars américains (300 FF), ce qui nous permet de faire de l’évangélisation dans la brousse, pour un prix abordable. Nous avons déjà pu faire plusieurs vols avec des évangélistes malgaches dans différentes parties du pays, et de ce fait, nous avons déjà acquis une certaine expérience. Nous devons reconnaître que ce travail par hélicoptère est une chance et un don de Dieu unique en son genre. Nous ne devons en aucun cas négliger ce travail à l'avenir. Ce privilège doit être connu de toutes les églises afin d'élargir au maximum ce champ d'action, pour que, dans quelques années, tout Malgache soit atteint par la Bonne Nouvelle. Construction de WC Une autre grande préoccupation sur l'île est l'hygiène. Parlons en premier lieu des WC. Beaucoup d'habitants utilisent ces slogans : « Connais pas ! » « Jamais entendu ! » « On n'a pas besoin ! » « À quoi cela sert-il ? » « Il y a la nature ! » - 46 -
C'est vrai, il y a la nature, les arbres, les maisons ou la mer pour certains, les rizières qui sont disponibles pour certains pour faire leurs besoins. Mais le danger réside dans la présence des mouches, des insectes qui se ravitaillent dans les déchets infectés de toutes sortes de maladies et qui se poseront ensuite sur les humains pour transmettre des bactéries mortelles. On connaît le nombre de victimes qui meurent à cause d’un manque d'hygiène. Les hôpitaux sont surpeuplés, les gens pauvres manquent de médicaments, ne pouvant opposer aucune résistance aux infections parce que leur corps est sous-alimenté. Aussi, à la Ligue, nous avons fait construire deux modèles de WC, pour les montrer à ceux qui sont intéressés, et les inciter à construire des WC pour leurs propres besoins. Ce sont des modèles élaborés en Afrique du Sud et construits avec du matériel peu coûteux, qu'on trouve sur place. Ces WC ont l'avantage de ne pas dégager de mauvaises odeurs. Il suffit de les placer à des endroits favorables au vent. Ils sont 100% hygiéniques et par ce système, on élimine une grande partie des maladies dues aux mauvaises habitudes des villageois. Cassettes taxis-brousse A Madagascar, le transport des personnes se fait presque uniquement par taxis-brousse. Des milliers de taxis sillonnent jour après jour les routes du pays. La plupart des taxis sont équipés de radiocassettes pour distraire les voyageurs au cours des trajets qui durent parfois 30 heures et plus. Depuis quelques années, nous avons commencé un travail qui consiste à donner aux chauffeurs de taxis des cassettes avec des messages, des témoignages, des chants et de la musique chrétienne. Voilà une occasion unique de propager l'évangile auprès d'une population venant souvent des extrémités de la brousse et n'ayant jamais entendu parler des choses de Dieu. Nous pensons répandre ce travail sur l'île toute entière. Les passagers doivent aussi avoir l'occasion de recevoir des traités ou de la littérature chrétienne. Il faudra leur offrir de participer à un cours biblique par correspondance. A ce jour, nous ne sommes qu'au début de cette tâche lourde mais prometteuse. Nous avons déjà reçu des milliers de cassettes d'amis français, allemands et suisses. C'est une entreprise qui ne sollicite pas de finances énormes et qui a un impact formidable. Imprimerie A la Ligue pour la Lecture de la Bible, nous avons fait construire un bâtiment pour nos machines à imprimer. Ces deux machines ont été achetées d'occasion, en Afrique du Sud. Nous voulons faire tourner ces machines à plein rendement pour l'impression de tracts, de littératures diverses et de brochures.
Une machine d’imprimerie que nous avons importé d’Afrique du Sud. Celle-ci est installée à la Ligue pour la lecture de la Bible.
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En principe, toute littérature est destinée à être distribuée gratuitement sur toute l'île. Naturellement, il y a des salaires à payer, le papier, l'encre et d'autres frais courants. Il ne faudra pas toujours compter sur les finances provenant de l'étranger mais apprendre aux Malgaches à devenir autonomes tel que la Bible nous l'enseigne. Une autre possibilité serait de créer un club ou une amicale, prête à subvenir régulièrement aux besoins de ce genre de travail, capital. La parole de Dieu nous exhorte à donner la dîme pour l’œuvre de Dieu et mentionne la bénédiction qui en découle, promise à chaque serviteur et donateur fidèle. Films vidéo Depuis quelques années déjà, nous avons une équipe de volontaires qui sillonnent le pays, en montrant des films chrétiens par-ci, par-là. Mais qu'est-ce qu’une équipe, en face d'une population qui compte douze à treize millions d'habitants ? Ne serait-il pas plus astucieux de créer des petits locaux, surtout dans les grands centres, que de montrer des films qui n'ont rien à voir avec nos propres films chrétiens enrichissants ? Ne serait-ce pas une occasion, pour certains chrétiens, de gagner leur pays, en se mettant à leur compte pour faire ce travail si important dans plusieurs quartiers des grandes villes ? On sait que les finances sont minimes, mais il faut dire que les idées aussi sont rares. Il faudra bien sûr trouver les fonds nécessaires mais, le plus important, c'est de trouver des croyants qui ont un appel du Seigneur, la volonté de faire quelque chose, le courage d'entreprendre des choses nouvelles, afin que toutes les possibilités soient exploitées pour faire avancer le royaume de Dieu à Madagascar, jusque dans les coins les plus reculés. Travail parmi les étudiants Inutile de dire combien il est important et prioritaire de faire un travail parmi les étudiants, sur une plus grande échelle que ce qui se fait actuellement. Ce sont eux qui prendront un jour la direction du pays, du commerce, des universités et de tous les postes clés du pays. Il y a une différence entre un étudiant athée et un étudiant respectant les commandements de Dieu. Il reste à trouver encore d'autres hommes de Dieu qui ont la foi, la sagesse, et surtout l'appel de Dieu pour faire un travail positif parmi les étudiants. Les statistiques sont assez claires en ce qui concerne les conversions dans les différentes tranches d'âge. Le travail parmi les étudiants, et parmi la jeunesse en général, est à mettre en tête de liste dans l'évangélisation. Pour être logique, il faudrait porter nos efforts sur la jeunesse qui a entre quatre et quinze ans, c'est-à-dire qu’il faudrait revoir à fond tout le système d'évangélisation. De 0 à 4 ans De 4 à 15 ans De 15 à 30 ans De 30 ans et plus
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1 % se convertissent 84 % se convertissent 10 % se convertissent 5 % se convertissent
Pour l'évangélisation des étudiants ou de ceux qui ont entre 15 et 30 ans et dont les conversions ne se montent qu'à 10 %, on a déjà perdu une bataille. Mais il n'est jamais trop tard ! - 48 -
Chapitre 8 MADAGASCAR
Pourquoi Madagascar ? Dans les réunions des Hommes d’Affaires du Plein Evangile, j’ai appris à connaître un homme qui venait de l’île de Madagascar. Donc un vrai Malgache. Il s’appelait Hardy Razakandisa. C’était un homme intelligent, sympathique et ouvert. Le vrai type « homme d’affaires ». En nous rencontrant, nous avons tout de suite eu un contact facile et amical. Je m’intéressais beaucoup à son pays, je ne savais pas pour quelle raison. Il m’a invité à lui rendre visite, si un jour l’occasion se présentait. Effectivement, l’occasion s’est présentée, et le jour est venu où Claire et moi avons pris l’avion, à partir de l’Afrique du Sud, en direction de Madagascar. Notre voyage n’était pas un voyage touristique, mais un voyage missionnaire. Notre but était de voir sur place s’il y avait la possibilité d’aider, d’une manière ou d’une autre, et de nous engager pratiquement, matériellement ou spirituellement. Personnellement, je suis retourné une douzaine de fois dans ce pays par la suite, non pas en venant de l’Europe mais de l’Afrique du Sud. Il y a des amis d’Alsace qui ont soutenu financièrement et spirituellement ces actions missionnaires. Les articles suivants, pris sur le volet, témoignent de tout le travail que nous avons pu faire au courant de ces longues années. Hardy est décédé entre-temps et j’ai dû arrêter l’essentiel du travail. On a semé, d’autres vont récolter. Notre stratégie Notre stratégie, dès le début, était de travailler avec les Malgaches, pour plusieurs raisons. Ils sont, plus que nous, capables d’effectuer un certain nombre de choses étant donné leur propre mentalité et la langue malgache. 1. Ils sont chez eux 2. Ils n’ont pas besoin d’apprendre la langue 3. Ils ne sont pas confrontés à une autre mentalité ou une autre culture En style télégraphique, voici l’essentiel du travail que nous avons pu réaliser : o Travail radio o Imprimerie à la Ligue o Evangélisation par hélicoptère o Projection de films vidéo o Cassettes audio pour les taxis de brousse o Distribution de littérature o Mission de distribution de tracts dans les rues o Envoi de containers o Soutiens financiers pour les personnes travaillant à la radio o Distribution de nourriture (à savoir un menu par semaine) pour un groupe appelé « les lazaristes » - 49 -
o Etc. Notre stratégie a prouvé son efficacité. On pourrait faire beaucoup plus si … Mon travail consiste à payer, à contrôler, à surveiller etc.… . Mais chaque fois que je me trouve sur l’île, j’ai des problèmes de santé. Madagascar - Grande tournée en avion dans la partie sud de l’île Le premier jour, Hardy, Werner (un missionnaire allemand), Claire et moi sommes allés à l’aéroport d’Antananarivo (aussi appelé Tananarive, et pour raccourcir on dit « Tana »). Avant de prendre l’avion de la MAF, (Mission Aviation Fellowship), nous avons pesé nos bagages qui étaient déjà réduits au minimum, pour voler en direction de Tuléar. Cette petite ville, aussi appelée «Tolario » en malgache (et aussi appelée « Toliara » en français), se trouve dans le sudouest, à quelques heures de vol. Hardy nous a emmenés chez sa sœur où nous avons logé. Le mari de sa sœur était le capitaine du port. La sœur est décédée quelques années plus tard. Après un ou deux jours, nous avons repris l’avion vers l’Est du pays et avons atterri à Fort Dauphin. Là, nous n’avons passé qu’une nuit dans un hôtel au bord de l’océan Indien. Dans cette petite ville, Hardy connaissait des personnes qui nous ont conduits en voiture à l’intérieur du pays.
Hardy (en vert) est un homme extraordinaire, malheureusement décédé trop tôt. Manakara A Manakara, les stations d’essence étaient fermées pour cause de pénurie d’essence. Mais Hardy connaissait la combine. D’ailleurs, il connaissait « toutes » les combines. Il a trouvé chez des particuliers de l’essence en bouteilles, ce qui nous a permis de continuer la route. Nous sommes arrivés à une rivière et, de là, nous avons pris un bateau (dans lequel nous étions serrés comme dans une boîte de sardines) qui nous a conduits dans un village du nom de « Ankaramalaza ». Avant de prendre ce bateau, nous étions obligés de passer la nuit dans une maison, chez des particuliers. Juste à côté de cette maison se trouvait une usine en tôle rouillée. Nous avons demandé pourquoi l’usine était fermée. On nous a expliqué que cette usine servait à récolter et à exporter du café. Il paraît que les ouvriers ont demandé plus de salaire, ce que la direction a refusé. Après cela, les ouvriers ont mis le feu à l’usine et ils ont coupé tous les arbres à café. Ils l’ont bien regretté plus tard.
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Nous sommes donc arrivés à Ankaramalaza. Dans la langue malgache, il y a plein de « a » dans leur grammaire. Je possède une adresse d’une personne avec « 23 a » dedans. Pas mal ! Ankaramalaza se situe très au centre de Madagascar. C’est un village où l’on envoie des gens possédés. Ils vivent avec d’autres personnes, ensemble dans la maison. Quand les possédés font leur crise, les habitants prient pour eux, et beaucoup sont libérés des démons et de mauvais esprits. Sur le terrain se trouve une petite clinique, le médecin de cette clinique était un possédé et il a été libéré de tout cela. Comme remerciement, il est resté au village pour travailler comme médecin. Dans un autre village, on a vu un cas spécial. Un homme avait été attaché avec une chaîne à un poteau, dans une hutte. Avant, pendant ses crises, il était devenu dangereux pour les gens du village, c’est pour cela qu’ils l’ont attaché à un poteau. Quand il n’a pas de crise, il est gentil. Naturellement, chez nous en France, nous ne pouvons pas agir de la sorte. Un jour, je me suis promené dans des prés, près du village. Au loin, je voyais paître des bœufs. J’ai demandé à celui qui m’accompagnait : « c’est quoi, comme animal ? » Il m’a répondu que c’étaient des bœufs, je savais que c’étaient des bœufs. Je lui ai dit : « ce que vous devriez avoir, ce ne sont pas seulement des bœufs, mais aussi des vaches. Les vaches donnent du lait, avec le lait on fait du beurre ou du fromage, ou autre chose… ». Je lui ai dit que les enfants du village ne savaient même pas ce qu’était le lait. J’ai dit à ces quelques hommes qui étaient avec moi que je n’étais pas venu pour les critiquer. Alors je leur ai dit : « voilà, je vous paie la première vache », mais j’ai ajouté, « je la paierai seulement lorsque la vache sera achetée et se trouvera sur le terrain. » Des années après, il n’y avait toujours pas de vache. Après quelques jours passés dans ce village, nous sommes retournés à Antananarivo. Plus tard, depuis la France, nous leur avons envoyé plein de matériel dans un container. Autre épisode à Tuléar Hardy, Claire et moi avons fait un autre voyage à Tuléar. Cette fois-ci, nous étions logés dans un hôtel et Hardy a logé chez sa sœur. De l’hôtel, nous avions une vue sur la mer qui était juste à côté. Quand la mer se retirait, on ne voyait que du sable, comme chez nous en France, sur la côte Atlantique. Il y avait une espèce de digue qui allait vers le large. Le matin, nous voyions beaucoup de va-etvient sur cette digue. Nous avons compris par la suite que cette digue était le WC public. Chacun trouvait sa place pour faire ses besoins, l’un assis à côté de l’autre, hommes et femmes. Quand la mer revenait, le problème du nettoyage était résolu et sans frais. Hardy nous a conduits un peu à l’extérieur de la ville, près de la mer. Au bord de la mer, à 50100 mètres, il y avait une grande excavation dans la mer. Dans ce grand trou se trouvait une source d’eau potable, donc pas salée, et l’on pouvait se baigner en pleine mer dans de l’eau non salée. Après le bain, c’était l’heure du dîner et on se régalait, dans un restaurant tout proche, de crevettes pêchées sur place. A l’autre bout de la ville se trouvait une espèce de sablière. Il y avait plusieurs couches de sable. Chaque couche de sable avait une autre couleur, vraiment phénoménal ! Dommage que personne n’ait su exploiter ce phénomène de la nature. Près de Tuléar se trouvait aussi un terrain clôturé, grand de quelques hectares. Il fallait chercher une clé chez un particulier pour pouvoir accéder à ce terrain. Comme j’ai toujours été intéressé par tout et que je voulais tout voir, je me suis un peu aventuré à l’intérieur de ce terrain. Ce qui se trouvait sur place était quelque chose de tout à fait spécial. Il y avait là des arbres. Chaque arbre était raccordé à un autre arbre, pas de grosses branches, mais de façon à ce que la branche d’un arbre semble être la branche de l’arbre voisin, les arbres ayant poussé l’un dans l’autre. La femme de Hardy a commencé à s’inquiéter et m’a crié de revenir. Claire lui a demandé pourquoi - 51 -
elle s’inquiétait tellement. Sur quoi elle lui a dit qu’elle avait peur que je me transforme « en arbre ». Oui, la superstition est forte dans l’âme de beaucoup de malgaches. Il paraît qu’à cette place, on offrait des sacrifices aux démons, donc un lieu à éviter, occulte.
Un autre voyage à Madagascar Nous sommes arrivés à l’aéroport de Johannesburg à 10h00. Je devais prendre l’avion pour Madagascar. Traugott et Esther sont allés chez Hennie et Louise. Ils ont pris l’avion le soir pour leur retour en Europe. Claire est retournée seule en voiture vers l’ASM (Africa School of Missions). J’ajoute que l’aéroport de Johannesburg est certainement l’un des plus grands et des plus modernes de toute l’Afrique. Je me rappelle que, pendant la crise de l’apartheid, sur le parking de l’aéroport, il n’y avait que quelques voitures. Aujourd’hui, ils ont construit des bâtimentsparkings pour des milliers de voitures. Les temps ont changé. Le personnel est en majorité de couleur noire. Donc, j’ai quitté Johannesburg pour Madagascar à 11h45 et je suis arrivé à Antananarivo à 15h00. C’était un vol intéressant, au-dessus de la RSA (République Sud-Africaine), puis la traversée du Mozambique, en partie le long des côtes, puis la traversée de l’océan Indien, puis le survol de la partie ouest de Madagascar. Le paysage de Madagascar, vu d’en-haut, est très intéressant. Les collines avec leurs villages, les lacs, la verdure, le sentier qui va de villages en villages. Il y a très peu de routes dans ce pays. Tout se fait à pied sur ces sentiers. Enfin, Tana est en vue. Quelle sera l’aventure qui m’attend ?
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Je cite encore les fleuves de Madagascar, avec leurs eaux brunes et rouges qui se jettent dans la mer toute polluée à l’embouchure. On dirait l’eau du Pharaon, du temps où Moïse a transformé l’eau en sang. On se demande comment un poisson peut vivre dans ces eaux polluées. Avant ma venue, deux cyclones avaient ravagé le pays, au nord de l’île. Les noms des cyclones : Eline et Gloria. Ils ont fait de grands dégâts (140 personnes tuées, 10 230 personnes sans abri et 613 000 personnes affectées et isolées). Dégâts : 24 milliards de francs malgaches ou 3,7 millions de dollars. Je suis donc arrivé à Tana. Température : 21°. A l’aéroport, j’ai été attendu par Ibrahim, le pasteur François Forschlé et Lili, de la Ligue. Lili et son chauffeur m’ont conduit à la Ligue qui est très proche de l’aéroport. Pour l’instant, je logeais à la Ligue, tout seul à côté de la route qui va vers la ville de Mahajanga, qui se trouve sur la côte ouest de l’île, à quelques centaines de kilomètres. Mme Marthe Hervé est arrivée à la Ligue. Nous avons mangé chez Emilien, qui est le directeur de la Ligue et le mari de Lili. L’après-midi, nous avons fait des achats au marché. J’ai toujours acheté des broderies, mais les prix ont triplé. Une belle nappe de table qui s’achetait il y a quelques années pour 40 000 à 50 000 FM (francs malgaches), soit environ 40 à 50 FF (francs français), coûtait maintenant 140 000 FM (140 FF). Une robe d’enfant, 20 FF. Un mouchoir, 1 FF. Madagascar, dimanche 19 février 1995 Change à ce jour : 1 franc français = 790 francs malgaches Ce matin-là, Hardy est arrivé de Paris avec l’avion, vers 9h00 du matin. Moi, je suis arrivé à Antananarivo, de Johannesburg, à 10h30. Mon avion était à moitié vide. Il n’y avait personne à l’aéroport pour me recevoir. A la banque de l’aéroport, j’ai changé 500 francs français contre 390 000 francs malgaches. Pendant que j’étais encore à la banque, Hardy est venu. J’ajoute que c’est une drôle de situation, quand on arrive de loin en avion et que personne n’est là pour vous accueillir. Les douaniers sont en principe très zélés, mais pour une fois je n’ai pas dû ouvrir mes valises. Dans l’avion, on nous a fait remplir les papiers concernant les finances. Quand on sort du pays, ils contrôlent minutieusement ce qu’on a dépensé et ce qu’on a ramené en sortant du pays. J’ai payé 120 000 FM pour le visa et 45 000 FM pour la taxe d’aéroport. J’ai invité Hardy et son épouse Simone à manger au Holiday Inn. Prix pour 3 personnes : 185 000 FM (environ 230 FF). Un buffet incroyable : langoustes, petites huîtres, crevettes, frites, légumes et toutes sortes de viandes et de desserts, etc. Hardy et Simone habitent un faubourg de la capitale. Il y a eu des inondations dans les rizières et beaucoup de maisons étaient dans l’eau. Beaucoup de paysans construisent leur maison dans les rizières avec de la terre cuite et les toits en chaume. Quand l’eau monte dans les rizières, les gens mettent des briques sous les pieds des lits et quand on se lève le matin on a tout de suite les pieds dans l’eau.
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Heureusement, les paysans ont récolté le riz en dernière minute. Ils sèchent souvent le riz sur les routes et on passe dessus en voiture. Il n’y a que des vieilles voitures qui perdent l’huile et de la graisse et, le soir, on ramasse le riz au balai. Pour la cuisine, il faut trier, à chaque fois, le sable et les petites pierres pour que cela ne crisse pas sous les dents.
L’après-midi, nous avons rencontré un évangéliste du nom de « Brillant de l’or ». Nous avons eu un entretien favorable. Il s’agit d’utiliser l’hélicoptère dans le sud de Madagascar, dans la région de Fort Dauphin ou de Tuléar. Sur le marché, j’ai sorti un petit sac en forme de porte-monnaie de mon sac noir, et « hop !», un voleur, qui a attendu le moment propice, me l’a pris et a pris la fuite. Heureusement, ce n’était pas mon portefeuille, le voleur a dû être déçu. L’après-midi nous avons rendu visite au pilote de la MAF (Mission Aviation Fellowship) et à sa femme. C’est un couple sympa, anglais. Brillant de l’or était là aussi, il veut démarrer le 5 mai à six endroits près de Fort Dauphin, qui se trouve dans le sud de l’île. Le pilote de « l’hélico » ne peut pas démarrer, il a une hélice à réparer, ce sera seulement terminé au mois de mars. Lundi, 20 février 1995 Brillant de l’or est revenu. Il paraît qu’il est l’homme idéal pour ce travail. On lui a payé 120 000 FM (150 FF par mois). Brillant de l’or est un ancien voleur de bœufs. C’est la coutume, ou tradition, qu’on vole des bœufs, vu que les Malgaches sont très pauvres. Après sa conversion, il est devenu une nouvelle créature. Maintenant, il ne vole plus de bœufs. L’après-midi, il y a eu la visite du beau-frère de Hardy. Il vient de Mahajanga, une ville située à l’ouest, près de l’océan Indien. C’est un pasteur de Pentecôte. Il fait l’école biblique avec une dizaine d’élèves, qu’il envoyait en brousse pour quatre à cinq mois pour évangéliser et distribuer de la littérature. Un frère de Hardy était là aussi. Un homme d’affaires riche (exception). Il vend des bulldozers et des machines. L’après-midi, nous avons visité la Ligue pour la Lecture de la Bible. Emilien et Lili étaient partis pour l’île St Mary. Mais Ully, la secrétaire, était là. C’est une jeune femme belle, intelligente et toujours très gentille. Elle a fait des études en Russie pendant 7 ans, diplôme d’ingénieur. Elle parle parfaitement le russe. Comme Madagascar était gouverné par un dictateur « pro russe », il paraît que les étudiants malgaches avaient le privilège de pouvoir faire des études gratuites en Russie. Le but de cette politique était d’influencer idéologiquement les étudiants pour en faire des communistes. Ully faisait partie de ces étudiants. Mais en Russie, elle a eu des contacts avec des chrétiens, et elle s’est convertie au Seigneur, donc juste le contraire de ce que voulaient obtenir les soviétiques. - 54 -
Pour la Ligue, j’avais acheté des machines d’imprimerie en RSA. Ils ont tout installé et ont imprimé beaucoup de littérature. Mais l’atelier était sale, le papier traînait par terre, les étagères se tordaient sous le poids du papier, donc un grand désordre. Mais ça ne les dérangeait pas, les deux ouvriers. Brillant de l’or était avec nous et il a prié dans cet atelier. Plus tard, je lui ai donné une montre. Nous avons voulu acheter des cartes géographiques des pays, mais le magasin est déjà fermé à 15h30. J’ai eu très mal au genou. On a été voir un médecin, mais il n’était pas là. On est retourné chez le médecin un peu plus tard, un homme de 87 ans. On disait que c’était un homme de Dieu. Mais vu son bureau, je préfère ne pas en parler. Il m’a prescrit quelque chose. On a fait quatre pharmacies pour trouver enfin ce qu’on désirait, soit une ampoule et une seringue. Nous sommes allés au service médical et un médecin m’a fait la piqûre, en plein dans le genou. Hardy a dû faire des achats, j’ai préféré rester dans la voiture à cause de mon genou. Pendant que j’étais assis à regarder défiler les gens, j’ai eu l’idée de compter les personnes obèses qui passaient devant la voiture. Il n’y en avait pas une seule. Oui, les gens sont pauvres et n’ont pas assez d’argent pour acheter de la nourriture, de plus les Malgaches mangent tous les jours du riz. Nous perdons beaucoup de temps sur les routes. Même à Tana, nous faisons du slalom pour nous déplacer, et la pollution avec toutes ces voitures, vieilles pour la plupart... C’est un peu comme partout dans le monde, certains messieurs du gouvernement sont bien habillés et savent bien parler et promettre, mais la réalité est totalement différente, et je dis qu’ils n’ont pas honte de rouler sur des routes de plus en plus impraticables. Jeudi, 23 février 1995 Un camion de Hardy est arrivé ce matin de Tamatave (« Toamasina », en malgache), un port maritime de l’Est de Madagascar. Il est plein de bibles pour la société biblique de Tana. En tout, 350 cartons, soit 14 000 bibles. Il doit les décharger dans de petits camions pour les livrer en ville où l’on avance à peine à cause des trous dans les rues et des bouchons sans fin. J’étais au marché avec Simone. J’ai acheté quelques nappes brodées pour pas cher.
Pour mémoire Du 26 novembre au 4 décembre 1996, j’ai fait un autre voyage à Madagascar, en partant d’Afrique du Sud.
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Un autre voyage de Johannesburg à Madagascar en 1997 Quelques rencontres intéressantes. Lors d’un voyage de RSA vers Madagascar, j’avais, dans l’avion à côté de moi, le PDG de « Eagle and Lemur Friendship Association», M. Daniel Randriamanalina. Nous avons eu un contact très intéressant et fraternel. A l’arrivée à Antananarivo, il n’y avait que deux personnes à l’aéroport pour nous recevoir : Mlle Kate Frey et Mlle Fanny Van de Berg. Kate, une Américaine, ancienne étudiante de l’ASM, était infirmière au Mozambique. J’ai pris un taxi pour aller chez Mme Simone, où je logeais souvent. Pour les 15 km, j’ai payé 45 000 francs malgaches. Au marché de Tana, j’ai acheté des broderies pour 400 000 francs malgaches (450 francs français). Pour les évangélistes qui vont dans la brousse avec l’hélicoptère, nous avons acheté un mégaphone pour 680 000 francs malgaches (700 francs français). On nous a donné seize piles gratuites pour le mégaphone et un sac pour 27 000 francs malgaches (environ 27 francs français). Nous avons fait une visite chez Mme Marthe Hervé, nous lui avons donné un émetteur radio qui était un don de M. Roecker, de Barr, en Alsace. Mme Marthe donne des cours privés dans une école à Tana. Elle a fait installer l’émetteur par des volontaires et j’étais stupéfait de voir comment ces gens arrivent à travailler avec des moyens primitifs et pauvres. Elle a une grande vision, cette femme. Elle veut aussi envoyer des cassettes dans d’autres villes où ont été installés des émetteurs de radio amateur. Beaucoup de femmes viennent chez elle à la radio, elle est demandée partout. J’ai proposé de faire des tracts pour les divers sujets, pour qu’on n’ait pas besoin d’écrire à chacun la même chose. On a rendu visite aux pilotes de l’hélicoptère. Ce sont des gens extraordinaires qui font un travail excellent. Une mission luthérienne de Norvège est dans le pays depuis plus de 130 ans. La mairie de Tana a fait des problèmes à cause de l’émetteur de Marthe. Ils lui ont donné 48 heures pour démolir l’ensemble. Mais quand ils ont entendu le nom de Marthe Hervé, ils ont fait marche arrière. On a rencontré M. Driss, un ancien de l’ASM, lui aussi. Il possède un petit bateau. Avec sa femme, il montre des films de Jésus, dans les villages, le long de la côte, dans l’océan Indien. Nous avons fait une commande de 100 bibles, à la Société Biblique de Tana, au prix de 15 francs français la pièce. Ces bibles sont imprimées à l’île Maurice.
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Un voyage en 2000, de Johannesburg à Madagascar Samedi, 11 mars 2000 Le temps devient frais. Breakfast chez Emilien et Lili. Un couple extra. Emilien m’emmène chez Ibrahim qui s’occupe des vols d’hélicoptère. Ibrahim habite une belle maison neuve. Pour y arriver, nous prenons une route impossible, une vraie catastrophe. Nous avons une réunion avec Ibrahim, sa femme Cathie (une femme intelligente), le missionnaire François Forschlé, son épouse, la femme du pasteur Bentz, trois jeunes évangélistes du comité évangélique de réveil et deux évangélistes du Centre Rhema Bible. Nous mangeons ensemble chez Ibrahim. La réunion dure jusqu’à 16 h. M. Forschlé m’a reconduit à la maison, après la visite de son centre où il a construit une grande maison. Dimanche, 12 mars Emilien ne prêche pas ce matin. Mais sa femme prêche quelque part, dans une église de 2 000 personnes. Les églises à Tana sont toutes pleines le dimanche. Il faut dire que les gens sont pauvres, ou n’ont pas de voiture, à part quelques privilégiés. Donc, il n’y a aucune distraction, il ne reste, de ce fait, que l’église. Comme c’est dimanche, j’ai invité Emilien et Lili au restaurant de l’Hôtel Hilton. C’est un buffet excellent pour environ 70 à 80 FF. Emilien et Mme Marthe vont prêcher quelque part et le chauffeur de Lili me reconduit chez moi. Je dors, je lis, je fais mon calcul, seul dans la maison, je réalise ou je comprends la solitude des vieilles personnes qui sont toutes seules. Au Hilton, nous avons rencontré Dady, avec une fille. Dady est le fils de Hardy. Il a une affaire d’ordinateurs. Il va deux fois par mois à Singapour et deux fois par mois en RSA pour affaire. Il a vingt-huit ans. Le soir, un pasteur de l’église luthérienne rend visite à Emilien. Il veut aller en Russie, à Moscou, comme missionnaire. Lundi, 13 mars Simone est venue me chercher. Nous avons prévu d’aller en ville pour acheter des broderies et voir la filiale de la Ligue, qui se trouve au centre ville. Il y a des bouchons en ville ainsi qu’une pollution terrible avec ces vieilles voitures datant encore d’Adam et Eve. J’ai décidé de renoncer à ce projet pour ne pas rester indéfiniment dans cet enfer. Comme nous n’étions pas trop loin du Hilton, j’ai invité Simone pour un repas (buffet). Elle m’a ramené à la Ligue. Elle a changé de coiffure, sympa, cheveux coupés, pantalon long blanc, elle a rajeuni et un peu maigri.
Marché de Antananarivo - 57 -
Mardi, 14 mars Le matin, rendez-vous avec Ully (la secrétaire d’Emilien). Elle est d’une aide très précieuse. J’ai cherché de l’argent à la banque. Après, j’ai fait le tour à la Ligue. C’est un grand terrain avec beaucoup de bâtiments. Je pense que c’est le plus grand, le plus important centre chrétien de Madagascar. Comme je leur avais acheté des machines à imprimer en RSA, j’étais naturellement très intéressé par la bonne marche de celles-ci. Nous avons aussi acheté des machines pour faire des cassettes et les copier. Ils en vendent beaucoup pour rentrer un peu d’argent. J’ai fait une collecte en France et j’ai aussi acheté des milliers de cassettes qu’ils peuvent utiliser pour répandre l’Evangile à titre privé et par des stations radios à travers le pays. Le soir, le chauffeur d’Ibrahim m’a cherché pour rester une nuit avec eux. Concernant les routes, toujours le même problème partout, et… la pollution. Quant aux personnes obèses, il n’y en a toujours pas, ou très rarement. Près du lac, en ville, des évangélistes m’ont attendu pour m’emmener quelque part et pour me montrer où ils habitent. En même temps, ils me montrent la maison où habitent de futurs évangélistes. Les villages qu’ils évangélisent ramènent des jeunes qui veulent à leur tour devenir évangélistes et c’est là qu’ils les enseignent dans des conditions de vie impensables pour nous. Mais revenons un peu à Ibrahim. Il est le directeur d’une grande entreprise de pétrole. Je pense qu’il gagne bien sa vie. Il s’occupe du travail par hélicoptère et des évangélistes qui vont dans la brousse. C’est un bel homme cultivé et intelligent. Il habite une belle maison avec beaucoup de chambres. Son épouse Cathie et lui ont adopté un bébé, un très joli garçon. Elle est la responsable du mouvement qu’on appelle « Pacwa ». C’est une organisation pour des femmes. Je n’avais pas prévu de passer la nuit chez eux. J’avais prévu d’aller avec Emilien et Lili pour visiter une colonie de vacances à 60 km de Tana, près d’un lac. Nous y avions déjà été, une fois, voir ce lac, avec Hardy et Walter Cox. Je suis donc resté chez Ibrahim et le lendemain ils m’ont ramené à la Ligue. Pour faire 20 km, il nous a fallu une heure trente, en faisant du slalom entre les trous dans les rues de Tana. Nous soutenons les évangélistes qui vont dans la brousse en hélicoptère. Les évangélistes de brousse ont une vie dure. Ils ne savent jamais à l’avance où manger et dormir. Souvent les villageois n’ont rien à manger eux-mêmes. Ils dorment exposés aux moustiques, ils dorment avec les bêtes et sont souvent malades de la malaria. En général, un évangéliste est le bienvenu. Il y a malgré tout des gens « primitifs » qui comprennent que toute la sorcellerie et le culte des ancêtres, qui est très à la mode, ne rapportent rien et remarquent qu’ils sont menés par le bout du nez par des gens qui savent exploiter jusqu’aux plus pauvres. Le soir, le pasteur Forschlé m’a cherché. Il fait du house-sitting (gardien de maison) pour un ami. Bon repas. Il m’a dit qu’il était honoré de me recevoir. Je crois qu’il a beaucoup à m’apprendre. Vers 20h30, il m’a ramené à la Ligue. Mercredi, 15 mars Dernière journée. J’écris beaucoup. Je me promène un peu dans les rizières. Cathie m’a fait cadeau d’une belle nappe de table. Elle m’a dit : « c’est pour Claire ». Demain, à 8h00, départ de
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Tana pour arriver à Johannesburg à 10h30. Le Seigneur est bon. Je suis en forme, donc en bonne santé, pour l’instant. Jeudi, 16 mars Je me trouve à l’aéroport de Tana. Juste avant le départ, j’ai la diarrhée. C’est comme si le diable voulait me dire « je t’ai eu quand même ! ». Le contact avec tout le monde était fraternel : Ibrahim, Cathie, Emilien, Lili, le pasteur Forschlé, Mme Hervé, les évangélistes et bien d’autres personnes, ainsi que la famille de Hardy qui m’hébergeait lors de mes différents passages dans l’île. Tous étaient bien contents de me recevoir. Naturellement, il y a toujours cette petite peur qu’on les lâche financièrement. Je crois que je suis allé une douzaine de fois à Madagascar. De l’île de La Réunion à Madagascar Un nouveau champ de mission s'est ouvert pour nous à Madagascar où nous avons travaillé environ six ans et ce, jusqu’à aujourd’hui, en 2013. Notre premier voyage vers Madagascar à partir de l’Afrique du Sud avait dû se faire par un détour par l’île de la Réunion, à cause de l’apartheid. Comme l’île de la Réunion est un département français, notre passeport français nous permet de sortir librement de l’Afrique du Sud vers cette île. Pour les habitants de l’Afrique du Sud, ce n’était pas possible, les sanctions contre l’Afrique du Sud étant strictes et sévères. Lors de ce premier voyage, Claire a dû se faire hospitaliser d'urgence une semaine, suite à un problème de nerf sciatique coincé. Surprise, un petit cousin de la Wantzenau se trouvait sur l’île sans que nous le sachions et il travaillait pour Jeunesse en Mission. Grâce à lui, Claire a pu se reposer dans un petit pavillon au bord de la mer et, une fois guérie, elle a pu me rejoindre à Madagascar. Elle a participé avec nous à une tournée intéressante en avion dans le sud de l'île. Madagascar est tellement particulière, et différente même de l'Afrique. L'aventure malgache remplirait un livre en soi.
Ile de la Réunion : éruption volcanique en décembre 1988
A chaque voyage à Madagascar, j’ai des problèmes de santé : diarrhée, maux de tête, fatigue, difficultés respiratoires, et l’air de la capitale de Tana y est pour beaucoup. J’ai toujours un programme très chargé. Avec plein de contacts, de réunions, de discussions, et plein de décisions à prendre, plus le temps que l’on perd sur les routes et dans les bouchons qui ne finissent jamais. Comme Hardy, mon meilleur ami et collaborateur, est décédé il y a 4 mois, j’ai dû revoir complètement ma stratégie de notre travail missionnaire sur place. Ce frère était un homme d’affaires excellent, connu partout à Madagascar. Il était surtout et avant tout un serviteur de Dieu qui aimait le Seigneur. Il a investi beaucoup de son temps et de son argent pour faire - 59 -
avancer le royaume de Dieu à Madagascar. Et c’est grâce à lui que nous avons fait un travail fructueux dans ce pays. Je me trouve actuellement au 4ème étage de l’hôtel avec vue sur une grande partie de la ville, toujours aux frais de la compagnie « Air inter », qui doit payer l’annulation du vol. Contretemps C’est aujourd’hui le 4 décembre, je me trouve à l’aéroport d’Antananarivo, à Madagascar. Après une semaine très active, je suis sur le chemin du retour vers Johannesburg. J’ai retrouvé, une fois de plus, cette tension que nous appelons « Airport ambience » et qui ne nous quitte que lorsque nous sommes enfin arrivés au but. Le voyage en avion dure trois heures trente, plus une heure de Johannesburg vers Nelspruit, et encore une heure vers notre mission. Mais l’avion qui doit venir des Seychelles est en panne. Et, comme d’autres voyageurs, nous devons attendre pour rien. Tout le monde doit retourner à l’hôtel Hilton, Claire doit attendre à Nelspruit, et elle aussi doit retourner seule à la maison. Une aventure de plus dans nos voyages à travers le monde. Circulaire sur le travail à Madagascar Comme cela fait un bon moment que nous n’avons plus fait de lettres circulaires, je vais essayer d’être bref. 1. Hier soir, j’avais organisé une réunion d’information concernant le mouvement des Hommes d’Affaires du Plein Evangile. Les bases sont établies et, sous peu, il y aura l’agrégation officielle du 1er chapitre à Madagascar. 2. J’ai encore fait une nouvelle commande de 1 000 bibles à la Société Biblique de Tana. Ces bibles seront données gratuitement à des pasteurs, ou laïcs, ou évangélistes allant dans la brousse ou ailleurs. C’est la femme de Hardy qui a pris la décision de continuer l’œuvre que son mari a laissé derrière lui. 3. L’imprimerie que nous avons installée à la Ligue pour la Lecture de la Bible fonctionne maintenant, après pas mal de problèmes. 4. J’irai aussi acheter à la Ligue 10 000 tracts qui seront distribués à des gens qui sont assis sur le trottoir pour vendre leur produit. Ces gens sont exposé aux gaz des voitures, et à toute la pollution qu’une ville comme Tana peut produire 24h/24h. La distribution des tracs sera faite par des volontaires. 5. Il y a aussi un travail de cassettes qui est envisagé pour les taxis ainsi que pour les radios chrétiennes amateur. J’ai reçu des cassettes par milliers ainsi que des cassettes neuves que j’ai achetées en Allemagne. 6. Il y a un travail par hélicoptère. « L’hélico » est actuellement en réparation. On a trouvé une personne compétente qui a pris en charge ce travail. C’est Monsieur Ibrahim. Il contacte les évangélistes, il organise les vols. Nous avons des évangélistes de différentes églises qui sont envoyés par « hélico » dans la brousse. Ils partent pour une journée, avec une guitare et un micro. L’avantage, c’est qu’ils sont malgaches, donc ils n’ont pas besoin d’être traduits. Quand ils ont chanté et prêché la parole de Dieu, ils font un appel à la fin et beaucoup de personnes donnent leur vie au Seigneur. Le travail par « hélico » est - 60 -
probablement le plus fructueux. Et il est fortement avantageux. Nous avons même obtenu un tarif de faveur. 7. Le travail radio marche bien. Nous avons trouvé des émetteurs en France, soit achetés, soit reçus gratuitement. Les Malgaches se débrouillent bien pour les installer. Et les cassettes sont bien utiles. 8. A Tuléar, une petite ville du sud-ouest de l’île, nous avons fait la connaissance d’une jeune femme du nom d’Esther, qui s’occupe d’un groupe de personnes qu’on appelle « les lazaristes ». Ce sont des gens très pauvres, comme Lazare, dans la Bible, cet homme qui ramassait les miettes de la table d’un riche. Ils sont entre 60 et 80. Nous avons ressenti le désir de les soutenir. Nous payons donc un repas par semaine pour ces gens et un petit salaire pour la dame. Elle soigne les « lazaristes », consacre une partie de son temps à la jeunesse, s’occupe des enfants pour qu’ils puissent aller à l’école, elle prêche et elle s’occupe aussi des prisonniers. C’est une femme précieuse qui n’est pas mariée. Esther nous a dit : « les prisons sont surpeuplées : pour 800 places, on met 4 000 prisonniers. Ils se relaient pour dormir. Beaucoup de prisonniers meurent de faim. Jour après jour, on leur donne à manger du manioc, qui, à la longue, est nuisible pour la santé. »
Mlle Esther est une femme précieuse qui s’occupe des Lazaristes, des gens en prison, de la jeunesse et des malades. Elle est fière de poser avec une bicyclette offerte par une femme de Strasbourg.
On a envoyé un frère allemand, qui est aussi sud-africain, pour faire un séminaire concernant l’Islam. Il a émigré en Australie. 9. On a offert une certaine somme d’argent pour que des enfants qui vivent dans la rue puissent fêter Noël. Si des parents n’ont plus rien à manger pour les enfants, ils les jettent dehors et ces pauvres deviennent finalement des voleurs et des criminels. D’ailleurs, on m’a, une fois de plus, volé mon argent « bien gardé », et ceci pour la troisième fois. 10. Toujours à l’hôtel : j’ai une belle chambre à deux lits qui sont propres. Tout est parfait. Les vitres ne sont pas cassées. Les portes ont même une serrure, une poignée, et même une clé. Les robinets ne sont ni rouillés, ni cassés, et le grand miracle, c’est qu’il y a de l’eau qui coule, soit chaude, soit froide. Il y a des lampes et des interrupteurs. Il y a des ampoules qui fonctionnent, dans les lampes. J’exagère ? Non ! Surtout après avoir vu d’autres situations la semaine dernière. C’est le ciel sur la terre. Toujours l’hôtel : je regarde par la fenêtre. En bas, à certains endroits, c’est l’enfer. Il y a des personnes qui vivent comme des animaux, aussi laids, aussi sales, les vêtements complètement déchirés. J’ai dit « vêtements », mais… - 61 -
11. Quand on voit une femme, elle a toujours un bébé sur les bras, et un autre, en attente, toujours la main tendue dans l’espoir de recevoir quelque chose de quelqu’un. Malheureusement, on ne peut pas aider tout le monde. Madagascar est classé parmi les pays les plus pauvres du monde. 12. Toujours l’hôtel : il est 18h. Dans une heure, je descends au restaurant. Je vais bien manger. Tout ce que ton cœur désire. Self service. Quelques mètres plus loin, dans la rue, on fouille dans les poubelles à la recherche de nourriture. On se bat parfois avec les chiens, eux aussi ont faim. 13. Oui, la misère est grande, il faut l’avoir vue. J’écris cette lettre depuis ma chambre d’hôtel, assis près de la fenêtre avec vue sur la route et sur les maisons, en bas de l’hôtel. Il y a des maisons de bonne construction, tandis qu’à côté il y a des baraques en planches, tôles rouillées, en paille, en carton, enfin tout ce que l’on peut trouver ou voler pour la construction. 14. Il y a pas mal de voitures en bas, pour la plupart, je les appelle « boîtes à sardines ». J’ai souvent pris des taxis pas chers. Une fois, on a dû s’arrêter en plein milieu de la ville, le chauffeur a cherché un bidon de deux litres d’essence dans son coffre et l’a versé dans le réservoir. Ensuite, il a ouvert le capot de la voiture. En se servant du tuyau d’arrivée de l’essence, il a aspiré le contenu du réservoir et rebranché le tuyau au moteur, puis il a recraché le reste de l’essence. Il a remis le moteur en route et l’on est arrivé à la prochaine station. Il a racheté deux litres d’essence. Et le cinéma a continué comme ça, toute la journée… Dans la ville, on roule au ralenti, il y a trop de « nids de poule », et chacun fait du slalom pour arriver à destination. Naturellement, chacun pollue l’air au maximum. Concernant la littérature Notre vision pour Madagascar était, entre autres, la distribution de littérature. Nous avons compris très tôt que la littérature était un instrument important dans le domaine spirituel. Tout ce qui est écrit peut se garder, on peut le donner à quelqu’un d’autre, et on peut le relire soi-même autant de fois qu’on en a envie, même longtemps après. Pendant toutes ces années, on a pu œuvrer dans ce pays, et nous avons acheté et distribué beaucoup de littérature. Ci-dessous, la liste de ces livres distribués : Des bibles en français et en malgache environ 27 000 exemplaires Des nouveaux testaments 3 000 ex. Des brochures 20 000 ex. Des évangiles 65 000 ex. Des livres d’école et autres fascicules 15 000 ex. De la littérature 40 000 ex. Des tracts 35 000 ex. Des cassettes audio 10 000 ex. Soit environ 215 000 ex. Toute cette littérature a été distribuée en grande partie gratuitement, sur tout le territoire malgache et par des bénévoles chrétiens.
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Caractéristiques de Madagascar 1. Madagascar est la quatrième plus grande île au monde 2. Elle a une superficie de 58 700 km² 3. Elle est longue de 1 580 km et large de 580 km 4. Il y existe 12 000 espèces différentes de plantes 5. Une population de 18 millions de personnes 6. 41 % sont chrétiens : 23 % catholiques et 18 % protestants 52 % sont de religions traditionnelles et 7 % sont musulmans
Voyages à travers Madagascar Tana - Tuléar Tuléar - Morondava Ejeda – Tuléar Tuléar - Fort Dauphin Fort Dauphin - Manakara Manakara - Farafangana Fort Dauphin - Ejeda Tana - Manakara Manakara - Tana
662 km 349 km 135 km 385 km 344 km 123 km 254 km 397 km 397 km ______
483 260 FM (francs malgaches) 254 770 FM 98 550 FM 281 050 FM 251 120 FM 89 790 FM 185 420 FM 289 810 FM 289 810 FM __________
3 088 km
2 223 580 FM
Statistiques sur Madagascar 4% de taux de croissance économique. Croissance démographique record. La population a doublé en 20 ans. 80% des personnes vivent sous le seuil de pauvreté contre 61% il y a 5 ans. 67% d’alphabétisés, l’un des taux les plus élevés en Afrique. 7,5% de mortalité infantile, 57% d’espérance de vie 240 dollars américains de PIB/an Production de riz, aliment de base, insuffisante pour la consommation locale.
Statistiques sur le travail de la « Mission Hélicoptère » Les résultats sont extraordinaires, en 47 heures de vol on peut atteindre 57 villages. Les trajets parcourus sont d’environ 8 475 kms. Si on marchait à pied, à une vitesse de 3 km/heure, en marchant 5 heures par jour, il nous faudrait 2 825 heures de marche, ce qui équivaut à 565 jours, soit une année ½. En hélicoptère, on a seulement besoin de 9 jours. C’est une belle économie ! La mission hélicoptère avec David le pilote et les pasteurs Daniel et Alain - 63 -
Chapitre 9 MISSION
A part mon activité de lecteur, je me suis intéressé tout particulièrement aux œuvres missionnaires. Ma stratégie était d’aider ceux qui se laissent aider. Une de mes principales activités a été d’envoyer beaucoup de soupes, en sachets et en vrac, un peu partout dans le monde. En plus, on a fait la connaissance d’un directeur d’une usine de chocolat. Par son intervention, nous avons reçu des tonnes et des tonnes de pralinés bien empaquetés dans de belles boîtes. Le premier envoi était de 20 tonnes. Comme notre équipe était bien organisée, nous invitions des œuvres missionnaires et des œuvres de bienfaisance à venir pour se servir de ces cadeaux précieux. La plupart allaient dans les pays de l’Est, mais aussi partout en France, en Allemagne et en Suisse et eux le distribuaient ailleurs, jusqu’aux extrémités de la terre, avec les soupes, naturellement. Tout ce travail se faisait à côté de notre travail professionnel. Parmi mes meilleurs amis, je comptais deux frères suisses, Ernst et Robert Bührer, qui sont tous les deux décédés entre-temps. Ils ont fait leurs études dans une école biblique à Beatenberg, en Suisse. Après leur diplôme, ils se sont investis dans l’évangélisation en Alsace, dans des églises ou dans des salles évangéliques. Plus tard, ils ont fait le même travail sous une grande tente, qu’il fallait à chaque fois monter et démonter et transporter de village en village. Beaucoup de personnes se sont converties à travers leurs messages. Après une grande récolte d’âmes, on leur a proposé d’arrêter ce travail béni, parce que certaines églises proposaient la même chose. J’étais surtout ami avec Robert Bührer. C’était un homme qui avait un cœur pour la mission dans le monde. Suite à ses études dans cette école à Beatenberg, il connaissait beaucoup de ses coétudiants partis, entre-temps, comme missionnaires dans le monde entier, surtout dans les pays africains. Nous avons aussi collecté des vêtements, des souliers, des denrées alimentaires, etc. Tout ce matériel a été envoyé dans les stations missionnaires par la poste ou par bateau. Les soupes, on les a envoyées par paquets de 3 kg, on faisait ce travail le soir. Pour payer tous les frais de transport nous avions, un peu partout, des personnes qui nous aidaient. Par exemple, des cultivateurs vendaient des animaux, des fruits ou des produits de leur terre. Un médecin offrait l’argent de chaque dixième patient. Il y avait aussi la vente de bois de chauffage. Avec d’autres amis, nous avons créé une radio du nom de « Radio Evangile ». Les messages, enregistrés à Strasbourg, ont été diffusés sur les antennes de Radio Monte-Carlo.
Une centaine de paquets de soupes destinés au Liban et à Israël.
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Tournée à travers la France. Claire et moi étions tout juste rentrés d’Afrique du Sud quand le pasteur Paul Stroh nous a téléphoné pour nous dire qu’il avait préparé une tournée d’évangélisation pour nous à travers la France. Paul Stroh était un pasteur de l’église de la Confession d’Augsbourg. Six mois avant de partir pour l’Afrique du Sud, nous avions convenu que, si c’était possible, nous ferions une tournée en France dans des églises ou des communautés évangéliques pour montrer un film sur l’évangélisation que Reinhard Bonnke avec tout le staff de « Christ For All Nations » faisait en son temps en Afrique du Sud. Effectivement, sans jamais nous en informer, il avait fait lui-même, en qualité d’aumônier militaire, une tournée pour visiter ces différentes églises. Et à notre retour, nous voilà devant le fait accompli. Nous avons immédiatement accepté ce défi. La première chose à faire était donc d’aller à Francfort, au quartier général de Reinhard Bonnke, pour chercher un grand projecteur avec les cassettes vidéo. Quelques jours après notre arrivée à Strasbourg, sans pouvoir nous reposer un instant, nous avons commencé notre grand voyage à travers la France. Le premier arrêt était à Paris. Une réunion s’organisait de la manière suivante : d’abord, rendre visite aux personnes qui nous hébergeaient, puis voir l’église ou la salle, et enfin, l’installation du projecteur, etc. Pour commencer, je faisais une introduction. Après, je projetais le film. Je peux dire que, d’un point de vue technique, tout a toujours bien marché. Pour un Français, ou un chrétien occidental, c’était du jamais vu. L’ambiance africaine est unique en son genre, les miracles se succédaient : des aveugles voyaient, des sourds entendaient, des estropiés quittaient leur chaise roulante et ainsi de suite… Après la projection, je donnais un message avec appel à la conversion. Il y avait partout des personnes qui, impressionnées par la puissance de la parole de Dieu, donnaient leur vie au Seigneur. Voici donc le trajet fait avec une petite voiture : De Strasbourg à Paris – Angers – Châtellerault – Niort – Cognac – Rochefort – Royan – Bordeaux – à Bordeaux, Hommes d’Affaires – Marmande – La Teste – Tarbes – Dax – Bayonne – retour à Bordeaux – Lormont – Libourne – Toulouse – Montauban – Angers – Paris et retour à Strasbourg. En tout, il y a eu une vingtaine de réunions et environ 5 000 km en voiture. Pour nous aussi, c’était une expérience unique, stressante, fatigante. Dormir chaque soir dans un autre lit, tard dans la nuit parfois, mais finalement satisfaits après un mois d’absence.
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Un voyage en Yougoslavie avec mon ami Robert Bührer Robert Bührer m’a demandé un jour si je voulais l’accompagner pour une tournée d’évangélisation en Yougoslavie. Nous en avons parlé à un autre ami qui, en fin de compte, a pu nous rejoindre. Avec ma voiture, une Citroën traction avant, nous avons traversé l’Allemagne pour passer la nuit chez un ami de Robert, en Autriche. C’était un pasteur que Robert avait connu à l’école biblique de Beatenberg, en Suisse. On a été bien reçus. Le lendemain, départ en direction de la frontière avec la Yougoslavie. Nos passeports étaient en ordre et c’est ainsi que nous avons pu traverser la frontière sans problème, vu que ce pays était encore dirigé par Tito sous le régime communiste. A Novi Sad, Robert connaissait quelqu’un chez qui nous avons passé une nuit. Malheureusement, j’ai attrapé la grippe. J’ai dû rester deux nuits de plus à dormir sur un matelas rempli de feuilles de maïs. J’ai trouvé que ce n’était pas si mal que ça. Après ces deux jours supplémentaires vécus chez cette famille, j’ai pu prendre un train pour rejoindre mes deux amis. Nous nous sommes retrouvés dans une gare, quelque part en Yougoslavie. Nous avons pris la route ensemble pour nous rendre dans un village, au fin fond de la « brousse » yougoslave. Les rues des villages étaient pleines de boue et nous avons dû demander un tracteur pour nous sortir de la boue. Nous avons logé chez des gens du village, tous très accueillants et sympas. Les filles du village ont mis leur costume traditionnel, artistiquement brodé, pour nous faire plaisir. Dans le même temps, les villageois nous ont signalés à la police. Malheureusement, ce frère a commis une erreur fatale. Lorsque les policiers ont demandé ce que nous faisions dans ce village, il leur a raconté tout bêtement et tout naïvement que nous étions venus pour prêcher. Ce n’était pas la bonne réponse, dans un pays communiste. La réponse fatale de ce brave monsieur nous a valu d’être expulsés sur-le-champ, c’est-à-dire que, le même soir, nous avons dû faire environ 500 km pour pouvoir quitter le pays avant minuit. Une belle perspective pour nous comme pour les villageois ! Nous avons donc pris immédiatement le chemin du retour, il ne fallait pas rigoler. Passé le délai de minuit, nous nous serions retrouvés dans une prison, qui, dans les pays communistes, ne ressemble pas du tout à un hôtel cinq étoiles. On roulait donc dans la nuit noire de la Yougoslavie. Tout à coup, un choc sous la voiture. C’était un grand lapin qui s’était malheureusement trompé de chemin. Nous l’avons donc chargé dans le coffre de la voiture. Nous avons décidé de le remettre aux douaniers. Peut-être que, dans le sens contraire, ils auraient pu nous prendre pour des braconniers. Enfin, tout s’est bien terminé. Nous sommes finalement rentrés, sans problème. Dans des voyages comme celui-ci, on voit la différence entre un pays où règne une dictature et un pays libre. A Novi Sad, nous en avons profité pour faire une petite balade. Il y avait un pont en fer qui se trouvait dans les parages. J’ai pris des photos de ce pont archaïque, une construction métallique. Tout à coup, des militaires sont venus me dire que c’était défendu de filmer et ils ont voulu que je sorte le film de mon appareil. J’ai franchement refusé. Après quoi, ils ont cherché du renfort de l’autre côté du pont. Après de longues discussions, ils m’ont autorisé à garder le film. Aujourd’hui, après tant d’années, je reconnais avoir fait une erreur. Ce film aurait pu me valoir de la prison. On oublie trop vite qu’à l’étranger… on est à l’étranger.
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Chapitre 10 NOTRE MISSION EN AFRIQUE DU SUD (De 1984 à 2004 : environ 20 ans)
Alors que j’approchais les 60 ans, mon épouse et moi avons reçu un appel de Dieu pour le servir en Afrique du Sud. Ce n’était pas facile, au début, de laisser derrière nous toutes nos responsabilités et nos proches pour partir dans un pays anglophone, et ne pouvant emmener que 20 kilos de bagages chacun. Nous y avons travaillé presque vingt ans bénévolement (de 1984 à 2004), pourtant les dix dernières années, nous sommes revenus en France pour la période de l’été. Les deux premières années, nous avons travaillé dans la team de « Christ For All Nations », avec l’évangéliste Reinhard Bonnke et les dix-huit autres années, dans l’Africa School of Missions, une école missionnaire à l’Est du pays, dont j’ai participé à la reconstruction. En regardant en arrière, nous pouvons dire que les meilleures années de notre vie sont celles au service du Seigneur sur le terrain missionnaire. « Treize années passées en Afrique du Sud », c’était, en son temps, le titre d’une lettre circulaire. La lettre a été écrite en 1997. Aujourd’hui, alors que j’écris ces lignes, nous sommes en 2013, donc 16 ans après. En tout, nous avons travaillé vingt ans en Afrique du Sud et presque autant à Madagascar. Tout a commencé en 1984, par un appel téléphonique de notre cher ami le pasteur Schantz, décédé depuis quelques années. Celui-ci nous a annoncé qu'il avait fait une réservation pour un voyage en Afrique du Sud afin d'assister à l'inauguration, à Soweto, de la plus grande tente évangélique du monde. Il avait appris par la suite que Johannesburg se situe à 1 700 mètres d'altitude et, comme il avait un problème cardiaque, il avait renoncé au voyage. Après cet appel téléphonique, Claire et moi avons réfléchi, et nous nous sommes dit que cela serait peut-être intéressant pour nous. Comme il y avait déjà une place de libre dans l'avion, il y aurait certainement la possibilité d’obtenir une place supplémentaire. Ce coup de téléphone du brave papa Schantz fut le signal, ou le premier pas, qui nous a emmenés, pour ainsi dire, et peut-être pour le reste de notre vie, dans une aventure qui en ce moment n’est toujours pas terminée. Après pas mal de problèmes à résoudre, comme celui de la réservation des billets, des visas, etc., nous nous sommes retrouvés à Johannesburg, la capitale de l'Afrique du Sud. La grande tente était dressée dans le plus grand township (en Afrique du Sud, ce terme désigne un quartier pauvre où habitent des non-Blancs) de Soweto. Soweto est, pour ainsi dire, un faubourg de Johannesburg, un faubourg très dangereux et criminel pour les Blancs comme pour les Noirs. Nous étions très impressionnés par la grandeur et la hauteur de la tente, avec ses piliers en fer fabriqués par la mission elle-même. Il y avait de la place pour facilement 34 000 personnes mais, comme la population noire aime être assise bien serrée les uns contre les autres, ce nombre a été facilement dépassé.
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Les réunions sous la tente étaient d'un style complètement nouveau pour nous, les chants, dans le style africain, de cette immense foule nous fascinaient. Les messages de Reinhard Bonnke étaient d’une extrême puissance. Un soir, dans une des réunions, chacun de nous a reçu comme un appel de Dieu à donner un peu de son temps à cette mission. Simplement donner un coup de main, pour un temps limité, et nous pensions environ pour six mois. Ces six mois se sont multipliés, et finalement nous sommes restés vingt ans en République Sud-Africaine. Dieu a sa façon de parler à ses enfants et de les appeler à un ministère, et Claire disait toujours : « j'irai partout dans le monde, mais jamais en Afrique ! » Après ce temps d’évangélisation, on a proposé aux invités européens de faire une tournée en bus à travers l'Afrique du Sud. Nous y avons participé. Le bus nous était prêté par l’église de la région. C'était un vieil engin. La première nuit nous avons dormi dans l’hôtel le plus chic de. Puis, longeant la côte Est, au bord de l'océan Indien, nous avons pris la Garden route, route touristique jusqu'au Cap. Le retour se faisait en passant par une ville du nom de Kimberley. Là se trouve le plus grand trou du monde fait par la main de l'homme. En ont été sortis environ deux milles kilos de diamants. Aujourd'hui, c’est un musée. Un peu plus tard, nous avons pris le train à couchettes pour retourner à Johannesburg et prendre l'avion pour rentrer en France le même jour. Une page a été tournée dans notre vie. Comme j 'avais déjà quitté l'entreprise de menuiserie, il nous restait pas mal de choses à régler, comme quitter le mouvement des Hommes d'Affaires du Plein Evangile que j'avais fondé et dirigé pendant six années, quitter l’association qui soutenait, à Strasbourg, l'Ambassade Chrétienne de Jérusalem (après mon départ, l’association a finalement cessé d'exister), abandonner tout le travail missionnaire que j'avais fait pendant des dizaines d'années, abandonner la famille, les amis, les connaissances, les traditions, les habitudes, enfin tout. Il fallait se préparer pour une vie tout à fait nouvelle. Un des problèmes était d'apprendre l’anglais, vu qu'en RSA on parle principalement l'anglais et l'afrikaans. Avant notre départ, nous avons demandé à M. Oppermann (pasteur d’une église à Kehl) de prier pour nous, dans sa petite communauté où j'avais souvent prêché. Il était, bien sûr, d'accord de le faire un dimanche, dans un culte d'adieu. Entre-temps, une chorale américaine avait téléphoné à M. Oppermann pour lui demander s'ils pouvaient venir chanter un dimanche. OK. Puis un autre groupe a téléphoné pour la même raison. OK. Et puis d'autres personnes ont téléphoné et tous, à notre grand étonnement, pour la même date. « Comme par hasard », il y a eu énormément de monde. Le frère Oppermann a été
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obligé de louer une grande salle à Kehl. Personne n’aurait pensé cela, et presque personne ne nous connaissait. Et c'est ainsi que, d’une petite prière, tout cela est devenue une grande fête. Même la Croix Rouge de Kehl a proposé de fournir les repas gratuitement. La fête a duré toute la journée. Chants de la chorale américaine, musique d'un groupe de quatre personnes, chants d’un couple, la fille Oppermann a composé son premier chant et elle a chanté pour la première fois en public. Un film de Reinhard Bonnke a été présenté. Le président des Hommes d’Affaires de Lyon était là. Une succession de témoignages et de messages ont été partagés par une foule très nombreuse. · C'était notre entrée dans le monde missionnaire par une grande fête que personne n’avait voulu, n'attendait, n’espérait. C'est çà l’humour du Seigneur. Je me rappelle aussi de nos dernières vacances de ski juste avant notre départ, en Autriche avec Esther et sa famille. Finalement, le jour est arrivé où nous avons dû prendre congé de tout et de tout le monde. Après une nuit de vol, nous avons atterri à plus de 10 000 kilomètres, à l'autre bout du monde. Nous voilà donc sur le terrain de la mission. Notre arrivée à Johannesburg s’est faite finalement avec une petite surprise. Il n'y avait pas de place pour nous loger sur le terrain de la mission. C'est alors que Reinhard Bonnke, qui était en train de partir pour l'Amérique, nous a proposé de nous loger dans sa famille. C'est ainsi que nous avons vécu quelques semaines dans son studio. Après son retour, il nous a donné sa caravane personnelle et plus tard nous avons déménagé dans la caravane de Henni et Louise Burger. C’est seulement plus tard que l'on nous a proposé une petite maison toute neuve près de la mission. L’Afrique du Sud nous a beaucoup surpris. Etant habitués à voir des photos de missionnaires qui passaient chez nous en France, on voyait les mauvaises routes, les huttes des Africains, les maisons fabriquées par eux, la pauvreté totale, absolue, et maintenant ici, des grandes villes modernes, des autoroutes compliquées à Johannesburg. Des magasins pleins de marchandises à des prix très avantageux. Toute cette nature exotique, et du soleil, tout le temps ! En ce qui me concernait, je travaillais dans une toute petite menuiserie. Comme je ne parlais pas l’anglais, je ne pouvais travailler qu'avec mes mains. Claire, par contre, se débrouillait bien au bureau et donnait des cours de français à qui le voulait. Nous étions très heureux, une nouvelle vie avait commencé pour nous, sans les soucis et le stress du business, sans problèmes, et, le plus important, c’est que nous étions sûrs d’être dans la volonté de Dieu. Un autre événement extraordinaire était l’évangélisation en plein air au Zaïre. Avec Werner et un autre équipier, nous avons fait le voyage dans une vieille voiture de pompiers offerte par un Suisse. Il a fallu plusieurs jours pour arriver enfin au Zaïre (anciennement Congo Belge). La route passait par le Zimbabwe (anciennement Rhodésie), par la Zambie, en passant par une quinzaine de contrôles à la frontière, des barrages érigés par des militaires sur les routes. - 69 -
Le voyage était assez « aventureux ». Pour commencer, dès notre départ, nous avons connu le froid dans la voiture. Je n'ai jamais autant souffert du froid de toute ma vie, mais j'ai eu de la chance, à côté de moi se trouvait une grosse Mamma noire, qui me tenait bien chaud... On voyait des animaux sauvages, comme des éléphants, qui se promenaient librement. Nous avons logé chez un couple missionnaire, elle était anglaise, lui venait de la Suisse. Couple très sympathique. Curiosité de Lubumbashi, les grandes termitières qui sont aussi grandes qu'un pavillon. Ces termitières se trouvent parfois devant des maisons, côté rue. Pour les enlever, il faudrait des grues et des grands camions, mais comme beaucoup d’habitants sont extrêmement pauvres, personne ne peut se payer le luxe de les enlever. Notre évangélisation se faisait sur un grand terrain de football, donc en plein air. On comptait environ 80 000 à 100 000 personnes. Une fois de plus, ces événements nous dépassaient. Des conversions par dizaines de milliers, des miracles, c'est-à-dire des guérisons spectaculaires, des gens qui voulaient être libérés de l’occultisme et de certains liens démoniaques. Les gens qui jetaient des objets sur la tribune, cigarettes, drogues, couteaux, fétiches... Botswana Un jour, nous avons fait une sortie à deux voitures au Botswana, avec trois personnes. Nous avons traversé le désert du Kalahari. Nous avons apporté du ravitaillement à des Bushmen (ou « Bochimans », en français). Chose étonnante, les pistes dans le sable sont toujours toutes droites, rarement une courbe et il faut être vigilant pour ne pas les quitter. Afin de ne pas nous perdre, nous avons dormi à la belle étoile. Les Bushmen, petits hommes au visage asiatique, vivent comme au début de la création. Dans l’un des villages perdus, un chef de village nous a dit qu'il fallait absolument qu’il pleuve. En tant que croyants, nous avons prié dans ce sens. En rentrant, il pleuvait tellement que notre route était complètement inondée. Parfois, Dieu exauce les prières plus vite qu’on ne le pense.
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Lesotho Une autre fois, avec Werner, nous avons fait une sortie vers Lesotho, pour apporter de l'aide. Lesotho est un petit pays montagneux et très pauvre, avec de mauvaises routes continuellement ravagées par des pluies torrentielles. En traversant la frontière, nous avons eu de très grands problèmes. Des bandits nous ont arrêtés et ils nous ont fait sortir de la voiture les mains en l'air. Autour de nous, tout était démoli, partout des incendies. C’était un vrai cauchemar. En plus, c’était un premier janvier. Je me suis dit : « c'est le premier jour de l'année mais aussi peut-être le dernier de ma vie! ». Finalement, on nous a laissés partir, encore une fois la vie sauve. Dieu, une fois de plus, a envoyé ses anges pour nous garder. Un autre voyage a été organisé aux îles Comores. Nous étions quatre couples. Un couple missionnaire américain nous a bien reçus, dans sa maison. Ils parlaient aussi bien l'anglais que le français. Ces îles sont à 98% musulmanes. Nous avons rencontré un jeune Comorien qui s'était converti au christianisme. La loi interdisait la conversion d’un Comorien au Christianisme sous peine de mort. Il a demandé le baptême par immersion dans la maison des missionnaires en prenant soin de bien fermer les portes et les volets. Il savait bien pourquoi il fallait prendre toutes ces précautions, dans un pays musulman !!! Après cela, Claire et moi-même avons pris un petit avion pour aller sur l’île de Mayotte, qui se trouve plus au sud et qui est une colonie française. Les trois couples sont restés sur place. Mayotte A Mayotte, deux femmes d 'Afrique du Sud nous attendaient. J’ai dû leur faire des plafonds en contreplaqué pour isoler la maison. Nous dormions dans un garage transformé en chambre à coucher pour l’occasion. La nuit, un rat s’amusait à se promener sur nos lits. Ce n’est pas du tout agréable de sentir la queue d’un rat sur le visage. Finalement, un chat a pu l'attraper!
C’est pendant une réunion, un soir, que nous avons rencontré Emilien, le Malgache, directeur de la Ligue pour la Lecture de la Bible. Nous étions tous très surpris, surtout quand il nous disait qu’on était déjà connus à Madagascar à la suite de nos voyages précédents. Nous leur avions envoyé auparavant un petit orgue pour une église. Revenus sur l’île Grande Comore, à Moroni, l’ambassadeur américain nous a invités pour sa fête d'adieu. Son séjour était terminé et il rentrait définitivement en Amérique. Les Comoriens nous prenaient pour des ministres, nous avons bien joué le jeu. Pourquoi pas. En anglais, un pasteur est aussi appelé ministre !
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Zimbabwe Un grand événement a été le déménagement de toute la mission au Zimbabwe à la capitale, Harare. Nous y avons habité quelques mois. Il y a aussi eu une grande évangélisation sous la grande tente. Les musulmans ont fait un procès à la mission, disant que tout cela faisait trop de bruit et ils juraient qu'ils n’avaient jamais perdu un procès. Reinhard Bonnke leur a répondu que ce serait le premier procès qu'ils perdraient !! Ils n'avaient pas calculé avec la foi de Reinhard Bonnke et les prières ferventes de toute l’équipe. Et finalement, ils ont bel et bien perdu leur procès, frais à leur charge.
Avec le Dieu Tout-Puissant, on ne plaisante pas.
Lac Kariba A Pâques, surprise ! Un coéquipier devait aller au lac Kariba. Il nous a invités à venir avec lui. Il ne fallait pas le dire deux fois. Arrivés au lac, nous avons pris un petit bateau pour aller sur une île. Là, se trouvait un bel hôtel. Notre bungalow n'avait ni porte ni fenêtre. Tout était ouvert. Il fallait dormir sous une moustiquaire. La nuit, des animaux sauvages venaient tout près des habitations, il ne fallait surtout pas sortir pour aller se promener. Nous avons fait des safaris à pied et en bateau pour voir les éléphants et les hippopotames. On est toujours heureux de rentrer vivant. Une autre fois, nous avons pris trois jours de vacances. Nous avons pris un avion et sommes partis pour le lac Kariba, bel hôtel, safari en voiture, la nuit. Le lendemain, nous avons volé vers une autre région nommée Huange. Nous avons fait un safari en voiture ouverte. C'est une région extrêmement riche en animaux de toutes sortes. Même de l’hôtel, assis dans un fauteuil du jardin, on peut apercevoir beaucoup d'animaux.
Chutes Victoria Le troisième jour, nous avons visité les Chutes Victoria, larges de 2 kilomètres. Ces chutes sont uniques au monde, on peut les comparer aux chutes du Niagara en Amérique.
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Séjour en France Nous avons quitté le Zimbabwe pour la France. Une surprise de plus nous attendait. Un pasteur avait préparé pour nous une série d'évangélisations à travers toute la France avec un projecteur vidéo à grand écran. Pendant un mois, nous sommes allés d'une ville à l'autre, d’une salle à l'autre, d'une église à l'autre, pour projeter un film sur les évangélisations de masse en Afrique. Comme les chrétiens français n'ont jamais vu de chose pareille, notre tour de France a connu un grand succès, beaucoup de personnes se sont converties et beaucoup ont reçu une nouvelle vision pour leur travail personnel pour le Seigneur. Après cette tournée, nous avons organisé trois soirées d'évangélisation avec Reinhard Bonnke, à Strasbourg. La grande salle des fêtes au Neudorf était pleine à craquer chaque soir. La vision de Reinhard Bonnke était d’aller toujours plus vers le nord de l’Afrique. Mais finalement, la tente était devenue trop petite pour contenir la foule. Il y avait des centaines de milliers de personnes qui se rassemblaient et les évangélisations devaient se tenir sur de vastes terrains libres. En même temps, l’organisation bureaucratique de la mission s’est établie à Francfort, en Allemagne. Il reste toujours quelques bureaux en Afrique du Sud, au Kenya et au Nigéria. Retour au Zimbabwe, nouvelle orientation A Harare, nous avons reçu une prophétie dans laquelle Dieu nous a montré un nouveau chemin. Notre nouveau champ d'action était une école missionnaire, en Afrique du Sud, à nouveau, près de la ville de White River, qui ce trouve dans l’Est du pays. C’est à l’aéroport de Francfort que nous avons rencontré pour la première fois Paul Alexandre, le Directeur de cette école missionnaire. Ce dernier nous a dit que, de leur côté, ils avaient aussi reçu par prophétie qu'un couple français allait les rejoindre. Et c’est ainsi qu'en 1987, nous nous sommes à nouveau retrouvés sur le sol africain. L’Afrique du Sud L’ASM (Africa School of Missions) est une école missionnaire où des étudiants de beaucoup de pays du monde font leurs études en trois ou quatre ans. Ces jeunes (ou moins jeunes) viennent notamment de Corée, de Taïwan, d'Australie, du Tibet, de Nouvelle-Zélande, d’Amérique, d'Europe et naturellement de différents pays africains. Au début, mon travail a consisté à monter une menuiserie, chose facile pour moi. Par la suite, on m’a demandé de faire partie du comité de la mission. Je me suis occupé des constructions, c'està-dire des projets, des plans, de l'organisation, de l'achat de matériel et, naturellement, de la menuiserie. J'ai eu 1’occasion de prêcher et de donner mon témoignage, aussi le contact avec les enseignants et les étudiants était très important. Par la suite, nous avons fait connaissance avec des chrétiens allemands très sympathiques qui venaient de la ville de Nelspruit et nous avons participé de temps en temps au culte dans une église allemande. Pendant notre séjour à l’ASM, nous en avons aussi profité pour visiter un peu le pays. Nous sommes partis en avion pour Cape Town (Le Cap). Nous avons loué un petit appartement, juste au bord de mer, ainsi qu’une petite voiture. Il était intéressant de voir la région où les protestants, persécutés en France, s’étaient réfugiés. Ils y avaient planté des vignes et des arbres fruitiers. Grâce à eux, le pays a été béni. - 73 -
Avec les étudiants, nous avons fait une évangélisation à Durban. A cette occasion, nous avons visité une école où les Noirs apprennent à cultiver et travailler la terre, et à construire des toilettes hygiéniques avec des réservoirs d'eau. · Séjours en Europe Nous avons passé quelques jours en Suisse, au Tessin, où Traugott et Esther avaient loué un chalet sur la montagne, avec vue imprenable sur le lac. Nous avons eu la visite de Joëlle, avec les enfants. Nous sommes aussi allés avec nos amis, les Garby, à Paris, puis à Londres, en passant par le tunnel sous la Manche. Pleins de beaux souvenirs, à chaque retour en Europe, et le contact avec nos familles, nos amis, nos connaissances, et les différentes églises. Mais nos familles sont aussi venues nous rendre visite à l’ASM, pendant les vacances scolaires. Nous leur avons fait visiter le parc national Kruger, avec tous ses animaux sauvages, mais aussi Badplaas, et Warm Baths, avec ses piscines chaudes, ou encore Sun City, le complexe de loisirs, et surtout la région où nous habitions, qui est magnifique. L’Afrique du Sud, à nouveau Nous sommes chez nos amis de l’ASM, vivant dans notre petite maison avec les singes qui nous rendent souvent visite, qui nous amusent et, en même temps, nous volent les fruits, même à l’intérieur, et parfois ils nous fâchent en laissant leur carte de visite sur les bancs et la table de la terrasse. Nous avons parfois la visite de serpents venimeux, d’oiseaux multicolores, de mille insectes, de fourmis, de papillons, de lézards et même de grenouilles, qui s’installent jusque dans nos chaussures ! Nos amis Jappy et Mixi doivent parfois chasser les crocodiles devant leur porte principale. Il y a aussi la chaleur, souvent insupportable, et les pluies, parfois diluviennes, qui détruisent régulièrement le chemin devant notre maison. Nous ne voulons pas oublier tous ceux qui vivent à l’ASM, staff et étudiants. Les enfants qui jouent sur notre terrain sont tellement mignons et gentils. Cette ambiance chrétienne qui règne autour de nous et qui rend la vie belle, heureuse, et sans problèmes. L’ASM est pour nous, malgré le travail parfois difficile, une source d’enrichissement permanent et, il faut bien le dire, une petite partie du paradis qui est, finalement, à la portée de tout le monde. Quel est l’avenir, pour nous ? Chaque fois, nous nous posons la même question : est-ce la dernière fois que nous allons en RSA ou à Madagascar ? Les événements dans le monde nous donnent parfois à réfléchir, et la RSA, où la criminalité est la plus importante au monde, ne fait pas exception. Le monde cherche des solutions à ses problèmes, mais, sans Dieu, il n’y a guère de solution. Le passé nous a donné suffisamment de preuves que la chasse aux richesses rend les gens méchants, sourds et aveugles. On ne jouera pas éternellement avec la bonté et la patience de Dieu.
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Pour notre part, Dieu nous a bénis, et il y aurait beaucoup à dire sur toutes ses bénédictions envers nous, sur toutes les fois où Dieu nous a préservés des accidents, des voleurs, des maladies, des piqûres de serpents et de toutes sortes d’autres malheurs et de dangers. Vacances au Cap (depart le 26 mars 2002) Nous avons pris l’avion à Johannesburg. La fille des Burger, qui s’appelle Lydia, nous a conduits à l’aéroport. Nous avons fait le chemin de White River à Johannesburg dans notre voiture, une Cressida automatique. Le trajet, sur des routes impeccables, n’a duré que deux heures et demie. Nous étions à Johannesburg à 16h30, puis nous sommes repartis à 18h30, avec seulement quelques minutes de retard. Nous sommes arrivés au Cap à 21h30. Quelqu’un de l’hôtel nous attendait, c’était plutôt un chauffeur de taxi qui travaille pour l’hôtel. Prix pour 40 km : 180 rands. L’hôtel, un hôtel de l’Armée du Salut assez confortable, se trouve à Fish Hoek, une ville située pas loin de la mer. En anglais, c’est un Bed & Breakfast. Le Cap, 27 mars La première journée est consacrée à l’inspection. Il fait assez froid et c’est toujours la tempête. Nous nous promenons le long de la mer. Ils ont fait un sentier en béton sur les rochers existants, juste à côté de la voie ferrée qui, elle aussi, longe la mer sur tout son parcours. L’après-midi, nous décidons de faire une balade en train jusqu’au prochain patelin du nom de Simon’s Town. On nous dit que le voyage est assez dangereux à cause de la criminalité, même si dans chaque voiture il y a un surveillant. De toute façon, dans toute l’Afrique du Sud, c’est dangereux. Le 28 mars Visite de nos amis, les Nehls. A peine arrivés au Cap, nous avons déjà de la visite. Il s’agit de Gerhardt et Hannelore Nehls. C’est un couple allemand, extrêmement intéressant, qui vit depuis 48 ans en Afrique du Sud. Son métier à lui, c’est bijoutier. Ils se sont convertis en RSA. Il a abandonné le métier pour travailler à plein temps au service de Dieu, comme évangéliste parmi la jeunesse, et plus tard il est devenu spécialiste de « l’Islam ». Ils nous ont invités à manger au restaurant qui se trouvait au bord de l’océan Indien. Les vagues sont remontées jusqu’au restaurant. Nous avions une table près de la fenêtre avec vue sur l’océan. Ils ont dû nous quitter à 16h00. Ils ont mis deux heures pour rentrer à Hermanus. Après, nous avons encore une fois pris le sentier en béton que les fortes vagues inondaient. Vendredi, 29 mars . Un cousin de notre amie Lydia nous a cherchés pour une balade. Son nom est Oscar. Il est prof d’anglais dans un lycée de jeunes filles. Il a écrit plusieurs livres. Il nous a offert un exemplaire dédicacé. L’après-midi, il nous a emmenés dans un lieu appelé « Kirstenbosch ». C’est un jardin botanique, « le plus beau jardin botanique au monde » selon les Sud-Africains. C’est vrai qu’il est beau ce jardin, réparti sur plusieurs hectares. Il y a des gens qui ne savent même pas « où est le monde ».☺
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Samedi, 30 mars Une fois de plus, nous avons pris le train pour aller au Cap. Le train est très bruyant et surtout très sale. Les passagers, des Coloured (Métis), pour la plupart, sont aussi très bruyants. Si nous passons devant un mur ou une façade lisse, tout est peint par des gens qui ont une fantaisie très développée, même le train est complètement plein d’images « artistiques ». Pour être franc, moi, je ne pourrais pas dessiner comme cela. Au Cap, nous avons visité un autre jardin botanique, le musée ainsi que l’observatoire. Le musée est extrêmement intéressant. On y voit des ossements de baleines de 17 mètres de long. On y voit aussi des restes d’étoiles de 650 kg qui sont tombés du ciel quelque part en RSA. Heureusement, Astérix et Obélix n’étaient pas là. Ils ont toujours peur que le ciel ne leur tombe sur la tête. Il y avait tellement de choses à voir : animaux préhistoriques, minerais, etc. Nous avons pris le train du retour, en faisant bien attention à nos affaires personnelles. Nous avons encore fait une promenade sur le sentier en béton. Un couple s’est fait voler son sac pendant qu’il nageait dans la mer froide de 12 à 15° (« nix for me »). Dimanche, 31 mars La fille d’un pasteur de Fish Hoek était en vacances à ce moment-là et elle a voulu que nous allions la voir. L’église était à un kilomètre de notre hôtel. Malheureusement, nous n’avons pas choisi la bonne église. Après quelques minutes, nous sommes de nouveau sortis. Pourquoi ? Tout était trop bruyant, les chants, la sono, la batterie, les battements des mains. Pour des jeunes, ça peut aller, mais pour nos oreilles, c’était de trop. On a donc trouvé la « vraie » église à quelques centaines de mètres plus loin. Il y avait exactement la même scène. Peut-être étions-nous déjà trop vieux pour ce genre de culte. Mais nous ne pouvions pas rester pendant des heures, debout ou assis, à nous boucher les oreilles. Enfin, nous avons survécu. Mais si déjà pour nous, c’était difficile de tenir le coup, alors que penseraient des personnes non chrétiennes ? Le mardi Nous avons logé chez Lydia. Nous avons perdu toute une matinée pour rien. Nous devions apporter à quelqu’un la clé de la maison. Cette dame nous a mal expliqué la route, nous avons tourné en rond pendant plus d’une heure. Lydia a téléphoné à quelqu’un qui nous a guidés par téléphone. Une fois de plus, nous avons loupé l’entrée de l’autoroute. Grande tension dans la voiture, j’aurais préféré prendre l’avion pour rentrer plus vite. Après quatre heures de route, nous sommes arrivés au but. Chez la sœur de Lydia, forage des trous pour des puits. Ils habitent au bord d’une petite ville. Jeudi, 4 avril, Namaqualand Visite d’un petit musée régional. Beaucoup de pierres qu’on trouve dans la région. De très belles photos des fleurs du Namaqualand. Un vrai paradis de fleurs, unique au monde. Visite d’une région avec des centaines, ou des milliers de plants exotiques différents. Ils exportent dans le monde entier.
Namaqualand se trouve sur la côte ouest de l’Afrique du Sud. Sur la photo de gauche le désert en hiver et à droite au printemps quand toutes les fleurs sortent du sol après la pluie. - 76 -
Visite d’une usine coopérative vinicole, la plus grande de l’Afrique. Il y a des silos de vin pouvant contenir entre 700 000 et un million de litres. Les raisins sont amenés avec des containers. Trois contrôles par container. Versés dans une fosse. On enlève les tiges, pressés trois fois, et tout le travail par la suite. Il y a un dépôt dans les silos qui ressemble à du sable fin. L’après-midi, sortie vers l’océan Atlantique à travers une région à moitié désertique et à moitié recouverte de champs de vignes. Près du port, une île avec de grands rochers accueillant des dizaines de milliers d’oiseaux : cormorans, oiseaux de mer, pingouins. Unique au monde, elle aussi, l’odeur dans l’air provenant de toutes ces créatures. Nous avons fait une sortie en voiture, un soir, sur un haut plateau avec une vue imprenable sur le Bushveld, une région où pousse le rooibos, un petit arbuste dont les tiges se coupent comme de l’herbe et avec lequel on fait une sorte de « thé rouge », le Red Bush Tea. Le Bush Tea est aussi un tabac très apprécié par les SudAfricains. Vendredi, 5 avril Une belle journée, avec une sortie vers des montagnes sauvages et une vallée pleines de rochers. Vraiment fascinant ! Haut plateau immense avec route en terre battue, rochers, pierres. Il fallait sortir plusieurs fois de la voiture pour ne pas casser le dessous de la voiture, peut-être surchargée. Nous avons rendu visite, au bout du monde, à un fermier cultivant le Red Bush Tea. Il le trie, le coupe en petits morceaux et le sèche au soleil pendant une journée en l’étalant sur des rochers. Le soir, il le ramasse au balai et le met en sac. On nous a donné un petit sac plein de thé. Journée merveilleuse à travers cette immensité du haut plateau. Les premières fleurs sortent déjà de la terre. Samedi, 6 avril Même aventure que vendredi. Nous partons dans une autre vallée identique à celle d’hier. On ne peut pas croire que de ce désert puissent sortir toutes sortes de fleurs. La route est toujours aussi mauvaise. Le paysage, sauvage, est désertique. Au bout de notre route, nous visitons une ferme, où vit la famille de Lydia et d’Erika. Mias, le mari d’Erika, a des chevaux qu’il dresse, une belle race toute noire et élégante. (Entre-temps, Mias est malheureusement décédé.) Belle promenade à travers cette belle nature, petit ruisseau desséché pour le moment. On reste pour le « saper » (feu de bois). Nuit noire absolue. Aucune lumière, nulle part, sauf les lumières de la maison. Un ciel clair, on voit parfaitement la voie lactée, comme nulle part ailleurs. Sauf aux Comores, où c’était encore mieux. On rentre à travers ce noir à couper au couteau, et en chemin, on s’arrête plusieurs fois pour sortir de la voiture à cause des trous et des tranchées sur la route, sinon la voiture touche le fond. Lorsqu’on éteint les phares, on ne voit rien, à part les 4 000 étoiles audessus de nos têtes. Le vent souffle fort depuis quelques journées, c’est le danger pour les bateaux qui contournaient le cap de Bonne-Espérance. Et malgré cette « espérance », beaucoup de bateaux ont coulé au large du Cap… Il faut aussi dire que tous les terrains sont entourés de fils de fer, donc clôturés, à cause des moutons, des chèvres ou des vaches qui se promènent librement à travers la nature et qui passent la nuit dehors. Il y a également des léopards, dans ces montagnes, et d’autres animaux sauvages.
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Dimanche, 7 avril Nous prenons la route pour le Cap : 300 km. Le paysage change : désert, vignes, rochers, lacs, champs de blés juste récoltés à perte de vue. Nous avons fait un détour sur la plage, pour admirer le bord de l’océan qui s’étendait sur des kilomètres de sable fin. La mer était froide et sale. Nous sommes retournés dormir là où nous avions dormi le tout premier jour.
Lundi, 8 avril Une demi-heure pour se rendre à l’aérodrome. Vol de jour, temps assez brumeux. Deux heures de vol. Henri et Louise nous attendent à l’aéroport. Nous avons pris la route à 14h00. Nous voulions faire des achats à Pick ‘n’ Pay, qui ferme à 18h00. J’ai roulé vite : jusqu’à 145 km/h. On arrive deux minutes avant la fermeture. On est rentrés dans la nuit, sains et saufs. Gloire à Dieu ! La maladie du SIDA prend des dimensions catastrophiques. L’Afrique du Sud est l’un des pays le plus touché au monde par ce virus, qui concerne une personne sur dix. Point de vue criminalité, on y assassine environ cinquante-cinq personnes chaque jour. Lettre circulaire Quelques notes concernant un autre voyage en Afrique du Sud en 1999 1. 2. 3. 4. 5.
Le 25 octobre 1999 à 9 heures, départ de notre maison à la Meinau avec un taxi spécial de l’aéroport. Accident sur l’autoroute de Karlsruhe. Le chauffeur est informé à temps et peut éviter le bouchon en prenant l’autoroute par l’Alsace. Autrement, nous aurions loupé notre avion. Arrivons à l’aéroport de Stuttgart avec un peu de retard, mais à temps. Il est toujours bon de prévoir des imprévus. Bon vol vers Athènes, l’avion n’est qu’à moitié plein. Très bon hôtel à Athènes, payé par Olympic Air, repas du soir et petit déjeuner compris. Cela fait la troisième année consécutive que nous y logeons.
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Réveil le matin à 3 heures, l’heure grecque est décalée de heures, il est 5 heures, heure locale. Départ en bus à 6 heures pour l’aéroport d’Athènes. Retard de 20 minutes à cause du trafic aérien. Avion : Air bus 340, très confortable, le même que pour notre retour, en avril. Chaque siège a la télé, plus le grand écran dans chaque compartiment, plus un repose-pieds. Sur l’écran s’affichent régulièrement l’altitude (l’altitude de croisière est souvent 11 000 m), la vitesse (souvent 980 km/h), le nombre d’heures prévues jusqu’à l’arrivée et le nombre d’heures et de kilomètres déjà parcourus depuis le départ. On nous montre aussi la carte géographique avec la localisation de l’avion sur la carte, le point de contact radio le plus proche, ou encore la température extérieure (souvent moins de 46°). Arrivée, à la minute près, à Johannesburg, à 16h30. Altitude de l’aéroport : 1 700 mètres. Talitha Burger nous cherche avec notre voiture. Hennie et Louise sont à Durban. Notre voiture est en bon état. Nous sommes étonnés, l’aéroport s’est modernisé. La première nuit, nous logeons à l’hôtel Cunningham Inn, où Olympic Air nous avait logés l’année dernière. Tout est luxueux et parfait. Pendant le petit-déjeuner, on a volé le sac à main d’une dame à côté de notre table, elle se trouvait au buffet. J’avais aperçu la voleuse, mais elle a disparu avec le sac à main et on n’a pas pu la retrouver. Nous prenons l’autoroute N1 direction nord, en passant par Pretoria, destination : Warm Baths. Recevons un chalet pour deux nuits seulement. Avons un prix spécial « retraités ». Avons la visite d’une vingtaine de mangoustes, dont l’une a mangé dans ma main. Quelques unes ont grimpé dans le moteur de la voiture et ont grignoté un câble électrique. Un cerf (peut être un élan) est venu brouter en face de notre maison et, un soir, c’étaient un chevreuil et son petit. Des milliers d’oiseaux, il y avait tellement d’aigrettes qu’ils sont obligés de les empoisonner pour éviter des maladies. Avons rendu visite, à Warm Baths, à de vieux amis avec qui nous avons travaillé du temps de « Christ for all Nations ». Partons le vendredi matin pour arriver à l’ASM. En garant notre voiture dans le garage, nous constatons que nous avons roulé sur un serpent vert. Il se tortille un peu, puis meurt. Notre maison est propre. Nous sommes reçus, comme d’habitude, avec un « Welcome Home ». Commençons à vider nos caisses et allons au lit de bonne heure, sommes très fatigués. Samedi matin, Claire téléphone à Lydia Crossley à 8h30. Elle dit : « venez tout de suite, Estelle se marie à 9h00, dans le parc ». Estelle est la propriétaire d’un immense domaine avec une plantation de bananiers, une piste d’atterrissage pour avions et plusieurs maisons. Elle a perdu son mari en novembre 1998. Elle est très belle. L’homme qui l’épouse est pasteur à Margate (ville comparable à une belle ville touristique de la Côte d’Azur). Je lave la voiture en vitesse, nous nous habillons pour cette occasion spéciale et hop !, dans la voiture. Elle ne veut pas démarrer. Nous attendons un moment, mais rien à faire, la batterie a rendu l’âme. Un voisin, Dany Hugues, nous propose de nous conduire, ce sont à peu près 20 km à faire. Nous attendons encore un quart d’heure et nous partons avec sa voiture qui tousse, car elle a plus de 20 ans. A 9h30, nous arrivons sur les lieux, le mariage a bien commencé, mais nous arrivons quand même avant la fin. Décor exotique, en plein air, sous les palmiers. L’échange des promesses et les discours durent encore bien une heure. Les mariés restent debout pendant la cérémonie. Ensuite, nous les félicitons. Estelle est si heureuse de nous voir qu’elle nous dit que notre présence est son plus beau cadeau de noces. Tant mieux, nous n’avions rien à lui offrir, comme nous étions pris au dépourvu. Ensuite, il y a eu un buffet avec thé, café, gâteaux, mais pas d’alcool.
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25. Le même soir, à l’ASM, il y avait une soirée amusante, mais nous étions fatigués et nous sommes rentrés plus tôt, pour prendre du repos. 26. Dimanche matin, nous sommes allés à l’église allemande de Nelspruit, à 40 km. Quelqu’un m’avait prêté une batterie. Comme les magasins sont ouverts le dimanche, j’ai pu en acheter une. Grande joie chez les amis de l’église. Herta a les larmes aux yeux. On nous dit : « maintenant, nous sommes de nouveau au complet ». Helmut, le menuisier, croyait que nous ne partirions que quatre semaines. 27. Nous sommes invités chez les Wolff pour le repas. En guise de viande, nous mangeons du « wildebeest » (du gnou). 28. La vie au campus continue à son rythme. C’est la fin de l’année pour les étudiants. Nous avons eu le « graduation dinner ». Le samedi 27 novembre, c’est la « graduation » et, trois jours plus tard, le « staff dinner » et ensuite la plupart partent pour des vacances. 29. Le 20 novembre, j’ai tué un serpent, qui se cachait sous le canapé d’une Américaine qui enseigne chez nous, le serpent ressemblait tout à fait à un black mamba, donc mortel. Mon journal de bord s’arrête là, l’histoire continue, nous vous souhaitons à vous tous qui lisez ce rapport de ne pas vous endormir. Ce sont quelques anecdotes de notre vie en Afrique. Au plaisir de vous lire, Alfred & Claire Une autre lettre circulaire, écrite par Claire le vendredi 12 décembre 2003 Objet : lettre circulaire 2004 « Louez l’Eternel, vous toutes les nations, célébrez-le, vous tous les peuples ! Car sa bonté pour nous est grande et sa fidélité dure à toujours. » Psaume 117 Bien chers amis, Nous sommes venus pour la première fois en Afrique du Sud il y a bientôt 20 ans. C’était pour la consécration de la plus grande tente du monde, celle du pasteur Bonnke, avec 35 000 places assises. Ce fut pour nous une expérience grandiose. Voir tant de monde, en majorité des Noirs, louer Dieu en chantant de leur façon originale, puis la prédication puissante annoncée par le pasteur Bonnke, l’appel à la repentance et à la consécration à Jésus-Christ, la prière pour les malades suivie de guérisons, la libération des opprimés et des possédés dans des soirées spéciales, et le baptême dans le Saint-Esprit. Ce fut un appel clair et net que nous avions reçu, Alfred et moi, et qui se traduisait par une grande joie à l’idée de servir le Seigneur dans l’équipe de cette mission. Ce qui a pu se réaliser d’une façon miraculeuse la même année. Beaucoup de prophéties et de prières se sont réalisées. Alfred ne parlait pas l’anglais à l’époque, mais il a pu servir Dieu par les dons qu’il avait reçus, c'est-à-dire le travail du bois, ce qui fut très apprécié et utile. Ma charge était de traduire un journal, « The african messenger », devenu « Le messager africain » et de répondre aux nombreux courriers venus de tous les pays africains francophones dans lequel ce journal a été envoyé. Nous avons vu la main de Dieu de façon miraculeuse dans notre vie. Ainsi, en 1985, lors d’une grande évangélisation dans un stade de sport à Lubumbashi, une ville au sud du Zaïre, Alfred a eu des crises de calculs rénaux et à cause de cela nous avons dû rentrer par avion en Afrique du Sud pour qu’il aille à l’hôpital, au lieu de prendre un des camions de la mission, comme cela - 80 -
avait été prévu. Mais une fois passée la frontière avec la Zambie, ce même camion, dans lequel nous aurions dû nous trouver, est entré en collision avec un camion citerne. Et le chauffeur ainsi que son accompagnateur sont morts carbonisés dans l’explosion et l’incendie du véhicule. Le Seigneur en avait décidé autrement pour nous. Ce ne fut pas la seule fois que notre vie échappa au danger. En janvier 1986, toute la mission a déménagé au Zimbabwe. Malgré la présence du président Mugabe au pouvoir, ce fut une belle période. Ma mission était de choisir les délégués des pays francophones pour la « Fire Conference » et de leur servir d’interprète. Alfred était occupé à construire des habitations très confortables dans des containers pour poursuivre la mission à travers l’Afrique. La mission « Christ pour toutes les Nations » n’a plus reçu de prolongation de séjour. Il a donc été décidé que le siège serait désormais à Francfort, en Allemagne. Il est plus facile, moins cher et surtout plus ponctuel de se déplacer avec la Lufthansa depuis Francfort vers un pays africain que d’un pays africain vers un autre. La grande tente n’a plus été utilisée, car trop petite pour contenir des centaines de milliers de personnes. Pour cela, il fallait aussi moins de personnel. En 1987, Alfred et moi avons fait une tournée missionnaire dans l’Ouest de la France avec des vidéos cassettes présentant sur grand écran les évangélisations en Afrique. A notre retour à Strasbourg, une lettre d’un coéquipier d’Afrique du Sud nous écrivait qu’il avait acheté une propriété près d’une école missionnaire et que le directeur de cette école viendrait en France et qu’il désirait nous rencontrer. Ce fut la réponse d’une prophétie que nous avions reçue au Zimbabwe. Sans entrer dans les détails, qui pourtant sont incroyables, mais vrais, car venant de Dieu, nous nous sommes retrouvés à la fin de la même année dans l’Est de l’Afrique du Sud. Depuis, nous faisons partie de l’« AFRICA SCHOOL OF MISSIONS (ASM) ». Peut-être un travail missionnaire moins sensationnel, mais combien il est important de former des jeunes pour apporter la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ dans le monde entier. Nous avons des étudiants de tous les continents. Les études complètes durent entre 3 et 4 ans, mais il n’est pas exclu de faire une seule année pour parfaire ses connaissances de la Bible. Il y a treize ans, le Seigneur nous ouvrait la porte pour Madagascar. A cette époque, le pays n’était pas encore ouvert pour le tourisme, car pendant longtemps il était interdit à un étranger d’atterrir dans l’île sans autorisation spécifique des autorités communistes. Nous avons pu établir différentes branches de mission, avec l’aide d’amis malgaches. Ce travail continue toujours avec notre supervision par correspondance et notre soutien financier. Depuis près de 10 ans, nous partageons notre temps entre l’Afrique du Sud et la France. Nous remercions le Seigneur qui nous a tellement bénis, au-delà de toute notre espérance, et qui nous a toujours donné le meilleur, dans les deux continents. Nous vous souhaitons à tous un « Joyeux Noël » et que le nom de Jésus retentisse dans le monde entier, sans Lui il n’y a pas de salut. Que le Seigneur vous bénisse, vous garde et vous donne Sa Paix durant cette année qui s’ouvre devant nous. Fraternellement à vous. Claire et Alfred RIFF – A.S.M. – P.O. BOX 439 - WHITE-RIVER 1240 – R.S.A.
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Chapitre 11 ASM : Africa School Of Missions – AFRIQUE DU SUD
Notre travail à l’ASM C’est quoi, l’ASM, et quel est son but ? C’est d’abord un grand terrain de plusieurs hectares, avec un petit lac, mesurant environ deux hectares. Tout ce terrain, y compris l’étang, provient d’une donation fait par le propriétaire de beaucoup de terrains juste à côté de notre mission. Sur ce terrain, il y avait aussi des bâtiments et un ancien hôtel, qui se trouvait sur la route allant au Kruger Park (une des plus grandes réserves d’animaux sauvages d’Afrique). Mon travail à l’ASM était donc d’agrandir les bâtiments, pour créer des places supplémentaires pour les étudiants, le personnel enseignant et la direction. J’étais pour ainsi dire l’architecte et, en même temps, le menuisier de la mission. Je faisais les plans pour des nouveaux bâtiments : des logements, des salles de classe, des bureaux, etc. Avec un co-équipier sud-africain, nous organisions l’achat du matériel pour la construction de tous les bâtiments. Lui s’occupait des ouvriers, moi je m’occupais des démarches administratives et aussi de l’organisation pratique des chantiers. Comme j’avais créé, parallèlement, une menuiserie, je fabriquais tout ce qui était nécessaire en bois, c'est-à-dire les meubles, les placards et les rayonnages pour tous les logements et les bureaux. les dents, il faut faire plein de choses avec de l’eau. Le matin, le café, mais finalement le café est aussi noir, pourquoi se faire du souci. Nous vivons en Afrique et le fait est que tous les Noirs sont aussi noirs. On s’habitue à tout.
De l’eau et encore… de l’eau Depuis des mois, il pleut. Des inondations partout, « du jamais vu dans cette région », nous disent les gens. Quand ça touche les autres, on ne se rend pas compte, quand l’eau monte si haut qu’elle passe au-dessus des toits des maisons, certaines maisons se retrouvent complètement sous l’eau. Chez nous, les routes deviennent impraticables, l’eau a même fait une tranchée de 50 cm de profondeur devant notre maison et nous ne pouvons plus sortir notre voiture. Le grand inconvénient pour nous, c’est que l’eau du robinet est devenue brunâtre, nous ne voyons plus le fond du lavabo. Avec une pompe, nous aspirons l’eau vers les citernes où l’eau du lac de la mission est filtrée. Mais sans eau, nous ne pouvons pas vivre, il faut se laver (j’ai fait un essai, on peut se laver avec un litre d’eau) et il faut se brosser - 82 -
Décembre 1999, le dam (le barrage) Pour éviter que notre lac, en débordant, ne dégrade les bords du canal d’écoulement, la direction de la mission a décidé de construire plusieurs barrages. Ce sont sept murs de béton et de briques. Coût : des centaines de milliers de rands. Valeur actuelle : 1 rand = 1 franc. Mais à la première pluie, le lac a déversé trop d’eau en même temps et tous les murs se sont écroulés.
Le 25 décembre 1999 : seul au monde Journée très chaude, nous avons déjà pris un bain dans la piscine bien propre et bien chaude. Je me suis promené un peu sur notre terrain vert et exotique. Je n’ai vu personne, je me croyais seul au monde. Il n’y avait que le bruit des voitures sur la route qui se trouve à un kilomètre de chez nous pour me rappeler qu’il y a d’autres êtres vivants sur cette bonne vieille terre. Le 31 décembre 1999 Aujourd’hui, c’est la dernière journée de l’année. Tout le monde dit que, demain, c’est le nouveau millénaire, mais c’est une erreur, ce ne sera que la dernière année de l’ancien millénaire. Ici, à la radio, on fait quand même des allusions à ce sujet. A 20h00, il y aura un barbecue, puis une veillée jusqu’à minuit. Nous sommes des lève-tôt et des couche-tôt. On verra. De toute façon, demain rien n’aura changé dans le monde. Les gens mauvais seront encore mauvais, les gens bons seront encore bons, malgré les feux d’artifice. Il n’y aura peut-être de désordre que dans les logiciels des ordinateurs, et les départs d’avions et de trains… Nous, de notre côté, nous avons servi le Seigneur jusqu’à maintenant et nous allons encore le servir à l’avenir, avec ou sans nouveau millénaire. Nous sommes donc allés au lit à 21h00. Destruction de notre digue du lac Le 6 janvier 2000 Journée noire pour l’ASM. Toute la nuit, un orage après l’autre. Il pleut toute la nuit, une pluie qui ne veut pas s’arrêter. On commence à avoir peur. Est-ce-que la digue va tenir le coup sous la pression de l’eau qui défile des montagnes environnantes et qui remplit le lac ? Après la destruction des sept murs, l’ASM avait fait construire un canal en béton pour que l’eau du lac puisse s’écouler en cas de débordement. Cela aurait dû être une solution durable. Quand on est revenus de France, à l’ASM, la première chose qu’on a visitée, c’était évidemment le canal. Long d’une centaine de mètres sur huit mètres de large, avec un mur en briques d’une hauteur de un mètre. Ma première impression était négative. On avait construit sur du sable. La construction était bien faite, mais sur du sable.
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Le problème est le suivant : si l’eau peut passer sous le canal par endroits, elle entraîne le sable et le pont reste littéralement suspendu. Par la suite, il s’écroule. C’est ce qui s’est passé. Tout le canal a été détruit, sur toute sa longueur, en 1 000 morceaux, comme une tablette de chocolat qu’on émiette. Dimanche, 30 janvier 2000 Avec la paroisse luthérienne de Nelspruit, nous avions un rendez-vous à 15 km de l’ASM pour aller au « Naga Dam », (à l’étang). En route, grand problème avec notre radiateur qui avait une fuite et nous sommes arrivés, au mètre près, pour arrêter le moteur au lieu du rendez-vous. Ils étaient à trois voitures et ils nous ont pris dans leur voiture pour nous emmener à l’étang. L’étang est très grand, avec une digue en béton, et nous avons campé juste à côté de l’eau. Culte dans une petite salle, la prédication a été faite par Herta. Après le culte, chacun a déballé son food (son repas). Les Afrikaners mangent beaucoup de viande et ils aiment le « braai » (barbecue des Afrikaners). Le temps était assez frais et, heureusement, pas de pluie. Une ambiance sympathique et fraternelle. Un jour, nous y retournerons. Les Wolff nous ont ramenés chez nous et nous avons laissé notre voiture près d’un restaurant. Le soir, Peter, qui va en Inde avec sa famille, s’est proposé de chercher la voiture à l’ASM. Lundi matin, nous avons roulé jusqu’à White River, au garage. Nous avons dû nous arrêter trois fois afin de remettre de l’eau dans le radiateur. Un radiateur coûte 700 francs français. Nous étions invités un soir chez un étudiant de deuxième année pour le repas du soir. Lydia devra manger chez nous mais, comme souvent, changement de programme en dernière minute. Il y avait donc Peter, sa femme Marlène et leur fille Léandré, âgée de 17 ans, ainsi que Marinda. Demain ils recevront leur visa pour l’Inde. Il faut qu’ils aillent à Johannesburg, 800 km allerretour, ils ont leur billet d’avion et partent lundi. Grande tension, c’est compréhensible. Espérons que tout se passe bien. Jaab et Mixi nous ont apporté 5 kg de beaux litchis. Vendredi, 7 février 2000 Geoff, le directeur, a invité tout le staff chez lui pour saluer de manière un peu officielle des nouvelles recrues. Lui et sa femme se donnent beaucoup de peine pour tout préparer, café, thé, etc.… Selon la coutume, chacun apporte quelque chose à manger. Claire a fait un gâteau aux bananes. Soirée bien sympathique. Nous sommes arrivés à l’ASM sains et saufs. Partout le « Welcome Home » avec beaucoup d’accolades et de joie. Cela nous fait du bien d’être aussi bien reçus. Dans notre maison, on a changé des meubles, ça a l’air moins pauvre qu’au début. Une carte et un joli bouquet de fleurs nous attendent, ainsi que pas mal de choses dans notre frigo. On nous ramène nos quatre caisses, qui étaient stockées dans un atelier. Le grand déballage commence pour tout ranger, afin que chaque chose trouve de nouveau sa place. On commence à se sentir à nouveau chez nous, comme si on n’était jamais partis.
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Nous avons aussi la grande joie de retrouver nos vieux amis d’Australie, Henri et Audrey, qui sont de passage. Ils repartent le 27 novembre 2000 pour l’Angleterre, et après pour l’Amérique, et après pour l’Australie. Il fait froid et le temps est pluvieux. Le 8 février 2000 Il pleut sans arrêt, surtout la nuit de dimanche à lundi, comme du temps de Noé, une vraie pluie diluvienne. Toutes ces masses d’eau venant des montagnes environnantes passent automatiquement dans notre lac et font encore plus de dégâts que la pluie du 6 janvier 2000. Les blocs en béton qui étaient restés intacts sont littéralement broyés et emportés plus loin. L’eau a creusé un fossé de 6 à 8 mètres de profondeur. Les parois, des deux côtés, tombent petit à petit dans le torrent et sont emportées on ne sait où. L’eau s’est creusé un canal en direction du lac, qui se trouve un kilomètre plus bas. Elle tombe en cascade dans ce canal qui s’agrandit de jour en jour. Le lac a déjà baissé de deux mètres et je crains que, dans les prochains jours, il ne se vide presque complètement. On a l’impression que notre direction ne se rend pas compte des conséquences. Les réponses qu’on entend : « c’est l’ingénieur ! ». Mais lui non plus ne se rend pas compte. J’ai proposé Hier, à 13h, j’ai proposé une solution au directeur, en lui disant que si on ne faisait rien aujourd’hui, cet après-midi le canal ouvrirait une brèche dans le lac et toute l’eau partirait. Réponse : « l’ingénieur a dit.. ». C’est aujourd’hui qu’on a vu que j’avais raison à 100%. Oui, il y a la bureaucratie, et il y a les techniciens qui ont toujours raison. (Du moins, ils le croient). Dimanche, 13 février 2000 Toujours la pluie. Il est tombé 40 cm de pluie en une semaine. Comme prévu, notre lac est presque vide. Des deux côtés de la rivière, les parois s’écroulent lentement mais sûrement. Il y a encore un bloc de béton, resté intact jusqu’à aujourd’hui, qui s’est cassé et est tombé dans le ravin, qui s’élargit aussi de jour en jour. Grand chaos dans notre région. Nous étions coupés du monde extérieur. Toutes les routes sont barrées et fermées, et l’eau qui a débordé des rivières a détruit des ponts et des maisons. Des milliers de personnes sont sans abri. Les Noirs construisent souvent leurs huttes avec de la terre qui fond dans l’eau, comme la neige, et s’écroule. En ce moment, un hélicoptère survole la vallée pour récupérer, peut-être, des touristes piégés par l’eau, au Parc National Kruger. A Skukuza, le restaurant était inondé sous 1 m 50 d’eau, on y a trouvé un crocodile. Il pleut encore. Depuis le 13, jusqu’à aujourd’hui, il a plu presque chaque jour et chaque nuit. Notre étang ressemble de plus en plus au « Grand Canyon » en Amérique. Les côtés de la rivière s’effritent constamment. Le lit de la rivière s’approfondit encore. A la radio, on a parlé de 60 cm de pluie en 24 heures. Une tornade est passée à côté de notre région, venant de Madagascar, passant par le Mozambique et tournant vers le nord, vers la RSA. Au Mozambique, une femme avait même donné naissance à un enfant… sur un arbre. Encore un grand départ de Strasbourg vers l’Afrique du Sud, le 22 octobre 2000 Une longue journée, comme nous en avons vécu beaucoup d’autres ces dernières années, pour retourner une fois de plus au bout du monde, en RSA. Les dernières semaines, stressantes, sont enfin terminées.
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Une liste avec une cinquantaine de notes a dû être liquidée. On n’a pas le droit d’oublier quelque chose, comme par exemple nos quatre passeports (deux français et deux sud-africains), ou de l’argent (francs, pfennigs, rands, dollars, chèques de voyages, etc.). Samedi, 28 octobre Temps plus chaud ! Rencontré pas mal d’étudiants, partout le « Welcome Home ». Christine, une Allemande, a reçu la visite de son soi-disant futur mari. Elle était cette année aux Etats-Unis pour lui rendre visite en vue du mariage. Il lui avait offert une bague (un clou aplati) Von wegen a gold ring (pour ce qui est de la bague en or…). Après une journée, il est « reparti » sans elle, pour toujours. Grande déception et certainement beaucoup de larmes. Une autre, une Américaine, était étudiante ici avec son fiancé. Ils se sont mariés aux Etats-Unis. Elle avait l’appel pour la mission, mais pas lui ! Lui, il la battait même. Divorce. Elle est revenue ici pour partir en mission au Mozambique. Autre fille américaine. Elle était très belle et très sympa. Elle a sombré dans l’alcool, la drogue et a essayé de se suicider. « Big problem » pour les parents. Elle doit venir ici dans quelques jours. Il y a des années elle était fiancée avec un Indien (Inde). Dimanche, 29 octobre Beau temps, église « Calvary », culte fait par les jeunes, les chants, la musique, les battements de main trop bruyants pour nous. On est sortis plus tôt à cause du bruit. Parfois, on confond « bruit » et « sainteté ». A chacun ses goûts… Peut-être est-ce un signe de vieillissement de notre part ? Ce soir, nous sommes invités pour un anniversaire chez les Louton’s (des Américains). Chacun apporte quelque chose à manger. Ambiance sympathique. Vingt personnes : les Louton’s, Sarah (une célibataire), nous (des Français), Henri et Audrey (venant d’Australie), Kathie (une autre célibataire qui travaille au Mozambique), les Schalk (qui ont travaillé en Iran), Georges et son épouse (qui procurent une aide aux victimes du SIDA) et les autres, des Sud-Africains. Dimanche, 19 novembre On était au culte à l’ASM. Il y avait pas mal d’Africains qui assistaient au culte, c’était encore trop bruyant pour nous (le troisième âge...) A plusieurs reprises, nous avons quitté l’église à cause de cela. Cet après-midi, nous sommes invités chez une femme anglaise qui a fait construire une maison neuve à White River, qui se trouve à 15 km de chez nous. C’est une femme qui fait partie de la famille royale d’Angleterre. Elle se droguait. Puis elle s’est convertie et sa vie a complètement changée. Le 25 novembre Lors de la remise des diplômes, dans la grande salle à manger de la mission, nous sommes environ 120 personnes, dont 70 étudiants. On nous sert un bon repas. Début de la fête à 18h, fin à 21h. Ici, ça se termine très tôt, pas comme en Europe où l’on fête toute la nuit. Paul, le directeurfondateur, était l’orateur. Il parle comme une mitraillette. C’était extra.
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Le 27 novembre Dîner du staff à l’hôtel Winkler. Buffet, chacun reçoit, comme cadeau de Noël, un grand paquet plein de sucreries. Nous pourrions ouvrir une confiserie, tant le placard est plein de sucreries. Depuis mon problème avec mon pied, je suis au régime. Pas d’alcool, pas de chocolat, et pas de sucreries, etc. Enfin, on triche quand même un peu. Le 24 décembre Hier soir, veillée de Noël. On était au culte à l’église allemande de Nelspruit, avec un couple australien. Elle, Heidi, a une mère d’origine allemande, et elle voulait réentendre des chants de Noël allemands. Ils nous ont emmenés dans leur mini bus, moi, je ne voulais pas conduire la nuit. Dans l’église pleine, c’étaient pour la plupart des gens qui ne viennent que rarement ou jamais au culte, des personnes de passage ou des gens invités par les paroissiens, une ambiance assez monotone. Il manquait cette joie spontanée de Noël. Nous avons vécu, dans notre vie, des noëls meilleurs. (Heidi est décédée entre-temps et son mari s’est remarié). L’après-midi, nous avons mangé avec Lydia au restaurant de l’hôtel Winkler. Buffet, comme d’habitude, pour 45 rands/personne (4 euros/personne). Lydia est une personne joyeuse et intéressante, et d’un certain âge. Elle s’intéresse aussi aux autres. Le matin, nous étions dans la nouvelle église « Calvary ». Bon message du pasteur et quelques chants biens chantés par un couple américain. Les paroissiens participaient aux chants et tapaient des mains. Le 1er janvier 2001. Pour ce nouvel an, réveil par des orages très forts. Presque 20 mm de pluie. Avons acheté une belle lampe, quand on la touche, la lumière s’allume. On la touche trois fois, et chaque fois la lumière devient plus forte. On la touche une quatrième fois, elle s’éteint. Parfois, pendant un orage, elle s’allume toute seule sans qu’on la touche. Je me suis promené ce matin à travers le campus. Les vieux bâtiments sont dans un état lamentable. L’eau passe à travers le béton. Les sols et les murs pourrissent. Paul, le directeur, a fait démonter les gouttières, et l’eau tombe sur le sol et éclabousse les murs déjà mal isolés. Nos hirondelles ont des petits et les parents cherchent toute la journée de la nourriture. Quand on mange sur la terrasse, elles passent juste au-dessus de nos têtes, ou devant notre nez. Lydia a mangé chez nous. Le soir, il y a de nouveau eu de la tempête et de la pluie. 50 mm de pluie sont tombés. C’était ça, la première journée de l’an 2001. Lundi, 09 janvier 2001 Comme à chaque début d’année, le matin, tout le staff était présent. Chalk (qui est devenu le directeur) et son épouse Lydda ont eu à cœur de faire quelque chose de spécial. Ils nous ont tous lavé les pieds, comme Jésus a fait à ses disciples. C’était plus un signe de soumission qu’une attitude de chef, nous l’avons tous apprécié. En même temps, ils ont prié pour chacun. Ils ont une petite fille de deux ans et demi, une enfant extra charmante, intelligente, belle, dynamique, pleine de vie, et elle a participé au lavement des pieds. C’était très touchant, cette cérémonie. Qui veut encore servir un autre ou être soumis en esprit ?
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On avait un étudiant du Brésil, tout jeune, avec sa femme, qui avait entre 18 et 20 ans. On nous a dit que cet étudiant ne voulait pas servir les autres, pour lui c’était trop humiliant. Ils sont retournés définitivement dans leur pays, sans aller jusqu’au bout de leurs études. Vendredi, 14 janvier 2010, au Bushman Rock Nous avons de la visite : Cherry et Marie Chumbi. C’est un couple plus jeune que nous. Il y a vingt ans, ils ont acheté deux hôtels avec un terrain immense. L’un de ces deux hôtels, sur une superficie de 24 ha, est un cadeau qu’ils ont fait à l’ASM. L’autre hôtel se trouve sur la montagne, en face de notre école, au milieu des rochers, avec une vue merveilleuse sur toute la région et sur une montagne du nom de « Legogote ». Le nom de l’hôtel est « Bushman Rock ». Cet hôtel est aussi mis à la disposition d’une mission qui s’occupe de jeunes gens, d’ailleurs les Chumbi eux-mêmes étaient partis quelques années en mission au Mozambique. Actuellement, ils sont en mission au Botswana, un pays qui se trouve entre l’Afrique du Sud et la Namibie. (La Namibie est aussi appelée « South West Africa ».) A peine nos visiteurs repartis, on avait un autre visiteur. Un ancien étudiant, un Noir qui a déjà fini ses études il y a trois ans et qui habite provisoirement au Cap. Il part dans une semaine comme missionnaire au Mozambique, dans le nord, vers la Tanzanie, à environ 2 000 km d’ici. Un Noir vraiment sympathique, calme et souriant, avec lui une petite fille extrêmement belle du haut de ses trois ans. On voit la différence entre les Noirs croyants et les Noirs qui vivent toujours dans la sorcellerie et l’adoration des ancêtres. Autrement, journée couverte et froide et beaucoup de travail pour la rentrée d’environ 45 nouveaux étudiants. Le 20 janvier 2010 Pour le repas du soir, nous avons invité Peter, sa femme Marlyne et leur fille de dix-sept ans, Leandré. En principe, ils partent pour l’Inde fin février. Peter m’aide beaucoup dans mon atelier. Il est un homme très équilibré (helpfull), des idées claires et logiques, avec une foi en Dieu normale et non extrême. Sa femme et leur fille sont très belles et sympas. Entre-temps, Leandré s’est mariée avec un ancien étudiant de l’ASM et ils étaient pour quelques années en Israël. Ils vont s’installer en Amérique, en Floride, comme pasteurs. Les parents de Leandré sont aussi en Israël, normalement pour quatre années seulement, à cause des visas qui sont toujours à renouveler. (Aujourd’hui, le 24 janvier 2012, ils sont toujours en Israël). Domitien, un étudiant noir du Burundi, nous a rendu visite. Il a terminé ses études cette année. Nous lui avons proposé d’ouvrir une école biblique au Burundi en collaboration avec une mission allemande. Domitien a écouté nos conseils et aujourd’hui il fait un excellent travail, mais sans la mission allemande. Il y a des étudiants qui, après trois années d’études à l’ASM, ne savent toujours pas où aller et n’ont pas de vision pour l’avenir. Ils ont toujours besoin de notre aide, de nos expériences et de nos prières.
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Statistiques sur l’Afrique du Sud, au 23 avril 2009 Superficie : 1 224 297 Km2 Population : 49 000 000 habitants 80% Noirs, 9,5% Blancs Religion : Chrétiens 76% PIB : 5 700 rands (banque mondiale 2007) Croissance : 3,5% (2008) Ressources : or, platine, diamant, charbon, uranium, divers métaux, céréales Santé : Sida, 5,4 millions de séropositifs (2007) Institution : République présidentielle depuis 1994
DES HISTOIRES D’ANIMAUX ET DE NATURE Une histoire de serpent en RSA Une dame de l’église allemande s’était fait cracher dans les yeux par un serpent. Elle avait vu ses deux chats regarder nerveusement dans une direction dans la maison. Elle a voulu voir ce qui se passait. Près de la porte, dans un coin, se trouvait le serpent, un cobra cracheur. Comme elle était surprise, le cobra en a profité pour lui cracher dans les yeux, il paraît qu’il arrive à cracher jusqu’à 3 m de distance. Les crachats doivent aveugler la proie pour pouvoir ensuite la mordre et la tuer. Si c’est un animal, c’est pour le dévorer. La dame a tout de suite lavé ses yeux avec de l’eau et du lait. Quelqu’un l’a accompagnée à l’hôpital où elle a été traitée pendant environ douze heures. Elle m’a dit que c’était une douleur insoutenable. Le dimanche matin, au culte, elle a été guérie. Cafard et serpent Ce matin est une matinée « animale ». Dans la chambre d’amis, un gros cafard a voulu s’installer, je l’ai remis dans l’herbe. Un autre, un Kakerlake (une blatte orientale) a voulu faire la même chose, comme on ne les aime pas du tout, il l’a payé de sa vie. J’ai trouvé un gros serpent mort devant mon atelier. Il mesurait 2m30. C’était un python, il n’est pas venimeux. Quand ils atteignent cinq à six mètres de long, c’est là qu’il faut se méfier. Ces serpents enlacent une personne ou un animal pour l’écraser et l’avaler. Lézard Je découvre sur le mur de la chambre à coucher un grand lézard d’au moins de 15 à 20 cm. Un animal très préhistorique. Nous en voyons de plusieurs sortes ici, avec des têtes triangulaires, à peau piquante, etc.… D’après la théorie de Darwin, cela doit être le précurseur du crocodile, pour finalement devenir singe, et homme, et après ? C’est très intéressant de faire la connaissance de nos ancêtres.
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Serpent Une jeune Américaine non mariée habitant un single flat appelle au secours. Un serpent est apparu dans sa cuisine. J’arrive avec un bâton, je trouve une cuisine pleine de boîtes, de couteaux, de bouteilles, une machine à laver, un four extravagant. Je me gratte mes trois cheveux. Heureusement, son chat a vu quelque chose dans un coin et, finalement, j’ai pu l’attraper et le tuer, ce que je n’aime pas faire. Cobra Un coup d’œil par hasard par la fenêtre et voilà encore un serpent. Cette fois-ci un cobra, je m’approche de lui pour le taper avec ma canne qui se brise. Les cobras crachent parfois dans les yeux. Celui-ci s’est levé et a gonflé sa tête en me regardant droit dans les yeux. L’un a eu peur de l’autre. Finalement, c’était quand même moi le plus fort. Autre serpent Pour la première fois depuis douze ans, un serpent dans mon atelier. Un ouvrier noir a pu le tuer. J’ai aussi vu deux serpents tout verts tués dans notre clôture électrique. Serpent à l’intérieur Comme souvent, ce soir il y a un orage dehors et il pleut beaucoup. Ici, quand il y a des orages, presque toujours les lumières s’éteignent et parfois la lumière revient quelques jours plus tard. Je me déplace pour aller aux toilettes et, en arrivant devant la porte, je m’étonne, en regardant par terre, de trouver un gros câble noir le long de la porte et s’étalant un peu le long du mur. En regardant de près, je constate avec horreur que c’est un serpent, qu’on appelle ici le « mamba noir ». Sa tête se trouve juste à quelques centimètres de mon pied droit. Je m’écarte rapidement pour chercher de l’aide. En même temps, je le garde à l’œil, un bâton à la main, pour qu’il ne puisse pas se sauver dans un lit, un fauteuil, ou au fond d’un placard. Finalement, un ami est venu nous aider pour tuer cette bête qui aimait bien vivre, comme tous les animaux sur cette terre. Une morsure d’un mamba ne nous laisse pas le temps de faire notre testament tant il est venimeux. Mais je crois que Dieu a défendu à cet animal de me mordre et de me tuer. Serpent « parapluie » La porte d’entrée de notre petite maison est faite de deux battants, comme les portes des écuries chez nous en Alsace, c’est-à-dire une porte basse et une porte haute. Celle du haut était ouverte. La porte s’ouvre directement dans notre salon, sans couloir. J’étais assis en face de cette porte, devant la petite table pour mon repas du soir, et je regardais à travers cette ouverture. Il faisait presque nuit et nous n’avions pas encore allumé la lumière. Tout à coup, je vois quelque chose qui ressemble à une tête de serpent voulant franchir le dessus de la porte. Naturellement, je crie à Claire : « serpent ! ». Elle s’est réfugiée quelque part et pendant ce temps j’ai cherché ma canne, toujours prête dans un coin. Je me suis approché prudemment de la porte et, d’un coup bien visé, j’ai fracassé la tête du serpent si violemment que des morceaux volaient partout dans la pièce. Quelle surprise, ce n’étaient pas les morceaux de la tête du serpent, mais des morceaux de mon parapluie. Claire avait accroché le parapluie à l’extérieur de la porte et la poignée était visible, en partie, depuis l’intérieur. Tout est bien qui finit bien. Mieux vaut en rire… et on a ri. Hirondelles Un couple d’hirondelles a voulu faire son nid juste au-dessus de notre porte, sur la terrasse. C’étaient des hirondelles aimables, tranquilles, avec des pointes orangées sur leur poitrine - 90 -
blanche. Mais nous avons ensuite vu arriver des hirondelles noires (plus grandes et plus difficiles à chasser). J’étais assis sur la terrasse, dans un fauteuil, et elles volaient avec une rapidité étonnante pour chasser les autres hirondelles et pour éviter qu’elles ne construisent leur nid. Elles passaient tout près de ma tête pour me chasser aussi. Une hirondelle a même touché ma tête de son aile. Il n’y a pas que des hommes qui soient méchants et jaloux, mais aussi des hirondelles. Maintenant nous ne les voyons plus, le couple d’hirondelles a bel et bien été chassé. Bestioles noires La journée était chaude : 30-35 °. Un ciel bleu sans nuage. Mais, le soir, nous avons eu une invasion de petites bêtes rondes et noires. En les touchant, elles dégageaient une odeur nauséabonde. Il n’y a que l’aspirateur qui ait pu régler le problème. Puces Nos amis sont partis en vacances. Ils nous avaient demandé d’arroser les plantes dans leur maison. En entrant dans la maison, j’ai constaté qu’elle était pleine de puces, du jamais vu. Comme je ne voulais pas que les plantes dessèchent, il fallait que j’entre quand même. Solution : je mets mon maillot de bain et j’entre, sans rien d’autre. Pendant que j’arrose les plantes, il y a déjà des douzaines de puces qui s’accrochent à mes pieds, quel honneur d’être aimé par des petites bestioles si mignonnes ! Après une bonne douche, la première journée de la nouvelle année retrouve son rythme normal. Autres hirondelles En rentrant, nous nous sommes bien reposés. La chaleur et l’humidité nous fatiguent beaucoup. Vers 18h30, nous sommes descendus vers la clôture électrique qui entoure la mission. De là, nous voyons bien le ciel. Depuis quelques jours, nous avons remarqué qu’entre 18 h et 19 h des hirondelles se retrouvent au-dessus de notre lac par centaines, voire milliers. Elles viennent tous les soirs, de toutes les directions, pour se rencontrer et voler comme des nuages au-dessus de nos têtes. Vers 18h50, elles commencent à descendre chez nous. Elles se laissent tomber comme des pierres avec une vitesse incroyable pour passer la nuit près de notre lac, dans les roseaux. Nous avons raconté cet événement à nos amis, les Wolff, qui sont venus un soir, avec un groupe de personnes qui font souvent des excursions pour étudier le comportement des oiseaux. Ils veulent revenir dans huit jours. Le responsable est effectivement revenu. Il a dressé un filet, et, tout près, il a installé un magnétophone pour diffuser des sons produits par d’autres hirondelles, ce qui a incité les hirondelles à s’approcher du magnétophone et à se faire prendre dans le filet, environ une trentaine. Il a mesuré leurs ailes, leur poids et leur a mis une toute petite bague à l’une des pattes. Ensuite, il fera un rapport qu’il enverra à Paris. Malheureusement, le groupe d’hirondelles n’est plus revenu et personne ne sait où elles sont allées. Nous ne savons pas non plus comment les hirondelles font pour se donner rendez-vous à un autre endroit. Bien des choses restent à découvrir. Nous avons compris, après quelques soirées, pourquoi elles se laissent tomber si rapidement. Au sein du groupe, elles se sentent en sécurité, comme tous les animaux, d’ailleurs. Il y a toujours des rapaces dans les alentours, nous les avons vus. Pour échapper aux prédateurs, il faut sortir du groupe et se laisser tomber rapidement dans les roseaux, où toutes les hirondelles se retrouvent ensemble. Naturellement, il y en a toujours qui se font prendre. Le lendemain matin, de bonne heure, elles quittent les roseaux pour se disperser presque à 100 km aux alentours.
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Le papillon Dehors, il fait nuit noire. Il y a juste la lumière de la maison qui illumine un peu la terrasse à travers la fenêtre. Soudain, un bruit bizarre contre la fenêtre. Je me lève pour regarder à travers les rideaux. Je vois quelque chose de grand qui voltige dans tous les sens. Je pense d’abord à notre petite amie la chauve-souris, mais elle ne vole pas comme ça. J’ouvre la porte pour mieux voir, et, qu’est-ce que je vois ? Un grand papillon. On dirait qu’il est ivre. J’arrive à l’attraper. Il est très beau, sur chaque aile il a un grand œil, en tout quatre sortes d’yeux qui me regardent. C’est sa défense contre d’éventuels prédateurs. Il est aussi grand que ma main. Après réflexion, je lui rends sa liberté, et il repart quelque part dans la nuit noire africaine. Dieu ne l’a pas créé pour que moi je le détruise. Deux jours plus tard, on le trouve mort entre les fleurs. La vie d’un papillon est très courte. Le lézard Notre petite maison est entourée de grands rochers, ce n’est pas un jardin de pierres, mais un jardin de roches. Le fermier a baptisé ce coin « Roc Heaven », ce qui veut dire « paradis rocheux. » Il y a plein de lézards et de serpents qui habitent ces rochers et qui prennent des bains de soleil, surtout les lézards. Il y en a aussi de plus grands, nous les appelons les caméléons. Ils ont la capacité de changer de couleur en un instant, un peu comme les hommes. Les caméléons changent de couleur pour que nous les voyions moins bien et que nous puissions difficilement les attraper. Par contre, les hommes changent de couleur pour mieux attraper les autres. Un serpent Avec notre petite voiture, nous faisons souvent de petites escapades pour explorer la région. On découvre toujours de belles choses. La nature ici est très belle et exotique. Dieu, dans sa création, a fait des choses vraiment parfaites. Quelqu’un a dit un jour : « la terre serait tellement belle, si seulement il n’y avait pas les humains. » Bref, nous prenons un chemin, une route forestière. J’aperçois devant nous quelque chose qui ressemble à une longue branche droite et noire. Je freine brusquement pour éviter de passer sur la branche. Ce n’était pas une branche mais un serpent noir de deux mètres de long. Il se sauve tranquillement dans la forêt. Un singe Comme nous n’habitons pas loin de notre lieu de travail à l’Africa School Mission, nous prenons notre voiture tous les matins sur une route poussiéreuse. En route, Claire fait la réflexion suivante : « cela fait un bon moment que nous n’avons plus vu de singes. » Elle n’a pas fini la phrase que voilà un petit singe tout mignon qui traverse la route, comme par enchantement. Moi, j’étais surpris. Mais peut-être Claire avait-elle une baguette magique sur elle.
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Le bananier Nous avons acheté une plante pour notre jardin. C’est un bananier. Nous l’avons planté devant la maison. Nous sommes étonnés de la rapidité avec laquelle pousse un bananier. Chaque semaine, il a une nouvelle feuille. De cette feuille, issue du cœur du bananier, sort une autre feuille et ainsi de suite. Les feuilles mesurent entre 50 cm et 1 mètre de long. Un jour, j’ai regardé de plus près ce bananier. Qu’est-ce que j’ai vu ? A l’intérieur du cœur s’était installée une chauve-souris. J’ai versé un peu d’eau pour qu’elle parte. J’espère qu’elle a trouvé une autre résidence quelque part sous notre toit. Encore un serpent Je fais ma petite sieste et, pendant mon absence aux pays des rêves, quelqu’un frappe énergiquement à ma fenêtre à plusieurs reprises. Sur ce, je quitte mon pays des rêves pour sortir voir ce qui se passe. C’est notre voisin qui vient de tuer, avec son fusil, un serpent qui se trouvait dans un arbre, à côté de notre maison. Il mesure environ 1 mètre de long. Une morsure de ce serpent vous fait rapidement passer dans l’autre monde. Par habitude et par précaution, quand nous sortons de la maison, la première chose que nous faisons, c’est regarder par terre en ouvrant la porte, pour voir s’il n’y a pas un
serpent ou un autre animal qui nous attend pour nous saluer. Quelqu’un du pays a dit un jour qu’il y a, dans ce pays, plus de serpents que d’habitants.
Le bush baby Une soirée presque comme les autres. Je suis allé me coucher et je m’apprêtais à partir comme d’habitude pour le pays des rêves. Subitement, on m’appelle : - Viens vite, il y a un animal sur la terrasse. - Un animal, c’est quoi ? Un serpent, un lion ou les quatre lions qui se sont soi-disant évadés du Parc National Kruger qui se trouve à seulement 10 km de chez nous et en ligne droite ? Ou, est-ce l’hippopotame, qui a ses appartements dans le lac, près du barrage, et qui s’aventure parfois jusque chez nous pour chercher sa nourriture ? Je me lève en vitesse et me précipite vers la fenêtre de la cuisine, ma lampe de poche à la main, pour voir cet animal. Effectivement, dehors, très visible sur la branche d’un arbre qui s’élève deux mètres au-dessus de la fenêtre, se trouve un animal, tranquille et paisible. C’est ce qu’on appelle un bush baby (un galago). C’est un animal que nous voyons rarement et qui a la taille d’un chat, avec une belle fourrure brunâtre et une longue queue. Il nous regarde avec ses grands yeux ronds qui brillent sous le reflet de ma lampe de poche. Nous contemplons cet animal pendant un moment. Finalement, il commence à grimper le long du tronc d’arbre pour disparaître dans la couronne de l’arbre et finalement dans la nuit noire. Restent les innombrables étoiles qui continuent à briller dans cette nuit silencieuse. - Merci cher animal pour ta visite, peut-être un peu tardive, mais qui nous a fait tellement de plaisir et nous a réjouis. Bonne route et peut-être à une prochaine fois !
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Les mille-pattes Je suis en train de travailler dans mon petit atelier dont la porte est grande ouverte. Tiens, quelque chose qui entre, par la porte, au niveau du sol. C’est une espèce de mille-pattes de couleur brun-noir, tout propre, tout brillant avec tout plein de petites pattes. On l’appelle le « Changala ». Je me suis toujours intéressé au nombre de pattes que peut avoir un tel animal d’une longueur d’environ 10 cm. Je l’attrape, non pas pour voir si ses pattes sont lavées, mais pour les compter, ce qui n’est pas facile. J’arrive à environ 300 pattes. Quelle cervelle ingénieuse doit avoir cette petite bête pour mettre en route cette multitude de pattes ! Cette synchronisation parfaite pour ne pas créer de chaos dans la bonne marche. Et comment fait l’animal, quand il est à l’arrêt, pour démarrer, pour savoir quelle patte il doit poser en premier. Même problème si l’animal a un pied en bois à la suite d’un accident. Peut-être les animaux possèdent-ils depuis longtemps un ordinateur dans leur mini-cervelle, bien avant que l’homme n’en possède un. La chauve-souris Vous connaissez notre petite amie qui nous rend visite tous les soirs, quand la nuit tombe ? Pendant la journée, nous ne la voyons pas, quand le soleil brille et qu’il fait clair et beau dehors. Parfois, elle passe si rapidement devant notre nez, notre petite amie, que, quand nous sortons dehors, il faut vite rentrer notre tête pour éviter un carambolage. Elle est aussi très utile pour nous puisqu’elle nous débarrasse de toutes les mouches et insectes qui voltigent, surtout autour de la lampe devant notre maison. (En RSA, tout le monde laisse une lampe allumée devant sa maison, à cause des voleurs.) L’autre jour, elle est même rentrée dans notre maison par la petite fenêtre des WC. Elle avait du mal à trouver la sortie, surtout que les chauves-souris ne vont pas tous les jours au WC. Peut-être avait-elle une panne de rasoir, ou elle ne voulait pas nous déranger, noblesse oblige. Poussy Qui est Poussy ? Poussy, c’est le petit oiseau de la famille des perroquets avec ses belles plumes de différentes couleurs et avec une petite houpette sur sa tête. Il est très mignon, le petit Poussy. De temps en temps, il a le droit de sortir de sa cage. Il appartient à notre voisin et à sa famille, les Preen. Alors, il vole dans la chambre, d’un bout à l’autre et sa place préférée est chez l’homme. Aujourd’hui, c’est notre tour. D’abord, sur les genoux de Claire. Il commence à siffler, il raconte son histoire dans son langage avec des sons très variés sur différentes octaves. Nous ne comprenons rien du tout de ce que « Poussy » nous raconte. Une chose que nous savons, c’est qu’il est heureux et joyeux d’être libre, d’être chez l’homme. Même le petit chien, un basset jaloux, essaye de conquérir la place sur les genoux de son maître. Mais l’oiseau est plus fort et le chien doit quitter les lieux. Poussy est le plus fort. En un battement d’ailes, il se déplace sur mes genoux, grimpe le long de mon pull-over, se rapproche de mon visage, de mes lunettes, me picote les joues, la bouche, se regarde dans mes lunettes, redescend le long de mon pull, arrache des fils et s’amuse à me picoter mes jambes poilues. Qu’il est mignon le Poussy et qu’il est intelligent ! Je le prends même pour une petite personnalité. Oui, les animaux sont parfois, et même souvent, plus intelligents et aussi plus aimables que les hommes.
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Les papillons C’est la saison des grands départs des papillons vers l’inconnu. Chose étonnante, tous se dirigent dans la même direction, ils sont des centaines de millions qui, pendant plusieurs jours, voltigent sur des kilomètres à travers notre région vers un but inconnu. Oui, inconnu pour l’homme, mais connu par eux, les papillons. Les hornbills Il commence à faire sombre, mais un vent agréable souffle, traversant cette belle vallée que nous habitons. Nous profitons de cet air rafraîchissant pour faire une petite balade, le long d’un petit chemin à travers les prés. Tout à coup, nous entendons quelque chose de semblable à des pleurs de bébés. Et nous découvrons, sur un arbre, une famille d’oiseaux (un adulte et trois petits) qu’on appelle ici les hornbills (les calaos). Ce sont des oiseaux avec un très long bec jaune et recourbé. Ils viennent certainement du Parc Kruger et je pense qu’ils repartiront demain matin, vers une destination inconnue pour nous. Mais eux doivent le savoir, avec leur flair animal. Dommage que nous n’ayons pas le même flair... L’orage La nuit tombe très rapidement ici. Quand les journées sont lourdes et humides comme aujourd’hui, cela nous fatigue énormément. Nous sentions l’orage venir. Le voilà déjà. Les éclairs se succèdent, plus nombreux que d’habitude. L’orage n’a pas éclaté chez nous mais de l’autre côté de la vallée, ce qui me permet de sortir de la maison pour contempler ce phénomène de la nature. Les éclairs se succèdent à un tel rythme qu’il fait clair comme en plein jour. Mais il n’y a pas de grondement de tonnerre. Le ciel est constamment illuminé. C’est comme une lampe qui s’allume et s’éteint sans arrêt. Un spectacle gratuit qui s’offre à nos yeux. Encore une histoire de serpent Claire va tous les jours à pied vers notre mission, par un beau sentier à travers la nature. Tout à coup, elle s’arrête. Un serpent est couché au milieu du sentier, bien enroulé. C’est l’un des serpents les plus dangereux de notre région. Normalement, les serpents prennent la fuite au moindre bruit, mais celui-ci reste sur place sans bouger. Si nous marchons dessus, il mord avec une rapidité étonnante. Les hommes ont peur des serpents et les serpents ont peur des hommes. Nous alertons le propriétaire du terrain. Son fils arrive avec un fusil et tue le serpent d’une balle dans la tête. Ça nous fait quand même mal au cœur de tuer une si belle bête… Le scarabée C’est quoi, devant la porte ? On dirait un scarabée mort, il est de couleur foncée, ou plutôt de couleur sale. Il y a tellement de sortes de scarabées ici, des tout petits, des très grands, des ronds, des multicolores. Mais un scarabée comme celui-ci, je n’en ai jamais vu. Il est couché sur le dos et fait le « mort ». Je le touche et voilà qu’il donne brusquement un coup de tête sur le béton avant de rebondir. J’essaye de l’embêter et chaque fois, il donne des coups de tête sur le béton. C’est peut-être sa défense contre les prédateurs. J’en connais d’autres qui donnent des coups de tête… L’herbe sèche Contre le mur, on dirait une herbe sèche, longue d’une dizaine de centimètres. En regardant de près, on voit que c’est un petit animal, une mante religieuse. C’est comme une tige de blé avec - 95 -
quatre pieds. Je la touche et, chose curieuse, tout cet ensemble bouge et bascule sous les effets du vent. Sa défense consiste à faire croire à ses prédateurs qu’elle n’est qu’un brin de paille. La petite mouche Je suis en train de lire un livre. Tiens, je reçois de la visite. Une toute petite mouche se pose sur la page, elle est à peine plus grande qu’un point qu’on fait à la fin d’une phrase. Je la contemple. Elle a des pattes pour marcher. Elle a des ailes pour voler. Elle a des yeux pour voir. Elle a des oreilles pour entendre. Elle a une cervelle pour penser, réfléchir. Elle vit, elle est devant moi, cette mouche infiniment petite, je n’ose déranger ce miracle de la nature fait par un Créateur infiniment grand. Je pense aussi à l’autre extrême : un éléphant, une baleine ou d’autres super gros animaux. Des colosses qui possèdent de grandes qualités. Je pense à un savant qui prétend que tout descend d’une même cellule, venue il y a très longtemps de l’extérieur de la terre et qui a évolué… Une évolution, ma question : est-ce que, dans cette évolution, la mouche était d’abord un éléphant, ou est-ce que l’éléphant était d’abord une mouche ? Le Créateur pourrait nous donner « la » réponse. Entre-temps, la petite mouche s’est envolée. Elle a dû se dire : « gardez vos problèmes pour vous, laissez-moi être une mouche heureuse, au lieu d’être peut-être… un éléphant malheureux ». Histoire de singe On est à table. Repas de midi. Beaucoup de singes sont en face de notre terrasse. Des mamans-singe, leur bébé au ventre, d’autres petits qui s’amusent ensemble, d’autres couchés sur l’herbe ou sur le côté, et il paraît qu’ils font aussi la sieste. Un singe s’approche à un mètre de notre table et nous regarde manger. Un autre saute sur l’arbre qui se trouve à deux ou trois mètres de nous et nous observe. L’un de nous doit toujours rester à table sinon, comme par un coup de baguette magique, tout disparaît avec une rapidité extraordinaire. Parfois, ils nous laissent leur carte de visite, ce qui ne nous intéresse pas du tout. Ils nous volent aussi toutes les mangues, mais enfin,… nous sommes en Afrique.
Histoires d’animaux sauvages Avant-hier, au Parc Kruger, les dix passagers venus faire un safari à bord d’une voiture avec remorque ont été subitement attaqués par un éléphant. La voiture a été renversée sur le côté, et l’éléphant a détruit la remorque. S’il avait attaqué la voiture, il y aurait eu dix morts. Il y a deux semaines, toujours au Parc Kruger, des jeunes en voiture se sont moqués d’un éléphant. L’animal les a attaqués, les jeunes se sont enfuis, mais l’un d’entre eux est tombé et l’éléphant l’a écrasé. Il y a quelques semaines, encore, un léopard a tué une femme dans le village des Rangers. C’est déjà la deuxième fois qu’un léopard fait irruption dans ce village. Le léopard avait glissé sur du carrelage… autrement, il aurait tué une autre femme.
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Dans le nord, près de la frontière avec le Zimbabwe, un homme et une femme travaillaient dans un champ de maïs. Un éléphant, qui a pu sortir du Parc, a écrasé la femme. L’homme a pu prendre la fuite. Tout cela en l’espace de quelques semaines, cela faisait longtemps qu’il n’y avait plus eu d’accidents. A Warmbad, dans un parc d’attraction : mangouste et sanglier Un jour, nous avons eu la visite d’un petit animal : une mangouste. Elle a mangé du pain qu’on lui a donné, directement dans ma main. Ce soir, une autre visite près de la terrasse, un sanglier. Ici on le nomme Wartok. Il s’est approché jusqu’à notre table, nous regardant droit dans les yeux. Ses grosses défenses nous tenaient en respect. Mais comme nous n’avions rien à lui donner à manger, il est parti dans une autre direction. Quelques autruches se sont promenées, quelques maisons plus loin. Demain, on repart, nous sommes le 26 octobre 2000. Une nuit en Afrique Une nuit en Afrique, c’est un événement. Ces ténèbres impénétrables, vu que nous habitions loin des villes qui sont illuminées, même en Afrique. On dirait presque un silence agréable que rien ne dérange. Sauf, de temps en temps, une voiture qui passe au loin sur la route, et qui va au Kruger Park. Silence : oui et non. On en oublierait presque le bruit des milliers d’insectes et les cricris, lorsque chacun, ou chacune, lance ses signes de vie dans la nuit noire. Dans les lacs des alentours, les grenouilles et les crapauds se font entendre par centaines, faisant tellement de bruit que nous avons fermé les fenêtres. De gros cafards heurtent leur tête contre nos vitres, pour repartir
ensuite, je ne sais où… Là où les chauvessouris font leur va-et-vient au milieu des battements d’ailes.
Le tam-tam des sorciers, de l’autre côté de la vallée, nous rappelle qu’il y a des hommes inclus dans ce concert nocturne. Et nous ne finissons pas de contempler les étoiles du firmament lointain, qui nous regardent de l’infini de l’espace en nous rappelant l’existence d’un Créateur. De temps en temps, un hibou croise notre chemin, à la recherche de nourriture. Des cris d’oiseaux venant de près ou de loin essayent de percer ce rideau noir. Une nuit calme en Afrique, il faut la « voir ».
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Chapitre 12 AMERIQUE
Un voyage avec John Tressel en Amérique Nous avons fait la connaissance d’un évangéliste américain du nom de John Tressel. Il avait prévu de faire visiter l’Amérique à un petit groupe, dans lequel se trouvaient, entre autres, quatre Malgaches (un père avec son garçon et ses deux filles) qui habitaient à Pouru-Saint-Remy, en Champagne-Ardenne. Lui était médecin et une des filles était en retard mentalement et corporellement. Avec eux, il y avait un autre évangéliste du nord de la France, Monsieur Ramseyer. Il était accompagné d’une jeune femme, toujours à court de finances, qui aimait faire un peu la loi dans notre groupe. Le rendez-vous était à l’aéroport à Paris, direction New-York. Arrivés à New-York, quelqu’un nous a cherchés à l’aéroport et on est repartis chez des particuliers qui nous logeaient. Nous étions les premiers à débarquer dans un quartier « haut-les-mains », pas très rassurant, par contre des gens sympathiques de couleur noire à cinquante pour cent. Avec John, nous avons visité la plus haute tour de la ville, l’Empire State Building. Sinon, nous n’avons pas vu grand-chose de la ville. Des gens d’une église nous ont prêté un petit bus. Nous sommes passés par Washington, mais comme il y avait une queue sans fin de visiteurs, nous avons renoncé à visiter la Maison Blanche, et nous avons continué notre route. Un voyage nous a conduits dans une région où habitaient des anciens mennonites qu’on appelle les « Amish ». Une autre escapade nous a menés vers une région où se tenaient, à la même époque, des réunions pour des milliers de jeunes sur un terrain immense, avec tout le tralala propre à la jeunesse, où des personnes âgées comme nous deux n’ont pas trouvé leur place, ni leur intérêt. La route nous a conduits vers le sud. Là, nous avons visité la « Rock Church ». Ce sont toujours des églises pleines avec leur propre style de cultes, parfois assez étranges pour nous, les Européens. Dans une autre ville se trouvait une autre congrégation du nom de « Seven hundred club ». Il y avait aussi une radio chrétienne locale. Un jour, on avait annoncé un grand ouragan. Si l’ouragan avait frappé la ville et les pylônes des émetteurs radio, tout aurait été détruit. Les responsables du club et de l’église sont allés au bord de la mer qui n’était pas loin et, tous ensemble dans la prière, ils ont ordonné à l’ouragan de changer de direction. Et c’est ainsi que toute la ville a été épargnée. Pour les non-croyants, ce sont des choses qui n’existent pas, pour les croyants, c’est une réalité. Preuve à l’appui. Le voyage de notre petit groupe a continué vers le sud, sans notre guide. La vitesse maximale, sur l’autoroute, est d’environ 90 km/h. Nous nous retrouvions vers le soir dans une communauté chrétienne. Ce sont des familles qui vivent sur un grand terrain, mais chacune dans sa maison privée. Ce genre de communautés était pour nous une nouveauté.
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On s’attendait à un bon repas du soir. Tu plaisantes.... Une des filles, qui s’appelait Claire, parlait un peu le français et nous a conduits dans une pizzeria et là, avec notre propre argent, nous nous sommes régalés. Si vous commandez un coca-cola dans un restaurant, on vous sert un verre plein de glaçons et on verse le coca dessus et finalement vous buvez de l’eau glacée au goût de coca. Typiquement américain. Je pense à l’une des familles qui nous logeait et qui était raciste. Quand ils ont vu nos quatre Malgaches, ils ont certainement eu un choc, c’est peut-être ce qui nous a valu de manger au restaurant. Pas du tout normal pour de vrais chrétiens. Prochaine étape, plus vers le sud, jusqu’à Pensacola. On a été reçus dans une école biblique, par des gens sympas. Pas loin se trouve la mer, eau chaude, eau claire, sable fin et très blanc. Tous les deux, nous avons passé un agréable après-midi sous le soleil bienfaisant. C’était aussi l’heure de rentrer vers New-York. En route, nous avons pu visiter une grotte. A l’intérieur se trouvaient de petits bassins avec de l’eau tellement claire que l’on ne voyait même pas l’eau à cause de la pureté. Retour en avion sur Paris et, pour nous, en train jusqu’à Strasbourg.
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Chapitre 13 CROISIERE EN ISRAEL, EN CHEMIN VERS JERUSALEM
Premier voyage en Israël Ludwig Schneider, un ami allemand, pasteur et évangéliste, avait organisé un voyage en Israël. C’était le premier voyage que Claire et moi entreprenions en dehors des frontières européennes. Nous avions pris l’avion à Francfort. Il y a eu un premier arrêt en Turquie, à Istanbul. La raison de cet arrêt imprévu était le trop grand nombre d’avions qui volaient vers Israël, ce qui avait probablement provoqué un bouchon aérien. L’avion que nous avons pris était un DC 10. Ce même appareil a fait une chute près d’Ermenonville, en Picardie, juste quatre jours après que nous l’ayons pris. C’était le 3 mars 1974, il y a eu 346 morts. Après deux jours, c’était le départ de la Turquie pour Israël. Pendant quelques jours, il y avait une conférence sur le Saint-Esprit avec une oratrice connue mondialement, Kathryn Kuhlman. Elle avait un don particulier pour la guérison des malades, entre autres. A nos yeux, c’était un style complètement nouveau, tout comme les chants en langues (pour les connaisseurs). Bien sûr, la critique ne manquait pas. Mais de toute façon, dans le domaine spirituel, il y a, pour tout le monde, des choses incompréhensibles. Lors d’une sortie vers le Jourdain, l’occasion était donnée de se faire baptiser par immersion. Claire et moi en avons profité pour nous faire baptiser.
Baptême par immersion dans le Jourdain en Israël de Claire par Ludwig Schneider.
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Je ne veux pas dire plus à ce sujet, parce que trop d’encre a déjà coulé dans des discussions théologiques concernant le baptême. Finalement, il y a toujours du pour et du contre. Après tout, c’était notre conviction, et après tant d’années, elle est toujours la même. Une autre fois, notre ami Ludwig Schneider est venu en voiture de Jérusalem pour nous chercher, Claire et moi, pour nous emmener sur le mont Carmel, à l’endroit où le prophète Elie a élevé un autel. Nous avons eu l’occasion de prendre un bain dans la Mer Morte. 33 % de sel dans l’eau, il faut éviter d’avoir de l’eau dans les yeux. La teneur en sel est tellement élevée que même ceux qui ne savent pas nager ne coulent pas. En passant près du Jourdain, une autre occasion pour plusieurs de se faire baptiser par immersion même s’il faisait assez froid, avec une pluie légère, et deux pasteurs qui ne trouvaient pas la fin de leur prédication… La visite d’un kibboutz, les colonnes du roi Salomon, le jardin de Gethsémané, Nazareth, etc. Deuxième voyage en Israël - du 7 au 22 avril 1979 Ce voyage était l’une des plus belles aventures de notre vie. Il était organisé par des chrétiens allemands. Nous avons toujours constaté que les Allemands sont de bons organisateurs, et pour ce voyage extraordinaire également. Le but était donc de visiter Israël. Mais pour y aller, et pour revenir, nous avons fait pas mal d’escales. Au programme : Venise, l’île de Crète, l’Egypte, Israël, la Turquie, l’île de Rhodes et, de nouveau, Venise. Le départ se faisait donc en train spécial, de nuit, depuis Stuttgart. Nous étions environ 800 personnes, en principe tous des chrétiens. Nous avons fait d’autres voyages à travers le monde avec des chrétiens et nous étions toujours très satisfaits de l’ambiance, jamais de problèmes et bonne organisation. Donc, départ pour Venise. Embarquement sur le paquebot « La Perla » dans la matinée. Nous avons pris la direction de l’île de Crète. Les organisateurs avaient prévu différents voyages sur l’île, les frais en plus, naturellement. Comme cette île est petite, le choix n’est pas grand. Claire et moi avons décidé d’aller à la mer. D’autres ont choisi de monter sur une colline où se trouvait un village avec de jolies maisons, peintes en blanc et bleu. C’était un arrêt d’une demijournée. Le lendemain, direction l’Egypte. Avec « La Perla », on est entrés dans le grand port d’Alexandrie. Comme le bateau devait avancer très lentement, nous avons eu le temps de visiter avec nos yeux tout ce qui se passait dans un port mondial. Comme nous mangions et dormions sur le bateau, nous n’avions pas besoin de déménager à chaque fois. L’une des attractions était la visite en bus de la ville du Caire. L’un des bus a eu une panne d’essence, cela nous a rappelé que nous ne nous trouvions plus dans une Europe surorganisée. L’autre attraction était la visite des Pyramides. On avait l’occasion de grimper sur quelques blocs de pierres, mais il était interdit d’escalader les Pyramides. On était dans l’expectative, en voyant ces tombeaux datant de milliers d’années, qui certainement possèdent encore aujourd’hui des secrets. Combien de livres ont été écrits sur ces gigantesques monuments ! Le jour suivant, direction Haïfa. Là aussi, excursions à volonté. Nous avons opté pour un voyage vers la Mer Rouge à bord d’un petit avion. L’occasion de faire un tour au-dessus de Jérusalem. Même Jésus-Christ n’avait pas eu le privilège de prendre un avion, mais il avait d’autres moyens - 101 -
que nous n’avions pas. La Mer Rouge, de l’autre côté de la Jordanie, nous a beaucoup impressionnés. De retour à Haïfa, nous avons visité, les jours suivants, Jérusalem et ses environs. Je ne vais pas entrer dans les détails, tous ceux qui ont visité Israël pourront certainement mieux vous expliquer que moi. Dans la Mer Rouge, nous avons pu visiter une tour en verre où l’on descendait par des escaliers sous la mer. C’était une occasion de contempler la faune sous-marine sans se mouiller. Nous avons aussi visité la forteresse de Massada, mais c’est une histoire trop longue à raconter. Nous avons poursuivi notre route, vers la Turquie, avant de visiter les lieux où, pour la première fois, on avait utilisé le nom de « chrétien ». Nous avons visité la grande ville d’Istanbul à deux reprises. La visite des deux grandes mosquées était impressionnante. C’était la première fois qu’on entendait les chants des imams du haut des minarets. Nous avons aussi visité, en bus, le Bosphore qui sépare l’Europe de l’Asie ou plus précisément du Moyen-Orient. De la Turquie, nous avons continué notre voyage, toujours en bateau, vers l’île de Rhodes. Nous avons visité la ville. La dernière halte, c’était le retour à Venise. Nous avons visité un peu la ville, la place SaintMarc avec la multitude de pigeons. Le musée avec ses magnifiques tableaux, peints par Picasso. Il y en a d’autres, des peintres qui savent dessiner... Chapeau quand même, pour tous les artistes. Retour en train, pour Stuttgart. L’un de nos plus beaux voyages prenait fin.
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Chapitre 14 VOYAGE EN ASIE
Du 30 mars au 7 avril 1977 Un groupe de chrétiens allemands avait organisé un voyage d’études en Asie, plus précisément en Corée du Sud, à Taïwan, à Hong Kong, au Japon et à Bangkok, en Thaïlande. Le groupe se composait en majorité d’Allemands, de Suisses et de quelques Français. Avec cette organisation allemande, tout s’est passé sans problèmes et je n'ai pas besoin de dire que c’était une des plus grandes aventures de ma vie. Il n’y avait qu’un point noir à ce voyage exceptionnel, c’est que Claire n’avait pas la chance d’y participer, vu qu’elle devait s’occuper de sa mère malade. Voilà donc, le récit de notre parcours à travers ces pays lointains. Corée Départ en avion le 30 mars de l’aéroport de Francfort, direction la Corée. L’équipe du pasteur Yonggi Cho nous a cherchés à l’aéroport et nous étions logés et nourris dans les bâtiments autour de l’église. (Nous avions fait une escale à Bahreïn, et on nous a permis de sortir de l’avion. J’ai donc pu envoyer une carte postale à la maison. Claire a cru qu’on était passés par le Pôle Nord pour atteindre l’autre côté du globe…) L’église de David Yonggi Cho avait la forme d’un dôme et contenait environ dix mille personnes. Il fallait trois cultes, à cette époque, pour accueillir tous les croyants. Environ deux mille pasteurs s’occupaient des croyants. Il y avait des groupes de prière de vingt personnes. Quand le nombre de vingt était atteint, on créait un autre groupe, ce qui faisait, en ce-temps là déjà, des milliers de groupes de prière.
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Nous avons pu assister à un culte le dimanche matin. Naturellement, l’église était pleine jusqu’à la toute dernière place. Ils avaient plusieurs chorales habillées toutes pareilles. Les chants de l’assemblée étaient impressionnants. Il est 9h45, je suis dans l’église, très bel immeuble, les gens affluent par milliers, quelle impression, en un quart d’heure dix mille personnes ont rempli l’église. Ces gens ont soif de l’évangile, ils sont spontanés, quand on voit cela on a des frissons et les larmes aux yeux. Il y en a beaucoup qui portent l’habit coréen. L’assemblée chante : dix mille voix s’élèvent vers Dieu, quelle merveille, ils tapent des mains, cela vaut le déplacement. Le chœur chante.
On lit la parole de Dieu, les gens participent dans un style complètement pentecôtiste, ils sont très spontanés. On lit l’histoire de Lazare. Le chœur chante : cent personnes portant l’habit coréen, robe noire, hommes et femmes avec col rouge, une quarantaine de musiciens, tout un orchestre (clavier, violon). Le pasteur Cho s’avance et parle. Il prie et toute l’assemblée prie aussi, c’est comme un torrent, une cascade, une tornade, je ne peux pas retenir mes larmes. L’assemblée chante et tape des mains, des centaines de personnes sont debout et d’autres, qui se sont pressées pour écouter, sont assises par terre, tout devant. On nous présente : les Allemands, les Français, les Suisses, les Américains... Nous applaudissons fortement. Monsieur Sanders (un Américain) prêche en anglais, le pasteur Cho traduit en coréen et nous écoutons en allemand. Le pasteur Cho appelle les gens à donner leur vie au Seigneur, les gens se lèvent. Nous prions, tous lèvent les mains et prient à haute voix, c’est impressionnant, c’est comme au Racing (quand l’équipe de foot strasbourgeoise marque un but). On chante, on prépare la Sainte-Cène, les hommes portent des gants blancs, une centaine de personnes distribuent la Sainte-Cène. Il y a des centaines de récipients que quelques hommes emmènent et distribuent dans les rangs. Tout est bien organisé. Chacun reçoit un petit verre. Le pasteur Cho proclame la guérison pour des malades atteints à différentes parties du corps : hémorroïdes, problèmes de nerfs, gens qui ne peuvent pas manger, oreilles, deux mains malades, estomac. On ne peut compter les guérisons : cinquante, cent ou deux cents, je ne peux le dire. On fait la collecte : vingt-cinq femmes en costume et entre vingt-cinq et cinquante hommes, qui viennent vers l’autel apporter la collecte. Le culte se termine par beaucoup de chants et beaucoup d’applaudissements. - 104 -
Je me retrouve dans le deuxième culte qui a commencé dès la fin du premier et qui est, lui aussi, rempli jusqu’à la dernière place. La puissance de l’Eternel est dans cette église. Que nous sommes pauvres en Europe ! Je ne trouve plus les mots pour exprimer tout cela. Des gens pleurent devant moi. Je me sens uni avec eux dans le Saint-Esprit. Le culte se termine, avec la même puissance que le premier, le chœur chante le « Alléluia » tandis que les gens sortent. Les gens affluent pour assister au troisième culte. Chaque culte se fait avec chœur et orchestre. L’église se remplit pour une troisième fois, il reste quand même quelques places vides. Il y avait deux jeunes filles, de vingt à vingt-trois ans, à côté de moi. On s’est salués par un « Alléluia », c’est le seul mot coréen que je connaisse, à part le mot « amen ». A un moment, toute l’assemblée prie en chœur, c’est-à-dire que chaque membre prie individuellement à haute voix, mais c’est très discipliné. On peut facilement s’imaginer le bruit que ça fait, pour nous Européens, du jamais vécu, du jamais vu. Au signal d’une petite cloche, les prières s’arrêtent nettes. Sortie à « La montagne de prière » Pendant une sortie, nous avons visité la montagne de prière. C’était une colline où se trouvaient de petites constructions, semblables à des niches pour les chiens, en plus grand naturellement, mais où nous ne pouvions pas nous mettre debout. Les croyants restaient une ou plusieurs journées à jeûner et à prier. C’était aussi quelque chose de nouveau pour nous. Nous avons aussi assisté à une réunion de prière dans une maison. Notre responsable a demandé la liste de présence. S’il y a des personnes qui manquent parfois, ils vont leur rendre visite à la maison et les encouragent à revenir. Tout est bien contrôlé, à notre avis… un peu trop. Dans le sous-sol de l’église, il y a plein de grandes salles. Les murs sont tapissés de plans de la ville de Séoul en différents formats, quartier par quartier. Tous les groupes de maisons sont marqués, avec les responsables. Pas moyen d’échapper aux contrôles. On a aussi assisté à une nuit de prière.
Petite ou grande aventure. Un après-midi, on visite la ville de Séoul, la capitale de la Corée du Sud. Nous sommes plusieurs groupes avec un ou deux Coréens pour nous guider. Nous entrons dans des magasins pour acheter de la soie. En sortant, nous avons perdu le groupe et naturellement les guides. Il commence à faire nuit. A 22h, c’est le couvre-feu. Les rues noires de monde, des milliers de taxis et de bus. On a oublié de demander l’adresse de l’église. Nous sommes trois personnes perdues comme dans un immense océan. Nous entrons dans des magasins pour nous renseigner mais ni les vendeurs ni nous ne parlons anglais. On ne sait quel taxi prendre, on ne peut pas lire leurs chiffres chinois. Les taxis sont tous pleins. Enfin, un petit taxi s’arrête, on s’engouffre, mais on ne sait pas quoi lui dire ni où aller. Tout à coup, j’ai une idée, je demande un crayon et un papier et je commence à dessiner l’église : la coupole et audessus, la croix. Il a fallu un moment au chauffeur pour comprendre, nous lui avons expliqué avec les mains et les pieds. Après un petit moment, le chauffeur a compris et finalement nous sommes bien arrivés « à la maison » heureux et soulagés.
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Nous sommes restés une semaine en Corée. Nous avons fait des excursions en car pour visiter un peu les alentours. Japon Départ en avion pour le Japon. Nous avons logé dans un hôtel, au trentième étage, avec des ascenseurs ultrarapides qui nous font arriver en haut en quelques secondes, sans que nous le remarquions. Nos responsables ont pris contact avec les membres d’une église de Pentecôte qui nous ont montré la ville d’Osaka et les environs. C’est un pays très moderne. Les gens sont très disciplinés et chaleureux. Nous avons mangé dans un restaurant. Il y avait des petits ruisseaux qui traversaient le restaurant, et un mur vers l’extérieur avec des cascades et des gros poissons koï, très colorés, dans des bassins. Nous passons sur des petits ponts pour aller vers un autre coin du restaurant. Les serveuses sont des geishas, comme celles qu’on voit sur des images. Pour prendre la commande, elles se mettent à genoux devant les clients. Il y a beaucoup de temples et de jardins exotiques. Nous ne sommes restés que quelques jours. Une dame de l’église nous a invités chez elle, il paraît qu’il est très rare qu’on invite ainsi un étranger chez soi. Le mari était absent. Nous étions cinq Français. Elle nous a emmenés en train, nous avons changé de train plusieurs fois et elle nous a aussi montré une montagne de prière, comme en Corée. Elle nous a préparé du « sukiyaki », un mets typiquement japonais et, le soir, elle nous a reconduits au centre d’Osaka, où se trouvait l’hôtel. Après la visite, nous avons pris le train rapide, comme le TGV de chez nous. Le train n’a pas de conducteur, tout est automatique. Les trains s’arrêtent à un point très précis où les voyageurs attendent, bien alignés. Sur le sol, il y a des lignes tracées : on laisse d’abord sortir les gens des wagons et après, chacun entre, l’un après l’autre, de manière disciplinés. J’ose dire qu’on a beaucoup à apprendre des Japonais (et ce que je décris ici date déjà d’il y a une trentaine d’années !). Nous avons mangé dans un autre restaurant. Nous étions quatre personnes autour d’une table. Au centre de la table, il y avait un feu ouvert et un garçon, assis en face, nous préparait ce dont nous avions envie. Chacun a reçu un tablier blanc à manches longues qui se ferme derrière dans le dos, un peu comme les blouses de médecin ou de chirurgien chez nous. Taïwan Du Japon, nous avons pris l’avion pour Taïwan. Nous étions logés dans un grand hôtel très moderne. Le matin, de bonne heure, beaucoup de personnes font de la gymnastique sur le bord de la route. Il fait déjà très chaud et très humide. C’était encore quelque chose d’inhabituel pour nous, cette gymnastique volontaire, qui se pratique aussi dans certaines usines du Japon. Tout le monde est obligé, pendant la pause, de se détendre, de se « remonter le moral ». Nous ne connaissons pas cela chez nous. Nous avons visité, en bus, un village pas trop loin de l’hôtel. Dans ce village, les
gens sont habillés en noir, par tradition. Les femmes fument la pipe, cela fait partie du paysage.
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A côté de l’hôtel, il y avait une colline, plutôt une petite montagne. De notre hôtel, nous entendions, le matin de bonne heure, les voix de beaucoup de personnes. Je me suis levé et je suis monté sur le flanc de la montagne. Il y avait beaucoup de monde, et des petites maisons ou baraques, comme des maisons de vacances. A la même place, il y avait une espèce d’autel où une femme prêtresse, habillée en noir, présentait des offrandes à leurs dieux. Constamment, elle s’agenouillait et se relevait, pendant je ne sais combien de temps. Unique à voir. Hong Kong De Taïwan, nous avons pris l’avion pour Hong Kong. La piste d’atterrissage est un long bandeau de terre, comme un pont qui rentre dans la mer. Ville impressionnante avec ses gratte-ciel, le tunnel sous la mer et la masse de gens qui grouillent, comme une fourmilière. En bus, nous avons visité la ville, et nous sommes montés en haut d’une colline, d’où le paysage était unique. Vue imprenable. Certains membres de notre groupe ont pris un bateau qui faisait un grand tour à travers les « collines-bateaux ». Beaucoup de petits bateaux circulaient sur l’eau, comme chez nous les voitures. Nous avons fait une sortie en bus jusqu’à la frontière chinoise. Une drôle de sensation, de voir au loin la frontière entre un pays libre et un pays où les gens sont esclaves d’un système radical, où l’homme ne compte pas, où il est manipulé par un système de dictature inhumain, où les gens ne connaissent pas la liberté dont nous jouissons totalement.
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Thaïlande Après Honk Kong, notre dernière étape, la Thaïlande. Un pays très différent des autres pays. Un pays rempli de dieux. Dans chaque maison, bus, taxi, restaurant, bateau se trouvent de petits autels avec des figurines, ou d’autres objets, qui représentent des dieux faits par des mains d’hommes. Nous avons visité plusieurs de ces temples où se trouvent des bouddhas de toutes les tailles. Dans un temple, il y a une statue haute de 12 m, recouverte de plaques d’or pur. Dans un autre temple, il y a mille statues : cinq cents à gauche et cinq cents à droite, et au milieu, un grand bouddha… Nous avons fait une sortie sur un canal à bord d’un petit bateau à grande vitesse et nous avons visité un faubourg où les maisons en bois sont construites sur pilotis, sur l’eau.
Avec quelques-uns du groupe, nous sommes allés en bus sur la côte de Pattaya, connue mondialement pour ses plages de sable blanc, ses palmiers, son eau claire et chaude. De là, nous avons pris un bateau pour nous rendre sur une petite île, à 1h de Pattaya. Nous avons joué au football avec quelques Thaïlandais, sous cette chaleur tropicale. Moi, j’en ai profité pour faire du parachutisme nautique. J’ai été tiré par un bateau rapide de la plage vers la mer et j’ai fait une belle tournée dans les airs au-dessus de la mer. Inge, une jeune fille allemande de notre groupe, a aussi essayé ce sport, mais elle a mal atterri et elle s’est malheureusement foulé le pied. Elle est rentrée en Allemagne en chaise roulante. La Thaïlande a marqué la fin de notre voyage en Asie. Retour en avion vers l’Europe. Plein de souvenirs qui se perdent avec les années… Mais c’était l’un des voyages les plus intéressants de ma vie.
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Chapitre 15 AUTRES VOYAGES AUTOUR DU MONDE
Ile de La Réunion Nous sommes partis de Johannesburg, avec un vol régulier, pour l’île de La Réunion. A l’aéroport, nous étions attendus par un homme que nous avions connu quelques semaines auparavant à « Petra », une école biblique qui, par rapport à l’ASM, se trouve de l’autre côté de la vallée, perchée sur une colline, ou plutôt sur un immense rocher, comme un nid d’aigle. Comme ce monsieur parlait le français et qu’il était en vacances dans cette école, les responsables de l’école l’ont envoyé à l’ASM pour faire la connaissance du French couple. Nous avons donc gardé le contact avec ce monsieur en nous disant qu’un jour nous aurions peutêtre besoin les uns des autres. Et nous n’aurions pas cru avoir besoin de ce monsieur aussi vite… Nous voilà donc à l’aéroport, à La Réunion. Et, simultanément, Werner Drotleff, qui est allemand et missionnaire en Tanzanie (à Dar es Salam, la capitale), nous attendait, venant d’une toute autre région que la nôtre. Nous avions travaillé ensemble chez Reinhard Bonnke et vécu pas mal d’aventures ensemble. Tout comme nous, il avait à cœur l’évangélisation de Madagascar. Nous voilà donc réunis. Nous avons pris la route pour l’autre côté de l’île où habitait ce monsieur. Sa femme, ses deux enfants et lui habitaient une belle maison. Sa femme… qui n’était pas profondément heureuse d’avoir tout à coup trois pensionnaires inconnus sur le dos. Elle nous l’a fait sentir. Nous avons regretté de n’avoir pu être logés dans un hôtel. Dès le lendemain, Claire a eu un lumbago. Chaque petit mouvement la faisait souffrir. On se disait : « ça commence bien. » Nous avons fait venir un médecin, qui a fait une ordonnance pour la transporter à l’hôpital. Que faire maintenant ? Claire disait courageusement que Werner et moi devions absolument aller à Madagascar. Nous avons donc pris l’avion et… au revoir. À quand ? Pendant ce temps, Claire a été mise avec plusieurs patientes dans une même chambre. Mais pour plusieurs raisons, elle était incommodée par cet entourage. Elle a demandé à être transférée dans une chambre seule, ce qui a été fait. A un moment donné, un infirmier est apparu avec une seringue à la main, prêt à l’administrer à Claire. Claire a demandé : « c’est pour moi ? » Naturellement, c’était pour elle. Elle a dit : « non, je n’accepte pas.». Normalement, on doit « charger » une seringue devant le patient. Tout le monde sait pourquoi… Malgré le fait que La Réunion soit un département français, il y a des normes ou des « habitudes » qui sont proches de celles des pays du tiers monde. Ce qui devait arriver… est arrivé. Au bout d’un moment, plusieurs médecins se sont attroupés autour du lit, lui disant : « Madame, si vous ne voulez pas coopérer avec nous, votre place n’est pas ici. Demain vous quitterez l’hôpital.» On appelle cela « être mis diplomatiquement à la porte. » Claire a dit : « je crois en Dieu et il s’occupera de moi d’une manière ou d’une autre.» Et Dieu s’est occupé de Claire d’une manière miraculeuse. Notre ami avait rencontré, entretemps, un couple qui travaillait sur l’île pour Jeunesse et Mission. Il leur a raconté qu’une - 109 -
personne de Strasbourg se trouvait à l’hôpital. Eux aussi venaient de Strasbourg. Alors notre ami a précisé que Claire s’appelait Riff. Et eux aussi s’appelaient Riff ! En fait, c’était un neveu de La Wantzenau. Nous ne savions pas que quelqu’un de notre famille se trouvait sur l’île. Le lendemain, mon neveu et sa femme sont allés à l’hôpital. Naturellement, grande surprise pour Claire. Ils ont expliqué à Claire qu’une amie à eux était partie pour l’Europe en leur laissant à disposition sa villa au bord de la mer. Ils ont immédiatement emmené Claire, en voiture, jusqu’à la villa. Sur une belle terrasse, couchée sur un matelas, soignée, nourrie par mon neveu et son épouse qui étaient encore assez jeunes à ce moment-là, Claire a commencé à guérir lentement. Elle a demandé à mon neveu de téléphoner à l’aéroport pour réserver un vol pour partir le dimanche à Madagascar.
Réponse : pas de place libre. Claire a insisté pour qu’ils l’emmènent quand même à l’aéroport. Ils savaient qu’il n’y avait pas de place, mais ils ont accepté de l’emmener quand même. Arrivés à l’aéroport, l’hôtesse de l’air leur a répété : pas de place. Claire a dit qu’elle attendrait. Si une personne se désistait, elle prendrait la place. Encore un miracle. Une personne s’est désistée. Une seule. Claire a eu sa place. Quand l’avion a quitté l’île de La Réunion, dans son dos, une drôle de sensation, la douleur est partie. Claire a été instantanément guérie, elle pouvait bouger, faire tous les mouvements qu’elle voulait, il n’y avait plus de douleur. Elle est arrivée à l’aéroport d’Antananarivo (capitale de Madagascar). Pas de mari. Encore un problème ? Non, pas de problème. Un homme assez petit se présente avec une pancarte où était inscrit le nom de Claire. Il lui explique que moi, Alfred, je suis quelque part à prêcher dans la ville. En général, à l’aéroport, contrôle des papiers, fouille des bagages, queue interminable, etc. Le Malgache connaissait « la combine ». Ils ont passé sans problème tous les obstacles. Heureusement, Claire est venue à temps. Hardy avait organisé, à travers Madagascar, une tournée importante et intéressante pour toute une semaine. J’ai dit à Claire : « pas besoin de déballer, on partira tout de suite ». Pour certaines personnes, c’est un pur hasard. Pour nous, c’était une série de miracles. Il faut seulement croire et y croire.
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Ile Maurice, le 6 octobre 1985 Vacances sur l’île Maurice en partant de l’Afrique du Sud Aujourd’hui, c’est dimanche. C’est déjà la troisième journée que nous nous trouvons sur cette belle île. Vendredi dernier, nous sommes partis de Johannesburg à 9h30 et sommes arrivés ici à 16h30, donc environ 3h30 de vol. L’avion survole la côte sud de Madagascar et ensuite l’île de La Réunion. Les propriétaires de notre bungalow nous ont attendus à l’aéroport. Après une heure de route en longeant la côte, nous étions curieux de voir notre futur bungalow. Cela ne fait que deux jours que nous sommes ici, mais nous avons constaté que c’était exactement ce que nous avions désiré et espéré : un pavillon avec une cuisine, un grand living, trois chambres à coucher, une salle de bain avec douche. Devant la maison, côté mer, une grande terrasse et, cinquante mètres plus loin, la mer. Au loin, la barrière de corail, où les vagues se brisent jour et nuit. Une pelouse sépare la maison de la mer. Des plages de sable, avec des rochers en pierre volcanique, sans fin. Nous avons fait une balade de trois heures le long de la mer. L’eau de mer est claire comme l’eau d’une source. Pourquoi l’île Maurice ? Pour plusieurs raisons. La première, j’avais besoin de repos, à cause de mon opération pour des calculs rénaux. Puis une évangélisation fatigante au Zimbabwe, en Zambie et au Zaïre. Et nous n’avons pas encore de permis de séjour pour l’Afrique du Sud, si ça va mal, il faudra quitter le pays. L’autre raison, c’est que Mark Twain, un auteur mondialement connu, a désigné l’île Maurice comme le prototype du paradis. Et c’est vrai, l’île est très spéciale, très belle. Il y a beaucoup de champs de canne à sucre, des arbres, des fleurs et des fruits exotiques. Une population dont les trois quarts viennent de l’Inde, mais aussi des Blancs, des Chinois et les Créoles. Les gens sont sympathiques en général, on se salue sur les routes et sur les plages. Les routes, d’ailleurs, sont assez mauvaises du côté Est. Dans les champs, il y a énormément de pierres volcaniques, des vraies montagnes de pierres noires, quand on survole l’île, on voit mieux ces petites montagnes noires. Les habitants de la campagne sont assez pauvres, ce sont surtout des Indiens, et ils travaillent beaucoup. Samedi matin On est allés au village pour faire des achats chez un Chinois, c’est à une trentaine de minutes à pied. C’est plus intéressant que d’aller en voiture, on voit beaucoup de choses. Après les achats, quelqu’un nous ramène en voiture à cause de nos provisions. Il y a une jeune femme qui nous fait le ménage. Elle s’appelle Odile. C’est une créole de vingtcinq ans, mariée avec un enfant. Il y avait une autre fille avec elle, qui cherche du travail. Je lui ai dit que nous pouvons prier pour cela. Elle m’a répondu qu’elle n’aime pas prier. Nous avons un très bon contact avec la famille d’Odile. Elle est la seule croyante de la famille. Elle nous a dit que ses beaux-parents étaient très impressionnés par notre témoignage. Elle croit aussi que Dieu nous a ramenés ici pour qu’enfin quelqu’un parle de Dieu à ses beaux-parents. L’après-midi, on s’est à nouveau promenés sur la plage. Tout à coup, nous avons vu deux personnes sur une planche à voile et elles sont venues directement vers nous. On a eu une bonne conversation avec ce couple de notre âge. Ils nous ont invités à venir avec eux à la messe le dimanche (ils étaient catholiques), et naturellement, nous avons accepté. Le dimanche, ils nous ont cherchés en voiture et nous avons fait un grand détour parce qu’ils voulaient nous montrer un peu la région. - 111 -
Après la messe, ils nous ont promenés un peu partout. Ils ont une maison à cent mètres de chez nous. C’est une maison avec des poutres, un peu comme le colombage des maisons alsaciennes. Mais entre les poutres, à la place des briques, c’étaient des bambous recouverts de paille. C’était la première fois que nous voyions ce genre de construction. Le monsieur possède une entreprise de transport et ils ne viennent à la plage que le week-end. Ils nous ont proposé leur planche à voile, mais nous n’avons pas accepté. Après, il nous a conduits chez nous. Aujourd’hui, c’est dimanche. Odile nous disait qu’elle allait à la « mission », mot qu’elle utilise pour dire église. Donc, dimanche prochain, nous allons aussi à la « mission ». Toujours des promenades le long de la mer. Cherchons des coquillages. Nous avons acheté des lunettes de plongée, nous voyons de belles choses sous la mer. Nous pensons rester trois semaines et repartir le 25, en Afrique du Sud. A une demi-heure à pied, il y a un magnifique hôtel 5 étoiles, probablement plus cher que notre pavillon. Aujourd’hui, c’est lundi. Un voisin nous loue sa voiture pour 125 roupies. Une Volkswagen, à chaque arrêt le moteur s’arrête, en campagne pas de problème mais en ville, qu’est ce que ça va donner ? On prend le risque d’aller jusqu’à la capitale, Port-Louis, ville très sale, très bruyante comme beaucoup de villes du monde, et bien polluée. On est vite repartis. Jeudi, le 10 octobre 1985 Nous avons fait une sortie sur l’île aux cerfs. Il paraît que des cerfs traversent le bras de mer séparant l’île de la grande île. En route, on nous propose d’acheter deux homards pour cinquante à soixante francs français (prix pour les deux). On les achète donc. On prend un petit bateau qui nous conduit sur la petite île en cinq minutes. Là, il y a trois restaurants et une boutique. Nous n’avons pas pris assez d’argent avec nous, ce qui limite nos achats. Il y a des plages merveilleuses.
1 FF = 1,66 roupie. On arrive dons à l’embarcadère, en dix minutes, son petit voilier. A 4h30, dernier bateau pour le retour sur la grande île. Le voisin nous attend déjà pour nous ramener en voiture à la maison. À notre retour, Odile a préparé les deux homards à la façon mauricienne et nous offre un verre de confiture de mangue, des salades, etc.… Ils sont sympas. Nous avons voulu les inviter à manger avec nous, mais ils ont refusé parce qu’ils mangent du homard presque chaque jour.
Nous nous promenons à travers l’île. À l’autre bout, nous rencontrons un jeune homme qui nous propose de nous ramener à l’embarcadère pour 20 roupies. - 112 -
Vendredi Ça fait juste une semaine qu’on est ici. On commence à connaître les gens et la région. Il faut dire qu’à l’hôtel, on ne vit pas les mêmes aventures que lorsqu’on vit avec la population. Le voisin nous apporte une petite bouteille de jus de canne à sucre. C’est très bon et très sucré. Dimanche On est allés au culte avec la famille d’Odile. Ce qu’on appelle « église » est une baraque tout en tôle rouillée. Elle mesure 6 à 7 m de long sur 4 à 5 m de large. Le sol est en béton, pas de fenêtre, ça ne pourrait pas être plus primitif. Mais en réalité, beaucoup vivent comme cela. Les « paroissiens » étaient pour la plupart de très jolies jeunes filles indiennes, bien habillées. Le pasteur est aussi un Indien, il a 32 ans et n’est pas marié. Il y a un responsable Indien qui est « albinos », tout comme ses deux sœurs. Culte typiquement pentecôtiste. On n’est pas d’accord avec tout, mais les gens sont sérieux et très aimables. Le pasteur nous invite chez lui, à la maison, pour un repas. Puis, on les a invités chez nous un soir. Dix-huit personnes sont venues. On a chanté et prié ensemble. Ils parlent tous plusieurs langues. Le créole, le français, l’indien, certains parlent aussi l’anglais. Ils nous ont chanté des chansons en indien, créole, français. Nous leur avons chanté une chanson en allemand. C’était intéressant et très folklorique. À 22h, tous sont partis sauf le pasteur qui voulait nous parler en privé, et qui n’est parti que vers minuit. Dimanche prochain, je dois prêcher quelque part sur l’île. Dans la soirée, nous avons voulu rendre visite à nos amis catholiques, mais, surprise !, ce sont eux qui sont venus vers nous. Ils nous ont offert deux bicyclettes pour la semaine, vraiment sympas, on est gâtés. On n’a plus besoin d’aller à pied, quel confort. Lundi, nous avons reçu la visite de Patrick, qui est maintenant missionnaire sur l’île. On l’a invité à manger des langoustes avec nous. Nous sommes allés à vélo jusqu’à l’hôtel 5 étoiles, que nous avons visité, une merveille mais pas au niveau de notre portefeuille. Le voisin nous loue sa voiture, certainement la plus vieille voiture du monde. En passant dans les villages, les gens se retournent… Enfin… ça roule. Dimanche, le 21 octobre 1985 Journée assez mouvementée. Le matin, culte dans la petite église. On était assis sur des bancs de fortune. C’étaient des planches simplement posées sur des poteaux enfoncés dans le béton : quand une personne se levait, l’autre risquait de perdre l’équilibre. On n’a pas posé trop de questions. On a été invités à manger chez un responsable. Après cela, nous avons pris un bus pour aller dans un autre village. Là, il y avait une autre église pentecôtiste, où on m’a invité à prêcher. Le bâtiment était en construction, la moitié était ouverte sur toute la longueur. Les oiseaux pouvaient facilement assister au culte. On nous a ensuite invités pour le repas. Le propriétaire de l’église nous a ramenés chez nous en voiture. Le lundi, nous avons à nouveau pris le bus pour nous rendre dans une ville qui s’appelle « Curepipe ». Là-bas, on était cherchés en voiture par une dame qui avait travaillé chez Reinhard Bonnke et qui faisait le travail que Claire ferait par la suite. Ils nous ont promenés dans une ville qui s’appelle « Pamplemousses » et qui possède un grand jardin exotique. Plus tard, nous nous sommes baignés dans la mer. Après cela, on a été emmenés dans une famille qui nous a même accueillis pour la nuit. - 113 -
Le lendemain, nous étions de nouveau invités chez des chrétiens, c’étaient aussi des Indiennes. Les femmes sont très soumises à leur mari. Après le repas, d’autres personnes sont venues pour une réunion de prière. J’ai dû donner mon témoignage. Puis quelqu’un nous a ramenés chez nous en voiture.
Mercredi, nous avons visité l’île aux cerfs. Nous avons loué un pédalo et nous nous sommes promenés dans un bras de mer, entre les mangroves. Nous avons rencontré des personnes qui logeaient dans l’hôtel depuis deux semaines. C’étaient des Français. Pour seize jours, ils ont payé 16 000 FF tout compris (c’était le tarif en 1985). Jeudi, 24 octobre Dans deux mois, c’est de nouveau Noël. Vendredi, 25 octobre Départ de l’île. Les propriétaires du bungalow nous ont cherchés et conduits à l’aéroport. C’était encore une belle promenade d’une heure. On voit, au bord de la route, des ouvriers indiens qui travaillent dans leur champ, ils sont en train d’arroser les oignons, ils sont très agiles. Nous déposons nos bagages et prenons place à la fenêtre du Boeing 707 d’Air Maurice. L’île devient de plus en plus petite, jusqu’à ce que nous ne la voyions plus. Adieu tous nos amis. Un moment, on pensait connaître tout le monde. Oui, c’était une belle aventure. On survole à nouveau l’île de La Réunion qui est un département français, oui un département français, loin de la mère France. Après, c’est le survol de l’île de Madagascar. Le même sentiment, partout des amis, des frères, des sœurs unis dans le même esprit. Si différents dans les langues, dans la culture, dans la vie de tous les jours, mais avec certains d’entre eux, c’est comme si on se connaissait depuis toujours. On arrive à Durban, pour déposer un certain nombre de voyageurs, avant tout des Indiens. À Durban vivent entre 500 000 et 1 000 000 d’Indiens. C’est une ville immense située au bord de l’océan Indien. Il y a de très grands hôtels. Nous voyons d’en haut l’hôtel où l’on a passé une nuit, l’année dernière. Le vol continue au-dessus de l’Afrique du Sud, les immenses champs de maïs, les cultures, les villages et enfin Johannesburg. Nous passons facilement la douane. Notre question : est-ce que quelqu’un nous attend ? Quelle joie : Friedhelm est là, avec sa fille Miriam. C’est un chauffeur de la mission, il est allemand, je m’entends bien avec lui. La joie des retrouvailles est grande. Nous sommes de nouveau chez nous. Nous pourrions nous poser la question : où sommes-nous chez nous ? Partout où il y a des enfants de Dieu, nous sommes chez nous. Partout où sont ceux qui aiment Dieu, on est chez nous. - 114 -
Iles Salomon, visite d’une station missionnaire au bout du monde Nous voilà arrivés sur l’île de Malaita. Nous passons la nuit dans une auberge (en anglais guesthouse). Il n’y a pas d’hôtel dans ce secteur, ou alors ils sont trop chers. Le lendemain, un pick-up nous attend (petite camionnette ouverte). On pose tous nos bagages dessus et nous prenons place à côté des bagages. Subitement, on arrive à un endroit où la route est cassée suite à un éboulement de terrain. De l’autre côté de cet abîme, c’est-à-dire au bord de l’océan, nous attend une autre camionnette. On ne se fait pas trop de soucis, parce que Mme Graumann, la missionnaire qui nous a reçus, connaît le truc. On attend patiemment au bord de la mer. Finalement, un petit bateau en tôle complètement bousillée nous prend à son bord, et on prend la direction de la mer en longeant la côte. Vu la vitesse d’un bateau, nous devons nous protéger des vagues qui commencent à nous mouiller. Enfin, on arrive à une rivière. On remonte la rivière pour arriver finalement à une station missionnaire. La maison de la missionnaire est faite de bambous, ainsi que les « murs » de séparation. On entend tous les bruits d’un bout à l’autre de la maison. Chacun a trouvé sa place pour dormir. Le soir, on fait une sortie sur le fleuve dans une espèce de canoë taillé à la main, avec quelques filles de cette école. Il fait nuit noire, mais les filles savent naviguer. C’est une sortie vraiment exotique à travers une forêt de mangroves. On a entendu parler de crocodiles qui ont très faim, dans les parages. On rentre sains et saufs. Le lendemain, nous faisons une sortie à travers la forêt vierge et nous franchissons de petites rivières avec une eau chaude et claire comme du cristal. On doit enlever nos chaussures et marcher pieds nus, ce qui devient pénible, à la longue. Nous sommes arrivés à une cascade. Les filles qui nous accompagnent se baignent, en gardant leurs vêtements. Nous, pauvres habitants de la ville, ne profitons pas de cette occasion unique et nous restons au sec. Le retour se serait très bien passé, si seulement nos pieds… Le lendemain, sortie sur une autre petite île. On reprend le bateau à moteur. On descend le fleuve et on rentre en pleine mer. L’île se trouve presque au niveau de la mer. Plein de huttes faites avec du matériel qu’ils trouvent dans la forêt, pas trop loin. Je me dis que, si un jour il y avait un tsunami, ce serait fatal pour toute la population de l’île. On traverse à sec une bande de sable large de quelques mètres pour rejoindre une autre île, juste à quelques centaines de mètres. Vers le soir, nous devons nous dépêcher de revenir sur l’île de départ parce que l’eau a déjà monté. On s’enfonce dans l’eau, jusqu’à la poitrine, mais on parvient à revenir à notre point de départ. Autre épisode dans les îles Salomon Nous venions de la Nouvelle-Guinée. Nous avons fait une escale à Honiara, la capitale des îles Salomon. Pour retourner en Europe, nous devions encore changer d’avion en Australie. Comme souvent dans nos grands voyages à travers le monde, nous avions une fois de plus une panne d’avion, heureusement pas dans l’air, mais au sol. En chemin pour retourner à l’hôtel. Vol annulé. Comme par hasard, une dame qu’on ne connaissait pas a dit à Claire qu’elle voulait nous emmener chez elle au lieu de nous laisser retourner à l’hôtel. Claire m’a fait part de la proposition de cette dame. J’ai demandé à Claire si elle était sûre d’avoir bien compris. À cette époque-là, nous ne parlions pas bien l’anglais. Je lui ai dit de demander à nouveau à la dame si nous avions bien compris son invitation. C’était effectivement bien ça. - 115 -
La dame nous a pris dans sa voiture et, à quelques kilomètres de l’aéroport, nous sommes arrivés à son pavillon qui se trouvait juste au bord de la mer. La dame nous a dit qu’elle voulait faire des achats et que, pendant ce temps, nous pouvions nous baigner dans leur piscine, à quelques mètres de la mer. Nous ne savions pas que c’était la « Red Beach », là où s’est déroulé, pendant la deuxième guerre mondiale (entre le 12 et le 15 novembre 1942), l’une des plus grandes batailles navales entre les Australiens et les Japonais, la bataille navale de Guadalcanal. Mais leur piscine n’était pas propre, l’eau était verte. Se baigner dans une piscine verte à côté d’une mer propre, ce n’était pas du tout logique pour nous. Nous avons donc pris un bon bain dans la mer. Nous étions tellement heureux dans l’eau, quand subitement la dame est revenue. Quand elle nous a vus dans la mer, elle a presque fait une crise. Elle nous a crié : « vite, vite, sortez de l’eau, ici, il y a pleins de requins ! ». Comme la nuit allait bientôt tomber, c’était aussi l’heure du repas des requins. Il n’a pas fallu nous dire deux fois de sortir de l’eau. La dame nous a raconté que, suite à la fameuse bataille navale entre les Japonais et les Australiens, qui avait rendu la mer rouge de sang, les requins s’étaient installés dans le coin. Nous, ils ne nous ont pas mangés. Le lendemain, nous avons pu continuer notre voyage dans un avion « garanti bien réparé » vers une Europe encore lointaine, encore très lointaine… Escapade sur l’île de Malaita L’île de Malaita fait partie des îles Salomon. À bord d’un petit avion, nous avons survolé la mer et quelques autres îles. Le petit aéroport commence d’un côté, au bord de la mer, et s’arrête au bout de la piste de l’autre côté de l’île, donc de nouveau au bord de la mer. La piste est longue de quelques centaines de mètres. Il faut donc se poser ni trop tôt, ni trop tard, sinon c’est un bain forcé dans l’océan. Finalement, il n’y a pas grand-chose à voir, à part une petite forêt exotique, qu’on n’a pas eu le temps de visiter. Il y avait quand même un petit restaurant. Un menu pour tous. Les « tous », c’étaient Claire et moi, Traugott et Esther. Au menu, poulet à la « Auki », c’est ainsi que s’appelle l’unique village. Je profite de ce petit épisode pour souligner le fait que, personnellement, je n’ai jamais mangé de poulet aussi bien préparé de toute ma vie. Je pense que les poulets sont nourris avec de la chair de cocotier et cuit dans du jus du même fruit. Le retour vers Honiara devait se faire en bateau. Malheureusement, ce bateau a échoué quelque part sur un rocher, au sud, sur des coraux qu’on trouve partout autour des îles. Nous étions donc obligés de reprendre notre petit avion où, heureusement, il restait des places libres. Ce qui était intéressant dans ce village, c’était, au milieu d’une place, un poteau, qui portait des panneaux avec des noms de capitales lointaines ainsi que les distances en kilomètres. Il y avait des noms comme Paris, Moscou, Shanghai, Tokyo, New York, etc. … On n’a pas trouvé le nom de Strasbourg. Certainement, cela devait être à 8 351 km et 12 mètres. Voyage en Namibie, du 27 janvier au 6 février 1999 Prix par personne, de Johannesburg à Windhoek (capitale de la Namibie) : 1 607 rands (même prix en francs à cette époque). Vol retour d’Etocha à Windhoek : 300 rands par personne.
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Nous sommes partis en voiture de l’ASM, le 27 janvier 1999. Nous avons pris la route de « Bambi » qui est la plus courte en direction de Johannesburg. Une route à éviter, vu qu’elle est assez déserte, donc on court le danger d’être agressés. Nous arrivons à la maison de Henni et Louise Burger, chez qui nous laissons toujours notre voiture quand nous quittons la RSA pour l’Europe, ou Madagascar, ou d’autres destinations. Malheureusement, ils n’étaient pas là, ils étaient de sortie, au Cap. A midi, leur fille Talita nous a conduits à l’aéroport à quelques kilomètres de chez eux. Départ pour la Namibie, à 13h30. Arrivée à l’aéroport de Windhoek à 15h40. Un vol tranquille. Arrivés à Windhoek, nous prenons le bus qui nous conduit à la capitale. Environ 40 km. Il faut nous inscrire sur une liste dans le bus, du jamais vu. Dieter nous attend au centre de Windhoek. Dieter est un élève de notre école de l’ASM. Un jeune homme très sympathique et qui parle l’allemand. À l’ASM, on a toujours eu plus de contacts avec les étudiants parlant l’allemand ou le français. Dieter nous emmène chez sa sœur Birgit qui habite avec son mari dans une belle maison bâtie sur une petite colline. Comme ce sont des chrétiens, il y a une réunion biblique le même soir, avec leurs amis allemands (à noter que la Namibie était une colonie allemande avant 1918). Nous sommes douze personnes en tout. Il y a une ambiance très impersonnelle. Une courte présentation de routine, c’est tout. Normalement, on nous demande de donner notre témoignage, comme ça nous arrive quelquefois (pas toujours). Mais ils avaient un planning qu’ils préféraient respecter au lieu de s’intéresser à nos expériences. Très dommage pour eux. On a toujours à apprendre des autres personnes. Le lendemain, notre voyage continue, en direction du nord, près de la frontière angolaise. Dieter veut nous emmener chez ses parents qui possèdent une grande ferme, dans une région appelée Ottavi (ce qui veut dire « région montagneuse »). C’est un voyage en voiture de quatre heures, sur une route nord-sud impeccable. Le paysage est assez monotone des deux côtés de la route, que de la brousse desséchée. Toujours le même paysage. Nous voyons beaucoup des termitières, et sur les poteaux électriques, des oiseaux noirs qui installent de très grands nids, tissés entre les fils électriques. Il y a des agents avec de longues perches qui essayent de les détruire, un travail pénible, mais nécessaire. A peine les nids sont-ils détruits que les oiseaux recommencent à construire avec le même matériel. Nous ne faisons pas de photos, pensant les faire au retour, mais le programme a changé, nous prenons l’avion. Donc, après des heures interminables sous la chaleur africaine, nous arrivons enfin au but. Mais on ne peut pas encore dire « enfin ». Le bout du monde est encore plus loin. On a simplement fait un arrêt chez une autre sœur de Dieter, qui a aussi une ferme. Aucune comparaison avec une ferme en France. Ici, ce sont 10 à 15 000 hectares. La sœur de Dieter nous sert à boire et à manger, une chose qu’on apprécie toujours après de longues distances. En route, Dieter a cueilli de grands champignons qui poussaient sur des termitières, il en a donné quelques-uns à sa sœur. Ils ressemblent à nos coulemelles (ou parasols). On continue notre route, direction le « bout du monde ». C’est une vallée avec 15 hautes montagnes de chaque côté. Tout ceci est la propriété de ses parents, un domaine de 13 000 hectares qui s’appelle Varianto. Enfin, nous voici au bout du monde. La prochaine ferme est à 15 km. Heureusement qu’il a plu ces dernières semaines, du coup, tout est vert. Oui, quelques bonnes averses changent complètement une région. Nous nous promenons tous les jours, le temps est merveilleux, heureusement. Sur la propriété, il y a beaucoup d’animaux sauvages, certains sont à moitié sauvages comme les girafes (6 à 8) qui - 117 -
ont accepté de la nourriture de nos mains. Un troupeau de koudous reste à distance. On trouve des élans, des sangliers, des impalas, des chacals, des léopards, des chats sauvages, des lynx, des singes (comme des babouins, par exemple), des serpents de toutes sortes (et même des pythons), des tortues et beaucoup de sortes d’oiseaux (comme des perdrix). Ils possèdent environ 700 vaches. Pour nourrir une vache, il faut 20 Ha de prairie. Souvent, les voleurs viennent la nuit pour en tuer quelques-unes. Chaque année, on leur vole entre 10 et 30 vaches. Leur grand problème, c’est le manque d’eau. Ils ont fait faire des forages, jusqu’à 300 mètres de profondeur, à une vingtaine d’endroits. Parfois, il ne tombe que 300 millimètres d’eau par an, parfois 1 000 mm. Les températures varient entre 0°C et 37°C. Le dimanche, tout le monde se réunit pour un culte, avec, naturellement, le personnel de couleur noire. Je donne un court message que le père de Dieter traduit en deux langues. Il parle l’oromo, la langue des Bushmen, l’allemand et l’anglais. Lui, il est vétérinaire, la mère de Dieter était infirmière, ils ont un fils médecin, un autre fils qui est ingénieur et infirmier, et une belle-fille qui est aussi médecin. Dieter est étudiant à l’ASM, et comme il parle l’allemand, nous avons de bons contacts. Après ses études, il est parti, sur mes recommandations, en Tanzanie comme missionnaire auprès de Werner Drottlef, un missionnaire qui est aussi un bon ami à nous. Après quelques jours passés chez les parents de Dieter dans une ambiance fraternelle, le temps est venu de penser au retour vers Windhoek-Johannesburg. Mais avant, nous avons encore profité de la visite du grand parc d’Etocha. Dieter nous a promenés pendant des heures, en voiture bien sûr. Dans cet immense parc, on a quand même pu voir des zèbres, des gnous, des girafes, des sangliers, des koudous, des impalas, des springboks, des éléphants, des oryx, des chacals, des autruches… et aussi beaucoup d’oiseaux. Dieter nous a déposés dans un hôtel-restaurant, pas loin du petit aéroport. Le soir, buffet pour 42 francs français, un buffet froid et chaud : fruits de mer, dessert, thé, café, tout compris dans le prix, naturellement. Le lendemain matin, nous avons pris un bus qui nous a conduits à l’aéroport. Le prix par billet pour Windhoek (420 km) était de 300 FF environ. Nous prenons un petit avion à 21 sièges, dans lequel nous sommes les seuls voyageurs. Durée, 65 minutes. Le pilote : 4 galons, la femme pilote : 2 galons. Ainsi se termine notre voyage en Namibie. Dieter a fait un travail excellent et il était aimé de tout le monde. Lors d’un déplacement en brousse avec d’autres personnes, il a eu un accident de voiture. Dieter a été grièvement blessé et il est décédé en cours de route. Pour nous tous, une nouvelle effroyable. Mais les desseins de Dieu sont insondables, ses plans ne sont pas nos plans. Nous savons que Dieter a rejoint l’éternité. Swaziland Un jour, le directeur de l’ASM, Paul Alexandre, m’a demandé si cela m’intéressait de l’accompagner au Swaziland. Bien sûr que ça m’intéressait. Swaziland est un petit pays, une monarchie qui touche l’Afrique du Sud, du côté Est. Paul avait des choses à régler et ne voulait pas y aller seul. La frontière est à une heure de voiture. Arrivés à la frontière, je n’avais pas de visa, j’ai donc été refoulé vers l’Afrique du Sud. - 118 -
Comme Paul connaissait quelqu’un à quelques kilomètres de la frontière, il m’a emmené là-bas. C’était un grand hôpital de brousse. Des gens m’ont accueilli très gentiment. Une chose m’est restée. Dans la cour de l’hôpital, il y avait un grand arbre. Et sur cet arbre se trouvaient des centaines de nids faits par de petits oiseaux. La particularité, c’est que chez ces oiseaux, c’est le mâle qui fait le nid. Madame regarde à distance si Monsieur travaille bien. C’est un nid accroché à juste quelques fils de feuilles de palmier. L’entrée du nid se fait par en bas, vers le haut, et c’est ainsi qu’on rentre dans ce tunnel, vers l’intérieur du nid, où les petits se trouvent dans le noir complet. Ça doit être une drôle de sensation, pour leur premier vol, de plonger vers le bas dans un univers éclairé et jamais vu. L’autre particularité c’est que, lorsque le nid n’est pas fait dans les règles de l’art, Madame détruit le nid, et le pauvre bonhomme doit recommencer tout le travail. Nous avons vu tout plein de nids joncher le sol. Dans cet hôpital travaillait une équipe française de Médecins du Monde. J’étais content de pouvoir parler en français avec eux. J’ai osé leur poser cette question : pourquoi étaient-ils venus de France pour travailler ici, dans un hôpital de brousse, alors que tellement d’Africains faisaient des études en France ? Les médecins m’ont un peu regardé de travers en pensant que j’étais bien naïf. Ils m’ont expliqué que, quand ces messieurs de l’Afrique ont fini leurs études, ils veulent être des grands « boss » dans les grands hôpitaux de grandes villes européennes, et non africaines. Voilà la réponse qu’il me fallait, pauvre naïf. Par hasard, mes hôtes allaient faire une sortie non loin de l’ASM et c’était une bonne occasion de me ramener avec eux. Tanzanie (du 8 au 25 mars 1995) Ce rapport est écrit au fur et à mesure du voyage. Départ le 7 mars à 6h du matin pour Pretoria. Comme on ne nous avait pas dit qu’il fallait une photo pour avoir un visa de l’ambassade, un membre de l’ambassade nous a accompagnés chez un photographe. Ils auraient pu dire : « débrouillez-vous ». Nous avons encore rendu visite à Walter Cox, son épouse Léni et leur fils Michael. Léni est très ordonnée, leur maison était parfaitement rangée. Chaque chose a sa place et chaque place a sa chose. Le soir, nous sommes allés près d’un lac, pas loin de chez eux. Autour du lac, il y a plein de magasins. C’était près de Randburg. Nous avons trouvé un restaurant super mais noir de monde. Sur le lac, il y avait des jeux d’eau illuminés. Le lendemain, nous avons pris l’avion pour Lusaka, en Zambie, et ensuite nous avons pris l’avion pour Dar es-Salaam, la capitale de la Tanzanie. Comme Werner Drottlef n’était pas encore arrivé, nous avons pris le temps de changer de l’argent. Entre-temps il nous a rejoints, heureusement, car pour trouver leur maison, c’est un vrai problème. Comme adresse, nous n’avions que la P.0.Box (la boîte postale). Nous n’étions pas vaccinés contre le choléra mais les douaniers nous ont quand même laissés entrer dans le pays. Nous étions logés chez Tabea, une jeune Allemande de 35 ans, très courageuse, qui s’occupe des enfants de la rue. Un après-midi, nous avons rejoint un groupe biblique. Beaucoup de chants à l’africaine avec beaucoup de décibels. Nous avons rencontré la veuve d’un pasteur assassiné dans un camp de réfugiés. J’ai donné mon témoignage. Ils ont construit une maison pour la veuve, la maison était
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à moitié terminée. Les gens auront besoin de conseils, mais la tradition est un obstacle. On tourne trop en rond. Il fait très chaud et très humide, le soir, on est « kaputt ». Nous dormions sous un filet pour nous protéger contre les moustiques. Autour de nous, beaucoup de bruits pendant la nuit : la musique des voisins, les chiens, les crapauds, l’humidité. La ville me rappelle un peu Madagascar, les routes sont très mauvaises, il faut faire du slalom autour des trous. A part la rue principale, toutes les rues sont en terre battue, et pendant la période de pluie, elles sont impraticables. Les habitants vendent leurs marchandises au bord de la route. Nous avons fait une sortie sur l’île de Zanzibar. On perd beaucoup de temps pour le contrôle de passeports. Nous avons mis une heure avec un bateau rapide. De la grande île, nous avons pris un petit bateau en tôle, genre « boîte de sardines », pour nous retrouver sur une petite île. Nous avons trouvé un « hôtel », il n’avait d’hôtel que le nom, la chambre était comme une cellule de prison. Cette petite île était une prison, autrefois. Les prisonniers n’avaient aucune chance de s’enfuir, la prison était trop loin de la côte africaine ou de l’île de Zanzibar. En plus, dans l’océan Indien, il y a, par endroits, beaucoup trop de requins. De la prison ellemême ne restaient que de vieux bâtiments délabrés. Sur l’un des murs existants se trouvait un arbre dont les racines pendaient de chaque côté, bien enracinées dans le sol, ce qui permettait à l’arbre de pousser sur ce mur haut de 2 à 3 mètres et de garder son équilibre. Une image très originale, exotique. Le propriétaire de l’hôtel élevait des tortues géantes qui pesaient jusqu’à 75 kg, on pouvait s’asseoir dessus et se faire promener. Nouvelle nuit sous une moustiquaire. Le matin, chacun avait droit à un seau d’eau chaude et une boîte de conserve pour pouvoir se doucher. Le repas est abordable. Retour sur Zanzibar et visite de la vieille ville. Nous avons vu un vieux bâtiment dans lequel étaient emprisonnés autrefois des esclaves, avant d’être vendus sur le marché de la ville. On imagine difficilement la vie des esclaves dans cette prison, qui ressemblait à celles qui se trouvaient dans les châteaux en Europe au Moyen Âge. Que de souffrances les hommes peuvent infliger aux autres hommes ! Il y a des hommes qui sont pires que des animaux. Nous avons visité une église de Pentecôte, belle construction neuve et propre, mais les chants toujours aussi pleins de décibels. J’ai donné un court message qui a été traduit dans leur langue, le swahili, je pense. Sur le bord de la route, un marchand vend de la boisson (c’est du jus de canne à sucre). Il passe des tiges de canne à sucre dans une machine qui presse les tiges, le jus coule dans un récipient rempli de glace et il ajoute un peu de jus de citron. Une boisson excellente par cette chaleur. Les verres sont lavés toute la journée dans le bassin avec la même eau. Hygiène oblige. Nous buvons aussi du jus de noix de coco, de temps en temps.
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Le soir, nous retournons à Dar es-Salaam. Les routes sont saturées, nous avançons péniblement dans la pollution due à ces voitures datant parfois de Adam et Eve. Nous essayons de trouver un vol pour aller visiter l’orphelinat qui se trouve au bord du lac Victoria, à 1 200 km d’ici. Nous passons la nuit au Bahari Beach Hotel, avec l’air conditionné. La nuit dans cet hôtel coûte 25 000 shillings (1 franc = 100 shillings). Le restaurant est comme un dôme couvert de paille. La mer, qui se trouve à côté, est chaude. Vol de Dar es-Salaam pour Mwanza avec un Boeing 737 (Mwanza est une ville portuaire et elle se situe au bord du lac Victoria). Nous prenons le ferry « Bukoba » pour traverser une partie du lac. Le bateau était un transporteur de bananes, donc rien à voir avec un paquebot de luxe. Nous avons regardé comment ils chargeaient le bateau. Nous étions horrifiés de voir les montagnes de régimes qui s’empilaient et qui surchargeaient le bateau, mais cela ne venait que de commencer : une foule immense se pressait pour monter, grimper et remplir chaque petite place restante. Nous sommes partis à 17h pour arriver à destination le lendemain à 12h. Il n’y avait qu’une seule cabine qui appartenait au capitaine. Notre ami a pu négocier, avec de l’argent bien sûr, que le capitaine nous cède sa cabine pour la nuit. Il n’y avait qu’une seule porte, pas de fenêtre, juste deux lits superposés. Cela ressemblait à un cercueil fermé. Il y faisait très chaud, et c’était très bruyant, à cause du moteur. Des toilettes sur le pont. Imaginez la puanteur. L’accueil au village était chaleureux et nous avons passé quelques jours exceptionnels dans la fraternité de ces chrétiens africains. Nous étions réjouis de voir les tables, bancs et placards que nous avions envoyés par containers depuis la France. Nous avons effectué le retour par avion de brousse, c'est-à-dire avec plusieurs changements, avec plein d’aventures. Mais très peu de temps après, le 21 mai 1996, le même bateau, le « Bukoba », a sombré et il n’y a eu aucun rescapé. Le journal du samedi 14 avril a mentionné l’accident, environ 800 morts. Notre ami nous a dit qu’il y avait plus de 1 000 morts, mais on ne compte pas ceux qui étaient illégalement à bord, donc n’avaient pas payé et n’étaient de ce fait pas enregistrés.
En ce qui nous concerne, nous ne pouvons que louer le Seigneur parce qu’Il nous a gardés du danger. « Car il ordonnera à ses anges de te garder dans toutes tes voies. Psaumes 91,11 ». En Afrique, tout ce qui se fait relève de l'aventure. Cette grande catastrophe n’occupait qu’une petite rubrique, de quatre centimètres de large, dans un journal sud-africain. Les morts n’ont pas partout la même valeur. Pendant des semaines, on a parlé à la radio d'un bébé kidnappé à Malawi. Nous nous demandions pourquoi il y avait toute cette agitation autour d’un bébé et pratiquement pas un mot pour l 000 morts. Mais il y a beaucoup de choses dans le monde que l'on ne comprendra jamais.
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Nous sommes arrivés à destination, et là, on nous a emmenés en voiture au village des orphelinats qui s’appelle Kemondo. C’est un village, sur un terrain de 5 hectares, juste au bord du lac Victoria. Il y a cinq ou six maisons, et dans chaque maison habite un couple avec ses enfants, et une dizaine d’orphelins qu’ils accueillent. C’est la solution idéale pour des orphelins. La plupart ont vu leurs parents mourir du sida. Ce sont soixante à soixante-dix enfants.
Le terrain est fait de pur sable. Ils cultivent des fruits et des légumes, comme des bananes ou des Süßkartoffeln (des patates douces), etc. Les maisons sont faites en briques, il y a des fleurs autour. Tout est primitif, et heureusement car, quand les enfants seront plus grands, ils retourneront dans leur village où tout est aussi primitif et ainsi, ils ne seront pas dépaysés. Nous avons visité une usine de thé. Les personnes qui récoltent le thé doivent récolter 45 kg de feuilles par jour. Le responsable de l’usine nous a offert plusieurs kilos de thés, dont une partie que nous avons pu offrir à d’autres. Nous avions fait la connaissance de Hans, un Allemand de l’ASM. C’était un bon ouvrier qui savait tout faire, il m’a aussi aidé à réparer les tondeuses à gazon. Il est retourné à Kemondo, mais il a eu la malaria et il est mort à l’orphelinat. Nous avons visité sa tombe au milieu d’un champ de bananiers, sur une colline. Maintenant, son corps repose dans la terre africaine. Il a trop travaillé, il était épuisé, il a eu la malaria, et il a dit qu’il avait envie de partir vers le Seigneur. Adieu Hans. Les responsables nous gâtent. Les repas sont excellents : poulet, cassava (manioc), purée de bananes, salade de tomates, etc. Le tout récolté sur le terrain. Il n’y a pas d’électricité, que des lampes à pétrole, fours au kérosène, tout sent mauvais à cause de ce mazout. Claire se sent parfois mal à cause de cette odeur. On fait des promenades au bord du lac en longeant des huttes africaines. Il y a beaucoup d’oiseaux de toutes sortes de couleurs. Dans le lac, il y a beaucoup de poissons, pesant jusqu’à 50 kg et plus. Le lac n’est pas profond : un à deux mètres seulement, par endroits.
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Kemondo est soutenu par une mission allemande d’AVC (Aktion für verfolgte Christen, l’action pour les chrétiens persécutés). Il faut penser au retour. Ils nous organisent une soirée d’adieu. Un repas : riz, poulet, légumes et boissons (pas de vin d’Alsace, mais du coca-cola). Les enfants chantent et dansent. Des enfants en Allemagne ont refusé leur cadeau de Noël pour donner l’argent aux orphelins de Kemondo sous forme de bonbons, de ballons et de boissons. Ce geste est à imiter. Nous avons l’impression que les orphelins ne veulent plus retourner au village, car les familles ont dix à douze enfants parfois. Nous retournons en bateau par le même chemin. Départ à minuit. Le bateau est de nouveau surchargé de bananes. Il faut deux hommes pour porter un régime. Les africains sont très bruyants, c’est intéressant à voir. Werner a oublié de confirmer le vol. Il aurait dû le faire 20h plus tôt. Maintenant, nous sommes obligés d’attendre à l’aéroport pour savoir s’il reste des places libres. Deux longues heures d’attente pour avoir finalement nos places. Après une heure et quart de vol, nous arrivons de nouveau à Dar es-Salaam, nous volons au-dessus de régions fertiles sur le Seregenti, où habitent les Massaï. Nous passons d’abord par l’aéroport qui se situe près du Kilimandjaro (vue sur la montagne de loin avec le capuchon de neige éternelle à environ 6 000 mètres d’altitude). Après toute cette aventure, nous sommes retournés à Johannesburg sains et saufs. Papouasie-Nouvelle-Guinée D’abord, où se trouve ce grand pays ? Il se trouve au nord-est de l’Australie, dans l’océan Pacifique. C’est une grande île, dont la moitié nord appartient à l’Indonésie. Esther, notre fille, et Traugott, son mari, étaient partis comme missionnaires dans ce pays en 1974. Ils nous ont priés de leur rendre visite à plusieurs reprises. Je n’étais pas encore à la retraite, et j’étais très occupé par mes affaires. Claire aussi était occupée : elle donnait des cours de religion. Mais le jour est venu où nous avons décidé de faire ce voyage au bout du monde. C’était l’un des voyages les plus intéressants que nous avons pu faire dans notre vie. Un voyage certes long et fatigant, mais complètement dépaysant et insolite.
Nous avons rendu visite à nos enfants : la famille Farnbacher, missionnaires en PapouasieNouvelle-Guinée en passant par la Thaïlande, Singapour, l’Australie et au retour, le Zimbabwe. - 123 -
Après plusieurs escales, nous sommes arrivés en Papouasie. L’aéroport se trouve près de la capitale, Port Moresby. Nous devions encore prendre un petit avion pour aller de l’autre côté du pays à Lae. C’était là que nos enfants habitaient. Comme les douaniers ont mis trop de temps pour vérifier nos passeports, notre avion est parti sans nous. Nous voilà cloués sur place, ne connaissant personne, et tout le monde parlait l’anglais ou le pidgin (langage utilisé sur l’île, un mélange d’anglais et de créole). De l’autre côté du pays, nos enfants nous attendaient à l’aéroport. Soudain, Claire a entendu quelques mots en français, c’était une sœur catholique, une Européenne. Une personne à qui nous pouvions raconter notre mésaventure. C’était un grand soulagement pour nous. Elle nous consolait en nous disant qu’il y aurait un autre avion plus tard, donc « No problem ». En plus, elle nous disait : « c’est une chance pour vous d’avoir manqué l’avion, parce que c’est la dernière journée des jeux des îles du Pacifique, qui se tiennent tous les 10 ans. Les Papous, ainsi que les habitants de toutes les îles du Pacifique viennent ici pour faire une grande fête folklorique, avec un premier prix pour le meilleur groupe. Chaque tribu porte des costumes différents, avec des masques, et
leurs corps sont peints de toutes sortes de couleurs ». Enfin, c’était une occasion unique de pouvoir assister à ce magnifique spectacle, que nous ne verrons plus jamais dans notre vie.
Notre mésaventure s’est transformée en bénédiction. La sœur catholique nous a invités à manger avec elle à midi. Et le soir, après une journée « papoue » super intéressante, nous avons enfin pu prendre le petit avion pour aller à Lae chez nos enfants. L’aventure n’était pas encore terminée. Pendant le vol, j’ai remarqué que l’avion tournait en rond, et j’ai dit à Claire : « il y a quelque chose qui ne va pas… ». Finalement, nos enfants nous ont dit plus tard qu’il y avait eu une tempête, et que l’avion n’avait pas pu atterrir. Un avion descend toujours, d’une manière ou d’une autre. Voilà, nous nous trouvons maintenant en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les enfants habitaient dans une station missionnaire qui était en même temps une école biblique, avec des étudiants qui venaient de toute l’île et des îles environnantes. On a fait des sorties en voiture dans toute la région, en montagne… Je me rappelle qu’on a marché dans une rivière, on a trouvé de l’or, qui à priori n’était pas d’une grande valeur. D’ailleurs, on n’a pas le droit de chercher de l’or. Mais… c’était de l’or ! Une autre fois, c’était pendant notre deuxième voyage dans cette île, nous avons fait une sortie avec Traugott. Ensemble, on voulait faire une « excursion » en avion, dans les montagnes. Il fallait faire plusieurs arrêts sur d’autres pistes. On ne peut pas parler d’aéroports, ce sont des pistes tracées dans des forêts, sur des prairies. Sur l’une de ces pistes, on a chargé un cercueil dans l’avion, avec quelqu’un dedans ! Traugott a quitté l’avion pour laisser de la place à la famille du défunt : des Papous. Moi, j’avais mon bras droit sur le cercueil : nous étions très serrés, il n’y avait pas beaucoup de place dans ce petit avion. Finalement, on a bien atterri, même
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si la piste n’était pas horizontale et que la pente était très raide. Tout le village était là : ils attendaient la dépouille du défunt pour les cérémonies d’inhumation. Il était temps pour nous de retourner sur notre base de départ. Seulement voilà, l’avion était en panne, le moteur n’a plus démarré. Et nous voilà prisonniers de la brousse, en pleine cérémonie mortuaire, on n’était pas rassurés. Heureusement, les pilotes sont des débrouillards, pas loin de l’avion se trouvait la maison d’une famille missionnaire, mais il n’y avait personne. Notre pilote a trouvé le moyen de s’introduire dans la maison, pour y trouver un télégraphe en état de marche, ce qui n’est pas toujours le cas. Grâce au télégraphe, il a pu demander du secours auprès de l’aéroport dont nous étions partis. Après de longues heures d’attente, un autre avion (heureusement, il y en avait un !) est venu nous dépanner. C’était « l’accu » qui était en panne. Nous sommes donc rentrés avec l’aviondépanneur. En route, nous avons récupéré Traugott, qui avait entendu l’appel au secours du pilote et avait bien compris que c’était notre avion et que nous étions cloués au sol, parce que le pilote parlait d’un passager qui ne parlait pas l’anglais : c’était moi.
Alfred et Claire avec un groupe de jeunes danseuses Papous heureuses d’être avec des « blancs » Sur une île paradisiaque en Papouasie On a aussi pu prendre des bains dans la mer, armés de nos masques er tubas. Il faut avoir vu ce monde sous-marin, cette faune et cette flore d’une incroyable beauté, des plantes et des animaux de toutes formes et de toutes couleurs. Et aussi ce silence qui est impressionnant. Un jour, on a loué un petit bateau à moteur. Après une demi-heure en mer, on s’est arrêtés sur une petite île de rêve, avec beaucoup de végétation exotique, du sable blanc d’un côté de l’île et de l’autre, des rochers inaccessibles. Une eau claire et chaude et bien sûr, toujours nos
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tubas. On n’a pas trouvé Robinson Crusoé : ce sera pour une autre fois.
Ce qui est étonnant, c’est que, malgré cette beauté paradisiaque, tous ces moments de paix et de joie, on est heureux de pouvoir rentrer le soir, pour se régaler autour de la table avec un bon repas. Et aussi goûter des spécialités exotiques dans un restaurant.
Mozambique Une sortie au Mozambique à partir de l’Afrique du Sud. Le Mozambique se trouve à l’est de l’Afrique du Sud, à deux heures en voiture, en longeant l’océan Indien. C’était une ancienne colonie portugaise. Le 23 février 2010 Des amis sud-africains nous ont invités à visiter ce pays, qui finalement n’était pas pour nous : au bout du monde. Ci-dessous, le résumé d’une excursion, ce fut une journée très intéressante. Nous empruntons la voiture de Harry et nous prenons la route : 200 kilomètres aller et 200 kilomètres retour. Il y a des péages sur les routes : eux aussi ont besoin d’argent. A la frontière, beaucoup de monde dans les deux sens, il faut les passeports, des visas et de la paperasse. Enfin, tout ce cinéma que nous n’avons plus en Europe : heureusement ! Les employés, aux douanes, sont très bureaucratiques, froids, impersonnels … comme au temps de l’influence soviétique. Le pays est passé par une révolution qui a duré des dizaines d’années, et qui a détruit le pays… on en voit encore aujourd’hui les traces. Du côté sud-africain, la route est propre, soignée. On y trouve des zones entières de plantations d’arbres fruitiers : orangers, pamplemoussiers, avocatiers, bananiers, litchis, etc. : un paradis. Du côté du Mozambique : rien. Savane, herbes hautes, aucun signe d’une végétation cultivée. On fait pas mal de kilomètres pour arriver enfin à la capitale, Maputo. Il y a la vieille ville, et aussi des quartiers neufs, comme dans toutes les villes du monde. On arrive enfin au bord de la mer, pour s’arrêter dans un petit restaurant. Tout est écrit en langue portugaise, mais on arrive quand même à se faire comprendre en utilisant les mains. On commande des crevettes avec du riz et une portion de frites. C’est tellement copieux qu’on n’arrive pas à vider les plats. On continue notre route, on s’arrête quelque part, pour marcher au bord de l’océan Indien et tremper nos pieds dans l’eau. Pour le retour, il y a 200 kilomètres de route devant nous, Harry est sûrement inquiet ou nerveux. Une magnifique journée, exceptionnelle, vient de se terminer. Retour vers l’Europe, en passant par l’Australie Dans l’aéroport de Honiara, qui est la capitale des îles Salomon, nous avons rencontré une personne, et au cours de la conversation, nous avons compris que c’était un homme d’affaires. Il achetait du bois dans différents pays du Pacifique. Au départ, notre entretien se faisait en anglais, mais il a vite compris que notre anglais n’était pas du « pur sang ». En fait, il était allemand, et des côtés, c’était plus facile de communiquer en allemand, surtout lorsque nous parlions bois. (Moi aussi, j’étais un « Holzwurm », un ver du bois). Nous avions prévu de faire un arrêt à Brisbane, en Australie. L’Allemand nous proposa d’aller à Sydney plutôt qu’à Brisbane. Selon lui, Sydney était une ville beaucoup plus intéressante. Et c’est ce que nous avons fait. A Brisbane, nous avons changé d’Airport, et avons pris l’avion pour Sydney. Arrivés à Sydney, - 126 -
après les contrôles des passeports, nous nous sommes arrêtés devant un plan de la ville, avec tous les hôtels, la distance et le prix. Le monsieur nous regardait et nous a dit : « venez avec moi, dans mon hôtel. C’est en plein centre. C’est mieux que d’aller dans les faubourgs». Finalement, décision : centre, dans le même hôtel que lui.
Il a appelé un taxi et on est arrivés à l’hôtel, au centre de Sydney. Il nous a dit qu’il aimerait nous inviter pour le repas du soir. « Why not ?… ». Le soir, rendez-vous dans le hall de l’hôtel, il a de nouveau appelé un taxi et nous voilà en route, à travers Sydney by night. Le restaurant se trouvait dans une tour au dixième étage. C’était un restaurant qui tournait à 360°, et nous contemplions Sydney, de nuit. Je ne sais plus ce que nous avons mangé, mais c’était excellent.
Une fois le repas fini, on a repris l’ascenseur, on a repris un taxi et on est retournés à notre hôtel, toujours à ses frais. À l’hôtel, il trouvait que c’était un peu tôt pour aller au lit. Il nous a donc invités à boire encore quelque chose au bar du restaurant. Nous avons bu quelque chose, toujours aux frais de la « princesse », et au lit ! Good night. Nous, de notre côté, nous lui avons proposé de l’inviter le lendemain soir dans un restaurant fruits de mer. Il était occupé pendant la journée à cause de ses affaires, mais le soir il était libre. - 127 -
Le lendemain, en nous quittant, il nous a suggéré de faire une sortie en bateau. Il nous a indiqué la direction de l’embarcadère, qui n’était pas loin, et… nous voilà en route pour une belle balade en bateau, repas à bord, visite de différents endroits, une magnifique journée. Le soir, rendezvous dans le hall de l’hôtel, taxi à ses frais, pour aller où ? Nous, nous ne connaissions rien. On suivait toujours notre guide, comme des enfants naïfs, mais bien élevés. On s’est arrêtés quelque part dans la nuit, dans un restaurant de « sea food ». Soirée agréable, « garçon, l’addition svp ! ». « Penses-tu !». Notre guide avait déjà payé avec sa carte bancaire. Nous ne le connaissions pas bien, à cette époque. Il était plus rapide que nous. Retour en taxi à l’hôtel, et toujours aux frais de la princesse. Le lendemain, adieu ! Son avion partait pour Berlin, nous, nous restions encore quelques jours. Oui ! C’était une belle histoire, qui ne nous a pas coûté un seul centime. Peut-être Dieu nous avait-il envoyé cet ange, afin qu’il s’occupe de nous, deux touristes naïfs, mais sincères et reconnaissants. Le lendemain, on a visité Sydney à pied, et l’opéra, avec son style futuriste. Nous avons aussi fait un tour à bord du train qui circule sur des ponts, en pleine « city ». Deux jours plus tard, nous sommes allés à l’aéroport. On attendait Traugott et Esther qui revenaient des îles Fidji. On a vu l’avion atterrir et, après les contrôles, on était de nouveau réunis pour aller prendre l’avion qui nous ramenait en Europe. Encore une grande aventure qui s’est bien terminée.
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Chapitre 16 DIVERS
Le 21 décembre 1999, Francis Hege Par e-mail nous apprenons la mort du jeune Samuel, âgé de 7 ans, un enfant de nos amis les Hege qui habitent un chaland sur le Canal de la Marne au Rhin à Saverne. L’enfant a fait de la luge et il est tombé dans l’eau glacée. Ils n’ont pas pu le faire revenir à la vie. Heureux ceux qui meurent déjà très jeunes pour le Seigneur. La peine est pour ceux qui doivent rester ici-bas. Wasselonne Nous avions toujours à cœur de posséder un pied-à-terre dans les Vosges qui servirait un jour à vivre notre retraite, loin de tous les problèmes du monde. Mais, comme le dit un proverbe en allemand : « der Mensch denkt, Gott lenkt », ce qui veut dire à peu près ceci : « l’homme pense à sa façon, mais Dieu agit à sa façon ». Nous avons trouvé un terrain à Wasselonne. C’était sur une petite colline, près d’une forêt, en dehors de Wasselonne, en direction d’un village du nom de Cosswiller. Mais les vendeurs de ce terrain étaient deux frères malhonnêtes et ils nous ont créé beaucoup de problèmes. Histoire de droit de passage, et surtout un problème concernant l’implantation de la maison. L’un d’eux nous disait que la maison en construction était en partie sur son terrain. Donc géomètre, notaire, démarches, tout à nos frais pour un demi-mètre carré de terrain de différence. Ce cher monsieur est décédé depuis bien des années et il n’a pas pu emmener dans l’au-delà un centimètre carré de terrain. Je me demande parfois : pourquoi certaines personnes peuvent-elles être si méchantes, agressives, radines et mener la vie si dure à d’autres personnes ? J’ai fait beaucoup de travaux en bois dans cette maison. On n’a d’ailleurs jamais habité dedans. On a eu un autre problème avec un voisin, pour le droit de passage. Même cinéma : géomètre, notaire, frais, etc. à notre charge. Puis, le moment est venu où nous avons reçu l’appel de Dieu pour aller en mission. Souvent on nous a posé la question : c’est quoi un appel ? Vous avez entendu une voix ou il y a eu une apparition d’un être céleste ? Non, rien de tout cela. C’est quelque chose qui se passe intérieurement. Naturellement, l’appel était plus au moins clair pour nous, mais dans le domaine spirituel il faut une confirmation, c’est-à-dire une preuve que ça vient de Dieu et que ce n’est pas un produit de notre fantaisie ou de notre imagination. Alors m’est revenue à l’esprit l’histoire de Gédéon, qui a testé Dieu deux fois avec des toisons. Je me suis dit : « si on part en mission, il faut louer la maison ». A cette occasion, je me suis demandé si l’histoire de Gédéon était une exclusivité pour quelques privilégiés dans la Bible ou si je pouvais essayer la même chose. J’ai donc dit dans ma prière : « si trois choses se réalisent, nous croirons que c’est la volonté de Dieu ». Et voilà quelles étaient ces trois choses : 1) Il fallait que la maison soit louée (j’ai donné une date comme exemple : le 15 mars). 2) Il fallait que les locataires soient des personnes croyantes. 3) Il fallait que ce soient des gens solvables, donc qui puissent payer un loyer sans problème. Quelques jours après, nous avons rencontré ces personnes. On a visité ensemble la maison, ils n’ont pas discuté le prix du loyer et le monsieur m’a demandé s’ils pourraient habiter la maison à - 129 -
partir du 15 mars. Donc, les conditions étaient favorables pour louer la maison et pour nous la route était libre de ce côté pour partir en Afrique du Sud. Chacun peut naturellement avoir son opinion à ce sujet… La plus grande aventure de notre vie venait de commencer. Quitter la famille, les amis, les responsabilités spirituelles, etc. … Et, un matin, avec 20 kg de bagages chacun, nous avons fait les premiers pas vers le terrain missionnaire. Nous avions pensé partir pour six mois. Aujourd’hui, trente ans après cette décision si importante, nous sommes toujours convaincus que nous étions dans le plan de Dieu. Naturellement, tout le monde n’était pas d’accord, ou heureux, qu’on s’en aille au bout du monde. On nous disait qu’on avait absolument besoin de nous et que d’autres pourraient plus facilement faire ce travail missionnaire, etc.… Mais nous avons appris dans notre vie que, ce n’est pas toujours notre volonté ou l’avis d’autres personnes qui importent. L’important, c’est d’être dans la volonté de Dieu. Les premiers locataires étaient effectivement des chrétiens modèles. On n’a jamais eu de problèmes avec eux. Le loyer était payé régulièrement. S’il y avait une réparation à faire, ils le faisaient volontiers sans problème. Un jour, le monsieur a eu une promotion à Paris, et c’est ainsi qu’ils ont quitté la maison à notre grand regret. Après leur départ, il y a eu plusieurs locataires qui se sont succédé, mais on a eu beaucoup de problèmes avec eux. Et c’est ainsi qu’on a décidé de vendre la maison. Une page de plus a été tournée à Wasselonne. Le 13 décembre 1999, un rêve Le pasteur Martin est un enseignant à l’ASM. Lors d’une visite chez nous, il nous a raconté une histoire qu’il a vécue. Il a eu un songe. Il a vu dans son songe l’homme d’Etat Sud-Africain, M. Pik Botha qui prenait l’avion… Il a téléphoné à M. Botha et lui a raconté ce qu’il avait vu dans son songe. Sur quoi, M. Botha a pris un autre avion. Et effectivement, l’avion qu’il devait prendre a explosé et s’est écrasé quelque part en RSA. S’il n’avait pas pris un autre avion, il ne serait plus en vie. Construction d’une église Construction d’une église. Visite du pasteur Calvin chez nous. Une fois, pendant sa visite chez nous, il nous a raconté qu’il était en train de construire une église. Une église construite par un Africain ?? C’était nouveau pour nous. Je lui demande qui paie tout cela. La réponse : « les paroissiens noirs ». « Et qui construit cette église ? ». « Les paroissiens noirs ». C’est la première fois qu’on entend une telle histoire. On veut voir ça. On s’embarque dans notre voiture et, au bout de quelques kilomètres, on est sur place. Grand étonnement. Les murs sont déjà en place, sans le toit. Payé et construit par des Africains, sans l’aide d’un Blanc. Notre question : « et la charpente maintenant ? » Réponse : « Plus de finances ». J’ai demandé à Calvin de me donner un plan de l’église. On est allés voir notre ami Jaab qui faisait des charpentes pour les bâtiments neufs. Je lui ai expliqué la situation exceptionnelle de cette communauté en lui demandant de leur faire un prix, ce qui a été vite fait. Claire et moi avons vu le devis : ils avaient bénéficié d’une faveur. On a décidé ensemble que c’était nous qui allions leur payer la charpente. Du coup, M. Jaab nous a fait un meilleur prix encore. Grande joie chez les paroissiens.
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Après la charpente, il fallait couvrir le bâtiment. Nous leur avons indiqué une bonne adresse pour acheter la tôle. Après une autre visite sur le chantier avec Calvin, nous voyons la tôle par terre. Ma réaction : « Mais la tôle va être volée…Il faut absolument la mettre en place ». Réponse : « Pas d’argent pour acheter les clous pour fixer la tôle ». « Combien ça vaut ces clous ? » « Tant et tant ». « Voilà l’argent ! ». Encore de notre poche. Surprise, Calvin nous laisse sur place comme ça, prend la voiture, va en ville et achète immédiatement les clous. Méthode inhabituelle. Après la pose de la tôle, nouvelle visite de notre part. Beau bâtiment mais pas de plafond. Question : « Vous posez un plafond ? » Réponse classique africaine : « pas d’argent ». Je lui ai dit : « on connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un qui fait des panneaux ». On a rendu visite au quelqu’un qui faisait partie de l’église protestante allemande, et qui connaissait cet autre quelqu’un. Et on a parlé du problème. J’ai expliqué à ce quelqu’un qu’il nous fallait des panneaux pour le plafond d’une église, et que comme toujours, les finances étaient mal en point. J’ai dit que cela pourrait être du deuxième ou même du troisième choix. Après réflexion, ce Monsieur m’a dit qu’ils ne faisaient pas de deuxième ou de troisième choix, mais que les déchets étaient réutilisés. Il m’a demandé combien de panneaux il nous fallait. J’ai dit : « soixante-quinze pièces ». Après une courte réflexion, il a fini par nous dire : « je vous fais cadeau de cinquante panneaux et il faut payer les vingt-cinq autres ». Quand Calvin a fait chercher la marchandise, tout avait déjà été payé par quelqu’un. Je pense que c’était par notre ami. Et c’est ainsi qu’on a pu terminer cette église. Pour les chaises, nous leur avons donné une bonne adresse à Johannesburg, où on leur a proposé un bon prix. Tout est bien qui finit bien. La morale de l’histoire : c’est toujours bon d’avoir des amis qui ont des amis et sur qui on peut compter. Une autre histoire d’église. Pas loin de chez nous était un grand village, peuplé que par des Africains. Eux aussi voulaient une église. Ceux qui organisaient la construction de l’église ont fait appel à des volontaires allemands. Finalement, à plusieurs reprises, des douzaines d’hommes sont venus d’Allemagne, et pendant des semaines ils ont construit une église à l’européenne. Et ils ont tout payé. Nous avons - 131 -
eu l’occasion de visiter ce bâtiment qui était beau et solide, avec un clocher. Les fenêtres étaient posées, avec les vitres, mais nous avons constaté que les Africains n’avaient même pas trouvé nécessaire de laver au moins les vitres. Pourquoi ? Ce n’était pas leur église. C’était l’église des étrangers, et c’était donc à eux de nettoyer aussi les vitres. J’ai dit au responsable qu’ils avaient commis une grande erreur. Ils l’ont compris un peu tard. Une aide inattendue en Europe de l’Est A l’aéroport, nos sommes inquiets. Contrairement aux autres voyageurs au départ, nos valises sont quasiment vides, les bibles qui les remplissaient à l’aller ont été laissées aux amis à qui nous avons rendu visite. Si l’on nous demande d’ouvrir nos bagages, on risque fort de comprendre que nous ne sommes pas des touristes ordinaires, qui rapportent d’habitude le plus de souvenirs possibles, et les questions pourraient bien être délicates… Nous avons bravé les lois de ce pays, opposé à l’évangile. Sommes-nous prêts à souffrir comme nos frères persécutés ? C’est l’heure d’enregistrer nos bagages. Nous prions pour que tout ce passe bien, nos formulaires à la main. Un homme apparaît alors habillé comme quelqu’un du pays, plein de calme et d’autorité. « D’où venez-vous et où allez-vous ? », demande-t-il. Nous répondons simplement. « Suivez-moi », dit-il, en regardant nos formulaires encore vierges, « vous n’en aurez pas besoin ». Stupéfaits, nous le suivons. Nous traversons la zone de sécurité, où sont fouillées les valises, nous passons à côté du détecteur de métaux, puis des soldats en armes qui collectent les cartes de départ. On ne semble pas nous voir. « Ne vous arrêtez pas », dit notre guide. Avant même de nous en rendre compte, nous sommes dans la dernière file, prêts à embarquer. L’homme qui nous a aidés a disparu. Nos cœurs éclatent de joie et de reconnaissance. Dieu fait des miracles pour tous ceux qui s’attendent à lui. Connaissez-vous ce Dieu infiniment puissant, dont les compassions pour les siens se renouvellent chaque jour ? Histoire d’un prédicateur. Il y a quelques années, un prédicateur accepta d’aller servir Dieu à Houston au Texas, Un jour peu après son arrivée, il prit le bus pour se rendre au centre ville. Une fois installé, il réalisa que le chauffeur lui avait accidentellement rendu 40 cents de trop. Il pensa « tu ferais mieux de rendre ces 40 cents, ce serait mal agir que de les garder ». Puis il pensa à nouveau, « oublie…Ce ne sont que 40 cents, après tout. Qui se soucierait de si peu ? De toute façon, la compagnie de bus se fait chaque année des bénéfices monstres, ces 40 cents ne vont pas leur manquer. Accepte-les comme un don de Dieu, et tais-toi ». Arrivé à destination, au moment de sortir du bus, il hésita, puis tendit les 40 cents au chauffeur, en disant : - « Vous m’avez rendu trop de monnaie ». Le chauffeur lui sourit, puis répondit : - « Etes-vous le nouveau pasteur en ville ? » - « Oui. »
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- « Eh bien, depuis un bon moment, j’avais pensé fréquenter une église. Je voulais juste voir comment vous alliez réagir, si je vous rendais trop de monnaie. Je vous verrai dimanche prochain dans votre paroisse. ». En sortant du bus, le prédicateur dut se cramponner au premier réverbère pour ne pas tomber, et dit : - « Oh mon Dieu, j’étais à deux doigts de vendre ton fils pour 40 cents ». Nos vies sont la seule « bible » qu’un bon nombre d’hommes et de femmes liront durant leur temps sur cette terre. Cette histoire est l’effrayant exemple de la façon dont notre entourage nous regarde en tant que chrétien, et de la façon dont ils nous testeront comme tels. Restez toujours sur vos gardes et souvenez-vous que vous portez le nom de Jésus sur vos épaules, lorsque vous affirmez être chrétien. « Surveille tes pensées, elles deviennent paroles, surveille tes paroles, elles deviennent actions, surveille tes actions, elles deviennent habitudes, surveille tes habitudes, elles deviennent caractère, surveille ton caractère, il influencera ta destinée. »
Une petite histoire pour terminer Quelle est la durée de l’éternité ? Quelque part dans le monde se trouve une montagne, plutôt un grand rocher en granit. Ce rocher mesure 100 mètres de long, 100 mètres de large et 100 mètres de haut. Tous les cent ans, il y a un petit oiseau qui se pose sur ce rocher pour nettoyer son bec en le frottant contre la pierre. Par ce frottement, le rocher s’use… un peu. Le jour où ce rocher sera complètement usé, la première seconde de l’éternité sera passée.
J’ai partagé ces témoignages pour tous ceux qui ont mis, et mettront encore, leur confiance entre les mains de Dieu. Nous vivons des temps difficiles, où la peur s’empare de l’humanité entière, qui va d’une guerre à l’autre et d’une révolution à l’autre. Mais Dieu, dans sa grande bonté, malgré tous nos problèmes, pense encore à ses enfants et les garde d’une manière ou d’une autre, et parfois de façon miraculeuse. Il l’a fait dans le passé, Il le fait encore aujourd’hui et Il le fera aussi dans l’avenir. Que ce témoignage encourage et fortifie tous ceux qui ont lu ces quelques lignes et leur rappelle que Dieu reste toujours le même et qu’Il le sera éternellement !
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ANNEXE Nos années en Afrique du Sud : Quelques petites histoires
Sortie surprise avec les Wolff et les Brandt. Siegfried connaît très bien tous les petits coins de la région, et par son métier et les relations qu’il a, il peut se rendre dans des endroits qui appartiennent à l’Etat ou à des fermiers. C’est comme en Europe, chaque centimètre carré est la propriété de quelqu’un. Il nous a invités pour une sortie « quelque part ». Il nous a embarqués dans son 4x4. Moi, qui ai les pieds les plus longs, j’étais devant à côté du chauffeur, les Brandt et Claire étaient en « deuxième classe », il y avait aussi trois personnes un peu serrées derrière nous, et Herta, au poulailler, tout au fond, assise sur un petit matelas entre les bagages. Elle aura comme récompense une meilleure place un jour au ciel. Comme les routes en RSA sont parfaites, on ne se heurte pas la tête au plafond du véhicule. Après 1h15 à travers monts et vallées, dans un cadre merveilleux, nous sommes arrivés en haut d’une montagne. Surprise ! Nous pensions trouver un vieux restaurant en train de tomber en morceaux (pour blaguer, j’avais dit à Siegfried que j’emporterais un gros marteau et de longs clous au cas où il faudrait réparer une vieille baraque). Mais nous avons été surpris de voir un super hôtelrestaurant avec une grande piscine et une douzaine d’autres maisons dans les alentours, en «timeshare», (résidence en multipropriété). Nous avons eu le privilège de visiter l’une de ces maisons, pour quatre à six personnes : une cuisine (avec tout le confort que nous pouvons imaginer), une belle terrasse avec vue à l’infini, pour un prix de 1 350 Rands la nuit pour quatre personnes. Après un bon repas, nous avions le droit de faire un tour sur le terrain où nous avons vu des zèbres, des Impalas, des Gnous, etc.… Là-bas, ils voulaient aussi faire installer le plus haut terrain de golf du monde. Le président Notre fille Joëlle et son mari, ainsi que leurs deux enfants Laura et Florian, sont venus nous voir en Afrique du Sud. Nous avons visité Pretoria, entre autres. Sur une colline se trouve le palais du Parlement. De là-haut, nous avons une vue superbe sur la ville. La petite Laura nous a demandé qui habitait dans ce grand bâtiment. On lui a répondu que c’était le président de l’Afrique du Sud qui habitait là. En bas de ce grand bâtiment, il y avait un Noir qui balayait le trottoir. En voyant cet ouvrier, elle a pointé du doigt cet ouvrier et nous a demandé tout gentiment : « c’est ça l-e Pré-si-dent ? » Nous, nous avons pensé : « peut-être un jour, on ne sait jamais….
»
À Harare Nous avons habité quelques mois dans la capitale du Zimbabwe, Harare. En ce temps-là, c’était encore un paradis. - 134 -
De temps en temps, un Noir me donnait un coup de main sur mon lieu de travail. C’était un chrétien, un homme gentil, serviable. Un jour, je lui ai demandé en anglais si ça allait. Et, avec un grand sourire en montrant ses dents blanches, il m’a répondu : «yes, no». Je lui ai demandé : « yes, now ? » Il m’a répondu les mêmes mots, avec le même sourire. Sur ce, je n’ai pas insisté, j’ai vite compris qu’il ne parlait pas l’alsacien et moi pas l’anglais. Le 16ème départ de Strasbourg vers l’Afrique du Sud Le matin tôt, à 3h15 précises, le taxi spécial allemand, ponctualité allemande, arrive devant notre maison à la Meinau pour nous amener à Francfort. Environ 60 à 65 kg de bagages ont été vite embarqués. Quel privilège pour nous de pouvoir prendre un taxi, quand nous pensons au passé où l’on était obligés de prendre le train, d’en changer plusieurs fois, de monter et de descendre sur les quais, et toujours avec les bagages. Les adieux nous laissent, malgré tout, toujours un goût amer. Depuis ces seize dernières en RSA, on ne sait toujours pas à l’avance ce qui est devant nous. Dans le taxi, nous sommes les seuls clients. Le chauffeur est sympa. Il y a du brouillard. Ce temps maussade nous facilite un peu le départ pour un pays où le printemps a déjà commencé. En cours de route, le soleil réapparaît pour un moment, pour un dernier adieu, et pour nous montrer le paysage coloré de l’automne qui disparaît derrière le brouillard qui nous enveloppe à nouveau. Nous arrivons à Francfort avec beaucoup d’avance. Le chauffeur, qui connaît cet immense aéroport, le deuxième plus grand aéroport d’Europe après Londres, nous dépose presque aux guichets de l’Olympia Airlines. Nos papiers et nos billets sont en ordre et nos places étaient réservées. Tout est fait dans une agence de voyage à Kehl et arrangé par une dame très sympathique qui nous a même embrassés, lors de notre dernier passage à l’agence. Parfois, le client n’est plus seulement celui qui paie, mais il est aussi considéré comme une personne humaine. Nous avions un peu de temps pour nous balader dans l’aéroport, qui est une immense ville dans une ville. L’embarquement se fait à l’heure précise, la plupart du temps ce n’est pas le cas, et les retards dans les aéroports se font de plus en plus sentir. L’avion s’est donc dirigé vers la piste d’envol et il lui a fallu une demi-heure à travers le brouillard épais pour trouver sa vraie place de départ et à l’heure exacte. A 19h50, il a pris son envol pour une escale à Athènes, en Grèce. Vol sans problème. Quand nous regardons en arrière, tous les problèmes que nous avons déjà eus, une fois aux îles Salomon (nous étions déjà assis dans l’avion en partance pour l’Australie quand l’avion s’est retrouvé en panne et qu’on a dû retourner à l’hôtel), une autre fois à Johannesburg (le matin à 6 heures, vol annulé, arrêt deux jours à l’hôtel, payé naturellement, et c’était justement l’année où j’avais des problèmes de calculs rénaux...), une autre fois, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, (avec un petit avion de la MAF bloqué en pleine brousse dans les montagnes parce qu’il ne décollait plus)… Finalement, on est toujours rentrés. Beaucoup d’autres n’ont pas eu ce privilège.
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Arrêt d’1h à Athènes, on a pris un autre avion, un Boeing 747. Claire a demandé à l’hôtesse le nombre de passagers. Réponse : « 400 personnes ». Départ à l’heure en direction de Johannesburg. À 3h du matin, un repas, on a refusé. On a quand même pu se reposer sur nos sièges trop étroits, et l’appareil avait un besoin urgent de réparation. Beaucoup de choses en mauvais état. L’arrivée à Johannesburg, à l’heure exacte. La technique moderne, chapeau ! A l’arrivée, nous montrons notre passeport sud-africain (et non pas le passeport français), car, depuis quelques années, nous avons deux nationalités. Ce qui ne serait plus possible aujourd’hui, dans la nouvelle Afrique du Sud. Depuis ces seize années en Afrique du Sud, ce sont toujours nos amis, Hennie et Louise, qui nous attendent à l’arrivée avec notre voiture. A noter qu’on ne peut pas vivre sans voiture dans cet immense pays. Nous apprécions énormément la fidélité de ces amis qui nous reçoivent chez eux. Ils méritent une médaille d’or. Un jour, elle leur sera attribuée par le Seigneur lui-même, en guise de grande récompense pour leur grande fidélité. Notre logement a été garni avec des meubles neufs, salon tout blanc en skaï. Deux fois deux places, et deux fois une place. Grande table basse, pieds chromés, dessus en verre. Grande table, idem, trop grande pour nous. TV, pas d’antenne. Double lit avec, de chaque côté, un matelas. Pour nous, impossible de dormir. C’est un genre de « gummibett ». (En alsacien, le « gummibett » est un matelas en gummi, tout mou, qui est rempli d’eau). Drôle de sensation. Il y a des personnes qui aiment ça. Pas nous. On a changé les matelas. Grand miroir sur une demitable, tous les rideaux sont neufs. Les Loubsers, le 15 décembre 1999 A l’occasion de la fête de Noël, un couple d’étudiants avec leurs deux enfants nous ont fait quelques cadeaux. Voilà ce qui était écrit sur la carte: « Made with lots of love for the most special man on his campus. All our love. The Loubsers ». Ce qui veut dire : « Fait avec beaucoup d’amour, pour l’homme le plus exceptionnel du campus, nous vous aimons ». Et l’homme, c’était moi, naturellement. Le 18 décembre 1999, Brandtenburg Aujourd’hui, c’est leur quarantième anniversaire de mariage. Nous sommes une trentaine à être invités pour la fête de Sieglinde et Harry Brandt dans leur maison appelée « Brandtenburg ». Tables et chaises bien installées autour de leur piscine illuminée, nous goûtons à de bonnes choses dans une ambiance chaleureuse bien allemande. Ils habitent sur une colline avec vue sur le Nelspruit exotique. Dimanche, 19 décembre 1999, les Brandt Nous avons passé la nuit chez les Wolff à Nelspruit. Après un bon bain matinal dans leur grande et belle piscine, nous partons, encore une fois invités par les Brandt sur une colline où se trouve une « guest house » (maison d’hôte) avec une vue imprenable sur toute la région de Nelspruit. Nous faisons probablement partie des meilleurs amis des Brandt et une fois de plus, nous avons eu le privilège, avec des membres de leur famille (une dizaine environ), de pouvoir nous régaler d’un bon breakfast.
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Le 21 décembre 1999, enterrement de Ludwig Henning Un membre de l’église luthérienne, Ludwig Henning, a été incinéré. Un homme bien, aimable, tranquille. Il avait cinquante-six ans. Pour une fois, l’église était pleine. Culte en allemand, en anglais et en africain. Le 25 décembre 1999, les litchis Jaab et Mixi étaient venus pour le repas chez nous. Ils nous ont ramené un sac plein de litchis. Ils habitent toujours dans leur « ferme » et la maison neuve qu’ils ont construite à White River est toujours vide, depuis cinq ans. Il travaille temporairement. Le gouvernement a fait construire de grands bâtiments qui deviendront le siège du nouveau Parlement. Le travail du toit a été confié à des Indiens. Le gouvernement ne voulait pas de Blancs. C’est donc l’apartheid à l’envers... Mais ils ont fait des bêtises. Comme ils ne savaient plus quoi faire, ils ont quand même été obligés de faire appel à un Blanc. Et le Blanc, c’était Jaab. Nous étions invités chez Mme Margui et son mari Harry avec d’autres personnes, les seules personnes qui restaient sur le terrain. Chacun a ramené quelque chose. Repas excellent, table bien faite, bonne ambiance. Chaleur terrible. On revient de la piscine, l’eau à 32°. Dans dix minutes, il sera 19h et il fera nuit. Les crapauds, les grenouilles et d’autres insectes vont commencer leur concert dans quelques instants. C’était ça, notre journée de Noël. Le 27 décembre 1999, les Parker Nous avons invité Heidi et Steeve Parker pour le repas du midi, avec leurs deux enfants. Ils viennent d’Australie. Une de leurs filles est mariée à un Sud-Africain. L’autre fille est retournée en Australie. Ce sont des gens sans histoire. Lui est enseignant ici. Elle est un petit bout de femme. (Elle est décédée en 2007.) Noël 1999 Journée extra chaude. Prenons encore un bain avant d’aller chez nos voisins américains, Ed et Barbara Louton, qui nous ont invités pour le repas du soir de Noël. Repas excellent, ambiance paisible avec une autre Américaine, célibataire : Sara Best. Ed Louton est enseignant ici. Par contre, ambiance de Noël, zéro. Nous avons écouté un CD chez nous ensuite, pour nous rappeler que c’était le soir de Noël. Samedi, 8 janvier 2000 Sommes invités chez Estelle pour le repas de midi, elle à perdu son deuxième mari cette année, et elle s’est remariée avec un pasteur, au nord de Durban, qui lui aussi a perdu sa femme, la même année. Elle habite un grand domaine ave des milliers de bananiers, une piste pour petits avions en mission, un domaine super exotique etc.… Etaient présents Estelle, Sus, Lydia, un Hollandais (missionnaire au Mozambique), une très vieille petite dame originaire de Suède et missionnaire aux USA, un autre homme d’affaires, un ensemble très sympa, un repas fait par un chef noir absolument super.
Dimanche, 23 janvier 2000 Nous étions ce matin à Nelspruit, à 35 km, dans une église luthérienne allemande, culte en anglais, avec un mélange d’allemand, environs trente personnes, dont quelques Africains.
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Déjeuner ensemble à l’église. Ambiance fraternelle et joyeuse. Qui a dit que le chrétien ne doit pas être joyeux ? Surtout avec Harry, avec sa voix de basse qui fait trembler les murs. Après le repas, nous sommes allés au village de Hazyview pour voir des amis. Hélas, ils n’étaient pas là. Avons eu un entretien très amical avec des gens que nous ne connaissions pas auparavant. Ils possèdent une farm (une ferme) avec 40 ha de terrain. Des bananes, des litchis, des mangues, des papayes, etc. … Ils louent aussi des petits logements aux touristes. Un logement pour six personnes pour 300 rands par jour, c’est-à-dire 350 FF. Ils cultivent des roses, ils nous ont offert sept bouquets de roses à dix pièces ainsi que trente mangues et deux grands cartons de bananes. En rentrant, nous les avons tout de suite distribués à nos amis. Dimanche, 9 février 2000 Dernières salutations avec beaucoup de hugs (accolades) avec ceux qui partent pour l’Inde. Qu’est-ce qui les attend là-bas ? On le saura plus tard. Bye ! Peter, Marlène, Leandré, Dercksen et Marinda Goetze. L’Inde, c’est 970 000 000 habitants, 225 langues différentes, dont 70 dans les villages de 26 États. 6 400 castes, 70% ne savent pas lire, 82 % d’hindous, 12% de musulmans, 1 à 2 % de chrétiens. Warmbad Nous sommes très fatigués par le stress des dernières semaines et du voyage lui-même et nous décidons de nous reposer dans un Holiday Resort (complexe de loisirs) à 150 km au nord de Johannesburg. Cela s’appelle « Warmbad ». C’est un grand domaine avec plusieurs piscines chaudes et froides, et d’autres possibilités d’activités sportives. L’eau chaude sort du sol à 52° et le débit est de 22 000 litres par heure. Avons fait une mauvaise découverte. Nos passeports français ont disparu. Nous ne pouvons pas comprendre et nous ne voyons aucun indice pour cela. Je les garde comme un trésor, toujours sur moi, mais ils se sont volatilisés. Probablement pas mal de démarches pour en avoir d’autres. Demain, on reprend la route pour rentrer chez nous à l’Africa School of Missions, il nous reste donc environ 450 km à faire, sur de très bonnes routes. Nous passons la nuit chez de bons amis, avant de rentrer définitivement à la mission. Jeudi, 9 mars 2000, Sun City, Johannesburg Avec Traugott et Esther, nous sommes allés à « Sun City ». Ce « Holiday Resort » (complexe de loisirs) est certainement le plus grand, le plus beau et le plus intéressant de toute l’Afrique. L’hôtel, plus que 5 étoiles, les cascades, les bassins d’eau claire, les restaurants près des piscines, les grottes, la grande plage au sable fin avec des vagues artificielles, les rochers avec imitation d’un volcan en éruption et plein d’autres choses intéressantes. Tout cela installé en pleine campagne à moitié désertique.
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Le 5 novembre 2000 Dimanche, mon pied gauche me fait très mal. Je ne peux presque pas marcher. Culte à l’ASM, Martin a prêché, nous avons du mal à suivre son message. (Chacun son style). Mercredi, on va à White River voir le médecin. Je marche comme un vieillard de 99 ans. On me donne deux piqûres et des pilules. Le soir à 18h je suis complètement guéri, à 99,99%. Pour moi un vrai miracle. Du jamais vu ! Un couple d’hirondelles est en train de construire son nid sur notre terrasse, fixé à la rampe. À voir, si ça tient. Dans la chambre, l’ordinateur a un virus. Depuis, plus personne ne peut l’utiliser. Le 19 novembre 2000 Nous étions invités à l’église « Calvary », puis pour un repas, avec des gens de l’église de plus de soixante ans. Claire et moi, on a dit qu’on n’est pas vieux, mais plus âgés. Plus de cinquante personnes étaient invitées, dans une super maison. La plus belle qu’on ait vue, jusqu’à ce jour. Avec une menuiserie en bois, fenêtres, portes, placards, escaliers, cuisine, etc.…avec différentes sortes de bois, très belle exécution, unique. Le buffet qu’on a servi été excellent, de très bonnes choses à manger. Le 3 décembre 2000 Premier dimanche de l’Avent. Etions à l’église allemande. Vingt-cinq personnes. Herta a prêché. Autour des tables, plein de « läckerlis » (petite gâteaux allemands, proches du pain d’épices). Le matin, il faisait exceptionnellement beau. Ce soir, c’est couvert. 32°C à l’ombre. Départ définitif de certains étudiants qui ont réussi leur diplôme. Beaucoup sont en vacances et ne reviendront que vers la mi-janvier, et d’autres ne reviendront plus du tout. Jeudi, 7 décembre 2000 Nos amis, James et Michèle, ont quitté définitivement l’ASM, après trois années d’études. Ils rentrent chez leurs parents, qui habitent au Cap et ont une grande ferme fruitière. Début janvier 2000, ils partiront en mission en Israël. Geoff et sa famille sont aussi partis, ils sont allés aux USA, en vacances. Le campus se vide. Il fait très chaud : 32°. Le 18 décembre 2000, journée de deuil, Journée de deuil pour notre famille, ma sœur Berthe est partie pour l’éternité. Heureusement, je lui avais téléphoné depuis l’Afrique du Sud quelques jours auparavant. Elle m’avait dit qu’elle ne voyait presque plus et qu’elle était très malade. Elle était alitée. D’après Philippe, son fils, elle s’était convertie chez le pasteur Schuler, quelques jours plus tôt. A l’hôpital, elle était inconsciente. Mais quand Philippe lui a demandé pardon, il paraît qu’elle a réagi un peu. Elle a été enterrée le jeudi 21 décembre 2000, à 10h, au cimetière Nord de la Robertsau. - 139 -
Le 28 décembre 2000 La famille Wolff est venue le matin pour nous emmener en voiture. Une Land Rover, direction nord. Siegfried a une autorisation pour monter sur une très mauvaise route, sur une montagne, à 2 000 mètres d’altitude. C’est une base d’aviation militaire, avec plein d’antennes. Une vue panoramique unique. Une végétation magnifique, plein de rochers, comme sculptés par un artiste. Nous avons pique-niqué ensemble. Nous avons visité un parc d’animaux. Des « Cheetah » et autres animaux, c’était une journée spéciale et exceptionnelle. Samedi, 30 décembre Nous avons invité André et Ruth Naude pour le repas de midi. Lui, il est le directeur de l’école, « King School ». C’est un couple sympathique. Une après-midi agréable. Ils veulent émigrer en Australie. (Finalement, ils ne l’ont pas fait). Dimanche, 31 décembre Dernière journée de l’année pour se promener. Etions au culte le matin à la « Calvary Church ». Mauvaise sonorisation. Les gens bougent trop, vont tout le temps aux WC. Les personnes qui prient, on ne comprend rien, pas assez fort. Pour midi, Siegfried et Herta, Harry, Sieglinde étaient nos invités. Avons passé une bonne après-midi ensemble. Nous nous sommes couchés à 21h30. Pour nous, le nouvel an, c’est quoi ? Le lendemain tout est comme avant. Sauf les dates du calendrier. Si le cœur de l’homme ne change pas…qu’est-ce qui change ? Janvier 2001 Avions de la visite : Mixi et Jaab. Ils sont venus à midi pour une tasse de thé, juste pour dire bonjour, mais ils sont repartis à 15h30. Pas de repas de midi, et pas de «lala » (petit dodo). Je pense que ça leur a plu d’être chez nous. Ils ont apporté un joli vase, des « bredele » (petits gâteaux de Noël typiquement alsaciens), deux grands sacs en plastique remplis de litchis et des grenadilles. Ils nous ont raconté que trois cambrioleurs avaient voulu entrer dans leur maison, qu’en allumant la lumière, ils avaient vu qu’il y avait quelqu’un dans la maison. Ils dorment chacun avec un révolver sous l’oreiller et quelques fusils dans les placards. Leur habitation est complètement isolée. Ils ont construit une maison à White River depuis huit ans, mais ils ne veulent pas y habiter. J’ai peur qu’un jour ils soient assassinés. Un jour, une ferme voisine a été complètement vidée. (Mixi et Jaab sont décédés entre-temps). Dimanche, 8 janvier 2001 J’ai prêché à l’église luthérienne de Nelspruit. Sur le thème : malédiction ou bénédiction. Après cela, avec les Wolff, on a visité une ferme de bananes et de litchis. Ils ont acheté 40 kg de litchis pour 100 rands (10€). Le fermier nous a dit qu’il possédait 22 hectares de bananiers avec 2 200 bananiers par hectare, soit 48 400 bananiers en tout. J’ai pris une photo de l’entrée de la ferme. C’est un vrai paradis tropical, derrière une clôture électrifiée et 14 chiens de garde. On a été invités par un couple qui vient de l’église de Nelspruit, ils doivent faire 160 km aller-retour pour cela. Ils se sont convertis il n’y a pas tellement longtemps. Ils habitent en pleine brousse, dans une vieille maison qui appartenait à un Ranger du Kruger Park (qui se trouve à 8 km de distance). Ces deux personnes sont très corpulentes. Ils organisent un barbecue pour nous, le repas est servi vers 15h-15h30. Sur leur terrain, ils possèdent un beau zèbre à moitié sauvage qui dort la nuit - 140 -
devant leur porte, avec les chiens. Dommage, Harry fêtait son anniversaire aujourd’hui, et on était aussi invités chez eux ! A l’église, le matin, Siegfried Wolff a fait un changement dans la liturgie. Herta a fait des petits bouquets de fleurs qu’elle a offerts à chaque paroissien. Siegfried et moi (encore une nouveauté), avons prié pour les paroissiens, en allant de l’un à l’autre, dans les rangs, et en leur imposant les mains. Comme Harry fêtait sont anniversaire (68 ans), j’ai demandé qu’il s’avance et on lui a aussi imposé les mains. Tout était spécial pour une église luthérienne. Je pense que les gens ont approuvé tout cela. Dimanche, 14 Janvier 2001 Etions au culte à Nelspruit, seize personnes, culte en anglais, je n’ai pas compris grand-chose. Je remarque souvent que beaucoup de prédicateurs parlent mal, ils devraient apprendre à parler. On a décidé d’aller à Kaapsehoop. Siegfried, Herta, Sieglinde, Harry, et une veuve se sont joints à nous. On passe à côté de l’ancien aéroport de Nelspruit. À vingt kilomètres, dans la montagne, il y a des chevaux sauvages. On a mangé au restaurant sous les parasols, une région magnifique, avec des rochers, sculptés par la nature, et une végétation exotique. Je pense que c’était la plus belle promenade, marchant entre les rochers, les plantes et sur l’herbe. En rentrant, on a été voir une petite carrière de pierres vertes, verdâtres. Une fois de plus, en plein bush africain. Siegfried nous a ramenés chez eux, et eux ont ramené Sieglinde à la maison. Nous nous sommes baignés dans leur grande piscine avec de l’eau chaude et propre. Après 40 minutes, on était de nouveau chez nous à l’ASM. Nous sommes reconnaissants à Dieu de pouvoir admirer et contempler sa super belle création. Nous avons encore écouté un culte à la radio d’une église du Cap.
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Le 13 décembre 2003, Honeymoon, notre 50ème anniversaire de mariage Lors de notre 50ème anniversaire de mariage, à Strasbourg, le 23 mai 2003, nous avons invité, entre autres, Siegfried et Herta Wolff, deux de nos meilleurs amis d’Afrique du Sud. Ils en ont profité pour faire un voyage à travers l’Europe et pour visiter famille, amis et connaissances. En cadeau, ils nous ont proposé de nous payer quelques nuits avec eux au Parc National Kruger, et une fois sur place, ils nous ont proposé encore autre chose. Une sortie dans un endroit sauvage, Blyde River. Comme Siegfried avait travaillé pendant de nombreuses années dans l’équivalent de notre Office Nationale des Forêts, il avait le droit de passer des vacances dans une maison située tout près d’une rivière, dans une espèce de forêt vierge, absolument sauvage. Siegfried et Herta nous ont cherchés le mardi vers midi avec leur voiture, un tout-terrain assez neuf. Nous connaissions la route qui passe par d’immenses cités où n’habite que la population africaine. À un moment, nous prenons une route qui passe à travers la montagne avec des vues imprenables sur les vallées où poussent des centaines de milliers de bananiers. Nous montons jusqu’à Graskop, une petite ville située à environ 1 500 mètres d’altitude. Nous les invitons dans un restaurant pour manger une spécialité de la maison. Puis nous continuons la route qui est dans un parfait état, direction : Blyde River Canyon. Nous nous arrêtons aux Bourke’s Luck Potholes pour chercher les clés de la maison. Nous en profitons pour visiter les gorges, merveilleusement façonnées par l’eau des deux rivières qui se rencontrent à cet endroit. Nous reprenons la route par laquelle nous sommes venus. À environ cinq kilomètres, il y a une scierie, et là, nous prenons une route de terre battue sèche, à travers prés et forêts, toujours avec les montagnes qui nous entourent. Après quelques kilomètres sur la route sèche (par temps de pluie, la terre devient comme de la neige très glissante) et nous arrivons sur une route où ils ont fait deux bandes en béton. Ça commence à descendre vers le canyon, par un chemin très raide. Enfin, nous arrivons à destination, une maison de type anglais colonial. Plusieurs chambres à coucher, deux salles de bain, cuisine et salon avec cheminée. Autour de la maison se trouve la terrasse couverte et ouverte. Nos amis, Harry et Sieglinde, nous ont rejoints entre-temps. Tout est impeccable, propre, bien entretenu. Une Africaine fait le ménage, les lits, etc. Chacun déballe ses valises et le ravitaillement. Nous n’avons presque rien emmené, ils voulaient nous gâter, et ils l’ont fait. L’ambiance est parfaite, nous rigolons beaucoup et nous profitons de cette nature très exotique. Il faisait 40°aujourd’hui. Chacun a trouvé sa chambre avec des lits bien faits, propres et spacieux. Malheureusement, comme nous n’avons pas de fenêtres, seulement des portes de balcon, nous devons les laisser fermer, surtout à cause des serpents, et des babouins qui sont très méchants et agressifs et, dans la région, il y a encore d’autres animaux sauvages comme le léopard. Mais ce serait dommage de ne pas laisser entrer l’air pur et frais de la nuit, avec cette canicule, alors nous laissons quand même la porte du balcon un peu ouverte, il faut savoir prendre des risques. On craint les voleurs plus que les animaux, mais comme la maison est au bout du monde, il n’y a rien à craindre de ce côté-là. La première soirée, nous avons fait un barbecue, comme il se doit. Les Sud-Africains aiment les barbecues par-dessus tout, mais nous… pas du tout. Le lendemain matin, on fait notre première sortie vers le torrent. Le chemin est rocailleux à travers cette forêt vierge, sauvage, impénétrable, raide. On arrive au torrent, dont le débit est normal, sur un plateau rocheux. Les parois ont été ciselées par le torrent pendant peut-être des millions d’années ou plus. De chaque côté du torrent s’élèvent des montagnes faites de roches raides impressionnantes. Nous sommes six personnes, seules dans cette nature qui est, d’un côté, paisible et accueillante, et d’un autre côté, agressive dangereuse, hostile et sauvage. Mais nous
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sommes heureux, décontractés et contents de pouvoir contempler cet univers unique créé par un Créateur il y a bien longtemps. Nous remontons vers notre maison. Après un bon repas, un bon repos, on redescend, par un autre chemin, soit le prolongement de la route. On arrive en bas à une espèce de hangar. Siegfried a les clés pour ouvrir et nous pouvons y entrer, c’est plein de machines, c’est-à-dire trois grandes turbines pour faire du courant. Depuis des années, l’usine est au repos. Cette usine a été construite en 1908. Tout le matériel, très lourd, a été transporté sur cette route, parfois très raide, sur des chariots à bœufs. Des bœufs à l’avant pour tirer les chariots et des bœufs à l’arrière pour freiner. Pas d’hélicoptère, pas de camion. Tout le matériel a dû être transporté à dos d’âne ou à dos d’hommes à travers cette nature hostile et sauvage. À cette époque-là, il y avait encore plus d’animaux sauvages, plus de maladies tropicales et moins de médicaments. Pour faire marcher les turbines, ils ont dû creuser un canal et un tunnel à travers la montagne, un vrai travail de titan. Tout le monde est remonté à pied sur cette route très raide. Sauf moi, c’était trop fatigant à mon âge (à ce moment-là, j’avais 78 ans et demi). Siegfried a proposé de me chercher avec son 4x4. C’était quand même spécial de se retrouver, pour un certain temps, tout seul dans cette nature merveilleuse en attendant la venue de Siegfried avec sa voiture. Le soir, tradition oblige, de nouveau ce qu’ils appellent un braai (barbecue). Pour fêter nos 50 années de mariage, ils avaient même emporté une bougie en or. Ils nous ont vraiment gâtés, dans une bonne ambiance amicale, fraternelle, spirituelle. Comme toute chose prend fin, le lendemain Siegfried a fait un grand détour, sur une autre route, pour que chacun puisse rentrer chez soi. Il y a un chemin pour randonneurs qui vient de Bourke’s Luck Potholes et qui s’arrête chez nous, en bas, au hangar-centrale électrique. Durée, environ deux à trois heures selon l’âge et la forme physique des marcheurs. On a eu la visite d’un groupe de six personnes, jeunes et moins jeunes. Ce qui était intéressant, c’était le nombre de nationalités, eux étaient six et nous six personnes, donc 12 personnes. Il y avait des Français, des Allemands, des Anglais, des Sud-Africains et des Irlandais. Parmi eux, un jeune couple marié depuis 5 jours. Je lui ai dit que nous avions aussi un 5 dans le nombre de nos années de mariage et, en partant, j’ai dit au jeune homme de veiller, les prochaines 50 années, sur sa jeune femme. Un autre couple « s’est perdu » chez nous un matin. D’abord, on cause en anglais pour se rendre compte qu’eux aussi étaient des Allemands. Lui était deux fois ingénieur, elle, une espèce de conseillère juridique. Tous les deux au chômage. En Allemagne, on vit mieux au chômage qu’en travaillant et on peut se permettre, dans une telle situation, de partir en vacances jusqu’au bout du monde. Enfin, les temps ont changé… Hulala Aujourd’hui, nous sommes le dimanche 11 janvier 2004, le temps est toujours chaud : environ 30 à 35°. De temps en temps, des orages avec quelques averses, surtout le soir et la nuit. Depuis le 31 au soir jusqu’à aujourd’hui, nous avons mesuré environ 100 ml d’eau. Tout est vert, en fleurs. On trouve aussi beaucoup plus de fruits à acheter : litchis, mangues et toutes sortes de légumes. À 16h, nous sommes allés à l’église à White River. Cela commence dès 9h, mais c’est trop tôt pour nous, le troisième âge, une raison de toujours venir en retard. Mais comme les chants durent entre une demi-heure et trois quarts d’heure, toujours debout, nous rentrons par derrière sans trop nous faire remarquer. Les cultes sont en général intéressants, toujours en anglais, je ne comprends que la moitié. Nous rencontrons naturellement des amis, soit de l’ASM, soit d’ailleurs. - 143 -
Après le culte, nous décidons d’aller manger dans un restaurant qui s’appelle « Hulala ». L’origine du nom doit certainement venir des touristes de Français qui ont dû dire « Oh là là ! ». La grande route large est bien goudronnée et bien entretenue, mais parfois les routes sont moins bonnes, et à l’arrivée des premiers touristes Français, la route devait être dans un état vraiment « Oh là là ». L’hôtel se trouve à environ trois kilomètres de distance de la route. Rendez-vous au bord d’un grand lac. Une grande digue épaisse et haute retient l’eau, qui actuellement devient rare à cause du manque de pluie. L’hôtel, avec ses chalets touristiques, se trouve dans un cadre très exotique, calme et bien entretenu, avec restaurant. Nous n’étions que quatre personnes pour le repas de midi : nous deux, et un homme blanc d’une trentaine d’années avec une Africaine d’environ vingt-deux à vingt-quatre ans. Il paraît qu’à Noël et à Nouvel An, c’est archiplein. Après les fêtes, les gens sont « fauchés », donc les caisses vides. Après le repas, nous avons demandé si nous pouvions nous baigner dans leur piscine, ce qui nous a été accordé, ils nous ont même donné deux serviettes. En général, ils n’acceptent pas les clients qui ne vivent pas sur le terrain. Des anges qui fument Après cela nous sommes montés dans notre voiture (une Toyota Cressida) et nous avons pris le chemin du retour. En route, j’ai senti que le volant tirait vers la droite et j’ai voulu faire un détour par White River pour faire gonfler le pneu chez un pompiste. Mais très vite, le pneu était à plat. Je suis sorti de la voiture, j’allais changer le pneu quand j’ai vu une voiture s’arrêter à 100 mètres, de l’autre côté de la chaussée, faire demi-tour et se garer derrière notre voiture. Deux hommes d’une trentaine d’année sont sortis, l’un était tatoué au bras, l’autre n’avait pas non plus l’air très rassurant. Tous les deux, cigarette à la bouche. Ils ont demandé s’ils pouvaient m’aider, j’ai accepté, perplexe. Je ne m’attendais pas à avoir une aide aussi rapide. En quelques minutes, ils avaient changé la roue. Je leur ai raconté une histoire vécue sur l’autoroute allemande, où là aussi, des gens s’étaient arrêtés pour nous dépanner. J’ai dis à ces deux hommes que, pour nous, c’était comme si on nous avait envoyé des anges et je leur ai demandé, sur le ton de la plaisanterie, s’ils étaient des anges. Ils m’ont dit que non. Alors, je leur ai demandé pourquoi ils m’avaient dépanné tellement vite, alors l’un deux a montré le ciel du doigt et il a dit : « c’est le patron, là-haut, qui nous a dit de vous aider ». Pour nous, ils étaient des anges. Ils m’ont demandé où l’on habitait. J’ai dit : « à l’ASM ». Ils m’ont dit que nous étions voisins, ils habitaient sur la même route, plus loin, dans une maison qu’un ami à nous leur avait vendue. Je leur ai demandé s’ils étaient chrétiens, ils m’ont répondu par l’affirmative. L’aventure s’est finie avec un « God bless you ! » (Dieu vous bénisse !) et nous avons repris la route. Nous ne savions pas que les anges fumaient. Samedi, 24 janvier 2004, sortie avec Lydia au mont Sheba Comme le temps était au beau fixe, ciel bleu et quelques nuages blancs qui voguaient comme des petits navires sur une mer tranquille, une belle journée d’été. Nous avons décidé de faire une balade en montagne en direction de Sabie, sur des routes en parfait état. On roule parfois des dizaines de minutes sans rencontrer une seule voiture, sur cette terre où l’on croit être seul au monde. Les paysages sont extra. C’est comme en Forêt Noire, sur la Schwarzwaldhochstrasse (célèbre route panoramique allemande). On a une vue presque à l’infini dans toutes les directions. Aujourd’hui, il n’y a pas de brouillard et la vue est exceptionnellement claire. Il y a des montagnes de plus de 2 000 m. On ne sait pas où regarder tellement le paysage est magnifique.
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On prend la direction de Sabie, qui est aussi une petite ville très sympathique dans les hauteurs. On continue vers Graskop, mais avant d’y arriver, on change de direction vers Pilgrim’s Rest. La route a plein de virages et elle est assez étroite. Il faut conduire avec prudence, car il y a des vaches qui ont aussi le droit, non pas de rouler, mais tout de même d’emprunter la route nationale, comme des humains. Il y a aussi des enfants noirs qui se promènent sur cette route et qui sont très souvent imprudents. C’est comme toujours, c’est le conducteur qui doit être attentif à la place des enfants, des vaches et des autres voitures. Nous passons à côté du vieux village de Pilgrim’s Rest, une ancienne mine d’or. On se demande comment des gens ont pu se perdre dans le passé dans ce coin perdu du globe, sans route, sans maison, sans rien. Le village est intact, on trouve de toutes vieilles maisons dans un état impeccable, car c’est devenu un musée, avec épicerie, hôtel et toutes les maisons d’habitation, au style colonial anglais et hollandais. On ne s’arrête pas et on continue dans la haute montagne. Sur un panneau, on voit la mention : 2 000 m d’altitude. On passe à côté d’un ensemble de maisons en time-share, situées entre des rochers, prairies, et forêts. Ce lieu s’appelle Crystal Springs. On continue toujours sur la route, parfaite, en direction d’un hôtel qui s’appelle « Mont Sheba ». On sort de la « bonne » route pour se retrouver sur une route parfois goudronnée, mais la plupart du temps faite de terre, de pierres et de trous. Je commence à en avoir ras-le-bol, mais les « 2 jolies filles » qui m’accompagnent me forcent plus ou moins à continuer. Après dix kilomètres, on arrive enfin dans un lieu magnifique. Il faut dire qu’en cours de route, des panneaux indiquaient encore 5 km, 4 km, etc. … . On nous invite à rouler lentement et prudemment : 10 km/h. Cet avertissement est inutile. On ne pourrait pas rouler plus vite, de toute façon… L’hôtel et les maisons pour touristes sont tous de plain pied, donc pas d’étage avec vue imprenable sur d’autres montagnes plus hautes. On est actuellement à 1 700 m d’altitude. Il y a un restaurant à côté une piscine, à utiliser uniquement pour des touristes résidant dans l’hôtel. On fait une balade à pied à travers le terrain. On a commencé la balade à travers la forêt tropicale mais le chemin descendait trop rapidement. Parce qu’il faut remonter après ! C’était marqué « cascade », mais avec la sècheresse qu’on a eue en RSA, il restait le nom, mais pas l’eau. Il paraît que cette sècheresse est la plus dure depuis 70 à 100 ans. En allant vers Sabie, des nuages se sont fait voir, pluie et, probablement, fini le beau temps. Claire a dit : « je prie qu’il ne pleuve pas ». Lydia a dit : « je prie que la voiture tienne le coup ». Moi j’ai dit : « je prie pour un bon repas ». Finalement, après avoir fait 240 km, chacun a eu raison. Il pleuvait, mais au loin, on pouvait le voir depuis l’hôtel. Le repas était abordable et la voiture a tenu le coup. Cette fois-ci, on n’avait pas besoin d’anges qui fument. On rentre donc sans la pluie, juste quelques gouttes. Je pense que Dieu voulait nous faire voir que la pluie existe vraiment. Mais cette fois-ci, ce n’était que pour les autres. Un petit arrêt à Sabie, le temps de boire quelque chose : café, thé, gâteaux, et on était heureux d’avoir vécu, malgré tout, une journée exceptionnelle, magnifique et heureuse.
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En rentrant près de Sabie, une famille de singes a traversé la route devant nous, peut-être quelqu’un de la famille de nos ancêtres. Mercredi, 12 janvier 2010 Comme, le matin, le temps est beau et l’air pur, Claire et moi décidons de partir en montagne, direction Graskop, à 1h30 de route. Pendant 50 km, on monte d’abord à travers d’immenses plantations de bananiers, et, pour arriver à Graskop, on continue encore 40 km sur la route des crêtes. La région est unique avec ses hautes montagnes et vallées, les rochers sculptés, les rivières et les cascades. On se retrouve dans un Holiday Inn (restaurant à ne pas recommander). Une centaine de maisons et chalets, certains avec une vue imprenable. Sur ce terrain se trouve un arbre, qui s’est installé sur un autre arbre. On l’appelle, en anglais, le strangler, ce qui veut dire en français « l’étrangleur ». C’est comme un genre de lierre qui, innocemment, monte le long du tronc, entoure l’arbre de plus en plus, comme des tentacules, et finalement il l’étrangle. Le premier arbre meurt, c’est l’étrangleur qui a pris sa place. Nous avons fait une petite promenade dans un coin de forêt vierge avec, comme unique passage, un sentier assez accidenté, et les abords du sentier sont impénétrables. Un peu plus tard, nous entendons et nous voyons des singes. Ce sont des singes très dangereux et des panneaux mentionnent qu’il ne faut pas s’approcher d’eux, ni les nourrir. Mercredi, 12 janvier 2010, 14h Après un bon bain dans une piscine ouverte à 1 500 m de hauteur et sous un ciel bleu, dans l’eau pure, claire et agréable, nous avons pris le chemin du retour. On aurait aimé rendre visite à nos amis Jaab et Mixi, mais comme la pluie, catastrophique, a emporté un pont et détruit la route qui va vers leur maison, nous sommes rentrés quand même chez nous, assez fatigués. Jeudi, 13 janvier 2010 Temps nuageux et froid. Rien de spécial à part un serpent mort sur le chemin devant notre maison, un autre dans le placard d’un étudiant, et un autre dans notre bibliothèque, qu’on a pas encore découvert. Ce soir, on aura de la visite chez nous, et repas pour quatre personnes qui partiront pour quelques semaines, comme missionnaires en Inde. Famille très sympathique.
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S’IL FALLAIT CONCLURE Je ne connais Claire et Alfred que depuis quelques mois. Je les ai rencontrés par l’intermédiaire de leurs amis, la famille Klug, qui leur a suggéré de faire appel à moi pour relire leur récit, car c’est mon métier. Lors de notre rencontre, Alfred m’a très gentiment invitée à conclure ce manuscrit, selon les pensées que cette lecture m’inspirerait. Très honnêtement, s’il fallait conclure, je ne conclurais pas. D’abord, parce que l’histoire de Claire et d’Alfred n’est pas finie. Elle continue à s’écrire, jour après jour, et elle reste riche. Ensuite, parce que cette histoire se poursuivra jusque dans l’éternité, tandis que les fruits de ce qui aura été semé, en paroles prêchées, en bibles distribuées et en amitiés constituées leur survivront sur terre, je n’en doute pas un seul instant. Enfin, je pense aux enfants, aux petits-enfants d’Alfred et de Claire, pour qui ce récit, ce témoignage est un héritage précieux et qui, à leur manière, poursuivront un chemin qu’Alfred et Claire ont simplement ouvert… En rencontrant ce couple, j’ai été vivement touchée et saisie par la qualité de leur accueil et j’ai bien senti qu’ils avaient pour eux des années de pratique de ce même accueil envers bien des personnes. J’ai aimé la simplicité qu’ils dégageaient, mais aussi cette faculté d’accorder de la valeur à la moindre date, au moindre événement, à chaque souvenir, à chaque photo, et surtout à chaque personne. Comme si leur vie était proportionnellement aussi riche que l’était leur capacité à l’apprécier, dans ses moindres détails. J’ai eu plaisir à lire toutes les rencontres qu’Alfred et Claire avaient pu faire, notamment avec des personnes considérées comme des « pointures » du christianisme évangélique de ces dernières décennies, que ce soit Reinhard Bonnke, David Yonggi Cho, ou tous les missionnaires. Ces noms n’étaient pas inconnus à la fille de pasteur que je suis, mais quand quelqu’un vous parle d’eux avec autant de simplicité, ces grands hommes redeviennent humains, accessibles, attachants, comme des amis. Et puis la mission… En lisant ce manuscrit, on a l’impression d’y être. On tue les serpents avec Alfred, on est au chevet de Claire sur son lit d’hôpital à l’île Maurice, on distribue des bibles à leurs côtés. Pour un peu, on entendrait l’hélicoptère décoller et on aurait sur le bout de la langue les saveurs des plats qu’ils dégustent. Ce récit est tout à fait appétissant, il donne envie de partir, de voyager, de voir, de toucher, de goûter tout ce qui nous est décrit. À titre personnel, il m’a surtout convaincue que personne n’avait d’excuse pour ne pas faire ce que le Seigneur l’appelait à faire. Si un couple de retraités est ainsi capable de consacrer vingt ans de sa vie pour servir Dieu à l’autre bout du monde, alors tout le monde peut le faire, il suffit de le vouloir ! Au moment de conclure, parce qu’il faut bien s’arrêter à un moment ou à un autre, je ne dirai que ceci : merci Claire, merci Alfred, pour votre exemple. Et que votre histoire puisse inspirer chacun de vos lecteurs et les mettre au défi, eux aussi, de se lancer dans l’aventure que Dieu a préparée pour eux !
Vanessa Bonnefont - 147 -