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En politique internationale

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Nelson Mandela et l’Accord de Paris

Entretien avec l’ambassadeur suisse de l’environnement Franz Perrez, à propos de l’art du compromis, des «trucs» de négociateurs et d’une pause-café historique. Propos recueillis par Peter Bader

Photo: OFEV

Monsieur Perrez, quelle a été votre expérience la plus marquante dans les négociations internationales?

Franz Perrez: Il y en a plusieurs. L’une d’elles date de la phase préparatoire de l’Accord de Paris. Un groupe de 15 pays se rencontrait régulièrement pour des discussions préliminaires, menées par Valli Moosa, ancien activiste de l’ANC et ministre de l’Environnement sudafricain. Lorsque nous en sommes arrivés à un point où aucune solution ne semblait possible, il a raconté une histoire: en 1990, quand il est allé chercher Nelson Mandela à sa sortie de prison à Robben Island, ils ont discuté du contenu de ses prochains discours. Valli Moosa lui a conseillé de décrire objectivement les prochaines étapes politiques concrètes. Mais Mandela en a décidé autrement et a parlé de sa vision d’une nouvelle Afrique du Sud. Mandela lui a ensuite expliqué qu’il y a des moments où l’on doit dire aux gens ce dont ils ont besoin et non ce que l’on pourrait faire. Puis Valli Moosa nous a tous envoyés à la pause-café. Cette histoire nous a touchés et profondément impressionnés. Et nous avons compris que, dans les moments historiques, il faut avoir une vision et y croire pour réaliser l’impossible.

Quels sont les principes essentiels pour obtenir des compromis?

Il faut maîtriser le sujet jusque dans ses moindres détails. Et il faut surtout aussi connaître avec précision les positions et les intérêts réels des autres pays: quelles concessions sont-ils prêts à faire ? Qu’est-ce qui leur est impossible? De quoi ont-ils absolument besoin? Dans la phase préparatoire de l’Accord de Paris, nous avons sollicité l’avis d’un professeur de droit américain réputé afin de bien comprendre quelles étaient les règles que le gouvernement américain pouvait accepter de lui-même et à partir de quel stade il devait s’en référer au Congrès. Nous savions ainsi exactement jusqu’où aller avec les États-Unis, et dans quelle mesure des règles trop strictes pouvaient entraîner leur retrait.

Quel rôle les relations personnelles jouent-elles?

Elles sont primordiales. Il ne s’agit pas ici d’établir les relations les plus harmonieuses possible, mais de se prendre au sérieux et de se faire confiance mutuellement. On sait ainsi que tel ou tel est compétent et tenace, que ce qu’il dit tient la route. Ce qui signifie aussi qu’il n’y a pas d’intérêts cachés, autrement dit, que les préoccupations environnementales ne servent pas de prétexte à des intérêts économiques.

Existe-t-il des «trucs» de négociateurs?

Non. Mais il faut une stratégie claire. Ce qui implique aussi d’être présent, de s’exprimer avec pertinence et de laisser parfois les négociations échouer – la partie adverse sait ainsi que vous parlez sérieusement.

Du fait de sa neutralité, la Suisse at-elle un rôle particulier à jouer?

Sur les questions environnementales, la Suisse n’a pas une position neutre. Nous sommes une petite nation, nous ne pouvons pas résoudre seuls les problèmes liés au climat, à la biodiversité, aux produits chimiques ou aux déchets. Il est dans notre propre intérêt d’avoir des règles internationales solides.

Franz Perrez | Chef de la division Affaires internationales | OFEV franz.perrez@bafu.admin.ch

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