Evolution du rôle du cimetière

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Évolution du rôle du cimetière Dans quelle mesure l’introduction de nouveaux modes de sépultures influence-t-elle la conception architecturale du cimetière ?

ENSAPB 2013 Mémoire de deuxième cycle. Camille Griolet Sous la direction d’Alain Dervieux. Séminaire AFA Alain Dervieux, Dominique Hernandez, Jean-Paul Midant, Philippe Villien.

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Introduction

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1. Le cimetière et le territoire La place sociologique de la mort Emprise horizontale Emprise verticale 1. Projets manifestes 2. Cimetières-tours 3. Immeuble-cimetière 4. Objectif emprise zéro Pompes funèbres et alternatives

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2. Vers la dématérialisation de la sépulture Liberté esthétique de sépulture Nouveaux modes de sépulture 1. Le choix de la sépulture 2. Nouveaux modes de sépulture, nouveaux programmes Mourir « durablement » De l’emprise réelle à l’emprise virtuelle Religion et laïcité 1. Le cimetière, un espace laïque 2. Carrés confessionnels

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Table des matières

3. L’architecture funéraire dans le paysage

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Cimetière Saint-Martin Nouveau Cimetière Intercommunal de Clamart Les Cathédrales du silence Cimetière Saint-Pancrace

60 70 78 84

Conclusion

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Bibliographie Sources Iconographiques Annexes

97 101 106

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Introduction

Le cimetière à toujours été l’un des éléments constituants de la ville, il est pourtant aujourd’hui en partie délaissé. Il semble avoir du mal à suivre le rythme de l’urbanisation, son programme demandant une surface foncière trop importante pour la ville du XXIème siècle. À l’inverse de l’église, le cimetière semble peu intéresser les architectes. Il constitue pourtant un très grand marché malheureusement encore trop fermé, d’autant plus que les communes préfèrent, dans la mesure du possible, agrandir les cimetières existants. La croissance de la crémation à remis en question la vision du cimetière «traditionnel» et laisse à penser à un renouvellement de ses codes, en adéquation avec les moeurs et les attentes actuelles. En se basant sur les évolutions antérieures et les dynamiques actuelles en termes d’aménagement urbain, de modes de sépulture, et du rapport au paysage nous dégagerons les grandes thématiques et les possibles évolutions du cimetière. Dans un premier temps, à travers une étude historique de l’évolution de la vision du cimetière dans le territoire, nous tenterons d’expliquer pourquoi celui-ci a si peu évolué au cours de ces deux derniers siècles en France. Quels sont les acteurs intervenant dans l’administration des cimetières? Quels sont les changements possibles grâce aux nouvelles techniques constructives et aux exigences de rendement qui n’échappent pas aux cimetières ?

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Les standards funéraires sont imposés aux populations, guidés par la législation et le monopole des pompes funèbres. Quelle est la place physique et affective pour la sépulture dans une nouvelle ère de numérisation de la mort et de nouveaux modes de sépulture ? Les contraintes géologiques nécessaires pour les inhumations en pleine terre peuvent empêcher le choix d’un terrain pour la réalisation d’un cimetière ou d’une extension. Le développement de nouveaux modes de traitement des corps et de sépulture peuvent apporter des solutions quant à l’élaboration d’un plan et le choix d’un terrain. C’est ce que nous proposons d’étudier dans le chapitre II. Finalement, nous aborderons la question du rapport entre le paysage en évolution, fait de cycles, qui le modifient, modifient son aspect et l’image qu’il renvoie, reflet du temps qui passe; et la mort, présence inerte, pérenne, silencieuse, rassurante. Ce contraste ce ressent visuellement par une confrontation de volumes dans l’espace du cimetière : réguliers, irréguliers, angulaires, organiques. La rigidité formelle de la plupart des équipements funéraires est parfois compensée par une certaine recherche dans l’aménagement général. Mais on peut se demander à quel point il s’agit d’une volonté de contraste à caractère poétique ou si il ne s’agit pas plutôt d’une réponse à une facilité de mise en oeuvre, voire un désir d’atténuation du caractère «dérangeant» du lieu. Quel est le rôle du paysage dans un programme comme le cimetière? Quel choix de type de sépulture, d’organisation et d’aménagement pour quel type de paysage, quel lieu, quelle échelle ? A travers l’analyse d’un corpus de quatre cimetières contemporains français, nous déterminerons la part de liberté laissée le cimetière, programme à priori rigide qui semble régi par les normes et les codes moraux. Notre analyse portera tous particulièrement sur le principe d’enfeu, procédé d’inhumation hors sol permettant la superposition des sépultures ainsi que la construction sur tout type de terrain, et donc une économie de surface au sol considérable.

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Le cimetière et le territoire

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La place sociologique de la mort

A près la seconde guerre mondiale, et en particulier à partir des années 60, l’Église catholique entame un renouvellement qui se traduit

par des transformations visant à se rapprocher des fidèles, reconsidérant les sacrements et notamment le rituel de la mort qui se simplifie. Les classes d’enterrement et les processions dans les cimetières sont supprimées en 1964, les cérémonies sont uniformisées. La mort est désacralisée, elle devient gênante, en 1993 l’historien français Michel Vovelle affirmait : «il est aujourd’hui admis que notre XX° siècle vit à l’heure du “tabou” sur la mort qui aurait remplacé l’ancien tabou sur le sexe, pour définir une nouvelle catégorie de l’obscène, de ce dont on ne parle pas»1.

Puis l’hôpital à pris le relais, la mort est devenue clinique. Aujourd’hui 69% des français meurent en institution (hôpital et maisons de retraite) et seulement 26% décèdent à leur domicile.2 «La mort est tabou, quand on meurt aujourd’hui ce n’est pas parce que la mort fait partie d’un cycle naturel, on meurt parce que les médecins n’ont pas réussi à nous soigner, d’une certaine manière»3 S’ajoute à cela le caractère de plus en plus mobile des familles, «il est devenu difficile de savoir où leurs membres vivront et mourront, où ils auront envie de reposer, dans leur demeure et leur dernière demeure. Pour une famille, investir dans un monument funéraire ne signifie plus l’immortalité familiale.»4 Cette mobilité est facilitée par la pratique croissante de la crémation 1. Michel Vovelle - Chronique de la mort - Editions Gallimard, Paris 1993 2. ONFV - Fin de vie : un premier état des lieux - rapport 2011 3. Marc Barani - Corps à corps - les Entretiens de Chaillot, 24 avril 2006 - Cité de l’architecture et du patrimoine , MMBFilms , 2007 4. Philippe Madec - De la demeure à la dernière demeure - mars 1994

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qui augmente de 1% chaque année. En 2011, près de 31% des obsèques étaient concernées par cette pratique, «un taux qui dépasserait les 50% à l’horizon 2030.»5 «C’est un gain de place évident et une solution radicale au problème des cimetières urbains. Avec la crémation la terre est rendue aux vivants. (...) La crémation a aussi un côté très pratique : les morts, réduits à l’état de cendres, deviennent mobiles ; en cas de déménagement, on peut faire suivre rapidement ses morts. (...) Tout cela forme un ensemble d’arguments propres à séduire les citadins de plus en plus coupés de leurs racines et de leurs croyances.»6

5. AMC n°215 mai 2012 6. Maseleine Lassere - Villes et cimetieres en France, de l’Ancien Régime à nos jours : le territoire des morts L’Harmattan, 1997

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Emprise horizontale «The city of the dead is the forerunner, almost the core, of every living city.»1 Lewis Mumford

L e développement des grandes métropoles a chassé inexorablement les cimetières de leur territoire. L’analyse des exclusions successives des cimetières au delà des limites de la ville de Paris est un exemple frappant de ce phénomène rencontré dans la plupart des grandes métropoles européennes durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Un vaste mouvement de modernisation de la ville exclut les cimetières par souci d’hygiène et donne naissance à de nombreuses études d’architecture funéraire visant à assainir d’image du cimetière et proposer une densité nouvelle à l’image du renouveau de la ville toujours plus dense. Les travaux de Jean-Charles Delafosse, Jean-François de Neufforge, Etienne-Louis Boullée et Claude-Nicolas Ledoux témoignent de cette architecture funéraire monumentale et chargée symboliquement. Le cimetière des Saints-Innocents, jusqu’ici seul cimetière parisien, cesse toute activité en décembre 1780 suite à l’effondrement d’une cave voisine sous le poids des ossements élevant le niveau du sol du cimetière à deux mètres cinquante au dessus du niveau de la rue. Il sera ensuite vidé et détruit en 1786 car jugé insalubre, les restes seront transférés dans les anciennes carrières transformées en catacombes situées sous le lieu-dit de la Tombe-Issoire. Le transfert durera quinze mois selon des processions quotidiennes en présence de prêtres. Le projet proposé par Jean-Baptiste Avril en 1784 évoquant la création de quatre champs de repos autour de Paris sera adopté et ouvreront successivement le cimetière de l’Est en 1804, le cimetière du Sud en 1824, et le cimetière du Nord en 1825. Aujourd’hui appelés cimetière du Père-Lachaise, de Montparnasse et de Montmartre.

1. Lewis Mumford, The City in History - Harcourt, Brace & World, Inc. - 1961 «La ville des morts est le précurseur, presque le cœur, de chaque ville vivante.»

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Les trois grands cimetières parisiens ont été rattrapés par la ville au début du XXe siècle et, à nouveau, des cimetières extra-muros ont été créés. Les trois principaux sont ceux de Thiais, Pantin et Bagneux. Imposants par leurs superficies (107 hectares pour le cimetière de Pantin, et 103 pour le cimetière de Thiais, les deux plus grands de France), ils sont rattachés administrativement à la Ville de Paris. Cela pose un problème de servitude des terrains situés sur ces communes, dédiés aux mort de Paris. Les habitants de Paris préférant les cimetières intra-muros, ces nouveaux cimetières souffrent de leur situation. LV Thomas les qualifient de cimetières «grande surface»,2 en opposition avec les cimetières «de luxe» parisiens. Il dénonce le culte de la sépulture où le contenant devient plus important que le contenu, voué à disparaître, et l’idéologie de conservation dans la tombe jusqu’à la hiérarchie sociale. «Monde miroir, monde reflet du groupe social, où chacun s’attache à conserver son statut, son être et son avoir»3 «La crise est devenue manifeste dans les années soixante, dans tous les pays développés»4. Les réponses apportées reflètent la diversité des situations, les modèles dominants étant ceux du cimetière-parc, lui même issu du modèle de jardin à l’anglaise doté d’un imaginaire pittoresque; et celui du cimetière vertical dont nous parlerons dans le chapitre suivant. «Le cimetière est certainement un lieu autre par rapport aux espaces culturels ordinaires, c’est un espace qui est pourtant en liaison avec l’ensemble de tous les emplacements de la cité ou de la société ou du village.»5 Le cimetière est par définition un espace clos, ses limites autrefois fortement marquées tendent à s’ouvrir idéologiquement et physiquement sur son environnement. Son emprise est devenue marginale, elle se range avec les programmes de grande ampleur à usage spécifique et limité (parcs, voies ferrées, terrains de sports ...) on essaye donc par l’aménagement urbain de les connecter, de leur faire 2. Louis Vincent Thomas - Préface de l’ouvrage de Jean Didier Urbain - La société de conservation: étude sémiologique des cimetières d’Occident - Payot, 1978 3. Idem 4. François Robichon - L’immeuble-cimetière - D’ARCHITECTES n°34, avril 1993 5. Michel Foucault - Des espaces autres - AMC n°5 octobre 1984

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1137 - 1780 Cimetière des Saints Innocents 1800 - 1900 Cimetières parisiens intra-muros dont le Père Lachaise, Montmartre et Montparnasse > 1900 Cimetières parisiens extra-muros dont Thiais, Pantin et Bagneux Cimetières du Syndicat Intercommunal Funéraire de la Région Parisienne Limites successives significatives de Paris 1180 Enceinte Philippe Auguste (détruite entre 1533 et 1680) 1784 Mur des Fermiers Généraux (détruit en 1860) Limites actuelles depuis 1954

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jouer un rôle à plus grande échelle. Dans les faits, le cimetière reste un espace hermétique aux activités extérieures, la démarche actuelle consiste plus en l’introduction de nouvelles activités visant à rendre ces lieux plus attractifs, parfois seulement moins gênants. «On pourrait maintenant aller jusqu’à se demander si la dématérialisation du cimetière en un parc paysager aux limites individuelles floues n’est pas le prolongement d’une sorte d’effacement extrême de notre mémoire collective. Une phobie de la mort dont le symptôme le plus flagrant serait celui d’une nature protégée.»6

6. AMC n°215 mai 2012

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Emprise verticale «En quoi la matière compilée, lourdement dressée vers les cieux, désignerait-elle autre chose qu’un simple silo humain, lotissement vertical? »1 Gilles Clément

1. Projets manifestes Les pyramides de Gizeh sont les plus anciennes nécropoles verticales. Mais elles étaient dédiées à la grandeur des pharaons, pas aux masses des villes surpeuplées. Au début du XIXe siècle, la situation dans les métropoles comme Paris et Londres est telle que les gouvernements municipaux se tournent vers les architectes et urbanistes pour trouver des solutions aux problèmes d’assainissement et de saturation des cimetières paroissiaux. Le modèle dominant est celui du cimetière jardin, il sera d’ailleurs adopté à Paris pour la réalisation des trois grands cimetières parisiens: Le Père-Lachaise, Montparnasse et Montmartre. Mais c’est aussi l’occasion de requestionner le cimetière, tâche à laquelle certains architectes répondent par des projets manifestes monumentaux, entre sublime et rationalisme. Parmi ces projets on peut citer la proposition de cimetière pour la ville de Chaux par Claude-Nicolas Ledoux en 1789. Les alvéoles funéraires s’organisent selon un plan circulaire et rayonnant à l’image du projet général de la ville de Chaux. La gravure réalisée par le Champenois Edme Bovinet nommée «Élévation du cimetière de la ville de Chaux» représente le cimetière comme un système solaire. Ces questionnements sur la forme, le sens de la mort, de la vertu, s’accompagnent d’une volonté égalitaire. «Tout le monde sait que les rois d’Égypte, pour occuper les loisirs de l’esclavage et tenir dans leurs serres les fils qui avaient ourdi la victoire, ont fondé à grands frais les pyramides. Le faste qui n’avait pour but qu’une sépulture dédaigneuse de l’humanité, les acheva ; l’idée de la flamme qui s’effile par la pression de l’air en détermina la forme.»2 1. Gilles Clement - Où en est l’herbe ? Réflexions sur le jardin planétaire - éditions Actes Sud - 2006 2. Michel Gallet - Claude-Nicolas Ledoux : 1736-1806 - Paris : Picard, 1980

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Coupe et élévation du Cimetière de la ville de Chaux, Claude Nicolas Ledoux , 1789.

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En 1824, l’architecte Thomas Willson propose un plan de «Pyramid that contain five millions of individuals designed for the center of the Metropolis»3. Il s’agit d’une pyramide d’une base de dix-huit hectares pour la ville de Londres, surmontée d’un obélisque. Elle est composée de 94 niveaux de catacombes et répond aux exigences de densité et d’hygiène d’une métropole. Au delà des arguments à la gloire de la ville, l’architecte ajoute que le prix d’une sépulture serait de 5£ contre 500£ en moyenne à l’époque. Le projet, non retenu par la General Cemetery Compagny montre la volonté de renouer avec l’image du cimetière urbain en coeur de ville, à une nouvelle échelle de la métropole.

Coupes, plan et élévation du projet The Pyramid, A General Metropolitan Cemetery to be Erected in the Vicinity of Primrose Hill, Thomas Willson , 1824. 3. James Stevens Curl - The Victorian celebration of death - Constable, London, 1980 «Pyramide contenant cinq millions d’individus conçue pour le centre de la métropole»

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2. Cimetières-tours «La situation dans la capitale se passe de commentaires. Les cimetières existants, malgré le renouvellement des tombes, frisent l’asphyxie. Les terrains «propriété de la Ville de Paris» sont rares et chers. Une telle situation pousse au concept de cimetière vertical, inclus dans le tissu urbain, qu’ainsi il ne brise plus. L’idée n’est pas neuve. De tels ensembles existent déjà en France (Marseille, Nantes), au Brésil, et sont, dès les années 70, à l’étude en Italie.»4

La Memorial Necropole Ecumenica au Brésil est actuellement le plus haut cimetière du monde avec ses 14 niveaux. Il est constitué de deux bâtiments construits en 1984. Bien que n’étant pas le premier cimetière multi-étages du Brésil, c’est peut-être le plus en avance sur son temps. Il n’a pas été seulement conçu comme une solution au manque d’espace dans les cimetières de la région, sa densité lui permet d’occuper un emplacement privilégié dans la ville, et sa dimension touristique d’aller d’une certaine façon vers l’accomplissement de son objectif de démystification du cimetière. En France, l’introduction progressive des enfeux5 a permis d’aller vers la verticalisation de l’espace funéraire par empilement des sépultures. L’ensemble formé par les «cathédrales du silence» dans le cimetière de Saint-Pierre à Marseille est la démonstration la plus haute en France. Construits en 1972 par l’architecte René Durandau, les bâtiments de huit niveaux viennent s’appuyer sur une pente et épouser la courbe d’une allée au sud du cimetière existant. L’organisation, l’aspect et la structure s’apparentent à celle d’un immeuble de logements, à l’exception de la hauteur sous plafond qui est assez faible, environ 2,10m. Les 18 000 places offertes par ces nouvelles structures sont aujourd’hui toutes occupées, mais leur mauvaise image influence malheureusement le secteur du cimetière dans lequel elles se trouvent qui est relativement délaissé.

4. Jean-François Pousse - Le cimetière dans la ville, proposition pour des cimetières verticaux à Paris - Techniques & Architecture n°405 - décembre 1992 5. Voir chapitre 2 p.48

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Vue de l’entrée de la Memorial Necropole Ecumenica au Brésil Vue des Cathédrales du Silence au sud du cimetière Saint-Pierre à Marseille

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3. Immeuble-cimetière Le projet de cimetières-immeubles pour Paris proposé par Philippe Madec en 1992 est présenté comme une alternative à l’extension horizontale, aux tours «totem» florissantes dans Paris, et aux cimetièrestours des années 70 pas vraiment bien accueillis par le public. C’est une sorte de compromis entre la ville et le cimetière, une nouvelle vision du cimetière urbain qui n’est plus le cimetière romantique du Paris Haussmannien. «Au moment de proposer un nouveau type de cimetière parisien, trois convictions préalables s’étaient construites. Tout d’abord le cimetière n’est pas le lieu de la mort, il n’est ni hôpital, ni maison, ni la route. Ensuite, le cimetière s’adresse aux vivants, recueille une vie vécue avec intensité. (...) Enfin, le cimetière comme lieu a un rôle de médiateur, une vocation à accompagner le deuil, à équiper la mémoire, tant collective qu’individuelle, à dire l’humanité et la personne. Traditionnellement espace sacré mais dépourvu de spiritualité, horizontal parlant des corps allongés, j’ai cherché à le dresser»6

A la question de la représentation évoquée par François Robichon dans le magazine D’A : «Quel type de représentation mettre en place pour que le cimetière vertical ne se confonde pas avec un parking, équipement très voisin en termes de fonctionnalité ?»7, l’architecte répond par l’abstraction. «Une architecture silencieuse, l’opposé du bavardage pour laisser à la peine son recueillement, une architecture qui touche chacun à son gré, là où il est libre, une architecture qui n’impose aucun message afin de prendre en considération le message de tous et de chacun, une architecture en retrait, presque pas une architecture, une architecture disparue : une structure spatiale ouverte, offerte.»8

6. Philippe Madec - De la demeure à la dernière demeure - mars 1994 7. François Robichon - L’immeuble-cimetière - D’ARCHITECTES n°34, avril 1993 8. Philippe Madec - L’horizon de la mémoire - Lu à l’occasion du séminaire « Architecture et Littérature : du Grand-Âge aux demeures de l’ultime», organisé les 14 et 15 février 2013, à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, par le Centre des Sciences de la Littérature Française.

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Dessins de Philippe Madec pour l’Immeuble-cimetière.

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4. Objectif emprise zéro Les cimetières verticaux ne sont pas une aberration ou une fantaisie architecturale. Ils ont été une solution au problème de la surpopulation, toujours d’actualité. On observe d’ailleurs un retour du cimetière-tour dans les projets et concours depuis une dizaine années, parallèlement à l’augmentation des gratte-ciels dans le paysage contemporain architectural en général. Pour la plupart il est difficile de deviner qu’il s’agit d’un cimetière ou d’un crématorium, tant l’aspect extérieur est semblable à celui d’un projet de musée ou même de centre commercial, ces projets démontrent qu’il est possible de sortir peu à peu de la vision traditionnelle — l’image du cimetière — en partie grâce aux nouveaux rites funéraires liés aux changements sociaux dont nous parlerons dans la partie II. Fabrizio Gallanti émet, dans un article pour le site de la revue Domus, l’hypothèse d’un nouveau marché de la mort en architecture. «Architecture appears swift to take the opportunity to address a new area where death creates a market, on the borderline between consumerism and entertainment.»9 Nous citerons en exemple les projets les plus représentatifs de cette confrontation entre modernité et tradition, et de cette volonté de réduire toujours plus l’emprise au sol du programme. Avec le projet Sky Cemetery, l’agence allemande NL Architects investit en 1991 «le dernier champ culturel à n’avoir pas été exploré par le postmodernisme»10. Il s’agit d’un cimetière vertical prenant la forme d’une croix latine de 25 étages, on pense évidemment au canard de Robert Venturi devant ce logo surdimensionné de la mort.

9. Fabrizio Gallanti - Vertical cemeteries - Domus - 21 Février 2007 http://www.domusweb.it/en/architecture/2007/02/21/vertical-cemeteries.html «L’architecture semble prompt à profiter de l’occasion pour aborder un nouveau domaine où la mort crée un marché, à la frontière entre consumérisme et divertissement.» 10. NL Architects - OPOP, Operative Optimism in Architecture - Actar, Barcelona, 2005

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Sky Cemetery, NL Architects, 1991 The Last House, Chanjoong Kim, 2006

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La partie verticale contient les services et les espaces liés à la crémation, la partie horizontale recrée un sol artificiel permettant des inhumations. Ce projet controversé est mis en avant par ses créateurs comme pouvant devenir un lieu d’attraction et potentiellement une réserve extensible d’informations. «It could become a sort of database for the collective memory.»11 Le projet The Last House, proposé à la Biennale de Venise en 2006 par l’ architecte Sud-Coréen Chanjoong Kim, traite également cette idée de mémoire numérique grâce à un système permettant l’éclairage à distance d’une sépulture située dans la tour depuis un téléphone portable. Le projet Tower For The Dead, mention honorable au concours eVolo «Skyscraper Competition 2011 est un cimetière souterrain pour la ville de Mexico de 820m de profondeur, proposé par Israël López Balan, Elsa Mendoza Andrés, et Moisés Adrián Hernández García. Négatif du cimetière-tour, il propose une emprise comparable au sol et se développe en souterrain. La symbolique du retour à la terre prend ici le dessus sur celle plus exploitée de l’élévation vers «les cieux». The Hanging Cemetery of Baghdad est un projet de NaJa & deOstos conçu suite à la chute de Bagdad en Avril 2003. Il s’agit d’un exemple de réponse que l’architecture peut générer face à des scénarios culturels et politiques extrêmes comme la crise au Moyen-Orient, l’objet principal de ce projet. Le cimetière planant au dessus de la ville reprend l’image fantasmée des jardins suspendus de Babylone. L’accès s’effectue par une rampe douce s’étendant sur plusieurs kilomètres, permettant aux proches d’effectuer une marche rituelle de 2 à 3h avant d’accéder aux mosquées situées dans la partie basse du cimetière. Les corps sont placés dans des cases organisées en réseau dans la partie supérieure. Elles projettent sur la ville leurs ombres formant des motifs géométriques. 11. Daniele MANCINI - Interview with NL Architects - Spazio Architettura magazine, Mai 2003 Janvier 2004 «Cela peut devenir une sorte de base de données pour la mémoire collective»

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Tower For The Dead, Israël López Balan, Elsa Mendoza Andrés, et Moisés Adrián Hernández García, 2011 The Hanging Cemetery of Baghdad, NaJa & deOstos, 2004

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« It wasn’t created to solve a situation, it wasn’t created with a goal of encompassing a new concept, it was simply a question of manifest which wasn’t obvious.»12 Ricardo Carvalho De Ostos

La Moksha Tower à Bombay, nécropole gratte-ciel multiconfessionnelle proposée par des étudiants américains13 reprend les principes zoroastriens. Dans le zoroastrisme, la chair du cadavre est considérée comme impure, les éléments naturels sont sacrés, les cadavres ne peuvent donc être ni rejetés à l’eau, ni enterrés ou incinérés. Après la mort, chaque division de classe ou de richesse a disparu, tous les défunts sont traités de manière égale. Transportés dans le désert, les corps sont finalement rejetés sur des constructions cylindriques appelées «tours du silence» au sommet de collines, les cadavres y sont exposés aux vautours et ainsi dévorés. Les tours du silence ont été interdites en Iran dans les années 70, mais cette pratique est toujours d’actualité chez les Parsis, communauté zoroastrienne dont les deux tiers vivent à Bombay. Les vautours sont en voie de disparition dans la région, des panneaux solaires ont donc été installés sur les tours afin d’accélérer la décomposition des corps mais le résultat n’est pas vraiment satisfaisant. Du rituel traditionnel, le projet proposé reprend la forme et la fin. Une tour du silence est aménagée au dernier étage, mais le reste des niveaux est dédié aux rituels et cérémonies d’autres religions. Les anciennes tours sont aujourd’hui des sites touristiques et il semble que cette pratique touche à sa fin. Une tentative pour la moderniser ne fait que la désacraliser encore plus.

12. Conférence Ricardo Carvalho De Ostos - École Spéciale d’Architecture - 10 mars 2011 «[le projet] n’a pas été conçu pour résoudre une situation, il n’a pas été conçu dans le but d’introduire un nouveau concept, c’était simplement une question de manifester ce qui n’apparaissait pas comme une évidence.» 13. Studio «Tall & Green: The Remaking of Mumbai II», 2010, Illinois Institute of Technology, Professeur Antony Wood, étudiants Yalin Lin Fu & Ihsuan.

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Tour du silence

Moksha Tower

m

400

300

Cimetière de la ville de Chaux 1789

200

100

Pyramide Khéops 2584 av. JC

Cathédrales du silence 1972

Thomas Willson’s Metropolitan Sepulchre 1820

Sky Cemetery 1991

Memorial Necropole Ecumenica 1984

Moksha Tower 2011

Graphique comparatif de la hauteur des sites funéraires cités construits et non-construits.

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Pompes funèbres et alternatives

C

e regain d’intérêt pour les programmes funéraires dans les concours d’architecture et dans l’architecture en général correspond sûrement à la prise de conscience du rôle de l’architecte dans la conception de ces espaces de la mort. En France, depuis 1904, les lois sont allées en faveur de la privatisation des services funéraires et par conséquence vers une diminution d’investissement public dans ce domaine : • Loi du 28 décembre 1904 : création du monopole communal. Transfert aux communes de l’essentiel du monopole des pompes funèbres attribué aux établissements culturels. • Loi du 9 janvier 1986 : dérogation du monopole. Possibilité de fournir concurremment le service extérieur des pompes funèbres par l’organisation funéraire de la commune de mise en bière, de domicile, d’inhumation ou de crémation, et mise en place du contrôle des entreprises par la délivrance d’un agrément. • Loi du 8 janvier 1993 : suppression du monopole communal Le service extérieur des pompes funèbres devient une mission de service public qui peut désormais être assurée par toute régie, entreprise, association habilitée, dans un contexte concurrentiel, les communes et leurs groupements sont seuls compétents pour la création et la gestion des crématoriums. • Loi du 20 décembre 2008 : modification de la législation. En matière de : Statut des cendres, sites cinéraires, cimetières, surveillance des opérations funéraires, mesures de protection des familles. En 1994, lorsqu’il présente le projet de l’Immeuble-cimetière, Phi-

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lippe Madec met en garde les architectes et paysagistes sur l’importance de leur investissement dans ce domaine. «A cause de la nécessité de repenser les cimetières et si nous ne nous en occupons pas, les entrepreneurs de pompes funèbres, nos partenaires nécessaires, agiront — c’est dans leur nature — et ils adopteront des solutions qui garantissent l’économie plutôt que le maintien des émotions.»1 En laissant le champ libre aux entreprises privées, l’offre s’est diversifiée et surtout généralisée à tous les champs de la démarche funéraire. «Nous ne pouvons pas leur demander de répondre à ce qui n’est pas de leur compétence mais de la nôtre, c’est-à-dire de donner lieu au parcours de la douleur et lieu au siège de la mémoire, de maintenir les conditions du pathos, ce ferment de la vie. N’est-il pas de la tâche de l’architecte comme du paysagiste, de garantir la dignité des conditions de l’installation humaine, tant pour les vivants que pour les morts ? Il me semble que, dans quelques temps si nous n’avons rien fait, nous pourrons nous sentir responsables justement parce que nous avons laissé faire. Nous avons le devoir d’imagination, celui de la conscience inventive.»2

1. Philippe Madec - De la demeure à la dernière demeure - mars 1994 2. Idem

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Vers la dématérialisation de la sépulture

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Liberté esthétique de sépulture

Iesthétique l n’y a encore aujourd’hui aucune réglementation quant à l’aspect des sépultures. Les édifices funéraires ne sont soumis à aucun contrôle ni permis de construire, personne ne peut s’opposer à la réalisation d’une sépulture dans la mesure où la sécurité des usagers du cimetière n’est pas mise en danger. «On peut se montrer surpris par ce laxisme face au pointillisme, parfois excessif, qui règne en matière d’habitat où l’on fixe ou impose les hauteurs, les couleurs, les tuiles ou ardoises, la forme des fenêtres, etc. dans le cadres de la procédure d’attribution des permis de construire.»1 Seulement malgré ces libertés, on constate que la grande majorité des sépultures sont très similaires. L’une des raisons est le manque de renouvellement de l’offre funéraire. En 1965, Robert Auzelle dénonce cette lacune en France, à la différence des pays voisins ayant développé des conseils et des directives pour «épurer l’art funéraire, et plus encore éduquer le goût du public»2. «Pourquoi renouveler les modèles dont les dépenses sont largement amorties — d’autant plus que le confrère présente exactement les mêmes, que les Pompes Funèbres fournissent avec le même et rassurant mauvais goût le cercueil et les accessoires, et que le boutiquier d’art funéraire dispense une bimbeloterie de faïence, de porcelaine ou de matière plastique dans la même formule, la composition des matériaux ayant seule changé, mais non leur redoutable et hideuse présentation. Les boutiquiers des la mort sont bien résolus à s’en tenir au statu quo et à l’inamovibilité rémunératrice.»3

Robert Auzelle propose d’instaurer un «volume-enveloppe», soit les 1. François Ottmann - Créer ou aménager un cimetière, géologie, techniques, hygiène - Editions du Moniteur, 1987 2. Robert Auzelle - Dernières demeures - Éditions Picard - 1965 3. Ibid.

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dimensions à ne pas dépasser pour chaque type de sépulture en fonction de sa durée et de sa superficie, ainsi que la création d’une «Commission d’esthétique» extérieure afin de contrôler l’harmonie esthétique du cimetière. Il va encore plus loin en demandant un partage des bénéfices entre entreprises funéraires et municipalités au nom de «l’équité, le sens social». La loi du 8 janvier 1993 n’ira pas dans ce sens, avec la suppression totale du monopole communal. Le salon «Funexpo» à Lyon tous les deux ans et le salon international de l’art funéraire «Funéraire Paris» tous les ans ouvrent au public les portes de ce secteur qui souffre encore d’une assez mauvaise image. Des entreprises françaises y ont vu une opportunité et proposent des produits de plus en plus personnalisables mais les supports restent les mêmes : urnes funéraires, plaques ... Il faut que les entreprises se donnent les moyens de proposer des produits vraiment personnels, ou que les clients comprennent qu’ils peuvent réaliser leur volonté ou celle du défunt par n’importe quel biais. Passer par une entreprise spécialisée n’est absolument pas une nécessité pour ce qui est de l’aspect de la sépulture, dans le cadre d’une inhumation comme d’une crémation. Un artisan (ferronnier, menuisier, sculpteur ...) peut tout aussi bien, voire mieux, répondre à ce type de demandes.

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Nouveaux modes de sépulture 1. Le choix de la sépulture La destination du corps dépend du choix du défunt ou de sa famille. Les pierres tombales que l’on trouve traditionnellement dans les cimetières peuvent recouvrir des sépultures individuelles en pleine terre, des caveaux ou des urnes, uniques ou superposés. Les possibilités sont diverses et pourtant assez limitées, l’étape finale étant dans la majorité des cas l’ossuaire ou la dispersion des cendres. • L’inhumation en fosse individuelle en terrain commun Il s’agit du service minimum gratuit, obligatoire dans tous les cimetières, ce qui n’est pas le cas des concessions particulières, qui sont une option. C’est le type d’inhumation le plus égalitaire, et pourtant encore mal perçu à l’heure actuelle, notamment à cause de sa durée (minimum) de 5 ans, délai insuffisant pour une calcination totale dans certains terrains argileux à faible valeur oxydante. • L’inhumation dans une propriété privée Elle reste possible en France, sous certaines conditions : propriété située hors des zones urbaines, sépulture à plus de 35 m de toute habitation et obligation d’enquête hydrogéologique, avec autorisation du préfet. L’existence de cette sépulture, assimilée à une concession perpétuelle, entraîne une servitude à vie sur la propriété. • La concession perpétuelle Elle peut être conservée aussi longtemps que la famille le souhaite, à condition d’être entretenue et de pouvoir prouver la parenté avec le premier acheteur, le cas échéant, le cimetière peut reprendre possession de la concession. • L’ossuaire Si une concession n’est pas renouvelée, les restes exhumés peuvent être placés dans l’ossuaire. Depuis 2008, ils peuvent également être

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Inhumation

Fosse individuelle en terrain commun 5 ans

Sépulture en terrain privé perpétuité Sépulture privée ou familiale 15, 30, 50 ans ou perpétuité

Caveau privé ou familial 15, 30, 50 ans ou perpétuité

Crémation

Ossuaire

Dispersion dans jardin du souvenir

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Dispersion dans la nature


Crémation

Sépulture privée ou familiale 15, 30, 50 ans ou perpétuité

Caveau privé ou familial 15, 30, 50 ans ou perpétuité

Dépôt dans un columbarium ou un monument 15, 30, 50 ans ou perpétuité

Dispersion dans jardin du souvenir

Ossuaire

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Dispersion dans la nature


incinérés à la demande du maire ou des proches, à condition que le défunt n’ait pas exprimé une opposition à la crémation. Les cendres sont ensuite placées dans l’ossuaire ou dispersées. • Dispersion des cendres dans la nature Un enregistrement sur un registre dans la commune du lieu de naissance du défunt est obligatoire pour des raisons de «traçabilité». 2. Nouveaux modes de sépulture, nouveaux programmes La pratique croissante de la crémation s’accompagne de nouveaux programmes. «Dans les pays de la tradition occidentale, elle ouvre sur un autre monde symbolique du souvenir où les religions ne trouvent pas toujours leur compte. Elle débouche sur une nouvelle relation à la mémoire et occasionne la conception de supports matériels différents, car, même si les cendres ont été dispersées, les amis et les familiers vifs réclament une trace de celui ou de celle qui est parti.»1

• Columbariums et cavurnes Les cimetières s’équipent de crématoriums, mais aussi de columbariums et cavurnes destinés à accueillir les urnes. La mise en place de ces nouveaux équipements est décidée par la commune, mais ils peuvent être gérés par des entreprises privées depuis 2005. « Les communes ou les établissements de coopération intercommunale sont seuls compétents pour créer et gérer, directement ou par voie de gestion déléguée, les crématoriums et les sites cinéraires destinés au dépôt ou à l’inhumation des urnes ou à la dispersion des cendres.»2 Deux tiers des crématoriums en France sont actuellement gérés par des entreprises privées, via des contrats de délégation de service public, d’une durée de 15 à 30 ans. 1. Philippe Madec - De la demeure à la dernière demeure - mars 1994 2. Article L. 2223-40 du Code général des collectivités territoriales (modifié par l’ordonnance nº 2005-855 du 28 juillet 2005 art. 1 VI Journal Officiel du 29 juillet 2005)

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Photographie du columbarium du cimetière Saint-Pierre, Marseille Coupe d’un columbarium et axonométrie éclatée d’une case

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Depuis la loi du 19 décembre 2008, il n’est plus autorisé de conserver une urne chez soi. Après remise à la famille, et si les cendres ne sont pas dispersées, celle-ci est soit placée sur un socle au dessus de la terre, soit enterrée dans une cavurne ou «portée dans les airs et incorporée à l’architecture, d’une façon tantôt nettement individualisée, tantôt fondue dans l’ensemble des alvéoles murales»3 d’un columbarium. • Jardins du souvenir Les cimetières français sont également de plus en plus nombreux à s’équiper de jardins du souvenir, destinés à recevoir les cendres après une crémation. Depuis le 1er janvier 2013, la présence d’un «site cinéraire» destiné à l’accueil des cendres est obligatoire dans les communes de plus de 2.000 habitants4. Une stèle y est déposée, avec le nom du défunt, «dont la présence physique est estompée, disparue pleinement (...). C’est la leçon des cimetières anglo-saxons dont les bordures de pelouses sont couvertes de plaques commémorant les disparus.»5 • Sépultures collectives En Suisse, «au cours de ces dernières décennies, le concept de communauté des défunts — inhumation en sépulture collective — a connu une popularité croissante, comme dans les pays scandinaves. En raison du nombre de plus en plus grand d’incinérations, des infrastructures pour les sépultures collectives ont été conçues dans la plupart des cimetières, dans un premier temps dans les régions réformées.»6 Les sépultures collectives ont en leur centre une urne commune conçue comme un monument autour duquel s’organisent les emplacements pour l’inhumation des urnes individuelles. Une pierre tombale

3. Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard 1965 4. loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 art. 22 et l’article L. 2223-1 du CGCT 5. Philippe Madec - L’horizon de la mémoire - op. cit. 6. Bernd Schubert - Les cimetières aujourd’hui - ANTHOS 1, 2007

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Tombe commune du cimetière de Duggingen Les urnes sont inhumées individuellement, sans que les proches ne puissent localiser précisément où elles se trouvent, à l'intérieur d’une zone recouverte de verre concassé. À côté se trouve un bassin contenant douze plaques de verre sur lesquelles peuvent être gravés les noms des défunts.

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ou un autre système installé près du monument contenant les cendres peut porter, si on le souhaite, le nom du défunt. Les raisons de ce choix sont principalement économiques et idéologiques, les frais de funérailles et d’entretien sont plus faibles qu’un emplacement nominatif dans un columbarium et «la crémation - en tant qu’acte de désintégration totale et rapide du corps - a atténué le lien émotionnel inhérent à une tombe individuelle.»7 • Enfeus (ou enfeux) L’enfeu est une case hors-sol dans laquelle est placé un cercueil plutôt que de l’inhumer en pleine terre comme c’est le cas pour une tombe ou un caveau. Ils étaient originairement réservés aux nobles, encastrés dans l’épaisseur du mur d’un édifice religieux, église ou cimetière. Il s’agit d’un mode de sépulture courant dans les pays du sud de l’Europe (Italie, Espagne et Portugal). Il en existe en France depuis le XVIIIe siècle à Jarnac en Charente, mais les premières expérimentations d’enfeus collectifs datent de 1931 à Nantes. Il s’agissait de concessions temporaires pour une durée de 5 ans, période suffisante pour une décomposition avancée des corps, à la suite de laquelle les restes étaient transférés à l’ossuaire. Ces enfeus sont aujourd’hui détruits pour diverses raisons que nous évoquerons dans le chapitre III, mais ils ont en quelque sorte ouvert la voie en France en matière d’enfeus. Robert Auzelle en intégra au projet du Cimetière du Parc à Clamart en 1957, au cimetières intercommunaux de Valenton en 1972 et des Joncherolles en 1977. Ces réalisations restent des modèles en terme d’innovations et d’expérimentation en terme d’intégration du cimetière au paysage à toutes les échelles. On en trouve également dans le sud de la France comme à Marseille, dans les cathédrales du silence intégrées au cimetière Saint-Pierre en 1972. L’emploi des enfeus fut choisi pour des raisons principalement 7. Idem

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Photographie des enfeus de Marseille. Coupe et axonométrie éclatée d’un système d’enfeux

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économiques et ergonomiques. On peut citer également l’extension du cimetière Saint-Pancrace à Roquebrune-Cap-Martin dessinée par Marc Barani en 1992. Les enfeus sont ici employés comme une solution architecturale en réponse à la topographie du site.

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Mourir « durablement »

L ’écologie est aujourd’hui un enjeu au coeur des débats, dans toutes les disciplines. La préoccupation des populations quant à «l’avenir», paraît passer aujourd’hui, en plus d’un éventuel engagement du vivant, par une volonté de laisser une trace non polluante de son passage sur terre. Les pratiques funéraires sont montrées du doigt par l’Association française d’information funéraire, AFIF1, qui dénonce la pollution des nappes phréatiques liée à l’inhumation et celle de l’air liée à la crémation. Pour y remédier certaines entreprises françaises et étrangères proposent aujourd’hui des solutions et des alternatives à ces pratiques. • Inhumation Actuellement on constate que l’offre essentielle des entreprises de pompes funèbres se résume à des cercueils en bois massif, souvent précieux, issus de l’importation et qui sont traités avec des produits toxiques: vernis, teintures, peintures biocides, plomb... Certaines entreprises françaises proposent donc une nouvelle gamme éco-responsable sans vernis ni peinture et dont le capitonnage est biodégradable. Certains pays comme la Belgique, la Suisse et la Grande-Bretagne vont encore plus loin avec la commercialisation de cercueils en carton biodégradable, beaucoup moins gourmand en bois (huit fois moins qu’un cercueil classique) et plus facile à mettre en oeuvre. Il est également moins cher, de 200 euros à 350 euros, et donc moins rentable pour les entreprises, ce qui freine sa commercialisation. • Crémation La crémation rejette des métaux lourds de dioxine et de mercure dans l’air. Ces rejets proviennent en majorité d’amalgames dentaires, 4 à 1. www.afif.asso.fr

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5 g en moyenne par personne. Cette pollution contribuerait, selon les Nations-Unies, à 0,2 % des émissions mondiales de dioxine et de furane et serait la deuxième source de mercure en suspension dans l’air en Europe. La France est aujourd’hui le seul pays européen à toujours autoriser le fonctionnement de crématoriums non équipés de filtres capables de limiter ces émissions. Seuls 7 des 144 crématoriums français en possédaient en avril 2012, «une attitude invraisemblable compte tenu de l’augmentation croissante du nombre de crémations, (...) et de la parfaite connaissance des conséquences de cette pollution sur la santé.»2. Un arrêté signé le 28 janvier 2010 oblige les crématoriums à s’équiper de filtres avant le 17 février 2018 «Pourtant, des études montrent que le surcoût par personne pour une crémation sans pollution serait inférieur à 20 euros !»3 Autre solution, interdire l’emploi des amalgames dentaires au mercure, comme la Norvège depuis janvier 2008. Le vernis utilisé dans la composition du cercueil est également sujet à des rejets toxiques car composé de colles et de térébenthine. Un Arrêté du 2 mai 2011 «portant agrément de matériaux pour la fabrication de cercueils destinés à la crémation» stipule qu’il est désormais obligatoire d’utiliser de la colle et du vernis biodégradable. En France la mise en cercueil est une obligation législative, c’est à dire que seules l’inhumation et la crémation sont autorisées. Mais d’autres pays ont commencé à instaurer des alternatives plus respectueuses de l’environnement. La promession et la résomation sont deux procédés récents consistant à réduire le corps en cendre sans crémation et sans cercueil, en limitant les rejets de CO², de mercure et de métaux lourds. La promession ou bio-crémation est un procédé développé en Suède en 1999. Le corps plongé dans de l’azote liquide est refroidi à -196°C. Devenu friable, il est placé sur une table vibrante pour provoquer sa destruction en particules fines. La promession est actuellement pratiquée uniquement en Suède, mais la Corée du Sud, l’Afrique du Sud et 2. Michel Kawnik, responsable de l’AFIF - Alternative Santé n° 382 - novembre 2010 3. Ibid.

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le Royaume-Uni ont acquis une licence et des « promatoriums » sont en cours de construction. La résomation ou hydrolyse alcaline consiste en une immersion dans un caisson rempli d’une solution alcaline mis sous pression et chauffé à 160°. Les tissus sont dissolus et les os sont ensuite broyés de la même façon qu’une crémation classique. Cette nouvelle technique permettrait d’utiliser seulement 1/7 de l’énergie utilisée par les crématoriums. Solution écologique et économique donc. Elle est pratiquée dans des états américains dont la Floride, la Pennsylvanie et le Minnesota. • Thanatopraxie La thanatopraxie est une pratique courante aux Etats-Unis, qui consiste à vider le corps de son sang pour le remplacer par du formol, et ainsi limiter provisoirement le processus de putréfaction. En France et en Angleterre, ces soins de présentation sont aujourd’hui systématiquement proposés, mais ils ne sont contrôlées par aucune réglementation à la différence des autres pays européens où ils sont interdits lorsqu’il y a crémation. L’emploi du formol pollue la nappe phréatique et sa manipulation serait nocive pour les techniciens.

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De l’emprise réelle à l’emprise virtuelle

L a significative diminution de l’espace physique du mort par la pratique croissante de la crémation et l’évolution des moeurs et technologies, ainsi que l’enjeu écologique amènent à penser que l’espace funéraire se dématérialise et continuera à se dématérialiser jusqu’à son minimum. La numérisation des données permet aujourd’hui déjà certaines innovations comme la gestion des cimetières par la commune à l’aide de logiciels, ou encore des systèmes interactifs pour les visiteurs comme les bornes au sein du cimetière, ou l’utilisation de QR codes liés à un mini-site biographique du défunt1. «Laisser une trace» prend aujourd’hui un sens différent, éventuellement moins matériel. Les cimetières virtuels sont de plus en plus nombreux sur internet. Il semble qu’il soit possible d’aller plus loin, et cela sans invoquer de grands moyens. Quand on voit avec quelle frénésie internet se remplit de données personnelles sur ses utilisateurs par le biais de réseaux sociaux, sites de rencontres, profils professionnels et bases de stockage et d’échange de documents, il est évident que les générations futures auront accès à une grande quantité d’informations sur leurs ancêtres. Mais aujourd’hui la place de la mort sur internet est aussi tabou que celle dans la vie réelle. Lorsqu’un utilisateur décède, sa vie en ligne continue sans lui, ses différents profils ne disparaissent pas, sauf sur demande de la famille, il devient donc une sorte de spectre virtuel, fantôme numérique. Il semblerait pourtant assez facile de sauvegarder toutes ces informations dans une grande base de données, seulement qui serait prêt à entretenir financièrement et logistiquement des serveurs sauvegardant les morts du monde entier, ou même d’un seul pays ? 1. Memory History - http://www.memory-history.com

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Dispositif de QR code Memory History. Borne Point Info, «géolocalisation des défunts» située à l’entrée du cimetière SaintPierre, Marseille. Catalogue en ligne de «fer tombal» de la société Funeral Concept®.

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Religion et laïcité 1. Le cimetière, un espace laïque L’augmentation des rites funéraires modifie la conception des cimetières. S’il est considéré administrativement comme un espace laïque, il est également indissociable des religions. La loi du 14 novembre 1881, “sur la liberté des funérailles”, instaure le principe de neutralité dans les cimetières, c’est à dire que les espaces communs doivent être exempts de toute marque de reconnaissance confessionnelle, seules les tombes peuvent faire apparaître des signes religieux. «Toutefois rien n’empêche le maire, dans les faits, d’opérer des regroupements sur demande préalable du défunt ou de sa famille. L’objectif est de concilier le principe de neutralité des parties communes du cimetière et le principe de liberté de croyance individuelle.»1 On assiste alors à une transformation progressive des pratiques funéraires, des compromis se font pour organiser les espaces religieux et laïques. «Ce recul de la foi s’accompagne d’une moindre utilisation des églises, et donc pour les cérémonies civiles l’emploi de tristes salles de mairie, de sports ou autres pour les regroupements. Pour y compenser, nous avons ajouté des abris pour cérémonies civiles dans les cimetières afin d’accueillir les familles et les amis, les discours, les poèmes, les musiques, le recueillement. Maintenant nous l’appelons abri pour cérémonies, car face aux aléas du climat les célébrants religieux les utilisent aussi.»2

2. Carrés confessionnels De moins en moins de défunts sont rapatriés dans leur pays d’origine, «les descendants ne veulent pas inhumer leurs parents ou d’autres membres de leur famille dans un pays lointain qu’ils ne reconnaissent 1. Thomas Lestavel - Collectivités territoriales, La gestion des cimetières - Le nouvel Economiste - 6 avril 2011 2. Philippe Madec - L’horizon de la mémoire - op. cit.

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plus comme leur patrie.»3 La demande de regroupements communautaires dans les cimetières est croissante, la décision appartient à la municipalité, sous réserve de la préservation de la neutralité du cimetière. La création ou l’extension de cimetières privés sont interdites depuis la loi de 1881, un rapport de septembre 2006 sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics, présidé par Jean-Pierre Machelon envisage de les autoriser à nouveau dans les cas ou il serait trop compliqué d’aménager des regroupements sous forme de carrés confessionnels. «Si, en raison de résistances locales ou de l’émergence d’un contentieux trop abondant, la création de regroupements de fait ne devait constituer qu’un trop fragile compromis, la commission, soucieuse de préserver le principe de laïcité, estime qu’il vaudrait mieux, à tout prendre, privilégier l’extension de cimetières privés plutôt que d’imposer aux maires l’aménagement de véritables espaces confessionnels dans les cimetières communaux. Une privatisation d’un espace public comme un cimetière communal ne paraît pas acceptable.»4

Les nouveaux modes de sépulture ne modifient pour le moment que très peu ces rapports entre religions au sein du cimetière, en effet, si la confession catholique autorise la crémation depuis le décret du Saint office le 5 juillet 1963 — continuant toutefois de préconiser l’inhumation, gage de résurrection — ce n’est pas le cas des autres religions majoritairement présentes en France. Religion

Crémation

Inhumation

Catholique

Autorisée

Préconisée

Protestante

Interdite

Obligatoire

Orthodoxe

Interdite

Obligatoire

Juive

Interdite

Obligatoire

Islamique

Interdite

Obligatoire

Bouddhiste

Obligatoire

Non pratiquée

Hindouiste

Obligatoire

Non pratiquée

3. Bernd Schubert - Les cimetières aujourd’hui - ANTHOS 1, 2007 4. Thomas Lestavel - Collectivités territoriales, La gestion des cimetières - Le nouvel Economiste - 6 avril 2011

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3

L’architecture funÊraire dans le paysage

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L es nouveaux programmes liés aux pratiques funéraires alternatives croissantes dont nous avons parlé précédemment tendent à dématérialiser l’image rigide de la «tombe» traditionnelle et proposent de nouvelles formes. Les conséquences de l’urbanisation et les changements sociaux laissent à penser que les cimetières tendrons vers une verticalisation de leurs espaces de sépulture. La législation est encore vague en ce qui concerne les enfeus, mais ceux-ci ont prouvé leur efficacité dans l’économie de surface et dans la constructibilité sur des terrains difficiles, tout comme les columbariums, dont les cimetières s’équipent peu à peu. Afin d’éviter que ces nouvelles pratiques se conformisent et se standardisent, il faut proposer au plus vite des solutions variées, regarder les exemples des cimetières réalisés dans les pays où cellesci sont déjà courantes, comme «l’Europe du Sud [qui] a démontré la grande qualité architecturale qu’il est possible d’atteindre sans donner l’impression d’un empilement préfabriqué.»1 Dans ce dernier chapitre nous étudierons les projets d’enfeus en France les plus significatifs du dernier siècle. Cette analyse nous permettra de comprendre quels sont les enjeux et les grands changements dans les cimetières contemporains afin d’envisager leur évolution future. Ce travail portera sur la relation du projet avec son contexte, sa composition spatiale et sa symbolique. «Dans la conception d’un tel programme, je veille surtout à accompagner avec bienveillance le temps du deuil. Je fais en sorte d’instaurer un cheminement qui de l’étendue perçue à l’entrée, se resserre progressivement vers la sépulture. Au fond ce n’est qu’une histoire de corps et ce qui m’importe, c’est d’établir un rapport d’intimité, de proximité entre le défunt et son visiteur: créer un parcours pour la douleur et la mémoire qui maintienne les conditions du pathos.»2

1. APUR - Situation, enjeux urbains et d’aménagement des cimetières du Sifurep - décembre 2010 2. Philippe Madec - AMC n°215 mai 2012

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Cimetière Saint-Martin Nouveau D’après les expériences du Dr Marchoux Nantes, 1931, 180 enfeus, détruits.

E n 1931 la Ville de Nantes rencontre des difficultés dans plusieurs cimetières, du fait de sous-sols rocheux ou trop humides, rendant les

inhumations en profondeur impossibles. Elle fit alors réaliser des expériences par le Dr Marchoux, professeur à l’ Institut Pasteur, membre de l’Académie de Médecine, en vue de réaliser une série d’enfeus dans le Cimetière Saint-Martin.

Deux groupes de caveaux furent édifiés, comportant trente-six cases réparties en deux rangées de trois étages, séparées par un couloir longitudinal d‘aération. «Il n’a pas été prévu plus de trois cases en hauteur, afin de ne pas rendre trop difficile la mise en place des cercueils, le plus élevé ne se trouvant pas de cette façon à plus de 1,55 m audessus du sol»1. à cette époque, le mur d’enceinte nord (symbolisé par un pointillé rouge sur l’axonométrie ci-contre) était attenant à ces deux nouveaux édifices. Suite aux résultats satisfaisants constatés cinq ans plus tard, une série de 108 nouvelles cases fut construite, dans la prolongation des deux 1. Robert Auzelle - op. cit.

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séries existantes. Le mur d’enceinte fut repoussé aux limites de la parcelle au nord. Le procédé mis en place permettait la production en série d’éléments préfabriqués : les fondations, les ossatures, les dalles horizontales séparant les rangs de cases et les toitures en terrasses furent réalisées en béton armé, les cloisons verticales entre les cases et couloirs d’aération en matériaux poreux. Un système d’aération naturelle par la création d’un couloir central entre deux rangées d’enfeus permettait une décomposition des corps identique voire supérieure à celle obtenue pour une inhumation en terre pleine.

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Aujourd’hui les enfeus ont disparu du cimetière Saint-Martin Nouveau, on peut d’ailleurs voir sur le plan actuel (plan à la main affiché à l’entrée du cimetière) que les zones correspondantes aux enfeus ont été effacées et que les nouvelles structures (columbarium et cavurnes) ont été réécrites par dessus. À l’époque et encore aujourd’hui, aucune disposition n’interdit formellement l’usage des enfeus à condition qu’ils ne présentent aucun risque pour la santé publique. Les raisons de la disparition des deux bâtiments restent obscures mais le flou juridique autour des enfeus2 semble avoir effrayé la municipalité qui les a retirés il y a quinze ans. Les concessions étant temporaires, il n’y a pas eu de problème avec les familles et une fois la totalité des cases inoccupée, les deux édifices ont été démolis.

2. Voir annexes p.106

Élévation et plan des enfeus: en rouge la première série de 1931, en blanc l’ajout de la nouvelle série de 108 nouvelles cases en 1936

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a. Calvaire, ancien ossuaire b. Nouvel ossuaire c. Conciergerie d. Bureaux et magasins e. Dépositoire f. Enfeux

Plan du cimetière non daté, publié dans l’ouvrage de Robert Auzelle.

a. Calvaire, ancien ossuaire b. Nouvel ossuaire c. WC d. Conciergerie e. Accueil f. Columbarium Cavurnes (écrit au stylo par dessus du correcteur blanc) A, B, C, D, I, J, M, N, O, P, R, X, Y: zones d’inhumation

a f

b

e

d

c

Plan actuel du cimetière

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Vue des deux premières séries d’enfeus le 19 décembre 1932, très peu de cases sont occupées. Le mur d’enceinte passe alors juste derrière. Vue actuelle depuis le même angle, le columbarium et les cavurnes ont remplacé les enfeus, le mur a été supprimé.

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Photographie du 10 mai 1938, vue des deux séries d’enfeus et de leur récent agrandissement dont les cases sont inoccupées. Vue actuelle depuis le même angle.

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Vue s’une série d’enfeus le 19 décembre 1932. Vue de la même série le 10 mai 1938.

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Vue depuis l’entrée le 10 mai 1938. Même vue aujourd’hui, les allées sont moins bien délimitées et les enfeus ont disparu.

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La circulaire du ministre de l’intérieur n°79-141 du 2 avril 1979 stipulait que :

« L’édification de ces enfeus isolés de taille familiale peut d’autant plus facilement être tolérée qu’elle ne pose pas, en règle générale, de problèmes spécifiques. Il n’en va pas de même des enfeus collectifs de grande capacité, construits en souterrain ou en surélévation, et qui permettent de rassembler des centaines, voire des milliers de cercueils dans des alvéoles de béton. Ces équipements peuvent être source de graves nuisances et leur technique de construction et d’entretien ne semble pas être au point. Au demeurant le mode d’inhumation qu’ils proposent n’est pas conforme à la loi, et la technique qu’ils utilisent n’a pas fait l’objet d’agréments administratifs. »

Pourtant les expériences du Dr. Marchoux avaient prouvé l’efficacité de ce procédé. Mais les enfeus étant vieux et peut être en mauvais état, il a paru à la municipalité plus facile de les supprimer. D’après la réponse ministérielle n°33356, JOAN 15 février 1988, p.722 : « la construction d’enfeus individuels ou collectifs est dépourvue de tout support juridique au regard des dispositions des articles R 2223-3 et R 2223-4 du CGCT. Dans les régions où le sol est difficile à creuser, l’édification d’enfeus individuels bénéficie d’une tolérance. Le maire peut en autoriser la construction en application des pouvoirs généraux dont il dispose pour la police des cimetières (article L 2213-9) »

Ce qui était le cas à Nantes où les inhumations en terre pleine et même les caveaux étaient impossible à cause du sol rocheux à 90cm. De plus le cimetière était saturé et il fallait trouver d’urgence une solution. En 2012 un columbarium et une série de cavurnes ont été installés à l’emplacement de la série d’enfeus la plus à l’ouest. Les cavurnes qui sont des petits caveaux enterrés pour recevoir des urnes, à l’image des caveaux traditionnels, étaient particulièrement appropriés à cet endroit où le sol rocheux de permettait pas de creuser en profondeur. Un jardin du souvenir a également été installé dans le prolongement, l’ensemble de ces trois nouveaux programmes résume assez bien ici la volonté du cimetière à se renouveler et à répondre aux demandes croissantes de crémations.

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La série d’enfeus la plus proche de l’entrée a été récemment remplacée par un columbarium, une série de cavurnes et un jardin du souvenir. Ces trois nouveaux programmes sont alignés selon l’axe des anciens enfeus et datent de 2012, seulement 9 cases du columbarium sont occupées.

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Cimetière Intercommunal de Clamart Robert Auzelle, Clamart, 1957, 59 enfeus.

L e cimetière intercommunal de Clamart est l’aboutissement du travail théorique de Robert Auzelle, il s’agit de «la composition la plus originale et la plus achevée des grandes compositions funéraires»1, selon ses termes. Jouxtant le quartier de la Plaine à Clamart, le projet s’étend sur une surface semblable de 34 hectares. À la première version, jugée trop monumentale, sera préféré un dessin paysager, conférant au cimetière son caractère de parc. Le principe de cimetière perpétuel énoncé par l’architecte dans son ouvrage Dermières Demeures s’applique ici grâce à une rotation normale des concessions qui assure au cimetière un nombre d’emplacements vacants toujours stable. Cette rotation est assurée par une limitation des concessions à perpétuité, une facilité de reprise des concessions temporaires qui évite l’état d’abandon trop fréquent dans les cimetières faute de gestion, et surtout la mise en place d’un «ossuaire-nécrologe», lieu de réunion des concessions reprises qui garanti une forme de perpétuité grâce à l’inscription des noms des défunts.

1. Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard, 1965, p.229

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En plus d’assurer un fonctionnement cyclique du cimetière, l’ossuaire permet d’abolir toute hiérarchie sociale et d’en finir avec l’inégalité post-mortem dénoncée par Robert Auzelle. Cette idée est également présente dans la réglementation du cimetière qui limite l’emprise des sépultures grace au principe de «volumeenveloppe»2 et interdit l’édification de chapelles. La sobriété des sépultures renforce l’allure de parc du cimetière, à l’image des cimetières protestants des pays nordiques aux grandes étendues boisées. 2. Voir p.37-38

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Une charte graphique a été mise en place, en collaboration avec le paysagiste G-M Gratigny, pour faciliter la représentation des zones paysagères et être ainsi transmissible au plus grand nombre. Elle révèle un choix d’essences très diverses, variables selon les saisons pour donner aux espaces des atmosphères différentes et jouer un rôle de séparateur entre les différentes zones d’inhumation, afin de conserver un sentiment d’intimité, de cimetière à échelle humaine. «Les espaces libres de l’esplanade (1) et de la pelouse ovale (2) invitent au “calme“ et au “recueillement“. Les limites des carrés de concessions (4,5,6,7) varient suivant leur position : plus épais en bordure des services (8) ou sans transition près du secteur forestier (3) et du bois de Meudon au nord (4,3). La variété des séquences et de la polychromie invitent à la “sérénité“.»3 3. Livret de l’exposition Robert Auzelle : l’urbanisme et la dimension humaine - IFA, 2000 1. Esplanade : carrés plantés et bâtiments d’entrée 2. Ovale gazonné entouré de bois 3. Cimetière forestier 4. Parcelle en lisière de bois au nord, contrastes au sud 5. Parcelle bordée de conifères et coulées de feuillus 6. Parcelle entre coulées de grands arbres 7. Parcelle isolée par les masques 8. Bâtiments, déchargement, serres, fumière et repiquage

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A : aire des cérémonies, salles réservées aux familles, logement du gardien B : conservation C : bâtiment de service D : esplanade E : caveaux provisoires (enfeus) F : ovale d'accès G : monument collectif H : premières parcelles I : pépinière J : plantations serrées K : ossuaire-nécrologe L : crématorium M : cinéraire N : toilettes P : parking

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Le crématorium, initialement prévu au nord du parterre ovale (lettre L sur le plan page 73) a finalement été construit à l’est de l’entrée, accessible depuis l’esplanade. Celle ci est calepinée selon une trame carrée, le sol dallé est ponctuellement remplacé par un arbre ou un module de banc en bois et béton. L’ensemble de bâtiments frontaux comprend la majorité des services du cimetière : aire des cérémonies, salles réservées aux familles, logement du gardien, conservation, et bâtiment de service. Le porche entre les deux bâtiments d’entrée est éclairé la nuit par des diodes lumineuses au sol qui soulignent le traitement en façade du béton dessiné par Robert Auzelle. «Des coffrages bois ont permis un jeu d’horizontales et de verticales alternant avec les pointes de diamant.»4 Visible depuis l’entrée, le monument collectif situé de l’autre côté de l’ovale gazonné est conçu en béton selon le même traitement. Réalisé par le sculpteur Maurice Calka, il représente les signes du zodiaque dans quatre civilisations, un thème volontairement non-religieux. Les 59 caveaux provisoires du dépositoire se trouvent à l’entrée du cimetière, à l’est de la pelouse ovale après les bâtiments d’entrée (en E sur le plan p.73). 4. Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard, 1965, p.315

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Photographie et dessin du monument collectif dans les années 1960. Photographies des bâtiments d’entrée dans les années 1960 et aujourd’hui.

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Pour donner l’illusion de caveaux enterrés, le terrain est déblayé selon la courbe de l’ovale gazonné, l’accès se fait selon une pente douce. Le dispositif est donc invisible depuis le parc, afin de renforcer encore une fois le sentiment d’intimité du visiteur endeuillé. Le terre remblayée latéralement de part et d’autre du sillon assure une isolation thermique naturelle. Les cercueils placés dans les caveaux sont étanches et munis d’un filtre «Pofugé» permettant l’échappement des gaz. «Un puisard assure l’évacuation des eaux de nettoiement de chaque case»5, les portes de fermeture sont composées d’une couche d’isolant entre deux plaques d’acier inoxydable. Ces caveaux semi-enterrés ne sont pas réellement considérés comme des enfeus, bien que le fonctionnement soit semblable. Robert Auzelle avait prévu ici trop peu de cases mais il évoquait dans son ouvrage la possibilité pour ce type de dépositoires de devenir des lieux de sépulture «quasi-permanents». 5. Idem.

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20m

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Les cathédrales du silence René Durandau, Marseille, 1972, 18 000 enfeus.

L ’ensemble composé de cinq bâtiments de huit niveaux et de deux bâtiments de quatre niveaux au sud du cimetière Saint-Pierre à Marseille est appelé «Cathédrales du silence», ou encore «HLM de la mort» à cause de leur ressemblance avec des immeubles de logement, inhabituelle pour un espace funéraire. On trouve peu de documentation sur ces constructions de 1972, elles ne semblent pas plaire aux habitants, ni aux amateurs de cimetières. «Dans le coeur du cimetière, l’affreuse Cathédrale du Silence qui, avec son béton, ses étages, ses coursives et ses escaliers reproduit les ensembles HLM inhumains des banlieues.»1 Pourtant, au delà du caractère purement esthétique, les cathédrales répondent à un problème récurrent : le manque d’emplacements pour les sépultures, renforcé par les concessions à perpétuité qui freinent la reprise des emplacements et le renouvellement des cimetières.

1. Philippe Landru - auteur du site «Cimetières de France et d’ailleurs» www.landrucimetieres.fr

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Le cimetière Saint-Pierre a été créé en 1855 dans le but de soulager l’unique cimetière marseillais, le cimetière Saint-Charles, saturé et rattrapé par l’urbanisation. Le nouveau cimetière de 63 hectares a longtemps été le plus grand de France, aujourd’hui dépassé par les cimetières parisiens de Thiais et Pantin. Les 18 000 emplacements des cathédrales permettent une densité de 0,8m2 par sépulture soit environ quatre fois moins que dans le reste du cimetière. Contrairement au cimetière du Parc de Clamart, les concessions en enfeu des cathédrales ne sont pas temporaires, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, le prix d’une concession en enfeu dans les cathédrales n’est pas inférieur à celui d’une concession ordinaire en pleine terre.

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Pour un montant inférieur il est possible d’acquérir une concession dans les rangs de 3,60m2, ou une concession angulaire de 3,30m2 pour 30 ou 50 ans. Tableau des prix tarifaires en euros des concessions dans les cimetières marseillais en 20132 : Columbarium

Cavurne

Enfeu

15

110 (10ans)

300

668

30

205 (20ans)

600

1364

50

900

2399

Perpétuité

1210

Concession rangs

Concession angulaire

421-2069

1104-2213

Concession isolée

Concession «grande allée»

924-3230

1735-3945

2478-6217

5103-10713

2884-12078

7210-16762

9976-24994

20518-43088

Les bâtiments peuvent être divisés en deux typologies : cinq bâtiments en H de huit étages et deux en barre de quatre étages. La typologie en H est composée de deux corps de bâti reliés entre eux par des passerelles à chaque niveau. La structure est répétitive et totalement ouverte sur l’extérieur car le programme ne nécessite pas une isolation particulière, ce qui permet un lien direct entre intérieur et extérieur. Les enfeus sont disposés au centre des bâtiments, symétriquement selon un couloir technique central, d’après le principe du Dr. Marchoux. Les flux d’air vicié sont donc canalisés au centre du bâtiment, sans aucun contact avec les couloirs de circulation. Les cases sont ainsi 2. Tarifs et taxes des services publics de la Ville de Marseille et de la Communauté Urbaine M.P.M. applicables à Marseille – édition 2013 – 2ème mise à jour juin 2013

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répétées au rythme de trois superpositions par niveau, afin de rester accessibles aux visiteurs. À l’angle sud-est, les trois derniers bâtiments en H épousent la courbure de l’allée, un escalier s’insère entre deux pour relier les voies parallèles séparées par un dénivelé d’une dizaine de mètres. La circulation verticale est organisée autour de noyaux composés de volées d’escaliers et d’ascenseurs. À la répétition des couloirs, des baies, et de la structure s’ajoute celle des enfeus, ce qui renforce le sentiment de monumentalité des bâtiments et d’anonymat des sépultures qui peut donner aux visiteurs l’impression d’une mort bas de gamme. Ce qui est assez paradoxal puisque les sépultures classiques sont également organisées de façon répétitive et sont tout aussi standardisées dans leur aspect esthétique. Mais ici la signalétique rappelle les couloirs d’hôpitaux ou de parkings, ce qui achève de donner un aspect dépréciatif à cet ensemble qui aurait pu provoquer chez le visiteur un sentiment d’élévation, de monumentalité grâce à ce nouveau mode de sépulture, d’autant plus que les hauteurs des cathédrales offrent la plus belle vue du cimetière sur la ville.

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Cimetière Saint-Pancrace Jean-Marc Barani 1992, Roquebrune-cap-martin, 915 enfeus

D ans un site avec une pente à plus de 50% au dessus du cimetière existant, le projet d’extension proposé par Marc Barani en 1992 comprenait un ensemble funéraire composé de trois éléments : chapelles, failles et enceinte. Seule la première des trois failles fût réalisée, mais le projet pourra s’agrandir selon la demande. L’emploi d’enfeus comme unique mode de sépulture permet une densité de une sépulture par mètre carré, contre 15 à 30 habituellement. Il permet également à cette nouvelle partie du cimetière d’être entièrement accessible aux visiteurs à tout moment, et ainsi de déconstruire l’image fermée du cimetière. «On construit le lieu des morts avec les mêmes outils que celui des vivants»1, ce projet joue avec les codes et nous fait oublier tout ce que l’on sait du cimetière. La première tranche réalisée compte 915 emplacements, elle fait partie d’un programme datant de 1986 prévoyant 38 000 nouvelles sépultures. 1. Marc Barani : corps à corps - Les Entretiens de Chaillot, 24 avril 2006 - Cité de l’architecture et du patrimoine , MMBFilms , 2007

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Sur le plan initial on peut voir les autres programmes prévus : une série de chapelles entourées de sépultures en pleine terre au nord, dans la zone la moins en pente, les trois failles et un ossuaire à l’ouest, reliant l’ancien cimetière à la nouvelle partie, séquencé par un chemin en lacet rendant la montée praticable aux visiteurs. La composition du plan comprend des discontinuités dans les espaces, afin «d’éviter un formalisme lié à une organisation idéale du cimetière»2, et de créer des séquences au service du parcours du deuil. 2. Entre ciel et mer. Extension du cimetière Saint-pancrace Roquebrune-cap Martin Revue Technique et Architecture - Dec 1992

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En arrivant par le nord, le visiteur contourne la faille, puis découvre l’entrée qui s’effectue volontairement de façon transversale. Ce cheminement permet de retarder la découverte brutale de l’intérieur de la faille, face à un mur d’une dizaine de mètres de hauteur. Les murs latéraux, présence minérale, masquent soudainement la végétation et l’horizon, éléments de lecture du paysage. La montée vers les niveaux supérieurs suit la pente naturelle du terrain et accompagne le visiteur dans un parcours progressif, fait de pauses, vers la plateforme supérieure. Le couloir central déssert les deux niveaux d’enfeus s’étendant sur en balcons détachés de la partie centrale donnant l’illusion de boites suspendues qui contraste avec la monumentalité de l’ensemble. Les enfeus sont superposés sur trois niveaux afin de rester accessibles, ils sont alignés au nu de la paroi pour préserver l’unité du mur. Seuls les matériaux, et aujourd’hui les fleurs, signalent l’usage de ce mur. Les plaques scellant les enfeus sont en marbre de Carrare, lisse et blanc, l’ensemble des murs constituants l’intérieur de la faille est en béton bouchardé, rappel de la terre, du creusement.

Coupe longitudinale avec calepinage des enfeus. À droite : vue depuis l’entrée de l’extension du cimetière vues face au projet

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La force de ce projet réside dans ces contrastes entre vide et plein, minéral et végétal, horizontal et vertical. Le sentiment d’introversion ressenti lors de la montée progressive est immédiatement renversé lorsque le visiteur se retourne et se retrouve tout à coup face à l’immensité du ciel et de la mer qui se rejoignent en un horizon parfois imperceptible. Un saut de loup entre la route et l’entrée évite une coupure entre le projet et le paysage, l’horizon reste intact. Le projet cadre le paysage, le sublime. La taille franche dans la falaise permet une infinité de jeux de lumières, accentués par les arêtes nettes des volumes abstraits. On peut regretter le traitement un peu moins soigné de la petite faille à l’est, dont les garde-corps, bien que travaillés, rappellent inévitablement le caractère clos du cimetière traditionnel.

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Conclusion

F

ace au rejet des cimetières hors de la ville, résultat inévitable de la pénurie de foncier et de la saturation des cimetières existants, les autorités sont parfois contraintes à choisir des espaces délaissés pour y développer de nouveaux cimetières. «Aujourd’hui, quelle place réservons nous à nos défunts, à notre histoire ? Quelles sont les limites que nous leur attribuons et quelle est l’image que les cimetières contemporains renvoient de notre société?»1 Le rejet de la mort dans sa banalisation et sa démystification a suivi de près son rejet physique hors des frontières de la ville, afin d’éviter que ce phénomène ne s’amplifie, le moment semble venu de se tourner vers une nouvelle forme de cimetière, en adéquation avec les changements urbains et sociologiques actuels. Les changements amorcés montrent bien que le cimetière est prêt à devenir autre pour s’intégrer à la ville : un parc, un musée, une tour, ou encore une base d’informations. Ces changements sont en partie régis par des modifications internes et de nouveaux modes de sépulture qui font évoluer l’image traditionnelle et codifiée du cimetière encore trop fermée.

1. AMC n°215 mai 2012

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Le «pêle-mêle hétéroclite» dénoncé par Robert Auzelle en 1965 est toujours une réalité dans la grande majorité de nos cimetières. Le véritable problème ne réside pourtant pas dans la diversité esthétique des tombes, il est surtout dommage que cette liberté d’appropriation de l’espace funéraire — un espace de deuil — soit si peu exploitée par les proches des défunts. Couvrir d’une dalle de marbre ou de granit n’est aucunement une obligation. Peut on encore parler de tradition lorsque l’on voit les nouveaux catalogues de Pompes funèbres? L’effort pour moderniser le support est indéniable, mais la question est plutôt la valeur du support lui même. Les nombreuses sculptures du Père-Lachaise témoignent de ce désir d’appropriation, la question qui découle de celles que pose Robert Auzelle est la suivante : si chaque tombe doit signifier quelque chose pour la famille du défunt ou pour le défunt lui même, que signifient tous ces monuments ensemble ? Le cimetière est il vraiment le lieu de l’appropriation, de la mort «personnelle», ou est il le lieu de la mort au sens large, l’image de la mort auprès des vivants, dans l’espace des vivants? Ces questions étaient toujours d’actualité en 1998 lorsque Anthos publiait son premier numéro sur les cimetières : «Quelle «communauté» cherchons-nous dans la tombe? Celle des personnes décédées par hasard au même moment? Certainement pas. Cherchons-nous vraiment la «communauté»? Ne sommes-nous pas au contraire en train de quitter une communauté, celle des structures sociales traditionnelles? Les raisons pour ces changements tiennent-elles plutôt à la dissolution des familles, au manque d’attachement à un lieu, à la perte du lien avec l’église, à la disparition des rituels? Ou cherchons-nous simplement la solution la plus économique? »2 Si nous allons de l’effacement de la mort individuelle vers la mort collective, alors effectivement des règles d’uniformisation de l’espace du cimetière paraissent judicieuses. Mais si au contraire nous allons vers une individualisation de la mort 2. Bernd Schubert - Les cimetières aujourd’hui - ANTHOS 1, 2007

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— résultat de la société de consommation, du resserrement de la cellule familiale — alors la dispersion des cendres dans des jardins du souvenir ou dans la nature, choix de plus en plus courants, révèlent bien ce malaise entre l’offre et la demande. Ces modifications induites par les nouveaux modes de sépulture prennent part à un processus de transformation du cimetière, processus ralenti par l’évolution de la pensée sociale sur la mort et le caractère sensible du programme. «La culture du cimetière est aseptisée. (...) La solution ne réside pas dans une nouvelle interprétation de ces monuments. Faisons donc de cette nécessité une vertu! Exigeons par exemple des formes d’inhumation denses, avec des niches où placer les urnes. Multiplions les symboles individuels pour en faire des unités symboliques intelligibles, dotées d’une force de rayonnement. Érigeons des structures funéraires porteuses d’un contenu symbolique. Opposons-leur un paysage intact et n’aménageons pas simplement des ambiances comme pour notre propre chambre à coucher. Des expressions intenses conviennent bien à ces lieux chargés d’émotion.»3

Les revendications parues il y a 15 ans dans la revue Anthos ont fait leur chemin en Suisse et en Allemagne, mais en France les tentatives d’introduction de nouvelles formes sont plus récentes et restent encore des exceptions. Pourtant les exemples étudiés dans la troisième partie démontrent le réel intérêt du système d’enfeu, ainsi que l’importance d’une certaine qualité architecturale pour garantir une intégration dans le paysage et une acceptation des usagers. Ce système, comme celui du columbarium ou de l’ossuaire en sursol peut facilement être réalisé dans un cimetière existant car il peut se substituer ou s’intégrer à une clôture. «On pourrait donc attendre de cette solution une économie d’ensemble intéressante sachant que la transformation d’un mur, par changement de matériaux ou plantation, peut avoir un coût important pour les communes. Doubler certaines 3. Idem.


parties de murs d’enceinte par des columbariums, voire faire de ces columbariums, ossuaires ou enfeus des éléments de la clôture pourrait conduire à réduire ou mutualiser les coûts et à masquer la pauvreté de certaines limites.»4 L’économie d’espace grâce la densité et la facilité de mise en oeuvre peu importe la nature du sol permise par ce type de système est également à prendre en compte aux vues de la difficulté pour les municipalités à dégager de nouveaux terrains pour construire ou agrandir les cimetières. Dans un avenir plus ou moins proche l’économie de surface dans les cimetières par la verticalisation des sépultures sera inévitable, il faut donc encourager ces initiatives, tout en veillant à respecter un certain nombre de principes de composition. Par exemple veiller à limiter la répétition et la hauteur de la structure pour éviter un effet hors d’échelle comme c’est le cas dans les Cathédrales du Silence, prendre en compte l’importance des matériaux et de la matérialité, du parcours nécessaire dans le processus de deuil, et surtout l’intégration du système dans le contexte et le paysage existant. Enfin, pour éviter que ces expériences ne disparaissent comme nous l’avons vu dans le cas des enfeus de Nantes, il faudrait une évolution législative qui contribuerait à légitimer ces formes de sépultures, comme c’est le cas en Italie et en Espagne, où des réalisations d’architectes renommés ont prouvé le potentiel architectural de ce mode de sépulture.

4. APUR - Situation, enjeux urbains et d’aménagement des cimetières du Sifurep - décembre 2010 Le cimetière d’Igualada en Espagne, réalisé en 1985 par Enric Miralles et Carme Pinós.

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Bibliographie

Ouvrages principaux • Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard, 1965 • Livret de l’exposition Robert Auzelle : l’urbanisme et la dimension humaine - IFA, 2000 • Francis Blaise - Architectures pour une dernière demeure - Paris : J-M Place, 2005 • Gilles Clement - Où en est l’herbe ? Réflexions sur le jardin planétaire - éditions Actes Sud, Nîmes, 2006 • James Stevens Curl - The Victorian celebration of death - Constable, London, 1980 • Alberto Ferlenga - Aldo Rossi, toute l’oeuvre - Könemann, 2001 • Michel Gallet - Claude-Nicolas Ledoux : 1736-1806 - Paris : Picard, 1980 • Jeroen Geurst - Cemeteries of the Great War by Sir Edwin Lutyens 010 Publishers, 2009 • Louis-étienne Héricart de Thury - Description des catacombes de Paris - Comité des travaux historiques et scientifiques, 2000 • Maseleine Lassere - Villes et cimetieres en France, de l’Ancien Régime à nos jours : le territoire des morts - L’Harmattan, 1997 • Le Corbusier - Le poème de l’angle droit - Éditions Tériade, Paris, 1955 • François Ottmann - Créer ou aménager un cimetière, géologie, techniques, hygiène - Ed Moniteur, 1987 • Michel Ragon - L’espace de la mort - Ed Albin Michel, 1981 • Louis-Vincent Thomas - Mort et Pouvoir - Ed Payot, 1978 • Jean Didier Urbain - La société de conservation: étude sémiologique

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des cimetières d’Occident - Payot, 1978 • Michel Vovelle - Chronique de la mort - Editions Gallimard, Paris 1993 • Anatxu Zabalbeascoa - Igualada Cemetery : Enric Miralles and Carme Pinos - Phaidon Press, 1996 Articles • Michel Foucault - Des espaces autres, 14 mars 1967 - AMC n°5 octobre 1984 • J-H Lambert - Cimetières de banlieue - Urbanisme n°15 - 1933 • Thomas Lestavel - Collectivités territoriales, La gestion des cimetières - Le nouvel Economiste - 6 avril 2011 • Jean-François Pousse - Le cimetière dans la ville, proposition pour des cimetières verticaux à Paris - Techniques & Architecture n°405 décembre 1992 • À flanc de colline, Parc cimetière de Igualada, Barcelone - Techniques & Architecture n°405 - décembre 1992 • François Robichon - L’immeuble-cimetière - D’ARCHITECTES n°34 - avril 1993 • Bernd Schubert - Les cimetières aujourd’hui - ANTHOS 1, 2007 • Entre ciel et mer. Extension du cimetière Saint-pancrace Roquebrune-cap Martin - Revue Technique et Architecture - Dec 1992 Articles en ligne • Fabrizio Gallanti - Vertical cemeteries - Domus - 21 Février 2007 [http://www.domusweb.it/en/architecture/2007/02/21/vertical-cemeteries.html] • Philippe Madec - De la demeure à la dernière demeure - mars 1994 • Philippe Madec - L’horizon de la mémoire - Lu à l’occasion du séminaire « Architecture et Littérature : du Grand-Âge aux demeures de l’ultime», organisé les 14 et 15 février 2013, à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, par le Centre des Sciences de la Littérature Française. • Daniele Mancini- Interview with NL Architects - Spazio Architettura magazine, Mai 2003 Janvier 2004 Etudes • APUR - Situation, enjeux urbains et d’aménagement des cimetières

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du Sifurep - décembre 2010 • APUR - Situation et perspectives de la place de la nature à Paris - 9e atelier : les cimetières - mai 2011 • ONFV - Fin de vie : un premier état des lieux - rapport 2011 Vidéos • Marc Barani : corps à corps - Les Entretiens de Chaillot, 24 avril 2006 - Cité de l’architecture et du patrimoine, MMBFilms, 2007 • Richard Copans - Le Cimetière d’Igualada - Les Films d’Ici, Arte France, 2010 • Conférence Ricardo Carvalho De Ostos - École Spéciale d’Architecture - 10 mars 2011 MES/TPFE • Frédéric Bertrand - Une ville des morts : le projet de Méry-sur-Oise - 1991 • René Deleval - Robert Auzelle et les problèmes de sépulture en urbanisme - 1993 • Isabelle Lefebvre - L’Antre … de vie - 1994

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Sources Iconographiques Les illustrations et photographies non citées dans la liste suivante sont originales.

• pages 2 et 3 Le poème de l’angle droit. [Le Corbusier - Le poème de l’angle droit - Éditions Tériade, Paris, 1955] Chapitre I • page 20 Coupe et élévation du Cimetière de la ville de Chaux, Claude Nicolas Ledoux , 1789. [Michel Gallet - Claude-Nicolas Ledoux : 1736-1806 - Paris : Picard, 1980] • page 21 Coupes, plan et élévation du projet The Pyramid, A General Metropolitan Cemetery to be Erectedin the Vicinity of Primrose Hill, Thomas Willson , 1824. [James Stevens Curl - The Victorian celebration of death - Constable, London, 1980] • page 23 Vue de l’entrée de la Memorial Necropole Ecumenica au Brésil. [© Google 2013, Street View avril 2011] • page 25 Dessins de Philippe Madec pour l’immeuble-cimetière. [Jean-François Pousse - Le cimetière dans la ville, proposition pour

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des cimetières verticaux à Paris - Techniques & Architecture n°405 - décembre 1992] • page 27 Sky Cemetery, NL Architects, 1991 [OPOP, Operative Optimism in Architecture - Actar, Barcelona, 2005] The Last House, Chanjoong Kim, 2006 [Source web - 12/08/2013 - http://www.designboom.com/snapshots/ venice_06/korea.html] • page 29 Tower For The Dead, Israël López Balan, Elsa Mendoza Andrés, et Moisés Adrián Hernández García, 2011 [Source web - 12/08/2013 - http://www.evolo.us/competition/towerfor-the-dead/] The Hanging Cemetery of Baghdad, NaJa & deOstos, 2004 [Robert Klanten - Utopia forever : Visions of architecture and urbanism - Berlin, Die Gestalten Verlag, 2011 p.25] • page 31 Tour du silence. [Source web - 12/08/2013 - http://socks-studio.com/2012/02/09/ towers-of-silence-zoroastrian-architectures-for-the-ritual-of-death] Moksha Tower. [Source web - 12/08/2013 - http://www.ctbuh.org/TallBuildings/AcademicStudentWork/IllinoisInstituteofTech/2010_IITRemakingofMumbai/MokshaTower/tabid/2279/language/en-US/Default.aspx] Chapitre II • page 43 Coupe d’un columbarium et axonométrie éclatée d’une case. [Schémas tirés de l’ouvrage de Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard 1965. Modifiés] • page 45 Tombe commune du cimetière de Duggingen. [photographie issue de l’article de Bernd Schubert - Les cimetières aujourd’hui - ANTHOS 1, 2007 p.34] • page 47 Coupe et axonométrie éclatée d’un système d’enfeus.

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[Schémas tirés de l’ouvrage de Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard 1965. Modifiés] • page 53 Dispositif de QR code Memory History. [Source web - 10/09/2013 - http://www.memory-history.com/images/ img-concept-memory.jpg] Catalogue en ligne de «fer tombal» de la société Funeral Concept®. [Source web - 10/09/2013 - http://www.funeral-concept.fr/UserFiles/medias/espace_%20funeral_pro/collection/monuments_funeraires/11.jpg]

Chapitre III • page 62 Élévation et plan des enfeus du cimetière Saint-Martin Nouveau. [Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard, 1965, p.259, modifié] • page 63 Plan du cimetière Saint-Martin. [Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard, 1965, p.258] • page 64, 65, 66 et 67 Photographies des enfeus. 64-a [Archives municipales de Nantes, Cote : 15Fi884, 19 décembre 1932] 65-a [Archives municipales de Nantes, Cote : 13Fi1202, 10 mai 1938] 66-a [Archives municipales de Nantes, Cote : 15Fi885, 19 décembre 1932] 66-b [Archives municipales de Nantes, Cote : 13Fi1201, 10 mai 1938] 67-a [Archives municipales de Nantes, Cote : 13Fi1195, 10 mai 1938] • page 71 Première et deuxième versions du cimetière du Parc. [Livret de l’exposition Robert Auzelle : l’urbanisme et la dimension humaine - IFA, 2000] • page 72 Vue depuis l’entrée 72-a

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[Source web - 28/08/2013 - http-//www.cimetieres-de-france.fr/ uploads/cimetiere/1900/photo/cimetiere/galerie4d67cc9fbf86d] Vue depuis l’entrée 72-b [Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard, 1965, p.230] • page 73 Plans du cimetière du Parc, Clamart. [Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard, 1965, p.228] • page 74 Dessin du monument collectif. [Livret de l’exposition Robert Auzelle : l’urbanisme et la dimension humaine - IFA, 2000] • page 75 Photographie du monument collectif dans les années 1960 75-a Photographie des bâtiments d’entrée dans les années 1960 75-b [Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard, 1965, p.230] Photographie des bâtiments d’entrée en 2013 75-c [Source web - 28/08/2013 - http-//www.cimetieres-de-france.fr/ uploads/cimetiere/1900/photo/cimetiere/3a9a3cbdb826bc42e5f56e92 abab0dbd] • pages 76 et 77 Photographies, plan et coupe des caveaux temporaires. [Robert Auzelle - Dernières demeures - Ed Picard, 1965, p.312 et 313] • pages 84 et 86 Plan initial du projet et maquette du rendu. Coupe longitudinale avec calepinage des enfeus. [Entre ciel et mer. Extension du cimetière Saint-pancrace Roquebrune-cap Martin - Revue Technique et Architecture - Dec 1992] • page 87 87-a : Vue depuis l’entrée de l’extension du cimetière [Source web - http://abridurif.tumblr.com/image/54744078522] 87-b : Vue face au projet [Source web - http://theredlist.fr/media/database/architecture/across_ the_landscape/cimetiere_roquebrune/002_cimetiere_roquebrune_ theredlist] 87-c : Vue face au projet [Photographie de Serge Demailly - Entre ciel et mer. Extension du cimetière Saint-pancrace Roquebrune-cap Martin - Revue Technique et Architecture - Dec 1992]


• page 88 Vue depuis la plateforme supérieure. [Photographie de Serge Demailly - Entre ciel et mer. Extension du cimetière Saint-pancrace Roquebrune-cap Martin - Revue Technique et Architecture - Dec 1992] • page 89 Vue depuis la petite faille est. [Source web - http://theredlist.fr/media/database/architecture/across_ the_landscape/cimetiere_roquebrune/002_cimetiere_roquebrune_ theredlist] • page 95 Le cimetière d’Igualada en Espagne, réalisé en 1985 par Enric Miralles et Carme Pinós. [À flanc de colline, Parc cimetière de Igualada, Barcelone - Techniques & Architecture n°405 - décembre 1992]

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Annexes

Circulaire du ministère de la santé n°85-1213 22 novembre 1985 À propos des enfeus et des caveaux étanches : « Les municipalités ont à faire face, en raison de la saturation des cimetières, à des difficultés toujours accrues pour créer de nouveaux cimetières, compte tenu de la pénurie de terrains en général, lesquels doivent présenter l’aptitude requise pour dégrader les corps inhumés, tout en étant situés hors des zones de protection des eaux souterraines. Pour tenter de résoudre les problèmes qui leur étaient posés par l’inaptitude des terrains disponibles et pour répondre à la nécessité d’assurer la protection de l’environnement, les municipalités ont eu recours à des caveaux en béton totalement étanches, enfouis ou en surélévation qui présentent de grands inconvénients. En effet, dans certains cas, sous la pression des gaz de décomposition, le béton s’est fissuré, laissant s’écouler les liquides émis par le corps inhumé dans le milieu ou à l’air libre ; dans les autres cas, il n’a pas été possible, à l’issue de la concession, de relever les corps qui y étaient déposés, ceux-ci ne s’étant pas du tout normalement dégradés, ce qui a confronté le personnel des cimetières à des situations très pénibles. Cependant, lorsque les caveaux en béton étanche, enfouis ou en surélévation, sont équipés d’un système épurateur permettant de reproduire les conditions de dégradation en pleine terre, en l’améliorant il s’avère que ce type d’inhumation se révèle satisfaisant, tant au regard

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de la localisation et de l’aménagement des cimetières que de la rotation des corps à l’intérieur des sépultures. Pour ces motifs, j’ai estimé nécessaire de soumettre cette nouvelle technique à l’avis du conseil supérieur d’hygiène publique de France, en attente de sa régularisation par un texte législatif, actuellement en préparation. Cette assemblée émet des avis favorables de principe à l’égard de modèles de caveaux étanches équipés d’un système épurateur de gaz répondant aux principes suivants qu’elle a définis: • cases en béton étanche. • absence de tout écoulement hors des cases. • présence d’un bac de recueil des liquides dans chaque cellule. • mise en place d’un système d’introduction d’air et d’évacuation, avec épurateur des gaz de décomposition. Les modèles de caveaux peuvent être unitaires, familiaux jusqu’à huit places, ou collectifs avec 100 cases et plus. » « Sont formellement proscrits les types de caveaux étanches ne correspondant pas aux principes définis par le conseil supérieur d’hygiène publique de France et n’ayant pas reçu d’avis favorable de principe, notamment: • les cellules étanches sans système d’évacuation des gaz. • les enfeus équipés d’un tuyau d’écoulement des liquides directement relié au sol car, en raison de leur viscosité, les liquides stagnent dans le tuyau, provoquent son obstruction en favorisant le développement d’un champignon et d’une faune spécifique à ce milieu. »

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Remerciements

Je tiens à remercier les professeurs du séminaire AFA : Dominique Hernandez, Jean-Paul Midant, Philippe Villien ainsi que mon directeur de mémoire Alain Dervieux pour son écoute et ses conseils. Je souhaites également remercier Frédéric Bertrand et les membres de l’APUR pour leur travail, M. Ronceau du service cimetières de la mairie de Nantes pour son temps ainsi que Claude, Mélissa et Clément pour leur soutien.

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