Françoise_Keller_Découvrir_la_Communication_Non_Violente

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Maquette intérieure : Yves Tremblay

Couverture : Atelier Didier Thimonier © InterEditions, 2017

InterEditions est une marque de Dunod 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff www.dunod.com ISBN : 978-2-7296-1716-5

Table

Couverture

Page de titre

Copyright Préface

Introduction

1. D’où vient la Communication NonViolente (CNV) ?

La quête personnelle de Marshall B. Rosenberg

La CNV dans un environnement qui évolue

2. Les principes de base de la CNV

Quels sont les objectifs de la CNV ?

Une qualité de présence

Quelles sont mes marges de manoeuvre ?

Nous avons fait de notre mieux

Des graines de violence

Observer sans évaluer

Les messages du corps : les sentiments

Ces besoins qui nous animent

La clef de la transformation, les demandes

3. Comment utiliser les principes CNV ?

Les étapes de l’apprentissage

Protéger d’abord la vie

S’accueillir avec empathie

S’exprimer pour augmenter les chances d’être entendu Écouter avec empathie

Contribuer à un dialogue non violent

4. Pour quoi et pour qui la CNV ?

Être acteur de sa vie

Améliorer les relations

Des systèmes au service de la vie

Comment approfondir ?

Comment se former ?

Cinq piliers pour changer

Conclusion

Carnet pratique

Glossaire

Remerciements

Préface

La vie sur notre petite planète bleue est si fragile. En même temps, nous avons conscience qu’il y a encore tant à explorer sur le continent de la vie. Pour cela, osons renouer avec ce que savent si bien faire nos cellules : coopérer et créer à partir de notre entièreté affective.

Saurons-nous apprendre à vivre en confiance et en conscience ensemble, à transformer les difficultés en des opportunités, à apprivoiser l’incertitude ? Si nous voulons être pleinement humain et citoyen du peuple de la Terre, que faire ?

La bonne nouvelle aujourd’hui, c’est que nous sommes de plus en plus d’individus dont l’envie est de devenir acteur de notre vie, de nous réaliser nousmême au sein d’une communauté bienveillante et solidaire, de reprendre le pouvoir sur notre destinée. Dans les quartiers populaires, de jeunes générations créent et inventent en mettant leur imagination au service de la vie. À Bondy et à Créteil ou Villeurbanne, des femmes qui ont subi des violences apprennent la puissance de la voix avec la chanteuse lyrique Malika Bellaribi – Le Moal, c’est un chemin puissant vers l’estime de soi. Des actions d’entraide et d’empathie pour l’accueil d’un voisin démuni ou d’une famille exilée se développent car la fraternité est la valeur en hausse, parce que nous le décidons.

Si les puissants ont tous un talon d’Achille, les plus vulnérables ont tous une force de vie qui peut nous interpeler comme ce champion international de basket et de rugby fauteuil, Ryadh Sallem, né sans jambe et sans main quand il nous dit « J’ai juste choisi d’être heureux ! » ou que « La paix est un état, et c’est nous ! »

C’est une invitation pour tous les citoyens à se mettre en mouvement : en particulier ceux qui ont de l’influence aussi bien dirigeants d’entreprise que de médias, ou ceux qui ont une influence politique, ceux qui ont du charisme et se

découvrent une capacité de leadership bienveillant, les responsables spirituels, les éducateurs.

Pouvons-nous choisir la grande transition comme alternative à un risque réel de grande régression ?

Avons-nous besoin qu’on nous y autorise alors qu’il suffit de trouver un arbre pour se mettre en cercle sous son ombre et y lancer des Dialogues en humanité ou des ateliers du sensible et du discernement ? Il n’y a pas d’expert en humanité mais chacun peut, s’il le souhaite, partager son expérience de vie et son vécu.

À tout bien considérer, qu’est-ce qui nous empêche de transformer les moyens consacrés à préparer ou faire la guerre en moyens pour éduquer à la paix, à l’empathie et à la CNV ?

Le plus sérieusement du monde, les exercices pratiques et les exemples de CNV proposés par Françoise Keller vont nous ouvrir des perspectives insoupçonnées car il n’y a pas d’âge pour grandir en humanité. Comme les muscles de notre corps ou les connections de nos neurones, cela s’entretient, se renforce et se propage.

Puissent ces témoignages et ces exercices pratiques de CNV nous encourager à oser agir et grandir en humanité.

Geneviève Ancel-Grotzinger, co-tisseuse de Dialogues en humanité (c’est très contagieux)

Introduction

« Le terme de Communication NonViolente est un terme assez pauvre pour transmettre ce que je veux offrir » Marshall B Rosenberg

Ce qui frappe tout d’abord, quand on découvre la Communication NonViolente, c’est de rencontrer de l’humilité, de la simplicité et une étonnante puissance et profondeur.

D’abord l’humilité d’un homme, Marshall B. Rosenberg, et d’un certain nombre de formateurs après lui qui mettent en avant la puissance d’un processus plutôt que leur personnalité. On trouve peu d’écrits sur l’histoire de Marshall B. Rosenberg, le fondateur de la CNV. Cet homme a bouleversé la vie de milliers d’hommes et de femmes, dans plus de soixante pays, en transmettant un processus qu’il avait eu le génie de mettre en lumière. Il disait ne pas avoir inventé ce processus, persuadé que ce processus faisait partie du patrimoine de l’humanité. Les premiers formateurs qui ont travaillé en étroite collaboration avec Marshall B. Rosenberg ont peu parlé d’eux, ont peu écrit. Pourtant ils ont accompagné des transformations exceptionnelles dans le monde entier, dans les pays en conflits, les prisons, les familles, les écoles et les organisations en tout genre. Qu’est-ce qui motive des hommes et des femmes à transmettre la CNV, de diverses manières et avec tant de générosité, partout dans le monde ?

Ensuite la simplicité d’un processus, qu’on peut résumer en quatre étapes –observations, sentiments, besoins et demandes – et qui sonne comme une évidence que toute personne devrait connaître dès son plus jeune âge.

Derrière cette simplicité se dévoile peu à peu une grande subtilité, la profondeur de la réalité humaine et de ce qui se joue dans nos relations, nos

manières de penser et nos choix, et surtout une immense puissance de transformation. La pratique de la CNV permet peu à peu des changements profonds et pérennes d’habitudes, des guérisons et des réconciliations que l’on n’imagine pas à la première approche.

Ce livre est illustré de nombreux témoignages, inspirés d’exemples réels et en même temps suffisamment transformés pour respecter la confidentialité de ceux qui m’ont fait partager leurs expériences de vie.

Je souhaite ainsi contribuer à enrichir votre vie et vos relations en cherchant à vivre avec vous ce processus, d’une manière qui prenne soin de ce que je souhaite vous offrir et des besoins que vous pouvez avoir. Je partage avec vous un trésor qui a enrichi ma vie et qui transforme les personnes que j’accompagne. Me former à la CNV est sans doute un des meilleurs investissements que j’ai fait dans ma vie. Je souhaite qu’il en soit de même pour vous. En même temps, c’est vous qui êtes le maître de votre aventure humaine et de votre lecture. Prenez ce qui vous inspire, expérimentez et vérifiez ce que ce processus vous apporte, gardez ce qui vous enrichit. Je vous invite surtout à expérimenter. La CNV est d’abord une expérience. Elle ne transforme que celles et ceux qui acceptent d’essayer, de chercher et de tâtonner, d’avoir des maladresses, d’apprendre des erreurs et d’essayer à nouveau.

Je vous souhaite une belle expérience en compagnie de cet ouvrage et surtout en compagnie de vous-même.

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D’où vient la Communication NonViolente (CNV) ?

Les questions auxquelles répond ce chapitre :

• Qui est Marshall B. Rosenberg ?

• Quelle est sa place dans les mouvements humanistes ?

• Quelles sont les sources de la non-violence ?

• Comment la CNV s’est-elle développée ?

C’est à partir des années 1960 que le psychologue Marshall B. Rosenberg met au point le processus CNV en croisant son expérience, ses convictions personnelles, ses observations, ses lectures et la rencontre de personnes qui l’ont inspiré. La naissance de la CNV est l’histoire d’une puissante synchronicité et d’un homme qui a réalisé sa mission de vie avec une constance inspirante.

La quête personnelle de Marshall B. Rosenberg

Marshall B. Rosenberg naît dans l’Ohio en 1934 puis grandit dans la banlieue de Détroit. Dès son enfance, il observe deux réalités qui l’interpellent et vont

orienter toute sa vie. D’un côté, il est témoin de disputes à l’école, de violences urbaines, d’émeutes qui font une trentaine de victimes dans son quartier en 1943, et de propos antisémites. Il observe combien ces fonctionnements n’apportent de satisfaction à personne, stimulent de la réactivité et engendrent des fonctionnements de même nature, eux-mêmes insatisfaisants. D’un autre côté, il observe son oncle qui semble heureux de prendre soin de sa grand-mère malade et qui rayonne d’une grande joie. Ce qui l’intrigue alors, c’est de constater que les personnes peuvent vivre de manière répétée des situations insatisfaisantes, ce qu’un animal ne choisirait pas de faire.

Pour lui, la bienveillance, qu’il définira comme « un échange avec autrui motivé par un élan du cœur réciproque », est à la fois une conviction et un but :

1. Il a la conviction que la bienveillance est naturelle, que notre nature est de vouloir contribuer au bien-être d’autrui :

2. Il se donne le but d’aider les êtres humains à adopter un comportement de bienveillance auquel il aspire.

Marshall B. Rosenberg va alors consacrer sa vie à tenter de répondre à ces deux questions :

Qu’est-ce qui permet à des personnes de cultiver la bienveillance ou de s’en éloigner ?

Comment aider le plus grand nombre de personnes à cultiver la bienveillance, à vivre ce qu’elles aspirent à vivre ?

La rencontre avec la psychologie humaniste

Marshall B. Rosenberg se tourne d’abord vers la psychologie. En 1961 il obtient son doctorat en psychologie clinique à l’Université du Wisconsin-Madison. Mais un de ses enseignants en sociologie, le Professeur Michael Hakeem, lui fait prendre conscience des limites scientifiques de la psychiatrie et des dangers sociaux et politiques de donner trop de pouvoir à une approche pathologique de l’être humain. Il mesure combien la psychologie clinique et la psychiatrie contribuent à une norme sociale, posent des étiquettes sur les personnes qui sortent de la norme, ne contribuent ni à leur inclusion dans la société ni à leur guérison.

Il décide alors quelques années plus tard d’arrêter d’écrire des rapports sur ses patients et, après avoir consulté sa femme et ses enfants, choisit de cesser la pratique de son métier de psychologue clinicien. Un moment chauffeur de taxi

pour assurer sa sécurité financière, il profite de cette période pour observer les personnes et affiner ses recherches. Avec son humour habituel, il dira avoir donné ses meilleures séances d’accompagnement en tant que chauffeur de taxi, du fait même de n’avoir pas eu le cadre thérapeutique habituel.

Durant ses études, il rencontre le psychologue Carl Rogers, qui attire son attention sur l’aptitude et la valeur de l’empathie et sur la manière dont les relations peuvent aider à guérir. Thomas Gordon, psychologue qui créera la Méthode Gordon et sera un pionnier de la résolution des conflits par une approche gagnant-gagnant, fait partie de cette équipe. Une première réponse émerge : l’empathie est une compétence clef qui favorise la bienveillance et la transformation ! Avec Carl Rogers, une nouvelle approche thérapeutique est en train de naître. Le thérapeute s’investit dans la relation avec le patient pour mieux l’accompagner. Il part du principe que le patient possède les ressources pour se développer lui-même pour peu qu’il bénéficie d’un contexte favorable. La relation entre le thérapeute et le patient, l’écoute empathique et l’expression authentique permettent de relancer ce processus spontané qui a été entravé. Marshall B. Rosenberg s’inspire également des travaux d’Abraham Maslow sur les besoins fondamentaux. Il rencontre à la même époque Eugène T. Gendlin qui met en évidence la sagesse des sens corporels, l’importance d’écouter les signaux du corps, le fait que le corps et les sensations corporelles ont une connaissance qui échappe au mental. Marshall B. Rosenberg, Carl Rogers, Thomas Gordon et Eugène T. Gendlin contribuent à développer un accueil de ce qui est, une présence au corps et à l’énergie de la personne, une qualité de présence et d’empathie auxquels le mental n’a pas accès, une mobilisation des ressources de la personne écoutée. Si Marshall B. Rosenberg a formalisé le processus CNV en axant son attention sur le langage, il est évident que sa qualité d’empathie était profondément ancrée dans un niveau plus subtil et sensible de présence au corps. Cette dimension corporelle et sensible reste indispensable à la pratique de la CNV et constitue un défi dans la transmission. Voici un extrait d’une conférence de Marshall B. Rosenberg qui illustre cela :

« L’empathie, c’est une qualité de présence, une présence pleine à ce qui est vivant dans la personne à ce moment précis, en ne ramenant rien du passé

Plus on connaît la personne, plus il peut être difficile d’être en empathie Plus vous aurez étudié la psychologie, plus il va être difficile de vraiment témoigner de l’empathie, parce qu’il ne faut vraiment amener aucune pensée du passé ni analyser celle ou celui qu’on écoute.

Si vous avez pratiqué le surf, vous allez probablement être meilleur dans l’écoute empathique, parce que vous aurez vraiment inscrit dans votre corps ce dont il s’agit concernant l’empathie : il s’agit d’être présent et de suivre l’énergie qui vient de la personne, de la même façon que le

surfer suit la vague qui le porte.

Ce n’est ni une compréhension mentale, ni une classification dont il s’agit

Dans l’empathie, vous ne parlez pas du tout Vous parlez avec les yeux, avec votre corps Si vous prononcez quelques mots, c’est parce que vous n’êtes pas totalement sûr d’être avec l’autre ; alors peut-être que vous allez prononcer quelques mots. Mais les mots euxmêmes ne sont pas l’empathie L’écoute empathique permet à la personne écoutée de ressentir la connexion avec ce qui est vivant en elle. »

L’émergence de la psychologie humaniste

Fondateur Courant

Marshall B. Rosenberg Psychologue (1934-2015)

Carl Rogers Psychologue (1902-1987)

Thomas Gordon Psychologue (1918-2002)

Communication NonViolente

Approche centrée sur la personne

Méthode Gordon Résolution des conflits sans perdants

Eugene T. Gendling Philosophe (1926 -) Focusing

Écoute du sens corporel

Aux sources de la non-violence

Marshall B. Rosenberg hésite beaucoup sur l’appellation du processus qu’il est en train de mettre au point. Il l’appelle d’abord « à partir de maintenant… » (sous-entendu, « … je change »). Il choisit finalement le terme de Communication NonViolente en constatant, lors d’une conférence aux États Unis, que le terme de « communication non-violente » attire les personnes, engagées à faire évoluer la société : c’est précisément le type de public à qui il souhaite s’adresser.

De fait, les années d’expérimentation et de transmission ont démontré que la CNV apporte un plus significatif en terme d’apprentissage concret de la nonviolence et cela sous toutes les latitudes et dans toutes les cultures. C’est la

raison pour laquelle, malgré les frustrations liées à cette appellation (qui dit ce que qui n’est pas plutôt que ce qui est), Marshall B. Rosenberg a choisi de garder ce terme de « communication non-violente », pour s’inscrire dans l’histoire de la non-violence à la suite de Gandhi.

Gandhi et la non-violence

C’est Mohandas Karamchand Gandhi qui a offert à l’Occident le mot « non-violence » en traduisant en anglais le terme sanscrit « ahimsa », qui est usuel dans les textes de la littérature hindouiste, jaïniste et bouddhiste Il est formé du préfixe privatif « a » et du substantif « himsa » qui signifie le désir de nuire, de faire violence à un être vivant L’ahimsa est la reconnaissance, l’apprivoisement, la maîtrise et la transmutation du désir de violence qui est en l’homme et qui le conduit à vouloir écarter, exclure, éliminer, meurtrir autrui Le terme « ahimsa » ne signifie pas la négation de la violence mais sa transformation. Il n’y a pas de terme en français ou en anglais qui permette d’introduire cette notion sans y mettre une négation, ce qui ne reflète pas complètement le sens originel de ce mot

Gandhi introduit cette notion d’« ahimsa » en lien avec celle de « satyagraha », la définition d’une cause juste, d’une intention qui sert la vie de tous Pour Gandhi, la non-violence est à la fois un travail intérieur individuel et une action collective pour transformer les structures économiques et politiques de la société

Nous retrouvons dans la CNV quatre piliers de la pratique gandhienne : reconnaître et transformer la violence humaine, viser l’intention de servir la vie de tous, associer au travail individuel une dimension culturelle et sociale, ancrer l’action dans une démarche intérieure.

L’après-guerre

Marshall B. Rosenberg est d’origine juive. Il est profondément affecté par la violence de la Shoah. Il fait partie des chercheurs qui ont voulu comprendre comment des hommes et des femmes ordinaires, bienveillants avec leurs proches, ont accepté de contribuer à la Shoah. Comment un homme comme Rudolf Höss peut-il dire « J’ai passé à Auschwitz les plus belles années de ma vie, je m’entendais bien avec ma femme, j’avais quatre enfants que j’aimais beaucoup » et ajouter « En même temps j’avais un métier bien difficile, vous savez, il fallait que je fasse disparaître, que je brûle 10 000 corps par jour et ça c’était difficile, vous savez » ?

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Marshall lit tous les ouvrages parus en anglais sur la Seconde Guerre mondiale, explore la manière dont la CNV peut permettre un dialogue de

réconciliation et de guérison avec un homme comme Hitler. Il est profondément influencé par les travaux d’Hannah Arendt, les écrits d’Etty Hillesum, les analyses du procès d’Eichman. Tous ces travaux l’aident à identifier les formes de langage et de pensée qui favorisent la violence. Il s’inspire également des travaux de Victor Frankl. Après avoir survécu à trois années en camp de concentration et avoir vu d’autres personnes mourir, ce dernier constate que le fait de donner du sens à sa vie, même dans des circonstances terribles, augmente la capacité de résilience des personnes. Victor Frankl expérimente que tout peut être pris à un homme sauf une chose, l’ultime liberté des hommes, celle de choisir son attitude quelle que soit la situation. C’est également l’expérience d’Hannah Arendt. Victor Frankl crée la logothérapie, la thérapie par le sens, après avoir expérimenté la puissance de vie qui émerge quand la personne est capable de se relier au sens de sa vie.

Victor Frankl et Marshall B. Rosenberg se rejoignent dans la conviction et l’expérience que le fait de consacrer sa vie à « donner », à « contribuer au bienêtre d’autrui » plutôt qu’à « prendre » augmente notre humanité, donne un sens à notre vie plus essentiel que la recherche du bien-être et du bonheur.

Une vision sociétale

Marshall B. Rosenberg ne souhaite pas s’arrêter à une démarche thérapeutique. Pour lui, l’être humain est un être de relation qui a en lui les compétences pour vivre les relations. Il souhaite que ces compétences deviennent conscientes et accessibles à tous, sans nécessiter des études poussées de psychologie.

Il s’inspire très tôt des travaux du pédagogue brésilien Paulo Freire. Ce dernier travaille à l’alphabétisation des plus pauvres et lutte contre une forme de pédagogie qui contribue à des relations de domination et de soumission.

Il s’informe aussi, bien plus tard, sur les travaux de Max Neef, politicien et économiste chilien, lauréat du prix Nobel alternatif. Max Neef met en évidence le fait que le développement humain, dans toutes les cultures, repose sur neuf besoins fondamentaux : la subsistance, la protection, l’affection, la compréhension, la participation, l’oisiveté au sens de loisirs, la créativité, l’identité et la liberté. Il montre comment chaque communauté humaine crée une culture qui privilégie certains besoins humains et certaines stratégies pour les satisfaire.

Tout en mettant au point ce processus de CNV, il parcourt le monde entier et transmet ce processus dans une soixantaine de pays de tous les continents pour

en vérifier le caractère universel. Il observe que partout ce processus est particulièrement pertinent et utile.

Pour Marshall B. Rosenberg, il devient également de plus en plus clair que la dépression est la conséquence d’un système, d’une manière de penser, d’une incapacité à prendre en compte les différences, d’un fonctionnement sociétal très développé dans le monde depuis des millénaires qui cherche à définir une norme, à contrôler les personnes pour qu’elles soient conformes à cette norme, et qui punit ou exclut de diverses manières celles et ceux qui ne sont pas conformes. Ce fonctionnement systémique n’aide pas les personnes à se relier à leurs motivations profondes et peut les amener à la dépression.

Il a conscience que la CNV vise à modifier notre culture qui est imprégnée de violence. Il s’inspire par exemple des travaux de l’auteur et théologien Walter Wink qui fait observer dans son livre, The Powers That Be, théologie d’un nouveau millénaire, et dans d’autres ouvrages, combien notre compréhension de la vie et du monde, notre représentation de notre nature humaine et ce qu’est une bonne vie, l’histoire du monde qui nous est racontée, sont imprégnées de l’idée que les forces du bien doivent vaincre les forces du mal, que nous avons besoin d’être dominés par des hommes qui savent dire ce qui est bon et ce qui est mauvais. Pour Marshall B Rosenberg, cette explication du monde génère beaucoup de violence dans notre manière de penser, de parler et d’agir.

La CNV n’est donc pas simplement une démarche de développement personnel. Elle vise donc à une transformation systémique de la société et de nos cultures. Elle cherche à transmettre à tous les compétences relationnelles nécessaires pour vivre et développer son pouvoir.

Une prise en compte critique des religions

Lors de son analyse des compétences nécessaires à l’empathie et à la joie de contribuer au bonheur les uns des autres, Marshall B. Rosenberg s’est tourné vers les apports des différentes grandes religions. Il s’est inspiré en particulier des travaux de Milton Rokeach.

Zoom Bio Milton

Le chercheur en psychologie à l’Université de l’état du Michigan, Milton Rokeach, tente d’éclairer les comportements et les fonctionnements religieux. Il a étudié huit des principales religions de la planète dans le but de découvrir si les pratiquants assidus de ces religions témoignaient d’une plus grande compassion que ceux qui ne pratiquaient aucune religion. Cette étude met en évidence trois observations. Les huit religions ont des niveaux de compassion moyens équivalents et qui sont inférieurs au niveau moyen des personnes sans affiliation religieuse. Dans les religions, un sous-groupe d’environ 12 % de pratiquants assidus manifeste une compassion dépassant de loin celle des non-pratiquants.

Marshall B. Rosenberg souhaite donc mettre en avant les compétences de ce pourcentage de personnes douées de compassion dans chaque religion. Il s’attache alors à relire ses travaux et ses recherches avec des personnes venant des différentes traditions spirituelles. Une religieuse chrétienne fera partie de l’équipe qui crée le Centre pour la Communication NonViolente. Au MoyenOrient, il travaille avec des musulmans, des juifs et des chrétiens. Il est invité par différentes communautés bouddhistes. Il tient à mettre en évidence des compétences relationnelles qui permettent à chacun d’évoluer dans sa tradition spirituelle : « À la sortie de mes formations, les juifs disent que la CNV est une pratique juive, les chrétiens que c’est une pratique chrétienne, les musulmans que c’est une pratique musulmane et les bouddhistes que c’est une pratique bouddhiste. ». Il est par ailleurs très critique avec la manière dont les religions et les organisations religieuses ont pu transmettre aussi une logique de domination et un langage coupé de la vie.

L’ancrage de Marshall B. Rosenberg dans la tradition juive et sa connaissance de la Bible hébraïque (il m’a dit un jour avec humour l’avoir écrite) a sans doute eu un impact important dans certains présupposés de la CNV : la conviction que l’homme aime plus que tout contribuer au bien-être (le sien et celui des autres), la quête d’un monde de justice, c’est-à-dire respectueux des besoins de tous. Marshall B. Rosenberg sera également très influencé par la pensée bouddhiste et notamment son approche de la non-dualité.

L’enjeu est donc multiple : augmenter le pourcentage de personnes qui, dans chaque religion, ont une compassion supérieure à la moyenne ; permettre à chacun de développer une manière de vivre sa spiritualité et

sa religion avec davantage de compassion ; permettre à chacun de discerner dans sa religion, sa spiritualité et son héritage spirituel, ce qu’il choisit de garder et ce qu’il choisit de quitter, à la lumière de la CNV ; sensibiliser les personnes, en particulier celles qui exercent une autorité spirituelle, aux enjeux de développer un « pouvoir avec autrui » plutôt qu’un « pouvoir sur autrui » ; développer une manière de vivre la CNV qui permet à chacun d’accueillir et d’être accueilli dans sa propre spiritualité ou religion ; contribuer au dialogue interreligieux en offrant un langage commun permettant de se rejoindre de cœur à cœur.

Une vision de la spiritualité

Pour Marshall B. Rosenberg la CNV a une dimension spirituelle au sens où elle aide les personnes à retrouver la conscience de ce qu’est une « bonne vie », à cultiver leur élan naturel à contribuer au bien-être les uns des autres, à prendre en compte la dimension spirituelle ou nos valeurs les plus chères, que la société de consommation tente de nous faire oublier.

Il s’inspire des travaux de Ken Wilber et souhaite que la CNV contribue à une spiritualité transformative. Ken Wilber distingue en effet deux formes de spiritualité. En offrant des mythes, des histoires, des rituels, la spiritualité translative aide à trouver du sens et à endurer les revers et les blessures de l’existence. Elle ne change pas le niveau de conscience de la personne. Elle aide à mieux supporter le monde sans offrir ni transformation radicale ni libération. Elle ne pousse pas à l’action et à l’engagement. Cette spiritualité donne une légitimité au moi, mais ne suffit pas à transformer les personnes et le monde. La spiritualité transformative permet une libération profonde et authentique, transforme le fondement de la conscience elle-même, pulvérise la conscience d’un moi séparé. Elle pousse à l’action à partir d’un lieu de conscience et de spiritualité.

L’intention de Marshall B. Rosenberg

Avec ce processus CNV, Marshall B. Rosenberg cherche à contribuer à la paix et à la réconciliation dans le monde en offrant un processus :

• concret, pratique, accessible à tous, « à partir de 7 ans »,

• indépendant des cultures et des religions,

• permettant une prise de conscience et une transformation personnelle,

• permettant, au delà des changements individuels, une transformation de la société et des systèmes

La CNV intègre :

• une orientation de la conscience : une invitation à poser notre attention là où nous avons le plus de chance d’obtenir ce que nous recherchons ;

• un langage : une compréhension, pour autrui et pour nous-même, de l’impact des mots sur la souffrance ;

• une communication : des compétences pour savoir demander ce que nous voulons et écouter les autres, y compris dans les désaccords, et pour aller ensemble vers des solutions satisfaisantes pour tous ;

• une direction, une orientation de vie : une aspiration à faire du reste de notre vie une expérience davantage respectueuse de nous et des autres avec les ressources qui sont les nôtres ;

• une manière d’influencer la société : un exercice du « pouvoir avec les autres » plutôt que du « pouvoir sur les autres ».

Marshall B. Rosenberg a publié de nombreux ouvrages, dont le best seller Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Il a reçu en 2006 le prix « Bridge of Peace NonViolence Award ».

La CNV dans un environnement qui évolue

Les travaux de Paul D. MacLean et Henri Laborit mettent en évidence le fonctionnement de nos trois cerveaux, le cerveau reptilien, le cerveau limbique et le néocortex. Ils montrent qu’en cas d’interprétation de danger, le cerveau reptilien déclenche des mécanismes automatiques d’attaque, de fuite, de repli sur soi ou d’inhibition. Ils expliquent comment le néocortex emmagasine des expériences qui modifient le fonctionnement des cerveaux reptiliens et limbiques. Ceci explique sans doute pourquoi la CNV, qui agit de manière directe sur le néocortex, transforme les réflexes et réduit la réactivité d’attaque, de fuite ou de repli sur soi. Avec le développement des neurosciences, des connaissances du fonctionnement des différentes parties du cerveau, de la plasticité du cerveau et des neurones miroirs, nous sommes sans doute au début d’une phase de validation scientifique des effets de la CNV sur les personnes, sur leur manière d’appréhender la réalité et d’y réagir, sur les processus de

réconciliation observés dans le monde.

De nouvelles découvertes en anthropologie démontrent que l’être humain, à l’âge préhistorique, était déjà capable de bienveillance, prenait soin des personnes blessées, handicapées ou fragiles, en leur donnant une place dans la communauté. Elles montrent que la compassion et l’entraide, la coopération et la solidarité, plus que la compétition et l’agressivité, ont sans doute été des facteurs clefs dans la réussite évolutive de l’espèce humaine. Ces découvertes valident pour une part la conviction de Marshall B. Rosenberg que l’homme est naturellement empathique.

D’autres méthodes complémentaires de la CNV

Dans le domaine de la psychologie, d’autres approches émergent et s’articulent de manière intéressante avec la CNV :

• La méthode TIPI (Technique d’Identification des Peurs Inconscientes), développée par Luc Nicon, permet de désamorcer très rapidement des réactions intenses (phobies, paralysies…), de manière autonome ou en accompagnement individuel ; cette méthode accompagne la transformation physiologique de l’émotion et désactive les peurs inconscientes ; elle donne une ressource complémentaire pour éviter la réactivité et ses conséquences, favoriser la disponibilité à pratiquer la CNV et la liberté de choix

• La CNV et l’IFS (Internal Family System) se complètent mutuellement dans l’accompagnement des parties de soi L’IFS est une pratique thérapeutique alors que la thérapie n’est pas la première finalité de la CNV (même si celle-ci a des effets thérapeutiques indéniables). Dans ce travail, la CNV développe davantage la présence empathique et la médiation intérieure alors que l’IFS permet d’appréhender le système au sein duquel évoluent les différentes parties intérieures.

• Les constellations familiales permettent d’enrichir la CNV par une meilleure compréhension des croyances et comportements hérités de manière inconsciente de nos ancêtres.

• La logique émotionnelle et les travaux de Catherine Aimelet Perrissol confirment l’importance de ressentir les émotions et de leur donner toute leur place, d’identifier les fonctionnements réactifs du cerveau reptilien

• Les travaux de Catherine Gueguen, médecin formé à la CNV et aux neurosciences, confirment l’impact de la bienveillance sur le développement des compétences cognitives et relationnelles de l’enfant.

Dans le domaine social et économique, des expériences sur les nouvelles pratiques éducatives, la justice restauratrice, la prévention des risques psychosociaux, les nouvelles formes de gouvernance, les entreprises libérées se réfèrent à la CNV comme socle de compétence utile et nécessaire pour soutenir et accélérer les transformations en cours. Elles donnent des perspectives nouvelles à l’application de la CNV.

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1 Je tiens cette anecdote de Boris Cyrulnik Je la reprends ici car elle me semble illustrer tout à fait le questionnement de Marshall B. Rosenberg.

2. Travaux de Marylène Patou-Mathis.

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Les principes de base de la CNV

Les questions auxquelles répond ce chapitre :

• Quelle est l’intention de la CNV ?

• Quelles sont les différentes formes de violence ?

• Que puis-je faire pour transformer la violence relationnelle ?

• Quelles sont les composantes d’une communication non-violente ?

Quels sont les objectifs de la CNV ?

Nous avons plus de chance de vivre ce que nous voulons si nous savons ce que nous voulons.

La Communication NonViolente vise à augmenter :

• notre conscience de ce que nous voulons vivre ;

• notre capacité à choisir ce que nous vivons ;

• nos chances de vivre ce que nous aspirons à vivre, indépendamment des circonstances.

Il ne s’agit donc pas d’abord de faire quelque chose, de savoir comment dire ou comment écouter, mais de mettre de la clarté sur notre intention. À quoi je veux contribuer ? Quel est le monde dans lequel j’aspire à vivre ? Quelles sont les caractéristiques de ce que j’apprécie de vivre ?

Ce questionnement est subtil et profond, à la fois intellectuel est sensible, philosophique et spirituel. Ceci explique en partie la difficulté de trouver un terme positif qui exprime toute la richesse de la « non-violence » à laquelle tous les êtres humains aspirent. Tous les termes qui existent aujourd’hui « communication bienveillante », « communication authentique », « communication consciente » etc. ne disent que partiellement les aspirations humaines à agir et à entrer en relation. Nous vous proposons les formulations les plus proches de l’intention portée par Marshall B. Rosenberg.

Développer la joie du don

La CNV vise à favoriser des échanges où nous donnons à partir d’un élan du cœur, de manière spontanée et joyeuse, et non motivés par la peur, la culpabilité, la honte ou l’avidité. Nous souhaitons des échanges où le don enrichit aussi bien celui qui donne que celui qui reçoit.

La CNV est un processus puissant pour augmenter nos chances de donner et d’agir à partir d’un élan sincère et également pour augmenter les chances que les autres donnent et agissent à partir de ce même élan sincère.

Prendre soin des relations

Nous sommes souvent éduqués à agir vite, à résoudre des problèmes de manière efficace, à obtenir un résultat. Ceci nous pousse à envisager nos relations et notre communication comme des moyens pour obtenir le résultat que nous voulons. Mais l’expérience nous montre que, chaque fois que nous obtenons un résultat qui ne prend pas en compte les besoins d’une personne (nous-même ou autrui), cela a des conséquences. Nous en payons le prix. La CNV nous invite à nous centrer sur la relation, sur les qualités de relation que nous voulons vivre.

Prendre soin des relations est l’attitude la plus raisonnable que j’ai

trouvée. Si nous prenons soin de la relation, nous sommes dans les meilleures dispositions pour obtenir le meilleur résultat possible et nous serons par ailleurs satisfaits de la qualité de la relation. Lorsque nous demandons aux personnes que nous rencontrons ce qu’elles apprécient de vivre dans les relations, nous constatons que tous les êtres humains aspirent à vivre les mêmes choses : confiance, authenticité, écoute, compréhension mutuelle, absence de jugement, délicatesse, légèreté, profondeur, réciprocité…. Parfois nous ne savons pas comment faire pour obtenir cela. Nous avons appris à l’obtenir d’une manière qui ne prend pas en compte l’aspiration d’autrui (par exemple j’ai appris à m’affirmer en dévalorisant les autres). Parfois nous avons des doutes de pouvoir vivre cela avec une personne, tellement la relation a souffert jusqu’à maintenant. Néanmoins, c’est cette qualité relationnelle que nous cherchons et que la CNV va nous aider à développer.

Augmenter notre pouvoir d’agir

La CNV nous invite à prendre conscience de nos aspirations profondes, nos besoins fondamentaux et notre élan de vie, et à nous positionner :

Que veux-tu que l’autre fasse ou dise ?

À partir de quel élan souhaites-tu que l’autre agisse ?

De manière structurelle, la CNV invite chacun à quitter la position de victime pour retrouver du pouvoir d’agir et redevenir acteur de sa vie, responsable de ses besoins et de ses choix, capable de faire le deuil de ce qui n’est pas. C’est un chemin de construction face à l’impuissance et au déni. Marshall B. Rosenberg espérait que ce soit un processus qui permette de construire un monde avec moins de personnes dépressives, coupées de leur élan de vie.

Prendre en compte la réalité et l’interdépendance

Marshall B. Rosenberg a fait un important travail d’écoute et d’observation. Il a observé comment nous communiquons et quelles sont les conséquences de nos manières de faire. Il a confronté ses observations à l’expérience d’autres

personnes, dans différentes cultures. La CNV est une invitation à voir la réalité telle qu’elle est et à cesser de lutter contre cette réalité. Elle nous invite à centrer notre énergie sur le moment présent, sur ce qui se vit en chaque personne, sur nos possibilités d’action et de transformation que nous avons ici et maintenant.

En particulier la CNV prend en compte le fait que nous sommes interdépendants. Il n’y a pas d’un côté mes besoins et d’un autre côté les besoins de l’autre puisque l’un de mes besoins est de contribuer au bien-être d’autrui. Il n’y a pas d’un côté une attitude qui consisterait à prendre soin de moi et à être égoïste et d’un autre côté une attitude altruiste qui ne prendrait soin que de l’autre. Prendre soin de moi inclut de prendre soin de mon élan à contribuer, à prendre soin des autres. Ma manière de prendre en compte l’autre a des conséquences sur moi et sur nous tous. Chaque fois que j’agis d’une manière qui ne prend pas en compte l’autre, je crée de la distance, l’autre me le fera payer en retour, j’aurai davantage d’énergie à dépenser pour restaurer la confiance, etc. Nous sommes interdépendants et la CNV est un processus qui prend en compte cette réalité.

Prendre en compte la complexité de la vie

La CNV nous invite à regarder avec ouverture aussi bien les aspirations que les mouvements intérieurs qui résistent. Car ces derniers indiquent aussi une réalité précieuse à prendre en compte.

Exercice

Accueillir les résistances

Il se peut que, à la lecture de ces premières pages j’aie des réactions, des mouvements intérieurs qui résistent, des pensées qui s’opposent à ce que je lis et comprends.

Je note ce qui me stimule (ce que j’ai lu, ce que j’ai compris).

Je note mes pensées, mes sensations, mes réactions.

Qu’est-ce qui est si précieux pour moi qui fait que j’ai ces pensées, sensations et réactions ?

Comment puis-je continuer la lecture de cet ouvrage et la découverte de la CNV en prenant en compte ce qui est précieux pour moi maintenant ?

Il se peut par exemple que vous ayez vécu une expérience relationnelle difficile et que les lignes précédentes sur la bienveillance, la responsabilité, l’accueil de la réalité… réveillent en vous des tensions et des pensées comme « c’est vraiment utopique », « cela ne peut pas marcher avec tout le monde », « c’est un monde de bisounours ». Il se peut que ceci exprime votre besoin d’être pris en compte dans la réalité qui est la vôtre, de recevoir de l’empathie pour ce qui fut douloureux, d’être rejoint dans les tentatives que vous avez faites et qui ont échoué. Ceci est précieux aussi et je vous souhaite de continuer votre lecture en prenant les deux aspects en compte : à la fois votre souhait de découvrir la CNV et d’explorer en quoi la CNV peut enrichir votre vie et en même temps votre besoin d’empathie et d’accueil de votre réalité, de vos limites et des espaces où vous avez plutôt besoin de compréhension et d’accueil que d’évolution pour le moment.

Être relié à la vie

On utilisera souvent dans ce livre des expressions comme « reconnaître ce qui est vivant en soi ou en l’autre », « langage coupé de la vie », « se relier à la vie ». De quoi s’agit-il ?

Nous nous préoccupons des relations humaines et des organisations dans lesquelles les êtres humains vivent. Nous nous intéressons aux personnes tant qu’elles sont en vie, quel que soit leur niveau de santé et d’autonomie. Nous pouvons étendre certains principes de la CNV à d’autres formes de vie mais ce n’est pas notre sujet.

Nous voyons la vie comme un mouvement : le cœur qui bat et le souffle qui nous traverse, mais aussi les émotions, les élans et les désirs, les aspirations, les mouvements physiques, les paroles et les silences, les choix. Nous voyons chaque personne comme un être qui cherche à se déployer, animé par une force de vie qui le pousse à agir. La question à laquelle nous voulons répondre est : comment pouvons-nous augmenter nos chances de laisser à toute personne un espace pour se déployer et pour vivre pleinement ? Et en conséquence : comment pouvons-nous être davantage à l’écoute du mouvement de la vie en chaque personne ? Comment pouvons-nous augmenter nos capacités à prendre en compte l’ensemble de ce qui se vit à chaque moment pour augmenter nos chances de permettre à chacun de vivre pleinement, tout en laissant aux autres la possibilité de vivre également pleinement ?

Un prérequis – chaque personne a de la valeur

Il me semble important d’expliciter le présupposé central de la Communication NonViolente. Dans la pratique de la CNV, chaque être humain a de la valeur et aucun être humain n’a plus de valeur qu’un autre. Si nous ne sommes pas égaux, nous sommes équivalents. Même dans le cas de la relation d’autorité, nous partons du principe que l’expérience de chaque personne a de la valeur et de l’importance.

La CNV crée un espace où chacun a le droit et la légitimité d’être qui il est, est reconnu pour ce qu’il est, est animé par des aspirations qui ont de la valeur. Ceci crée de la détente et de la sécurité pour tous. Il s’agit de considérer « moi » et « l’autre » ; « ni plus que toi, ni moins que toi, tous ensemble » comme disait notre collègue Vilma Costetti.

Je tiens à souligner cet aspect pour deux raisons. La première raison est culturelle. Le fait que tout être humain ait de la valeur peut sembler une évidence. Il s’agit pourtant d’une vision anthropologique, qui est le fruit d’un cheminement culturel sur plusieurs siècles d’histoire des droits de l’homme, et qui est fragile encore aujourd’hui. Nos cultures n’ont pas toujours considéré cela et bien des drames et des violences s’expliquent quand un être humain, une ethnie, une tribu, une religion considèrent un autre être humain, une autre ethnie, une autre tribu, une autre religion comme inférieurs. La deuxième raison est davantage personnelle. La CNV nous invite à regarder avec honnêteté les moments où nous considérons que le point de vue de l’autre n’est ni légitime ni acceptable. Elle nous invite à contribuer à un monde où chaque personne peut vivre et se réaliser. Elle repose fondamentalement sur l’expérience et la croyance que ce monde est possible.

Exercice

Formuler mon intention

Je suis invité(e) à faire ma synthèse et à me formuler mon intention personnelle. Qu’est-ce que je souhaite améliorer dans ma vie, dans mes relations avec la CNV ? En quoi j’imagine que la CNV peut à la fois enrichir ma vie et celle des personnes avec qui je suis en relation ?

Tout ce qui va suivre veut servir cette intention et n’en est que le chemin.

L’importance de l’intention

Cette intention, qui fut le fil directeur de toute la vie de Marshall B. Rosenberg, est, de mon point de vue, la pratique la plus délicate de la CNV Quand je vis encore des maladresses relationnelles après des années de pratique, c’est souvent que j’oublie de mettre mon attention sur mon intention et que je me laisse prendre par des habitudes qui ne sont pas au service de mon intention Me relier à mon intention me demande souvent un temps d’arrêt : « Au fait, que veux-tu vivre à partir de maintenant ? » C’est une clef essentielle et parfois une conversion du cœur

Une qualité de présence

Le seul moment sur lequel nous avons du pouvoir, c’est maintenant.

La CNV est d’abord une qualité de présence à soi et à l’autre, aux autres, ici et maintenant. Il s’agit de porter son attention à ce qui se vit chez soi ou chez l’autre à chaque moment. Même si nous pensons à un événement passé ou futur, nous constatons que l’activité de notre mental, en cet instant, est de nous souvenir d’un événement passé ou de prévoir un événement futur.

L’attention au moment présent nous permet de nous relier au seul moment où il y a de la vie : maintenant. C’est maintenant que chaque personne est animée par des sensations, des sentiments et des besoins. C’est maintenant que chaque personne peut s’exprimer, écouter et agir. C’est maintenant que se joue notre capacité à accueillir la réalité de ce qui se vit et à augmenter nos chances de vivre quelque chose de plus satisfaisant à partir de maintenant. Ce « maintenant » impacte la qualité de vie de notre futur.

L’apprentissage de la CNV se fait généralement avant et après les événements qui nous ont stimulés, pour revisiter une situation passée ou pour préparer une rencontre à venir. Ces moments sont plus favorables à l’apprentissage car ils permettent de s’essayer sans le stress du temps et de la relation. Même dans ces moments d’apprentissage, nous sommes attentifs au moment présent. Si nous revisitons une situation passée, nous portons notre attention sur ce que nous vivons maintenant en nous reliant à l’expérience passée. Si nous préparons une rencontre future, nous imaginons la situation et nous sommes attentifs à ce que

cela nous fait vivre maintenant. C’est en effet la seule manière de vivre une expérience réelle qui prend en compte l’ensemble de notre être et pas seulement le mental.

La pratique de la CNV inclut donc l’apprentissage de cette qualité de présence, notamment par des temps de « centrage ». Ces exercices ne sont pas destinés à nous relaxer, même si c’est souvent une conséquence, mais à cultiver notre capacité à être vraiment présent, à développer notre conscience de ce que nous faisons et de ce à quoi nous sommes attentifs. Les pratiques de sophrologie, de pleine conscience ou la méthode Vittoz peuvent être des compléments utiles pour entrer dans la qualité de présence souhaitée.

Amener notre attention au moment présent

Quelles sont mes marges de manœuvre ?

Si nous ne savons pas ce que nous vivons, nous avons bien peu de chance d’exprimer clairement ce que nous voulons et bien peu de chance d’être ouvert à l’écoute et au dialogue.

Maintenant que nous avons clarifié notre intention de prendre soin de la relation à nous et aux autres, et notre attention à ce qui est vivant maintenant, il reste à orienter notre énergie vers ce sur quoi nous avons du pouvoir, sur ce que nous pouvons influencer dans la relation. Cela commence par un deuil : nous ne

pouvons pas changer l’autre, nous ne pouvons pas changer certaines circonstances. Nous pouvons juste inviter l’autre à nous rejoindre, modifier notre manière de vivre les circonstances et choisir où nous mettons de l’énergie.

Les trois temps de la communication

Comment suis-je en relation avec moi ?

Pour beaucoup d’entre nous, nous découvrons que nous sommes capables d’être violents avec nous-mêmes bien plus souvent que nous ne l’imaginons, que la violence n’est pas seulement une réalité lointaine et extérieure, mais déjà une expérience intime et quotidienne.

La première manière d’être non-violent est d’apprendre à s’offrir à soi-même de l’écoute empathique, ce que nous appelons l’auto-empathie ou l’empathie pour soi-même.

L’empathie pour soi-même

Cette pratique permet : • d’avoir conscience de soi : démêler ses observations, sentiments et besoins, ses pensées et

ses choix inconscients ;

• de prendre la responsabilité de soi : déplacer son attention de l’extérieur vers l’intérieur de soi ; prendre en considération de ce qui se passe en soi ;

• de choisir en conscience en fonction de ses besoins et valeurs, plutôt que de réagir de manière instinctive par habitude, par la fuite, l’attaque ou la paralysie ;

• de prendre la responsabilité de ses choix et de ses conséquences, par la célébration, le deuil et l’apprentissage.

Pour développer une relation à soi qui soit bienveillante, respectueuse et vivifiante, nous disposons de trois ressources principales que nous explorerons : observer les pensées qui nous occupent, transformer cette énergie en accueillant nos observations, sentiments et besoins, laisser émerger les demandes et les choix.

Entrer en relation avec soi-même demande du temps. Développer notre conscience et notre liberté de choix demande de l’espace intérieur et du temps. Dans le rythme de nos sociétés actuelles, c’est un défi. C’est un défi important qui nous permet d’être vivant.

Les carnets de Marshall B. Rosenberg

Après le décès de Marshall B Rosenberg un détail m’a semblé tout à fait essentiel Lors des derniers stages que Marshall B. Rosenberg a animés en France, il avait toujours avec lui un petit carnet dans lequel il continuait à noter ses observations, ses jugements qu’il transformait en sentiments et besoins, ses célébrations et ses deuils Il disait avoir de nombreux petits carnets comme celui-ci chez lui. Il dessinait des fleurs ou des papillons pour noter ses célébrations et gratitudes Je réalise maintenant que cet homme qui avait plus de 70 ans continuait à prendre du temps pour lui, à écouter ses mouvements intérieurs, à traduire ses mouvements violents pour prendre soin de lui, apprendre sur lui-même et prendre soin des autres. Le contenu de ses carnets est un mystère qui est parti avec lui, mais j’ai une grande admiration pour le fait qu’un être humain fasse le choix de consacrer autant de temps à l’écoute de la vie en lui et en l’autre, y compris en situation d’animation et de transmission. Cette observation m’encourage à prendre du temps avec moi, à continuer à cultiver la relation avec moi dans la confiance que cela peut m’aider à être moins violente vis-à-vis de moi et vis-à-vis des autres.

À ce stade de votre lecture, vous aurez un choix à faire, une première demande à envisager pour vous-même. Acceptez-vous de prendre du temps pour écouter la vie en vous, pour ouvrir votre cœur à ce qui se vit de précieux en vous et à ce qui se vit de précieux en l’autre ? De manière réaliste et joyeuse pour vous, quelle serait la manière la plus simple pour vous de commencer à cultiver l’auto-empathie et à expérimenter la CNV ? Peut-être que la lecture de ce livre

est déjà un cadeau que vous vous faites à vous-même ? Peut-être que le fait de prendre trois minutes à la fin de chacune de vos lectures pour repérer ce qui vous a le plus touché serait déjà un pas significatif ? Ou bien imaginez-vous prendre 5 minutes par jour pour commencer à mettre en pratique ce que vous lisez ? Ou bien préférez-vous vous réserver 20 minutes par semaine pour faire le point ?

Exercice

Tenir un journal de bord CNV

Il existe plusieurs manières de faire vivre un journal de bord CNV. Je vous propose ici la pratique la plus simple qui m’accompagne le plus régulièrement.

Achetez-vous un carnet qui vous plaît et qui est facile à emporter.

Ouvrez votre carnet d’un côté pour explorer les expériences agréables et de l’autre côté pour les expériences désagréables.

Explorez dans votre carnet chaque notion de cet ouvrage.

Lorsque vous avez peu d’énergie, contentez vous du côté agréable. Pensez régulièrement à vérifier que vous explorez les deux côtés de votre carnet. Nous avons tellement appris à apprendre à partir de la souffrance que nous avons du mal à imaginer pouvoir apprendre à partir de la joie. C’est pourtant tout à fait possible et tout aussi apprenant ! Vous trouverez de nombreux exercices complémentaires dans mes deux autres livres « Pratiquer la Communication NonViolente » et « Pratiquer la CNV au travail ».

Comment est-ce que je m’exprime ?

La deuxième manière de pratiquer la CNV consiste à développer une manière de s’exprimer respectueuse de soi et de l’autre, au service de la relation à soi et de la relation à l’autre.

L’expression authentique CNV est une manière de m’exprimer qui : est un choix conscient qui vient de l’espace d’auto-empathie et qui est en lien avec mon intention : je choisis de m’exprimer quand je suis disponible à la rencontre, que j’ai suffisamment confiance en moi et en l’autre pour exprimer ce qui est vivant en moi ; je choisis de me taire

quand je ne suis pas sûr d’être suffisamment ouvert au dialogue ou que je n’ai pas la confiance que mon expression peut servir la relation ; est authentique : je choisis d’exprimer le plus fidèlement possible ce qui est vivant en moi, en termes d’observation, de sentiment et de besoin et de demande ; a des chances d’être entendu, car j’ai enlevé de mon expression les jugements et les reproches qui ont bien peu de chance d’être accueillis ;

Accepte la liberté de l’autre d’entendre ou pas, de satisfaire ou pas à mes demandes.

C’est ce vers quoi nous allons en pratiquant jour après jour la CNV dans l’expression.

Comment est-ce que je t’écoute ?

« Tant que vous ne prenez pas plaisir à écouter l’autre personne, ce n’est pas de l’empathie. Si vous ne ressentez pas la joie de l’enfant qui ouvre un cadeau que l’autre personne a préparé, vous n’êtes pas dans l’empathie »

Marshall B Rosenberg (notes de Pascale Molho)

Nous avons tellement besoin d’être écouté, d’être entendu et c’est si rare de l’être vraiment ! Lors d’ateliers CNV avec des jeunes en risque de décrochage scolaire qui avaient entre 14 et 17 ans, j’ai offert un espace d’écoute de plusieurs heures où ont pu se dire l’ennui, la démotivation à suivre des consignes dont on ne voit pas le sens, le manque d’enthousiasme à imaginer une vie d’adulte demandeur d’emploi, la frustration de ne pas pouvoir choisir et de respecter un cadre et un contrat, l’envie de bouger et la difficulté à le faire quand c’était permis, la difficulté à choisir… J’ai été profondément inspirée par la rencontre de ces jeunes. Une chose qui m’a particulièrement émue et alertée, c’est d’entendre un jeune me dire à la dernière séance « Madame, vous êtes le premier adulte à nous avoir écoutés. ». Je ne crois pas que ce soit la réalité, mais je mesure combien l’expérience d’être écouté pleinement est précieuse et rare pour la plupart d’entre nous.

L’écoute non violente est une écoute particulière : l’empathie. Qu’est-ce donc que l’empathie selon la CNV ?

L’empathie s’inspire directement des travaux de Carl Rogers « L’empathie c’est sentir ce que l’autre sent comme si j’étais lui tout en sachant que je ne suis pas lui ».

L’empathie est d’abord une qualité de présence à ce qui est vivant en l’autre ici et maintenant. Il ne s’agit pas d’un diagnostic ni d’une compréhension mentale, mais d’être présent à ce qui se vit avec tout notre être, avec nos cinq sens, avec notre cœur. Nous avons tous cette capacité que nous utilisons naturellement depuis l’enfance dans de nombreuses situations. Nous nous en coupons lorsque nous vivons quelque chose de difficile, quand nous sommes affecté par ce que nous entendons, quand ce que nous entendons résonne avec notre expérience, quand nous voulons un résultat ou atténuer la souffrance. C’est la pratique de l’auto-empathie qui va nous aider à dégager cet espace de présence qu’est l’empathie.

L’empathie c’est une écoute de ce qui se vit maintenant. Même si l’autre parle du passé, imagine le futur, nous écoutons ce qu’il dit maintenant. Qu’est-ce qui est si vivant en lui maintenant qui fait qu’il dit ce qu’il dit ? Qu’est-ce qui est si vivant maintenant qui fait qu’il nous le dit, à nous ?

L’empathie n’est pas la sympathie. Je suis en sympathie lorsque je ressens tellement ce que l’autre sent que je me confonds avec lui, que je fusionne avec lui, que je ne sais plus faire la distinction entre ce que je vis et que l’autre vit. En sympathie, je suis triste quand l’autre est triste. En empathie, je suis peut-être triste de voir l’autre triste, mais ma tristesse est ma tristesse, liée par exemple au fait que j’aimerais contribuer et que je ne sais comment faire, et sa tristesse est sa tristesse. En empathie, je m’autorise à vivre quelque chose de différent : je peux ressentir de l’ennui, de la colère, du soulagement, de la joie.

L’empathie me demande de mettre de côté mon besoin de contribuer au bienêtre d’autrui pour vraiment être disponible pour l’autre. Dans l’empathie je renonce à donner des conseils, à consoler, à ramener à mon histoire, à généraliser, à comparer ce que j’entends avec d’autres histoires, à rassurer, à soulager. Je ne donnerai par exemple un conseil que si l’autre le demande ou l’accepte.

L’empathie est un accueil inconditionnel et non intentionnel. Le grand paradoxe de l’empathie, c’est que l’écoute va contribuer au bien-être d’autrui, qui a d’abord un grand besoin d’être entendu, parce que je vais renoncer à vouloir le bien-être d’autrui. Dans l’empathie, il n’y a nulle part où aller. L’empathie repose en réalité sur un postulat de la psychologie humaniste que chaque personne a les ressources pour vivre ce qu’elle a à vivre, surtout si elle arrive à se connecter à elle-même. L’empathie est donc cette présence si précieuse qui permet à autrui de se connecter à lui-même et de retrouver ses ressources.

L’empathie n’est pas une approbation. En particulier dans la gestion des conflits et les processus de réconciliation, l’empathie permet d’accueillir ce qui se passe en l’autre, ce qu’il fait et les besoins qu’il cherche à satisfaire en agissant de la sorte, et en même temps elle permet, parce qu’elle n’est pas de la sympathie, d’être en profond désaccord avec les choix faits par autrui. Cela peut demander de revenir à l’auto-empathie quand les choix de l’autre heurtent profondément nos valeurs ou nos besoins.

Pourquoi s’intéresser au langage ?

La CNV est une posture, une manière d’être en relation, un art de vivre. Pourtant la CNV se transmet essentiellement par une manière de parler, par les mots et le langage. C’est un paradoxe, source de beaucoup de malentendus dans la littérature sur le sujet.

Nous nous intéressons au langage car c’est la structure de base de notre pensée. Le langage conditionne notre manière de penser notre vie, nos relations et le monde. Nous pensons à partir des mots que nous avons pour penser. Si notre langage dispose du mot « idiot », nous pouvons penser que des personnes sont « idiotes », que d’autres ne le sont pas. Si nous ne transmettons pas ce mot aux générations futures, nos enfants auront moins de ressources pour penser qu’ils pourraient être « idiots » et qu’ils ont des choses à faire ou à dire pour éviter de passer pour des « idiots ». Nous espérons ainsi qu’ils seront plus libres et plus vivants. En même temps, si ce mot existe dans la plupart des langues du monde, alors il est important d’explorer à quoi ce mot a servi et comment nous pouvons réactualiser ce à quoi il a servi d’une manière qui soit davantage respectueuse des besoins de chacun et de nos aspirations profondes. Tout le travail pédagogique de la CNV consiste à transformer les mots, les expressions qui nous coupent de nos élans de vie, pour les remplacer par des mots, des expressions qui sont davantage reliés à nos élans de vie et qui nous permettent de construire les vies que nous souhaitons vivre.

Nous avons fait de notre mieux

Nous allons maintenant observer les manières dont nous nous y prenons habituellement et les conséquences que cela a pour nous et pour les autres. Nous

allons observer le plus factuellement possible nos manière de nous exprimer, d’écouter autrui, de penser. Nous ne cherchons pas à juger ce que nous faisons mais à observer, à être spectateurs de nos fonctionnements pour augmenter nos compétences à fonctionner d’une manière satisfaisante.

Nous allons qualifier d’« obstacles » et de « jugements » des fonctionnements insatisfaisants, qui ne servent pas notre intention. C’est une étiquette que nous utilisons pour nommer des manières de faire qui ne nous conviennent pas, qui ne nourrissent pas certains besoins parce que nous en mesurons aujourd’hui les conséquences, tant sur le plan individuel que collectif. Découvrir la CNV, c’est aussi découvrir que, jusqu’à maintenant, nous avons agi d’une certaine manière qui a pu avoir des conséquences inconfortables, douloureuses, pour soi ou pour autrui. Cela peut être douloureux.

Notre intention est de nous offrir de la compassion et d’apprendre de manière aussi non-violente que possible. Deux principes sont essentiels pour cela ; jusqu’à maintenant nous avons fait du mieux que nous avons pu, avec notre conscience, nos ressources et notre environnement ; nos expériences passées nous enrichissent et nous permettent d’envisager la suite de notre vie avec plus de conscience et plus de ressources.

Des graines de violence

Si nous connaissons les obstacles, nous avons davantage de chance de les éviter.

Les sections précédentes sur l’intention et l’attention nous indiquent tout naturellement deux premiers obstacles : Nous oublions notre intention et nous agissons d’une manière qui va à l’encontre de ce à quoi nous aspirons ; c’est le cas en particulier chaque fois que nous nous mobilisons pour atteindre un résultat ou pour corriger autrui et que nous oublions que nous aspirons d’abord à une qualité de relation avec nous et également avec l’autre.

Nous oublions notre attention au présent et nous portons notre attention sur le passé, sur ce qui n’a pas fonctionné, sur ce qui aurait dû se passer autrement, ou sur le futur et ce qui pourrait arriver.

Nous pouvons également identifier quatre grandes catégories d’obstacles : les jugements, les exigences, le déni de responsabilité, le mérite.

Une représentation imagée

Pour faciliter la représentation de ces obstacles et de leurs conséquences, je reprends un schéma que l’on doit à une collègue, Hélène Domergue Tappolet, et que j’ai découvert par un autre collègue, Thomas d’Ansembourg.

La réalité de ce que nous vivons est complexe, faite de pensées, d’observations, de sentiments et de besoins, de choix et d’actions. À chaque moment, tout cela se vit à l’intérieur de nous. Pour représenter notre réalité nous pouvons la symboliser par ce personnage :

Un schéma des cinq registres de communication

Les pensées, jugements, exigences, etc.

• Les observations à travers nos cinq sens

• Les sensations corporelles, émotions et sentiments

Les besoins fondamentaux et les valeurs

• Les actions, choix et demandes

Chacun de ces registres en soi est utile et contribue à la prise en compte de nos besoins fondamentaux et de ceux des autres.

Cependant, le fait de donner à notre mental un pouvoir qu’il n’a pas, de lui demander de traiter des informations pour lequel il n’est pas habile, de confondre les informations de notre mental avec nos observations, sentiments et besoins, crée un parasitage de la relation. Nous perdons des informations précieuses qui nous font violence et font violence à l’autre.

Notre fonctionnement ressemble davantage à cette position assez inconfortable.

Un fonctionnement habituel

Les pensées, jugements, mélangées avec les observations

Les actions et exigences

Il s’agit d’observer ce fonctionnement pour le transformer et pouvoir accéder aux observations dénuées de jugements, aux sentiments et aux besoins qui nous permettront de faire des choix, actions et demandes plus conscients et respectueux de chacun.

Les jugements

Une violence naît chaque fois que nous confondons la perception que nous avons avec la réalité et la vérité.

Nous allons explorer différentes gammes de jugements

Notre difficulté à percevoir la réalité

Les scientifiques savent depuis longtemps que la réalité est impossible à appréhender de manière complète et qu’il y a un écart entre la réalité et la manière dont nous percevons cette réalité :

Nous percevons la réalité à travers nos cinq sens ; nos sens reçoivent des milliards d’informations et nous avons appris à traiter ces informations, à trier les informations utiles, à reconstituer les informations manquantes ; cet apprentissage nous permet de réagir rapidement ; il est profondément influencé par l’environnement dans lequel nous avons grandi, par notre culture.

Nos récepteurs sensoriels ont des limites qui sont bien plus importantes que ce que nous imaginons ; nous n’entendons pas certaines fréquences, nous ne voyons pas certaines nuances, nous percevons de manière bien différente la douleur ; ces limites ne sont pas les mêmes selon nos expériences de vie et le milieu dans lequel nous avons grandi.

Nous interprétons la réalité à partir d’un contexte, en fonction de nos expériences précédentes, ce qui explique bon nombre d’illusions d’optique par exemple.

Nous interprétons la réalité en fonction de nos croyances héritées ou construites par l’expérience.

Le langage que nous utilisons, les mots de notre vocabulaire influencent grandement notre manière de penser et de nous représenter le monde. J’ai observé, dans une ethnie où les mots « vrai » et « faux » n’existaient pas, une plus grande capacité à concilier des points de vue différents que dans une culture occidentale.

Notre état intérieur modifie profondément notre manière de percevoir la réalité. Nos perceptions

Vous montrez à un public le dessin suivant et vous demandez « Quel est l’âge de la personne ? »

Les réponses vont varier Certains voient une jeune femme, élégante, en manteau de fourrure D’autres voient une vieille femme qui ressemble davantage à une sorcière. Des rumeurs commencent à circuler dans la salle pour savoir qui a tort et qui a raison puis pour tenter peu à peu de permettre à chacun de voir les deux images.

La divergence de regards sera encore plus grande si, au préalable, vous avez distribué au public l’une ou l’autre de ces images. Ceux qui auront entre les mains le visage de la jeune femme auront plus de facilité à voir la jeune femme alors que les autres verront plus rapidement la vieille femme. Notre perception est donc également influencée par nos expériences passées

Une grande majorité des conflits trouvent leur origine dans des « malentendus ». Bien des malentendus s’expliquent par notre difficulté à percevoir la réalité, notre manque de conscience que ce que nous percevons n’est jamais complètement la réalité et notre manque d’ouverture au fait que l’autre peut donc avoir une perception différente de la nôtre.

Confondre la réalité avec la perception que nous en avons nous freine également dans la relation à nous-même chaque fois que nous réagissons à notre compréhension de la réalité plutôt qu’à la réalité elle-même.

Les jugements moralisateurs, reproches et évaluations

Nous avons appris à analyser des problèmes, à chercher la causalité des événements, à classer. Nous avons ainsi appris à pratiquer notre discernement à travers des jugements moralisateurs, à exprimer ce qui se passe en nous sous forme de jugements positifs ou négatifs. Chaque fois que nous vivons une expérience désagréable, qui vient toucher des besoins fondamentaux ou des valeurs, nous produisons de manière automatique et inconsciente les jugements négatifs que nous avons dans notre langage. Chaque fois que nous vivons une expérience agréable nous produisons de manière automatique et inconsciente les jugements positifs que nous avons dans notre langage.

Une forme atténuée de jugement est l’évaluation, la manière dont je qualifie la réalité. Les évaluations sont également des obstacles à la relation et au dialogue car nos évaluations peuvent différer en fonction de nos besoins du moment. Une mère et son enfant de 17 ans n’ont peut-être pas les mêmes représentations de ce qui est rangé, utile, de ce que veut dire « se lever tôt » ou « être à l’heure ». Deux voisins, dont l’un est passionné de musique et l’autre est fatigué de sa journée de travail, n’auront pas la même idée de ce qui est « bruyant », « dérangeant », « exagéré ». Bien des conflits seraient évités si nous explicitions ce qui se cache derrière ce que nous évaluons comme « irrespectueux » et « respectueux », « admissible » et « inadmissible ».

Les diagnostics et les étiquettes

L’empathie n’est pas le diagnostic. Cette distinction est fondamentale et peutêtre délicate à appréhender si nous avons fait des études de psychologie ou de médecine, si nous sommes familiers des tests de personnalité.

Le diagnostic est une compréhension mentale de ce qui se vit, une explication de ce qui se passe. L’empathie est une appréhension sensible de ce qui est. Elle ne passe pas par l’analyse du mental.

Les étiquettes représentent les classifications mentales que nous nous faisons, à travers l’âge de la personne (un bébé, un adolescent, une personne âgée), son rôle dans la société (un policier, un enseignant, un parent, une étudiante, un directeur), son sexe (un homme, une femme), le pays où il est né (un Africain, un Français, un Belge)… Notre difficulté vient du fait que, derrière chacune de ces étiquettes, nous collons une certaine représentation de la personne, des a priori qui nous empêchent de voir la personne dans son humanité, dans sa

spécificité.

Les comparaisons

Influencé par le livre de Dan Greenburg et Marcia Jacob, Le manuel du parfait masochiste, Marshall B. Rosenberg savait nous montrer avec humour combien les comparaisons sont très efficaces pour nous pourrir la vie. Décrivez toutes les caractéristiques d’une personne non violente et d’un parfait pratiquant en CNV, puis comparez avec votre comportement quotidien : voici une recette infaillible pour vous dévaloriser et pour vous empêcher de pratiquer et d’avancer ! Si j’écoute les comparaisons, j’arrête tout de suite l’écriture de ce livre. J’espère que ce serait dommage !

Les généralisations

Lorsque nous aspirons à un changement ou lorsque nous sommes découragés de ne pas être entendus, il nous arrive bien souvent de généraliser ce que nous voyons « tu ne ranges jamais ta chambre », « tu es encore en retard », « je suis toujours à la bourre » et nous avons tous l’expérience que ces généralisations ne représentent pas la réalité et freinent le dialogue « de toute façon quand je range ma chambre, tu ne le vois pas », « oui, bon, ça peut arriver à tout le monde », « je ne peux donc pas changer et je déprime ».

Pour déjouer cette forme de violence, nous ne croirons pas les généralisations, nous chercherons les observations factuelles ainsi que les sentiments et besoins qui s’expriment maladroitement derrière ces généralisations.

Le verbe être et l’extrapolation

Les chercheurs Alfred Korzybski et David Bourland ont mis en évidence qu’une forme de violence qui existe dans notre langue est le verbe « être ». Le verbe « être » conduit à une identification entre la personne et ses qualités et nous fait imaginer que la réalité d’aujourd’hui sera la réalité de demain. Ces chercheurs ont inventé dans les années 1960 le langage E-Prime, correspondant à la langue anglaise sans le verbe « être », en espérant que cette nouvelle langue pourrait réduire le niveau de violence. On retrouve ce verbe être dans les jugements moralisateurs, les étiquettes, les évaluations, les diagnostics. Supprimer le verbe

« être » nous conduit à retrouver des observations ou à exprimer des sentiments et des besoins. Au lieu de dire « tu es égoïste », je vais pouvoir dire « tu as fini le gâteau au chocolat », au lieu de dire « c’est un juge », je vais exprimer « il a actuellement une fonction de juge ». C’est un pas pour réduire la violence dans notre langue et par conséquent dans notre manière de penser et de communiquer.

Les interprétations

Il y a dans notre cerveau un metteur en scène qui a de grands talents pour nous raconter des histoires. Si vous êtes comme moi, ce metteur en scène est par ailleurs doué pour nous raconter des histoires tristes et des histoires qui font peur. Lorsque nous utilisons ce personnage intérieur pour raconter des histoires aux enfants et pour activer notre créativité, il peut être fort utile. Mais il nous joue également bien des tours.

En effet, nous pouvons facilement constater que nous réagissons bien trop souvent à l’histoire que nous nous racontons plutôt qu’à la réalité. C’est un piège dans lequel nous tombons régulièrement. Pour l’éviter il peut être vraiment utile de nous poser régulièrement cette question « est-ce que ce que je dis est vrai ? », « que s’est-il passé concrètement qui me fait dire cela ? ». C’est aussi la rencontre avec autrui, les désaccords, les tensions et les conflits qui peuvent le plus nous aider à distinguer les interprétations, notre perception de la réalité et la réalité.

Les croyances

Lorsque nous parlons des croyances, nous parlons des pensées que nous avons et dont nous sommes absolument persuadés qu’elles sont vraies. Nous avons pu rencontrer des personnes ayant des pensées différentes, mais nous sommes persuadés qu’elles ont tort et que notre version est la bonne. Certaines de ces croyances nous sont utiles et d’autres nous freinent dans la vie (nous parlerons alors de « croyances limitantes »). Quoi qu’il en soit, le piège consiste à nouveau à confondre ces croyances, pour lesquelles nous avons le pouvoir de les faire nôtres ou de les rejeter, avec la réalité qui est ce qu’elle est.

Les exigences

Les exigences motivent la plupart de nos jugements moralisateurs. L’exigence est une manière de penser ce qui doit être, en des termes comme « je dois », « je ne dois pas », « il faut », « il ne faut pas », « c’est normal de », « ce n’est pas normal de ». Parce que des comportements satisfont des besoins fondamentaux à un moment donné, nous nous approprions ces comportements comme une norme universelle et intangible. Cette manière de penser est extrêmement difficile à vivre, car elle exclut les personnes qui agissent et pensent de manière différente.

Le déni de responsabilité

Le déni de responsabilité est une attitude qui peut avoir plusieurs causes, par exemple :

Je ne mesure pas la responsabilité de mes choix car je n’ai pas la conscience qu’un choix est possible ; je suis persuadée que « je n’ai pas le choix », « c’est obligé ».

Je cherche à me préserver de la souffrance que je pourrais ressentir si je prenais la responsabilité de mes actes et de leurs conséquences ; « ce n’est pas ma faute », « je n’avais pas le choix », « j’ai été obligé de ».

J’ai peur de la sanction ; « ce n’est pas ma faute ».

Ce langage est particulièrement développé dans la relation d’autorité. Il prend des formes diverses « je n’ai pas le choix », « ce n’est pas moi qui décide, je ne fais que relayer les ordres de la direction », « ce n’est pas moi qui veux cela, ce sont les exigences de service »… Ce langage exprime souvent de la souffrance, un sentiment d’impuissance, la difficulté à assumer les conséquences de ses choix. Il demande beaucoup de délicatesse à la fois pour accueillir ce qu’il tente d’exprimer et pour les conséquences dramatiques pour les personnes et, au delà, pour la société et pour la planète (beaucoup de gestes de destruction de la nature sont associés à ce langage de déni de responsabilité par exemple).

Le déni de responsabilité et ses conséquences

Le nazi Adolphe Eichmann a été jugé pour crimes de guerre à Jérusalem et son procès a été longuement étudié, notamment par Hannah Arendt et Marshall B Rosenberg Lorsque les juges lui ont demandé « Était-il difficile d’envoyer des milliers de personnes à la mort ? », il a alors répondu « Pour vous dire la vérité, c’était facile. Notre langage l’a facilité ». Les personnes qui l’interrogeaient ont été choquées par cette réponse et lui ont alors demandé « Mais de quel langage parlez-vous ? ». Eichmann a alors dit « Mon unique langage est le langage bureaucratique, le Amtssprache ». Amt veut dire bureau. Sprache veut dire langage. C’est un langage qui crée chez les

exécutants une apaisante illusion (on parlera par exemple de « traitement spécial » plutôt que de « mort ») et qui nie la responsabilité.

« Si quelqu’un vous demande pourquoi vous l’avez fait, vous dites : je devais le faire Vous ne vous sentez pas aussi mal à l’aise. Vous deviez le faire. Vous ne vous sentez pas responsables. Amtssprache est un langage très dangereux, très dangereux » Marshall B Rosenberg.

Le langage du mérite

Historiquement, le mérite est une valeur républicaine qui a voulu permettre le passage d’une distinction sociale liée au sang à une autre davantage égalitaire et liée à la mesure des capacités. Il visait à satisfaire les besoins de reconnaissance. Mais aujourd’hui, dans nos cultures occidentales et libérales, le langage du mérite est un langage qui a justifié ou justifie les inégalités et les systèmes de domination : seraient mérités le salaire des hauts dirigeants pour leurs responsabilités, la fessée pour l’enfant récalcitrant, le cancer pour qui n’a pas participé au dépistage ou le chômage pour qui n’a pas tout fait afin de rester dans la course. Le langage du mérite, avec ses deux corollaires, les punitions et les récompenses, est un langage qui perpétue à notre insu une structure de domination, d’obéissance, de soumission et de peur, qui ne prend pas en compte l’impact sur les personnes et sur la société. Il n’aide pas à construire l’estime de soi, nous rendant seul responsable de notre réussite sans tenir compte de notre réalité. Il soutient une représentation de la société où certains ont le pouvoir de décider ce qui est bien ou mal, de récompenser et de punir, et où d’autres n’ont d’autre choix que de soumettre ou de se rebeller.

En pointant les conséquences dramatiques de ce fonctionnement, la CNV ne touche pas seulement aux relations interpersonnelles, mais à la manière dont nous structurons nos organisations, notre justice et notre société. À noter par exemple que le langage du mérite, de la punition et de la récompense est très présent dans les processus qui conduisent actuellement des personnes à poser des bombes et à s’exploser.

Le langage « chacal » et le langage girafe

Pour synthétiser toutes ces formes de langage, de pensée et d’expression qui nous coupent de la vie, qui n’expriment pas clairement nos besoins et valeurs,

qui freinent la relation à soi et à l’autre, Marshall B. Rosenberg a utilisé un symbole, le langage « chacal », en s’excusant auprès des chacals. C’est en écoutant une participante à un de ses stages se plaindre de son mari, que lui est venue cette expression.

Pour parler de la CNV, il utilisait un autre symbole, le langage « girafe ». Il a choisi la girafe car c’est l’animal terrestre qui a le plus gros cœur : pour lui, la CNV est d’abord un langage du cœur. Cet animal a un grand cou qui lui permet de voir loin. Ce symbole montre notre intention de voir la réalité derrière les jugements.

Ces images sont des métaphores. Elles sont à prendre avec précaution pour rester fidèles au processus CNV :

• Le chacal et la girafe ne représentent pas des personnes mais des formes de pensée et de langage, des paradigmes différents ; ce ne sont pas non plus des parts de nous, nous n’avons pas des parts de nous chacal et des parts de nous girafe mais des parts de nous qui s’expriment en langage « girafe » et d’autres qui s’expriment en langage « chacal ».

• Le langage « chacal » n’est pas une réalité permanente ; l’expérience montre qu’une personne qui s’exprime en langage « chacal », par exemple par des jugements et des reproches, et qui reçoit suffisamment d’empathie se met naturellement à s’exprimer en langage « girafe » ; si la personne continue à s’exprimer en langage « chacal » c’est le signe qu’elle a encore besoin d’empathie.

• Il ne s’agit pas d’une représentation duelle de la réalité « Le chacal et la girafe sont le même animal, le chacal est une girafe qui a des problèmes de vocabulaire » aimait à dire Marshall B. Rosenberg en conférence.

• La vision de Marshall B. Rosenberg est une vision profondément humaniste de la personne ; pour lui le langage « girafe » est un langage naturel que l’être humain perd dans certaines cultures et dans certaines conditions et qu’il peut retrouver par l’éducation et la CNV.

• Le langage est une porte d’entrée à une transformation intérieure de toute notre personne ; il s’agit profondément de passer de l’étape de « faire de la girafe » à « être girafe » tant notre langage modèle notre vision du monde et notre manière d’être.

• Le terme « chacal » a chez certains d’entre nous une connotation tellement négative qu’il nous coupe de notre intention d’accueillir avec bienveillance ce qui se passe. Notre intention est d’accueillir les jugements avec intérêt et ouverture, pour entendre ce qu’ils veulent dire

en termes de besoins.

• J’expérimente, dans mon apprentissage de la CNV depuis plus de 15 ans, un fonctionnement que je vois aussi chez les autres : j’essaye sincèrement de m’exprimer en langage « girafe » mais, au fond, je suis encore attachée au paradigme chacal. Par exemple, j’essaye d’être dans l’observation et l’expression de mes besoins et demandes mais, au fond de moi, j’espère que l’autre va culpabiliser et regretter ce qu’il a fait ! Cette étape d’apprentissage est fort désagréable pour l’entourage qui peut avoir l’impression que la CNV est une langue manipulatoire ou d’une langue bien compliquée pour formuler des jugements et des reproches !

La langue « girafe » aborigène

Marshall a été profondément marqué par sa rencontre avec une tribu des Orang Asli (population aborigène de Malaisie, « hommes des origines » en malais)).

Il est accompagné d’un traducteur qu’il connaît bien Avant de commencer à traduire, ce dernier lui dit que certaines expressions sont délicates à traduire car sa langue ne possède ni verbe « être » ni expression comme « vous êtes bon, mauvais, gentil etc » Marshall se met alors à plaisanter : « Comment allez- vous insulter les gens ? Comment allez-vous leur expliquer qu’ils doivent être punis ? Vous enlevez quatre-vingt-dix pour cent de mon vocabulaire ! Comment allez vous traduire si je dis ‘vous êtes égoïste’ » ? L’interprète traduit alors : « Je vois que vous faites plus de choses pour prendre soin de vos besoins que pour les besoins des autres. ». Puis il continue : « Dans ma langue, vous dites aux gens ce qu’ils font, ce que vous aimez, ce que vous aimeriez qu’ils fassent différemment Nous n’imaginerions pas dire aux gens ce qu’ils sont » Il a ensuite fait une pause et il a regardé Marshall avec toute sa sincérité en demandant : « Pourquoi appelleriez-vous une personne par un nom ? » Plus tard il revient à la question de la punition et lui demande « Quand une plante dépérit, est-ce que vous la punissez ? »

Cette tribu avait une conscience « girafe » naturelle ! Elle avait besoin d’apprendre à communiquer avec le gouvernement, qui s’exprimait de manière « chacal », pour protéger son mode de vie traditionnel, l’accès à la terre et à la forêt.

Transformer la violence

Nous donnons dans le carnet pratique une synthèse des formes de langage que nous avons citées, qui font obstacle à la relation et qui nous coupent de notre intention.

La violence existe donc dans notre manière de penser, d’accueillir ce qui se passe en nous et de communiquer avec autrui. Cette violence impacte nos relations et plus largement nos structures sociales, nos organisations et notre

manière par exemple d’exercer l’autorité et le pouvoir. Pour transformer cette violence, dans l’empathie envers soi et envers l’autre, il s’agit de : reconnaître les formes de violence que nous avons identifiées et accueillir pleinement ces formes de pensée et ces habitudes ; reconnaître les besoins que nous tentons de satisfaire à travers ces habitudes et les conséquences dramatiques voire tragiques de ces manières de faire ; trouver d’autres manières de prendre soin de nos besoins qui seront davantage au service de la vie et des relations humaines.

Il s’agit donc de : développer notre discernement, d’une autre manière que par des jugements moralisateurs ; exprimer nos aspirations, nos besoins d’apprentissage et d’évolution autrement que par des exigences ; réduire la souffrance sans nier nos responsabilités ; nourrir la reconnaissance et partager nos valeurs sans entretenir la dépendance aux mérites et aux punitions ; observer la réalité et donner du sens à nos expériences en réduisant nos interprétations et en prenant du recul par rapport à nos croyances.

Remarque

Dans la suite de cet ouvrage nous utiliserons le terme de « jugements » ou de « pensées » pour englober l’ensemble des expressions qui font obstacle à la relation à soi et à l’autre.

Comme jardiniers de notre intériorité et de nos relations, nous sommes maintenant prêts à « composter » les jugements, à en extraire des informations qui fertiliseront nos relations ! La CNV nous propose un processus en quatre étapes pour faire cela.

Observer sans évaluer

Écoutes-tu ton histoire, analyses-tu comment le monde devrait être ou regardes-tu avec curiosité un monde inconnu de toi jusqu’à maintenant ?

Nous pourrions dire que l’ensemble du processus demande une qualité d’observation : observer sans interpréter et sans juger la réalité, les événements, la manière dont nous réagissons et communiquons, les conséquences de nos paroles et de nos actes.

Néanmoins l’étape d’observation du processus CNV parle d’autre chose. Commune aux trois temps du dialogue – l’auto-empathie, l’expression et l’écoute – elle consiste à observer de manière aussi précise que possible les stimuli, ce qui se passe dans notre environnement ou dans notre mental qui déclenche quelque chose en nous. Il s’agit d’observer, sans ajouter des évaluations, des interprétations, des jugements, etc. ce que chacun voit, entend, imagine, se remémore et qui nous stimule à nous réjouir, à vouloir transformer la situation, à dialoguer et à coopérer.

Nous pouvons distinguer deux sortes de stimuli : des stimuli externes venant de notre environnement, que nous percevons à travers le filtre de nos cinq sens ; des stimuli internes provenant de notre mental qui interprète, fait un rapprochement avec un événement passé, imagine le futur, s’attache à une croyance ou raconte une histoire. La CNV développe notre capacité à choisir les stimuli internes qui nous aident à vivre. Par exemple, c’est le travail de transformation des croyances limitantes.

Les deux sortes de stimuli traités dans l’étape d’observation

L’observation consiste à regarder la réalité que nous percevons, telle qu’elle est à un instant donné.

« Je me souviens qu’hier, quand tu as pris la parole pendant le repas, j’ai vu ta main trembler » : j’observe que je me souviens d’un événement passé.

« Je t’entends dire que ce n’est pas juste », « Je vois les rayures sur la voiture » : j’observe ce que j’entends ou je vois maintenant.

« Quand j’imagine que tu pourrais me répondre qu’on en a déjà parlé » : j’observe que j’imagine ce qui pourrait se passer et je prends la responsabilité du film que je me raconte.

Dans le dialogue, l’observation nous permet de partager nos représentations de la réalité pour entrer en relation :

• « Quand tu me dis que je suis une mauvaise mère, est-ce que tu peux me donner un exemple d’un comportement que j’ai et qui te fait penser que je suis une mauvaise mère ? » : je cherche l’observation qu’autrui porte sur moi quand il exprime un jugement.

• « Quand je dis que je suis déçue, est-ce que tu entends une critique ? » : je vérifie comment l’autre entend ce que j’ai exprimé, de manière à démasquer les malentendus.

• « J’ai l’impression que tu n’es pas motivé par ce travail, est-ce que c’est le cas ? » : je prends la responsabilité de mon interprétation et je vérifie si elle correspond à un fait ou si je peux modifier ma manière de voir les choses.

• « J’observe que nous ne sommes pas d’accord sur ce sujet » : en dernier ressort, la plus petite observation partagée peut être que nous n’avons pas les mêmes observations, cette étape est un premier pas important dans la transformation des conflits.

Notre habitude peut être de passer beaucoup de temps, dans nos conversations, à parler de ce qui se passe dans notre environnement. Le processus CNV nous invite à être concis, à repérer ce qui nous stimule puis à passer aux étapes suivantes.

Cas

Exemple d’utilisation de l’observation dans l’auto-empathie et l’expression

Marina parle de son fils, Paul, qui a 22 ans et qui vient de décider d’arrêter ses études de médecine. Marina est très secouée par cette nouvelle et cherche à repérer son observation :

Qu’a dit précisément Paul ? A-t-il dit « J’ai décidé d’arrêter mes études » ou « Je ne vais plus en cours depuis un mois » ou « Je veux arrêter mes études de médecine » ?

Est-ce que ce sont les mots de Paul qui sont un stimulus pour Marina ou bien est-ce le ton de sa voix ou sa barbe de huit jours, ses cernes sous les yeux ? Est-ce que Marina est stimulée par ce qu’a dit Paul ou par ce qu’elle se dit intérieurement (« C’est courageux de faire ce choix » ou « Mon Dieu que va-t-il devenir ? ») ?

Est-ce que Marina est stimulée par ce qui arrive à Paul ou par autre chose (Marina se souvient de la manière dont son père a réagi quand elle a voulu changer son projet) ? Cette écoute de ce qui a stimulé Marina va permettre de la clarté dans l’échange.

Cas

Exemple d’utilisation de l’observation dans l’écoute empathique

Régis écoute Xavier qui vient de dire « Tu n’écoutes jamais rien de toute façon ! » Au lieu de réagir, en se justifiant ou en s’excusant, Régis prend le temps d’écouter l’observation de Xavier. Cette écoute peut se faire de deux manières :

Reformuler l’observation de Xavier pour lui permettre d’être entendu « Tu dis que je n’écoute jamais rien, est-ce cela ? » Aider Xavier à donner une observation plus précise pour aider Régis à se mettre en lien avec Xavier : « Quand tu dis que je n’écoute jamais rien de toute façon, est-ce que tu peux me dire ce que je fais

qui ne te convient pas ? Est-ce que c’est parce que j’ai gardé le journal ouvert sur les genoux ? »

Ici Régis est suffisamment disponible pour être attentif à Xavier. S’il est trop stimulé par ce qu’il entend, il pourra interrompre l’empathie pour se donner de l’empathie ou pour s’exprimer.

Observer pour transformer sa vie !

L’observation invite à une attention à la réalité, elle oriente notre énergie à regarder la réalité et non le film que nous nous faisons à partir de la réalité. Elle invite à l’humilité et au dialogue. Je partage ma vision de la réalité et je suis ouvert à entendre ta vision de la réalité. Je partage avec toi ce que j’ai entendu et je suis prêt à entendre que ce n’est pas ce que tu as dit ou que ce n’est pas ce que tu as voulu dire.

Dans l’observation, je prends en compte ce qui est et non ce qui n’est pas. Chaque fois que nous exprimons ce qui n’est pas, nous exprimons de manière maladroite une attente souvent implicite qui devient facilement un reproche (« tu ne me regardes pas » veut dire « est-ce que tu serais d’accord pour me regarder ? », « tu ne me dis pas bonjour » veut dire « j’aimerais bien te dire bonjour et je suis surprise de te voir passer devant moi »).

L’observation ouvre au dialogue en évitant les jugements de valeurs qui freinent le dialogue.

L’observation rend possible la transformation car elle n’enferme pas la réalité dans quelque chose d’immuable.

L’observation permet de déjouer les malentendus et par conséquent d’éviter bien des conflits.

Quand je

n’arrive pas à observer

Il arrive parfois qu’une personne n’arrive pas à observer sans juger, sans évaluer, sans généraliser, etc. C’est alors un indicateur qu’elle a besoin d’empathie, d’être

entendue dans ses sentiments et besoins.

Cas

SOS empathie, je n’arrive pas à observer !

Marc rentre du travail et, en voyant son fils de 12 ans devant l’ordinateur, il s’écrie « Tu es encore sur l’ordinateur ! J’imagine que tu n’as encore pas fait tes devoirs ! ».

(Vous pouvez repérer les jugements présents dans cette phrase, les « encore » de la généralisation, l’interprétation que son fils n’a pas fait ses devoirs.)

Marc n’arrive pas à rester sur l’observation de la situation ici et maintenant qui est qu’il voit son fils à 18 h 45 devant l’ordinateur. Il réalise qu’en fait il a besoin d’empathie pour tout ce qu’il vit dans cette situation, pour transformer son film intérieur qui le rend très stressé : « Quand je rentre à la maison et que je le vois devant l’ordinateur, je me raconte que mon fils n’a pas fait ses devoirs, que je n’arrive pas à me faire comprendre, que je n’arrive pas à éduquer mon fils, que je ne fais pas ce qu’il faut, que sa mère ne m’aide pas assez et est trop laxiste, que nous n’arrivons pas à être de bons parents, etc. ».

À la fin de plusieurs séquences d’auto-empathie sur ce sujet, Marc réalise qu’il est stressé, qu’il a besoin de développer sa confiance en lui et il travaille cela dans son journal de bord. Il peut maintenant respirer pour se relier à son intention, s’assoir à côté de son enfant et initier un dialogue où chacun peut s’exprimer et être entendu.

Les événements ne sont pas la cause de ce que nous vivons

Imaginons une assemblée dans laquelle une personne raconte une « histoire drôle ». À la fin de l’histoire, trois personnes sont fâchées et jugent l’histoire misogyne, trois personnes rient à gorge déployée et deux personnes regardent l’orateur de manière interrogative et se demandent ce qui est drôle. Nous avons tous vécu ce genre d’expérience qui montre qu’il n’y a pas de lien direct entre un événement, ici une histoire racontée par quelqu’un, et la manière dont nous

réagissons.

De nombreuses études montrent que le bonheur ne dépend que partiellement des circonstances, mais bien plus largement de la manière dont les personnes vivent les événements, de leurs ressources et de leur résilience, de leur capacité à trouver du sens…

La CNV nous propose un chemin pour vraiment prendre cela en compte : les événements, ce que nous observons, ne sont pas la cause de ce que nous vivons mais le stimulus. Face à un stimulus nous réagissons en fonction de nos besoins fondamentaux du moment.

C’est ce que nous allons explorer dans les deux chapitres suivants.

Les messages du corps : les sentiments

Personne ne réussit à conduire une voiture sans regarder le tableau de bord. Personne ne réussit à conduire une voiture en ne regardant que le tableau de bord.

Sentiments

Tant que nous sommes en vie, nous vivons des expériences qui impactent notre corps. Nous sommes traversés par des sentiments agréables et désagréables.

Avant d’explorer la suite de ce chapitre, nous recommandons la lecture attentive de les listes de sentiments agréables et désagréables données dans le carnet pratique. Vous pouvez surligner les mots de ces listes que vous imaginez pouvoir utiliser dans votre quotidien, en veillant à avoir au moins un mot dans

chaque catégorie.

Pour la CNV le sentiment englobe différentes expériences sensibles qui se vivent dans le corps : les sensations corporelles, les « sens corporels » (Focusing) ;

Les émotions qui sont classés en plusieurs catégories d’émotions de base ; une émotion est caractérisée par un éprouvé spécifique et une manifestation physiologique spécifique (rythme cardiaque, couleur de la peau, etc.) ; les émotions sont des processus qui ne durent que quelques secondes ; les sentiments qui précisent les émotions.

Le mouvement qui est proposé est d’observer avec curiosité et délicatesse ce qui se vit en soi, ce qui se vit en l’autre, à travers le corps. Dans cette expérience, que dit mon corps, que vit-il, que ressent-il ? Qu’est-ce qui se vit dans le corps de l’autre, que ressent-il ?

Pour beaucoup d’entre nous, nous n’avons pas appris à écouter les messages de notre corps et cela demande de l’apprentissage, de l’attention et de l’entraînement.

Pour enrichir notre perception des émotions et des sentiments, nous nous aidons des deux tableaux donnés dans le carnet pratique.

Nous apprendrons ensuite à explorer la cause de l’émergence de nos sensations et sentiments : les besoins fondamentaux.

Les signaux d’alerte

Certains sentiments demandent une attention particulière : la colère, la honte, la culpabilité et la dépression.

La colère est un sentiment stimulé par des pensées, des exigences contre l’autre : autrui a agi d’une manière que nous considérons comme non conforme.

C’est un indicateur que nous sommes dans notre mental et que nous avons besoin d’empathie pour accueillir pleinement les pensées que nous avons contre l’autre, puis les traduire en besoins. La colère est par ailleurs une émotion pleine d’énergie potentiellement destructrice. Pour pouvoir accueillir pleinement la colère, nous avons besoin d’apprendre à faire la distinction entre l’émotion de colère, qui est un indicateur précieux, et l’expression de la colère qui peut être destructrice. Le travail sur la colère inclut l’apprentissage d’expressions de colère qui permettent à l’énergie de « s’ex-primer » sans pour autant détruire (courir, crier dans les bois, taper un coussin, gribouiller une feuille de papier, certains exercices de Qi Gong).

La culpabilité, la honte et la dépression sont stimulées par des pensées et des exigences contre soi-même : on a agi d’une manière qu’on juge non conforme, inadéquate. La culpabilité demande un temps d’empathie pour pouvoir accueillir tous les jugements qu’on porte sur ce qu’on a fait. La honte est plus difficile à repérer car elle induit des jugements sur soi, sur son être même. D’une certaine manière, la personne qui a honte s’exclut de la communauté humaine et cherche à cacher ce qu’elle a fait pour garder le lien et l’appartenance. La personne qui vit la honte a non seulement besoin d’empathie, mais aussi d’un espace pour pouvoir rejoindre la communauté humaine, par exemple à travers l’accompagnement bienveillant d’une autre personne. La dépression est plus complexe car elle est la conséquence d’une accumulation de jugements et d’exigences qui, à un moment, coupent la personne de son élan vital. C’est en mesurant l’ampleur de la souffrance des personnes dépressives et le nombre de personnes concernées que Marshall B. Rosenberg a voulu mettre dans toutes les mains un processus préventif, la CNV.

Attention piège ! Les évaluations masquées

Dans l’écoute des sentiments, de ce qui se vit dans nos corps, notre langage nous tend encore des pièges.

Nous avons par exemple l’habitude de dire « je sens que… » en pensant exprimer des sentiments. En réalité toutes les phrases qui commencent par « je sens que » expriment des pensées, des diagnostics, des interprétations et jamais des sentiments. Si nous nous habituons à remplacer « je sens que » par « je pense que », nous contribuons à de la clarté dans notre culture et, dans les relations, nous prenons explicitement et clairement la responsabilité de nos pensées. Ce sera plus facile à vivre pour nous et pour notre entourage.

L’autre piège est que nous prenons pour sentiments des informations qui sont d’une autre nature, les évaluations masquées :

• « Je ne me sens pas écouté » signifie que « j’ai besoin d’écoute » ; c’est donc la traduction maladroite d’un besoin ; c’est par ailleurs une formulation qui nous met davantage en position de victime passive que la formule « j’aimerais être écouté » ou « j’ai besoin d’écoute ».

• « Je me sens abandonné », « je me sens trahi »… sont en réalité des pensées, des jugements et des reproches : je pense que tu m’as abandonné, je te laisse le pouvoir de m’abandonner, je pense que tu m’as trahi et je te le reproche ; ces expressions ne facilitent pas la prise de responsabilité de ma vie ni la relation à autrui qui se sent instantanément accusé.

• « Je me sens à ma place », « je me sens valorisée » sont également des jugements positifs qui me fragilisent car ils laissent aux autres le pouvoir de faire en sorte que cela change et que je me retrouve exclu ou dévalorisé.

• « Je me sens nul » est l’expression d’un jugement que j’ai sur moi.

Vous trouverez dans le carnet pratique une liste d’évaluations masquées.

Plus vous apprivoiserez cette différenciation clef entre « sentiment » et « évaluation masquée », plus vous développerez votre capacité à prendre en compte les messages du corps. Vivre ce que je dis, dire ce que je vis

L’auto-empathie nous permet de nous relier à nos sentiments et de les accueillir pleinement. Qu’en est-il ensuite dans la relation ? Beaucoup de personnes imaginent que l’expression des sentiments fragilise et que l’écoute empathique des sentiments est intrusive. Elles ont appris dès leur enfance qu’il faut cacher sa joie, ravaler ses larmes, s’isoler pour vivre sa colère, ne pas avoir peur, être stressé uniquement d’un « bon » stress. Des études scientifiques montrent pourtant que se sont les émotions des bébés qui poussent les adultes à s’en

occuper et à les soigner. Carl Rogers a mis en valeur combien le fait d’être congruent entre ce que notre corps « ex-prime » et ce que nous disons contribue à la sécurité et la confiance dans les relations.

Une conséquence de cet apprentissage est la dissonance : notre corps exprime une émotion, par exemple l’agacement, et notre mental décide que nous ressentons de la tristesse. Le débutant en CNV est alors étonné de ne pas être pris au sérieux quand, par exemple, il exprime de la tristesse. Ce que le débutant ne mesure pas, c’est que son mental a posé un diagnostic, par manque d’habileté à percevoir les sensations, alors que son corps, lui, exprime de l’agacement et de l’irritation. L’autre perçoit inconsciemment les messages du corps et ne croit pas ce qui est dit.

Nous avons besoin d’apprendre à vivre nos sentiments dans la relation, à expérimenter et intégrer le fait que l’émotion est au service de la relation. Il n’y a rien de plus passionnant que de rencontrer des personnes vivantes et donc émues ! C’est l’expérience qui, pas à pas, peut nourrir cette confiance. J’aimais quand Marshall B. Rosenberg, après une expérience émouvante et intense, nous regardait avec compassion et humour en disant « Tu vois, on est toujours vivants ! ».

Les sentiments sont une réalité utile !

Certaines personnes disent pratiquer la CNV et sont terrifiées à l’idée de montrer une émotion. C’est le cas de parents ou de professionnels. Ils veulent bien faire de la CNV, car ils en voient le sens, mais ils espèrent être toujours sereins, ouverts, sans jamais aucune larme au coin de l’œil. À ma connaissance, pour ces personnes, le chemin de pratique de la CNV est surprenant car elles se confrontent à la réalité. La réalité est autre : nous avons un corps et notre corps est traversé par des émotions. C’est un fait sur lequel nous avons peu de prise. Le fait de bloquer une émotion, de la refuser est même une stratégie assez efficace pour l’intensifier ou la bloquer dans la durée.

Il arrive que certaines personnes vivent des émotions intenses, voire paralysantes, qui semblent disproportionnées par rapport au stimulus. C’est le cas par exemple des phobies. Dans ce cas, des pratiques thérapeutiques adaptées sont des approches complémentaires de la CNV.

Vivre sans écouter nos émotions et nos sentiments est aussi étrange que de conduire un véhicule sans regarder le tableau de bord. Plus étrange même car il s’agit de notre propre véhicule, notre corps. Si nous n’accueillons pas nos

sentiments, nous risquons l’implosion, l’explosion ou la sortie de route. Nous avons à consentir que nous avons un corps qui ne cesse de nous envoyer des messages précieux pour nos vies respectives.

Le langage courant parle parfois de « sentiments positifs » et de « sentiments négatifs ». Ce n’est pas notre vision. Il n’y a pas des émotions et sentiments qui seraient positifs et d’autres qui ne le seraient pas. Toute émotion, tout sentiment est un indicateur précieux du niveau de satisfaction de nos besoins fondamentaux, du niveau de plénitude de notre vie. Certes, certaines émotions sont plus désagréables à vivre que d’autres. Nous préférons sans doute vivre la joie et la sérénité que la peur et le désespoir. Mais toute émotion est utile et précieuse, car elle nous indique une vie d’épanouissement.

Tout sentiment agréable indique la prise en compte d’un besoin.

Tout sentiment désagréable indique la non-prise en compte d’un besoin. L’écoute des sensations, émotions et sentiments n’est donc pas utile pour ellemême, mais parce qu’elle nous donne un chemin pour prendre en compte nos besoins fondamentaux respectifs.

Je ne suis pas une émotion « négative », je suis ton émotion du moment. Je suis cette vague qui parcourt ton corps, te serre et t’étreint. Je suis ton émotion

Je suis là car j’ai un message pour toi

Ne m’écoute pas dans l’intention que je disparaisse, que je change. Écoute-moi tout simplement. Quand tu m’écoutes n’attends pas que je change.

Écoute-moi tout doucement

Je suis ton émotion

Il se peut que cela fasse mal, que cela brûle, que cela serre Mais ce qui compte vraiment, ce que j’aimerais que tu entendes, c’est que j’ai un cadeau pour toi.

Je suis à la mesure de ta soif de vivre, de tes aspirations, du monde dans lequel tu aspires à vivre

Je suis à la mesure de l’intensité de ton rêve

Je suis comme la mer quand elle reflète le ciel ou quand elle reflète ton visage Écoute-moi ou plutôt à travers moi écoute le cadeau que tu es d’avoir soif, d’être habité par ce torrent de vie qui veut jaillir à travers toi. Écoute-toi et écoute ce que tu aspires à vivre à partir de maintenant.

Et je me calmerai tout simplement, quand tu auras rencontré ce qui est beau, vivant et vibrant en toi Car je ne demeure jamais la même, je bouge, je change, j’évolue. Signé : Ton émotion du moment…

Ces besoins qui nous animent

« Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité. » Gandhi

Le point central de la CNV est la prise en compte des besoins fondamentaux des personnes, moment après moment. Les besoins expriment la vie qui, en nous, veut se déployer. Lorsque nos besoins sont satisfaits, notre corps se détend et nous sommes traversés par des émotions et sentiments agréables. Lorsque nos besoins ne sont pas satisfaits, notre corps se tend, se rétracte et nous sommes traversés par des sentiments désagréables.

Avant d’explorer la suite de ce chapitre, nous recommandons la lecture attentive de la liste des besoins donnée dans le carnet pratique

Les besoins sont le moteur, la motivation de toute personne.

Nos besoins nous poussent à agir ; tout ce que nous faisons, tout ce que nous disons, nous le faisons et disons pour tenter de satisfaire des besoins. Nos sentiments indiquent la satisfaction ou la non-satisfaction de nos besoins. Nos jugements sont l’expression maladroite de nos besoins.

Nous sommes attachés à nos convictions et croyances tant qu’elles prennent soin de nos besoins.

Les besoins sont au cœur d’une démarche non violente car, par définition, la violence consiste à ne pas prendre en compte les besoins d’une personne et la non-violence consiste à transformer ce qui fait obstacle à la prise en compte de nos besoins, pour augmenter les chances qu’ils puissent être pris en compte. Nous aspirons à poser des actes et des paroles qui augmentent nos chances de prendre en compte les besoins de tous.

Les principes de base de la CNV

La CNV repose sur des principes qui résonnent avec bon nombre de traditions spirituelles et qui sont confortés par l’expérience :

• Les êtres humains ont tous les mêmes besoins, même s’ils utilisent des stratégies différentes pour les satisfaire.

• Les besoins ne sont jamais contradictoires. Les conflits se produisent au niveau des stratégies et non des besoins Lorsque les besoins sont identifiés, nous avons toujours la capacité à trouver une stratégie qui prenne en compte les différents besoins.

• Tous les actes visent, consciemment ou non, à satisfaire des besoins Ils peuvent néanmoins être tragiques quand ils ne satisfont pas ces besoins, quand ils détruisent la vie, pour soi ou pour autrui

Dans la palette de nos besoins, trois besoins sont clefs :

• Nous avons tous un besoin d’écoute. Le fait que nos besoins soient écoutés, reconnus et pris en compte est un premier pas vers la paix et la détente Pour prendre en compte ce besoin, nous avons une stratégie qui nous donne de l’autonomie, c’est l’auto-empathie

• Quelles que soient les circonstances, nous pouvons satisfaire notre besoin d’autonomie en posant des choix basés sur la conscience de nos besoins. C’est l’expérience forte qu’ont pu faire des personnes comme Victor Frankl ou Etty Hillesum dans les conditions extrêmes des camps de concentration

• Le besoin de contribuer au bien-être des autres est le fil qui nous permet de créer des relations qui prennent en compte les besoins de chacun.

La manière de parler des besoins : un enjeu culturel

Comme nous l’avons dit en introduction, la CNV vise à développer une culture respectueuse des besoins de chacun, en portant attention en particulier à notre langage. Pourquoi, alors que les besoins fondamentaux sont le cœur de la vie et de la vie humaine en particulier, la plupart des langues du monde ne mettentelles pas en valeur les besoins fondamentaux et les cachent-elles derrière des

expressions maladroites et tragiques de jugements et de reproches ? Si nous ne regardons pas cette réalité culturelle, nous risquons de passer à côté de l’importance de connaître et de nommer de manière précise les besoins fondamentaux des êtres humains.

La première observation qu’a fait Marshall B. Rosenberg, dans la lignée de plusieurs chercheurs qui l’ont inspiré et dont nous avons parlé en introduction, c’est que les langues ont été développées par ceux qui, dans nos sociétés, ont du pouvoir : pouvoir politique, militaire et religieux. Or il est plus facile de gouverner des personnes, et de les envoyer à la guerre, si elles sont coupées de leurs émotions et de leurs besoins.

Une deuxième observation concerne la manière dont est transmise la notion de besoins fondamentaux depuis la Seconde Guerre mondiale et la révolution industrielle. Un modèle est extrêmement répandu, celui de la « pyramide de Maslow ». Cette pyramide classe les besoins en cinq catégories. Ce modèle formule la croyance que « les humains ne ressentent l’apparition d’un besoin supérieur que lorsque les besoins inférieurs sont relativement satisfaits ». En conséquence, ce modèle formule également la croyance qu’une partie plus réduite des êtres humains atteint le cinquième niveau. Or ce modèle a été réfuté par Abraham Maslow lui-même à la fin de sa vie.

Un modèle de hiérarchisation des besoins qui ne correspond pas à l’expérience

Comment se fait-il que nous trouvions dans de nombreux manuels, sites

internes, formations managériales, la description de cette pyramide ? Plus surprenant encore, comment se fait-il que nous continuions à transmettre dans de nombreuses écoles de management que les besoins de spiritualité, de sens, de réalisation de soi ne peuvent pas être satisfaits tant que les besoins de survie et de sécurité ne le sont pas alors que c’est contraire à l’observation de ce que vivent les plus pauvres, que c’est contraire à ce qui a été observé dans les camps de concentration ? Rappelons que Victor Frankl par exemple a montré que ce qui a permis aux gens de survivre dans les camps ce n’est pas le besoin de survie mais le besoin de sens. Les mouvements qui travaillent avec les plus pauvres remettent en cause par l’expérience ce modèle de pyramide. Les mouvements terroristes et les guerres rappellent de manière tragique que des personnes sont prêtes à renoncer à leurs besoins de survie et de sécurité pour des besoins supérieurs. La pyramide de Maslow ne permet pas de penser la vie des plus pauvres et le terrorisme. Pourquoi continue-t-on alors à la transmettre ? L’hypothèse que nous faisons, c’est que la pyramide de Maslow est utile pour alimenter une société de consommation. La société de consommation s’intéresse plus facilement aux besoins de survie et de sécurité. Elle se développe d’autant plus que nous croyons que notre bonheur ne peut pas exister tant que ces besoins de survie et de sécurité ne sont pas satisfaits, si possible par la consommation.

Voici deux exemples qui montrent que le travail sur les besoins n’est pas qu’une responsabilité individuelle mais une responsabilité collective, politique pour construire une société réellement et concrètement au service de la vie de tous les êtres humains sur cette planète.

Quelques questions sur les besoins

J’ai lu « un besoin est quelque chose qui n’est pas satisfait » et « quand un besoin est satisfait il disparaît », est-ce ainsi ?

Les besoins sont l’expression de la vie. Tant que nous sommes en vie, nos besoins sont présents. Lorsqu’un besoin est pris en compte, nous vivons de la joie, de la sérénité, de l’enthousiasme… Ce besoin est donc bien présent et c’est lui qui génère cette joie et cette énergie. Pour cultiver notre énergie vitale, il est essentiel de cultiver la gratitude et de ressentir la plénitude de ces besoins satisfaits.

Les besoins semblent parfois contradictoires. Que faire alors ?

Chaque fois que nous percevons deux besoins comme contradictoires, c’est que nous sommes attachés aux stratégies, aux manières concrètes de satisfaire

les besoins. Nous pouvons faire l’expérience de piocher deux, trois, cinq besoins au hasard. Nous saurons toujours imaginer une manière de prendre en compte ces différents besoins, soit au même moment, soit dans des moments différents. Ne vais-je pas devenir égoïste si je m’occupe de mes besoins ?

Cette peur partagée par beaucoup est à la fois le fruit d’une éducation, mais aussi l’expression d’un besoin que nous partageons tous : le besoin de contribuer, d’être utile. Prendre soin de ses besoins, c’est aussi prendre soin de notre élan à contribuer et de notre interdépendance. Il n’y a donc pas de séparation entre le fait de prendre soin de soi et celui de prendre soin des autres, comme notre mental peut le craindre. Par ailleurs, quand nous priorisons d’autres besoins au besoin de contribuer, nous le faisons aussi pour être vivant, pour être disponible à la relation. Le meilleur service que nous rendons au monde est d’abord d’être vivant. Par ailleurs, l’expérience montre que quelqu’un qui prend la responsabilité de ses besoins, qui sait exprimer clairement ses besoins sans exprimer de reproches, qui sait formuler des demandes qui permettraient de prendre soin de ses besoins, qui est conscient des choix qu’il pose contribue à un climat de sécurité et de liberté autour de lui. Cela n’évite pas les désaccords et les tensions, mais cela contribue à un climat de confiance et de sécurité qui permet d’explorer les tensions et de chercher des solutions pour les transformer.

Parfois je n’ai besoin de rien, que faire alors ?

Il arrive que nous ayons l’impression de n’avoir besoin de rien. Ceci indique peut-être que nos besoins sont satisfaits et que nous cherchons des sentiments désagréables qui sont absents. Ou bien nous avons besoin d’apprendre à ressentir, à retrouver le chemin du désir, de l’aspiration à vivre. Ou alors nous ne croyons pas que l’autre peut contribuer à notre bien-être et nous nous coupons de nous-même. Enfin, nous pouvons avoir du mal à reconnaître la légitimité et la beauté de nos besoins, car nous n’avons pas appris cela. Nous savons que, tant que nous sommes en vie, nous avons des besoins présents et nous avons à développer la conscience de cela.

Si j’exprime mon besoin ne vais-je pas devenir plus fragile et vulnérable ?

Nous sommes vulnérables lorsque nous laissons à l’autre le pouvoir de satisfaire notre besoin, lorsque nous donnons à l’autre la télécommande de nos vies. Nous apprendrons, dans la formulation de la demande, à imaginer suffisamment de possibilités de prendre en compte notre besoin pour ne pas laisser à l’autre le pouvoir de nous fragiliser. L’expression est également un choix que nous ferons en fonction de notre niveau de sécurité et de confiance. Il

arrive que nous fassions le choix de nous taire pour prendre soin de la part de nous qui a peur d’être fragile et vulnérable.

Que faire quand j’ai besoin que l’autre fasse quelque chose et qu’il ne veut pas ? Que faire quand l’autre a besoin que je fasse quelque chose que je ne veux pas ?

Nous croyons souvent que notre bien-être dépend des autres et nous avons l’habitude d’exprimer des phrases comme « J’ai besoin que tu m’écoutes », « astu besoin que je t’aide ? », « j’ai besoin que tu débarrasses la table », « avezvous besoin de mon plan ? ». Ces expressions confondent le besoin (écoute, soutien, coopération) et les stratégies que nous imaginons ou que nous préférons (que ce soit toi, de l’aide, débarrasser la table, un plan). Le fait de mélanger le besoin et la stratégie crée beaucoup de tensions dans la relation pour soi et pour autrui.

Pourquoi le chocolat n’est pas dans la liste des besoins ?

Le besoin n’est jamais lié à une personne ou à une chose. Je n’ai pas besoin de chocolat, tu n’as pas besoin de sortir en boîte, je n’ai pas besoin d’une augmentation. Ces expressions expriment des souhaits qui prendraient soin de besoins. Comme c’est le besoin qui exprime l’énergie vitale et qui crée la relation, nous préférons exprimer explicitement le besoin et proposer la stratégie comme une demande possible parmi de nombreuses possibilités : j’ai besoin de douceur et un carreau de chocolat pourrait me satisfaire, tu as besoin de mouvement et le fait de sortir en boîte te plairait, j’ai besoin de reconnaissance pour mon investissement et une augmentation serait bien agréable à recevoir.

Apprendre à identifier les besoins

Exercice

De multiples chemins pour accéder à mes besoins

Je suis invité à faire cet exercice en m’aidant des listes de sentiments et de besoins dans le carnet pratique. Je peux par exemple faire un exercice par jour pendant une semaine.

1. Je choisis un jugement négatif (ou positif) que je porte sur une personne ou sur un comportement. Quel est le besoin non satisfait (ou satisfait) qui fait que j’ai ce jugement ?

2. Je choisis une conviction importante pour moi. Qu’est-ce qui est si précieux pour moi en termes de besoin ?

3. Je prends un temps de silence, en fermant les yeux pour être en lien avec moi. Comment me sens-je maintenant (sentiment agréable et/ou désagréable) ? Quels sont les besoins satisfaits et/ou insatisfaits qui font que je me sens comme cela maintenant ?

4. Je choisis un besoin dans la liste des besoins. En fermant les yeux, je me mets en lien avec ce besoin. Comment ce besoin vit-il en moi ? Quel est son mouvement ? Quelle est sa forme, sa couleur ?

5. Je choisis un besoin dans la liste des besoins. En fermant les yeux, je me mets en lien avec une expérience où ce besoin est pris en compte. Comment me sens-je dans mon corps quand ce besoin est pris en compte ?

6. Je note une action que j’ai faite aujourd’hui. De quels besoins ai-je tenté de prendre soin en faisant cette action ? Quels besoins ont été insatisfaits par cette action ?

7. Je choisis un besoin. Comment ai-je pris soin de ce besoin aujourd’hui ? Qu’ai-je fait qui y a contribué. Comment me sens-je quand je prends le temps de reconnaître que ce besoin est présent en moi aujourd’hui ?

Quelques questions pour clarifier ses besoins :

Qu’est-ce qui est précieux pour moi qui fait que je vis ce que je vis ? Pourquoi est-ce que je fais ce que je fais ? Qu’est-ce que cela change pour moi si je ne le fais pas ? Qu’est-ce que cela m’apporte de le faire ? Qu’est-ce que je me dis et qui motive ce que je fais ? Y-a-t-il des besoins plus profonds qui sont satisfaits par le besoin que je viens de repérer ?

Cas

Naviguer dans la mer des besoins

Voici le cheminement intérieur de Xavier, extrait de son journal de bord.

Xavier est manager dans une entreprise pharmaceutique.

J’ai besoin d’être rassuré qu’on respectera les délais sur ce projet. Impossible. Personne ne pourra me rassurer de cela tant que le projet ne sera pas terminé. Il peut arriver plein de choses d’ici là et je sais que ce projet est complexe. Qu’est-ce que je cherche avec ce respect des délais de ce projet ?

J’ai besoin d’être rassuré que je vais réussir ce projet. Idem. Je ne suis pas tout seul sur ce projet.

J’ai besoin d’être rassuré que je vais garder la confiance de mon chef. Idem, ce n’est toujours pas un besoin chez moi. Ici je dépends trop de l’avis des autres. Que m’apporterait cette confiance ?

J’ai besoin de garder l’estime de moi, quoi qu’il arrive. Ah oui, exactement ! Là, je ressens de la détente et même de la joie. Et je vois ce que je vais faire. Je vais m’ouvrir une fiche de célébration de mes contributions sur ce projet.

Je me dis aussi que je ne suis peut-être pas le seul dans ce cas. J’ai envie de proposer au chef de projet de petites réunions de célébrations de nos contributions sur ce projet. J’imagine que ceci pourrait nous donner beaucoup d’énergie pour traverser les difficultés qui ne manqueront pas d’arriver.

La connexion au besoin génère une transformation corporelle, de la détente, une mise en mouvement. Il est courant d’observer qu’elle conduit de manière assez naturelle à l’action, comme dans ce cas précis. En cela, la CNV relève de la spiritualité transformative dont nous avons parlé au début.

La clef de la transformation, les demandes

« Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas »

La ligne du temps

Lao Tseu

Voici un schéma que j’utilise souvent en formation et qui semble apprécié.

Où va mon énergie ?

Tout se passe maintenant mais nos énergies sont orientées différemment :

Le présent est le seul moment où il y a de la vie, où le corps, le cœur, la tête, l’esprit et l’âme vivent quelque chose de réel ; le passé et le futur sont présents uniquement dans notre mental, dans notre esprit.

Les observations, les jugements et toutes les variantes du langage coupé des besoins sont tournés vers le passé ; c’est pourquoi nous passons peu de temps sur l’observation et nous apprenons à transformer ce langage pour revenir aussi vite que possible au présent.

Les sentiments et besoins sont la réalité d’ici et maintenant.

La demande s’exprime maintenant, dans l’espoir de davantage prendre en compte les besoins à partir de maintenant ; elle est tournée vers un futur possible.

La demande émerge du besoin comme la plante se met à pousser au bord d’un cours d’eau. Que pouvons nous imaginer ensemble pour augmenter nos chances de nous épanouir l’un et l’autre, de vivre plus heureux, de mieux cohabiter, de mieux travailler ensemble à partir de maintenant ?

Les critères de la demande

La demande est donc en lien avec un besoin qu’elle tente de prendre en compte. C’est le besoin qui donne le sens à la demande

Elle s’adresse à quelqu’un (soi ou l’autre).

Pour augmenter nos chances de satisfaire nos besoins et de prendre soin des relations, une demande est CRAPPO !

C. Elle est concrète.

R. Elle est réaliste et réalisable (pour augmenter nos chances de concrétiser et de pouvoir célébrer les petits pas)

A. Actuelle, elle s’exprime au présent.

P. Elle est exprimée en termes positifs (je dis ce que je veux plutôt que ce que je ne veux pas).

P. Elle est aussi précise que possible.

O. Elle est ouverte, négociable, contrairement à l’exigence

Lorsque nous prenons conscience d’un besoin précieux pour nous, nous vivons souvent intérieurement une forme d’exigence à vouloir le satisfaire pleinement tout de suite. Cela nous conduit trop souvent à formuler des demandes irréalisables, trop exigeantes et au détriment d’autres besoins. J’aime inviter à faire des « demandes homéopathiques » : quel est le plus petit granule que tu pourrais mettre dans ton vase de besoin ? Quelle est la plus petite chose, la plus facile, la plus légère que tu peux faire ou demander qui te permettrait de commencer à prendre soin de ton besoin ? Le besoin a quelque chose d’infini alors que la demande invite à viser petit. J’aime me souvenir que, pour soulever une brouette pleine de briques, il vaut mieux commencer par prendre une brique sous peine de se faire mal au dos et de laisser la brouette sur place.

La demande de relation

Notre première intention est de prendre soin de soi, de l’autre et de la relation. Nous priorisons donc les demandes qui permettent de vérifier que nous avons la qualité de relation que nous souhaitons. Ce sont les demandes de relation (appelées également dans la littérature « demandes de connexion » en traduction de l’anglais). Nous distinguons trois sortes de demandes de relation.

La demande de contact

Plus nous voulons prendre soin de la relation et plus il est important de prendre soin des conditions du dialogue. Les demandes de contact sont des demandes qui nous permettent d’entamer le dialogue dans des dispositions favorables :

As-tu une demi-heure pour parler maintenant ?

Est-ce que je peux fermer la porte pour que nous soyons plus tranquilles ? Est-ce que tu peux approcher ta chaise pour que je t’entende mieux ?

La demande de reformulation

Notre besoin fondamental est d’être entendu et pris en compte. Notre première intention est de prendre en compte les besoins de chacun. Les premières demandes sont donc des demandes de reformulation :

Peux-tu me dire ce que tu as entendu ?

Peux-tu me dire avec tes mots ce que tu as compris ?

Est-ce que je peux redire avec mes mots ce que tu viens d’exprimer ?

Nous évitons les questions qui ne rencontrent pas notre besoin d’être entendu : est-ce que tu comprends ? est-ce que c’est clair ?

Habituellement notre interlocuteur, qui a été éduqué comme nous dans la culture « chacal », n’aime pas être pris pour un imbécile ou pour quelqu’un qui n’écoute pas (surtout si c’est le cas !). Il nous arrive donc de donner du sens à notre demande de reformulation :

parce que je ne suis pas sûr d’avoir été clair, parce que ce que je viens de dire est important pour moi et que cela m’aiderait d’entendre une reformulation, parce que je ne voudrais pas qu’il y ait un malentendu, parce que ta reformulation peut m’aider à préciser, parce que je veux être sûr que j’ai entendu ce que tu as dit,

La demande d’expression

Lorsque nous avons l’assurance de nous entendre, nous pouvons alors nous passer la parole avec des demandes d’expression. Ce sont des demandes qui permettent à chacun d’avoir l’opportunité de s’exprimer et d’être entendu :

Comment réagis-tu quand je dis cela ?

Qu’est-ce que cela te fait ?

Veux-tu me dire ce qui se passe pour toi maintenant ?

Est-ce que je peux te dire ce que cela me fait de t’avoir écouté ?

Est-ce que cela t’intéresse de savoir comment je me sens maintenant ?

Dans les collectifs, la demande d’expression sera par exemple symbolisée par un bâton de parole qui signifie « et toi, qu’est-ce que tu souhaites exprimer maintenant ? ». On parle de « tour de réaction » ou de « tour d’expression ».

Dans la conversation, il nous arrive d’avoir des demandes d’expression qui sont davantage des silences : nous observons autrui, nous captons son énergie et, si nous percevons de l’inconfort, alors nous risquons une parole « est-ce que tu es ennuyé après ce que tu viens d’entendre ? », « cela ne te convient pas ? ». Cette manière de faire a l’avantage de la fluidité et l’inconvénient d’un possible malentendu, tant il est difficile de deviner à coup sûr l’expression d’un visage.

La demande d’action émerge de l’énergie des besoins

Notre plus grande soif, c’est de nous rencontrer, d’arriver à une écoute mutuelle, une compréhension mutuelle de nos besoins. Les demandes de relation que sont les demandes de contact, de reformulation et d’expression, pourraient représenter 80 % de nos demandes ! Que de temps gagné, de malentendus évités si nous apprenons à utiliser des demandes de relation !

La très grande efficacité de la CNV réside paradoxalement dans le fait que, en renonçant à mettre la priorité sur la recherche de solutions, nous arrivons à une compréhension mutuelle des besoins d’où émergent naturellement, et souvent de manière assez surprenante et créative, des solutions qui prennent en compte les besoins. Les critères CRAPPO ci-dessus permettent alors de préciser les solutions et de formuler les demandes les plus transformatives.

Chaque fois que nous avons du mal à trouver une solution, que nous hésitons entre deux solutions qui semblent contradictoires, que nous ne mettons pas en œuvre ce que nous avons décidé, nous pouvons être sûr qu’en réalité nous n’avons pas écouté suffisamment profondément nos besoins.

La plupart d’entre nous, nous sommes formés à trouver des solutions à des problèmes depuis notre plus jeune âge. Nous avons donc de grandes compétences à trouver des solutions et à formuler des demandes. Notre première difficulté réside dans le fait de poser le bon problème et donc de repérer les

besoins clefs. Notre deuxième difficulté vient du fait que nous n’avons pas appris à demander et que nous attendons que l’autre devine ce qui nous ferait du bien.

Larguer les amarres !

Il nous arrive de ressasser pendant des minutes, des heures, des jours et parfois même des années la même histoire : quelque chose s’est passé qui, d’après nous, n’aurait pas dû se passer : il a menti, elle m’a quitté, il a dit ceci ou elle a fait cela… Nous pouvons passer des heures à décrire ce qui s’est passé, à formuler les besoins qui n’ont pas été pris en compte dans cette expérience, cela ne transforme pas notre douleur. Nous ressentons un léger apaisement mais la douleur reste présente… La demande semble irréaliste : il faudrait que l’autre reconnaisse qu’il a eu tort, qu’il s’excuse, qu’il change de comportement…

Nous sommes invités à larguer les amarres, c’est-à-dire porter attention à un autre endroit : en nous-même. Il s’agit de cesser de nous occuper de ce qui nous a stimulé pour déplacer notre attention vers nos sentiments et besoins. C’est cela qui demande à être entendu, pris en compte. Nous sommes invités à prendre soin de nos besoins car nous sommes appelés à être en vie, avec la réalité du passé et la réalité de notre environnement. La personne stimulus n’est pas toujours la personne la plus disposée à prendre soin de notre besoin et il est parfois plus doux, plus réaliste, plus respectueux de soi et de l’autre, d’aller formuler une demande à une autre personne.

3

Comment utiliser les principes CNV ?

Les questions auxquelles répond ce chapitre :

• Comment poser ses limites en CNV ?

• Comment s’offrir de l’empathie à soi-même ?

• Comment s’exprimer de manière à augmenter les chances d’être entendu ?

• Qu’est-ce que l’écoute empathique ?

• Comment favoriser une qualité durable de la relation ?

Les étapes de l’apprentissage

L’apprentissage de la CNV relève du paradoxe. À la fois nous apprenons la CNV comme nous apprenons une nouvelle langue, une nouvelle discipline, et en même temps la CNV est une langue naturelle que nous utilisons spontanément dans de nombreuses situations. Pour chacun d’entre nous, la pratique de la CNV est plus ou moins habituelle, plus ou moins fluide. La distinction entre, d’un côté, la langue et le paradigme « girafe » et, d’un autre côté, la langue et le paradigme « chacal » est plus ou moins claire. Dans l’apprentissage de la CNV,

nous sommes à la fois dans un espace connu et en même temps dans un espace inconnu, inconscient, à travailler et à cultiver.

Prenons comme métaphore l’apprentissage de la musique.

Apprendre les fondamentaux

Lorsque nous apprenons une nouvelle discipline, nous avons besoin d’apprendre les fondamentaux qui vont nous permettre de pratiquer : les bases du solfège, les principes de base de l’harmonie et du rythme. Le chapitre précédent vous a donné les principes fondamentaux de la CNV. Il s’agit maintenant de les mettre en musique.

Jouer les gammes, s’entraîner

Tout musicien, même professionnel, prend du temps pour s’entraîner, jouer des gammes et des études, reprendre cent fois et lentement un passage délicat. Cette pratique ne semble pas naturelle. Elle n’est pas toujours harmonieuse. Elle se fait dans des espaces protégés où l’entourage est consentant (dans le cas contraire, l’entourage aura besoin de CNV !). Les exemples que je vais vous donner seront de cette nature. Vous ne les trouverez pas toujours naturels et vous pourrez m’objecter que vous ne vous imaginez pas parler comme cela au travail ou à la maison. Ce sont effectivement des exemples didactiques destinés à vous entraîner et à mettre de la clarté. Nous parlerons de la pratique de la « CNV didactique » ou « CNV grammaticale ».

Jouer et improviser en public

Puis vient le temps de l’improvisation, où vous jouerez avec votre famille, vos amis, vos voisins, vos collègues. Dans cet espace, vous profiterez de ce que vous aurez appris dans l’étape précédente. Vous ferez peut-être des « erreurs » et vous y reviendrez tranquillement en reprenant l’étape d’entraînement. Dans ce lieu, chacun fait du mieux qu’il peut avec ses ressources. Nous parlerons alors de « CNV naturelle », « CNV invisible », « CNV de rue ».

Lors d’un concert conduit par le musicien Étienne Perruchon, j’étais dans le public et ce dernier nous a invités à participer à un morceau avec l’orchestre.

Nous avions la partition sur notre chaise et les spectateurs sont devenus des acteurs du concert. L’expérience était intense et j’ai mesuré combien un orchestre professionnel peut également emmener et associer des personnes beaucoup moins compétentes. Sans l’orchestre, nos voix n’auraient pas eu cette harmonie partagée. Nous verrons dans le chapitre suivant comment des personnes suffisamment expérimentées en CNV peuvent accompagner et soutenir des personnes, des collectifs et des systèmes.

J’aime à dire que le langage « chacal » est une manière habituelle de parler « girafe ». Aller trop vite dans l’étape d’improvisation risque fort de vous faire revenir au langage « chacal », en croyant faire de la CNV. Il se peut que votre entourage vous l’indique clairement en retour ! C’est une invitation à revenir à l’étape d’entraînement.

Bonne musique !

Souvenons-nous que tous les grands voyages ont commencé par un premier pas, toutes les symphonies ont commencé par une première note. La question n’est pas d’être arrivé mais de choisir le prochain petit pas.

Symboles utilisés

Dans la suite de ce chapitre nous utiliserons les symboles suivants, pour alléger le texte :

• I : Intention

• J : le Jugement et le langage qui, sous toutes ses formes, fait obstacle à la relation

• O : l’Observation

• S : les Sentiments, émotions et sensations corporelles

• B : les Besoins

• D : les Demandes

Protéger d’abord la vie

Soyons d’abord en vie. Puis nous discuterons de cœur à cœur.

Dans notre culture, nous confondons souvent la violence et la force. La nonviolence serait alors une attitude douce, tranquille, voire naïve et tiède. L’observation des grands leaders de la non-violence, Gandhi, Martin Luther

King, Rajagopal et bien d’autres, nous invite à un autre regard : la non-violence consiste à développer des stratégies respectueuses de tous, en particulier du plus vulnérable ; elle demande parfois d’exercer la force pour protéger la vie. C’est ce que nous appelons l’usage protecteur de la force.

Cas

Un exemple d’usage protecteur de la force : un enfant seul sur un parking

Prenons un premier exemple, en lien directement avec la vie. Un jour, je vois un enfant de 3 ou 4 ans marcher tout seul au milieu des voitures du parking d’un supermarché. Je ne vois aucun adulte à ses côtés. Il semble tranquille et heureux d’explorer le vaste monde qui commence ici. J’observe qu’une voiture qui sortirait maintenant de sa place de parking n’a aucune chance de le voir, du fait de sa taille, et pourrait l’écraser facilement. Je me sens alors très inquiète et me précipite vers l’enfant pour le prendre par la main. Je lui pose quelques questions. Il ne sait pas où sont ses parents. Il ne semble pas ravi que j’interrompe son expérience mais, sans lui laisser le choix, je l’accompagne vers l’accueil du magasin, en lui parlant tranquillement pour tenter de le rassurer. Je ne lui ai pas formulé de demande « Serais-tu d’accord que je te prenne la main ? Es-tu d’accord qu’on aille appeler tes parents ? », car je n’étais pas prête à entendre un « non » et à lui répondre « Alors OK, continue ton exploration et bonne chance ! ». À vrai dire, je ne lui ai pas laissé le choix. Je n’acceptais pas de prendre la responsabilité de le laisser seul au milieu des voitures, de le laisser se faire écraser par une voiture. Je n’avais aucune intention d’assumer la responsabilité d’un accident qui pouvait être évité. J’ai fait le choix de l’usage protecteur de la force. J’ai parlé avec l’enfant, je l’ai pris par la main et je l’ai l’emmené à l’accueil du magasin. En chemin, je lui ai donné de l’empathie pour sa joie à découvrir le monde seul, sa frustration d’être repris en main, son inquiétude d’être emmené par une inconnue.

L’usage protecteur de la force consiste donc à prendre soin de la vie, pour autrui ou pour soi. Il prend soin également de notre intégrité. La question qui permet de le discerner est : suis-je prêt à vivre les conséquences d’un « non » ? Suis-je prêt à assumer les conséquences de mon choix ?

L’usage protecteur de la force peut viser à protéger sa vie (quand par exemple une femme fait le choix de quitter le domicile conjugal après des menaces de violences ou des coups), à protéger la vie de l’autre (dans notre exemple ou pour un enseignant qui va séparer deux enfants qui se tapent), à protéger notre intégrité (un manager refuse d’obéir à un ordre qui va à l’encontre de sa conscience dans une entreprise, un citoyen pose un acte de désobéissance civile), à prendre en compte nos limites (un citoyen fait le choix de quitter une assemblée où il entend des propos racistes, un parent refuse une sortie à un enfant car il n’est pas prêt à assumer les conséquences possibles de cette sortie, une personne choisit de rompre une relation après de nombreuses tentatives).

C’est une question du discernement et de choix. L’usage protecteur de la force s’exerce à partir d’un espace conscient de choix et non d’un espace de réactivité, de réflexe induit par le cerveau reptilien. Plus nous pratiquons la CNV et plus nous sommes capables de nous ouvrir au dialogue, avant que nos limites ne soient atteintes, et moins nous faisons un usage protecteur de la force. Mais cette pratique reste un processus de base important de la CNV.

L’usage protecteur de la force en trois étapes

1 Détecter une limite ou un danger vital

2. Poser un acte qui vise à protéger la vie.

3. Le plus vite possible rétablir la relation et en particulier l’empathie.

S’accueillir avec empathie

« Qui mieux que vous sait vos besoins ? Apprendre à se connaître est le premier des soins. » Jean de La Fontaine

La pratique de base

L’auto-empathie est la pratique de base de la CNV pour trois raisons essentielles : C’est une pratique solitaire sur laquelle nous avons beaucoup d’autonomie et qui ne présente aucun risque de réaction de notre

entourage.

C’est la pratique de base qui sous-tend toutes les autres ; l’expression, l’écoute et le dialogue ne peuvent se faire sans auto-empathie.

Il peut y avoir une forme de violence à vouloir que les autres empruntent un chemin que nous n’avons nous-même pas emprunté ; c’est l’autoempathie qui nous permet de mesurer les fruits et la puissance de la CNV, qui nous permet d’intégrer et d’expérimenter les principes de la CNV.

Il m’arrive d’avoir besoin d’attention et de chercher une personne proche, disponible et attentionnée pour prendre soin de ce besoin. Et je découvre parfois, avec étonnement, que cette personne, c’est moi !

L’auto-empathie est la seule pratique de la CNV qui n’a pas d’autre prérequis que de connaître les fondamentaux présentés au chapitre précédent, qui ne dépend que de nous seuls. La pratique de l’auto-empathie est un choix, un engagement à s’offrir du temps pour prendre soin de soi et, par conséquence, prendre soin des autres.

Quatre pratiques de l’auto-empathie

1 Pratiquer dans des moments réservés dans notre agenda

2. Pratiquer quand nous sommes stimulés.

3. Pratiquer quand nous voulons prendre soin de la relation.

4. Pratiquer avec le soutien d’une personne pratiquant l’empathie CNV.

L’auto-empathie, ou empathie envers soi, permet de clarifier ce qui se passe en soi, de prendre soin de son besoin d’écoute, d’accueil, d’empathie. Cette pratique se fait seul ou accompagné par une personne pratiquant la CNV. Au début de l’apprentissage, elle se fait dans un moment calme où l’on reprend une situation passée que l’on revisite ici et maintenant. Plus la pratique devient fluide et plus on développe une capacité à pratiquer l’auto-empathie rapidement et dans de nombreuses circonstances. Pour des expériences difficiles, que l’on n’arrive pas à clarifier seul ou pour lesquelles on a un grand besoin de recevoir de l’empathie, l’auto-empathie ne suffit pas et on a besoin de se faire accompagner par un pratiquant en CNV ou par une personne expérimentée en CNV.

S’entraîner à l’auto-empathie

Pour s’entraîner et acquérir progressivement de la fluidité, l’auto-empathie se pratique a posteriori en reprenant une expérience passée que nous nous souhaitons clarifier. Pour démarrer, je vous invite à choisir une situation à faible enjeu affectif et émotionnel, agréable ou désagréable. Tout l’enjeu de l’autoempathie consiste à explorer, dans le moment présent, la situation passée, en acceptant de découvrir des choses nouvelles qui n’ont pas émergé dans le passé, en étant réellement et concrètement attentif aux sentiments et besoins qui émergent dans le moment présent.

Voici un guide de pratique de l’auto-empathie. Une version simplifiée se trouve dans le carnet pratique.

Exercice

Guide pour pratiquer l’auto-empathie

Je note en une ligne l’expérience à laquelle je pense : ………………………………………………………………… …………………………………………………………………

Je me relie à mes jugements

Quelles sont les pensées qui me viennent quand je pense à cette expérience ? …………………………………………………………………

Puis je prends quelques respirations. Si cela m’aide, je ferme les yeux pour entrer à l’intérieur de moi.

Je me relie à mon observation

Je choisis une observation, un stimulus aussi précis que possible et dénué de jugements et d’évaluations.

Je complète : « Quand je me souviens de ………………………………………………………………. »

Je prends alors le temps de me remémorer cette observation et ressens ce qui se passe dans mon corps.

Je me relie à mes sentiments

Comment est-ce que je me sens quand je me relie à mon observation et à mes jugements (je peux reprendre un à un mes différents jugements) ?

Je suis attentif à éviter les évaluations masquées. Je vérifie ce que j’écris avec les fiches du carnet pratique. Ce que j’exprime est mon actualité sensible du moment qui peut être différente de ce que j’ai ressenti à l’époque.

Je complète : « Je me sens ………………………………………………………………. »

Je me relie à mes besoins

Qu’est-ce qui est si précieux pour moi qui génère ces pensées et ces sentiments ? Quels sont les besoins qui sont touchés ? Je suis attentif à ce que le besoin n’inclut aucune personne en particulier, aucune chose, aucune solution particulière, en m’aidant de la fiche correspondante.

Je complète : « Parce que j’ai besoin de ………………………………………………………………. »

J’accueille avec empathie mes besoins

En mettant de côté l’expérience initiale, je prends le temps de me relier à mes besoins, au fait que ces besoins sont importants pour moi, qu’ils ont de la valeur pour moi en ce moment. Dans un premier temps je peux me centrer sur le besoin qui me semble le plus important, qui crée de la détente et de l’émotion.

« Je me relie à ma demande »

Qu’est-ce que je peux me demander, concrètement, qui me permettrait de prendre davantage soin de ces besoins à partir de maintenant ? Est-ce que je me demande de faire quelque chose ? Est-ce que je me demande d’entrer en dialogue avec quelqu’un (la personne qui m’a stimulé ou une autre personne) ?

« Est-ce que je suis d’accord pour ………………………………………………………………. »

« Je vérifie »

Est-ce que j’ai encore des jugements sur cette situation ? Si oui, je renouvelle mon expérience d’auto-empathie en l’enrichissant des nouveaux éléments qui émergent.

Célébrer la vie

Tant que nous sommes en vie nous avons des besoins satisfaits.

À chaque moment et pour la plupart d’entre nous, nous avons des besoins satisfaits et des besoins insatisfaits. Il se peut que certains grands sages arrivent à prendre soin de tous leurs besoins en même temps mais je n’en connais pas. Si nous n’y prêtons pas attention, nous pouvons donc incessamment nous focaliser sur nos besoins insatisfaits et nous épuiser dans une quête incessante d’un mieux-être inatteignable de notre vivant pour la très grande majorité d’entre nous. La « célébration CNV » est la pratique de l’auto-empathie pour des expériences agréables et donc des besoins pris en compte.

Dans le langage « chacal », la célébration se traduit en jugements positifs sur une personne, un comportement ou une situation, en récompenses ou en mérite : « c’était un bon moment », « c’était agréable », « elle a été sympa », « il est gentil », « ces vacances étaient bien méritées »… Ou bien nous n’y prêtons pas attention, considérant que cela est bien normal et ne mérite pas d’y prêter attention. Notre société de consommation, qui cherche à créer le besoin et le manque pour vendre, n’est guère intéressée à développer la célébration.

La célébration CNV est une pratique qui nous permet de regarder l’ensemble de notre réalité, de trouver de l’énergie, de ressentir le bien-être et la joie, de mieux connaître ce qui nous comble. Il existe de nombreuses variantes à cette pratique de la célébration, puisqu’il s’agit de reconnaître tout ce qui contribue à notre bien-être, ainsi que toutes nos contributions au bien-être d’une autre personne ou de la planète. En voici un exemple.

Exercice

La célébration en CNV

Cet exercice peut se pratiquer au moins une fois par jour en choisissant une expérience de la journée (quelque chose que j’ai dite ou faite, que j’ai

entendue ou une pensée positive qui me traverse).

Je prends le temps de rentrer en moi-même, de prendre plusieurs respirations amples et souples. Puis je me mets en lien avec une expérience qui stimule de la joie, de l’enthousiasme, du soulagement ou n’importe quel autre sentiment agréable.

O. Je décris en une phrase aussi objective que possible les faits qui déclenchent ce sentiment agréable.

B. Je cherche les besoins qui sont pris en compte dans cette situation.

S. Je prends le temps de goûter intérieurement aux besoins fondamentaux pris en compte dans cette expérience. Je laisse les sentiments agréables m’habiter pleinement et je ressens l’énergie qui vient de ces besoins.

Toutes les sagesses, spiritualités et religions sont attentives à la gratitude, la célébration, l’action de grâce, la bénédiction. En prenant la mesure de l’importance de ce mouvement de gratitude dans ma spiritualité et chez certaines figures qui m’inspirent, j’ai fait le choix, pendant plusieurs mois, de commencer toutes mes journées par cet exercice, en particulier en célébrant le fait d’être en vie et de démarrer une nouvelle journée de ma vie. J’ai constaté que cela a changé profondément ma manière d’être au monde, me rendant à la fois plus solide et plus souple, davantage ouverte aux autres, disponible à la gratitude et aussi disponible à gérer mes insatisfactions. Comme si, imperceptiblement, quelque chose changeait dans mes cellules.

Transformer la colère

La colère n’est pas la violence. C’est une émotion, causée par une exigence sur autrui, qui nous montre maladroitement le chemin d’un besoin.

Contrairement aux autres émotions, il n’y a pas de lien direct entre la colère et les besoins fondamentaux. La personne en colère ne sait pas se relier à ses besoins. La colère est une émotion particulière pour deux raisons : Elle est porteuse d’une grande énergie qui peut détruire (de nombreuses expressions populaires expriment cette réalité « il est rouge de colère », « quand je suis en colère, je pourrais tout casser ») ; nous confondons

ainsi souvent la colère, qui est une émotion légitime, et son expression, qui peut être violente.

Elle est causée par une exigence sur autrui, une pensée qu’autrui « n’aurait pas dû » faire cela, « ne devrait pas » agir de cette manière, que « ce n’est pas normal » de se comporter de cette manière, etc.

Pour vivre sa colère, nous mettons donc en œuvre plusieurs compétences.

La première compétence consiste à protéger la vie. Nous apprenons à exprimer notre énergie de colère d’une manière qui préserve la vie : crier dans la forêt ou dans une manifestation, serrer les poings très fort, jouer du théâtre, courir, déchirer une feuille de papier, pratiquer un art martial etc.

La deuxième compétence consiste à repérer la cause de la colère, nos exigences, puis à transformer ces exigences par le processus habituel de CNV pour repérer les besoins qui sont la source de nos exigences, pour trouver des demandes ou des actions qui prennent soin de nos besoins.

Cas

Les Robins des Bois de Jaura

Jaura est une petite ville au nord-ouest de l’Inde. Dans les années 1960, cette région est infestée par des paysans sans terre devenus des bandits révoltés de grand chemin, les dacoïts. Le gandhien Subba Rao, qui fut le mentor de l’actuel leader gandhien Rajagopal, y crée un ashram qui engage, de village en village, un important travail pédagogique basé sur la philosophie de Gandhi. Cette démarche permet de reconnaître que les actes violents visent à préserver la vie des familles et à rétablir la justice, de comprendre que la stratégie de la violence n’est pas adaptée, de chercher d’autres stratégies individuelles et collectives non violentes et plus efficaces. En 1972, près de 500 dacoïts déposent solennellement les armes dans la cour de l’ashram. Le compromis ne les exempte pas de la prison, mais ils obtiennent des terres et la promesse d’être jugés rapidement, puis réhabilités une fois leur peine accomplie. Inspiré par ce travail, Rajagopal choisit de consacrer sa vie à redonner la parole aux oubliés du développement. Il fonde l’organisation non gouvernementale Ekta Parishad en 1990, qui aide actuellement plus de 500 000 villageois et qui promeut une économie au service des plus pauvres, l’accès à la terre, à l’eau et à la forêt pour tous, une agriculture

naturelle à zéro budget… La fierté de cette association est de contribuer au changement des lois indiennes et à leur application par de grandes marches non violentes. En 2012, par exemple, 100 000 personnes se sont levées et ont marché pendant 28 jours entre Gwalior et Delhi. Cette marche a obtenu un changement des lois en faveur de l’accès à la terre, à l’eau et à la forêt des plus pauvres. Cette aventure n’est pas directement liée à la pratique de la CNV mais sa démarche non violente s’en rapproche très fortement. Ce que ce mouvement Ekta Parishad permet, c’est la transformation d’une colère qui s’est exprimée par le passé de manière extrêmement violente en actions non violentes au service des besoins qui sont la source de la colère : la prise en compte des besoins fondamentaux de tous les Indiens, y compris les plus pauvres. Cette aventure montre la puissance de la non-violence qui transforme l’énergie de la colère en une puissance de transformation de la société.

Le dialogue intérieur

L’empathie envers soi révèle la complexité de ce qui se vit à l’intérieur de nous. Nous ne sommes jamais que tristes ou que joyeux. Nous sommes habités par de multiples aspects intérieurs qui s’expriment sous forme de jugements, de sentiments et de besoins, ainsi que d’actions et de choix. Bien souvent nos jugements sur nous-même, nos insatisfactions, nos attitudes fermées au dialogue, les conflits que nous vivons avec les autres, sont les révélateurs de nos conflits intérieurs. L’auto-empathie nous aide à repérer et transformer ces conflits intérieurs pour faire des choix davantage satisfaisants pour nous et pour aborder la relation avec plus de disponibilité et d’ouverture.

Cas

Un conflit entre mère et fille

Céline souhaite explorer avec l’auto-empathie un incident qui s’est passé ce matin, en préparant sa fille Marie pour aller à l’école. Marie voulait absolument mettre sa robe verte et Céline l’a obligée à mettre la tenue qu’elle avait préparée la veille. Céline s’est vu agir d’une manière qui lui

déplaît et souhaite éclaircir cette situation. Pour cela, Céline pose trois chaises en triangle, qui représentent trois parties d’elle-même : « la sage », qui souhaite la paix à l’intérieur de Céline et dans sa famille ; « la matriarche », qui prend les choses en main et qui décide pour toute la famille et « la bienveillante » qui veut faire plaisir à chacun, spécialement à sa fille Marie. Céline se place tour à tour sur chaque chaise, s’investit dans cette place et exprime ce qui se passe en elle. Un premier tour de cercle permet à chacune de s’exprimer.

« La sage » – Merci d’être là, je voudrais clarifier ce qui s’est passé pour vous ce matin, quand Marie a voulu mettre sa robe verte. Je suis prête à entendre vos jugements car j’ai mis mes oreilles « girafe » !

« La matriarche » – Oh c’est simple ! Le matin demande une organisation millimétrée pour que tout le monde arrive à l’heure à l’école et au travail. Je n’ai pas le temps de discuter. J’avais tout préparé la veille et c’est hors de question de discuter sur des choses aussi futiles le matin !

« La bienveillante » (fusillant « la matriarche » du regard) – Eh bien, voilà le problème. Madame veut tout décider et tout contrôler. Marie est une enfant, elle vit dans le moment présent. Accepter de mettre la robe verte n’aurait pris ni temps ni énergie. C’est juste un abus de pouvoir ! Puis « la sage » guide le dialogue en encourageant des reformulations en sentiments et besoins dont voici deux extraits :

« La bienveillante » (Une larme coule quand Céline est ici) – J’ai envie de construire des relations de qualité. Quand on a habillé Marie ce matin, j’ai vu une relation de domination et je ne veux vivre et transmettre cela.

« La matriarche » (Céline ressent de la fatigue ici) – Je suis touchée que tu veuilles prendre soin de la qualité de relation et d’éducation de nos enfants. Cela me touche car je le veux aussi. En même temps le matin, je suis stressée, je suis préoccupée d’arriver à l’heure à l’école puis au travail. J’aimerais que ma fatigue et mon stress soient entendus et accueillis. Céline se sent apaisée, émue et clarifiée maintenant. Elle voit qu’elle retrouve de l’énergie pour trouver des solutions.

« La sage » – Je souhaite vous faire une proposition, que Marie peut vraisemblablement entendre et qui peut contribuer à son évolution. J’imagine que Marie pourrait être d’accord de choisir ses vêtements la veille pour prendre aussi soin du calme du matin. J’imagine qu’elle aussi ressent cette tension le matin.

« La bienveillante » – Cette proposition me va bien et j’aimerais encore mieux si on ajoutait un petit mot doux sur les vêtements choisis pour le matin. Quelque chose comme « Bonne journée à toi, mon cœur. »

« La matriarche » – Ça me convient si on en parle à un moment le soir où c’est calme, cela me va très bien.

« La bienveillante » – Oui je me réjouis car j’imagine que cela peut être riche de parler avec Marie de ce sujet ! Céline sent la sérénité et la joie qui arrivent. Elle voit que sa créativité revient et elle voit maintenant l’échange avec Marie comme un joyeux moment de complicité, de partage et de créativité. La tension initiale a disparu.

Il arrive que, pour conduire un dialogue intérieur, nous utilisions des étiquettes, des personnages de dessins animés ou de bandes dessinées, pour symboliser les différentes parts de soi. En même temps nous restons attentifs au fait que ces étiquettes ne sont que des aides au dialogue ici et maintenant et ne sont pas des étiquettes qui enferment et réduisent notre empathie vis-à-vis de nos parts. Notre intention est de voir chaque part avec bienveillance et de choisir une symbolique qui aide à cela. Nous souhaitons en particulier éviter les étiquettes qui sous-tendent des jugements négatifs. Par exemple, Céline avait d’abord choisi l’étiquette « La dominatrice » mais elle a rapidement repéré qu’il s’agissait en fait d’un jugement qu’elle avait sur cette part et sur sa réaction du matin. Puis lui est venu le terme « la matrone » mais en cherchant dans le dictionnaire, elle a vu que ce terme était également connoté négativement et elle a préféré un terme qui était plus neutre pour elle « la matriarche », « femme qui joue un rôle décisionnel prépondérant au sein d’une famille ».

Faire le deuil

« Quand je regarde le passé, je vois un immense champ de ruines devant moi À la fois, il y a une grande tristesse en moi. En même temps je me sens soulagée de voir à nouveau le ciel. »

Témoignage de Laura

La CNV est un processus puissant pour accompagner les phases de deuil et peut enrichir toutes les pratiques d’accompagnement du deuil et de ses différentes étapes (travaux d’Elisabeth Kübler-Ross). Chaque étape du deuil s’accompagne de pensées spécifiques, de sentiments et de besoins que la CNV permet d’accueillir profondément.

La CNV met également l’accent sur l’accompagnement des deuils de notre propre passé, des choix conscients ou inconscients que nous avons posés ou omis et qui ont maintenant des conséquences. La CNV propose une alternative à une culpabilité moralisante et mortifère. De tels deuils peuvent être extrêmement intenses et douloureux à vivre et peuvent demander un accompagnement par une personne formée à l’accompagnement CNV. L’accompagnateur nous offre un espace de tranquillité et de confiance qui nous permet d’accueillir toute la douleur, sans craindre de nous effondrer et de ne pas en ressortir. Il nous aide à rester dans l’observation, à démêler les faits et notre responsabilité et nous évite de porter une responsabilité que nous n’avons pas. Il nous accompagne à découvrir la beauté des besoins qui émerge derrière la douleur et à nous tourner à nouveau vers le présent et l’avenir. Le formateur Robert Gonzales a particulièrement mis en valeur ce processus de deuil et de transformation de la douleur vers la beauté des besoins.

Cas

Extraits de l’accompagnement de Laura

Le fils de Laura, 28 ans, a coupé brutalement tout contact avec sa famille il y a six mois. Laura n’a plus de nouvelles et ne sait pas où il est. Elle n’a rien vu venir et tourne dans sa tête et dans son cœur la manière dont elle a accompagné son fils ces dernières années. Elle demande un accompagnement individuel. Elle égrène les jugements et les pensées qui l’assaillent « Je n’ai pas été suffisamment attentive. Je n’ai pas fait attention à lui. J’aurais dû davantage parler avec lui. Je n’ai rien vu. Je sais qu’il avait de nouveaux amis et j’aurais dû lui poser des questions, lui en parler. Il n’avait plus confiance en nous. Je n’ai pas su instaurer la confiance. C’est un échec total. Je ne sais plus quoi faire maintenant… ». Laura est tendue, abattue, lourde. Cela fait des mois que ces pensées se bousculent dans sa tête nuit et jour et les réactions de ses amis ne l’apaisent pas. Nous listons une à une ces pensées sur une grande feuille de papier. Puis elle se tait. Je lui propose de choisir les pensées les plus actives. J’en extrais ici deux « Je n’ai pas été suffisamment attentive. Je n’ai pas su instaurer la confiance entre nous. ». Je l’invite ensuite à observer que ces pensées sont produites par son mental et ne sont pas des observations. Je l’invite à prendre de la distance en étant spectatrice de son mental. Laura reprend, d’abord en hésitant puis en

prenant peu à peu de la distance. « Je me raconte que je n’ai pas été suffisamment attentive. Je me raconte que je n’ai pas su instaurer la confiance entre nous. ». Elle hésite, revient à ses pensées initiales, en rajoute, puis reprend l’observation de ses pensées « Je me raconte que je n’ai pas été suffisamment attentive. ».

Laura se pose alors, s’assied et pleure. Elle ne sait pas ce qu’elle aurait pu faire différemment, mais elle mesure qu’elle a pu faire ou dire des choses qui ont pu contribuer au choix de son fils. Elle mesure qu’elle n’est pas responsable de tout, que son fils est majeur, que son fils a fait son choix et qu’il a été en relation avec bien d’autres personnes que Laura. Mais Laura pleure et mesure qu’elle a pu contribuer à ce choix qu’elle juge dramatique aujourd’hui. Laura pleure, soulagée de pouvoir être accueillie dans cette douleur, sans entendre les conseils habituels « tu n’y es pour rien » ou « ne t’inquiète pas, il reviendra ». Laura pleure et dessine sa douleur sur une feuille de papier. Laura fait plusieurs retours vers ses pensées et en ajoute « J’aurais dû faire confiance en mon intuition. Je n’aurais pas dû écouter mes amies. ». Puis elle revient à cet espace de deuil de tout ce passé qui fut ce qu’il fut et qui est terminé. Elle ne sait pas très bien quelle est sa part de responsabilité dans le choix de son fils, mais elle est prête à regarder la réalité de ce passé qui a pour conséquence ce choix qu’elle juge tragique. J’accompagne doucement Laura à nommer les besoins qui sont présents derrière sa douleur. « J’aimerais être pleinement attentive et disponible pour mes enfants. Je souhaite les accueillir tels qu’ils sont. J’aimerais être suffisamment disponible pour qu’on puisse avoir confiance dans mon accueil inconditionnel, ma bienveillance et mon amour. ». Elle se tait, elle hésite puis continue « J’aimerais aussi pouvoir contribuer à voir la beauté de la vie, le précieux de la vie, de sa vie et de toute vie. Oui j’aimerais partager cela aussi. ».

Après plusieurs séances d’accompagnement, Laura a repris des couleurs et de l’assurance. Elle retrouve spontanément de l’énergie pour être actrice. « Je vais être davantage attentive à voir la beauté des gens que je rencontre et de mon fils. J’ai envie d’écrire une lettre à mon fils, où j’honorerai sa personne et sa vie. Je ne vais pas l’envoyer mais cela va me préparer le cœur. J’ai envie de rejoindre d’autres mamans qui vivent cette expérience, j’ai envie de partager avec d’autres. »

Transformer la culpabilité

La honte, la culpabilité et la dépression sont des sentiments qui sont causées par des exigences irréalistes sur soi.

Une des motivations de Marshall B. Rosenberg, pour créer le processus CNV, a été de déjouer les mécanismes qui conduisent à la dépression, d’offrir aux personnes de l’autonomie pour cultiver l’élan de vie, la motivation et l’énergie vitale. Quels sont les mécanismes de pensée qui font qu’une personne peut en arriver à ne plus avoir l’énergie de se lever, d’agir, d’entrer en relation ? Les jugements contre soi, les exigences que l’on s’impose et qui contrarient son élan, les mérites qu’on s’autorise ou qu’on s’interdit, alimentent la honte, la culpabilité et la dépression :

La personne qui a honte juge son être et ne s’estime pas digne de faire partie de la communauté humaine avec ce qu’elle est, ce qu’elle a fait ; la honte est difficile à accueillir face à autrui, elle se cache et elle se guérit dans la relation bienveillante avec un autre.

La culpabilité est alimentée par un jugement contre soi ; en voyant les conséquences de nos actes et de nos choix, une voix intérieure juge que « on aurait dû », « on n’aurait pas dû », « il aurait fallu »…

La dépression est une conséquence d’un monde de pensée qui n’a pas cultivé le lien avec l’élan vital. « La dépression c’est la récompense que tu reçois pour le fait d’être gentil » disait Marshall B. Rosenberg. À force de faire les choses par obligation, par peur, pour mériter, on risque de ne plus trouver le chemin de son élan vital, de sa motivation profonde. La personne dépressive a besoin d’un soutien extérieur et qualifié, médical, pour être accompagnée à retrouver le chemin de la vie.

La transformation de la honte, la culpabilité ou la dépression passe par la conscience et la transformation des jugements, exigences, mérites, punitions et récompenses que nous avons intégrés. C’est un profond travail de réconciliation intérieur. Lorsque nous en arrivons à la dépression, nous avons aussi besoin d’un soutien extérieur.

Exercice

Transformer la culpabilité

Je choisis une chose que j’ai faite et où je me dis « je n’aurais pas dû faire cela » ou « j’aurais dû faire autrement ».

Qu’est-ce que j’ai fait ?……………………………………………………….........

Accueil de ma part éducatrice

Une part de moi se dit maintenant que « j’aurais dû faire autrement ». J’explore ce que vit cette part de moi, ici et maintenant :

1. Quelles sont les conséquences de mon acte qui me stimulent à penser que « j’aurais dû faire autrement » ?

2. Comment est-ce que je me sens quand je vois ces conséquences ?

3. Quels sont les besoins qui sont insatisfaits quand je vois ces conséquences ?

Accueil de ma part du choix

Une autre part de moi a fait ce qu’elle a fait, dans le passé. Je me remémore ce moment où j’ai fait ce que j’ai fait. Dans quel état d’esprit étais-je à ce moment ?

1. Qu’est-ce que je me disais au moment où j’ai agi ?

2. Quels sont les besoins que j’ai cherché à satisfaire quand j’ai fait ce que j’ai fait ?

Médiation intérieure

Puis je me recentre sur ma respiration. Je me pose en moi-même, je m’installe doucement en moi-même. Je prends conscience des besoins que j’ai identifiés :

1. Comment est-ce que je me sens maintenant en voyant l’ensemble de mes besoins ?

2. Y-a-t-il quelque chose que je peux me demander pour mieux prendre soin de l’ensemble de mes besoins ?

Prendre la responsabilité de nos choix

Si je ne choisis pas les circonstances, je souhaite développer ma

conscience des choix que j’ai pour les vivre et ma capacité à choisir plus souvent de les vivre d’une manière qui me convient.

Nous perdons beaucoup d’énergie à imaginer un monde où les autres seraient différents, où le monde serait autre, où nous recevrions davantage de stimuli satisfaisants pour nous et conformes à nos attentes. Nous nous épuisons parfois à vouloir convaincre l’autre de changer de comportement. Et nous souffrons du fait que les autres agissent de cette manière envers nous.

Nous pouvons maintenant envisager la vie d’une autre manière, en prenant la responsabilité de ce sur quoi nous avons du pouvoir : j’ai le choix de m’accueillir avec tendresse et j’ai le choix de nier, refuser, critiquer ce qui se vit en moi ; j’ai le choix d’observer ce que j’entends et j’ai le choix d’écouter les histoires tristes que je me raconte quand j’entends ce que j’entends ; j’ai le choix d’exprimer ce que je choisis d’exprimer à la personne que je choisis et j’ai le choix de taire tout le reste ; j’ai le choix de prendre la responsabilité de mes choix et j’ai le choix de juger durement les choix que je fais en me disant que je pourrais être différent ; j’ai le choix d’accueillir l’autre dans la réalité de ce qu’il vit et j’ai le choix de nier son existence en voulant l’amener à un endroit où il ne veut pas aller.

Exercice

Clefs pour développer la conscience de nos choix

Voici quelques exemples de la vie quotidienne et, pour chacune de ces situations, deux manières de formuler ce qui nous préoccupe. L’une de ces formulations cherche à nous relier à notre pouvoir de choisir et d’agir.

Je lis chacune de ces formulations et je ressens intérieurement l’effet qu’elles créent en moi. À l’écoute de mes sensations, de mes pensées, je choisis la formulation qui me convient le mieux et qui pourrait me rendre la vie plus belle. Si je le souhaite, je peux choisir une troisième formulation que je peux formuler et vérifier de la même manière.

« Comment faire pour que mon enfant m’écoute ? », « Qu’est-ce que je

choisis de faire quand mon enfant continue de jouer alors que je lui demande de venir manger ? »,

« Que faire face à un mur ? », « Qu’est-ce que je peux dire quand l’autre exprime un silence ? »

« Comment éviter qu’on me coupe la parole ? », « Est-ce que je choisis de continuer à parler quand l’autre se met à parler ou est-ce que je choisis de me taire pour reprendre ma parole à un moment où l’autre peut m’entendre ? »

« Comment le convaincre ? », « Comment est-ce que je vis le fait que d’autres aient une opinion différente de la mienne ? »

C’est un sujet délicat à partager par écrit, sans être en dialogue avec vous, cher lecteur. Si je vous affirme maintenant que tout ce que vous faites, tout ce que vous dites, vous le faites et le dites par choix, il est possible que vous vous rebelliez en vous disant « il y a quand même des choses pour lesquelles nous n’avons pas de choix ». C’est à cette voix intérieure que je voudrais parler.

Exercice

Et si je pense ne pas avoir le choix ?

Je liste ce que je pense faire sans avoir le choix (par exemple payer mes impôts, aller chercher mon enfant à l’école) :

Comment est-ce que je me sens quand je me mets en lien avec ce que je fais sans avoir le choix ? ................................................................................................................

Est-ce que je peux voir pourquoi je fais cela, en regardant par exemple ce qui se passerait si je ne le faisais pas (par exemple avoir de la tranquillité d’esprit, prendre soin des autres, honorer mes engagements)

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Nous voulons augmenter nos chances d’être pleinement vivants, de nous relier à la vie en nous qui veut se déployer et qui nous pousse à agir, dans la réalité de notre environnement, de notre être.

Exercice

Choisir à partir de ses besoins

Je note un choix que je souhaite faire et que je peux formuler comme une alternative entre une solution A et une solution. Je note chaque option :

1. A : 2. B :

En m’aidant de la liste des besoins dans le carnet pratique, je recherche les besoins qui seraient satisfaits par chaque solution :

1. Besoins satisfaits par A :

2. Besoins satisfaits par B :

Puis je prends un temps de silence, de respiration et je me relie doucement aux besoins que je viens de noter. Je m’installe dans un espace où je peux croire que mes besoins ne sont pas contradictoires et que je dispose de 1001 manières de les prendre en compte :

1. Comment est-ce que je me sens quand je me relie à ces besoins et dans cet espace ?

2. Est-ce qu’il y a une demande qui émerge, que je peux me faire et qui me permettrait de prendre soin de l’ensemble de ces besoins ? (Si quelque chose m’empêche de trouver une solution prenant en compte l’ensemble de ces besoins, je la note.)

3. Y-a-t-il une croyance sous-jacente que je pourrais transformer pour prendre soin de mes besoins (par exemple j’ai associé un besoin à une stratégie ou je me raconte qu’il faut que ces besoins soient satisfaits au même moment alors que ce n’est pas nécessaire). Estce que ceci me permet de trouver une solution qui prend soin de l’ensemble de mes besoins ?

4. Si je n’ai pas trouvé de stratégie, est-ce qu’il y a des besoins plus profonds que j’aurais oubliés ? Si c’est le cas je corrige ou complète

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ma liste de besoins et je recommence.

Dépasser les difficultés de l’auto-empathie

L’auto-empathie vise à accueillir avec bienveillance la réalité de notre être dans toute sa complexité, dans le mouvement des jugements, des sentiments et des besoins, des choix et des actes posés. C’est le terrain le plus facile pour démarrer la pratique de la CNV car il n’implique pas autrui et pose les fondations pour une relation de qualité. Néanmoins, il est important de commencer à pratiquer l’autoempathie sur des expériences simples, agréables et désagréables.

Il n’est pas facile d’être un observateur suffisamment aguerri de ses propres pensées, jugements et croyances car notre mental tend à croire ce qu’il produit. L’accompagnement par une personne extérieure formée à la CNV peut être un soutien précieux pour démasquer les jugements qui nous empêchent d’avancer. En particulier quand nous ne sentons pas l’apaisement, le changement d’énergie au cours d’une séance d’auto-empathie, nous pouvons faire l’hypothèse que nous avons besoin d’un soutien extérieur pour nous relier au besoin qui est réellement en jeu en nous. De la même manière, quand nous n’arrivons pas à formuler un besoin indépendant de la situation et de la personne stimulus, nous avons peutêtre besoin de recevoir de l’empathie d’un autre.

Tu es trop précieux pour attendre que les autres répondent à tes attentes que tu ne connais pas toi-même et que tu n’as pas exprimées.

L’expression authentique vise à exprimer ce qui est vivant en nous, dans l’intention de prendre soin de soi et de l’autre, dans l’intention de contribuer à la qualité de relation. Si nous observons que nous souhaitons corriger l’autre, le culpabiliser, le faire changer, alors c’est un indicateur que nous avons besoin de revenir à l’auto-empathie.

S’exprimer pour augmenter les chances d’être entendu

Suis-je prêt(e) à m’exprimer avec authenticité ?

L’expression authentique CNV suppose trois prérequis :

L’auto-empathie nous a donné les ressources suffisantes pour avoir de la clarté sur ce que nous souhaitons exprimer et à qui.

Notre intention n’est pas de changer l’autre, de le convaincre, mais de contribuer à un dialogue de qualité qui respecte les besoins de chacun.

Nous sommes ouverts à voir nos besoins et ceux d’autrui comme équivalents.

Si l’un de ces prérequis est absent, il vaut mieux éviter l’expression authentique et choisir l’auto-empathie ou l’écoute empathique.

Il nous arrive néanmoins d’être présent dans un dialogue, de réaliser que nous ne sommes pas prêts à une expression authentique CNV et de faire le choix d’exprimer en CNV notre manque de disponibilité. Voici quelques exemples : Je ne me sens pas complètement disponible maintenant (S, B), est-ce que tu accepterais qu’on en reparle à un autre moment (D) ?

J’aspire vraiment à prendre soin de notre relation (I, B) et j’ai peur d’être dans le jugement (S) si je m’exprime maintenant (O). Je préférerais y réfléchir (traduction en langage courant de me « donner de l’empathie ») et en parler à un autre moment. Serais-tu d’accord qu’on en parle vendredi soir (D) ? »

Je me sens tellement bouleversé (S) que j’ai besoin de soutien. Est-ce que tu serais d’accord qu’on se fasse accompagner (D) pour augmenter nos chances de nous comprendre (B, I) ?

J’ai besoin d’y réfléchir (B en langage courant). Je peux te répondre demain (D en langage courant) ?

L’authenticité n’est pas la transparence. Il nous arrive aussi, en auto-empathie, de prendre conscience que nous vivons quelque chose d’intense qui ne concerne pas l’autre personne, que nous n’avons rien à demander à l’autre qui concernerait les besoins présents en nous à cet instant. Un parent prend conscience, en discutant avec son enfant, qu’il a un grand besoin de retrouver son estime de lui et sa confiance dans ses compétences de parent. Il va faire le choix de taire ce besoin dans le dialogue avec son enfant et prendra soin de ce besoin à un autre moment, avec son conjoint, en auto-empathie ou dans un cercle de parents. Plus nous pratiquons l’auto-empathie et plus nous sommes capables rapidement de prendre conscience de ce qui nous habite et de discerner ce que

nous choisissons d’exprimer pour contribuer à la relation. Dans ce cas, l’autre n’entend qu’un silence de quelques secondes et cela ne pose pas de difficultés. Dans le début de la pratique de la CNV, il peut arriver, par contre, que nous offrions un silence plus long et que, si besoin, nous en donnions le sens en CNV comme ci-dessus.

Les difficultés de l’expression authentique

Lorsque nous expérimentons l’expression authentique nous rencontrons des difficultés. Sans être exhaustive, en voici quelques-unes :

Nous ne sommes pas suffisamment en sécurité pour nous exprimer et accueillir la réaction de l’autre. Nous avons alors besoin de donner de l’empathie d’abord à la part de nous qui a peur de la réaction de l’autre ou de la nôtre. Avons-nous besoin du soutien d’un médiateur ?

Nous avons la clarté de nos besoins mais nous ne savons pas que demander à autrui. Avons-nous besoin d’auto-empathie pour transformer notre souhait de culpabiliser autrui ? Comment pouvons-nous éviter de générer du flou ou de l’inconfort dans la relation ? Avons-nous besoin de revenir à l’auto-empathie ou de revenir aux demandes de relation ?

Nous avons de la clarté sur nos besoins, mais notre demande n’a aucun rapport avec nos besoins. Prenons alors un temps pour revisiter notre auto-empathie, revoir les demandes de relation et chercher une demande d’action réellement en lien avec nos besoins.

Ce que nous avons à dire relève davantage de l’interprétation que de l’observation. Est-ce que l’empathie et l’écoute de l’autre pourraient nous aider à sortir de nos interprétations ?

Si l’expression authentique n’est pas le chemin qui nous correspond alors nous avons le choix de lui préférer l’auto-empathie ou l’écoute empathique. Se

Se préparer à l’expression authentique suppose : d’avoir pratiqué l’auto-empathie pour connaître nos observations, sentiments et besoins ; d’avoir vérifié que les besoins identifiés sont bien des besoins

préparer à l’expression authentique

fondamentaux et non des stratégies ou des souhaits ; d’avoir fait un choix (demande à soi-même dans l’auto-empathie) de la personne à qui nous voulions parler, de notre intention à partager avec elle l’un de nos besoins (à noter que la personne qui nous a stimulé n’est pas toujours la personne la plus disponible pour contribuer à notre besoin) ; d’avoir vérifié que notre intention est bien de prendre soin de la relation et non de générer de la culpabilité ou de la peur. Il est utile de s’entraîner a priori à des expressions authentiques CNV, par exemple dans un journal de bord.

Cas

Préparer l’expression authentique

Matthieu est enseignant. Il souhaite préparer une expression authentique vis-à-vis d’un élève qui le stimule beaucoup. Il sait qu’il n’aura pas beaucoup de temps et choisit de préparer par écrit son expression. Voici un extrait de son journal de bord, avec ses annotations en italique.

Situation initiale : Alexis et Benoit perturbent trop la classe (J).

Intention initiale : Je veux qu’ils arrêtent de perturber la classe. Je veux faire classe dans le calme, dépenser moins d’énergie.

~ J ! Je veux changer l’autre !

~ J ! Difficile de choisir une observation tellement j’ai d’observations et de jugements !

Jugements : Ils perturbent la classe. Je ne sais pas m’imposer. Ils sont intelligents et mettent en difficulté ceux qui sont plus lents. Cela ne me convient pas.

Observation 1 : Quand Alexis lève le doigt, il commence à parler avant que je ne lui donne la parole.

Observation 2 : Quand il commence à parler, je le laisse parler car je ne sais pas comment l’arrêter pour donner la parole à un autre élève plus en difficulté.

☺ Tiens je suis content de prendre conscience de l’observation 2, c’est vraiment là que je suis tendu et j’ai envie de prendre celle-ci ! Sentiments : tendu, contrarié, plein de culpabilité (J), tiraillé.

Besoins insatisfaits : autonomie, exercer mon libre arbitre, respiration,

délicatesse, respect, coopération, soutien, prendre soin. Besoins pris en compte : spontanéité, confiance.

☺ Oui, je suis content de voir aussi qu’il y a suffisamment de confiance dans ma classe pour qu’il y ait de la spontanéité !

☺ Intention d’en parler avec Alexis : honorer son élan de spontanéité et chercher si une coopération est possible avec lui pour prendre davantage soin des élèves en difficulté.

Une expression authentique académique : Quand tu as commencé à répondre à ma question ce matin, j’étais tendu (passé ?) et je vois que, à la fois, j’apprécie ta spontanéité et, en même temps, j’ai besoin de coopération pour prendre soin des élèves les plus en difficulté, est-ce que tu veux bien m’aider à voir comment faire ensemble ?

~ Marshall disait « moins de 40 mots » !

Une expression authentique plus spontanée : Temps 1 – Alexis, j’aimerais parler avec toi est-ce que tu as 5 minutes ? Temps 2 – Ce matin, quand tu as parlé, j’ai vraiment apprécié ta spontanéité. Mais je ne sais pas comment t’interrompre pour donner la parole à un élève plus en difficulté. As-tu une idée de comment on pourrait faire ensemble ?

☺ Je me sens tout joyeux car j’imagine qu’Alexis va vraiment pouvoir m’aider et être un allié précieux. Je suis content de voir aussi que j’apprécie sa spontanéité et que j’ai aussi envie de prendre soin de lui. J’espère qu’il le percevra !

Dire « non »

La CNV vise à voir le « oui » et le « non » comme deux cadeaux équivalents qui visent à prendre soin de la relation.

Communiquer de manière non violente ne consiste pas à être une gentille personne. Nous avons parfois à exprimer quelque chose de désagréable à quelqu’un qui nous est cher. Il n’est pas facile dans notre culture de dire « non » à quelqu’un que nous aimons ou à quelqu’un avec qui il y a un fort enjeu relationnel (collègue de travail proche, son chef, un membre de sa famille…). Bien souvent le « oui » et le « non » n’ont pas la même énergie et ne sont pas perçus comme deux cadeaux équivalents. Nous confondons le fait d’être

approuvé avec le fait d’être reconnu, d’être entendu. C’est important de prendre cela en compte dans notre manière de formuler un « non » authentique, en commençant par exprimer sincèrement combien la relation est importante pour nous et combien nous avons de l’attention aux besoins d’autrui.

Si nous disons « non » à une demande, nous voulons dire « oui » aux besoins d’autrui et à nos besoins. Un « non » CNV est un « oui » aux besoins et à la qualité de la relation. C’est notre authentique intention. Nous le redisons ici, si nous ne souhaitons pas prendre soin de la relation, si nous ne sommes pas prêts à prendre soin de manière équivalente de nos besoins et de ceux d’autrui, alors l’expression authentique CNV n’est pas une stratégie adaptée et nous lui préférons l’auto-empathie. Ce chapitre ne concerne donc que les « non » que nous souhaitons exprimer d’une manière qui prenne soin de la relation et des besoins de chacun, de la vie en chacun.

Il y a également des refus qui visent à protéger la vie et qui ne sont pas directement des espaces de dialogue. Nous nous reporterons alors au chapitre concernant l’usage protecteur de la force.

Cas

Dire « non » et prendre soin de la relation

Léa fait partie d’une équipe où tout le monde est sensibilisé à la CNV. Elle reçoit à 15 h 30 une demande de sa chef de service pour traiter un dossier urgent et important ce soir. Or elle a prévu d’aller à la réunion parents-professeurs d’un de ses enfants, à 17 h, et donc de quitter son travail une demi-heure plus tôt que d’habitude, à 16 h.

La réaction habituelle de Léa aurait été le déni de responsabilité « Je suis désolée, je ne peux pas. Je suis obligée de quitter le travail à 16 h car je suis convoquée à l’école de mes enfants » ou la culpabilité, le manque d’empathie envers elle-même et sa famille, avec des conséquences importantes « OK. J’ai juste besoin d’appeler l’école pour leur dire que je ne viendrai pas à la réunion parents-professeurs ».

Avec la CNV, voici ce que la chef de service a pu entendre : « Pour moi, c’est vraiment important que vous puissiez compter sur vos collaborateurs (empathie) et j’aurais vraiment aimé vous soutenir sur ce dossier (expression de la part qui veut prendre soin de la relation). En même temps, je veux aussi prendre soin de mon engagement familial et aller à la

réunion de parents-professeurs de l’école (expression de la part qui dit « non »). Je ne vais pas vous aider sur ce dossier ce soir (expression du choix du « non »). Comment réagissez-vous à cela (demande de relation pour vraiment prendre soin de la relation) ?

La chef de service a exprimé ensuite avoir apprécié l’authenticité, l’envie de lui apporter du soutien qu’elle a pu observer par ailleurs en de nombreuses occasions. Elle avait une autre solution pour traiter le dossier avec un autre collaborateur. Cette expérience l’a conduite à apporter cette question en réunion de service, pour voir comment à l’avenir éviter ces situations d’urgence, dans l’intention de prendre soin de l’équilibre de vie de l’ensemble des salariés et des objectifs de service.

Il nous arrive d’observer a posteriori que notre manière de dire « non » a été plus sèche et fermée au dialogue que nous ne le souhaitons. C’est souvent un indicateur que nous vivons un conflit intérieur entre la part de nous qui voudrait dire « oui » et la part de nous qui choisit de dire « non ». Dans ce cas, la part du « non » a tellement peur de perdre sa place (et que finalement nous disions « oui »), qu’elle préfère couper le dialogue et éviter toute réaction d’autrui qui pourrait faire pencher vers le « oui ». C’est alors l’exercice d’auto-empathie des parts de soi qui peut nous aider à dénouer ce conflit intérieur et à trouver des stratégies davantage respectueuses de nos besoins et en conséquence davantage ouvertes à la relation. Cet exemple montre à quel point l’auto-empathie est une stratégie pour prendre soin des relations et des autres !

Exprimer sa gratitude et un feedback

N’attendons pas de souffrir pour entrer en relation.

Dans la plupart des cultures, la manière de se dire bonjour est associée à la bénédiction, le fait de souhaiter du bien à autrui et d’accueillir le souhait de bien pour soi. Les rites funéraires commencent souvent par l’expression de la gratitude que nous n’avons pas su exprimer du vivant de la personne. Dire « merci » est une pratique qui prend soin du lien social et de nos âmes.

Dans le langage des jugements, la bénédiction se traduit en jugements positifs sur la personne ou son comportement, en récompenses et en mérite. Nous en

connaissons le prix : la peur de l’orgueil, la difficulté à accueillir le jugement positif, la frustration quand la récompense ne vient pas et les inégalités croissantes.

Comment traduire cela d’une manière qui remette de la vie et qui permette à cette gratitude, à ces bénédictions de circuler, de nous donner de l’énergie, de renforcer nos besoins d’appréciation, de sens, d’inspiration, de célébration ?

Cas

Exprimer sa gratitude

Je fais le choix d’exprimer ici deux gratitudes qui concernent ce livre. Il serait plus facile et plus naturel de les exprimer de vive voix, mais je vais prendre le risque néanmoins de vous exprimer par écrit ce qui m’habite en cet instant.

Quand je pense à toutes les personnes qui ont contribué à ce que ce livre existe : Hélène qui m’a appelée un jour pour me demander cet ouvrage, celles et ceux qui m’ont soutenue dans l’écriture, ceux qui ont relu ce livre, qui l’ont mis en page et imprimé, transporté dans les librairies, mis en rayon et vendu pour qu’il arrive jusqu’à vous, le lecteur, je ressens beaucoup de joie et de chaleur à l’intérieur de moi. Mes besoins de coopération, de fluidité et de légèreté sont tellement satisfaits dans cette expérience ! Mon besoin de contribuer à la paix, d’une manière qui soit agréable pour moi, est également pleinement satisfait. Je savoure combien toutes ces personnes m’apportent du soutien, de la légèreté et me permettent de vivre des expériences que je ne pourrais pas vivre seule ! J’aimerais que chacun, y compris celui qui a mis ce livre en rayon et qui pourrait se dire « ce n’est rien, je suis payé pour ce travail » puisse savourer combien il contribue à sa manière à ce qu’il y ait plus de paix dans le monde, dans les familles, les entreprises, les quartiers, les écoles, etc. Merci vraiment !

Quand je vous imagine, lecteur ou lectrice, en train de lire ces lignes, j’imagine le temps que cela vous demande. J’imagine que vous ne faites pas cela juste parce que vous n’avez rien d’autre à faire et que vous avez lu tous les autres livres qui existent. J’ai la certitude que vous lisez ce livre car il prend soin de besoins chez vous. Quand j’imagine que vous prenez du temps pour lire ce livre sur la Communication NonViolente dans l’intention d’embellir votre vie et celle des autres, j’ai tellement de gratitude envers

vous ! Quand je pense que vous existez, je suis pleine d’espoir, je renforce ma confiance en l’humanité, je ressens de la proximité au moment où j’écris en solitaire, Je trouve du sens à l’énergie que je mets pour écrire, au travail d’observation, de recherche et de transmission qui tisse ma vie. Pour tout cela, je vous remercie. Comment vous sentez-vous après avoir lu ces lignes ?

Exprimer de la gratitude de cette manière n’est pas habituelle. Recevoir une gratitude exprimée ainsi peut désorienter et être difficile à accueillir. Il y a quelque chose de précieux et d’intime qui s’échange à travers la gratitude, quelque chose qui nous relie à ce qui fait sens à nos vies, quelque chose qui donne de l’énergie à nos actes et à nos relations. La gratitude ainsi exprimée redonne du relief à tous les actes que nous faisons au quotidien pour contribuer au bien-être les uns des autres. Elle nous remet en lien avec notre interdépendance et le fait que chacun d’entre nous bénéficie de l’action d’autres personnes. C’est une manière d’observer, de célébrer la réalité de nos vies et des liens que nous tissons entre nous.

Nous observons régulièrement que cette pratique transforme profondément les relations, le travail en équipe, le climat dans les couples et les familles, les relations sociales dans les quartiers. Même si elle n’est pas habituelle et peut susciter des réactions d’étonnement ou d’inconfort, nous voyons que c’est souvent l’expression authentique la plus facile à pratiquer au début.

L’expression d’un feedback devient une autre possibilité d’indiquer à l’autre ce qui contribuerait à notre bien-être, soit pour notre personne, soit pour mieux vivre notre rôle et nos engagements, soit pour contribuer d’une manière plus satisfaisante au collectif auquel nous appartenons. L’expérience du feedback en CNV montre à quel point la CNV est une révolution de nos manières de penser. Celui qui donne un feedback, qui évalue autrui, n’est plus celui qui juge autrui, qui parle d’un autre, qui met le doigt sur ce qui ne fonctionne pas chez l’autre, mais quelqu’un qui parle de lui, qui offre avec authenticité ses observations, ses sentiments et besoins, ses demandes. Ce processus contribue à un apprentissage, une prise de conscience qui préserve l’estime de soi de chacun.

avec empathie

Écouter

La plus belle chose que tu puisses m’offrir, c’est ta présence et ton écoute.

Les prérequis de l’empathie

Une relation est satisfaisante quand chacun est pris en compte de manière équivalente. J’aspire à être plus vivant et à être entendu, à travers mes besoins, et l’autre aspire également à être plus vivant et à être entendu, à travers ses besoins. L’empathie est donc essentielle pour vivre une relation équilibrée et constructive. L’écoute empathique de l’autre est néanmoins plus délicate à pratiquer que l’empathie vers soi et l’expression authentique. Elle permet de s’ouvrir à une compréhension du monde de l’autre qui atténue parfois l’effet des stimuli qu’il nous envoie. L’écoute d’autrui ne peut devenir de l’écoute empathique qu’à certaines conditions : Nous utilisons le signe « ÉTÉ » pour signifier trois conditions pratiques à vérifier : l’Énergie, le Temps et l’Élan. Si ces critères ne sont pas réunis l’empathie sera beaucoup plus difficile, voire inappropriée.

Suis-je disponible à voir la beauté, le « précieux », l’essentiel d’autrui, en écoutant avec bienveillance ses besoins ? L’auto-empathie, l’accompagnement, un travail de guérison intérieur ou la médiation sont parfois nécessaires pour accepter l’idée que l’autre fait ce qu’il fait pour s’occuper de besoins précieux. Reconnaître la beauté des besoins ne veut pas dire valider la stratégie, parfois tragique, que la personne utilise ou a utilisé pour tenter de satisfaire ses besoins. Néanmoins le temps de l’empathie n’a pas pour intention de corriger, de démontrer qu’un acte est inadéquat. L’empathie vise à accueillir l’autre dans toute sa richesse et sa beauté.

Suis-je capable de mettre de côté un moment ce qui se passe en moi pour être pleinement disponible à l’autre, sans intention de le changer, sans intention de résultat ?

Suis-je disposé à voir les besoins d’autrui comme équivalents aux miens, ni inférieurs aux miens, ni supérieurs ?

Si ces critères ne sont pas remplis, l’auto-empathie, éventuellement soutenue par une tierce personne, ou l’expression authentique sera plus appropriée. Nous ferons, dans certaines circonstances, le choix de dire « non » à une demande d’empathie d’une manière qui prenne soin de notre authenticité et de la relation.

À partir de maintenant, vous n’entendrez plus de reproches

À partir de maintenant, vous pourrez apprendre sans perdre votre estime de vous. Vous n’entendrez plus de reproches, ni de compliments. Vous ne serez plus responsables des besoins des autres. Vous pourrez retrouver la joie de l’interdépendance.

Nous ne mesurons pas toujours suffisamment le retournement intérieur que proposent ces quatre étapes si simples de la CNV. Nous ne mesurons pas toujours combien cette découverte que les jugements sont l’expression maladroite de sentiments et de besoins redonne de la liberté dans nos relations et de la joie dans l’apprentissage. Il ne s’agit pas juste d’un outil de communication. Il s’agit d’une révolution qui transforme la vie quand on en fait l’expérience.

Cas

Quelques exemples d’écoute empathique

Exemple 1 (le stimulus est neutre) – Cette réunion était inutile.

Empathie – Quand tu dis que cette réunion était inutile (Observation), estce que tu es fâché (Sentiment) car tu as besoin de faire un bon usage de ton temps (Besoin), est-ce que c’est cela (Demande de relation) ?

Exemple 2 (je suis le stimulus) – Tu ne devrais pas te faire tant de soucis. Empathie – Quand tu dis cela (Observation), est-ce ce que, pour toi, c’est important de faire confiance en la vie (Besoin), est-ce que c’est ça (Demande de relation) ?

Exemple 3 (une tierce personne est le stimulus) – Alexandra n’est vraiment pas fiable, on devrait la virer. Elle est dangereuse !

Empathie – Quand tu dis qu’elle est dangereuse (Observation), est-ce que tu es inquiète (Sentiment), est-ce que tu as besoin de te sentir en sécurité (Besoin), est-ce que tu veux qu’on prenne une demi-heure pour en parler (Demande d’action) ?

Réponse – Oui, il va finir par y avoir un accident et cela va nous retomber

dessus.

Empathie – Est-ce que tu as besoin d’être entendue dans ton inquiétude (Besoin et Sentiment), est-ce que tu veux que je t’aide à préparer la manière dont tu pourrais en parler à la direction (Demande d’action) ?

Nous glanons chaque jour de multiples phrases, dans nos échanges, la radio ou la télévision, la rue et les magasins, qui nous donnent mille et une occasions de nous entraîner à l’empathie. L’empathie ne cherche pas à réussir quoi que ce soit, mais à développer notre antenne intérieure pour capter le monde de l’autre tout en lui laissant la responsabilité de sa réponse.

Cette pratique m’a beaucoup aidée à m’entraîner et à développer mon écoute empathique. J’ai parfois été surprise de découvrir ce que l’autre pouvait vivre et cela a ouvert mon cœur à l’accueil de chacun.

Les trois formes d’empathie

La première empathie possible, qui nous est plus naturelle que nous ne l’imaginons, est l’empathie silencieuse. Il s’agit de regarder la personne, de sentir son énergie et de tenter d’écouter, derrière toutes les histoires qu’elle raconte, les besoins qui tentent de s’exprimer. Il s’agit de mettre toute notre énergie à capter l’énergie des besoins. Dans une culture habituée à communiquer des jugements, des pensées et des exigences, cette empathie silencieuse demande de la persévérance et de l’entraînement pour ne pas nous laisser prendre dans le filet des pensées et des réactions qui se réveillent en nous.

La deuxième empathie est l’empathie académique, comme celles que nous avons formulées dans l’exercice ci-dessus. Nous utilisons cette formulation lorsque nous nous entraînons, sur notre journal de bord ou en groupe de pratique, avec des personnes qui sont d’accord de soutenir notre apprentissage.

L’empathie académique

Quand tu dis « ….. » / tu te souviens…. (Observation), est-ce que tu te sens (Sentiment), parce que tu as besoin de (Besoin), est-ce que c’est ça (Demande de relation) ou est-ce que tu aimerais que (Demande d’action) ?

Enfin, nous utilisons, dans le quotidien, l’empathie invisible, « l’empathie de

rue », où nous cherchons à reformuler des observations, besoins et sentiments éventuels, demandes d’une manière suffisamment naturelle qu’elle passe inaperçue. Dans cette empathie, nous sommes attentifs à reformuler l’énergie des besoins, en laissant à l’autre la responsabilité de ses besoins et en dissociant aussi clairement le besoin de la stratégie. Nous sommes également attentifs à laisser la liberté à l’autre de nous dire « non ». Nous ne pourrons jamais cerner complètement la réalité d’autrui.

Accompagner les émotions fortes

Lorsque nous écoutons une personne en proie à une forte émotion, à une colère importante par exemple, nous prenons d’abord le temps d’évaluer le niveau de risque. Si besoin, nous posons un usage protecteur de la force, par exemple en séparant deux enfants qui sont en train de se battre. Lorsque l’énergie de l’autre personne est très forte et qu’elle est très en lien avec ses pensées, nous avons parfois besoin de reformuler ses pensées et jugements, pour lui permettre de se sentir écouté. Nous tentons de le faire en restant un observateur neutre de ses pensées, dans la conscience que ses pensées ne sont que l’expression maladroite de ses besoins.

Cas

L’empathie de la colère

Cédric, 5 ans, est en colère. Sa maman vient de passer devant le rayon des jeux pour Noël. Il a vu une voiture qui lui fait tellement envie et il a aperçu un autre enfant l’emporter dans son caddie, le sourire aux lèvres. Cédric est en colère. Il hurle en espérant que sa maman reviendra sur ses pas, prendra une boîte sur le rayon et la laissera tomber dans le caddie, comme elle le fait parfois. Plus maman s’éloigne et plus Cédric hurle. Sa maman, après un silence d’auto-empathie, pour accueillir ce qui se passe en elle, en entendant son fils et en voyant les regards des autres personnes se tourner vers elle, lui offre un espace d’empathie. Elle lui lance d’abord, sur un ton énergique « Ah, tu trouves que ce n’est pas normal. Est-ce que je devrais acheter cette voiture aujourd’hui ? ». Cédric renchérit de plus belle et hurle « la voiture, je la veux ! ». Maman recommence sur un ton énergique à nouveau « Ah zut ! Maman est

vraiment une mauvaise maman ! Elle ne fait pas attention à Cédric ! ». Dans cette étape la maman fait le choix de reformuler les pensées et de laisser s’exprimer le langage « chacal », tout en étant en empathie silencieuse pour capter l’énergie de Cédric. En entendant le besoin d’attention, Cédric se calme un peu. Maman, captant ce changement de ton, reprend en nommant cette fois le besoin « Tu aimerais qu’on fasse attention à toi ? » Cédric se calme, acquiesce. Quelques minutes leur suffisent à se comprendre et à continuer leurs courses dans l’affection et la complicité partagée de l’attente de Noël.

Voici un dénouement rapide, comme la CNV nous permet de le vivre régulièrement. Il arrive aussi que le besoin soit plus affamé et nécessite de prolonger l’échange à d’autres moments, de revisiter nos manières de prendre soin les uns des autres. Il arrive enfin que nous ayons besoin d’un tiers pour accompagner ce type de dialogue.

Recevoir un « non »

Nous avons déjà exploré l’impact du « non » dans notre culture et l’intention de la CNV de voir avec la même bienveillance le « oui » et le « non » comme deux stratégies équivalentes qui visent à prendre soin des besoins. Nous avons également exploré en quoi la demande CNV est une demande négociable, c’està-dire qui accepte le « non », contrairement à l’exigence. Et nous sommes alors face à une difficulté courante dans l’apprentissage de la CNV au quotidien. Je vous invite à un petit exercice d’imagination : vous venez de prendre une heure pour clarifier une situation et vous donner de l’empathie, vous avez décelé un besoin extrêmement précieux pour vous et vous avez préparé une expression authentique avec soin, vous avez vérifié votre intention qui est vraiment de prendre soin de la relation, vous exprimez avec une grande concentration une observation dénuée de jugements, un sentiment et un besoin dont vous prenez la responsabilité et vous finissez par une petite demande concrète, réaliste et réalisable, négociable. La réponse que vous recevez alors est, au mieux, un « non », et, au pire, un silence ou une critique de la forme que vous avez utilisée et qui ne semble pas très naturelle. Comment réagissez-vous alors ? Penserezvous « la CNV ne marche pas avec tout le monde » ou « il pourrait faire un effort ! » ou « je n’ai pas dû m’y prendre comme il faut » ou « je me heurte à un

mur » ? C’est souvent ce type de pensées qui nous traverse d’abord avant de nous rappeler, encore et encore, que toute réaction est l’expression d’un besoin aussi précieux que le nôtre, aussi précieux que le besoin de contribuer à notre bien-être.

En CNV, nous voulons vraiment changer nos habitudes et développer notre conscience que tout ce qui se dit est l’expression de besoins fondamentaux et que nos besoins ne sont jamais contradictoires. Une stratégie pour cultiver cela est de commencer par expérimenter et vivre la gratitude. Oui, la gratitude, pour le fait que l’autre a le courage, l’authenticité de nous dire « non » plutôt que de nous dire « oui » pour acheter notre amour ou notre collaboration. Puis nous tenterons d’entendre le besoin qui s’exprime derrière le « non » avec une empathie silencieuse ou verbale.

Accompagner le changement

Nous vivons une période qui nous demande un travail important d’adaptation et de changements, parfois radicaux : accélération liée à l’usage du numérique, enjeux écologiques qui nous demandent de changer nos habitudes, brassages interculturels qui nous demandent de nous adapter mutuellement pour pouvoir vivre et travailler ensemble. Nous pouvons également être conduits à vivre des changements importants à l’occasion d’une rupture familiale ou professionnelle, d’un accident de la vie.

La CNV apporte une réponse puissante et originale à la question de la conduite du changement en affirmant qu’une personne n’accepte de changer de comportement que lorsqu’elle a reçu suffisamment d’empathie pour les besoins qu’elle tente de satisfaire avec son comportement actuel.

Témoignage

Témoignage d’une enseignante sur Facebook

Il y a quelques jours, j’ai posté un message à propos de l’élève qui m’a fait des doigts d’honneur

(c’est ce que ses camarades m’ont dit) pendant que j’écrivais au tableau !

Ce matin, j’ai appliqué vos conseils Je n’ai pas parlé du fait rapporté par d’autres et j’ai fait le choix d’écouter l’élève

Il a pu me dire à quel point il détestait l’école Pas un cours ne trouvait grâce à ses yeux J’ai continué à l’écouter avec empathie, en reformulant ses sentiments et ses besoins. Les larmes aux yeux, il m’a dit combien la vie était difficile pour lui à la maison. Ses parents sont sur le point de divorcer et c’est la guerre à la maison Je lui ai dit que je comprenais à quel point c’était difficile à vivre et je lui ai proposé mon aide.

En début d’heure, il refusait de faire le contrôle. En fin d’heure, il ramassait les livres, les plaçait dans mon armoire et sortait en me saluant et en me remerciant ! Vive la CNV !

Contribuer à un dialogue non violent

« Faites le bien, par petits bouts, là où vous êtes, car ce sont tous ces petits bouts de bien, une fois assemblés, qui transforment le monde. »

S’entraîner au dialogue CNV

Le dialogue et les relations dans un collectif demandent d’utiliser avec le plus de fluidité possible les trois temps de l’auto-empathie, de l’expression et de l’empathie. Dans mon apprentissage de la CNV j’ai beaucoup utilisé dans mon journal de bord et dans mes rêves, l’exercice suivant.

Exercice

S’entraîner

au dialogue empathique

Je choisis un dialogue que je souhaite revisiter. J’écris dans un premier temps le dialogue tel que je l’ai vécu, lu ou imaginé.

Je prends alors un temps de silence et de respiration. Puis j’écris à nouveau le dialogue, comme si chaque personne était capable de s’exprimer en Observations, Sentiments, Besoins et Demandes.

Cultiver sa capacité à choisir

Une autre pratique consiste à cultiver la conscience de notre pouvoir et du choix que nous avons à chaque instant.

Exercice

Explorer les quatre manières d’accueillir un message

Je choisis une expérience où quelqu’un a fait ou dit quelque chose (stimulus).

Je note le stimulus. J’ai le choix entre quatre manières de réagir.

Choix 1 – Oreilles chacal contre moi J’écris les jugements, exigences, etc. que j’ai contre moi, en m’aidant si besoin de la liste en fin d’ouvrage « le langage qui coupe de la vie ».

Choix 2 – Oreilles chacal contre l’autre J’écris les jugements, exigences, etc. que j’ai contre l’autre, en m’aidant si besoin de cette même liste.

Choix 3 – Oreilles girafe vers moi (auto-empathie et/ou expression authentique)

J’exprime ce qui se passe en moi, en Observations, Sentiment, Besoin et Demande. Je l’exprime intérieurement (auto-empathie) ou à autrui (expression authentique) en vérifiant mon intention. Je m’aide des listes de sentiments et besoins. Je veille à ressentir le sentiment et le besoin le plus possible dans mon corps.

Choix 4 – Oreilles girafes vers l’autre (empathie)

Je reformule ce que j’imagine être l’Observation, le Sentiment, Besoin et Demande d’autrui quand il envoie le stimulus. Je m’aide des listes de sentiments et besoins. Je veille à ressentir l’énergie de la personne.

Cultiver la confiance en l’abondance

« Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité » Gandhi Cas

À la recherche d’une coopération sans concessions Muriel et Julien sont en vacances. Ils espéraient passer un moment agréable ensemble mais un conflit arrive : Muriel est saturée et ne veut pas sortir visiter un nouveau site alors que Julien, le guide à la main, brûle d’impatience à l’idée de continuer la visite de la ville. Après un échange tendu lors du dîner, Muriel et Julien prennent le temps d’explorer leurs besoins. Muriel est fatiguée et aspire à du repos. Ce repos lui permettrait d’accueillir tout ce qu’elle a accumulé comme sensations et informations depuis le début des vacances. En recevant de l’empathie, Muriel prend conscience qu’elle a besoin de retrouver à l’intérieur d’elle un espace de paix et d’harmonie, de calme intérieur, qu’elle a eu du mal à cultiver ces derniers jours dans l’agitation de ce voyage et de ces nouvelles sensations et visites. Julien, lui, est très excité et stimulé par ce voyage. Ses besoins de détente, de ressourcement, d’inspiration sont complètement satisfaits. L’idée de rester sur place une journée lui est insupportable tellement il veut faire un bon usage de son temps et continuer de remplir des réservoirs de besoins dont il s’est peu occupé pendant l’année.

Muriel et Julien évoquent alors la possibilité de passer une journée chacun de leur côté, elle restant à l’hôtel et lui partant faire une visite. Mais ils se rendent compte que cette perspective, néanmoins envisageable, ne répond guère à leurs besoins de partage et de complicité. Julien, parcourant une nouvelle fois le guide, repère un monastère hors de la ville où ils pourraient passer la journée. Muriel est ravie d’envisager cette visite et de prendre un peu d’espace pour se reposer, retrouver une paix intérieure en se posant dans le cloître et le parc. Julien est heureux de visiter ce site recommandé dans le guide. Tous deux sont joyeux d’envisager partager un moment ensemble dans ce lieu et également une heure chacun de leur côté.

Nos conflits intrapersonnels et interpersonnels naissent de notre incapacité à trouver des stratégies qui prennent soin de nos besoins. Nous avons alors une représentation duelle : je prends soin de toi ou je prends soin de moi, je prends soin de ma santé ou je me fais plaisir, je garde cet emploi ou je démissionne, je respecte mon engagement ou je m’écoute. Ces situations créent de la tension et nous signalent que nous sommes dans le registre de nos pensées.

L’écoute des besoins fondamentaux nous conduit naturellement à imaginer des stratégies qui prennent soin de l’ensemble de nos besoins.

Partager la CNV

Lorsqu’on entrevoit la puissance de la CNV et qu’on goûte aux bénéfices de la CNV, on souhaite bien souvent faire découvrir à tout le monde ces principes si simples et si efficaces. On le souhaite d’autant plus facilement qu’il est beaucoup plus aisé de repérer les jugements des autres que les siens, qu’il est beaucoup plus tentant de vouloir faire changer les autres que de travailler des années à sa propre transformation. On souhaite à notre tour transmettre des notions de CNV, éduquer à la CNV. C’est néanmoins une tâche bien délicate que nous déconseillons dans les premières années de pratique de la CNV. Bien des personnes ont expérimenté combien ceci est délicat et parfois contreproductif et violent. Quels sont les repères qui peuvent permettre de partager nos découvertes sur la CNV d’une manière constructive ?

Quelques clefs pour partager la CNV

Voici quelques questions que je peux me poser avant de partager à quelqu’un une notion CNV :

• Est-ce que l’autre est ouvert à entendre quelque chose, à apprendre, à connaître mon point de vue, à recevoir une information ? Ou bien a-t-il besoin d’empathie, de compassion pour ce qu’il vit et ce qu’il exprime comme il peut ?

• Mon intention est-elle de prendre soin de la relation ou d’obtenir un résultat, de convaincre l’autre de se corriger ?

• Mon attention est-elle centrée sur une analyse intellectuelle de ce qui se passe ou suis-je reliée à ce qui se vit ?

• Ai-je suffisamment d’empathie envers moi pour exprimer ce que je souhaite à partir d’observations, sentiments et besoins, et non à partir d’un jugement, d’une exigence, d’un conseil, d’un diagnostic ou d’une croyance ?

• Ai-je suffisamment d’empathie envers l’autre pour accueillir ce qui fait qu’il agit ainsi ? Suisje suffisamment ouvert pour accueillir avec empathie une réaction de refus, de rejet ?

• Ai-je la conscience que ce que je vois chez l’autre existe aussi en moi ? Suis-je capable de m’éduquer avec le même soin et la même attention que j’ai l’élan d’éduquer l’autre ?

Dans bien des cas, l’authenticité et l’empathie sont des leviers bien plus puissants pour faire goûter à la puissance de la CNV et pour donner à autrui l’envie de nous rejoindre.

Parler de la CNV en vivant la CNV, en s’exprimant à partir du cœur est, selon moi, une pratique très délicate. La CNV ne peut pas se transmettre comme une bonne pratique (jugement moralisateur), une manière de parler qu’il faut appliquer (exigence), la manière que tu dois utiliser si tu veux que je te comprenne (menace). C’est une vigilance particulière pour ceux qui ont une autorité (enseignant, manager, formateur, thérapeute, auteur).

Il se peut que, malgré mon intention de l’éviter, vous ayez repéré des jugements et exigences dans cet ouvrage. Si c’est le cas merci de me le dire, pour que je puisse continuer à m’améliorer, et je vous invite à traduire en CNV ce que vous lisez pour également prendre soin de vous.

Une synthèse : l’arbre du dialogue

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Pour quoi et pour qui la CNV ?

Les questions auxquelles répond ce chapitre :

• Comment la CNV est-elle utile pour prendre en main sa vie ?

• Comment la CNV transforme-t-elle les tensions ?

• Comment aider la prise de décision en entreprise ?

• Comment réduire la violence à l’école ?

Être acteur de sa vie

Si je ne prends pas soin de mon bonheur, qui le fera ?

Nous attendons trop souvent que les autres fassent pour nous ce que nous ne savons pas faire pour nous-même. Nous espérons trop souvent que les autres prennent soin d’eux-mêmes et de nous, d’une manière que nous n’avons jamais expérimentée. Voici trois pistes pour prendre soin de notre bonheur et pour, bien loin de l’égoïsme, augmenter notre disponibilité à la vie et aux relations.

Honorer la vie en soi

Les besoins expriment la vie en nous qui veut se déployer. Ils tracent un chemin en nous et cherchent d’abord un espace pour s’exprimer, être accueillis, se développer.

Exercice

Se connecter aux « besoins en plein »

Je m’installe dans un endroit tranquille. Je me donne un temps d’expérimentation, par exemple 10 minutes.

Je choisis un besoin dans la liste donnée dans le carnet pratique dans l’intention de partir à sa rencontre et de lui offrir de l’espace.

Je prends le temps de me relier à la beauté de ce besoin, de ressentir dans mon corps comment ce besoin vit en moi quand il est pleinement nourri : son mouvement, ce qu’il crée dans mon corps, les sensations qui m’habitent, les images qui me viennent.

Développer notre autonomie

Un proverbe nous dit « on n’est jamais si bien servi que par soi-même ». C’est parfois la réalité si nous apprenons à le vivre. Pour la plupart d’entre nous, prendre soin de notre bonheur est un challenge !

Cas

Le plus petit pas que je peux faire pour être plus heureux

David est père de trois jeunes enfants. Les nuits sont encore bien souvent agitées. Son travail est très prenant, son entreprise traverse une période compliquée où tout devient de plus en plus urgent. Il travaille dans un espace ouvert avec vingt autres collègues. David prend conscience que son besoin de paix est mis à rude épreuve en ce moment et il se sent épuisé. Il craint d’arriver au burn-out comme un de ses proches collègues qui est en arrêt maladie depuis quatre mois. Mais il ne voit vraiment pas comment parler de son besoin de paix au travail sans passer pour un « bisounours ».

David choisit alors de faire la liste de dix choses concrètes, réalistes et réalisables. Avec le soutien de son coach, il prend soin de choisir les plus petites choses qu’il peut faire, les plus faciles et les plus agréables à envisager pour augmenter ses chances de prendre soin de son besoin de paix. David pose une boîte sur sa table de nuit et pioche chaque lundi matin un papier pour choisir une demande qu’il se fait pour prendre soin de son besoin de paix. Voici sa liste : mettre son réveil 10 minutes plus tôt pour prendre 10 minutes de méditation ; choisir une musique paisible à écouter dans la voiture à la place des informations ; afficher un Post-It sur lequel il écrit « paix » sur son ordinateur ; changer l’écran d’accueil de son ordinateur avec une image évoquant la paix ; déjeuner seul à midi ; prendre 5 minutes de sieste après le déjeuner dans sa voiture ; mettre 3 sonneries dans la journée et s’accorder à chaque fois 1 minute de centrage et de respiration ; se dire le matin en se levant « paix à moi, paix à cette maison, paix au monde » ; sortir dehors 5 minutes chaque matin et regarder le ciel, en s’imprégnant de sa paix ; marcher paisiblement dans la rue, en se concentrant sur sa respiration, en allant acheter le pain. Peu à peu, David sent la paix revenir en lui. Il se sent plus disponible à vivre et à accepter les conditions de vie qui sont les siennes aujourd’hui. Il prend progressivement conscience qu’il a accès à des centaines de stratégies possibles pour prendre soin de son besoin de paix, en toute autonomie. Il se rend compte également qu’il devient plus disponible, moins réactif et que, comme par magie, les échanges avec les autres deviennent aussi plus apaisés, alors que la réalité du contexte n’a pas vraiment changé.

Trouver des alliés

Nous découvrons souvent nos besoins lorsque nous sommes stimulés par une personne, un événement. C’est alors que nous prenons conscience que nous avons des sentiments désagréables et des besoins non satisfaits. Notre automatisme consiste alors à demander à la personne stimulus de prendre soin de nos besoins, à travers une demande. Or cette personne est bien souvent la personne la moins disponible pour prendre soin de nos besoins à ce moment. Nous disposons d’une multitude d’autres options plus faciles, plus légères et plus agréables.

Puisque l’intention est d’être plus heureux et non de changer les autres, la question fondamentale à nous poser est : Qui sont les personnes de cette planète qui auraient le plus de joie à prendre soin de nos besoins ?

Lorsque j’étais enfant, nous courrions dans la cour en criant « Qui veut jouer avec moi ? Qui veut jouer avec moi ? » et nous trouvions avec bonheur les bonnes personnes qui avaient de la joie et de la disponibilité à jouer avec nous. Et si nous retrouvions cette simplicité ?

Cas

Qui veut contribuer à mon bonheur ?

Anaïs travaille dans un supermarché. Son directeur est « exigeant ». Chaque fois qu’il vient, il voit ce qui ne va pas. Lors des entretiens d’évaluation, il pointe les améliorations nécessaires et, pour ce qui fonctionne, il met des objectifs supérieurs pour l’année suivante. À la maison, Anaïs a deux adolescents avec qui les relations sont régulièrement tendues. Elle est en train de divorcer et s’en veut d’en être arrivée là. Bref, Anaïs vit une période complexe et prend conscience que certains vases de besoins sont à sec, notamment le besoin de reconnaissance. Que faire alors ?

Anaïs envisage d’abord d’exprimer son besoin de reconnaissance à la direction mais elle constate que c’est trop difficile. Elle ne s’imagine ni prendre un rendez-vous pour en parler, ni aborder ce sujet dans le magasin

devant les clients et les collègues. Cette demande ne semble pas réaliste et réalisable pour Anaïs. En explorant ce qu’elle aimerait entendre pour ressentir intérieurement la reconnaissance de ses contributions, Anaïs réalise qu’elle ne croit pas pouvoir recevoir cette reconnaissance de son directeur. Une petite voix intérieure ne croit pas à l’authenticité de la direction : « s’il me dit quelque chose de positif, c’est juste pour éviter de m’augmenter en fin d’année », « il ne sait même pas ce que je fais, il n’est presque jamais là ». Je constate que cette situation est extrêmement fréquente. Nous nous épuisons parfois à attendre quelque chose d’une personne, notamment d’une personne d’autorité et, le jour où nous la recevons, nous n’y croyons pas et nous réalisons que notre stratégie n’était pas adaptée à nos besoins. Anaïs cherche alors la personne la plus accessible, pour qui elle a de l’estime, avec qui elle est en confiance et dont elle pourrait accueillir avec ouverture le cadeau d’un remerciement authentique. Cette personne est une collègue, Angèle, qui travaille régulièrement avec elle. Après avoir travaillé la gratitude en CNV ensemble, elles ont convenu d’expérimenter un temps hebdomadaire de dix minutes pour s’échanger de la gratitude, sous forme d’observations et de besoins satisfaits. Elles ont également mis en place un système de messages de gratitude qui se diffusent peu à peu dans l’équipe.

Vers une éthique de responsabilité

La pratique de la CNV augmente notre capacité à discerner et à poser des choix, en fonction de nos besoins, de notre énergie, de nos ressources internes et externes. Les grandes figures de la non-violence ont posé des choix courageux et conscients pour contribuer aux changements qu’elles voulaient voir advenir au détriment bien souvent d’une forme de sécurité, de bien-être et de liberté.

L’enjeu est de trouver un équilibre durable en prenant en compte l’ensemble de nos besoins : les besoins qui tendent vers la réalisation d’une mission personnelle : accomplissement de soi, identité, liberté… ; si nous ne prenons pas en compte ces besoins, nous risquons une vie privée de sens et d’être ce que Marshall B. Rosenberg appelait une « gentille personne morte » ; la dépression peut en être une conséquence :

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les besoins qui prennent en compte nos ressources internes, notre énergie physique, nos compétences : besoins de survie, de sécurité, de récréation… ; si nous ne prenons pas en compte suffisamment ces besoins, nous risquons l’épuisement, le burn-out et la non-réalisation de nos autres besoins ; les besoins qui prennent en compte la réalité de l’environnement dans lequel nous sommes plongés, par exemple nos responsabilités familiales : besoins relationnels, de participation et de célébration, appartenance, amour… ; si nous ne prenons pas suffisamment en compte ces besoins, nous risquons l’exclusion ou l’épuisement, en nous privant des personnes ressources qui auraient de la joie à contribuer à nos besoins, C’est un équilibre à construire jour après jour pour un développement durable de soi.

Prendre en compte ses besoins pour un développement durable de soi

Au travail ou en famille, nous sommes également partagés entre différentes parts : ce que nous voulons vivre, en tant qu’individu, avec nos fragilités, nos blessures, l’actualité de notre condition de vie, nos valeurs personnelles ; ce que nous voulons vivre, dans notre rôle : ce qui nous permettrait de vivre notre rôle avec joie, sérénité et tranquillité ; ce à quoi nous contribuons dans l’organisation : nous prenons conscience que, en participant à une organisation, nous en sommes un acteur agissant qui contribue à produire des biens et services, à développer une culture et des valeurs partagées.

L’écoute des différentes parts et de leurs besoins permet de développer des stratégies qui augmentent nos chances de vivre l’ensemble de nos besoins. Elle nous conduit parfois à avoir le courage de faire des choix, d’oser exprimer et agir, de prendre des risques. Elle nous conduit à contribuer à une culture partagée davantage alignée avec nos valeurs personnelles.

Être accompagné

Pratiquer la CNV dans un monde dont le langage, les rythmes, les habitudes et la culture nous coupent régulièrement de notre cœur et de nos besoins est un défi. Une ressource essentielle, nous l’avons vu, est d’être accueilli avec suffisamment d’empathie pour transformer nos jugements et reproches, développer une capacité à nous exprimer à partir du cœur et accueillir l’autre avec empathie et ouverture. L’accompagnement CNV offre cet espace d’empathie.

Certains indices nous permettent de déceler que nous avons besoin de soutien empathique, comme par exemple :

Je suis incapable d’accueillir avec empathie autrui, c’est-à-dire que je n’arrive pas à me demander « qu’est-ce qui est si précieux pour autrui qui fait qu’il agit comme il agit ? ».

Je tourne dans ma tête des événements passés et je n’arrive pas à passer à autre chose.

Je suis incapable de formuler ce qui se passe pour moi autrement que comme des reproches, exigences, jugements, etc.

Je vois le film de mes pensées et je n’arrive pas à ressentir quelque chose dans mon corps.

Pour moi le sujet est sans issue. Je ne vois pas comment prendre soin de moi et de l’autre.

Je perds de l’énergie, je perds ma capacité à espérer un avenir différent.

L’écoute peut venir d’une personne de notre entourage formée à la CNV et suffisamment disponible, d’un professionnel de l’accompagnement CNV, d’un groupe de pratique CNV. Parfois aussi l’écoute empathique ne suffit pas et un accompagnement thérapeutique ou médical est nécessaire.

Améliorer les relations

Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin

Proverbe africain

La CNV vise à développer des relations qui prennent en compte les besoins de chacun.

S’enrichir de nos différences

La non-violence n’est pas l’absence de tensions, ni l’absence de conflits. Il peut exister une forme de violence à fuir les désaccords et les conflits, à éviter la confrontation, à renoncer à son point de vue pour préserver l’harmonie, à considérer que celui qui n’est pas d’accord avec soi coupe le dialogue ou manque de respect.

Nous avons vu le langage qui nous coupe de la réalité, nos interprétations, généralisations, diagnostics et croyances qui nous poussent à réagir non pas à la réalité, mais à l’histoire que nous nous racontons. Comment puis-je faire la distinction entre la réalité et l’histoire que je me raconte, dont je suis bien souvent convaincu ? Mon expérience me montre deux chemins privilégiés pour apprendre cette distinction et développer notre perception de la réalité telle qu’elle est.

Il y a les crises : divorce ou échec professionnel, burn-out ou maladie, ruptures et deuils en tout genre. Lors d’une crise, une réalité jaillit, qui vient bien souvent confronter notre représentation à la réalité. Après le déni et le processus de transformation de la crise, c’est bien souvent une opportunité pour élargir notre regard et affiner notre observation de la réalité.

Il y a ensuite le dialogue et l’écoute mutuelle dans les désaccords. La CNV nous ouvre un chemin pour confronter nos représentations dans nos désaccords et tensions. Bien des conflits disparaissent si nous écoutons nos représentations et informations respectives. Il s’agit à la fois de prendre la responsabilité de nos observations, de ce que nous voyons, entendons, comprenons, imaginons et d’accueillir les observations d’autrui, dans une écoute attentive et respectueuse de nos différences. Il nous arrive alors parfois d’arriver dans cet espace d’ouverture où nous découvrons l’un et l’autre une autre réalité qui nous enrichit et qui nous permet à nouveau d’entrer en relation, de coopérer.

Deux visions de l’agriculture

Je suis assez inquiète de voir Raphaël et Martin, côte à côte, pendant le déjeuner d’un deuxième jour de formation CNV. Je sais que Raphaël est agriculteur. Il vient de reprendre l’exploitation de ses parents et s’engage dans la reconversion de la ferme en agriculture biologique. Je sais aussi que Martin travaille dans une entreprise chimique qui fabrique des engrais et des pesticides. Ils ne le savent pas encore.

Raphaël découvre, au détour d’une conversation, le métier de Martin.

Raphaël – Quoi, tu fabriques des pesticides ? Moi, j’arrête ces produits, c’est du poison pour la terre, les animaux et les êtres humains… Martin – Mais n’importe quoi ! Il faut bien nourrir l’ensemble de la population humaine ! Au rythme où elle croît, il n’y a qu’une solution, les engrais et les pesticides.

Je propose alors d’expérimenter ce que nous avons vu en formation dans la journée. Après quelques échanges et tentatives, le dialogue se transforme peu à peu. En voici un extrait.

Raphaël – Je connais des agriculteurs qui ont des symptômes quand ils utilisent des produits chimiques et j’ai entendu qu’il fallait se protéger avec des combinaisons. Quand j’entends cela, je suis vraiment inquiet pour ma santé, celle de mes enfants et celle de mes clients. Je ne supporte pas l’idée de rendre quelqu’un malade avec les produits de la terre. Comment tu réagis quand je te dis cela ?

Martin – Oui, c’est vrai qu’on accompagne les agriculteurs pour qu’ils prennent soin de leur santé avec des combinaisons. Les agriculteurs sont mieux protégés que les citadins qui ont un petit jardin en ville, tu sais. Moi, j’ai lu qu’on ne peut pas nourrir l’ensemble de la population avec des produits biologiques. Je me sens tellement choqué quand j’apprends que des personnes meurent de faim au XXI siècle ! J’aime mon métier car il contribue à nourrir toute la planète.

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Raphaël – Je suis touché quand j’entends que tu veux contribuer à nourrir toute la planète car j’aspire à la même chose. En même temps, je suis étonné de ton observation, je ne crois pas que la productivité diminue en passant au biologique. Est-ce que cela t’intéresse que je te transmette les résultats de mon exploitation ?

Raphaël et Martin se rendent compte peu à peu de deux choses. Ils

Cas

découvrent qu’ils sont mus par les mêmes besoins : contribuer à nourrir les êtres humains, prendre soin de la santé. Ils prennent conscience également qu’ils n’ont pas du tout les mêmes observations. Au lieu de se juger mutuellement et de se condamner, ils constatent qu’ils ne sont pas d’accord et apprécient de confronter leurs observations, de mieux appréhender la complexité de la réalité, s’écouter mutuellement, se respecter. Ils s’échangeront des informations après la formation.

La complexité et les enjeux du monde actuel nous demandent de cultiver cet art de la confrontation bienveillante que permet la CNV.

La médiation CNV

« Quand notre attention est pleinement centrée sur les besoins, la nature met dans notre tête des images sur la manière de les satisfaire »

La CNV est un processus puissant pour conduire une médiation entre des personnes, dans un collectif, entre des ethnies, ou à l’intérieur de soi.

Un médiateur CNV est une personne formée à la CNV et à la médiation, ainsi qu’aux spécificités de l’usage de la CNV en médiation. Il a ainsi la capacité d’accueillir chaque personne (appelée « médiant ») avec impartialité, neutralité et bienveillance, de favoriser l’expression de chacun, et d’entendre, derrière les paroles, jugements, reproches, interprétations, ce qui se joue en profondeur en termes de sentiments et de besoins. Il s’appuie sur sa capacité d’auto-empathie pour rester disponible au déroulement du processus de médiation, alors même qu’il peut par moment se sentir touché par les situations douloureuses qui sont évoquées. Il accompagne les personnes dans l’élaboration de stratégies nouvelles qui émergent à partir de la reconnaissance mutuelle et de l’accueil de l’ensemble des besoins identifiés.

La médiation informelle au quotidien

Nous pouvons nous engager dans un processus de médiation informel lorsque nous voulons contribuer à résoudre une difficulté relationnelle entre des personnes. Cela présuppose d’être capable, avant d’intervenir, de s’offrir

Marshall B. Rosenberg

suffisamment d’auto-empathie pour trouver à l’intérieur de soi un espace de paix, de neutralité et de disponibilité bienveillante pour ce qui se joue devant soi. Cela demande également d’être clair sur son intention d’intervenir, sur sa motivation, afin d’augmenter les chances que l’intervention que nous envisageons de faire puisse être reçue et acceptée par des personnes qui n’ont rien demandé.

La médiation formelle

Nous pouvons aussi faire appel à un médiateur CNV lorsque : nous vivons un conflit que nous n’arrivons pas à résoudre seuls ; nous avons une difficulté relationnelle, de communication qui nous met en difficulté et que nous n’arrivons pas à dépasser ; sans nécessairement être en conflit, nous sommes insatisfaits de la qualité relationnelle et de communication ; nous vivons régulièrement des difficultés avec une ou plusieurs personnes et nous sommes dans l’incompréhension de ce qui se passe ; nous avons besoin de soutien et de sécurité pour poser notre parole et nous donner les meilleures chances d’être entendus ; nous avons peur de « payer » les conséquences d’un dialogue authentique sur un sujet délicat ; nous souhaitons augmenter les possibilités de mieux nous entendre et mieux nous comprendre pour avoir un dialogue constructif.

Un couple peut par exemple choisir de demander le soutien d’un médiateur pour aborder des tensions concernant l’éducation des enfants, pour évoquer des incompréhensions concernant la sexualité, pour transformer des tensions en lien avec l’argent, pour résoudre des difficultés répétées avec les parents et beauxparents.

Une personne dans une équipe peut proposer une médiation pour aborder la manière dont la parole circule en réunion ou la façon dont chacun est pris en compte et respecté dans sa parole et son rôle.

La CNV enrichit la pratique de la médiation de plusieurs manières : Elle permet de prendre en compte les émotions, aussi intenses soientelles, comme un chemin pour aller vers les besoins. La phase émotionnelle n’est pas juste une phase de purge inévitable, que le médiateur CNV regarde et laisse passer. C’est au contraire le processus qui permet l’ouverture du cœur à ce qui est vécu par chacun des médiants

et l’écoute mutuelle des besoins prioritaires.

Elle offre aux médiants la sécurité de l’écoute des besoins et favorise naturellement l’émergence de solutions satisfaisantes pour chacun.

Elle favorise une écoute des besoins, des essentiels, des enjeux vitaux, des valeurs fondamentales. La sensibilité du médiateur CNV, qui soutient la clarification des besoins de chacun, augmente les chances pour les médiants de faire un choix conscient de solutions susceptibles de satisfaire leurs besoins prioritaires, de façon pérenne, sans compromis ni concession.

Elle apporte aux médiants de la clarté, notamment en distinguant les stratégies et les besoins, les sentiments et les jugements. Cette clarté favorise l’autonomie et la créativité des médiants, dont le médiateur est soutien

Le médiateur CNV s’appuie sur le processus CNV pour écouter les situations et le vécu de chacun. Il sait que cette lecture CNV et la reconnaissance mutuelle des besoins permettent aux solutions d’émerger au juste moment. Au lieu d’être mobilisé par la recherche d’une solution, il est attentif au cheminement du processus CNV et de l’empathie CNV. Il évite ainsi plus facilement la posture de conseil, la prise à partie ou la perte de l’impartialité.

Les médiants acquièrent, par l’expérience de la médiation CNV, les principes de la CNV qu’ils vont pouvoir réutiliser de manière autonome dans leur vie quotidienne au-delà de la médiation.

Le processus structuré de la médiation CNV est rapide et efficace. Les accords pris sont durables et en même temps négociables car basés sur les besoins repérés à un instant donné. Quand les besoins qui ont initié les solutions changent, les médiants peuvent réajuster leurs accords en autonomie ou avec le soutien du médiateur CNV.

Une médiation CNV peut se dérouler entre deux personnes ou dans un collectif. Une médiation dans un collectif demande beaucoup d’expérience, pour notamment éviter les systèmes de boucs émissaires, garantir l’équité de la parole et la sécurité de tous, déjouer les représentations d’adversaires.

Guérison et réconciliation après un traumatisme

La CNV est un processus puissant pour guérir les blessures relationnelles suite à

un traumatisme, favoriser les réconciliations et permettent à nouveau le vivre ensemble.

Des Palestiniens et des Israéliens se rencontrent et travaillent ensemble. Après le génocide au Rwanda, des Hutus et des Tutsis se réconcilient et choisissent d’œuvrer ensemble à la reconstruction d’un tissu social dans les villages. Dans les pays de l’ex-Yougoslavie, des écoles introduisent la CNV dans les programmes scolaires pour reconstruire la confiance et dépasser les traumatismes de la guerre. Dans des prisons, des programmes permettent des réconciliations entre des prisonniers et leurs victimes et réduisent de manière sensible les taux de récidive. Au Sénégal, des clans coopèrent et travaillent ensemble après s’être affrontés par les armes. La CNV est un processus extrêmement puissant qui a fait ses preuves dans les situations les plus extrêmes.

Elle permet aux personnes des guérisons individuelles et collectives, en offrant à chacun la possibilité d’être profondément entendu et accueilli dans toute la douleur du passé. Elle permet une compréhension mutuelle des besoins de chacun. Elle permet de pleurer les choix tragiques qui ont pu être faits, par manque de conscience et d’information, par méconnaissance des besoins. Elle permet de pleurer le passé et de reprendre la responsabilité du présent et de l’avenir. Elle ouvre un chemin de créativité, d’espérance, de confiance, de coopération, de responsabilité individuelle et collective. Qu’allons-nous faire maintenant ?

Témoignage

Quand les guerres s’invitent sur les campus universitaire

J’ai recueilli ce témoignage auprès de Pierre Muanda, formateur certifié par le CNVC en Belgique et membre du cercle CNV pour l’Afrique.

En République Démocratique du Congo (RDC), venir en Europe était surtout l’apanage des enfants des riches ou des hommes politiques Or le hasard m’a offert de venir en Europe en 1990 alors que je suis un fils de pauvres paysans du fin fond d’un village du Congo. Je n’étais pas un privilégié destiné à voir l’Europe C’était plutôt une grâce d’être là pour faire des études à l’Université Catholique de Louvain (UCL), en Belgique. Mais je ne savais pas ce qui m’attendait là bas, au-delà de faire des études.

Quelques années après mon arrivée à l’université, il y a eu un concours d’événements tragiques avec le génocide du Rwanda et la terrible guerre des Balkans Le conflit rwandais a eu un impact aussi au Burundi et au Congo Avec la guerre des Balkans, la Yougoslavie se morcelait en plusieurs Etats slovènes, croates et serbes. Des milliers de personnes ont été tués à coup de machettes, de couteaux, de fusils ou de canons Les étudiants ressortissants de tous ces pays en guerre

commençaient à importer, petit à petit, leurs conflits sur le site universitaire. Des tensions devenaient de plus en plus perceptibles, d’une part, entre les étudiants rwandais (Hutus, Tutsis), congolais et burundais et, d’autre part, entre les étudiants slovènes, croates et serbes. L’hostilité régnait et certains étaient prêts à en venir aux mains Les nouvelles incessantes selon lesquelles nos frères étaient assassinés, nos sœurs et nos mères violées et tuées alimentaient la haine et l’esprit de vengeance. Beaucoup de ces étudiants n’avaient pas de bourse d’études et faisaient de petits boulots le soir et la nuit pour se nourrir et payer leurs études Malgré ce peu de moyens, les étudiants ont commencé à cotiser dans l’intention d’acheter des machettes et des couteaux, pour les envoyer là-bas, afin qu’ils puissent venger les nôtres Des réunions entre étudiants de même tribu ou nationalité étaient organisées pour imaginer des stratégies de vengeance

La tension était tellement perceptible que les autorités académiques étaient inquiètes Ils avaient peur que la guerre s’importe sur le site universitaire. Ils ont organisé un marathon de réunions pour trouver des stratégies d’apaisement J’étais étonné que ces autorités n’aient rien pu trouver d’autre que des formations en CNV J’étais perplexe à l’idée que ces érudits, ces personnes pleines d’intelligence puissent trouver comme seule solution une bêtise de nous donner des formations en CNV Je ne croyais pas à l’impact de cet outil Je n’imaginais pas que la CNV suffirait à produire des effets libérateurs d’apaisement et à assainir le climat sur le site.

Les autorités universitaires ont proposé, quasi gratuitement, des formations aux étudiants, surtout aux ressortissants des pays en guerre. C’est dans ce contexte bouillant qu’en 1999 j’ai découvert la CNV, via des affiches placardées dans les lieux publics Les autorités ont fait venir des formateurs certifiés par le CNVC et ont mis à notre disposition des autocars pour aller dans des abbayes quasi inoccupées et qui servaient de lieux de formation. Les premières formations n’ont suscité que doutes et hésitations, sans doute suite à notre formation cartésienne : ne rien croire qui ne soit passé par l’observation, l’expérimentation, des hypothèses solides et des démonstrations scientifiques. Pourtant, les formations ont persisté. On y allait le vendredi soir pour revenir le dimanche soir. Lors d’une séance pratique, les formateurs ont osé organiser une séance entièrement consacrée à la réconciliation suite à toutes les haines et les rancœurs que chacun portait sur l’une ou l’autre tribu ou nationalité ennemie. Ce fut un moment intense. C’était la première fois qu’on abordait ce sujet tragique, que nous pouvions mettre des mots sur nos sentiments « macabres », pour découvrir leurs liens avec des besoins pourtant « si nobles ». Nous étions en pleurs. Rwandais (Hutus, Tutsis), Congolais, Burundais, Croates, Serbes, nous étions dans les bras les uns des autres, à pleurer C’était inouï ! Là, je me souviens avoir vécu quelque chose de fort et d’inexplicable La magie CNV était à l’œuvre. L’image de l’humain remplaçait celle que je portais sur l’horrible ennemi, sur celui qui ne pouvait mériter que réprimande et condamnation pour payer les atrocités commises Pour comprendre l’intensité de ce que j’ai vécu, il est important de savoir que de nombreux viols ont été commis dans mon pays, des viols dans la forêt au terme desquels l’organe reproducteur de la femme était ensuite détruit à coup de bois morts. Nos sœurs et nos mères subissent encore cela à l’est du Congo Ceci équivaut à toucher au sacré que représente la femme dans notre tribu car c’est elle qui transmet la lignée de la tribu, qui met au monde Attenter à sa vie et détruire son organe reproducteur équivaut à une volonté d’exterminer la tribu. C’est dans ce cadre et pour arrêter cette ignominie que se sont levés des associations et des gens tels que le docteur Mukwenge, surnommé « réparateur des femmes » et dont le travail est honoré dans un film. Tout ceci pour dire que ce moment de réconciliation vécu grâce à l’apport de la CNV était juste bouleversant. C’est aussi le point de départ d’un coup de foudre avec la CNV

Nous avons aussi découvert un processus, un art de vivre à travers lequel nous avons finalement découvert des valeurs spirituelles et culturelles de nos ancêtres , telles que la solidarité, la convivialité, le partage, le vivre ensemble, la joie de vivre même dans le dénuement, le respect de la vie humaine, l’accueil de l’étranger.

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Dès lors, quelques-uns parmi nous ont fait le choix d’aller jusqu’au bout avec cette CNV et de faire, cette fois, le choix personnel de s’inscrire dans un long et laborieux parcours de certification. Sans beaucoup de moyens, nous nous sommes débrouillés pour nous former à travers des multiples sessions en France, en Suisse et en Belgique pour obtenir, cinq ans plus tard, la certification C’était un groupe de sept nouveaux certifiés africains, composé de Rwandais (Hutus, Tutsis), Burundais, Camerounais et Congolais, travaillant désormais ensemble, main dans la main Nous avons recommencé à cotiser, non plus pour envoyer des machettes et des couteaux, mais pour envoyer des graines de paix, que nous avons choisies nous-mêmes d’aller semer dans nos pays. C’est ainsi que s’est formé le Cercle Afrique pour la CNV Chacun de nous a pris son bâton de pèlerin, de colporteur de paix, pour aller semer, tant que faire ce peu, des graines de paix dans son pays. Moi j’ai pris le mien, boosté comme jamais par un feu sacré pour semer à tout vent.

Des systèmes au service de la vie

« Les problèmes importants auxquels nous sommes confrontés ne peuvent pas être résolus avec les habitudes de pensée qui ont été à l’origine de leur apparition. »

Favoriser la coopération dans les organisations

L’écoute des observations, sentiments et besoins des personnes fait souvent apparaître des causes structurelles, systémiques. Les tensions et conflits, qui s’expriment inévitablement à travers des personnes, peuvent être le symptôme d’une violence d’une autre nature. À noter que, dans ce cas, ce sont les personnes les plus engagées, les plus motivées, qui souffrent le plus de ces tensions systémiques. Elles sont en effet plus sensibles aux dissonances entre les ambitions affichées, leurs aspirations personnelles et la réalité qui, pour elles, n’est pas à la hauteur. Les personnes engagées dans la santé, l’éducation, la justice, l’économie sociale et solidaire, l’écologie ou le service public, sont particulièrement concernées. C’est un paradoxe supplémentaire.

La CNV offre des clefs importantes pour sortir de l’impuissance, du déni de responsabilité, de la révolte ou de la fuite. En confrontant nos observations sans chercher à savoir qui a tort et qui a raison, en observant avec précision ce qui est satisfaisant et ce qui ne l’est pas, en se reliant à ce que nous avons en commun, en écoutant les besoins et propositions de chacun, en écoutant avec équivalence celui qui a du pouvoir et celui qui n’en a pas, en encourageant la parole de chacun et en particulier de celles et ceux qui ont le moins de pouvoir, en traquant

les nombreuses croyances limitantes, des solutions créatives émergent, qui prennent davantage soin des personnes et de la planète.

La CNV est un soutien aux différents niveaux d’un système :

Mission commune. La CNV aide les personnes à formuler une mission commune réellement et concrètement partagée, en soutenant l’expression des désaccords et des motivations de chaque membre. Elle soutient les évolutions stratégiques qui sont davantage au service de la vie, par exemple dans les réajustements écologiques.

Valeurs. La CNV offre aux personnes un cadre sécurisant pour exprimer avec authenticité les valeurs qui les portent et pour trouver les valeurs qu’elles ont en commun. Elle donne surtout des moyens concrets pour que les personnes vivent réellement les valeurs souhaitées et se soutiennent mutuellement dans leur mise en œuvre. L’expression des valeurs devient plus réelle et concrète et l’écart entre les valeurs affichées et la réalité des comportements, qui est une source de souffrance reconnue, se réduit.

Prises de décisions. En permettant d’expérimenter le fait que les besoins ne sont jamais contradictoires, la CNV influe sur les prises de décision qui peuvent être davantage partagées par l’ensemble des personnes (ou leurs représentants) qui vont les appliquer.

Affectation des ressources. Le décalage entre l’ambition et les ressources réelles génère de la souffrance, des promesses non tenues et de la défiance. La CNV permet d’observer ces décalages et de chercher des solutions créatives pour réduire cet écart, accepter la réalité des ressources et sortir de l’épuisement de l’exigence.

Circulation d’informations. La CNV, en réduisant les jugements, reproches, exigences, dénis de responsabilité et menaces, favorise la circulation de l’information, l’expression, la reformulation et la demande, l’écoute empathique. Elle réduit la peur et facilite l’accès de l’information à tous.

Boucles de régulation. C’est un aspect essentiel de la CNV de transformer radicalement les processus d’apprentissage et d’évaluation, permettant de prendre soin à la fois des besoins d’évolution et des besoins d’estime de soi, de confiance. La CNV intègre comme un processus naturel et créatif le fait d’observer les choix et leurs conséquences, d’apprendre de l’expérience pour faire mieux ensuite.

La gestion des conflits. C’est évidemment l’aspect le plus évident de la

CNV, mais j’espère que cet ouvrage contribuera à montrer que le champ d’application de la CNV est bien plus vaste que celui ci. Notre observation actuelle est que la transformation des systèmes se fait de deux manières différentes :

La CNV contribue, avec d’autres approches, à développer des structures qui prennent davantage soin des personnes.

La CNV contribue au développement des compétences individuelles qui permettent aux personnes de faire vivre ces systèmes.

Changer les structures sans accompagner le développement des compétences individuelles peut s’avérer extrêmement violent pour les personnes. Par ailleurs, on observe que ces changements sont très fragiles. En effet les personnes, peu conscientes de leurs besoins, peuvent facilement se faire prendre dans des jeux de pouvoir qui dénaturent l’intention initiale des évolutions structurelles.

Inversement, former et accompagner les personnes sans changer les structures qui génèrent la souffrance peut être source de grande frustration. Ceci conduit bien souvent les personnes à prendre conscience des souffrances qu’elles vivent et à choisir de quitter les structures qui les génèrent si elles n’arrivent pas à les faire évoluer.

Prendre ensemble de meilleures décisions

L’une des structures clefs des nouvelles formes de gouvernance est l’évolution des processus de prise de décision. L’enjeu des prises de décision est de tenir à la fois l’efficacité et la qualité de la décision.

Nous vivons dans un monde complexe où il de plus en plus rare de disposer de toutes les informations qui permettent de prendre une bonne décision. Cela a conduit depuis des décennies à développer des processus participatifs : celui qui a du pouvoir structurel décide, après avoir consulté ceux qui ont de l’expertise sur le sujet. Ces processus de management participatif ont généré beaucoup de frustrations dans les organisations, pour tous ceux qui ont été consultés et qui ont vu leur avis non pris en compte. Par ailleurs, ils ne donnent pas les résultats escomptés. Le fait qu’une personne prenne une décision, même après avoir consulté ses collaborateurs, génère de la résistance au changement pour ceux pour qui le besoin de contribuer et de participer est important. Face à ce constat de nombreuses initiatives émergent pour permettre à des groupes de personnes de prendre des décisions.

La CNV est une ressource centrale pour permettre des prises de décision collectives au service de l’intention partagée du groupe et de la prise en compte de chacun de manière équivalente :

Observation – La rencontre d’un autre, qui est en désaccord avec ce que je prends pour vrai, me pousse à prendre du recul par rapport à mes croyances, à distinguer les croyances – ce que je tiens pour vrai – de la réalité, dont nous pouvons avoir une représentation partagée. Le dialogue et la confrontation permettent ainsi de faire la différence entre la réalité et nos représentations subjectives de la réalité. Plus nous associons à la prise de décision des personnes ayant des points de vue différents et plus nous avons de chance de prendre une décision qui traite de la réalité et non d’une représentation déformée de la réalité. Il est risqué, dans les systèmes complexes dans lesquels nous vivons, de prendre seul une décision, même après avoir consulté ses collaborateurs.

Sentiments – Plus la décision représente un enjeu et plus les personnes vivent des émotions fortes. Si les émotions ne sont pas prises en compte, cela aura une conséquence sur le bien-être, générera des tensions, des conflits et de la résistance au changement.

Besoins – Nous savons par expérience que les besoins ne sont jamais contradictoires, contrairement aux opinions. Une discussion, centrée initialement sur des opinions ou des stratégies, converge inévitablement si les protagonistes écoutent les besoins respectifs qui s’expriment à travers les différents points de vue. La prise de conscience des besoins que nous avons en commun consolide les liens, la solidarité et l’envie de contribuer.

Besoins – Ce que les personnes recherchent avant tout, c’est d’être reconnues et entendues dans leurs besoins. Plus la prise de décision permet l’expression et l’accueil authentique des besoins de chacun, plus la décision est créative et moins la décision rencontre de résistances.

Demandes – Une décision a plus de chance d’être mise en œuvre si elle est formulée sous forme de demandes, avec le critère CRAPPO (concret, réaliste et réalisable, actuelle, positive, précise, ouverte).

Demandes – Le processus de prise de décision est un moyen concret de prendre soin des besoins des personnes, dans l’intention de remplir une mission commune. La CNV invite à choisir le processus le plus adapté en fonction des besoins et non en fonction de positions dogmatiques ou de croyances limitantes, sur la hiérarchie et les rôles par exemple.

La prise de décision par consentement

La communauté CNV a expérimenté depuis une dizaine d’années la gouvernance sociocratique, qui partage avec la CNV cette même intention de favoriser des organisations auto-organisées, efficaces et respectueuses des personnes. La sociocratie et la CNV se bonifient l’une l’autre sur différents processus : élaborations de propositions, prises de décisions, supervisions et revues de performance.

Je constate par exemple que, au moment de prendre une décision collective riche de sens et utile, les personnes peuvent être dans un haut niveau de tension et d’enthousiasme. Cet état peut les empêcher de voir certaines parts d’ellesmêmes qui pourraient par exemple avoir des doutes sur leur disponibilité à mettre en œuvre la décision. Ceci est particulièrement présent dans les organisations à fort engagement sociétal où le risque de l’épuisement et de l’écart entre les objectifs et les ressources est important. Une conséquence peut être l’épuisement des personnes, la non-concrétisation des décisions prises, le découragement et le désengagement. La mise en œuvre de la CNV est alors d’un puissant soutien.

La facilitation de la convergence

Miki Kashtan, formatrice certifiée par le CNVC, a mis au point un processus de facilitation de la convergence qui permet des décisions approuvées par toutes les personnes concernées par la décision, y compris les personnes ayant les opinions les plus contradictoires. Ce processus se déroule en quatre étapes : collecter les critères de décision non controversés, rechercher les principes, besoins, essentiels qui s’expriment à travers les différentes opinions et qui sont communs ; créer des propositions, en constituant des groupes de travail intégrant les personnes ayant des opinions tranchées ou susceptibles de bloquer le processus ; évaluer par consentement les propositions et décider. Il s’agit de recueillir une volonté suffisante de la part de tout le monde pour que la décision soit mise en œuvre sans opposition ; exécuter la décision et faire un feedback, dans un processus d’amélioration continue.

Les systèmes restauratifs

Comment rendre accessible au plus grand nombre ce changement de paradigme auquel invite la CNV, non seulement dans les relations entre les personnes, mais aussi dans le fonctionnement même d’une organisation ? Comment le vivre au moment où les conflits réveillent jugements et stratégies de protection qui nuisent à la qualité du lien ? Le processus des cercles restauratifs, modélisé par Dominic Barter, nous offre un chemin et des repères pour y parvenir. Par la forme du cercle, il invite à considérer les besoins de chacun de manière équivalente et il favorise la compréhension mutuelle ainsi que l’autoresponsabilité au sein du collectif.

L’origine de la démarche

Cette approche a été initiée dans les années 1990 par Dominic Barter et les habitants de favelas de Rio de Janeiro qui ont œuvré ensemble à développer une réponse collective à la violence et à l’injustice Ce travail a été reconnu et intégré au sein des ministères de la Justice et de l’Éducation de plusieurs états du Brésil, et il s’étend aujourd’hui à plus de vingt-cinq pays. Un cercle restauratif est un processus communautaire qui apporte du soutien aux personnes en conflit. Il regroupe les trois parties d’un conflit, ceux qui ont agi, ceux qui sont directement touchés et la communauté élargie, dans un système restauratif choisi par la communauté et organisé pour dialoguer d’égal à égal.

Cette démarche se poursuit dans plusieurs pays et en particulier en France depuis 2010 Elle est utilisée dans des familles, des associations, des établissements scolaires et des entreprises.

Cette approche invite à mettre en pratique l’état d’esprit de la CNV dans le domaine du conflit en l’appréhendant directement dans sa dimension collective et systémique. Il s’agit d’un dispositif qui se co-construit au sein d’un collectif et non pas d’une recette à reproduire telle quelle. Pour autant, les expériences menées offrent des repères et un éclairage sur les moyens concrets d’un changement de paradigme vis-à-vis du conflit.

Fondée sur le paradigme de la CNV, cette approche est née de l’expérience du terrain. Comme l’explique Dominic Barter, la CNV a permis de nommer et de conceptualiser les expériences initialement vécues dans les favelas : « La première et la plus significative des influences que la CNV a eu sur ma compréhension des cercles restauratifs a été l’apport d’un vocabulaire et d’une structure conceptuelle pour ce que je voyais émerger lorsque nous expérimentations de nous “tourner vers le conflit”. (…) La CNV fournissait aussi une façon de comprendre pourquoi les cercles restauratifs

fonctionnaient. »

Le système restauratif permet la construction d’une « infrastructure pour le conflit » au sens figuré – ou système restauratif – qui va permettre au collectif de rencontrer les conflits d’une manière satisfaisante lorsqu’ils se présentent, dans des cercles restauratifs. Pour reprendre une métaphore souvent employée par Dominic Barter : « dans un établissement scolaire, on sait qu’à un moment les personnes vont avoir faim. On n’attend pas qu’il soit midi pour construire une cantine. Et on trouve normal qu’une cantine existe, même si elle ne sert pas tout le temps ». Ainsi, les conflits étant partie inhérente de la vie collective, nous pouvons concevoir des espaces pour les vivre en cohérence avec nos valeurs.

Lorsqu’un conflit survient, le « bon sens » nous dit : « il suffit de s’asseoir autour d’une table et d’en parler ». Certes, mais comment venir à cette table et aborder le conflit sereinement, lorsque la confiance d’y être respecté et entendu s’est évanouie ? Comment s’y préparer ? Quelles modalités de communication utiliser pour que chacun ait voix au chapitre ?

Le système restauratif contient une vision et un cadre de réponse au conflit, qui créent la motivation, la confiance et la sécurité nécessaires au sein d’un collectif pour aborder tensions et conflits ouvertement. Il permet d’expérimenter que la tension et le conflit sont des réalités inhérentes à tout système vivant et évolutif, qui peuvent être vus comme des signes de « bonne santé de l’organisation » s’ils sont gérés. Il décrit les modalités pratiques de la réponse apportée à un conflit, depuis le moment où le processus est déclenché jusqu’à la résolution du conflit. Sans ce système explicite et consenti, il est plus difficile de construire l’espace, de trouver le temps, d’obtenir le soutien et la légitimité pour pouvoir poser les conflits sur la table de manière constructive. Ainsi, le système restauratif facilite le fait qu’une rencontre puisse avoir lieu avec les parties impactées.

Adopter cette nouvelle manière d’appréhender le conflit ne se décrète pas. De même il ne suffit pas de se « former » à cette approche pour que le dispositif soit adopté de manière durable ? En effet, elle remet en cause un système de pensées et d’habitudes. Il s’agit par exemple de transformer la croyance « aborder un conflit de front est forcément une perte de temps en plus d’être pénible » en « le conflit, tout inconfortable qu’il soit, recèle des changements positifs pour moi et le collectif pour peu que l’on ose le traverser ». Un changement de cet ordre gagne à être accompagné par un intervenant expérimenté pour faire émerger les prises de conscience et guider l’élaboration d’une culture et d’un système restauratifs adaptés à l’organisation. De plus, pour un dispositif durable il est souhaitable d’inclure la diversité des membres de l’organisation dans son

élaboration. Un accompagnement par étape permet de construire le système restauratif, depuis l’état des lieux de l’existant jusqu’à l’évaluation du nouveau dispositif, puis de le réajuster de manière dynamique à partir des expériences du terrain. Vers une transformation de notre culture

« Lorsqu’un seul homme rêve, ce n’est qu’un rêve Mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble, c’est le début d’une nouvelle réalité. »

Nous baignons dans une culture imprégnée de violence et la CNV contribue à mettre de la conscience sur cette réalité, à mobiliser toutes les personnes de bonne volonté pour faire évoluer cette réalité.

Le langage construit notre manière de penser le monde

J’ai entre les mains deux dictionnaires. Le dictionnaire de la non-violence, écrit par Jean-Marie Muller, comprend 408 pages. Le dictionnaire de la violence, écrit par un collectif de personnes, comprend 1 461 pages. Cette anecdote révèle à elle seule la réalité de notre langage qui modèle notre manière de penser et je reprends volontiers l’introduction de Jean-Marie Muller : « La langue est l’expression de la culture de la société. Notre langue étant largement déterminée par l’idéologie prévalente de la violence, nous n’avons pas appris à parler la langue de la non-violence. Les mots nous manquent pour penser et dire la nonviolence. »

En enrichissant notre vocabulaire des sentiments et des besoins, en traduisant les mots de jugements, nous contribuons à faire évoluer notre manière de penser et notre culture. Moins nous utilisons le vocabulaire de la critique et moins nous sommes capables de penser que notre bien-être dépend des autres. Moins nous utilisons le vocabulaire de la culpabilité, du déni de responsabilité et plus nous sommes aptes à prendre la responsabilité de nos choix. Moins nous étiquetons les personnes et leurs rôles et plus nous développons notre capacité à voir les personnes dans toute leur richesse.

Du « pouvoir sur » au « pouvoir avec »

Le « pouvoir avec »

La CNV nous invite à revisiter notre relation au pouvoir. Notre manière de penser l’autorité, l’organisation, la délégation, la hiérarchie, le management est imprégnée des principes de domination, de compétition, de « pouvoir sur », de contrôle, de manque de confiance et de peurs. En réaction, certains d’entre nous refusent de prendre leur pouvoir, de peur d’exercer une relation de « pouvoir sur ». Ils nous privent de leurs idées et de leurs talents. Entre ces deux extrêmes, nous sommes invités à développer des relations de coopération, où chacun peut exercer son pouvoir – pouvoir de faire des propositions, de prendre des décisions, de s’opposer à une proposition, de partager des savoirs et de l’information – tout en permettant aux autres de faire de même, et ce dans un but commun. C’est ce but commun qui nous motive à trouver des stratégies qui permettent à chacun d’ajuster son pouvoir en tenant compte de celui des autres. Le « pouvoir avec » cherche à intégrer deux forces, à chaque instant et en fonction du contexte : l’une, terrienne, qui cherche à influencer le monde, à exercer son pouvoir et à avoir un impact ; l’autre, spirituelle, qui veille à prendre soin de tous, à laisser de la place à chacun, à l’harmonie et à la compassion.

La tension créatrice

La CNV ne rêve pas d’un monde sans tensions, sans conflits. En cela, elle ne propose pas du tout une vision « bisounours » de la société. Bien au contraire, la CNV s’appuie sur une confiance, basée sur l’expérience, que les désaccords, les

tensions, les conflits sont des occasions de croissance, de créativité, d’enrichissement mutuel si nous apprenons à écouter les besoins qui s’expriment à travers eux, si nous nous relions à notre intention commune de préserver la vie, de transmettre une planète vivable aux générations futures, à notre interdépendance. Dans un monde en profonde transformation développer une culture qui favorise les relations, qui permet une confrontation des points de vue, qui apprend à mesurer la réalité de l’interdépendance est essentielle.

L’interdépendance et responsabilité

La CNV permet de démélanger les relations interpersonnelles et de clarifier la réalité de notre interdépendance. Les choix de chacun impacte les personnes avec qui il est en relation, les collectifs auxquels il appartient, la communauté humaine, la réalité présente et à venir. Nous sommes invités à « être le changement que nous voulons voir dans le monde » comme l’exprimait Gandhi.

Le travail, un lieu d’éducation au vivre ensemble

La CNV est un processus de plus en plus demandé dans les milieux professionnels, dans l’entreprise et les collectivités, dans les équipes de soin, d’éducation ou de travail social, au cœur des engagements associatifs, politiques et citoyens. Dans ces lieux de travail et d’engagement, la CNV donne aux personnes des compétences relationnelles qui contribuent, au-delà de l’univers professionnel, à construire le monde dans lequel nous souhaitons vivre.

Le cœur de la pratique de la CNV en organisation est de reconnaître que la personne, la communauté humaine, est la ressource centrale et la finalité de toute organisation : tout ce qui se fait dans une organisation se fait par l’intermédiaire de personnes qui pensent, agissent, organisent, vendent, achètent ou recrutent ; tous les biens et les services produits par une organisation contribuent ou non au monde dans lequel nous aspirons à vivre ; les compétences acquises au travail, la culture développée au travail rejaillissent sur tous les champs de la société, contribuent ou non à un mieux vivre ensemble.

La complexité de ce qui se vit dans la communauté humaine qui fait

l’entreprise vient de plusieurs éléments, par exemple : l’entreprise regroupe des personnes qui ne se sont pas choisies ; l’organisation de l’entreprise conduit à faire coopérer des personnes qui ont des cultures différentes, en particulier des cultures liées à leurs métiers et leurs formations ; l’histoire des organisations a favorisé des comportements qui coupent les personnes de leur humanité ; ceci a permis et permet encore de faire accepter aux personnes d’agir en contradiction avec leurs valeurs (tuer, dans les organisations militaires ; accepter des tâches dangereuses ou vendre des produits toxiques dans l’industrie et les organisations criminelles…) ; remettre l’humain au cœur des organisations suppose de travailler la culture et le langage qui soutient cette culture.

Le monde du travail est donc de notre point de vue un terrain privilégié pour faire évoluer notre culture.

Une vision du changement social

La CNV vise à un changement social, en mobilisant nos ressources pour permettre une société qui prend en compte les besoins de chacun de manière durable. Elle nous permet de démasquer et transformer les croyances limitantes, de clarifier les besoins satisfaits et insatisfaits par les stratégies actuelles, d’expérimenter et d’ancrer des expériences nouvelles. Tous les champs de la société peuvent être concernés par cette approche et de nombreuses initiatives émergent : territoires zéro chômeur de longue durée, expériences de démocratie participative, habitats partagés et économie collaborative, entreprises libérées et introduction de l’éducation à la non-violence dans les programmes de l’éducation, etc.

L’éducation des enfants

Quand je me plante, je pousse.

Il existe aujourd’hui de nombreux travaux et progrès sur la réduction des violences ordinaires dans l’éducation et le développement de l’éducation bienveillante, qui donnent du sens à l’introduction de la CNV dans l’éducation.

Les récentes études en neurosciences démontrent que toute forme de maltraitance et de violence, même apparemment anodine, perturbe le développement du cerveau et de l’affectivité. Citons par exemple les travaux, en France, de Catherine Gueguen et de Céline Alvarez. La CNV est de plus en plus reconnue comme une approche qui peut contribuer au développement de l’enfant.

Dans la suite de ce chapitre, nous appellerons « éducateur », toute personne qui contribue à l’éducation de l’enfant, parent, enseignant, éducateur spécialisé…

La CNV peut contribuer à l’éducation de différentes manières.

D’abord, elle permet de constater que tous les éducateurs ont une intention initiale de bien faire, de rendre les enfants épanouis et heureux. Et dans le même temps, nous observons les conséquences dramatiques de certaines habitudes culturelles, de nos réactivités. Nous pouvons tous faire cette expérience rapportée maintes fois par Marshall B. Rosenberg dans ses stages. « Chaque fois que j’ai proposé cet exercice (consistant à proposer à deux groupes séparés une même situation de conflit, l’un avec un voisin et l’autre avec un enfant, NDA), il s’est avéré que le groupe travaillant la situation de conflit avec un enfant communiquait avec moins de respect et de compassion que celui en conflit avec un voisin. Les participants font ainsi la triste constatation qu’il est très facile de déshumaniser quelqu’un par le simple fait qu’on le perçoit comme « un enfant ».

Nous savons aussi que l’enfant apprend beaucoup par mimétisme. Plus un adulte sera capable de vivre et d’exprimer ses émotions et plus il donnera à l’enfant la capacité de faire de même. À ce sujet, il est risqué de vouloir transmettre à l’enfant la CNV, le langage des sentiments et des besoins, si nousmêmes, éducateurs, nous ne vivons pas cette posture et ce langage. Nous risquons en effet de transmettre un message paradoxal : s’exprimer en sentiments et en besoins favorise la qualité des relations, mais ce langage est réservé aux enfants, il n’est pas une preuve de maturité.

De la même manière, les éducateurs formés ensemble à la CNV vont être capables de coopérer devant l’enfant et vont être davantage capables de transmettre aux enfants des compétences de coopération, du vivre ensemble, de régulation des tensions, de compréhension mutuelle, par l’exemple.

L’éducateur formé à la CNV est capable de communiquer avec l’enfant avec authenticité et empathie. Par son empathie, il peut soutenir le développement de l’enfant, sa confiance en lui, la connexion à son élan de vie, sa soif d’apprendre. Par son authenticité, il exprime ses besoins et pose ainsi des imites naturellement

à l’enfant. Il contribue ainsi à transmettre les compétences du vivre ensemble, de la prise en compte de l’interdépendance et de la prise en compte d’autrui.

La CNV permet aussi d’accompagner les enfants dans leur relation à euxmêmes, en mettant des mots et en accueillant avec confiance ce qui se vit en eux. Elle permet également d’accompagner les enfants dans l’expérimentation du vivre ensemble et dans la régulation de leurs conflits, la médiation et les systèmes restauratifs, puis la médiation par les pairs. De nombreux parents et enseignants témoignent du fait que les enfants ont souvent plus facilement accès à la CNV qu’eux-mêmes, ayant sans doute un accès plus direct à leurs ressentis et à l’intention de vivre pleinement. Dans les systèmes où les éducateurs pratiquent la CNV et sont capables de conduire des médiations entre les enfants, on constate que ces derniers apprennent par mimétisme et initient spontanément des médiations entre eux.

Enfin, et c’est le point le plus complexe à prendre en compte, la CNV transforme profondément le système éducatif. Elle bouscule profondément la conception de l’autorité et la représentation du pouvoir, elle transforme la représentation des conflits qui n’est plus une relation entre victime et auteur, elle invite à la responsabilisation, elle modifie la relation à l’évaluation, elle invite à regarder la valeur d’un enfant indépendamment de ses performances, elle favorise la coopération plutôt que la compétition, elle encourage une forme d’équivalence entre les éducateurs et les enfants, chacun étant dans son rôle, et elle permet de voir autrement la prévention des conflits, du harcèlement, des souffrances, des conduites à risque. Il s’agit de démasquer et de transformer les formes de violence structurelle qui existent dans l’aménagement des classes, la notation, les examens et les classements, les rythmes scolaires, l’organisation des conseils de classe et d’école, etc.

1 J’ai choisi de regrouper l’ensemble des besoins d’une manière qui facilite le discernement Je reprends cette classification dans le carnet pratique.

2. Nous observons ce même écho avec les valeurs traditionnelles et la spiritualité dans tous les pays où nous intervenons

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Comment approfondir ?

Les questions auxquelles répond ce chapitre :

• Comment se former ?

• Comment évoluer soi-même ?

• Quelles sont les qualités requises pour être médiateur ou accompagnateur CNV ? Comment se former ?

J’espère vous avoir partagé à la fois la simplicité de ce processus CNV et en même temps sa richesse et profondeur, vous avoir donné le goût de faire évoluer votre vie et vos relations grace à ce processus.

La lecture d’ouvrages et d’articles, le visionnage de vidéos et l’écoute d’émissions et d’interviews, la participation à des conférences sur la CNV sont pour certains d’entre nous des expériences fortes, profondément transformatrices, car ils nous ouvrent déjà au changement de conscience qu’offre la CNV. Lorsque je prends conscience de mes habitudes et que j’en comprends les conséquences, lorsque j’apprends qu’il est possible de fonctionner d’une autre manière, c’est bien souvent une transformation radicale et significative. Lorsque je découvre que les émotions et sentiments qui me traversent, les

besoins que je connais, sont légitimes et peuvent même être au service de la vie, c’est une libération pour beaucoup. C’est une première manière de se former à la CNV.

Néanmoins, nous avons aussi l’expérience que la connaissance et la compréhension intellectuelle ne suffisent pas à transformer de manière durable nos comportements et nos habitudes. Il existe donc des formations, animées par des formateurs certifiés par le CNVC, qui permettent d’apprendre et d’ancrer concrètement dans son quotidien cette manière d’être en relation, par l’expérimentation dans un cadre de bienveillance et de sécurité, par ce qui se vit dans le groupe, par imprégnation de la manière d’être du formateur, par les essais et les erreurs qui sont accueillis avec sérénité, ce processus.

La certification par le CNVC garantit un haut niveau de qualité : une formation solide sur plusieurs années ; une validation des capacités à vivre la CNV, à la transmettre, à accompagner avec la CNV et à vivre sa posture professionnelle et la coopération de manière congruente avec la CNV ; une certification qui est renouvelée tous les ans pour permettre un apprentissage continu et la prise en compte des feedbacks.

La formation se déploie sur plusieurs axes et varie selon les pays et continents : formations de base, pour acquérir les principes de la CNV, les repères de base de l’auto-empathie, l’expression authentique, l’empathie et le dialogue ; ces modules de base peuvent se décliner en différentes versions selon les publics ; approfondissement des structures de base (fondamentaux) de la CNV : pratiquer l’auto-empathie, l’écoute empathique, dépasser la culpabilité et la honte, transformer l’énergie de la colère au service de la relation, dire et recevoir un non, donner et recevoir des appréciations et exprimer de la gratitude, dépasser les croyances limitantes ; modules d’intégration de la CNV ; cursus d’approfondissement, qui permettent d’approfondir et d’intégrer dans la durée la pratique de la CNV dans des champs spécifiques (posture professionnelle, éducation, accompagnement et relation d’aide, médiation, coaching).

Nous donnons dans le carnet pratique les centres de formation reconnus par le CNVC.

De nombreux autres formateurs et consultants se réfèrent à la CNV, sans qualification reconnue et sans validation de leurs compétences. Certains offrent un service de qualité et d’autres transmettent la CNV sans en avoir perçu la puissance et la profondeur. Quelques questions peuvent vous aider à faire la différence :

Combien de jours de formation en CNV le consultant a-t-il suivi et quand ? Quel est son processus de formation continue ?

Par qui le consultant est-il supervisé ? Est-il supervisé par un formateur certifié par le CNVC ? Lequel ?

Quelles sont ses recommandations ? A-t-il des retours clients ?

Respecte-t-il les lignes directrices du CNVC pour le partage de la CNV ?

Il est important de mesurer que la CNV touche à la profondeur, à l’intimité, au sacré de chaque personne et qu’une formation à la CNV demande de grandes qualités professionnelles et humaines.

Les habilitations CNV

Certains cursus d’approfondissement, se déroulant sur plusieurs semaines à plusieurs années, permettent des habilitations spécifiques CNV.

Des écoles de médiateurs CNV permettent d’acquérir des ressources supplémentaires aux compétences habituelles de médiateurs. Les médiateurs CNV ont par ailleurs des espaces de soutien pour recevoir l’empathie dont ils ont besoin pour respecter la déontologie de la médiation et pour prendre soin d’euxmêmes. De plus en plus de juges, d’avocats et de médiateurs se forment à la médiation CNV en complément de leurs formations initiales.

Des écoles d’accompagnateurs individuels en CNV forment des professionnels capables d’offrir une écoute empathique et un accueil bienveillant de la personne accompagnée, d’offrir leur authenticité au service de la personne accompagnée, dans une vision très inspirée de la relation d’accompagnement de Carl Rogers, transmettre des notions clefs de CNV qui donnent à la personne accompagnée la capacité d’être davantage auteur du changement qu’elle souhaite voir advenir. On ne s’improvise pas accompagnateur CNV.

Cinq piliers pour changer

Cinq piliers pour changer

J’ai identifié ces cinq piliers à partir de l’observation de la pédagogie de Marshall B. Rosenberg et ce qu’il en disait quand on l’interrogeait sur cette question.

L’inspiration

Marshall B. Rosenberg commençait ses journées de formation et sans doute toutes ses journées par un moment de « remembering » – texte inspirant, musique… Il exprimait l’importance de se rappeler notre intention, la dimension spirituelle de notre vie, en début de formation. Il aimait également mettre un bouquet, une bougie au centre de la salle de formation, pour rester en lien avec la nature et la dimension spirituelle de la personne, de nos aspirations profondes. Cette inspiration est essentielle pour se rappeler le sens de notre vie et le sens de l’énergie que nous mettons à vouloir apprendre la CNV.

La formation

Après avoir annoncé le thème de sa conférence, de son atelier ou de sa formation, Marshall B. Rosenberg commençait par une question : « Que voulezvous apprendre sur… ? Que voulez-vous apprendre qui pourrait vous rendre la vie plus belle ? ». Comme nous l’avons montré dans cet ouvrage, les champs d’application de la CNV sont immenses et chacun est invité à se poser régulièrement cette question. Même là, il s’agit d’être acteur de son apprentissage, relié à son intention et à ses besoins.

La pratique, la pratique, la pratique

La pratique est centrale. La CNV est si simple à comprendre ! Mais c’est un réel travail de changer nos habitudes, de choisir des manières de vivre et de communiquer qui correspondent davantage à nos aspirations. Pratiquez seul, pratiquez avec d’autres, pratiquez !

Nous sommes tombés mille fois avant de savoir marcher. Combien d’heures de travail avons-nous choisies pour apprendre une langue, pour apprendre à conduire, pour apprendre notre métier ? Combien d’heures sommes-nous prêts à consacrer à apprendre à mieux communiquer ?

Le soutien Témoignage

Marshall B. Rosenberg à Lyon

Lorsque Marshall B. Rosenberg est venu à Lyon en France en 2006, une rencontre s’est organisée avec les acteurs locaux de la CNV J’étais alors présidente de l’association CNV dans la région Rhône-Alpes. Je me souviens avoir présenté avec beaucoup d’enthousiasme ce que nous vivions dans la région, dans l’espoir de permettre à Marshall B Rosenberg de goûter au fait que la CNV se répandait au-delà de lui, qu’elle permettait de profondes transformations individuelles et collectives, sur un territoire. Je me souviens de son écoute silencieuse et attentive, accompagnée d’un temps de silence Puis Marshall B Rosenberg s’est tourné vers moi et a dit à peu près ceci « Combien avez-vous de “girafes” de soutien ? Je n’aurais pas pu faire tout ce que j’ai fait si je n’avais pas eu une liste de personnes de soutien que je pouvais appeler nuit et jour, à qui je pouvais balancer toutes mes pensées “chacal” et qui pouvaient m’accueillir avec empathie Quand un projet a des difficultés, c’est toujours parce que les personnes qui portent le projet n’ont pas reçu suffisamment d’empathie et de soutien. ». Comment cet homme pouvait-il à ce point pointer ce qui était mon défi et sans doute notre défi collectif ?

La CNV augmente notre conscience du caractère tragique de certaines habitudes. Elle nous conduit à voir ce qui est inconfortable, ce qui est souffrant, ce qui est triste en nous et chez l’autre. Nous nous mettons à prendre conscience de nos maladresses et nous savons maintenant que nous pourrions faire autrement. Nous dépensons de l’énergie pour explorer notre monde intérieur, pour tenter de l’exprimer clairement et honnêtement, pour accueillir l’autre dans ce qu’il est. Même si nous le faisons avec joie, cet apprentissage et cette

conscience nouvelle nous demandent de l’énergie. Il est indispensable d’avoir par ailleurs des espaces de ressourcement pour recevoir du soutien et de l’empathie quand nous en avons besoin. Les groupes de pratique, l’accompagnement thérapeutique, les formations et les groupes de pairs, le partage avec des amis bienveillants sont des ressources indispensables à la pratique de la CNV.

La célébration

Pour durer, il est nécessaire de recevoir davantage que ce que nous donnons. Sinon, nous nous épuisons. La célébration est la pratique indispensable pour recueillir les innombrables pépites de nos journées.

1 Extrait de la préface de son premier ouvrage écrit en 1976, texte fondateur de l’intention de la CNV.

Conclusion

À partir de maintenant, je choisis de croire que la non-satisfaction de nos besoins résulte d’un manque de dialogue et de créativité plutôt que d’un manque de ressources »

«

1

Chaque personne est appelée à la vie, à vivre sa vie pleinement et à recevoir la vie en abondance. La CNV nous offre des clefs essentielles pour prendre soin de notre être intérieur, guérir des blessures relationnelles du passé, discerner en conscience, économiser notre énergie pour la placer dans ce qui fait sens, poser des choix qui contribuent à prendre soin des besoins de chacun. Elle nous permet enfin d’être nous-même, de reconnaître la légitimité de tout ce qui nous traverse. Oui, elle nous rend plus facilement heureux.

L’expression authentique et l’écoute empathique permettent de développer des relations durables de qualité. N’attendons pas d’être deux pour commencer à pratiquer la CNV. Celui qui fait le choix de la CNV augmente ses chances d’être entendu, a plus de ressources pour accueillir la réaction de l’autre et écouter la vie qui se dit derrière les mots et les comportements, favorise une coopération choisie et durable, contribue à sa mesure à un mieux vivre ensemble. Il stimule en lui et autour de lui la confiance par l’expérience que nous avons les ressources pour prendre soin des besoins de chacun.

Notre humanité est aussi appelée à relever d’urgence un double défi : éradiquer la pauvreté, assurer la prospérité pour tous dans la limite des moyens des ressources naturelles limitées de la planète. Initier rapidement une transition qui permettra d’assurer à l’humanité un espace sûr, juste et durable est un processus complexe parce que les limites sociales et planétaires sont interdépendantes. La CNV offre une ressource indispensable, accessible à tous,

commune à toute l’humanité au-delà des cultures et des religions, pour développer une culture qui prend soin des besoins de tous, qui prend en compte notre interdépendance pour vivre en paix sur une planète commune.

Si la CNV semble simple dans ses principes, elle demande aussi le courage et l’énergie de faire un choix, de prendre du temps pour apprendre, de s’entraîner à pratiquer. Si c’est sans doute l’investissement le plus rentable que j’ai fait dans ma vie, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un investissement et d’un engagement. En même temps le but peut aussi sembler inatteignable et j’aime à me souvenir de deux conseils d’un randonneur expérimenté : si tu es découragée en regardant le sommet de la montagne, alors regarde tes pas ; l’essentiel n’est pas le but mais le chemin.

Enfin, nous ferons encore des maladresses. Il nous arrivera encore de croire à nos pensées, d’exprimer un jugement, de ne pas accueillir l’autre ou de manquer de ressource pour coopérer. La CNV sera là pour accueillir nos maladresses, voir les besoins que nous avons tentés de satisfaire et chercher pour demain une manière plus satisfaisante de mieux prendre en compte l’ensemble de nos aspirations.

Savoir que nous avons les mêmes besoins, que nous avons les ressources pour les prendre en compte et vivre ensemble sur cette planète, que nous pouvons transmettre cela à nos enfants est un cadeau inestimable que chacun peut prendre soin de déballer à son rythme.

Bonne marche, belle découverte, belle aventure à la rencontre de vous-même et des autres…

Carnet pratique

La CNV en bref

Choisissez une expérience précise, agréable ou désagréable ……………………………………………………………………………………………………

Rappelez-vous votre intention de qualité de relation à soi et à l’autre

Auto-empathie

Clarifier et accueillir ce qui se passe en moi maintenant

Expression authentique

Dire avec clarté ce qui se passe en moi, sans critique, reproche ni jugement

Jugements

Accueillir mes jugements, exigences, reproches…

Écoute empathique

Écouter ce qui se passe en toi (ou vous)

……………………………………………………………………………………………………

Observation des faits

Quand je vois, j’entends, je me souviens…

Sentiment

Mes sensations physiques, mes sentiments je me sens…

Besoin

Les besoins à l’origine ce mes sentiments car j’ai besoin de…

Demande à moimême / action

Pour prendre soin de mes besoins je choisis de…

Observation des faits

Quand je vois, j’entends, je me souviens…

Sentiment

Un sentiment présent que je choisis d’exprimer je me sens…

Besoin

Un besoin à l’origine de mon sentiment exprimé car j’ai besoin de…

Demande de relation / action qui contribuerait à mon besoin et à la relation

Est-ce que tu serais d’accord pour… ?

Observation des faits

Quand tu dis, tu vois, tu entends, tu te souviens…

Sentiment

Ce que j’imagine que l’autre ressent tu te sens…

Besoin

Hypothèse sur un besoin à l’origine du sentiment imaginé car tu as besoin de.. ?

Demande de relation / action qui contribuerait à ton besoin et à la relation Est-ce que c’est ça ? Est-ce que tu voudrais que je… ?

Nous récapitulons ici les différentes formes du langage qui font obstacle à la relation, qui nous coupent de notre élan de vie et de nos besoins. Dans cet ouvrage ce langage est étiqueté « langage “chacal” » ou « langage des jugements ». Au-delà du langage, il s’agit d’une manière de voir le monde et de penser et nous parlerons aussi dans ce livre du « paradigme chacal ».

Différentes formes du langage qui nous coupe de l’énergie de nos besoins Mettre notre attention sur le passé, le futur

Oublier notre intention, la relation à soi et à l’autre

Jugements moralisateurs Évaluations bien/mal ; vrai/faux

Diagnostics, étiquettes je suis / tu es / ils sont…

Comparaisons plus, moins, mieux, meilleur Généralisation toujours, jamais, souvent, encore

Interprétations j’ai le sentiment que…, j’ai l’impression que…

Croyances c’est vrai que…

Exigences menace, culpabilisation

Déni de responsabilité il faut / je dois / tu dois / on doit, c’est obligé, c’est normal de, je n’ai pas de choix, tu n’as pas le choix Mérites punition / récompense

Liste de besoins Les besoins sont l’expression de l’élan de vie qui veut se déployer en chacun

soin de mes ressources intérieures Prendre soin de ma mission personnelle Prendre soin de la relation à mon environnement Survie Abri Air, respiration Alimentation Liberté Autonomie Indépendance Émancipation Relation Appartenance Attention Communion
Prendre

Évacuation

Hydratation

Lumière Repos Reproduction (survie espèce) Mouvement, exercice Rythme (respect du)

Sécurité

Confiance Harmonie Paix Préserver (temps, énergie) Protection Réconfort Sécurité Soutien Récréation Défoulement, détente Jeu Récréation Ressourcement Rire

Exercer son libre arbitre Spontanéité Souveraineté

Identité Cohérence

Accord avec ses valeurs Affirmation de soi Appartenance identitaire Authenticité Confiance en soi Estime de soi/de l’autre Évolution Respect de soi/de l’autre Intégrité Accomplissement de soi

Actualisation de ses potentiels Beauté Création Expression Inspiration Réalisation Choix de ses projets

Compagnie Contact Empathie Intimité Partage Proximité, amour Chaleur humaine Délicatesse, tact Honnêteté, sincérité Respect

Participation

Contribuer au bienêtre de quelqu’un Coopération Concertation Co-création Expression Interdépendance Célébration Appréciation

Contribution à la vie Partage des joies et des peines

Prendre la mesure de deuil, perte Ritualisation Reconnaissance Gratitude

de vie, valeurs, opinions, rêves… Évolution Apprentissage Spiritualité

Liste de sentiments agréables Ces sentiments indiquent la satisfaction de besoins fondamentaux

Sérénité Calme Serein Tranquille Détendu Paisible Apaisé Soulagé Sensible Absorbé Concentré En confiance Relaxé Centré Béat Zen Détaché Rassuré Comblé Ouvert Inspiré

Joie Gai Heureux Léger En expansion Excité Joyeux Frémissant de joie De bonne humeur Ravi Réjoui Plein de courage Reconnaissant Confiant Inspiré Soulagé Rassuré Touché Épanoui Gonflé à bloc Béat

Gaieté Égayé Enjoué Plein d’énergie Revigoré Enthousiaste Plein d’entrain Rafraîchi Stimulé D’humeur espiègle Plein de vie Vivifié Exubérant Étourdi Aventureux Émoustillé Pétillant Admiratif Alerte Amusé Attendri

Rasséréné

Centré À l’aise Décontracté Confortable Amour Amical Sensible Plein d’affection Plein d’amour Empli de tendresse Plein d’appréciation Compatissant Reconnaissant Nourri En expansion Ouvert Émerveillé Plein de gratitude

Hilare Transporté de joie

En effervescence En extase Intérêt Curieux Intrigué Captivé Ébloui Bouleversé Éveillé Mobilisé à Passionné Fasciné Surprise Ébahi Étonné Surpris

Attentif

Aux anges Et encore Bien disposé Délivré Ému Enchanté Encouragé Exalté Léger Libre Ragaillardi Rassasié Régénéré Regonflé Remonté Sûr de soi Surexcité

Liste de sentiments désagréables Ces sentiments indiquent la non-satisfaction de besoins fondamentaux.

Tristesse

Navré Peiné Mélancolique Sombre Découragé

Peur Alarmé Apeuré Angoissé Anxieux Inquiet

Colère En colère Enragé Exaspéré Agacé Contrarié

Désabusé

En détresse Déprimé D’humeur noire Consterné Démoralisé Désespéré Dépité Seul Impuissant Sur la réserve Mécontent Malheureux Chagriné Cafardeux Blessé Abattu Débordé Fatigue Épuisé Inerte Léthargique Indifférent Ramolli Las Dépassé Impuissant Lourd Endormi

Effrayé Gêné Transi Tendu Sur ses gardes Bloqué Craintif Qui a la trouille Terreur Terrifié Horrifié Glacé de peur Paniqué Terrorisé Épouvanté Surprise Stupéfait Perplexe Sidéré Choqué Effaré Dépassé Abasourdi Ébahi Hésitant Démuni Désorienté Décontenancé

Nerveux Irrité Qui en a marre Amer Plein de ressentiment Horripilé Crispé Ulcéré Excédé Fureur Hors de soi Enragé (fou) furieux Confusion Perplexe Hésitant Troublé Inconfortable Embrouillé Tiraillé Partagé Déchiré Embarrassé Embêté Mal à l’aise Frustré Méfiant Bloqué

Saturé Sans élan Rompu Dégoût Dégoûté Écœuré

Étonné Intrigué

Accusé Blâmé Blessé Culpabilisé Entraîné Jugé Malhonnête Méchant Mis en cause Pressurisé Pris en faute Surchargé Volé

Attaqué Acculé Agressé Bousculé Démoli Détesté

Agité

Et encore… Fragile Vulnérable Ahuri Impatient Liste d’évaluations masquées

Incompétent Indigne Inférieur Inintéressant Inodore Insipide Intimidé Inutile Humilié Lamentable Médiocre Méprisable Méprisé Minable Misérable Moins que rien Négligé Nul Offensé Pas/peu important

Méprisé Mis en cage Obligé Paralysé Persécuté Piétiné Rabaissé Ridiculisé Utilisé Rejeté Abandonné

Délaissé Détestable Détesté Écarté Exclu Ignoré Incompris Indésirable

Détruit Écrasé Harcelé Insulté Malmené Menacé Offensé Outré Persécuté Provoqué Violé Dévalorisé Bafoué Bête Compliqué Crédule Déconsidéré Diminué Ennuyeux Idiot Inadéquat Incapable Incolore

Rabaissé Raté Ridicule Sali Sans valeur Sot Stupide Superflu Susceptible Suspecté Dominé Bridé Contraint Dédaigneux Déstabilisé Écrasé Entraîné Étouffé Exploité Forcé Humilié Maltraité Materné

Invisible Isolé Jeté Largué Laissé pour compte Mis de côté Négligé Nié Pas désiré Pas accepté Pas aimé Pas entendu Pas reconnu Trompé Bluffé Dupé Escroqué Exploité Floué Manipulé Piégé Refait Roulé Trahi Inclus Accepté

Valorisé Adéquat À ma place Attentif aux autres Capable

Gentil Important Intelligent Intéressant Plein de qualités

Apprécié

Aimé Compris Considéré Cru Entendu Pris en compte

Compétent Digne Engagé Entreprenant Extraordinaire Formidable Fort/Génial

Sérieux Soigneux Supérieur

Bibliographie

Vous pouvez commander la plupart des ouvrages CNV édités en France sur le site cnvfrance.fr. Pour les autres pays, renseignez-vous auprès des associations CNV les plus proches.

Ouvrages généralistes de CNV

D’ANSEMBOURG Thomas, Cessez d’être gentil, soyez vrai !, Les Éd. de l’Homme, 2001.

D’ANSEMBOURG Thomas et NOUAILHAT Alexis, Cessez d’être gentil, soyez vrai !, version illustrée, Les Éd. de l’Homme, 2014.

D’ANSEMBOURG Thomas, Être heureux, ce n’est pas nécessairement confortable, Les Éd. de l’Homme, 2004.

BASU Andréas et FAUST Liane, La Communication non-violente, Mieux communiquer sans conflit !, Ixelles Éditions, 2011.

BOUCHEZ WILSON Geneviève et MOLHO Pascale, la Communication NonViolente, Éditions Leduc, 2016.

GROSJEAN Sophie et PORTAIL Célia, Écoute-moi quand tu parles !, Autoédition, 2016.

KELLER Françoise, Pratiquer la Communication NonViolente, passeport pour un monde où l’on ose se parler en sachant comment le dire, InterEditions, 2011, 2015.

LASATER Ike et Judith, L’importance de la pratique juste, pratiquer la Communication NonViolente, Ed Marabout, 2015.

LECOCQ Jean-François, Vingt ans de Communication NonViolente en Belgique, 1993-2013.

MYERS Wayland, Pratique de la Communication NonViolente, Éd. Jouvence, 2007.

ROSENBERG Marshall B, GANDHI Arun, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), Éd. La Découverte, 1999, 2005, 2016 (livre et audio).

ROSENBERG Marshall B., La Communication NonViolente au quotidien, Éd. Jouvence, 2003.

ROSENBERG Marshall B., SEILS Gabriele, Dénouer les conflits par la Communication NonViolente, Éd. Jouvence, 2006.

ROSENBERG Marshall B, Pratique de la Communication NonViolente, Éd. Jouvence, 2007.

ROSENBERG Marshall B, Les bases spirituelles de la Communication NonViolente, Éd. Jouvence, 2006, 2016.

ROSENBERG Marshall B., Parler de paix dans un monde en conflit, Éd. Jouvence, 2009.

ROSENBERG Marshall B., Clés pour un monde meilleur : Communication NonViolente et changement social, Éd. Jouvence, 2009.

ROSENBERG Marshall B, Être vraiment soi, aimer pleinement l’autre, Éd. Jouvence, 2015.

RUST Serena, Quand la Girafe danse avec le Chacal, Éd. Jouvence, 2008.

VAN STAPPEN Anne, Ne marche pas si tu peux danser, Éd. Jouvence, 2009, 2016.

Les structures de base de la CNV (culpabilité, colère, empathie, réconciliation)

ECKERT Holly Michelle, Sentiment de culpabilité…, Éd. Jouvence, 2011.

FAURE Jean-Philippe, GIRARDET Céline, L’empathie, le pouvoir de l’accueil, Éd. Jouvence, 2003.

ROSENBERG Marshall B., Les ressources insoupçonnées de la colère, Éd. Jouvence, 2012

ROSENBERG Marshall B., KLEIN Shari, GIBSON Neill, Nous arriverons à nous

entendre suivi de Qu’est-ce qui nous met en colère ?, Éd. Jouvence, 2005.

ROSENBERG Marshall B, L’art de la réconciliation, Éd. Jouvence, 2010.

La CNV dans l’éducation

HART SURA ET KINDLE HODSON VICTORIA, Parents respectueux, enfants respectueux, Ed La Découverte, 2014.

ROSENBERG Marshall B, Éduquer avec bienveillance, Éd. Jouvence, 2006.

ROSENBERG Marshall B, Enseigner avec bienveillance, Éd. Jouvence, 2006.

ROSENBERG Marshall B, Elever nos enfants avec bienveillance avec la Communication NonViolente, Éd. Jouvence, 2007.

ROSENBERG Marshall B, Vers une éducation au service de la paix, Éd. de l’homme, 2007.

La CNV en organisation

BELFALI MOHAMED, Intelligence émotionnelle et coaching, la Communication NonViolente comme outil d’accompagnement, Collection Linkup Coaching, 2016.

KELLER Françoise, Pratiquer la CNV au travail – La communication NonViolente, passeport pour réconcilier bien être et performance, InterEditions, 2013.

LASATER Ike, Guide pratique de CNV à l’usage des dirigeants et de leurs collaborateurs, InterEditions, 2011.

MIYASHIRO Marie R., COLONNA Jerry., The empathy factor : your competitive advantage for personal, team, and business success, PuddleDancer Press, 2011.

ROSENBERG Marshall B., Communication et Pouvoir, Éd. Esserci, 2008.

La CNV et la santé

KELLER FRANÇOISE, SCHMIDER CATHERINE, contribution à l’ouvrage collectif Violences psychologiques, Dunod, 2014.

La CNV dans la société

ANSEMBOURG Thomas, La paix, ça s’apprend, Actes Sud, 2016.

KELLER Françoise, contribution à l’ouvrage collectif Osons la fraternité, manifeste pour un monde ouvert, Éd. Yves Michel, 2016.

KASHTAN Miki, The Little Book of Courageous Living, Fearless Heart Publications, 2013.

KASHTAN Miki, Reweaving Our Human Fabric, Working Together to Create a NonViolent Future, Fearless Heart Publications, 2014.

KASHTAN Miki, Spinning Threads of Radical Aliveness, Transcending the Legacy of Separation in Our Individual Lives, Fearless Heart Publications, 2014.

Outils pédagogiques CNV

Des associations, des groupes de pratique CNV, des professionnels créent des supports pédagogiques inspirés par la CNV. J’ai indiqué ici ceux que j’utilise et dont la fidélité au processus CNV me convient. Si vous avez édité un outil pédagogique inspiré de la CNV, je vous remercie de vous mettre en lien avec moi ou l’ACNV ou l’association CNV de votre pays pour que nous puissions coopérer et partager nos ressources pédagogiques.

BELGRAVE Bridget et LAWRIE Gina, NVC Dance Floors (Pistes de Danse CNV, livret de l’animateur et DVD, plusieurs langues), www.NvcDanceFloors.com.

LEU Lucy, Manuel de Communication NonViolente, Éd. La Découverte, 2005, 2016.

GILL Raj, LEU Lucy, MORIN Judi, NonViolent Communication NVC Toolkit for facilitators, Freedom Project, 2014.

GROSJEAN SOPHIE ET PORTAIL CÉLIA, coffret « Au cœur de la Communication NonViolente, je prends soin de mes besoins, ça profite à tout le monde, Autoédition, 2016.

HÖRNING SYLVIE, Tapis magique CNV (allemand, anglais, français), https://www.callimani.ch

HUMAN MATTERS, Cartes illustrées de sentiments et besoins, Éd. Human Matters.

VAN STAPPEN Anne, Petit cahier d’exercices de stimulation des forces de guérison par l’amour, Éd. Jouvence, 2014.

VAN STAPPEN Anne, Petit cahier d’exercices pour évoluer grâce aux personnes difficiles, Éd. Jouvence, 2013.

VAN STAPPEN Anne, Rabbi Pierre Petit cahier d’exercices de tendresse pour la

D’

terre et l’humain, Éd. Jouvence, 2012.

VAN STAPPEN Anne, Jeu de cartes « sagesse et puissance de la Communication NonViolente, Éd. Jouvence, 2012.

VAN STAPPEN Anne, Petit cahier d’exercices pour s’affirmer et enfin oser dire non, Éd. Jouvence, 2011.

VAN STAPPEN Anne, Petit cahier d’exercices pour cultiver sa joie de vivre au quotidien, Éd. Jouvence, 2010.

VAN STAPPEN Anne, Petit cahier d’exercices de Communication NonViolente, Éd. Jouvence, 2010.

VAN STAPPEN Anne, Petit cahier d’exerces de bienveillance envers soi-même, Éd. Jouvence, 2009.

La roue des émotions (version adulte ou enfant), http://www.lautrementdit.net

Cartes de sentiments et de besoins, cnvfrance.fr

Supports audio et vidéo

Il existe de nombreuses vidéos de Marshall B. Rosenberg et de formateurs certifiés par le CNVC sur internet. L’ACNV distribue également des CD et DVD de Marshall B. Rosenberg sur le site cnvfrance.fr.

Le site www.radiocnv.fr propose également des interviews audio de formateurs certifiés par le CNVC.

Autres ouvrages

AIMELET-PÉRRISSOL Catherine, Comment apprivoiser son crocodile, Robert Laffont, 2002.

BELLET Maurice, L’écoute, Desclée de Brouwer, 2010.

D’ANSEMBOURG Thomas et autres auteurs, Être heureux et créer du bonheur, Les éditions du Relié, 2008.

BRAHAMI Laure, Bien-être au travail & Performance économique, Direccte Rhône-Alpes, 2014, téléchargeable gratuitement sur le site www.auvergnerhone-alpes.direccte.gouv.fr

GENDLIN Eugène T, Le focusing au centre de soi, Éd. de l’homme, 1998, 2006.

GREENBURG Dan, Le manuel du parfait petit masochiste, Éd. du Seuil, 1985.

GUEGUEN Catherine et MIDAL Fabrice, Pour une enfance heureuse, repenser l’éducation à la lumière des découvertes sur le cerveau, Pocket Edition, 2015.

GUEGUEN Catherine, Vivre heureux avec son enfant, Ed Robert Laffont, 2015.

LECONTE Jacques, Les entreprises humanistes, Ed Les Arènes, 2016.

MACK MANFRED, KOEHLER CHRISTINE, Entreprises vivantes, Ensemble, elles peuvent changer le monde, 2016.

MARZANO Michela (direction de), Dictionnaire de la violence, PUF 2011.

MASLOW Abraham, Vers une psychologie de l’Être, Fayard, 1972.

MAX-NEEF Manfred A., Human scale development, Conception, application and further reflections, The Apex Press New-York and London, 1991.

MULLER Jean-Marie, Dictionnaire de la non-violence, Éd. Le Relié, 2005.

ROGERS CARL, Le développement de la personne, InterEditions, 1968, 2005.

TOLLE Eckhart, Le pouvoir du moment présent, Éd. Ariane, 2000.

VASSE Denis, La vie et les vivants, Seuil, 2001.

Pour en savoir plus

Le CNVC

Créé en 1984, le CNVC (Center for NonViolent Communication) est une organisation mondiale à but non lucratif, qui promeut l’apprentissage et le partage de la CNV et aide les gens à résoudre leurs conflits de manière pacifique et efficace, qu’il s’agisse de conflits interpersonnels, au sein d’une organisation ou dans un cadre politique. Dans les dernières années de sa vie, Marshall B. Rosenberg a fait le choix de renoncer à la direction du CNVC et de transmettre tous les droits de la CNV au CNVC afin de favoriser la pérennité du réseau, la propagation de l’outil de la CNV, par delà sa personne.

Au-delà de l’apprentissage du processus CNV, Marshall Rosenberg et avec lui les membres du CNVC visent à un changement social, à une transformation des cultures. Ils cherchent les lieux stratégiques et les personnes influentes pour favoriser une transformation systémique de la société.

« Imaginez que vous êtes au bord d’une rivière et vous voyez un bébé dans l’eau Vous allez

attraper ce bébé pour le sortir de l’eau. Puis vous en voyez un deuxième que vous sortez aussi de l’eau. Puis un troisième, un quatrième. Et vous allez les sortir de l’eau, les uns après les autres.

Cela dit, au bout d’un moment, quand vous continuez à voir arriver des bébés dans la rivière, vous allez arrêter de les ramasser et remonter la rivière pour voir qui, en amont, les jette dans l’eau.

Peut-être même irez-vous ensuite chercher quelles organisations demandent à des personnes de jeter ces bébés dans l’eau, quels consultants et formateurs forment ces organisations à faire cela

Où est-ce que j’investis mon énergie ? Est-ce que je vais retirer les bébés de l’eau encore et encore ou est-ce que je vais investir mon énergie auprès de celui qui jette les bébés dans l’eau ou auprès de ses patrons ? »

(Notes prises lors d’un séminaire de Marshall B. Rosenberg, en 2011)

Un réseau en mutation

En 2014, le CNVC entame un processus innovant, appelé « processus pour un nouvel avenir », qui invite tous les acteurs dans le monde qui vivent et transmettent la CNV à s’y impliquer. Cette transformation vise à dessiner les contours d’une nouvelle organisation qui permettra d’accompagner le développement de la CNV au sein d’une organisation elle-même inspirée des principes de la CNV. Elle cherche à approfondir la manière dont la CNV bouscule les habitudes et inspire de nouvelles manières d’agir, de communiquer et de travailler ensemble.

Une consultation internationale implique 600 personnes venant de nombreux pays et parlant des langues différentes. De cette consultation sortent 12 groupes de travail qui contribuent à dessiner les formes de la nouvelle gouvernance internationale. Cette nouvelle gouvernance, appelée provisoirement NVC-O (NonViolent Communication Organisation), se mettra progressivement en place dans les différents pays à partir de 2017. Elle permettra de maintenir les services actuellement tenus par le CNVC et les différentes structures existantes dans le monde et renforcera les liens entre l’organisation et la communauté de l’ensemble des praticiens en CNV. Après avoir capitalisé plus de dix années d’expérimentations en sociocratie entre autres, elle s’inspire des travaux des entreprises libérées et des approfondissements de la pratique de la CNV dans les organisations et les systèmes. Elle permettra à toute personne qui souhaite contribuer à l’organisation CNV de le faire.

L’avenir du réseau CNV est en émergence. Les termes actuels de CNVC et de

« formateur certifié par le CNVC » vont évoluer dans les mois qui viennent. J’invite le lecteur à actualiser ces dénominations en consultant le site international cnvc.org ou les différents sites internet donnés en fin d’ouvrage.

Les centres de formations

De nombreux consultants et formateurs citent la CNV dans leurs compétences et intègrent la CNV dans leur métier.

Actuellement les seuls formateurs reconnus pour leurs compétences sont les formateurs certifiés par le CNVC (Center for NonViolent Communication), dont la certification est renouvelée tous les ans. Les formateurs certifiés ont une sérieuse formation en CNV de plusieurs années, sont engagés dans un travail de coopération, d’intervision et de supervision, de feedbacks avec leurs pairs. Ceci garantit un haut niveau de qualité et decongruence. On trouve leurs références sur les sites suivants : www.cnvc.org International www.cnvformations.fr France www.cnvbelgique.be Belgique www.cnvsuisse.ch Suisse www nvc-europe org Europe www.cnv-certification.com

Certification de formateurs pour les pays francophones d’Europe et d’Afrique

Il existe également des centres de formations pour approfondir la CNV en vue d’intégrer la CNV dans son activité professionnelle : écoles de formateurs certifiés par le CNVC, de médiateurs CNV, d’accompagnement individuel CNV, d’intervenants en milieu scolaire CNV. Ces écoles sont référencées en particulier sur les sites ci-dessous.

www.cnv-certification.com

Certification de formateurs pour les pays francophones d’Europe et d’Afrique http://ai-cnv.blogspot.fr

Accompagnement Individuel avec la CNV –Europe francophone http://ecoledesmediateurscnv.typepad.com École des médiateurs CNV – France www.declic-cnveducation.org

Association Declic CNV Education – France

Le réseau CNV

Des milliers de personnes en France et dans le monde pratiquent la CNV dans leur vie. Des associations CNV leur permettent de se retrouver pour des groupes de pratique CNV, des cafés empathie, des échanges de pratique, la diffusion de ressources pédagogiques CNV…

Citons les associations et sites les plus significatifs : http://cnvfrance.fr Association pour la Communica

NonViolente (ACNV) –France http://fr.nvcwiki.com Site collabo de partage autour de la

http://fr.nvcwiki.com/index.php/Liste des groupes de pratique/France http://cnvfrance.fr/groupes-de-pratique

Liste des groupes de pratique CN en France

Les termes suivants sont des marques de´pose´es :

- NonViolent Communication (Communication NonViolente)

- NVC (CNV)

- NonViolent Communication A Language Of Life (La Communication NonViolente, un langage au service de la vie)

1

- The Center For Nonviolent Communication (Le Centre pour la Communication NonViolente)

- CNVC (ou CCNV)

- La marque stylise´e (logo) enregistre´e aupre ` s du USPTO (l’Office des brevets et des marques ame ´ricain) sous le nume ´ ro 2460893.

Les cercles restauratifs

Les praticiens en systèmes et cercles restauratifs partagent leurs expériences et leurs bonnes pratiques sur les sites suivants : - www.restorativecircles.org

- www.cerclesrestauratifs.org

CNV

1 Titre en anglais du livre de Marshall Rosenberg

Le titre de la version française du livre n’est pas une traduction littérale de l’anglais

Glossaire

A-B

Auto-empathie : manière de s’accorder de l’empathie à soi-même. L’autoempathie permet de prendre soin de son besoin d’empathie. Elle permet également d’augmenter ses ressources pour vivre et être en relation, d’une manière qui répond mieux à ses aspirations. Elle contribue à la liberté et à la sécurité d’autrui.

Authenticité : à la fois un besoin et une manière de s’exprimer qui favorise la relation.

Besoin fondamental : énergie qui oriente un être vers la vie.

CChacal : le langage « chacal » représente toutes les formes de langage et donc de pensée et de communication qui nous coupent de la vie, freinent la relation à soi et à l’autre. Le langage « chacal » est une expression tragique du langage « girafe » qui se transforme grâce à l’empathie.

CRAPPO : moyen mnémotechnique de retenir les critères de la demande CNV (Concrète, Réaliste, Actuelle, Positive, Précise, Ouverte).

Croyance : pensée que nous prenons pour vraie et universelle à un moment de notre vie, inconsciemment ou consciemment.

Croyance limitante : croyance qui réduit notre qualité de vie, alors qu’elle a pu

nous servir dans le passé.

DDemande : quatrième étape du processus CNV qui permet de viser à une meilleure prise en compte de nos besoins respectifs à l’avenir. Il existe deux catégories de demandes : les demandes de relation et les demandes d’action. Les demandes sont utilisées dans l’auto-empathie (demandes à soi-même), l’expression (demandes adressées à la personne à qui nous nous adressons) et dans l’écoute (demandes que nous proposons à l’autre).

Demande d’action : lorsque la relation est établie, la demande d’action vise à trouver une solution ou une stratégie qui prenne en compte les besoins de chacun à partir de maintenant.

Demande de connexion : nous trouvons dans la littérature francophone cette expression de « demande de connexion » qui nous semble une traduction maladroite de l’expression anglaise. Nous lui préférons le terme de « demande de relation ».

Demande de contact : demande de relation qui vise à établir un confort relationnel suffisant pour établir le dialogue.

Demande d’expression : demande de relation qui permet à la personne qui a écouté de s’exprimer à son tour, de manière à ce qu’il y ait un réel dialogue.

Demande de reformulation : demande de relation qui consiste à demander à autrui ou à proposer à autrui une reformulation de manière à vérifier que les deux personnes se comprennent.

Demande de relation : demande qui vise à la qualité de relation. Elle peut être une demande de contact, de reformulation ou d’expression.

Déni de responsabilité : manière de penser qui nous enlève la responsabilité de nos actes, pour tenter de réduire notre souffrance. C’est le langage « chacal » le plus dangereux, car il peut nous conduire à agir contre notre conscience.

E-J

Empathie : besoin fondamental universel des êtres humains. C’est également une

manière d’écouter soi (auto-empathie, empathie vers soi) ou l’autre (empathie vers l’autre) dans tout ce qu’il vit au présent.

Exigences : manière de penser ce que doit être la réalité, la manière dont les personnes doivent être et se comporter. Les exigences sont à l’origine des jugements moralisateurs et sont l’expression tragique de sentiments et besoins.

Girafe : le langage « girafe » représente la forme de langage CNV qui nous aide à nous relier à la vie en soi et en l’autre. Marshall B. Rosenberg a choisi le symbole de la girafe, car c’est l’animal terrestre qui a le plus grand cœur : le langage « girafe » est le langage du cœur. Par ailleurs la girafe a un grand cou. Cette symbolique nous aide à voir que, derrière les jugements, nous pouvons accéder aux sentiments et aux besoins.

Interdépendance : la prise en compte de la réalité que nous sommes responsables de nos choix (contrairement à la dépendance) et qu’en même temps nos choix ont des conséquences sur les autres (contrairement à la croyance que nous serions indépendants)

Jeu : Le langage CNV nous invite à agir à partir d’un élan à contribuer aux besoins de chacun. Nous agissons donc par choix, par élan et non par obligation ou par peur. Marshall B. Rosenberg empruntera souvent cette phrase à Joseph Campbell : « Ne faites rien qui ne soit pas un jeu ».

Jugement : ensemble des expressions et manières de penser qui font obstacle à la relation à soi et à l’autre. Cela inclut les jugements moralisateurs et d’autres formes comme les exigences, le déni de responsabilité, le mérite.

Jugement de valeur : expression de besoins fondamentaux et de notre discernement. Il s’agit d’une forme de langage « girafe », contrairement au jugement moralisateur.

Jugement moralisateur : forme de langage « chacal » qui évalue les comportements et les personnes. C’est une expression tragique des besoins fondamentaux. On distingue les jugements positifs qui expriment des besoins pris en compte et les jugements négatifs qui expriment des besoins non pris en compte.

O-R

Observation : notre perception de la réalité à travers nos cinq sens (je/tu vois, je/tu entends, je/tu sens…) et de notre mental (je me souviens, j’interprète, j’imagine…). C’est la première étape du processus CNV.

Paradigme : une représentation du monde, une manière de voir les choses, qui se transmet en particulier par le langage.

Responsabilité : l’intention de la CNV est de développer notre responsabilité, c’est-à-dire d’augmenter notre conscience de la réalité de notre être à chaque moment (en termes de pensées, observations, sentiments et besoins, demandes), des choix que nous posons à chaque moment et de leurs conséquences possibles sur notre futur. Il s’agit aussi de reconnaître la réalité de notre passé, des choix que nous avons posés et de leurs conséquences. La prise de responsabilité CNV est une observation dénuée de jugements moralisateurs, contrairement à la culpabilité.

Restauratif : qui restaure les relations et la compréhension entre les personnes, au delà de la simple réparation de la conséquence d’un acte

S-V

Sentiment : indicateur de la satisfaction des besoins fondamentaux ; en CNV le sentiment inclut la sensation corporelle, l’émotion et le sentiment lui-même qui décrit une perception interne liée à l’émotion.

Stratégie : Une chose concrète qui peut être faite et qui permettrait de prendre soin des besoins de chacun. Les demandes d’action proposent des stratégies.

Systémique : un comportement, une attitude, un choix qui impacte au-delà des personnes directement concernées et de leurs relations.

Vie : De nombreuses expressions en CNV intègrent le mot « vie » : « langage coupé de la vie », « élan vital », « enrichir la vie », « au service de la vie ». Un postulat de la CNV est que la vie de chaque être humain est précieuse. Une intention de la CNV est de développer nos capacités à permettre à chaque être humain de vivre pleinement, c’est-à-dire avec une prise en compte de l’ensemble de ses besoins.

Remerciements

Écrire ce livre, c’est poser sur le papier des mots qui disent combien je suis un être de relation et combien ce que je partage ici est le fruit d’expériences intérieures et de relations. Tout qui ce qui est écrit ici est né à partir de relations, de paroles échangées, d’expériences partagées. Tout, absolument tout.

J’ai la grande joie et responsabilité de vous présenter un processus porté et transmis par des milliers de personnes. Je le ferai avec ma compréhension du processus et mon expérience, avec mes mots et mon cœur. Mais à travers ce que j’écris, je veux honorer tous les formateurs et formatrices certifiés par le CNVC (Center for NonViolent Communication), les médiateurs CNV, accompagnateurs CNV, animateurs de groupes de pratique, administrateurs d’associations CNV, ainsi que tous ceux qui vivent le processus CNV quotidiennement, là où ils sont. C’est grâce à eux que ce processus permet aujourd’hui des transformations qui contribuent à plus de paix et de réconciliation, davantage de compréhension mutuelle et d’accueil. Merci à chacun d’eux.

Merci à Hélène de Castilla. Une nouvelle fois, votre confiance et votre accompagnement m’ont permis d’écrire ce livre, en étant reliée aux futurs lecteurs et lectrices qui feuilleront, butineront ou liront cet ouvrage.

Merci à Thomas d’Ansembourg et Geneviève Ancel. Vos encouragements et la manière dont vous avez accueilli ce projet, le temps que vous avez pris pour y contribuer par vos préfaces, votre manière de voir la puissance de la CNV sont des trésors que je souhaite honorer ici.

Merci à celles et ceux qui m’ont permis d’avoir accès à ce que je partage avec vous ici, Marshall B. Rosenberg et les formateurs certifiés par le CNVC, les membres de ma famille, mes amis et amies, les stagiaires qui m’inspirent, les personnes qui me font confiance et qui partagent avec moi les préoccupations de

leur quotidien, leurs questionnements, leurs expériences et leurs victoires.

Merci à ceux qui ont contribué directement ou indirectement à l’écriture de certains passages : Annie Gosselin pour la médiation, Catherine Schmider pour l’éducation, Julien Berlusconi et Jeanne Chapeau pour les cercles restauratifs, Anne Bourrit, Pascale Molho et Godfrey Spencer pour l’histoire de la CNV et certains de ses aspects spécifiques, Pierre Muanda pour la réconciliation, Miki Kashtan et Verene Nicolas pour la CNV en organisations et dans les systèmes, Robert Greuillet pour nos partages sur l’origine de la violence.

Merci à ceux qui ont relu mon livre et m’ont permis de l’améliorer : Laure Brahami, Marguerite-France Brun-Cottan, Michelle Guez, Thibaud Godefroy et Emma Mouis.

Ce livre est aussi votre œuvre.

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