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Sommaire Editorial (A. Hassid) ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 3 Une réalité unique en Europe ? (A. Fivé) ...................................................................................................................................................................................................................................................................... 5 Du principe d’égalité aux établissements d’assistance morale (J. De Brueker) ................................................................................................................................................................... 8 DANS NOS ARCHIVES : Interview de Philippe Grollet (F. Van Reymenant) ............................................................................................................................................................................. 10 Pour un État Laïque (N. Geerts) ......................................................................................................................................................................................................................................................................................... 13 DANS NOS ARCHIVES : Une assistance morale non confessionnelle, une laïcité à vocation universelle (G. Vlaeminck)....................................................... 17 Communauté philosophique et mouvement politique (M. Bietlot) .................................................................................................................................................................................................. 20 L’assistance morale au quotidien (C. Tolley) ......................................................................................................................................................................................................................................................... 24 DANS NOS ARCHIVES : Sans cesse remettre sur le métier... (G. Lienard) ............................................................................................................................................................................ 27 Laïcité et droits de l'homme des enjeux communs (A. Martinet) ..................................................................................................................................................................................................... 29 Des déclarations de principes aux pratiques politiques (T. Lambrechts) ................................................................................................................................................................................. 33 Genre et laïcité (P. Hidalgo) .................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 35 LIVRE-EXAMEN : La laïcité expliquée à M. Sarkozy… (T. Lambrechts)...................................................................................................................................................................................... 39 PRÊT-À-PENSER : Neutralité (C. Tolley) ..................................................................................................................................................................................................................................................................... 41 Le goût de la nuance et de la rencontre (S. Léonard) .................................................................................................................................................................................................................................. 43 PORTAIL : Yes we can ! (M. Friso) .................................................................................................................................................................................................................................................................................... 48 AGENDA : échos laïques de vos activités bruxelloises .............................................................................................................................................................................................................................. 50
Bruxelles Laïque est reconnue comme association d’éducation permanente et bénéficie du soutien du Ministère de la Communauté française, Direction Générale de la Culture et de la Communication, Service de l’Education permanente. Bruxelles Laïque Echos est membre de l'Association des Revues Scientifiques et Culturelles - A.R.S.C. ( http://www.arsc.be/) Bruxelles Laïque asbl Avenue de Stalingrad, 18-20 - 1000 Bruxelles Tél. : 02/289 69 00 • Fax : 02/502 98 73 E-mail : bruxelles.laique@laicite.be • http://www.bxllaique.be/
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EDITOrial Actions et réflexions laïques
u’est-ce que la laïcité ? Comment se définit l’action laïque ? Que recouvre l’assistance morale laïque ? Ces questions se posent, probablement, pour de multiples raisons.
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Peut-être, d’abord, parce que la laïcité organisée ne communique pas encore suffisamment autour de ses initiatives. Pourtant, la communication fait partie des défis majeurs que le mouvement laïque s’est fixés à l’aube du XXIe siècle, notamment à travers son plan stratégique : “Regards laïques pour une société plus juste”. Les medias se font fréquemment l’écho de débats de société qui interpellent aussi bien les concepts que les positions laïques. Ces discussions, parfois très tendues, peuvent à l’occasion raviver l’interrogation voire l’incompréhension qu’a suscité et suscite toujours la reconnaissance officielle et le financement étatique des communautés non confessionnelles de Belgique. Ces droits acquis en 2002, au même titre que les cultes, divisent le monde laïque, entre autres, autour de la double dimension de la laïcité que nous défendons. Pourtant, c’est au nom de la première, la laïcité politique, que nous sommes reconnus comme représentants des adeptes de la deuxième, philosophique. On peut y percevoir une incohérence, un énième avatar des compromis surréalistes à la belge ; nous y voyons l’articulation féconde de deux exigences complémentaires. Un rapide regard vers les autres pays révèle que la situation n’y est pas forcément plus évidente. Il nous paraît d’ailleurs fructueux que la société interroge la laïcité puisque nous organisons nous-mêmes ce questionnement. Notre cycle La Laïcité en débat vise précisément la rencontre du monde extérieur et la mise en débat de nos orientations, préoccupations et questions afin d’être toujours plus en phase et en prise avec les enjeux d’aujourd’hui et de demain. La démarche n’est ni neuve ni étonnante dès lors que le débat et la remise en question sont inhérents à la laïcité. Dans ce 64ème numéro de notre trimestriel, l’un ou l’autre texte extrait de nos archives le rappelleront. Nos pages se sont toujours voulues des contributions et, surtout, des incitations au débat.
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Il n’existe donc pas de réponse unique aux questions ici posées. Il n’existe point de définition monolithique, intangible de la laïcité. Et heureusement, puisqu’une telle conception se trouverait en contradiction de principe avec le refus du dogmatisme et de l’hégémonie qui anime la laïcité de part en part. La laïcité s’inscrit dans l’histoire au même titre que la société dans laquelle elle se déploie. Pas plus que la société, la laïcité n’est figée. Toujours à l’instar de la société, la laïcité forme un vaste ensemble pluriel. Si la laïcité se présente, entre autre, comme une modalité de gestion de la diversité, il y a également une diversité laïque. Loin d’être homogène, la nébuleuse laïque se compose de multiples nuances, d’une région à l’autre, d’une génération à l’autre, d’une sensibilité politique ou sociale à l’autre,… Avec les tensions qu’impliquent ces différences et qui font la richesse et la dynamique d’un mouvement vivant. Cette diversité se manifeste à son tour sur le plan de l’action laïque, d’autant plus que celle-ci repose sur l’autonomie de chacun et vise à promouvoir et réaliser un projet humaniste global. Contribuer à l’émancipation de l’individu et au développement d’une société plus juste constitue un vaste chantier qui mobilise de multiples outils, un édifice en construction constante auquel il y a mille manières d’apporter sa brique. La panoplie des activités et services que propose notre association se veulent quelques-unes de ces briques ou quelques-uns de ces outils. Laïcité (politique et philosophique) rime pour nous avec démocratie. L’une comme l’autre ne peuvent jamais être considérées ni comme acquises, ni comme abouties. Elles relèvent toutes deux d’un processus qui requiert un engagement permanent et une participation active et critique de chacun. Un processus qui ne progresse pas sans poser des questions et fournir des réponses, elles-mêmes questionnables.
Ariane HASSID Présidente f.f
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Le financement public des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique
Une réalité unique en Europe ?
Chacun se souviendra de l’importante mobilisation initiée, en 2003, par des organisations non gouvernementales aussi bien pluralistes que catholiques ou laïques1, pour demander le retrait de l’article 51 du projet de Constitution européenne. Cet article stipule que l’Union européenne respecte le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Eglises et les organisations philosophiques non confessionnelles et maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Eglises et organisations. 5
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n dépit de cette action commune, ces dispositions ont été maintenues dans l’actuel traité de Lisbonne2. Elles institutionnalisent en quelque sorte un espace d’ingérence potentielle des Eglises dans les institutions de l’Union en leur accordant un “droit au dialogue”. Si ce droit est éminemment préjudiciable au respect du principe de stricte séparation entre les Eglises et les autorités publiques, on ne peut ignorer que l’Union européenne reconnaît dorénavant, à côté des Eglises, l’existence d’“organisations philosophiques et non confessionnelles”3.
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Cette reconnaissance explicite au niveau européen peut surprendre. La Belgique, en soutenant financièrement les organisations philosophiques non confessionnelles au même titre que les religions, ne fait-elle pas figure d’exception dans le paysage européen ? Certes oui. Tout observateur des relations Eglises / Etat et des mécanismes de financement des religions en Europe peut constater qu’au-delà de la liberté individuelle et collective de croire ou de ne pas croire qui est reconnue dans tous les Etats européens, l’évolution historique propre à chaque pays a conduit à prendre des chemins extrêmement diversifiés et à géométrie variable pour régler aussi bien leurs relations avec les Eglises et/ou les organisations philosophiques non confessionnelles (régime de séparation, régime de reconnaissance ou encore de coopération) que les modalités de financement (subventions directes, subventions indirectes, impôt cultuel, etc.). La Cour de Strasbourg considère, à cet
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égard, qu’il convient de laisser une marge d’appréciation aux Etats “pour ce qui est de l’établissement des délicats rapports entre l’Etat et les religions”4. Il n’existe pas un “modèle français” de séparation de l’Eglise et de l’Etat qui interdirait de manière absolue tout financement public direct ou indirect, ou encore dans l’autre sens, un “modèle scandinave” de religion d’Etat qui exclurait tout autre courant religieux ou philosophique. La réalité européenne est beaucoup plus complexe et nuancée. Prenons l’exemple de la France. Contrairement aux idées largement reçues, un bon nombre de dispositions légales dérogent au principe d’interdiction de subventionnement et de rémunération des cultes prévu par la loi du 9 décembre 1905 de séparation Eglises / Etat. Les collectivités publiques accordent des subventions publiques pour l’entretien des édifices du culte qui sont très souvent des bâtiments appartenant aux pouvoirs publics. Le financement public de l’enseignement privé confessionnel est admis. Les aumôneries dans les institutions publiques comme les hôpitaux, l’armée, les prisons sont financées par l’Etat français, des aides fiscales sont accordées, etc. Toutefois, au-delà de la grande diversité de situations, des points de convergence entre les Etats européens doivent être pris en considération. Tout d’abord, toutes les Constitutions européennes garantissent l’effectivité de la Convention européenne des droits de l’Homme, et en particulier la liberté de conscience, c’est-à-dire la liberté de
croire ou de ne pas croire, la liberté de changer de croyance ou de conviction ainsi que celle de manifester ses convictions (enseignement, pratique, rites). Ensuite, les Etats européens reconnaissent le principe d’autonomie des organisations religieuses, ce qui signifie que les organisations sont habilitées à établir leurs propres règles d’organisation et leurs normes internes. Le principe de pluralisme est généralement admis et garanti dans tous les systèmes constitutionnels européens, même si certaines difficultés ont pu exister comme en Grèce. La Cour européenne des droits de l’Homme a considéré que le pluralisme avait une place centrale, en le qualifiant de “consubstantiel” à une société démocratique.5 Et enfin, l’application d’une réelle égalité de traitement et de non-discrimination laisse entrevoir bien des évolutions possibles au sein de l’Union européenne. L’application de ces principes peut conduire bien entendu à un financement public plus important des différentes convictions, mais aussi à un retrait de ce même financement public. Mais revenons à la “spécificité” de la Belgique. Le Constituant belge a en effet été plus loin que bon nombre d’autres pays européens en mettant un terme aux discriminations à l’égard d’un mouvement laïque belge ancré dans le paysage belge depuis la seconde moitié du XIXe siècle en réaction au catholicisme prégnant et qui s’est fortement structuré au fil des années.
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L’article 181§2 de la Constitution6, tel que modifié en 1993, prévoit la possibilité pour le législateur de reconnaître des organisations qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle et de leur accorder un soutien financier identique à celui des cultes reconnus (principalement le paiement des traitements et pensions du personnel rémunéré et la prise en charge des frais de fonctionnement). Ce n’est pas la croyance ou la conviction philosophique en tant que telle qui est reconnue, mais l’utilité sociale, l’intérêt social et sa valeur humaine qui est soutenue. Le second paragraphe ne se limite donc pas au financement des organisations laïques structurées. C’est volontairement que le Constituant a opté pour une formulation plus large. La référence expresse au terme “laïque” ou “laïc” prête encore aujourd’hui à confusion. Un bon nombre de catholiques comprennent encore aujourd’hui ce terme comme se rapportant à ce qui n’est pas religieux, ne faisant pas partie du clergé. Les assistants paroissiaux payés par le SPF Justice au titre de ministres du culte catholique sont des “laïcs” catholiques. Par ailleurs, au sein même du mouvement laïque, la distinction entre la “laïcité politique” et la “laïcité philosophique” continue à faire débat. Le terme “non confessionnel” visé par le paragraphe 2 de l’article 181 implique un attachement à une conception philosophique exclusive de toute relation à un dieu ou à un culte religieux.
Depuis 2002, le Conseil Central Laïque, composé du Centre d’Action Laïque et de l’Unie Vrijzinnige Verenigingen, est soutenu financièrement par les pouvoirs publics. Demain, l’Union bouddhiste belge qui a introduit une demande de reconnaissance comme conception philosophique non confessionnelle (article181§2) devrait, sauf incident de parcours, devenir la seconde organisation non confessionnelle reconnue puisque telle est son auto-définition. La communauté philosophique laïque se réfère, quant à elle, à une philosophie positive. Les valeurs comme le libre examen, l’autonomie, l’émancipation, la conquête de la citoyenneté, l’eudémonisme, l’égalité et la solidarité déterminent la spécificité des relations et des multiples actions menées par les laïques. “La pensée laïque conçoit un projet de société délivrée du dogmatisme, qu’elle qu’en soit la nature (cléricale mais aussi idéologique), où les femmes et les hommes puissent prendre leur destin en charge.”7. Cette conception implique nécessairement une approche individuelle mais aussi collective dans la défense des valeurs, ainsi qu’une volonté de s’inscrire dans la défense d’une société démocratique respectueuse des droits de l’Homme.
1 La Fédération Humaniste Européenne dont le CAL et l’UVV sont membres mais aussi l’International Planned Parenthood Federation/Réseau européen, Catholics for a Free Choice/ Europe, le Réseau européen Eglise de Liberté, Right to Die Europe, l’International Lesbian and Gay Association/Europe, l’Association des Femmes de l’Europe Méridionale, la Fédération Européenne de l’Education et de la Culture. 2 Précisons toutefois que le traité de Lisbonne prévoit dans son préambule la référence à la fois aux “héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l'égalité et l'État de droit”. Les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne devraient entrer en vigueur début 2010 pour autant qu’une solution au non irlandais soit trouvée. 3 Cf. article 17.2. de la version consolidée du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. 4 CEDH 27 juin 2000, Cha’are Shalom Ve Tsedek c. France, REDH, 2001, p.185. 5 CEDH 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, série A n° 260-A, §31. 6 Article 181 de la Constitution belge “§ 1er. Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l'État; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget. § 2. Les traitements et pensions des délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle sont à la charge de l'État; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget.” 7 Philippe Grollet, “L’avenir des nationalités dans la grande Europe”, Outils de réflexion n°1, Centre d’Action Laïque, 1991.
C’est là certainement sa spécificité et sa richesse. Anne FIVÉ Juriste CAL COM
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Du principe d’égalité aux établissements
d’assistance morale Le financement par l’Etat fédéral des associations représentatives de la communauté non confessionnelle remonte à 1981, date à laquelle un premier subside annuel a été accordé au Conseil Central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique pour assurer la structuration du mouvement laïque. La deuxième étape importante a été la modification en 1993 de l’actuel article 181 de la Constitution par l’ajout d’un deuxième alinéa qui prévoit la prise en charge par l’Etat des traitements des délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle. La concrétisation de cette reconnaissance a été mise en place en fonction du
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principe d’égalité à appliquer entre les différentes communautés philosophiques. Il est évident que nous sommes loin d’un système de financement qui assure une répartition équitable des moyens financiers octroyés par l’Etat aux différentes communautés philosophiques. C’est pourquoi le CAL travaille depuis longtemps à une plus juste application de ce principe d’égalité.
En cette matière comme pour d’autres questions qui remettent largement en cause des rentes de situations, les changements ne pourront venir de la simple affirmation d’une exigence, de la simple dénonciation d’une injustice. “Le CAL estime qu’il est de la responsabilité de nos institutions publiques de s’assurer qu’une communauté quelle qu’elle soit – culturelle, religieuse ou philosophique – ne puisse à l’avenir instrumentaliser
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– voire confisquer – la puissance publique à son profit. L’affirmation d’une laïcité politique de l’Etat reste l’unique garante de la neutralité et de l’impartialité des pouvoirs publics. En conséquence, le CCL tient à réaffirmer la primauté de la loi civile sur les prescrits religieux et demande que soit adoptée une loi rendant la séparation Eglises/Etat effective.”1
Par ailleurs, le terme “communauté non confessionnelle” est défini comme étant : l’ensemble des personnes d’une circonscription territoriale déterminée qui se reconnaissent dans les valeurs promues par les associations qui composent les deux branches du Conseil Central Laïque, à savoir le Centre d’Action Laïque et l’Unie Vrijzinnige Verenigingen.
Concernant la communauté non confessionnelle, c’est la loi du 21 juin 2002 qui concrétise la modification constitutionnelle intervenue en 1993.
Actuellement le CAL regroupe 28 associations communautaires et près de 300 associations locales. Par ailleurs, il fédère 7 régionales qui, elles-mêmes, rassemblent les 300 associations locales sur une base territoriale.
Cette loi est relative non seulement à la reconnaissance de l’organisation représentative des communautés philosophiques non confessionnelles (le CCL), mais concerne également la reconnaissance et l’organisation des communautés philosophiques non confessionnelles et des services d’assistance morale sur la base territoriale provinciale et de l’arrondissement administratif de la Région de Bruxelles-Capitale. Le secrétariat fédéral, attaché au Conseil Central Laïque, est chargé d’une fonction de coordination, ainsi que de la position sociale des délégués qui offrent une assistance morale selon cette même conception. L’ensemble de ces dispositions relatives à la concrétisation de l’assistance morale sont le résultat de l’action, depuis sa création, il y a 40 ans, du CAL et des associations qui le composent. La mise en œuvre de ces dispositions s’est donc réalisée en tenant compte du tissu associatif laïque existant.
Ce sont les régionales qui, en concertation avec le CAL, définissent pour l’ensemble de la communauté philosophique non confessionnelle le cadre de développement des activités et des services d’assistance morale laïque. Cette assistance morale consiste principalement à agir, individuellement et collectivement, en vue d’assurer et de développer l’exercice ainsi que les conditions nécessaires : - à l’accompagnement des personnes selon une conception de vie non confessionnelle dans les épreuves ou étapes de vie importantes ou difficiles ; - au développement de la pratique du libre examen face aux différents déterminismes et entraves à la liberté de pensée ; - au développement de l’autonomie des personnes et à l’exercice d’une citoyenneté active ;
- à la concrétisation effective du principe de séparation Eglise / Etat ; - à la mise en œuvre des valeurs de solidarité et d’égalité en lien avec diverses questions sociétales. Pour assurer le financement public de ces missions, la loi a constitué pour chaque communauté philosophique non confessionnelle reconnue un établissement de droit public. Il y a douze communautés reconnues, une par province et deux pour la Région de Bruxelles-Capitale. Les moyens financiers de ces établissements conduisent à la prise en charge des projets initiés au niveau des régionales du CAL (Provinces et Région de BruxellesCapitale) dans le cadre de la politique générale d’assistance morale décidée par les instances élues qui constituent le mouvement laïque. Cette politique générale couvre de vastes domaines et vise à mettre en œuvre les principes de l’humanisme laïque.
Jean DE BRUEKER Secrétaire général adjoint du CAL COM
1 Livre Blanc du CCL, page 32 “Pour une société juste, progressiste et solidaire”, 2009. Coédition CAL-UVV.
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DANS NOS ARCHIVES
Lors du vote de la loi de reconnaissance de l’assistance morale laïque
Interview de Philippe Grollet Président du Centre d’Action Laïque [en 2002]
Quels sont pour vous les plus grands bénéfices que vous identifiez dans la concrétisation effective de l'art. 181 § 2 de la Constitution pour le mouvement laïque d'une part et pour la société belge d'autre part ? C'est une étape dans un processus très long qui a commencé bien avant la création du CAL lui-même et qui est loin d'être achevée. Les objectifs sont doubles. D'une part, renforcer l'impartialité des pouvoirs publics vis-à-vis de l'ensemble des citoyens, quelles que soient leurs convictions, religieuses ou non confessionnelles, et parmi les conceptions confessionnelles, qu'elles soient catholiques, musulmanes, israélites, orthodoxes… D'autre part, il s'agit à l'intérieur de cette société pluraliste de défendre les intérêts particuliers d'une communauté qui est la communauté philosophique non confessionnelle. Trop souvent, on a voulu opposer ces deux perspectives qui, pour nous, sont intimement liées. Nous voulons à la fois une société avec un espace public qui soit impartial, neutre, qui
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défende les droits de l'Homme et qui considère que les conceptions philosophiques ou religieuses ressortent de la sphère privée des personnes. En même temps, dans la mesure où le fait confessionnel ou non confessionnel est une réalité, il est assez logique que la communauté philosophique non confessionnelle ait sa juste place. Pour nous, c'est tout à fait complémentaire, il n'y a pas de contradictions. La séparation de l'Eglise et de l'Etat, renvoie à la notion d'impartialité. Ce qui peut vouloir dire que soit l'Etat ignore les communautés confessionnelles ou non confessionnelles et ne leur accorde rien, ce qui signifierait l'égalité par le vide, soit l'Etat accorde certains moyens suivant des critères objectifs, dans le cadre d'une justice distributive. Bien entendu, la séparation de l'Eglise et de l'Etat implique aussi qu'aucune communauté n’interfère dans les affaires publiques. On ne leur accorde aucun privilège. Eventuellement, on leur attribue certains moyens…
On a découvert dans les archives de Bruxelles Laïque un numéro de l'hebdomadaire “La Pensée” de 1920 qui était un journal issu de la Fédération des sociétés belges de libre pensée qui attaquait et dénonçait, de manière virulente et au nom de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, le financement des cultes par l'Etat. Aujourd'hui, l'art. 181 est ce qu'il est, on en parle, la notion d'impartialité peut expliquer l'évolution des choses. Néanmoins, comment expliquez-vous le passage d'un refus à une acceptation du mouvement libre penseur ? Je pense que dans les années 20, on ne pouvait qu'être frappé par le caractère totalitaire du système et par le fait qu'il n'y avait, à ce moment-là, que le culte catholique qui comptait (on peut parler de véritable “colonisation”). Les revendications de cette époque étaient de véritables cris de révolte ! Quand on est dans un tel déni, il est évident que l'on propose des solutions très radicales. Il n'y avait aucune chance que de telles revendications aient
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le moindre écho parlementaire. On ne trouve aucune trace de ce genre de débats dans les archives parlementaires de cette époque où les cris de certains n'étaient que des slogans. Quel message souhaiteriez-vous faire passer aux détracteurs de la concrétisation de l’art. 181§2 ? Depuis la reconnaissance provisoire (années 80), on n’a jamais vu autant de progrès significatifs en matière de “décléricalisation” de la société. Nous avons maintenant des moyens pour faire des propositions concrètes, diffuser, informer,… Bien sûr, rien n'est parfait ! Mais y a t-il une majorité politique pour la suppression de tous les budgets attribués aux cultes et à la communauté philosophique non confessionnelle ? Qui est prêt à dire : “Demain, on ne paie plus les traitements et les pensions des ministres du culte, on supprime les aumôneries et on ne paie plus l'entretien des bâtiments religieux”. Je crois que cela relève du slogan ! Se contenter d'un slogan, c'est un peu faible. J'ai envie de dire aux détracteurs de la concrétisation de l'art 181§2 : “Et vous, que faites-vous pour que les choses avancent ? Quelle alternative proposez-vous ? Où étiez-vous…?”.
Quelles sont les nouvelles missions du mouvement laïque qui seraient induites par la concrétisation de l'art 181§2 ? A l'intérieur du système des subventionnement des communautés, nous sommes bien placés pour proposer une réforme fondamentale. C'est une stratégie de
rupture qui doit conduire à une évolution radicale dans les prochaines années. Il faut souligner que le processus n'est pas achevé ! Il faudra bien sortir d'un système qui privilégie l'opacité complète et qu'on mette fin aux rentes de situation ! Ce que nous ferons dans les tout prochains mois, c'est rendre publiques des options déjà arrêtées par le CAL et mettre en œuvre (il faut que le monde politique suive…) des réformes qui sont fondamentales. J'évoquerai tout d'abord la nécessité des débats publics sur les masses attribuées aux cultes en général et à la communauté philosophique non confessionnelle, la nécessité de critères objectifs de répartition des subsides et une nécessaire limitation dans le temps des reconnaissances. Qu'il s'agisse du culte catholique, musulman ou de la communauté non confessionnelle, les reconnaissances devraient être accordées pour 10 ans et pas pour l'éternité. Cette reconnaissance devrait être assortie d'un certain nombre de conditions. Par exemple, ces communautés devraient respecter les libertés publiques, les principes constitutionnels. Le raisonnement est le même que pour le financement des partis politiques. Si un parti fait de la propagande discriminatoire, il est en opposition avec un principe constitutionnel. Cette sanction n'existe pas pour le financement des communautés philosophiques confessionnelles ou non confessionnelles. Ce n’est pas normal. D'autre part, les bénéficiaires des subventions publiques devraient être représentés vis-à-vis des pouvoirs publics par des structures démocratiques élues par les leurs et pas désignés de l'extérieur éventuellement par une puissance étrangère.
Un débat politique au niveau du Parlement fédéral sur la masse budgétaire attribuée aux cultes concourrait ainsi à la laïcisation de l’Etat de manière beaucoup plus significative. Ces dernières années, les différents parlements ont pris des décisions difficiles et très critiquées pour limiter les budgets de l'éducation, de la santé, de la défense…Ces débats sont tout à fait fondamentaux dans notre société. Il n'y a jamais de débats semblables pour les cultes ! Nous veillerons à ce qu'il y en ait. Ces nouvelles missions ciblent-elles le culte confessionnel ou le rôle de l'Etat ? L'un va avec l'autre. Si on veut un Etat démocratique impartial et bien géré, on doit lutter contre tous ceux qui fonctionnent sur des prébendes, des rentes de situation et qui mettent toute leur énergie à enrayer le processus. Il est évident que l'appareil de l'église ne compte pas spécialement parmi les forces démocratiques. En tant que président du CAL trouvezvous gênant le fait que la laïcité soit associée à une notion de culte ? Par exemple, des écoles décident de visiter les communautés religieuses, de les rencontrer, de discuter de leurs conceptions de vie… et, souvent, la laïcité est sollicitée au même titre. La laïcité, c'est d'abord l'exigence d'un espace public impartial. Seul l'Etat laïque respecte les religions. Un Etat religieux ne respecte pas les religions des autres et ne reconnaît pas non plus les dissidences de sa religion puisqu'il y a confusion entre le pouvoir de l'Eglise et le pouvoir de l'Etat.
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Comment définiriez-vous une communauté ? Et la communauté laïque en particulier ? Une communauté implique la conscience d'une histoire ou de valeurs communes. Les laïques ont-ils quelque chose en commun ? Lorsque l'on réunit deux laïques, on a parfois trois avis... Notre communauté semble dépourvue de structure forte. A tel point que certains peuvent se dire : “Estce que je suis laïque ? Quel est le critère ?”. La communauté laïque se définit par des valeurs qui doivent être lues dans leur ensemble (si on les prend isolément, on trouvera toujours d'autres personnes qui les partagent) et ces valeurs sont comprises dans une perspective strictement humaniste (sans référence à dieu ou à un principe supérieur). Je ne pense pas qu'il existe une communauté athée car le fait d'être athée n'implique pas l'adhésion à des valeurs positives. Or, on construit une communauté de partage avec du positif. Dans l'expression “communauté philosophique non confessionnelle”, le terme “philosophique” renvoie à nos valeurs. Ces valeurs (le libre examen, la conquête de la citoyenneté et de l'autonomie, la réhabilitation du bonheur et du plaisir, la capacité
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de révolte, l'impératif de justice) ne sont pas théoriques. Nous n'avons peut-être pas un livre de référence, mais nous avons des bibliothèques entières ! Les valeurs que nous défendons se retrouvent de manière récurrente dans une multitude de textes émanant d'individualités pourtant très différentes ! L'idéal d'égalité dans un esprit humaniste débarrassé du surnaturel et du magique… la cohérence est dans ces valeurs.
Propos recueillis par Fabrice VAN REYMENANT Directeur de Bruxelles Laïque
Article paru dans Bruxelles Laïque Echos, 2ème trimestre 2002, n°37 : “Paroles de Laïques”, pp. 2-5
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Pour un État Laïque Peut-on, au nom de ses convictions religieuses, exiger des accommodements de la part des services publics – administrations, écoles, hôpitaux, justice ? Jusqu’où faut-il tenir compte des particularismes religieux et / ou culturels des uns et des autres pour modifier les règles de fonctionnement qui, dans les services publics, s’imposent à tous ? Peut-on accepter, au nom du différentialisme culturel, les mises en cause de l’égalité des sexes, de la démarche scientifique ou de la neutralité de l’Etat ? Et quelle forme devrait prendre cette neutralité, pour n’être pas une simple abstention qui permet toutes les dérives et ouvre la porte au relativisme ? Comment, en d’autres termes, vivre ensemble aujourd’hui, croyants et non-croyants ? La solution réside peut-être dans l’instauration d’un Etat laïque. Laïque ? Vous avez dit laïque ?
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Introduction La Belgique souffre à l’évidence d’un défaut de laïcité. Il suffit pour s’en convaincre de mentionner au détour d’une conversation son attachement au principe de laïcité : aussitôt, il devient patent que nos concitoyens, pour la plupart, ignorent totalement ce que signifie, originellement, le concept de laïcité, et le confondent allègrement avec l’athéisme, voire l’hostilité à la religion. Être laïque, dès lors, est d’emblée suspect : comme s’il s’agissait de vouloir à toute force éradiquer le sentiment religieux pour lui substituer une sorte d’athéisme d’Etat. Or, la laïcité n’est autre qu’un principe politique d’organisation de l’Etat, qui postule la nécessaire indépendance réciproque des Eglises et de l’Etat, et ce, afin que nulle religion – en ce compris l’irréligion – ne s’institue, justement, en religion d’Etat, ce qui mettrait en péril la liberté de conscience que tout Etat démocratique se doit de préserver. Un Etat laïque, donc, est d’abord et avant tout un Etat qui garantit à chacun de ses habitants le droit de croire ou de ne pas croire, sans être contraint de souscrire à de quelconques préceptes religieux ni de participer à aucun culte. Être laïque, sous cet angle, n’est donc absolument pas une conviction philosophique. Rien ne s’oppose à ce qu’on soit catholique, musulman, bouddhiste, protestant, … et laïque. Il est même de l’intérêt des minorités religieuses d’être laïques, dès lors que cette laïcité constitue pour elles une garantie de ne pas se voir imposer un culte qui n’est pas le leur.
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Parallèlement, l’athéisme est quant à lui une conviction philosophique, à l’instar des différentes convictions religieuses. Croire qu’il existe un Dieu et le nommer Yahvé, Allah ou Dieu, ou croire qu’il n’existe aucun principe transcendant, ne sont que les deux faces d’une même médaille. Vu sous cet angle, il était logique que l’athéisme se constitue en mouvement de pensée et revendique pour lui-même ce que l’Etat belge accordait aux cultes reconnus, à savoir une reconnaissance et des budgets lui permettant d’offrir aux incroyants des services comparables à ceux que les différentes religions reconnues mettent à disposition de leurs fidèles. Cependant, regrouper les athées, agnostiques, humanistes, libres penseurs et autres rationalistes sous le label “laïques” a sans doute contribué à brouiller les cartes et à augmenter la confusion entre la revendication de stricte séparation entre les cultes et “philosophies non confessionnelles” et l’Etat d’une part, et l’incroyance d’autre part.
La laïcité, un concept politique Historiquement, l’exigence de séparation entre les Eglises et l’Etat constitue une tentative de dégager l’Etat du cléricalisme. Il s’agissait au fond d’instituer la territorialité en principe fondateur de l’Etat, en délimitant clairement les sphères de pouvoir respectives du spirituel et du temporel. Rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César, en somme…
Exiger que les lois soient établies et que la justice soit rendue en fonction de la loi des hommes et non de celle de Dieu, que l’enseignement soit dispensé non par des curés et bonnes sœurs, mais par des instituteurs et professeurs ayant pour mission de transmettre des savoirs et des compétences plutôt que la parole divine, revendiquer pour tout citoyen la liberté de conscience et de (non-)culte, voilà quelques-uns des principaux jalons de la conquête laïque. Prétendre, conséquemment, que la laïcité est anticléricale est un truisme. Comment, en effet, pourrait-elle ne pas l’être, dès lors que le cléricalisme est précisément cette exigence de mainmise du religieux sur les affaires temporelles ? En toute bonne logique, la laïcité ne peut que s’opposer, de la même manière, à tout athéisme d’Etat, puisqu’il s’agirait alors d’imposer le primat, dans les affaires de la Cité, d’une conviction philosophique sur les autres. Quid alors de la liberté de croire, de pratiquer un culte religieux, d’observer les prescrits que sa religion commande ? La laïcité, donc, ne saurait rien imposer, si ce n’est la mesure, et le respect de cette frontière invisible, mais symboliquement essentielle entre la sphère de l’Etat et celle du religieux. C’est pourquoi on associe souvent “laïcité” et “neutralité”. L’Etat laïque est neutre, en effet, au sens où il ne prend parti pour aucune conviction philosophique ou religieuse. Mais comment traduire cette neutralité dans les faits ? S’agit-il de promouvoir une neutralité d’abstention, où l’Etat se borne à n’intervenir en aucune manière
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dans la sphère convictionnelle ? Ou au contraire de promouvoir une neutralité active, où l’Etat intervient pour empêcher l’immixtion du religieux dans la sphère institutionnelle pour, précisément, préserver cette neutralité ? Ainsi, s’agissant du débat sur les signes d’appartenance religieuse et philosophique dans les administrations publiques, certains considéreront que l’Etat est neutre dès lors qu’il laisse coexister tous signes d’appartenance, sans prendre parti pour aucune conviction particulière. Pour d’autres au contraire, la neutralité de l’Etat ne peut en la matière être passive, mais doit au contraire se traduire par la promotion d’une neutralité “active”, c’est-à-dire une exigence de neutralité extérieure pour tous les fonctionnaires des services publics, dès lors que ceux-ci incarnent l’Etat. C’est dans cette dernière mouvance que s’inscrit le R.A.P.P.E.L., convaincu que la préservation d’une sphère institutionnelle “activement neutre” est la seule manière de garantir à tous un service public identique, d’une part, et d’éviter la domination symbolique d’une communauté convictionnelle majoritaire sur les autres, d’autre part. Par ailleurs, la neutralité de l’Etat suppose et exige que les lois soient adoptées au nom de l’intérêt général, et non du respect de telle ou telle conviction philosophique ou religieuse particulière. Ce n’est qu’à ce prix que l’Etat peut être “de tous”, et non “de certains”. Les grands combats laïques du vingtième siècle, qu’il s’agisse de revendiquer le droit à la crémation, l’accès à la contraception, le droit à l’interruption volontaire
de grossesse, au mariage homosexuel ou à l’euthanasie, n’imposent de toute évidence à personne ni la crémation, ni la contraception, ni l’avortement, etc… Simplement, les laïques qui ont mené ces combats l’ont fait au nom du droit de chacun de décider en conscience, sans que de quelconques principes religieux ne s’imposent à ceux qui n’en ont que faire. Replacer ces questions sur le terrain de l’éthique et de la loi, et non sur celui de la conformité à un quelconque commandement divin, telle était l’exigence laïque. Nul dogmatisme laïque là-dedans, dès lors que les lois étant établies par et pour les hommes, chacun reste libre de ne pas user de tel ou tel droit qui lui est désormais garanti. Pas question, en revanche, qu’on interdise l’avortement, l’euthanasie ou la crémation en raison de leur prétendue non-conformité à la volonté divine, dès lors que les lois de Dieu ne sont pas de celles qui gouvernent la société des hommes.
Liberté de religion, liberté de conscience À chacun ses convictions… Voilà bien une affirmation qui, si elle a rendu possible l’émergence de la libre pensée et de la laïcité, pose aujourd’hui problème à cette dernière. En effet, si les laïques d’hier n’avaient à lutter “que” contre des Eglises instituées ou leurs représentants reconnus, la situation est tout autre aujourd’hui. Ces dernières années, les revendications qui visent à contester la loi civile n’émanent généralement plus du Vatican ni d’un quelconque clergé, mais de particuliers
qui, pour faire valoir leur point de vue, ne brandissent plus l’autorité divine traduite par ce clergé, mais quelque chose qu’ils affirment comme étant de l’ordre de la liberté de conscience. Inversement, il n’est pas d’autorité religieuse suprême, par exemple dans l’islam, mais aussi chez les Témoins de Jéhovah ou les chrétiens évangélistes, que l’Etat reconnaisse comme interlocuteur légitime : soit parce que cette autorité n’existe pas – rappelons que l’exécutif des musulmans de Belgique, outre qu’il est largement décrédibilisé par les scandales à répétition qui le touchent, n’a en charge que les aspects temporels du culte, et non ses aspects spirituels –, soit parce que c’est la mouvance religieuse elle-même que l’Etat belge ne reconnaît pas. Aujourd’hui prolifèrent donc les interprétations du texte “sacré”, portées par des individus qui se revendiquent de leur liberté de conscience, et plus nécessairement d’une autorité religieuse particulière. Et face à cette prolifération se pose une question radicalement neuve concernant les limites à fixer à la liberté de conscience, non pas dans l’absolu, mais dès lors qu’elle prétend interférer avec les règles qui valent pour tous, les lois et les règlements. C’est très exactement dans cette perspective que s’inscrit le R.A.P.P.E.L., Réseau d’Actions pour la Promotion d’un Etat Laïque : comment articuler, aujourd’hui que se multiplient des revendications trouvant leur source dans l’une ou l’autre interprétation de tel ou tel texte sacré, le nécessaire respect de la liberté de conscience et le vivre ensemble ?
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Et ce, dans les institutions de l’Etat que sont les écoles, les administrations ou les hôpitaux publics, par exemple. Ce difficile exercice passe sans doute par une certaine privatisation des convictions religieuses, autrement dit la compréhension que ces convictions, pour respectables qu’elles soient, appartiennent à la sphère privée, et que dès lors elles n’ont pas à s’imposer dans des lieux dont la mission est le service à la collectivité, et non à diverses communautés. Dans cet esprit, le R.A.P.P.E.L. appelle au remplacement des cours philosophiques, reflet d’intérêts catégoriels à la fois dépassés et impuissants à promouvoir le vivre ensemble sur base d’un socle de principes communs, par un cours commun où tous les élèves, sans distinction aucune, se trouveraient rassemblés autour d’un
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projet essentiel : celui de faire de chacun un citoyen libre et responsable et une conscience autonome douée d’esprit critique. Par ailleurs, le R.A.P.P.E.L. souhaite qu’une réflexion soit menée sur le financement des cultes, réflexion qui ne se borne pas simplement à revoir la clé de répartition du budget alloué aux cultes – en ce compris la laïcité philosophique –, mais qui ait pour toile de fond la question de l’utilité sociale des cultes aujourd’hui, utilité sociale qui justifie seule leur financement.
Nadia GEERTS Initiatrice du R.A.P.P.E.L., Nadia Geerts a coordonné un ouvrage collectif à paraître en mars 2009 aux éditions Luc Pire : La laïcité à l’épreuve du XXIième siècle.
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DANS NOS ARCHIVES
Une assistance morale non confessionnelle
Une laïcité
à vocation universelle
La Communauté française a défini, dans un passé récent, la neutralité de l'enseignement organisé par les pouvoirs publics (décrets des 31 mars 1994 et 17 décembre 2003). Elle met ainsi un terme à une situation aberrante qui autorisait l'existence légale d'un enseignement public, destiné à tous, et cependant de caractère confessionnel. Ces textes ont fait l'objet d'un très large consensus. Ils ne bénéficient toutefois pas d'une publicité suffisante. Ils la mériteraient cependant car ils reprennent des considérations fondamentales pour l'orientation du travail des enseignants, des élèves, des étudiants et de l'école autour de trois thèmes essentiels : l'objectivité, la tolérance et la citoyenneté responsable. 17
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n rencontrant clairement un des buts du CAL qui vise à exiger l'impartialité des services publics et la séparation de l'Eglise et de l'Etat, ces mesures relancent également le débat sur les tensions internes qui peuvent naître au sein du mouvement entre la revendication de neutralité et le combat pour la reconnaissance du droit à une assistance morale non confessionnelle. Les deux objectifs ne sont certes pas incompatibles. Ils sont historiquement liés l'un à l'autre. Il reste cependant à les articuler harmonieusement. Au cours de l'automne dernier, le Conseil d'administration du CAL a consacré un week-end à débattre du sujet.
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Ce double objectif (espace neutre - assistance morale non confessionnelle) semble s'adresser, à première vue, à des publics distincts. Entre la population pluraliste d'une école publique qui doit prendre en compte la diversité des convictions et la clientèle habituelle d'une maison de la laïcité, il existe d'importantes différences qu'il serait imprudent d'ignorer. Il y aurait danger, en effet, à réduire l'action laïque dans la société à la seule recherche d'un champ de diffusion des thèses athées ou agnostiques à l'image des institutions créées jadis au nom de la religion catholique pour assurer à la fois une action sociale indispensable et une évangélisation efficace. Ces dernières s'évertuent d'ailleurs aujourd'hui à escamoter la signification du qualificatif dont elles sont affublées, laissant croire parfois que, dans un pays où le multiculturalisme se développe, un service public peut parfaitement être de caractère confessionnel. Cette stratégie ne cesse d'être suspecte car il est très malaisé d'y séparer l'opportunisme du
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souci réel de modernisme. Il serait particulièrement maladroit pour la laïcité de laisser supposer, par des manœuvres imprudentes, que la modernisation de ces discours relève d'une évolution normale de la pensée religieuse avant que d'être fondamentalement une concession à ce que fut toujours notre combat pour l'autonomie de la pensée et la défense de la liberté d'examen. Simultanément, le désintérêt des jeunes pour toutes les formes de militantismes idéologiques devient notoire. Leur engagement va plutôt vers les grandes causes humanitaires où les clivages, sur base des convictions particulières des individus, n'occupent plus la place principale. La pensée occidentale s'est progressivement inspirée, n'en déplaise à certains, du principe de la liberté de conscience. Le libre examen n'est cependant pas un concept simple que l'on peut aisément brandir comme une bannière. Il nécessite à la fois une grande indépendance d'esprit et une réelle faculté d'examen. En l'absence d'une de ces deux composantes, le concept perd son contenu et débouche, comme partout ailleurs, sur les préjugés et la pensée dogmatique. La laïcité ne peut en aucun cas être assimilée à ces valeurs qu'elle combat précisément depuis toujours. La tolérance vigilante doit impérativement rester la règle essentielle de notre conduite. Par ailleurs, on le sait, un concept peut revêtir bien des acceptions différentes. Il en va ainsi de la tolérance dont Voltaire disait volontiers qu'elle est l'apanage de l'humanité. Nous n'avons plus aujourd'hui
que le monopole d'une certaine tolérance. Ce n'est pas celle qui se cantonne trop fréquemment dans cette définition qu'en donne Littre en parlant de “condescendance, indulgence à l'égard de ce qu'on ne peut ou ne veut éviter”. C'est là la tolérance de ceux qui possèdent la vérité définitive et qui décident d'écouter autrui sans pour autant l'entendre. La tolérance représente pour le laïque bien autre chose. Elle est synonyme d'ouverture sur l'autre, de respect de sa personne et même de sa pensée dans la mesure où elle constitue une invitation à tenter de comprendre les raisons qui poussent autrui à penser et agir autrement que nous. Elle nous offre ainsi la possibilité de progresser vers l'universel. C'est par l'échange, la discussion, la controverse, le dialogue qu'elle s'exerce. Il est très aisé de pratiquer la tolérance au sein d'un groupe dont on partage les idées. Il est bien plus difficile de le rester dans une société pluraliste. On peut comprendre dès lors combien il est important pour le laïque de se plier à la discipline sévère qui le conduit de l'examen à l'échange avant de se forger une opinion conforme à sa propre échelle de valeurs et de la défendre. Combien il doit se construire une conviction personnelle sur la base d'une information suffisante et d'une réflexion personnelle. C'est l'une des raisons, sans doute, pour lesquelles le libre examen se cantonne trop fréquemment dans la sphère intellectuelle. C'est l'une des causes également de notre inquiétude face aux piètres résultats de nos jeunes dans les enquêtes internationales, évaluant les acquis scolaires et la progression parallèle (et peut-être pas indépendante) de la recrudescence des
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mouvements sectaires et des manifestations d'un nouvel obscurantisme. Si nous voulons faire progresser nos idéaux d'ouverture et de neutralité de l'espace public, il faudra nous habituer à faire un bout de chemin avec ceux qui, sans partager l'ensemble de nos convictions, situent leur foi dans l'homme au-dessus de celle qu'ils placent en dieu. Ceux-là ont généralement renoncé au respect inconditionnel des règles imposées au profit du libre exercice de leur intelligence et de leur sensibilité. La collaboration avec eux est envisageable et justifiée dans la mesure où personne ne tente d'instrumentaliser son action dans un quelconque but de prosélytisme. Il revient aux laïques de définir la laïcité. Elle ne peut en aucun cas se limiter à la seule défense des intérêts moraux de ceux qui ne se revendiquent pas de dieu. Si ces derniers constituent effectivement l'essentiel de nos troupes, la laïcité se doit également de rester ce mouvement d'aspiration vers un universalisme de respect de la dignité humaine dans sa diversité et sa pluralité. C'est en plongeant dans ce pluralisme, sans s'y fondre, que le laïque peut échanger et convaincre.
Le bâtiment qui abrite actuellement le département pédagogique de la Haute Ecole Francisco Ferrer au 110 du Boulevard Maurice Lemonnier fut érigé au XIXe siècle par la Ligue de l'enseignement sur un terrain offert par la Ville de Bruxelles. Il porte encore à son fronton le titre d'“ECOLE MODELE” qui fut sa première dénomination. Dans le Hall d'entrée figure une plaque commémorative qui dit : “Cette école laïque consacrée au perfectionnement de l'instruction primaire a été inaugurée le 17 octobre 1875”. Le terme “laïque” devait être clarifié dans le discours du Président de la Ligue, Gustave JOTTRAND qui précisa : “Préparatoire aux devoirs de la vie civile, l'école doit être avant tout préparatoire à la tolérance ; dans son enceinte ne doivent retentir que des paroles qui unissent, celles qui divisent doivent rester au dehors, …”
130 ans plus tard, la laïcité répond toujours à la mission ambitieuse de s'ouvrir à l'universel.
Guy VLAEMINCK Président de la Ligue de l’Enseignement et de l’Education Permanente, membre du C.A. du Centre d’Action Laïque.
Article paru dans Bruxelles Laïque Echos, 1er trimestre 2005, n°48 : “Laïcité et enjeux démocratiques”, pp. 8-9
Ce discours n'a rien perdu de son actualité.
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Lorsque fin 2007, le projet de Plan stratégique du Centre d’Action Laïque fut soumis aux commentaires et suggestions des composantes du mouvement laïque, des membres du Conseil d’administration et de l’équipe de Bruxelles Laïque se sont livrés à un examen libre, critique et constructif des propositions. Une note de synthèse de nos réflexions a été rédigée et intégrée dans la préparation de l’Assemblée générale du CAL qui adopta le plan stratégique. Les propos qui suivent sont extraits, et parfois étayent ou extrapolent ce document qui n’a jusqu’ici pas été diffusé publiquement. Ils se concentrent sur la définition des laïques reconnus au tournant du siècle : définition de l’identité, du contenu et de la forme qui peuvent unir ces laïques. Pour ce faire, nos réflexions tentent d’articuler la laïcité philosophique et politique, le combat originel et actuel, la communauté et le mouvement.
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Un cadre politique et une démarche philosophique La conciliation entre laïcité philosophique et laïcité politique, rappelions-nous dans cette note, ne pose pas de problème éthique et conceptuel. Encore moins historique ! Elle est assumée par le mouvement depuis ses origines. On connaît en effet l’ancrage historique et contextuel de la laïcité belge : vu l’hégémonie du catholicisme dans le petit Royaume et son ingérence – voire sa colonisation – dans la sphère publique comme dans la sphère privée, ce sont d’abord et principalement des libres penseurs, athées ou agnostiques, stigmatisés et lésés par ce dogme dominant, qui se sont battus et organisés (dans des structures qui aboutiront au CAL) pour revendiquer la séparation de l’Eglise et de l’Etat ; ce que nous appelons à présent la laïcité politique. Vu les circonstances et la construction progressive des revendications, la distinction d’une double définition (“d’une part… d’autre part… ”) n’a pas tout de suite été aussi clairement formulée. Cette trace de l’histoire se retrouve encore aujourd’hui, quand nous discutons avec des militants laïques plus anciens, marqués par l’emprise chrétienne et motivant leur combat pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat ou pour l’égale dignité de tous au nom de leur athéisme brimé jusqu’il y a peu. Cette conciliation interroge toutefois la cohérence de nos messages relatifs tant à notre mission qu’à nos positionnements sur une série de questions de société. C’est, de fait, pour nos interlocuteurs que cette double définition est source de confusion (de quel point de vue et à quel titre parlezvous ?) voire de grief (on nous reproche, par
exemple, l’ambigüité d’un positionnement à la fois au dessus et à côté des religions ou de vouloir imposer un athéisme d’Etat). La confusion nous a paru parfois émaner de l’un ou l’autre laïque participant à nos rencontres. En outre, d’une composante à l’autre de la mouvance laïque, on privilégie telle ou telle référence (philosophique ou politique) pour aborder des questions, terrains ou interlocuteurs parfois très proches. Cette situation peut générer à l’extérieur une impression de double discours ou, du moins, d’incohérence. L’articulation complexe de notre double conception laïque nous paraît sensible au sein de la plupart de nos champs d’action et de chacun des axes proposés par le plan stratégique du CAL. Elle détermine également les différentes options envisageables pour notre stratégie de rayonnement et d’élargissement. Il nous paraît donc opportun de réfléchir et préciser davantage pour chacun des axes ou domaines d’intervention comment s’y articulent la laïcité politique et la laïcité philosophique. En amont de ces précisions spécifiques, relevons déjà l’intrication ou les recoupements qui lient ces deux laïcités au niveau des principes. S’il est vrai qu’en pratique les positions ou approches d’un même thème peuvent parfois diverger énormément entre acteurs laïques et donner une image floue des positions du mouvement, c’est aussi sur le terrain que nous avons pu constater une convergence principielle des deux définitions de la laïcité. Il arrive régulièrement que des positions, actions ou campagnes soient tenues de manière très similaire par deux associations laïques, l’une au nom de la conception de vie philosophique des laïques, l’autre en référence au cadre politique
revendiqué. Une initiative en faveur de l’égalité, la solidarité, la citoyenneté ou le respect de la dignité se réfère tout autant aux valeurs humanistes des libres penseurs qu’aux principes et obligations de l’Etat de droit laïque. Cet Etat se veut tout comme le libre examen intrinsèquement démocratique et condition de la démocratie. Les notions et processus de liberté de conscience, d’autonomie et d’émancipation animent la laïcité tant philosophique que politique. Le concept de “laïcité profonde”, proposé par le philosophe Edouard Delruelle et commenté dans notre dernier numéro, rejoint les deux définitions en appliquant la démarche philosophique au cadre politique : une société est laïque lorsqu’elle ne repose sur aucun fondement intangible ou transcendant (échappant à la remise en question). C’est au nom de ces similitudes entre les démarches qu’on peut recourir au même terme “laïcité” pour désigner à la fois une conception de la société (politique) et de vie (philosophique). Par contre, lorsque le mouvement laïque parle au nom de la “communauté” non confessionnelle qu’il représente, il serait peut-être moins équivoque d’utiliser un autre terme (par exemple : “non croyant”, “libre penseur” ou “athée et agnostique”). Une plus grande lisibilité de notre message et de notre identité nous paraît indispensable mais ne peut se formuler au détriment de notre inscription dans un mouvement plus vaste ou de la vocation universelle de notre projet de société. Actualiser, élargir, converger L’actualisation de ces deux conceptions, tel qu’y engage le plan stratégique, offre à nos
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yeux des opportunités intéressantes de conciliation. Actualiser (plutôt que revisiter) les valeurs laïques nous apparaît comme une exigence permanente. Par définition, des valeurs sont abstraites et doivent s’actualiser, se concrétiser, en fonction de chaque contexte. Actualiser les valeurs revient d’abord à analyser et réduire les entraves actuelles à leur exercice. La paternité des valeurs nous importe moins que leur réalisation. C’est aussi par la rencontre d’autres personnes et mouvements (ici et dans le monde) qui partagent nos objectifs que ce travail d’actualisation des valeurs peut s’opérer. Lorsqu’on actualise, ancre et étend nos deux dimensions de la laïcité au monde d’aujourd’hui, les deux exigences s’en révèlent d’autant plus nécessaires et complémentaires. Selon notre analyse, nous devons apprécier le retour du religieux dans le contexte actuel de faillite des repères individuels et collectifs ébranlés par une mondialisation débridée et, plus généralement, sous la pression des conditions de vie rendues difficiles par les conjonctures sociales et économiques contemporaines. Nos démocraties fonctionnent sans substance, sans contenu et sans ancrage social, elles perdent du coup leur capacité créative et imaginative. Elles ne sont plus en mesure de proposer du sens et l’Etat n’en est plus le dépositaire, tout comme il ne gère plus les rapports essentiels. Le religieux est là parce qu’il y a une place à occuper, laissée vacante par le déficit démocratique et social. Nous voyons l’emprise du religieux (et de nombreuses formes d’aliénation) comme une conséquence de la crise profonde des valeurs démocratiques et collectives dans des sociétés qui ne construisent plus des
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solidarités, mais exacerbent des oppositions et des affrontements. La dégradation du cadre d’existence, social, économique, politique, culturel et intellectuel, menace la laïcité autant si pas plus que les diverses offensives religieuses que connaissent nos sociétés et les institutions européennes. Dans cette perspective, l’option religieuse correspond à la mise en place d’un mécanisme de défense ou de refuge, par essence sécurisant ou réparateur, face à la précarisation des perspectives et l’effritement du sens de l’existence des personnes. Cette considération nous invite à coupler nos efforts de lutte contre l’intrusion et la propagation du religieux dans l’espace public par une stratégie apte à proposer des alternatives face aux multiples attentes de sens et de bien-être des personnes. Contrairement à la plupart des religions ou déterminismes, la laïcité ne délivre pas des solutions toutes faites mais offre des outils, une démarche pour la recherche ou la création d’un sens, tant individuel que collectif, libéré de tout dogmatisme. En d’autres termes, notre vigilance pour le maintien de l’impartialité de l’Etat et notre militantisme pour la progression des valeurs humanistes nécessitent d’agir parallèlement sur les facteurs d’affaiblissement des conditions sociales, économiques et culturelles de la population. Ce qui relève de notre capacité à proposer des pistes d’émancipations individuelles et collectives. En ce sens, il nous semble important de soutenir les revendications des acteurs progressistes et démocrates issues des différentes conceptions philosophiques ou communautés culturelles. Nous estimons
primordial de relier toujours plus étroitement les enjeux laïques et les enjeux démocratiques. La démocratie comme la laïcité cherche à promouvoir le débat constructif plutôt que l’affrontement stérile. Notre combat spécifique aura tout à gagner si nous nous inscrivons dans un mouvement plus vaste de progrès social – que nous ne sommes pas les seuls à revendiquer – dont une des conséquences pourrait être la perte d’attrait des solutions religieuses et des refuges communautaires. Outre le terreau du religieux, une laïcité actualisée doit prendre en compte une définition étendue de ses adversaires. Nous estimons primordiale la vision exprimée par Pierre Galand et reprise (moins explicitement) dans le plan stratégique concernant l’élargissement des combats laïques à l’ensemble des tentatives de captation ou mise en cause de la chose publique par des intérêts idéologiques ou économiques particuliers. Il est bien entendu que, dans cette optique, le combat anticlérical n’est pas remplacé ou oublié mais prolongé. Il se voit doté du statut de “stimulus” plutôt que de “fin en soi”. Entendu comme stimulus, le “combat fondateur” contre un état de non-laïcité politique, invite les laïques à la vigilance permanente face aux risques de retour de cette situation. Il peut aussi être considéré comme une expérience constructive et pédagogique qui leur a fait prendre la mesure des conséquences individuelles et sociales de tout déterminisme. Au nom de cette expérience, ils peuvent étendre leur attention à tous les phénomènes susceptibles d’aliéner l’impartialité de l’espace public et l’autonomie individuelle.
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Cette perspective permet de reconnaître notre histoire, d’en faire usage dans une visée d’intérêt général et d’adopter une approche qui met l’accent sur l’existence de nombreuses sources d’aliénation. Pour n’en citer que quelques-unes : publicité, pensée unique, sclérose institutionnelle ou syndicale, culture du fatalisme, tout au sécuritaire,… autant de nouvelles emprises incompatibles tant avec la libre pensée qu’avec la société laïque. Cette orientation permet de renforcer la laïcité dans son rôle d’outil de cohésion sociale, d’émancipation individuelle, de promoteur d’une justice sociale et de construction d’un monde commun à tous les humains reconnus comme libres et égaux. Par exemple, la laïcité politique est un outil de conciliation des rapports sociaux qui a historiquement fait ses preuves pour gérer la diversité des croyances (religieuses). Il peut être utilisé pour concilier tous types de relations sociales et de diversité, autrement dit, pour gérer sereinement le rapport à l’altérité. Il nous paraît important de spécifier que, quels que soient les contextes où la laïcité politique est apparue dans une société, elle a été le fruit d’une négociation, parfois violente. Ce dialogue a abouti à l’établissement de règles consensuelles autour desquelles la pluralité des conceptions peut cohabiter et construire un vivre ensemble favorable à tous. En Belgique et en France, ces tractations ont dû avoir lieu avec les catholiques, les acteurs se sont aujourd’hui diversifiés…
Dynamique commune plutôt que mouvement de repli Nous ponctuerons ces réflexions et propositions relatives à l’articulation entre laïcité philosophique et politique, à l’actualisation et à l’extension de leurs enjeux par une clarification au sujet des notions de “communauté” et de “mouvement”. Si nous nous penchons sur la signification de ces termes, nous pouvons les distinguer par quelques oppositions. Alors que la communauté réunit des personnes (ou associations) autour d’une origine ou référence commune, le mouvement rassemble autour d’un projet partagé. La communauté se définit d’abord par son passé, le mouvement par son avenir. Le mouvement peut s’assumer comme pluriel, tandis que la communauté a tendance à se vouloir unitaire, homogène. La communauté prend donc le risque de se figer ; le mouvement se veut, par définition, dynamique, orienté vers le changement. Le mouvement apparaît plus flou et moins fort face aux tentatives d’ébranlement que la communauté. Le mouvement se caractérise par l’ouverture à tout ce qui peut le renforcer ; la communauté, quant à elle, délimite un dedans et un dehors. Comment dès lors “renforcer le sentiment d’appartenance à un mouvement laïque et à une communauté non confessionnelle” (plan stratégique) ? Les deux ambitions pourraient paraître contradictoires. Nous sommes régulièrement confrontés à l’interrogation : “Comment ne pas décevoir les athées ou agnostiques qui cherchent un espace, un dedans, une limite de reconnaissance et de différenciation identitaire
tout en participant à une démarche d’ouverture avec ceux d’en face (anciens et nouveaux) ou avec les autres en général tel que le requiert notre projet de société ?” Les revendications communautaires et les aspirations au mouvement méritent à notre sens d’être travaillées de manière précise, tant en interne que dans la communication externe. Gageons que les ateliers de la Convention du 7 mars 2009 et les chantiers qui en émergeront y contribueront. Et suggérons déjà qu’une communauté (athée, agnostique) puisse faire partie d’un mouvement pluraliste, voire le mettre sur pied, mouvement dont le projet commun serait la laïcité politique et plus globalement l’humanisme (laïque). Post scriptum philosophique (pour aller plus loin) : L’opposition établie ci-dessus entre mouvement et communauté repose sur leur sens courant. Les philosophes Blanchot, Nancy ou Esposito ont montré qu’étymologiquement et philosophiquement communauté signifiait tout le contraire du communautarisme actuel. Communauté désigne ce qui est commun et non ce qui distingue. Or, seule est commune à tous l’inévitable ouverture à l’autre et la recherche de sens qui caractérisent l’humain. Une porte ouverte à notre réflexion pour de nouvelles convergences ? Ouverture vers une communauté de sens philosophique et politique, dès lors que notre communauté s’assume toujours en mouvement… Mathieu BIETLOT Coordinateur sociopolitique À partir de la note synthétique des réflexions du comité stratégique de Bruxelles Laïque au sujet du plan stratégique du CAL.
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L’assistance morale
au quotidien
Notre travail en un coup d’œil En Communauté Française de Belgique, l’assistance morale laïque est assurée par le mouvement laïque. C’est-à-dire, par le Centre d’Action Laïque, par ses sept régionales et par les nombreuses associations qui en sont membres. Outre l’accompagnement laïque dans les passages importants de l’existence, l’assistance morale consiste aussi en la promotion – et la création des conditions – de l’autonomie des personnes, de leur épanouissement dans la société, de la solidarité et de l’esprit critique. A ces fins, nous accompagnons les personnes et les groupes qui désirent s’inscrire dans cette démarche et nous informons la société civile et politique à propos des principes et des valeurs qui nous animent, ainsi que des analyses que nous menons sur de nombreux sujets. Des principes laïques découlent directement ceux des droits humains, de sorte que nous nous employons à défendre ces droits et que nous entendons lutter activement contre toute forme d’inégalité et de discrimination. Pour cela, à Bruxelles Laïque, nous menons un grand nombre d’actions sur des terrains très variés en partenariat avec une multitude d’associations, de services, d’organismes, d’écoles...
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Des services Notre Boutique d’Emploi organise des tables d’emploi, de la guidance à l’insertion socioprofessionnelle, de la recherche active d’emploi, de la médiation de dettes et un soutien moral, psychologique et juridique aux personnes. Ainsi, en 2008 par exemple, la Boutique d’Emploi a accompagné 648 personnes et assumé auprès d’elles près de 3000 consultations. Cette activité nous semble primordiale parce que nous l’envisageons dans une perspective d’autonomisation des personnes qui permet à celles et ceux qui y participent de construire et de s'approprier des outils favorisant l’indépendance de jugement et qui permettent de faire prise par soi-même sur les événements de la vie pour finalement se passer de services comme le nôtre. Lutter pour l’égalité et l’accès à la citoyenneté, c’est aussi amener chacun à une maîtrise suffisante d’une langue officielle. A cet effet, nous organisons 25 ateliers d’alphabétisation qui s’adressent chaque année à plus de 350 adultes de nationalités et de milieux différents. Des lieux de confiance qui mettent en place un contexte de valorisation et de reconnaissance personnelle à partir de méthodes visant le débat, la réflexion et l’échange sur les valeurs. Outre les thématiques abordées à partir de films, de visites et du vécu des participants, la verbalisation des difficultés sociales des uns et des autres permet d’éventuellement orienter les personnes demandeuses vers la Boutique d’Emploi qui offre un accompagnement adapté à chaque situation.
Contre le décrochage et l'absentéisme à l’école, nous organisons 15 ateliers afin de favoriser l’intérêt des enfants pour l’apprentissage. Il s’agit d’une part, de reformuler et expliquer les matières mal comprises, mais aussi de valoriser une approche qui privilégie la socialisation et l’autonomisation des enfants dans leur milieu. Dans ces ateliers, nous tablons principalement sur la motivation, l’attrait et l’envie. L’intégration de la matière enseignée proprement dite arrivant dans un deuxième temps. Par ailleurs, Bruxelles Laïque organise des formations dont l’objectif est d’améliorer les relations entre les individus, le corps social et les institutions. Il s’agit d’accompagner le développement des compétences à l’autonomie et à la relation d’interdépendance qui lie les individus entre eux et au groupe. Nos formations sont dirigées selon des thèmes très divers qui vont de la citoyenneté au dialogue interculturel en passant par une réflexion sur les normes, sur les Droits de l’Homme et la pratique du débat démocratique. Ainsi, nous intervenons en milieu scolaire où près de 2000 enfants ont bénéficié de notre action en 2008 et nous organisons des animations pour des groupes adultes dont plus de 800 ont participé activement à nos activités l’année dernière. Dans un registre similaire, nous proposons un service de médiation en milieu hospitalier dont l’objectif est de mettre en lien le personnel soignant, l’institution et les usagers de l'hôpital. Reconnaissance mutuelle, dialogue, compréhension et participation active permettent de clarifier les enjeux liés à la relation curative, lutter
contre les discriminations et favoriser l’accès aux soins pour tous.
Du soutien Bruxelles Laïque soutient les associations locales dans la réalisation de projets liés à la laïcité. Ce soutien est à la fois financier et passe aussi par la mise à disposition d’infrastructures et de services. Ainsi, en 2008, nous avons financé 16 initiatives, mis nos locaux à disposition, soutenu l’élaboration de dossiers, réalisé des travaux graphiques pour le compte d’associations laïques... En outre, nous avons co-animé un atelier d’écriture organisé à la Prison de Forest par le Service Laïque d’Aide aux Justiciables et aux Victimes. Une mission de médiation nous a aussi été commandée par l’Université Libre de Bruxelles et les sans-papiers qui avaient trouvé refuge dans ses locaux. Médiation conclue avec un certain succès : l’université soutient matériellement les sans-papiers et réaffirme ses positions d’ouverture à l’égard des étrangers en situation irrégulière.
Du débat et de l’expression critique Dans le cadre de notre mission de sensibilisation et d’interpellation du public, nous organisons chaque année un grand nombre de conférences, de débats et d’ateliers sur des sujets très divers. Les séances que nous organisons s’adressent à une diversité de personnes. Qu’il s’agisse du grand public, du personnel d’une association, ou de publics
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spécifiques. Les rencontres sont l’occasion de diffuser des analyses critiques, de confronter des points de vue, de faire l’expérience d’une parole émancipée et de mettre en relation des personnes et des groupes qui œuvrent ensemble pour l’autonomie et la solidarité. Les sujets abordés vont des questions sociétales cuisantes, aux projets particuliers d’une association, en passant par des problématiques internationales liées aux enjeux communs.
inviter à corriger des politiques que nous estimons inutilement liberticides ou criminogènes. Avec le Comité T, nous poursuivons une observation attentive de l’application des dispositions légales qui prétendent combattre le terrorisme. Avec la Ligue des Droits de l’Homme et des associations de sans-papiers, nous participons à des réflexions et des interpellations publiques à propos de la politique d’immigration de la Belgique.
rement avancée de l’assistance morale, émancipée de la conception vieillotte qui voudrait que le colloque singulier – hérité de la confession – soit notre principal moyen de promotion des valeurs qui nous sont chères. Loin de là, le Festival est un moment où l’autre est partout et tout le temps, où la solidarité se met en actes et où le plaisir et la joie, parfois oubliés parmi les principes laïques2, sont convoqués sans réserve.
Parmi celles-ci, quelques thématiques abordées récemment : l’indépendance de la presse, le “féminicide”1 au Mexique, la prohibition des drogues, les lois antiterroristes, la société de surveillance, les violences sexuelles au Congo, la mobilité dans la ville, la crise alimentaire, les politiques d’immigration, l’interculturalité, les limites entre sphère privée et publique, la mise en pratique des principes laïques, l'individualisme et la solidarité, la laïcité en Turquie, l’enfermement...
Le Festival des Libertés
Et puisque le bilan est positif... On continue !
Des réflexions Parallèlement à toutes ces activités dirigées vers le public, nous menons nombre de réflexions autant dans le cadre de commissions et de collectifs qu’en interne à Bruxelles Laïque. Ces réflexions sont l’occasion d’affiner notre compréhension du monde et de prendre position sur des questions politiques et sociétales. Ainsi, avec le Centre d’Action Laïque, nous sommes engagés dans une étude approfondie de la question des drogues et de celle de l’enfermement. Etudes qui nous incitent à interpeller les pouvoirs publics et à les
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Devenu un rendez-vous incontournable des Bruxellois, le Festival des Libertés que nous organisons chaque année est un espace d’expression politique créatif et subversif où sont utilisés des moyens d’expressions multiples qui parlent au coeur, aux tripes et qui invitent à penser et à repenser notre “vivre ensemble”. Si nos maîtres mots sont la solidarité et la liberté, chaque année un thème central fait office de fil conducteur pour les débats, les expositions, les expressions artistiques... L’année dernière c’était “l’interdit”, cette année ce sera “les murs et les brèches”. Le Festival, c’est un public de près de 15 000 personnes qui pendant 10 jours assistent à un concours de documentaires, à une quinzaine de concerts, une quinzaine de débats, une dizaine de rencontres autour d’un film, une demidouzaine d’expositions, une dizaine de spectacles ; le tout dans une ambiance festive propice aux rencontres et aux échanges. Nous serions tentés de dire que le Festival des Libertés est une expérience particuliè-
Cedric TOLLEY Délégué à la communication sociopolitique
Meurtre de femme en raison de sa féminité. Mais comme l’illustrera la campagne “Plaisirs” que nous mènerons en 2009, nous ne sommes pas en reste. 1 2
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DANS NOS ARCHIVES
Sans cesse
remettre
sur le métier...
Est-ce l'anniversaire de la loi française de 1905, dite de séparation de l'Église et de l'État, ou le tintamarre continu entretenu dans les cénacles du Vatican, ou sans doute aussi les difficiles négociations concernant la place des Églises dans les Institutions de l'Union européenne, toujours est-il que, de tous côtés, on parle de laïcité. Et, chose curieuse, tout le monde paraît y trouver son compte et se présente en faveur de la laïcité. La laïcité de la société (laïcité politique) devient parée de toutes les vertus. Finies les luttes du passé pour la liberté de conscience – la liberté de religion y a été associée –, le serment en justice n'invoque plus la divinité et une cérémonie publique remplace le Te Deum officiel du 15 novembre. Il paraît comme convenu que ces actions font partie du passé et sont, volontairement ou non, rayées de la mémoire collective. À y regarder de plus près, d'importantes divergences subsistent entre les partisans de la laïcité de la société et ceux qui, au contraire, entendent utiliser à leur profit les libertés chèrement conquises, mais à leur manière par le biais d'une laïcité “bien comprise”. Il faut voir les choses clairement car il s'agit bien de la remise en cause par certaines hiérarchies religieuses des acquis de la laïcité et de leur volonté d'intervenir dans les prises de décisions politiques des États mais également de l'Union européenne.
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La laïcité bafouée C'est principalement au niveau de l'Union européenne et de certains nouveaux États membres que les agissements de certaines Églises se font sentir. Certes, elles opèrent rarement à découvert et certains se laissent séduire par un bel emballage quand l'affaire devient publique. Qui donc s'offusquerait qu'un “dialogue ouvert et transparent”1 s'ouvre entre des institutions. Il faut connaître les revendications des Églises pour comprendre la portée de ce prétendu dialogue qui n'a d'autre objet que celui de faire pénétrer dans les lois de l'Union les mots d'ordre du Vatican. Un cas récent et particulièrement flagrant nous vient de Slovaquie, pays récemment admis dans l'Union, qui a signé en 2004 un Concordat avec le Saint Siège. Une annexe à ce concordat qui a valeur de traité international a été élaborée en vue de son adoption par le parlement slovaque. Son objet se rapporte au “droit de l'exercice de l'objection de conscience” : L'objection de conscience est basée sur le principe de liberté de conscience autorisant quiconque à refuser d'agir dans un sens ...contraire au corps de doctrine de l'Église catholique. Après cette mainmise de l'Église catholique sur la loi slovaque, que reste-t-il de la liberté de conscience des fidèles d'autres religions et des non-croyants, athées ou agnostiques ? Remarquons que la Slovaquie, au contraire du Saint Siège, a ratifié la Convention européenne des Droits de l'Homme qui spécifie que “toute
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personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion...” La récupération par l'Église d'un droit fondamental pour tous (liberté de conscience), largement empreint des valeurs de la laïcité, est évidente car la liberté de conscience est détournée à l'avantage des seuls fidèles d'une Église. Pourtant dans plusieurs déclarations, des ecclésiastiques de haut rang ainsi que le pape se sont déclarés attachés à la laïcité. Les enjeux ont évolué Face à une telle reconquête de l'espace public, il est indispensable tout d'abord de bien distinguer les enjeux pour s'investir dans des actions de terrain correspondant aux réalités de notre temps, qu’elles soient de nature sociale, écologique, éthique, voire politique, en vue d'y maintenir et, si nécessaire, d'y introduire pour chacun et chacune la liberté de choisir en conscience la solution la plus appropriée. Si la laïcité, rappelons-le, n'est pas une lutte contre la religion, elle ne se limite pas à seulement faire inscrire dans un document politique la séparation des Églises et de l'État. La laïcité publique est née de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 qui introduit “la liberté publique de conscience pour tous et pour chacun”. L'espace de la liberté de conscience s'est élargi depuis cette déclaration et cette liberté se comprend aujourd'hui pour les laïques au sens large d'une liberté pour tous qui concerne tous les domaines de l'existence.
Il convient également, pour mener à bien l'action, de distinguer clairement les adversaires de la liberté de conscience mais aussi de connaître ses alliés. De larges groupements de catholiques défendent publiquement la laïcité dans l'Union européenne, la laïcité de la société, que l'on dit aussi laïcité politique car elle concerne les institutions. La Fédération humaniste européenne a déjà eu l'occasion de promouvoir avec certains d'entre eux des actions en faveur de la laïcité. Ne restons pas figés par les luttes du passé et sachons œuvrer honnêtement avec eux, comme ce fut le cas à propos de l'interruption de grossesse et d'autres questions de société ainsi que, tout récemment, du projet de Traité constitutionnel. Malgré les opposants irréductibles, la laïcité est devenue une valeur partagée beaucoup plus largement qu'auparavant et l'Union européenne constitue une opportunité d'en faire mieux connaître les atouts. Remettre la laïcité sur le métier pour travailler avec d'autres partenaires mais également élargir ses champs d'activités, c'est donner à la laïcité un nouvel élan. Georges LIENARD Past président du CAL Secrétaire général de la FHE2 Article paru dans Bruxelles Laïque Echos, 1er trimestre 2005, n°48 : “Laïcité et enjeux démocratiques”, pp. 5-6
Article 52 du projet de Traité constitutionnel. Fédération humaniste européenne, fhe@ulb.ac.be, www.humanism.be 1 2
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et droits de l’Homme : des enjeux communs Des siècles durant, laïques et humanistes militants ont été présents au cœur des initiatives consacrées à l’amélioration de la condition humaine ; leur combat, ils le menaient principalement en faveur de l’établissement et du respect de la dignité, de l’égalité et des droits fondamentaux de la personne. Comment dissocier le combat laïque de celui qui se veut être mené en faveur des droits humains ? Comment parvenir au respect des droits fondamentaux, de la démocratie, lorsqu’une quelconque église obscurantiste aurait mainmise sur quelque décision du pouvoir ? Comment faire respecter l’égalité entre tous et la liberté d’expression là où la liberté de conscience et de culte n’aurait pas sa place ? Réciproquement, quelle place occuperait la laïcité dans un système où les droits civils et politiques de l’individu seraient violés ? Quel espace d’épanouissement resterait-il au combat laïque dans un système dénué des droits économiques, sociaux et culturels élémentaires ? 29
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a recherche des fondements du vivre ensemble, au sein de l’espace public, dans la dignité, le respect et l’émancipation de la personne reflète la déclinaison commune des concepts de laïcité et de droit humain.
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A travers son histoire, la laïcité a considéré les droits humains comme un allié de poids. Régulièrement ses prises de positions officielles rappellent l’attachement des laïques aux droits de l’Homme comme une exigence laïque précisément. Ainsi, G. Liénard, ancien président du Centre d’Action Laïque, définit d’abord la laïcité comme un courant dynamique, évolutif, résolument tourné vers un humanisme constructif, soucieux de bâtir une société tolérante, plus équitable pour tous les êtres humains ; comme un idéal non pas antireligieux mais partisan du maintien de la religion dans le domaine du spirituel et clairement séparé du temporel ; comme un engagement personnel et artisan de la construction de la cité dont il défend l’organisation démocratique ; un idéal du domaine de la foi en l’homme et en sa perfectibilité, foi selon laquelle l’homme est capable de maîtriser sa destinée et de l’assumer pleinement. Pierre Galand, président actuel, considéra lors du colloque européen “Laïcité et droits de l'homme” organisé conjointement par le CAL et la FHE que “[…] s’agissant de droits, la laïcité a toujours été à la pointe des revendications et des propositions en vue de combattre les différentes formes de discriminations contre les individus et les communautés, contre le sexisme et pour la promotion de l’égalité hommes/femmes ainsi que du genre. Pour nous, laïques, l’espace public européen doit être celui de la rencontre et de la citoyen-
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neté de l’ensemble de ceux qui vivent en Europe. C’est pourquoi, nous agissons tous pour la neutralité des pouvoirs publics à l’égard des convictions philosophiques et / ou religieuses des citoyens”. La proximité entre les deux concepts apparaît également dans la littérature relative aux droits humains. J. Rivero, spécialiste renommé en la matière, définit ceux-ci comme “des pouvoirs reconnus et organisés par le droit positif dans les divers domaines de la vie sociale, en vertu desquels l’homme choisit lui-même son comportement […]”. Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme a considéré “[…] que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme […] dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande […]”. La Cour de Strasbourg a présenté la liberté de conscience et de religion, telle que consacrée par l’article 9 de la CEDH, comme “l’une des assises d’une société démocratique”. Notre Conseil d’Etat rappela enfin, se référant aux acquis concernant les droits et libertés, qu’il existe “[…] de multiples groupements humains, se désignant souvent par l’appellation d’église, pratiquant un culte, manifestant ainsi une religiosité particulière que chaque groupe estime irréductible aux autres […et…] que la Constitution consacre la nature privée de ces groupements et garantit leur autonomie contre toute ingérence de l’Etat, au sein d’une relation d’indépendance réciproque”.
Cette illustration de déclarations faites par des spécialistes dans les concepts étudiés dans le présent article nous permet de nous rendre compte d’une certaine convergence des idées entre nos deux combats. En effet, les aspirations mutuelles de leurs défenseurs se rejoignent en un idéal commun les rendant indivisibles : il s’agit du respect de la personne humaine dans son acception générale. Il me semble important, à ce stade de la réflexion, de relativiser quelque peu les données étudiées supra. A l’instar des bonnes intentions, cette convergence de principe entre les concepts de laïcité et de droits humains ne suffit cependant pas. Leurs enjeux communs se situent également dans la pratique où une alliance entre laïques et défenseurs des droits de l’Homme s’avère nécessaire. En effet, les valeurs attachées aux droits de l’Homme leur confèrent, au niveau de la symbolique, une place prédominante dans les règles du jeu de la société. Les droits humains sont perçus philosophiquement comme universels, ius naturale, transcendants etc. Sans rejeter cette utopie vers laquelle notre combat doit tendre, je propose d’étudier les droits de l’Homme, d’un point de vue plus pragmatique, celui des instruments juridiques formant le droit actuellement applicable en la matière : une garantie parfois cernée par les jeux de pouvoir étatiques, par la diplomatie internationale et par les difficultés pratiques de terrain. Une garantie envers laquelle les défenseurs de la laïcité devront vouer une vigilance de chaque instant afin que ne soit pas dénaturé un concept essentiel à l’existence de cette même laïcité.
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A titre d’illustration de jeux de pouvoirs étatiques mettant à mal le concept des droits de l’Homme, il semble être de bon ton de rappeler que nombreux sont les Etats à avoir signé la Déclaration universelle des droits de l’homme et à persister à appliquer ces droits de manière inique, voire aveugle ; que d’autres régimes font fi de tout respect de la personne humaine au profit d’une politique répressive de domination. Nos Etats démocratiques, eux-mêmes, ne sont cependant pas à l’abri d’un recul en matière de droits et libertés : rappelons, pour exemple, les lois liberticides dites “sécuritaires” votées en réponse à la menace terroriste ou encore à la directive européenne relative à l’immigration. Ce qui nous amène à penser qu’une loi peut en arriver à ignorer le droit… Concernant la diplomatie internationale comme frein à certaines avancées en la matière, rappelons que la prise de décisions en matière de droits humains est majoritairement traitée par le droit international au moyen de conventions. Ces conventions reflètent les compromis entre des Etats contractants n’ayant pas nécessairement les mêmes ambitions ou traditions humanistes. De plus, ces Etats sont eux-mêmes sujets à des contraintes liées aux actions de groupes de pression internes. Lors de ces démêlés diplomatiques, il arrive qu’un texte particulier ne réponde pas aux expectatives initiales en matière de garanties élémentaires des droits humains. Le fait que la Déclaration universelle des droits de l’Homme ait été votée en tant que texte juridiquement non contraignant constitue un exemple de cet état de fait. En 1948, René Cassin soutenait, au nom de la France, l’importance de rendre à ce texte la forme d’un traité à force obligatoire. Cette
idée a été entendue par d’autres parties mais a dû être abandonnée sous la pression d’un grand nombre d’Etats menaçant de ne jamais signer ce texte s’il était contraignant. Actuellement, une alliance composée de la Conférence des organisations islamiques, du Mouvement des non-alignés (Cuba, Venezuela, Iran…) et de la Chine fait pression au sein de l’ONU pour que soit intégré dans nos textes relatifs à la liberté d’expression, un alinéa relatif aux religions qui briderait cette liberté. Il s’agit, en l’occurrence, de reconsidérer la norme juridique afin d’interdire la “diffamation” (critique ?) des religions et en l’occurrence de l’islam dans sa version globale, à savoir politico-religieuse. A cet égard, le rapporteur spécial de l'ONU sur le racisme, Doudou Diène, a déclaré qu'énoncer une critique contre le port de la burka constituait déjà une agression raciste… Face à cette stratégie, les démocraties font preuve d'une prodigieuse passivité, plus attentives, peut-être, à leurs relations commerciales internationales. Il est nécessaire, au nom de la laïcité vigilante, de refuser cette dénaturation du concept des droits humains, de rappeler que faire la distinction entre la critique des religions ou des convictions privées et l’incitation à la haine religieuse est fondamental. On n’atténuera jamais les tensions en interdisant les idées. Il n'y a pas de citoyenneté, pas de démocratie, pas de laïcité sans parole libre.
chaque instant dans le domaine de l’élaboration normative des droits de l’Homme et du respect de ceux-ci. Il nous faut prendre résolument en main le destin de ce combat dans sa spécificité concrète, sociale, historique. L’autruche n’a jamais fait qu’entériner et justifier les grandes catastrophes de l’histoire. Nous devons travailler à les prévenir. En vertu de ces valeurs et enjeux communs et vu les entraves que peut connaître leur mise en application, Bruxelles Laïque reste très attentive au respect des droits de l’Homme, tant au niveau national qu’international. Nous exerçons une vigilance particulière à l’égard des politiques menées en Belgique, notamment en matière de migration, de liberté d’expression et de la presse, de lutte contre le terrorisme, de politiques sociales et pénales,… Chaque année, nous dressons un bilan de la situation des droits humains dans le monde à travers la compétition internationale de documentaires du Festival des Libertés. Ce travail d’information vise à susciter une conscience et un engagement citoyen bien au-delà de notre mouvement. Car, bien entendu, les principes que nous défendons ne préoccupent pas que les laïques.
Alexis MARTINET Juriste
Le concept symbolique et universel des droits de l’Homme sera inlassablement défendu par le combat laïque en tant que référant de la Justice politique, mais il est indispensable de maintenir une vigilance de
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Des déclarations de principes aux
pratiques politiques Le cas de la médiation autour des sans-papiers de l’ULB Le CAL et l’ULB (et d’autres encore) ont des positions communes sur la question des sanspapiers. Pourtant, on constate que dans la pratique, ces principes sont contrariés par de nombreux obstacles. Qu’il s’agisse d’impératifs pratiques, d’habitudes bousculées, de barrières socioculturelles ou simplement d’incompréhensions. Le problème est souvent la “peur de l’hôte” et les solutions trouvent leur source dans le dialogue…
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epuis le début du mois de novembre 2008, plusieurs centaines de personnes “illégales” avaient rejoint le bâtiment du n°133, Chaussée d'Ixelles, où l’UDEP (Union de défense des sans-papiers) avait initié une occupation. Le 18 novembre, ces personnes ont été expulsées. Cette occupation politique revendiquait l'application de la déclaration gouvernementale qui prévoit l'instauration d'une circulaire concernant la régularisation des personnes sans-papiers. Malgré le soutien affiché du bourgmestre d'Ixelles, l'avis des pompiers relatif à l’insalubrité des lieux obligera les forces de l’ordre à évacuer le bâtiment1. C'est donc une sorte d'exode dans l'exode qui s'improvise alors. Le cortège ira chercher refuge dans l'une ou l'autre école supérieure mais sans succès – les autorités refusant leur demande d’asile. C'est finalement vers le campus du Solbosh de l'ULB qu’ils se déporteront, escortés par tous les soutiens ayant pu réagir dans l'urgence – parmi lesquels beaucoup d'étudiants – et par la police.
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Les occupants du 133 Chaussée d'Ixelles avaient entrepris d'investir ce bâtiment durant six mois. Des “garanties” avaient même été accordées par le propriétaire. Beaucoup avaient fait des sacrifices, parfois renoncé à leur logement personnel, afin de sortir de l'ombre, de la clandestinité, de la peur et de l'exploitation pour mener un combat politique. Certains auraient probablement pu trouver un refuge individuel chez des amis, la famille ou dans l’un ou l’autre centre d'hébergement. Mais certainement pas tous. Et la volonté était forte de ne pas rompre avec un mouvement collectif à peine initié.
Voilà dans les grandes lignes, ce qui a abouti à ce que l'on connaît aujourd'hui comme “l'occupation du hall omnisport de l'ULB par quelques centaines de sanspapiers”. Le 18 novembre en soirée, l'ULB avait toléré que ces personnes puissent juste passer la nuit dans le Hall des sports, d’ores et déjà occupé, en leur demandant de partir avant la reprise des activités sportives. Le lendemain matin, les personnes n’ayant pas quitté les lieux, les autorités de l’ULB utilisèrent ce fait pour refuser à ses hôtes le titre d’interlocuteur crédible et rompre tout dialogue ; la menace d'une expulsion semblait bien réelle pour les occupants et leurs soutiens. C'est dans cette situation que le 19 novembre, en début d'après-midi, nous [Bruxelles laïque] avons été contactés par le Bureau des étudiants administrateurs (BEA) de l'ULB, au nom des sans-papiers, qui cherchaient l'aide d'un médiateur extérieur à l’université susceptible de rétablir ce qui avait été rompu, le dialogue. Nous avons contacté Luc Massart, président du Comité d'accompagnement [des sans papiers] de l'ULB, qui a accepté de nous rencontrer. Ce que nous avons fait après avoir recueilli la parole des “occupants”, leurs intentions, leurs demandes et les engagements qu’ils étaient prêts à prendre. Assez rapidement, l’ULB a décidé de nous reconnaître comme médiateur, à tout le moins comme agents diplomatiques chargés de véhiculer les propositions entre les deux parties qui n’avaient plus de contact direct. Nous avions au moins déjà réussi à sortir de l’impasse.
Bruxelles Laïque n'avait jamais entrepris une mission de médiation politique auparavant. La question se posait de savoir si cette action entrait dans les missions de l'institution. C’est très vraisemblablement d’abord la communauté de valeurs qui nous lie avec l’Université qui a présidé à notre élection comme médiateur. Notre engagement en faveur du combat des sans-papiers, que dans une certaine mesure nous partageons avec l’ULB, faisait aussi de nous un interlocuteur de confiance pour les occupants. C’est donc forts d’une connaissance fine de l’ULB et des problèmes qui se posent aux étrangers illégaux, ainsi que des compétences personnelles de quelques-uns d’entre nous, que nous nous sommes trouvés en position d’accepter ce rôle. Par ailleurs, cette mission rentre dans l’objet social et la culture politique de notre association dans la mesure où il s’agit de promouvoir le dialogue et le débat, de s’ouvrir à l’autre pour surmonter les peurs, les a priori et les positions figées ou de replis. Nous avons rapidement compris que notre médiation ne concernait pas que deux acteurs qui seraient, un groupe homogène d'occupants d'une part et, de l’autre, une communauté universitaire unanime, fidèle aux positions prises officiellement par l'ULB en faveur de la cause des personnes sans-papiers. Nous ne décrirons pas ici dans le détail, la complexité et les nuances de la situation. Notons simplement que notre travail de médiation s'est attaché à (r)établir le dialogue entre des acteurs très hétérogènes. Ainsi, l'UDEP, le Comité d'accompagnement, le CAS (comité étudiant d’action et
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de soutien aux sans-papiers), qui ont chacun leur rôle à jouer, n'ont pas toujours été dans les meilleures dispositions à dialoguer et poursuivaient des objectifs ou intérêts parfois divergents. Du coté des occupants, la situation est tout aussi complexe. Pour en dire quelques mots, imaginez que derrière les “quelques centaines d'occupants” dont parlent les médias, se dissimulent à la fois une dizaine de communautés nationales différentes, trois ou quatre langues véhiculaires différentes, différentes classes d'âge et sociales, des degrés d'expérience politique très variés et des statuts juridiques tout aussi différents, dont les clandestins, les personnes en procédure de régularisation, les demandeurs d’asile, etc. Pour les occupants, le climat des relations intérieures au Hall des sports fut aussi déterminant que les relations extérieures, avec les autorités de l'ULB notamment. Il s'agit d'une situation ou l'exercice de la démocratie est un chantier déterminant. Comment aboutir à des décisions collectives lorsqu'on ne se connaît pas, qu'on ne partage pas la même langue maternelle, que l'urgence d'une situation de survie attise la méfiance et la peur ? Comment éviter que des beaux parleurs, avec ou sans papiers, imposent un point de vue sur la base de leur faculté d'expression. Quelle place pour les femmes ? Comment s'organiser entre plusieurs centaines d'individus sans moyens logistiques ? Comment éviter les logiques autoritaires ? Toutes ces questions, profondément liées à l'exercice effectif de la démocratie, sont incontournables dans un tel mouvement politique.
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A l'évocation de ces enjeux internes au mouvement – déterminant pour sa suite et sa nature –, on comprend d’emblée tout l'apport néfaste qu'une logique de charité entraînerait. Je fais référence ici à la double nature de cette problématique à la fois humanitaire et politique. Humanitaire car la situation des sans-papiers en général et des “réfugiés du 133” en particulier est une situation de détresse, d'urgence qui nécessite une attention particulière. Mais il s'agit aussi, au-delà des cas d'extrême détresse, de soutenir des hommes et des femmes, privés de citoyenneté, qui s'organisent ensemble pour mener une lutte politique et obtenir des droits. Et ce soutien doit être avant tout respectueux de la diversité et des différences, qu'il s'agisse de religions, de cultures, d'expériences. Seulement, une action politique s'inscrit toujours dans un contexte particulier qui suppose une certaine connaissance de celui-ci. Ainsi apparaît, comme jadis dans le mouvement ouvrier, la nécessité de réfléchir à l'éducation populaire et aux questions qu'elle pose. Le spectre des relations (néo)coloniales n'est jamais bien loin de ce type de relation entre l'occidental détenteur d'un savoir jugé indispensable et “l'indigène” infantilisé désirant imiter le blanc... Il apparait pourtant clairement qu'à propos de la situation des sans-papiers et de la migration dans son ensemble, nul ne possède de solution miracle. Même si des réponses partielles existent, les solutions restent à inventer et à expérimenter. Cette situation met en quelque sorte tous les acteurs à égalité, car que ce soit à l'ULB, au Gouvernement, à l'UDEP ou parmi les sans-papiers en lutte, personne ne sait
réellement quelle est LA solution. La seule certitude est que les situations dans lesquelles sont enfermés les sans-papiers sont tout simplement intolérables. Alors, comment contribuer à développer un combat politique sans le parasiter, l'inféoder, le neutraliser ou le limiter tout en y promouvant l'émancipation, l'autonomie, la solidarité et l'exercice du libre examen. Voilà quelques questions qui émergent quant à la manière dont la laïcité organisée peut soutenir effectivement les causes qu'elle défend. Ces questions ont en tout cas inspiré nos interventions mesurées au cours de cette mission particulière. Nous estimons avoir pu contribuer à l’instauration d’un dialogue propice à la réflexion et à la recherche d’issues, attentif aux difficultés et écueils évoqués ci-dessus pour limiter tant que faire se peut leurs effets de crispation et de blocage. Mais, nonobstant la clôture de notre mission, ce n’est encore qu’un début. Le combat des sans-papiers pour leur dignité, leurs droits et la reconnaissance de leurs apports est encore loin d’aboutir.
Thomas LAMBRECHTS Délégué à la communication sociopolitique 1 On peut s’interroger sur l’aspect dérangeant pour certaines autorités d’une occupation visible en plein centre ville qui réunissait plusieurs centaines de sans papiers et de sans abris, mais cela ne relève ni de cet article ni de notre mission.
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Genre et laïcité Quelle est la conception de la féminité selon les laïques ? Est-elle homogène ? Comment imaginons-nous l’émancipation des femmes ? Partageons-nous ce modèle avec d’autres courants philosophiques ? Lesquels ? Est-ce que la religion est le principal frein à l’émancipation ?
© “Le Due Frida” by Frida Kahlo
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ela fait déjà plusieurs mois que le mouvement laïque a entrepris un processus de réflexion et de consultation à propos des enjeux et des défis actuels de la laïcité au sein de la société. Dans le contexte de ce vaste projet, Bruxelles Laïque a proposé une série de rencontres avec différents publics.
C
Dans un certain nombre de ces débats, tables de dialogue, ateliers de réflexion et conférences, le genre s’est souvent imposé comme un point sensible, voire incontournable. La difficulté à atteindre une égalité pleine et effective entre les sexes préoccupe et les discriminations polymorphes et évolutives à l’encontre des femmes exaspèrent. En même temps, on perçoit la laïcité comme une garantie nécessaire, voire suffisante, pour atteindre l’égalité entre les sexes et pour ouvrir les portes de l’émancipation des femmes. Néanmoins, il est difficile pour nos interlocuteurs – et pour nous-mêmes –, d’identifier précisément les modèles de genre que la laïcité propose. Comme si les valeurs et les principes laïques rendaient toute exploration et toute définition de ces modèles inutiles. Tout se passe comme si l’identité de genre n’était pas un enjeu pour la laïcité et que, en son sein, elle n’était pas problématique ni intéressante ; comme s’il suffisait de dire que, pour la laïcité, l’égalité entre les hommes et les femmes est une valeur fondamentale et universelle et que les laïques ont toujours soutenu le combat des femmes pour leur émancipation, pour comprendre comment la laïcité voit les rôles des hommes et des femmes, la construction de la masculinité et de la féminité et des modalités de relation entre eux.
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Or, comme toute démarche politique et / ou philosophique productrice d’un projet et d’un discours sur la société, la laïcité véhicule une conception du genre (un discours sur la féminité et la masculinité et sur les relations entre hommes et femmes) qui comporte des normes et des limites. D’un point de vue féministe, il est important de rendre cette conception explicite et d’identifier les éléments qui font l’objet de confrontations avec d’autres conceptions (religieuses ou traditionnelles). Cette démarche permet d’éviter l’occultation d’éventuels intérêts stratégiques d’un groupe dominant et est en lien avec la tension entre universalisme et différentialisme, qui traverse le genre, mais aussi la laïcité.
L’égalité avant tout… mais laquelle ? Lors de nos débats, dialogues et discussions sur la laïcité, l’idée que l’égalité entre les hommes et les femmes est une conquête indissociable de la laïcité est récurrente, mais pas systématique. La présence, lors de quelques unes de nos rencontres, de femmes croyantes et fermement attachées à des valeurs d’égalité de genre et de non-discrimination a permis de mesurer le fait que, bien que cette question soit historiquement liée à la laïcité, elle dépasse largement le mouvement. Il faut, néanmoins, affiner la conception de l’égalité dont il est question. Souvent, la laïcité est comprise comme une démarche de non-discrimination des individus. Le lien entre égalité et laïcité surgit de ce principe libéral “où l’individu singulier doit être protégé contre les injustices de
façon à pouvoir exprimer au mieux son talent”1. Cependant, l’égalité ainsi comprise reste formelle, c'est-à-dire incapable de tenir compte des facteurs structuraux et relationnels qui fondent les inégalités. On évacue de la sorte la notion de rapport de domination d’un groupe social, d’un sexe, sur l’autre. Or, le féminisme s’est efforcé de dévoiler les mécanismes de la domination patriarcale, qui ont lieu de manière universelle, récurrente et structurelle et dont la cible est bel et bien un groupe : les femmes. Cette domination n’est pas exercée nécessairement par des hommes, comme les études sur l’économie des soins ou care economy2 le démontrent. Parfois, cette domination est exercée par d’autres femmes, mettant en évidence le caractère polymorphe des discriminations à l’encontre des dominées. D’autres paramètres comme l’origine, la “race” ou la classe, en plus de l’identité de genre, entrent en compte. Nous sommes face à une diversité d’identités qui s’emboîtent. Le groupe “femmes” n’est pas homogène. Il y a des femmes riches et des femmes pauvres ; des ouvrières, des chômeuses et des bourgeoises ; des blanches et des noires (sans oublier toute la gamme chromatique possible entre le noir et le blanc) ; des chrétiennes, des musulmanes, des juives, des animistes… et des athées… Au sein de chacun de ces groupes de femmes, les injustices de genre sont différentes. Le seul point en commun, c’est qu’elles sont à l’origine de souffrances réelles. D’où la nécessité de multiplier les stratégies pour l’émancipation.
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Le défi actuel de la laïcité belge est précisément celui de proposer des stratégies susceptibles de rassembler ces femmes aux horizons divers. La difficulté découle non seulement de l’articulation parfois mal comprise entre ses deux niveaux (à savoir, politique et philosophique), mais aussi de cette grille de lecture libérale et individualiste des inégalités de genre qui est présente dans une partie du discours de notre mouvement. Tant que l’on concevra les rapports hommes-femmes comme des rapports entre individus, dans un contexte où la norme de neutralité est construite par un groupe majoritaire (d’hommes blancs, occidentaux et insérés dans un système politique qui sert leurs intérêts), il sera difficile d’articuler les discriminations multiples (liées au genre, à la “race”, à la classe sociale, à l’origine, etc.) pour rassembler les stratégies féminines vers une émancipation qui puisse convenir à toutes. Il est certain que, au cours de l’histoire, les religions ont été (et continuent de l’être), des outils de répression, de discrimination et d’assujettissement des femmes au patriarcat. Face à ce constat, la laïcité serait une sorte de frontière qui séparerait les femmes “émancipées” des autres. De là, le raccourci qui ferait de la laïcité la voie exclusive vers l’égalité est tout proche. Or, l’avènement de la laïcité n’a pas résolu le problème de la domination masculine. Ce serait une erreur de se dire qu’il suffit d’adhérer à la laïcité pour régler, une fois pour toutes, le problème de l’inégalité et des injustices de genre. Oserions-nous, laïques, garantir que si tous les hommes et les femmes du monde devenaient incroyants, ils et elles seraient sur un pied d’égalité ? Du plus profond de mon
athéisme, je là-dessus…
n’oserais
pas
parier
Le féminisme s’est-il institutionnalisé dans la laïcité ? Depuis sa naissance, le mouvement laïque a fait siennes bon nombre de revendications féministes. La mobilisation des laïques autour de la dépénalisation de l’avortement reste l’exemple le plus emblématique de cette alliance émancipatoire. Cela n’est guère étonnant, vu la confluence historique des deux mouvements en Belgique3 et vu que les deux visent la libération des carcans de la religion et imaginent et mettent en place des moyens pour les conquérir. Il faut cependant noter que “Dans les années 70, l’hétérogénéité du mouvement des femmes était (donc) pensable et il nous semblait que des priorités et des stratégies différentes s’imposaient dans des contextes différents. Mais dans la pratique, force est de reconnaître que le mouvement des femmes appartenait majoritairement aux classes moyennes et supérieures”4. Le féminisme que le mouvement laïque fit sien était donc un féminisme largement anti-clérical, porté par les préoccupations d’un groupe assez homogène de femmes et d’hommes pro-féministes qui partageaient une lecture laïque de l’émancipation (féminine). Mais l’adoption de cette vision homogène des revendications féministes n’est pas spécifique au mouvement laïque : “en dépit de l’hétérogénéité des féminismes occidentaux, il y a une cohérence qui résulte de
la conviction implicite que l’Occident est le référent premier dans la théorie et la pratique”5. Le danger se situe à ce niveau-ci et le défi actuel que la laïcité et le féminisme semblent partager, c’est de faire face aux revendications d’un groupe croissant de femmes qui ressentent que leurs vécus, leurs expériences de la discrimination en tant que membres de groupes opprimés et leur modèle d’émancipation ne sont pas compris par ce modèle–là. Cette tendance à définir ses revendications à partir de son expérience personnelle ou collective est, néanmoins, une constante des mouvements sociaux et politiques de partout dans le monde et donc pas un erreur propre à l’Occident. Une piste qui renforcera, peut-être, notre réflexion et permettra de dégager des pistes d’action plus inclusives est l’application de notre exigence libre exaministe à l’articulation de la question du genre et de la laïcité et c’est cet exercice que nous vous proposons actuellement.
Pour un modèle de genre laïque et inclusif Depuis les années 2000 et d’après quelques échanges suscités dans notre campagne de consultation, le modèle qui semble s’opposer à l’image de la femme émancipée est celui de la femme voilée. Face à elle, l’idéal de la femme “libérée”, “autonome” et “moderne”, qui semble être partagé par beaucoup de personnes qui se positionnent en tant que laïques, pourrait se résumer aux caractéristiques suivantes :
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• Elle (a) fait les études les plus longues possibles ; • Elle exerce un métier en dehors de la sphère domestique et, si possible, fait une carrière satisfaisante selon les critères de son métier ; • Elle peut prétendre à un mandat politique, à un poste à responsabilités et à une fonction liée au pouvoir économique, politique ou scientifique ; • Elle utilise une contraception moderne (hormonale de préférence), peut avoir recours à l’IVG en cas d’échec de celle-ci et a un gynécologue homme de préférence ; • Elle laisse ses enfants à partir de leur 13ième semaine de vie dans un milieu d’accueil, si possible collectif, pendant qu’elle travaille et se réalise professionnellement grâce à cet arrangement ; • Elle choisit librement son ou ses partenaires (y compris leur sexe) affectifs, sexuels ou pour le mariage ; • Elle choisit ses vêtements en fonction de ses goûts, de la mode ou d’aspects pratiques ; • Elle peut dévoiler son corps pour séduire, elle y est même encouragée ; • …. (je vous invite à compléter cette liste non-exhaustive !) Les questions que nous vous proposons maintenant, sont les suivantes : combien de femmes laïques accomplissent ce modèle ? Y a-t-il plus de femmes laïques que de femmes croyantes qui l’accomplissent “à la perfection” ou qui s’en rapprochent ? Est-ce que les femmes croyantes peuvent se retrouver dans ce modèle ? Estce qu’il y a des femmes laïques qui ne s’y retrouvent pas ?
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La question qui relie toutes ces questions est celle de la normativité de ce modèle où, comme dirait Judith Butler, “Le genre apparaît sous telle ou telle forme, puis vient le jugement normatif sur ces apparences, jugement qui est rendu sur la base de ce qui apparaît (…) la question de savoir ce qui compte pour du “genre” est déjà en soi une question qui atteste du fonctionnement subtilement normatif du pouvoir, un fonctionnement imperceptible qui fait passer “ce qui sera” pour ce qui est déjà le cas.”6 Il est temps de jeter des ponts et d’ouvrir des portes à des groupes qui interpellent nos modèles, pour pouvoir les enrichir et donner plus d’ampleur à notre action. Pour accomplir une universalité inclusive, la laïcité est une garantie des conditions nécessaires pour que surgisse le débat sur un modèle de genre émancipatoire, où toute femme puisse puiser des idées d’action. Si au niveau philosophique, le modèle de genre laïque sera toujours libéré de toute croyance en un ordre supérieur à l’humain, au niveau politique, nous sentons-nous libres de partager les discussions sur un “genre nouveau” libérateur et libéré avec celles qui veulent les mêmes changements. La femme et l’homme sont toujours à construire. Paola HIDALGO Déléguée à la communication sociopolitique
1 Gratia Pungu “2007 : Année européenne de l’égalité des chances pour tous” in Michel Godard et Nadine Plateau (ed) Les unes et les autres. Cahiers Marxistes, n°238, Bruxelles, 2008, p.108 2 voir aussi Bruxelles Laïque Echos, n° 62, p. 30. 3 Le Centre d’Action Laïque fut créé en 1969. Le mouvement de libération des femmes connut son plus spectaculaire développement pendant les années ’70. 4 Nadine Plateau “Féminisme / Féminismes” in Michel Godard et Nadine Plateau (ed) Les unes et les autres. Cahiers Marxistes, n°238, Bruxelles, 2008, p.13 5 Ibidem p. 14 6 Judith Butler Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, trad. Cynthia Kraus, Paris, La découverte, 1990, p.44.
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LIVRE-EXAMEN
La laïcité expliquée à M. Sarkozy … et à ceux qui écrivent ses discours [Jean Baubérot • Albin Michel • Paris 2008 • 257 pages]
ous consacrons cette rubrique à un auteur français, suite à sa participation à notre campagne La Laïcité en débat, le 11 février dernier, lors d’une soirée consacrée à l’articulation entre laïcité philosophique et politique.
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Il est beaucoup plus courant de trouver des Belges pour commenter la laïcité française que de trouver un auteur français qui connaisse bien les particularités de la laïcité en Belgique. A travers ce choix, notre ambition n’est pas de commenter le débat français sur la laïcité, mais il est difficile d’ignorer l’impact médiatique de la France dans le débat belge. Souvent, les références au débat français interfèrent dans le débat belge sans les précautions d’usage d’une analyse comparative. Voici donc une réfé-
rence en matière de laïcité qui invite à découvrir ou approfondir le débat français. Car en France aussi, la laïcité fait débat, particulièrement depuis le centenaire de la fameuse loi de 1905 et les nombreuses déclarations du président Sarkozy. Mais Jean Baubérot ne restreint pas son champ d’étude à la seule laïcité française. Ainsi il reconnaîtra volontiers que la laïcité a à se nourrir des expériences françaises, belges, québécoises, pour ne citer que les plus francophones… Nous avons notamment pu constater, durant ce débat avec Philippe Grollet, qu’il était favorable à la promotion, en France, d’une laïcité organisée “à la belge”… Jean Baubérot n’est pas neutre, comme il serait illusoire de le croire, mais son point
de vue est toujours alimenté par de nombreuses références historiques et sociologiques qui sont autant de matières pour alimenter la réflexion. A travers son Blog1, Jean Baubérot, propose quasi quotidiennement des commentaires sur l’actualité de la laïcité. Jean Baubérot est Professeur émérite de la chaire d’Histoire et sociologie de la laïcité à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE – Paris Sorbonne), dont il est président d’honneur. Il est, entre autre, docteur Honoris Causa de l’Université Libre de Bruxelles. A coté de son activité académique, Jean Baubérot a aussi une activité politique conséquente. Il a été notamment coauteur d'une Déclaration universelle sur la laïcité au XXIe siècle, conseiller de Ségolène Royal lorsqu’elle était ministre déléguée chargée de l'Enseignement sco-
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laire ou encore membre de la commission “Stasi” où il s’est abstenu de voter l'élaboration de “la loi relative à l'application du principe de laïcité”. Il est d’usage dans cette rubrique de présenter un livre en particulier. Nous ne dérogerons pas à la règle mais précisons toutefois qu’il s’agit ici d’un livre parmi bien d’autres. Baubérot a publié une vingtaine d’ouvrages historiques ou sociologiques sur la chrétienté et la laïcité, tels que Vers un nouveau pacte laïque ? (Paris, Seuil, 1990), La morale laïque contre l'ordre moral (Paris, Seuil, 1997) ou encore L'intégrisme républicain contre la laïcité (éd. de l'Aube, 2006). Parmi les plus récents, La laïcité expliquée à N. Sarkozy … et à ceux qui écrivent ses discours qui, comme son nom l’indique, est adressé au chef de l’Etat ainsi qu’à ses “nègres”, passe en revue les récentes polémiques autour de la laïcité. Dans cet ouvrage il dispense une leçon de laïcité en réaction aux discours prononcés au palais du Latran (à Rome), et à Riyad. Ces deux discours “internationaux” ont été fort commentés en France, tant par des laïques que par des églises. Voici donc une critique émise par un observateur, ouvertement protestant et défenseur de la laïcité politique, sous la forme, abondamment documentée, d’une leçon de rattrapage donnée au président Sarkozy afin qu’il revoie sa copie. A travers l’histoire de l’élaboration de la fameuse loi de 1905, la possibilité d’une “Morale Laïque”, les risques d’une “religion civile” au sens de J-J. Rousseau ou encore l’histoire du titre de Chanoine de Latran, Jean
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Baubérot détricote sereinement le discours présidentiel sur la laïcité française. Pour Jean Baubérot, le discours du président Sarkozy porte atteinte à la laïcité dans la mesure où il n'est pas “convictionellement neutre”, mais privilégie les convictions religieuses au détriment d'autres convictions, au lieu de respecter toutes les croyances, toutes les convictions, conformément au préambule de la Constitution française. D’une certaine manière, c’est un défi lancé par Nicolas Sarkozy aux laïques, car les laïques ne doivent pas répondre à un discours des racines par un autre discours des racines. Et la façon dont certains sacralisent la référence aux Lumières lui paraît être également une façon passéiste de voir les choses. “Et il ne faudrait pas qu'on assiste à une sorte de querelle entre modernes et anciens, car Sarkozy se réclamerait d'une modernité et tenterait de faire apparaître ses adversaires comme archaïques. Il faut construire la laïcité du XXIe siècle qui tienne compte de ce qu'est la société aujourd'hui.2” Ce qui prend la forme pour Baubérot d’une sorte d'alliance entre la laïcité, la liberté et la diversité.
Thomas LAMBRECHTS Délégué à la communication sociopolitique
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http://jeanbauberotlaicite.blogspirit.com/ Entretient du 21.01.08 in www.lemonde.fr
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PRÊT-À-PENSER Billet consacré à la déconstruction d’un mot ou d’une expression d u p o u v o i r à v o c a t i o n d e p r o p a g a n d e 1.
Neutralité Nous aimons la notion de neutralité quand elle s’applique à la sphère publique parce qu’elle vise à la préserver de la prééminence d’un groupe particulier, à prémunir chacun contre les discriminations et à garantir l’égalité de traitement de toutes et tous. Mais cette notion pose problème dès qu’elle est utilisée à des fins hégémoniques. Parce qu’alors, loin de permettre l’égalité, elle tend à consacrer des inégalités de fait.
our ne prendre que cet exemple, la neutralité de l’espace public signifie que chacun dans l’espace public doit être traité de façon égale par les institutions publiques, donc par les agents de ces institutions : être reçu à la maison communale, à la poste, au bureau de chômage, au palais de justice… de la même façon quels que soient son aspect, sa langue, ce qui semble le distinguer d’autrui.
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En réalité, ceux qui détiennent le pouvoir de définir les règles du vivre ensemble, ont parfois la fâcheuse tendance, sans doute involontaire, de déplacer la neutralité de la relation qui lie les personnes vers les personnes elles-mêmes. L’agent communal et l’enseignant ne doivent plus seulement
adopter une attitude neutre à l’égard des usagers, mais ils doivent eux-mêmes être neutres, incarner la neutralité. De là à ce que les usagers doivent eux-mêmes se plier à cette exigence d’incorporation de la neutralité, il n’y a qu’un pas.
Faudrait-il que chacun adopte une attitude et un code relationnel public particulier et réputé neutre ?
Si la neutralité semble bien balisée et définie lorsqu’elle s’applique à la sphère publique et aux relations qui s’y nouent, il n’en est rien lorsqu’elle s’applique aux individus. Au contraire, elle risque alors de faire place à l’arbitraire. En effet, qu’est-ce que la neutralité appliquée à un individu ? C’est quoi un individu neutre ? Est-ce à dire que pour se présenter dans l’espace public, chacun doit abandonner ses spécificités et ses qualités culturelles ?
La culture et la cosmogonie qui la sous-tend d’un groupe humain forment un cadre qui rend sa créativité possible et qui en pose les limites. Les systèmes de valeurs, les traditions, les croyances, les pratiques sociales, relèvent de la culture. Chaque groupe humain en est pourvu, et pour les individus qui composent ce groupe, les traits culturels sont si incorporés qu’on peut dire qu’ils vont de soi, qu’ils relèvent de l’évidence.
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Ainsi, il est plus aisé de matérialiser ces traits lorsqu’ils sont confrontés à ceux qui leur sont équivalents dans une autre culture : je mange du porc, toi du mouton ; ta femme et toi priez dans deux salles séparées, moi je ne prie pas ; je dis que la boîte aux lettres est devant la maison, tu dis que la maison est derrière la boîte aux lettres… Nous ne nous rendons en général pas compte que nous voyons le monde à travers notre propre grille de lecture, de notre filtre culturel. Nous pensons donc que celui-ci n’existe pas ou qu’il est neutre. C’est ce qu’on appelle un point aveugle : l’œil permet de voir mais ne peut se regarder lui-même… sauf à l’aide d’un miroir. Dans ce contexte, qui n’est autre que celui de l’humanité, la neutralité conçue comme l’imposition à tous d’un modèle unique, n’est donc plus le traitement égalitaire de chacun, mais la neutralisation de tous dans leurs potentialités créatives par l’application d’un modèle qu’on institue comme neutre. En l’occurrence, le modèle
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majoritaire qui n’est pas plus neutre qu’un autre. Ce modèle appartient à ceux qui le fondent de manière exclusive et quiconque n’aurait d’autre choix que de s’y conformer. Et bien, il faut se méfier de cet état de fait, d’autant plus qu’il ne serait pas issu d’une logique consciente, et affirmer que la neutralité doit bien rester celle d’une égalité bigarrée où chacun doit avoir sa place. En gros, par principe, nous disons non à la neutralité du costar-cravate et du tailleur trois pièces. Et si la notion de neutralité est trop galvaudée pour qu’on s’y retrouve, pourquoi ne pas lui substituer celle d’impartialité… jusqu’à ce qu’il faille remplacer celle-là par une autre. Cedric TOLLEY Délégué à la communication sociopolitique
1 Discipline proposée par Matéo Alaluf. Dictionnaire du prêtà-penser, Edition Vie Ouvrière, Bruxelles-Charleroi, 2000. Imposer des significations aux mots, fabriquer des expressions – orientées idéologiquement – à partir de mots préalablement chargés de sens, voilà les dispositifs propres du prêt-à-penser. Dans son Dictionnaire du prêt-à-penser, comme dans chaque numéro de la revue Politique, Matéo Alaluf déconstruit des expressions et l’utilisation politique et médiatique qui est faite de certains mots qu’il nomme “les mots du pouvoir”. Nous reproduisons cet exercice dans Bruxelles Laïque Echos.
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le goût de la nuance et de la rencontre Inventaire non exhaustif de quelques malentendus et tensions dans le débat sur la laïcité
S’il est un sujet qui déchaîne les passions et provoque aujourd’hui à l’envi tensions et crispations, c’est bien le “renouveau de la question laïque”. Ravivé depuis quelques années par une diversité d’acteurs, le débat sur la laïcité touche désormais de nombreux courants de la société bien au-delà des sphères qui, pardonnez l’expression, l’animaient “traditionnellement”. Cette question que beaucoup estimaient “ringarde” se voit en effet à nouveau à la une des médias, remplit les salles de conférence, fait régulièrement l’objet de publications, alimente de nombreux forums sur le net et se range désormais parmi les “vrais” débats de société. Ce débat nous comblerait, s’il n’était par trop souvent animé sous le mode de la peur et de l’affrontement. S’il n’était pas fréquemment dépourvu d’un certain sens de la nuance, de l’à-propos et des réalités. S’il ne se focalisait quasi systématiquement, de manière directe ou plus sournoise, sur un bouc émissaire unique. Et s’il ne vidait pas régulièrement de leur substance les valeurs que nous défendons. Car quelle énergie ne devons-nous pas déployer chaque jour pour lever les malentendus, contrer les préjugés et déjouer les peurs alimentées par ceux qui font désormais recette sur le sensationnalisme et les raccourcis douteux ! Et combien de fois n’avons-nous pas l’impression que cette énergie nous ferions mieux de l’investir ailleurs !
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part, y compris sur les “questions qui fâchent”. Dans ce débat, notre engagement à promouvoir une “double laïcité” ne fait pas de nous des êtres schizophrènes, mais constitue au contraire une force amenée, avec d’autres, à consolider la démocratie, à condition toutefois de lever certains malentendus, de clarifier “les fondamentaux” et ce qu’ils impliquent concrètement, à notre sens, au niveau de leur mise en action.
ourtant, à travers ou à côté de ses projets et engagements multiples sur des terrains et des questions diverses1, Bruxelles Laïque a fait le choix de s’investir dans ce débat, tantôt sulfureux et épuisant, mais aussi passionnant et, à notre sens, hautement nécessaire. Nous nous y engageons à partir d’une conviction, affirmée sans relâche, à savoir que la laïcité repose sur la défense d’une éthique du débat démocratique. Autrement dit, il n’y a pas de laïcité possible sans débat, mais pas n’importe quel débat, nous y reviendrons. Ce positionnement résolu, nous le revendiquons à partir de notre double identité, le fameux “d’une part… et d’autre part…”, qui relie ceux et celles qui aujourd’hui sont les “tisserands”, bénévoles ou délégués, de ce que l’on appelle couramment, dans le contexte particulier de la Belgique francophone, “la laïcité organisée”. Cette appellation, tout comme la distinction que nous faisons dans nos statuts entre une laïcité “politique” et une autre “philosophique” peut prêter à confusion, être soumis à la critique et nécessiter certaines clarifications, mais c’est un fait. Il découle de l’histoire politique et sociale de ce pays et, en son sein, du processus de structuration d’une “communauté philosophique non confessionnelle”, car c’est bien en ces termes, sans doute plus appropriés, que nous sommes désormais reconnus par notre Constitution et notre législation.
Elément clef de la vie démocratique, la laïcité politique, comme le rappelait la “Déclaration Universelle sur la laïcité au XXIe siècle”2, a pour objectif de permettre à l’ensemble des citoyens de “délibérer pacifiquement, en égalité de droits et de dignité, pour exercer leur souveraineté dans l’exercice du pouvoir politique”. Animée des principes fondamentaux de “respect de la liberté de conscience et de sa pratique individuelle et collective ; de l’autonomie du politique et de la société civile à l’égard des normes religieuses et philosophiques particulières et de la non-discrimination directe ou indirecte envers des êtres humains”, sa défense est un processus permanent visant “l’harmonisation de ces principes dans diverses conjonctures socio-historiques et géo-politiques”.
Si les mots et les concepts sont importants, méritent d’être analysés et remis en question, c’est dans leur mise en œuvre qu’ils peuvent néanmoins prendre pleinement leur sens. Il en va ainsi de notre conception du débat démocratique et de la manière dont nous entendons y prendre
A moins de renier sa vocation universelle, à savoir de constituer un cadre garant de la construction du bien commun et d’un vivre ensemble harmonieux, la laïcité ne peut donc jamais être, à l’instar de la démocratie, considérée comme aboutie ou absolue. Elle ne peut se figer en un modèle déter-
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La laïcité politique, un bien commun et une construction permanente
miné une fois pour toutes, le problème pouvant être dans le débat actuel tel qu’il est posé par certains acteurs, une tendance à la « sacralisation » de la laïcité, comme l’explique très bien Pierre Tevanian3 dans le chapitre qu’il consacre à “la métaphore laïque” dans La République du mépris. “D’un principe organisateur de la société dont les modalités restent soumises au débat démocratique, à la critique et à la révision permanentes, on a fait une “valeur” intemporelle, dont la simple évocation est supposée pouvoir régler, comme par exorcisme, tous les problèmes sociaux. On est ainsi passé d’un rapport d’altérité entre la laïcité et le religieux à un rapport de rivalité mimétique – que résume bien la formule suivante, récurrente dans le débat sur le voile à l’école […] : “Quand on entre dans une mosquée, on doit enlever ses chaussures. De même, quand une élève entre dans une classe, elle doit enlever son foulard.” C’est ce “de même” qui pose problème, car il revient à concevoir l’école sur le modèle d’un lieu de culte et la laïcité sur le modèle de la religion.” Or, comme le rappelle à dessein Tevanian, “un espace laïque est un espace pragmatique – c’est-à-dire, dans le cas de l’école, un espace dans lequel les règles sont fondées sur l’activité pédagogique : est permis tout ce qui est compatible avec le travail des professeur-es et de leurs élèves, n’est interdit que ce qui y fait obstacle. Un espace laïque, c’est aussi un espace non dogmatique, c’est-àdire un espace ouvert à la discussion, y compris sur la ou les significations qu’il faut donner à tel ou tel objet, phénomène, “signe”, ou vêtement.”4
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Une question qui fâche… un peu, beaucoup, à la folie… Car c’est un fait, et nous entrons là au cœur d’une des “questions qui fâchent” : ce ne sont – pour ne citer que deux exemples parmi d’autres – ni les tentatives répétées de mainmise des puissants lobbies chrétiens sur les institutions européennes, ni la persistance dans notre pays d’un réseau d’enseignement confessionnel subsidié, qui mobilisent aujourd’hui la plus grande partie des discours sur la laïcité. Non, à l’instar d’autres débats tels que le féminisme ou la liberté d’expression, la réactivation, avec âpreté et véhémence, de cette question s’est faite à partir de la stigmatisation récurrente, voire obsessionnelle, d’une communauté et de ce qui est devenu un de ses symboles : le “foulard”. Le mot est lâché ! Pas un débat sans qu’il ne soit “brandi”. Ce serait donc, aujourd’hui, ce bout de tissu qui constituerait la principale menace pour la laïcité ! Ceux qui font recette sur cette question s’en défendent : bien sûr, ce n’est pas là la question essentielle, le “foulard” n’est que la “partie émergée de l’iceberg”. Derrière “les filles voilées” se cachent “leurs grands frères et leurs pères machistes”, “les barbus qui les manipulent pour remettre en cause nos principes fondamentaux”, “et si on autorise le foulard, après on permettra quoi : la burqa ou l’excision ?”.5 Alors, il est vrai que ce qui fâche aujourd’hui avec ceux qui titrent à la une “l’islam menace l’école”6 c’est que, même s’ils s’en distancient, ils ne peuvent ignorer alimenter, l’une des formes de xénophobie parmi les plus répandues et les plus virulentes de ce début de XXIe siècle, ère de
l’“après 11 septembre” et du prétendu “choc des civilisations” : la peur de l’islam et des musulmans. Et dire ceci ne signifie pas qu’il ne peut y avoir de questions ou d’inquiétudes légitimes concernant les attitudes dogmatiques notamment mais invite à réfléchir aux stratégies déployées. Par ailleurs, ceux qui font aujourd’hui de l’interdiction des “signes d’appartenance philosophique ou religieuse”, le point d’entrée systématique et l’enjeu prioritaire de la laïcité instrumentalisent, nous semble-t-il, les valeurs de liberté et d’égalité que nous défendons, en entretenant un certain nombre de malentendus et de contre vérités historiques. Il en va ainsi de la notion de neutralité, principe laïque et libéral par excellence, qui consiste en une obligation d’abstention faite à l’Etat et ses institutions pour justement garantir une liberté d’expression maximale, “ne pouvant se voir assigner d’autres limitations que le respect de la dignité d’autrui”, selon P. Grollet7, et de garantir cette expression de manière égale pour tous, “sans qu’aucune majorité, ou aucune force sociale en position de domination, ne monopolise la parole ou l’occupation de l’espace public, et que rien n’empêche les minorités de s’exprimer” tel que le précise Tevanian8. Or, ce principe de neutralité devrait aujourd’hui, pour certains, s’imposer au public, invité de manière récurrente à manifester ses convictions de manière moins “ostensible9”, à les laisser “dans la sphère privée”, autrement dit “à la maison”. Nous ne pouvons cautionner cette conception liberticide de la laïcité, cette “assignation au silence et à l’invisibilité”10, ni le fait que, sous couvert de termes “neutres”, elle cible en réalité aujourd’hui une minorité particu-
lière. Aujourd’hui, et demain ? Cette préoccupation et cet attachement à une conception libertaire de la laïcité justifie-t-elle pour autant d’être taxé, comme c’est parfois le cas, de “provoile” ? Ce qui constitue un point de désaccord avec ceux qui se targuent de se préoccuper du “sort des jeunes filles livrées à l’arbitraire de la pression sociale et à la loi du plus fort” – au contraire des vilains antiprohibitionnistes “laxistes” et empreints d’“angélisme”, pour reprendre les disqualifications les plus courantes –, c’est que notre conception de l’émancipation n’est pas celle de l’imposition. Le travail que nous menons sur le terrain, dans l’accompagnement des personnes sur diverses questions (alphabétisation, insertion socioprofessionnelle, surendettement, gestion de la diversité à l’école…), les débats que nous menons avec des acteurs associatifs, intervenants sociaux, enseignants… nous confortent chaque jour dans l’idée que les réalités sont complexes et que les chemins de l’émancipation sont multiples. Ces processus prennent du temps et exigent un dialogue permanent, notamment concernant les conflits de valeurs. Ils nécessitent l’écoute et la compréhension du point de vue de l’ “autre”, ainsi que sa reconnaissance comme un interlocuteur valable avec lequel on peut interagir et échanger d’égal à égal. Ce que ne permet pas la solution “facile” de l’interdiction. Celle-ci entraîne en outre des conséquences néfastes telles que des exclusions et la déscolarisation des jeunes filles, ou encore la création d’écoles confessionnelles musulmanes11. Précisons que critiquer les conséquences d’une gestion par l’interdit, en matière de drogues ou de voile par exemple,
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n’implique nullement d’être favorable ni de promouvoir les drogues ou le voile. Ce qui irrite dans les postures figées de ceux qui jugent inadmissible de débattre des “accommodements” et opposent “fin de non recevoir, y compris de débat” aux demandes formulées sous prétexte de voir s’écrouler notre “bonne vieille laïcité”, tout en rappelant que “chez nous, on a toujours fait comme ça”, c’est que là encore on vide de sa substance l’idéal laïque et plus largement démocratique. En présentant la laïcité et la démocratie comme la loi du majoritaire ou celle du plus fort, on les dénature car, à notre sens, la force de la démocratie réside aussi dans sa capacité à tenir compte de ses minorités. C’est à cette conception du vivre ensemble que nous sommes attachés, et c’est avec ce souci permanent que la laïcité gardera, selon nous, sa vocation universelle. Ce qui peut agacer, dans “la conception rigide d’un citoyen abstrait”, pour reprendre les mots de Jean Baubérot, dans cet Universalisme majestueux opposé aux ténèbres du particularisme, c’est qu’il fait fi des appartenances multiples qui nous traversent. Il passe sous silence les rapports sociaux et les rapports de force inégaux. Il ignore la réalité quotidienne des discriminations, directes ou indirectes, que vivent toute une série d’individus ou de groupes qui, en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur handicap, de leurs convictions philosophiques ou religieuses,… sont continuellement exclus de l’espace commun. Dans sa vocation profondément égalitaire de pacification des rapports sociaux, la laïcité ne peut perdre le sens des réalités et doit sans cesse être
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remise en contexte. Ainsi pourquoi ne pourrait-on pas dans une société donnée débattre des modalités de vivre ensemble et réfléchir à des stratégies destinées à ce que les majoritaires n’imposent pas de fait leur conception aux minoritaires ? N’est-ce pas là la vocation de la laïcité ? Des propositions créatives et diverses émergent chaque jour du terrain ou issues de commissions chargées de réfléchir à ces questions pour mettre en place une meilleure reconnaissance des minorités12. Pourquoi ne pas s’en inspirer davantage ? En ce sens, nous interrogerons, notamment, la pertinence des “accommodements raisonnables”13. La laïcité philosophique, c’est quoi en fait ? Pour terminer, et sachant que le débat restera ouvert et qu’il n’est pas possible ici de faire le tour de l’ensemble des questions, tentons de lever un dernier malentendu car comme dit en introduction, c’est autant et à la fois notre attachement à la défense de la laïcité politique et philosophique qui nous amène à revendiquer le débat et avec lui une certaine conception éthique sur la manière d’y prendre part, et ce, non seulement bien sûr sur les questions de “vivre ensemble”, mais sur toutes les questions qui doivent, à notre sens, préoccuper aujourd’hui le citoyen attaché aux valeurs démocrates, humanistes et de progrès. Alors ce qui est un peu réducteur quand même, c’est lorsque l’on nous qualifie de “communauté en creux”, de “culte des athées ou des agnostiques”, de “communauté de mécréants”. Car si effectivement, nos rangs sont composés de personnes
qui “font l’économie du divin et du surnaturel” pour défendre des valeurs dont ils ne revendiquent d’ailleurs pas le monopole ou l’apanage, c’est faire bien peu de cas des valeurs défendues par ce mouvement concrètement chaque jour, dans ses actions et réflexions multiples, que de le réduire à la défense de l’athéisme et de l’agnosticisme. Qui, faut-il le rappeler, doit également avoir droit de cité parmi les autres convictions, et c’est loin d’être le cas à encore beaucoup d’endroits de cette planète ! Ces valeurs que nous défendons, comme l’autonomie, la liberté de conscience, la citoyenneté, le plaisir, l’égalité, la justice, la solidarité… pour en citer quelques-unes, nous nous engageons, chaque jour, et de plus en plus (grâce aux moyens humains et matériels que nous a apportés la reconnaissance de notre “utilité sociale”) à les défendre aux côtés de ceux qui partagent avec nous l’utopie de les voir mieux “incarnées” dans notre société. Les avancées sur des questions éthiques par rapport auxquelles notre mouvement a, sans doute – mais celui-ci reste permis ! –, contribué, encore une fois aux côtés d’autres, croyants ou non, qui partagent nos positions de “libre choix” en matière d’avortement, de fin de vie… constituent des avancées et un progrès pour l’ensemble de la société et ceux et celles qui la composent. Et pour en finir, quand même, avec ce qui énerve aussi parfois un peu, mais que nous comprenons néanmoins, c’est lorsque l’on attend de nous des positions “tranchées” sur tout et parfois n’importe quoi. “Mais, au fait, que dit le CAL sur cette question ?”, “Que pense le mouvement laïque de cette
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idée ?”. Au risque de décevoir ceux qui pensent encore que nous détenons une vérité (parmi d’autres bien sûr !), les seuls outils que nous possédons sont le libre examen et, dans sa mise en pratique quotidienne, ce qui doit nécessairement l’animer, à savoir le goût de la rencontre, de l’échange et du débat, la recherche des nuances, la capacité de relativiser sa propre vérité, de remettre en question ses certitudes et préjugés d’hier, d’être chaque jour dans une démarche de “vigilance par rapport au petit clérical qui sommeille en chacun de nous.”. Et pour cela, il nous faut aussi faire le deuil d’être toujours d’accord entre nous !
Sophie LÉONARD Déléguée à la communication sociopolitique
1 Lire l’article “L’assistance morale au quotidien”, pp. 24-26 de ce numéro. 2 Initiée par Jean Baubérot, cette déclaration a réuni des universitaires de tous les coins de la planète. Nous l’avions publiée dans Bruxelles Laïque Echos n°52, 1er trimestre 2006. Voir aussi sur le blog de Jean Baubérot http://jeanbauberotlaicite.blogspirit.com. 3 Pierre Tevanian est professeur de philosophie et co-animateur du collectif Les mots sont importants. (www.lmsi). 4 Pierre Tevanian, La République du mépris. Les métaphores du racisme dans la France des années Sarkozy, Editions La Découverte (“Sur le Vif”), Paris, 2007, pp. 37-38. 5 Quand la référence n’est pas mentionnée, les expressions citées entre guillemets sont des propos entendus lors des débats que nous menons ou auxquels nous prenons part. 6 Le Vif L’Express. 7 Philippe Grollet, Laïcité : utopie et nécessité, éditions Labor / Espace de libertés, 2005, p.20. 8 Pierre Tevanian, op cit, p.43. 9 D’après le petit Robert de la langue française, “qui peut être montré publiquement sans inconvénient”. 10 Pierre Tevanian, op cit, p.45. 11 Droit que l'on ne pourrait dénigrer à la communauté musulmane, dans un pays où une élève sur deux en Communauté française et deux sur trois en Communauté flamande est inscrit dans le réseau libre confessionnel, mais qui ne saurait constituer dans la conception laïque d'une “école pour toutes et tous” une avancée. 12 A l’instar de la “Commission de Dialogue Interculturel” ou même de la Commission dite “Stasi” chargée de réfléchir sur l'application du principe de laïcité en France qui a émis de nombreuses propositions, même si on n’a finalement retenu que la loi d’interdiction. 13 Pour une information sur les accommodements raisonnables, lire Pierre Ansay, “Société multiculturelle : l’exemple des accommodements raisonnables au Québec”, Etopia, décembre 2008.
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PORTAIL Des questions existentielles secouent régulièrement de nombreux travailleurs de la laïcité en quête de sens, au point de devenir récurrentes. L’élaboration d’une cartographie du monde laïque pris dans sa globalité, au-delà de notre propre mouvement, apparaît comme une des prémisses nécessaires à la convention. Cette démarche, quel que soit l’état actuel du chantier, et même si elle risque de consacrer certains clivages, permettrait une lecture plus aisée de la diversité laïque. Une démarche nécessairement sélective ne traduit pas forcément toutes les nuances d’une famille politique et philosophique
riche
de
sa
diversité.
Néanmoins, le net offre une première vision d’ensemble à portée de main.
Sur la route de la convention laïque 2009 :
A vous de cliquer.
“Yes we can !” 48
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http://www.ulb.ac.be/cal/indexlaicite.html
http://vivreensemble.lalibreblogs.be/
Le site incontournable de la laïcité organisée belge. La laïcité expliquée, en Belgique et dans le monde, de nombreuses références historiques et des liens utiles font de ce site un outil d’information très intéressant pour les personnes désireuses d’en savoir plus sur le mouvement laïque belge et plus spécifiquement sur le Centre d’Action Laïque.
Athées, agnostiques et croyants de tous bords se regroupent sur ce site pour célébrer la laïcité politique comme socle du vivre ensemble. Un site à l’interface “modeste”, mais néanmoins digne d’intérêt par la richesse de certains articles proposés.
h t t p : / / w w w. u l b . a c . b e / p e n s e r- l a science/evolution-conferences.html http://www.conventionlaique.be/ Et à quelques encablures de l’ambitieuse Convention laïque 2009, comment ne pas mentionner son site officiel ? Si la légitimité de votre présence à la Convention ne vous apparaît pas comme évidente ; si les objectifs de la Convention vous semblent encore flous, ou si vous êtes simplement désireux d’informations utiles, ce site devrait dissiper vos derniers doutes.
Il y a 150 ans, Charles Darwin publiait L’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle (1859) et témoignait par cet ouvrage d’une démarche libre exaministe à travers une vision de l’histoire libérée des croyances issues de dogmes religieux. Face aux atteintes de plus en plus fréquentes des lobbys créationnistes, ce site offre une source d’information académique sur la théorie de l’Evolution. Textes et vidéos alimentent la réflexion.
http://rappel.over-blog.net/ Le Réseau d’Action Pour la Promotion d’un Etat Laique (RAPPEL) milite pour l’inscription de la laïcité dans la Constitution belge. Auteur d’un manifeste pour la promotion d’un Etat laïque, le RAPPEL veut unir tous ceux qui partagent ses visions par-delà les convictions. Les trente promoteurs de l'initiative entendent que “l'on inscrive le principe de laïcité politique dans la Constitution belge et dans les dispositifs légaux des entités fédérées”. Le RAPPEL dit s'adresser “aux croyants ou non, attachés aux valeurs humanistes et démocratiques, soucieux d'égalité et de mixité sociale et culturelle”.
http://www.mason.be/fr/index.htm Bien que totalement indépendante du mouvement laïque, la franc-maçonnerie a fortement contribué à la laïcisation de la Belgique. Les idéaux de liberté, de progrès et de solidarité sociale portés par certaines loges maçonniques ont notamment été concrétisés par la création de l’ULB, ou bien plus tard par la fondation de “La pensée et les hommes”. Un Franc-maçon est un homme ou une femme qui mériterait cette définition : “Les pieds sur terre, L’amour dans le cœur, Et la
tête dans les étoiles”. Pour en savoir plus, un petit clic.
http://www.humanism.be/ La Fédération humaniste européenne porte et défend les idéaux laïques au niveau européen. La fédération regroupe plus de vingt cinq associations dans seize pays européens et s’inscrit dans la tradition humaniste des Lumières. Elle fut très active à l’occasion des débats sur la Charte des Droits fondamentaux de l’UE, et plus tard sur la Constitution européenne (Art I-52), entre autre.
http://www.islamlaicite.org/ Groupe d’étude et de réflexion, constitué d’acteurs nationaux ou locaux, de responsables d’organisations laïques ou religieuses, de chercheurs, d’intellectuels... la Commission / Association “Islam et laïcité” entend analyser les enjeux de la présence musulmane en France ; donner à comprendre la nature des obstacles qui se dressent devant l’intégration politique et culturelle des individus et des groupes issus de l’immigration et de confession musulmane. Les résultats de travaux et réflexions de la commission ainsi que de nombreux documents sont accessibles sur ce site. A noter la contribution de Yacob Mahi : “Islam en Belgique : radioscopie” M@rio FRISO Relations publiques
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P.A.F : 5 euros pour les membres des associations organisatrices et du CEPULB, 6,5 euros pour les non membres et 2.5 euros pour les étudiants. Renseignements : 02 673 13 12 ou vogelsa@scarlet.be
L’ASSOCIATION DES AMIS DE LA MORALE LAÏQUE DE JETTE propose un spectacle de cabaret-poésie A Mots rompus, textes de Picasso, Cioran et Scutenaire lus par Ariane Guerlus et Guy Jaspart Date : samedi 28 mars 2009 à 20h. Lieu : centre Armillaire, 145 bd de Smet de Nayer 145 à 1090 Jette. P.A.F : 5 euros à payer sur place. Renseignements : Mme Mironczyk : 0495/14 81 94 ou mironczyk_christine@yahoo.fr L’ASSOCIATION DES AMIS DE LA MORALE LAÏQUE D’ANDERLECHT propose une exposition des œuvres du peintre Michel Dalton. Michel Dalton a suivi des cours en graphisme publicitaire pendant trois années à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Il s’est finalement lancé dans la peinture à l’huile comme artiste autodidacte, de tendance spontanée voire abstraite. Depuis, Michel Dalton expose seul ou le plus souvent collectivement, régulièrement en galerie, dans divers lieux appropriés, lors de salons internationaux et participe également à divers parcours artistiques. Dates : du vendredi 24 avril 2009 au mercredi 13 mai 2009. Lundi, mercredi de 14h à 17h, mardi, jeudi, vendredi de 9h à 12h ou sur rendez-vous. Vernissage le vendredi 24 avril 2009 à 19h.
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Lieu : 38 rue de Veeweyde à 1070 Anderlecht. P.A.F : gratuit Renseignements : 02/520.39.99 ou aml.anderlecht@skynet.be
L’ASSOCIATION DES AMIS DE LA MORALE LAÏQUE D’AUDERGHEM EN COLLABORATION AVEC LES AML D’IXELLES ET DE WATERMAELBOITSFORT proposent une conférence suivie d’un débat La Laïcité en Belgique depuis l’indépendance : de l’anticléricalisme à l’humanisme par Pol Delfosse, historien. Date : vendredi 24 mars 2009 à 20h15 Lieu : auditorium des Ecuries de la Maison Haute, 3 place Paul Gilson à WatermaelBoitsfort ( tram 94, bus 41 et 95 ).
L’ASSOCIATION DES AMIS DE LA MORALE LAÏQUE DE SCHAERBEEK vous convie à son Assemblée générale. Date : jeudi 26 mars 2009 à 19h00 Lieu : salle de conférence de l'Ecole numéro 1, rue Josaphat à 1030 Schaerbeek. P.A.F : gratuit Renseignements : 0477 49 21 15, diane41513@hotmail.com
LE COMITÉ ORGANISATEUR DE LA FÊTE DE LA JEUNESSE LAÏQUE propose la fête de la Jeunesse laïque de la région bruxelloise, cérémonie suivie d’un spectacle Dates : samedi 9 mai 2009 et dimanche 10 mai 2009 à 10h et à 14h.
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Lieu : auditorium Jacques Brel, avenue Grizon à 1070 Bruxelles. P.A.F : gratuit Renseignements : Mme Martine Simon 0497/15 63 63, Mme Monique Denève 0474/34 42 67, fjl@gmail.com.
LA LIGUE DE L'ENSEIGNEMENT ET DE L'EDUCATION PERMANENTE ASBL propose : • Plus de 70 formations destinées aux professionnels et aux volontaires du secteur non-marchand, qui souhaitent développer leurs compétences personnelles dans les domaines du management associatif, de la relation d’aide, de l’animation et de la créativité, de la communication interculturelle, etc. • Des activités de loisirs, des visites, des promenades et des excursions culturelles pour tous les goûts. • Une formation longue d’animateurs de projets socioculturels. Parmi les nombreux thèmes de formations : - Mobiliser et motiver une équipe - Lecture rapide et efficace - L'art d'animer des ateliers de dessin et de peinture - La communication assertive - La prise de parole en public - La dynamique d'un groupe restreint - Mieux gérer le stress dans la vie professionnelle et les associations - Conte, conteur et société - Techniques de mémorisation - Comment analyser la demande ? - Le kit de survie du responsable d'ASBL, - Mieux s'organiser pour gérer ses projets - La résistance du groupe en animation
- La technique du jeu de rôles - Epuisement professionnel, burn out… - Evaluer nos projets pour améliorer la qualité - Mieux négocier et prévenir les conflits - Quelles subventions pour mon projet ? - Gérer les comportements agressifs et augmenter la confiance en soi - Organiser un événement au service de vos valeurs - Pour des présentations powerpoint efficaces - L'abc des émotions de l'enfant - L'art du toucher juste Pour toutes les informations pratiques (nombre de participants, dates, lieux, prix, ...), consultez : Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente asbl Rue De Lenglentier, 1A – 1000 Bruxelles Secteur formation : 02/511.25.87 formation@ligue-enseignement.be www.ligue-enseignement.be Le Cahier des formations Printemps – été 2009 de la Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente asbl est disponible ! D’autres formations ou activités sont proposées, n’hésitez pas à vous renseigner !
LA MAISON DE L’INTÉGRATION ET DU CITOYEN propose : 1.Des ateliers de civisme et de citoyenneté, action d’éducation en faveur de la cohésion sociale et de l’égalité des chances Dates : samedis 7 mars 2009, 14 mars
2009, 21 mars 2009, 6 juin 2009, 13 juin 2009, 20 juin 2009. Lieu : asbl Pour la Solidarité, rue Coenraets 66 à 1060 Bruxelles P.A.F : gratuit, inscription obligatoire (maximum 10 personnes) 2. Des permanences juridiques et administratives, orientation et suivi auprès des syndicats, des mutuelles,… Dates : les 1er et 3ième mercredi de chaque mois de 17h30 à 19, les 1er et 3ième samedi de chaque mois de 9h30 à 12h30. Lieu : rue de l’Eglise Sainte Anne 6 à 1080 Koekelberg P.A.F : gratuit Renseignements : 0475/48 44 68 ou icib.belgium@yahoo.com
LA MAISON DE LA LAÏCITÉ LUCIA DE BROUCKÈRE propose trois activités 1. Une conférence suivie d’un débat La question du voile en Belgique par Nadia Geerts, enseignante, philosophe, initiatrice du RAPPEL et auteur. Un évènement de la Fédération des Maisons de la Laïcité. Date : mardi 21 avril 2009 à 19h30. 2. Une conférence suivie d’un débat Le cheval de Troie, sectes et lobbies religieux à l’assaut de l’Europe par Marcel Conradt, attaché au Parlement européen. Date : mercredi 29 avril 2009 à 19h30. 2. Une conférence suivie d’un débat La malinformation par François Heinderyckx, professeur ordinaire à l’ULB. Date : vendredi 29 mai à 19h30.
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Lieu : Maison de la Laïcite Lucia de Brouckère, 60/62 rue de la Croix de Fer à 1000 Bruxelles. P.A.F : 5 euros, gratuit pour nos membres. Renseignements : Maison de la Laïcite Lucia de Brouckère : 02/223 46 13 ou maisonlaiquebxl@hotmail.com
RADIO CAMPUS propose une soirée dansante Radio Campus Party. Date : samedi 9 mai 2009 à partir de 21h30 Lieu : Pathé Palace, boulevard Anspach 85 à 1000 Bruxelles. P.A.F : 5 euros après 22h30. Renseignements : radiocampusbruxelles.org
SERVICE LAÏQUE D'AIDE AUX JUSTICIABLES ET AUX VICTIMES - BII ASBL – SLAJ-V. Agréé par la Communauté française et la Commission communautaire française Un service – plusieurs sections. Entretiens et aides psychologiques, sociales et juridiques à la demande des personnes concernées ainsi qu’à leurs familles et leurs proches. L’ensemble des services sont gratuits et ouverts de 8h30 à 17h30 du lundi au vendredi. Section “Aide aux Victimes et proches” Lieu et renseignements : “Aide aux Victimes et proches” au 281, ch. de Waterloo 1060 Bruxelles – Téléphone : 02/537.66.10 – Fax : 02/537.12.22 Atelier d’écriture pour victimes d’infraction
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pénale : communiquer de manière créative son vécu de victime par un autre biais que la parole, celui de l’écriture (texte, poème, réflexion) ou toute autre forme d’expression (dessin, peinture, collage, …). Pour ceux qui le souhaitent, les réalisations peuvent s’inscrire dans le journal Jonctions qui est un moyen d’échanges entre les victimes et les auteurs d’infractions pénales (atelier d’écriture en prison). Entretien préalable nécessaire. Animatrices : Martine STASSIN et Eva PLAES. L’atelier est gratuit et a lieu le premier jeudi de chaque mois de 17h30 à 19h30. Groupe thérapeutique pour personnes victimes de violence sexuelle à l’âge adulte ou dans l’enfance : S’adresse à toute personne adulte ayant vécu une transgression sexuelle dans l’enfance ou à l’âge adulte (viol, abus sexuel, inceste…) et souhaitant partager leurs questions et difficultés avec d’autres dans un cadre thérapeutique. Les séances ont lieu deux fois par mois le mercredi de 17h30 à 19h. Animateurs et personnes de contact : Benoit DE MEYER et Fanny MEURICE. Atelier pour enfants en deuil : s’adresse aux enfants âgés de 4 à 11 ans ayant perdu un proche (parent, membre de la famille, ami, professeur…) dans le cadre d’une infraction pénale (homicide volontaire ou involontaire, décès suspect, accident de la route). L’objet de cet atelier consiste à permettre aux enfants d’exprimer leur vécu, leurs questions, angoisses… de manière créative ( par le dessin, peinture, travail de la terre…) et par le jeu ( marionnettes, théâtre, lectures de contes…) et de pouvoir partager avec d’autres enfants connaissant une situation similaire.
L’objectif est d’éveiller les ressources de chacun afin de les aider à surmonter l’épreuve douloureuse du deuil. Un temps est consacré à l’échange avec le(s) parent(s) ou adulte(s) responsable(s). Les séances se déroulent un samedi par mois de 10h à13h. Personnes de contact : Caroline BOLAND et Eva PLAES. Centre de formation “Aide aux justiciables et aux victimes” agrée par la Cocof : Le centre de formation – attaché au service et agréé en 2008 – organise et met en place des activités de formations et de sensibilisations assurées par le personnel du service seul ou en partenariat avec d’autres praticiens ou experts du réseau. Programmation en cours. Le Centre possède de la documentation pour les professionnels et des vidéo-témoignages comme outils de formations. Personnes de contact : Eva PLAES et Thien DUONG Sections “Aide aux détenus et leurs proches” “Aide pré et post pénitentiaire Lieu et renseignements : 148, avenue Ducpétiaux – 1060 Bruxelles. Tél : 02/537.54.93. Fax : 02/343.78.15 “L’Accueil” : Espace d’accueil chaleureux et agréable, salle d’attente et de détente en nos bureaux pour les familles, proches et enfants qui rendent visite à une personne incarcérée. Salle de jeux pour enfants et les tout petits. Ouvert tous les matins de 8 h 30 à 13 h et le mercredi après-midi de 15 h à 17 h. Permanence juridique le jeudi matin : pour les familles et leurs proches. L’écoute offerte peut déboucher sur une aide sociale, psychologique, juridique.
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Conseil d’Administration
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