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BRUXELLES POST-EUROPE L a ré a p propriation de la friche ferroviaire d e Jo s aphat : UNE MISE EN CONTACT Enoncé théorique 2010-2011 FERIANI Mar wen é cole Polytechnique Fédérale de Lausanne Professeur énoncé : GILOT Christian Professeur pédagogique : MESTEL AN Patrick Maître EPFL : RUATA Rober t
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A va n t p r opos Premièrement, ce mémoire est né d’une volonté à confronter des questions qui m’animent, depuis le début de mes études, à mes convictions sur la société contemporaine. Cela se traduit par trois questions : Doit-on « Construire » pour la ville ou pour les personnes qui y habitent ? Par quoi cela passe-t-il ? Est-ce possible de mêler ces deux démarches en une ? Comment lire le passé des villes pour mieux appréhender leur futur ? En quoi l’existant et l’identité culturelle ont-ils une influence sur le développement des villes ? Sur quoi notre regard doit-il se porter lorsque l’on pense à un projet ? Un lieu peut-il répondre à la question : « Qui suis-je ? ». Deuxièmement, de ma passion pour Bruxelles. Je souhaite mettre en question mon expérience personnelle et mon regard sur Bruxelles. J’y ai vécu pendant un an, qu’ai-je retenu culturellement, physiquement, moralement? Pourquoi me suis-je étonné de voir en Bruxelles une ville de « l’éternel provisoire » ? Voire celle d’une « éternité provisoire » ? « Rien n’y trouve un achèvement, mais rien non plus semble définitivement perdu. Sauf ce qui a été détruit »1. Troisièmement, de mon admiration des friches ferroviaires et zones industrielles qui représentent à mes yeux des terres de possibles. Quatrièmement, de la friche de Josaphat, le choix d’un lieu auquel je me suis attaché. Ce mémoire espère donc amener une réflexion sous forme de cinq nouvelles formant ensemble une histoire. 1. KIR, Emir, LAGROU, Evert, Bruxelles, 175 ans d’une capitale, Liège, Mardaga, coll. « architecture et urbanisme », 2005, p167.
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Sommaire Introduction..................................................................................7 BRUXELLES.................................................................................9 Bruxelles Capitales........................................................................11 Bruxelles la Belge...........................................................................15 Bruxelles l’Européenne internationale............................................21 Bruxelles la Wallone, la Flamande....................................................31 Bruxelles la Bruxelloise..................................................................35 Bruxelles.......................................................................................39 FRICHE.......................................................................................45 Connaitre la Friche........................................................................47 Comprendre la Friche....................................................................51 Ses Approches...............................................................................55 Mesurer la Friche, ses échelles..........................................................63 Bruxelles ou une allégorie à la Friche..................................................65 CONTACT..................................................................................69 Mise en contact.............................................................................71 JOSAPHAT..................................................................................77 La Friche ferroviaire de Josaphat......................................................83 Les tissus voisins............................................................................91 Ambitions.....................................................................................99 BRUXELLES-POST EUROPE, LA FRICHE DE JOSAPHAT, DES CONTACTS, UN PROJET.......................................................101 Le Projet.....................................................................................103 OUVERTURE...........................................................................115 Ouverture...................................................................................116 BIBLIOGRAPHIE....................................................................121
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Bruxelles, ses ruptures, et ses ĂŠchelles en constante construction. (photo personnelle 10/2010)
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I n t r o d u c tion En prélude à cet énoncé, il est important de rappeler que le sujet qui va suivre est né de questions aussi simples que sincères : Quelle est l’identité de Bruxelles ? Comment considérer les friches aujourd’hui ? Quelles sont leurs identités ? Et comment établir alors un projet sur une friche ferroviaire à Bruxelles ? C’est d’abord le choix d’un site et d’une ville vécue, qui m’ont poussé avec passion à chercher, fouiller, et établir un sujet plus affiné et pertinent. Puis, l’occasion de m’ouvrir à une culture et à un contexte urbain et architectural différents, par l’acquisition de connaissances générales aboutissant à une analyse personnelle et un projet en herbe. La restitution par étapes successives de mes lectures, expériences et analyses, vont être le support de l’énoncé, dont le but est de faire transparaître ma volonté de comprendre de connaitre l’identité des choses. A priori, il y aurait déjà une complexité colossale à déchiffrer la ville de Bruxelles et autant à analyser sur le statut actuel des friches. Mais au-delà de ça, j’ai pris le parti d’essayer de comprendre la situation dichotomique existante entre une ville et ces lieux vacants, dans le but d’aboutir peut-être à une nouvelle façon de voir les choses. Et plus particulièrement entre Bruxelles et la friche ferroviaire de Josaphat. Sont-elles deux mondes parallèles opposés et très différents ? Ou au contraire une allégorie de l’une par rapport à l’autre ? Une figure à deux visages ? Cet énoncé questionne les échelles (urbaines, politiques, sociales, architecturales), sans prétention d’exhaustivité mais dans le but d’en saisir toute l’évanescence d’un rêve, rêve qui existe dans cette ville pour faire murir un projet.
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BRUXELLES
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C A PI TA L ES, O U I M A I S D E QUOI ?
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B r u xe l l e s Capit ales Souvent considérée comme seulement la capitale de l’union Européenne et de la Belgique, Bruxelles représente bien plus que ça. En effet, de 1830 à nos jours, Bruxelles a accumulé les rôles et les statuts politiques, administratifs institutionnels et économiques. Elle constitue six capitales à la fois : la capitale de la Belgique, du siège de l’OTAN (1947), de l’union Européenne (1958), de la région Bruxelles-capitale, de la communauté Wallonne, et de la communauté Flamande (1989). Bruxelles s’impose donc incontestablement sur plusieurs échelles, que ce soit sur le plan international, national ou encore régional. Déjà depuis le moyen-âge Bruxelles se profilait comme une ville de passage important et dont la situation géographique particulière fit d’elle un carrefour commercial et culturel pour l’Europe. Cela se dépeint par des édifices royaux, de fastidieuses instances officielles, mais aussi par des constructions religieuses et culturelles. C’est donc grâce à sa condition singulière que la ville capitale dispose d’un riche patrimoine. Bruxelles a très tôt voulu affirmer son pouvoir et sa force et ceci s’est traduit en des développements urbains particuliers qui ont donné lieu à des réalisations architecturales majeures pour la ville. Disons qu’à Bruxelles tout est symbole étant donné qu’elle regroupe une multitude d’expressions d’identités politiques et administratives, en témoignent le Palais de Justice qui a lui seul fait 52 464 m², les grands boulevards comme l’avenue Louise, ou encore le boulevard de la grande ceinture. Par ailleurs, la capitale a toujours voulu symboliser le dynamisme culturel et scientifique, et c’est encore par des interventions urbaines et architecturales que cela s’est élaboré. Par exemple Bruxelles compte à son actif quatre expositions internationales et plusieurs jubilés, figurés tous par une ou par de grandes interventions, on peut citer le Musée des Beaux-arts, les Halles d’exposition du Cinquantenaire, le plateau Heysel et son Atomium. Ces transformations constantes relèvent bien de l’ambition et de la quête perpétuelle de l’identité de Bruxelles.
Bruxelles, ses entités, et ses différents statuts. (photomontage) L’OTAN
La Flandre
L’Atomimum
Le Roi des belges Albert II
Le Manneken Pis
La Wallonie
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Cependant, il ne faut pas oublier que la capitale est aussi simplement une ville avec ses habitants. Ce sont eux, premiers spectateurs de ses transformations, qui sont devenus progressivement et difficilement les acteurs de la scène urbaine. Cette position s’est affirmée grâce à la démocratisation de la vie politique (1845-1948) et certaines déclarations du parti socialiste belge en 1919, particulièrement celle pour l’amélioration des conditions de vie des ouvriers bruxellois, mais aussi grâce à leur implication dans les débats de décisions sur l’avenir de la ville, au travers d’associations privées, de comités et d’associations de quartiers depuis les années 1970. Puis, c’est à la suite de l’internationalisation de la ville, de la volonté d’une mondialisation économique et de la manifestation de nouveaux enjeux (surtout européens et internationaux) que de nouveaux acteurs décisionnaires (pouvoirs publics, promoteurs privés et patronats) ont émergés parfois trop souvent à l’instar des habitants. Par ailleurs on peut ajouter qu’aujourd’hui « l’image que les habitants de notre pays (la Belgique) ont de leur capitale est loin de faire l’unanimité. Les belges, il est vrai, n’ont pas la réputation d’être chauvins. »1. Bruxelles peut être perçue comme un théâtre de différences tant dans ses rôles que dans sa population, ayant pour impact un enchevêtrement d’actions parfois trop modestes ou trop orgueilleuses, voire inachevées, qui souvent relèvent d’une expression d’un symbole et non pas d’une identité pure à laquelle la population pourrait vraiment se rattacher.
1. KIR, Emir, LAGROU, Evert, Bruxelles, 175 ans d’une capitale, Liège, Mardaga, coll. « architecture et urbanisme », 2005, p172.
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1-Enceinte médiévale / 2-Grand boulevard / 3-Zone d’expansion / 4-Palais de Justice / 5-Maillage ferroviaire 6-Canal Willebroeck / 7-Gare du Nord / 8-Gare du Midi / 9-Gare de Luxembourg / 10-Futur Gare Centrale
Plan de Bruxelles par Victor Besme, 1866.
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B r u xe l l e s la Belge C’est en 1830, suite à l’indépendance de la Belgique, que Bruxelles est devenue la capitale de ce nouvel Etat. Aussitôt que la ville ait pris ce titre, elle s’est transformée et a repoussé ses limites en détruisant son enceinte médiévale, pour la transformer en grand boulevard et affirmer son expansion vers le pays, mais aussi pour confirmer son statut de centre. C’est sous l’action de Léopold Ier puis de Léopold II aidé de Victor Besme que la ville-capitale a endossé son rôle à l’échelle Belge. En effet, avec la construction d’édifices nationaux importants comme le palais de Justice, et l’élaboration d’un maillage ferroviaire et routier important, ils ont su marquer la ville comme le lieu de pouvoir et de dynamisme, mais aussi englober les différentes villes du pays dans un même réseau et lire la Belgique de façon homogène avec pour centre, la capitale. Ajoutons aussi que Bruxelles et la monarchie belge ont su tirer profit du rôle économique de leurs colonies africaines, dans le but d’asseoir leur pouvoir et leur richesse dans tout le territoire belge. En parallèle à cette période coloniale, Bruxelles vit une période industrielle qui a joué un rôle important dans son expansion vers le pays. Le but était de faciliter la venue de travailleurs mais aussi l’acheminement de marchandises d’une ville à l’autre. La capitale s’est alors très rapidement dotée d’un réseau de communication qui allait favoriser son déploiement. C’est donc dans la moitié du 19ième et le début du 20ième siècle que Bruxelles s’imposa comme capitale industrielle du pays et comme nœud du réseau belge. En témoigne la modernisation des infrastructures portuaires sur le canal de Willebroek, ou encore en 1939 le lancement de la Petite étoile (réseaux électrique métropolitain Belge), mais aussi la construction des gares du Nord, du Midi et du Luxembourg, ainsi que la jonction NordMidi qui avait pour but de faciliter l’accès à la ville avec pour symbole la gare Central. C’est donc par son impulsion industrielle et son souhait de figuration du pouvoir belge que Bruxelles s’étend à l’échelle de son pays,
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La Petite étoile, Bruxelles coeur de la Belgique, affiche d’une campagne de publicité en 1939.
Belgitude : (n.f.) Expression désigant le sentiment de Belgique en creux, L’appartenance à un no man’s land, où la partie est l’apatridité belge.
Belgitude où l’étendue d’une interogation identitaire, celle d’un paradoxe né d’un paradoxe.
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ceci toujours par le biais de la volonté de la monarchie royale. Cependant, une fois l’époque industrielle passée, Bruxelles s’est renfermée sur elle-même surtout suite à la première et seconde guerre mondiale, puis une fois devenue la capitale de l’Europe, elle s’est redéployée dans les années 1950, mais cette fois à l’échelle du continent, tout cela en apportant de nouvelles attentes et ambitions, à la défaveur de l’échelle nationale et de ses préoccupations. En témoignent les différents projets de l’époque qui se prétendaient à l’échelle internationale comme le quartier Heysel, Léopold, Nord (Manhattan). Aussi, nous pouvons lire le déclin d’une idéologie nationaliste et celui de l’échelle belge à Bruxelles par la manifestation d’une représentation linguistique diversifiée qui trop souvent tente de s’opposer. En effet, c’est de cette pluralité qui compose la capitale que subvient déjà dans les années 1900 cette dégénérescence de l’idée nationale. Premièrement, par la banalisation de la langue française à Bruxelles à l’instar du brabant flamand. Deuxièmement, par l’affirmation du dessin d’une frontière linguistique en 1960 qui sépare la Belgique en deux entités, l’une wallonne, l’autre flamande. Aujourd’hui, ce déclin se creuse encore plus à Bruxelles car, en plus de tous ses autres statuts politiques et administratifs, elle est devenue une région capitale, où se regroupent à la fois, la communauté flamande, wallonne, bruxelloise, et depuis les années 1980 la représentation de plus de 85% des identités du monde. Ainsi, on voit dans la capitale cette population diversifiée se dispatcher par zones réparties dans des périmètres définis par leurs statuts financier et social, c’est dire la division que l’on peut percevoir à Bruxelles. Par ailleurs, on peut se rendre compte de ce déni de l’identité nationale par les différentes œuvres architecturales qui composent Bruxelles. En effet, Bruxelles a toujours voulu essayer de se revendiquer Belge par un style architectural, ainsi l’apogée du style bruxellois se distingue lors de la réunion de deux styles vers un compromis moderne du Classicisme français wallon et de la Renaissance flamande, en témoignent les abattoirs de Cureghem ou encore l’Hôtel de ville de Saint-Gilles. C’est là « le stade ultime de la construction romantique de la na-
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Manifestation des belges à propos de leur identité en 1912, suite à la lettre au Roi de Jules Destrée.
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tion »1. Désormais, on va voir se développer dans chaque région son propre style, l’un wallon, l’autre flamand. Et Bruxelles la Belge, dans tout ça, comme à son habitude restera inachevée. L’extrait du texte suivant résume finalement bien, malgrès la date, la situation existante de la Belgique et du sentiment de la Capitale. En 1912 Jules Destrée, politicien belge et docteur en droit écrit cette lettre au roi : « Laissez-moi Vous dire la vérité, la grande et horrifiante vérité : Sire il n’y a pas de Belges. J’entends par là que la Belgique est un état politique assez artificiellement composé, mais qu’elle n’a pas une nationalité. Non, Sire, il n’y a pas d’âme belge. La fusion des Flamands et des Wallons n’est pas souhaitable et là désirât-on, qu’il faut constater qu’elle n’est pas possible »2 L’idée de nation et de sa place dans la capitale a donc déjà depuis les années 1900 eu du mal à s’affirmer car elle n’a jamais su être stable. Certains diront que pour comprendre Bruxelles c’est de « sa diversité que jaillit son unité »3. Ainsi l’un des défit majeur contemporain de Bruxelles est de concilier cette population diversifiée et grandissante par des projets qui mettent à bien un objectif de mixité, car c’est ce qui représente au mieux l’identité de ce qu’est aujourd’hui la capitale de la Belgique.
1. KIR, Emir, LAGROU, Evert, Bruxelles, 175 ans d’une capitale, Liège, Mardaga, coll. « architecture et urbanisme », 2005, p99. 2. MEAN, André, La Belgique de Papa : 1970, le commencement de la fin, Bruxelles, Pol-His, 1993, p30. 3. DESSOUROUX, Christian, PUISSANT, Jean, Espaces partagés Espaces disputés, Bruxelles une capitales et ses Habitants, Bruxelles, Direction Etudes et Planification, Administration de l’Aménagement du Territoire et du Logement, 2008, p68.
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A QU O I T I E N T LE RÔLE IN T E R N AT I O N A L D’UNE VI L L E C A PI TA L E COMME B RU X E L L ES ?
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B r u xe l l e s l’Eur opéenne internationale Il est important de comprendre la transition de l’échelle belge de Bruxelles à son échelle Internationale. La politique, les patronats et les pouvoirs publics ont joué un rôle déterminant dans l’émancipation européenne et internationale de Bruxelles, mais pas seulement. Elle a l’avantage de sa situation géographique et morphologique. On rappelle donc que Bruxelles est à tous égards un carrefour et dispose de surcroit d’un débouché sur la mer via le canal de Willebroek. Comme le fait remarquer M. Arthur Gilson, « il parait naturel que ce soit dans un petit pays que soit situé le siège de l’organisation politique européenne, et de celle de l’alliance Outre-Atlantique »1. La capitale, avec ses communications par fer, par route et par air présente des avantages que nul ne peut songer à contester. Il existe donc à Bruxelles une conjugaison entre des motifs de dispositions géographiques et urbaines déterminantes et une volonté politique affirmée pour l’établissement d’une Bruxelles Européenne et Internationale. Cependant, ce rôle ne se fera pas sans conséquence et se construira difficilement encore aujourd’hui l’Europe reste une identité en plus pour Bruxelles, une identité politique avant d’être une identité citoyenne. La vocation internationale de Bruxelles à pris forme après la seconde guerre mondiale. En 1950, la Belgique, l’Allemagne, la France, l’Italie le Luxembourg et les Pays-Bas fondèrent la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (C.E.C.A.). S’ajoute à cette instance de nouveaux conseils et commissions. Tout particulièrement en 1957 après la ratification du traité de Rome la Commission Economique Européenne est crée. Et dès 1958 Bruxelles fut choisi comme capitale provisoire de la C.E.C.A. avec Strasbourg et le Luxembourg. Et ce fut le site du quartier Léopold qui a était retenu pour l’emplacement du siège de la commission européenne. Cepen1. STENGERS, Jean, Bruxelles croissance d’une capitale, Anvers, Fonds Mercator, 1979, p285.
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Bruxelles coeur de l’Europe, affiche d’une campagne de publicité des années 1960.
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dant, les bâtiments du quartier ne bénéficiaient pas de l’expression symbolique forte et reconnaissable que méritait une capitale européenne ceci toujours à cause du mot « provisoire ». Au début, plupart des institutions prenaient une place somme toute modeste dans le paysage urbain de la Capitale Européenne provisoire. Puis très vite le développement ces dernières a pris des conséquences importantes dans la ville. En effet, en construisant une forte expansion immobilière, aidée dans les années soixante par le secteur privé recevant l’appui des politiques, Bruxelles a vu s’enclencher une explosion des marchés de bureaux. D’ailleurs, cette explosion n’était pas évidente à gérer pour l’agglomération d’absorber sans difficulté « des millions de m² de bureaux sans que son rythme de vie n’en soit perturbé »1. L’année 19582 a marqué un tournant dans la modernité Bruxelloise et dans son envie d’expansion, surtout via la manifestation de l’exposition universelle qui encore aujourd’hui témoigne de son ouverture vers l’international. L’Europe a su profiter de l’alibi international et de sa belle image pour mieux s’installer et ainsi donner l’illusion de panser le mal être identitaire créer par la dégénérescence de la nation Belge. Ce renversement de distinction a été vécu par la population de façon sceptique comme une « bouée de l’identité Bruxelloise »3. Cette exposition à donc été le point de départ de nombreux chantiers et grands travaux urbains pour garantir à Bruxelles l’échelle d’une grande métropole mondiale. Différents plans d’aménagements urbains et d’infrastructures ont donc été présentés pour maîtriser cette croissance. Mais à cette époque l’avis de la population ne comptait
1. KIR, Emir, LAGROU, Evert, Bruxelles, 175 ans d’une capitale, Liège, Mardaga, coll. « architecture et urbanisme », 2005, p56. 2. Date de la première exposition universelle de l’après Deuxième Guerre mondiale à Bruxelles, attirant près de 42 millions de visiteurs. Elle fut le prétexte à de nombreuses transformations et bouleversements, dont les boulevards transformés en autoroutes urbaines, ainsi qu’à la construction d’architectures manifestes comme l’Atomium. 3. LOZE, Pierre, CARTUYVELS, Vincent, CLAISSE, Joël, Change - Brussels, capital of Europe, Bruxelles, Prisme, 2004, p64.
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1-Avenue de Tervuren / 2-Rue de la Loi / 3-Boulevard de la petite ceinture / 4-Quartier Léopold / 5-Berlaymont 6-Charlemagne / 7-Rue Pascale / 8-Rue Toulouse
Transformation radicale, sous la pression de l’Europe, de la rue Art Loi et du quartier Léopold entre les années 1954 et 2004.
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guère, si bien que Bruxelles a vu se dépeupler des quartiers d’habitations pour être transformés en quartiers de bureaux et d’administrations ; ou se déplacer sa population aisée qui préfère alors s’éloigner de la ville pour s’installer en dehors de la périphérie, d’ailleurs ce passage a véritablement été conduit par l’avènement des infrastructures routières. Ces dernières ont provoquées de grandes déchirures dans certains quartiers car elles nécessitaient l’élargissement d’avenues et de boulevards dans le but de rendre la capitale plus facilement accessible en témoigne « l’avenue Louise, l’Avenue de Tervuren, Le boulevard Léopold II, la rue de la Loi et les boulevards de la petite ceinture qui sont réaménagés (tunnels et viaducs), et la grande ceinture dotée de voies plus larges »1. La circulation en voiture a pris alors une place tellement grande dans la capitale que par exemple la Grande Place s’est vue transformée en grand parking. Un problème se pose aujourd’hui dans cet investissement d’infrastructure dans la ville car elle est maintenant congestionnée. Durant toute la période de l’installation des institutions européennes dans le quartier Léopold, plusieurs niveaux de pouvoirs étaient concernés, « défendant souvent des intérêts opposés »2, que ce soit ceux des politiques ou ceux de la population. L’ambigüité autour du statut de la Capitale européenne de Bruxelles restera sombre de 1958 à 1992. Cette incertitude ne fut guère propice à la transparence du processus de planification. En effet, comme le caractère provisoire de la capitale ne permettait pas aux pouvoirs publics mais aussi aux Communautés européennes « d’acheter ou de construire les bâtiments à leurs services, seuls le Berlaymont et le Charlemagne furent construit en régie au début des années soixante. »3. C’est ainsi que les 1. DESSOUROUX, Christian, PUISSANT, Jean, Espaces partagés Espaces disputés, Bruxelles une capitales et ses Habitants, Bruxelles, Direction Etudes et Planification, Administration de l’Aménagement du Territoire et du Logement, 2008, p100. 2. KIR, Emir, LAGROU, Evert, Bruxelles, 175 ans d’une capitale, Liège, Mardaga, coll. « architecture et urbanisme », 2005, p56. 3. KIR, Emir, LAGROU, Evert, Bruxelles, 175 ans d’une capitale, Liège, Mardaga, coll. « architecture et urbanisme », 2005, p46.
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Confrontation des tissus Bruxellois sous le poid de l’Europe. (photo personnelle 03/2009)
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secteurs privés aidés des autorités de l’époque ont été laxiste quant à la protection du patrimoine, seuls les rues Pascale et de Toulouse ont gardées leurs constructions d’origine, elles subsistent encore aujourd’hui « telles des îles au milieu d’un océan de bureaux dénués de tout caractère»1. On lit donc un collage du quartier européen avec le quartier bruxellois d’époque, provocant des ruptures d’échelles et d’usages. Après la régionalisation de 1989 et le transfert de compétence en matière d’urbanisme à la région de Bruxelles-Capitale, les intérêts de la population locale reçurent un poids considérablement plus grand, ceci surtout grâce à l’appui réalisé en 1968 de l’ARAU2 pour arrêter l’expansion du projet du quartier Nord et apporter une alternative à une opération immobilière démesurée visant à totalement raser un ancien quartier pour y bâtir un quartier de tours et de bureaux. Cependant l’élargissement de l’Union européenne à 28 membres créera de nouveaux besoins en termes de place et de bureaux. Ceci a finalement conduit à l’élaboration d’un plan global en 2003 pour le quartier régie sous un principe favorable à la gouvernance : l’Ombuds Plan médiateur Bru/Eur3. Ce plan ambitionne une équité plus équilibrée entre intérêts locaux, régionaux et européens, et instaure une nouvelle approche dans la vision urbanistique de Bruxelles. Une ambition qui a pris du temps à être assumée et qui a laissé des traces dans l’urbanisme et dans la mémoire des bruxellois. Et pourtant malgré les leçons du passé et toujours dans le cycle d’un perpétuel inachèvement, Bruxelles a mis ce programme dans les tiroirs pour
1. KIR, Emir, LAGROU, Evert, Bruxelles, 175 ans d’une capitale, Liège, Mardaga, coll. « architecture et urbanisme », 2005, p46. 2. Atelier de Recherche et d’Action Urbaines, association créée en1969, dans le but de mobiliser l’énergie des Bruxellois autour des enjeux urbains de leur ville. 3. Projet urbanistique global pour le quartier Léopold et les quartiers environnants, introduisant un nouveau concept articulant les différentes couches de gestions hiérarchiques et de fonctions. Ce projet provient d’un consortium comprenant : Aries Consultant SA, IDOM Ingeniera, Arquitectura i Consultoria SA, Mortiz & Simon MSA, Jordi Ferrando, Spéculoos.
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Doit-on se renvendiquer d’un symbole, ou d’une origine qui se dilue ?
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proposer encore une autre idée. En effet, dernièrement en 2009 a été soumis un concours à idée sur la rue de la Loi gagné par Christian de Portzamparc, concours qui n’a finalement comme propos que de raviver un chantier réflexif sur la place de l’Europe à Bruxelles et un malaise quant à l’idée de se dire « Je vis en Europe » au lieu de peut-être se dire avant « Je vis à Bruxelles ». Dans l’opinion publique l’Union Européenne véhicule encore l’image d’une « institution qui nous harcèle sans cesse avec tout un arsenal de règles »1. Cette aversion de l’Europe se traduit d’ailleurs dans le vocabulaire en parlant d’Eurocrates, de Bruxelles champs de bataille européen. L’Europe reste ainsi un symbole figuratif de l’échelle international de la ville à Bruxelles, et non pas une identité pour la population.
1. KIR, Emir, LAGROU, Evert, Bruxelles, 175 ans d’une capitale, Liège, Mardaga, coll. « architecture et urbanisme », 2005, p49.
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PAYS-BAS
ALLEMAGNE FRANCE
FLANDRE BRUXELLES WALLONIE
Partage et frontières linguistique en Belgique.
LUXEMBOURG
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B r u xe l l e s la Wallone, la Flamande Comment définit-on la Wallonie et la Flandre à Bruxelles ? Bruxelles a d’abord été représentative de la majorité flamande, puis suite à la francisation du fait que cette langue représentait le symbole de la culture et de la bourgeoisie elle devient francophone. C’est en partie de ce basculement que nait l’opposition entre ces deux communautés. Elles suivent le schéma classique des problèmes communautaires, « l’opposition entre deux peuples de langues et de cultures différentes, une évolution économique souvent contrastée, et la lutte pour une grande ville, à savoir Bruxelles, située dans la partie flamande du pays, mais dont la population est dans sa grande majorité francophone »1. Bruxelles est donc là comme une tache noire dans le pays Belge, comme un prétexte au conflit, d’où l’avènement des compromis dans la capitale pour un engagement à la reconnaissance des communautés et des régions. Cela se passe comme dans la plupart des cas par la construction de bâtiments de la COCOF ou de la VGC2 censés symboliser l’existence des communautés et des régions dans la capitale, ou par les styles architecturaux éparpillés dans la ville. La capitale ne devient qu’alors la figure administrative de l’une et également de l’autre. La Wallonie et la Flandre sont là, de façon politique, non pas semblable à l’expression politique et administrative de l’Europe ou de la Belgique dans la Capitale, qui comme mentionné plus haut ont laissé des traces dans l’urbanisme de la ville en engageant des dispositifs et des changements majeur dans le tissu de Bruxelles. Elles sont là plutôt pour s’auto-satisfaire. Elles vivent dans le quotidien des habitants, lorsqu’on complète un papier administratif et qu’on
1. MEAN, André, La Belgique de Papa : 1970, le commencement de la fin, Bruxelles, Pol-His, 1993, p25. 2. COCOF : la Commission communautaire française – VGC : la Vlaamse Gemeenschapscommissie.
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Deux communes qui s’opposent liées par Bruxelles et sa population.
Image Charley Case, in « Bruxelles », collection « L’esprit des villes d’Europe », Fonds Mercator, Antwerpen, 2002.
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doit choisir la langue dans laquelle on souhaite répondre, quand on inscrit un enfant à l’école on doit de nouveau choisir la langue qui fera son enseignement, ou tout simplement dans la rue, lorsque l’on s’adresse à quelqu’un et qui se met à vous parler en flamand, ou en français. C’est en ce sens que la situation de la Flandre et de la Wallonie dans la ville est ambigüe Ces deux entités se retrouvent, tous les jours. Elles sont présentes et se concentrent ponctuellement dans la ville, elles sont là avec leurs problèmes, leurs contradictions, et prennent le nom de Bruxelles ; un peu comme si cette capitale avait le moyen de digérer tout, via la démonstration de l’équité. Et aujourd’hui qu’est ce que Bruxelles ? Peut-être un mixte composé d’elle-même, de ses voisins (la Flandres et la Wallonie), de ses ambitions, et de son passé. La complexité de la Belgique et ses régions se retrouve ainsi dans Bruxelles. Ainsi, Bruxelles peut-elle être Capitale de la diversité ?
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Bruxelles, oÚ la richesse d’un quotidien, place Flagey. (photo personelle)
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B r u xe l l e s la Bruxelloise Le statut ou l’échelle Bruxelloise ne se voit pas directement, comme l’on1 peut regarder le palais royal ou encore le rond point Schuman. Bruxelles se perçoit plutôt, et se lit dans sa multi-culturalité. Elle se regarde peut-être plus comme un sentiment de diversité. Tout est là dans Bruxelles, elle est le contact d’une frontière linguistique, elle est le roi, elle est le continent, elle est cosmopolite. « Tu es là, comme ton père tu es là, et quoiqu’on en dise c’est un accident. Être là, tu te rappelles cette phrase courte et sèche à longueur de journée. Tu l’étale sur tes cahiers, sur ta langue, sur tes amis sur tes frères, sur tes sœurs, sur tes voisins, tu es là, et là et ici, que tu le veuille tu es dans tout ça »2 Tout est là dans Bruxelles, dans son quotidien. Lorsqu’on marche et qu’on lit un menu écrit en flamand, pour en lire un autre écrit en français. On sent près d’une maison à Etterbeek une odeur de civet de canard au sirop de Liège, et au même moment la maison voisine fera peut-être un waterzooi, ou un cari poulet. Selon Bernardo Secchi, « De la description de la quotidienneté émerge quelque chose de plus intéressant et de plus abstrait, qui touche, par exemple aux différents rapports qui lient vécu et mémoire individuelle et collective, qui lient temps individuel, temps collectif et espace »3. C’est peut-être plus sous cet aspect que se situe la compréhension de Bruxelles comme tâche imparfaite. L’échelle Bruxelloise est celle du vécu, celle de « Il prend son tram pour se rendre place Flagey, et boire une bière au Belga. », ou celle de « Dimanche, Il fait son marché aux
1. Le « on » est surtout « je » 2. PAZIENZA, Claudio, Tableau avec chutes, Bruxelles, Beta Digit, DVD W.I.P. Wallonie Image, La Sept Arte RTBF, 1997, 103min. 3. SECCHI, Bernardo, La ville européenne contemporaine et son projet, in l’imaginaire aménageur en mutation, sous la direction d’Yves Chalas, Paris, l’Harmattan, 2004, p132.
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Un quotidien qui se fragmente à Bruxelles dans l’indifférence de ses communes. (photomontage)
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abattoirs d’Anderlecht. ». C’est l’échelle des gens qui habitent la ville, comme je la vivais au quotidien. Cependant un réel paradoxe se crée entre ce qu’elle est quotidiennement, et ce qu’elle est sur la carte, à savoir une région découpée en 19 communes. Pourquoi une telle obstination à vouloir manifester des volontés politiques différentes dans la même ville ? L’objectif serait soit disant de maintenir une logique de représentativité des citoyens, et de parité linguistique, et pourtant cela induit une singularisation de l’autre contribuant alors à une animosité entre les personnes. Cette approche délimite, protège une surface, et conditionne une population dans son homogénéité, « Inutile de souligner, à quel point cette conception est devenue impraticable : multiculturalisme, transculturalisme, mobilité, déplacement des centres décisionnels, abolitions de maintes barrières historiques etc., nous contraignent à formuler tous ou presque tous les problèmes territoriaux comme des systèmes de réseaux […] qui se superposent et se combinent ; en outre les réseaux n’abolissent pas les surfaces, ce qui nécessite d’inventer une dialectique capable d’en définir les relations.»1. Il va sans dire que cette conception de la ville va à l’encontre de ce que Bruxelles devrait espérer en tant que ville de diversité unie. D’ailleurs, cela se voit tous les jours, les accords entre les communes sont toujours durs et longs à prendre lorsqu’il s’agit d’un sujet commun. Chacune essaye constamment de voir d’abord son intérêt personnel avant de voir l’intérêt général. Il faut être conscient, aujourd’hui Bruxelles est une ville faite de couches, de points et d’échelles qui devraient s’enchevêtrer au lieu de se tourner le dos. La question qui se pose donc à présent est : comment mettre en phase toutes ces données pour apporter à la capitale ce dont elle a besoin et ce qui lui sera nécessaire ? Quelle est la légitimité de Bruxelles comme capitale aujourd’hui ? 1. CORBOZ, André, Le Territoire comme palimpseste et autres essais, Paris, l’Imprimeur, coll. « Tranches de villes », 2001, 281p.
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Bruxelles, où une métaphore au tableau de La chute d’Icare dont l’acteur principal se noit dans l’indifférence.
Pieter Bruegel l’Ancien, La chute d’Icare, 1560, Musée Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles.
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B r u xe l l e s Bruxelles s’est construite par mouvements, elle a ancré dans son sol des symboles, bâtiments, tissus, infrastructures, mais l’un de ses principaux problèmes est qu’elle n’a jamais vraiment su prendre du recul de ses actes. Elle s’est toujours raccrochée à la quête d’une identité1 par des interventions dont leurs principaux caractères est de représenter la contemporanéité du moment. C’est peut-être bien là, la tumultueuse histoire de Bruxelles, histoire où ses acteurs n’arrivent jamais à se mettre d’accord pour intervenir dans la ville, puisqu’étant constamment en recherche de nouveaux artifices pour mettre à bien leurs projets, alors qu’ils ont sous leurs yeux, quotidiennement, ce qui fait la richesse de Bruxelles, à savoir sa population. Elle est là, pour nous dire, changer vos « lunettes, c’est-à-dire nos outils et nos catégories, à travers lesquels on observe le monde »2. Observer et comprendre différemment Bruxelles comme une métaphore au tableau de La chute d’Icare de Pieter Bruegel l’Ancien où l’esprit se plaît à admirer ce paysage harmonieux et paisible du tableau, et l’œil à se promener entre les acteurs qui composent la peinture, le paysan, les brebis, les voiles du navire, tous de grandes figures apparentes qui cachent un corps entrain de se noyer dans l’indifférence. Bruxelles nous questionne donc, sur « l’épaisseur de l’utopie, du rêve
1. LOZE, Pierre, CARTUYVELS, Vincent, CLAISSE, Joël, Change - Brussels, capital of Europe, Bruxelles, Prisme, 2004, 304p. Ce Livre a pour ambition de relever « un défi : avec CHANGE, au-delà des freins, relancer la machine ; demander à des architectes d’ici et d’ailleurs de nous inventer des possibles, de risquer l’impensable pour, avec la gerbe de propositions ainsi récoltée, contribuer à relancer l’espoir » écrit Joël Claisse. 2. SECCHI, Bernardo, La ville européenne contemporaine et son projet, in l’imaginaire aménageur en mutation, sous la direction d’Yves Chalas, Paris, l’Harmattan, 2004, p122.
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Bruxelles Post-Europe : Capitale de la diversité, celle de l’indentité d’une ville. (photomontage)
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aujourd’hui »1 mais aussi sur « l’immobilisme, l’engagement, l’échec, la démission ou l’ivresse de la pensée, la quête de pureté, le désir de fonder une autre humanité, développer une philosophie contre l’enlisement de la pensée, la lutte contre l’anémie émotionnelle, l’indifférence. »2. L’indifférence de l’autre, de la ville, et se mouvoir dans un environnement que l’on ne comprend plus, tel est la lutte de Bruxelles. La capitale doit hiérarchiser ses besoins en se référant d’abord aux demandes élémentaires qu’elle induit. Aujourd’hui Bruxelles fait face à une démographie en hausse toujours de plus en plus diversifiée, c’est dire le besoin de la prise en compte de cette nouvelle population dans la ville, et de ce qu’elle représente. C’est dans la mixité de la population que Bruxelles pourra assumer l’entremêlement de ses échelles et de ses cultures, pour enfin se revendiquer Capitale de la diversité. L’homme a besoin de se revendiquer quelque chose. Apportons-lui la chose la plus simple : ce qui existe déjà !
1. PAZIENZA, Claudio, Tableau avec chutes, Bruxelles, Beta Digit, DVD W.I.P. Wallonie Image, La Sept Arte RTBF, 1997, 103min. 2. PAZIENZA, Claudio, Tableau avec chutes, Bruxelles, Beta Digit, DVD W.I.P. Wallonie Image, La Sept Arte RTBF, 1997, 103min.
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Bruxelles, son indentitĂŠ : sa population.
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FRICHE
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FRICHE, QU I Ê T E S - VOUS ?
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C o n n a i t r e la Friche Dans la plupart des villes européennes, le passage de la ville machine industrielle et ouvrière à la ville réseau, se reposant sur une économie de services, a laissé des traces. En effet, la ville de l’organisation des masses, des fonctions et de l’optimisation de l’homme pour produire et travailler, en faisant place à la mobilité, la communication et l’activité tertiaire a alors formé des lieux de concentrations qui modèlent encore aujourd’hui la ville de façon ambigüe. Ce changement a contribué à la création de zones de « flottement » urbain ou d’inactivités car devenues obsolètes. Ces dernières se manifestent généralement par la création de poches plus ou moins perméables comme les gated communities, ou les friches. En Europe on dénombre aujourd’hui plus de 200 000 ha de friches industrielles. Fragments, prolongements, ou glissements de paysages, ces lieux dépassent la seule problématique d’un patrimoine oublié. Les friches industrielles, peuvent être comparées à des zones intouchables et passives. Elles dégagent l’atmosphère d’un grand monument ou d’une grande plaine, vacante ou fermée, ou parfois étrangement ouverte. Elles témoignent d’une période de l’histoire où leurs activités commerciales, industrielles, publiques, étaient encore vivantes et en plein essor. Ces espaces, constitutif d’un paysage urbain distinctif, sont considérés aujourd’hui comme des tremplins pour le développement des villes. En effet, leurs situations géographiques, souvent proche des centres ou des périphéries importantes, et leurs capacités physiques organisent une stratégie urbaine pouvant être tant territoriale que locale. Aussi, elles sont présentes dans la ville de façon singulière, faisant souvent figure d’une rupture d’échelle dans leur environnement. Les friches ferroviaires dessinent une reconsidération urbaine convoitée pour l’aménagement, la planification et la densification, c’est-à-dire la construction de la ville sur la ville, mais aussi une recherche de recomposition destiné à la population, ou encore un moyen alternatif pour de nouveaux enjeux économiques.
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Friche Josaphat, vue prise du Sud vers le Nord du site. (photo personelle 11/2010)
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Cependant des sites comme ceux-ci ne représentent-ils pas des enjeux encore plus importants, comme le rattachement aux valeurs identitaires dans la ville ? Elles ont en ce sens, une signification forte, car elles réclament un questionnement sur l’essence même de leur identité. Jusqu’où réside le potentiel des friches à être reconquises ?
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F R I C H E , P O U RQUOI VO U S A I - J E C HOISI ?
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C o m p r e ndre la Friche Les identités, ou l’identité de la friche, c’est bien là la question la plus compliqué à définir. Que représentent-elles au juste ? Suggèrent-elles toutes la même absence ? Pour commencer, les origines étymologiques du mot friche n’aident pas vraiment… car elles construisent à la friche cette impression d’indéterminisme. En effet, deux versions opposées peuvent être trouvées. L’une néerlandaise, qui définit la friche par la racine des mots versch/virsch « frais, nouveau » qui, employé avec le mot lant « terre » désigne une terre qu’on a gagnée sur la mer en l’endiguant. L’autre latine friscum signifie un terrain de labour non cultivé, soit de tout temps, soit par abandon, il faut préciser que ce n’est pas un terrain laissé en jachère, en repos, mais bien une terre délaissée. Et c’est ainsi que les terrains et bâtiments délaissés et improductifs dans les villes sont devenus par extension des « friches industrielles ». Elles sont indéterminée, non-définies. Elles n’ont pas de noms mais peuvent les digérer tous. Elles n’ont pas de limites, mais n’ont celles que la ville et son environnement leurs imposent. C’est ce rapport qui permet de construire un dialogue entre la friche et la ville. Donc, c’est de ce dialogue que l’identité de la friche se dévoile, car elle libère des désirs et des projets pour la ville. Ainsi « La friche est précisément ce vide qui (paradoxalement) « donne lieu » »1. Les friches industrielles donnent lieu et dépassent alors leur image de grand terrain vague où la tabula rasa pourrait prendre pouvoir. Elle possède en plus de leur histoire passée une identité propre en relation à la ville, d’où l’intérêt de les considérer avec précaution. La réappropriation a en ce sens un rôle particulier quant à l’approche que l’on peut avoir auprès des friches. En effet, elle souligne la situation existante d’un sujet, par la prise en compte d’un possible 1. FONCEA, Jorge Lopez, Le projet culturel des friches urbaines, Paris, Centre de Recherche et d’Etudes Sociologique, 06/05/2007, 10p.
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Saisir le sens de la friche.
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renouvellement de ce dernier. Elle lui apporte donc une seconde vie, un nouveau souffle, sans pour autant le dénaturer. Cette expression relève d’un caractère humaniste, car elle permet de retrouver un sens à la familiarité que l’on peut avoir avec un sujet. De plus, la réappropriation temporalise et admet une origine dans la composition et l’usage. Ainsi, le sujet peut être présent comme tel mais sa fonction change, ou inversement. De façon plus « poétique », son aspect et sa fonction sont modifiés, mais son âme persiste. Le terme réappropriation représente par conséquent, un enjeu élémentaire dans la considération future des milieux et des éléments urbains. Les friches ferroviaires entraînent donc ces notions de réappropriation, tout en en délivrant plusieurs autres. Par exemple celles en rapport à l’environnement social singulier qu’elles déploient. Ou bien celles associées à la mutation d’infrastructures urbaines entre les réseaux lointains ou les quartiers environnants. Par ailleurs, qu’en est-il actuellement de la perception de ces friches par les citoyens ? Plusieurs suppositions peuvent-être établies. Il se peut qu’elles soient considérées comme des lieux inhospitaliers, pollués, manquant de sécurité... mais aussi, pouvant être représentatives d’une mémoire collective, culturelle et nostalgique, créées par l’effacement de leur histoire. Ainsi elles sont favorables à une nouvelle approche de revitalisation urbaine adaptée aux besoins de la population, de la ville, voir du pays. Il s’agit donc ici d’entremêler les données contemporaines (architecturales, sociales, économiques, politiques…) à ces sites passés, pour une genèse formée par l’identité, la culture, l’environnement, et les considérations futures des hommes et des villes. C’est ainsi que quatres approches différentes mais complémentaires de la réappropriation peuvent être étudiées.
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Souvenirs des choses de la nécessité quotidienne
Paul Delvaux, Train de Nuit, 1947, Collection Privée.
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S e s A p p r oches L’approche technique et environnementale, nous fait prendre conscience de l’état de la friche, de ce qui la compose physiquement, de ce qui peut être gardé, transformé, réhabilité. Plus familièrement qu’est-ce qui pourrait être recyclé. Stéphane Musika (expert en politiques foncières et urbaines) décrit la friche en ce sens, « c’est pour lui un terrain anciennement utilisé pour l’industrie et tellement dégradé par son usage antérieur qu’il ne peut plus être utilisé sans transformation et nettoyage »1. On observe alors la friche avec une préoccupation toute particulière à son état de pollution, de délabrement, et donc de la maitrise que l’on peut en avoir dans le but de rendre la zone saine à toute personne souhaitant y évoluer. L’approche sociologique et urbaine, induit naturellement un aspect psychologique quant au rapport de l’homme à la friche. Cela se manifeste par un vocabulaire significatif, on utilise alors les mots : perte, espace mort, nostalgie, dégénérescence…La friche s’humanise et prend ainsi une place dans la vie de l’homme, elle représente un passé, un rattachement à un moment de la vie. L’interaction qui se crée devient cognitive, voir sentimentale. La friche peut donc signifier un manque, révélatif d’une époque donnée. Son rôle est, quand ce sentiment est vécu, important car elle induit cette notion de temps que beaucoup oublient, permet de prendre du recul et de « faire naître chez les habitants un nouveau regard sur la ville »2. Elle peut aussi signifier des demandes éprouvées par le rapport de la population à elle-même, elle agit ici comme un miroir. En effet, parfois vécu comme une « amputation » c’est une demande de mémoire qui 1. ACTES DU COLLOQUE, 18-19 mai 1993, Strasbourg par la Laiterie-Centre européen de la jeune création, Friches industrielles, lieux culturels. Strasbourg : la Laiterie, Paris, la Documentation française, 1994, p8. 2. ACTES DU COLLOQUE, 18-19 mai 1993, Strasbourg par la Laiterie-Centre européen de la jeune création, Friches industrielles, lieux culturels. Strasbourg : la Laiterie, Paris, la Documentation française, 1994, p10.
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« Friche, continues à dormir, nous allons te transformer. ». (photomontage)
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se fabrique, ne devant pas être figée, mais s’engageant plutôt dans une élaboration de création contemporaine par ses composantes. La friche peut aussi représenter la répulsion par ses caractéristiques physiques. En effet, parfois insalubre, incommode, elle endosse le rôle de l’espace dangereux dans la ville pouvant être la scène du désordre urbain. C’est ici que l’on s’aperçoit de la richesse que la friche peut avancer par le biais des interactions qu’elle peut créer avec les différentes couches de la société. L’enjeu de la reconversion de la friche par cette approche est donc « la régénération des rapports sociaux pluralistes à travers de nouvelles offres urbaines »1. L’approche patrimoniale, elle, est à double tranchant, en effet elle rend légitime la friche et permet à la ville et à sa population d’en prendre conscience, mais son risque est de la figer, voir de la muséifier, car elle ancre la friche dans l’histoire et la temporalise. Cependant elle permet de faire exister ces lieux délaissés dans un état de « liberté » acceptés par la ville et la collectivité. Le but ici est donc d’institutionnaliser et contrôler l’usage de la friche. En effet, étant donné qu’elles induisent une utilisation indéterminée, ces espaces marginaux se trouvent souvent appropriés par des minorités que la ville ne peut maitriser. Il est intéressant d’ailleurs de mieux définir ce que le mot « marge » construit pour la friche. « La marge n’est pas considérée comme un espace public en soi, mais ses éphémères activités le suggèrent souvent. Dans ce sens, la marge n’est pas un espace public comme tel, mais un espace public possible. »2. C’est en ce sens que la friche peut garantir le caractère imprévisible d’un lieu d’incertitude dans la ville. Le défit, serait-il peut-être aujourd’hui de concilier cette caractéristique aux ambitions de la ville?
1. ACTES DU COLLOQUE, 18-19 mai 1993, Strasbourg par la Laiterie-Centre européen de la jeune création, Friches industrielles, lieux culturels. Strasbourg : la Laiterie, Paris, la Documentation française, 1994, p11. 2. CUPERS, Kenny, Friches en actions // Berlin, Bruxelles, Revue A+ n°183, 2003, p74.
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La friche comme essence de la diffusion culturelle, viendra-t-elle un jour a être épuisée ?
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L’approche culturelle, quant à elle, entraine souvent une combinaison de l’ancien à de nouvelles alternatives. Les premiers tests de « friches culturelles » ont eu lieu surtout dans deux villes du Nord de l’Europe : Amsterdam et Berlin. Puis c’est vers la fin des années 1970 et avec plus de vigueur dans les années 1980 et 1990, que diverses interventions virent le jour1. Ces projets ont tous servi d’inspiration à une vague chaque fois plus grande de « friches culturelles », à l’image du site de Crachet à Frameries, des entrepôts Lainé de Bordeaux, ou encore le parc scientifique ULM à Stuttgart. Une question se pose ici, pourquoi la friche se révèle aujourd’hui comme un élément moteur d’une diffusion culturelle ? Selon Eduardo Miralles (écrivain franco-espagnol) la friche a l’avantage de s’appuyer « sur la nécessité de formuler de nouvelles lectures du patrimoine à travers de nouvelles valeurs et de nouvelles appropriations dérivées de l’usage collectif des espaces patrimoniaux »2. Ainsi elles ont cette capacité à diffuser une atmosphère culturelle libre et sans limites, et prennent alors le qualificatif de friche d’expression car c’est dans sa nature que s’exprime son potentiel.
1. Tel que l’UFA Fabrik ou la Tacheles à Berlin, Les Halles Melkweg en Amsterdam. 2. ACTES DU COLLOQUE, 18-19 mai 1993, Strasbourg par la Laiterie-Centre européen de la jeune création, Friches industrielles, lieux culturels. Strasbourg : la Laiterie, Paris, la Documentation française, 1994, p12.
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Ces approches aussi particulières et complémentaires soient-elles, nous font prendre conscience des caractéristiques physiques et évanescentes de la friche. En effet, elles s’enchevêtrent sur plusieurs couches de la ville, car elles ont l’avantage de s’articuler avec plusieurs éléments du territoire. Aussi, elles évoquent un désir de renouvellement urbain qui s’attache d’abord par une compréhension de son passé. Par ailleurs, elles contribuent à différents phénomènes sociaux, si bien qu’elles construisent des interactions particulières entre les hommes et les choses qui la composent. La friche met ainsi en place des distances physique et cognitives entre les objets, le territoire et les hommes. Il en ressort un point particulier qui est celui de son échelle (physique et temporelle). Ainsi on peut se poser la question, à quelle échelle doit-on lire la friche ? Ou plutôt quelles sont ses échelles ? Est-ce au final son échelle qui fait son identité ? Comprendre la friche ferroviaire dans ses échelles comme tremplin pour la ville.
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FRICHE, VO U S Ê T E S à L’ é CHELLE D E TO U S L E S P OSSIBLES.
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Me s u r e r la Friche, ses échelles « Parce qu’elles disent l’éphémère d’une organisation sociale et spatiale, parce qu’elles contiennent en germe notre possible devenir. »1, la friche s’inscrit dans une échelle spatio-temporelle en relation avec la population et la ville. Elle ne se mesure vraiment qu’avec ce dialogue entre elle, la ville et le temps, si bien qu’ensembles, elles peuvent se confronter ou s’entrelacer pour construire des liens pouvant être concret ou imaginatif. Pour mieux comprendre cet aspect il ne faut pas oublier qu’avant d’être friche ces lieux étaient actifs. C’étaient de grandes industries en marche et construisaient la ville par leur positionnement stratégique. Ainsi ces industries, en plus de fabriquer des liens entre les pôles importants de la ville, agençaient les quartiers environnants, de manière à retrouver les structures fonctionnelles de la ville machine. Aussi, elles avaient de par leur architecture un empreint fort quant à leur langage formel et matériel. C’est donc de par nature que les friches possèdent cet enchevêtrement d’échelles. Néanmoins, certaines de ces échelles peuvent s’effacer dans le temps mais la présence physique ou cognitive de la friche suffit à faire sentir cet entremêlement. Il est à noter une particularité dans l’appréhension de la friche par la population aujourd’hui. Leur inactivité induit une perception plus aigue de leurs échelles temporelles et imaginatives. En effet, elle se mesure, parce que les friches font rêver. Alors comment peut-on renverser cette image scalaire, afin de l’inscrire en parallèle à son échelle plus physique. La friche est ni un bâtiment ni un village, ni un rêve ou une chimère, mais un lieu de possible, un entre deux, un juste milieu de ce que devrait représenter l’échelle d’une métropole soucieuse de sa population. Comment un lieu comme la friche peut-être métaphore à Bruxelles ?
1. ACTES DU COLLOQUE, 18-19 mai 1993, Strasbourg par la Laiterie-Centre européen de la jeune création, Friches industrielles, lieux culturels. Strasbourg : la Laiterie, Paris, la Documentation française, 1994, p27.
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La friche, le reflet de Bruxelles.
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B r u xe l l e s ou une allégorie à la Friche Elles se ressemblent dans la complexité de leurs échelles, l’une est à la fois une ruine et un territoire dans la ville, l’autre est à la fois internationale et addition de communes. Elles s’étirent dans les époques, et confèrent à un retour ou à une projection dans le temps, nous poussant alors à se rappeler ou à rêver dans notre quotidien. Elles sont un entre deux dansant entre deux extrêmes. Elles sont le reflet de l’une par rapport à l’autre dans la quête de leur identité, plus précisément il y en a une qui est indéfinie et l’autre qui n’ose pas se définir. Leurs identités sont cachées par le voile de la dégénérescence. Elles sont toutes deux là, figuratives dans un milieu qu’elles côtoient mais dont le rapport s’efface petit à petit, ceci pour faire place soit à l’isolement soit à l’abstraction. Elles possèdent en elles, par un dialogue, les moyens de se révéler et se revendiquer. Elles ont toutes deux étaient conçue par addition de surfaces, puis suite à la superposition d’un réseau, elles ont toutes deux construit des entremêlements qui proposent un autre langage des lieux, cependant cela ne reste perceptible que de façon partielle pour Bruxelles, et de façon imagée ou cachée pour la friche. Elles sont comme un lieu « mort » mais dont l’« âme » persiste attendant le jour où elle pourra renaitre. Elles ne sont pas frontières, mais contact entre les choses. Elles sont sœurs, si bien que dans la friche, on y rêve et on y écoute un silence qui pourrait être le constat de ce qui se fait dans Bruxelles. La friche est un vide, inconnu, on ne l’a voit pas alors qu’elle est là pour que l’on puisse atteindre un but, tout comme Bruxelles, on a une population devant nous mais on n’y prête pas attention. Elles sont là pour que nous puissions nous « Interroger ce qui semble tellement aller de soi que nous en avons oublié l’origine.
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Interrogeons-nous sur ce qui semble aller de soi, et trouvons la vérité des choses cachées.
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Retrouver quelque chose de l’étonnement... »1. C’est justement ce qui les rend essentielles quant à la compréhension de leur vérité. Bruxelles est la question qui répond aux questions de la friche. La friche est la question qui répond aux questions de Bruxelles.
1. PEREC, George, Infra-ordinaire, Paris, Seuil, 1989, 121p.
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CONTACT
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ME T T R E E N CO NTACT L A DIVERSITé
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Mi s e e n Cont act être dans la ville des mondes, être à Mputuville1 (en congolais), c’est être avec d’autres personnes, d’autres cultures, d’autres manières de voir et d’appréhender la ville. Lire Bruxelles, c’est lire des entités, lire des fonctions, lire des quartiers, lire des espaces, lire des réseaux, lire une histoire. Habiter la Capitale, c’est faire partie d’un dialogue entre une mixité d’entités singulières étendues dans une spatio-temporalité physique et cognitive à plusieurs échelles. Quelquefois il y a réponses, et quelquefois il y a silence. Et je m’aperçois que le silence se creuse et les réponses sonnent de plus en plus creux. Bruxelles se transforme de jours en jours en différents fragments de couleurs qui ne se retiennent plus, sa toile de fond se déchire. Des lieux créent cette déchirure, des lieux à l’image de la Capitale à l’image de ce qu’elle refuse de reconnaitre. Comment suturer et tisser un patchwork de Bruxelles afin qu’elle puisse recomposer une hétérogénéité homogène ? A Bruxelles, il faut bousculer les aprioris, éviter le dessin d’une ville diffuse, pour ancrer une révolution du renouvellement urbain grâce à la mise en contact. Qu’est-ce que la mise en contact ? C’est un projet citoyen qui noue ou renoue des liaisons, des dialogues, des relations. C’est un projet qui ne se limite pas à une nouvelle politique, mais à une réelle éthique de penser la citoyenneté au cœur de la ville, sans pour autant faire l’impasse aux enjeux économiques majeurs de la Capitale. C’est un urbanisme qui ne se détermine pas à une méthode analytique, mais à la perception et la compréhension de lieux uniques. C’est un urbanisme qui n’impose ni gabarit, ni pro-
1. Bruxelles en Congolais. MAZANZA KINDULU, Roger, Bruxelles, Mputuville, la capitale des mondes - Les Congolais et Bruxelles, Bruxelles, Le Courier, (456 mots), 07/2007.
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Le contact, comme moyen de diffuser la vie, de créer l’étincelle de vie entre la terre et les cieux.
Michel Ange, La création d’Adam, 1508-1512, fresque, Chapelle Sixtine, Rome.
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gramme, il laisse une liberté d’expression totale tout en garantissant une insertion maximale dans la ville et son rapport aux quartiers. C’est une pensée efficace qui emploie l’humilité. C’est un touché qui peut-être souple, fluide, facile, délicat et doux mais aussi solide, résistant, réfractaire, rigide ou rebelle. C’est donc dans ces tensions que réside tout l’intérêt d’une relecture urbanistique. Il est impératif de préciser que le but de la mise ne contact ne vise pas nécessairement à la cohérence ou l’harmonisation, mais au contraire, à favoriser et nourrir les dissemblances. Le patchwork bruxellois assumé, c’est dépasser les conflits identitaires et promouvoir l’identité présente de la population et des lieux. L’urbanisme de contact ne revendique pas une intelligibilité infaillible mais prône une façon actuelle de voir la ville et concevoir le projet. Il ne limite pas l’ampleur d’investigations, mais permet l’installation de toutes les échelles. Un urbanisme citoyen peut être radical, tout comme une pensée simple peut être utopique. Ainsi, il est question de manipuler des outils connus pour la création de nouvelles ambitions. Stimuler la citoyenneté Interroger les rapports aux temps Imaginer des liens entre espace et temps Renouveler les sols Elaborer des liens territoriaux Faire émerger des dialogues Former des rapports cognitifs Créer des glissements et chevauchements Pour du pluralisme en ville Pour voir la ville autrement qu’elle n’évolue Pour la reconnaissance des autres Pour de l’intégration Pour se revendiquer de la diversité Pour prendre le temps de regarder l’autre Pour la reconnaissance d’une histoire, d’une mémoire
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Créer l’étincelle du contact avec l’autre.
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JOSAPHAT
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Friche Josaphat, vue prise à l’entrée Sud-Est du site. (photo personelle 11/2010)
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Friche Josaphat, vue prise dans le site vers les batiments de logements au Sud. (photo personelle
11/2010)
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Friche Josaphat, vue prise dans la forêt végétale au Nord-Est du site. (photo personelle 11/2010)
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Friche Josaphat, vue prise entre les voies ferrĂŠes vers le Nord. (photo personelle 11/2010)
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1-Terminal de Schaerbeek / 2-Tour et Taxi / 3-Josaphat / 4-Gare de l’Ouest / 5- Delta
Les friches de Bruxelles.
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Josaphat
Bruxelles Centre
Orthophoto de Bruxelles et la friche de Josaphat. (Google earth)
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L a Fr i c h e f err oviaire de Josaphat Dans certaines parties de Bruxelles, le renouvellement économique et social du tissu urbain que la ville compose avec les friches ne se fait plus. C’est en ce sens, qu’une meilleure compréhension des friches, existantes dans toutes leurs dimensions, « apparait comme une condition préalable à la mise en œuvre de « politiques urbaines intégrées », capables d’agir en profondeur sur la ville et d’en pallier les dysfonctionnements »1. Pourquoi la friche de Josaphat plutôt qu’une autre ? Plusieurs friches sont présentes à Bruxelles, les plus connues sont celle de Tour et Taxi, du Terminal de Schaerbeek, de Delta ou encore de la gare de l’Ouest, et puis il y a celle de Josaphat. Elles diffèrent les unes des autres, d’abord par leur contexte, leur isolement, puis par l’emprise de leurs échelles dans le territoire. Aussi, si l’on fait l’exercice de les isoler, ce que les auteurs de Bruxelles Manifesto s’emploient à faire dans leur recherche2, on remarque qu’elles tissent entre elles un réseau et composent des lieux qui englobent la capitale dans son échelle métropolitaine, ils appellent cela Brussels archipel. Toutefois, ce qui fait la singularité de la friche de Josaphat dans le contexte actuel de Bruxelles, c’est qu’elle est la seule à être méconnue de la population Bruxelloise3. En effet, l’identité, le lieu et les éléments
1. CUYVERS, Wim, Terrains vagues, terrains publics, Bruxelles, Revue A+ n°183, 2003, p78. 2. VITTORIO AURELI, Pier, TRONTI, Mario, Brussels: A Manifesto Towards the Capital of Europe, Amsterdam, Berlage Instituut, Joachim Deklerck, Martino Tattara, Veronique Patteeuw, 2007, 239p. Ce livre apparait suite à un workshop d’étudiants du Berlage Institute. Les auteurs parlent, dans cet ouvrage, de Bruxelles comme « un théâtre de différences », d’où l’enjeu d’engendrer une réflexion sur la Capitale, faisant suite à leur étude sur Capital Cities en 2004. Le manifeste a donc pour but d’inscrire l’Europe et Bruxelles dans le tissu existant de la ville afin de « dédensifier et éviter la concentration des fonctions », d’où la notion de Brussels archipel métaphore à la diffusion de « l’énergie de l’Europe dans ses rapports avec la ville ». 3. Chose que je me suis aperçu lors de mes différents entretiens auprès d’architectes, urbanistes, sociologues, et amis habitant Bruxelles.
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Josaphat la poupée russe, s’enchevêtrant dans plusieurs échelles.
Schaerbeek
Evere
1860
Schaerbeek
Evere
1910
Schaerbeek
Evere
2010
Au file des années, la friche s’est petit à petit renfermée sur elle même, pour finir cachée par ce qui l’entoure.
Evolution de la friche de Josaphat et des tissus qui lui sont périphériques de 1860 à nos jours.
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de la friche ferroviaire de Josaphat sont aujourd’hui ignorés d’une grande partie des habitants de la Capitale. D’ailleurs lorsque l’on demande à un Bruxellois, « Connaissez-vous les friches de Josaphat ? », la plupart ne savent même pas de quoi il s’agit et où elle se trouve. Elle n’existe que pour certains de ses éléments qui la composent et pour ses liens ferroviaires qu’elle tisse. Toutes les autres friches, elles ont déjà eu leur moment de gloire ou de médiatisation et c’est bien là que se pose un problème, car elles perdent de leurs identités secrètes et finissent par devenir des symboles de ce que Bruxelles pourrait être. Elles participent ainsi à l’éternelle recherche de ce que la Capitale souhaite être sans se soucier de ce qu’elle est déjà. La friche de Josaphat se distingue ainsi des autres friches de par son anonymat. Aussi, elle s’insère dans un fonctionnement de Bruxelles à plusieurs vitesses scalaire, l’une à l’échelle locale comprise dans les tissus d’Evere et de Schaerbeek, l’autre à l’échelle territoriale en s’incérant dans un réseau de communication et de transport dans la capitale parfois incomplet ou inachevé. La friche s’imbrique donc dans des systèmes urbains comme une poupée russe dans d’autres poupées russes… Ainsi elle se cache par ce qui la contient tout en contenant des choses inconnues des autres. La gare de Schaerbeek-Josaphat apparait en 1910 à Bruxelles. Comme la plupart des gares marchandes d’époque, son installation allait de paire avec les industries et entreprises présentes dans la zone. La gare a alors joué un rôle important dans l’expansion urbaine de cette partie de Bruxelles, en donnant naissance à de nouveaux quartiers. Puis, Bruxelles en se spécialisant petit à petit dans une économie tertiaire ferme ses gares marchandes, c’est ainsi que la gare de Schaerbeek-Josaphat fut mise hors service en 1930. Aujourd’hui, la gare n’est plus et les industries et entreprises sont autres. Parmi les éléments qui la composent, on retrouve à l’Est des entreprises de production et de montage de vidéos, ainsi que des industries de fabrication d’instruments de musique, de caméras vidéo, de spots, et de générateur électriques. Le site, s’étendant sur 1km de
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TERRE BATTUE - PAVé - MAUVAISES HERBES GRAVIER - RAILS - JOUETS - TUILES - PIERRES DéTRITUS - ROUILLE - FEUILLES MORTES FILES éLéCTRIQUES - CÂBLES - SERINGUES BOIS CARBONISé - PNEUS - FLEURS - TUILES CADAVRES - TRAINS FANTÔMES - RUINES - SABLE FLAQUE D’EAU - VÊTEMENTS DéCHIRéS CAHIERS - BITUME - MAISONNETTE ABANDONNéE ...
Matérialités et objets présents dans la friche, de la friche de Josaphat.
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long et 500m de large, est aussi quelquefois habité par l’éphémère. Sont montés des tentes ou caravanes abritant des événements temporaires comme une foire au théâtre ou des spectacles de cirque. Puis, à son bout le plus au Nord, la station Evere se perd et reste peu utilisée. Elle se compose de deux quais ayant pour seule limite avec le paysage, un grillage. Y passe seulement la ligne 26 qui relie Malines à Halles, et quelques trains de marchandises alimentant les industries présentes sur le site. Le reste, à l’Ouest, est indéterminé tant dans son usage que dans son rapport au temps. Des objets, des traces, des souvenirs s’amoncèlent en ce lieu, et habitent ce paysage de ruine. Parfois des machines, tracteurs, camions et trains s’animent et recouvrent le silence de ce grand vide. Seule la voie ferrée induit une certaine structure au lieu en créant une rupture et un balancement entre une zone construite d’objets industriels, et une autre faite de rien. Une végétation dense et haute sert de rempart au lieu et contribue à un sentiment d’abandon et de disparition dans la ville. Il est à noter que lorsqu’on se promène l’indéfinition et le vide participent au charme et à la séduction du lieu, et l’on pourrait presque alors le qualifier d’aérien et de vaporeux, ou bien même de mystérieux, et de secrets. C’est peut-être de ce sentiment que naît ses réelles caractéristiques, à savoir ses limites avec la ville et les tissus qu’elle fabrique. D’abord, sa topographie en cuvette creuse la friche d’au moins cinq mètres de profondeur par endroits et apporte une sensation de renfermement. Ensuite, sa frontière végétale agît comme une réelle barrière visuelle et empêche le regard et l’esprit de se porter au loin. Pour finir, on se sent contenu par une « croute » bâtie autour du site qui pourrait presque faire écho à l’intérieur d’un tissu d’îlot Bruxellois fermé sur lui-même et introverti. Cette sensation est d’ailleurs plus perceptible côté Ouest du site. Seules quelques entrées timides se construisent dans le site, mais elles n’élaborent aucunes communications avec les tissus qui l’entourent. C’est un lieu qui perd son contact avec la ville, ville qui par allégorie perd son contact avec elle-même.
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Rempart végétal
« Croute » bâtie
Topographie en cuvette
4 timides accès
Coupe transversale
Limites et ruptures au sein de la friche de Josaphat.
89 Limites communales Schaerbeek
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Ruptures et déchirures urbaines
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Evere
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1-Boulevard Général Wahis / 2-Boulevard Lambermont / 3-Boulevard Léopold III / 4-la voie ferrée / 5-Parc Josaphat / 6-Friche ferroviaire de Josaphat
Limites, ruptures et déchirures entre les tissus
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«Barre» de logements
Entreprises - Bureaux
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1-Boulevard Général Wahis / 2-Boulevard Lambermont / 3-quartier Daily / 4-quartier de la Cage aux Ours / 5-Parc Josaphat / 6-Avenue de Chazal / 7-Place des Bienfaiteurs
Tissu Sud, la typique hétéroclite.
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L e s t i s s us voisins C’est dans ce contexte que ces tissus entourant la friche se tournent le dos. Ils sont fracturés par le boulevard Léopold III, le boulevard Lambermont et Général Wahis, la voie ferrée, le parc Josaphat, et la friche ferroviaire de Josaphat. Le premier tissu est situé à Schaerbeek sur les quartiers Dailly et de la Cage aux Ours au Sud de la friche. Il est vraiment détaché de l’ensemble de la friche et des autres quartiers qui lui sont voisin. En effet, en plus du boulevard Lambermont et Wahis, le parc Josaphat construit un vrai fossé entre eux, ce qui renforce peut-être à défaut l’orientation de ses quartiers vers le centre de Bruxelles. Cela se comprend déjà historiquement, ce fragment de la commune (construit avant les autres) interagissait déjà plus avec le cœur de la capitale de par sa fonction industrielle1, mais aussi de par sa densité d’habitations répondant à une démographie en hausse dans les débuts du XXème2. Il en ressort aujourd’hui un caractère qui lui est typique, celui d’une composition d’îlots Bruxellois où se collent les maisons avec parfois des commerces à leur rez-de-chaussée, créant ainsi une certaine autonomie des quartiers, tout en portant regard sur le centre de la capitale mais sans vraiment le toucher. Cette partie de la ville est donc particulière. En effet, elle est composée de nombreux quartiers, tous cosmopolites et populaires. D’ailleurs sur les 123 267 personnes3 habitant la commune, on en récence plus d’un tiers venant d’origines étrangères, parmi eux, on retrouve 40% de la population turque4 installées à Bruxelles. On y ressent alors à 1. En témoigne les Halles de Schaerbeek, connu aujourd’hui pour ces festivals et spectacles. 2. STENGERS, Jean, Bruxelles croissance d’une capitale, Anvers, Fonds Mercator, 1979, p220. 3. Source http://www.schaerbeek.be/site6/plone/quartiers/fichiers/rapport_demographique_2008.pdf 4. Source http://www.schaerbeek.be/site6/plone/quartiers/fichiers/rapport_demographique_2008.pdf
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«Barre» de logements
Entreprises - Bureaux
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1-Boulevard Général Wahis / 2-Boulevard Lambermont / 3-quartier des Fleurs / 4-quartier de Helmet / 5-Parc Albert 1er / 6-Centre Hospitalier Universitaire Brugmann / 7-Chaussée de Haecht
Tissu Ouest, l’autonome introverti.
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juste titre toute l’atmosphère plurielle de Bruxelles. S’enchevêtrent ainsi différentes cultures et origines de population diverses, mai aussi de grandes et petites avenues, des places, églises, bistrots, quelques équipements publics et écoles… de quoi construire des glissements entre plusieurs vies de quartiers animées. C’est donc peut-être bien (à mes yeux) la commune qui représente au mieux la capitale aujourd’hui. Cette partie de Schaerbeek, pourrait ainsi induire la construction d’une identité en lien avec la population Bruxelloise par un rapport d’échange et de flux important avec le reste de la ville et ses voisins, à savoir la friche et les quartiers de l’autre coté du boulevard Lambermont et Wahis. Le second tissu à l’Ouest se situe sur les communes de Schaerbeek et d’Evere. Il s’étend sur deux principaux quartiers, celui des Fleurs, et celui de Helmet. Il est constitué principalement d’habitations faites de maisons particulières et contigües, mais aussi de quelques bâtiments de logements relativement mixtes de plus de cinq étages. On y retrouve aussi différents équipements publics subvenant surtout aux besoins des deux quartiers, comme le stade Albert 1er, des écoles ou collèges, voir plus loin dans le quartier le Centre Hospitalier Universitaire Brugmann. Son réseau se structure essentiellement de rues relativement petites, limitées à 30km/h ou 50km/h, conférant ainsi à la cette partie de Bruxelles une atténuation de son atmosphère urbaine et dynamique. Cette partie de la capitale fonctionne de façon relativement autonome, et peut parfois même prendre l’aspect de cité ouvrière d’hantant. Quelques commerces se tiennent au rez-de-chaussée de certaines maisons ou bâtiments, ils sont avant tout situés aux principaux carrefours des quartiers Helmet, mais aussi le long de la chaussée de Haecht. Cependant, malgré le fait que cette partie de Schaerbeek et d’Evere possède les éléments construisant une vie de quartier, on éprouve en se promenant une atmosphère assez introvertie de l’ensemble. D’ailleurs on peut parfois ressentir un semblant de « communautarisme » entre les rues des quartiers des Fleurs ou Hel-
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«Barre» de logements
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Entreprises - Bureaux
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mètres
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1-Boulevard Général Wahis / 2-Boulevard Lambermont / 3-Boulevard Léopold III / 4-Cimetière de Bruxelles / 5-Centre commercial / 6-Centre sportif d’Evere / 7-Chaussée de Louvain / 8- Cimetière Saint-Josse / 9- RTBF
Tissu Est, le chaotique décousu.
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met. L’impression donnée est celle d’une grande citée d’habitations à l’échelle d’un village. Les espaces publics sont comme conditionnés pour le quotidien des habitants et en deviennent presque privés. La mixité des usages et des personnes rencontrées se révèlent ainsi quelquefois limité dans les rues de cette zone à cheval entre les deux communes. Aussi, son rapport à la ville parait lointain et complexe, seuls véritablement la chaussée de Haecht et le parcours zigzagant deux lignes de bus (65 et 66) conduisent au centre, affirmant encore plus cette impression d’isolement dans ces quartiers. Finalement, les moments d’activités apparaissent dans les quartiers lors de l’ouverture et la fermeture des écoles et collèges, car en recevant les enfants des quartiers environnants en plus de ceux de leurs propres quartiers, se construit, alors, des échanges avec l’extérieur. Ces quartiers autonomes de Schaerbeek et d’Evere font partis des particularités de Bruxelles, mais étant isolés, ils ne communiquent pas avec la ville. C’est ainsi que Bruxelles se fragmente et se voit perdre des parties d’elle-même. Alors, comment peut-on casser cet effet tout en maintenant la spécificité « villageoise » des quartiers Helmet et des Fleurs ? Le dernier tissu, à l’Est, est plus disparate. Il comprend plusieurs quartiers tous construits par à-coup dans le temps (Franz Guillaume, Mommaerts-Grosjean, Reine Elisabeth). C’est donc une addition de grands ensembles de logements, de cités résidentielles, ou encore de bureaux qui s’accumulent sur cette partie de Bruxelles. Cela crée entre les quartiers et les objets des distances qui peuvent quelquefois être déroutantes. En effet, un ressentit d’incomplétude se fige, et l’on lit ainsi les quartiers par fragments fonctionnels ou comme collage de poches et d’usages, sans véritables tensions et se caractérisant juste par une différence des dessins des formes urbaines. Cette zone ne dispose pas de continuité, ni par rapport à elle-même, ni par rapport aux autres quartiers ou aux zones voisines, elle est décousue. Un autre aspect de cette zone se révèle au quotidien. En effet, principalement constituée d’entreprises, les quartiers et leurs activités
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T RO I S T I S SUS, D E S S I N G U L ARIT é S
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s’animent par l’afflux des travailleurs, et c’est ainsi qu’avant 9heures et passé 17heures elle n’existe plus. Elle se vide de sa population et donne place à un néant dans les rues des quartiers. Les autres fragments du tissu quant à eux sont isolés et fermés sur ce qui les définissent, comme par exemple le centre sportif communal d’Evere, le cimetière de Bruxelles, ou encore le centre commercial avenue des Loisirs. Par ailleurs, comme on peut le constater sur la carte un manque considérable en écoles primaires et collèges dans les quartiers de cette partie Ouest des tissus présents autour du site Josaphat. Si bien que cette absence se palie par le besoin des enfants à aller de l’autre coté de la friche pour étudier dans les quartiers Helmet, Dailly ou des Fleurs. Aussi, tout comme sa voisine à l’Ouest, elle reste mal desservie vers le centre ville, et ne possède comme lien que la chaussée de Louvain et un réseau de trois bus (12, 66 et 83). On s’aperçoit ainsi que cette partie de la Commune d’Evere est réellement défaite de la ville, alors qu’elle possède des fonctions et institutions comme l’OTAN (en dehors de la carte situé au Nord Est) dont l’attention devrait se porter à l’échelle de la métropole Bruxelloise, par la réalisation d’un réseau de transport adéquat. Ainsi comment peut-on désenclaver ce secteur de Bruxelles et l’aider à s’ouvrir vers la ville ? Tous ces tissus sont singuliers, et ont pour voisin la friche ferroviaire de Josaphat. Ils s’appellent : La typique hétéroclite, l’autonome introverti, et le chaotique décousu.
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Vue aĂŠrienne. (photomontage Live Search Maps)
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A MB I T I O NS C’est dans cet environnement que la friche de Josaphat se lit comme un point inexploité de la métropole Bruxelloise et des tissus singuliers de Schaerbeek et d’Evere. La friche construit l’ignorance des uns par rapport aux autres, alors que ces tissus ont en commun leur mitoyenneté à cette dernière. Comme l’ambition multiculturelle exige un désenclavement des zones urbaines afin de « faire ville ensemble »1 et enfin revendiquer Bruxelles, Mputuville, comme capitale de Mikili, capitale des mondes, la friche doit être là comme une terre de possible. Elle ne doit pas être perçue comme une séparation, mais plutôt comme un contact à tous les niveaux, (spatiale, temporel, cognitif ) pouvant ainsi rééquilibrer les besoins des uns et des autres. En effet, les difficultés des tissus sont ceux de Bruxelles, et c’est à travers la reconnaissance de la friche, c’est-à-dire d’elle-même, qu’elle pourra contribuer à les résoudre. Tout l’intérêt se porte donc d’établir des contacts entre les tissus des communes de Schaerbeek, et d’Evere au travers de la friche ferroviaire de Josaphat, mais aussi de l’articuler à plus grande échelle dans Bruxelles. La friche ferroviaire de Josaphat est à la croisée des nombreux chemins que Bruxelles devrait prendre. Elle réside entre mémoire, histoire, reconnaissance et avenir.
1. HEIN, Carola, Bruxelles l’Européenne - Ville de qui ? Ville de quoi ?, Bruxelles, Lettre volée, coll. « Les cahiers de la Cambre Architecture no.5 », 2006, p273.
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BRUXELLES POST-EUROPE, L A FRICHE DE JOSA PHAT, DES CONTACTS, UN PROJET
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L A F R I C H E D E JOSAPHAT à B RU X E L L E S , L IEU FORT, S O U F F L E D E CONTACT, E T D E R é E QU ILIBRE AU T R AV E R S D’UNE I D E N T I T é CO MMUNE
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L a Fr i c h e de Josaphat un Pr ojet Il y a rupture dans et autour de la friche ferroviaire de Josaphat. Cette dissolution se construit donc par son niveau excavé, ses « cicatrices » ferroviaires, ses limites denses et son oubli dans le tissu urbain. Il en va de même quant aux déchirures des tissus périphériques à la friche. C’est en ce sens que tous les éléments de cette partie de Bruxelles sont essentiels à l’élaboration d’un projet de contact. Cela commence par la mise en liaison de la friche sur toutes ses échelles. D’abord, en la rendant plus poreuse à la ville, pour une reconnaissance du lieu par les habitants en maintenant enraciner ce qui fait sa mémoire, son histoire, et l’articuler dans un réseau lisible à l’échelle de la métropole Bruxelloise ; mais aussi, pour l’établissement d’un glissement des tissus en périphérie, dans le but de renverser la rupture entre ces derniers. Puis, par l’observation de ce qui amène chacun des tissus périphériques à la friche. Le tissu au Sud de la friche, lui devrait prolonger ses particularités hétéroclites et son dynamisme populaire. L’intérêt ici serait de construire des continuités entre elles, la friche et les tissus voisins par des programmes et fonctions qui sauraient les articuler sous leurs différentes échelles, afin d’inscrire l’identité plurielle de ses quartiers à l’échelle de la métropole Bruxelloise. Le tissu à l’Ouest lui pourrait, par un élan de liberté, développer ses qualités en termes d’habitations et d’équipements de quartiers, vers de nouvelles entités, dans le but de provoquer la rencontre et l’échange par la mise en tension de ces derniers, sans pour autant pervertir leurs singularités. Le troisième tissu à l’Est, quant à lui appelle à la création de nouveaux objets architecturaux et urbains s’accordant à ses besoins pour établir des points de suture entre lui, ce qui l’entoure, et la ville. Afin d’aboutir à la création de programmes adaptés répondant à l’ancrage de la mixité de la population, c’est-à-dire, ce qui construit Bruxelles
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à l’échelle des quartiers
à l’échelle du territoire
Le projet comme contact, dans la friche et ses échelles.
à l’échelle du site
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au quotidien. Le but est de contribuer à constituer l’enchevêtrement des échelles et des besoins de Bruxelles en un lieu fort comme la friche ferroviaire de Josaphat, pour que le projet puisse agir comme un souffle de contact, de désenclavement, et de rééquilibre au travers d’une identité commune. Premièrement, au sein de la friche, l’idée sera de tisser de nouveaux sols afin de mettre en liaison les niveaux du site entre eux. Ceux-ci se feront en rendant accessible la zone par de nouvelles rues, traversées et promenades piétonnes. Ce seront des liens qui ne se traduiront plus comme des entrées mais comme des continuités entre les choses répondant chacun au contexte qu’il traverse. Par exemple, deux principales continuités seront à affirmer, l’une reliant la rue du Tilleul à la rue de Genève, pour une connexion dynamique, et l’autre connectant l’avenue des Jardins à la rue Godefroid Guffens pour réunir deux zones plus intimes des quartiers en périphérie à la friche et composer une cohésion de vie de quartier au travers de la friche. Aussi, une rue centrale et longitudinale ira du point nord au point sud du site. Elle créera ainsi une voie supérieure à 5m du niveau du site mais sera au même niveau que les tissus en périphérie, si bien qu’elle viendra au dessus de la voie ferrée et permettra alors de suturer les extrémités du site et réaliser son franchissement. Deuxièmement, la porosité du site permettra, en plus de relier les tissus au travers de la friche, de prendre conscience de sa constitution et de comprendre ce qui construit sa mémoire. Cela se traduira donc par la préservation de sa qualité végétale, pour une articulation paysagère entre les tissus. Par exemple, il pourra être souhaitable de mettre en place une continuité verte entre le parc Josaphat, la friche et le cimetière de Bruxelles. Aussi, maintenir les industries en place contribuera à des échanges avec les programmes présents dans le site comme, par exemple par la mise en place de spectacle ou de conférence. Le but ici sera de faire dialoguer des entités généralement opposées en ville pour un rapport positif entre ces derniers.
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Continuité urbaine et perméabilité du site.
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La perméabilité du site fragilisera donc ses limites et aidera à inverser son état d’indéterminisme et de déterminisme de ses frontières. La population Bruxelloise pourra ainsi se retrouver en un lieu fort se caractérisant par des programmes répondant à leurs besoins, à ceux de leurs quartiers, c’est-à-dire à ceux de Bruxelles. Cela se dessinera donc par la combinaison de trois programmes fondamentaux : Une école des langues, des logements mixtes, et une gare RER Josaphat. Ils agiront comme un trio dont la forme urbaine se lit de façon unique en mettant en contact les polarités de la friche et des tissus. Ce trio imbriquera des voies, des espaces publics, à des espaces privés, collectifs et semi-publics, tout cela au travers de l’école, la gare et les logements. Il agira donc comme un ensemble dans le but d’éviter la dissociation et l’éparpillement. L’école des Langues : Le projet sera d’ancrer l’identité de Bruxelles en un lieu commun qui se manifestera par une école des Langues. Elle pourra se revendiquer du pluralisme, de la diversité et du multiculturalisme, mais aussi contribuer à combler le manque en écoles et en infrastructures sociales dans la Capitale. Cet équipement sera conçu comme un développement de l’espace public, de façon qu’il soit déterminé pour l’usage de tous comme un bien commun, il sera par extension un espace commun. Aussi, l’école sera active selon plusieurs temporalités. En effet, en l’imbriquant à d’autres systèmes et usages, comme des bars, cafeterias, ateliers de workshop et de réflexion, auditorium, cellules d’apprentissage pour enfants et personnes déscolarisés ou immigrés, l’école saura s’adapter aux demandes et aux différentes temporalités des population des quartiers et des bruxellois. Ainsi, elle recomposera les tissus, et fera se retourner le dos des quartiers sur un projet qui répond à leur écoute. L’idée serait aussi de combiner les âges, et de faire ainsi mixer différentes générations de Bruxellois. Ce lieu pourra accueillir plus ou moins 1500 étudiants, soit un bâtiment faisant à peu près 15000m² à 16000m². Il sera un
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mètres
L’école des langues comme identité commune et générateur d’énergie.
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moyen de franchir les « cicatrices » de la friche et contribuera ainsi à tisser des liens entre les quartiers et les territoires Bruxellois. Dans l’école on pourra autant rencontrer un diplomate de l’ONU venant faire des cours d’anglais, qu’un chinois venant juste d’arriver dans la capitale pour faire des cours du soir. On pourra y apprendre et comprendre l’autre, de manière à établir des contacts sociaux. Elle serait l’étendard du multilinguisme et de l’universalité comme alternative au communautarisme, et à la déchirure. La gare RER Josaphat : La mobilité doit être comprise comme un outil d’urbanisme dans ce qu’elle peut induire dans l’aménagement du territoire. En effet, étant un outil à l’échelle de la ville et non comme fragment de ville, elle fabrique de la mixité urbaine en un chapelet de points de rencontre. La gare est un facteur de liaison des choses qui permet des contacts et non pas des séparations. La création de la gare RER vient d’abord de la nature même de la friche ferroviaire et des échelles qu’elle induit, puis de la prise en compte des aspects les plus importants du schéma directeur de la zone de Schaerbeek-Josaphat. En effet, le document met en place, en adéquation avec le futur réseau RER à Bruxelles, une gare se nommant « Josaphat » au point le plus au Sud de la friche, sur le boulevard du Général Wahis. Aussi, il maintient la gare d’Evere au Nord de la friche, alors qu’elles ne seront séparées que de 1km et que l’état de cette dernière est délabré. C’est en ce sens que le projet de la gare RER de Josaphat consistera à être la seule et unique gare de la zone afin de lui donner toute l’ampleur et l’enjeu qu’elle construit. Elle sera un point stratégique reliant l’Aéroport de Zaventem au rond point Schuman, tout en passant par d’autres lieux importants comme l’ONU, ou encore Delta, de manière à ce que l’accessibilité de la zone soit en adéquation avec les besoins de mobilité à Bruxelles. Son objectif sera d’appartenir à un système de points dans la métropole, pour élaborer un croisement de la zone avec un système réseaux de transports. Par ailleurs, elle aura l’avantage de
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mètres
La gare RER, pivot, plateforme de transport, d’échange et de recomposition de tissus.
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contribuer à diminuer l’usage de la voiture et veiller à ce que la ville soit plus accessible ; mais aussi, elle aidera à accorder les politiques de l’aménagement du territoire avec les politiques de mobilité et de transports urbains. Elle viendra donc marquer une continuité forte du coté Sud de la friche pour un flux prégnant de la population plurielle qu’elle recevra. Elle prendra les mesures adéquates à son usage c’est-à-dire un bâtiment comprenant un quai de plus ou moins 70m, les services et locaux de la STIB1, des kiosques et tabacs. Elle sera un pivot articulant les échelles de l’école des Langues, des logements, de la friche et des quartiers bruxellois. La station sera une extension de la rue centrale et supérieure et formera ainsi un espace public tel une plateforme de transport, d’échanges et de recomposition de tissus. Logements mixtes : Les logements mixtes seront l’ancrage de la réalité urbaine de la population plurielle de Bruxelles. Ils répondront ainsi à la demande croissante en logements dans la Capitale. Leurs intérêts se trouvent aussi dans leurs implantations. En effet, en étant à cheval entre deux communes, ils contribueront peut-être à provoquer l’établissement d’une politique de logement fort et solidaire aux 19 communes de Bruxelles. Le but est donc de tisser des continuités de vies de quartiers entre les tissus en périphérie à la friche, mais aussi avec d’autres parties de la ville. Ces logements seront donc comme des prolongements de ces derniers. Ils créeront un glissement et la rencontre des quartiers autour d’éléments qui leurs seront communs, comme par exemple le paysage végétale de la friche, ou encore l’école des langues. Aussi, il y aura en plus des logements mixtes, des éléments qui permettront de construire une vie de quartier dynamique et active, à savoir, des commerces, des épiceries, des bistrots, et différents services comme par exemple une garderie. Cela représentera un ensemble de plus ou moins 17000m², soit de quoi recevoir 1000 habitants. S’imbriqueront donc différentes structures de logements, l’idée est 1. STIB : Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles.
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Logements mixtes aux typologies diverses, comme idĂŠal de la diversitĂŠ et de son ancrage dans le quotidien.
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de construire des dispositifs de logements mixtes en mêlant des logements pour étudiants, des logements sociaux et moyens, afin de répondre aux structures familiales et estudiantines contemporaines de Bruxelles. Des espaces collectifs et semi-publics viendront articuler ces logements avec l’extérieur, tout en maintenant ce qui fait la spécificité des logements bruxellois, à savoir leurs rapports direct à la rue. C’est ainsi que ces habitations aideront à reconnaitre un besoin, qu’est celui d’un manque de logements ayant pour fondement la mixité et la revendication de l’identité de Bruxelles par l’habitat, par ses habitants.
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OUVERTURE
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O u v e r t u re Chaque période historique a marqué son passage dans la silhouette urbaine de Bruxelles. La ville a été rythmée par des discontinuités historiques, des ruptures de temporalités et de territorialités. A coup de recherches stylistiques, l’art nouveau se juxtapose à la modernité radicale, les édifices classiques côtoient le verre des immeubles de bureaux et les maisons de maîtres se marient par la force aux barres et immeubles d’après-guerre. L’accumulation des constructions et reconstructions mêlée à la bataille incessante de représenter l’Europe en son sein, en fait aujourd’hui une ville hétérogène. Le croisement, l’entrecroisement, la diversité des sens, la mémoire, l’entremêlement des échelles, et pluralité de la population, construisent la réalité de Bruxelles. Multiple capitales avec six titres à son actif, des fossés culturels, des barrières linguistiques, des doubles ou triples politiques en son sein, Bruxelles est plus aujourd’hui que jamais, une capitale à comprendre. D’autant plus que Bruxelles recèle d’énormes potentialités de renouvellement. Le site de Josaphat s’est révélé comme un tremplin pour un projet de reconversion dans la ville et comme une opportunité d’y voir apparaître un langage urbain capable d’enrayer les dualités présentes entre la capitale, l’Europe et les citoyens. C’est en abordant une analyse par les frontières, pour approcher une future mise en contact, que commence mon projet. L’urbanisme de contact revendique ainsi une nouvelle manière de poser les questions et donc de donner des réponses. D’autant plus justifié, lorsque le site est actuellement coupé de toutes activités et pire encore, méconnu de ses voisins. Le projet a pour but d’ancrer la reconnaissance de l’identité de Bruxelles au travers d’un lieu qui lui est analogue. L’intérêt n’est pas de figer, mais de pousser à développer par la mise en contact. Mixer les domaines, les faire dialoguer, qu’ils soient porteurs de souffles, ou de pensées supposées. Je souhaiterais que ce projet concrétise l’idée possible de créer un quartier d’échange social, répondant à des besoins, des ambitions, des questionnements et des complexités. Ce sont donc trois entités communes, l’école des langues, la gare RER
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et les logements mixtes que j’aimerai voir se dessiner dans la friche de Josaphat, car je crois qu’elles répondent au lieu, à Bruxelles, à la temporalité considérée, à mes sentiments, intentions et interrogations. Elles considèrent l’importance des dialogues et des liens à nouer dans la ville. Mon hypothèse de départ visant à démontrer l’entremêlement des échelles, spécialement entre Josaphat et Bruxelles, s’est révélée être complexe car leurs situations dichotomiques les dissocient, alors que ma vision allégorique les associent. Ce sont deux entités à la fois totalement opposées mais similaires en un sens. Est-ce en jouant avec les extrêmes que l’on trouve un juste milieu ? Cette dualité permanente et récurrente dans mon énoncé, est en fait rien d’autre que la réalité actuelle à Bruxelles, qui apparait finalement non comme un non sens, mais comme une réelle force. Une force puissante qui me donne encore plus de choix et de possibilités pour dessiner l’Architecture de ce site. Ainsi, un projet comme miroir d’une réponse aux besoins et ambition d’une réalité urbaine et sociale, est-ce bien cela un lieu qui peut répondre à la question « Qui suis-je ? ».
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La friche, l’Êcole des Langues, la gare RER, les logements, les tissus, les quartiers, un territoire, des hommes, des femmes, des enfants, des contacts, Bruxelles, un projet.
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