TPFE - Donner une épaisseur au trait de côte en Presqu'île de Guérande

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DONNER UNE ÉPAISSEUR AU TRAIT DE CÔTE En Presqu’île de Guérande

Camille LEFEBVRE Travail Personnel de Fin d’Etudes Encadré par Matthieu PICOT






Tous les documents graphiques et photograpiques sont de l’auteur, sauf mention contraire dans la lÊgende.


Sommaire Introduction p11

Le littoral : la part du futur

Critères de sélection du site

Portraits presqu’île

p21

Désirs de littoral

p45

Xynthia à Guérande

p55

Définir l’épaisseur du littoral

p61

Les épaisseurs du littoral Le contour Le coteau Le coeur : les marais salants

Evolutions des aménités littorales Un paysage conquis par l’homme

Dégâts, retours d’expérience et conséquences

La perpétuelle mobilité du paysage Eléments en présence Du trait de côte au rétro-littoral Vivre de la mer et avec la mer

Quelles transformations à venir ?

p89 Un scénario possible de la montée de l’eau Et si... Un nouveau mode de gestion Seuils d’actions Positionnement Points d’action sur le trait de côte Expérimentation de gestion du littoral : épaissir les traits

La Presqu’île mobile

p113

Construire avec l’évolution du trait de côte Scénario à l’échelle du territoire 1. Accrocher la dune 2. Préparer le recul de la dune Outils de sédimentation 3. Temporiser les flux 4. Elargir les berges Carte de synthèse

Conclusion p137 Glossaire et abréviations p138 Bibliographie p140 7



« Il suffit d’abaisser notre prétention à dominer la nature et d’élever notre prétention à en faire physiquement partie, pour que la réconciliation ait lieu. » Francis Ponge, Le Grand Recueil


Graphique de «l’espace du risque»

Selon les facteurs de la mobilité du trait de côte et de la croissance des installations humaines dans le temps.

d’après l’espace du risque, conception : C Meur-Férec, V. Morel 2004 Réalisation D. Marin, C Meur-Férec

Principales zones à risques et communes concernées

dans une hypothèse de montée de 2m du niveau marin. Vers un nouveau trait de côte ?

http://eelv-presquile.fr/spip.php?article343 d’après les estimations de la nasa : flood.firetree.net

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Introduction Le littoral : la part du futur Tous les paysages sont en mouvement. Ils sont soumis en permanence aux effets du temps, aux éléments et forces dynamiques qui les composent. Sur le littoral, le caractère mouvant est exacerbé. Le vent, les vagues, les courants sculptent la côte, dessinent sans cesse un paysage nouveau, et ces processus peuvent s’observer à l’oeil nu. Sur la côte atlantique, la succession des marées illustre d’autant plus ce caractère mouvant, et impose un rythme à ceux qui y habitent ou y travaillent. Ces paysages littoraux nous provoquent la sensation de sublime, le sentiment d’infini, de quelque chose qui nous dépasse. C’est la fascination de la nature qui forge les paysages, la fascination des vagues, allégorie du paysage en perpétuelle transformation. Aujourd’hui le littoral est soumis à des pressions grandissantes, il fait l’objet d’une anthropisation de plus en plus grande, il est donc plus soumis aux pollutions, il fait également face aux changements climatiques, et donc aux phénomènes de la montée de l’eau et de la recrudescence des phénomènes de tempête. Les parties les plus sensibles étant les côtes sableuses et les côtes basses. C’est en cela que le littoral est la part du futur, il est soumis plus que jamais à des pressions naturelles et humaines qui le conditionnent à évoluer, tout en étant incertain du temps dont il dispose pour le faire.

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Lors de mes années d’études à l’ENSP, j’ai eu l’occasion pendant l’exercice d’étude paysagère à l’échelle d’un canton, de découvrir les problématiques sur le littoral face à la montée du niveau marin, sur l’île de Noirmoutier. La fragilité de ce territoire face aux éléments m’a fascinée et inquiétée à la fois. Et les réponses quasi militaires apportées sur l’ile pour lutter et se défendre contre la mer ne m’ont pas tout à fait convaincue. Dans ce domaine, les ingénieurs ont le monopole, les architectes commencent à trouver les solutions techniques pour habiter avec l’eau, sur l’eau. Mais je crois que sur ce sujet, il y a un travail de projection nécessaire pour inventer de nouvelles manière d’envisager l’interface terre-mer, projection à laquelle le paysagiste peut apporter des outils et méthodes, avec un positionnement différent de celui des ingénieurs et architectes, en étant par exemple attentif à la transformation en train de se faire, au paysage qui bouge, à la lisière, aux interfaces... Je suis donc partie en quête d’un site, pour explorer ce sujet...


Trait de côte et urbanisation littorale.

Je remarque ici une urbanisation continue suivant le trait de côte à l’embouchure nord de la Loire.

N

20km

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0

«Zones basses»

Ce sont les zones situées sous la cote 4,50m NGF. Une figure m’intrigue : des lignes semblent se former dans une orientation nord-ouest, sud-est. Une pièce semble isolée, détachée du continent par un relief.

2.

N

0

10

20km

D’après les cartographies de l’ONML, Observatoire National de la Mer et du Littoral, secteur Nord Atlantique Manche Ouest.

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Critères de sélection du site Je cherchais donc un terrain d’étude pour expérimenter la transformation des paysages littoraux et du trait de côte, dans un contexte anthropisé. Les critères étaient donc de trouver un territoire habité et donc potentiellement touristique, qui est identifié comme « territoire à risques », où des politiques de protections sont à l’oeuvre ou en projet. J’étais aussi attentive à la présence d’un patrimoine naturel et/ou paysager. La possibilité d’avoir une marge de manoeuvre était aussi importante, d’avoir la place et le temps d’expérimenter. C’est avec ces critères que je suis partie en exploration cartographique, dont voici un extrait.

Part de surface submergée des communes littorales

Communes prioritaires

lors de la tempête Xynthia en 2010

à la réalisation d’un Plan de Prévention des Risques Littoraux

Typologies des accueils touristiques

Carte LIDAR du programme Litto-3D de Géopal

par communes

représentant avec précision le relief

Légende Communes touristiques : Tourisme de plein air Accueil diversifié Communes très touristiques : Résidences secondaires Villes et stations balnéaires Grand centre très touristique

Cartes reprises de «La vulnérabilité face au risque de submersion marine : exposition et sensibilité des communes littorales de la région Pays de la Loire (France)» Elie Chevillot-Miot et Denis Mercier

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Changement climatique et risque inondation

Comme préalable à ce travail, les données du Giec sont des sources importantes et un moteur de projet. Ces données apportent la certitude d’un changement à venir sur les littoraux, et quelques éléments pour en esquisser les scénarios. Mais même au sein de cet organisme, plusieurs scénarios sont envisagés, certains plus pessimistes que d’autres. Certains prennent en compte des améliorations des émissions de gaz à effet de serre, le plus pessimiste se base sur les émissions actuelles. Tous scénarios confondus, le dernier rapport du Giec de 2014 prévoit une hausse du niveau des mers entre 29 et 82 centimètres d’ici la fin du 21ème siècle (2081-2100). Une hausse d’un mètre impacterait directement 1 personne sur 10 dans le monde. Sur la période de 1901-2010, le niveau de la mer a augmenté de 19cm en moyenne, soit de 1,7mm/an. Cette hausse s’accélère puisque entre 1993 et 2010, elle a été de 3,2mm/ an. La hausse du niveau des mers est presque deux fois plus rapide depuis 20ans qu’au siècle dernier. Une autre variable affectée par le changement climatique est la fréquence des événements climatiques extrêmes qui vont être plus intenses et plus fréquents. Lors de ces événements peuvent se produire des phénomènes de surcote, ayant pour conséquence dans le cas des tempêtes côtières, une submersion plus importante, ce qui s’est produit dans le cas de la tempête Xynthia en 2010. Malgré la probabilité de 95% accordée aux prévisions du Giec, ce sujet est fait d’incertitudes. Au regard des évènements passés et de l’accumulation de connaissances et de données, on cherche à quantifier un risque, dont la probabilité qu’il advienne est exprimée dans l’aléa. Mais la réalité de ce qui se produira, sa temporalité et la manière dont ces prévisions se réaliseront ou pas, font partie du domaine de l’incertain.

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Une presqu’île Le site choisi pour explorer ce sujet est le sud de la presquîle Guérandaise, parce que ce n’est pas une île mais presque. Elle m’invite à découvrir le bout d’un monde. Parce que son nom évoque le sel qu’elle produit. Mais au fait, où-est ce qu’on le produit ? Parce que tout le long de son littoral, les hommes se sont installés, de manière presque continue, c’est que ça ne doit pas être mal. Mais sans doute que ça pose des problèmes aujourd’hui. Parce que ça m’intrigue cette mer intérieure qui est parfois représentée sur les cartes, et le dessin de ces cours d’eau marins qui apparaissent sur la photo aérienne. Et pour plein d’autres raisons que je ne connais pas encore. Le terme de presqu’île Guérandaise est utilisé pour définir une réalité naturelle, plus vaste que le site étudié. La délimitation est plus subtile au nord qu’au sud. L’estuaire de la Loire découpe le rivage, mais jusqu’où va la presqu’île ? Elle est géographiquement définie par l’étier de Pont-d’Arm sur le bassin du Mes, prolongé par les marais de Pompas et d’Arbourg au nord, et les marais de brière à l’est. Dans ce travail, je me concentre sur la partie sud du territoire décrit ci-dessus, délimité par le coteau de Guérande, seuil géographique et géologique d’une entité composée en son centre des marais maritimes, tournée vers la mer. Son titre de presqu’île lui est du à cet attachement maritime, tant géographique qu’économique, avec la production du celèbre sel.

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La Turballe

Clis

Pointe de Pen Bron Petit Traict

Le Croisic

Grand Traict

La Grande CĂ´te

Plage Valentin

Batz-sur-mer

Baie de la Govelle

N

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Vers Vannes

Guérande

Kerignon-Queniquen

Saillé

La Baule-Escoublac Ver sN

ant

Étier du Pouliguen

Le Pouliguen

Baie de la Baule

Pornichet

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es


Guide naturaliste

« C’est un milieu très riche écologiquement, il y a beaucoup de choses à découvrir »

Laurent BOULO

Dominique et Odile CHEDEMOIS

Nicolas

Elu à Guérande Paludier coopérative

Habitants

« Xynthia va amener de nouvelles contraintes à l’urbanisation »

« Le marais a connu des catastrophes, l’Erika, ça a aussi marqué les esprits »

Gilles Dessomme

Mirelle BOURDON Jean-Paul DECLERCQ

Paludier coodérative

« La gestion de l’eau c’est notre métier; On a des choses à proposer »

Asso VPBN

« Xynthia a permi de réaliser que certaines zones ne sont pas constructibles »

Laurence DUPONT CPIE Loire océane

« Le terrain d’entente des acteurs de la presqu’île, c’est la qualité de l’eau »

Luc JOSSE

Paludier coopérative

Jocelyne Habitante

« L’eau à Guérande elle est partout, même la nappe est proche »

« Au bout de la digue, face à la mer, c’est le plus bel endroit du monde »

Gérard PAIN

Gildas BURON

Musée des marais salants

« Le devenir du patrimoine est une question à se poser »

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Asa - Syndicat des digues Paludier indépendant « Les modes de gestion commencent à changer sur le marais »


Clément MAHE Benjamin LECOLDROCH Cap Atlantique

« On ne sait pas comment l’eau va monter. Mais on met en place les outils possibles de protection »

Méthodologie Pour découvrir ce site, j’ai d’abord voulu en faire le tour, en parcourir le trait de côte à pied, à vélo, en voiture, du Croisic à Pen Bron, pour saisir de quoi il était constitué. Je suis ensuite allée dans l’épaisseur de ce trait, jusqu’au coteau de Guérande, en traversant les fameux marais. Cette première découverte a laissé place à beaucoup de questions, notamment sur le milieu des marais, et leur gestion hydraulique complexe. J’ai donc voulu rencontrer des paludiers pour mieux comprendre et appréhender dans sa complexité ce milieu. La question de la montée de l’eau étant très politique, j’ai aussi tenu à rencontrer les acteurs concernés à la communauté d’agglomération de Cap Atlantique. Les associations militantes pour la nature sont aussi une ressource intéressante, par leur connaissance précise du territoire et de ses ressources. L’aspect historique était aussi un point important de ma rencontre avec le site, par le musée des marais salants, mais aussi par les livres. La compréhension du territoire passe aussi par des rencontres impromptues, avec des habitants, des touristes, rencontrés sur le vif, des situations et des usages observés au fil des saisons.

Un résident

Quartier de Goustan

« C’est jamais passé au dessus de la digue. On n’a pas peur »

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Portraits de Presqu’île Les épaisseurs du littoral Le Contour C’est la ligne entre terre et mer, entre le continent et le grand large. Il se parcourt sur le sentier littoral ou sur la route côtière. On y rencontre différents types de rivages, et beaucoup d’habitations en tout genre. De La Baule au Croisic, de Pen bron à la Turballe, le littoral est très peuplé, surtout en période estivale.

Le Coteau C’est l’entité géographique qui forme la limite du territoire étudié. Au delà, le sentiment de littoral s’efface rapidement. Ce relief présente un versant franc exposé sud-sud-ouest, habité de quelques hameaux, et est couronné par la ville médiévale de Guérande qui domine les marais, et à l’horizon, l’océan.

Le Coeur Il est principalement composé des marais salants. C’est ce qui donne la spécificité de ce territoire, on y produit le fameux sel de Guérande. La complexité du système hydraulique qui le compose est un objet d’étude passionnant. Sa topographie très plate produit un horizon très vaste, mais en fait également un site exposé aux assauts de la mer.

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LE CONTOUR Un trait de côte hétéroclite Pour comprendre de quoi le trait de côte de la presqu’île était fait, j’en ai fait le tour. J’ai arpenté les kilomètres de sentier côtier, et de route côtière, en partant du bout : Le Croisic. D’abord à pied, puis à vélo, j’ai découvert une côte principalement rocheuse, avec quelques plages, plutôt petites, coincées dans les rochers, là où les courants marins favorables peuvent déposer leurs sédiments. Deux plages plus grandes me font deviner la présence de dunes, à la Govelle et au Valentin. Le reste du chemin, jusqu’à Batz-surmer, le sentier surplombe les vagues, perché sur les falaises calcaires. Ce jour là, le fracas des vagues est impressionnant, la marée est haute et le vent additionné au coefficient 113 emmène les nuages d’écume lécher le haut de la falaise. Parfois le sentier côtier s’interrompt, un bout de rocher s’est décroché, il faut faire un détour plus à l’intérieur. Les maisons sont au bord de la falaise, toutes ou presque ont les volets fermés en ce mois d’octobre. La plupart sont à l’arrière de la route côtière, mais certaines sont en promontoire sur des avancées rocheuses, dominant l’horizon. Ce sont souvent des petits hôtels particuliers ou des manoirs, datant de l’élan balnéaire de la deuxième moitié du XIXe siècle. Un peu plus loin, on retrouve les maisons plus récentes et de taille plus modeste, avec les murs blancs et les toits d’ardoises, et un petit jardin entouré d’un muret, ouvert sur l’horizon marin. Arrivée au Pouliguen, le sentiment de privatisation du littoral est exacerbé, impossible de marcher le long de la côte, les villas entourées de hauts murs ferment l’horizon. Une cale à bateau donne parfois accès à la plage. Ensuite, la baie de la Baule apparait, 8km de plage, de villas et d’immeubles implantés sur la dune.

Panorama de la côte rocheuse

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Typologies morpho-sédimentaires du trait de côte

côte sableuse côte rocheuse

La Turballe

côte vaseuse digue Pen Bron

Le Croisic

Valentin La Côte Rocheuse

La Govelle

Le Pouliguen

N

0

1

2

5km

1.

Baie de la Baule

2.

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3.

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Typologies morpho-sédimentaires du trait de côte La presqu’île est composée d’une succession de côtes rocheuses et de côtes sableuses. Au nord-ouest s’étire un grand cordon dunaire, bien visible et bâti seulement sur sa partie nord à La Turballe. Cette grande dune est en partie plantée de pins, Dans sa partie sud, elle se fait plus étroite et un enrochement vient la protéger sur sa façade atlantique. Le trait de côte entre ensuite dans les marais, où il devient vaseux. La façade nord du Croisic où se trouve le port est totalement endiguée, jusqu’à la jetée du Tréhic. Se déploie ensuite une plage où les roches affleurent à marée basse. La côte rocheuse est constituée de falaises découpées d’environ 5m de haut, Elle est entrecoupée de deux grandes plages. La baie de La Baule vient terminer la presqu’île et la raccrocher à la côte rocheuse du nord de l’estuaire de la Loire. Elle est aussi une dune mais entièrement bâtie, contrairement à celle de Pen Bron. La plage est appuyée sur la route côtière, quelques mètres au dessus d’elle.

1. Dune de Pen Bron. Végétation de dune blanche, oyat et euphorbe maritime, à laquelle succède une dune grise, à la végétation bien spécifique, dont le gaillet des sables, le saule et l’oeillet des dunes. En arrière plan apparait la ville du Croisic. 2. La grande côte, ou côte rocheuse. A marée haute, la mer arrive à plus de la moitié de la hauteur de la falaise. Les grands blocs rocheux rincés par les embruns et la houle prennent des formes singulières invitant à l’imaginaire, on y trouve par exemple le rocher de l’ours. Certains secteurs ont été utilisés comme carrière de granit. 3. Plage Valentin à Batz-sur-mer, fréquentée dès 1850 pour son centre de balnéothérapie. 4. Baie de la Baule à marée basse. Lors des gros coefficients de marée, la plage disparait presque entièrement.

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Typologies de bâti sur la côte

Centre Héliomarin de Pen Bron 2.

3.

Centre ancien du Croisic

Centre ancien du Pouliguen 1.

Côte Rocheuse

4.

Pointe de Penchâteau

N

0

1

2

5km

1.

2.

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3.

4.


Le règne de la résidence secondaire

Hotel particulier

Villa

Pavillon

Centre ancien

Station Balnéaire

Centre Héliomarin de Pen Bron

Les différentes manières d’habiter le littoral précédemment décrites sont cartographiées ici. Une architecture bien spécifique se trouve sur la pointe de Pen Bron, il s’agit du centre héliomarin de Pen Bron, où se trouve aussi un hôtel. Un bâtiment au bout du monde, à la pointe de la flèche dunaire, qui fait pourtant face au Croisic, mais pas d’autre moyen pour s’y rendre que de faire le tour des marais, ou d’emprunter la navette estivale qui traverse le Grant Traict, où les courants sont particulièrement forts. On retrouve sur la côte rocheuse une alternance d’hôtels particuliers, de villas et manoirs, ainsi que des lotissements plus récents de pavillons. La pointe du Pouliguen est presque exclusivement bâtie de villas, tout comme la partie ouest de la baie de La Baule, tandis que sur sa partie est se trouvent les immeubles de la station balnéaire, plus proches du modèle de la côte d’azur que des typologies bretonnes. Le taux de résidences secondaires est très important, il était de 59,9% en 2011 pour Batz-sur-mer, la population de chaque commune se multiplie parfois par 10 lors de la période estivale: La Baule passe de 16 000 habitants l’année à 150 000 l’été, de 4 810 à 40 000 pour le Pouliguen. L’urbanisation presque continue du littoral de la presqu’île donne un sentiment de saturation. Difficile d’imaginer construire encore, tant l’espace est occupé. Pourtant, le SCOT prévoit un accroissement de la population qui dépasserait les 10 000 habitants supplémentaires en 2030 sur l’ensemble du territoire de Cap Atlantique, la communauté d’agglomération. Le programme de construction de logement est de 600/an entre 2013 et 2020 et de 520/an de 2020 à 2030. Si on ajoute à cela un certain nombre d’habitations touchées par les risques d’inondation avec la montée du niveau marin, le territoire va devoir imaginer de nouvelles façons d’habiter, tout en conservant une attractivité, même en habitant moins près de la mer.

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LE COTEAU Des vues secrètes Depuis les marais, le coteau de Guérande est omniprésent. Il est le seul relief qui délimite l’horizon. Je comprends en parcourant le site l’impression que j’avais eue sur carte, de ce petit morceau de terre basse qui se détache du continent, tandis qu’une limite franche émergeait de ces zones basses. Il s’agissait bien de ce coteau, appelé sillon de Guérande. C’est un basculement géologique parallèle au sillon de Bretagne, qui se trouve lui quelques dizaines de kilomètres plus au nord. Ici on est à l’abri de toute inondation, le coteau s’élève jusqu’à 40m en moyenne et la ville de Guérande est perchée à 50m d’altitude. On domine les marais salants, on distingue les points hauts que sont les clochers du Croisic, de Batz et du Pouliguen, mais aussi les châteaux d’eau et la grande tour d’habitation de la Baule. Ceci bien sûr, quand la vue est dégagée, ce qui est assez rare. Depuis la route qui passe sur la crête pour relier la Turballe, les points de vue sont presque inexistants, et quand on s’engage dans un chemin parallèle qui mène vers les hameaux, la vue est privatisée par les maisons implantées là. Il faut s’engager sur les chemins agricoles et sentiers de promenade pour apercevoir les marais, mais l’enfrichement des parcelles agricoles rend la tâche compliquée. Toutefois quand la vue se libère, c’est un véritable spectacle de voir les marais qui scintillent dans le soleil déclinant, et la mer intérieure qui se forme à marée haute sur l’estran.

Vue sur la Baule et les marais depuis la Croix Moriau

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Trévaly

Clis

Les maisons mulets Guérande

Les maisons brulées

Kerbezo-Queniquen Guérande Sud

Kérignon Pradel

Colveux La Tonnelle

Kercandon Congor

Mont lénigo La Croix Moriau Mont esprit

Clocher de Batz

N

0

1

2km

Point haut visible : clochers, châteaux d’eau

Point haut accessible: clochers ouverts au public, promontoires aménagés Hameaux Secteurs ouverts : points de vue possibles Secteurs fermés, boisés ou enfrichés

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Les hameaux implantés sur le coteau sont anciens, notamment le petit village de Clis déjà très développé au XVIIIe siècle. On dit même qu’à Kerignon et à Congor on a trouvé des traces d’amarres pour bateaux. Certaines maisons existaient déjà alors que la mer devait encore venir régulièrement jusqu’au pied du coteau. Les constructions modernes sont venues étendre ces secteurs urbanisés. Aujourd’hui certains paludiers habitent ces hameaux au pied des marais, où le prix du marché est bien moins excessif que sur le littoral. «Un PEAN, un Périmètre de protection des Espaces Agricoles et Naturels est en projet sur le coteau Guérandais, pour favoriser l’installation d’agriculteurs notamment. Pour l’aspect écologique, ce secteur est en transition, pour aller vers les objectifs de la Charte de reconquète bactériologique du Traict. Les actions sont la supression de mouillages, et de la cabanisation, c’est à dire l’habitat même temporaire sur des parcelles non autorisées. Un dernier axe serait le traitement des eaux pluviales des voiries» Laurent Boulo Paludier et élu à Guérande

Le coteau fait partie intégrante de ce paysage littoral. Il est d’ailleurs la limite des « espaces proches du rivage » définie en 2002 pour application des prescriptions de la loi littoral. Seul le secteur nommé sur la carte « Guérande-sud » semble échapper à l’attrait des marais littoraux, les vues y sont peu nombreuses et il est plus soumis à l’influence de la ville de Guérande. L’agriculture est orientée sur les céréales et le colza, mais la tendance sur certains secteurs est à l’enfrichement et au boisement. Un mitage existe en bord de hameau, les habitations viennent chercher les vues disponibles sur le marais. Un enjeu de pollution par ruissellement est identifié sur le coteau, du fait de l’agriculture mais aussi de l’imperméabilisation des sols, et des rejets liés à la « cabanisation ». Certaines parcelles sont en effet utilisées de manière temporaire pour habiter, mais ne sont pas reliées à des réseaux de traitement de l’eau.

En guise de décor des marais, le coteau de Guérande avec le hameau de Kerignon et les champs, jaune colza et bleu lupin.

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LE CŒUR : LES MARAIS SALANTS Un patrimoine au centre du territoire C’est le coeur géographique de la presqu’île, mais peut être aussi le centre de mon intérêt et attrait pour ce littoral. Je suis fascinée par ce que les paludiers ont construit au fil des siècles. Et le très bon état de ces ouvrages de glaises et d’argile laisse penser que cette économie est toujours aussi viable. Nous verrons plus loin qu’il a fallu ruser pour cela. Ces légères superstructures de glaises forment des courbes et contre-courbes pour délimiter des bassins, plus ou moins grands, plus ou moins en eau. C’est une mosaïque variée de couleurs et de tailles, de motifs et de reflets. Sans un oeil expérimenté, difficile de comprendre le fonctionnement hydraulique qui apparait autant archaïque que complexe. Des chemins sillonnent les marais, contournant chaque vasière ou saline, chaque croisement semble identique, si bien qu’à force de regarder ses pieds pour ne pas glisser en bas de la digue d’argile, on ne sait plus si c’est à droite ou à gauche qu’il faut tourner. Mais les repères lointains dans cet horizon dégagé tels que le clocher du Croisic ou le château d’eau de Batz nous indiquent l’orientation principale à prendre. Par la diversité de milieux que créent ses bassins, le marais est attractif pour de nombreuses espèces d’oiseaux, on y trouve aussi une flore bien particulière, notamment dans les étiers où elle doit être adaptée à la présence régulière d’eau salée.

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Récit d’un soir sur le marais

Avec Luc, paludier à Guérande et Jocelyne sa femme

Samedi 23 mars 2016.

C’est la fin de journée, nous partons en voiture sur la saline de Luc. A cette période il doit y aller deux fois par jour, pour vérifier les niveaux d’eau et contrôler la concentration en sel. Jocelyne en profite pour aller se balader dans les marais avec les chiens. La saline est accessible en voiture malgré le chemin cahoteux. En hiver, Luc doit laisser la voiture à mi-chemin, sur la dernière partie l’argile est trop peu compacte, on y glisserait. Idem par temps de pluie, même en été. Luc m’explique le parcours de l’eau dans sa saline. Pour remplir la vasière, le principe est simple, c’est une trappe avec des planches de bois qui contrôle l’entrée du cui, tuyau de pvc, qui relie l’étier à la vasière en passant sous le talus. Avant, les cuis étaient en grume de pin. Dans la vasière, chaque paludier met un repère, souvent une pierre debout, pour voir si le niveau d’eau est suffisant pour alimenter la saline pendant 15 jours. La vasière fait au moins la même surface que la surface de chauffe. Ensuite l’eau suit le labyrinthe dans les bassins de moins en moins profonds. Le mouvement d’eau est continu mais le débit est tellement faible qu’il est presque imperceptible. La saline de Luc, la saline Beau soleil, est une des plus grandes du marais, il faut deux paludiers pour l’exploiter. Elle se trouve à l’extrémité des marais, à la limite avec le traict. Pendant que Luc fait ses relevés, on s’installe sur la digue de pierre avec Jocelyne. Pour elle, c’est le plus bel endroit du monde. Je suis prête à lui donner raison. Le soleil déjà bas sur l’horizon se reflète de mille manières sur l’étendue de la mer, qui entame tout juste sa descente. L’eau est encore très haute contre la digue, mais le temps est calme, nous contemplons ce paysage apaisant. On voit loin à l’horizon, je reconnais les clochers de Batz et du Croisic, la pointe de Pen Bron et le clocher du centre héliomarin, la dune et les pins de Pen Bron, les cyprès de la pointe de Sissable. De l’autre coté, bien plus loin mais bien visibles, les immeubles de la Baule, qui contrastent avec le reste du paysage. « Alors tu travailles sur la montée des eaux ? C’est un sujet sensible. Le marais est fragile. Tu vois comme l’eau est haute ? Imagine avec les plus gros coefficients et de la houle. Ça passera par dessus, on n’aura pas toujours les moyens de rehausser ce vieux mur de pierre. Là bas ils ont juste relevé le niveau du talus derrière, mais c’est compliqué de ramener de la terre jusqu’ici. Et si les marais disparaissent, c’est nos maisons qui risquent d’être touchées après. Et pendant ce temps, ils ramènent du sable tous les ans sur la plage de la Baule. Ils sont obligés, depuis qu’ils ont construit le port de Pornichet, ils ont modifié les courants et le sable s’en va. Tout ça pour des gens qui sont là même pas deux mois par ans. »

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Etier

Ru qui achemine l’eau de mer

Vasière

Trappe de vasière

Réserve d’eau salée

Mûlon

Production de sel de la saison

Cobier et Fares bassins d’évaporation

Adernes

Oeillets

bassins d’évaporation et d’alimentation des oeillets

parcelles de récolte du sel

Chemin d’accès

Etier

Cobier

Oeillets

270g sel/L

Fares

60g sel/L

150g sel/L

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Vasière

45g sel/L

ou Bondre


Principes de fonctionnement Les marais, c’est une affaire de temps. De temps qu’il fait, de beau temps si possible, du mois de mai à septembre dans le meilleur des cas, avec un vent franc, qui fait s’évaporer l’eau de la mer, laissant derrière elle les précieux cristaux blancs. Sur ce lit d’argile imperméable, les paludiers ont formé des reliefs et créé des labyrinthes pour conduire l’eau salée dans des bassins de moins en moins profonds, afin de concentrer progressivement la teneur en sel de l’eau, jusqu’à aboutir à sa cristallisation. L’eau salée arrive de la mer par les étiers, le niveau suffisant pour pouvoir remplir les vasières, qui servent de réservoir, est atteint seulement lors des marées de vives eaux qui reviennent tous les 15 jours. Le paludier gère ses niveaux d’eau à l’aide de trappes. Il est tributaire de la météo, pendant la période de récolte : un jour de pluie ralentit la concentration en sel et demande encore un peu plus de patience. L’hiver est la période des travaux, des réparations de digue, de nivellement de la saline. Les paludiers sont les agriculteurs des marais, ils fonctionnent sur le régime agricole, en fonction de leur nombre d’oeillets, qui définit leur surface de récolte. L’homme, le territoire et le produit sont étroitement liés à Guérande, les trois sont indissociables et participent à l’identité de la presqu’île.

Le repontage de la saline, travaux de remise en état et de nivellement à la fin de l’hiver.

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Niveau d’exploitation des marais salants en 1974.

Les oeillets non cultivés se trouvaient principalement en périphérie du marais, à l’extrémité du réseau hydraulique, et proche de l’urbanisation.

Carte extraite de l’ouvrage « Marais salants. Connaissances des richesses naturelles de la Loire-Atlantique, Les bas-pays Guérandais et leur environnement géographique » Jacques Gras, BSSNO

Ramifications du système hydraulique

d’approvisionnement en eau des marais. On voit apparaitre des secteurs d’alimentation.

N 0

0,5

1

2

3km

38


La mer alimente les marais par deux points d’entrée : les Traicts du Croisic et l’étier du Pouliguen. Les premiers alimentent environ deux tiers des salines, l’étier le dernier tiers. Les deux situations sont très différentes, au Pouliguen, l’urbanisation arrive au ras du cours d’eau, qui est aussi l’embouchure de la petite rivière de la Torre. Cette dernière parcourt l’arrière de la dune de la Baule, mais est peu visible car en partie busée. Le port de plaisance implanté sur la partie maritime de l’étier occupe beaucoup de place et demande un curage régulier de l’étier pour permettre la sortie des bateaux, même à marée basse. Les immeubles de quatre étages sont très présents visuellement sur la rive de la Baule, tandis que du coté du Pouliguen, les petits commerces en rez-de-chaussée laissent ensuite place aux petites maisons bourgeoises et petits immeubles du bourg du village ancien. Sur les Traicts, l’horizon est beaucoup plus ouvert et l’estran et très vaste. La variation entre marée haute et basse change le paysage. L’eau en se retirant forme des chenaux où s’implantent les parcs à huîtres et où sont ancrés quelques bateaux de plaisance. Les deux chenaux principaux du Pen Bron et des vaux, et l’étier du Pouliguen se divisent ensuite en une arborescence de cours d’eau appelés étiers, puis bondre, lorsque qu’ils se divisent encore, qui alimentent chaque partie des 1500ha de marais.

Chenal de Pen Bron, Petit Traict. Marée basse

Grand étier du Pouliguen. Marée haute.

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1

2

3

4

5 6 7

10 9

Secteurs de gestion Routes des marais Limite du bassin d’alimentation (par les traicts à l’Ouest et l’étier du Pouliguen à l’Est) N

0

0,5

1

2

40

3km

8


MARAIS ET SECTEURS DE GESTION Les Traicts et points d’entrée de l’eau salée dans les marais 1. Étier de la paroisse et de Lancly 2. Étier de Milaret 3. Étier du Grand Bal 4. Étier de Plinet 5. Étier de Goival 6. Étier de Bécassier 7. Étier de Curcusson 8. Étier de Sibéron 9. Étier de Bérigo 10.Étier de la Chauvette

La Torre

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A

Le Croisic

L’estran - le petit traict

B

Plage Valentin

Saline neuve

L’estran - le grand traict

Dune de Batz

C

D

E

Batz-sur-Mer

Berigo La Herpe

Bois de Pen Bron

Sissable

Sinabat

La Govelle

Pointe de Penchateau

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L’estran - plage Benoit

La Baule balnéaire


Le Grand Tresclan

La presqu’île du contour au coteau

A B

C D E

Quéniquen

Saillé

Kercandon

ZA Guérande

50m 40 30 20 10 0

La Baule pinède

ZA Beslon

La croix Moriau

43

N

-10

0

2,5

5km


Carte particulière de l’Isle et des marais du Croisic, 1730-56 Les villages sont situés aux abords des marais salants

Source : musée des marais salants, Batz-sur-mer.

Les gabares, navires venant chercher le sel se déchargeaient de leur lest (roches et graviers) avant de remplir leurs cales de l’or blanc. C’est de ces matériaux qu’on été constitués le mont Esprit et le mont Lenigo représenté ici, transformé en promontoire aménagé pour observer les traicts. Ils ont aussi été utiles pour la construction des maisons et de la digue de protection des marais. Le commerce du sel a ainsi marqué le plat paysage guérandais.

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Désirs de littoral

EVOLUTION DES AMÉNITÉS LITTORALES La presqu’île tournée vers les marais Tandis que la cité médiévale de Guérande s’est installée sur le haut du coteau, les villages de paludiers : Batz, Kervalet, Trégaté, Roffiat, Kermoisan, Saillé, Kerignon et Queniquen se sont implantés tout autour du marais. Les connections entre le nord et le sud du marais n’étaient pas si faciles et les marais de Batz et ceux de Guérande n’ont pas les mêmes coutumes. On trouve encore aujourd’hui de nombreuses différences de vocabulaire entre les paludiers du nord et du sud. La ville du Croisic a profité de sa position proche de la mer mais protégée par la pointe de Pen Bron et la jetée du Tréhic pour développer le commerce du sel par bateau.

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L’urbanisation du sud de la Presqu’île en 1860 et aujourd’hui.

L’urbanisation se limitait principalement aux villages paludiers, puis s’est étendue à l’ensemble de la côte.

N

N

0

1

2km

0

1

2km

Panorama de la station balnéaire de la baie de la Baule

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L’attrait touristique de la côte La côte rocheuse s’est urbanisée petit à petit avec l’essor des balnéothérapies, celle de la plage du Valentin y est implantée depuis 1845, et avec le tourisme balnéaire. Progressivement les maisons bourgeoises et pavillons y ont fleuri. La dune de la Baule, appelée autrefois la grande falaise, par les habitants d’Escoublac, n’était pas un milieu hospitalier. Il a fallu attendre les grandes entreprises de Napoléon pour donner à cette côte balayée par les vents un aspect accueillant, à force de plantations de pins, tamaris, chênes verts etc. Puis la voie de chemin de fer qui arrivait alors jusqu’à Saint Nazaire a été poursuivie en 1879 jusqu’au Croisic, desservant Escoublac, puis La Baule, Le Pouliguen et Batz-sur-mer. Le propriétaire de la voie ferrée y implanta les premières villas, le lieu devint une destination privilégiée pour la villégiature parisienne et nantaise. La station balnéaire ne cessa de se développer par la suite, jusqu’à la bétonisation qu’on lui connait aujourd’hui. « L’habitat traduit en effet, par son dispositif et son aspect, la profonde mutation subie par ce petit monde autrefois bien clos. Bourgs et villages regardent vers le grand désert liquide central qui apparaît bien comme le centre de gravité de toute l’économie traditionnelle. […] Par contre tout ce qui s’est construit depuis moins de cent ans regarde vers la mer libre, La Baule bien sûr, et le cordon de villas qui jalonnent étroitement la Grande Côte, mais aussi La Turballe qui est un port récent. […] L’horizon s’est élargi, surtout sur le plan mental, au détriment de l’unité régionale. » Jacques Gras, Les bas-pays Guérandais et leur environnement géographique

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Schéma directeur d’aménagement

de l’aire métropolitaine Nantes - St Nazaire, 1970, qui prévoit un développement des villes côtières et l’équipement de la presqu’île pour le loisir. Extension urbaine Equipement nautique Secteur boisé Espace de loisir

Projet de marina dans les marais

sur les communes de Batz, Guérande, La Turballe et le Croisic, à la fin des années 60, négation totale du patrimoine des marais salants.

Source : présentation de l’association Vert Pays Blanc et Noir

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Les marais menacés Avec le développement du tourisme balnéaire, la question de la survie des marais se pose. Soit les productions de secteur primaire disparaissent, et le tourisme s'en empare, les met en scène et les anime, soit elles perdurent et les producteurs acceptent la co-viabilité entre deux formes d’usages d’un territoire devenu terroir-paysage. Des mutations des marais sont envisagées, notamment par la Datar en 1963, avec l’aménagement d’une zone de loisir sur le traict, un équipement nautique, et une voie rapide qui traverse les marais. Ce dernier projet fut un déclencheur de la révolte de la profession paludière, et le début de la réappropriation du territoire en premier lieu par les paludiers dont l’activité était en déclin. Le syndicat des paludiers est créé en 1971 et la coopérative en 1989. Entre les deux se met en place une formation pour les paludiers, et les salines en friche sont reprises progressivement. C’est encore la dynamique actuelle, chaque année des salines sont remises en état pour l’installation de jeunes paludiers. La relation avec les estivants existe depuis le XIXe siècle, c’est une habitude de fréquenter et de partager les lieux. Aujourd’hui la prise en compte du visiteur est formalisée, c’est un axe majeur dans l’économie et la commercialisation du sel. Dès 1970 les lieux d’accueil tels que la maison du sel (1991) et en 2002 Terre de sel s’implantent au bord des marais, pour la valorisation des produits et la découverte du milieu et du métier. Aujourd’hui la réflexion existe sur les modes d’accès au marais pour le tourisme, le milieu restant fragile face à une pression humaine trop forte. A la fin des années soixante, un projet de construction d’une marina avait été proposé par des promoteurs. Sur la vue du projet, les constructions s’implantaient sur toute la partie ouest de l’estran et des marais salants, arasant la dune de Pen Bron et créant des îles artificielles urbanisées. La vision sur le milieu a bien changé, aujourd’hui la prise en compte de la richesse écologique et patrimoniale prend le pas.

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Sites Classés

Les marais salants de Guérande La Grande Côte de la presqu’île du Croisic

Sites inscrits

La Grande Côte de la presqu’île du Croisic Deux villages paludiers de Kervalet et Tregate La pointe sud de la presqu’île de Pen Bron Les villages de Clis, Kerignon, Queniquen et Kerbaizeau

Conservatoire du Littoral Parcelles protégées

Pen Bron Pen Avel Rive Nord de l’étier-La Minot

Perimètres d’intervention : zones à preserver Marais et coteau de Guérande Pointe de Pen Bron

Zones Ramsar

Marais salant de Guérande et du Mes

Natura 2000 Directive Oiseau

Mor Braz Marais salants de Guérande, traicts du Croisic et dunes de Pen bron

Directive Habitat

Marais salants de Guérande, traicts du Croisic et dunes de Pen bron

Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique Znieff 1 Dune de la falaise entre Batz et le Croisic Marais salants de Batz-Guérande-Le Croisic Massif Dunaire de Pen Bron Lande de Trevaly

Znieff 2

Côte rocheuse, lande et pelouses du Croisic, Batz et Le Pouliguen Îlots de la baie de La Baule et reserve de chasse périphérique Pointe de Pen Bron, marais salants et coteau de Guérande

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Affirmation d’une politique de protection environnementale Après une période de projets d’aménagements plus dévoreurs d’espace les uns que les autres, le territoire, qui est un lieu de production mais aussi de richesse écologique et patrimoniale, a fait l’objet de nombreuses protections. Certains sites sont classés ou inscrits dès 1933 pour la Grande Côte, 1975 pour Clis, maisons brulées et Queniquen-Kerignon. Puis Kervalet et Trégaté en 1981 et la flèche de Pen Bron en 1985. C’est sur ce dernier site que le conservatoire du littoral concentre son action d’acquisition de foncier, bien que l’ensemble des marais salants soient identifiés comme zone à préserver. Les marais salants sont également classés grand site en 1996. Dans le même temps en 1995, le classement en zone Ramsar reconnait l’intérêt de cette zone humide au niveau international, et les nombreux classements français et européens reconnaissent la biodiversité remarquable du site, tel que Natura 2000 ou les ZNIEFF. Ces protections agissent pour certaines de manière réglementaires, mais sont surtout incitatives d’une précaution pour les aménagements envisagés sur ces secteurs. Ce territoire, qui est un lieu de production, est devenu pour un certain nombre de pratiquants un paysage, un lieu de contemplation, de visite touristique. C’est une patrimonialisation qui s’installe sur un terroir encore actif, mais qui tire largement parti de cette image pour la commercialisation des produits. C’est donc un territoire qui est à plusieurs titres digne d'intérêt, dont la volonté est sa préservation. La notion de patrimoine est forte, les marais salants de Guérande font partie du peu de marais maritimes qui ont conservé leur activité historique de production du sel, parmi les nombreux marais salants qui existaient autrefois. La qualité des ouvrages, des réparations, et les modes de gestion évoluent avec la répétition plus fréquente des tempêtes et tend à changer l’aspect du marais. La question du devenir de ce patrimoine au regard de son importance touristique et pour les 1100 emplois qu’il représente se pose réellement aujourd’hui.

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Occupation du sol par les marais salants et l’urbanisation

Ces deux dynamiques ont progressivement mité les espaces de transition : dunes, estran et prés salés, jusqu’au plus proche de la mer.

1. Carte de Cassini (XVIIIe siècle)

où l’on observe les surfaces importantes occupées à l’époque par l’estran au Croisic et au Pouliguen, et la distance des habitations par rapport à la mer.

2. Conflits d’usages

Zones en périphérie des marais dont l’occupation du sol est en conflit entre l’urbanisation et la culture du sel, la plupart ont été prises aux marais par l’urbanisation.

1. Source : Géoportail IGN

2. D’après une carte exposée au musée des marais salants à Batz-sur-mer

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UN PAYSAGE CONQUIS PAR L’HOMME Saturation du littoral

Dans le passé, les zones d’extension des marées étaient plus importantes, la mer pouvait aller et venir sans être contrainte par les aménagements de l’homme, et les tempêtes ne causaient que peu de dégats. La formation des marais salants s’est faite progressivement, la colonisation de l’estran et des prés salés a été rythmée de reprise et de recul au fur et à mesure des tempêtes et des besoins grandissants en sel.. La plus importante expansion territoriale des marais de Guérande se situe vers 1850. Les paludiers avancent par à-coups sur l’estran, en construisant de nouvelles exploitations. La mise en place de la digue empierrée en tant qu’ouvrage cohérent date également de la moitié du XIXe siècle, même si les premières protections des marais salants datent au moins du XVIIe. Les zones de transitions disparaissent, le rapport entre les marais et la mer est frontal. On peut faire un parallèle avec l’urbanisation qui s’est elle aussi développée un peu plus tard, en étant au plus près de l’eau, et en empiétant sur l’estran et sur les dunes, pour être toujours plus proche du rivage. Ces deux dynamiques, urbaine et salicole ont occupé progressivement l’ensemble du territoire, en se faisant parfois concurrence. La résultante de cette anthropisation à l’extrême du littoral est la disparition presque totale des espaces de transition, de l’estran et des dunes mobiles, qui pouvaient absorber une part des évènements tempétueux..

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XYNTHIA À GUÉRANDE

DÉGÂTS, RETOURS D’EXPÉRIENCE ET CONSÉQUENCES Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia souffle sur Guérande, comme sur le reste de la côte Atlantique. Le coefficient de marée de 102 et un phénomène de surcote d’environ 1m au dessus du niveau de la mer, engendré par la dépression au large, a conduit à la submersion d’une partie du territoire Guérandais. Les dégâts n’ont été que materiels, mais la tempête a marqué les esprits des habitants et des paludiers. 177 maisons ont été sinistrées, à La Baule, au Croisic et dans le quartier de la Herpe à Batz, les équipements du quartier Grand Clos à la Baule ont été abimés. La plupart de ces maisons inondées étant des résidences secondaires, elles n’étaient pas habitées au moment de la tempête hivernale. La mer n’est pas arrivée par le littoral, mais par débordement de l’étier du Pouliguen. La mer est aussi passée au dessus de la digue des marais, inondant plus de 700ha de vasières et de salines, 139 ont été endommagées. Une cinquantaine de brèches se sont crées dans le perré, la majorité

Carte des sites submergés et des dégâts consécutifs à la tempête Xynthia Les marais salants touchés jusqu’à la route des marais pour la partie ouest, l’étier déborde au Pouliguen.

Submersions Zone submergée Canaux Circulation d’eau dans les étiers Entrée d’eau principales Entrée d’eau par ouvrages hydrauliques

Brèches De 150 à 180m De 100 à 150m De 50 à 100m De 10 à 50m De 0 à 10m

Dégradations sur les protections

Erosion ou recul de la protection Dégradations multiples Dégradations ponctuelles Cavités Limite de commune Nom de commune

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au moment du recul de la mer avec la marée basse. En effet, la masse d’eau qui a submergé les marais s’est retrouvée en partie piégée dans les bassins de saliculture, et la digue n’a pas résisté au différentiel de pression, l’eau s’est donc échappée par les zones les plus faibles du perré, formant les brèches. La digue est prévue pour résister aux assauts de la mer, pas pour la contenir. Tant que les brèches n’étaient pas colmatées, à chaque marée haute, la mer entrait de nouveau dans les marais, continuant les dégâts. Une course contre la montre est alors engagée pour remettre la digue en état pour la grande marée de coefficient 112 le mois suivant. 14 pelles mécaniques, 2 pelles amphibies, des barges et une cinquantaine d’hommes ont oeuvré à la réparation des dégâts. L’Asa, le syndicat des digues en charge de la gestion des ouvrages sur le marais était dépassé par l’ampleur du chantier. En plus du coût des travaux et remises en état, Xynthia a bouleversé les calendriers conchylicoles et d’entretien des marais.

Des tempêtes, de tout temps il y en a eues. Des récits de 1700 racontent que trois ouragans consécutifs ont sérieusement menacé la dune de Pen Bron, menaçant d’anéantir les marais salants. Les ouvrages que l’on connait aujourd’hui ont été construits au fur et a mesure pour rendre

Plan de Prévention des Risques Littoraux - Risques de submersion

Les marais sont en première ligne. Les secteurs habités autour de l’étier à La Baule seraient les premières habitations touchées, avec la façade maritime du Croisic.

Source : http://www.loire-atlantique.gouv.fr Octobre 2015.

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le territoire moins vulnérable. La campagne de mise en forme du perré date de 1877, l’Asa est crée en 1901, en 1930 des barrages sont créés sur les étiers. Depuis les dernières grosses tempêtes du début du XXe siècle, le territoire a changé, les franges se sont urbanisées, la population active des paludiers est moins importante, il y plus de mécanisation et les routes des marais sont beaucoup plus fréquentées.

L’impact des travaux sur l’environnement

«Quant à la résilience du patrimoine et du paysage culturel, il va sans dire qu’elle n’est en rien similaire aux facultés de régénérescence spontanée de la flore et de la faune. Ensemble fini de salines uniques et d’ouvrages d’art historiques, le patrimoine salicole ne se reproduit pas. Et en matière de préservation d’héritage culturel, tout dépend de la (bonne) volonté des hommes, des pouvoirs et des finances publics. Les effets d’un rustinage d’urgence (et souvent constatés bien au-delà) interrogent sur le devenir des éléments patrimoniaux remarquables du Site classé.» Gildas BURON

Pour les réparations des digues, des baules ont été creusées sur l’estran, les pelles sont entrées en action, élargissant les chemins et les lits des étiers, éradicant des touffes d’obione et de statice de mer. La végétation maritime est résiliente et on la voit repousser quelques temps après. La pelle est un instrument grossier pour la délicatesse des marais, mais le rendement prime, elle demeure plus efficace que les hommes et leurs pelles. Mais les réparations dans l’urgence oublient parfois l’aspect patrimonial du site et le perré se trouve greffé d’un enrochement grossier au milieu de sa fine maçonnerie.

Ce que Xynthia a changé La tempête a été un éléctrochoc au niveau national. L’état préscrit à la suite des Plans de Prévention de Risques Littoraux pour les communes présentant le plus de risque. Ces PPRL ont pour objectifs de cartographier les aléas en prenant des cotes références sur la tempête Xynthia +20cm et +60cm, et de préscrire des restrictions sur les terrains constructibles et constructions existantes, soit l’interdiction de construire, ou l’autorisation avec contraintes, et exigence d’étages sécurisés et sas de survie pour les habitations existantes. Le PPRL est en cours d’application à Guérande. Contrairement à d’autres communes littorales qui trouvent ces plans de préventions trop contraigants, l’association VPBN le trouve satisfaisant, voire incomplet, car il ne parle pas de retrait stratégique, qui serait pourtant à envisager selon eux.

Formation d’une brèche sur la digue des marais salants

La brèche se forme une fois la marée redescendue, la différence de niveau fait pression sur l’interieur de la digue, qui n’est pas empierrée est n’est pas prévue pour retenir de l’eau. submersion des marais marais salants

1

2 pression à marée descendante

3

formation d’une brèche

4

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Un muret contre la mer La communtauté d’agglomération a mis en place un Programme d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI), dont un axe était la construction d’un ouvrage de protection le long de l’étier du Pouliguen, pour protéger les maisons touchées lors de Xynthia. Ce muret d’un mètre de haut environ est destiné, une fois les portes d’étanchéité mises en place, à contenir les crues de l’étier. Le coût de l’ouvrage, de sa mise en oeuvre lors des situations urgentes de crues me pose question. Ce fin muret de 1,20m de haut tout au plus, cache les vues sur l’étier depuis les quais. Cette solution hâtive et voyante mécontente par ailleurs les paludiers, qui auraient préféré l’étude d’un ouvrage régulateur de type barrage à l’entrée de l’étier. Le PPRL comme le muret de l’étier ne me parraissent pas aller vers la bonne réponse face à ce risque venant de la mer, ils fixent les choses, réglementairement ou dans l’espace, alors que la résilience ne peut s’oppérer que dans une posture évolutive.

Muret anti-Submersion

Mis en place sur l’étier du Pouliguen après Xynthia

côte de protection

Promenade

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Muret de protection

Etier


«Il faut de la discontinuité dans la continuité du trait. La danse du pinceau dans l’espace laisse des blancs pour permettre à celui qui regarde de vivre l’imaginaire dans le tableau, d’aller découvrir le paysage seul, par la suggestion, sans trop en dire, pour faire jaillir la pensée. Si tu tentes d’achever une oeuvre elle meurt dans l’instant» Passagère du Silence, Fabienne Verdier


DÉFINIR L’EPAISSEUR DU LITTORAL LA PERPÉTUELLE MOBILITÉ DU PAYSAGE

L’épaisseur du trait Le trait de côte est la ligne qui sépare la mer de la terre. Dans sa définition stricte, il marque le niveau le plus haut de la mer, le plus extrême qu’elle puisse atteindre, lors d’une marée astronomique de coefficient 120. Des conditions exceptionnelles de vent au large ou de dépression atmosphérique peuvent faire bouger cette ligne plus loin dans les terres. Ce trait représentant le niveau extrême, il est rarement atteint. Si on considère les marées de moins gros coefficent, le trait prend alors une épaisseur, selon la profondeur de l’estran, et de sa composition. Il est aussi conditionné par les aménagements de l’homme sur le littoral, et les dynamiques liées aux forces naturelles qu’y s’exercent. Il est donc constamment soumis à des transformations, sur des termes plus ou moins longs.

L’évolution du trait Cette partie explore les mouvements à l’oeuvre sur le littoral Guérandais, à différentes échelles de temps, de sa formation géologique au rythme des marées. Ces transformations passées et présentes amènent à considérer celles qui se produiront dans le futur. Mais les enjeux sont à différentes échelles de temps.

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Niveau de la mer au début de la transgression Flandrienne, elle arrive au pied du sillon de Guérande, Le Croisic et Batz sont des iles granitiques.

La baie de Guérande s’est fermée par des dépôts de sable qui ont réuni les deux îles, par le double tombolos de Pen Bron et de la Baule.

Deux étroits passages permettent à la mer de continuer à entrer dans la lagune, déposant les alluvions argileuses formant un fond vaseux imperméable, propice à la création des marais salants.

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Récit de l’histoire géomorphologique Evolution des niveaux marins Les transgressions et régressions marines modèlent sur des milliers d’années la forme des continents, par les mouvements d’eau à l’échelle planétaire, selon le climat et la réaction de la côte, érosion ou accumulation. La dernière montée du niveau marin, qui eut lieu suite à la fonte des glaciers, est appelée la transgression Flandrienne, elle créa la forme actuelle des rivages telle qu’on la connait. Elle commença il y a 10 000 ans et en dura environ 8000, durant lesquels le niveau marin à varié de -9,5m au niveau actuel. Les mécaniques de sédimentation nuancèrent cette nouvelle côte, avec la formation de dunes et les dépôts d’alluvions et de sédiments.

Composition géologique et géographique La ville fortifiée de Guérande couronne une plate-forme cristalline, de schiste et granites, inclinée doucement au Nord-Nord-Est vers le bassin du Mes. Vers le Sud, cinquante mètres en aval, se profile la vaste étendue liquide dont les deux tiers, endigués constituent les marais salants. Le dernier tiers à l’ouest, forme les deux Traicts qui se découvrent à marée basse, révélant le parcellaire géométrique des parcs à huîtres et à moules. Entre ces deux ensembles contrastés, le Sillon de Guérande, faille géologique parallèle au sillon de Bretagne, aligne son abrupt, plus ferme au centre, plus souple aux extrémités, découpée de vallons boisée. Plus au sud le même dispositif en bloc basculé se renouvelle avec l’ancienne île de Batz, trois anciens îlots cristallins soudés par des atterrissements et des dunes dont l’abrupt d’une trentaine de mètre, déchiqueté par la mer, constitue la Grande Côte. C’est l’homologue marin du Sillon de Guérande. Une troisième marche parallèle reprenant le même dispositif se trouve sous l’eau, formant les reliefs de la Banche et du plateau du Four, au delà du Chenal qui prolonge l’estuaire de la Loire.

Coupe géologique simplifiée

Représentant les failles parallèles du Sillon de Bretagne, de Guérande et les failles marines de Batz et de la Banche

Marais salants

Sillon de Guérande Guérande

La Banche

Batz

Saillé

Source : d’après Jean-Pierre Pinot cité dans Guérande au Moyen âge, Alain Gallicé

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Grande Brière

Sillon de Bretagne Pontchâteau


Source : Blog La vie Ă la Baule http://lavielabaule.blogspot.fr/2016/05/aout-le-meilleur-mois-pour-ne-pas-se.html http://lavielabaule.blogspot.fr/2015/07/cote-damour-orages-mais-des-espoirs.html

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Les visages saisonniers du littoral Sur les plages L’été sur la presqu’île La côte se transforme entre la saison estivale et hivernale. Déjà parce que la population se démultiplie jusqu’à dix fois en été. Le taux de résidences secondaires est élevé, comme la plupart des communes littorales. Les estivants arrivent de Paris et de Nantes dès les beaux jours de printemps pour profiter des plages. Les maisons rouvrent leurs volets, les rues se peuplent. Les aménagements sont conçus pour accueillir la population maximale, du parking à la station d’épuration, et sont sous-utilisés le reste de l’année. L’espace est consommé pour le tourisme. Au bout de la presqu’île, la situation est différente, le territoire est plus étroit, et arrive plus rapidement à saturation, la route du Croisic est saturée tout l’été.

Touriste de plage, ou touriste des marais ?

« A Guérande, du moins avant Xynthia, il n’y a aucune conscience du risque. Il n’y a pas de culture littorale mais une culture touristique. Une grande partie de la population est arrivée après guerre avec le tourisme balnéaire, puis s’est installée. La perception du littoral est plutôt liée au loisir qu’à une économie. La mémoire des tempêtes est très faible. Pour le cas des quartiers inondés lors de Xynthia à La Baule et au Pouliguen, il n’y a eu que des dégâts matériels, et il y a de l’argent pour reconstruire, alors c’est pas grave.» Laurence Dupont CPIE Loire Océane

Autant dans les paysages que par les usages, la baule fait figure à part dans la presqu’île. Elle tourne le dos aux marais et se préoccupe seulement de la côte. Même dans son urbanisation arrière, le contact avec les marais est inexistant. Alors que pour les pavillons qui se sont implantés à Batz ou même au pied du coteau de Guérande, le rapport au marais est évident. Le tourisme lié aux marais est plus récent que l’attractivité balnéaire, et la préoccupation du milieu y est plus importante. Il m’a été dit plusieurs fois que les plagistes de la Baule ne sont pas les mêmes qui viennent visiter les marais salants à Terre de sel. La tradition touristique est également différente au Croisic et à Batz, où la mode du balnéaire est plus ancienne, et où le tourisme est devenu aujourd’hui plus populaire.

Déluges hivernaux Les tempêtes se produisent principalement en hiver. Dans les milieux littoraux, cela correspond à la période plus maigre, les dunes sont à vif, la houle et plus importante. La mer déborde quand un dixième des habitants seulement est là. Les travaux de remise en état, le rechargement des plages sont ensuite faits avant l’été, pour que la côte soit prête à accueillir les touristes, pour qu’elle soit à leur disposition. Les habitants n’ont pas tous conscience de la mobilité du trait de côte, des incidences d’une telle fréquentation sur ce milieu fragile, et des coûts engendrés.

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Période de production sur les marais

Les talus verdoyants sont ponctués au printemps du jaune clair du maceron, ou poivre des marais, et plus tard dans la saison du roux de la soude maritime. Les labyrinthes d’eau se couvrent de points blancs des mulons de sel.

Entretenir et réparer

Le travail hivernal sur les marais est plus ingrat, il se fait les pieds dans l’argile humide et froide. La structure de glaise est gorgée d’eau, elle est modelable et se déforme donc facilement. Le marais est fragile au moindre piétinement à cette période.

Type de dégats et réparations possibles

Sur une digue de glaise Chaland

Veaux Brèches

Affaissement de digue, coulée de terre L’objectif est de retrouver le droit de la digue, en consolidant avec des planches de pin ou fascines de châtaigner et en ramenant de l’argile

Fascine de châtaigner Planche de pin

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Pour combler les brèches, il faut ramener de la matière, parmi les réserves d’argile que contient le marais, pour le perré, la matière première est moins disponible.

Brouette et planche Pelle mécanique

Sur le perré maçonné Colmater Combler


Les visages saisonniers du littoral Dans les marais Période de production La production du sel est dictée par la météo, par la présence de vent et de soleil, pour l’évaporation et la concentration en sel de l’eau. Elle peut commencer dès le printemps et se poursuivre jusqu’en septembre. Le marais se pare de perles blanches, du sel amassé en petits tas sur les ladures, régulièrement disposés sur les salines. Le paludier stocke sa production de la saison sur la saline, en un mulon, qui sera évacué vers la coopérative ou un lieu de stockage, à la fin de la saison productive.

Entretien et réparations Avant la fin de l’hiver, le paludier entame les travaux de nettoyage et de remise en forme de sa saline, retravaille les niveaux des bassins dont la topographie minutieuse permet l’écoulement de l’eau. Les ponts, petites digues d’argile qui permette la segmentation des bassins et l’accès aux oeillets sont eux aussi retravaillés. Les travaux collectifs d’entretien des étiers et bondres sont aussi réalisés. Les gros travaux à réaliser sur une saline sont fait en équipe, l’hiver, le paludier partage son temps entre le travail collectif et l’entretien de son espace de travail personnel. Il faut aussi être vigilant aux tempêtes, et réparer rapidement les dégâts qu’elles peuvent causer : les brèches et les vaux, qui sont des effondrements ou affaissements en bord de digue ou de route.

L’Asa*, acteur essentiel «On monte toujours un peu plus la digue, on rajoute des centimètres. Mais la mer elle monte, on ne pourra pas la rehausser indéfiniment. Il y en a qui n’y croient pas, qui disent que ce sont des cycles, il y a des périodes plus chaudes, et après ça se refroidit. Ça demande beaucoup de travail et d’argent de remettre en état les ouvrages après une tempête. Tu le fais une fois, deux fois, mais les tempêtes sont de plus en plus fréquentes, c’est fatiguant et décourageant.» Luc, paludier

L’Asa est le syndicat des digues, depuis 1901 il gère les travaux d’entretien, réparation des 15km l’ouvrage de pierre et des 44km d’étier, soit 88km de berges et des 28km de l’étier du Pouliguen. Le syndicat fonctionne comme pour un immeuble, l’entretien et les réparations sont à la charge des propriétaires des salines. La structure est aussi subventionnée par la communauté d’agglomération. Le rôle de la digue est de protéger les marais salants, mais sans lui, de nombreuses maisons risqueraient de se retrouver les pieds dans l’eau. Les étiers ont aussi un double rôle, ils acheminent l’eau de mer, et recueillent les eaux de pluie du bassin versant de Guérande et de Batz, et les évacuent jusqu’à la mer. L’Asa participe par son action à l’intérêt public. Aujourd’hui les moyens qu’elle met en oeuvre sont plus important et ambitieux, les pelles mécaniques parcours régulièrement les fines digues d’argiles pour réparer et consolider les ouvrages existants.

*Asa : Association syndicale autorisée

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Le grand Traict à marée basse, le matin du 25 octobre 2015, coefficient de marée 113. Les bateaux sont couchés sur leurs flancs, les parcs à huîtres apparaissent. De nul part arrivent des tracteurs et leur longue remorque, les ostréiculteurs et pêcheurs à pied s’affairent sur l’estran. Six heures plus tard, la mer est revenue. On se demandait si elle s’arrêterait de monter, lors des gros coefficients, elle arrive juste au ras du quai. Heureusement aujourd’hui, le temps est calme. Impossible d’imaginer avec toute cette eau, ce qui s’est tramé là le matin même. L’étendue de sable a laissé place à une couverture uniforme et liquide, dissimulant la richesse de se qui se trouve submergé.

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Vivre au rythme des marées

A Guérande, les marnages, entre marées haute et basse sont de l’ordre de 4 à 6m, sauf fantaisie du vent ou d’une pression barométrique basse. L’amplitude de marée la plus visible est sur l’estran, où la mer laisse place à une étendue sableuse sur plus de 5km carrés. Ailleurs, les plages s’agrandissent et les falaises se découvrent. Le rythme de la vie littorale est cadencé par les marées, aussi bien pour l’ostréiculteur, que pour le paludier, que pour le baigneur, chacun doit être au fait pour profiter de la présence ou l’absence de la mer pour exercer son activité. Les coefficients de marée croissent et décroissent sur les rythmes lunaires, les mortes eaux succédant aux vives eaux, et les coefficients les plus forts étant aux équinoxes. Le phénomène de surcote pouvant provoquer des hauteurs d’eau imprévues, si les pressions sont plus basses au large par exemple. Vivre au rythme des marées est une adaptation au caractère mouvant du territoire. Il serait intéressant de conserver cette mobilité des activités et des usages mais en prenant en compte le caractère mouvant à long terme, et en restant mobile d’année en année, voire de décennie en décennie.

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Orientation des courants marins

A marée decendante, les courants vont au large, d’est en ouest, les traicts se vident, les courants les plus rapides sont à leur sortie entre le Croisic et PenBron. A marée montante, le sens s’inverse, le courant puissant du chenal de Pen Bron remplit à nouveau les traicts, où les courants restent importants.

Sources : d’après le SHOM

=

-

Réaction du trait de côte

+ Accrétion

-

-

Erosion

= Stable

+

Digue

-

Côte sableuse Côte vaseuse

-

-

-

+

Côte rocheuse

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= =

+

-


ÉLEMENTS EN PRÉSENCE Courantologie et réaction du trait de côte Bien avant que les hommes s’en mêlent, la côte était déjà en mouvement, de manière perpétuelle, par l’action des éléments naturels. Le vent d’abord, qui transporte les fines particules, anime les vagues et transporte les nuages chargés d’eau. Il souffle souvent sur la côte, pour le bonheur des paludiers et des amateurs de sport de glisse. Il y a ensuite les courants marins, les courants de dérive qui se déplacent le long du rivage, les courants de retour qui emmènent avec eux les sédiments lorsque la mer se retire, les courants de fond, de surface, les marées. Tous ces mouvements d’eau transportent des particules très fines, les sédiments qui, accumulés, façonnent ce littoral mouvant. Selon de quoi est constituée la côte, la réaction à ces éléments n’est pas la même. Ces réactions sont synthétisées sur la carte, qui spécifie la tendance générale de chaque secteur, s’il est en érosion, stable ou en accrétion. La zone la plus propice à la sédimentation étant les traicts, avec les forts courants transportant beaucoup de sédiments, qui se déposent lorsque la mer se retire plus lentement de cette grande surface plane.

La plage part au large

La dérive littorale perturbée par les aménagements humains, ou par sa dynamique naturelle, emmène les sédiments au large, réduisant la surface de plage. A la Baule, la fixation du haut de plage par la digue et la route côtière empêche les transferts de sable entre le haut de plage et le bas et accentue le processus. Les digues et enrochements ont aussi cet effet.

Erosion de la falaise

Les rochers de granit font face aux embruns salés et à la houle, au ressac permanant des vagues. Petit à petit, ils s’érodent et tombent en blocs dans la mer. Le granit est résistant et cette érosion se fait lentement. Mais il est difficile d’imaginer des moyens pour ralentir cet effet, et les maisons perchées sur le sommet seront un jour perdues.

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La dune mobile

Le vent souffle sur la plage en pente et emmène avec lui des grains de sable, qui recréent la dune un peu plus loin. C’est la dynamique naturelle des dunes, elles sont mobiles. Mais quand des constructions sont venues s’installer à proximité, le sable s’accumule sur leur palier..

Création de baules

Les courants quand ils sont dans des zones peu agitées, déposent une partie des sédiments qu’ils transportent et créent des baules, des petits reliefs, de sable qui modifient les courants, qui déposent leur sédiments ailleurs, formant de nouvelles baules... L’estran est en mouvement perpétuel.


DIGUE MACONNEE des marais

CHENAL du POULIGUEN

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Aménager pour protéger Pour contrecarrer les dynamiques naturelles, et utiliser les espaces au plus proche de l’eau pour habiter ou pour y développer des activités, l’homme a déployé plusieurs moyens. Voici le répertoire de ceux rencontrés à Guérande.

Construire et consolider les digues La principale protège les marais salants. Elles peuvent être maçonnées, en argile comme dans les marais, ou être comme de véritables quais comme au Croisic ou au bord de l’étier du Pouliguen. Risques et effets secondaires : n’est pas conçu pour accueillir l’eau en cas de submersion et risque de former des brèches. Si les courants sont forts, accentue l’érosion à son pied. A une durée de vie limitée.

Draguer le chenal Pour permettre les activités nautiques et le passage des bateaux, cette action doit être régulière pour empêcher la sédimentation naturelle

Risques et effets secondaires : forme un bouchon d’eau saumâtre stagnante néfaste pour la saliculture.

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DUNE de PEN BRON

ENROCHEMENT de PEN BRON

MURET du POULIGUEN

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Fixer grâce aux ganivelles Sur les dunes, les obstacles verticaux permettent au sable transporté par le vent de se déposer, ou de limiter son érosion. Les ganivelles guident les promeneurs sur des sentiers définis et limitent ainsi le piétinement, néfaste à l’installation de la végétation. Faible durée de vie

Fixer grâce aux enrochements Sur les secteurs les plus exposés, les enrochements protègent la dune de la houle et du vent.

Risques et effets secondaires : accentue l’érosion au pied de l’ouvrage, faisant disparaitre l’estran et érode en aval selon la dérive littorale.

Construire des murets Observé devant le centre héliomarin de Pen Bron, et en cours de construction sur l’étier du Pouliguen. Ils protègent ponctuellement des bâtiments. Risques et effets secondaires : efficacité et durée de vie limitée, dans le cas du Pouliguen, complexité de mise en oeuvre des portes pour l’étanchéité, et supprime la vue ouverte sur l’eau, mais visibilité.

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La dune, l’estran, la digue Présentation des acteurs principaux du projet, la dune, premier rempart contre la mer, l’estran, lieu d’extension des flots, et la digue, rempart humain pour protéger les marais.

LA DUNE

de Pen Bron est un tombolo qui ferme presque entièrement le marais maritime de Guérande. Il laisse l’eau de mer rentrer seulement par les traicts du Croisic. Sur sa partie nord, la dune est épaisse de 50m de plage et de dune blanche, de 170m de dune grise, tandis qu’une pinède recouvre sa partie arrière sur 500m. Sur sa partie en contact avec l’estran, elle n’est plus épaisse que d’une petite centaine de mètres, et n’est couverte que de fins oyats.

L’ESTRAN est la partie découverte à marée basse lorsque la mer se retire. C’est un milieu très riche et fragile à la fois. Sa faune et sa flore sont très spécifique, on y trouve les rares plantes à être adaptées à l’eau salée, comme l’obione ou la soude maritime. Les traicts ou cours d’eau salés y circulent selon les dépôts d’alluvions, dans un sens puis dans l’autre au rythme des marées. La sédimentation s’effectue lentement dans cette zone de va et vient de la mer, où les courants sont plutôt faibles, sauf à l’entrée des traicts, et ne sont pas soumis à la dérive littorale. C’est ici, à l’orée des traicts que s’installent les ostréiculteurs.

LA DIGUE maçonnée fait fièrement face à la mer. Avec ces 15km

de long, elle protège la totalité des marais salants, qui représentent le double de la surface de l’estran. Elle est maçonnée depuis Napoléon, avant elle était faite d’argile comme les digues bordant les étiers, mais les dégâts était beaucoup plus fréquents. Elle fait l’objet d’une attention permanente aujourd’hui encore, pour la réparer et la rehausser. Il faut traverser les chemins sinueux des marais pour l’atteindre, mais une fois arrivé, on se sent au bout du monde. Mais son architecture limite les possibilités de rehaussement, Il se pourrait qu’un jour, elle ne suffise plus à protéger les marais de la mer..

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LE CONTOUR

LE COEUR

LE COTEAU

Les épaisseurs du littoral

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DESCRIPTION - Exposition Sud, de la Turballe à St Nazaire - Activité agricole - Axe circulation voiture Guérande : pôle habitat et tourisme rétro-littoral VOCATION - Accueillir l’urbanisme rétro-littoral

DESCRIPTION - Marais salants - Groupements d’habitats > Paludiers - Estran, ostréiculture et pêche à pieds VOCATION - Protection - Canaliser et concilier les usages

DESCRIPTION - Station Balnéaire de la Baule, baie du Pouliguen - Tourisme résidentiel - Estran, ostréiculture et pêche à pied VOCATION - Faire emerger une culture du risque et amorcer un recul de l’urbanisation - Ménager la submerssion, déconstruire là où le risque est trop important - Aménagements saisonniers


DU TRAIT DE CÔTE AU RETRO-LITTORAL Capacité d’accueil, comment réguler la pression anthropique ? J-F Struillou - juriste, A Pouillaude – économiste, C Chadenas – géographe, encadré par P Pottier 1

Association Vert Pays Blanc et Noir, qui veille à la protection de la nature des sites et des paysages sur le territoire de Cap Atlantique. 2

Cette notion est déjà présente dans la loi littorale de 1986, mais est encore floue. Le ministère du développement durable la définit ainsi : «Tout territoire est une ressource produisant à la fois de la valeur d’usage et de la valeur économique. Plus que tout autre sans doute, le littoral est une ressource limitée, ce qui rend absolument nécessaire d’avoir en permanence une vision d’anticipation sur le long terme. Siège de multiples activités économiques liées à la mer et aux échanges internationaux, il est également un puissant vecteur de valeurs en termes d’usages et de modes de vie. À cet égard, la capacité d’accueil détermine ce que le territoire peut supporter comme activités et usages sans qu’il soit porté atteinte à son identité physique, économique, socioculturelle et aux équilibres écologiques. Elle prend également en compte le niveau général d’équipement du territoire.» Un travail de recherche sur «l’évaluation de la capacité d’accueil dans les communes littorales»1 précise encore la notion. Si une commune envisage un accueil supplémentaire de population, il doit être compatible avec ses objectis et les ressources du territoire, qui sont de trois types : environnementales, humaines et économiques, dont les critères sont précisément définis. Entre en compte aussi la capacité d’attractivité, qui n’est pas la même dans les différentes épaisseurs du littoral identifiées ci-contre, c’est pour quoi j’ai attribué à ces épaisseurs des vocations différentes. Si on pense en terme de montée du niveau marin, il faut envisager un repli stratégique de l’urbanisation et de certaines activités, comme le défend l’association de veille écologique VPBN2. Celle-ci peut s’imaginer sur la troisième épaisseur du littoral, celle du coteau. Mais ce changement de vision sur les vocations du «contour» du littoral ne peut se faire que par étapes progressives, en fonction d’une politique à l’échelle du territoire. ESPACE DISPONIBLE

Ressources

EQUIPEMENTS PUBLICS Nécessaires

PRESSION ANTHROPIQUE Environnement | Humain | Economie RESSOURCES - écologie - hydrologie - géomorphologie - économie - système socio-culturel

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0.

1.

2.

Scénario d’évolution de l’urbanisation

bâti menacé

à déconstruire ou adapter

80

construction

relocalisation


Vers une urbanisation rétro-littorale

Habiter le littoral « L’homme a toujours habité le beau, alors offrons-le lui. Bien sûr tout le monde ne peut pas habiter face à la mer – cette chimère a d’ailleurs encombré, dévitalisé nos côtes-, mais on ne peut pas non plus se contenter d’envoyer les nouveaux arrivants en arrièrepays, sur des lieux sans intérêt. Ce qu’il faut, c’est compenser l’idée de la mer dans l’arrière pays. » Michel Corajoud

Pour contrecarrer la saturation du littoral et le risque croissant de submersion, j’imagine donc un scénario d’urbanisation rétro-littoral, pour en faire un élément de contexte dans la narration du projet. L’abandon des constructions existantes est presque inenvisageable, tant que la situation n’est pas des plus critiques. L’attachement à la propriété est très fort, on a pu l’observer dans d’autres cas comme pour le fameux exemple de l’immeuble du Signal à Soulac-sur-mer. L’idée étant plutôt de préparer le terrain pour des replis futurs qui se feront progressivement. Dans les propos de Michel Corajoud, on retrouve cette idée de capacité d’attractivité de l’arrière pays. Il faut compenser l’idée de littoral. A Guérande on peut l’imaginer en habitant le coteau, en profitant des vues sur les marais. Par des jeux de topographies, venir habiter dans les plis et les replis du coteau peut permettre des situations agréables, tout en ménageant l’impact visuel depuis les marais. Le scénario proposé ci contre montre en temps zéro la situation actuelle, avec des constructions existantes et d’autres en projet ou en cours de réalisation, y compris dans des zones indiquées comme à risque de submerssion. Certaines sont déjà menacées à moyen terme par les risques de submerssion. Quelques constructions sont en cours sur le coteau. En temps un, les habitations les plus menacées sont transférées vers le coteau. En temps trois, les constructions du coteau s’intensifient, les habitations menacées à plus long terme commencent à se relocaliser sur le coteau. Augmenter les densités de population sur le coteau n’est pas sans impact, notamment en terme d’imperméabilisation des sols et donc de pollutions possibles qui ruisselleraient dans les marais. Ce sera un élément à traiter dans le projet. Une autre piste serait de mettre en scène la mer et les risques qu’elle représente pour amorcer dans les esprits cette idée de transition vers une urbanisation rétro-littorale. Constructions nouvelles Village du coteau

Implantations possibles

des nouvelles constructions sur le coteau, selon les profils du coteau et les implantations actuelles des villages, afin de préserver des vues.

Profil du coteau sur la Croix Moriau

Profil du coteau à Queniquen

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CONCHYLICULTEURS : meilleure qualité de l’eau du PALUDIERS : protection des assauts de la mer par un traict : les marais salants en bassins de phytoépuration ouvrage en amont, un barrage anti-tempête au Croisic

RESIDENTS : rêve de propriété, toujours plus près de HABITANTS : les marais salants comme lieu de l’eau, privatisation du littoral promenade, piétonniser les routes des marais

PROMOTEURS : construire toujours plus, produire du ECOLOGUES : diversifier les milieux, faire se cotoyer mètre carré disponible proche de la plage les mares d’eau douce et d’eau salée

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Interaction des acteurs / interaction des milieux A quoi ressemblera la presqu’île demain ? Cela dépend à qui vous posez la question. Chaque acteur porte un regard différent selon son activité, ses souhaits, ses priorités, et le futur du territoire dépendra des conciliations choisies entre ces différentes visions. Tout est question de choix, de posture adoptée sur l’occupation des sols, les types de réactions face à la mer. C’est une question politique. Ces facteurs étant également combinés avec celui incertain de la montée du niveau marin. J’ai cherché, à travers mes rencontres sur le terrain, à dresser les visions idéales de chacun, en allant jusqu’à la caricature. Entre la perpétuelle conquête d’espace disponible pour l’urbanisation, la privatisation de la côte, et les problèmes de pollution, les réponses au devenir de la presqu’île pourraient être bien différentes. Peut-être même que le géologue aurait souhaité voir se reformer les îles du Croisic et de Batz. Mais quelle pourrait être la réponse du paysagiste à cette question ? Elle serait probablement dans la conciliation des envies de chacun, dans le respect des espaces naturels. Et surtout dans la diversité des situations créées, des lisières composites et les transitions d’un milieu à un autre. Et pour répondre à l’incertitude, le principe est le même, il s’agirait de proposer une diversité de situations possibles, d’aller contre l’uniformisation de ce littoral, en épaississant la lisière terremer pour faire dialoguer ces milieux.

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Système des marais - marées de Système des marais - marées de mortes-eaux : peu d’interaction vives-eaux : remplissage des vasières

Construction de protections habitations en bord d’étier

des Aux marées de vives-eaux, le courant est amplifié

Lors des évènements pluvieux, l’eau Avec l’imperméabilisation des sols, ruisselle sur les coteaux et s’évacue le phénomène est amplifié : la teneur par les étiers en sel de l’eau des étiers baisse et transporte les pollutions jusqu’aux étiers, puis dans l’estran

Schéma du fonctionnement hydraulique et interaction avec l’urbanisme

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La qualité de l’eau : un enjeu fédérateur La presqu’île fonctionne comme un système, où l’eau douce et l’eau salée se rencontrent sans cesse, et connectent tous les lieux entre eux. Pour commencer, l’eau salée remplit les vasières, réserves pour produire le sel, environ tous les 15 jours, lors des gros coefficients de marée. Les points d’entrée de l’eau salée dans les marais sont donc des sites à enjeux majeurs. C’est aussi par eux que peuvent arriver les submersions, comme ce fut le cas pendant Xynthia pour les quartiers de La Baule qui bordent l’étier du Pouliguen. Cependant, installer des protections de l’urbanisation à ces endroits, provoque l’effet inverse sur les marais salants, où le courant se trouve accéléré par ces mêmes protections. L’urbanisation a un fort impact sur le système hydraulique. Elle provoque aussi une imperméabilisation des sols, par les constructions et la voirie, qui augmente les eaux de ruissellement. Le système étant séparé entre les eaux grises et les eaux pluviales ces dernières sont directement évacuées par les étiers avant de retrouver l’estran et la mer. Cette eau douce qui provient des pluies et du ruissellement le long du coteau est un facteur de dulcification, ce qui est un problème pour les paludiers : plus il y a d’eau douce dans les étiers, plus il est difficile d’obtenir la concentration en sel suffisante pour la cristallisation. De plus, cette eau n’étant pas traitée, elle transporte avec elle les pollutions, hydrocarbures, pollutions agricoles, etc. Le milieu très fragile de l’estran et de la mer bordière s’en trouve dégradé. Cela pose moins de problème pour les paludiers qui fonctionnent par lagunage, mais pour les conchyliculteurs, l’impact est beaucoup plus fort, au point que la production menace parfois d’être invendable car elle ne répond pas aux normes. Il y a de fait une solidarité entre le paludier, le conchyliculteur et le pêcheur côtier, qui sont installés sur le même flux d’eau alternatif, qui est une entrée possible à l’établissement d’un projet commun.

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VIVRE DE LA MER, ET AVEC LA MER Interactions et temporalités des enjeux

Pollution et imperméabilisation des sols COURT TERME La croissance des constructions sur le littoral se fait aujourd’hui dans la consommation d’espace et l’imperméabilisation des sols, les eaux de pluie ruissellent et se retrouvent dans les étiers et dans l’estran, menaçant les activités de conchyliculture. Phénomène qui va tendre à s’emplifier avec la recrudescence des évènements tempêtueuux plus forts et fréquents.

Recrudescence des tempêtes COURT TERME Les évènements météorologiques extrêmes vont devenir plus intenses et plus fréquents avec le réchauffement climatique, mettant à l’épreuve ce que l’homme a construit pour se protéger. Ces évènements présageront aussi des transformations possibles à venir avec la montée du niveau marin.

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Urbanisation rétro-littorale MOYEN ET LONG TERME L’urbanisation saturée sur la partie côtière va impliquer, dans le scénario de croissance de la population porté par le Scot, d’imaginer une urbanisation rétro-littorale. Les tempêtes plus fréquentes et la montée des eaux vont nécessiter une relocalisation des biens.

Montée du niveau marin LONG TERME Le terme et l’importance de ce phénomène sont incertains. Pour y faire face, l’anticipation sur les modes de gestion du trait de côte et la manière d’habiter le littoral est essentielle. Cet enjeu implique aussi disparition ou transformation des activités économiques en lien avec le littoral : saliculture, conchyliculture, pêche et tourisme.

Erosion et modification des courants MOYEN TERME Les courants marins impactent en permanance la forme des côtes. Les tempêtes plus fréquentes et la montée du niveau marin auront tendance à accentuer les processus d’érosion.

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0. Mortes-eaux

0. Vives-eaux

Temps 1

Temps 2

Temps 3

Temps 4

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QUELLES TRANSFORMATIONS À VENIR ? UN SCÉNARIO POSSIBLE DE LA MONTÉE DE L’EAU

Après les conséquences de la tempête Xynthia, et les dernières prévisions du GIEC, on peut se demander à quoi ressemblera la presqu’île en 2050, ou en 2100. En observant les courants, la sédimentation, la topographie, la typologie des côtes et les ouvrages de protections existants, j’ai essayé d’esquisser un scénario possible, à très long terme de la montée du niveau marin sur Guérande. Comme le confirme le Plan de prévention des risques littoraux, les premiers touchés seraient les marais salants, car situés dans les zones les plus basses. Les habitations qui en sont le plus proche seraient elles aussi affectées dans un premier temps. Comme on l’a observé lors de Xynthia, tous les marais salants n’ont pas été touchés, seulement la partie ouest, l’eau s’est trouvée stoppée par la route des marais. On peut alors imaginer que les marais seront repris petit à petit par la mer, par petits morceaux. L’étier du Pouliguen sera lui aussi de plus en plus soumis aux débordements. La mer intérieure qui se développera de plus en plus modifiera les courants de cette future lagune, modifiant aussi les zones de sédimentation. Certains rivages seront en phase d’accrétion, tandis que d’autres s’éroderont. On peut imaginer que la fine dune de Batz se retrouve ainsi grignotée par les courants et disparaisse, redonnant au Croisic le statut d’une île. Ce scénario où les marais disparaissent et où une lagune se forme, est un scénario extrême, qui n’arrivera peut être jamais, ou peut être à très long terme, mais qui peut servir de guide pour imaginer les étapes, les seuils, pour accueillir la mer progressivement. Cela pose de nombreuses questions sur l’économie du territoire, et les manières d’habiter, qui vont être amenés à évoluer. Cela questionne aussi sur les aménagements possibles pour vivre avec cette incertaine modification du territoire.

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Et si, plutôt que de construire des murs contre les crues de l’étier, on donnait de la place à la mer qui pourrait venir au pied des immeubles lors des grosses marées. Et l’on se promènerait sur les pontons, comme à Venise...

Et si la dune de Batz disparaissait, emportée par les courant, la pointe du Fort aurait une sacré allure vue depuis le grand Casse-caillou...

Et si on construisait un grand barrage écrêteur de marées, entre le port du Croisic et la pointe de Pen Bron pour protéger les marais salants lors des grosses tempêtes...

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Et si on renforçait la digue de protection des marais salant avec une passerellebarrage pour permettre aux vélos de se promener sur les marais salants, et protéger les marais des tempêtes...


ET SI ?...

Et si on arrêtait de construire des aménagements sur la plage de la Baule, qui nécessitent une vigilance constante en hiver pour leur protection, alors qu’ils ne servent que l’été...

Et si la dune de Pen Bron protégée par un enrochement était submergée par la houle, elle transformerait la pointe où se trouve le centre héliomarin en île, à l’entrée de la lagune de Guérande....

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Et si la mer montait vraiment, il faudrait habiter sur le coteau pour être à l’abri, et on profiterait alors d’une vue imprenable sur la lagune de Guérande. Peut être même qu’il y aurait des plages au pied du coteau...

Et si, pour protéger la dune de Pen Bron, on poursuivait sur la partie la plus fine le boisement de pins qui existe plus au nord, les vues s’en trouveraient modifiées, peut être magnifiées ?


Et si les marais cessaient d’être cultivés...

Et si les marais salants n’étaient plus entretenus, comment se transformeraient les paysages ? Est ce que l’estran s’étendrait et la mer à force de marées aplanirait les microreliefs argileux construits par l’homme ? Ou est ce que l’homme saisirait l’opportunité de ce terrain disponible pour construire toujours plus d’habitations ? Ou alors peut être que le marais s’enfricherait et fermerait l’horizon ? Et surtout, que deviendraient les maisons qui se sont installées au bord des marais ? A Kerignon, Kervalet ou à la Herpe, ces pavillons ou maisons de paludier, se retrouveraient bien vite les pieds dans l’eau... Les marais salants temporisent l’effet de submersion, ils absorbent en premier les effets de la houle tempétueuse. Préserver le plus longtemps possible les marais salants permet de ralentir le risque sur les habitations.

Sur les marais salants, André OLIVAUX parle de son caractère primordial « Par son caractère ouvert, l'importance des enjeux et des paramètres, le marais salant est un véritable laboratoire de plein air, suivi par les personnels et les scientifiques de CAP Atlantique et d'IFREMER».

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Marais salants submergés, à marée haute, puis à marée basse. Les hameaux du bas du coteau sont les pieds dans l’eau à marée haute, et le vaste terrain argileux devient à marée basse un terrain de jeux pour les pêcheurs à pied.

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Fonctionnement actuel pour la protection contre la mer Etudes

ASA

(Animation)

syndicat des digues

Maîtrise d’oeuvre

Communauté d’agglomération

Maîtrise d’oeuvre exterieure pour les ouvrages de protections ailleurs que sur les marais

Représentation et cotisation 200 paludiers

Propriétaires

Coopérative le Guérandais

Indépendants 100 paludiers

2018 : loi MAPAM1/ compétence GEMAPI2 : transfert de compétence aux communes

Création d’une nouvelle gouvernance

Paludiers indépendants / Paludiers coopérative / Habitants / Elus / Agriculteurs ... Ecologue, Ingénieur Hydraulique, Paysagiste, Architecte

Comité de Gestion, Recherche et INnovation pour le littoral guérandais Comité GRIN 1

Modernisation de l’Action Publique territoriale et d’Affirmation des Métropoles GEstion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations

2

Perimètre de Cap Atlantique

SAGE Vilaine

SAGE Vilaine

SAGE Estuaire de la Loire

SAGE Estuaire de la Loire

Traict du Croisic Etier du Pouliguen

Sous bassin versant du SAGE «Littoral Guérandais»

Bassins versants topographiques

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UN NOUVEAU MODE DE GESTION Une nouvelle gouvernance pour projeter, aménager, expérimenter sur la presqu’île Les modes de gestion autour des marais salants ont évolué dans le temps. Historiquement, les sociétés traditionnelles géraient le marais de manière autarciqueunitaire. L’économie étant principalement tournée autour du sel, l’impact sur d’autres activités était mineur. Puis l’époque contemporaine a ouvert ce mode de gestion avec la délocalisation des centres de décision, avec une gestion à la parcelle. Le syndicat des digues, crée en 1901, assure la cohérence globale sur les communs des marais. Mais les travaux menés sur l’étier du Pouliguen par exemple, la communauté d’agglomération en a eu la décision seule, et a pris la décision au regard des avantages pour une partie de la population et pas pour les paludiers. Pour la gestion future de ce site fragile soumis aux risques de submersion, et dont la gestion impacte les habitations en lisière des marais, et les autres activités telles que la conchyliculture ou le tourisme, il faudrait imaginer un mode de gestion ouvertunitaire pour retrouver la cohérence des actions au niveau territorial, et faciliter la négociation d’acteurs sur les décisions impactant l’ensemble des habitants et travailleurs du territoire. Par sa connaissance du site, des systèmes hydrauliques qui régissent les marais salants, et par l’expérience qu’il a dans cette gestion, l’homo paludis1, l’homme du marais, est la clé de voûte de ce système.

Terme utilisé par André OLIVAUX dans les cahiers du pays de Guérande n°45, où il décrit les liens entre le système hydraulique du marais et les systèmes humains de gestion. 1

Il y a eu des tentatives pour organiser une gestion commune de ce site, une charte du Site classé des Marais salants avait été amorcée, puis interrompue par la marée noire de l’Érika. Un changement décisif dans la répartition des compétences est la loi MAPAM/compétence GEMAPI qui prendra effet en janvier 2018, et qui confie aux communes ou communautés d’agglomération la compétence de protection contre les inondations. Parmi les 7 axes du PAPI, il y a la volonté de créer un syndicat mixte pour la protection des marais salants et des espaces urbanisés profitant des digues, pour maintenir à Guérande l’implication et la participation de la région à ces travaux.

97


Mais l’enjeu est d’impliquer tous les acteurs concernés dans les orientations choisies pour protéger le territoire. A l’occasion de ce transfert de compétence, La communauté d’agglomération pourrait convoquer une assemblée de type associative pour apporter les regards et compétences de chaque corps de métier présent sur le territoire et prendre de manière concertée les décisions concernant les aménagements du trait de côte. Il serait intéressant d’apporter le regard de personnaltiés extérieures pour faire émulation et apporter des modèles et innovations extérieurs. Ce comité pourrait avoir le rôle de surveillance et relever des évolutions que pourront produire les aménagements. Il est dénommé «GRIN» dans le schéma de gestion, pour Gestion, Recherche et Innovation, pour le littoral guérandais. Il pourrait avoir la charge du sous bassin versant «Littoral Guérandais» défini dans le SAGE Loire, correspondant à un bassin versant cohérent au niveau hydraulique et de courantologie marine. GRIN, ce pourrait être un grain de sel, ou un grain de sable, qui viennent détourner le cours habituel des modes de gestion actuels, pour proposer une vision différente, au regard des innovations dans la gestion du trait de côte, que l’on peut observer en Europe. GRIN serait donc aussi green, avec l’envie de renouer un dialogue avec les éléments marins, plutôt que de se confronter à eux de manière guerrière. L’idée étant que les sites choisis deviennent un laboratoire des réponses possibles pour aménager le littoral, dans une optique expérimentale, tout en s’inscrivant dans les seuils de repli progressif proposés dans la chronologie à long terme de la presqu’île. Si je participais à ce comité GRIN, en tant que paysagiste, voici ce que je proposerai.

SEUILS Action politique Action à mener sur le Trait de côte

Chanson « Grain de sel » Saillé, 1925 « Fils du soleil et de la mer / Sous une modeste apparence / En moi je porte leur puissance / Car je suis sans en avoir l'air / Fils du soleil et de la mer [...] Pourquoi le temps passe si vite / Parce que le vent lui rend visite ».

XYNTHIA PAPI

PPRL

Création Comité GRIN

Dépollution des Traicts

Création de baules devant les digues

Relocalisation des bâtiments à risque aléa 1

Action préventive Durée de vie ouvrages Installation des protections adaptatives Activité de la saliculture Activité de la conchyliculture 98

Protection des dunes Création de digues arrières


SEUILS D’ACTIONS

Définition de Bruno Barroca, architecte dans la revue urbanisme, n°395, Comment envisager une urbanisation résiliente? 1

Le projet propose la résilience par le marais. La notion de résilience peut se définir comme la durabilité ou persistance d’un système complexe. Un système résilient se définit par l’importance d’une perturbation que l’écosystème peut encaisser sans changer de structure, il peut revenir à un état d’équilibre après une perturbation.1 Ca n’est pas contenir un aléa mais prendre en compte sa variabilité. La résilience s’appuie sur plusieurs éléments. Elle implique la connaissance de l’aléa, des impacts probables, et passe donc par un savoir et une culture du risque. Elle doit aussi passer par la réduction des sollicitations sur les systèmes techniques comme les digues, pour envisager d’autres modes de gestion. Elle doit aussi faire appel à la solidarité des territoires, tant d’un point de vue financier que spatial, le rétro-littoral doit pouvoir accueillir les activités ou habitations à relocaliser. Le marais salants est un coeur patrimonial et paysager de Guérande, il en est aussi le centre du système hydraulique, l’eau douce et l’eau salée s’y rencontrent. Agir sur le trait de côte du marais et de l’estran permet de toucher l’ensemble du territoire. Les points d’entrées de la mer dans le marais que sont les Traicts et l’étier ont un rôle particulièrement important, puisqu’ils sont en contact direct avec les habitations et agissent sur les modes de vie, et influent sur cette culture du risque.

Seuils empiriques

Le scénario de la montée du niveau marin n’est pas linéaire, les actions menées sur le trait de côte ne le seront pas non plus. Elles vont s’effectuer selon des seuils, qui vont marquer les étapes d’interventions, non pas par rapport à une date, mais par rapport à des situations observées. La tempête Xynthia est un premier seuil franchi qui détermine des actions données. La route de Bérigo avait fait rempart à la submersion lors de Xynthia. Les seuils suivants seront mesurés selon le niveau marin, lors des plus hautes marées dans le marais, avec comme repères les routes de Bérigo, de Kervalet et de Saillé qui servent de jalons dans le déroulé des interventions. Ce tableau en cours de réflexion sera complété par le projet.

ROUTE DE BÉRIGO rejointe par la mer

ROUTE DE KERVALET rejointe par la mer

Aide à la relocalisation des biens Entretien des baules devant les digues Relocalisation des bâtiments à risque aléa 2

Surveillance du mouvement des dunes Relocalisation de la ligne électrique et de la voie ferrée

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Relocalisation de la station d’épuration

ROUTE DE SALLIÉ rejointe par la mer


Interaction between the elements Terschelling, mer du Nord. Stratégies flexibles guidées par la symbiose entre l’activité humaine et les processus naturels de l’île, les interventions qui suivent le mouvement de l’eau et peuvent être ajustées au fil du temps. RAAAF [Rietveld ArchitectureArt-Affordances]

Jardins élémentaires Théorie Projet d’une combinatoire à partir d’un répertoire de formes extrêmement sommaires, soumises à des variables que sont les énergies naturelles. (étude en volume des éléments du jardin : digues recevant les alluvions). Michel Desvigne

Positionnement Faire avec les forces en présence. Impulser un mouvement, laisser les forces naturelles accomplir leur processus. Dans une dimension prospective, je cherche à redonner une épaisseur au trait de côte, pour anticiper les évolutions que le climat va produire sur l’interface terre-mer, et recréer un dialogue entre ces deux entités. Les interventions composent avec les éléments mouvants en présence et produisent des évolutions paysagères, des modifications d’usage, prenant en compte l’économie liée à la mer sur ce territoire.

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Jardins élémentaires,

Michel Desvigne, texte de Gilles A. Tiberghien, éditions Carte Segrete, 1988

« Ces jardins sont « élémentaires », d’abord parce qu’ils ne supposent aucune construction mais un simple agencement de matériaux le plus souvent fournis par le site lui même et autrement disposés; ensuite parce que l’agencement de ces matériaux ainsi réemployés (gabions, boudins de sable, etc.) suit les lignes de force qui rythment et construisent le paysage ; enfin parce que les agents de transformation pour lesquels ce dispositif a été mis en place ne sont autres que les forces de la nature les plus élémentaires : l’eau des torrents et des mers, le vent. L’intervention est minimale et les moyens utilisés sont pauvres mais les effets produits peuvent être complexes et multiples. Schématiques, ces dessins ne représentent pas des jardins. Ils les anticipent mais sans les décrire. Ils montrent ce qu’ils pourraient être, non ce qu’ils seront. [...] Soit trois types de paysages : une vallée, un littoral, un désert sableux. Trois types d’énergies naturelles : l’écoulement des eaux de montagne (eaux de pluie et torrents), le mouvement des marées, le souffle du vent. A ces différentes causes de changement, différents effets possibles : formation d’obstacle, ravinement, ensablement etc. Autant de variables tantôt causes, tantôt effets - ou les deux à la fois - plus ou moins simples ou plus ou moins complexes, qui s’augmentent ou s’annulent réciproquement. Tout l’art de ce jardinier minéral consiste alors, à partir de ce travail d’observation et de mise en forme préliminaire que nous avons décrit, à compromettre le mouvement naturel des choses. [...] Ainsi se poursuit la métamorphose des éléments sans que rien n’en permette la continuité si ce n’est les éléments eux mêmes. Comment. En utilisant précisément les phénomènes cycliques auxquels les sites choisis sont soumis. La récurrence de ces processus (mouvement des marées, fonte des neiges, marnage) fait de ces jardins un perpetuum mobile. »

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POINTS D’ACTION SUR LE TRAIT DE CÔTE

Ils sont choisis en fonction des caractéristiques des secteurs de marais et de la typologie de l’estran

Epaissir la dune Éléments en présence : - mouvement des marées - houle des tempêtes - vent du large sur la dune

Protection actuelle :

- enrochement coté ouest

Risque :

- amaigrissement de la dune - brèches dans ce premier rempart des marais

Intentions : Favoriser la sédimentation et stabiliser la dune par l’intérieur, par les Traicts, et en permettre la plantation : le tombolo boisé.

Etapes de transformations de la dune Éléments en présence : - mouvement des marées - houle des tempêtes - vent du large sur la dune

Protection actuelle :

-digue maçonnée du marais - petite digue promenade de la plage

Risque :

- submersion du marais et des habitations de bord de marais - érosion de la dune - dégradation de la ligne électrique et voie de chemin de fer qui traversent les marais

Intentions : Favoriser la sédimentation par le Traict, créer une digue arrière multi-usages pour la protection des ouvrages et des biens

N

0 102

5km


Des mares dans le marais Éléments en présence :

- mouvement des marées - houle des tempêtes - ruissellement des pluies sur le coteau

Protection actuelle :

-digue maçonnée du marais

Risque :

- pollution du Traict - submersion des marais salants et inondation des habitations au pied du coteau

Intentions : Temporiser les mouvements d’eau, dans le sens de la mer vers la terre, mais aussi de l’écoulement d’eau de pluie vers la mer, par des retenues d’eau entre le coteau et les marais, jouant un rôle épurateur et protecteur.

De la place au bord de l’étier Éléments en présence : - mouvement des marées - houle des tempêtes - envasement

Protection actuelle : - enrochement couronné d’un muret

Risque :

- inondation des habitations dans les quartiers proches de l’étier

Intentions : Accueillir la mer lors des tempêtes et des grandes marées, en adaptant l’urbanisation et en créant de l’espace public : Les quais submersibles.

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EXPERIMENTATION DE GESTION DU LITTORAL Créer des outils pour réagir face à l’incertitude

SEDIMENTER

TEMPORISER

Utiliser les courants marins comme agent actif porteur de particules. Provoquer et accentuer l’effet de dépose des sédiments.

Ralentir le ruissellement des eaux pluviales pour réduire les pollutions et rendre diffus les mélanges d’eau douce et d’eau salée.

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ACCUEILLIR

ANTICIPER

Assurer des espaces résilients à proximité directe du trait de côte pour accueillir les événements tempétueux et faire entrer dans le conscient collectif la présence mouvante de la mer.

Protéger en amont du risque une partie donnée du territoire, en acceptant que l’entre-deux soit plus soumis au risque. Il pourra être le seuil suivant dans l’anticipation de la montée du niveau marin.

Epaissir les traits...

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EXPÉRIMENTATIONS

DES AMARRES POUR ACCROCHER LA DUNE

DES FASCINES POUR CRÉER DES BAULES ET PROTÉGER LA DIGUE

UNE DIGUE ARRIÈRE POUR ANTICIPER L’ÉROSION ET LA SUBMERSION

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107


L’ÉPAISSEUR DU TRAIT ESSAIS LIQUIDES

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Les références d’outils, ailleurs

Une baule devant la digue Le premier élément de réflexion est que la digue ne peut pas fonctionner seule à long terme. Sa durée de vie est même assez courte, tous les 20-30 ans il faut réévaluer sa résistance, sa hauteur.. Si on réfléchit en parallèle la création ou le maintien d’une baule à l’avant de la digue, on réduit sa hauteur et donc son coût. Source : schémas extraits d’une étude anglaise datant du début des années 90 évaluant l’impact de la longueur d’une baule sur la hauteur de la digue. (Technologies for climate change adaptation, UNEP, 2010.)

Favoriser la création d’une baule A l’aide d’une double rangée de pieux entre lesquels on fourre des broussailles (paille, brons, etc.). Les sédiments sont piégés et s’accumulent derrière. La végétation halophile se développe et accélère le processus. Exemple à Nessmersiel : érosion là où le système n’a pas été installé.

Réguler les entrées d’eau Portes automatiques à flotteurs à l’entrée des bondres avec trois positions : - à marée basse : fermée - à marée haute : s’ouvre progressivement - quand le niveau est trop haut (tempête) se ferme de nouveau Ouverture à régler selon les seuils d’entrée d’eau voulus. Source : Articles du magazine «Traict-d’union» de la coopérative de sel, Gilles Dessomme et Armel Jorion-Delbos.

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Interaction entre les éléments La dune principale au Nord est déplantée pour la rendre mobile à la force du vent et des vagues lors des tempêtes, et ainsi aller se déposer sur une zone basse plus au sud, sur la série de piquets implantés là, qui retiennent les particules volatiles. Source : RAAAF [Rietveld Architecture-ArtAffordances] http://www.raaaf.nl/

Le Moteur des sables Une manière de protéger en utilisant les forces naturelles : la dérive littorale emène le sable déposé artificiellement en amont de la zone urbaine à protéger, redéposant des sédiments là où ils sont nécessaires. Source : https://beedbank.nws.nl, Rijkswaterstaat / Joop van Houdt)

Dune récréative La protection n’est pas qu’une protection, ici le renforcement d’une ancienne digue devient un prétexte à un paysage de loisir Source : Bosch Slabbers Landcape - Urban design

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URBANISATION

CONCHYLICULTURE

SALICULTURE

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LA PRESQU’ÎLE MOBILE CONSTRUIRE AVEC L’ÉVOLUTION DU TRAIT DE CÔTE

La gestion fixiste du trait de côte telle qu’elle existe aujourd’hui ne me parait pas approprié face aux connaissances que nous avons aujourd’hui et aux conséquences des événements de tempête qui ont déjà eu lieu sur la presqu’île. Elle répond à des problèmes de court terme et propose des solutions qui ont une faible durée de vie. La posture du projet n’est pas de lutter contre mais de construire avec les dynamiques en présence, réagir selon les mouvements du trait de côte, rendre les activités mobiles, pour ne pas se trouver dans des situations d’abandon des sites mais être dans l’adaptation des activités et aménagements, utiliser des méthodes douces de protection, utiliser les forces naturelles en présence. Le projet présente d’abord un scénario à grande échelle prenant en compte les secteurs touchés en premier par la montée des eaux : les zones basses des marais salants, et les secteurs sensibles comme les points d’entrée d’eau salée dans la presqu’île. Le scénario prend en compte les trois entités qui font l’identité et l’économie de la presqu’île, les figures majeures : l’urbanisation, les marais salants et la conchyliculture, et imagine leur mobilité selon la montée du niveau marin. Les marais salants reculeraient en prenant comme limite les routes qui traversent les marais, qui feraient office de nouvelles digues protectrices. La conchyliculture pourrait se déployer sur de nouveaux secteurs délaissés par la saliculture. L’urbanisation se déconstruirait progressivement sur les secteurs les plus sensibles et trouverait sa place sur le coteau, dont les qualités paysagères compensent la distance de la côte. Ensuite, quatre points d’action clés sont développés dans le projet, des sites sensibles à la montée du niveau marin, qui peuvent faire office de laboratoire, de zone de test pour créer des outils propre au territoire et expérimenter directement sur celui-ci pour faire face à l’incertitude. Ces projets reprennent les outils conceptuels développés auparavant : sédimenter, temporiser, accueillir, anticiper.

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SCÉNARIO À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE

SALICULTURE URBANISATION CONCHYLICULTURE NIVEAU MARIN ACTUEL

Début d’une urbanisation rétro-littorale

Recul des marais salants

Recul de l’urbanisation littorale

Secteur de Sissable, Sibéron et Saline neuve

La route de Berigo fait rempart

MONTÉE DU NIVEAU MARIN

TEMPS 1 114


Recul des marais salants

Secteur de Curusson et Becassier

Développement de la conchyliculture

Urbanisation du coteau

Secteur de Saline Neuve

Recul de l’urbanisation littorale Recul de l’urbanisation littorale La route de Kervalet fait rempart

MONTÉE DU NIVEAU MARIN

TEMPS 2

Développement de la conchyliculture Recul des marais salants

Secteur de Sibéron

Secteur de Beauvais et Grand bal

Marais salants alimentés exclusivement par l’étier du Pouliguen

MONTÉE DU NIVEAU MARIN

TEMPS 3 115


Centre Héliomarin de Pen Bron

Petit Traict

Dune de Pen Bron

Enrochement et promenade

Chenal de Pen Bron

Temps 0

à marée basse et à marée haute

Piège à sédiments en paillis Alignements de mâts

Temps 1

Piéger les sédiments sur le Traict Conchyliculture

Végétalisation de la baule

Ponton de promenade et observatoire

Temps 2

Favoriser la végétation du pied de dune

TN

Boisement de pins

Végétation halophile de pied de dune

Les étages de la sédimentation, de la dune au chenal 116


ACCROCHER LA DUNE à la pointe de Pen Bron

La dune de Pen Bron présente un resserrement dans sa partie sud, où la distance entre la mer et les Traicts n’est plus que de quatre-vingts mètres. Ce site est un bout du monde fascinant, de nombreux promeneurs viennent faire le tour de la pointe, et apercevoir la façade urbaine du Sédimenter Croisic, si proche et pourtant inaccessible. Les courants sur les Traicts sont favorables à la sédimentation, les dispositifs de pièges à sédiments accélèrent ce processus, pour recréer une baule en pied de dune et favoriser son engraissement et sa végétalisation. Le projet donne un squelette à la dune pour attraper les particules mouvantes amenées par les courants, mais aussi par les vents marins. Le paysage se végétalise mais les vues sur l’horizon de l’estran sont conservées grâce au ponton de promenade qui prend place à la limite de la nouvelle dune.

Renforcement de la dune

Cours du chenal déplacé

Temps 3

La dune épaissie

Parcs ostréicoles

Promenade et observatoire 0

117

5

10

20m


118


Une fois que les dispositifs pour piéger les sédiments sont installés, l’accès à l’estran n’est plus possible pour les promeneurs, le temps que la végétation prenne place et stabilise ce nouveau pan de dune. Seul le ballet des ostréiculteurs est désormais permis sur l’estran. Le vaste horizon des Traicts se ferme petit à petit, d’abord les herbacées halophiles, roquette de mer, salicorne, soude maritime, chiendents des sables, puis les arbustes comme l’argousier; La pinède se forme progressivement. La vue sur l’horizon des Traicts reste possible grâce au ponton de promenade qui prend place à la lisière de ce nouveau morceau de dune, et permet d’observer les transformations du tombolo. La houle et le vent venus de l’océan continuent d’éroder la façade ouest de la dune, le jour où l’enrochement cédera, la partie boisée protégera à son tour les marais salants.

119


Voie ferrée

Batz-sur-mer

Ligne éléctrique Marais salants

Plage Valentin

Grand Traict

Vers Le Croisic

Temps 0

à marée basse Digue arrière Alignements de mâts

Temps 1

Créer la digue arrière et les conditions de sédimentation

Les marais sauvages submergés lors des tempêtes

Temps 2bis à marée haute

Vue en plan

Route du Croisic

Ampleur de la dune, de la plage Valentin au

Grand Traict

120

Digue arrière


PRÉPARER LE RECUL DE LA DUNE à la pince du Croisic et de Batz

Le rocher granitique de Batz et celui du Croisic sont reliés par une fine dune, de 130m sur la partie la plus étroite, si bien que la voie ferrée et la ligne électrique doivent passer à travers les marais. Hormis sur sa partie littorale, la dune est préservée de l’urbanisation, elle est Sédimenter Anticiper recouverte de la végétation rase caractéristique des dunes grises. Le perré maçonné qui protègent les marais salants n’est pas en très bon état sur cette portion. Le projet propose de préparer par étapes un recul de la dune, qui est soumise à la montée de l’eau par ses deux faces, nord et sud. D’abord une digue arrière prend place sur une levée d’argile, protégeant une partie seulement des marais salants et les habitations se trouvant derrière, son dimensionnement doit permettre s’en faire un lieu de promenade et d’observation. Des dispositifs de sédimentation sont placés devant cette nouvelle digue, coté Traict. Les réseaux sont relocalisés voire délaissés pour la voie ferrée. Les éléments reprennent alors leurs droits, des baules de sable se créent devant la nouvelle digue, réduisant les chocs de la houle.

Enfrichement du tronçon de voie ferrée

Roches vestiges du perré Conchyliculture

Relocalisation de la ligne électrique

Temps 2

Relocaliser les réseaux, formation des baules à marée basse

Marais maritimes redevenus sauvages

Marais sauvages

Parcs ostréicoles 0

121

20

50

100m


Les efforts de protection des marais salants sont concentrés sur la partie arrière de ceux-ci, avec un nouvel ouvrage conçu en connaissance des prévisions de montée du niveau marin et des effets des tempêtes. Les salines situées juste derrière le perré ne sont plus exploités et s’enfrichent progressivement, créant de nouveaux milieux favorables à l’avifaune. Le perré n’est plus entretenu et cède progressivement aux assauts marins, les vestiges sont, avec les dispositifs de piégeage de sédiments, des obstacles aux courants et permettent la formation de baules. Cette frange est un espace de transition entre terre et mer et permet de protéger le nouvel ouvrage plus en arrière. Les activités s’adaptent aux nouvelles conditions de ce milieu, ce secteur devient favorable à la pêche à pied et la conchyliculture.

122


123


Les tables ostréicoles

Végétation de dune

124

Aster tripolium

Aster maritime

Beta maritima

Bette maritime

Limonuim vulgare

Lavande de mer

Hippophaë rhamnoides

Argousier

Pinus pinaster

Pin maritime

Elles favorisent la sédimentation par deux aspects : en formant un obstacle au courant et grâce à la biodéposition (ingestion et rejet des particules en suspension par les coquillages)


Outils de sédimentation Les deux points d’action de la dune de Pen Bron et de la pince de Batz utilisent la sédimentation comme un moyen de la transformation des paysages. Le secteur de l’estran sur lequel s’applique ces deux projets est favorable à la sédimentation, les courants de retour sont moins fort que ceux de la marée montante. A chaque cycle de marée, les sédiments se déposent. Les méthodes utilisées ont pour objectifs de concentrer les lieux de dépose des sédiments, pour former des baules ou reformer un pied de dune. Le principe est simple, les pièges à sédiment forment des obstacles aux courants, et forcent le dépôt des particules en suspension dans l’eau. L’activité de la conchyliculture est complémentaire à ces dispositifs, grâce à la biodéposition. Les reliefs de sable et de vase ainsi formés sont favorables à l’implantation de plantes halophiles, qui s’étagent selon la fréquence de contact avec l’eau salée. La végétalisation permet de fixer et maintenir les baules et les dunes qui se sont formées.

Piège à sédiments

Plantes de pied de dune

Plantes halophiles

125

Sueda maritima

Soude maritime

Salicorna europae

Salicorne

Halimione portulacoides

Obione faux-pourpier

Cakile maritima

Roquette de mer

Elytrigia juncea

Chiendent des sables

Deux rangées de pieux entre lesquelles sont tressés du paillis permettent de laisser passer l’eau et de retenir les sédiments à marée descendante.


Kerignon Route des marais Marais salants Etier du Grand bal

Saline en friche

Temps 0 Réseau de noues

Urbanisation rétrolittorale implantée sur le coteau

Vasière en friche transformée en bassin dépolluant

Temps 1

Connecter un réseau de noues aux vasières et salines en friche

Montée de la mer lors des tempêtes

Temps 2bis

Les mares jouent un rôle tampon Lors d’une surcote

Vue en plan

Etier

Bassins dépolluants dans les marais

Route des marais

Réseau de mares et de noues, du marais au coteau 126


TEMPORISER LES FLUX D’EAU au pied du coteau de Guérande

Le relief plat des marais salants se soulève doucement en arrivant sur le sillon de Guérande, formant le coteau exposé au sud, que couronne la ville fortifiée du même nom. Les eaux de pluie ruissellent sur ce coteau, elles retrouvent la mer Accueillir Temporiser par les mêmes étiers qui alimentent les marais en eau salée. Le ruissèlement s’accroit avec l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols, augmentant aussi les pollutions néfastes à la conchyliculture et la dulcification : avec la brusque arrivée d’eau douce en quantité la production de sel est rendue difficile après les fortes pluies. Ce coteau accueille dans le projet l’urbanisation rétro-littorale, et les habitants qui sont menacés par la montée du niveau marin. Cette urbanisation prend place dans le réseau de noues et de mares qui sont créées en pied de coteau et sur le marais, pour réduire l’impact de cette occupation du sol sur les flux d’eau et les activités qui en dépendent. Ces bassins protègent de l’urbanisation le pied de coteau, soumis à un risque de submersion, et temporisent la montée de l’eau lors des tempêtes. Réseau de noues

Urbanisation rétrolittorale implantée sur le coteau Mare creusée

Temps 2

Accueillir l’urbanisation rétrolittoral dans la trame de noues

Noue

Nouveaux logements

Nouveaux logements

Noue 0

127

20

50

100m


La route des marais est rendue accessible seulement aux transports doux, pour éviter une pollution de l’eau par les hydrocarbures. Elle devient un véritable lieu de promenade, entre mares d’eau douce et mares d’eau salée. Des canaux et noues transportent l’eau lors des pluies jusque dans les différents bassins où les plantes filtrent progressivement les pollutions, avant que l’eau ne retrouve les étiers et l’estran. Ces bassins ne sont en eau qu’une partie du temps, ils ont aussi le rôle de zone tampon lors des tempêtes, accueillant une partie de la crue avant qu’elle ne touche les zone habitées, évitant des submersions trop importantes.

128


129


Route et stationnements Pontons du port de plaisance Commerces

Temps 0

à marée basse

Promenade haute Place de l’étier

Temps 1

Reprofiler les berges en paliers

Promenade basse submerssible

TN

Berges sauvages

Le profil et la végétalisation des berges, à l’entrée de l’étier 130


ÉLARGIR LES BERGES de l’étier du Pouliguen

L’étier du Pouliguen est le lien entre le littoral et les marais salants. Les habitants de La Baule et du Pouliguen sont venus s’installer au plus près de ce cours d’eau, canalisant ses mouvements par des quais, sur lesquels se sont installés les pontons des Accueillir bateaux de plaisance. Ces quais servent aussi de parking, de voie de circulation, et des commerces s’y sont installés. Le reprofilage des berges permet de créer différents paliers-promenades, qui se trouvent temporairement submergés lors des marées hautes, selon les coefficients de marée. Différents types de végétation s’y installent selon la fréquence du contact à l’eau salée. Le rythme lié à la mer et à son caractère mouvant est ainsi réintroduit dans l’espace public, il est donné à voir par une plateforme surplombant l’étier. Les bâtiments s’adaptent, certains se retrouvent sur pilotis pour laisser passer l’eau de la crue sans atteindre les habitations. Mise en réseau des espaces ouverts

Berges sauvages

pour accueillir les crues

Temps 2

Pérméabilité des rez-dechaussée des bâtiments

Végétaliser les berges à marée basse

Promenade basse

Promenade haute

131

0

5

10

20m


Les berges de l’étier sont élargies pour accueillir les crues et de nouveaux usages; La promenade basse qui est recouverte par la mer lors des marées de gros coefficient, retrouve sur ses bords la végétation caractéristique des étiers. Des plantes halophiles supportant la présence régulière de l’eau salée s’installent, principalement l’obione et la salicorne. La promenade haute reste accessible aux promeneurs la plupart du temps. Elle joue un rôle tampon lors des évènements les plus extrêmes. Sa végétalisation renforce encore ce rôle. Les bâtiments qui bordent l’étier ont vu leurs rez-de-chaussée modifiés pour pouvoir laisser passer l’eau lors des évènements de crues.

132


Accueil de la crue dans les espaces verts mis en réseau

Temps 2

à marée haute

Temps 2 Berges submergées temporairement

Accueillir la crue Lors d’une surcote 133


CARTE DE SYNTHÈSE

avec la montée du niveau marin

134


0

100

250

500m

Accrocher la dune

à la pointe de Pen Bron

0

100

250

500m

Préparer le recul de la dune

à la pince du Croisic et de Batz

0

100

250

500m

Temporiser les flux

au pied du coteau de Guérande

0

100

250

500m

Élargir les berges

de l’étier du Pouliguen

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Conclusion Ce travail est le fruit d’une attirance pour les techniques de gestion de l’eau développées à Guérande et dans les marais salants en général, qui m’a conduit plus ou moins consciemment à m’intéresser à ce territoire. Il est aussi issu d’une fascination pour les éléments naturel, le vent, l’eau ... qui forment les paysages. Mais il est aussi le fruit d’une inquiétude sur le devenir des littoraux, où l’homme a bien trop pris ses aises, et où la mer qui est un objet de fantasme, devient une menace. J’ai pris plaisir à découvrir et comprendre le fonctionnement de ce territoire, surtout avec les acteurs rencontrés sur le terrain, qui portent tous avec leur regard propre, un grand intérêt et une bienveillance pour leur presqu’île. Le projet esquissé ici arrive à un temps donné de la réflexion, il propose des projections, des techniques, un scénario, qui serait à confronter dans un deuxième temps à d’autres acteurs, et d’autres corps de métier. Ce projet ouvre des portes, il parle d’un sujet qui posera à l’avenir de plus en plus de questions, un sujet qu’il faut anticiper sur les littoraux comme la presqu’île de Guérande, qui n’auront pas d’autres choix que d’évoluer, le tout étant d’en faire un projet pour le territoire.

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Glossaire et abréviations

Aléa

: Risque, inconvénient que l'on envisage sans pouvoir l'imaginer avec précision ou le situer avec exactitude dans le temps

ASA : Association Syndicale Autorisée, sur le marais il s’agit du syndicat des digues qui a la gestion des ouvrages de protection du marais

Baule : Partie de sable et de vase correspondant au schorre. Bondre : Canal affluent d’un étier dans les marais salant, rempli d'eau de mer uniquement aux vives-eaux.

Estran : Zone maritime tantôt couverte et tantôt découverte par la marée Etier : Canal faisant communiquer un marais littoral avec la mer à marée haute.

GeMAPI : GEstion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations MAPAM : Modernisation de l’Action Publique territoriale et d’Affirmation des Métropoles

Morte-eau : Marée la plus faible, celle du premier et du dernier quartier de la lune, terme généralisé à la période de ces marées.

Œillet

: Bassin rectangulaire à fond bombé qui constitue l’unité de production de sel

Paludier : Exploitant agricole récoltant du sel dans les marais salants. PAPI : Plan d’Action pour la Protection contre les Inondations PEAN : Périmètre de protection des Espaces Agricoles et Naturels PPRL : Plan de Prévention des Risques Littoraux Ramsar

: Convention relative aux zones humides d'importance internationale, signée en Iran à Ramsar

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Saline : ensemble des bassins d’évaporation et de récolte du sel Slikke :

Partie de l’estran située en aval des vasières du littoral, inondée à chaque marée haute.

Schorre : Partie haute de la zone vaseuse du littoral, submergée

seulement aux grandes marées, où pousse une végétation herbacée qui fixe partiellement la vase.

SCOT : Schéma de COhérence Territoriale Tombolo :

Cordon littoral, constitué de sable ou de galets, reliant une île à la côte

Trait de côte

: Ligne qui marque la limite jusqu'à laquelle peuvent parvenir les eaux marines; c'est-à-dire la limite la plus extrême qu’elles puissent atteindre, soit du jet de rive lors des fortes tempêtes survenant aux plus hautes mers de vives eaux. Elle est définie par le bord de l'eau calme lors des plus hautes mers possibles.

Traict

: Vaste lagune recouverte par la mer au gré des marées, d'où provient l'eau de mer qui sera acheminée par gravité dans les salines. Le terme semble spécifique à la presqu’île Guérande, on le retrouve pour le bassin du Mes au nord des marais de Guérande.

Vasière : Bassin dans les marais servant de réserve d’eau salée, remplie par le paludier tout les quinze jours environ, lors des marées de vives-eaux.

Vive-eau

: Marée de nouvelle ou de pleine lune pendant laquelle le marnage est maximal, terme généralisé à la période de ces marées.

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Bibliographie OUVRAGES ●- Villes inondables, sous la dir. de Jean-Jacques TERRIN. ed parenthèses, 2015 - Les littoraux, impact des aménagements sur leur évolution, Roland PASKOFF, 1990 - Et si le littoral allait jusqu’à la mer ! La politique du littoral sous la Ve République, Alain MERCKELBAGH, ed. Quae, 2009 - Jardins élémentaires, Michel DESVIGNE, texte de Gilles A. TIBERGHIEN, éditions Carte Segrete, 1988 - Marais salants. Connaissances des richesses naturelles de la Loire-Atlantique, Les bas-pays Guérandais et leur environnement géographique, Jacques GRAS, BSSNO - Guérande au Moyen âge, Guérande, Le Croisic, le pays guérandais du milieu du XIVe au milieu du XVIe siècle, Alain GALLICÉ, 2003, 420p.

ARTICLES - Dossier : Littoral : Protéger terres et mer, Diagonal n°184, février 2012 - Dossier : Vulnérabilité et résilience urbaines, Urbanisme n°395, hiver 2014 - Le marais de Guérande, bien commun des paludiers, Frédérique D’ANDRIMONT, Etudes foncières, n°87, 2006 - Série d’articles de Gilles DESSOMME et Armel JORION-DELBOS dans « Traict d’union » magazine de la Coopérative de Sel, 20142015

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- Le site classé des marais salants de Guérande à l’épreuve de Xynthia, Gildas BURON, Les Cahiers du pays de Guérande n°50, 2010 - Les marais salants de la presqu’île Guérandaise : de l’hydrosystème à l’anthropo-système, André OLIVAUX, Les Cahiers du pays de Guérande n°45, 2005/2006

TPFE - Au risque de l’eau, rendons-nous mobile, Solène LERAY - 2008 - Instabilité programmée au bout du monde, en baie d’Audierne, Arthur AZAGURY - 2013 - La grande Motte, le paysage du repli, Albine JAUBERT - 2014 - Habiter la mer, Anaïs CHANON – 2014

PROJECTION / CONFÉRENCE - Festival « Avec vues » L’Armorique dilapidée DE RONAN QUÉMÉRÉ. FRANCE. 1971. 20min, cinématèque de Bretagne Soudain, la Grande Motte DE JULIEN DONADA. FRANCE. 2008. 22min, petit à petit productions Pick-up DE LUCIA SANCHEZ. FRANCE. 2005. 36min local films

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Merci À Matthieu Picot pour son encadrement et son enthousiasme dans le projet À Servane Gueben-Venière, Solène Leray, Patrick Moquay, et Nadia

Sanz-Casas de leur intérêt pour mon travail et leur participation au jury de ma soutenance

A Laurence Robert, Jacques Boulet, Mathieu Gontier et Bruno Tanant,

pour leur écoute et leurs retours lors des prés-jury Aux habitants, paludiers, et autres passionnés de Guérande qui ont pris le temps de me rencontrer et de partager leur savoir et leur travail : Laurence Dupont, Clément

Mahé, Benjamin Lecoldroch, Gérard Pain, Odile et Dominique Chedemois, Mireille Bourdon, Jean-Paul Declercq, Laurent Boulo, Gilles Dessomme, et tous ceux croisés au détour d’une balade À Luc et Jocelyne de m’avoir si bien accueilli, au coeur du marais À Camille et Marie pour leur présence et nos discussions lors de mes passages nantais

À Alexandre, pour les précieux conseils qui tombent à point nommé À Baptiste Sanson pour les livres découverts au hasard de ta bibliothèque À Cyprien pour la bonne humeur et les goûters À ma précieuse relectrice, merci maman (et pour tout le reste aussi) Aux copains d’atelier, Andréa, Camille, Cécile, Clémentine, Sophie,

Alexis, Loïc, Rémi : love guimauve, et à toute la promo, on s’est bien marré ces quatre années A Solène, de m’avoir suppportée À Kathleen, outre-Atlantique

À Baptiste.


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