CAHIER 2
septembre 2017
Kotosa
Kotosa
CAHIER 2
Septembre 2017 Els Nolf Stefaan Vermeulen
3 Introduction 4 L ’important c’est le dialogue 7 Les gens qui doivent quitter leur pays sont déracinés 10 Que signifie ‘vieillir’ dans notre société? 12 Faire ce film a été un point de basculement dans ma vie. Il y’a encore un long chemin à parcourir Qu’est-ce qu’une auto-organisation? 16 Kotosa, Le film Comment agir avec film? Je veux construire des ponts entre deux mondes 22 Kotosa est une invitation à la réflexion 26 Listes des chiffres 28 Dans mon domaine professionnel le Congo est le paradis 31 Je voudrais continuer à lutter pour un nouvel équilibre entre les humains.
Kotosa signifie ‘respect’ en Lingala
Angélique: “Depuis le début des temps, des oiseaux migrent du Nord vers le Sud durant l’hiver, sans avoir besoin de passeport. Pourquoi partent-ils? Chaque exode ou migration a une raison, vient d’un manque réel. Lorsque on a tout ce qu’il faut, on ne part pas. Il doit vraiment y avoir quelque chose qui va mal avant de prendre cette décision.” Els: “ Un grand groupe de migrants subsahariens vit à Bruxelles et leur nombre ne cesse de croître.Ce sont de plus en plus de personnes âgées. Les services d’aide pour seniors à Bruxelles sont difficile d’accès pour eux. Quasi aucun d’entre eux souhaite vieillir dans une maison de repos. Ils n’en ont pas les moyens et ils ont peur d’être mal traités. La maladie et la santé sont des thématiques importantes dans leur vie quotidienne. La crainte de solitude durant leurs vieux jours les préoccupe beaucoup.” Angélique: “Dans les villages en Afrique, il existe encore beaucoup d’entraide et de solidarité. Les personnes âgées jouent un rôle important au sein de la communauté. Ici il y a beaucoup d’incertitude sur la façon dont nous allons vivre nos vieux jours ici.”
Angelique Mayele Wamituma
Els Nolf
Présidente du Manguier en fleurs
collaboratrice diversité Kenniscentrum WWZ
Els: “Kotosa donne la parole à quatre femmes belgo-africaines: Angélique, Hélène, Edwige et Espérance. Ce sont quatre dames engagés, diplômés, ayant un long parcours de vie et une large expérience dans les soins professionnels. Elles sont actives au sein d’organisations en Belgique ainsi que pour des projets dans leur pays d’origine. Leurs témoignages sont un miroir enrichissant et instructif au sujet de la diversité dans les soins. Dans le film, elles parlent des différences culturelles, de la valeur donnée au vieillissement, du racisme dans le secteur des soins, du respect envers les seniors et de leur histoire personnelle.” Angélique: “Kotosa est un appel à la solidarité, sans tenir compte de la couleur qui enveloppe notre corps. Respect signifie que tu approches les différences comme une richesse. Que tu acceptes ton voisin tel qu’il est. Els: “Le film Kotosa et ce cahier sont une invitation au dialogue. Nous espérons ainsi encourager la réflexion sur les valeurs, les normes et les préjugés dans le secteur des soins.”
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Angélique Mayele-Wamituma (68 ans) a été professeur de mathématiques durant 30 ans à l’Institut Marie Immaculée à Anderlecht. En 1998, elle créa l’asbl ‘Le Manguier en Fleurs’ une association pluraliste, apolitique et non-confessionnelle qui donne un espace de réflexion, de discussion et de remise en question à tous - petits, grands et seniors. La diversité et la différence culturelle y est considéré comme une source d’enrichissement. Le pluralisme se traduit par le dialogue et les débats entre les différentes opinions et croyances. Chacun est amené à se faire connaître et à partager sa culture avec les autres. Par exemple, les personnes âgées d’origine congolaise y sont appelés ‘Mama ou Papa’, l’expression respectueuse utilisée au Congo.
Je suis originaire du Congo, arrivée en Belgique en 1974 après mon mariage en 1972 avec un jeune belge qui n’a pas voulu faire le service militaire, mais s’est rendu en RDC (République Démocratique du Congo) faire le service civil dans l’enseignement. En novembre 1977, j’ai commencé à enseigner dans une école secondaire et j’ai constaté que les jeunes d’origine étrangère avaient souvent du mal à s’adapter au système scolaire belge à cause des différences des programmes entre le pays d’origine et le pays d’accueil. Pour pallier à cette difficulté, avec une amie, nous avons créé une asbl qui accueillait en priorité les primo-arrivants pour une remise à niveau en mathématique, Français, Néerlandais, sciences, etc. C’est ainsi que le Manguier en Fleurs est né. A l’heure actuelle, notre public (enfants, jeunes, adultes et seniors) est constitué de 23 nationalités. Les horaires des cours varient de 2 à 12 heures par semaine suivant les groupes. Les adultes par exemple, suivent jusqu’à 12 heures de cours par semaine. La grande majorité de nos professeurs sont
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L’important, c’est le dialogue bénévoles ou prestataire. Les réalités du quotidien africain vers la fin des années ’90 et surtout l’après-guerre de 1998 en RDC, ont fait déplacer un grand nombre de civils, dont beaucoup des seniors. Cette arrivée massive des personnes âgées subsahariennes a attiré notre attention. L’asbl Le Manguier en Fleurs leur a ouvert ses portes, s’est intéressé à leur vie et aux circonstances économiques et sociales de leur intégration en Belgique. Elle les aide à vivre au mieux le changement radical de leur existence, en combattant la froideur - celle du climat et souvent de l’accueil -, l’isolement, le confinement chez soi, la solitude et la rareté des visites spontanées. Le Manguier en Fleurs veut réduire l’éloignement et rapprocher les seniors qui par manque de mobilité et de structures d’accueil, se retrouvent isolés et souvent oubliés. A l’époque, je fréquentais l’église Saint-Roch près de la gare du Nord. On y est proposé la participation des seniors à un groupe de retrouvailles et de rencontre conviviale. Vingt-cinq seniors (19
Nti ya Mangulu Le Manguier en Fleurs vous offre femmes et six hommes) ont répondu à cet appel. Nous avons commencé à nous réunir régulièrement. Ainsi est née l’activité avec les seniors africains. Par la suite, de bouche à oreille, le groupe s’est progressivement agrandi. Actuellement, nous comptons 56 seniors, dont la majorité sont des femmes congolaises. Chez nous en Afrique, les gens vivent en général en communauté alors qu’ici, on vit plus de manière isolée. Les rencontres hebdomadaires nous permettent de sortir de l’isolement, de discuter et de rire ensemble et de rentrer ainsi chez nous le soir revigorées et satisfaites. Chaque jeudi, nous avons l’activité du groupe Le Vivre Ensemble qui commence par une heure de gymnastique de remise en forme, suivi d’une collation et ensuite nous tricotons, nous dansons et mettons de l’ambiance agréable. Certains séniors suivent des formations, et nous participons aux excursions organisées par nous ou d’autres associations. Nous avons également des tables de conversation en Français pour seniors. Le but est de mieux pouvoir se débrouiller dans la vie quotidienne, d’être autonome et de faciliter les contacts avec les autres. Quand on ne connaît pas la langue, il est difficile de créer le contact. Une bonne communication facilite le vivre ensemble. Le fait de changer de pays, entraine aussi un changement dans ses habitudes. On essaye de s’adapter aux nouvelles normes. Les visites spontanées n’étant pas souvent d’usage dans la coutume belge, il faut toujours appeler avant d’aller chez quelqu’un, même chez ses parents. Une anecdote : un jour j’ai demandé à ma sœur pourquoi elle ne m’invitait jamais chez elle. Elle s’est sentie humiliée et elle s’est vraiment fâchée. ‘N’es-tu pas toujours la bienvenue ?’ Elle ne comprenait même pas pourquoi je lui avais posé une telle question! Ensuite, je me suis rendue compte à quel point j’avais intériorisé l’habitude d’ici. Chez nous, cette
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accompagnement scolaire, cours de Français pour adultes, activités culturelles et éducatives, rencontres conviviales de seniors subsahariens, soutien scolaire en Néerlandais, soutien au centre nutitionnel “Espérance” en RDC. www.manguierenfleurs.be
question est déplacée. Ma famille vit partout : à Bruxelles, à Namur, en Angleterre, au Congo. Elle a aussitôt raconté cette histoire à tous. A force de vouloir comprendre les us et coutumes des autres, on finit par oublier les siens ! En 2007 et 2011, le Manguier en Fleurs a donné la parole aux seniors pour qu’ils s’expriment, décrivent et évaluent leur parcours migratoire. Suite à cela une enquête a été lancée. Les conclusions furent interpellantes. Un des constats importants, presque redondante à chaque interview, fut la problématique de la santé et ‘le comment ‘ terminer sa vie dans le pays du Nord dont les réalités et coutumes sont différentes des leurs. Le projet Vieillir Ailleurs a été soutenu par la Fondation Roi Baudouin. Nous partagions nos histoires personnelles et nous nous racontions comment nous voyions notre fin de vie. Un fil rouge dans chacune des images futures était l’espoir d’avoir une bonne santé et un bon service de soins. Nous avons approfondi ces sujets en invitant une infirmière qui est venue nous parler des maladies telles que le diabète, l’hypertension, le VIH/sida, les maladies sexuellement transmissibles, l’alimentation saine, les troubles d’équilibre, les maladies liées au vieillissement... C’était très enrichissant. La prise en charge des soins médicaux pour les seniors en RDC
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est quasi nulle. Par contre ici, tout le monde se rend compte que la prise en charge est bien organisée quel que soit le statut. Mais les soins ne concernent pas seulement la santé physique. Un bon logement, le bien-être, la sécurité, l’autonomie, les revenus suffisants, pouvoir compter sur les autres, vivre en harmonie avec ses prochains constituent aussi des éléments d’une bonne santé. Dans les villages africains, l’entraide et la solidarité sont encore d’usage. Pour combien de temps encore ? Les seniors restent souvent à la maison pour garder les enfants pendant que les parents vont travailler aux champs. Les seniors ne sont pas laissés pour compte que tu ais des enfants ou pas, tu es accueilli et la nourriture est partagée avec tout le monde. Dans les villes par contre, c’est différent, la vie y est de plus en plus dure et beaucoup de gens n’ont pas assez de nourriture. Le peu qu’ils ont, ils préfèrent le donner à leurs enfants plutôt qu’au seniors. Ils ne meurent pas de faim, mais les enfants sont prioritaires. En Belgique c’est encore autre chose. Ici, nous ne pouvons pas nous appuyer sur un réseau social, il y a beaucoup d’isolement. Trouver une affiliation avec la communauté blanche n’est pas facile ni évidente. Lorsque nous avons approfondi nos expériences avec les soins à domiciles, nous avons souvent entendu des histoires douloureuses. Les seniors nous racontaient que souvent ils se sentaient incompris, qu’il n’y avait jamais quelqu’un pour traduire. Plusieurs mamas nous ont raconté qu’elles étaient rudoyées par les infirmières ou les prestataires de soins, alors que le cohabitant blanc était traité de
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manière plus aimable. Quant aux soignants, il arrive souvent de vivre des situations de ségrégation comme dans ce témoignage où le personnel belge et celui d’origine étrangère mangeait séparément à la cantine. Cette sorte de racisme primaire, je le connais. C’est seulement à mes 50 ans que j’ai compris que celui qui insulte les autres est lui-même en souffrance. Sans qu’on nous connaisse, on nous traite toujours comme des esclaves. Celui qui m’insulte de ‘sale nègre’, montre sa faiblesse par son agression. La violence est la voie des faibles. Peut-être que cela le soulage d’insulter les autres, mais pas pour longtemps je pense. Kotosa s’attarde sur les difficultés qu’on vit en tant qu’étranger, sur les difficultés de nous intégrer et de vieillir dans une autre culture. Nous parlons de notre expérience en tant que femmes africaines et seniors. Mais notre message est plus vaste : tout le monde vieillit et tout le monde souhaite être traité avec respect et considération. Les seniors belges ont souvent aussi beaucoup de mal dans les maisons de repos, ne sont pas toujours traités de manière correcte et se sentent aussi seuls. Kotosa est un pavé dans la marre qui appelle à faire attention à la façon dont nous traitons les seniors. N’oublions pas qu’ils méritent d’être traités avec dignité et respect. Le souhait de chacun est d’avoir des vieux jours agréables, dans un espace de vie convenable avec des soins adéquats et adaptés. C’est pourquoi dans le film je dis : ‘Je ne veux pas être tolérée, mais je veux être respectée’. Comme on dit : ‘L’espoir fait vivre’.
Angélique “Où que tu sois en Afrique, il y aura toujours un manguier aux vertus diverses. Il donne l’ombre qui protège, le fruit qui rassasie, le tronc fort sur lequel on peut s’appuyer un instant. Il est devant la maison, au détour du chemin, à l’entrée du village il vous accueille. Son écorce mélangée aux jeunes pousses guérit la fièvre et son bois réchauffe les générations futures ; c’est pourquoi nous disons que le manguier est toujours en fleurs.”
Espérance Nyirantereye (54 ans) est née et a grandi au Rwanda. Il y a vingt ans, elle a fui la guerre. Depuis plus de 15 ans, elle travaille en tant que médiatrice interculturelle au centre de santé mentale de Bruxelles (CGG Brussel). Là où les cultures se croisent, il y a quelques fois des malentendus. Sa tâche consiste alors à faire de la médiation.
Les gens qui doivent quitter leur pays, sont déracinés “Je suis arrivée en Belgique en avril 1997. Quand tu viens d’Afrique, il n’est pas facile de se retrouver dans un pays étranger où il y a une autre culture et une autre manière de vivre. Après ma demande d’asile, je devais aller dans un centre d’accueil pour réfugiés à Yvoir dans la région de Dinant. (En Wallonie) En septembre 1997, j’ai subi une opération au genou qui a échouée. En mars j’ai eu une deuxième opération et en avril 1999 une troisième. À chaque opération, je devais rester un mois à l’hôpital et aller ensuite dans un centre de revalidation. En réalité, c’était une maison de repos; ma camarade de chambre avait 94 ans alors que moi, j’en avais 34. J’ai reçu de bons soins mais je n’en garde tout de même pas de bons souvenirs. La solitude y était énorme. J’étais en chaise roulante à cause de mon genou, mais je pouvais me rendre facilement partout. La plus part des personnes âgées ne pouvaient pas en faire autant. Je recevais beaucoup de visites tandis que les autres résidents n’en recevaient très peu ou pas du tout. Lorsque je serai vieille, je souhaite retourner au Rwanda. J’ai encore beaucoup de la famille là-bas. Nous étions dix frères et sœurs, neuf d’entre eux sont encore en vie. Ce ne sont pas de gens riches, leur richesse se trouve dans leur cœur. Ils possèdent de petites parcelles de terre qu’ils cultivent pour eux-mêmes, c’est tout. Parfois je vais leur rendre visite, mais avant je dois toujours faire des économies pour pouvoir les aider le plus possible sur place. Je ne reste
jamais plus de quatre semaines. Mais plus tard, j’aimerais retourner au Rwanda plutôt que de me retrouver dans une maison de repos.
Lorsque je suis venue en Belgique, j’ai dû tout recommencer à zéro. Je devais vraiment me battre pour m’intégrer, pour pouvoir continuer à exister en tant qu’humain, pour montrer ce que je savais faire. La plus part des gens pensent que tu ne sais rien ou que tu ne sais rien faire parce que tu es un étranger. Quand tu cherches du travail, tu dois avoir de la chance de tomber sur un employeur qui prend en compte tes compétences et pas seulement ton nom ou ta couleur de peau. C’est vraiment une quête de reconstruire une autre vie. Au Rwanda, j’ai travaillé pendant 11 ans en tant qu’assistante sociale auprès de la commune. J’étais coordinatrice du centre de formation et responsable pour tout ce qui concerne la formation : l’alphabétisation, l’éducation, les soins de santé, la grossesse, etc. J’invitais des orateurs et des enseignants, je faisais des visites à domicile, j’organisais des formations... j’avais un travail à responsabilité. Quand j’ai dû fuir pendant la guerre, j’ai encore travaillé pendant 2 ans dans un camp de réfugiés au Congo. J’ai acquis beaucoup d’expérience professionnelle. Mais en Belgique, mon diplôme n’était pas reconnu. Ici, c’est uniquement mon diplôme de secondaire qui compte. Mon expérience et mon ancienneté 7
Qu’est-ce que la médiation interculturelle? ILa médiation interculturelle aide à améliorer la communication entre les prestataires de soin et les patients issus de minorités ethnoculturelles ainsi que leur famille. Un médiateur interculturel • traduit entre prestataire de soin et client, • offre un soutien émotionnel au client, • crée la confiance en les services de soins, • informe les patients au sujet de la culture et la manière de travailler du prestataire de soin et au sujet de son organisation, • donne au prestataire de soin des informations au sujet du mode de vie du patient Stefaan Plysier, Centrum Geestelijke Gezondheidszorg
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ne sont pas reconnus. Pour pouvoir exercer mon métier, j’ai dû retourner à l’école. Ça m’a toujours beaucoup frustré. En Afrique, un diplôme représente le futur et quand tu es issue d’une famille pauvre comme moi, le diplôme c’est tout. Je sais que je ne suis pas la seule, mais je continue à trouver cela difficile parce que mes parents ont fait beaucoup de sacrifices afin de pouvoir payer mes études. En France, il y a une meilleure régulation. Là, il faut suivre un stage d’un an pour apprendre à connaître la législation, le contexte dans lequel tu dois travailler et apprendre à bien maîtriser la langue. Ensuite ton diplôme est pris en compte. En Belgique, ce n’est pas le cas.
remplacement de six mois en tant que médiatrice interculturelle. À cette époque j’ai vu une annonce de poste vacant auprès du CCG Bruxelles où je travaille depuis le 1er septembre 2001. Je suis une des quatre pionniers du projet . Médiation interculturelle dans le service de santé mentale qui a été initié par Toon Gailly. Il est psychologue-anthropologue et il était mon responsable au CCG. Il a été très important pour moi. Il m’a toujours dit: Espérance, un diplôme ce n’est qu’un papier! Ton vrai diplôme est dans ta tête.’ C’est pour cela que j’arrive à mieux relativiser car j’utilise mes connaissances aussi bien dans la vie courante qu’au travail. Malheureusement, Toon est décédé en 2009.
Suite aux opérations ratées je suis moins valide, j’ai toujours mal et à long terme j’espère avoir une prothèse du genoux. À cause de ma restriction je trouvais que ce n’était plus réalisable d’obtenir à nouveau un diplôme d’assistante sociale. Je devais d’abord réapprendre à marcher. J’ai alors suivi d’autres formations: d’abord un an de cours de Néerlandais, ensuite une formation de quatre mois en informatique et une formation d’un an de médiateur social. Via cette dernière, j’ai pu faire un stage auprès du Centre régional d’intégration ‘Le Foyer’ à Bruxelles. Au sein duquel j’ai reçu un contrat de
La première tâche d’un médiateur interculturel est l’interprétation. Celle-ci permet la communication lors de la prestation de soin. La conversation se trouve alors ralentie dû aux traductions, ce qui n’est pas toujours mauvais. Ainsi, le thérapeute a plus de temps pour analyser le langage non-verbal du patient. Je parle le Kinyarwanda – la langue nationale du Rwanda –, Français, Néerlandais, un peu d’Anglais et Swahili. Je fais la médiation pour toutes les communautés noires-africaines de Bruxelles et souvent on parle Français. L’interprétation culturelle est tout aussi importante que la
Un autre exemple ce sont des enfants qui ont été envoyé par le PMS chez notre psychologue pour enfants. Lorsque l’institutrice leur adressait la parole, ils abaissaient toujours les yeux. Elle s’inquiétait qu’ils étaient si renfermés. J’ai alors expliqué qu’au Rwanda on apprend aux enfants qu’ils ne peuvent pas regarder dans les yeux des adultes en signe de respect. Les enfants devaient donc faire à l’école une chose de laquelle ils ont appris dans leur éducation qu’il était interdit de la faire. Ces enfants voulaient tout simplement être polis. Ou cette fois, lorsqu’une maman africaine est venue en thérapie avec son bébé dans un tricot. Quand le bébé avait faim, elle lui donnait spontanément le sein. Cela était très dérangeant pour le thérapeute, alors que pour la maman c’était tout à fait normal. Nous avons alors convenu que dans ce cas-là, il fallait prendre une courte pause. Cela paraît être un détail, mais grâce à ça, la cliente se sentait mieux comprise et reconnue.
traduction. Je dois souvent expliquer le contexte autour de l’histoire du patient, ce qui permet d’éviter des malentendus. Un jour une maman noire-africaine parlait du comportement de son fils : il avait des problèmes à l’école. Le thérapeute a répondu en compatissant: ‘Vous souffrez donc beaucoup de la situation, madame.’ La mère a répondu: Non, je ne peux pas dire que je souffre parce qu’ici j’ai assez à manger et de quoi m’habiller. Je ne souffre donc pas.’ Je suis intervenue pour expliquer à la dame que le thérapeute voulait dire souffrance psychique – ce n’était pas clair pour elle. J’ai expliqué au thérapeute que pour madame souffrir signifiait ne pas avoir assez pour survivre ou souffrir physiquement. Grâce à mon intervention on a pu éviter un malentendu au sujet de ce que signifie souffrir pour quelqu’un.
Ma tâche en tant que médiatrice interculturelle consiste à améliorer la communication entre le demandeur de soin et le prestataire de soin. Cela favorise toujours le service de soin. Aux thérapeutes qui en doutent encore je dirai: essayez. Aux dirigeants politiques qui décident de la reconnaissance des diplômes étrangers je demande: trouvez un autre moyen pour les reconnaître. Un autre système d’éducation ne signifie pas qu’il est moins bon. En ce qui concerne la maison de repos: veillez à ce que les gens puissent rester le plus longtemps possible chez eux. Investissez dans les soins à domicile. Offrez assez d’activités afin de les épargner de la solitude – merci à l’asbl Le Manguier en Fleurs pour leurs activités pour les seniors Subsahariens. Aux meneurs de guerre je voudrais dire: arrêtez la guerre dans le monde entier. Les gens qui quittent leur pays à cause de la guerre sont déracinés.”
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Que signifie ‘vieillir’ dans notre société? Stefaan Plysier travaille en tant que psychologue au « Centrum Geestelijke Gezondheidzorg CCG » (Service de santé mentale SESAME) à Bruxelles. Depuis 2010 il est également actif auprès du « Steunpunt Cultuursensitieve Zorg » (Service de soin et d’aide interculturelle), un réseau de prestataires de soins qui prennent en compte la dimension culturelle de la demande. Son plaidoyer est:“La manière dont une société s’accommode au vieillissement, est définie culturellement. Notre culture de soin doit tenir compte de ça.” “La signification du vieillissement a changé de façon drastique depuis la montée de la société industrielle: quand tu es jeune, tu te prépares à une vie active; de tes 20 à 65 ans tu es actif sur le plan professionnel, ensuite on te met sur non-actif. À notre époque, vieillir a souvent une connotation négative: tu n’es plus productif, en tant que personne âgée tu n’as plus de rôle, souvent tu n’es plus utile. Pendant leur vie active, les gens empruntent leur identité à leur profession – ils sont enseignant, mineur, vendeur, fonctionnaire. Une fois la pension arrivée cette identité tombe, ils sont tout au plus ex-enseignant, etc. Être en pension est pour beaucoup un grand trou noir. Le taux de suicide auprès des jeunes pensionnés est très élevé. La courbe démontre là une augmentation courte et intense. Les personnes âgées essayent bien sûr de remplir leurs vieux jours de manière positive: ils font du bénévolat, ils prennent plus de temps pour leurs loisirs, ils s’occupent de leurs petit-enfants, ils voyagent, ils sont actifs auprès d’associations, ils essayent de faire des choses pleines de sens et ils veulent surtout rester le plus longtemps possible ‘jeunes et pleins de vitalité’. Ils ‘profitent de la vie’ parce qu’après plus de 40 ans de travail, ils ont droit à un ‘repos bien mérité’. ‘Vieillir activement’ (ac10
tive ageing) tend à ce que les personnes âgées puissent mener une vie qualitative, en bonne santé, en sécurité et en participant activement à la société. Cela va au-delà du fait d’être actif physiquement ou de participer au marché de l’emploi. Le but est d’avoir une participation permanente à la vie sociale, économique et culturelle tout en gardant une grande autonomie et indépendance. Les personnes malades ou avec une invalidité peuvent contribuer à la communauté. La réciprocité et la solidarité intergénérationnelle sont des principes importants du vieillissement actif.
Historiquement cette nouvelle tendance est encore à ses début. Dans notre société, l’identité des personnes âgées qui partent en pension est encore trop souvent définie comme ‘nécessiteux de soins’. Le principal objectif de vie se limite alors à essayer de vivre ses dernières années en ayant une bonne santé et en essayant de faire durer cette période le plus longtemps possible. Notre société est entièrement orientée là-dessus, dirigée par une approche technique et biomédicale des soins. C’est ancré dans notre culture. Le désir d’efficacité est si grand que notre société oublie même comment elle peut avoir un autre regard sur la vieillesse. Heureusement cela est en train de changer peu à peu et l’approche holistique s’implante de plus en plus. C’est comme si cela a été copié d’autres cultures.
Pour celui qui a grandi dans une autre culture, le modèle biomédical occidental est à peine compréhensible. Les gens d’origine étrangère demandent parfois littéralement: ‘Mais que faites vous avec vos vieux?’ les femmes dans le film ont grandi avec une autre vision sur la vieillesse. El-
les racontent comment en Afrique les personnes âgées sont consultées lors de décisions importantes à prendre dans la vie, comment elles sont impliquées dans la vie courante – elles prennent soin des poules, ou gardent les enfants lorsque les parents sont au champ. Dans une société plus agraire, celui qui est âgé et vulnérable physiquement joue encore un rôle social. Qu’ils aient une place dans la société leur donne beaucoup de réconfort. Dans notre société occidentale ils craignent surtout la solitude. Une femme rwandaise m’a raconté un jour: ‘Vieillir en Belgique est angoissant. Ici, je n’ai personne à mes côtés. Ici c’est chacun pour soi. C’est fatiguant, et lorsqu’on est fatigué on doit dormir. Sinon on est perdu et impuissant. Ici on vieillit dans l’isolement. Même les voisins n’ont pas le temps pour parler avec moi. On vieillit dans la tête.’ Une femme congolaise a dit: ‘Vieillir en Belgique c’est différent. Chez nous c’est mieux. Il y a les enfants, tu rends visite et il y a le beau temps. Ici en hiver, tu es enfermé. Ce n’est pas bon pour ton corps. Là-bas quand tu sors, les enfants viennent vers toi, tu parles avec les voisins. Ici tu es seul et solitaire.’ J’entends des histoires semblables venant d’autres personnes âgées de cultures différentes.
Je pense que nous avons des choses à apprendre de ces cultures non-occidentales. Nous devons aller à la recherche d’une culture qui ne donne pas seulement des soins, mais prend aussi en compte la signification ‘d’utilité’. Une culture de soins qui ne se charge pas seulement de soigner mais regarde l’homme en son entièreté. Une culture qui ne fait pas une croix sur les personnes âgées mais leur donne une place au sein de la société. Nous devons apprendre à mieux accorder nos services de soins à la nouvelle génération de vieilles personnes. Cela est uniquement possible en dialoguant avec eux et en explorant de nouvelles pis-
tes, au-delà des formules et protocoles connus. Le service de soin qualitatif se met en place là où le professionnel de soin, le patient et son entourage se rencontrent, aussi bien dans la reconnaissance de la souffrance que dans l’approche. Une approche participative est essentielle. Il s’agit non seulement du savoir-faire mais surtout du savoir-être, d’apprendre à côtoyer la diversité de chacun. La diversité culturelle n’est pas un obstacle, mais une opportunité pour créer une nouvelle culture de soin.”
Het Steunpunt Cultuursensitieve Zorg … (Service de soin et d’aide interculturelle)
• a pour mission d’optimaliser les soins pour les personnes d’origine étrangère dans la région bruxelloise, • recherche ce que signifie la culture dans les soins de santé mentale, • essaye d’atteindre les gens qui n’arrivent pas jusque’au centre de santé mentale via les voies habituelles, • soutient un réseau de prestataires de soins par l’information, le coaching et intervision, • aide les prestataires de soins à passer au dela des restrictions culturelles ou à introduire des éléments culturels dans les soins. www.cultuursensitievezorg.com
Faire ce film a été un point de basculement dans ma vie Lorsque Angélique a voulu faire ‘quelque chose autour des seniors africains’, Els Nolf a lancé l’idée de faire ensemble un film au sujet de l’universalité et diversité dans les soins. En tant qu’anthropologue je suis familiarisée avec d’autres cultures mais ce projet a été tout de même très éprouvant … et enrichissant. “La question principale dans notre formation d’anthropologue était toujours: ‘Que dit l’autre culture au sujet de notre propre culture?’ C’est une question intellectuelle. Ici on a fait un film ensemble. Tu te mets au travail ensemble, tu dois arriver sur la même voie, tes objectifs doivent être clairs. Quand il y a un conflit, tu dois t’expliquer dans une langue que tu ne maîtrise pas vraiment. Soudainement, j’ai ressenti ce que cela signifie de ne pas pouvoir s’exprimer dans sa langue maternelle, de raconter des histoires nuancées ou émotionnelles... d’amener à bon terme un tel projet n’est pas une évidence. Faire le film était en permanence une expérience intense pour apprendre à s’accommoder à la diversité. Il y a parfois des questions qui te mettent face à toi-même. Comment est-ce que je fonctionne en tant ‘qu’être humain blanc’ lorsque je travaille avec des personnes d’une autre culture? Combien d’espace donnons-nous aux autres? Qui est en charge? Comment nous nous comportons avec les ressemblances et les différences? Le film enquêtait sur ses questions dans les secteurs des services de soins, mais elles s’appliquaient aussi bien à la production du film. En construisant quelque chose ensemble, nous devions communiquer. Cela ne se fait pas sur base de théories au sujet de la communication interculturelle, mais sur base de problèmes concrets auxquels on cherche une solution ensemble.
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La collaboration avec le groupe de femmes Kotosa était un point de basculement dans ma vie. Pour la première fois, je me suis sentie blanche. En tant que citoyen du monde sensé je suis évidemment ouverte à tous et je ne fais aucune distinction entre les hommes. Mais notre société détermine tout de même que les hommes noirs sont confrontés à la discrimination à cause de leur couleur de peau. Alors que moi, je me trouve du côté confortable, le côté blanc, de plus en étant payée. Ce côté consistait dans le fait que je menais le projet, que je m’occupais du financement, que je prenais des contacts utiles avec des personnes dans le milieu socio-culturel, que je recevais beaucoup de reconnaissance pour un projet de film si intéressant.... alors qu’à la longue Angélique et les autres avaient l’impression que le film menait sa propre vie et qu’ils en perdaient la ‘possession’. Être confronté à cela a été un miroir important pour moi! Collaborer dans un contexte super diversifié – ce qui devient de plus en plus notre réalité – te met constamment face à un miroir. Ce n’est jamais une histoire où ‘moi j’ai raison, l’autre a tort’. C’est toujours une histoire dans laquelle on tire tous du même côté, dans laquelle on se rencontre en chemin et de laquelle on apprend des choses. Idéalement, le résultat final est quelque chose de nouveau, une chose à laquelle on ne t’attend pas. C’est alors qu’on apprend vraiment la diversité. Dans les secteur des services de soins, on parle depuis quelques temps déjà de la diversité. Chaque professionnel de soins entre de toute façon en contact avec des personnes d’origine étrangère. Mais la réalité se laisse difficilement façonner, les changements se font lentement. De par mon expérience, je fais appel au secteur des soins pour entrer en dialogue avec les différents communautés, de les écouter activement,
Il y a encore un long chemin à parcourir … En comparaison avec les Pays-Bas et l’Allemagne, en Belgique les services de soins pour seniors sont peu accessible pour des personnes âgées avec des antécédents de migration. Les 10 dernières années Le Kenniscentrum WWZ (Service de connaissance sur le bien-être, le logement et les soins) s’est impliqué fortement afin d’améliorer cette situation.
de faire des choses ensemble. Que l’on fasse un film ensemble, que l’on monte un projet dans le secteur des soins ou que l’on soigne une personne d’origine étrangère, cela n’a pas d’importance. Mes contacts avec le Manguier en Fleur étaient très enrichissants. Sur base des traditions – et aussi par nécessité – ils s’offrent la solidarité et les soins au quotidien. Ils réussissent à accomplir un rôle très important dans notre société en tant que service de proximité avec peu de moyens, beaucoup d’implication et beaucoup de bénévoles. Le Manguier en Fleur est un espace expérimental pour le développement de nouvelles formes de solidarité. À Bruxelles il y a beaucoup de gens d’origine étrangère, qui sont oui ou non reliés à une propre organisation. Quels type de soins veulent-ils? Quels type de service? De quel soutient ont-ils besoin? Prenez contact avec eux. Essayez des choses. Organisez une permanence dans leurs locaux. Dialoguez. Offrez une assistance à leur actions. Essayez de découvrir ce qu’ils veulent, ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. Osez agir sans savoir exactement où cela vous mènera. Faites le à cœur ouvert et regard ouvert. Agissez ensemble. C’est alors que se fait la rencontre, la friction, le conflit, l’implication, le changement... et l’apprentissage expérimental. Un gagnant-gagnant pour tous.”
Els Nolf: “Nous constatons quelques améliorations favorables sur le terrain. Les Centres de soins de quartiers, les cabinets médicaux et les soins infirmiers à domicile deviennent peu à peu accessible à des seniors d’origine étrangère. Différents centres de service locaux Bruxellois cherchent à collaborer avec de organisations ou des figures clé. La Maison Biloba dans le quartier Brabant est un projet de logement interculturel et un pionnier dans les logements sociaux. Dans les cercles religieux il y a également du mouvement, et il y a tout aussi bien des organisations où la diversité est tellement évidente qu’ils ne s’en vantent pas. En dépit de ces évolutions positives, nous constatons que beaucoup de seuils restent élevés. • La plupart des gérants d’instituts de soins sont blancs et de classe moyenne ou pensent à travers cette perspective. Cela a une forte influence sur la culture au sein de l’entreprise. En quelle mesure est-ce qu’ils investissent dans les services de soins culturellement sensible, dans l’inclusion des personnes vulnérables, dans la diversité? • La plupart des seniors dans les services de soins sont blancs alors que le nombre de nos seniors avec des antécédents de migration augmente. En quelle mesure les services aux seniors prennent-ils en compte les besoins et la culture de ce groupe grandissant? • Beaucoup de personnel dans les services de soins aux seniors a une origine étrangère et a un niveau d’éducation élevé. Que leur diplôme ne soit pas reconnu en Belgique leur donne beaucoup de frustration. Une étude a démontré qu’un tiers des femmes subsahariennes a déjà travaillé en tant que femme de ménage, baby-sitter ou aide-ménagère malgré leur diplôme. Quand est-ce que le marché de l’emploi sera-t-il facile d’accès pour elles? • Pour finir, il y a un problème indéniable de temps dans le secteur des soins. Les tâches urgentes du quotidien ont la priorité, ce qui fait que la réflexion et le travail autour de la diversité sont très vite mit à l’écart. Mais il y a beaucoup de bonne volonté et pour beaucoup de centres de soins c’est l’unique futur. Het Kenniscentrum WWZ (Service d’expertise sur le bien-être, le logement et les soins) veut continuer à investir dans le processus de changement et offrir un soutient. Avez-vous des questions ou des idées. Prenez contact avec nous 13 pour un entretien d’orientation.”
Qu’est-ce qu’une auto-organisation? Les auto-organisations pour minorités ethnoculturelles • ont été crée par des Belges d’origine étrangère, • répondent aux besoins et à la dynamique de leur communauté et sont des lieux de solidarité, de confiance et de proximité pour les membres, sont ouvertes à tous, organisent des rencontres et des dialo• gues, créent des ponts avec la population belge, • gardent le contact avec leur pays d’origine et les changements qui ont lieu là-bas. La gestion et le personnel de ces organisations appartiennent toujours à une minorité culturelle. Souvent ce sont des bénévoles. Les premières auto-organisations ont vu le jour après la seconde guerre mondiale, lorsque les flux migratoires d’Italiens, de Grecs, d’Espagnols, de Turcs et de Marocains ont débutés. Les auto-organisations font partie du travail socioculturel pour adultes. • Chaque organisation à Bruxelles et en Flandre doit être membre d’une fédération. Ces fédérations reçoivent des subsides du gouvernement. La plupart des fédérations sont membres du forum des minori• tés, le porte-parole et le défenseur du secteur et des communautés migratoires.
Le nombre d’organisations augmente aussi bien en Flandre qu’à Bruxelles Les fédérations actives à Bruxelles se trouvent sur www.minderhedenforum.be • www.kenniscentrumwwz.be/wegwijs > Het Brussels Zakboekje • www.desocialekaart.be •
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KOTOSA (le film) “Dans la culture de mes origines, la personne âgée est une personne qui est respectée par toute la société. On dit même «La personne âgée est une bibliothèque» ça veut dire que c’est la où on va s’inspirer , c’est la où on va apprendre. C’est quelqu’un qui a vraiment une place de choix au sein de la société.” Le film se pose des questions sur les soins professionnels du 21ème siècle, des soins interculturelles, de la discrimination dans le contexte du travail. Le film est une invitation à la réflexion et invite au dialogue actif. Le but finale c’est une soin universelle, basée sur le dialogue et par respect de tous nos différences et nos besoins personnels! Kotosa est un documentaire au sujet du vieillissement dans la ville de Bruxelles multiculturelle. Ce film a été réalisé en collaboration avec l’asbl le Manguier en Fleurs, une auto-organisation des Bruxellois ayants des origines africaines. Le manguier est le symbole d’une communauté qui se soutient solidairement et discute des sujets importants de manière démocratique. Les seniors, les sages, aussi bien les hommes que les femmes, jouent un rôle crucial sous l’arbre à palabres. Kotosa donne la parole à quatre femmes nées au Congo, au Rwanda et au Cameroun. Elles ont une riche expérience dans les services de soin belges et posent des questions pertinentes. Que signifie reçevoir des soins dans un tout autre contexte que celui dans lequel tu es né et tu as grandi? Comment les prestataires de soins d’origine africaine se positionnent à ce sujet dans le contexte bruxellois? Qu’est-ce que notre culture occidentale peut-elle apprendre d’autres cultures? Comment pouvons-nous chérir les différences, aller à l’encontre des discriminations et apprendre à vivre avec la diversité? Dans ce cahier, ces questions sont approfondies.
Kotosa apporte un message universel sur la diversité et les soins au 21ème siècle. Ce film et le cahier poussent à la réflexion au sujet des normes, des valeurs et des préjugés dans le secteur des soins et invitent au dialogue et au changement.
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KOTOSA
Palavers onder de mangoboom Le domaine des femmes sages Un documentaire concernant le soin au 21ème siècle https://vimeo.com/201641625 - (mot de passe : KOTOSA) (20’) Réalisation et montage Ronnie Ramirez Valentin Fayet, Lucas Lecomte, Maxime Kouvaras Musique Seidlitz, Stefaan Plysier en Yves De Wulf Photos dans le film Fabrice Kada Production Ann-Sophie Guillaume Coproducteurs Le Manguier en Fleur (l’Ancien) Brusselse Welzijns-en Gezondheidsraad (BWR) Le film allait en première le 30/11/2016. Avec sous-titrage en Français, Néerlandais, Anglais ou Espagnol. Vous pouvez montrer le film dans votre association, classe ou événement. Ce cahier est une guide éducatif pour le débat apres le film. Suivez nous aussi sur Facebook https://www.facebook.com/kotosafilm/ Contact Els Nolf Kenniscentrum WWZ Rue de Laeken 76, 1000 Bruxelles kotosa@kenniscentrumwwz.be
Met steun van 17
Bilong
Comment agir avec film? Le film Kotosa aborde des thématiques sensibles: le respect pour les seniors, la discrimination sur le lieu de travail, les différences culturelles dans le secteur des soins. Ces thématiques font de ce film un outil adéquat en tant qu’introduction lors d’une discussion au sujet des soins culturellement sensibles. Cela peut se faire avec divers groupes: le personnel soignant, les étudiants en formation, les seniors dans un service de soin ou dans un maison de repos, les jeunes dans l’enseignement, les dirigeants politiques et les managers dans le secteur des soins. Le changement commence lorsqu’on réfléchit ensemble à ce qui est possible. Aborder un sujet sensible ne va pas de soi. Quelques règles de jeu peuvent vous y aider. Écoutez activement. Posez des questions ouvertes. Ouvrez-vous aux sentiments des autres. Essayez de voir l’histoire des autres sous un nouvel angle. Exprimez votre propre vision comme message personnel et non comme étant la norme. En parlant ensemble, de manière ouverte et constructive, les perspectives et la sensibilité grandissent. Nous rassemblons ici quelques questions qui peuvent vous aider à entamer une discussion.
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Petit guide pour un compte rendu en groupe afin de réfléchir ensemble au différentes approches interculturelles dans les soins pour séniors • • • • •
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Comment ressentez-vous le film? Qu’est ce que cela suscite chez vous? Quels sont les thèmes universels abordés dans le film? Classez ces thèmes par ordre d’importance. Pourquoi choisissez-vous ce classement? La dignité est le rêve de tous. Comment cela pourrait-il se réaliser? Avez-vous déjà eu une expérience (positive ou négative) dans un service de soins aux seniors? Avez-vous déjà entendu une anecdote émouvante ou navrante? Avez-vous déjà subi une discrimination à cause de votre aspect physique? Comment les personnes d’une autre culture pourraient-elles se sentir mieux dans un centre de service de soins? Quel est selon vous une fin de vie idéale?
Quelques questions pour les (futurs) prestataires de soins une invitation à garder l’œil critique sur sa propre pratique, son cabinet •
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Dans quelle mesure y a-t-il une mixité dans votre personnel? En quelle mesure y a-t-il une mixité chez vos clients? Que remarquez vous? Qu’est-ce que le racisme dans les services de soin, qu’est-ce que ce n’est pas? Quels sentiments cela suscite chez vous? Comment vous vous accommodez à cela? Que sont des préjugés? Comment travaillez-vous en ayant vos propre préjugés? Souvent les seniors ou patients d’autres cultures sont dirigés vers le personnel de soin ayant une origine étrangère. Est-ce un comportement discriminatoire ou au contraire une offre adapté au soin médical? Comment un prestataire de soin ayant une origine étrangère doitil se comporter lors d’agissements ou paroles racistes? Relativiser? Nier? Aller à l’encontre? Quel rôle les prestataires de soin d’origine étrangère peuvent ils jouer dans les services de soin? Quels sont les éventuels avantages, les inconvénients, les pièges à éviter? Est-ce que les institutions doivent s’ouvrir explicitement aux personnes d’autres cultures ou non? Par exemple: un menu interculturel, un programme de loisir diversifié, un espace de rencontre des cultures.
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Lorsqu’une personne à une plainte au sujet de la qualité des soins dans votre organisation, est-ce qu’il y a un lieu où elle peut se rendre pour cela? Existe-t-il des protocoles? Y a-t-il une personne de confiance? Est-ce que cela a des conséquences sur votre organisation? Quel rôle un médiateur interculturel pourrait-il jouer dans votre service de soin? Connaissez-vous des auto-organisations? Ou des figures clé issues des minorités ethnoculturelles? Quel rôle pourraient-elles jouer dans votre organisation? Quelles possibilités ou difficultés voyez-vous? Combien de fois avez-vous écouté l’histoire biographique d’un senior ou d’une personne d’origine étrangère? Que pouvez-vous apprendre d’autres cultures de soins? Que signifie pour vous ‘une vision holistique’ dans les services de soin? Les soins sont en soi universel, avec le respect pour chaque personne. Débattez au sujet de cet énoncé.
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Je veux construire des ponts entre deux mondes ZinTV … • est un collectif de professionnels de l’audiovisuel, de journalistes, cinéastes, régisseurs et pédagogues qui voient la télévision comme un instrument pour changer la société, • croit en la participation citoyenne afin de pouvoir aborder le potentiel créatif de divers groupes de population et de les aider dans leur émancipation, • travaille toujours avec les ‘zinnekes’, les habitants de la ville multiculturelle de Bruxelles • réalise des films, vidéos, documentaires, cinéma indépendant et programmes éducatifs, • organise des ateliers et formations comme: écriture de scénarios, reportages sociaux, cinéma politique, réalisation de documentaires,... • a des partenaires en Afrique et Amérique du sud • diffuse via son site web, et n’a pas de revenus publicitaires www.zintv.org
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“Mon père était un prisonnier sous le régime du général Pinochet. Avec l’aide d’Amnesty International, en 1975, il a pu venir à Anvers en tant que réfugié politique. J’avais alors 4 ans. En tant que Belge avec des racines Chiliennes, je fais partie de l’histoire de migration de notre pays. Avec mes films j’essaye de construire des ponts entre deux mondes.” Les femmes dans le film mettent la main sur une blessure douloureuse dans les services de soin. Pas tout le monde veut voir la réalité en face. C’est pourquoi elle prennent des risques afin de mettre en évidence cette vérité inconfortable. Elles nous mettent en face d’un miroir. Le film raconte une histoire à voix multiples, construite à partir du point de vue des femmes. Elles racontent comment le passé colonial se fait encore ressentir aujourd’hui dans leur vie quotidienne et leur travail dans les services de soin. En tant que réalisateur, j’approche le colonialisme de manière non-frontale; sinon le film serait un pamphlet. Le spectateur est interpellé en tant qu’homme, quelqu’un ouvert à l’histoire des autres et se sentant socialement coresponsable. Peut-être suis-je naïf ou idéaliste, mais j’espère que ce film aura une influence sur le secteur des soins et sur la manière d’approcher les personnes d’origine étrangère. Lorsque ma famille s’est installée en Belgique, nous avons reçu beaucoup d’aide des voisins. Étant enfant, cette solidarité m’a beaucoup touchée. C’est ce sentiment de compassion que je souhaite transmettre aux autres. Dans mon travail je tente d’appliquer cela en me mettant à la place des autres. Je me suis réuni de nombreuses fois avec les personnages du film. Je ne peux pas me mettre à leur place, mais j’ai écouté leurs histoires. Faire ce film a été un processus collectif. Grâce à cela, j’ai appris beaucoup de choses, également au sujet de mes propres préjugés. Si je prétends vouloir combattre la pensée coloniale, je dois le faire en premier lieu chez moi-même. Sinon, je ne pourrais pas transmettre un message authentique au spectateur.
Lorsque tu fais un film, on te donne souvent peu de temps. Il faut avancer, on est payé à l’heure. Prendre son temps se fait au dépens des budgets. C’est une malédiction dans notre secteur. Mais que faire avec ces personnes âgées? Vas-tu écouter? Y a-t-il assez d’espace pour discuter? Je suis reconnaissant que ZinTV m’ai donné l’occasion de prendre le temps nécessaire, au rythme des dames. À chaque étape de la production il y avait des discussions collectives. Il y avait beaucoup d’attention pour le processus cinématographique. On posait quelques questions
difficiles auxquelles on ne pouvait pas répondre comme ça. À chaque fois, nous les avons élucidées par le dialogue et le respect. Chaque personne ayant participé à ce film, a dit avoir eu une expérience agréable. Le fait d’avoir pu prendre notre temps, nous a donné un grand bénéfice – pas en chiffre mais en qualité. Nous voulions montrer un aspect de notre société que beaucoup ne veulent pas voir. Et nous avons fait cela ensemble, avec beaucoup de soin.” 21
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Kotosa est une invitation à la réflexion Soigner, c’est un acte universel. Le soignant fait ça en portant des valeurs universelles. Mais travailler avec des minorités – que ce soit avec des personnes d’origine étrangère, ayant un handicap ou étant vieilles – est à chaque fois une confrontation avec ses propres normes et valeurs, ses propres préjugés et sa propre culture. C’est exactement ce que fait le film Kotosa place un miroir devant ceux qui sont dans le secteur des soins et invite à la réflexion. En quelle mesure sommes-nous respectueux envers les seniors d’autres origines culturelles ? Et comment nous ajuster à cela?
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Parler au sujet de la discrimination et du racisme, aide Toutes les femmes dans le film témoignent au sujet de la discrimination quotidienne sur le lieu de travail, au sujet de petits ou grands incidents contre lesquels elles doivent s’armer en permanence. Elles ont déjà vécu cela lors de leurs études et formation, lors de postulations et recrutement, en étant employée ou dirigeante. Leurs expériences sont confirmées par des études. Le racisme est interdit par la loi. Mais la discrimination quotidienne se ressent dans de petites choses et elle
est souvent difficile à saisir. Comment le secteur des soins peut-il gérer cela de manière appropriée, préventive et curative? La première étape est de reconnaître les faits. Le racisme et la discrimination jouent également un rôle dans le secteur des soins. Cela ne se présente pas toujours de manière univoque et pas tout le monde le ressent de la même manière. C’est pourquoi il est important de chaque fois prendre en compte ce qui est en jeu. Quelques exemples : • À chaque fois, il arrive que des seniors refusent de se faire soigner par une infirmière noire. Est-ce qu’ils pensent qu’elle est moins compétente? Ou est-ce que c’est parce qu’il ne l’ont encore jamais vue et ne sont pas familiarisés avec elle? Les infirmières blanches ont également connu des situations dans lesquelles elles se sentent rejetées. Quel est la raison de ce rejet: la discrimination ou l’incertitude? • Les seniors africains se sentent souvent mal traités ou niés par le personnel soignant. Sont-il véritablement les derniers sur la liste parce qu’ils sont noirs? Sont-il traités de manière inégale à cause de leur origine? Ou est-ce que le personnel soignant a peu de temps pour parler avec tout le monde? Parler au sujet de tels incidents n’est pas libre de valeurs. C’est une matière sensible. Parler au sujet du racisme est souvent blessant et peut être polarisant. Ce qui est de la discrimination pour l’un, ne l’est par pour autant pour l’autre. Souvent on reproche assez vite que quelqu’un est sensible ou se met dans le rôle de la victime. En parler peut être enrichissant. Cela demande beaucoup d’effort de se mettre à la place de l’autre, de laisser l’espace pour d’autres visions et de ne pas imposer ses propres sentiments comme étant la norme. La communication non-violente est une aptitude essentielle dans notre société diverse.
Offrez l’intervision Celui qui soigne les autres, doit en premier lieu prendre soin de soi. Dans beaucoup de métiers de soin il existe une longue tradition d’intervision: échanger les expériences, partager des moments difficiles, discuter des goulots d’étranglement, donner du feed-back et en recevoir. Les membres du personnel qui peuvent partager leurs interrogations et leurs soupirs en toute confiance, se soutiennent mutuellement afin d’offrir tout les jours un soin de qualité. Donne-t-on assez de temps et d’espace à cela? À chaque discussion du film avec les prestataires de soin, le besoin d’intervision se manifeste. Deux exemples : • Une étudiante infirmière d’origine africaine témoigne:’ À chaque fois que je rentre chez une dame africaine je me sens limitée. Parce qu’elle me voit comme une infirmière africaine, avec toutes les attentes culturelles qui vont avec – chez une infirmière belge elle n’a pas ces attentes, parce qu’elle ne connaît pas l’Afrique. Étant plus jeune, je me dois de montrer du respect pour les seniors, ce qui signifie en fait que je ne peux pas la soigner. En Afrique les seniors sont soignés par des personnes d’une même tranche d’âge. Lorsque c’est une personne plus jeûne qui le fait, cela est considéré comme humiliant. Je sais que je serai de toute façon en défaut. Avec les seniors belges, je n’ai pas cette timidité.’ • Une stagiaire d’origine africaine raconte qu’une dame blanche disait qu’elle ne voulait pas être soigné par une noire. Là-dessus, une fille belge témoigne qu’elle a également déjà été refusé par une dame marocaine. Sa question était claire: ‘Si le premier exemple est du racisme, est-ce que le second l’est également?’
Avez-vous des question d’intervision au sujet des soins interculturelles? • Le Steunpunt cultuursensitieve zorg (service de soin et d’aide interculturelle) offre des intervisions ouverts. • N’hésitez pas de chercher des personnes clés, des témoins, ou des organisations comme le Manguier-en-fleur. Ils sont experts de leur public cible et peuvent vous guider.
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La question de l’intervision est ‘comment gérer cela’? Les patients préfèrent souvent quelqu’un qu’ils connaissent, une personne familière. Il y a aussi des sensibilités personnelles qui jouent un rôle: la honte, la question homme-femme, l’intimité, avoir la même langue, avoir la même conviction religieuse, etc. En quelle mesure faut-il en tenir compte? Comment réagir face à l’humiliation, ou le préjugé qu’une personne serait moins compétente à cause de son origine ou sa couleur de peau? La formation des prestataires de soins ne se limite pas à leurs études, surtout lorsqu’il s’agit de différences culturelles. La meilleure formation est de travailler avec leur expérience, l’échange, la réflexion et l’intervision.
Partager vos histoires L’écoute active est une compétence centrale dans le travail social et les soins. Dans notre société super-diverse cela a une dimension supplémentaire. Laisser les gens raconter leur histoire est un signe de reconnaissance et de respect. Cela touche leur être et leur dignité. Les seniors regardent souvent en arrière vers leur enfance. L’environnement dans lequel ils ont grandit influe sur la manière dont ils vivent leur vieillesse. Les seniors avec un passé de migration avaient en tant qu’enfant une autre image de leur vieux jours que ce que la société occidentale leur donne. Afin de comprendre les besoins des personnes, leurs réactions et leur comportement et afin d’éviter les malentendus, leur histoire est souvent la clé de la compréhension.
Combien de parents et grands-parents nés belges n’ont ils pas vécus la Deuxième Guerre mondiale, et ont été marqué par cela dans leur enfance? Aussi, la migration est souvent une expérience traumatique. Quelles sont les conditions qui poussent quelqu’un à quitter son pays natal? Pourquoi les gens partent – guerre, pauvreté, persécution politique? Que laissent-ils derrière eux? Comment se passe leur voyage? Quelles sont les drames qu’ils ont
vécus dans leur pays natal ou en chemin? Comment sont-il arrivés ici, par hasard ou non? Comment ont-ils essayé de reconstruire une nouvelle vie dans un nouveau pays? À quel point sont-ils marqués par l’adaptation et le mal du pays? Migrer laisse toujours des traces. Les gens portent cela en eux jusqu’à leurs vieux jours.
Dans notre société super-diverse nous vivons de plus en plus avec des personnes qui ne partagent pas la même histoire que nous. L’histoire patriotique qui est enseignée dans les écoles belges, diffère énormément de celle d’une grande partie de la population. Chez les senior blancs, pour qui le Congo était une colonie, il y beaucoup de préjugés ancrés. Alors que chez les seniors congolais, le passé colonial influe encore fortement. Ou les génocides rwandais. Nous savons tous qu’ils ont eu lieu, mais qu’est-ce que cela signifie pour une personne qui les a vécues, qui a dû fuir, dont la famille a été tuée, qui ne peut toujours pas y retourner en sécurité? Les migrants viennent souvent de pays avec une instabilité politique et portent en eux toute un histoire. Nous pouvons nous comprendre uniquement si nous sommes ouvert à l’histoire de chacun et à la réalisation que chacun veut pour avoir une vie pleine de sens.
Intéressé par les histoires? • Plusieurs organisation de formation offrent une formation continue en storytellling. • Si 24 vous avez une question concrète, vous pouvez vous rendre au Kenniscentrum WWZ. Nous allons à la recherche d’un partenaire qui peut répondre à vos questions.
Reconnaissez l’expertise ‘Il ne faut pas une seule vision générale en ce qui concerne la diversité dans les services aux seniors. ‘Par le fait que nous sommes de plus en plus diversifié, nous devons essayer différents modèles’, dit mme Mayele dans le film. Il n’y a pas un seul chemin pour les services aux seniors. Il n’y a pas le modèle idéale ! Dans son asbl Le Manguier en Fleurs, mme Mayele suit plusieurs voies. Ils travaillent avec les mamans ensemble et sont en contact avec le centre de service local tout près. C’est une approche mixte. Leurs activités de bénévolat, les cours de langue et les petits déjeuners collectifs sont multiculturel et intergénérationnel. Ils travaillent de manière inclusive, pour une multitude de nationalités, pour des personnes avec ou sans papiers, tout le monde est le bienvenu. Le Manguier en Fleurs est avant tout une organisation de proximité. Beaucoup d’auto-organisations jouent un rôle unifiant. Les asbl se sont construites en amont et sont pour les groupes vulnérables un pont vers la société. Presque inaperçu, elles forment un maillon important; comme porte d’accès, réseau d’information, base de confiance et lien vers le secteur des soins et du bien-être.
Le rôle sociétal de ces organisations demande beaucoup d’attention et de soutien du gouvernement. L’impact social de leur travail est -selon notre expérience – incomparable dans notre ville super-diversifié. Elles atteignent les nouveaux arrivants, les gens avec un statut précaire, beaucoup de jeunes et seniors. Les questions de soins qui leurs sont adressées sont souvent d’un autre ordre. Chez les seniors subsahariens par exemples il y a une grande présence d’hépatite B, de sida, de drépanocytose. Les femmes de certains régions sont souvent confrontés à des mutilations génitales. Il y a beaucoup de tabou au sujet des handicaps. Certains auto-organisations ont expertise dans ces domains. Par contre, ils ne sont pas familiarisés avec les maladies liées à la vieillesse tel que la démence. Le travail dans ces auto-organisations se fait surtout par des bénévoles, avec peu ou pas de moyens. Sans base financière suffisante, beaucoup d’énergie se perd dans la survie. La certitude d’une infrastructure de base ferait une grande différence. Notre expérience nous apprend que ces organisations, de par leur autonomie, ont construit une grande expérience dans le vivre ensemble multiculturel. Donnons leur assez de soutient, afin que nous puissions apprendre et qu’elles puissent réaliser leur fonction de maillon.
En tant qu’auto-organisation, avez-vous besoin de soutien au sujet des soins et du bien-être? • Le Kenniscentrum WWZ peut vous aider à trouver le bon partenaire pour vous soutenir. 25 • Nous pouvons vous soutenir lors de la réalisation de nouveaux projets.
Habitants subsahariens à Bruxelles La partie de l’Afrique se situant en dessous du Sahara compte plus de quarante pays, elle est plus grande que l’Europe et connaît également une grande diversité. En Belgique, le groupe le plus grand de migrants subsahariens vient du Congo. Cette affluence a commencé après 1960, à la fin de la période coloniale. À Bruxelles, ils se situent à la 10ième place des nationalités les plus présentes. Les migrants du Cameroun, de la Guinée et du Rwanda sont également bien représentés en Belgique et à Bruxelles.
Plus grands groupes d’habitants d’origine subsaharienne en Belgique (2014)
Habitants
Ayant la nationalité étrangère + naturalisation
1. France
63.507
2. Maroc
38.274
République Démocratique du Congo
20.069
56.991
3. Roumanie
36.690
4. Italie
32.322
Cameroun
10.060
15.769
5. Espagne
28.042
7.346
11.154
6. Pologne
26.399
Rwanda 3.288 12.740 Source: Registre national/DG Statistic Belgium analysé par le Centre de recherche en démographie (UCL) et Myria
7. Portugal
19.791
8. Bulgarie
11.371
9. Allemagne
10.527
Habitants subsahariens à Bruxelles
28.652
Les statistiques bruxelloises tiennent uniquement compte de la nationalité des habitants. Beaucoup de bruxellois d’origine subsaharienne ont cependant la nationalité belge. Leur nombre est donc plus élevé que ce qui est démontré par ces chiffres.
10. République Démocratique du Congo
8.846
Guinée
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ayant la nationalité étrangère
Nombre d’habitants ayant une nationalité étrangère à Bruxelles (2016)
Guinée
5.243
Cameroun
3.795
Rwanda 1.105 Source: IBSA – institut bruxellois de statistique et d’analyse
Répartition des habitants de nationalité Subsaharienne à Bruxelles (2016)
19 gemeenten
Nationalité des seniors Bruxellois
Population Habitants totale sub-Sahariens
Bruxelles
178.552
5.543
Schaerbeek
132.590
3.748
Anderlecht
117.412
3.549
Molenbeek-Saint-Jean
96.586
2.891
Ixelles
85.541
2.337
Saint-Gilles
50.659
1.370
Forest
55.613
1.289
Jette
51.426
1.084
Saint-Josse-Ten-Node
27.402
1.026
Uccle
81.944
1.101
Woluwe-Saint-Lambert
54.311
846
Evere
39.556
688
Etterbeek
48.180
772
Koekelberg
21.638
545
Auderghem
33.161
428
Berchem-Sainte-Aghate
24.224
424
Ganshoren
24.269
410
Woluwe-Saint-Pierre
41.207
370
Watermael Boitsfort
24.619
231
1.187.890
28.652
Région de Bruxelles Capitale
Source: IBSA – institut bruxellois de statistique et d’analyse Lorsque les chiffres du Brabant-Wallon et du Brabant-flamand sont pris en compte, presque la moitié des habitants ayant la nationalité subsaharienne (37.988) habite à Bruxelles et environs.
Nord-Ouest UE
Nationalité actuelle (2015)
Nationalité de naissance (2011)
55-64j
65+
65+
8.287
7.776
8.149
Sud UE
10.265
10.130
10.509
Est UE
3.786
819
1.726
RestE de l’Europa Maghreb Turquie Autres Pays Total non-belge TOTAL partie
775
608
1.897
3.098
4.193
11.376
846
1.072
2.477
3.359
2.084
5.177
30.415
26.682
41.311
112.801 155.336
152.454
27%
17%
27%
Source: (2011) Lodewijckx, studiedienst Vlaamse gemeenschap, 2013 (2015) IBSA-Institut Bruxellois de Statistique et d’Analyse
En 2015, 27 pour cent des Bruxellois de 55 à 64 avaient une nationalité étrangère. De ce fait, le nombre de seniors bruxellois ayant un passé de migration augmentera fortement dans les 10 prochaines années. De plus, de nombreux bruxellois avaient par exemple la nationalité marocaine ou turque à la naissance, mais sont entre-temps naturalisés. Ils n’apparaissent pas dans les statistiques.
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Hélène Mavar (50 ans) est née à Lubumbashi et a fait un graduat en pharmacie à Kinshasa. Lorsque le président Mobutu a fermé l’université pour une durée indéterminée, elle est venue continuer ses études à Liège, où elle a fait un DEA en chimie des substances naturelles, elle a un doctorat de l’Université Catholique de Louvain dans le même domaine (qui concerne les plantes médicinales). Elle fait régulièrement l’aller-retour entre la Belgique et le Congo.
Dans mon domaine professionnel le Congo est le paradis
“Dans mon enfance je souffrais de sinusite. Lors de crises qui duraient jusqu’à 3 semaines, je devais prendre des antibiotiques et des anti-inflammatoires, c’était vraiment une épreuve. Un jour ma grand-mère était là pendant une crise, elle est allé cueillir des plantes, on a fait une décoction et m’a fait inhaler les vapeurs. Trois jours après j’étais sur pied! Pour moi, c’était un miracle. C’est alors que j’ai décidé de faire de l’usage des plantes médicinales mon métier. À chaque fois que ma grand-mère nous rendait visite, elle me montrait de nouvelles plantes et me disait leurs usages. La sinusite étant une maladie chronique, malgré les traitements de ma grand-mère, je faisais encore quelques fois des crises. Mon père est pharmacien, professeur à l’université, un guérisseur qui voulais le con-
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vaincre de ses talents, a proposé de me guérir de ma sinusite: il m’a donné 2 gouttes dans chaque narine, ensuite je ne pouvais plus rien avaler mais cracher tous les écoulement des narines qui entraient dans ma gorge, après une heure et un grand volume de cracha. Il a promis que je n’aurai plus de sinusite pendant cinq ans, et c’est ce qui est arrivé. Même lorsqu’il faisait très froid, je n’étais jamais enrhumée. Il m’avait dit qu’avec un deuxième traitement une semaine plus tard je serai vaccinée à vie. Malheureusement il devait partir. Je l’ai revu plus tard, mais alors il n’avait plus les plantes avec lui. Je ne sais toujours pas quelles sont les plantes qu’il a utilisées. Après mes études à Liège, j’ai d’abord travaillé en tant que pharmacienne, dans une officine et à l’hôpital. Pendant mon doctorat, j’ai com-
Els Nolf: “On ne peut pas penser ‘nous les occidentaux, nous ne sommes plus là-dans, nous sommes rationnels’, alors qu’en Afrique l’animisme bat son plein. Chez nous aussi, on regarde la santé de manière irrationnelle: les médecines alternatives, les interprétations de mauvais rêves, les problèmes psycho-sociaux, l’utilisation de tarot, l’homéopathie, la médecine naturelle traditionnelle, les chakras, l’utilisation de bougies,... même les nouvelles tendances en matière d’alimentation semblent des religions, avec des diagnostics et remèdes. Dans l’occident, également, la recherche d’un point d’appui et de sens ainsi que l’explication des maladies et de la santé va au delà des traitements médico-techniques.”
mencé à travailler dans le secteur des cosmétiques et des suppléments alimentaires. Maintenant, je suis consultante indépendante en matière de règlementation et de recherche de développement dans ces secteurs. Je donne également cours à l’ULB sur les matières grasses utilisées en cosmétiques. De nombreuses molécules chimiques et quasi la moitié des médicaments contiennent des actifs dérivés ou inspirés de plantes. Je suis également professeur à l’université de Kisangani. Le fait de vouloir étudier les plantes médicinales n’était pas très recherché il y a 20 ans. Mais de nos jours, l’industrie y prête beaucoup plus d’attention. Je fais beaucoup de travail de terrain au Congo: des excursions avec les étudiants, des prises de contact avec les guérisseurs. Dans les marchés, je vais toujours à la recherche des coutumes locales. Dans mon domaine professionnel le Congo est pour moi le paradis. Afin de payer mes études, j’ai travaillé comme étudiante dans une maison de repos. Tout comme au Congo, je témoignais beaucoup de respect envers les seniors. Je les aidais avec de petites choses, je leur posais des questions sur le passé et leur vie j’avais toujours une oreille attentive. Ils en étaient très heureux qu’on s’intéressait autant à eux, bien que certains devaient s’y habituer. Parfois, il y avait des seniors qui ne voulaient pas que je les touchais, ils me trouvaient « sale ». En Belgique il y a beaucoup d’infirmières africaines, dans la majorité des hôpi-
taux et beaucoup de maison de repos. Et bien qu’on ne peut pas se passer d’elles, elles sont encore confrontées à de tels rejets. Heureusement cela change souvent une fois que les personnes se connaissent.
En 2016,le ministre de la Coopération au développement a remis pour la première fois le prix ‘Digitalisation pour le développement’. Hélène Mavar était une des lauréats.
Le racisme est une constante dans notre vie. À l’université, un prof m’a dit mot à mot: ‘chez moi les noirs n’ont jamais réussi.’ Heureusement, j’ai tout de même réussi à passer. Lorsque je cherchais un lieu de stage, plusieurs pharmaciens n’ont pas voulu me prendre comme stagiaire parce que disaient ils » les clients ne viendraient pas ». Lors de mon stage, il y avait souvent des personnes qui ne voulaient pas être servies par moi. Selon eux, une noire ne pouvait pas être une bonne pharmacienne. On n’attend pas d’une noire qu’elle conçoit de nouveaux produits plutôt qu’elle de vendre des cosmétiques. Le fait d’être hautement qualifiée, crée de la résistance. Aussi longtemps que certains bénévoles à l’hôpital pensaient que je travaillais dans la cuisine ou pour l’entretien, ils étaient très aimables. Mais dès qu’ils savaient que j’avais une fonction importante, ils se détournaient de moi quand ils me voyaient arriver. Leur amabilité était vraisemblablement due à une position inconsciente de supériorité. Il semble toujours exister une sorte de gradation mentale de supériorité et d’infériorité. Quand j’étais étudiante, quand j’allais boire un verre, il est arrivé que je ne sois tout comme d’être dépassée intentionnellement dans un rang. Depuis plus de 25 ans que je suis ici, cela c’est bien amélioré, mais on est
Le rapport du jury: “AksantiMed est un partenariat entre l’ULB, l’Université de Liège, l’Université de Kinshasa et SOS Médecins de Nuit, pour lutter contre les faux médicaments. Chaque année, 120.000 Africains décèdent après avoir consommé des médicaments issus de la contrefaçon. AksantiMed est une application mobile qui permet aux patients de contrôler l’authenticité d’un médicament. Les patients peuvent vérifier par sms ou via l’appli AksantiMed le code numérique à 12 chiffres imprimé sur le médicament. En validant le code, le patient reçoit automatiquement des informations sur le produit (type, nom commercial, date d’expiration, rappel ou avertissements de santé). Tant les patients, les pharmaciens que les opérateurs télécoms sont impatients de voir les premiers tests d’AksantiMed.”
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encore loin du monde idéal. Non pas que je m’en soucie constamment, sinon on se retrouve dans un spirale descendante. Je ne veux pas perdre mon temps à cela, je préfère en rire. Bien que parfois il m’arrive d’exploser. Récemment, quelqu’un s’est mis à insulter ma mère de ‘bougnoule’ sans raison. C’était trop. J’ai crié très fort, tout le parking m’a entendu! Si tu te laisses faire à chaque fois, tu n’as plus de vie. Nous sommes forts dans notre mental, il le faut bien. Il faut constamment s’armer contre les micro-agressions. Je garde tout de même comme point de vue: ‘J’ai quitté mon pays, c’était mon choix. Je dois donc accepter que les choses soient telles qu’elles sont ici.’ Tout en essayant de les changer dans la mesure de mes moyens. Mais aujourd’hui il y a beaucoup de tension dans la société.
Une autre vision sur la maladie et la santé Hélène Mavar: “Un médecin occidental parle surtout de symptômes et de pathologies, de manière très technique. En Afrique, un vrai guérisseur essaye d’abord de comprendre au niveau psychologique. Il demande comment vous allez, comment va votre famille, comment ça se passe au travail, s’il y a d’éventuels problèmes... ce n’est qu’à la fin que la maladie est abordée. Même avec les médecin moderne il y a souvent une conversation autour de la maladie. Ici, on a souvent l’impression que le médecin ne s’intéresse pas à vous, mais juste à votre maladie. Quand on n’est pas habitué à cela, ça fait bizarre.
Mais tout évolue. Là où la science prenait comme départ la séparation du corps et du psychologique , on va de plus en plus à la recherche du lien entre les deux. Une crise d’hypertension par exemple, va souvent de pair avec des problèmes émotionnels. Alors les médicaments ne suffisent pas toujours. Le burn-out est souvent accompagné de douleurs articulaires voir de fièvre, mais est en fait le reflet de son positionnement dans la vie et la place qu’on donne à son travail. La science accepte de plus en plus que la maladie et la santé traitent de la personne en sa totalité: de son histoire, de ses convictions, de la manière dont elle ressent son corps, de quel sens elle donne à sa vie. Cette nouvelle vision dite « holistique » de la santé se rapproche de la vision que nous connaissons en médecine traditionnelle en Afrique. La croyance en des forces spirituelles de la nature est plus vieille que l’islam ou le christianisme. Les guérisseurs animistes s’accordent à la personne. Lorsqu’un patient croit fortement dans le rôle que joue ces ancêtres il va impliquer cela dans le remède. Parce que si les esprits ne sont pas contents, il ne guérira pas. Si un patient ne croit pas en cela, il donnera une explication plus technique. La médecine dite « holistique” semble , à mon avis, être un équilibre entre l’approche technique, occidentale et l’approche traditionnelle africaine. Que cette approche gagne du terrain est pour moi assez positif.
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Il y a par ailleurs beaucoup de ressemblances entre l’animisme et le bouddhisme. Ils croient qu’après la mort, l’esprit revient sous une nouvelle apparence.la façon dont on reviens, dépend de la manière dont tu as vécu. Il faut toujours s’impliquer afin d’améliorer sa prochaine vie. Dans l’animisme on revient toujours en tant qu’homme et ce sont plutôt les liens de famille, et les ancêtres ont une influence sur les vivants. Chez nous, l’esprit est pratiquement aussi important que la vie que l’on mène. Il y a la croyance que les morts vivent avec nous, même si ça fait souvent peur et que ce qui vit (chaque animal, chaque plante et chaque homme )est ‘animé’ d’un esprit. Qu’ils sont seulement une apparition différente de la vie.“
Edwige Abena (50 ans), originaire du Cameroun, est arrivée en Belgique à l’âge de vingt ans avec une bourse pour les études de médecine. Elle a finalement opté pour la biologie médicale appliquée, qu’elle a complété par un master en santé publique puis par un master complémentaire en santé et développement. En recherche de travail pour pouvoir financer ses études complémentaires et subvenir à ses besoins quotidiens, elle s’est vu contrainte à faire du nettoyage dans des maisons de repos pour personnes âgées. Toutefois, ce travail lui a permis une reconversion vers une carrière dans le secteur des soins.
Je voudrais continuer à lutter pour un nouvel équilibre entre les humains. Je suis arrivée en Belgique avec une bourse du gouvernement camerounais pour étudier la médecine. Au moment où je quittais mon pays le Cameroun, chaque étudiant boursier signait ce qu’on appelait « l’engagement décennal ». Cela veut dire que chaque boursier diplômé devait retourner au pays pour servir l’etat pendant dix ans avant de penser à faire autre chose. Cela nous garantissait un emploi à la fin de nos études pendant dix ans au moins. Cependant cette mesure a été abrogée par le gouvernement camerounais environs deux ans après mon arrivé en Belgique. Toutefois, à l’issue de mon diplôme en biologie médicale appliquée, j’avais l’intention de retourner au Cameroun pour me lancer dans la recherche et développer mon propre laboratoire. Malheureusement, mon père qui m’encourageait dans cette voie est décédé à la fin de mes études et, après quelques moments de flottement, j’ai dû reprendre mon destin en main et me trouver une nouvelle orientation. Entre-temps je me suis mariée et j’ai eu deux enfants. J’ai finalement décidé de rester en Belgique. J’ai commencé par chercher un emploi dans des laboratoires du Royaume, mais mon statut d’étrangère obligeait les employeurs à faire des démarches pour obtenir l’autorisation de m’occuper avec un permis de travail. La lourde procédure décourageait la plupart des employeurs à se lancer dans cette démarche. La voie vers un travail officiel dans un laboratoire devenait ainsi de plus en plus étroite.
Pour pouvoir rester dans la légalité avec mon statut d’étudiant, je devais trouver chaque fois une inscription dans une université ou une haute école. C’est ainsi que j’ai obtenu deux masters complémentaires en santé publique l’ULB et en santé et développement à l’UCL. Malgré mes diplômes, je demeurais sans emploi. Mon mari étudiait encore, nous avions des enfants, si bien que j’avais besoin d’un revenu pour subvenir aux besoins de la famille. C’est alors que je me suis lancée dans le travail de nettoyage chez des particuliers et dans des maisons de repos pour personnes âgées. Un jour, la directrice d’une maison de repos dans laquelle je travaillais comme femme de ménage avait besoin de remplacer une infirmière malade. Cette directrice m’a demandé de lui apporter mon diplôme de biologiste pour introduire une demande de numéro INAMI afin de m’occuper comme aide-soignante. Par la même occasion, elle a introduit une demande de permis de travail pour moi. Ce fut le début d’une longue histoire dans le secteur de soins. Contre toute attente, ma demande de numéro INAMI a été rejetée alors que je travaillais déjà comme aide-soignante depuis deux mois. Cependant, le permis de travail avait été accordé. La maison de repos qui était mon employeur, devait se séparer de moi pour cause de diplôme non conforme au travail proposé. Par défit, j’ai alors décidé d’entreprendre des études d’infirmières que j’ai brillamment réussies. Au point où l’hôpital Edith Cavell m’a proposé un emploi fixe alors que je n’étais encore qu’une étudiante stagiaire de troisième année. 31
J’avais enfin un vrai travail ! Mais mon enthousiasme fut de courte durée. Je me suis très vite rendue compte que les horaires coupés proposés par l’hôpital étaient incompatibles avec une vie de famille lorsqu’on a des enfants en bas âge. Je devais travailler de 7h à 11h et de 16h à 20h. J’ai alors à nouveau postulé comme infirmière dans une maison de repos spécialisée pour la maladie d’Alzheimer. Grâce à mon diplôme de santé publique, j’ai tout de suite pu commencer en tant qu’infirmière en chef, responsable d’une trentaine de membres du personnel. J’étais en charge du recrutement, de la formation continue du personnel, de l’établissement des horaires, de la répartition des tâches, du planning des soins et de l’accueil des résidents et de la gestion des familles. Cette maison de repos était dans ses différents stades. Les patients étaient répartis en fonction du stade de la maladie et du niveau de dépendance.
Le fait d’être d’origine africaine, ne facilite pas les choses. En tant qu’étranger on n’est pas accueilli à bras ouverts partout. J’ai connu cela tout au long de ma carrière. Quand on parlait de moi, on prononçait rarement mon nom, mais on disait ‘La Noire’. J’ai entendu ce genre de discrimination au quotidien. Le pire, selon moi, est qu’une personne noire est difficilement acceptée comme responsable. Je me rappelle le moment des admissions en maison de repos. Les bureaux étaient disposés de sorte que le mien se trouvait dans le fond du couloir. Les nouveaux résidants et leurs familles étaient généralement reçus par des collaborateurs blancs. Quand on les conduisait ensuite dans le fond du couloir chez l’infirmière en chef qui était noire, certaines familles ne masquaient pas leur étonnement au point de me demander : ‘C’est vous ? ’Il n’y a pas une autre personne ?’ Je répondais avec humour ’’Non, il n’y a personne d’autre, c’est moi l’infirmière en chef.’
Après 15 ans de service dans les maisons de repos et de soins, j’ai voulu changer d’orientation. En 2010, j’ai commencé en tant qu’infirmière indépendante et lancé ma propre structure de services et de soins à domicile. Nous effectuons des soins infirmiers tels que les injections, le placement de sondes, le soin de plaies, les toilettes, les mises au lit, les lavements, la prise en charge des personnes atteints de la maladie d’Alzheimer, les soins palliatifs, les patients diabétiques…. Il y a également un service de garde-malades à domicile aussi bien pour des courtes durées que des longues durées. Nous ne faisons aucune distinction, toute personne ayant besoin de soins ou de gardes peut faire appel à nous. Nous appliquons le système tiers-payant par lequel les paiements et contrôles se font via les mutualités. Maintenant, je suis non seulement responsable du planning de travail mais également des finances. Ça provoque du stress supplémentaire (rire).
J’ai également assisté au recrutement du directeur adjoint. De tous les postulants au poste, seul le candidat noir disposait des qualifications requises. Ce fut la consternation pour les membres du personnel et les familles qui estimaient que la désignation d’un noir à ce poste allait entraver l’image de la maison de repos d’autant plus que l’infirmière cheffe était déjà noir. Le conseil d’administration a dû organiser plusieurs réunions à ce sujet avec le conseil des résidents, les familles, le reste du personnel et finalement il a été engagé. C’était vraiment triste. La nouvelle recrue a vraiment travaillé dur pour faire ses preuves. Je ressens la même chose dans mon activité actuelle. Le fait d’être noire est souvent une barrière pour attirer de nouveaux clients ou pour négocier de nouveaux partenariats. Je suis forcée d’envoyer en premier lieu un collaborateur blanc, étant donné que si je m’y rends personnel-
Edwige Abena est cofondatrice et présidente de l’asbl APEDEF. Créée en 2014, cette association œuvre pour l’égalité, le développement et l’épanouissement des femmes. ‘Nous nous adressons principalement aux femmes vulnérables: les mères célibataires, les victimes de violences conjugales ou de mutilations génitales, les femmes ayant le cancer du sein, etc. Nous travaillons à l’échelle internationale – en Europe et en Afrique. Nous réunissons les femmes afin de discuter au sujet de leur situation, nous faisons des activités, nous organisons des formations, nous faisons du sport ensemble, nous organisons des repas de charité. Dans ce cadre, je m’occupe aussi de la mode: la création, les défilés en collaboration avec des stylistes, …. afin 32 de récolter de l’argent pour l’ASBL. Je voudrais continuer à lutter pour les droits des femmes et pour l’égalité des genres.’
lement, les portes se ferment très rapidement sans me laisser la moindre chance. Très souvent, on m’accueille par politesse pour me dire à la fin : ‘votre projet est très intéressant, on garde vos coordonnées et on va vous appeler’,mais on ne le fait jamais. Quand c’est une collaboratrice blanche qui se présente, il y a toujours une suite qui est donnée. Cela m’attriste de devoir me tenir à l’arrière-plan, même au sein de ma propre structure. Mais je n’ai pas le choix car mon activité doit se développer. Si je ne le fais pas ainsi, mon activité est vouée à la mort. Heureusement que ce problème s’efface une fois que la relation de confiance est établie. Ce qui compte, c’est de dispenser de bons soins. Dès que les clients se rendent compte que vous connaissez votre travail, ça se passe toujours bien. L’exercice de notre métier est cependant une lutte au quotidien à cause de nombreux obstacles. En effet, la couleur de notre peaux n’est pas le seul problème dans notre pratique quotidienne. La religion peut également être une entrave. Les femmes maghrébines par exemple exigent d’être soignées uniquement par une femme. Il y a également des hommes qui ne souhaitent être soignés que par hommes à cause de leur religion. Cela demande beaucoup de compromis pour pouvoir travailler ensemble. Il peut également y avoir des barrières linguistiques. Quand une personne ne parle pas le Français, Anglais ou Néerlandais, c’est difficile de communiquer. Il est impossible de recruter des personnes qui parlent la langue pour chaque nationalité. Parfois, nous avons des membres des familles qui peuvent faire la traduction pour nous guider. Nous pouvons aussi nous débrouiller par le langage des signes. Un autre problème dans les services de soin est la violence, dans les deux sens. Une personne démente peut frapper ou cracher sur la personne qui la soigne. Cela fait partie de la maladie, il faut apprendre à gérer. La violence verbale est parfois plus difficile à supporter. Des personnes qui vous insultent à cause de votre couleur de peau, qui vous traitent de ‘sale noir….’. Il faut garder son calme et être ferme en disant par exemple: ‘’Je suis ici pour vous soigner, pas pour me faire insulter.’’ Mais cela me blesse.
J’ai également assisté à la violence du personnel soignant envers les seniors. Une infirmière conduisait une personne âgée qui avait du mal à marcher dans l’ascenseur. Pendant qu’ils attendaient tous les deux devant l’ascenseur, le patient s’est écroulé alors que l’infirmière lui tenait la main. Entrainée dans cette chute, l’infirmière s’est mis à lui donner des coups de pied en lui disant ‘Vous voulez casser mon dos? Vous avez déjà fait votre vie, moi j’ai encore la mienne à faire, levez-vous ! Je ne peux pas vous porter!’ C’était choquant d’entendre cela. Quand j’étais chef de service, des scènes de violence m’étaient le plus souvent rapportées par les familles. Il m’est parfois arrivé de constater des hématomes sur les bras des résidents. Cependant, le personnel interpellé à ce sujet niait les faits pour la plupart. C’étaient des situations difficiles pour moi. Malgré les réticences et actes de racisme, je ne me décourage pas. Il est essentiel que les gens apprennent à être tolérants, à accepter les différences et apprennent à vivre ensemble. Quand mes patients racontent autour d’eux qu’ils sont bien soignés par mon équipe et moi-même, ça me donne de l’espoir que cette information soit véhiculée partout pour que les préjugés disparaissent. Il faut aller à la rencontre des gens qui rejettent les autres pour discuter avec eux et réduire leurs peurs. Le colonialisme a créé la classification des races. De nos jours, les migrations de masse ont rallumé la flamme des différences. Personnellement, je voudrais, à travers mon métier, continuer à lutter pour un nouvel équilibre entre les humains. Nous devons rester optimistes et déterminés pour y arriver.”
www.adepef.org (Association pour l’égalité et le développement des femmes) www.facebook.com
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Centre de santé Espérance Le Manguier en Fleurs cherche des fonds pour le centre ‘Espérance’ à Kalo, DRC , en collaboration avec d’autres organisations à Anderlecht (11.11.11., Oxfam, …) Les objectifs du centres sont: - Assurer une alimentation riche en protéines pour les enfants et pour les vieilles personnes. - Accueillir les futur mamans en consultations prénatales et postnatales. - Apprendre aux mamans à diversifier l’alimentation de leurs enfants en utilisant les denrées alimentaires locales - Simuler et encourager les mamans à aller au dispensaire avant qu’il ne soit trop tard - Animer des sessions de formation, d’information et de prévention concernant les maladies sexuellement transmissible Source et plus d’info : http://www.manguierenfleurs.be/
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• s’investit pour améliorer le bien-être, stimuler le logement innovant et favoriser l’accessibilité des soins pour tous les Bruxellois, avec une attention particulière pour les habitants vulnérables. Le bénévolat occupe toujours une place particulière dans ses démarches, • développe de l’expertise et la met à la disposition du monde professionnel et politique, stimule l’innovation et le développement de projets, soutient les travailleurs sociaux, les développeurs de projet et les responsables dans l’organisation d’aide et de soins et investit dans le développement d’une politique orientée vers l’avenir. • travaille toujours en collaboration avec ou à la demande d’organisations • stimule le lien entre les groupes cibles et les formes de travail, entre les secteurs et les domaines politiques, entre le bien-être, le logement et les
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Titre Kotosa Cahier 2, Septembre 2017 Auteurs Els Nolf, Stefaan Vermeulen Traduction du Néerlandais Faïza Lafrarchi Rédaction Els Nolf, Herwig Teugels Mise en page Karel Verstreken Photos www.janvanbostraeten.be Druk Nevelland Graphics Ce cahier a été réalisé en collaboration avec
Ceci est une édition de Kenniscentrum WWZ vzw Rue de Laeken 76 bte 2 1000 Bruxelles tel. 02 211 02 40 www.kenniscentrumwwz.be
Avec le soutient de
E.R. Herwig Teugels D/2017/13.222/2 ISBN-NUMMER : 9789082089783 juli 2017
Merci à toutes les personnes interviewées pour leur collaboration • La reprise de texte est autorisée à condition de mentionner la source. • L’utilisation de photos peut se faire après autorisation et compensation financière
Kotosa est un documentaire au sujet du vieillissement dans la Bruxelles multiculturelle. Ce film a été réalisé en collaboration avec l’asbl le Manguier en Fleur, un auto-organisation de Bruxellois ayants des origines africaines. Le manguier est le symbole d’une communauté qui se soutient solidairement et discute de sujets importants de manière démocratique. Les seniors, les sages, aussi bien les hommes que les femmes, jouent un rôle crucial sous l’arbre à palabres. Kotosa donne la parole à quatre femmes nées au Congo, au Rwanda et au Cameroun. Elles ont une riche expérience dans les services de soin belges et posent des questions pertinentes. Que signifie recevoir des soins dans un tout autre contexte que celui dans lequel tu es né et tu as grandi? Comment les prestataires de soins d’origine africaine se positionnent à ce sujet dans le contexte bruxellois? Qu’est-ce que notre culture occidentale peut-elle apprendre d’autres cultures. Comment pouvons-nous chérir les différences, aller à l’encontre des discriminations et apprendre à vivre avec la diversité? Dans ce cahier, ces questions sont approfondies. Kotosa apporte un message universel sur la diversité et les soins au 21ième siècle. Ce film et le cahier poussent à la réflexion au sujet des normes, des valeurs et des préjugés dans le secteur des soins et invitent au dialogue et au changement.