INDIE OR DIE - #1

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ins le tre tes ma n e s n e i t Tu de : es, résultat 3600 heur , s r u o j - 150 travail nutes de i m 0 0 0 6 21 s et interview ’ d s e r u e - 39 h cription de retrans s e r u e h 5 9 1 é es de caf - 46 litr res (ça es de biè r t i l 2 1 tes) a les fau expliquer s - 3 clope blanches - 2 nuits s

prane - 21 Doli

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) S ( E C N A D N E P É IND

BEL A L N U E R T E NT INDéPENDA ST: EN 2014 C'E

sam et salima Chez Kito Kat Records

Julien Fournier -

Guy§Marc Hinant,

SubrOSA RECIRDS

Philippe Decoster 62 Jeff tompson,

Vlek Records

the fat nort hener Record s

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TV Records


ING Records

Andy ,THAT’S NOT SKANK

Bev ,THAT’S NOT SKANKING Records

RDS

me RECO

Fred, We

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Maxime Lê Hung -

Matamore Records


T N E S E R P D N A T

PAS

FIRST CASK / WEME: FROM ASHES TO ACID

Fallait qu’ça sorte. Le su ccès, la descente infernale puis la renaissanc e. Fallait mettre des mots dessus, sur l’unio n fraternelle entre deux labels indépendants bruxellois: (Feu) First Cask Records et WeMe Records électrons libres dans le sillage des grands indépendants britanniques. Porter la plum e dans la plaie, la tremper dans l’acid. Putain de catharsis.

UN APRÈS-MIDI DE 2014. CONVERSATION ENTRE GAËL ET FRED. OU PRESQUE. « - Tu t’souviens quand on s’est rencontré fieu ? -Comme si c’était hier. C’était dans la rue ici, derrière le magasin. En fouillant chez un disquaire, j’étais tombé par hasard sur le disque de Ceephax celui avec la cassette. J’ai flashé. En remontant la piste, j’ai vu qu’il était sorti sur First Cask, un label bruxellois. Le tien. J’me souviens, j’avais commencé WeMe de mon côté, j’t’ai donné mon disque et j’t’ai dit : « Mec, j’suis fan de ta structure, de comment tu vois les choses. J’te connais pas, mais j’ai l’impression d’te connaître. »

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“MAL AJUSTES” C’est comme ça qu’ils les appelaient chez Baked Goods, distributeur indépendant de Manchester. So much to answer for. Insulte ou compliment, pour Gaël Van Weyenbergh, co-fondateur de First Cask, c’est surtout la meilleure manière de définir ce qu’ils sont, ce qu’ils font, lui et ses deux potes d’enfance : Youri et Big Joe. A eux trois, ils forment le noyau dur du défunt Firsk Cask, label indépendant fondé en 1999 sur un flash. Un flash, le pre-

mier d’une longue séri e de ceux qui fendront l’obsc urité des hangars et autres bu nkers qui abritent les soirées du label, clandestines pour la plupart. Mal ajustés. A qui? A quoi? A une industrie musicale claustrophobe qui se borne à se s propres limites : artistes formatés, prise de risques zé ro. Ivres d’envies,bourrés d’ ambition, à vingt et quelques piges les gamins ont la force de soulever des montagnes. Armé s de leur bâton de pèlerin et an imés par les principes du « wayfaring », ils développent un circuit de distribution al ternatif, en dehors des sentiers battus.

FSK005 , Gaël et . A 16 ans k c a b h s a l F argent ent leur u q a l c i r You isquns les d a d e h c o eux de p . Entre d o h o S e d aires ent reils écout , r a t s o r ques Eu leurs pla t n e m e s u e hex ligi nsemble Ap e t n e r v u o et déc t autres repusher e a u q S , n i w T usique rs d’une m u e r i t s c n iste fra vant-gard a e u q i n o r ée élect nte, port a e g i s n a r et int endants els indép b a l s e l r ania. pa x et Spy m e l h p e R , nt Warp eux qui fo c e u q s e m Les mê sur les es poils l r e s s e r d eur de d, fondat e r F e d s mier bra s. Le pre d r o c e R st WeMe Cask, c’e t s r i F e d succès

(de gauche à droite) Gael (aka DJ Firstcask), Andy Jenkison (aka Ceephax) et Youri Balcers (aka Lester Lewitt), 12.06.2004, Vilnius 7


l’album d’Andy Jenkinson, alias Ceephax. Numéro de catalogue : FSK0005. Petit frère de Squarepusher et nouveau venu dans le monde de l’acid, l’artiste de Chelmsford est la métaphore parfaite du label: un outsider. Les deux se lieront rapidement d’amitié. Gaël pose ses valises à Londres, où il rencontre Grant Winston-Claridge, boss du mythique label Rephlex. De son côté, Youri gravite à Berlin et devient ingénieur graveur sous la tutelle de Dubplates and Mastering. Les belges sont bien entourés. A l’aube de l’an 2000, First Cask devient la force montante de la musique électronique expérimentale.

(de gauche à droite) Andy Jenkison (aka Ceephax) et Gaël van Weyenbergh (aka DJ Firstcask), 2007, Ostende

« -Tu t’es dit : “ Maintenant, j’y vais, je m’en fous. ” T’as quitté ton job à la ville de Bruxelles, t’as fait un prêt à la banque et tu t’es mis à fond dans Fi rst Cask. -Ouais, et c’est là que tout s’est écroulé... »

(de gauche à droite) Andy Jenkinson (Ceephax), Gael Van Weyenbergh (Firstcask), Youri Balcers (Firstcask) et Damian Prigg - Bangface, Londres

CHRONIQUE D’UNe MORT ANNONCEEtu coules

et toi, « Nous on coule, d s mots de Bake avec nous. » Le rt mo de l’arrêt Goods signent se - quoi qu’en di du label. Mais - le plus dur ce le septième art la rrissage, c’est n’est pas l’atte e. bl ra longue, impa chute. Une chute on seau de producti L’ensemble du ré Et Cask s’effondre. autour de First n lo il ma ffit d’un tu tombes. Il su e. is la chaîne se br rouillé pour que sa uxellois entame Le jeune label br . es mb to rs. Et tu descente aux enfe t es c’ ésorerie», « Problème de tr up « J’avais beauco ce que dit Gaël: is il n’était jama de pognon mais

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sur mon compte.» Les paieme nts prennent du retard. Un mois. Puis six. Les trois dernières sor ties -Ceephax, DMX Krew et Luke Vib ertne suffisent pas à sauver la mise. Impossible de rembourser l’empr unt à la banque. Ca sent l’asphyxi e à pleins naseaux. Et tu tombes . Au même moment, l’Internet haut débit inonde les machines de millie rs de fichiers téléchargés illégalem ent. C’est de peer en peer. Téléch arger plus pour acheter moins. Bou limie dévastatrice et coup de grâce pour l’industrie musicale tradition nelle qui, aujourd’hui encore, pei ne à se relever. Gaël s’accroche mais les ventes MP3 ne suffisent pas à combler la brèche. A bout de for ce, le capitaine préfère quitte r le navire plutôt que de l’écoper : « Il n’y avait rien d’inéluct able


après coup, j’avais beaucoup en mains. Mais je n’ai pas le talent de business man. Et puis de toute façon, ce n’était pas l’esprit du label. Je voulais faire à contrecourant. »En 2009, dix ans après sa création, First Cask coule. Enfin...… pas tout à fait.

« - Quelle période de merde! Pour First Cask, WeMe c’était vraiment une bouffée d’oxygène. Je me souviens, on était la main tendue hors de l’eau, à te refiler le bébé pour que tu sauves ce qu’il y avait à sauver. C’était mieux que de tout voir crever. - Il n’y avait que ça à faire. Je t’ai dit : « Appelle le gars. Dis lui qu’il m’envoie ton stock. J’préfère le garder comme un trésor de guerre plutôt que ces disques finissent pilonnés.»

Orgie à deux, mariage à trois. L’union First Cask / WeMe s’était officialisée quelques années auparavant avec la coproduction d’un EP d’Acid Kirk: « Ca a été le moment où on s’est dit : ‘On se met ensemble mais en même temps moi j’abandonne et toi tu continues.’ On s’est ouvert les paumes. On a mélangé notre sang. Maintenant on est frères pour la vie. » Là où Gaël mise tout sur le plus gros cheval, Fred reste prudent. En multipliant les sources de revenus magasin physique, réseau de distribution et catalogue digital - il gagne son pari. WeMe a non seulement repris le flambeau, mais l’a porté plus haut, ajoutant à l’insouciance des débuts, le professionnalisme et la maturité nécessaires à la survie d’un label indépendant. Toujours, à contre-courant.

RESSURECTION ORGIAQUE. Fred n’a pas seulement sauvé le stock. Il a aussi recueilli les naufragés. Après la sortie d’une première B.O. signée Ceephax, l’artiste anglais phare de First Cask a décidé de faire confiance à WeMe. Fred s’en souvient: « Il m’a dit : J’ai un projet. C’est le meilleur album de ma vie. D’autres labels sont intéressés mais j’aime bien ton idée. Gaël c’est fini et j’ai l’impression que toi c’est un peu la suite. » Banco. Fred n’hésite pas une seule seconde et s’atèle à la production de ce qui deviendra une de ses meilleures ventes : un triple album qu’il qualifie d’ « orgie à deux » : « Lui a fait 9 l’amour dans son album. Moi j’ai Frédéric Mergam (WeMe Records) fait l’amour en le produisant. » 2014, Pêle-Mêle, c Photographe: Dani Bruxelles el Osorio


E U Q I MANUEL PRAT

DE SURVIE

À L'USAGE DES LABELS INDÉPENDANTS

Autopromotion, autodiffusion, auto financement. Ces dernières années ont vu émerger sur la to ile et ailleurs tout un tas de mots en « auto » qui voudra ient nous faire croire que n’importe qui peut devenir un self -made artiste à condition d’avoir un Bandcamp et une vers ion craquée de Pro Tools. A la question : « a-t-on encore besoin des labels indépendants? », l’American Dream 2.0 ré pond naïvement qu’il n’a besoin de personne. Comme Brigitt e il se plante et oublie le professionnalisme, la structure, les contacts, le réseau et l’esthétique qui constituent un la bel indépendant et le rendent indispensable. Pour ne pas dis paraître, la résistance sous-terra ine s’organise.

t e j b o ’ l r u s r e s i 1. M

nt dans l’atelier Les pots de peinture s’entasse dant que David du label bruxellois Vlek pen ères d’imprimerie aligne soigneusement les caract DICE POOL » : les sur une plaque de métal. « s’étalent sur la lettres couleur rouge sang pas toujours bien pochette. Un peu de travers, gulier et porte la collé, chaque disque est sin loin des produits marque du « fait main ». Bien © Photographe: Caroline Lessire Atelier Vlek Records c

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David (co-fondateur Vlek Records), Atelier. c Photographe: Caroline Lessire

à la chaîne façon boîtes de soupe Warholiennes, les disques deviennent objets de collection. L’artisanat c’est avant tout une passion raconte Julien, co-fondateur du label:« David est un grand fan d’impression. Il prend des cours de letterpress, de typo, de plein de trucs. Il passe des heures dans un workshop et fait des tests. C’est là-dedans qu’il s’éclate.» Un hobby chronophage rendu possible par les subventions de la Fédération Wallonie-Bruxelles - qui permet au label de toucher un public d’initiés:« Ca donne des objets que nos clients ont envie de se procurer. Toutes nos sorties physiques sont ‘sold out’ sauf les c’est si tu ne l’achètes pas directement, deux dernières. Les gens savent que s. cave les de disques qui s’empilent dans mort. » Ca change des cartons remplis e la guerre au digital, les indépendants Pendant que les majors s’évertuent à fair léché. misent sur la matérialité d’un produit

2. Fidéliser son public

Et moi je ce sont toujours les mêmes. s, que dis mes nt ète ach « Les gens qui qu’un réalisateur que un passionné de cinéma. Dès s sui Je si. aus ça me com s sui ça va me toucher. voir. Parce que je sais que le s vai je m, fil un t sor me tout j’aime el, Fred de chez WeMe est com lab son et e ill fam sa , lot » Entre son bou s le temps de tout x des nouveautés, il n’a plu le monde : noyé sous le flu les labels sont des ix. Pour les connaisseurs, cho des re fai t fau Il r. er qu’eux écoute Tune, Sacred Bones pour ne cit ja Nin , Pop Sub ux. cie pré s prescripteur es. Côté belge aussi, dans leurs niches respectiv sont devenus des références . Teenage Menopause, te pour fidéliser son public for té nti ide une ge for se on reconnait à un nçais Born Bad Records, se fra el lab du re amb ich ant de larsen. comme une t noyé sous une bonne dose tou le , ins ass ass s thé syn son crade, des d’Elzo (co-fondateur écho dans les illustrations uve tro qui ore son at ent att mes décalés, Un le. Couleurs explosives et thè mil re ent les sab ais onn rec , autres les du label) » du belge illustrent entre es iqu dél ché psy nk/ /pu pop « les collages tous deux signés sur ic Spray et Le Prince Harry, pochettes des groupes Cathol et racoleurs des n des catalogues hétéroclites Loi . use opa Men e nag Tee el son lab public défini. t un gage de qualité pour un ien dev nt nda épe ind el lab majors, le

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3. Sélectionner ses artistes avec soin Si le talent est le critère premier pour signer un artist e, il est loin d’être le seul. Plus adeptes du bouche-à-oreille que des démos pas toujours ciblées, les labels indépendants favorisent souvent leurs connaissance s. C’est le cas de Maxime Lê Hung, fondateur de Matamore : « Ca s’est toujou rs fait de proche en proche. Ca m’est arrivé une seule fois de produire un disque de quelqu’un que je ne connaissais pas. » Une histoire de potes donc mais surtout d’efficacité. Pour Christophe Hars, fondateur d’Humpty Dumpty, il faut avant tout des artistes investis : « Tout le monde doit bosser ensemb le. Moi je ne veux pas de glandus qui attendent que les choses se passent. Il faut des gens qui soient débrouillards, qui puissent chercher des dates par eux-mê mes, alimenter leur page Facebook… » Une attitude qui a permis au groupe Moutai n Bike de rejoindre les rangs du label : « Christophe a vu qu’on était motivé , qu’on avait déjà eu des groupes qui faisaient leurs propres tournées avant, que ça ne nous fait pas peur de faire 5 000 kms, on l’a déjà fait. On est jeune, on n’a pas de gosses, on peut jeter toute notre vie pour faire ça. » Fini l’artiste sur son piédestal, pour survivre chacun doit mettre la main à la pâte.

4. Unir ses forces

la arée entre re est décl er . le gu ca la si , mu strie urs mois du ie in us l’ pl et is e utub Depu ndant diffusion Yo s égales. Pe me de ar me à or s ef pa plat bat ps de t, on ne se ient à cou c li o g nf é n co e ce s à se Dans avances x, peinent ajors les pendants, eu urs dé que côté m te in s uc le od s pr dollars, une voix, le r es ée millions de ll cr te se ures re. Pour ur de struct to , au in faire entend rt nt Ma se aude se réunis Mais pour Cl . n LA io PA indépendants at IM ci re c Asso in ou enco pendent Musi de sa In n que WIN, Merl e ia nc lg nt de la Be « Youtube la vice-préside pas aisée : t es C’est comme n’ e ch tâ conditions. s se n (BIMA), la lo se g ceptez pas, de streamin si vous n’ac Et t. plateforme en em gociations est pas autr a pas de né y n’ Il ça et ce n’ u. u web, les tre conten es géants d d s e c a on retire vo n e m semble pour » Face aux availler en tr à t rê possibles. té oires au ont tout in usieurs vict pl jà dé indépendants ec partition du de poids. Av étant la ré te da avoir plus en l pour la dernière par Universa at ch ra n compteur so ations de EMI suite à le les associ ya lo dé e catalogue d’ nc re ional sont re la concur à l’internat et ue iq lutter cont lg Be balance. pendants en e pencher la ir fa r oi labels indé uv po acées pour les mieux pl

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5. Rester prudent Nés sur un coup de tête, un coup de co eur ou fruits d’une de biture, pour la longue nuit plupart des labels indépendants, les sont incertains. On lendemains sort un disque - so uvent le sien ou ce copains - sans fair lui des e de plans, sans fa ire de contrats pa philosophie zéro pr rfois. Une ise de tête pourta nt difficile à teni long terme. Si la pl r sur le upart des fondateu rs de labels indépe déjà un pied dans le nd ants ont milieu (organisateu rs de concerts, disq musiciens…), bon no uaires, mbre d’entre eux co nnaissent mal les l’industrie musicale rouages de : développer son ré seau de distribution la promotion, gére , cibler r un business plan , autant d’étapes à la survie de son né ce ssaires label. De l’amateu risme à l’entrepre qualité principale nariat, la du gérant de label indépendant reste la Une qualité que Fr prudence. ed de chez WeMe a dé veloppée avec les « Comme je ne pens an nées: ais pas que ça alla it durer dix ans, sortais tout et n’im au début je porte quoi. J’adore tout ce que je fais je sais très bien qu ais, mais e ce n’était pas du tout commercial. Ce aujourd’hui me perm que je fais et au moins de récu pérer mes mises. » pertes, prendre des Ca lculer les risques mesurés et se limiter d’abord pressages (souvent à de petits entre 300 et 500 ex emplaires avant le pour les petits la repress), bels indépendants, la clé du succès ré l’alliance entre au si de dans dace et prudence.

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S E É S I O R C S NDE

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THE M EDIUM IS THE MASSA GE ME SSAGE

La culture ne se résume pas à Stromae, Girls in Hawaii ou les Frères Dardenne. « Désert culturel », «enfer», « Fuck les médias». Les labels indépendants déclarent unanimement la Belgique zone sinistrée. Face à ce constat, la radio semble être la seule à pouvoir sauver la culture d’une mort médiatique certaine. Pourtant, côté public comme privé, on la regarde s’évanouir, jusqu’à lui asséner le coup de grâce. Récit en direct de la lente agonie de la musique alternative sur les ondes belges.

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aliste che, journ n a M e p p i l «Phi le Soir.» quotidien u a l e r u t l cu

« Pure FM est une radio de la Fédération Wallonie-Bruxelles. On est donc une radio de service public. Ca fait partie de l’ADN même de la chaîne de découvrir de nouveaux talents. » Olivier Depris, chef d’antenne de Pure FM, récite son discours à la perfection. Pourtant, à en croire les playlists de la chaîne, les « nouveaux talents » made in Belgium (Moutain Bike, Leaf House, Moaning Cities) n’ont pas leur place sur antenne avant 22h. Tout comme les rares émissions culturelles de contenu, « Drugstore » et « Bang Bang ». Le reste de la journée, « Purée Infâme » - comme on l’appelle dans le jargon - range soigneusement dans un fond de tiroir le contrat de gestion qui la lie à la Fédération WallonieBruxelles pour prendre ses marques au départ de la course à l’audimat. La chaîne, subventionnée à 75% par la Communauté Française, concourt ainsi aux côtés des chaînes privées que sont NRJ, Nostalgie et Bel RTL. Dans les bureaux du boulevard Reyers, on se targue d’avoir battu deux fois consécutives les records d’audience et d’avoir progressé de 35% quant au nombre total d’auditeurs. Pure FM se porte donc bien du haut de ses 3,13% de parts de marché en ce milieu d’année 2014.


Eduquer, divertir, informer Rencontrer les tendances musicales du moment « Il fut une époque où Pure FM diffusait plus de nouveautés que maintenant. Mais on n’a pas le choix, en radio si l’on veut faire connaître un artiste, il faut le programmer, le reprogrammer, le rereprogrammer pour que cela s’inscrive dans la tête des gens. » A en croire Olivier Depris, si la diversité musicale pèche, c’est que la chaîne veut faire connaitre - entendez « breaker »–de nouveaux artistes. Pure FM peut ainsi se targuer d’avoir breaké Stromae ou encore Puggy. Wait a minute... « Avaient-ils vraiment besoin d’un coup de pouce niveau promotion ? » Volte-face. Ma question appelle une réponse toute autre de la part de l’intéressé : « Une radio de service public c’est aussi rencontrer les tendances musicales du moment. »

C’est pas moi, c’est la soci

été

S’il est difficile d’en savoir plus sur le modus operandi de la sélection des playlists, il est tout aussi délicat d’obtenir une réponse nette quant à la définition de ce qui est « radio-diffusable » ou non. Radio-diffusable -le terme agace Philippe Decoster, co-fondateur du label indépendant62 TV Records: «Qu’est-ce que c’est que cette notion d’impassable en radio ? Tu peux tout passer ! Si t’as envie de passer une tronçonneuse, tu passes une tronçonneuse. Ils devraient plutôt dire ‘ça ne correspond pas à mon format de merde de radio’. Voilà, ça c’est une bonne réponse !» Des chansons calibrées - trois minutes max - une structure classique – couplet-refrain-couplet, – pas de sonorités agressives, une tendance poppy gentillette. C’est probablement ça le « radio-diffusable » aujourd’hui. Pour le chef antenne de Pure FM, c’est avant tout la faute aux habitudes de consommation : « On est dans le hic et nunc. Les gens veulent tout, tout de suite. La messe doit être dite après 2’45.» Alors plutôt que d’inverser la tendance, on la suit. Rien ne doit chatouiller l’oreille. Rien ne doit dépasser. Tout doit être lisse. Telle la meilleure des filles de joies, Pure FM donne à son client ce qu’il attend. Jusqu’à la dernière note. Ni trop haute, ni trop basse.

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N O P N O P À ETTRE

L

DISSIDENCE EPISTOLAIRE Jacques de Pierpont, mon idole. Toi t’as Stromae, moi j’ai Ponpon. Un John Peel à la belge qui t’assène un journalisme gonzo teinté de luttes sociales sur fond de rock alternatif. Son créneau : l’underground. Après avoir fait ses armes sur « Impédance », il produit et anime le mythique « Rock à Gogo » sur Radio 21. 2004 split de la chaîne en deux : Classic 21 et Pure FM. Ponpon se retrouve partout sans être nulle part. Suite au saucissonnage de ses émissions - toujours plus tard, toujours plus court - – Ponpon se voit remercié par le service public en 2011. En cause : il donne une image vieille à la chaîne. Pourtant, le journaliste n’a rien perdu de sa fougue et de sa verve. Pour le prouver, j’ai envoyé une lettre au principal intéressé. Voici sa réponse, griffonnée sur un bout de papier jauni qui sent bon le tabac à rouler

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Chère Camille, Désolé du retard, je suis en plein déménagement. Alors comme ça tu t’intéresses à l’alternatif ? Tu sais moi maintenant j’suis un vieux schnok. Rock à Gogo c’est fini depuis longtemps. T’étais même pas née quand ça a commencé. Enfin, ça me fait toujours plaisir de parler de la belle époque. Rock à Gogo c’était un patchwork. Imagine une émission où on te passait un Fugazi hardcore alternatif US et puis derrière un vieux morceau de hip-hop bruxellois des années 80. Entre les deux, tu te tapais la discographie oubliée des Who et t’invitais un groupe wallon qui sortait sa première démo à faire une session acoustique en live. C’est ça que j’aimais bien, soutenir les nouveaux projets alternatifs. T’as l’impression d’être un maillon de la chaîne. J’aime pas trop le dire, mais c’est vrai que j’étais un maillon important. Mon slogan c’était : « Il y a moyen d’être populaire et intelligent. » On ne veut plus l’entendre à la RTBF aujourd’hui. Je crois que c’est ça qui me fait le plus mal: dans mon organisme de service public, il n’y a plus de place pour la nouveauté.

De gauche à droi te; Ronnie James Dio (Ex-chanteur de Rainbow et Black & Ponpon Sabbat)

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Je suis rentré dans les années 70. On venait des milieux gauchistes. On voulait faire de l’entrisme comme on dit dans le jargon : entrer dans l’institution pour la transformer de l’intérieur. Aujourd’hui, le vrai squelette de la chaine c’est les pubs. Et ceux qui disent que ça n’a rien changé aux programmes, c’est des faux-culs et des hypocrites. T’écoutes en journée, c’est pub tout le temps. Classic 21 à 7h du matin ou à 7h du soir, c’est la même chose. Pure FM pareil. Toutes les radios jouent ce jeu-là. Toi tu deviens une voix d’aéroport et la radio un bruit de fond. En plus, Internet et les réseaux sociaux ont porté un sale coup à l’indépendance des animateurs-producteurs classiques. On ne pense plus radio, on pense combien de fans on va avoir sur Facebook ou Twitter. Moi la technologie, ça m’emmerde. Je préférais venir en studio avec mes disques sous le bras. Ca fait vieux con qui radote là. Au final, ça tombe bien: la coïncidence de ma fin et de la fin d’une époque. Je te laisse, je dois retourner à mes cartons. J’espère t’avoir aidée. Bonne chance dans le milieu, ça va pas être facile ! PS: en fouillant un peu j’ai retrouvé quelques photos de l’époque. Je te les mets avec.

Ponpon

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ic 21 Jacques de Pierpont alias Ponpon, Studio Class


E T E NQU

E

tation, r o p x e t e e tion local c u e pour d x o e r p l p e m r o c Ent e territoir : e u q i g l e la B ndants les indépe

En plein coeur de l’Europe, la Belgique est un véritable carrefour d’influences culturelles provenant essentiellement de la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Angleterre. Une richesse qui s’ajoute à celle déjà présente au sein même du pays, à l’image des deux communautés qui le composent. Pourtant, l’immense majorité des labels indépendants bruxellois se retrouvent coincés entre les frontières d’un territoire trop petit et trop souvent divisé. Un label peut-il survivre à l’intérieur des limites de son pays ? Enquête sur la Belgique, le poids de sa production musicale locale et ses possibilités de développement.

Vlek, Aredje, MeWe - ancêtr e de WeMe - autant de lab els indépendants qui empruntent leur nom tantôt au patois wallon , tantôt à des expressions typiqueme nt bruxelloises. D’un côt é, l’héritage est clairement revendiqu é. C’est le cas de Vlek pour lequel le local représente 98% du catalogue : « Ca nous anc re dans notre milieu. L’idée a toujours été de promouvoir les art istes belges sans faire de patriotisme. C’est plus intéressant que de choper un gars qu’on va juste avo ir par e-mail.» De l’autr e, il s’agit plutôt d’un clin d’oeil. Fred, co-fondateur de MeW e ironise : « A force de boire des ver res, on disait toujours « Mais ouais ! ». Donc on a gardé ça pou r une petite identité san s vraiment en être une. Tu sais ce que c’est que d’être belge, on n’est jamais vraiment fier de ce qu’on est. » de la rtin, vice-président Ma de au Cl t en mm co à voil ue la faible part Une identité floue, ation (BIMA), expliq ci so As c si Mu t en nd « Il n’y a pas Belgian Indepe rché musical belge: ma le r su le ca lo ande est de la production ure. La culture flam lt cu sa ur po on ti la lture de fierté de la popu ent assimilée à la cu uv so t es e lg be e ur cult s arbres liée à une langue. La 19 r les chiffres. Derrière le pa e mé ir nf co ce an nd te française». Une


urs de la e, Suarez et autres ambassade qui cachent la forêt Stroma ime la ainment Association (BEA) est ert Ent n gia Bel –la ge bel e musiqu e 30 à 40% gique francophone à 5% (contr part du répertoire local en Bel ndants. épe produite par des labels ind en Flandre), dont la moitié est

Subsides pour subsister

Pour palier à ce problème, des mes ures sont mises en place pour soutenir la production locale. La Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) accorde ainsi des soutiens ponctuels à la production et à la promotion ainsi que, dans des cas plus rares, une aide annuelle structurelle aux labels. WallonieBruxelles Musiques (WBM), quant à elle, appuie financièrement l’e xport. Grâce à ces subsides, le label bruxellois Humpty Dumpty a pu recevoir entre 2 500 et 12 000 euros d’aides à la production/prom otion en fonction des coûts engagés, 2000 euros dédiés à l’expo rt pour certaines sorties ainsi qu’une aide structurelle de 6000 euros en 2011, néanmoins réduite de moitié avec la crise. Le nombre de labels indépendants ayant accès à l’intégralité de ces sub ventions reste toutefois limité. Sur la trentaine de labels interr ogés lors de ma recherche, cinq seulement bénéficient de l’aide structurelle: 62TV, Vlek, Humpty Dumpty, Jaune Orange et Matamore.

Si pour certains c’est une volonté de ne pas faire appel à des soutiens financiers extérieurs - indépendance revendiquée ou peur de trop de paperasse - pour d’autres, ce sont les critères d’attribution de la FWB qui posent problème. Les genres qui se vendent le mieux sont favorisés. C’est le cas du pop-rock qui rafle le plus de subventions. Pour Julien Fournier, responsable du service des musiques non-classiques de WBM, les raisons sont simples : « Il y a un investissement qui demande plus d’argent pour financer le disque. Il y a aussi plus de possibilités de développement et de rayonnement de la FWB à travers ces musiques.» Une politique qui se justifie... Mais qui laisse sur le banc de touche certaines productions plus électroniques, plus expérimentales, moins conventionnelles. WBM tente néanmoins d’élargir son spectre de compétences.

Du pain sur les planches ce sont Plus encore que le territoire, ortent. les réseaux de diffusion qui imp de ces En Belgique, la multiplication Les es. ist art derniers pose problème aux p -po age gar membres de Moutain Bike, groupe a pas bruxellois, témoignent : « Il n’y joue ne On ie. lon d’infrastructures en Wal va ça les xel quasiment jamais là-bas. A Bru ent lem un peu mieux mais on joue essentiel hot’ e-s ‘on des s, ent sur de gros évènem Fla en Et 20 ndre comme la Fête de la Musique. gets, tu as des salles avec des gros bud

Moutain Bike, ©c Photographe: Kmeron


comme le Cactus Club à Bruges. Il y a plus de moyens, plus d’aides. C’est dingue que ça ne passe pas la frontière. »

Du côté des labels indépendants aussi, on déplore le manque de répondant des salles subventionnées par la Communau té Française. Vincent Faidherbe, boss de Cheap Satanism Records s’in digne : « Le Botanique prend un malin plaisir à snober tout ce qu’il ne connait pas. Ils ne font aucun effort de recherche. Et les autres sall es en Communauté Française – à part la Zone (Liège) ou le Rockerill (Cha rleroi) ont une programmation où ils ne prennent zéro risque. » Une opin ion contredite par Paul-Henri Wauters, programmateur du Botanique. Pour lui, la salle ne se contente pas de remplir le quota de groupes locaux imposé, elle le dépasse allègrement : « On a une forme de tolérance volontaire qui est notre mission. Parfois je dis ‘okay’ au groupe parce que c’est un artiste de la Communauté Française. Ce n’est pas nul ce qu’ils font, mais je n’aime pas du tout . Je le fais quand même et parfois c’est une souffrance. On le fait sérieusement mais ça me reste coincé dans le ventre. » Dans les faits, la production locale représen te un tiers des 650 groupes qui foulent les planches du Botanique chaque année. Les Le Botanique, salle de concert, Bruxelles autres peuvent quant à eux s’appuyer sur un réseau plus alternatif à l’image du Maga sin 4, salle bruxelloise dirigée par une équipe de bénévoles.

De moins en moins de points de vente Pour maintenir la tête hors de l’e au, les labels ont tout intérêt à placer leurs disque s dans les bacs des indépendants comme des magasins spécialisés (Fnac, Mediamarkt). La tâche n’est tou tefois pas aisée et la concurrence, accentuée par la crise du disque ,est rude. Si le marché physique représ ente toujours près de 70% des ventes en Belgique, les mag asins, eux, sont de moins en moins nombreux. Selon la BEA, on en dénombrait 350 en 2009. Un chiffre mis à mal en 2011 par les faillites du groupe Sonica (Extrazone et Bilbo) et de la chaîne Free Record Shop (85 magasins en Belgique soit 17% du marché physique). Les initiatives ponctuelles comme le Record Store Day relèvent quant à elles plus de l’op ération marketing - – on crée de la rareté pour nous vendre des21disques plus cher Philippe Decost er, 62 TV Records. - et ne fidélisent pas les acheteurs auprès des disquaires


spécialisés. Des disq uaires moins nombreux et qui prennent moins chez 62 TV Records, on de risques, ne se formalise pas, on fait avec : « On est pe peu trop mainstream po ut-être un ur certains disquaires indépendants. Il est bon ton de dire que ce to ujours de qui vient de ton pays c’est de la merde. J’va ‘ouin ouin’ parce qu’i is pas faire l n’y a pas un de nos di sques chez Caroline Mu fous. S’il n’a pas envi sique. Je m’en e de le prendre, il ne le prend pas. Et si mo d’aller acheter mes di i j’ai envie sques ailleurs, je le fais aussi.» Le consta Mergam, fondateur de We t de Frédéric Me, n’est guère plus br illant:« Les distribute commencent à me contac urs belges ter au bout de dix ans. Maintenant je peux me leur dire fuck. ‘Moi il permettre de y a dix ans je t’envoya is mes trucs et tu les bouler. Il a fallu que envoyais ce soient les anglais et les hollandais qui Rare point de rencontr le s sortent.’» e entre l’œoeuvre et so n public, les distribu fragilisés, semblent eu teurs belges, x aussi souscrire à la politique du « zéro ri sque ».

La Poste vous charge Internet - souvent présenté comme le bourreau du support physique - a néanmoins permis le développement de sites dédiés à la vente en ligne, notamment de vinyles. Mais là encore, la Belgique reste un terrain dangereux pour les labels indépendants, confrontés à des frais de port exorbitants. Avec 13,50 euros en moyenne pour un disque, la Poste belge détient le record des tarifs les plus chers d’Europe. Là où la plupart des labels indépendants s’évertuent à garder des prix les plus bas possibles, l’envoi coûte souvent plus cher que l’achat. Dans certains cas, l’acheteur paye son disque 2,50 euros mais se voit facturer 13,50 euros de frais de port. « Pitoyable », « ridicule », cette situation est déplorée par l’ensemble des labels qui tentent de trouver des moyens d’y échapper. Certains n’hésitent pas à rogner sur leurs marges. C’est le cas de Vincent Faidherbe et de son label Cheap Satanism : « Pour masquer le coût, je mets le disque en vente à 13 euros et n’affiche que 6 euros de frais de port. Résultat : je ne fais que 2 euros de marge sur un vinyle. Parfois je suis carrément en perte s’il y a un acheteur au Brésil ou au Japon. Finalement je paye pour envoyer le disque. » D’autres misent plutôt sur la délocalisation. Le label bruxellois Vlek rationnalise ainsi le shipping de ses disques en passant par un bureau d’envoi intermédiaire improvisé à Berlin. En Allemagne, l’envoi d’un disque vers le monde entier s’élève à 3,50 euros. Une somme dérisoire comparée à la tarification belge.

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Une seule solution : l’exportation ? itants en Belgique Avec un marché de base restreint - 4,5 millions d’hab majoritairement d’un francophone - les artistes locaux semblent dépendre succès à l’étranger. On se tourne alors volontiers vers la France pour rentabiliser un projet, comme l’explique Olivier Maeterlinck, directeur de la BEA: « C’est là que se trouvent les opportunités. Il faut pratiquement déjà être connu en France pour être connu en Belgique. » Le label indépendant franco-belge Teenage Menopause (T.M) l’a bien compris.

Avec un pied à Paris et l’autre à Bruxelles, il multiplie les points de vente mais surtout les retombées médiatiques. « Frous est parisien. Et puis c’est une grande gueule. Il est partout, il connait tout le monde » s’amuse Elzo Durt. Pourtant, lui non plus n’est pas en reste. Illustrateur de talent et écumeur de concerts, tout le monde à Bruxelles connait le visage du deuxième fondateur de T.M. Articles dithyrambiques dans Gonzaï, The Drone ou encore Noisey, le label Olivier Maeterlinck, directeur de la mère du groupe Jessica 93 est rapidement devenu Belgian Entertainment Association (BEA) Decoster, 62 TV Record s. la coqueluche des blogs musicaux alternatifs les plus influents aussi bien que d’une presse généraliste plus institutionnelle à l’image du Soir ou même du Monde. Julien aussi souhaite dépasser les frontières belges. Dès la création de son label Vlek, son ambition première est de donner une aura internationale à des artistes nationaux. Il sort ainsi la série des « AMAI », trois 45 tours avec une face réservée à un artiste belge et l’autre à un artiste étranger.

p frileuses, des frais Un réseau de distribution fragilisé, des salles parfois tro , le constat est clair : postaux inabordables et un marché de base restreint belge sans avoir les pour les labels indépendants, miser sur le principe belgos le pied. Toutefois, le assises institutionnelles revient à se tirer une balle dan c précaution. En plus développement à l’international doit être considéré ave ortants, exportation de nécessiter des moyens financiers et logistiques plus imp e donc pour les labels ne rime pas toujours avec succès. Pas de solution miracl s. indépendants qui doivent avant tout rester persistant 23


Y R O T S S SUCCES

ans les d s u d r e p s les Belge , S R E D R O C RE musicale e i r t s u d n i l' limbes de

Rares sont les groupes belges émergents qui réussissent à décrocher un contrat avec une major. Recorders fait partie des chanceux. En 2013, les cinq jeunes artistes ont signé avec EMI – alors déjà sous la tutelle d’Universal. Depuis, la course au succès a pris des airs de faux départ. Si le groupe n’a rien à redire de ses relations avec la major, cela fait maintenant un an qu’il se fait balader entre EMI, Universal et Warner, véritable Cerbère de l’industrie musicale. Perdus entre des leurres d’indépendance et les éternelles subdivisions des géants du disque, Recorders peine à retrouver sa voie. Barbe savamment négligée, T-shirt à form es géométriques et béquilles, Gordon Delacroix - chanteur du groupe belge Recorders - m’ouvre la porte de son appartement ixellois. Quel ques jours plus tôt, je lui envoyais un message pour prendre rendez-v ous. Réponse rapide. Et pour cause, le type est dispo. Pas de festival pour Recorders cet été. Ca fait presque un an que le groupe est à l’arrêt. Gordon s’en relève tout just e grâce à Caroline Records. Ou presque... sa réce nte opération du genou le tient immobilisé quelques mois supplémentaires. Le temps de clopiner jusqu’à la table du salon, mettre un disque, ouvrir une cane tte et il me raconte l’histoire de sa rencontre avec les majors : « A cette époque-là on ava it approché Sony, Universal, EMI, PIAS aussi. Et, à part Sony, tout le monde était favorable. Don c on avait un peu le luxe de choisir. » Le « luxe », c’est le mot, surtout pour un premier album. Il fau t dire que les Recorders avec leurs belles gueules, leurs styles soignés, leur indie pop dansante et leurs clips sur la plage semblent rentrer sans le vouloir dan24s les critères Gordon Delacr oix, chanteur du des majors. Pour trancher, les membres du groupe groupe belge Recorders


font confiance à leur manager, Christophe Elskens, également gérant de Noisesome Records: « Christophe nous a dit : ‘J’ai déjà bossé avec EMI et leurs équipes sont super cools. Dans les 36 personnes, je peux choisir qui bosse avec nous.’ » Après quelq ues recherches, Noisesome Records, fondé en 2007, s’avère être une sorte de dénicheur de talents pour EMI Belgium. Au tableau de chasse du manager : les groupes belges Motek, Customs et The Love Compartmen t. La page FaceFace book du label n’indique pourtant pas de filiation avec la major. Noisesome est présenté comme : « un label indépendant dédié aux group es belges ». Ca fait bon genre.

Jusqu’ici tout va bien…

saisir leur stions et bien décidés à Sans trop se poser de que de licence orders signent un contrat chance, les membres de Rec d’albums 70% des revenus des ventes m. giu Bel EMI c ave 30 70/ deal aux artistes. Le type de 30% s, que dis de son mai vont à la au 50/50 sur ndépendance plus habitué qui, dans le milieu de l’i . Pourtant à vendre son âme au diable t ien rev le, tab de n coi un or: le ses relations avec la maj de ire red à n rie n’a Gordon finance le super chouette mec », EMI chef de projet est un « groupe sur du Morgen pour suivre le voyage d’une journaliste lis. On première partie des Fratel en e err let Ang en e rné une tou clichés de ni à la musique. Loin des ne touche ni à l’image, de Recorders on boys band, la liberté modelage des groupes faç don avant ent déjà tout » affirme Gor rai ado Ils « : e act int est . J’imagine ndait très bien avec eux de continuer : « On s’ente mais ils de, le cas pour tout le mon que ce n’est peut-être pas six sbires écraser. » Le groupe et ses s nou de ayé ess pas nt n’o premier ale osmose. La sortie du tot en t son et vol le sur triés Hoffer (M83, Angeles par le grand Tony album – enregistré à Los s compter r octobre 2013. C’est san Phoenix…) - est prévue pou ndustrie du disque. sur les bidouillages de l’i

D’EMI-Universal à Warner-Universal En novembre 2011, Universal Music s’offre EMI pour 1,4 milliard d’euros. Depuis la signature de son contrat avec EMI, Recorders est donc indirectement sous la tutelle d’Universal. Pourtant, même quand Gordon raconte l’histoire, difficile de savoir qui d’EMI ou d’Universal prend les décisions au moment de la signature du contrat. De l’autre côté, le rachat d’EMI par Universal ne se fait pas aussi facilement que prévu. Il n’est pas encore accepté par la Commission Européenne qui lutte contre la concurrence déloyale. Si l’absorption a lieu, Universal obtiendrait une part du marché global dépassant les 35% et installerait un monopole de fait. Concrètement, un disque sur trois dans le monde serait estampillé

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Universal. A cet instant, les décisions à coups de milliards se conjuguent au conditionnel et la tambouille interne des majors n’a que peu d’incidence sur le groupe belge. Tout bascule lorsqu’Universal se voit obligé de revendre des activités d’EMI en Europe à Warner Music pour équilibrer la balance. A ce moment, Recorders passe d’EMI sous Universal à EMI sous Warner. Gordon se rappelle de la transition : « EMI-Warner nous a dit : ‘Okay on vous garde, l’album sort en octobre, pas de problème.’ Ils ont viré un peu à la tronçonneuse comme des mongoles la moitié du personnel. Donc 18 personnes sur 36 qu’ils remplaçaient par des personnes de Warner. » Recorders perd son équipe de base. EMI-Warner s’embourbe dans le marasme de ses licenciements. En sous-effectif, la major ferme ses bureaux en octobre 2013 pour se concentrer sur sa restructuration. Côté Recorders, on

est mis en standby : « On n’avait pas de nouvelles d’eux. Ils nous disaient ‘la semaine prochaine’ toutes les semaines. On a même eu un ‘demain’ une fois. Mais c’était pas le lendemain.» Une situation qui dure et agace les belges, bloqués dans leur ascension. Quelques mois plus tard, le couperet tombe : EMI-Warner n’est plus intéressé. Rideau. Fin ve décembre, le groupe se retrou sonne pour per s mai é avec un album termin le sortir. Joyeux Noël.

Gastro on : c Eva

Illustrati

Galères Universelles Retour au point de départ ou presque. Recorders va frapper aux portes des labels intéressés un an plus tôt. Trop tard. Les boites n’ont plus de place pour de nouvelles signatures. Les belges se retrouvent tout seuls, « comme des cons » ironise Gordon. L’album terminé, il manque de quoi imprimer les jaquettes, presser les disques, payer l’avance à la SABAM. Le genre de broutilles qui ne coûtent pas un bras. Pour renflouer les caisses, le groupe lance un crowdfunding. Ils sont finalement rattrapés au vol par Caroline Records qui veut sortir le disque. Oui mais... Caroline fait également partie d’Universal Music Group. Un vrai jeu de poupées russes qui donne plus mal à la tête qu’Inception. D’EMI-Universal à EMI-Warner puis Caroline-Universal, le groupe belge continue de se faire balloter de subdivision en subdivision. Gordon, rôdé au labyrinthe des majors, revient sur la situation : « On a été viré de

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la tutelle d’Universal parce que, selon la Commission Européenne, ils avaient un monopole trop élevé. Le fait qu’on aille chez Caroline qui bosse avec Universal, indirectement on rebosse avec Universal. Du coup on avait besoin d’un cachet à la con de la Commission Européenne sur une bête feuille qui disait qu’on pouvait de nouveau indirectement bosser avec Universal. » Le jour où je rencontre Gordon, ça fait deux semaines qu’ils ont reçu le dit cachet. Trois mois et demi après l’avoir demandé. Un an après la sortie programmée de l’album avec EMI. Le chanteur insiste : ce n’est la faute ni d’EMI, ni d’Universal, ni de personne. Il tient à souligner les bonnes relations qu’il entretenait avec les majors et les avantages d’une telle structure : plus de moyens, plus de contacts, plus d’influence, une présence internationale… Pourtant, lui aussi est forcé de le constater : « Toutes les merdes qu’on a eues ne seraient pas arrivées avec un petit label. »

«-Avec du recul tu le ferais différemment ? -Non… Parce qu’avec du recul je le ferais différemment si je savais que ça allait partir en couilles. Mais je ne savais pas, je ne pouvais pas le savoir.»

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S E T O D C E N

A

MASS CRITIQUE

ying to break tr am I « , es on J m Sa Chronique t Wilco » (2002) ou ab lm Fi A : t ar he your Initialement conçu comme la genèse du quatrième album du groupe américain Wilco « Yankee Hotel Foxtrot », le documentaire révèle au grand jour l’absurdité du fonctionnement des multinationales et de leurs subdivisions faussement indépendantes. Avec une simplicité désarmante, la caméra de Sam Jones capture le processus créatif aussi bien que les drames internes qui déchirent le groupe. Le guitariste Jay Bennett apparait à l’écran. Sourire en coin, il se targue de pouvoir enregistrer un album en toute liberté: « Ils nous donnent 85 000$ pour le faire. Et ils n’en ont pas entendu une note. » A ce moment-là, tout le monde - y compris Sam Jones - l’ignore mais ce n’est qu’une question de temps avant que Reprise Records - sous-division de Warner Music Group ne rompe le contrat qui les lie à Wilco et que Jay quitte le groupe. Pourtant, ici la caméra ne dramatise pas, elle documente. Le départ de Jay n’est que brièvement évoqué et la décision du label annoncée via un bref coup de téléphone au manager. L’optimisme ambiant du documentaire s’explique par l’absurdité de sa chute: après s’être fait virés - « Yankee fier l’album, Wilco di mo de sé fu re r oi av bel - cherche une de chez Reprise pour frais payés par le la ut to e ch po en » t chez Nonesuch Hotel Foxtro oupe trouvera refuge gr Le s. ue sq di de disque qui nouvelle maison prix pour sortir le le is fo s oi tr e fr : Nonesuch Records qui lui of ière. Ironie du sort rr ca ur le de e gu or ntaire deviendra le point d’ e Reprise. Le docume mm co , er rn Wa de n io ivis teur la mécanique est aussi une sous-d nt aux yeux du specta sa po ex en re uv oe d’ ement vérolées devient chef ormes machines, tell én s Ce s. le na io at in à contrôler interne des mult ne parviennent plus et t en ll ui ro , nt ltitude qu’elles s’encrasse , à l’image de la mu ux re mb no nt so s il Et trailles de chaque tous leurs rouages. i jaillissent des en qu ts an nd pe dé in ls n’ont pas signé de faux labe de groupes avant eux, re mb no n bo e mm co au même. Pourmajor. Wilco, Nonesuch. Du pareil et e is pr Re ez ch nne plus chez Warner mais inationale ne parvie lt mu la de te tê la e qu exemple tant, il semblerait le Wilco en est un da an sc Le t. ui od pr lle prise Records ne à contrôler ce qu’e u: on regrette que Re ea bl ta au e br om e ul deux fois pour frappant. Se . A croire que payer re ai nt me cu do le ns s’exprime pas da Warner. de commentaires pour e ss pa se ue sq di me le mê

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VU SUR YOUTUBE

Clip : Alain Chamfort -, « Les Beaux Yeux de Laure » , Le Plaisir (2003)

« Bon d’accord, je me suis pas cassé pour mon clip. Mais j’ai une excuse. J’ai été viré de ma maison de disques. Ils allaient pas en plus me payer un clip. » 2004. Clip de la chanson « Les Beaux Yeux de Laure ». Plan fixe, noir et blanc, Alain Chamfort fait défiler des pancartes façon Dylan dans « Don’t Look Back ». Entre les paroles, l’artiste - viré quelques mois plus tôt d’EMI-Capitol - glisse un message personnel. Les lettres, écrites au marqueur noir, étalent ses déboires avec son ex-maison de disques. Motif de la rupture : Alain Chamfort n’a vendu « que » 50 000 albums en trois mois - la moitié d’un disque d’or à l’époque. Pas assez au goût

Entre temps, d’EMI-Capitol. Pas assez vite. a elle-même la personne qui l’a fait signer maiau disque de se développer, la ps été virée. Sans laisser le tem la de s plu t. Un dégât collatéral de son de disques rompt le contra ne sig ste ors. Un an plus tard, l’arti maj des se reu ast dés que iti pol porte une I Bis Records et son clip rem avec le label indépendant XII Victoire de la Musique.

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W E I V R E T N I

« Marchands de chaussettes », « grosses machines », « usines à tubes », le milieu de l’indépendance n’est pas toujours tendre avec les majors. Bien souvent, les différences sont pointées du doigt et les points communs passés à la trappe. Si bien que pour la plupart des petits producteurs, labels indépendants et majors ne font pas le même métier. Pour en avoir le cœur net, je me suis adressée aux principaux intéressés. Après un parcours du combattant – envois de mails à répétition, et preuves de motivation – me voilà enfin dans les bureaux d’Universal Music Belgique. Dans les couloirs, les caméras de la RTBF. Sur les murs, les artistes fétiches du leader mondial de la production musicale. Face à moi, Gilbert Lederman, responsable du département francophone. Extrait one ement francoph d’interview. ble du départ sa on sp Re , an Gilbert Lederm sic Belgique (…) d’Universal Mu les majors comme moins passionnés, Vous savez sûrement qu’on a tendance à considérer . Qu’en pensez-vous ? pas forcément animés par cet amour de la musique Ce n’est qu’une succession de clichés. Les grandes maisons de disques sont diabolisées pour de mauvaises raisons. Il n’y a pas de différence en tant que telle entre les petites et les grandes maisons. Si ce n’est plus de moyens et une nécessité de résultats plus importante. On n’est pas présents pour des raisons philanthropiques. On est une entreprise commerciale, mais les maisons indépendantes le sont tout autant. Il y a beaucoup d’hypocrisie à vouloir dire l’inverse.

On reproche souvent aux majors de signer des artistes uniquement en fonction de leur potentiel commercial... Est-ce que vous pensez que les indépendants signent des artistes pour que ça ne marche pas ? La logique commerciale est exactement la même. Mais c’est tellement plus romantique de penser que, parce qu’on est une maison indépendante, on est passionné par la musique. Et les gens qui travaillent dans les30 majors ne le seraient pas. Moi j’ai un parcours qui est uniquement motivé par la passion de la mu-


sique. Et mon objectif c’est d’avoir du succès avec mes projets et de faire en sorte que nos artistes puissent subvenir à leurs besoins. Parce que finalement les artistes le font aussi pour pouvoir vivre de leur art. Et ce n’est pas évident aujourd’hui. Nous sommes des gens de l’ombre. Notre rôle à nous c’est de mettre nos artistes dans la lumière. C’est exactement la même chose dans une maison indépendante, je ne vois aucune différence.

Est-ce qu’il existe une compléme ntarité entre labels indépendan ts et majors ? Les labels indépendants sont-ils mis à contri bution pour dénicher de nouveaux talents par exemple? Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, on n’a parfois pas besoin de relais type petites maisons indépendantes. D’un autre côté, les petites maisons sont parfois plus rapides, plus habiles, plus flexibles pour réaliser rapidement des enregistrements. Par après, l’artiste peut être renforcé par une major. Le cas de Puggy est un bel exemple. Ca a été signé par un petit label. Ca a permis au groupe de réaliser son premier album. Et puis ensuite ils ont signé en major et c’est devenu le phénomène que l’on connait. Stromae c’est exactement la même chose. La major est souvent utilisée pour le bien de l’artiste, pour aller plus loin.

ement un monopole. On parle même Sur le plan économique on remarque pourtant clair up par exemple représente 30%% des d’ « oligarchie » des majors. Universal Music Gro terme selon vous ? parts de marché. « Monopole » n’est pas le bon Ces termes-là ne correspondent pas à la nature même de notre métier dans le sens où tout le monde est libre de faire ce qu’il a envie. Mais c’est vrai qu’on est dans un domaine où la masse critique est assez limitée. Il y a 10 ou 30 ans, il y avait peut-être entre 5 ou 10 majors. Ce qui est moins le cas aujourd’hui. Mais à côté de ça, les maisons indépendantes sont bien plus nombreuses qu’à l’époque.

Que souhaitez-vous répondre à ceux qui vous voient comme les grands méchants majors ? Je pense qu’ils ne nous connaissent pas et qu’ils diabolisent inutilement, par paresse intellectuelle peut-être. Il y a une complémentarité sur le marché entre indépendants et majors.

Pour vous c’est exactement le même travail mais pas à la même échelle ? C’est le sentiment que j’ai lorsque je rencontre des personnes qui travaillent dans des maisons de disque autres que la mienne. Quel que soit leur poids. L’un dans l’autre, le métier est exactement le même. Nous évidemment on est dans une forme de forteresse. Et on voit bien aux résultats qu’on est très présents sur le marché. Mais pour autant nous avons le plaisir de côtoyer encore des gens qui font ce travail sur d’autres enseignes et qui le font très bien.

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s è c c u S & ce n a d n indépe

T N E L R A P N E S L I

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« Je ne crois pas les gens qui disent : ‘faire de l’argent, je m’en fous.’ Ca fait un peu le plan : ‘Je va is à une soirée célibataire, je me fais jeter par tout le monde ma is je m’en fous, je ne venais pas vraiment pour ça.’ Non, on ne te croit pas. C’est une protection narcissique. » ier

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sajob et de me con n o m er êt rr a d’ vie. Y’a des s une option a m pa t n ie en b im t ra en v em st tiv « Ce n’e et je gagne rela stricts parce que le es il a pt v m a co tr s Je de . e el ir fa t crer au lab u. Pour l’instan rd. J’ai arrêté de rd ca pe er i st a a j’ M e u à q ce ce râ ent sorties c’est g s te dire exactem ourrir. De temps n pa à is s ra il u f sa n u e i n a j’ Je us ça me déprimait. oins 20 000. En pl u vois, c’est m ‘T : et s 0 di i 00 lu 15 s je in o et em dus je dois être entr s de disques inven se is ca es m e tr n mo ) en temps, je lui ersité.’ » (Rires iv n u l’ à s pa s ’ira pour ça que tu n herbe, d i a F t Vincen atanism S Cheap

« On ne peut pas toujours faire nos propres choix. Parfois il faut enlever ce côté humain qu’on a, même si ça fait mal au cœur, même si on aime bien le groupe. On ne doit pas oublier qu’on travaille chez Warner Music et qu’on doit être rentable. Il n’y a plus de rock’n’roll, il est parti. Mais si quelqu’un a la solution pour sauver le monde de la musique, qu’ils viennent. Everbody welcome. » Jenn Warn ifer Sm i er M usic ts, BE

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E L U E U G COUP DE

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irts Ramo sh T s le ù o e r u e n entrée dans so A l’h it a f » e p y h « nd se senle mot u ù o o r g t r e e d M n & u H l’ s e n d o y s ra nt à faire reilleurs snobinard e u o in f ch s é le s’ , e ls ir ’i u a q n n e r le dictio ne contre-cultu ’u d s é d seule envie : la é e ss n o p ’u é u D q i s. u cé ’h a d n r e u m jo tent nies, ils n’ont au dicalistes de la n n ce sy é d s s le e , d e is m u is p r e a d connaitre ise d’égo et sect cr e r t n » dont voici E . t e n r a r v e a t s x u u ie so m e r it t a t reme ndrome du « C’ét sy le t n e p p lo e v hype dé les règles d’or :

1.« Je préférais le premier album. » Peu importe le groupe, il est de bon ton de vanter les mérites du premier album - parfois sans même l’avoir écouté. Celui-ci reste le Saint Graal avant la descente infernale, le succès, les interviews, les sold-out… Cette formule fait également partie du top 3 de tout blogueur élevé aux Inrocks et autres resucées Pitchforkiennes qu’on trimballe sous le bras, plié de façon à exposer ostentatoirement une énième couverture sur Frédéric Beigbeder. C’était tellement mieux avant.

2.« Les Black Lips à l’AB ? Pffff… » Un de tes groupes préférés joue à l’Ancienne Belgique. Hors de question de s’entasser dans une salle avec 1999 autres personnes dont les trois quarts seraient incapables de réciter les paroles du premier album - le fameux - à l’envers. Toi, tu es un vrai fan. Les Black Lips tu les as vus au Club de l’AB il y a cinq ans avec les 369 autres fans de la première heure. Cette logique « the smaller the better » peut être dupliquée à l’infini et dans un ordre décroissant pour l’Orangerie, Madame Moustache et autre DNA. Y’a pas à dire, c’était vraiment mieux avant.

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3.« Je suis sur la liste. » variante : « Je suis avec le groupe. Le snobinard underground ouvre plus facilement sa gueule que son portefeuille. Lâcher 15 balles pour un ticket ? No way ! Surtout qu’il a déjà vus les gugusses dans un squat il y a 3 ans. Et le dernier album est à chier. Avec son pied toujours plus ou moins bien enfoncé dans la consanguinité du milieu alternatif bruxellois, le snobinard n’aura pas de mal à se faire inscrire sur la guest. Il pourra alors se targuer de faire partie du cercle exclusif de l’underground. Exclusif comme dans exclusion. Trop occupé à comparer la taille de son carnet d’adresses avec celui de son voisin, le snobinard underground loupera la moitié du concert. De toute façon, c’était mieux avant.

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S É S I O R C RAITS

PORT

: S A I P / E J ARED e c n a d n e p l'indé s e g a s i v aux deux

Diverse, multiple, variée… Si l’indépendance est si difficile à saisir c’est que ses contours sont mouvants. Sous le terme, un éventail de structures plus ou moins grosses, plus ou moins anciennes, plus ou moins professionnalisées. Pour toutes, une seule et même question : peut-on – et veut-on - vivre de l’indépendance ? Aredje et Play It Again Sam (PIAS) évoluent dans le milieu depuis une vingtaine d’années. L’un punk, l’autre plus mainstream. L’un refusant le succès, l’autre le courtisant. Portraits croisés de deux des plus anciens labels indépendants belges que tout semble opposer.

Vincent Wattiez alias Smerf - AREDJE

Tout commence au détour des années 90. Les René Binamé, trio à géométrie variable ambassadeur de la scène punk rock-alternatif belge, prévoient de sortir un album avec Arlequin, disquaire indépendant bruxellois. Pour des raisons restées obscures, le deal ne se fait pas. Bien décidé à produire l’album quand même, Binam, chanteur-batteur et membre fondateur du groupe, crée le label indépendant Aredje, pour son disque et ceux des copains. Au même moment, Vincent Wattiez, alias Smerf - qui rejoindra quelques années plus tard les rangs d’Aredje et empoign empoignera la guitare pour les Binamé - écume les Damien Waselle , Directeur de PIAS Belgique 35 bacs de Caroline Music, disquaire réputé de Louvain-La-Neuve. Derrière le comptoir, Damien Waselle, alors encore


étudiant, vend des disques achetés à l’étranger pour avoir une offre « plus sexy » dans le magasin. De fil en aiguille, Damien et quelques autres créent une structure et deviennent distributeurs au Benelux de leurs labels américains favoris (Touch & Go, Sub Pop, Dischord,…). Bang ! est né et rien ne le prédestine à fusionner avec PIAS une petite dizaine d’années plus tard: « On pensait que PIAS étaient des vieux cons. On se disait : ‘Il faut vite monter une boite parce qu’ils sont à la rue, ils ne comprennent déjà plus rien.’ Ce qui évidemment était faux. Mais c’était marrant de le penser » s’amuse Damien Waselle, co-fondateur de Bang et, depuis 2008 - date à laquelle PIAS absorbe Bang ! - directeur de PIAS Belgique. Au coeur d’une scène musicale indépendante alors presque inexistante, Aredje se crée autour d’un groupe et Bang ! autour d’un disquaire. Tous deux sont unis par l’envie de faire les choses que les autres ne font pas.

Epicerie locale VS distributeur international Vincent (Smerf) intègre Aredje en 2000, les valises chargées de disques et d’envies de coproductions. A l’époque, il travaille dans une maison de jeunes de Louvain-la-Neuve où il organise des concerts et met sur pied une « distro ». Fervent défenseur du non-profit, Smerf reporte les principes de cet outil de distribution alternatif et autonome propre au milieu punk au sein d’Aredje : « Je ne fais pas de business. Je m’occupe d’une petite épicerie locale. Les disques arrivent et partent. La tune là-dedans n’est pas fondamentale. » Dans les faits, la distro est souvent liée à un lieu : squat, salle de concert, etc. Mais elle se déplace également au gré des tournées des musiciens. Sur le terrain, c’est Marcor – le troisième homme d’Aredje - qui est en première ligne. De concert en concert, il trimballe les caisses et installe des tables de fortune qui plient bientôt sous le poids des disques des Binamé et autres groupes signés DISTRO AREDJE sur le label. ne se casse plus le dos à porter Chez PIAS, ça fait bien longtemps qu’on e, c’est son réseau de distrides disques. L’atout majeur de la structur est devenu le plus grand disbution. En une vingtaine d’années, PIAS Waselle, boss de PIAS Belgique, tributeur indépendant en Europe. Damien s’en félicite :

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« On a la même forc e de frappe qu’un Universal au nive tion. Sur le marc au de la distribu hé belge on vend de s disques à Colruy Mais on a aussi to t, chez Trafic,...… ut un réseau de di squaires et de li les bacs, PIAS pl brairies. » Dans ace les disques qu ’i l produit, mais pa Angleterre par ex s seulement. En emple, l’entrepri se - d’abord lanc pagnie d’importat ée comme une comion de vinyles co mme Bang ! avant labels, dont les elle - distribue prestigieux Beggar 180 s et Domino Record succès de la stru s. Une des clés du cture réside dans la combinaison de se ducteur et distri s rôles de probuteur. Bien loin de l’épicerie lo a pour ambition cale, l’entrepri de devenir un jo se ur une coupole in nombreux labels in ternationale pour dépendants. de

Le freak c’est chic Pour assurer au mieux possible ces deux rôles, PIAS mise sur la professionnalisation. Contrats à 360 degrés (incluent le booking et le management du groupe), maison d’édition (Strictly Confidential) et sous-labels (62 TV Records), le fonctionnement du label indépendant s’apparente de plus en plus à celui d’une major. Une attitude qui lui vaut les critiques acerbes d’une partie du milieu. Mais ça, Damien Waselle « s’en fout un peu ». Ce qui lui importe, c’est de réussir à passer de la marge au grand public « sans faire de concessions ». PIAS est généraliste et l’assume. Le label suit les tendances, les crée parfois mais est persuadé d’une chose : rester dans sa niche c’est se couper d’un public et de certains revenus. Or, le directeur de PIAS Belgique en est conscient : « La musique c’est comme le cinéma, quand ça marche ça peut payer vraiment beaucoup. »

CONCERTS René Binamé

Se payer, Vincent l’ a toujours refusé avec Ared je : « Perso je ne veux pas voir ma fiche de salaire de mu sicien. J’en ai rien à foutre . J’me sens pas musicien po ur un sou. Quand on me dit ‘a rtiste’ c’est plutôt une insult e. » Ni fiche de salaire, ni hôtel, quand ils sont en to urnée, les René Binamé joue nt dans des squats et dorment chez l’habita de fonctionnement en nt. Un mode osmose avec les prin cipes défendus par le On finance un studio label : « , un véhicule, du ma tériel. C’est un grou tient son outil de tr pe qui entreavail mais qui ne ga gne pas d’argent à tr L’outil, lui, est bien avers ça. » graissé. S’ils refu sent l’étiquette sala en moyenne 70 par an riale, avec , les René Binamé n’ en restent 37pas moins des profes-


sionnels. Ce principe d’autonomie, le label punk le pousse à l’extrême. Avec son propre studio, son propre atelier de lutherie pour fabriquer ses propres guitares, ses propres affiches de concerts sérigraphiées, Aredje ne laisse rien au hasard et refuse toute dépendance extérieure, qu’elle soit financière ou esthétique.

ot c’est de faire de la ul bo ur Le « : r oi v PIAS n’ont rien ils aiment bien AS PI e. os ch e êm m Pour Vincent, Aredje et la s de mutualiser. C’est pa t es c’ effet, avec 80 ot ul En bo » re t. n ot N ge ar l’ tune. de t des gens qui produisen i ss au t Belgique, PIAS es c’ en s é ai m ch ar ue m iq de s rt la mus pa s d’affaires et 11%% de e fr if ch nt, difficile de ta s ur ro po eu d’ Et . s » te n million do to e Damien, « un mas us am en s’ e uits Belges du m N m s co de u, n ai en m de n le est dev au eur de PIAS Belgium ct re di le e tr n co n re pât du gain. En face ap l’ r pa quand on dé sé ob an m s un simple busines ans de ça, a fini par gt in v a Botanique d’imaginer y il ! g n Ba sympa qui a crée reste un label AS PI « : ce n da n de nous, le même type pe dé dique toujours son in en v re s s humains et ai en m oy se m ca s de de r ec av é grandi ur ct pendant qui s’est stru dé in un s ai M t. n da n indépe rnative aux majors. » te al ie ra v e un re êt ur un réseau européen po

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