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1. La recomposition de l’urbanité au sein de la ville du 21ème

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Introduction

Introduction

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1.2 Genèse .

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Dans le but d’aborder la question de l’urbanité dans le monde contemporain, il est nécessaire de reprendre la genèse de cette notion dans le temps . Comme on l’a constaté dans la souspartie précédente de ce chapitre, l’urbanité se caractérise par la relativité de sa définition . On considère alors que la diversité des connotations accordées à l’urbanité sont une résultante de la genèse du phénomène en soi dans le temps .

L’ANTIQUITÉ

L’émergence de la notion de l’urbanité est récente, cependant les valeurs qui en découlent puisent d’une histoire plus ancrée dans le passé . L’urbanité comme mode de relations sociales a été perçu dès l’antiquité, ainsi avec le progrès de la civilisation, l’urbanité naquit comme un idéal de politesse et de bon ton. En effet, on retrouve les premières traces de la notion d’urbanité dans le latin antique « urbanitas» , on le remarque notamment chez les romains . Le Romain de nature bien doué que le grec par sa politesses,sa distinction des manières et de l’esprit considérés comme des qualités innées, commença à s’éloigner de tout ce qui est dit «rusticitas» c’est à dire rusticité et ruralité .

DL’urbanité qu’on associe aux Romains puise de la civilisation grecque . Le terme Urabanitas qui marquera la civilisation romaine aura alors pour origine étymologique «l’atticisme grec» (Forme de la langue grecque particulière au dialecte attique) qui se définit en étant la qualité du discours selon l’académie des inscriptions et belles lettre de France ( 1717 ), révélant ainsi que le terme d’urbanité revient en amont aux Grecs notamment avec Aristote qui prit cette urbanité comme élément important structurant l’enseignement rhéteur afin de permettre le succès du discours et c’est dans la même vision que Quintilien, rhéteur et pédagogue romain considéra l’urbanité liée à l’esprit caractérisé par une intelligence et vivacité bien particulière. G.Lafaye (1911) L’emprunt des notions grecques n’est guère nouveau, il est indéniable que la majorité des réalisations romaines en terme urbain suivent une logique assez proche voire similaire à celle caractérisant les grecques avec quelques notions telles le tracé en Damier de type hippodamien ou les systèmes d’aménagements urbains .

Le but des romains étant de fabriquer une idée de la ville comme représentation de la civilisation romaine urbaine donnant ainsi naissance à une nouvelle urbanité pratique . En reprenant les travaux de Cicéron,( homme d’état romain, avocat, philosophe et rhéteur latin, ), G.Lafaye affirme que «l’urbanité romaine a des racines profondes dans la nation; elle s’est manifestée depuis les origines, bien avant qu’on ne songeât à la désigner par un mot particulier» G.Lafaye (1911)

Concrètement, l’urbanité dans le modèle grec et romain est caractérisée par l’espace public, qui est perçu comme symbole fort de l’urbanité antique avec l’émergence des deux notions d’Agora chez les grecs et le Forum chez les romains et se caractérisent par des principes tels le vivre ensemble, le partage et le respect .

Ces espaces publics se caractérisent notamment par leurs multifonctionnalité en devenant des espaces de rencontre et d’expression politique avec la naissance de la démocratie en Grèce, ou lieux de commerce et échange . La vision de la ville antique est celle d’un lieu de culture, de politique de rencontre et de diversité, l’urbanité va alors de pair avec la notion de la civilisation urbaine .

Parallèlement, il est aussi intéressant de mentionner l’approche stoïcienne qui définit l’urbanité comme vertu en la considérant une forme de sociabilité estimée comme essence de la civilisation . Cette vision d’urbanité comme pratique liée à la composante sociale se reflétera par la suite avec l’école de Chicago et ses paradigmes .

Lafaye Georges. L’urbanité romaine. In: Journal des savants. 9ᵉ année, Décembre 1911. pp. 543-550

LE SIÈCLE DES LUMIÈRES

Le siècle des lumières définit l’urbanité comme étant des règles de convenance liée à la sociabilité Dans le même esprit de la renaissance, on définit le siècle des lumières qui apparait au XVIIIe siècle, comme un mouvement qui remets l’individu au centre de la société . L’individu est alors vu comme un être nouveau, loi de tout préjugé . Il se caractérise par sa volonté d e connaitre, savoir et échanger avec l’autre sa culture et ses connaissances . Ce qui explique l’importance donnée aux espaces urbains publics . Le partage et l’échange s’effectuent alors dans un milieu citadin tels les salons, académies savantes ..

La société au siècle des lumières a donné une grande importance aux rapports de classe d’où viennent les différentes règles et codes vestimentaires, verbales, comportemental, ce sont ces règles qui dictent le rapport entre l’individu et l’autrui .

Cependant avec le développement de ces comportements vint celui de la pratique de l’espace public . De nouvelles règles et manières de se comporter s’émergent dans la société à travers la pratique de l’espace commun . Ces règles de convenances ont pu façonner les relations sociales entres les individus de differentes catégories sociales au coeur de l’espace public, l’individu consdère l’autre comme son semblable ayant le droit d’expression d’opinio libre .

Avec l’émergence des livres, de la connaissances et diffusions des idées nouvelles, les villes urbaines européennes deviennent des épicentres d’innovation et avec vient un développement de la vie urbain et l’émergence d’une nouvelle urbanité . Un urbanisme pratique et utilitaire qui porte un intêret à la qualité des espaces en terme de morphologie ayant alors pour but le bien-être des citadins ( installation de l’éclairage public distributeurs d’eau, ramassage d’ordures, .. ) . Ce qui marquera cette période, c’est aussi l’émergence de nouveaux équipements urbains telles les théâtres, les opéras, les cafés, parcs urbains au coeur des villes, des dispositifs considérés comme espaces stimulant la sociabilité entre habitants . On commence alors à développer des composantes urbaines publiques pour le collectif, la ville se doit alors d’être pratique .

Suite à cela , les villes européennes se retrouvent dans une mutation constante, qui se considèrent en transition continue, ce qui marquera l’urbanité aussi, une urbanité en constante mutation . C’est tout l’ensemble de ces changements générées par cette nouvelle structure sociale que l’urbanité va faire apparaître un nouveau type de d’organisation de l’espace . Durant ce siècle de lumière, de nouveaux espaces urbains naissent, des lieux hiérarchisés, concentrés et denses, ainsi dire qu’on retrouve une similarité entre les formes spatiales et les formes sociales faisant ainsi une prospective de la notion de l’urbanité qu’on définira par la suite . 23

Natacha Coquery , Urbanité, rationalité, fonctionnalité : la ville des Lumières et ses boutiques (Paris, XVIIe siècle)

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L’ÉCOLE DE CHICAGO

L’école de Chicago qui définit la ville comme un laboratoire social va nous apporte de nouvelles visions qui permetteront de comprendre les rapports interculturels dans l’espace urbain avec l’émergence de l’individualisme dans la société moderne .

Les sociologues de l’école de Chicago se sont interessé principalements aux nouveaux liens sociaux que crée la ville industrille du 19ème siècle . Il est important à noter que le terme d»urbanité» n’a pas été utilisé en soi par les sociologues de l’école de Chicaogo, néamoins, l’essence de l’urbanité en soi a été traité par ces sociologues.

En effet, les sociologues de l’école de Chicago ont pu anticipé cette notion et cela à travers des travaux et des réflexions autour des mentalités urbaines, des rapports des individus à la ville, relevant ainsi la vision d»être au monde» des individus dans un contexte urbain, cette vision étant principalement marquée par une distanciation sociale qui se déferle dans la société . La nouvelle «urbanité» de l’école de chicago réside dans le fait que les individus se caractérisant par une hétérogénéité de background, ont la capacité à exprimer et affirmer leurs différences, ainsi que de s’intégrer dans la sphère sociale .

Les sociologues de l’Ecole de CHicago ont apporté une nouvelle lecture ainsi qu’une nouvelle compréhension des bases théoriques de l’urbanité . Comme site Sylvie Bulle,maître de conférences à l’Université de Saint-Étienne , « Ils (sociologues de l’école de chicago) privilégient le caractère distributif des relations et l’armature réticulaire et inter-actionnelle de la ville, tels qu’ils engendrent des processus d’hybridation, de rencontre et une irrégularité des cultures urbaines.»

Georg Simmel, philosophe et sociologue allemand ainsi qu’une figure majeure de l’école de Chicago s’est intéressé à la nature des relations sociales entre individus et groupes dans les sociétés industrielles . Différenciant l’urbanité de la ville du début du XXe siècle des précédentes en se basant sur la nature d’interaction entre les citadins . Ainsi l’urbanité de la ville réside en ce passage d’un mode de vie rural et communautaire à un mode de vie se distinguant par l’anonymat, l’individualisme et des regroupements de masse, en expliquant que la individus composants la ville sont décomposés en sous-identités .

Il notera parallèlement qu’une des caractéristiques marquantes de la ville «moderne» est justement la distance dans les relations sociales, qui résulte des modes de production de cette période .

Ces dernièrs engendrent un mode de vie intrinséquement lié à l’individualisme . Pour Simmel, la ville se définit aussi par le caractère anonyme des interactions . Il site : «[…] la grande ville gagne une valeur tout à fait nouvelle dans l’histoire mondiale des mentalités. Le XVIIIe siècle trouvait l’individu retenu par des liens d’ordre politique et agraire, corporatif et religieux, qui lui faisaient violence et qui avaient perdu tout sens.

«Ces oppressions imposaient à l’homme, pour ainsi dire, une forme « non naturelle » et des inégalités depuis longtemps injustifiées. C’est dans cette situation qu’est né l’appel à la liberté et à l’égalité – la foi dans la pleine liberté de mouvement de l’individu dans les rapports sociaux et intellectuels [...].» (Simmel,1903) .

Selon Simmel, l’interaction des individus entre eux par des relations sociales plus distances permet d’engendrer certaines libertés, autant dire que cette nouvelle urbanité se crée dans une ville qui réunit opportunités et contraintes .

De son coté Ervin Goffman, sociologue interactionniste americain crée une analogie entre les interactions au sein de la ville et le théâtre, en considérant les habitants comme «comédiens et l’espace public comme scène de théâtre .

Richard Sennet, Les Tyrannies de l’intimité, 1979. In: Sociologie du travail, 22ᵉ année n°4, Octobre-décembre 1980

En continuité avec la vision de Simmel, Isaac Joseph, sociologue français ayant introduit les notions de l’école de Chiacgo en France, reprendra la figure de «l’étranger» de Simmel afin de mettre en lumière l’impact de la diversité culturelle sur l’interaction sociale dans le milieu urbain .

C’est ce que va développer Richard Sennet, sociologue et historien américan . Pour Sennet, l’urbanité est intrinsèquement liée à la diversité culturelle et que «les êtres peuvent agir ensemble sans avoir l’impression d’être tous identiques» ( Sennet, 1980 ).

Les approches et travaux annonciateurs des sociologues de Chicago feront guise par la suite de bases à la définition de la notion de l’urbanité . Ce qu’on retiendra par la suite, c’est la théorie de Simmel envers l’urbanité et l’individualisme qu’on traitera plus précisément par la suite ...

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Urbanité, diversité, altérité © Telerama

Richard Sennet, Les Tyrannies de l’intimité, 1979. In: Sociologie du travail, 22ᵉ année n°4, Octobre-décembre 1980 Georg Simmel. Brücke und Tür. Essays des Philosophischen zur Geschichte, Religion, Kunst und Gesellschaft. (1903) [trad. fr. « Pont et Porte », trad.

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1.3 L’urbanité contemporaine .

A travers l’approche historique et sémantique de l’urbanité, on arrive à mieux comprendre l’émergence et le développement de cette notion qu’est l’urbanité, de sorte à ce qu’elle conditionne le citadin en milieu urbain . Avec l’école de Chicago, la notion d’individualisme a commencé à s’instaurer pour arriver à ce qui l’en est aujourd’hui . Pour rappel, on retiendra l’urbanité comme interaction entre les individus dans un espace urbain donné, c’est ainsi la un procédé permettant de caractériser un espace physique donné par le biais des interactions entre individus à travers le lieu urbain .

Ces nouveaux liens qui se tissent à travers l’espace urbain ont pour rôle de redéfinir les identités urbaines des individus sur fond d’un contexte de métropolisation et de mondialisation . Notre monde contemporain se voit réinventer une nouvelle urbanité conditionné notamment par une émancipation de la société se reflétant ainsi par plusieurs phénomènes. Au cours de cette section, on étudiera de plus près deux des caractéristiques de la société contemporaine:

LIENS SOCIAUX D’URBANITÉ

De profondes transformations des structures sociales ont eu lieu au sein des sociétés industrielles menant ainsi à l’individualisation .

Ce qu’on vit aujourd’hui peut être considéré comme séquelles de la ville industrielle du 19ème siècle, de nouveaux liens sociaux émergent, c’est ce que reprend Georges Simmel, sociologue allemand, s’intéressera à ce qu’on qualifia de dynamique des relations sociales dans les sociétés industrielles, il constatera les changements des liens sociaux des grandes villes ainsi qu’au nouveaux modes de vie créent ainsi de nouveaux modes de socialisation à travers «Métropoles et Mentalité», où il expliquera que la ville du 20ème siècle dite «ville moderne» se caractérise par la nature des interactions entres individus qui connaîtront une sorte de distance entre ces relations sociales qui caractériseront la ville et lui donneront une dimension d’anonymat .

Selon Simmel, la rationalisation des mode de fabrication seront derrière ce phénomène de distanciation sociale, et cela à travers le mode de vie qui devient effréné et qui connaîtra l’émergence de l’individualisme . Il est important de noter que pour Simmel, cela ne sera point pour autant considéré comme point négatif car cette distanciation sociale permettra d’établir certaines libertés, il qualifia alors la ville moderne comme lieu non seulement de contraintes mais aussi lieu d’opportunités Ce qui nous amène à ce qui se passe aujourd’hui, dans notre contexte contemporain où on prétend que les liens sociaux crées sont «superficiels», ces liens considérés par François Ascher, urbaniste et sociologue français contemporain comme «liens faibles teintés d’individualisme» . On est entrain d’assister à une mutation, plus que jamais, marquante, vers la virtualisation des pratiques sociales ayant ainsi un impact direct sur le rapport de l’individu à l’altérité et la coprésence d’autrui .

C’est ce qu’exprime Ascher : « chaque individu entre en relation avec un nombre croissant d’autres individus, chaque jour et tout au long de sa vie» (F.Ascher,2012)

Ascher, F. (2012). Les Nouveaux principes de l’urbanisme : suivi de Lexique de la ville plurielle. Editions de l’Aube. Simmel, G. (1950). The Metropolis and Mental Life. In K. H. Wolff (Ed.), The Sociology of Georg Simmel. New York: The Free Press.

Mutation sociale vers l’individualisme

L’Homme que crée la ville aujourd’hui est différent de son ancêtre . Avec l’évolution à pic caractérisant notre société ainsi que l’affranchissement des modes de vie et de communication entre individus , de nouvelles notions viennent façonner l’urbanité contemporaine, la notion de l’anonymat dans les grandes villes et métropoles prend le dessus . Une propension à l’individualisme marque notre vivre ensemble contemporain .

Commençons par la définition de l’individualisme, selon Marie-Flore Mattei, chercheur au CNRS, l’individualisme est l’ensemble de pratiques sociales et des représentations qui permettent de caractériser la vie urbaine . L’individualisme souvent lié à l’émancipation de notre société, renferme en soi un dilemme opposant une vision de l’individualisme comme revendication d’une autonomie de l’individu ainsi que l’indépendance de chacun à une vision aliénant la vie sociale et faisant place à une désagrégation sociale . Il est pour autant considéré comme «cette capacité d’autonomie et de réflexivité qui amène l’individu contemporain à imaginer un nouveau type de lien social.» (Danièle Peto, individualisme et lien social) La ville, comme on l’a connait aujourd’hui, est par excellence une production de l’individualisme . Cela se manifeste justement par le changement de la structure des ménages qui va de plus en plus vers une déclinaison en nombre à contrario de ce qui caractérisait la société auparavant.

Aujourd’hui, il est tout à fait récurent de voir des ménages composés de deux jusqu’à trois individus, ce phénomène en soi contribue au développement de l’individualisme au sein de la société contemporaine. L’individu est mutant, résiliant et s’adapte à chaque situation donnée . D’une autre part, la désynchronisation des rythmes de travail, d’études et modes de vie contribuent à la dispersion de la société .

Avec l’émaciation des technologies nouvelles offrant LE choix à chaque individu, ce dernier ressent le pouvoir de décider une autonomie qui mène chaque individu à affronter «son propre sort». On prendra l’exemple des cours en ligne (apprentissage de langue, cours de sport, cours de cuisine, .. ) étant accessible selon des horaires personnalisés pour chacun . On notera que c’est le même cas pour les salles de sports ouvertes 24h/24, la disponibilité des films en streaming sans pour autant se déplacer au cinéma ou la possibilité de «revoir» un live d’événement culturel, sportif ou politique . Cette facilité d’accessibilité que nous procure «internet» et nouvelles technologies encouragent en amont l’individualisme et génère cet individu contemporain auquel Michel Gauchet, philosophe et historien français fait référence, il précise : « L’individu contemporain, ce serait l’ individu déconnecté symboliquement et cognitivement du point de vue du tout, l’individu pour lequel il n’y a plus de sens à se placer du point de vue de l’ensemble. On conçoit dès lors en quoi ce type de personnalité est de nature à rendre problématique l’exercice de la citoyenneté» ( Gauchet, « Essai de psychologie contemporaine » in Le Débat, n°99, mars-avr. 1998, p. 177

Cette société s’émancipe au cœur d’une ville dite «ville au choix» : l’idée que la ville personnalisée permet à chaque citadin de se confectionner un lieu propre à lui, répondant ainsi à ses propres besoins spécifiques . Cet éventail de possibilités et choix se manifeste par la diversité des activités, des pratiques, des préférences . C’est effectivement ce qu’on vit aujourd’hui dans notre société. Les larges choix mènent à une dispersion au sein du groupe social ( amis, famille, collègues.. )

Toutes ces différentes alternatives joueront un rôle important dans l’émancipation de l’individu et justement donner plus d’importance à l’individualisme . Par ailleurs, il se doit de souligner l’impact de cette émancipation sur l’individu et la société en soi . Ce bouleversement de la société ainsi que la prolifération de l’individualisme n’est pas pour autant anodin .

Danièle Peto, «individualisme et lien social Individualisme et lien social : paradoxe ou opportunité pour des imaginations nouvelles?» , p 3 ) Gauchet, « Essai de psychologie contemporaine » in Le Débat, n°99, mars-avr. 1998, p. 177

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L’hikikomori comme « extrême contemporain de l’individualisme» :

L’Hikikomori , un phénomène social qui voit le jour au Japon au milieu des années 80, est ce qu’on pourrait qualifier d’ermite moderne ou un proxise de l’individualisme . Qualifié d’extrême contemporain»(Le Breton,199) ne s’agissant ni d’anomalie ni de norme dans notre société contemporaine . La première caractéristique du Hikkomiri est la réclusion sociale en vu de s’isoler du regard d’autrui . ,

L’hikikomori est la représentation de la contradiction du rapport à l’autre, car l’individu en soi présente un besoin nécessaire et accru au regard de l’autre tout en ayant une peur et méfiance de ce même regard reflétant ainsi une certaine fragilité que porte chaque individu dans la société . Il est alors considéré comme expression extrême de la tension de l’individu contemporain par rapport à l’autre . «Un désir de sociabilité fondée sur l’évitement et le contrôle» ( Gariel Dumas, 2015 )

Ce phénomène, qui commence à être observé un peu partout dans le monde, en Arabie Saoudite, Espagne, Italie, France ou Corée du Sud , est en soi le résultat de l’avènement d’une société contemporaine basée sur l’autonomie ayant en amont les changements profonds de la société laissant l’individu abandonné à lui même .

L’individu, pris au piège de l’individualisme, éprouve une difficulté à établir contact avec autrui, le menant à se retirer de la société, devenant ainsi un individu souffrant de conflits intérieurs et d’incapacité à faire face au monde extérieur . L’individu autonome est un individu réflexif, cela veut dire un individu qui se pose constament des questions sur lui-même et sur le monde qui l’entoure . Bien évidemment, afin de mieux s’orienter, avancer et se construire, l’individu a besoin des autres, pratiquer une altérité lui permettant de protéger sa nature fragile.

Car, en fin de compte, l’être humain, aussi indépendant qu’il soit, aura toujours besoin de son semblable, car il ne pourra jamais tout porter tout seul .

Cette réflexion nous invite à penser et imaginer la mise en œuvre du lien social dans une société contemporaine qui connait, aujourd’hui plus que jamais, un accroissement d’individualisme .

Il vous suffit d’aller à un espace public pour prendre conscience que la foule urbaine n’est finalement qu’un amas de nomades connectés .

Une société où chaque individu est présent, mais ailleurs, où on se sent seul au milieu de la foule ..

Le Breton David . (1999). L’adieu au corps, Paris, Métaillé . Dumas, Gabriel « L’hikikomori: un extreme contemporain du rapport contradictoire à l’autre» , 2015, Québéc .

Le rapport à l’altérité

Les liens sociaux et les opportunités d’échange et de rencontre sont considérés aujourd’hui comme le fondement d’une ville soudée et cohérente . Les liens sociaux peuvent alors être considéré comme modalité permettant à l’individu d’être en contact avec le monde qui l’entoure de sorte à créer ces échanges entre soi et autrui . La socialisation est alors unp processus qui se développe sur toute une vie à travers la répétition des interactions entre individu dans l’espace urbain.

Certes malgré la montée de l’individualisme caractérisant la société comme une société d’individus, il se doit de reconnaître que c’est l’existence de l’individu à travers les groupes sociaux qui lui permettra de vivre des expériences sociales et de se construire comme individu réflexif et autonome ainsi que définir son identité individuelle .

Ces groupes sociaux sont des sous-ensembles qui se basent sur des relations multiformes ( compétitives, conflictuelles, associatives .. ) générant ainsi un système menant à une certaine dynamique sociale .

L’individu, même selon le contexte actuel qu’on a pu décortiquer précédemment, est un être social, il manifeste une volonté de vivre-ensemble et plus important affirmer soi-même par le biais à de l’autre . Cette altérité qu’on pourra définir comme reconnaissance d’autrui, comme entité à part entière reflétant une différence tout en ayant une reconnaissance d’une individualité propre à chacun.

Une définition qu’on pourrait retenir étant : «l’altérité est le maintien de relations riches avec les autres requiert, simultanément, l’expérience symétrique d’une identification empathique (on donne et on reçoit ) et l’expérience asymétrique de la différence individuelle, subjective ( MatteBlanco, I , 1975 )

L’anonymat

Il est bien évident que le rapport à l’autre qui s’établit aujourd’hui est loin de celui qu’on connu nos ancêtres . La première distinction est que nous sommes des citadins urbains, pratiquant une ville qui, en parallèle à l’émergence de l’individualisme, se voit donner un degré d’annonymat de plus en plus important à ces pratiquants . Autre fois, dans le monde rural, les habitants se connaissent tous, générant ainsi des liens sociaux entre individus se basant sur des aspects identitaires reliés au passé ou aux appartenance familiales de chaque individu .

Aujourd’hui, grâce à l’urbanité, on s’éloigne de plus en plus des modes de socialisation du monde rural en assistant à l’établissement de nouvelles relations sociales basées sur l’anonymat . Ces relations se caractérisent notamment par l’absence de présuppositions et préjugés . Chaque individu est anonyme, ce qui lui permet de s’identifier comme bon lui semble, créant ainsi une identité libre et personnelle, où chacun a le libre choix de montrer sa personnalité et de se définir comme une entité individuelle à part entière . La relation avec autrui dans le cadre de la ville d’anonymes est alors unique, non seulement on se retrouve à chosir qui on est, mais aussi choisir avec qui on tisse ces liens qu’on décrit comme “ consentement individuel”

La relation avec autrui est minitueusement choisie, on détermine avec qui on veut partager notre quotidien, nos échanges, nos histoires, nos connaissances .. L’anonymat est alors un vrai atout à la société contemporaine que les individus ne sont pas prêts à s’en priver . Ce phénomène a été décrit par Max Weber, économiste sociologue allemand, dans son livre “la ville” où il décrit les liens électifs dans la ville moderne comme “sociation”, expliquant ainsi que l’indivdu choisis proprement et avec une certaine indépendance et autonomie ces liens électifs qui sont justement une conséquence de l’émergence de l’individualisme dans la ville lui permettant de se définir en toute liberté .

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Matte-Blanco, I , 1975, The Unconscious as Infinite Sets : An Essay in Bi-Logic, London, Duckworth dans Civin 2002, p147 . Colliot-Thélène, Catherine. « Repères bibliographiques », Catherine Colliot-Thélène éd., La sociologie de Max Weber. La Découverte, 2014,

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L’identité sociale à travers le collectif

Par définition, le collectif est « un ensemble de personnes participant d’une manière concertée à une entreprise quelconque», au delà de la simple définition du dictionnaire, on définit le collectif en étant la résultante du vivre-ensemble des individus , le collectif est alors synonyme de tout ce qui est partage, permettant à chaque personne de s’exprimer verbalement ou physiquement, avec liberté . C ‘est justement à travers ce collectif que l’individu s’affirme et se construit dans toute sa singularité . Ce mode de vie en collectivité est ce qui permettra le développement de tout individu donnant à chacun une identité à travers les relations sociales .

Toute socialisation se fait au niveau de la collectivité, l’identité de l’individu est alors indissociable à autrui, ce qui peut être interprété comme une dépendance à l’entourage . . C’est ce qu’explique Jean-Marc Stébé, sociologue français , dans son livre “les grandes questions sur la ville et l’urbain” sitant Simmel : “ Quoi qu’il en soit, il faut là encore revenir à Simmel (1999), lequel a effectivement montré combien le régime de vie urbain conjugue processus d’individuation, synonyme de plus grande maîtrise par ‘individu de ses réseaux de relations, et processus de socialisation, renvoyant à l’intégration de l’individu dans la société.” ( Stébé, les grandes questions sur la ville et l’urbain )

Cette recherche du juste milieu est ce que nous constatons aujourd’hui . L’individu, malgré sa spécification et son individualisme, se retrouve naturellement à vouloir faire partie d’un groupe ou collectivité, son identité se voit intrinsèquement nouée, malgré son individuation à la collectivité . Mon hypothèse est que le besoin d’appartenir à un groupe, de se sentir dans un groupe, est inhérent à la nature humaine sans omettre que parallèlement l’individu est loin de renoncer au goût de liberté qui lui est octroyé .Ce qui nous renvoie encore une fois à cette question de trouver le juste milieu entre les deux .

Ces constats de ce qu’en est les relations sociales entre individus aujourd’hui nous pousse à repenser et restructurer l’espace. En analysant ce qu’on vit aujourd’hui, et pour revenir à notre problématique de base, il nous paraît évident que ces nouveaux liens sociaux qui émergent auront besoin d’un espace urbain allant dans le même principe que le développement de ce type de relations .

Marchal, Hervé, et Jean-Marc Stébé. Les grandes questions sur la ville et l’urbain. Presses Universitaires de France, 2014

Plusieurs phénoménes qu’on vit aujourd’hui témoignent de cette pratique sociale bien particulière :

Le café co-working

A première vue, ce café parait normal, comme tout autre café standard, mais au fond, l’idée est que chaque personne puisse y travailler, dans la majorité des cas de manière individuelle. Le principe est simple, chaque personne, munie de son ordinateur ou tablette, plonge dans son monde unique oreilles bouchés et consommation de coté (qui d’ailleurs peut être sur facturé la majorité du temps ce qui invraisemblable-ment ne pose pas de problème au consommateur )*, s’y installe et y travaille des fois pour de longues heures . La première question qui se pose, pourquoi ces personnes, avec un travail individuel, se retrouve à vouloir travailler collectivement avec un groupe d’inconnus dans le même espace, sans pour autant établir n’importe quel contact . D’autres espaces et lieux connaissent aujourd’hui des pratiques similaires, on les développera dans le prochain chapitre concernant les lieux d’urbanité . The Coffee shop sound

Si le besoin d’être en groupe est intrinsèque à la condition humaine et que notre monde contemporain est entrain de connaitre un accroissement d’individualisme. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, que recherche l’individu en fin de compte ? Des vidéos qui ne font qu’imiter le bruitage de cafés, d’individus qui discutent sans pour autant avoir une visibilité sonore de ce qui ce dit, c’est le genre de vidéos qui atteins des millions de vue . Ironiquement, c’est ce que l’individu recherche en allant aux cafés, food courts, stations de service . On se dit que les bibliothèques ne sont plus fréquentés, or d’autres espaces qui ne sont point sonçu pour une fonction pareil se voit gagner en popularité chez les étudiants, employés, freelancers ou tout autre personne désirant travailler . Tout compte fait, c’est le sentiment que procure la présence d’autrui que recherche chaque individu, sans que cela compromette son rythme de travail, ses choix personnels et sa liberté en général .

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V.CAFE, Paris © Boumahdi Lina Youtube Screenchot © Boumahdi Lina

LIEUX SOCIAUX D’URBANITÉ

Les architectes ne contrôlent pas tous les aspects d’un lieu : si la forme de l’espace est en grande partie sous leur contrôle, les activités qui s’y déroulent ne suivent point la même logique .

La conception et la perception du lieu est généralement créée par la société et le contexte dans lequel le lieu s’inscrit, ainsi que par les pratiquants de l’espace eux-mêmes : prenons comme analogie le foyer familial, l’architecte peut dessiner et conceptualiser une maison, mais seule la famille qui l’habite peut en faire un foyer. De ce fait, on se doit alors de distinguer en premier lieu les différentes typologies des espaces qui génèrent une urbanité ainsi que la pratique de chaque lieu par rapport aux individus .

Pour cela, je me baserai sur la différenciation de deux typologies d’espaces, qui, à mon avis, forment la base de la sociabilité et de l’urbanité dans notre société contemporaine . Ces lieux d’urbanité sont alors partagé entre lieu physique typique et lieu virtuel de plus en plus émergent .

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Lieu d’urbanité virtuel : les nouvelles technologies comme médiateur d’urbanité

L’urbanité comme vivre ensemble contemporain est une résultante d’émergence de nouveaux modes de communciation entre individus, une nouvelle urbanité virutelle qui fait sujet de débat . L’émergence des nouvelles technologies de l’information et de communication contribuera largement à la détermination de la notion de l’urbanité dans notre contexte actuel .

On notera que l’impact du développement du numérique se traduit dans l’espace urbain à travers l’apparition de nouvelles formes de rencontre et d’échange entre individus dans la ville . Prenons l’exemple de ce qu’on a vécu les deux dernières années, l’état des pratiques urbaines a connu un chamboulement dû à la pandémie du COVID 19 engendrant ainsi une nouvelle relation entre l’urbanité et la virtualité. En effet, tout échange social et rencontre eût lieu en virtuel . L’un des exemples marquants cette transition est sans doute le «télétravail» donnant lieu d’être à une potentielle nouvelle urbanité .

Le «télé-travail» a fait ses preuves comme nouveau lieu d’échanges et de «co-working» virtuel . Qui dit échange, dit certainement rencontre entre individus, qui résulte à une urbanité «virtuelle» . Dans la même logique, on retrouve toute activité ayant comme résultat une certaine urbanité dans le monde réel , dans ce monde virtuel .

A noter que ce bouleversement de pratiques urbaines et sociales reste sujet à de nombreuses critiques, car au final, les échanges distanciels n’auront jamais la spontaniété des échanges présentiels, le virtuel altèrera toujours la réalité du monde physique réel que nous vivons . Cela dit, on ne peut pas nier l’importance du cyberspace et d’internet en général comme étant une altérnative à l’espace public notamment, plus précisement durant ces durs moments qu’on vit où on est contrait de se distancier et essayer de trouver d’autres moyens et alternatives afin de ne pas se rerouver renfermer dans son propre monde .

Ascher, F. (2012). Les Nouveaux principes de l’urbanisme : suivi de Lexique de la ville plurielle. Editions de l’Aube. Simmel, G. (1950). The Metropolis and Mental Life. In K. H. Wolff (Ed.), The Sociology of Georg Simmel. New York: The Free Press.

Internet comme plateforme de sociabilité :

Toute activité sociale et culturelle transcendent la forme de l’espace dans lequel elles sont physiquement situées. Les événements publics sociaux et culturels qui se déroulent sur Internet sont une illustration extrême de cette idée. Durant les dernières années, plus précisément après avoir vécu une pandémie, nous avons pu constaté qu’on a plus besoin d’espace physique pour prendre part d’une activité sociale prenant part à la sphère publique. L’expérience interconnectée émise par internet a permis à notre société de trouver de nouveaux moyens significatifs de former des relations et lien sociaux , cela à travers l’expression des opinions et l’expérimentation d’événements culturels en ligne, ce qui nous permet de considérer Internet comme une nouvelle forme d’espace public menant à l’urbanité . De même que la relation traditionnelle entre la société et la ville est facilitée par l’espace urbain étant ainsi une base permettant d’établir l’urbanité, l’espace public numérique a également trouvé sa place au cœur de la société contemporaine .

Richard Sennett, souligne l’importance de ce changement dans la façon dont l’espace public est conçu lorsqu’il décrit l’espace public numérique. Aujourd’hui, les technologies de la communication ont radicalement modifié la notion de lieu, l’espace public se trouve autant dans le cyberespace que sur le sol physique. Sennett insiste sur cette nouvelle capacité d’interaction sociale sans avoir à être physiquement présent dans la situation impliquant que nous avons trouvé de nouveaux moyens de façonner nos attitudes et nos comportements les uns envers les autres sur l’internet, en élargissant nos idées préconçues sur ce qui définit l’espace public.

Les appareils mobiles et la société envahissante des réseaux sociaux nous ont donné la possibilité de transporter l’espace public dans nos poches, ce qui nous permet de faire l’expérience des rencontres et échanges qu’on vit dans l’espace public et cela sous de nouvelles formes numériques. Citant ainsi l’exemple des forums publics en ligne accueillent désormais l’arrière-plan de discussions et de débats, les sites de médias sociaux sont devenus les nouveaux lieux de rencontre et d’expression de soi, et les mêmes véhiculent des idées culturellement pertinentes engendrant ainsi un symbolisme visuel cultivant une signification collective.

Dans l’espace public numérique, nous sommes capables de reconstruire nos identités personnelles et l’identité de nos villes grâce à un partage sélectif de l’information, nous avons la possibilité de dire ce que nous pensons et de partager nos passions de manière plus fluide et de partager nos passions de manière plus fluide dans un cadre anonyme. Par ailleurs, il se doit de rappeler les limites de telles pratiques qu’on a pu voir lors du sous-chapitre précédent sur la relation avec autrui .

L’émergence des technologies est un

33 fait réel qu’on vit, le nier et l’omettre

ne s’envisage pas . C’est pour cela qu’il faudrait le cadrer, en prendre l’essence et le mettre en faveur des échanges physiques réels . Accepter une réalité donnée en exploitant ce potentiel que nous procure ces nouvelles technologies afin d’établir l’urbanité comme interaction entre individus caractérisant notre société contemporaine, une manière d’être, de vivre, de rencontre pensées dans ce cadre particulier .

Claire Bidart, réseaux personnels et processus de socialisation, idées économiques et sociales, 2012,p 10 )

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The metaverse : lieu d’urbanité de demain

L’urgence de mettre à niveau les espaces publics nous est éminente plus que jamais, dans un monde qui bouge comme jamais auparavant, il se doit de procurer aux lieux publics, plus précisément de divertissement , une nouvelle vision, cela pour atténuer la ségrégation de ces lieux vers le monde virtuel notamment.

On débutera par définir ce qu’est la metaverse : “Le Metaverse est un espace collectif virtuel partagé, créé par la convergence de la réalité physique virtuellement améliorée et de l’espace virtuel physiquement persistant, y compris la somme de tous les mondes virtuels, la réalité augmentée et l’Internet. Le mot metaverse est un portmanteau du préfixe «méta» et «univers» et est généralement utilisé pour décrire le concept d’une itération future de l’Internet, constituée d’espaces virtuels 3D persistants et partagés liés à un univers virtuel perçu. Le terme a été inventé dans le roman de Nef Stephenson de science fiction de novembre, Snow Crash, où les humains, en tant qu’avatars, interagissent les uns avec les autres et les agents logiciels, dans un espace tridimensionnel qui utilise la métaphore du monde réel.

.Dans l’immédiat, The Metaverse va changer notre façon d’interagir, de socialiser, et de tisser des liens sociaux donnant place à une nouvelle urbanité . Le métavers construit un monde où la vie numérique compte plus que la vie physique, ce qui est révélateur de la façon dont nous allons entretenir le lien avec autrui . Le metaverse pourrait alors changer la façon dont nous interagissons, de la même manière que les appareils mobiles ont changé la société actuelle.

Les plateformes de médias sociaux telles que Facebook et YouTube, ainsi que d’autres applications de communication en ligne, notamment l’utilisation de plates-formes de vidéoconférence telles que Zoom Video Communication et même la navigation sur Internet, ont fait l’objet de controverses et de critiques en raison des risques qu’elles présentent pour la sécurité et la vie privée du public. Ces plateformes et applications ont été critiquées pour leur caractère trop intrusif, notamment parce qu’elles collectent de nombreuses données auprès de leurs utilisateurs, ce qui crée des risques pour la sécurité et la vie privée. En outre, ces données ont été collectées, vendues et utilisées pour des publicités en ligne intrusives, ainsi que pour des vols d’identité et d’autres cybercrimes.

Il convient également de mentionner que certaines entreprises à l’origine de ces plateformes n’ont pas su répondre aux critiques qui leur ont été adressées. Les plateformes Meta ont fait l’objet d’enquêtes dans le monde entier en raison de leurs supposées pratiques internes qui minimisent voire négligent la façon dont leurs plateformes de réseaux sociaux impactent négativement sur les intérêts de leurs utilisateurs

Ce qui serait alors intéressant, c’est d’anticiper l’utilisation de cet univers . En effet, chaque expérience nécessitera une base physique . C’est sur ce point qu’on va se baser pour justement créer des espaces allant dans le même esprit, des espaces qui accueillerons ce nouveau monde au lieu de le nier et de se retrouver en parallèle .

Ironiquement, c’est ce que l’individu recherche en allant aux cafés, food courts, stations de service . On se dit que les bibliothèques ne sont plus fréquentés, or d’autres espaces qui ne sont point conçu pour une fonction pareil se voit gagner en popularité chez les étudiants, employés, freelancers ou tout autre personne désirant travailler . Tout compte fait, c’est le sentiment que procure la présence d’autrui que recherche chaque individu, sans que cela compromette son rythme de travail, ses choix personnels et sa liberté en général .

Smart, E.J., Cascio, J. and Paffendorf, J., Metaverse Roadmap Overview, 2007.

La sociabilité virtuelle dans l’espace physique© Boumahdi Lina

Lieux d’urbanité physiques:

Toute interaction sociale dépend du contexte et lieu où se situent les individus . La nature d’interaction que va mener un groupe d’individus dans une école par exemple est différent de celui que ménera un autre groupe dans un lieu de culte par exemple, c’est pour cela que le lieu comme composante urbaine est important pour atteindre une urbanité . Des lieux spécifiques peuvent encourager les individus à socialiser, à l’opposé, d’autres lieux pourront stimuler le repli envers soi . Celà dit, a nature des lieux de socialisation joueront un rôle important dans la détermination et la caractérisation la relation de l’individu à autrui .

Aujourd’hui, on remarque l’accroitement d’un certain délaissement des lieux publics typiques de la ville, et cela précisément par les classes moyennes et supérieurs, ainsi que par les différentes tranches d’âge , génerant ainsi des espaces de plus en plus dépourvues de mixité sociale. A l’encontre de nouveuax espaces qui se voit hébérger cette même mixité sociale, notant que de base, ces espaces ne sont pas affectés comme espaces de sociabilité et d’urbanité .

Des lieux d’urbanité atypiques

Les centres commerciaux :

Il suffit d’aller à un centre commercial pour être conscient de l’appropriation de ces “nouveaux espaces publics” par un public plutôt hétérogène et mettre ainsi en évidence l’émergence de nouvelles pratiques sociales au sein de ces lieux qui à priori sont conçus pour but commercial. Tels les centres commerciaux, les gares, les boulangeries, les restaurants . Afin de mieux cerner ce phénomène plutôt récent, on s’appuira sur l’analyse faite par T.Harroud, architectegéographe et enseignant-chercheur à l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme (INAU) de Rabat sur “L’arrivée des centres commerciauw dans les marges urbaines de Rabat : lieux inédits de sociabilité et de déambulation urbaine” .

Tarik Harroud, « L’arrivée des centres commerciaux dans les marges urbaines de Rabat : Des lieux inédits de sociabilité et de déambulation urbaine », L’Année du Maghreb, 12 | 2015, 75-89.

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Harroud décrit les centres commerciaux comme l’émergence d’un nouveau phénomène social, consitituant “ des lieux révélateurs de l’occidentalisation des modes de vie locaux et de l’ouverture de la population aux nouvelles formes de la société de consommation” ( Barthel et Smida,2002 ) (Nouveaux lieux communs et modernité urbaine dans l’espace résidentiel Nord de Tunis, 2002) . Il s’agit en premier temps de noter l’hétérogénéité des profiles pratiquants ces nouveaux lieux * ( on notera que l’émergence des malls fut vers la fin des années 1990 notamment avec la création du MarjaneBou Regreg fin années 1980 ). En effet, on y retrouve des individus d’âge, genre et classe sociale confondue. qu’il soit solitaire, en groupe d’amis ou en famille, on remarque une certaine mixité qu’on commence à perdre de plus en plus dans les espaces publics jadis destinés à la socialisation (rues publiques, parc, jardins .. ) faisant ainsi place à de nouvelles formes d’être ensemble . Ce qui justifie la forte accessibilité et le nombre d’individus ayant recours à ces lieux commerciaux comme lieux de sociabilité est en amont dû à la configuration de base de ces espaces leur donnant une dimension sociale et culturelle . En effet, l’idée derrière la conception des lieux similaires est de pouvoir créer des espaces de consommation qui vont de part avec des espaces “non marchands” jouant ainsi sur l’agencement des espaces en termes de mise en scène, lumières, mobiliers urbains (bancs, accoudoirs, aire de jeux .. ), les food stands.. Paradoxalement, ces lieux sont souvent une forme d’imitation des espaces publics en ville . Sans omettre les manifestations culturelles et musicales qu’organisent ces centres commerciaux en période de festivités, attirant ainsi des groupes sociaux différents, dans le but de se divertir et “casser la routine” .

La popularité des lieux commerciaux est sans doute une résultante de la diversification de l’usage de ces espaces offrant : “ shopping, approvisionnement, distraction, divertissement, sport, culture, animation” ( T. Harroud, 2015 ) Même si ces centres connaissent un développement d’une forme d’»urbanité», ces derniers font sujet de débat, peut-on vraiment les considérer comme lieu d’urbanité car au final, ces espaces restent sélectifs et limités, cela à travers une certaine logique suivie par les commerçants, étant de cibler, sélectionner une clientèle bien précise quitte à restreindre les populations démunies . Ce qui a pour résultat, l’émergence de liens sociaux dépourvues de liberté et cela en se basant sur le déploie d’une sociabilité établie entre des groupes sociaux homogènes que regroupe le besoin de consommer . Le but ultime de ces centres commerciaux étant d’encourager à consommer, les espaces de consommation devient alors des espaces de rencontre encourageant les échanges en étant mis en valeur à condition d’y consommer justement, tel est le cas des fast foods, cafés, jeux pour enfants, tout a un prix à payer .

Par ailleurs, on remarquera que les espaces censés être de “non consommation” sont moins bien traités, dans le butt justement de les rendre des espaces passagers et de desserte . C’est ce que confirme justement T.Harroud en citant un responsable d’un des grands centres commerciaux au Maroc lors de l’étude menée sur le sujet “ La responsable commerciale du Méga Mall le confirme bien dans ce propos : « Si l’on tolère parfois la présence de pratiques de promenade dans notre mall cela ne doit pas prendre une ampleur importante car à la longue ça va nuire à notre image, ces pratiques sont autorisées mais pour une certaine limite » (d’après l’entretien réalisé avec A. Iraki, 2010, responsable commerciale de l’enseigne) “ ( T. Harroud, 2015 )

Tarik Harroud, « L’arrivée des centres commerciaux dans les marges urbaines de Rabat : Des lieux inédits de sociabilité et de déambulation urbaine », L’Année du Maghreb, 12 | 2015, 75-89. Barthel et Smida, Nouveaux lieux communs et modernité urbaine dans l’espace résidentiel Nord de Tunis, 2002.

Les micro-espaces publics :

En examinant l’utilisation de lieux moins typiques appelés «espaces quasi-publics» ou «micro-espaces», tels que les parvis de gare, les cages d’escalier, les coins de rue des lotissements ou même les couloirs des centres commerciaux, on se rend compte que ce qui attire l’usager enfin de compte est la nature du lien social qui s’établira justement. Nombre de ces espaces sont caractérisés comme des «espaces quotidiens» un terme qui traduit bien leur utilisation occasionnelle, quotidienne et fonctionnelle .

On pourra remarquer notamment l’appropriation et l’occupation prolongée (allant des fois à des heures ) des jeunes et adolesents de ces espaces de desserte comme vrai espace de rencontre et d’échange. Les escaliers, les couloirs, l’entrée des malls, voire les alentours des escalators, se sont ces espaces qui connaissent une certaine popularité au près de cette jeune population. Ce phénomène est d’ailleurs expliqué par le fait que cette jeune population a pour but premier de pratiquer des espaces “gratuits”, ce que justement offrent ces centres commerciaux, bien évidemment avec des limites, à cette catégorie d’individus .

La conception, l’organisation et l’aménagement de ces espaces de détente et rencontre facilitent aux jeunes de se rencontrer et de créer des lieux de repère entre eux . Ainsi que leurs donnant une certaine sensation d’appropriation de l’espace quite à être considéré comme une manière de marquer leurs présences au sein de la société .

Arribat center © Arribat Center sur Facebook

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Tout ces espaces présentent un réel potentiel et opportunité au citadin de vivre une certaine altérité . Les individus s’y rencontrent afin de créer des moments de partage et d’échange qui des fois peuvent être brefs sans pour autant être insignifiant . Cependant, avec l’émergence des nouvelles technologies, de nouveaux espaces virtuels apparaissent, donnant ainsi aux individus une approche plus “émancipée” de se socialiser . Aujourd’hui, on y assiste avec notamment le développement de la technologie de la réalité virtuelle et plus récemment, “ la métaverse” qu’on développera dans le chapitre suivant .

Notant qu’on est conscient de l’importance du lieu d’urbanité physique, on se demandera alors que fait la popularité de ces espaces ? En même temps, on notera que paradoxalement, les espaces conçus pour accueillir un public ( tels les parcs, jardins .. ) sont souvent desertiques, alors que certains espaces qui de base ne sont pas conçu pour une fonction de sociabilité se retrouve à gagner de la popularité .

L’hypothèse que je présente est que l’individu est mutant et libre, on ne peut pas lui imposer un espace et lui interdire un autre . Cela dit, enfin de compte, ce qui importe est la nature de l’interaction menée au sein de cet espace . Le parc, le jardin public ou la plaza qu’on connait aujourd’hui sont des lieux très limités en terme de fonctionnalité .

Le contexte de notre société contemporaine est caractérisée par les choix illimités ainsi que l fragmentation des intérêts de chacun . Le développement des espaces publics n’a pas pu suivre celui de l’humain en soi . L’espace public, plus précisément de loisir et de divertissement présente une exclusion d’une certaine population ou groupes sociaux selon des contextes spécifiques, c’est pour cela qu’on retrouvera d’avantage de jeunes adolescents dans les centres commerciaux au lieu de parc, car leurs besoins comme jeune population n’est point comblé dans un parc ou jardin par exemple ceci d’une part, d’autre part, il se doit de mentionner la pauvreté de ce qu’offre l’espace public aujourd’hui au citadin, un déficit de mobiliers urbains, de plateformes

C’est ce qui fait la popularité de l’espace virtuel, qui, à l’opposé répond facilement aux nouveaux besoins émergents des individus. Le rôle de l’espace public dans les villes d’aujourd’hui est plus important que d’être simplement «un endroit où les gens peuvent s’exprimer spontanément dans une culture urbaine de plus en plus prévisible et privatisée. Avec cette compréhension de l’évolution de la signification de l’espace public ainsi qu’en analysant les différents usages sociaux retrouvés dans différents lieux d’urbanité, on se rend compte qu’on est en train de vivre de vraies mutations sociales et culturelles résultantes d’une certaine occidentalisation des modes de vie .

C’est ce qu’on constate à travers les pratiques et appropriations d’espaces publics “atypiques” qui abritent une sociabilité assez importante faisant preuve encore une fois de l’émancipation de notre société contemporaine. Ce qui marque et distingue ces espaces c’est la mise en scène et l’entretien minutieux accordé à ces lieux par les promoteurs privés notamment, ce qui malheureusement a pour but premier d’encourager l’essor d’une société consumériste. Ce qui nous pousse alors à questionner le rapport de l’individu aux fondement de la ville ( plus précisément les espaces publics ) et comprendre ainsi ces besoins qu’il recherche tant bien que mal dans d’autres lieux majoritairement de consommation .

2 . LE MICROCOSME STRESSÉ

2.1 Un Univers sous pression .

Ces phénomènes de la ville contemporaine, culbute l’individu à générer une réponse afin de surmonter ces épreuves quotidiennes, se manifestant sous forme de stress ...

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Maintenir un équilibre entre obligations et engagements professionnelles, familiales et sociales peuvent s’avérer être une lourde tache pour tout individu .

Vivre en tant que citadin dans une grande ville n’est pas toujours évident et ne génère pas seulement des bienfaits pour l’individu . La ville est un condensé de pouvoir, de culture, d’urbanité et de civilisation, et c’est justement ce qui fait l’attractivité de la ville contemporaine.

Paradoxalement, le citadin subit, de manière continue, une exposition à de nombreuses conditions de répulsions, en effet, cette émancipation de la vie n’est pas tout à fait anodine, c’est ce qu’explique Gabriel MOSER, maître de conférence et directeur du DESS de l’université René Descartes- Paris V : «cette transformation semble accompagner une dégradation des conditions de vie, et loin de retrouver la sécurité, du travail, la distraction et des échanges sociaux.» (G.Moser, 1992 )

Les citadins sont non seulement confrontés à des conditions d’existence souvent décrites comme désastreuses, logement et transports notamment, mais également à l’insécurité et à la peur, à la pollution,au bruit, au surmenage, à la promiscuité, à la solitude et au vide social. Il en résulte que l’environnement urbain représente une source importante de stress “ .2

2 MOSER. G : Les stress urbains. Edition Armin colin ( 1992 )

Stress and the city: Urban decay© R. MANSI/GETTY

À première vue, il existe d’énormes différences méthodologiques entre les disciplines de l’urbanisme et des neurosciences. Néanmoins, il est essentiel de considérer l’approche antiscientifique de l’espace logie du cerveau des habitants et pourrait donc influencer le risque de développer des troubles mentaux ( anxiété, dépression ..) . D’un point de vue plus optimiste, des indicateurs reflètent un aspect protecteur des grandes villes en matière de santé mentale. Les villes peuvent donc se prêter à la mise en place de stratégies d’intervention nouvelles et appropriées en matière de santé et cela notamment à travers l’espace public où s’effectuera une grande partie d’échanges et liens sociaux entre individus .

Pour trouver des solutions permettant d’atténuer les facteurs de stress urbains, il faut d’établir une image claire de ce qu’est le stress chez l’individu, et de ce qui le provoque dans l’environnement. De même que tous les facteurs de stress ne sont pas tous urbains ni spatiaux, des facteurs sociales peuvent aussi rentrer en jeu .

Qu’est-ce qui fait du “stress” un défi que les architectes sont bien placés pour relever ?

Les domaines de la psychologie environnementale et des neurosciences ont commencé à étudier la manière dont l’architecture affecte notre corps e esprit, donnant ainsi des lignes directrices pour les aménagements et conceptions des espaces urbains améliorant la santé mentale .

Cette partie aura alors pour but de révéler le lien fort qui se tient entre urbanisme, architecture et psychologie / neuroscience

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