Un guide éco-citoyen
Voie Verte Alençon-Condé-sur-Huisne
Guide Sensible Panorama de l’itinéraire Alençon – Condé-sur-Huisne
Le projet de voie verte a été financé par :
Au lecteur, au promeneur, au passant... J’ai le plaisir de vous présenter cet ouvrage, fruit des travaux d’une dizaine de stagiaires en formation dans le cadre d’un Elan (« Espace Local d’activités novatrices »). Ce dispositif, à l’initiative de la Région Basse-Normandie, a pour objectif de redynamiser des demandeurs d’emploi par une activité collective et locale. Un premier partenariat réussi entre Greta et Voie Verte avait permis, en 2007, l’éco-construction d’une aire de repos avec toilettes sèches à Neuilly-leBisson. L’idée de la rédaction d’un ouvrage éco–citoyen sur la Voie Verte est donc née. Les stagiaires, basés au collège EmileChartier et au lycée Jean-Monnet à Mortagne-au-Perche, étaient encadrés par Chantal Pontvianne, ethnologue, qui leur a permis de découvrir le patrimoine naturel, historique et bâti de la Voie Verte. Emmanuelle Walter, journaliste, Estelle Quavalier, psychologue du travail,
et Marine Grimardia, formatrice, les ont aidés à produire de l’écrit, à reprendre confiance en eux, à travailler en équipe. Ils ont bénéficié des conseils du photographe et maquettiste Bruno Compagnon. Le résultat est ce « guide sensible » : outre les informations touristiques, il contient des récits de vie, l’histoire du chemin de fer, une approche pédagogique de la faune et de la flore... Je tiens à remercier l’équipe pédagogique et les stagiaires pour la qualité de leur travail et leur implication dans ce projet ; je remercie également mes collègues qui ont accueilli ce groupe au sein de leurs établissements. Mes très vifs remerciements vont au Syndicat Mixte et à son Président, Jean-Pierre Gérondeau, qui a permis la réalisation concrète de ce guide. Bonne lecture et bonne découverte ! Jacques Sesboué, Président du Greta Sud-Normandie
La Voie Verte nature
Embarquez sur la Voie Verte avec l’histoire de la ligne Alençon - Condé-sur-Huisne, les secrets de fabrication de la Voie Verte et les règles à respecter. Soyez imbattable sur les haies que vous longerez. Profitez-en pour devenir un botaniste chevronné !
P.6 à 17
D’Alençon à la forêt de Bourse
La carte-étape pour se situer, se fournir en produits fermiers, repérer les sites remarquables. Les gares ont une histoire, découvrez celle d’Alençon ; plongez-vous dans la vie de Léone, la garde-barrière... Décryptez un paysage de plaine, et faites connaissance avec la couleuvre d’Esculape, l’incontournable cheval de course et l’univers forestier du massif de Bourse.
P.18 à 25
De la forêt de Bourse au Mêle-sur-Sarthe
La carte-étape, toujours, et ses marchés et producteurs fermiers. La gare du Mêle, aujourd’hui disparue, lève le voile... Apprenez que le train transportait les bovins et dynamisait l’économie agricole ! Ici, c’est la haute vallée de la Sarthe, où l’on trouve de drôles de petites bêtes (à crête) et d’autres beaucoup plus grosses (à cornes) !
P.26 à 33
Du Mêle-sur-Sarthe à Corbon L’indispensable carte-étape et les produits locaux. L’histoire d’une gare hier très centrale, celle de Mortagne-au-Perche, véritable « étoile ferroviaire »... Un jardin d’Eden qui sent bon la pomme, et le paysage qui devient percheron. Chauve-souris et sublimes chevaux percherons se racontent.
P.34 à 41
De Corbon à Condé-sur-Huisne Après la carte-étape et les bons produits fermiers, les deux gares de Condé-sur-Huisne racontent toute une époque en chanson. L’Huisne serpente dans des paysages de rêve, l’écrevisse à pattes blanches se cache, et les abeilles locales reprennent du poil de la bête !
P.41 à 49
La Voie Verte nature
Le train Alençon-Condé, terminus
L’origine
Dernier souffle
Les Ornais en rêvaient. Il fallait absolument que la ligne de chemin de fer Paris-Brest, prévue dans le cadre du réseau ferré reliant Orléans à l’Atlantique, passe par Alençon, apportant avec elle le développement économique. Mais la loi du 21 juin 1846 tombe comme un couperet : la grande ligne Paris-Brest passera par... Le Mans. Qu’à cela ne tienne ! On décide de construire un chemin de fer entre Condé-sur-Huisne et Alençon, pour permettre aux voyageurs venus de Paris
Détail amusant : des voyageurs ont tout de même emprunté la ligne à deux reprises dans les années 70 et 80 ! En 1978, écoliers et enseignants de plusieurs communes du Perche se sont ainsi rendus... à SaintMalo, sans changer de train, en passant par Alençon. 300 enfants se pressaient joyeusement dans douze vieux wagons à compartiments venus d’un dépôt de la région parisienne. Le chef de gare de Mortagne-au-Perche avait pris l’initiative de cette insolite sortie scolaire. En 1984, une association d’anciens cheminots a décidé d’affréter une « Micheline » ou « autorail », ce train blanc et
d'accéder à la préfecture du département. Longue de 67 km, édifiée par la Compagnie des chemins de Fer de l’Ouest, elle est inaugurée en mai 1873. Après bien des retards dus à la guerre de 1870.
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rouge d’un seul tenant, pour refaire le trajet Mortagne-Alençon puis au-delà, jusqu’à Couterne... La Voie Verte permet aujourd’hui aux anciens usagers de revivre ces voyages à travers plaines et collines de l’Orne !
Pommes et vaches dans les wagons Le trajet dure un peu moins de deux heures. L’ouverture de la ligne permet le développement social et économique du Perche et de la région d’Alençon. Le train transporte des marchandises propres au territoire : chevaux, vaches, pommes... Quant aux voyageurs, ils l’utilisent pour se rendre sur leur lieu de travail, mais aussi pour aller au marché ou... à la pêche, le dimanche, du côté de BoissyMaugis, par exemple ! A la fin des années 1930, la ligne est prolongée jusqu’à Nogent-le-Rotrou, dans l’Eureet-Loir voisine. Mais le développement de l’automobile et la crise économique lui portent un premier coup. Lors de la Seconde
Guerre mondiale, peu avant le Débarquement, les résistants sabotent les lignes et les Alliés bombardent les gares de Normandie, utilisées par les troupes allemandes pour se rapprocher des côtes. Les gares du Mêle-surSarthe, de Mortagne et d’Alençon seront sévèrement touchées (voir pp. 20, 28 et 36). Après la guerre, la voiture gagne irrésistiblement du terrain et la fréquentation baisse. En août 1953, la SNCF décide de fermer le trafic voyageurs. Le transport de marchandises va durer jusqu’au 31 juillet 1989, date de la fermeture officielle de la ligne, après 116 ans de bons et loyaux services.
Du chemin de fer à la Voie Verte Fin des années 1980 L’activité de la ligne cesse. Les élus hésitent entre petit train touristique et chemin de randonnée, puis optent pour la deuxième solution. Octobre 2003 Voyage d’études organisé par le Comité Départemental du Tourisme sur la Voie Verte Givry-Cluny, en Bourgogne. Mai 2004 Création du « Syndicat mixte pour la mise en valeur et l’entretien de l’ancien chemin de fer Alençon-Condésur-Huisne ». Début 2006 Etude de faisabilité, recherche de financements. 13 juin 2010 Ouverture officielle de la Voie Verte. Tous en piste !
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De la forêt de Bourse au Mêle-sur-Sarthe Normandes, Prim’Holstein, Charolaises....
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Incontournables, les vaches, le long de la Voie Verte ! Des brunes, des rousses, des blondes, des tachetées... La Normandie est leur royaume, et l’Orne tout particulièrement. En 2009, on comptait dans les étables et les prés du département 477 558 bovins, vaches, veaux et génisses confondus. Parmi eux, 103 310 vaches laitières, le cheptel majoritaire. Commençons par les laitières, les plus nombreuses. La Normande, l’autochtone, tachetée blanche et marron. Son lait riche en matières grasses sert surtout à la fabrication
du camembert. Plus répandue que la Normande, la noire et blanche Prim-Holstein ou « Hollandaise pie-noire » venue d’Europe du Nord, produit beaucoup de lait et permet la fabrication de produits laitiers très variés, yaourts, beurre, crème. On peut aussi croiser la Montbéliarde, beaucoup plus rare, blanche et marron clair. Côté vaches à viande, ou « vaches allaitantes », la blanche Charolaise est de loin la plus répandue. Originaire de Bourgogne, elle est prisée pour sa viande peu grasse. On observe dans les prairies ornaises de plus en plus de Salers couleur acajou, venues du Cantal, spectaculaires avec leurs cornes fines et relevées, leur poil long et frisé, leur haute taille. Elles sont « rustiques », c’est à dire solides, passant toute l’année dehors sans nécessiter de soins particuliers. La Blonde d’Aquitaine, blonde comme son nom l’indique, propose une viande très tendre mais moins savoureuse. Enfin, la Limousine, uniformément marron, propose une viande tendre et goûteuse.
Lait et viande, du producteur au consommateur Le camembert de Normandie, le PontL’Evêque, le Livarot.... autant de fromages bas-normands AOC (appellation d’origine contrôlée) révélateurs de l’importance de la filière lait dans la région ! La Basse-Normandie est la première région productrice de beurre. Mais les temps sont durs pour les éleveurs, confrontés à la crise du lait. Certains optent pour la vente directe, du producteur au consommateur, sans passer par les gros groupes agro-alimentaires, ce qui limite le nombre d’intermédiaires et permet d’accroître le bénéfice. Les consommateurs apprécient : producteurs fermiers et associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) ont le vent en poupe. A la Chambre d’agriculture de l’Orne, on observe que le nombre d’exploitations demandant une aide financière pour mettre en place la vente directe augmente rapidement.
« Nous apprécions le contact avec le consommateur, la possibilité de lui montrer comment sont transformés les produits qu’il va déguster », explique Marc Simoën, de la ferme de l’Etoile à Courgeon, à quelques centaines de mètres de la Voie Verte. Reste que ce triple métier (agriculteur, transformateur et vendeur) exige de gros investissements. En argent comme en temps...
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Les fromages bio de Stéphanie Attention à la vache ! Si les laitières ont l’habitude des hommes, croisés matin et soir au moment de la traite, les vaches allaitantes, à viande, sont plus sauvages. Le randonneur aura donc la sagesse de ne pas aller batifoler dans les prés avec ces ruminantes, paisibles en apparence, mais rapidement menaçantes si l’on s’approche de leurs veaux !
On ne peut pas la rater : c’est la seule crémière du marché ! Au Mêle-sur-Sarthe, le mercredi matin, Stéphanie Conrad vend les produits qu’elle a amoureusement fabriqués : tomme, lait, faisselle, yaourts nature et aux fruits, riz au lait, crème au chocolat... Le lait vient des vaches normandes d’un couple d’agriculteurs bio de Coulimer, Céline et Michel Ragot. « Je le récupère matin et soir, juste après la traite, tout chaud, explique Stéphanie. Et je le transforme dans mon labo. ».On trouve aussi ses produits dans les supérettes du Mêle, sur les marchés parisiens, et sur le site Internet « Le cabas du coin », une association de producteurs. Après avoir commandé en ligne, on vient chercher son panier au lycée agricole de Sées !
Du Mêle-sur-Sarthe à Corbon
Rencontre avec... la chauve-souris
D’ouest en est : paysage, mode d’emploi
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Le « Perche central »
Vue !
Près de l’aire des Carreaux, le franchissement des axes routiers se fait en toute sécurité. L’altitude passe de 160 m à 216 m. Le paysage offre un diaporama qui permet de découvrir la transition entre deux entités bien distinctes : la campagne d’Alençon à l’ouest, et les collines du Perche à l’est. Ici, le bocage traditionnel et les vastes champs de culture cohabitent. Moulé sur des reliefs plus accentués, formés de collines et de petites vallées encaissées, le Perche s’annonce très nettement à l’approche de Mortagneau-Perche. La Voie Verte alterne alors plus fréquemment remblai (le terrain est surélevé par rapport à l’environnement) et déblai (la Voie est davantage en contrebas), révélant la manière dont le chemin de fer a été conçu pour traverser le relief. Les petits « ouvrages d’art », pont-route ou pont-rail, constituent pour le randonneur des haltes de fraîcheur. Dans la haie ont été découpés des fenêtres qui permettent de contempler le paysage. Le randonneur sera saisi par la qualité du patrimoine bâti, manoirs et fermes aux bâtiments imbriqués enduits de sable jaune. La Voie Verte traverse ici les secteurs urbains de Saint-Langis-lès Mortagne et de Mortagne-au Perche. La gare, distante de 37 km de celle d’Alençon, a conservé tout son caractère architectural. La voie se poursuit alors vers l’est et descend en douceur vers la vallée de l’Huisne.
Ou plutôt... aperçue ! Si les chauves-souris aiment à chasser le long de la Voie Verte quand les beaux jours arrivent, elles préfèrent passer l’hiver dans trois sites majeurs classés « Natura 2000 » situés à proximité. Dans la commune de Loisail, les galeries de l’ancienne carrière du Bas-Champaillaume constituent l’un des refuges les plus importants au plan national et international, notamment pour l’hibernation. On y a dénombré, l’hiver, jusqu’à mille individus, au premier rang desquels l’espèce
www.basse-normandie.ecologie.gouv.fr
protégée dite « Vespertilion de Bechstein », de couleur brun clair ou rougêatre, qui mesure 4 à 5cm, et se reconnaît à ses oreilles longues et larges. Deux autres sites très proches de l’ancien chemin de fer, les champignonnières de Pontillon (Rémalard) et de la Mansonnière (Bellou-sur-Huisne) offrent des cavités appréciables pour le Grand Murin ou le Grand Rhinolophe, autres espèces. Quant à la Voie Verte elle-même, elle est un territoire de chasse très apprécié des chauves-souris !
Comment la protéger ?
Bocage ouvert près de Mortagne Haies arborées, étangs, pâtures et longères (ferme construite en longueur) composent un paysage bocager qui semble totalement rural. Se profile pourtant en haut de colline un quartier pavillonnaire, et sur la droite, un bourg et son église. Nous sommes à proximité de SaintLangis-lès-Mortagne, où fut implantée en 1873 la gare desservant une « capitale » du Perche, Mortagne.
Insectivores (elles adorent les moustiques !), pacifiques (mais non, elles ne s’accrochent pas aux cheveux !), ces chauves-souris sont des espèces protégées. Les trois sites d’hibernation sont donc clos et interdits à la visite. L’été, elles nichent dans les combles, les greniers, les églises, où elles se regroupent entre femelles pour donner naissance aux petits. Ne les dérangez pas ! Si leur présence pose problème, appelez le Conservatoire fédératif des espaces naturels de Basse-Normandie (CFEN, 02 31 53 01 05) ou le Groupe mammalogique normand (02 32 42 59 61).
Les autres mammifères de la Voie Verte Véritable refuge, particulièrement quand la haie est épaisse et continue, la Voie Verte abrite nombre d’animaux : chevreuils, lièvres, renards, blaireaux et sangliers. L’axe sert à la fois de zone de chasse, de zone d’habitat, et de « corridor écologique » pour la faune, notamment à l’est d’Alençon et à l’est de Mortagne, régions de cultures dépourvues de haies.
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