À LA QUÊTE D’UNE TEMPORALITÉ EN SUSPEND LE CIMETIÈRE DE LA MISÉRICORDE
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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier :
Maëlle Tessier, Arnaud Ledu, Marie Rolland, pour leur disponibilité, leurs encouragements, et la justesse de leurs corrections. Tangui Robert, Rémy Jacquier, Carole Quentin, Victor Leroy, Paul Chenneberg, Alexandre Koutchevsky, pour leurs interventions et leur aide tout au long du semestre. L’ensemble des étudiants de l’option et particulièrement mes camarades de PFE Clara Bergia, Célia Chevalier, Etienne Fruneau, Benoît Giard, Charline Larroze, Laura Leborgne, Paul-Gilles Massard, Zoë Rouillard, Mohamed Sairi - pour la richesse de nos échanges, nos fous-rires et nous coups de blues pendant ces 5 mois (et ces cinq années pour certains). Ester Pineau, pour ses précieux conseils et son amitié. Gaëlle Hérault, pour nos 23 ans d’amitié et notre passion commune pour l’architecture. Mes parents, pour leur soutien et leur confiance inébranlables durant mes presque 9 ans d’études. Ma soeur, Marion et mon frère, Paul, pour notre complicité, nos discussions interminables et leur présence à mes côtés quoiqu’il arrive. Merci.
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«Ne prenez pas trop la vie au sérieux, vous n’en sortirez pas vivant»
Michel Ragon
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AVANT-PROPOS
Il peut paraître ambitieux, voire prétentieux, de s’attaquer à un sujet aussi sensible que celui du territoire des morts, les cimetières relevant à la fois de la religion, de la sensibilité propre de chacun, de la loi, de l’art... Je ne prétends donc pas à travers cette étude vous donner à lire une recherche complète sur l’histoire de la mort et des cimetières depuis nos origines, le but n’étant pas non plus celui-ci. Je me suis plutôt attachée à livrer une brève introduction, à poser les jalons essentiels à la compréhension du projet qui va suivre. L’ampleur du sujet invite donc tous ceux qui y trouveraient comme moi, un intérêt, à creuser, à multiplier les lectures et à mettre de côté nos possibles à priori. Pour beaucoup d’étudiants en architecture, le projet de fin d’études prend des allures de manifeste, dont le choix du sujet est mûrit depuis longue date et dont les expériences ont été pensées dans une même lignée au cours des ans. Ce n’est pas le cas du travail mené ici. Quand on me demandait au mois de septembre quel sujet j’avais choisi pour mon diplôme, je pouvais lire à ma réponse, la surprise sur le visage de mes interlocuteurs. C’est à ce moment que j’ai pris conscience de l’importance d’entamer cette réflexion. Ce sujet n’émerge donc pas d’une passion des cimetières à laquelle j’aurais consacré de nombreux travaux mais plutôt d’une curiosité, ellemême née d’un constat : celui d’un territoire oublié de la ville, nié par ses habitants, que la tradition a figé, comme lieu sacralisé et intouchable dans la pensée collective. C’est bien ce constat d’un malaise général dans notre société face à ces lieux qui existent depuis toujours, et pourtant si souvent ignorés au quotidien, qui m’amène ici aujourd’hui. Cette réflexion comme j’ai pu le dire est apparue récemment, sans aucun lien avec mes travaux précédents et sans que je sache vraiment pourquoi je m’y intéresse si soudainement. Cependant j’ai appris pendant les interventions de phénoménologie, données ce semestre par Carole Quentin, que «le commencement est déjà entamé par quelque chose qui précède. Il y a déjà des strates inconscientes en nous, recouvertes d’un héritage culturel». Je ne saurais donc pas vous expliquer encore quelles sont ces strates qui m’ont amenées au choix de ce sujet, malgré tout, mon intuition m’a guidée jusqu’ici et c’est aussi ce que les enseignements délivrés dans ce studio nous ont appris ce semestre : savoir faire confiance à nos intuitions. Je termine donc avec plaisir mon parcours à l’école d’architecture dans l’atelier Perception, Architecture et Paysage, qui fait écho aux intérêts et expériences que j’ai pu mener au cours de ces cinq années, au travers notamment d’une grande préoccupation pour l’existant, et pour des lieux ou des paysages quotidiens oubliés. Les cimetières, j’en suis intimement convaincue, sont des sites de projet pertinents pour les architectes car ils ne sont que rarement requestionnés, et font encore moins souvent l’objet d’un aménagement pensé pour ceux qui les fréquentent.
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SOMMAIRE
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AVANT-PROPOS
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INTRODUCTION
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BRÈVE HISTOIRE DE LA MORT D’HIER À AUJOURD’HUI
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LES CIMETIÈRES EN CRISE COMME SOURCE DE PROJET la mort «objet d’interdit» sécularisation de la société et diminution des pratiquants délégation de la mort des cimetières arrivés à saturation des pratiques funéraires en évolution
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN les cimetières nantais et la ville la Miséricorde, une ville dans la ville un espace-temps en suspend
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APPRIVOISER LE CIMETIÈRE l’entrée de la rue du Bourget l’entrée de la rue de la Pelleterie le mur d’enceinte le mur du souvenir les dents creuses
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CONCLUSION
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MÉDIAGRAPHIE
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BIBLIOGRAPHIE
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INTRODUCTION
Froid, rigide, austère, intimidant, mais aussi emprunt de poésie, de nostalgie et de silence, le cimetière à la fois repousse et intrigue. Abrité derrière ses hauts murs, on n’en perçoit rien. Il se cache, maintenant son intimité. Efficient dans son organisation, chaque espace est optimisé, transformant chaque recueillement en une expédition pour les vivants : on accède difficilement à la tombe que l’on souhaite visiter; on glisse, manquant de tomber sur une tombe voisine, on s’excuse; on souhaite rester un temps, s’asseoir, mais le manque de place nous fait vite rebrousser chemin; on décide alors de nettoyer un peu... La bienséance fait qu’on n’ose ni y rire, ni vraiment y parler. Pourquoi ressentons-nous si souvent ce sentiment de malaise dans un cimetière ? Pourquoi sommes-nous si nombreux à ignorer ces espaces, à rechigner à l’idée d’y aller ? Pourquoi sont-ils si fortement méprisés ? En tant que future architecte, ce sont ces premières questions qui ont orienté mes recherches. La première réponse est évidente, le cimetière symbolise la mort, la dernière étape d’un deuil et pour mieux passer à autre chose, on y retourne peu, préférant l’ éviter un temps. Cependant, si l’on se détache de cette symbolique qui nous aveugle au quotidien, et si l’on analyse les lieux objectivement, on prend conscience qu’ils établissent un lien particulier aux territoires dans lesquels ils s’implantent. Entouré par un mur de 4m de haut coupant tout rapport, ne serait-ce que visuel entre l’intérieur et l’extérieur, le cimetière représente une enclave en ville, une rupture de l’urbanisation. Il procède à un effacement progressif de la mort de l’espace public. Un lieu hors la ville, alors même que bien souvent il se trouve en son cœur. Le paradoxe que je questionne ici c’est ce monde des morts si peu avenant pour les vivants qui le fréquentent sous la contrainte et donc le cimetière non pas comme seul territoire des morts mais pour les liens qu’il entretient ou non avec la ville. Face à des constats tels que le déni de la mort dans nos sociétés occidentales, l’évolution des pratiques funéraires, ou encore la saturation des cimetières, il convient de penser un renouveau des pratiques funéraires et les lieux contemporains du deuil mais il est nécessaire également d’intégrer ces lieux dans une quotidienneté. Je me questionne alors sur leur situation dans le tissu urbain et les usages qui leur sont attribués. Alors comment requestionner la place et les usages des cimetières urbains dans la ville d’aujourd’hui ? Comment peut-on repenser les cimetières urbains existants face au regard que l’on porte actuellement sur la mort ? Mais surtout comment peut-on apprivoiser, rendre familier le cimetière pour les vivants ? Ce carnet invite à la réflexion sur la mutation des cimetières et tente de décrire les usages d’un lieu «hors-la-ville», enclavé, afin de faire émerger les enjeux de ce territoire.
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J’introduis cette analyse par une brève histoire de la mort et des cimetières d’hier à aujourd’hui, suivi d’un constat sur les évolutions sociétales concernant les cimetières dans nos villes. Cette série d’éléments vise à poser les bases de ma réflexion et me semble nécessaire à la compréhension du projet. Je vous invite par la suite, à la découverte du cimetière de la Miséricorde en centre-ville de Nantes, à proximité de la place Viarme. Connu comme le plus grand cimetière urbain de la ville et appelé «le Père Lachaise Nantais» pour les célébrités qui y reposent; ce cimetière a des airs de jardins à la française. Il sera le support du projet développé ici. Je finis par une ouverture projectuelle sur les premières pistes de projet explorées ce semestre et les grands enjeux qui ont émergé.
Bonne lecture.
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Š Arnaud Ledu
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BRÈVE HISTOIRE DE LA MORT D’HIER À AUJOURD’HUI
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BRÈVE HISTOIRE DE LA MORT D’HIER À AUJOURD’HUI
CIMETIÈRE 1
du latin cimiterium, « lieu pour dormir, dortoir » aussi appelé «champ du repos»
«Terrain généralement béni, le plus souvent clos de murs, dans lequel on enterre les morts. Terrain où l’on entasse des engins hors d’usage.»
Le culte des morts est défini comme étant une caractéristique propre aux êtres humains, qui a évolué aux cours du temps, suivant les sociétés et leur conception de la mort. Les premières inhumations commencent à la Préhistoire, ce qui nous permet aujourd’hui de pouvoi dater ces époques. Michel Ragon explique qu’en aucun cas ces esquisses de tombes n’ont été motivées par une question de salubrité, étant donné que l’espace de la mort à cette époque ne pouvait contraindre l’espace de la vie, tant la surface non occupée était immense. À cette époque, les vivants avaient peur que les morts ressuscitent, alors certains abandonnaient les cadavres aux animaux, quand d’autres pratiquaient le cannibalisme ou embaumaient le corps du défunt. L’incinération a elle, joué un rôle plus important dans l’histoire, davantage utilisée que n’importe quelle autre pratique. La mort a cependant toujours été considérée par l’Homme comme la séparation physique entre le corps et l’âme. Michel Ragon écrit «L’horreur du cadavre en décomposition est une constante dans toutes les civilisations qui conduisit au rite du deuil des survivants»2. Faire disparaître un corps en décomposition est donc la première inquiétude de l’Homme, quand il pense que l’âme échappée du corps, perdure sans cette enveloppe charnelle. Pendant l’Antiquité, cette peur des morts est toujours présente, ils sont tenus à distance, enterrés à l’écart des villes, le long des routes pour que les sépultures soient honorées régulièrement, empêchant les morts de venir troubler les vivants. Au Moyen-Âge, la mort est familière et quotidienne, elle est banale, considérée comme une étape de la vie. C’est ce que Philippe Ariès appelle «la mort apprivoisée» dans le premier chapitre de son ouvrage Essai sur l’histoire de la mort en Occident. La religion catholique, très présente, dans le quotidien des habitants, parle de résurrection, de vie après la mort, pour les «bons» croyants. Les vivants veulent alors être enterrés au plus près de Dieu, dans les églises ou autour de celles-ci. Le cimetière désigne alors la partie extérieure de l’église. L’intérêt est alors seulement porté sur l’âme, et le corps est délaissé. Ainsi, il n’était pas rare de voir les os affleurer à la surface, les corps étant enterrés en pleine terre. De même, regrouper tous les ossements ensemble, sans distinction entre les corps, pour faire de la place aux nouveaux arrivants, était chose habituelle. Le cimetière revêt aussi à cette époque le rôle de lieux publics, il devient un lieu d’asile, de refuge, lieu de rencontre et de réunion. On pouvait y trouver marchands, musiciens, danseurs, jongleurs, prostituées... Le rapprochement entre vivants et morts n’est alors pas gênant, les uns vivant parmi les autres.
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«Selon le mot d’un historien des droits funéraires au Moyen Age, Bernard, le cimetière était «l’endroit le plus bruissant, le plus affairé, le plus turbulent, le plus commerçant de l’agglomération rurale ou urbaine.» L’église était la «maison commune»; le cimetière l’espace ouvert, également commun, à une époque où il n’y avait pas d’autres lieux publics, sinon la rue, pas d’autre lieu de rencontre, tant les maisons étaient en général petites et surpeuplées». 3
À partir du XIème et XIIème siècle, apparaît avec la représentation du jugement dernier, la manifestation de «la pesée des âmes». La mort devient le moment où s’opère le bilan d’une vie, et le passage vers le paradis ou l’enfer. La mort se personnalise peu à peu. Dans cette optique, on voit apparaître des sépultures familiales, renaître un besoin d’identifier le lieu de sépulture et la mémoire du défunt (pratique déjà observée à l’Antiquité mais peu à peu disparue). L’art funéraire évolue vers une personnalisation des lieux de sépultures avec l’apparition d’inscriptions funéraires, l’installation de plaques dans les églises («ci-gît, ...), la réalisation de tombes...
Le Jugement dernier, triptyque de Jérôme Bosch, après 1482
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CNRTL, centre national de ressources textuelles et lexicales L’Espace de la mort, Essai sur l’architecture, la décoration et l’urbanisme funéraire, Michel RAGON, 1981, Albin Michel L’Homme devant la mort, Philippe ARIÈS, 1985, Edition du Seuil
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BRÈVE HISTOIRE DE LA MORT D’HIER À AUJOURD’HUI
À partir du XVème siècle, la mort apparaît comme une rupture, elle prend un sens romantique et tragique. Elle reste familière, mais elle est comme l’acte sexuel, «considérée comme une transgression qui arrache l’homme à sa vie quotidienne, à sa société raisonnable, à son travail monotone, pour le soumettre à un paroxysme et le jeter alors dans un monde irrationnel, violent et cruel» 1 . Montrer des émotions est désormais toléré, et l’on accepte plus difficilement la disparition et l’absence d’un être cher. Jusqu’alors, on a vu que la mort est considérée comme un fait social, partagé avec tous. On accorde un grand intérêt au futur de l’âme. Un changement va s’opérer au XVIIIème siècle, le corps prend une portée symbolique. On honore la mémoire des défunts, on entretient le souvenir et on se rend plus souvent sur les tombes pour visiter les morts. On parle de mémoire mais aussi de patrimoine. Ce siècle voit émerger sous l’influence des Lumières, les premières pensées hygiénistes : circulation de l’air, de la lumière, de l’eau sont au cœur des réflexions. Elles se traduisent entre autre par un nouveau rejet des morts hors de la ville. En 1776, l’Édit de Mars décide le déplacement des cimetières des centre-villes vers la périphérie urbaine. «Le culte moderne des morts est un culte du souvenir attaché au corps, à l’apparence corporelle.[...] Assimilé aussi bien par les églises chrétiennes que par les matérialismes athées, le culte des morts est devenu aujourd’hui la seule manifestation religieuse commune aux incroyants et aux croyants de toutes les confessions. Il est né dans le Monde des Lumières, il s’est développé dans le monde des techniques industrielles, peu favorable à l’expression religieuse, et pourtant il a été si bien naturalisé qu’on a oublié ses origines récentes »
Le culte des tombeaux et les cimetières tels qu’on les connaît aujourd’hui prennent racine au XIXème siècle. La mort n’est plus acceptée : une forme d’intolérance naît et l’expression de la douleur n’est plus cachée par les vivants. Les cimetières sous l’effet de l’étalement urbain, sont rattrapés par la ville. Cependant, ils sont phagocytés sans intégration au nouveau tissu urbain.
« On disait au XVIIIème siècle, : pas de villes avec des cimetières. On dira à la fin du XIXème siècle : pas de cités sans cimetières.»2
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Essai sur l’histoire de la mort en Occident, Du Moyen-âge à nos jours, Philippe ARIÈS, 1975, Édition du Seuil
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Cimetière des Innocents à Paris vers 1550 gravure de Hoffbauer (fin XIXème siècle)
Place du marché des Innocents à Paris, à l’emplacement du cimetière vers 1850 gravure de Hoffbauer (fin XIXème siècle)
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CIMETIÈRES EN CRISE la mort «objet d’interdit» sécularisation de la société et diminution des pratiquants délégation de la mort des cimetières arrivés à saturation pratiques funéraires en évolution
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CIMETIÈRES EN CRISE la mort, «objet d’interdit»
«La mort, si présente autrefois, tant elle était familière, va s’effacer et disparaitre. Elle devient honteuse et objet d’interdit.» 1 Le culte des morts, récemment apparu dans nos sociétés, comme nous avons pu le voir précédemment, est une pratique bien présente dans nos vies, cependant le rapport que l’on entretient à la mort aujourd’hui a profondément changé. C’est ce que Philippe Ariès appelle la «mort inversée»2. Il explique qu’elle est devenue «objet d’interdit» au cours du temps. Si familière il y a quelques siècles, car vécue au quotidien, elle va, face à l’avancée de la médecine, disparaître de nos vies quotidiennes et devenir anormale. On assiste globalement à une négation de la mort, à un déni total de son existence. Céline Lafontaine écrit dans son ouvrage que «L’histoire de la mort en Occident est celle d’une dissolution. Si la mort en elle-même est évidemment bien loin de disparaître, on assiste à son effacement progressif de l’espace public, à sa désymbolisation»3. On parle alors de «mise à mort de la mort»4. À l’Époque, la mort était publique, «apprivoisée», pour reprendre le terme de Philippe Ariès, on venait se recueillir dans la chambre du défunt, lui rendre un dernier hommage. On ne mourait pas seul, il s’agissait d’un moment public, collectif. Le mourant était maître de son testament, de sa mort, la sentant venir et l’acceptant. À partir du XIXème siècle, c’est la famille que le médecin avertit et non plus le mourant, on lui cache sa mort prochaine. Là encore Philippe Ariès écrit que «la peur de la mort n’explique pas le renoncement du mourant à sa propre mort. C’est encore dans l’histoire de la famille qu’il faut chercher l’explication»5. Quand la mort en elle-même était quelque chose que l’on gérait seul avant, - le testament représentant une marque de défiance envers sa propre famille à l’époque -, elle est vite devenue une étape privée mais partagée avec la famille, le sentiment d’affection familiale étant plus fort. Au cours des siècles, on passe d’une relation de méfiance à celle de confiance totale du mourant envers sa famille. Cependant le malade ou la personne mourante, est défait alors de sa liberté, de sa capacité à faire, à décider... Il est assimilé à un enfant, dont la responsabilité est donnée à la famille. On parle aujourd’hui de discrétion, de dignité du mourant face à la mort. Le pouvoir médical a également pris plus d’importance car aujourd’hui, on meurt principalement à l’hôpital (à Nantes, plus de la moitié des décès ont lieu à l’hôpital), on parle de médicalisation intensive de la mort. Certains auteurs parlent d’une «manière acceptable de faire face à la mort»6, («acceptable style of facing death») : tout en niant une quelque conque acceptation ou reconnaissance de la mort comme fait inéluctable, le mourant doit pour autant tout faire pour que sa mort soit plus facilement acceptable par les vivants. Elle doit être la moins bruyante,
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la moins émotive, la moins visible, la moins dramatique possible. Cette négation de la mort naît aussi d’un refus du vieillissement né d’une représentation dominante dans nos sociétés aujourd’hui, celle d’un corps en bonne santé, jeune et vif. « Il importe avant tout que la société, le voisinage, les amis, les collègues, les enfants s’aperçoivent le moins possible que la mort a passé. [...] On n’a le droit de pleurer que si personne ne vous voit, ni ne vous entend : le deuil solitaire et honteux est la seule ressource.»7
«La bienséance interdit désormais toute référence à la mort. C’est morbide, on parle comme si elle n’existait pas» 8 Geoffrey Gorer, anthropologue et auteur anglais, a écrit un article, Pronography of death, sur le refus moderne du deuil et sur ses effets, où il explique que les guerres mondiales ont été des facteurs importants d’évolution dans la perte de cette tradition du deuil, à cause du nombre de morts. On assiste à la perte de tout signe extérieur traduisant ce deuil : on ne s’habille plus en noir pendant la période de deuil. Paradoxalement, c’est au moment où la personne endeuillée a le plus besoin d’aide, que la société se retire. DEUIL9
du latin dolium, « douleur, chagrin »
«À propos de la mort d’une personne. Douleur, affliction, profonde tristesse que l’on
éprouve à la suite de la mort de quelqu’un. Marques extérieures de cette douleur, réglées par l’usage. Ensemble des signes extérieures liés à la mort d’un proche.»
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Essai sur l’histoire de la mort en Occident, Du Moyen-âge à nos jours, Philippe ARIÈS, 1975, Édition du Seuil La société postmortelle, Céline LAFONTAINE, 2008, Édition du Seuil CNRTL, centre national de ressources textuelles et lexicales
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CIMETIÈRES EN CRISE sécularisation de la société et diminution des pratiquants
Depuis plusieurs décennies, on assiste à une sécularisation de la société, et à une diminution du nombre de pratiquants. La sécularisation de la société n’est bien évidemment pas nouvelle, elle commence avec la séparation de l’Église et de l’État en 1905. Cela signifie plus globalement que la religion se retire de l’espace public. Philippe Ariès explique que «le culte des morts est devenu aujourd’hui la seule manifestation [...] commune aux incroyants et aux croyants de toutes les confessions»1. Céline Lafontaine illustre cela dans son ouvrage en précisant que cette sécularisation de la société n’entraîne en aucun cas une disparition des rituels mais «une remise en cause des formes traditionnelles»2. Le CREDOC, Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie, dans une analyse de 2005 appuie cette observation : «Dans une société où les valeurs collectives semblent céder le pas à des expressions plus personnelles, les familles souhaitent perpétuer une relation intime avec le défunt. La tombe est perçue comme le sanctuaire de cette relation, véhiculant l’image du défunt ou l’amour qu’on lui porte» 3 . Céline Lafontaine insiste aussi sur le fait que les besoins individuels passent dorénavant avant la tradition et la religion. On assiste donc à une individualisation de la société, marquée comme on a pu le dire auparavant par cette recherche d’un corps toujours plus jeune et par le rejet de la contrainte que peut être la tradition et la religion. L’abandon de pratiques traditionnelles marque un passage vers des rituels plus personnalisés, plus libres, davantage à l’image du défunt, c’est l’expression d’une individualité qui compte davantage. La religion s’efface progressivement, elle n’est plus une marque d’appartenance commune, comme pourrait l’être le pays, la région, le métier... La foi est devenue quelque chose de privé qui a lieu dans des espaces plus intimes (chez soi, dans un lieu de culte). Mais il ne s’agit pas seulement d’une privatisation de la pratique religieuse mais de son effacement, de sa lente disparition; les statistiques et les sondages le montrent (que les chiffres soient justes ou pas, la tendance existe réellement).
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Essai sur l’histoire de la mort en Occident, Du Moyen-âge à nos jours, Philippe ARIÈS, 1975, Édition du Seuil La société postmortelle, Céline LAFONTAINE, 2008, Édition du Seuil À la Toussaint, 51% des Français de plus de 40 ans se rendent au cimetière, Nicolas FAUCONNIER, 2005, CREDOC pewforum.org, centre de recherche américain qui fournit des statistiques et des informations sociales
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D’après pewforum.org4, organisme de statistiques «Religion & Public Life», en 2050, environ 44,1% de la population sera athée, contre 28% en 2010. À l’inverse le nombre de chrétiens devrait diminuer d’environ 20%, passant d’une population majoritairement chrétienne avec 63% en 2010 à 43,1%. Source : The future of Worlds Religions : Population Growth Projection, 2010-2020 http://www.pewforum.org/
2010 2020 2050 63% 58,1%
44,1% 31,9%
43,1% 10,9%
RELIGION P R A T I Q U E S
Bouddhistes
inhumation crémation exhumation
8,3%
28% <1%
<1%
<1%
7,5%
Chrétiens
Hindous
Juifs
Musulmans
Non affilié
CATHOLIQUES inhumation crémation exhumation
inhumation crémation exhumation
inhumation
inhumation
inhumation crémation exhumation
<1%
Autres religions
ORTHODOXES inhumations exhumations PROTESTANTS inhumation crémation exhumation
Projection de l’évolution des croyances entre 2010 et 2050 dans le monde
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CIMETIÈRES EN CRISE
des pratiques funéraires en évolution
Le traitement des cadavres lui-même est influencé par cette individualisation dont on a parlé dans les pages précédentes. L’inhumation a perdu son monopole pour laisser une grande place à la crémation, de plus en plus populaire. Céline Lafontaine explique qu’il s’agit d’un «processus de désocialisation de la mort au profit d’une privatisation des pratiques funéraires»1, avec un repliement sur la sphère intime : aspect expéditif, rationnel, liberté de dispersion des cendres... «Le facteur le plus discriminant est la pratique d’une religion. Les pratiquants ne sont que 34% à souhaiter une crémation contre 51% des non-pratiquants et 72% des noncroyants.»2
63% 63% 58,1% 58,1% 43,1% 43,1%
<1% <1% ddhistes ddhistes
Chrétiens Chrétiens
En dehors deSource ce : The rapprochement entre individualisation de la société et évolution 1% future of Worlds Religions : Population Growth 2010-2020 1% Source : The futureProjection, of Worlds Religions : 1980 des pratiquesPopulation funéraires, on remarque que cette volonté de changement est aussi http://www.pewforum.org/ Growth Projection, 2010-2020 1980 http://www.pewforum.org/ motivée par des pensées environnementales. En effet, inhumation et crémation, 2010 sont les seules pratiques funéraires légales en France, et bien que la crémation soit 2010 2020 2020 2050 en évolution ces dernières décennies avec un taux d’environ 30% en France, elles 2050 restent toutes deux extrêmement polluantes. Alors que les villes se tournent de 44,1% plus en plus vers 44,1% un zéro pesticide permettant un retour d’une certaine biodiversité dans les cimetières, nos sociétés s’intéressent aussi de plus en plus à des pratiques 31,9% 1% Source : The future of Worlds Religions : 31,9% Population Growth Projection, 2010-2020 1980 alternatives, telles que l’humusation, l’aquamation ou la promession (voir p 24), qui 10,9% http://www.pewforum.org/ 28% 17% 10,9% 8,3% 28% <1% <1% <1% ne sont 7,5% pas encore légalisées en France. L’évolution de nos pratiques2000 va même jusqu’à 17% 8,3% <1% 2010 <1% <1% 7,5% 2000 Hindous Juifs la dématérialisation Autres Musulmans Non affilié 2020 et la virtualisation des cimetières sous forme d’applications à religions Hindous Juifs Autres Musulmans Non affilié 2050 religions télécharger sur son téléphone, permettant de «se recueillir».
CATHOLIQUES inhumation umation inhumation inhumation CATHOLIQUES 44,1% crémation mation crémation inhumation mation inhumation inhumation exhumation umation exhumation crémation mation crémation exhumation umation exhumation re of Worlds Religions : 31,9% ORTHODOXES h Projection, 2010-2020 inhumations ://www.pewforum.org/ ORTHODOXES 10,9% 28% inhumations exhumations 8,3% <1% <1% 7,5% 2010 exhumations PROTESTANTS 2020 inhumation Juifs Autres Musulmans Non affilié PROTESTANTS 2050 crémation religions inhumation exhumation crémation exhumation
humation
inhumation
inhumation inhumation
inhumation crémation inhumation exhumation crémation 1% exhumation
1980
17% 2000
inhumation crémation exhumation
34% 34% 2015 2015
Évolution de la crémation en France depuis 1980 Évolution de crémation en France depuis 1980 1980 : association crématiste Évolution delalaSource crémation ennationale France depuis Source : association nationale crématiste
17% 2000
<1%
34% 2015
Autres religions
49% 49% 2015 2015
Évolution de la crémation en France depuis 1980 Source : association nationale crématistePartTaux de la Nantes en 2015 decrémation crémation à àNantes en 2017 1
La société postmortelle, Céline LAFONTAINE, 2008, Édition du Seuil 34% 2015 49% 2015
Évolution de la crémation en France depuis 1980 Source : association nationale crématiste
Taux de crémation Nantescrématiste en 2017 Source : association à nationale Source : association nationale crématiste
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Application Rip Cemetery «RipCemetery est né du désir de rester proche de vos proches disparus à tout moment. Cette application web et mobile gratuite est une communauté sociale en ligne qui rassemble des personnes pour célébrer la vie et la mémoire d’un être cher, voire d’un animal de compagnie. Le premier cimetière virtuel au monde, permet aux utilisateurs de se réunir dans un espace en ligne privé et intime pour partager leurs sentiments, laisser un cadeau ou une dédicace et partager des photos.»
Pratique de l’humusation en voie de légalisation en Belgique
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CIMETIÈRES EN CRISE
des pratiques funéraires en évolution
pratiques légales en France
INHUMATION 1300 à 7000€*
CRÉMATION 1500 à 7000€*
cercueil > 500€ monument > 3000€ concession 15ans = 500€ concession 30ans = 1000€
99€ < urne < 500€ concession 15ans = 400€ concession 30ans = 800€
2m2
0,16m2
INHUMATION = mise en terre soit
CRÉMATION = technique funéraire
en pleine terre, soit dans un caveau, dans un cimetière par les employés des pompes funèbres. Le cercueil et le corps émettent des pollutions invisibles (bois traités, colles, solvants, vêtements, prothèses, traitements médicaux...). La décomposition du corps est lente et pose des problèmes de saturation des cimetières.
visant à brûler et réduire en cendres le corps d’un être humain mort. Les cendres peuvent être conservées dans une urne ou dispersées dans un lieu (un jardin du souvenir). Le corps est placé dans un cercueil et celuici dans un four crématoire chauffé à 850 °C ou plus. La crémation dure environ 1h30. Certaines fumées non filtrées sont polluantes. L’énergie de combustion est très importante : 3h à 1200°.
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HUMUSATION budget similaire aux pratiques actuelles
AQUAMATION budget inférieur aux pratiques actuelles
- Frais élevé de main d’oeuvre - Pas de frais d’exhumation - Pas d’achat de pierre tombale. - 1 an de location de l’espace de 6 m² au lieu de frais de concession de min 10 ans - Peu de frais d’embaumement
175 000€ < machine < 500 000 € - Pas de frais d’embaumement
PROMESSION budget similaire aux pratiques actuelles
6m2
0,16m2
0,16m2
HUMUSATION = Processus de
AQUAMATION = L’objectif est
PROMESSION = Elle consiste à
= 1,5m3 de compost produit
transformation des corps par les micro-organismes dans un compost de broyats de bois d’élagage, qui transforme, en 12 mois, les dépouilles mortelles en humus sain et fertile. Elle ne nécessite pas de cercueil, pas de frais de concession pendant 5, 10, ou 25 ans, pas de frais de pierre tombale, ni de caveau, pas de frais d’embaumement, ni l’ajout de produits chimiques nocifs, pas de charge d’entretien régulier pour les proches, et ne provoque pas de pollution des nappes phréatiques ou de l’atmosphère.
d’accélérer la décomposition des tissus, en obtenant en quelques heures le même résultat que sur 25 ans. Le processus d’aquamation dure entre 5 et 10h, selon la pression du liquide. Le corps est plongé dans un cylindre dans lequel on propulse 300 litres d’eau à environ 100°. L’énergie nécessaire est faible (10 fois moins que pour l’incinération). Cette méthode ne génère pas de CO2 ni de méthane. Les sols ne sont pas contaminés avec les polluants issus des liquides de conservation.
plonger le corps d’une personne morte dans de l’azote liquide. Les résidus sont collectés dans un bac afin d’être lyophilisés, c’est à dire débarrassés de toute trace d’eau. Il ne demeure que 30 % du corps, ensuite filtré via un système aimanté pour extraire les traces de métal, mercure, sodium et autres. Récupérés, ces restes seront recyclés. Les poudres qui demeurent à la fin du processus sont rassemblées dans une urne biodégradable que la famille pourra enterrer dans la nature ou un lieu dédié. Cette urne et les restes qu’elle contient auront été assimilés par la
* les prix indiqués sont des moyennes relevées sur divers sites de pompes funèbres
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CIMETIÈRES EN CRISE
délégation de la mort
DÉLÉGATION1 « Action de déléguer quelqu’un (personne physique ou morale), quelque chose. Action de charger quelqu’un d’une mission, généralement officielle, avec tout pouvoir pour la remplir; action de transmettre, de confier quelque chose, généralement des attributions officielles, à quelqu’un» Le culte des morts bien que notoire dans notre société, laisse entrevoir quelques failles. En effet, les cimetières sont peu à peu délaissés face à l’évolution de la société, où ils ne restent principalement fréquentés qu’à la Toussaint : ««Il reste qu’en moyenne, les Français de 40 ans et plus se rendent entre trois et quatre fois par an au cimetière (Toussaint comprise). Seuls 15 % déclarent y aller moins d’une fois par an, voire jamais. Ces chiffres, assez élevés, sont pourtant en baisse comme cela avait été observé dans de précédentes études qui montraient une désaffection vis-à- vis du cimetière.»2. En effet, des phénomènes tels que l’éclatement et la dispersion des familles, ou la diminution du nombre de pratiquants dans nos sociétés, sont les facteurs d’un certain désintérêt de la part des Français pour leurs cimetières. Les familles visitent de moins en moins leurs défunts. Le CRÉDOC, dans une analyse menée en 2005, donne ces chiffres : «Être pratiquant, c’est inscrire dans ses obligations le devoir de rendre hommage à ses défunts. C’est pourquoi 62 % des pratiquants le font systématiquement à la Toussaint, contre 47 % des non-pratiquants et 37 % des non-croyants»2. De même face aux besoins de place, de nouveaux cimetières sont créés en périphérie, faute de pouvoir étendre les cimetières des centres-ville. Leur emplacement délocalisé, tout comme leur dépersonnalisation, ne leur permet pas de renouer avec les familles. Pour ceux qui ne possèdent pas de véhicule, l’accès est d‘autant plus difficile, ce qui limite leur fréquentation. Ce qui fait défaut c’est aussi, leur manque d’identité, ces cimetières n’ont souvent pas de nom, et les habitants n’y retrouvent pas leurs racines familiales. «Si dans nos sociétés industrielles, la mort devient de plus en plus discrète, si le mourant prend peu à peu la place du pestiféré, voire du criminel, si une sorte d’indifférence à la mort nous fait renouer avec le stoïcisme antique, si la baisse de fréquentation des cimetières est croissante surtout dans le monde urbain, une apparence de culte des morts est néanmoins maintenue. Même si ce culte est souvent dispensé par délégation, des agents d’entretien, payés comme tels, se chargent du bon ordre et du bon état des cimetières et des tombes. Notre société industrielle généralise d’ailleurs ce système de la délégation, les enfants étant confiés dès leur plus jeune âge à des crèches et les vieillards à des maisons de retraite. L’entrée et la sortie de la vie sont affaires de spécialistes. La mort et l’au-delà aussi.» 3
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Cette délégation de l’entretien assurée par les communes est préférable à une privatisation de la gestion. En effet, la gestion publique assurée par les communes et non par des sociétés privées permet de ne pas glisser vers la recherche d’une rentabilité. «Si le cimetière est encore le parent pauvre dans nombre de municipalités, il n’en demeure pas moins un élément qu’elles revendiquent comme faisant partie de leur domaine de compétences. Il n’est qu’à noter les taux très élevés de rejet de l’idée même d’une gestion privée des cimetières : 98 % des communes s’y opposent au nom du service public et de la lutte contre le consumérisme dans la mort. Même l’idée de subventionner une délégation de gestion est combattue par près de neuf communes sur dix.»4 CREDOC - 2003 Le cimetière remplit-il encore sa fonction ? Franck Lehuédé et Jean-Pierre Loisel La gestion publique permet donc de ne pas tomber dans une marchandisation de la mort et d’assurer une prise en charge gratuite par la commune de la cérémonie et de l’enterrement pour les défunts sans famille, évitant un clivage trop fort entre riches et pauvres. Même si ces personnes ont le droit à des obsèques en bonne et due forme, spatialement la séparation par niveaux de richesse est bien présente même s’il n’existe pas à proprement dit, un cimetière des riches et un cimetière des pauvres localisés à des endroits différents de la ville. Au sein du cimetière, il existe des «carrés» réservés à ceux que l’on appelait les «indigents» et qui étaient enterrés à même la terre (aujourd’hui, un caveau est prévu).
CNRTL, centre national de ressources textuelles et lexicales À la Toussaint, 51% des Français de plus de 40 ans se rendent au cimetière, Nicolas Fauconnier - 2005 - CREDOC 3 L’Espace de la mort, Essai sur l’architecture, la décoration et l’urbanisme funéraire, Michel RAGON, 1981, Albin Michel, 4 Le cimetière remplit-il encore sa fonction ? Franck Lehuédé et Jean-Pierre Loisel, 2003 - CREDOC 1 2
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CIMETIÈRES EN CRISE des cimetières arrivés à saturation
La saturation des cimetières n’est pas un fait nouveau; en effet, les premiers signes se font sentir au début du XIXème siècle. Les calculs sont approximatifs, et les communes n’anticipent pas assez la croissance démographique : «les cimetières communaux ont été prévus trop justes»1. Commence la grande période d’extension urbaine, les cimetières sont étendus : le cimetière de la Miséricorde sera agrandi 4 fois, la première en 1816. On annexe également les communes alentours : on modifie les limites administratives et par la même occasion les lieux d’inhumation en utilisant les nouveaux cimetières annexés. De même comme le regard sur la mort change à cette époque, qu’on ne la trouve plus sale et dégoûtante, on accorde plus d’importance à la mémoire du mort, et on assiste à un essor des concessions qui entraîne un besoin de places supplémentaires. «Étendre les cimetières pour développer le système des concessions tient de la fuite en avant : plus on accorde de concessions, plus on gèle des terrains, et plus il faut en acquérir en supputant sur le profit futur pour couvrir la dépense.»2 On voit naître un nouvel intérêt pour la mémoire des morts et les premiers signes d’un tourisme de cimetière qui commence au cimetière du Père Lachaise à Paris. C’est le début du culte des morts, que l’on connaît aujourd’hui. «Le cimetière urbain, où les tombes sont comme autant d’inclusions privées dans un espace public, est perçu désormais comme un lieu personnel autant qu’un lieu commun. [...] On vient offrir à ses défunts, fleurs, pleurs et prières, et l’on s’approprie, par les sentiments, le cimetière communal qui cesse d’être le lieu répulsif dénoncé quelques années plus tôt pour devenir le cadre révéré, où s’établit une communication familière entre les vivants et les morts.»3 Cette saturation des cimetières exacerbe également la marchandisation de la mort. Les marchands de monuments funéraires et les communes ayant bien compris où leur intérêt se trouvait et les places se faisant rares, ils augmentent les prix et les familles paient plus cher pour avoir le privilège d’avoir accès à des concessions familiales.
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Aujourd’hui, nombre de communes françaises sont confrontées à ce problème de saturation des cimetières, les extensions des cimetières urbains n’étant plus possibles et la création de nouveaux cimetières compliquée (voisinage, densification, prix du foncier...). Le nombre de décès est en nette augmentation depuis les années 2000, avec en 2008 en France, 540 738 décès pour 603 343 décès en 2017. Il est donc important d’anticiper la hausse des décès des baby boomers qui aura lieu entre 2020 et 2050, population qui n’est pas toujours sensibilisée à des pratiques funéraires moins consommatrices d’espace comme la crémation. De même, la pollution actuelle des sols, causés entre autre par les traitements chimiques des cercueils, les traitements médicaux, les vêtements, les prothèses,... induit une décomposition plus lente des corps qui s’ajoute au problème de saturation des cimetières. Il arrive assez régulièrement que les corps après 5ans, durée limite obligatoire dans la législation avant exhumation, ne soient pas totalement décomposés, rendant l’exhumation impossible et impliquant la création de nouveaux espaces et l’achat de nouvelles concessions pour les familles. De même, ce rapide turn over des corps lorsqu’il est possible, pose question de la mémoire des défunts. «Enfin, la disparition des concessions à perpétuité au profit de concessions pour 30 ou 50 ans, remet en cause la fonction symbolique du cimetière comme lieu de repos éternel, comme symbole de la mémoire pérenne. Chiffrée en années, la durée d’une concession place les familles devant le « déplacement » inéluctable du défunt et suscite des représentations pénibles».4 Ainsi, l’évolution des pratiques funéraires est certainement l’une des solutions nécessaires pour répondre à ce problème de saturation des cimetières en France. Pour cela, il est indispensable d’informer et de conseiller les habitants.
1
L’Espace de la mort, Essai sur l’architecture, la décoration et l’urbanisme funéraire, Michel RAGON, 1981, Albin Michel, Villes et cimetières en France, De l’ancien régime à nos jours, Le territoire des morts, Madeleine LASSÈRE, 1997, L’Harmattan À la Toussaint, 51% des Français de plus de 40 ans se rendent au cimetière, Nicolas Fauconnier - 2005 - CREDOC
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4
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN cimetières nantais, quels liens avec la ville ? la Miséricorde, une ville dans la ville la Miséricorde, un espace-temps en suspend
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN les cimetières nantais et la ville
Afin de bien comprendre la problématique et le choix du site, il est nécessaire d’étudier les différents cimetières nantais. La ville de Nantes compte 15 cimetières, de 50 hectares à 3000m2. L’ensemble des cimetières couvre 81 hectares de surface, soit l’équivalent de 115 terrains de football. La gestion des cimetières est un service public assuré par la mairie de Nantes.
Cimetière Parc Paysager 50 hectares 1951
Cimetière Chauvinière 1,8 hectares 1934
Cimetière du Pont du Cens 4,5 hectares 1936
Cimetière de la Miséricorde 9 hectares 1793 Cimetière Saint-Clair 1,3 hectares 1868
Cimetière Saint Martin Nouveau 1,3 hectares 1892 Cimetière Saint-Martin ancien 0,3 hectares 1827
33 Cimetière Saint-Joseph de Porterie 0,9 hectares 1945
Cimetière Saint Donatien 0,4 hectares IVème siècle
N
Cimetière Vieux Doulon 0,5 hectares 1930
Cimetière Toutes-Aides 1,7 hectares 1829
Cimetière de la Bouteillerie 6,3 hectares 1774
Cimetière Saint-Anne Ancien et Saint-Anne Nouveau 0,6 et 1,2 hectares 1846 et 1898
Cimetière Saint-Jacques 4,3 hectares 1811 0
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN les cimetières nantais et la ville Au nord de Nantes, on trouve le funérarium et l’unique crématorium nantais, attenant au cimetière Parc Paysager. Il existe deux autres funérariums eux aussi excentrés, celui du Boulevard Joliot-Curie, au sud, voisin du cimetière Saint Jacques et celui du boulevard Romanet à l’Est de Nantes. Le CHU dispose lui, d’une chambre mortuaire et de salons funéraires. La ville est également équipée de salons d’accueil dans les deux plus grands cimetières : cimetières Parc et Miséricorde (salons d’accueil proches d’une salle communale en terme d’architecture, offrant une cinquantaine de places disponibles pendant 1h30 maximum). Peu de cimetières disposent à proximité d’équipements, pour les familles en deuil. Les crématoriums sont obligatoirement situés en périphérie de la ville pour les gênes et la pollution causées par les fumées d’incinération, cependant ce n’est pas le cas des funérariums qui peuvent être pensés en centre-ville mais qui généralement par soucis de place ou de convenance sont eux aussi construits à l’extérieur des villes.
Funérarium et crématorium du cimetière Parc Paysager
Cimetière de la Miséricorde 9 hectares 1793
Funérarium Boulevard Romanet
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CHU
FunĂŠrarium Boulevard Joliot Curie 0
1km
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN les cimetières nantais et la ville Par soucis de comparaison*, cet atlas nous renseigne sur l’organisation, la date de création et la superficie des 15 cimetières nantais. Il permet aussi de nous donner un certain nombre d’indication sur le contexte urbain. On voit par exemple la différence d’organisation spatiale entre le cimetière Parc Paysager et le cimetière de la Miséricorde ou le cimetière de la Bouteillerie. Ces deux derniers se trouvent en centre-ville bloqués en terme d’extension par l’étalement urbain et peu végétalisés, avec une organisation classique, quadrillée, et de grandes avenues. Alors que les cimetières parc paysager et Pont du Cens, beaucoup plus récents, ont une organisation plus flexible, plus organique avec une végétation plus abondante. Le cimetière Saint Donatien, le plus ancien est le dernier attenant à un lieu de culte, la chapelle Saint-Étienne.
Cimetière Parc Paysager 50 hectares 1951
La Miséricorde 9 hectares 1793
Chauvinière 1,8 hectares 1934
Toutes-Aides 1,7 hectares 1829
Saint-Joseph de Porterie 0,9 hectares 1945
Saint-Anne Ancien 0,6 hectares 1846
* les cimetières sont classés par superficie, du plus grand au plus petit.
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La Bouteillerie 6,3 hectares 1774
Pont du Cens 4,5 hectares 1936
Saint-Jacques 4,3 hectares 1811
Saint-Clair 1,3 hectares 1868
Saint Martin Nouveau 1,3 hectares 1892
Saint-Anne Nouveau 1,2 hectares 1898
Cimetière Vieux Doulon 0,5 hectares 1930
Saint Donatien 0,4 hectares IVème siècle
Saint-Martin ancien 0,3 hectares 1827
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN la Miséricorde, une ville dans la ville
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Le cimetière est une ville à part entière, avec ses évolutions, ses limites, ses quartiers, ses rapports de voisinage... La richesse de ce territoire est infinie, car le cimetière de la Miséricorde dans les chiffres, fait près de 9 hectares de superficie. Il a été construit en 1793 et agrandi plusieurs fois au XIXème siècle, en 1816 (+3600m2), en 1830, en 1847 (+36000m2), en 1890 (+27000m 2 ). Il comptait en 2010 pas loin de 16000 tombes. En 1837, il est considéré comme le plus beau cimetière Nantais et on y installe la grille monumentale de l’entrée rue du Bourget.
2017 9 ha 1890 8,3 ha
rue Charle
s Monsele
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1
1/ Plaque - maison de Paul Birien 2/ Plaque aux défenseurs de l’école publique et laïque 3/ Plaque Cour Catuit 4/ Plaque à JM.Durand-Gasselin, F.Foltz et P.Ranson 5/ Bataille de Nantes 6/ Emplacement de l’exécution de Charrette 7/ Croix de Charrette 8/ Plaque aux défenseurs de l’école publique et laïque 9/ Plaque aux défenseurs de l’école publique et laïque
Évolution historique du cimetière depuis 1793 1/500
Église Catholique Cure de Notre Dame Toutes Joies
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Parc des Capucins n°
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Nouvelle Chapelle Sainte-Anne
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Cité des Hauts-Pavés
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1847 5,6 ha
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN la Miséricorde, une ville dans la ville
rue privée
1 passage Félibien - rue privée
2 arrières de maisons de ville
t s Monsele
3 transition entre maisons de ville et bâti collectif
Contexte urbain 1/500
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mitoyennes au cimetière
rue Charle
D’un côté et de l’autre du cimetière, on peut lire une diversité du bâti. Au sud dans la rue Miséricorde les maisons de ville (1) font face au mur d’enceinte. Les rues perpendiculaires sont principalement des rues privées, fermées de part et d’autre par des barrières, réservant l’accès aux seuls riverains. L’ilôt urbain de la rue Gabriel Luneau (2), est lui composé de maisons de ville dont les arrières sont mitoyens au cimetière. Au nord-ouest, la rue de la Pelleterie opère un changement entre maisons de ville et logements collectifs (3). Le long de la rue du Limousin, entre le cimetière de la Miséricorde et la ligne 3 du tramway, on trouve la cité des Hauts-Pavés (4), construite en 1947 par Michel RouxSpitz, architecte en chef de la reconstruction à Nantes. La cité regroupe à l’époque 164 appartements aux façades néoclassiques revêtues de moellons de pierre.
2 cité des Hauts-Pavés
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Parc des Capucins
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Cité des Hauts-Pavés
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rue Félibien
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7 Place Viarme
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN la Miséricorde, une ville dans la ville
À l’entrée du cimetière, dans la rue du Bourget, on trouve aujourd’hui un écopoint (5) et l’hôtel Viarme qui a accueilli le service des eaux jusqu’en 1994, puis des associations et qui a été transformé en 2013 en logements et bureaux. Plus au nord, on trouve le parc des Capucins et au Sud de la rue d’Auvours la place Viarme, centre névralgique du quartier.
5 ligne de tramway n°3
6 ancien service général des eaux
rue Charle
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7 parc des Capucins
rue privée
Contexte urbain 1/500
8 place Viarme
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Parc des Capucins
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Cité des Hauts-Pavés
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rue Félibien
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8 Place Viarme
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN la Miséricorde, une ville dans la ville
Dans le cimetière de la Miséricorde, on remarque rapidement la présence de grands tombeaux familiaux, en nombre important, le long des allées principales. Leur emplacement, leur ornementation et leur taille est une marque de richesse. La majorité des grandes familles nantaises y sont enterrées. Aujourd’hui les contrastes sont moins marqués, en effet, l’art funéraire étant plus sobre qu’au XVIIIème et XIXème siècle, les tombes ne sont plus l’objet d’une distinction sociale. Seul l’emplacement dans le cimetière peut encore faire une distinction entre les personnes qui n’ont pas les moyens et dont les obsèques sont prises en charge par la commune, (ce que l’on appelait à l’époque le «carré des indigents»); et les personnes qui possèdent des concessions familiales. Les défunts enterrés au frais de la commune, ne disposent que d’un temps de 5 à 10 ans, alors que les concessions dites classiques sont de 15 à 30 ans. La question de la mémoire se pose alors pour les défunts de ces carrés. La crémation, qui est une pratique funéraire moins démonstrative que l’inhumation, les cendres étant soient déposées dans le jardin du souvenir, soient dans un columbarium (même emplacement pour tous), participe à un effacement des distinctions sociales dans le cimetière. À l’image de n’importe quelle ville, le cimetière entretient donc des rapports de distinction sociale, mais aussi religieuse. Les monuments israélites et chrétiens ne sont pas mélangés au sein du cimetière, comme on peut le voir sur la carte (page de gauche). « Mais elle (la nécropole moderne) exprime néanmoins toutes les contradictions de notre société qui se veut égalitaire et qui se console en disant qu’au moins les hommes sont égaux devant la mort. Ce qui est faux. Tout le monde, certes, est condamné à mort, ce qui est une sorte d ’égalité très relativement consolante. [...] L’inégalité est encore flagrante quant à notre espace posthume. De même que certains vivent leur vie éveillée dans de vastes demeures et d ’autres dans des taudis, certains morts disposent de tombeaux spacieux et d ’autres de leurs deux mètres carrés minimum. Comme dans la cité des vivants, il existe de bonnes et mauvaises places au cimetière, des places plus chères que d ’autres ou plus diff iciles à obtenir, mieux situées. Paris dispose par exemple de cimetières «Samaritaine de luxe» (Montparnasse, Père Lachaise, Montmartre) et de cimetière s «Grandes Sur faces» (Bagneux, Thiais). Inégalité quant à l’espace et à la durée : la fosse commune ou la concession perpétuelle .» 1
1
L’Espace de la mort, Essai sur l’architecture, la décoration et l’urbanisme funéraire, Michel RAGON, 1981, Albin Michel,
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carré israélite
2017 9 ha 1890 8,3 ha 1847 5,6 ha
1816 2,0 ha
ancien carré israélite cimetière privatif familles Gasselin et Bel-ami Distinction sociale dans le cimetière 1/500
Diversité des monuments funéraires
Extrait de relevés - carnet de dessins
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN un espace-temps en suspend
Après cette première contextualisation du cimetière, il convient d’affiner davantage ce qui nous intéresse pour faire projet : les temporalités qui s’y croisent. Selon Michel Foucault, le cimetière est une hétérotopie. À l’inverse de l’utopie, qui n’est pas concrète, qui n’est qu’un idéal, un emplacement sans lieu localisable, l’hétérotopie est un lieu réel. Michel Foucault parle de «contre-emplacement, sortes d’utopies effectivement réalisées, [...] lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables». Il présente le cimetière comme le lieu des morts en opposition au monde des vivants. HÉTÉROTOPIE 1
du latin hétéro, « autre temps», topos, «lieu»
«Il y a également, et ceci probablement dans toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui ont dessinés dans l’institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. Ces lieux, parce qu’ils sont absolument autres que tous les emplacements qu’ils reflètent et dont ils parlent, je les appellerai, par opposition aux utopies, les hétérotopies ; et je crois qu’entre les utopies et ces emplacements absolument autres, ces hétérotopies, il y aurait sans doute une sorte d’expérience mixte, mitoyenne, qui serait le miroir.»
Photo du cimetière de la Miséricorde depuis la tour de Bretagne
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Michel Foucault va plus loin en parlant du cimetière, il complète sa définition en parlant d’hétérochronie. HÉTÉROCHRONIE 2
du latin hétéro, « autre temps», kronos, «temps» «Les hétérotopies sont liées, le plus souvent, à des découpages du temps, c’est-à-dire qu’elles ouvrent sur ce qu’on pourrait appeler, par pure symétrie, des hétérochronies ; l’hétérotopie se met à fonctionner à plein lorsque les hommes se trouvent dans une sorte de rupture absolue avec leur temps traditionnel; on voit par là que le cimetière est bien un lieu hautement hétérotopique, puisque le cimetière commence avec cette étrange hétérochronie qu’est, pour un individu, la perte de la vie, et cette quasi éternité où il ne cesse pas de se dissoudre et de s’effacer.»
C’est la notion qui nous intéresse ici, celle de la temporalité. Il écrit «l’hétérotopie se met à fonctionner à plein lorsque les hommes se trouvent dans une sorte de rupture absolue avec leur temps traditionnel», en parlant du passage de la vie à la mort, mais cette rupture avec le temps traditionnel est aussi la rupture avec temps quotidien urbain. Le cimetière est donc le lieu symbolique de plusieurs temps : celui de la mort, du deuil, d’un quotidien hors la ville, d’une bulle de silence dans la ville. Il représente un retrait de la vie urbaine, le lieu d’une temporalité en suspend, à exploiter pour faire projet. Les pages qui suivent sont des extraits de relevés du carnet de matière à projet, tenu tout le semestre. Les textes et les croquis sont des impressions personnelles relevées sur site, qui traduisent ce temps hors du temps dans le cimetière et qui vous donnent à voir un regard plus sensible sur le site de projet.
1 2
Le corps utopique, les hétérotopies, Michel FOUCAULT, 2009, Éditions Lignes
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN un espace-temps en suspend
« Arrivée par la rue d’Auvours, depuis la place Viarme, je longe de part et d’autre les quelques commerces sur ma gauche, et les logements collectifs sur ma droite. Au loin, annoncée par la grille monumentale de l’entrée, je lis déjà la perspective de l’allée principale qui fuit, bordée d’arbres. Il fait beau et chaud. L’endroit est calme et silencieux. Au portail, je prends conscience du caractère bien ordonné du lieu, de la mise en scène de cette entrée en fer forgé. Les caveaux funéraires des familles riches se suivent les uns les autres, faisant face à l’allée, où la lumière ne parvient pas à filtrer. De part et d’autre, des chemins de sable s’ouvrent sur des espaces moins dessinés, moins entretenus ... Je m‘y engouffre immédiatement, laissant derrière moi l’allée principale austère et rigide. Je découvre l’ancien cimetière totalement désorganisé, tombant un peu en désuétude, mais gagné par une végétation luxuriante, qui s’est établie là parmi les tombes, les enclos de fer forgé, et les caveaux. La lumière rasante du matin inonde le cimetière et filtre entre les tombes bancales recouvertes de lierre. Je me perds rapidement entre les stèles, lisant les noms inscrits, tentant de reconstituer les histoires, imaginant les vies et les personnalités de chacun. Le temps défile sans que j’en ai conscience. Je suis surprise par le calme qui règne sans m’oppresser. Après quelques heures à errer ici ou là, je réalise que mon regard se concentre sur mon environnement proche, ne dépassant pas les 1,6 mètre, oubliant de s’égarer au loin. Opérant un tour à 360° sur moi-même, je vois alors au loin la tour de Bretagne émergeant à l’occasion entre les caveaux, je vois des bâtiments de logements collectifs dont le calepinage reprend étrangement le quadrillage des enfeus ou columbariums, je vois une grue ou encore quelques maisons de ville. Je réalise que le cimetière est alors une véritable bulle de silence et de pause en ville, bien plus qualitatif que ce que je pouvais imaginer.» Premières impressions, dans le cadre de l’atelier écriture mené avec Alexandre Koutchevsky octobre 2018
Photo de l’ancien cimetière
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Extrait de relevĂŠs - carnet de dessins octobre 2018
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DÉCOUVERTE D’UN TERRITOIRE OUBLIÉ AU QUOTIDIEN un espace-temps en suspend
Des racines entre les tombes. Un amas de pierres. Le marbre fracassé sur le sol. Et cet arbre sorti de terre. Imposant. Majestueux. Il montre l’exemple. Déjà un autre arbuste suit son chemin, caressant la tombe d’un inconnu. Le fer forgé a rouillé sous les années passées et les blocs de pierre s’effritent sous les attaques du temps. Les couleurs des plaques et des décorations ont passés. Le rouge des fleurs tire maintenant sur un rose douteux. Seule la végétation sauvage avec ses couleurs vives fait honneur à la mémoire du défunt. La lumière filtre entre les feuilles et les tombes. Cette végétation me rappelle que quelque chose y est encore vivant, se faufilant entre les pierres, se dressant fièrement même si le sol, lui, brasse déjà les premières feuilles mortes de l’automne.
J’escalade le mur pour me faufiler entre les tombes. Instinctivement je me glisse jusqu’au pied de cet arbre. Les feuilles craquent sous mes pieds, couvrant un silence oppressant. Je bute contre quelque chose, je me baisse et tâtonne. Au toucher, je reconnais la pierre tombale rugueuse et le fer forgé rouillé qui me griffe les mains. La présence de cette tombe me rassure, comme la présence d’un vieil ami. Je m’adosse à la tombe et arrête de bouger. Je commence à apprivoiser les lieux. J’écoute le silence. Je pourrais presque entendre les morts ronfler. Il n’y a aucun bruit sauf celui du vent dans les arbres, semblable à un chuchotement. Soudain, une feuille tombe sur mon épaule et me fais sursauter. Mon cœur bat la chamade, alors je fixe au loin le jour se lever, et la ville reprendre son cours derrière le mur d’enceinte du cimetière. Atelier d’écriture avec Alexandre Koutchevsky. octobre 2018
Photo d’une tombe de l’ancien cimetière - Inscription «Elle est là. 28 Xème 1840»
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Extrait de relevĂŠs - carnet de dessins octobre 2018
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APPRIVOISER LE CIMETIÈRE
l’entrée de la rue du Bourget l’entrée de la rue de la Pelleterie le mur d’enceinte le mur du souvenir les dents creuses
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Plusieurs fragments de territoire ont fait l’intérêt d’une attention particulière pendant ce semestre. Dans un premier temps, les deux entrées opposées du cimetière (fragment 1 et 2) qui marquent l’aspect sécuritaire des cimetières mais aussi la renommée du lieu. Le passage de ces grilles conditionne notre entrée dans la ville des morts, elle induit dès nos premiers pas au-delà du seuil ,un changement des comportements : silence, calme, ... Cela peut même faire naître une appréhension du lieu, rendant difficile la pensée de la mort.
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Ensuite, le mur d’enceinte (3) du cimetière marquant la limite si franche entre ville des vivants et ville des morts, a ses avantages et ses inconvénients. Il permet à la fois de maintenir une intimité dans le cimetière, d’assurer un retrait de la vie urbaine, et en même temps ce manque de porosité ne participe pas à apprivoiser le cimetière, à se conf ronter à un passage vers l’ailleurs. Le fragment suivant (4) est le mur d’enceinte mitoyen aux maisons de villes dans la rue Gabriel Fruneau. Il est particulier dans le fait qu’il sert de support au dépôt spontané d’objets ou de souvenirs des habitants et visiteurs. Le dernier fragment (5) concerne principalement l’ancien cimetière où l’on trouve un grand nombre de dents creuses. Lorsque les concessions arrivent à terme et que les familles ne se manifestent pas ou ne souhaitent pas reconduire la location d’une concession pour 30 ou 50 ans, les corps sont exhumés et la concession réattribuée ou laissée en friche. Dans ce dernier cas, on assiste à un mitage du cimetière, qui laisse de la place vacante pour de nouveaux usages dans le cimetière ou de nouvelles pratiques funéraires.
Enjeu 3 : INVITER À ENTRER
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Enjeu : Présence importante dents creuses à exploiter
Fragments étudiés 1/250
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l’entrée de la rue du Bourget
FRAGMENT 1 : entrée de la rue du Bourget. Il s’agit de l’entrée principale du cimetière, marquée par une grille monumentale et un parvis. Celui-ci a déjà été ré-aménagée mais pas l’intérieur. ENJEU : Inviter à entrer au quotidien. Penser le seuil entre la ville et le cimetière. OBJECTIF : Requalifier l’entrée par la création de pavillons (sanitaires, stockage matériel de jardinage, pause, mobilier...).
loge actuelle ancien cimetière israélite
cimetière privatif
parvis
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ru
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Entrée rue du Bourget depuis le parvis
Entrée rue du Bourget, salon d’accueil
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l’entrée rue de la Pelleterie
FRAGMENT 2 : entrée rue de la Pelleterie. Elle est marquée par un grand bâtiment en pierre à l’angle de la rue de la Pelleterie et de la rue du Moulin des Grolles. La conciergerie est placée dans le cimetière à la droite de l’entrée. ENJEU : Inviter à entrer. L’enjeu est de penser une architecture du deuil en prenant le contre-pied de la tendance actuelle qui vise à exclure les lieux de la mort de la ville en les replaçant en son cœur. OBJECTIF : Requalifier l’entrée en repensant le programme du projet prévu par Adoma (logements de réinsertion). Intégrer le bâtiment au cimetière par la création d’un complexe funéraire.
futur projet de résidence de 85 logements meublés et autonomes conciergerie
extension future du bâtiment d’Adoma
bâtiment de l’organismeAdoma
entrée actuelle
e la rue d
rie
te Pelle
rue du Moulin des Grolles
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Entrée rue de la Pelleterie
Entrée de la Pelleterie, bâtiment Adoma, entrée principale
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le mur d’enceinte
FRAGMENT 3 : le mur d’enceinte. Il marque la limite entre le cimetière et la ville. Opaque et imperméable à la ville, il ne laisse aucune vue possible. ENJEU : Inviter à entrer, à parcourir et à voir le cimetière au quotidien. Instaurer une porosité avec la ville pour une acceptation de l’espace de la mort. OBJECTIF : Créer des failles visuelles ou physiques avec le quartier, des failles dans le mur d’enceinte pour familiariser les habitants avec le cimetière. Il s’agit là de requestionner la vision de la mort dans nos sociétés en repensant le cimetière dans une quotidienneté. cité des hauts pavés
espace libre le long du mur
façades aveugles
rue du Limousin
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Mur d’enceinte
Mur d’enceinte
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le mur du souvenir
FRAGMENT 4 : le mur du souvenir. Lieu de dépose spontanée d’objets trouvés, de souvenirs, de fleurs... Les visiteurs laissent des objets : billes, chapelet, dessins, marrons, fleurs... dans les cavités du mur, entre les pierres. ENJEU : Le mur est à garder en l’état pour la richesse de situations dont il regorge et pour la spontanéité des gestes. Il a été choisi de ne pas intervenir architecturalement.
bâti voisin mitoyen
rue
Mi
sér
ico
rde mur d’enceinte
mur d’objets
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Mur de dépose spontanée d’objets et souvenirs
Chapelet laissé sur le mur
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les dents creuses du cimetière
FRAGMENT 5 : les dents creuses. Le cimetière est «mité» par des espaces vides entre les carrés lorsque les concessions échues ne sont pas réattribuées. ENJEU : Inviter à parcourir. Il s’agit de nouveau d’ouvrir le cimetière à une temporalité quotidienne, pour s’extraire du temps ordinaire de la ville. OBJECTIF : Investir les dents creuses par des pavillons en offrant des lieux de marche, de pause, de loisirs en ville (méditation, lecture, jardinage...).
bâti voisin : maisons de ville
rue Miséricorde
dent creuse
dent creuse dent creuse
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Dent creuse de l’ancien cimetière
surface d’une concession 1,66m2 x 2100 dents creuses = 3486 m2 de surface libre
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Carte non exhaustive des dents creuses au 1/5000
La carte suivante répertorie environ 2100 dents creuses qui «mitent» le cimetière et en particulier l’ancienne partie au sud-est. Le prix d’une concession au cimetière de la Miséricorde varie entre 446,08€ pour une concession adulte d’une durée de 15 ans, à 999,83€ pour une durée de 30 ans.
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FRAGMENT 2 : l’entrée rue de la Pelleterie Inviter à entrer. L’enjeu est de penser une architecture du deuil en prenant le contre-pied de la tendance actuelle qui vise à exclure les lieux de la mort de la ville en les replaçant en son cœur.
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FRAGMENT 3 : le mur d’enceinte Inviter à entrer, à parcourir et à voir le cimetière. Instaurer une porosité avec la ville pour une acceptation de l’espace de la mort.
FRAGMENT 4 : le mur du souvenir Le mur est à garder en l’état pour la richesse de situations dont il regorge et pour la spontanéité des gestes. Il a été choisi de ne pas faire intervenir architecturalement. FRAGMENT 1 : l’entrée rue du Bourget Inviter à entrer. Penser le seuil entre la ville et le cimetière.
FRAGMENT 5 : les dents creuses Inviter à parcourir le cimetière. Il s’agit de nouveau d’ouvrir le cimetière à une temporalité quotidienne, pour s’extraire du temps ordinaire de la ville. Fragments étudiés et enjeux 1/250
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Š Arnaud Ledu
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CONCLUSION
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CONCLUSION
Ce projet proposé au cimetière de la Miséricorde, c’est celui de l’apprivoisement du monde des morts par les vivants, c’est celle d’une conception du cimetière comme «territoire des vivants, en communion de pensée avec les morts»1, plutôt que l’image d’un cimetière-territoire des morts uniquement. Le cimetière est exploitable pour les richesses d’ambiances et de lieux dont il regorge, il doit pouvoir être vécu, parcouru, or l’appréhension que l’on peut en avoir rend ces expériences difficiles. L’enjeu principal est de défier les nombreuses limites du cimetière qui nous empêchent de profiter de l’espace, de voir, de traverser...; limites inscrites dans les mentalités depuis des siècles, pour des raisons de bienséance issues de l’héritage des traditions. Elles sont décrites à la fin de ce travail et sont supports de projet : les entrées, le mur d’enceinte et les dents creuses. Ces dernières sont moins évidentes comme faisant partie de la catégorie «limite», car physiquement elle ne représente aucun obstacle, il s’agit d’espaces vides. Cependant la limite n’est pas seulement physique, elle peut être mentale. En effet, les dents creuses, ces espaces vides de tombe, maintiennent l’idée que quelqu’un y a reposé et peut suffire par retenue, à gêner les visiteurs, les bloquant à l’idée d’y déambuler. Ce projet tente donc de répondre, par une proposition modeste, au devenir des cimetières urbains dans notre société actuelle. Il a été bien évidemment nécessaire d’inclure la question de la prise en charge de la mort dans nos villes aujourd’hui. Ainsi, par la réalisation d’un complexe funéraire, le projet se veut d’apporter une attention particulière et soignée à l’architecture des espaces de deuil et de recueillement, trop souvent négligée. C’est bien en problématisant le cimetière, que je requestionne en partie la place du défunt, des familles endeuillées et celle de la mort au sein de la ville et de la société, en repensant un équipement funéraire en cœur de ville. Dans cette réflexion sur l’apprivoisement du cimetière, il convient certes de penser les équipements funéraires de cérémonie et de traitement du corps, mais aussi ceux visant à accompagner et informer les familles. L’équipement visant à regrouper les proches des défunts apparaît comme un élément programmatique essentiel. Il accueillera un funérarium, des salons d’attente, une salle de cérémonie, mais aussi des espaces de convivialité, des espaces de réunion, des archives et un pôle administratif, le tout en deux bâtiments.Au quotidien, le cimetière s’accompagne de nouveaux usages en pensant une porosité de la ville vers le cimetière et du cimetière vers la ville. Ce travail s’opère par des interventions architecturales et paysagères liées à la détente, et ce autour du mur d’enceinte, de l’entrée rue du Bourget, et au niveau des dents creuses. Le projet, dans sa globalité, comme on a pu le démontrer précédemment est celui de plusieurs espaces mais aussi de plusieurs temporalités, celles du deuil et du quotidien. 1
Villes et cimetières en France, De l’ancien régime à nos jours, Le territoire des morts, Madeleine LASSÈRE, 1997, L’Harmattan
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© Arnaud Ledu
Photographie de l’ancien cimetière, avec au loin la Tour de Bretagne
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MÉDIAGRAPHIE Page de couverture - photographie de l’ancien cimetière Source : photographie personnelle Page 10 - La pietà, de Joseph Vallet, à l’entrée est. Source : Arnaud Ledu - visite de site du 14/12/18 Page 13 - Le Jugement dernier, triptyque de Jérôme Bosch, après 1482 Page 15 - Cimetière des Innocents à Paris vers 1550, gravure de Hoffbauer (fin XIX ème) Page 15 - Place du marché des Innocents à Paris, à l’emplacement du cimetière vers 1850, gravure de Hoffbauer (fin XIX ème) Page 16 - photographie de l’ancien cimetière Source : photographie personnelle Page 21 - projection de l’évolution des croyances entre 2010 et 2050 dans le monde Source : pewforum Page 22 - Évolution de la crémation en France depuis 1980 Évolution de la crémation à Nantes en 2015 Source : association nationale des crématistes Page 23 - Application Rip Cemetery Source : http://www.ripcemetery.com/ Pratique de l’humusation en voie de légalisation en Belgique Source : https://www.humusation.org/ Page 30 - photographie de l’ancien cimetière Source : photographie personnelle Pages 34 - 35 - carte des cimetières nantais Source : réalisation personnelle Pages 36 - 37 - carte des équipements funéraires Source : réalisation personnelle Pages 38 - 39 - atlas des cimetières nantais Source : réalisation personnelle Pages 40 - 41 - 42 - 43 - carte du contexte urbain et photographies personnelles Source : réalisation personnelle Page 44 - diversité des monuments funéraires Source : Extrait de relevés - carnet de dessins Page 45 - distinction sociale dans le cimetière Source : réalisation personnelle Page 46 - photographie du cimetière de la Miséricorde depuis la tour de Bretagne Source : wikipédia
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Page 48 - 50 - 51 - 52 - photographie de l’ancien cimetière Source : photographie personnelle Page 49 - relevé sensible du cimetière Source : extrait du carnet de dessin Page 54 - 55 - carte des fragments à étudier Source : réalisation personnelle Page 56 - axonométrie du fragment 1 Source : réalisation personnelle Page 57 - photographies de l’entrée rue du Bourget Source : photographie personnelle Page 58 - axonométrie du fragment 2 Source : réalisation personnelle Page 59 - photographies de l’entrée rue de la Pelleterie Source : photographie personnelle Page 60 - axonométrie du fragment 3 Source : réalisation personnelle Page 61 - photographies du mur d’enceinte Source : photographie personnelle Page 62 - axonométrie du fragment 4 Source : réalisation personnelle Page 63 - photographies du mur du souvenir Source : photographie personnelle Page 64 - axonométrie du fragment 5 Source : réalisation personnelle Page 65 - photographies d’une dent creuse de l’ancien cimetière Source : photographie personnelle Page 66 - 70 - photographies de l’ancien cimetière Source : photographie d’Arnaud Ledu - visite de site du 14/12/18 Page 71 - photographie de l’ancien cimetière, avec au loin la Tour de Bretagne Source : photographie d’Arnaud Ledu - visite de site du 14/12/18 Page 72 -73 - atlas d’images (inspirations et références) Source : travail en évolution sur le semestre
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BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
- ARIÈS Philippe, Essais sur l’histoire de la mort en Occident, du Moyen-Âge à nos jours, Éditions du Seuil, 1975. - AUZELLE Robert, Les dernières demeures, Editions Auzelle, 1965 - CALVINO Italo, Les villes invisibles, Italo CALVINO, Folio, 2013 - LAFONTAINE Céline, La société post-mortelle, Édition du Seuil, 2008 - LASSÈRE Madeleine, Villes et cimetières en France, De l’Ancien régime à nos jours, Le territoire des morts, L’Harmattan, 1997 - RAGON Michel, L’espace de la mort, Essai sur l’architecture, la décoration et l’urbanisme funéraire, , Albin Michel, 1981
REVUES
Arts et rites funéraires, Revue 303 arts recherches créations, septembre 2016 Vivre en paix avec la mort, Kaizen n°35, novembre, décembre 2017 La nuit en voix d’extinction, Society n°29, juin, juillet 2018
SITES INTERNET Secret des villes : vivre avec nos morts, 30/10/2012, par Charline SOWA, dans le blog Vis [le] http://visle-en-terrasse.blogspot.com/2012/10/secret-des-villes-vivre-avec-nos-morts.html#more
Cimetières, un objet urbain en mutation, 31/08/2013, par Catherine PANASSIER dans Millénaire 3, Grand Lyon la métropole https://www.millenaire3.com/ressources/cimetieres-un-objet-urbain-en-mutation
Strabic.fr, Tombinoscope,
http://strabic.fr/Tombinoscope
ANPU
https://www.anpu.fr/L-urbaniste-enchanteur-7.html
Repenser les cimetières urbains, 31/10/2017, par Zélia DARNAULT, http://www.demainlaville.com/repenser-cimetieres-urbains/
Le cimetière va devoir se réinventer pour survivre à la crémation, 18/09/14, Julien DAMON http://www.slate.fr/story/92105/cremation
D’ici quelques années, les morts vont sortir de leurs tombes, 04/03/18, Adrienne REY http://www.slate.fr/story/158404/cimetieres-ecolos-morts-nature
A la ville à la mort, 02/11/2013, Philippe GARGOV
http://www.slate.fr/france/79522/ville-mort-place
Rapport de PFE - Camille Baisamy ensa nantes - 2018
Atelier Perception Architecture et Paysage Maëlle Tessier - Arnaud Ledu - Marie Rolland avec l’intervention de Tangui Robert, Rémy Jacquier, Carole Quentin, Victor Leroy, Paul Chenneberg, Alexandre Koutchevsky.
Rapport de PFE - Camille Baisamy ensa nantes - 2018
Atelier Perception Architecture et Paysage Maëlle Tessier - Arnaud Ledu - Marie Rolland avec l’intervention de Tangui Robert, Rémy Jacquier, Carole Quentin, Victor Leroy, Paul Chenneberg, Alexandre Koutchevsky.