Portrait

À même pas 30 ans, Marine Hervé fait preuve d’une certaine sensibilité, d’un vrai regard esthétique, d’un talent d’écriture, assurément, mais surtout d’une grande humanité. Bref, avec son premier court-métrage “À travers”, elle a déjà toutes les qualités pour devenir une réalisatrice hors-pair.

TEXTE > JOSÉPHINE TEREISSA PHOTOS > D.R.

MARINE HERVÉ “ÇA CRÈVE L’ÉCRAN ET LE CŒUR”

J’y ai posé mes sentiments”. C’est par ces quelques mots, d’une douceur infi nie, autant qu’elle l’est, que Marine Hervé introduit son premier fi lm, un court-métrage d’une vingtaine de minutes, qui aborde un sujet Ô combien tabou : le deuil périnatal, c’est-à-dire un enfant né sans vie, avant le terme de la grossesse. “

Un sujet tabou

“À travers” raconte ainsi l’histoire de Louise qui doit subir une interruption médicale de grossesse, à sept mois. Avec son conjoint, Pierre, ils vont se battre pour survivre à cette épreuve. Mais comment faire le deuil d’un enfant qu’on n’aura pas ? Partager ces ultimes heures et l’accompagner une dernière fois ? Le choix narratif qu’en fait Marine Hervé révèle son talent. L’esthétisme, l’ambiance, l’exactitude des dialogues et des émotions, tout y est juste, et la fi ction laisse voir une réalité bien trop tangible. La mortalité périnatale en France concerne plus de dix grossesses sur 1.000. Et il a fallu attendre décembre 2021 pour que la loi accorde aux parents de nommer leur enfant.

Questionner l’identité

SI Marine Hervé n’est pas originaire de l’île de La Réunion, sa sensibilité et son empathie lui ouvrent la porte des histoires qui s’y déroulent. “J’ai plein d‘histoires qui pourraient faire des histoires de cinéma” lui raconte un jour un médecin. Mais celles-ci, particulièrement la marquent, et font émaner un trouble, “un genre de mélange d’éléments affectifs et émotifs, de couleurs et de formes” détaille-t-elle encore. Son prochain sujet de réalisation ? Le mythe de Lémurie, “une sorte d’Atlantide de l’océan Indien” qui est à l’origine de nombreux débats en géologie et en zoologie, mais qui questionne également l’identité créole, le métissage et en particulier à l’île de La Réunion au regard de sa société post-esclavagiste. Marine Hervé a construit son cinéma entre Amélie Poulain, Alabama Monroe ou encore Cinéma Paradisio. Sa façon de créer ? “Tout part de l’envie, celle de partager et de dire les choses” confi e-t-elle. Elle sait pertinemment que faire de l’art est une chance de pouvoir dire et montrer, elle s’en saisit pleinement et le spectacle est magnifi que.