Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée.

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2013-2014 Master 2 Valorisation économique de la culture Parcours Culture Patrimoine Tourisme

Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée

Le projet de musée, le médiateur et l'expérience-visiteur en question.

Camille DAVID

Sous la direction de Mme Leguennec Aude


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Cet engagement de non plagiat doit être signé et joint à tous les rapports, dossiers, mémoires. Présidence de l’université 40 rue de rennes – BP 73532 49035 Angers cedex Tél. 02 41 96 23 23 | Fax 02 41 96 23 00


REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier mes maîtres de stage de M1 et de M2 avec qui j'ai pu trouver un terrain d’observation large et représentatif. Je remercie Christophe Courtin, Chef du service des projets numérique et Claire Mandin, responsable du service des publics ainsi que l'ensemble de l'équipe du château des Duc de Bretagne, pour leur accueil bienveillant et pour m'avoir permis d'observer de près un site concerné par les questions du numérique. Une pensée particulière est adressée aux médiateurs qui ont su répondre avec franchise et sincérité à mes questions. Je remercie également Vincent Roirand, Président de Mazédia avec qui j'ai pu développer mes compétences et observer le côté conception et gestion de projet des outils multimédias muséographiques. Je remercie l'ensemble de l'entreprise Mazedia, et plus particulièrement Karine Moutier, cheffe de projet et Clément Barbaro, mon collègue stagiaire, pour leur bonne humeur et leur convivialité. Enfin, je remercie ma directrice de mémoire, Aude Leguennec qui a su m'orienter dans mes recherches.


Sommaire INTRODUCTION.....................................................................................................................5 1. LE MUSÉE SOUS INFLUENCES : FACTEURS ENDOGÈNES ET EXOGÈNES DE SA MUTATION...........8 1.1. La naissance de l’interprétation et de la médiation : de nouvelles façons de comprendre.............................................................................................................................8 1.1.1. L’éducation à l’art sous la Troisième République : une fonction laissée aux bénévoles de l’éducation populaire......................................................................................9 1.1.2. Le médiateur, un concept tardif...............................................................................10 1.1.3. Les principes de l’interprétation..............................................................................12 1.2. La « Nouvelle Muséologie », une idéologie du musée................................................13 1.2.1. Ecomuséologie et Nouvelle Muséologie : deux concepts proches mais différents. 15 1.2.2. « Nouvelle muséologie » : un retour aux sources, une question de démarche........16 1.2.3. Des principes fondateurs centrés sur les publics......................................................17 1.3. Le label « Musée de France » et ce qu’il implique......................................................19 1.3.1. Un nombre important de musées en France.............................................................19 1.3.2. La loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France..........................................20 1.4. Les modes de gestion ou le musée face à l’impératif financier..................................23 1.4.1. Les sources de financement.....................................................................................23 1.4.2. Des subventions publiques en baisse, un budget de fonctionnement en hausse......23 1.4.3. Des modes de gestion de plus en plus tournés vers le droit privé. ..........................24 1.5. Des changements sociétaux qui induisent de nouvelles pratiques.............................27 1.5.1. Un bouleversement des pratiques qui change notre rapport à la culture.................27 1.5.2. Une évolution des technologies...............................................................................29 2. LES OUTILS NUMÉRIQUES DANS LE PROJET DE MUSÉE : ENJEUX ET RISQUES.........................30 2.1. Face à la concurrence, la recherche de la différenciation : quand le numérique entre dans la stratégie marketing........................................................................................31 2.1.1. Une concurrence de fait...........................................................................................31 2.1.2. Musées, marketing et stratégies...............................................................................32 2.1.3. Une volonté de différenciation.................................................................................33 2.2. Face aux nouveaux usages, des enjeux pédagogiques................................................35 2.2.1. Des professionnels engagés.....................................................................................35 2.2.2. Un démarche résolument tournée vers les publics...................................................36 2.2.3. Une réflexion globale, une mise en place parfois difficile......................................38 2.2.4. Expérimentations et programmes de recherche.......................................................39 2.3. Risques et limites d’un tel projet..................................................................................40 2.3.1. Un projet accessible à toutes les bourses ?..............................................................40 2.3.2. Un véritable projet à mettre en place avec des professionnels................................43 2.3.3. Dans le cadre de la spectacularisation de l'exposition, une gadgetisation de l'outil numérique ?........................................................................................................................45 2.3.4. Une individualisation de la visite ?..........................................................................47 Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 3


2.3.5. Un rapport à la réalité historique altéré ?.................................................................49 3. L’ÉVOLUTION DE LA MÉDIATION HUMAINE...........................................................................51 3.1. La question des aides à la visite et de la virtualisation des collections.....................51 3.1.1. Le médiateur en voie de disparition ?......................................................................52 3.1.2. Musée versus visite virtuelle : une menace pour la fréquentation ?........................57 3.2. Vers un enrichissement de la visite guidée ?...............................................................59 3.2.1. Un enrichissement direct de la visite par une meilleure prise en compte des besoins du médiateur.......................................................................................................................60 3.2.2. Un enrichissement indirect par l'évolutivité des contenus et l'approfondissement du dialogue..............................................................................................................................62 3.3. L'influence des outils numériques sur le métier de médiateur..................................64 3.3.1. Un facteur d'évolution du métier... mais pas le premier..........................................64 3.3.2. Vers un rôle de plus en plus central dans la production de contenus.......................67 4. DE NOUVELLES FAÇONS DE VIVRE LE MUSÉE.........................................................................68 4.1. Pourquoi parler d’expérience visiteur ?......................................................................69 4.1.1. Le profil type du visiteur..........................................................................................69 4.1.2. L'expérience au musée.............................................................................................71 4.2. Le visiteur-acteur ou l’esprit participatif....................................................................74 4.2.1. Un besoin d'expression et d'interaction....................................................................74 4.2.2. Investir le visiteur dans le musée : plusieurs moyens, plusieurs objectifs...............75 4.3. Entrer en contact différemment avec les collections : l’interactivité........................77 4.3.1. Une définition de l'interactivité................................................................................78 4.3.2. L'interactivité au service de l'expérience individuelle et collective.........................79 4.3.3. La gamification : apprendre en s'amusant................................................................81 4.4. Observer sous un autre angle : techniques de visualisation......................................82 4.4.1. Un principe : mieux comprendre par l'image...........................................................82 4.4.2. Quelques applications..............................................................................................82 CONCLUSION........................................................................................................................86 BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................89 ANNEXES................................................................................................................................96

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Introduction Les technologies numériques ont totalement modifié notre rapport au monde et notre société. Le savoir est à portée de main de n’importe qui, n’importe où et à n’importe quel moment. Notre rapport au savoir en est modifié, tout le monde peut partager une partie de ce savoir, sans statut particulier qui légitimerait le discours donné. L’exemple typique est celui de Wikipédia, l’encyclopédie collaborative. Internet a aplati les hiérarchies si bien que les rôles prédéfinis semblent obsolètes. La participation, la collaboration et l’expression sur tous les sujets est de mise pour toutes les couches de la société et dans tous les domaines. L’espace public est lui aussi investi puisqu’il est possible d’accéder à ses données personnelles partout, en tout temps. La frontière entre vie privée, publique et professionnelle se brouille. Dans quelle mesure ces nouvelles valeurs et les pratiques qui en découlent influencent-elles la médiation que met en place le musée ? Ce mémoire vise à étudier l'influence des changements sociétaux et des nouvelles pratiques induits par les technologies de l’information et de la communication (TIC) sur la médiation dans les musées. D'abord dans la mesure globale du projet de musée puis plus particulièrement au niveau de la médiation humaine et de l'expérience visiteur. Pour définir plus précisément cette problématique, retournons à la source en regardant les définitions. Selon l'ICOM1 : « le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation » Quant à la médiation culturelle, elle « recouvre l’ensemble des dispositifs grâce auxquels les musées cherchent à mieux informer, orienter et former leurs publics, directement ou par l’intermédiaire de relais de plus en plus variés. »2. L'autre pan de notre problématique

1L L'ICOM (International Council Of Museums) est une ONG en relation formelle avec l'UNESCO, elle regroupe des musées et des professionnels de musée qui s'engagent à préserver, à assurer la continuité, et à communiquer à la société la valeur du patrimoine culturel et naturel mondial, actuel et futur, tangible et intangible. 2 Elisabeth CAILLET et Evelyne LEHALLE, A l’approche du musee, la mediation culturelle, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1995. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 5


concerne les TIC, ici la définition la plus adaptée est sûrement celle du lexique d'Atout France3 qui permet, en outre, de faire le lien avec la médiation : « Médiation (technologies de) : Ensembles de technologies, de réseaux, de terminaux, de standards et de services qui concourent à assurer la médiation entre un site touristique et le public. On citera l’audioguide multimédia, les écrans tactiles, les bornes et les équipements multimédias des musées, la réalité augmenté et virtuelle, les terminaux mobiles, GPS, cellulaires, baladeurs, les réseaux fixes et sans fil, l’Internet et le Web… » Comme précisé précédemment, nous nous restreignons à trois thèmes : le projet de musée, le médiateur et l'expérience-visiteur : Le « projet de musée »4, pour reprendre l'expression et la définition de Matthieu Pinette, rassemble le projet d'établissement (qui définit le fonctionnement et les moyens) et le projet scientifique et culturel (qui définit les objectifs). Nous pouvons ainsi englober dans notre réflexion sur l'ensemble de l'institution son aspect financier et ses missions de service public. Nous posons la question de la démarche et des raisons qui poussent un musée à s'engager dans la mise en place d'une ou plusieurs technologies de médiation. Le deuxième thème concerne les médiateurs, les agents de la médiation humaine dont nous questionnons le rapport aux nouvelles technologies. Enfin, nous nous centrons sur le visiteur et son expérience muséale, c'est à dire sa façon de vivre le musée.

Pour répondre à ces questionnements, nous nous sommes principalement basés sur des ressources documentaires et observations faites pendants les différents stages et visites de musées. Pour la partie concernant les médiateurs, nos sources proviennent de dix entretiens semi-directifs collectés au mois d'avril et mai 2013 auprès des médiateurs du château des Ducs de Bretagne. Notons que des extraits sont aussi présents dans les autres parties lorsqu'ils illustrent particulièrement bien les propos tenus. Il est important de préciser qu'il ne s'agit pas de questionner les technologies au musée sous l'angle de la numérisation des collections dans un but de conservation ni de poser la 3 ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite touristique et culturelle, Paris, ATOUT France, 2009. 4 Matthieu PINETTE, « Le Projet de Musée : inutile pensum ou outil salvateur ? », La Lettre de l’OCIM. Musées, Patrimoine et Culture scientifiques et techniques, 1 juillet 2009, no 124, p. 15. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 6


question de leur présence sur les réseaux sociaux, dans une stratégie de communication. Nous nous intéressons ici aux dispositifs de médiation, aux moyens que met en place le musée pour créer un dialogue entre les visiteurs et les œuvres. De plus, les exemples exposés concernent parfois des sites patrimoniaux. Nous avons estimé qu'en tant que lieu de contemplation et basé sur les mêmes missions que le musée, les exemples donnés étaient malgré tout pertinents.

Nous déterminerons dans un premier temps le contexte spécifique des musées actuels. C'est à dire les mouvements qui ont influencé la médiation et le contexte juridique des musées de France, ce qui servira de base pour déterminer les missions du musée. Dans un registre moins muséologique, le contexte financier et les changements sociétaux induits par les TIC seront abordés. Il s'agira de comprendre ce qu'est un musée de nos jours, les mouvements qui peuvent avoir influencé sa vision des publics, de la médiation et de la transmission du savoir et les facteurs avec lesquels il doit composer. La deuxième partie concerne le projet de musée et la façon dont le numérique s'y inscrit. Nous traitons d'abord de la présence du numérique dans la stratégie marketing du musée : pourquoi et dans quel but. Vient ensuite l'aspect lié aux missions de service public dans sa dimension d'accessibilité, d'éducation à la culture et de recherche, qui questionne la démarche dans laquelle sont engagés les musées qui décident de se lancer dans un tel projet. Enfin nous abordons les limites et les risques liés à ces deux sujets. Cette partie vise à définir l'influence des TIC sur ce qu'on pourrait appeler la « stratégie globale » du musée. Elle concerne donc les stratégies dans un objectif mercantile mais aussi dans un objectif pédagogique. Elle identifiera les problématiques auxquelles peuvent faire face des décideurs non seulement dans le cadre de la gestion du projet mais aussi dans sa démarche scientifique et muséologique. Le troisième temps de ce mémoire se concentre sur l'acteur principal de la médiation : le médiateur. Nous traitons d'abord d'une crainte souvent rencontrée dans le monde muséal qui est celle de voir le médiateur remplacé par l'aide à la visite. Ensuite, nous verrons cadre spécifique des technologies de médiation dans la visite guidée et dans quels cas elles peuvent se révéler enrichissantes. Enfin, le sujet de l'évolution du métier est abordé. L'enjeu est de connaître la position du médiateur sur ces questions et comment les nouvelles pratiques ont influencé son travail et pourrait peser sur son avenir.

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Enfin, la dernière partie touche l'aspect du visiteur et de son expérience muséale. Nous voyons d'abord qui est-il et pourquoi parle-t-on « d'expérience ». Nous nous penchons ensuite sur les différentes façons, pour ce visiteur, de s'impliquer dans la vie du musée et d'en aborder les collections, à travers l'interactivité et les techniques de visualisation. Ici, il s'agit d'établir un profil type et dans quelle mesure, la visite du musée est une expérience. Nous établissons alors quelques cadres dans lesquels cette expérience muséale peut prendre place.

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Le musée sous influences : facteurs endogènes et exogènes de sa mutation Nous cherchons à faire le bilan sur les facteurs qui influencent les décisions du musée

actuel. Ceux induits par son propre domaine, la muséologie, la médiation mais aussi ceux entraînés par son environnement comme le contexte économique et technologique. Nous commençons par expliquer le rapport à la culture tel que le concevaient les hommes politiques à la fin du XIXè siècle. Ces postulats entraînent un développement tardif de l'éducation à l'art dont les traits prennent petit à petit la forme des principes de l'interprétation. Puis nous abordons le mouvement de la Nouvelle Muséologie, apparue et développée à partie des années 1980. C'est dans cette idéologie que la médiation, dans son sens premier de « lien » prend tout son sens. Ensuite nous approcherons le musée sous son aspect juridique avec la loi sur les musées de France de 2002. Elle nous permettra de visualiser les missions et devoirs d'un musée tel qu'il se dessine aujourd’hui. La quatrième partie traite de leur environnement économique et des modes de gestion des musées qui en découlent. Enfin, nous déterminons le contexte technologique, les changements sociétaux et les nouvelles pratiques auxquels ils font face.

1.1.

La naissance de l’interprétation et de la médiation : de nouvelles façons de comprendre Lorsque l’on étudie l’histoire du patrimoine en France, on se rend vite compte que la

conservation et l’inventaire des objets, des monuments et leur exposition au public a rapidement été un enjeu. Par contre, la transmission et l’explication au public n’était pas

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abordée et l’interprétation des œuvres est laissée à charge des bénévoles et autres associations des amis du musée. 1.1.1.

L’éducation à l’art sous la Troisième République : une fonction laissée aux bénévoles de l’éducation populaire. La fonction de conservateur est construit très tôt, dès la création du Musée Central des

Arts au Louvre en 1793. Mais son rôle est avant tout scientifique : « si sa mission consiste à produire des connaissances à partir des collections dont il a la charge, il n’a pas forcément vocation à vulgariser ces connaissances. […] La conception des expositions, dans la logique des conservateurs, est avant tout un projet scientifique et non pas un projet culturel ».5 D’ailleurs, le concept de Projet Scientifique et Culturel n’apparaît que tardivement, en 2002 dans la Loi sur les musées. L’État se donne donc un rôle de conservation et permet au public d’accéder aux œuvres, mais il ne met pas en place d’actions de médiation qui permettraient une meilleure compréhension.

Cette position peut être discutable mais ici il est question de vision de l’instruction publique. Le gouvernement de la IIIè république, qui a écrit les lois les plus importantes sur le patrimoine, donne une différence fondamentale entre l’instruction scolaire et l’instruction sociale et/ou morale et civique. La première donne les bases d’écriture, de lecture et de calcul, la seconde forme un citoyen éclairé. Le mot « instruction », n'est pas neutre et est différent de l’éducation qui est un « ensemble des connaissances intellectuelles, culturelles, morales acquises dans ce domaine par quelqu'un, par un groupe »6. L’État se donne le rôle de donner des connaissances et des savoirs et non une réflexion. Il se refuse donc de sortir du cadre scolaire afin de ne pas influencer la « sensibilité individuelle » de chacun. Dans l’esprit de la fin du XIXè siècle, ce pan civique est acquis à travers l’éducation populaire basée sur des personnes bénévoles et favorisée par la loi sur la liberté d’association de 1901. L’éducation à l’art et à la beauté, ce qu'on pourrait appeler « médiation culturelle » en fait partie.

5 Isabelle MATHIEU, L’action culturelle et ses metiers, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Partage du savoir », 2011, p. 136. 6 LAROUSSE , Larousse poche 2013: dictionnaire de langue francaise, Paris, Larousse, 2012. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 9


1.1.2.

Le médiateur, un concept tardif La question de la médiation n’est donc pas du ressort de l’État selon le gouvernement

de la IIIe République. Cet état d’esprit changera dans le siècle à venir, quoique tardivement, puisque les politiques culturelles mises en place à la Ve république auront comme mot d’ordre « la démocratisation culturelle ». Le premier ministère des affaires culturelles est créé en 1959, conduit par André Malraux jusqu’en 1968. Sa politique culturelle consiste à « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français »7 mais s’oppose à la création de dispositifs pédagogiques. Il croit au « choc esthétique », l’œuvre se suffit à elle-même pour procurer une émotion au public, il n’y a donc pas besoin d’intermédiaire. Ainsi déclare-t-il : «  Il n’est pas vrai que qui que ce soit au monde ait jamais compris la musique parce qu’on lui a expliqué la Neuvième Symphonie. Que qui que ce soit au monde ait jamais aimé la poésie parce qu’on lui a expliqué Victor Hugo. Aimer la poésie, c’est qu’un garçon, fût-il quasi-illettré, mais qui aime une femme, entende un jour : "lorsque nous dormirons tous deux dans l’attitude que donne aux morts pensifs la forme du tombeau" et qu’alors il sache ce qu’est un poète ».8 Les actions s’orientent donc sur l’accessibilité de l’art pour tous : création des Maisons des Jeunes et de la Culture, nettoyage de grands monuments parisiens... L’éducation artistique en milieu scolaire est réellement développée sous Jack Lang, ministre de 1981 à 1993 avec de nouvelles disciplines (théâtre, cinéma, histoire des arts...) et des opérations de sensibilisation pour les classes. Il met aussi en place les premières Journées du Patrimoine, permettant au grand public de mieux le découvrir. Les successeurs de droite ou de gauche de Jack Lang poursuivent plus ou moins la même politique. On peut voir que cette politique a beaucoup d’influence sur les publics des musées puisque la part de scolaires est très importante dans la plupart des musées de France. Par exemple au musée des Ducs de Bretagne en 2012, 30 % des publics viennent en groupe, 68 % d’entre eux sont des scolaires ce qui revient à 22 % du public total du musée 9. Dès lors que l’éducation artistique était entrée à l 'école, il fallait avoir des personnels pour la mener à bien.

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Décret du 24 juillet 1959

8 Discours prononcé à l'occasion de l'inauguration de la Maison de la culture d'Amiens le 19 mars 1966 9 Source interne Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 10


Le métier actuel de médiateur est issu d’une fonction : expliquer les collections au visiteur par différents moyens. Mais celle-ci est nommée sous différentes appellations au cours des années. D’éducateur du début du XXe siècle, ayant un profil de militant dans l’éducation populaire, on passe à guide, conférencier et même animateur. Ces dénominations ne suivent pas chronologiquement et parfois se superposent. Elles traduisent aussi des idéologies et une vision de la transmission du savoir différente. Les premiers se recrutent en premier lieu parmi les étudiants et diplômés en histoire de l’art pour accompagner les visiteurs dans les musées nationaux à partir des années 1920. L’animateur, lui est recruté à partir des années 1970 dans les collectivités territoriales pour proposer des activités aux enfants dans un cadre socio-éducatif. D’ailleurs, dans le réseau des Villes et Pays d’Art et d’Histoire, le pivot du service est bien l’animateur du patrimoine. On retrouve alors le parallèle entre l'instruction, plutôt représenté par le guide-conférencier et l'éducation, plutôt défendue par l'animateur.

Le terme de médiateur vient directement du concept de médiation culturelle, développé par Élisabeth Caillet et Évelyne Lehalle entre la fin des années 1980 et le début des années 1990 : « La médiation culturelle recouvre l’ensemble des dispositifs grâce auxquels les musées cherchent à mieux informer, orienter et former leurs publics, directement ou par l’intermédiaire de relais de plus en plus variés. »10. Le Ministère de la Culture reprend alors cette dénomination et pousse les musées à l’utiliser afin de n’avoir qu’une appellation pour désigner ces fonctions d’accompagnement et de direction d’activités pédagogiques. Cependant elle n’est pas parfaitement claire pour le grand public et les médiateurs eux-mêmes se présentent plus souvent en décrivant ce qu’il font plutôt qu’en donnant le nom de leur métier11. Une des médiatrices du château des Ducs de Bretagne le dit très bien : « […] le médiateur, voilà, il va falloir petit à petit, qu'on forme aussi un peu les visiteurs sur véritablement quel est notre rôle parce qu'on est pas guides, on est pas animateurs, on est médiateurs. Alors, c'est pas évident même pour nous d'arriver à... […] véritablement, poser les limites. C'est pas qu'on est ouverts ou fermés par rapports à certaines choses, [...] je veux dire, on est pas fermés à différentes choses mais euh... C'est véritablement déjà qu'il [faut qu'il] y ait une... véritable...connaissance, de découverte, de savoir qui on est parce que quand on 10 Elisabeth CAILLET et Evelyne LEHALLE , A l’approche du musee, la mediation culturelle, op. cit. 11 Aurélie PEYRIN, « Focus - Les paradoxes de la médiation culturelle dans les musées », Informations sociales, 1 mai 2012, vol. 170, no 2, p. 65. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 11


dit « médiateur », c'est quelque chose qu'est pas très clair dans l'esprit des visiteurs. Ils pensent plutôt, on dit à chaque fois “médiateur judiciaire” ou hein. […] Donc c'est vraiment déjà une découverte du métier [...]. »12 1.1.3.

Les principes de l’interprétation La médiation culturelle n'est pas un terme utilisé dans les pays anglo-saxons. On lui

préfère le concept d'interprétation. Pourtant ces deux notions sont très proches et défendent sensiblement les même principes. Elle fut appliquée dans les grands parcs nationaux d’Amérique du Nord dès le XIXe siècle 13 mais ses grands principes sont rédigés par Freeman Tilden en 1957. À la suite d’une étude pour Parcs Canada qu’il fut chargé de réaliser, il rédige un ouvrage « Interprating our héritage ». L’observation des conférenciers et animateurs du parc lui permet de donner plusieurs préconisations. Le mot « Interprétation » vient du titre de son livre, il le définit lui-même comme étant « An educational activity which aims to reveal meanings and relationships through the use of original objects, by firsthand experience, and by illustrative media, rather than simply to communicate factual information. »14 Six préceptes sont à retenir : 1. « Relation. Toute interprétation d’un paysage, d’une exposition ou d’un récit qui n’en appelle pas, d’une façon ou d’une autre, à un trait de personnalité ou de l’expérience du visiteur, est stérile. 2. Révélation. L’information n’est pas de l’interprétation. Celle-ci est une révélation basée sur l’information mais les deux choses sont totalement différentes, bien que toute interprétation présente des informations. 3. Interdisciplinarité. L’interprétation est un art qui en combine plusieurs autres, que la matière première soit scientifique, historique ou architecturale. Tout art peut s’enseigner, dans une certaine mesure. 4. Provocation. L’interprétation cherche à provoquer (éveiller la curiosité) plus qu’à instruire. 12 Sources : Entretien avec C., Médiatrice, le 23 avril 2013 13 Annette VIEL, « L’interprétation. Construire une expérience du lieu alliant sens, conscience et connaissance », Cahier Espaces, 2011, n°109, p. 17. 14 Freeman TILDEN, Interpreting our heritage, 4th ed., expanded and updated., Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2007, p. 8.

«

Une activité éducative qui a pour but de révéler des significations et des

corrélations à travers l’usage d’objets originaux, par l’expérience directe et par des moyens illustratifs plutôt que de simplement communiquer des informations factuelles » Traduit par Camille DAVID Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 12


5. Globalité. L’interprétation doit chercher à présenter un tout plutôt qu’une partie, et s’adresser à l’homme tout entier plutôt qu’à l’une de ses caractéristiques. 6. Adaptation. L’interprétation pour les enfants ne doit pas être une dilution de ce qu’on présente aux adultes. Elle doit suivre une voie fondamentalement différente et donnera ses meilleurs résultats si elle obéit à un programme distinct.»15 Dans les années 1980, de nombreux centres d’interprétation sont créés au Québec, adoptant ces préconisations. La France, influencée par cette muséologie québécoise créera elle aussi ses centres d’interprétation, mais souvent sous le nom de « Maison de... »16 Aujourd’hui, le terme « centre d’interprétation » est surtout utilisé pour les Centres d’Interprétation des Arts et du Patrimoine (CIAP) mis en place par les membres du réseau Villes et Pays d’Arts et d’Histoire. L’interprétation est plus souvent pensée dans un contexte où il n’y a pas réellement de collection : patrimoine naturel comme au Canada, patrimoine monumental plus développé en France... Cependant, cette démarche est tout aussi pertinente dans les musées et leurs collections. Le premier et dernier aspect s’appliquent particulièrement bien aux fonctions du médiateur : en observant une visite guidée, on voit que l’interaction, l’échange est encouragé (Relation), par ailleurs ateliers pédagogiques et visites spécifiques aux enfants sont des pans qui occupent la majeure partie du temps d’un médiateur, étant donné la part importante de scolaires dans les publics d’un musée (Adaptation).

La médiation était donc loin d'être une évidence au moment de la création des musées. Il a fallu attendre le milieu du XXè siècle pour voir la profession être institutionnalisée et encore plus longtemps pour voir apparaître le « médiateur » qui rassemble toutes les professions autour du public et des œuvres.

1.2.

La « Nouvelle Muséologie », une idéologie du musée La muséologie peut avoir plusieurs définitions, on en compte jusqu’à cinq dans la

publication pour l’ICOMOS17 « les concepts clés de la muséologie » par François Mairesse et 15 Serge CHAUMIER et Daniel JACOBI, Exposer des idees: du musee au centre d’interpretation, Paris, France, Complicites, coll. « Collection privee », 2009, p. 20. 16 Serge CHAUMIER, « Les centres d’interprétation du patrimoine », in Philippe POIRRIER (dir.), Politiques et pratiques de la culture, Paris, La Documentation francaise, 2010, p. 110. 17 Conseil International des Monuments et des Sites Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 13


André Desvallées. Celle qu'il cite semble la plus pertinente, elle est de Georges Henri Rivière : « La muséologie : une science appliquée, la science du musée. Elle en étudie l’histoire et le rôle dans la société, les formes spécifiques de recherche et de conservation

physique,

de

présentation,

d’animation

et

de

diffusion,

d’organisation et de fonctionnement, d’architecture neuve ou muséalisée, les sites reçus ou choisis, la typologie, la déontologie » 18 (Rivière, 1981). La muséologie s’oppose, en quelque sorte, à la muséographie, qui désigne l’ensemble des pratiques liées à la muséologie. »19 Le mouvement de la nouvelle muséologie naît dans un contexte difficile : la crise de 1973 met les musées face au défi financier, la décolonisation remet en question la notion de « culture » à l’occidentale en posant la question de « la culture des autres »20 et de sa légitimité, celle des oubliés de l’Histoire en opposition avec la culture savante, humaniste héritée des lumières représentée en premier lieu par les Beaux-Arts. On parle alors de « culture au pluriel »21. Des expériences de musées sont menées : le Musée de voisinage d’Anacostia, la Casa del Museo, le Musée éclaté du Creusot. Ils posent la question du rôle du musée dans la société, son rapport à l’homme et à son environnement. La philosophie de la nouvelle muséologie trouve ses racines dans la Déclaration de Santiago du Chili en 1972. L’ICOM avait organisé une table ronde sur le rôle des musées dans la société d’Amérique Latine. Elle affirme alors leur responsabilité dans la « formation des consciences », veut d'une part rendre le patrimoine aux populations et le mettre à leur service, d'autre part le accessible aux chercheurs qualifiés. Le terme « Nouvelle Muséologie » est donné lors de la Déclaration de Québec en 1984, on peut alors dire que le mouvement est né. Née dans un société en pleine évolution, la Nouvelle Muséologie « vise à redéfinir la culture elle-même »22

18 Georges HENRI RIVIÈRE, 1981, cité par Andre DESVALLEEES , Francois MAIRESSE, Concepts cles de museologie, Paris, Armand Colin, 2010, p. 55. 19 Andre DESVALLEEES , Francois MAIRESSE, Concepts cles de museologie, Paris, Armand Colin, 2010, p. 55. 20 Hugues de VARINE, La culture des autres, Paris, Seuil, coll. « Techno-critique », 1976, 252 p. 21 Michel de CERTEAU, La culture au pluriel, Paris, Bourgois, 1980. 22 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », Expoland, Paris, Complicites, 2012, p. 68. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 14


1.2.1.

Ecomuséologie et Nouvelle Muséologie : deux concepts proches mais différents Souvent confondue avec la Nouvelle Muséologie, l’écomuséologie lui est pourtant

antérieure. Si les théoriciens de ce concept, Georges Henri Rivière et Hugues de Varine, font aussi partie des instigateurs du mouvement et que ses positions communautaires en découlent, l’écomuséologie n'en représente pourtant pas à elle seule les principes. La Nouvelle Muséologie fut « créée » en 1984 suite à la Déclaration de Québec qui instaure ses fondamentaux. Elle y inclut l’« écomuséologie, [la] muséologie communautaire et toute autre forme de muséologie active » mais demande la création de deux structures permanentes : « a) un comité international « Ecomusées / Musées communautaires » au sein de l’ICOM (Conseil international des musées ; b) Une fédération internationale de Nouvelle Muséologie qui pourra être associée à l’ICOM et à l’ICOMOS »23 Ce dernier existe toujours sous le nom de Mouvement international pour une nouvelle Muséologie (MINOM). On remarquera que le terme d’écomusée est séparé du mouvement Nouvelle Muséologie. Le concept d’écomuséologie est théorisée à partir de 1971. Celle-ci tente de définir les expérimentations françaises en opposant un type de musée dynamique, en opposition au musée classique. Elle donne dans un premier temps une vision environnementale, dans le sens d’un musée lié à son contexte social, économique, géographique, représentant un territoire. Elle prend ensuite une direction sociale, communautaire et surtout participative suite à la création du musée éclaté du Creusot en 1973. Le but de l’écomusée est alors de renforcer la communauté et d’investir la population dans le développement du musée. Il s’oppose radicalement à la vision du musée classique puisqu’il prône avant tout une intégration communautaire sans égard pour les collections ni pour leur accessibilité au public. Cela s'oppose radicalement au musée qui est vu comme replié sur lui-même, « gardien du trésor » : « Il n’est pas lié d’abord à la mise en valeur du patrimoine, il n’est pas un auxiliaire du système éducatif actuel, il n’est pas un moyen d’accès démocratique aux « œuvres éternelles du génie humain ». Il vise à construire l’avenir de la société, d’abord par une prise de conscience, ensuite par l’engagement et l’initiative créatrice. »24 23 1er atelier International Écomusée/Nouvelle muséologie, Déclaration de Québec, 1984 Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 15


Son apport principal à la Nouvelle Muséologie est dans le rôle social du musée, comme vecteur de développement local et de fierté : « La Nouvelle Muséologie […] s’intéresse en premier lieu au développement des populations, en reflétant les principaux moteurs de leur évolution et les associant aux projets d’avenir »25 1.2.2.

« Nouvelle muséologie » : un retour aux sources, une question de démarche Le musée à cette époque est un musée-sanctuaire dont les missions principales

tournent autour des collections en oubliant les publics il « s’est comme fossilisé dans ses réserves ».26 L’accessibilité est favorisée par la politique culturelle initiée par Malraux, basée sur le « choc esthétique ». Mais les études sociologiques menées par Pierre Bourdieu et Alain Darbel montrent que les musées s’adressent en premier lieu aux élites en prodiguant un discours issu de la culture savante, chargé de codes sociaux et de références compréhensibles uniquement par les initiés27. Le reste de la population restait donc en dehors du musée, malgré les efforts des politiques culturelles.

Pourtant, il ne s’agit pas de remettre en cause les objectifs de ces institutions. Ils restent les même pour tous : une « formidable volonté de diffusion des savoirs, d’éveil des consciences et d’instruction publique »28 dans le but d’élever le niveau de connaissance et de préparer une société meilleure.

La Nouvelle Muséologie adopte une position relativiste vis-à-vis de la culture : il n’y a pas une culture « universelle » mais une culture « au pluriel »29 sous l’effet du multiculturalisme. On voit particulièrement ce changement des mentalités avec la politique de Jack Lang qui rend « légitime » la culture populaire, avant lui le « Musée national des arts et traditions populaires » (1937) et « Musée des arts décoratifs » (1905) utilisaient les codes de 24 François MAIRESSE, « La belle histoire, aux origines de la nouvelle muséologie », Publics et Musées, 2000, vol. 17, no 1, p. 45. 25 Considération d'ordre universel, paragraphe 3, Déclaration de Québec, 1984 26 Serge CHAUMIER (dir.), Expoland, op. cit.., p. 68. 27 Pierre BOURDIEU, Alain DARBEL et Dominique SCHNAPPER, L’amour de l’art les musees d’art europeens et leur public, Paris, Les Editions de Minuit, 1966. 28 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 67. 29 Michel de CERTEAU, La culture au pluriel, op. cit. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 16


la culture « classique » requérant alors une reconnaissance auprès du public. Le musée donne alors une légitimité aux sujets qu’il aborde par le seul fait de les accueillir. Les défenseurs de ces cultures populaires et patrimoines ethnographiques sont aussi animés par ces objectifs de diffusion du savoir et c’est cette démarche, la volonté d’élargissement des horizons qui importe à la Nouvelle Muséologie.

Le changement se fait avec le mouvement des générations. C’est par le travail de plusieurs personnes (Georges Henri Rivière, André Desvallées, Hugues de Varine) qu’une nouvelle approche du musée apparaît et s’applique dans les institutions. Il ne suffit plus de permettre l’accessibilité à la culture pour tous par une simple contemplation mais de donner à tous les clés pour la comprendre, quelle que soit son origine et ses codes sociaux, « en prenant mieux en compte les destinataires visés »30 1.2.3.

Des principes fondateurs centrés sur les publics La Nouvelle Muséologie veut remettre le public au centre des préoccupations. Dans

« Vagues, une anthologie de la nouvelle muséologie », André Desvallées explique : « Notre muséologie n’est apparue nouvelle que dans la mesure où la muséologie avait vieilli. [...] Notre muséologie n’a-t-elle pas ses modèles chez tous les muséologues et muséographes dynamiques depuis que le musée existe ? N’a-t-elle pas toujours existé et n’est-elle pas la seule bonne muséologie ? »31 Le Louvre est le premier musée, créé en 1793. Les musées à cette époque ont pour fonction de conserver « les monuments publics transportables, intéressant les arts et l’histoire […] pour l’instruction nationale »32. Le souci d’instruction est bien là dès le début de leur existence, au même niveau que celui de conservation. La Nouvelle Muséologie ne cherche pas à bouleverser l’ordre établi mais à retourner aux sources et aux missions premières du musée. Les objectifs restent les mêmes mais les moyens diffèrent. L’homme est au centre des attentions du musée. Cette vision prend trois directions différentes. Dans la première, héritée de l’écomuséologie, la population locale est incluse dans

30 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 70. 31 André DESVALLÉES, Vagues: une anthologie de la nouvelle muséologie, Mâcon Savigny-le-Temple, Éd. W MNES, coll. « Collection Museologia », 1992, p. 22-23. 32 Décret de la Convention du 24 octobre 1793 Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 17


l’organisation du musée ou dans une plus large mesure, participe à la vie du musée. Cela s’inscrit dans le rôle social du musée et dans son intégration sur le territoire. La deuxième est en réaction aux études de Pierre Bourdieu 33, le musée doit s’adresser aux publics en prenant en compte leur origine, leurs codes sociaux. C’est dans cet esprit que peut s’exprimer la culture « au pluriel » et acquérir la reconnaissance recherchée à travers les musées. La troisième se concentre sur la médiation. Développons ce dernier point.

La Nouvelle Muséologie donne une grande importance à la médiation, notamment la médiation in-situ. Dans cette optique, elle cherche à s’éloigner de l’école à qui elle laisse « la lourdeur des démarches didactiques »34 et ouvre la voie à un autre rapport au savoir, différent de celui de l’étude et de la réflexion, où est inséré la notion de plaisir : « il est permis de se cultiver sur d’autres choses, et autrement que par les chemins classiques, vite taxés d’ennuyeux »35. Dans cet optique, elle intègre des moyens utilisant « les émotions, les sensations, l’expérience du sujet ou la mise en situation », le jeu et l’interactivité en font aussi partie36. Ces dispositifs sont souvent concentrés sur les enfants. On le voit toujours aujourd’hui. À visée éducative et ludique, nombre d’entre eux leur sont destinés : le livre des Siècles à Fontainebleau, Pompidou Kids, le jeu de piste sur iPad à l’Abbaye de Fontevraud... L’organisation même du musée en est modifiée, le discours est au premier plan, la collection est là pour l’appuyer, l’interpréter : « La nouvelle muséologie a peut-être permis le glissement d’une muséologie de restitution, où le discours préside à l’exposition, mais où la collection demeure centrale, à une muséologie d’interprétation où le discours est lui-même le sens de l’exposition, avec des objets mis à son service. »37 Le château des Ducs de Bretagne et la façon dont il a été pensé est un parfait exemple de cette vision des choses : l’exposition illustre le discours de l’histoire de la ville par les collections. Un objet précieux et rare peut ne pas être sélectionné car non pertinent dans le

33 Pierre BOURDIEU, Alain DARBEL et Dominique SCHNAPPER, L’amour de l’art les musees d’art europeens et leur public, op. cit. 34 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 74. 35 Ibid.., p. 73. 36 Ibid. 37 Ibid.., p. 77. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 18


discours et vice versa, un objet quelconque peut être mis en valeur car représentatif. L’objet n’est plus traité en tant qu’œuvre d’art mais en tant que support. Le fait de remettre l’homme au cœur du musée donne aussi toute son importance à l’évaluation et aux différentes techniques de marketing qui ont justement pour objectifs de mieux connaître les publics et leurs besoins.

La nouvelle muséologie revient donc aux premières missions du musée et recentre son attention sur le visiteur en lui donnant une place d'acteur et plus uniquement un rôle passif. Cette position s'est faite en opposition avec les dérives observées à l'époque, des musées concentrés sur leurs collections en oubliant leurs visiteurs et une vision unilatérale et unique de la transmission du savoir. La Nouvelle Muséologie prend ses distances avec ces idées en incluant la notion de plaisir dans l'apprentissage, diversifiant alors les approches pour établir une relation entre l’œuvre et le public. Elle légitime totalement la démarche des politiques des public et le développement des médiations pour rendre aux publics ce qui leur revient. On peut facilement faire un parallèle avec la démarche des musées installant des technologies de médiation découlant directement de ces idées et défendant les mêmes postulats. Pourtant aujourd'hui, les musées se sont ouverts aux publics, et sans pour autant mettre en place des technologies de médiation, ils se diversifient vers d'autre types de visite guidées, proposent des ateliers sans oublier les collections. L'enjeu vient surtout de l'image du musée dans les populations dont la modification pourrait leur permettre de prendre la mesure des possibilités qui s'offrent à eux dans cette institution.

1.3. 1.3.1.

Le label « Musée de France » et ce qu’il implique. Un nombre important de musées en France Notre rapport à la culture et à ce qui constitue une œuvre d’art a changé notamment

suite à la politique culturelle de Jack Lang, ministre de la culture de 1981 à 1993. En effet il inclut dans le domaine des arts des champs artistiques jusque-là considérés comme marginaux ou mineurs comme le jazz, les arts décoratifs (la mode, la publicité, le design), la musique populaire et la chanson. Cette vision des choses est transmise par les différentes actions culturelles en milieu scolaire déployées durant ces années. On constate dans le même laps de temps une « fièvre muséale »38 avec des projets de rénovation d’anciens musées et de construction de nouveaux au niveau international. Un exemple parlant : au Japon, on est passé 38 Francoise BENHAMOU, L’economie de la culture, Paris, Decouverte, 2004. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 19


de 1 musée à 15 en quelques années. En France, c’est l’époque du Grand Louvre et de la rénovation de plusieurs musées de provinces mais on voit aussi de « petits » musées, gérés par des associations ou des municipalités présentant une collection d’objets traditionnels plus ou moins mis en scène. Par exemple, la Bourrine du bois Juquaud à Saint-Hilaire-de-Riez (rénovation en 1985) ou le musée de la Coutellerie à Nogent (ouverture en 1991). Ces derniers sont souvent pensés selon les principes de l’écomusée et de l’interprétation (Tilden, 1957).

Avant la loi des musées, il y avait plusieurs catégories de musées : les musées nationaux, les musées classés et contrôlés par l’État, et les autres. Ces derniers sont hors réseau « officiel » ils sont donc difficiles à inventorier. On voit aussi de nombreuses structures municipales ou gérées par des associations mais qui n’ont pas le même cadre ni les mêmes moyens que les musées nationaux. Il y a plusieurs sources concernant l’inventaire de ces établissements, qui seraient au nombre de 1 100 à 10 000. En 2001, on recensait 1 135 musées déclarés selon les « Chiffres Clés 2002-2003, Statistiques de la Culture » mais on ne connaît pas exactement le chiffre précis de ceux non pris en compte par l’administration. Les estimations faites par les services d’études et recherches du ministère de la culture en 1983 et 1988 donnent le chiffre de 4 200, les auteurs du livre « Statistiques de la culture en Europe » (1996), celui de 2 000 et le guide touristique « Guide Dexia » en 2001, 10 000. 1.3.2.

La loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France Aujourd’hui, selon les « Chiffres clés de la culture 2014 », on a 1 218 musées de

France, 23 fonds régionaux d’art contemporain, 49 centres d’art contemporain et 140 000 monuments historiques classés.

Dans une volonté d’uniformisation, la loi sur les musées de France a permis d’éclaircir la situation concernant la définition d’un musée, ses droits et devoirs. Cependant, elle ne donne qu’un label « musée de France » qui garantit au public que l’établissement qu’il visite les respecte mais ne protège le nom de « musée » que peuvent tout de même s’attribuer d’autres établissements. Selon la loi, les musées nationaux, classés et contrôlés obtiennent automatiquement le label. Ils sont, pour 87 %39 d’entre eux, gérés par l’État ou des 39 MINISTEERE

DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

, Chiffres cles 2013: statistiques de la culture, Paris,

Documentation francaise, 2013. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 20


collectivités territoriales. La majorité des musées labellisés sont donc publics, mais il est difficile de dire que tous les établissements se revendiquant comme musée respectent les principes fondamentaux du label.

Tout d’abord il est important de donner la définition du musée de France selon la loi : « toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public ». Dans ce cadre, le musée à plusieurs obligations à remplir dans le domaine des collections, de l’éducation, de la recherche et des publics (article 2) : « les musées de France ont pour missions permanentes de : a) Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ; b) Rendre leurs collections accessibles au public le plus large ; c) Concevoir et mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion visant à assurer l’égal accès de tous à la culture ; d) Contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu’à leur diffusion. » 40 En ce qui concerne les « actions d’éducation », chaque musée doit mettre en place un service permettant l’accueil des publics, la diffusion l’animation et la médiation culturelle qui doivent être assurés par « des personnels qualifiés »41 Les musées de France ont aussi, dans certains cas l’obligation, sinon la très forte recommandation de rédiger un Projet Scientifique et Culturel (PSC) qui orientera les décisions futures. Trois axes sont abordés : l’existant, l’identité et le projet du musée. Il doit dans un premier temps, faire le point sur l’environnement : les raisons de la création du musée, son histoire, le bâtiment en lui-même, son contexte géographique. Dans un deuxième temps, l’aspect des collections est abordé : leur nature, leur mode de gestion, la politique d’acquisition et de recherche, la protection, la conservation et l’identification mais aussi le parcours muséographique. Le sujet des publics est aussi important : leur connaissance, la politique menée à leur encontre, l’accueil et le parcours qui leur est dédié et enfin le service gérant ces modalités. Enfin, le musée fait la synthèse sur l’établissement en lui-même : son 40 « Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 - Article 2 ». 41 « Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 - Article 7 ». Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 21


rayonnement, ses destinataires, ses partenariats, sa stratégie de communication sans oublier la partie gestion, moyens financiers et fonctionnement interne. Ce bilan permet de faire le point et d’établir un diagnostic critique pour chaque objet. Il peut alors reprendre l’ensemble de ces informations pour mettre en place un concept, apporter de la réflexion sur ce qui rend ce musée unique et proposer un projet avec quelques axes prioritaires. Le PSC est valable 5 ou 6 ans.

Sa rédaction apporte plusieurs avantages, pour les équipes internes au musée et pour les partenaires extérieurs. D’une manière générale il donne une meilleure visibilité et une clarification sur la motivation des actions du musée, le bilan et le diagnostic critique permettent de prendre du recul pour mieux définir le projet. En interne, une direction claire et des objectifs précis permettent de motiver plus facilement les acteurs d’une structure en donnant un sentiment d’appartenance puisque, de fait, ils font partie d’un projet commun. De plus, il est fortement recommandé aux rédacteurs de consulter l’ensemble des personnes concernés pour un PSC efficace. En ce qui concerne les partenaires ou autres acteurs extérieurs, il fournit des arguments à la structure pour justifier des dépenses et pour obtenir des subventions. Il peut servir de soutien pour synthétiser le contexte du musée, ses actions et ses buts et appuyer sa démonstration. D’autant plus que le PSC est une condition sine qua non pour obtenir une subvention de l’État dans le cadre de travaux. Les orientations prises sont aussi un bon prétexte pour commencer et/ou développer des partenariats scientifiques et professionnels avec pour conséquence l’extension de son rayonnement.42

La loi sur les musées de France a été faite dans l'idée d'éclaircir le statut des musées et leurs missions. Elle prend en compte autant la recherche, la conservation des collections que l’accessibilité aux publics. C'est un exemple concret de l'influence de la Nouvelle Muséologie et de la professionnalisation de la médiation puisqu'il stipule que chaque musée doit avoir un service éducatif et que ces missions doivent être gérés par des « personnels qualifiés ». Il officialise et rend légitime leurs démarches.

42 DIRECTION DES MUSÉES DE FRANCE , « Le projet scientifique et culturel », Muséofiches, 2007, no 2. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 22


1.4. 1.4.1.

Les modes de gestion ou le musée face à l’impératif financier Les sources de financement Les musées sont financés en partie par des subventions, la billetterie, boutique, parfois

par des services de restauration qu’ils proposent ou qu’ils sous-traitent, et plus rarement par de la location d’espaces, organisation d’événements, mécénat et partenariats. Prenons deux exemples : le musée du Louvre, musée national donc subventionné par l’État et le château des Ducs de Bretagne, musée municipal de la Ville de Nantes géré par la Société Publique Local du Voyage à Nantes. Le musée du Louvre, en 2011, est financé à 50 % par l’État, 27 % par la billetterie, 11% par le mécénat, 7 % par la valorisation du domaine et location d’espaces et 5 % par d’autres moyens43.

Le château des Ducs de Bretagne, la même année était financé à 86 % par une subvention de la ville de Nantes. Le reste des recettes viennent de la billetterie (8 %), des événementiels, des recettes de la boutique, de la concession du restaurant (4 %), des subventions de l’État sur certains projets (0,6 %) et des partenariats (partenariats sur certains projets et partenariat permanent du crédit agricole : 0,6 %)44.

Dans les deux cas, les subventions publiques ont une part très importante, et la billetterie constitue la deuxième plus grande source de revenus. 1.4.2.

Des subventions publiques en baisse, un budget de fonctionnement en hausse Quand on reprend les chiffres du budget du ministère de la culture, on voit une

diminution de 4,3 milliards45 en 2011 à 4 milliards en 201346 soit une diminution de 6,9 %. Cependant, ce budget concerne aussi de nombreux domaines autres que les musées, notamment le patrimoine monumental, le spectacle vivant, la création contemporaine, le livre 43 Soutenez le Louvre, Musée du Louvre, Paris, http://www.louvre.fr/soutenez-le-louvre, consulté le 28 septembre 2014. 44 Les chiffres ont été calculés à partir du montant des subventions et partenariats ainsi que du nombre de visiteurs payants (source interne) 45 MINISTEERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION (1997-....) , Statistiques de la culture chiffres cles 2011, Paris, la Documentation francaise, 2011. 46 MINISTEERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION , Chiffres cles 2013, op. cit. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 23


et l’audiovisuel. Si on veut avoir une vraie visibilité du secteur, il vaut mieux s’attarder sur le programme « patrimoines » dont les musées font partie ou plus précisément, le « Programme 175 – Patrimoines, Action 3 : Patrimoine des musées de France ». En regardant de plus près on remarque que le budget du programme Patrimoines a diminué de 7,6% entre 2012 et 2014 (805 M€ en 2012, 760 M€ en 2013, 744 M€ en 2014) et celui de l’action 3, patrimoine des musées de France de 8,1% (369 M€ en 2012, 354 M€ en 2013, 339 M€ en 2014).47 Il y a donc une baisse significative des financements publics dans le domaine des musées, plus importante que celle du budget général du ministère de la culture.

Devant cette baisse, les lourdeurs administratives ne sont pas un avantage pour développer des ressources propres. Les collectivités territoriales créent donc de plus en plus de structures permettant une plus grande flexibilité. 1.4.3.

Des modes de gestion de plus en plus tournés vers le droit privé. L’impératif financier demande souplesse et rapidité d’exécution, ainsi qu’une gestion

plus ou moins autonome des finances. Or, nous l'avons vu, 87 % des musées de France appartiennent à l’État ou à une collectivité territoriale, affiliés au droit public. La gestion des administrations publiques est lourde et procédurale. Ces structures ont par exemple l’obligation de lancer un appel d’offre pour un marché de fournitures ou services au-dessus d'un certain montant48 sinon une procédure adaptée peut être privilégiée. La mise en en place d’une application ou de conception multimédia dans un musée appartenant à une collectivité publique relève de l’article 30 du code des marchés publics 2006 « les marchés et les accordscadres ayant pour objet des prestations de services qui ne sont pas mentionnées à l’article 29 »49, dans ce cas ils peuvent faire une procédure adaptée, quel que soit le montant du marché. Le Marché à Procédure Adaptée (MAPA)50, est plus souple, permet une plus grande liberté d’organisation. Dans tous les cas, la structure doit respecter les principes applicables à 47 Projet de loi de finances pour 2013 : Culture : patrimoines, transmission des savoirs, Doc. Parl. S. N°152, 2012-2013 ; Projet de loi de finances pour 2012 : Culture, Doc. Parl. S. N°107, 2011-2012 ; Projet de loi de finances pour 2014 : Culture : patrimoines, transmission des savoirs, Doc. Parl. S. N°160, 2013-2014 48 Au-delà de 134 000 € pour l’État et ses établissements publics, 207 000€ pour les collectivités territoriales, en dessus une procédure adaptée peut être privilégiée. « Seuils de procédure et seuils de publicité », Bulletin Officiel des Annonces des Marchés Publics http://www.boamp.fr/BOAMP/Comprendre-les-marchespublics/Le-guide/3.-Seuils-de-procedure-et-seuils-de-publicite, consulté le 28 septembre 2014. 49 « Code des marchés publics - Article 30 ». 50 « Code des marchés publics - Article 28 ». Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 24


l’ensemble des marchés publics à savoir la liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures 51. Un cahier des charges ou document descriptif de l’offre sera toujours demandé mais surtout un délai raisonnable entre la diffusion, l’obtention des réponses des concurrents et le choix final doit être respecté ainsi qu’entre l’annonce du rejet des candidatures et la signature du contrat. Toute la procédure peut prendre plusieurs mois, d’autant plus si le marché est important.

La gestion du budget de fonctionnement est tout autant difficile à appréhender. La régie directe est la plus contraignante Cependant, certains musées ou structures culturelles sont sous un statut permettant une plus grande souplesse : Régie autonome ou personnalisée, Établissement Public Administratif (EPA), Établissement Public Industriel et Commercial (EPIC), Sociétés Publiques Locales (SPL), Établissement Public de Coopération Culturelle (EPCC), Partenariat public/privé (par exemple : Société d’Économie Mixte)... D’une manière générale, ces statuts, de droit public ou de droit privé, donnent une autonomie financière et une intervention dans la gestion plus ou moins grande de la part de la collectivité dans les domaines du vote du budget, de gestion du personnel, de fixation des tarifs et de comptabilité.

Étant donné que 82 % des musées de France appartiennent à des collectivités territoriales en 201252 (chiffres de la culture 2013, p. 33), l’utilisation de la régie est la plus répandue. Dans la régie simple ou régie directe l’organisation et le fonctionnement sont pris en charge par la collectivité dont ils dépendent. Ils sont affiliés au droit public et donc exposés aux éventuelles lourdeurs administratives qui peuvent s’y greffer au niveau du financement, des ressources humaines et de la comptabilité. Leurs budgets découlent directement des fonds alloués à la culture par la collectivité. Dans ce cadre, ils doivent suivre les règles de la Loi Organique relative aux Lois des Finances qui demande une justification au premier euro des dépenses. Cette gouvernance publique est souvent choisie pour les petits musées municipaux. Dans la régie autonome, l’établissement dispose de l’existence d’un conseil

51 « Procédures »,

Bulletin

Officiel

des

Annonces

des

Marchés

http://www.boamp.fr/BOAMP/Comprendre-les-marches-publics/Le-guide/4.-Procedures,

consulté

Publics, le

28

septembre 2014. 52 MINISTEERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION , Chiffres cles 2013, op. cit.., p. 33. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 25


d’exploitation et d’un directeur (nommé par le maire) et peut adopter un budget autonome. Mais il n’a pas de personnalité morale53 Enfin, la régie personnalisée permet à l’établissement de disposer d’une personnalité morale et financière, elle est administrée par un conseil d’administration désigné par le conseil municipal sur proposition du maire. Elle possède un patrimoine distinct de la collectivité et jouit d’un budget propre.54 Dans ces trois cas, la structure reste attaché à la collectivité.

La gestion déléguée peut aussi être une solution pour apporter plus de souplesse à une grosse organisation La première est appelée la gestion déléguée statutaire, c’est-à-dire toute gestion assurée par une autre entité qu’elle-même. Ces établissements sont des personnes morales de droit public. Ils ont une gestion autonome et peuvent être affiliés au droit public ou au droit privé en termes de personnel et de comptabilité. Ils ont la possibilité de créer des partenariats et peuvent être financés par des subventions mais aussi, entre autres, par le produit de leurs activités commerciales et l’organisation de manifestations culturelles. Les EPA (exemples : Musée du Louvre, Musée d’Orsay, Château de Versailles), Les EPIC (Exemples : Monnaie de Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais) et EPCC (Musée de Louvre-Lens, Musée des Confluences, Centre Pompidou-Metz) entrent dans cette case. La deuxième est la gestion déléguée contractuelle. Selon l’article L1411-1 du code général des collectivités territoriales, la délégation contractuelle de service public est « un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service ». Les structures sont des sociétés anonymes donc affiliées au code de commerce, leur capital est en partie ou totalement détenu par des collectivités territoriales. C'est le cas des Sociétés

53 « Code général des collectivités territoriales - Articles L2221-11 à L2221-14 L2221-14 ; Code général des collectivités territoriales - Articles R.2221-63 à R.2221-98 » 54 « Code général des collectivités territoriales - Articles L.2221-10 et R.2221-18 à R.2221-62 » Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 26


Publiques Locales (comme La SPL Voyage à Nantes dont le Château des Ducs de Bretagne fait partie.) et des Sociétés d’Économie Mixte Locale.

Les collectivités ont donc un grand panel de statuts disponible avec un degré d’autonomie plus ou moins important. Les propriétaires privés, pour la plupart des associations sont, depuis le début, dépendants de l’autofinancement et affiliés au droit privé. Ils sont donc plus flexibles mais aussi, à priori, plus précaires. Malgré une diversité importante au sein des musées, on remarquera que les « grands musées » ont une gestion plus autonome basée sur la délégation et sur le code du commerce. Les musées plus modestes sont souvent gérés en régie. Cette autonomie grandissante leur permet de se rapprocher du monde de l’entreprise, de sa souplesse et de sa réactivité pour mieux créer de la valeur, développer des partenariats, du mécénat, mieux gérer les ressources humaines, mettre en place une boutique, des services de location voire d’événementiel. Ces statuts leur permettent tout simplement de créer une activité commerciale en parallèle avec leur activité de service public afin de développer une marge de manœuvre, un autofinancement et de combler le fossé de plus en plus grand qui se crée entre subventions publiques et dépenses, qui menace parfois ses missions fondamentales.

1.5. 1.5.1.

Des changements sociétaux qui induisent de nouvelles pratiques Un bouleversement des pratiques qui change notre rapport à la culture Dans les années 1990, le taux d'équipement d'ordinateur a très fortement augmenté. En

1992, 12 % de la population en possédaient un, en 2013, nous sommes à 83 % 55. Même chose pour l'accès à internet: 4 % de la population pouvait se connecter en 1998 et 81 % en 2013 56. La proportion de smartphones dans la population illustre aussi cette tendance. Sachant que sa diffusion démarre vraiment en 2007 avec le premier iPhone, il est impressionnant de constater que 5 ans plus tard, un quart de la population en était équipé et qu'au premier trimestre 2014, ce chiffre atteint les 50%. Actuellement, un foyer sur trois détient une tablette tactile 57. Les connexions sur appareil mobiles sont aussi en augmentation : 27 % de la population se

55 Régis BIGOT et Patricia CROUTTE, La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, CREDOC, coll. « Conditions et de vie et aspirations des français », 2013, p. 47. 56 Ibid.., p. 59. 57 « Baromètre du marketing mobile : plus de 50% des français possèdent désormais un smartphone ! » Communiqué de presse du 19 juin 2014, GFK http://www.gfk.com/ Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 27


connecte avec une tablette ou un smartphone via les réseaux mobiles en 2012 contre 14 % en 201158. Pour Olivier Donnat : « Les conditions d’accès à l’art et à la culture ont profondément évolué sous les effets conjugués de la dématérialisation des contenus, de la généralisation de l’internet à haut débit et des progrès considérables de l’équipement des ménages […]. Cette évolution a définitivement consacré les écrans comme support privilégié de nos rapports à la culture tout en accentuant la porosité entre culture et distraction, entre le monde de l’art et ceux du divertissement et de la communication. »59 Les effets induits ne sont qu'en terme de pratiques mais aussi dans notre rapport aux autres, à la société. Selon Atout France : « […] l’un des éléments majeurs introduit par les réseaux numériques est précisément

qu’ils

facilitent

les collaborations, réduisant leurs coûts, les délais et

les

interactions, l’influence

des

distances […]. Internet diffuse aussi une logique différente parce qu’il est basé sur des interactions moins hiérarchisées, moins centralisées, « entre pairs », où chacun est à tour de rôle récepteur et émetteur. »60 Par prolongement, les systèmes de valeurs changent, le rapport au savoir et à la hiérarchie sont modifiés. Des milliers d'informations sont disponibles à tout instant et à tout moment, chacun peut s'exprimer sur tous les sujets. Cela donne une propension à la collaboration, à l'ouverture et au changement. Selon l’European Values Survey (EVS : association pour la recherche sur les systèmes de valeurs) qui mena des enquêtes en 1981, 1990, 1999 et 2008, « sur trois décennies, les aspirations immatérielles croissent plus vite que les matérielles. […] Trois de ces attentes immatérielles sont particulièrement fortes : l’exercice du libre arbitre, le désir de réalisation personnelle et la recherche de contacts humains »61 58 Régis BIGOT et Patricia CROUTTE, La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, op. cit.., p. 72. 59 Olivier DONNAT, « Les pratiques culturelles des Francais à l’ere numerique: enquete 2008 Synthese », Culture Etudes, 2009, CE 2009-5, p. 2. 60 ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite touristique et culturelle, op. cit.., p. 24. 61 Ibid.., p. 22. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 28


La présence des technologies ne s'arrête donc pas à un taux d'équipement, elle conditionne aussi un nouveau mode de pensée et un autre rapport à la société. 1.5.2.

Une évolution des technologies Les changements ne sont pas uniquement dans le taux d'équipement et d'utilisation

mais aussi dans l'interface de ces outils. Après la souris, la manette, le trackball [boule commande], arrivent les interfaces naturelles qui utilisent les gestes du corps pour interagir avec l'outil. L’expérience montre qu'ils sont plus rapidement assimilés que « pour certains publics peu familiers de l’informatique, [pour qui] l’utilisation d’une souris est loin d’être intuitive à cause de la distance entre le geste et sa métaphore à l’écran »62. Le temps d'apprentissage est donc plus léger « immédiat » et enlève un effort, c'est « une nouvelle appropriation [...] libératrice d’attention et générant une perception nouvelle. »63. L'interface tactile est la plus révélatrice de ces nouvelles interfaces.

Nous entendons aussi de plus en plus parler des « objets connectés » comme les montres, bracelets, porte-clés qui communiquent et transmettent des données par internet, via des techniques RFID (Radio Frequence IDentification [Identification par Radiofréquence]), codes-barres ou autre. Là encore le rapport au monde est modifié, internet devient, dans un sens, concret. Ces technologies permettent de développer une intelligence ambiante qui « repose sur la possibilité pour l’utilisateur d’interagir avec une multitude d’appareils interconnectés dotés d’une faculté de géolocalisation et d’analyse du contexte. »64. Ces technologies ont déjà été utilisées dans certaines expositions, notamment la RFID dans « Ni vu, ni connu », au musée des Confluences en 2006. Les technologies de visualisation, telles que la réalité augmentée ou le projection mapping (projeter des informations sur un objet par un rétroprojecteur) rendent plus « perceptibles ou intelligibles des données collectées [qui] vont se superposer au réel pour le commenter, l’augmenter, l’expliquer ou le détourner. »65 Le projet Nantes 1900 utilise le 62 Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », Les Cahiers du Musée des Confluences, 2011, vol. 7, p. 119. 63 Ibid. 64 « Intelligence ambiante : évolution ou révolution ? » Institut National de Recherche en Informatique et Automatique (INRIA), http://www.inria.fr/centre/grenoble/agenda/seminaire-in-tech-intelligence-ambiante, consulté le 28 septembre 2014. 65 Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 119. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 29


projection mapping et on peut citer plusieurs sites exploitant la réalité augmentée : Abbaye de Fontevraud, château de Falaise, abbaye de Cluny et de Jumièges...

Les technologies elles aussi évoluent, et donnent des opportunités aux musées puisque c'est leurs multiples possibilités qui conditionnent les futurs usages qui pourront y être développés. Le musée fait face à différents facteurs qui influencent la façon dont il doit s'organiser. Certains concernent le domaine muséologique en particulier. La médiation ne fut pas mis en place directement dans les musées, c'est un phénomène relativement récent qui se rapproche fortement de l'interprétation. Elle prend toute son ampleur et sa légitimité avec les principes énoncés par la Nouvelle Muséologie qui estime que le musée à un rôle social et d'élévation des consciences. Il doit donc s'adresser à toute la population, s 'adapter à eux. Cette position permet de défendre une autre transmission du savoir par des moyens diversifiés, y compris par le jeu, les émotions et les sensations. Les technologies de médiations peuvent être un moyen de les développer. N'étant pas coupé du monde, le musée fait aussi face aux courants qui traversent la société. La dette de l’État et la nécessité de faire des économies entraîne une baisse des financements dans les subventions dédiées à la culture. En particulier dans les musées où les versements baissent plus vite que le budget général. En parallèle, ils sont encouragés à prendre plus d'autonomie financière et d'initiatives pour diversifier leurs sources de financement. Cela est encouragé avec les différents statuts juridiques qui permettent une indépendance et une souplesse plus ou moins grande. L'arrivée du numérique dans la vie des Français ne les a pas non plus épargnés. Les technologies de l'information et de la communication ont entraîné des changements majeurs dans les rapports sociaux ainsi que des pratiques nouvelles qui se répandent extrêmement vite. Il semble donc difficile de rester à l'écart.

2

Les outils numériques dans le projet de musée : enjeux et risques. Le musée fait face à des courants qui influencent ses décisions. Le projet de musée

détermine l'ensemble de ses objectifs et des moyens utilisés pour y parvenir, il fait la synthèse de ces décisions. On peut donc y retrouver des aspects commerciaux et marketing visant à développer son autofinancement. Seulement, même s'il a des obligations financières et un Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 30


budget de fonctionnement important à couvrir, il ne faut pas oublier pour autant ses missions envers les publics, les collections et la recherche. Les nouvelles technologies peuvent entrer dans le cadre d’une stratégie plus globale et dans l’identité du musée. Ou, plus ponctuellement, dans une démarche mercantile ou encore dans une démarche pédagogique et scientifique. Nous déterminerons en premier comment les technologies de médiations peuvent s'inscrire dans une logique de stratégie marketing ainsi que les raisons qui poussent les musées à le faire. Ensuite, nous verrons comment ces outils sont utilisés pour remplir les missions de service public du musée vis-à-vis des publics.

2.1.

Face à la concurrence, la recherche de la différenciation : quand le numérique entre dans la stratégie marketing. Nous l’avons vu, les coûts de fonctionnement ne diminuent pas, il faut donc

compenser la baisse des financements publics par des ressources propres constituées en premier lieu par la billetterie. Elle reste la source financière principale après les subventions et est dépendante du nombre de visiteurs payants. C’est pourquoi, logiquement, on cherche à augmenter la fréquentation et dans cet objectif, être « préféré des clients ». C’est cet impératif financier qui fait entrer le marketing dans les musées, notamment dans son aspect stratégique. Il faut trouver une façon de faire entrer le visiteur au musée mais aussi de le faire revenir par différents biais de fidélisation. L’utilisation des nouvelles technologies peut entrer dans cette stratégie. 2.1.1.

Une concurrence de fait Il peut paraître étrange de parler de « concurrence » lorsqu’on parle d’un sujet tel que

les musées. Selon le Mercator, 11e édition, la concurrence est une « situation de marché dans laquelle des entreprises ou organisations proposent des offres substituables en cherchant à être préférées par les clients »66. Le musée n’est pas une entreprise dans le sens où elle n’a pas d’actionnaires et est sans but lucratif, mais ce n’est pas parce qu’il n’est pas une institution marchande qu’il n’est pas dans une situation de marché 67. Le temps des visiteurs est limité, ils doivent donc choisir entre différentes activités, culturelles ou non, présentes sur le territoire. 66 Julien Lévy JACQUES LENDREVIE, Mercator 2013 - Théories et nouvelles pratiques du marketing, Dunod., 2012. 67 DiMaggio 1985, Birobent 1987 cités par Jean-Michel TOBELEM, « De l’approche marketing dans les musées », Publics et Musées, 1992, vol. 2, no 1, p. 55. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 31


Les établissements offrant ces activités essaient de prendre le pas sur les autres afin d’attirer ces visiteurs. Donc même si un musée de sciences ne se sent pas en concurrence avec un musée des beaux arts, il l’est de fait 68. De plus, comme toute organisation publique ou privée, l’institution culturelle a des obligations de bonne gestion c’est-à-dire, à minima, d’ équilibre des comptes. Cette nécessité oblige à trouver des moyens de financement dont les outils marketing peuvent aider au développement. 2.1.2.

Musées, marketing et stratégies. Pour bien expliquer le concept que la stratégie, il faut revenir à celui de marketing. Des techniques marketing ont été utilisées à partir du moment où il y avait un échange

marchand entre une offre et une demande. À l’origine, l’idée était d’améliorer un produit dans le but de mieux le vendre. Au début du XXe siècle, la production de masse permet la baisse des prix. Celle-ci, couplée à la montée des salaires entraîne une consommation généralisée. La crise des années 30, la pression concurrentielle et l’impératif de vente vont modifier l’état d’esprit des responsables marketing pour les tourner vers le consommateur, ses besoins, ses perceptions, ses souhaits69. La définition actuelle du marketing est « la stratégie d’adaptation des organisations à des marchés concurrentiels, pour influencer en leur faveur le comportement des publics dont elles dépendent, par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents »70.

Dans le monde des musées, cet esprit est présent même ce n’est pas dans un but d’enrichissement. Il est d’ailleurs l’objet d’un chapitre dans la publication de l’ICOM « Gérer un musée, manuel pratique » sorti en 2006. Autrement dit, on recherche l’autofinancement au maximum afin de reverser le capital généré dans de nouvelle expositions, de nouveaux ateliers, conférences ou autres actions en accord avec les missions du musée. Dans la mesure où l’enjeu financier doit permettre de garder non seulement un niveau de qualité scientifique et scénographique mais aussi des techniques de conservation performantes, les outils du marketing permettent de rationaliser cette démarche et d’optimiser ses actions. Les différentes informations collectées par des observations, des études de satisfaction ou des études de publics donnent des indications pour d'orienter les décisions, prises aussi en 68 Ibid. 69 Kotler et Andreasen, 1987 cités par Ibid.., p. 49. 70 Julien Lévy JACQUES LENDREVIE, Mercator 2013 - Théories et nouvelles pratiques du marketing, op. cit. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 32


fonction d’une stratégie générale et d’objectifs inscrits dans le projet de musée. En faisant le bilan sur l’existant et sur l’environnement du musée il permet de se positionner et de lui forger une identité. On parle même de « marque » pour certains grands musées qui développent des antennes à leur nom : Guggenheim de Bilbao, Louvre Lens, Louvre Abu Dhabi, Pompidou Metz... Il est facile de faire le lien avec le Projet Scientifique et Culturel des musées de France qui demande cet état des lieux et une réflexion autour de l’émergence d’une identité. En marketing, le développement de cette identité s’appelle le positionnement ou différenciation. Autrement dit, en quoi le musée est différent des autres. 2.1.3.

Une volonté de différenciation L’utilisation des nouvelles technologies dans la médiation est un positionnement, une

façon de se démarquer. C’est ce que nous explique Philippe Callot 71 dans deux exemples : la mise en place d’un guide multimédia à l’Abbaye de Fontevraud et au château de Chenonceau. Ces deux sites ont été choisis pour leurs différences en termes de fréquentation et de gestion : l’Abbaye est une société publique régionale rattachée à la région des pays de la Loire, Chenonceau est une entité totalement privée (société civile). Les projets abordés datent de 2006 mais on peut remarquer que ces deux sites n’ont pas pris la même direction par la suite. L’abbaye de Fontevraud a développé sa politique liée au numérique et propose un parcours sur iPad pour les enfants à bas de reconnaissance d’image. Le château de Chenonceau propose deux applications : une en préparation à la visite et l’autre de type « audioguide » enrichi. Dans les deux cas, l’avantage donné est d’acquérir une image de différenciation et un avantage concurrentiel en se démarquant des autres sites et en proposant un service personnalisé 72. La raison invoquée est aussi de renouveler la médiation, de répondre à une demande et de mettre en place un système adapté au public étranger.

Selon Raymond Montpetit, visiter une exposition c’est vivre une expérience 73 : « En tant que lieu de placement d’objets et de déplacement de visiteurs le long d’un parcours, toute 71 Philippe CALLOT, « Pratiques des guides interactifs: les cas de Chenonceau et de l’Abbaye Royale de Fontevraud », in Claire GIRAUD-LABALTE , Philippe VIOLIER et Jean-Rene MORICE (dirs.), Le patrimoine est-il frequentable ? acces, gestion, interpretation, Angers, Presses de l’Universite d’Angers, 2009, . 72 Ibid. 73 Raymond MONTPETIT, « L’expérimentation au service des expériences de visite, expérimentation, expérimental, expérience », Les Cahiers du Musée des Confluences, 2008, vol. 2, p. 60. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 33


exposition offre l’occasion de vivre, au contact d’objets matériels, des expériences de sens ». Le musée, en présentant des expositions vend donc une expérience. Après tout, on parle bien d ' « expérience -visiteur ». En mettant en place de nouvelle façons de visiter, notamment par les nouvelles technologies, le musée crée de nouvelles expériences. C’est aussi de cette façon qu’il peut se démarquer des autres.

La volonté de différenciation est d’autant plus pertinente que nous sommes dans un monde avec d’un côté des « musées-vedettes », qui drainent plus d’un million de visiteurs par an et d'un autre une majorité de musées qui ne dépassent pas les 100 000. En 2011, sur les 993 musées en activité, seulement 7 avaient plus d’un million de visiteurs (soit 0,7 % des musées), 63 entre 100 000 et un million (soit 6 % des musées) et 923 en dessous de 100 000 (93 % des musées)74. C’est ce qu’on appelle un oligopole à frange. Ces institutions ont donc non seulement une « réputation » à conserver, une place à garder mais les établissements plus modestes cherchent à augmenter leur nombre de visiteurs puisque la notoriété d’un musée, sa « valeur » s’évalue en fonction de son chiffre de fréquentation. C’est un cercle vertueux : plus on attire de visiteurs, plus on est connu et plus on est reconnu, plus on attire de visiteurs. Il est alors logique de vouloir entrer dans ce cercle. Dans le prolongement de cette stratégie, les nouvelles technologies peuvent aussi entrer dans un plan de communication pour donner une image plus moderne du musée. C’est d’ailleurs le cas de l’Abbaye de Fontevraud qui dans ses « 10 bonnes raisons de visiter l’Abbaye » cite « 9/ Vivre demain : Créée en 1101, l’Abbaye Royale n’en est pas moins à la pointe d’une modernité au-delà de la mode, notamment à travers l’utilisation du numérique [...] »75. Le château des Ducs de Bretagne aussi, dans une moindre mesure, l’indique dans la description de son parcours muséographique : « Le multimédia a été complètement intégré dans la définition du musée d’histoire de Nantes et l’aménagement de l’espace d’exposition. » 76. Dans cette optique, il peut mettre en valeur les dispositifs dans les expositions mais aussi utiliser les réseaux sociaux.

74 MINISTEE

RE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION,

Chiffres cles 2013, op. cit.

75 « 10 bonnes raisons de visiter l’Abbaye » Abbaye de Fontavraud http://www.fontevraud.fr/10-bonnesraisons-de-visiter-Fontevraud 76 « Parcours muséographique » Musée d'histoire de Nantes, http://www.chateaunantes.fr/fr/parcoursmuseographique Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 34


L’adoption d’une stratégie marketing cherchant à attirer plus de visiteurs est conditionnée par l’impératif financier. En effet, le principe est de coller à la demande du visiteur pour qu’il veuille venir visiter le musée. Or, on sait que la société est de plus en plus connectée, les visiteurs de plus en plus interconnectés, il n’est donc pas envisageable de ne pas l’être même si ce n’est que par un site-vitrine présentant les informations pratiques. Le cas qui nous intéresse est dans l’utilisation de dispositifs de médiation. L’utilisation de nouvelles technologies dans ce domaine peut répondre à une volonté d’attirer plus de personnes en leur faisant vivre une expérience différente et dans ce sens, se démarquer des autres musées. Ça peut aussi être une question d’image : montrer que l’on est un musée dynamique, dans l’ère du temps. C’est donc l’évolution de la société qui fait entrer les nouvelles technologies dans la stratégie marketing des musées. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils ne sont pas pertinents dans ses missions de service public.

2.2.

Face aux nouveaux usages, des enjeux pédagogiques. Les musées ont un impératif financier qui peut faire entrer les nouvelles technologies

dans le musée pour des raisons purement marketing. Mais à y regarder de plus près, les projets mis en place sont plus souvent dans une démarche tournée vers les publics. Les musées n'oublient pas leurs missions de service public de recherche et d'éducation, les nouvelles technologies s'y inscrivent parfaitement. 2.2.1.

Des professionnels engagés Cet état d'esprit se voit particulièrement dans les communautés de professionnels

centrées autour des domaines du numérique de la culture. Deux exemples : Muzeonum et Museomix. Muzeonum « est une plate-forme de ressources sur le numérique au musée et dans la culture »77 elle regroupe des professionnels du secteur privé ou public. Le site internet, sous forme de « wiki », donne la possibilité à tout le monde de participer en déposant des ressources de type mémoires et thèses de recherche, articles, ouvrages... Puis les met à disposition de tous. Nous avons, ici un esprit collaboratif et de construction du savoir collectif. Chacun est libre d'entrer dans la communauté : étudiant, chercheur, prestataire, personnel de musée ou tout simplement curieux. Il suffit de « pousser la porte »78. Un groupe Facebook permet de pousser plus loin le côté partage en permettant aux membres de poser des questions à la communauté et de répondre en direct mais aussi de partager ses découvertes et 77 Muzeonum Http://www.muzeonum.fr 78 Omer Pesquer, conférence « Muzeonum » du SIME SITEM 30 Janvier 2014 Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 35


ses projets. Museomix, dans un même esprit, rassemble les acteurs de branches diverses pas toujours en lien avec le musée : c'est « un labo pour réinventer les musées avec tous ceux qui en ont envie. C’est une opportunité de mixer des personnes et des idées, de cogiter, et de cocréer. »79. Les équipes rassemblent des développeurs informatiques, des professionnels de la communication, des médiateurs, des conservateurs... Ils ont un objectif : en trois jours, créer un prototype qui permet de vivre le musée autrement. Durant l'événement, l'ambiance est à l'entraide et à la vie en communauté. Le dernier jour, les prototypes sont installés directement dans les salles d'exposition pour être présentés au public qui pourra les tester en direct. Les dispositifs ne sont pas destinés à être intégrés aux collections même s'il arrive qu'ils aient une vie après Museomix, ils sont libres de droit. L’événement est organisé par les membres de la communauté, pour la plupart bénévoles en lien avec le musée hôte. L'esprit d'ouverture se retrouve aussi dans le laboratoire Érasme, qui est actuellement géré par le département du Rhône. Tous les projets montés le sont dans une volonté d'expérimentation et de service, c'est pourquoi les dispositifs développés sont libres de droit. C'est à dire que le code source est diffusé sur internet et que chacun peut les reprendre ou les adapter librement pour leur structure.

Il est intéressant de constater que dans nos deux exemples, le point de départ se trouve dans les acteurs et non dans le ministère de la culture ou les instances « officielles » des musées. Un parallèle peut être fait avec le mouvement de la nouvelle muséologie ou de l'interprétation qui partent avant tout des personnes et des expériences sur le terrain pour ensuite être théorisés. 2.2.2.

Un démarche résolument tournée vers les publics. Leur point commun de beaucoup de projet numériques est d'être orienté vers les

publics. Parfois pour les questionner, pour les faire réagir pour qu'en sortant de l'exposition, ils ne soient plus les mêmes qu'en entrant Sinon pour lui expliquer des concepts difficiles à appréhender à travers des moyens plus « classiques ». Cette vision exploite le concept tiré de l'interprétation et de la nouvelle muséologie, c'est à dire tirer parti des émotions, des sens et de l'expérience du visiteur pour le faire avancer dans sa réflexion et à terme élever le niveau d'instruction de la population. Selon Nathalie Candito « le musée va au-delà d’un transfert de

79 Museomix Http://www.museomix.fr Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 36


savoirs en montrant les choses : il permet au visiteur d’expérimenter, de « voir par lui-même » pour acquérir, par l’expérience, de la connaissance plus que du savoir »80.

Par exemple, dans l'exposition « Ni vu, ni connu » au musée des Confluences en 2006 traitant du camouflage, les visiteurs étaient munis de puces RFID dans une carte qui leur était fournie. Elle enregistrait à leur insu leur parcours, leurs interactions avec les bornes et un possible prolongement de sa visite (sur le site web par exemple). Cette information lui était révélée en fin de parcours afin d'ouvrir le débat sur ce type de technologies. Dans un autre registre, un dispositif plus simple est présent au château des Ducs de Bretagne, une animation qui situe et montre l'explosion de la tour des Espagnols en 1800, sous forme d'animation 3D. On peut le comparer avec l'application en réalité augmentée de l'abbaye de Jumièges qui représente certains points du domaine tel qu'ils étaient à différentes époques. Ces deux exemples entrent dans une logique de visualisation qui permet au visiteur de mieux appréhender les informations historiques sur ces lieux.

Selon Yves-Armel Martin : « le numérique au musée ne doit pas être restreint à la question des « dispositifs » dans les expositions ou de l’audioguide mais bien positionné comme moyen de porter une vision du musée, de créer une dynamique de changement des organisations et d’intégrer la question des publics au cœur du management de l’institution. »81

80 Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées, expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », Les Cahiers du Musée des Confluences, 2008, vol. 2, p. 88. 81 Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 127. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 37


2.2.3.

Une réflexion globale, une mise en place parfois difficile La mise en place d'un projet numérique peut être difficile puisque cela « demande [...]

aux acteurs concernés de prendre du recul sur leur propre cadre de travail pour accepter de le réinventer autrement »82 Les dispositifs sont rarement réellement innovants et sont, le plus souvent, pensés comme support de diffusion de contenu, permettent de « délivrer une information sous une forme plus variée, plus séduisante. »83. Mais cette vision des choses occulte la dimension d'échange entre les visiteurs, de partage, de participation, valeurs véhiculées par Internet.

Les nouveaux musées ou ceux qui ont vécu une période de reconstruction ou de réaménagement font souvent preuve d'une réflexion poussée. En effet, c’est un moment idéal pour mettre les choses à plat et définir une politique globale. Trois exemples peuvent être donnés : le château des Ducs de Bretagne, le musée du Louvre Lens et le musée des Confluences. Le premier a été rénové pendant de nombreuses années et a choisi d'intégrer totalement le numérique dans sa scénographie. Les collections illustrent l'histoire de Nantes, il est là pour pallier leur insuffisance quand il le faut. Dans le cas du Louvre Lens, le guide multimédia entraîne le visiteur dans la galerie du temps. Les tables tactiles permettent, entre autres, d'en savoir plus sur les œuvres phares du Louvre à travers les méthodes de conservation et de recherche. Enfin, le musée des confluences a toute une politique d'expérimentation autour des nouvelles technologies, en partenariat avec le laboratoire Érasme. Dans chaque structure, ils ont du sens et sont complémentaires.

Dans un musée déjà existant, il est plus difficile de mettre en place ce type de politique globale sans modifier l'ensemble de la scénographie. Dans ces cas, les dispositifs mobiles sont plus souvent employés puisqu'ils ne nécessitent pas de réorganisation de l'espace. Le Louvre proposer un audioguide sur console Nintendo 3DS XL avec de nombreux parcours possibles. Le château de Fontainebleau, une application de « serious game » (jeu sérieux) destinée aux enfants.

82 Ibid.., p. 118. 83 Ibid. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 38


D'une manière générale, les réseaux sociaux et le site web sont souvent pensés séparément alors qu'ils peuvent donner une véritable valeur ajoutée au musée qui saura les exploiter, avant, pendant et après la visite, en cohérence avec la médiation in-situ. Ils permettent de créer un lien avec le visiteur. Certains musées se concentrent sur la médiation numérique in-situ et d'autres sur les réseaux sociaux.

Les sites web permettent d'introduire la visite en délivrant des informations pratiques, les réseaux sociaux relaient les informations au jour le jour et peuvent avoir un réel rôle de médiation. Le musée des Confluences met en ligne les vidéos des conférences qu'il organise sur Twitter, le Grand Palais, investi dans les réseaux sociaux, présente une œuvre de femme artiste chaque jour dans l' « Art à la Une », et a créé un compte Instagram spécifique dans le cadre de l’exposition « Niki de Saint Phalle ». Sans oublier la présence sur Facebook de Léon Vivien, poilu de la première guerre mondiale dont les publications et les photos étaient soigneusement documentés par les équipes du Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux. 2.2.4.

Expérimentations et programmes de recherche Les nouvelles technologies entrent parfois dans la mission de recherche des musées, il

existe d’ailleurs des programmes nationaux et des laboratoires travaillant sur la question. Érasme est l'un d'eux: « Nous cherchons à mettre toutes les possibilités du numérique au service de la transmission du savoir, de la culture ou de l’action sociale. Pour cela nous faisons appel à des méthodes de co-design et à toutes les ressources et détournements de la culture numérique. »84 ). Depuis 2010 est mis en place LEDEN, programme de recherche et de création numérique tourné vers quatre types de médiations : culturelle scientifique, pédagogique et territoriale. Un autre exemple est celui de CULTE (Cultural Urban Learing Transmedia Experience), un projet mené au Quai Branly et financé par l’Agence Nationale de la Recherche. Il a pour objectif « d'accompagner [la] transition des usages […] en fournissant des repères et des méthodes à la conception d'une expérience transmédia, pédagogique aussi bien que ludique […] [et] pour ambition de créer et valider l'intérêt d'outils génériques 84 Erasme http://www.erasme.org/ Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 39


pour renouveler les techniques de médiation culturelle et la manière d'interagir avec les oeuvres. »85 Le musée devient un parfait lieu d'expérimentation. Comme le dit Nathalie Candito « Dans le même temps, l’espace muséal apparaît comme le lieu des possibles où l’expérimentation a toute sa place : un lieu qui permet le questionnement, l’anticipation, la distanciation, la réflexion, le jeu... »86. L'exposition « Ni vu , ni connu » entre dans ce cas ainsi que la Museotouch, développée par le laboratoire Erasme qui questionne les usages du public lorsqu'il est confronté à un dispositif multi-utilisateur. Le projet Nantes 1900 a été développé dans un programme de recherche et développement en partenariat avec l’École Centrale de Nantes. Il pose la question du rapport entre le visiteur, l'objet physique et le dispositif interactif.

Les TIC induisent de nouvelles pratiques auxquelles doivent s'adapter les musées. Vouloir mener un projet qualité et une réflexion poussée peut induire des difficultés dans la gestion de projet puisqu'il faut réussir à penser les choses autrement, changer ses habitudes. On remarque que les professionnels sont très engagés dans la démarche et alimentent la documentation pour permettre à tous d'y accéder. Les projets menés sont alors pensés dans une démarche globale, parfois même dans une optique d’expérimentation et de recherche scientifique, centrée sur les publics.

2.3.

Risques et limites d’un tel projet L’installation

des

technologies

de

médiation

peuvent

soulever

différentes

problématiques. Elles concernent non seulement la gestion du projet en interne, le financement, les difficultés techniques mais aussi et surtout des déviances qui peuvent remettre en cause le bien-fondé de l'opération. 2.3.1.

Un projet accessible à toutes les bourses ? La mise en place d’une stratégie numérique pose la question du coût. Il faut savoir de

quoi l’on parle exactement car les coûts sont différents en fonction du dispositif. Dans cette optique, on peut faire une séparation entre la mise en place d’une application sans achat de 85 « Projet CULTE » Musée du Quai Branly http://www.quaibranly.fr/fr/enseignement/la-recherche/projetculte.html » 86 Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées, expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 88. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 40


parc de téléphone mobile et les dispositifs de médiation fixes (table tactile, borne...) qui demandent un investissement plus grand de la part de la structure.

Selon Pierre Yves Lochon87, le smartphone est « le couteau suisse marketing des musées » et l’application est « un outil au budget raisonnable (de 5 à 30 000 euros) particulièrement adapté aux structures petites et moyennes (pas d’investissement matériel, pas de maintenance, gestion en interne, recyclage de contenus, adaptabilité et évolutivité …) ». Effectivement dans le cas où le musée ne produit qu’une application utilisant des techniques simples de comme la lecture audio et vidéo et l'affichage d’image le coût est moins élevé. Nous pouvons appeler ce système un audioguide enrichi. Le dispositif coûte d'autant moins cher s’il décide de ne pas fournir le terminal, il n’a alors pas de frais de maintenance ou de rachat en cas de perte ou de dégradation. De plus, certaines entreprises, comme Smartapps ou Wezit, proposent une plate-forme de gestion de contenu « clés en main » : le musée crée et intègre les contenus (images, vidéos, texte, fichier audio, voire la position GPS…) sur une interface en ligne à laquelle il accède avec ses identifiants. Les contenus ajoutés et/ou modifiés sont organisés sur l’interface mobile de manière standardisée et automatique. Il a la possibilité de les modifier à tout moment, de les réutiliser et parfois même, selon le forfait choisi, de créer une autre application sur le même modèle. L’augmentation des coûts est due à une volonté de personnalisation de l’application de la part de la structure et/ou l’utilisation de techniques plus avancées telles que la géolocalisation en intérieur, la réalité augmentée, la reconnaissance visuelle... En ce qui concerne les applications de type audioguide enrichi, nous sommes face à une industrialisation et une standardisation. Cela a pour effet de baisser les coûts de production pour les entreprises prestataires et par conséquent de baisser le prix de l’offre. La mise en place d’un dispositif de médiation numérique sur mobile n’est donc pas uniquement réservée aux grosses structures.

Ceci dit, dès lors que le projet est plus ambitieux, les coûts montent plus rapidement. Pour une table tactile, le prix moyen est de 10 000 à 15 000 € mais peut aller jusqu’à 25 000€ pièce selon la technique utilisée (Haute définition ou définition standard) 88. Il faut y ajouter 87Pierre Yves LOCHON, « les applications sur smartphones, nouvel Eldorado ? », 5èmes rencontres Nationales du e-tourisme institutionnel, 2009 88 Yves Armel MARTIN Conférence Erasme du 7 avril 2009 sur l’intérêt des interfaces multitouch pour les musées, http://fr.slideshare.net/yamartin/le-multitouch-au-muse Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 41


les développements informatiques, le développement de l'application en elle-même et la maintenance. Même si le système industriel de génération d’application des entreprises citées plus haut peuvent être multisupports, le coût du matériel reste là. On peut donc penser que seules les grosses structures ont les moyens de mettre en place des outils plus ambitieux.

Il faut bien avouer que les véritables démarches d’innovation liées au numérique sont souvent instituées dans des grands musées. On peut donner comme exemples le Louvre Lens, qui intègre plusieurs tables tactiles en son sein ainsi qu’un guide multimédia qui donne une représentation en 3D de la salle d’exposition pour se repérer ; le Musée des confluences, en partenariat permanent avec Érasme a mis en place plusieurs fois des expositions utilisant les numérique, souvent dans un but expérimental. Il utilisera dans son exposition permanente une application pour table tactile développée par le laboratoire, la Museotouch 89 et un système adapté pour les médiateurs et enseignants appelé Kjing90 qui leur permettra de préparer leurs contenus à l’avance et de les afficher en direct sur les différents écrans, et à terme sur les smartphones des visiteurs pour appuyer leurs discours. Mais il existe des incitations du ministère de la culture à travers des concours dont peuvent bénéficier toutes les structures, quelles que soit leur taille. Celui qui nous intéresse le plus s’appelle « Services numériques culturels innovants », lancé en 2010, 2012 et 2014 « dont l’objectif est de favoriser des expérimentations de nouveaux services culturels basés sur l’innovation technologique et l’innovation d’usage. »91. On peut voir que les gagnants de ce concours sont diversifiés (édition 2012) : •

Le vase qui parle – ΤΩ ΑΓΓΕΙΩ ΠΩΥ ΜΙΛΑΕΙ – Université Lille 3 – Service commun de documentation,

Toiles de Jouy : la manufacture virtuelle d’Oberkampf – Association des Amis du Musée de la Toile de Jouy,

Visite conférence 360° de l’exposition Bohèmes au Grand palais – RMN - Grand Palais.

89 Tout savoir sur Musetouch http://www.erasme.org/tout-savoir-sur-Museotouch 90 Kjing http://www.erasme.org/k-jing 91 « Innovation

numérique »

Site

du

ministère

de

la

culture

http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Recherche-Enseignement-superieurTechnologies/Innovation-numerique/ Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 42


Les gagnants de cet appel à projet se voient verser la somme de 20 000 à 50 000 € pour le développer. C’est donc une bonne incitation pour les petites et moyennes structures à développer des dispositifs qui sortent de l’ordinaire.

En soi, il est donc possible de mettre en place un projet numérique dans des petites structures puisque certaines offres sont accessibles pour un prix modeste. Il faut ensuite définir les techniques que l’on veut utiliser (réalité augmentée, reconnaissance visuelle, géolocalisation…), le taux de personnalisation et le matériel voulus qui peuvent plus ou moins faire gonfler la facture. Mais rappelons-le « les moyens humains, matériels et financiers à mobiliser sont conséquents si on veut proposer au public un produit de qualité. En particulier, le coût du développement des programmes peut s’avérer particulièrement élevé »92, cela représente donc un véritable investissement de la part de la structure, au niveau financier et humain. 2.3.2.

Un véritable projet à mettre en place avec des professionnels Les responsables de musées n’ont pas de missions ni de formation technique. Une

stratégie numérique est donc difficile à appréhender. D’autant plus s’il n’a pas de connaissances pouvant le renseigner sur le sujet. Quelques informations peuvent être glanées parmi la documentation de la Direction des Musées de France, Atout France, Institut National du Patrimoine ou d’autres organismes, mais ils sont parfois vieux donc obsolètes, difficilement accessibles voire inexistants. Par exemple, la Muséofiche « multimédia et musées » sur le site de la communication et de la culture date de 2002 et parle encore de mise en place de cédérom avec des montants en francs. Face à ce manque de documentation se sont créées des communautés en parallèle comme Muzeonum mise en place et alimentée par des professionnels du secteur public ou privé lié à la culture et au numérique. La publication de guides officiels et faciles d’accès serait tout de même souhaitable. Ce manque de documentation et d’information entraîne parfois des approximations techniques dans ces projets et une sous-évaluation des montants financiers qu’ils impliquent. On peut le voir notamment dans certains appels d’offres où les exigences techniques sont hautes mais où le critère de prix reste le plus important. Nous avons vu que le prix n’était pas un problème pour une application de base mais si les ambitions sont importantes, il est nécessaire d’y accorder le budget qui permette sa pleine réalisation. Bien sûr, comme nous l’avons vu, il est possible 92 Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées, expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 93. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 43


de participer à un appel à projet qui permettra d’obtenir des financements supplémentaires. Mais pour faire partie des sélectionnés il faut que le projet soit bien défini et documenté.

Par ailleurs, les problématiques techniques in-situ doivent être prises en compte, pour la mise en place mais aussi la maintenance du dispositif. L’aide de professionnels est nécessaire, avant, pendant et après sa mise en place. Avant, ils permettent combler le manque d’informations techniques dont nous avons parlé plus tôt, qui peuvent avoir une conséquence sur ses fonctionnalités. Par exemple, les murs épais d’un monument historique abritant un musée peuvent empêcher le passage des ondes WIFI/3G/4G et remettre en cause l’aspect partage et réseau social de l’application. Même si le musée choisit la formule « clés en mains » dont nous avons parlé plus haut, il doit comprendre les spécificités du projet dans le contexte particulier qui est le sien pour pouvoir, face à un éventuel problème, mieux l’expliquer pour faciliter le travail des techniciens de maintenance et le résoudre au plus vite. Pendant la mise en place, ils testent et font des ajustements, après ils s’occupent de la maintenance, si le musée n’a pas d’équipe interne ou qu’il ne veut pas s’en occuper.

Ici nous parlons des professionnels de type prestataires de service spécialisés dans les dispositifs multimédias, pour le côté technique. Mais il ne faut pas oublier les autres personnes qui prennent part au projet, particulièrement au niveau des contenus. Le projet numérique au sein du musée demande la participation d’acteurs divers surtout s’il est ambitieux. Un exemple parlant est celui du projet Nantes 1900, basé sur une maquette du port de Nantes créée au tout début du siècle. Il s'agit de mettre en place un système valorisant l'objet physique et permettant au visiteur d'en apprendre plus sur les différents lieux représentés. Pour cela le visiteur aura la possibilité de choisir le lieu qui l'intéresse sur une représentation 3D de la maquette via un écran tactile multitouch. Il aura alors accès à des informations textuelles et visuelles (photographies d'époque) dans lesquelles il pourra naviguer directement. Simultanément, un projecteur mettra en lumière directement sur la maquette la zone choisie pour lui permettre de se repérer. Ce projet a nécessité une équipe interdisciplinaire comme Florent Laroche, Jean Louis Kerouanton, Myriam Servières et Alain Bernard nous le disent : « Le projet de Nantes 1900 exige donc plusieurs domaines d’excellence. Chacun apporte les méthodes et les pratiques de son expertise et de sa connaissance spécifique. C’est la base de l’interdisciplinarité. L’interdisciplinarité facilite la Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 44


découverte des autres enseignements [...] et mène à comparer les différentes méthodologies des disciplines impliquées. La plupart du temps les processus sont différents. En effet l’interdisciplinarité crée une synergie qui est très bénéfique et indispensable pour réussir le projet. Divers domaines seuls ne pourraient y conduire [...] »93 Fabrice Forest, Nathalie Candito et Elisabeth Shimells nous rappellent les contraintes à prendre en compte lors de la mis en place d'un tel projet : « […] il est indispensable de prendre le temps d’une longue installation à blanc, pour éprouver le dispositif technologique. Dans le cas contraire, les bugs peuvent être sévères et il n’y a rien qui irrite plus le public qu’une machine en panne. Il est de même nécessaire que la maintenance soit très réactive. Ensuite, les moyens humains, matériels et financiers à mobiliser sont conséquents si on veut proposer au public un produit de qualité. En particulier, le coût du développement des programmes peut s’avérer particulièrement élevé. Enfin, il ne faut surtout pas penser que de tels dispositifs peuvent permettre de faire l’économie d’une présence humaine en salle : sans même parler de médiation (dont [...] la place [est] essentielle), l’assistance à utilisation, la sécurité et la maintenance légère la rendent indispensable. »94 Il est donc indispensable de s'entourer de personnes compétentes autant au niveau technique qu'au niveau des contenus et de les faire travailler ensemble pour être d'autant plus efficace. Cela permet de faire du projet un succès mais aussi de mieux l'appréhender. 2.3.3.

Dans le cadre de la spectacularisation de l'exposition, une gadgetisation de l'outil numérique ? Nous connaissons les enjeux financiers auxquels font face les musées actuellement.

Cela peut entraîner des dérives. L'une d'elles est de voir des dispositifs mis en place ou des sujets traités uniquement pour leur « popularité », ce qui garantie un bon chiffre de fréquentation, mais pas toujours la bonne qualité du contenu. Le rôle éducatif et scientifique du musée est donc occulté. On parle alors de « spectacularisation » de l'exposition c'est à dire, 93 Florent LAROCHE, Jean-Louis Jlk KEROUANTON, Myriam SERVIÈRES et Alain BERNARD, « Un renouveau des pratiques muséographiques grâce au virtuel: un support à des applications pluridisciplinaire en pédagogie active »,12ème colloque national AIP Primeca 2011. 94 Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées, expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 93. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 45


selon le Larousse « […] privilégier le spectaculaire au détriment des idées et de la réflexion »95. Cette question s'est déjà posée au niveau des expositions temporaires, surtout celles que l'on appelle des « blockbusters » ou exposition-spectacle. Quelques exemples : « Matisse, Cézanne, Picasso… l’aventure des Stein » présentée d’octobre 2011 à janvier 2012 fit 515 071 entrées au Grand Palais ; « Kandinsky » en 2009, au centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, 702 905.

La mise en place de ce type d'exposition est encouragé par le fait que « la notoriété d’un établissement se faisant à présent moins sur ses collections que sur son chiffre de fréquentation. Dès lors, la tyrannie de l’audimat n’est pas loin »96. Ainsi le directeur du musée de l’automobile, géré par Culture Espace à Mulhouse, résume une tendance générale : « Si vous ne faites pas d’exposition, vous allez tomber dans l’oubli. Il faut suivre l’évolution du marché. Trouver des expositions intéressantes, quand même culturelles, mais pas pour se faire plaisir, donnant une image moderne du musée, et qui permettent un retour sur investissement. Elles doivent être visibles, compréhensibles pour tout le monde, ludiques, interactives, vivantes et en même temps on ne doit pas perdre d’argent »97 La même question peut se poser pour les outils numériques dans l’exposition. Dans ce cas, on parle plus de « gadgetisation », c'est à dire d' « équiper quelque chose de gadgets ou lui donner la fonction de gadget »98. Un gadget, selon le Larousse est un « objet, appareil, dispositif, projet, etc., qui séduit par son caractère nouveau et original, mais qui n’est pas d’une grande utilité ». Puisqu’ils peuvent entrer dans une stratégie pour donner une image moderne à un musée et faire vivre une expérience au visiteur, le risque est d’utiliser des techniques pour elles-mêmes sans avoir de contenu scientifique et élaboré associé. Selon Serge Chaumier « Le problème survient quand les moyens deviennent des fins en soi, quand la technique devient suffisante, quand l’objectif se mue en vague prétexte et que l’on s’arrête en chemin »99

95 LAROUSSE, Larousse poche 2013, op. cit. 96 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 86. 97 Interview du 27 juillet 2004, rapporté par Philippe Mathieu, « Emergence de nouvelles figures muséales. Musée gratuit versus musée entreprise », Mémoire de Master 2, IEP Grenoble, 2005 98 LAROUSSE, Larousse poche 2013, op. cit. 99 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 74. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 46


L 'utilisation d'outils numériques dans la médiation est conditionnée à la démarche du musée qui les met en place car sans contenu, ils perdent leur sens et leur intérêt. Il faut d'abord définir les objectifs à atteindre et déterminer s'ils permettront de les atteindre plus facilement, s'ils seront plus efficaces qu'un support plus classique en prenant en compte les avantages et les inconvénients de chaque solution. Il peut être choisi pour un aspect purement pratique, par exemple une borne permettant d'afficher plusieurs langues ou dans une réflexion plus approfondie sur la transmission du savoir et l'expérience du visiteur voire dans un cadre d’expérimentation et de recherche. Les tables tactiles du Louvre Lens peuvent entrer dans ce deuxième cas, le projet Nantes 1900 et le musée des Confluences (Exposition « Ni vu, ni connu » en 2006) entrent dans ce dernier. Pour Yves Armel Martin « Les technologies [...] si elles sont cohérentes, profondément, avec le sens que l’on souhaite transmettre, pourraient contribuer à offrir une expérience unique et participer à l’enchantement du visiteur »100 2.3.4.

Une individualisation de la visite ? Les dispositifs actuels, applications sur smartphone ou tablette, borne multimédia, ont

souvent une utilisation individuelle. Même si on peut être à plusieurs autour, il n'y en a qu'un qui peut manipuler l'objet. Si l'outil utilise du son, cela le coupe de son environnement et de ses accompagnateurs. Notre environnement numérique, par l’ordinateur personnel, le smartphone nous y a habitués « pourtant notre environnement analogique est naturellement multi-utilisateurs et « multitouch » 101. La visite en famille semble donc incompatible avec ce type d'expérience puisqu'elle recherche une « expérience collective et partagée »102. Mais « le musée peut être un lieu de contemplation mais c’est aussi un lieu public et de rencontres humaines »103, c'est en cela que les tables tactiles multi-utilisateurs sont pertinentes.

Elles permettent de mettre en place diverses scénarios qui favorisent l'échange et la confrontation des points de vue. La prise en compte du multi-utilisateurs est de plus en plus présente. Lorsque l'on regarde les appels d'offre en 2014, la table tactile est souvent sollicitée. Cependant, il n'est pas pertinent de transposer un modèle déjà connu sur un support nouveau. La table tactile appelle donc à un renouveau des usages, à une ergonomie adaptée pour que le système soit réellement multi-utilisateur. Pas seulement un outil où, dans la pratique, un seul 100Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 121. 101Ibid. 102Ibid.., p. 122. 103Ibid.., p. 121. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 47


utilisateur est possible puisque les actions proposées ne sont pas compatibles quand elle sont toutes lancées simultanément. Mais une telle conception reste difficile, « il y a bien un effet d’horizon : tant qu’on n’a pas essayé un nouveau dispositif, tant qu’on n’est pas confronté à une expérience nouvelle, il nous est très difficile de nous projeter l’utilisant et de percevoir ce qu’il peut nous apporter. »104 L'expérimentation reste sûrement la meilleure façon de déterminer ces nouveaux usages. Le transmédia peut être une solution pour donner une expérience réellement commune entre les visiteurs et dans un groupe. Cela consiste à créer une narration exploitant différents supports: smartphone, table tactile, site web: « La narration transmédia (en anglais, transmedia storytelling ) est une méthode de développement d’œuvres de fiction ou documentaires et de produits de divertissement nouvelle qui se caractérise par l’utilisation combinée de plusieurs médias pour développer des univers narratifs, des franchises, chaque média employé développant un contenu différent. De plus chaque contenu peut être appréhendé de manière indépendante, en général, et sont tous des points d’entrée dans l’univers transmédiatique de l’œuvre. De par la diversité des contenus et la profondeur narrative de l’univers que cela engendre, la narration transmédia est singulière par rapport aux modes de narration classique»105 Henry Jenkins, qui a popularisé le concept dans les années 2000 par son ouvrage « Convergence Culture » affirme que : « Cette nouvelle forme de narration permet de passer d’une consommation individuelle et passive à un divertissement collectif et actif »106. Un bon exemple est celui des contes de l'Estuaire. Ils racontent tous des histoires fantastiques sur divers supports (fiction radio, application mobile, roman photo…), le but est de découvrir la métropole de Nantes autrement. L'un d'eux, « Le Monstre », est tourné vers la découverte du patrimoine de Nantes :

104Ibid.., p. 118. 105Le transmédia dans un contexte muséal et patrimonial, http://www.club-innovation-culture.fr/le-transmediadans-un-contexte-museal-et-patrimonial/, consulté le 28 septembre 2014. Club Innovation et Culture http://www.club-innovation-culture.fr/le-transmedia-dans-un-contexte-museal-et-patrimonial/ 106Henry JENKINS, Convergence culture: where old and new media collide, New York, New York University Press, 2008. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 48


« Ce parcours de fiction géolocalisé dans les rues de Nantes offre aux mobinautes une nouvelle manière de découvrir la ville en "marchant" son histoire. De la cathédrale à l'île Feydeau, en passant par les ruelles du Bouffay, les visiteurs peuvent voyager dans le temps et se laisser surprendre par les séquences vidéos et audios de cette histoire ébouriffante »107 Le dispositif personnel de médiation n'est donc pas le seul à leur disposition, d'autres supports et d'autre fonctionnements peuvent être développés pour construire une expérience visiteur collective. 2.3.5.

Un rapport à la réalité historique altéré ? Les recherches scientifiques ne permettent pas toujours de donner de réponses. Alors

l’extrapolation et la suggestion remplissent ce vide mais lors d’une représentation visuelle de ces théories, couplées ou non à des éléments scientifiquement fondés, cette nuance n’est pas perçue par le visiteur. Les visiteurs peuvent croire que la reconstitution qui leur est présentée numériquement décrit une vérité historique. Cette question est importante étant donnée la missions scientifique du musée cependant elle n’est pas inhérente aux nouvelles technologies. Les reconstitutions d’habitat, les scènes de vie meublées par des mannequins, d'une manière générale la mise en scène et même la restauration de sites historiques soulèvent ce même questionnement. Lors de la conservation-restauration d’un bâtiment, les architectes ont le choix entre plusieurs types d’intervention, celle qui nous intéresse est la reconstruction : « Construction d’un édifice ou d’un ensemble d’édifices en totalité ou en partie, dans le respect ou non de la forme initiale, après qu’ils aient été détruits ou fortement endommagés. Une reconstruction peut inclure des opérations de reconstitution. »108 Il arrive que la totalité des informations ne soient pas toujours présentes pour rebâtir fidèlement l’agencement du site, or « la reconstitution [...] se fonde sur des preuves »109. L’architecte peut faire le choix de la restitution. Il se base sur l’architecture de l’époque, des gravures, des sources pour établir des hypothèses et construire un élément qui, selon toute cohérence, aurait pu se trouver là mais dont on a aucune preuve scientifique de l’existence. 107Les contes de l'Estuaire http://www.contes-estuaire.fr/conte/le-monstre 108MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, Direction Générale des Patrimoines, Termes relatifs aux interventions sur les Monuments Historiques, Glossaire,, 2013 p.8 109Ibid Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 49


S’il utilise des matériaux qui se fondent dans la structure de l’époque, les visiteurs, devant le bâtiment restauré voient un monument authentique sans savoir que cette « authenticité » a été, dans un sens, altérée. Devant cet écueil, le choix fait par d’autres est d’utiliser des matériaux contemporains qui tranchent avec l’architecture originale du bâtiment afin que les visiteurs se rendent compte que cette partie est une extrapolation ou une adaptation et qu’ils n’y voient pas de réalité historique. Mais il s’expose aux critiques esthétiques et à la remise en cause de l’homogénéité du bâtiment.

Une représentation visuelle marquant la nuance entre théorie et fondement scientifique est toujours possible. Seulement, il faut faire un choix entre l’ensemble esthétique qui vise à donner une vue homogène au visiteur pour un effet plus immersif et la reconstitution scientifique qui représente la différence entre une théorie, aussi légitime soit elle mais non prouvée et un fait avéré. Ce choix doit être fait dans toutes les reconstitutions, autant physiques que virtuelles.

Les technologies de médiations offrent de grandes opportunités, elles soulèvent aussi des problèmes auparavant inconnus jusque dans l'organisation interne des musées. Leur conception et installation impliquent une façon de penser différente, plus proche des usages d'internet. Le décideur peut aussi succomber aux sirènes du spectaculaire qui occultent la qualité du contenu. C'est à eux de positionner des garde-fous afin de garantir une éthique scientifique et de réellement remplir leur rôle d'éducation et pas seulement de divertissement. L’outil technologique est totalement modulable, comme tout instrument de travail il est conditionné par les intentions de celui qui l'utilise. Le projet est donc à penser dans une réflexion globale et dans des objectifs scientifiques précis.

Les technologies peuvent entrer dans plusieurs démarches de la part du musée. Au niveau du marketing, ça peut être un moyen de se différencier des autres structures, d'affirmer son identité. Dans cette optique, le renouvellement de son image auprès du public, être un musée « moderne » peut aussi être un enjeu. Cependant, c'est rarement le seul argument avancé pour sa mise en place. On remarque dans beaucoup de projets, notamment les plus ambitieux, que la démarche est plus tournée vers les publics. Cela l'est d'autant plus que leur gestion oblige à

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changer les habitudes et à mettre en place des équipes pluridisciplinaires. Cela contraint aussi à une réflexion poussée voire à une remise en cause de certains fondements. Mais toute opération comporte des risques, et le projet numérique ne fait pas exception. Ils peuvent concerne l'aspect de sa gestion mais surtout celui de l'éthique scientifique. Le musée peut entrer dans des déviances comme la spectacularisation, l'effet « wouah ! ». Seuls des objectifs scientifiques clairs et un contenu solide permettent de ne pas y céder.

3

L’évolution de la médiation humaine Pour répondre aux questions inhérente à la médiation humaine et aux nouvelles

technologies nous avons décidé de poser la question aux premiers intéressés : les médiateurs. Nous avons choisi d'en interroger dix du château des Ducs de Bretagne. Ce site nous paraissait pertinent puisque le numérique fait partie intégrante de sa scénographie. Nous pouvions donc aborder la question de leur utilisation dans un cadre professionnel. Le but est d'avoir un aperçu de leurs connaissances sur la question, de leur position vis-à-vis du sujet et de l'évolution de leur métier. Nous cherchons d'abord à répondre à une crainte souvent observée : les aides à la visite qui, à terme, remplaceraient le médiateur. Puis, dans un même registre, celle de voir le site se vider de ses visiteurs face à la visite virtuelle permettant de découvrir ces œuvres sans sortir de chez soi. Puis nous déterminerons en quoi ces outils peuvent compléter la médiation humaine et la visite guidée Enfin, nous aborderons l'évolution du métier et son avenir sous le prisme des nouveaux usages et des nouvelles pratiques induites par les TIC.

3.1.

La question des aides à la visite et de la virtualisation des collections. Une peur est souvent perçue lorsqu'on parle des nouvelles technologies au musée,

celle de se voir remplacé par la machine. Une deuxième concerne la visite virtuelle, qui se substituerait à la visite physique. Nous verrons si ces deux idées sont partagées par les médiateurs et si elles sont fondées

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3.1.1. a)

Le médiateur en voie de disparition ? Une question légitime Lors de la création de l'audioguide dans les années 1980, il a été vu comme une

menace pour les guides. De nos jours, il est toujours utilisé et s'est développé, le médiateur n'a pas disparu mais une réserve pour cet outil multimédia en particulier reste présent pour 30 % d'entre eux. La question de la machine qui remplace l'homme n'est donc pas arrivée avec les dernières technologies au musée. Cependant, il semblerait que certains outils soient développés dans cette optique, en particulier les robots destinés à l'accueil et à la médiation. L'un d'eux est Docent, déjà utilisé comme « agent de médiation » dans un musée coréen. Se déplaçant selon un parcours défini, il rejoint différentes vignettes qui correspondent aux points d'intérêts du musée et est capable de diffuser son discours en plusieurs langues. Équipé d'un rétroprojecteur, il peut afficher des images et des vidéos pour illustrer ses propos. D'autres sont plus généraux et plus destinés à l'accueil comme FURo et Reem, mais l'idée est là. Ces robots restent très chers plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros par unité110. Ils sont donc actuellement loin d'être accessibles à toutes les structures. b)

Une position ambivalente de la part des médiateurs Sans aller jusqu'à remplacer les médiateurs par des robots, force est de constater qu'il

est possible de visiter un lieu culturel sans la moindre intervention humaine grâce, notamment, aux audioguides. De nos jours, ils sont le plus souvent dématérialisés mais ne s'arrêtent pas à la lecture d'un fichier audio et peuvent s'agrémenter de photos ou vidéos pour illustrer le discours. D'une manière générale, la position des médiateurs envers les outils numériques est partagée entre peur (de ne pas maîtriser l'outil, de ne pas avoir de valeur ajoutée) et enthousiasme. Les réserves se concentrent en particulier autour cet l'audioguide enrichi : « Oui par contre après c'est toujours la même, la même[...] problématique. C'est-àdire que c'est intéressant dans le cadre d'une visite guidée mais après si jamais il y a trop […] d'aide à la visite, multimédias ou autres, pour les visiteurs individuels, ça veut dire qu'il y aura aussi beaucoup moins de visiteurs individuels qui prendront des visites guidées pour avoir le contenu qu'ils [...] recherchent. […] Ça 110Caroline HEULIN, « Bientôt des robots pour l’accueil et la médiation dans les musées ? » Club Innovation Culture

http://www.club-innovation-culture.fr/bientot-des-robots-pour-laccueil-et-la-mediation-dans-les-

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peut [concurrencer], je pense. Honnêtement, ça peut. [...] De toute façon, on le voit bien déjà avec l'audioguide. Depuis que ça existe, y'a beaucoup moins de visites guidées qui se prennent qu'auparavant. Et puis les gens s'habituent à être quelque part... tranquille dans leur visite, un petit peu isolés et à pouvoir gérer leur temps dans le musée. Je pense que ça impacte sur le nombre de visites guidées réservées achetées ou pas. »111 « Là-dessus, je suis plus réservée »112 « Ouais je suis partagée mais je suis toujours curieuse parce que je pense qu'il faut vivre avec son temps, tout ça mais je suis quand même partagée. […] J'ai peur […] qu'on fasse de moins en moins appel au médiateur parce que les gens pourront faire leur visite libre, en autonomie parce qu'ils seront justement aidés par des médiateurs interactifs »113 Pourtant, pour les médiateurs interrogés, l'outil numérique est plus souvent une aide: « c'est un outil qui peut être très intéressant, qui mérite d'être développé.» 114, « c'est un outil pour le visiteur, c'est une source d'informations complémentaire, sous une autre forme que la lecture ou simplement regarder les objets. Donc... je trouve que c'est intéressant. »115 , « Pour moi le multimédia il est là […] pour compléter en fait, pour t'appuyer, pour enrichir. [...] Pour moi c'est un outil»116. L'une des interrogées résume bien l'impression d'ensemble : « Pour la visite guidée, moi je trouve que ça apporte un... un plus. Parce que ça apporte [...] quelque chose de très dynamique, vivant et comme on a différentes approches pour comprendre les choses, différents moyens, […] différentes perceptions […] de ce qu'on découvre, voilà, on a plein d'outils différents du coup pour réussir à vivre au mieux la visite et en retenir ou en ressentir le maximum de choses. […] C'est une aide, c'est un support […] supplémentaire. Et puis je pense que ça peut permettre de développer d'autres formes de médiation. C'est parler d'un sujet et rentrer par un autre biais ou au contraire, voilà développer par rapport 111 Entretien avec D., Médiatrice, le 10 avril 2013 112 Entretien avec I., Médiatrice, le 15 mai 2013 113Entretien avec A., Médiatrice, le 23 avril 2013 114Entretien avec F., Médiatrice, le 11 avril 2013 115 Entretien avec J., responsable du service médiation, le 10 avril 2013 116Entretien avec B., Médiatrice, le 23 avril 2013 Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 53


à, à ce qu'on a sous les yeux. Non, non, c'est c'est carrément […] je pense une très bonne opportunité, un bon tremplin [...]. »117 Cependant, il n'est pertinent que s'il est basé sur un contenu valable. Cette idée est importante et revient souvent. Les médiateurs sont sensibles à la véracité des propos et à leur authenticité, à l'intégration de l'outil au parcours mais aussi à l'importance de l'objet de collection, qui reste central: « [...] Faut que ce soit vraiment compris dans la logique quelque part, du musée, du lieu culturel qui a un sens, que ça vienne pas voilà en plus, pour faire multimédia, que ça serve vraiment au discours, que ça serve […] à ce qui est montré »118 « Ah, non, enfin, pour moi, pas une menace. Enfin, je vois pas ça comme ça. Mais ça peut être une aide mais … […] Si c'est pertinent. »119 « Si tu peux pas l'exploiter à fond, c'est genre juste pour en mettre plein les yeux aux gens, tu vois, je trouve ça dommage. Faut pas faire trop. Trop, juste pour, juste histoire de. »120 « Parce que si t'arrives sur, devant un dispositif multimédia : "ah ! C'est beau, c'est chouette! Bah oui mais pourquoi on me montre ça?". Pourquoi finalement ? [...] Où t'es dans la visite puis tout d'un coup tu sais pas pourquoi t'as un écran, mais voilà t'as l'impression "oh ! bah non, il a fallu mettre un écran !" […] tu compren[ds] pas trop ce que ça [vient] faire là, enfin. Je pense qu'il faut qu'il soit hyper bien intégré dans le parcours [...]. »121 « Bon bah c'est vrai qu'on part de l'objet, il faut pas, voilà oublier l'essentiel. Le point de départ c'est bien l'objet historique »122 Ils ne rejettent pas en bloc les outils numériques mais sont plus nuancés. Ils sont conscients de ses avantages et de ses limites : 117Entretien avec C., Médiatrice, le 10 avril 2013 118Entretien avec D., op cit 119Entretien avec E., Médiatrice, le 10 avril 2013 120Entretien avec F., op cit 121Entretien avec A. op cit 122Entretien avec C. op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 54


« […] je pense que ça apporte. Je pense vraiment que ça apporte parce que ça dynamise, en fait, le contenu. […] [Mais] je trouve quand même très intéressant quand la médiatrice est là, […] interpelle les gens. […] Le dispositif […] c'est un peu froid. […] Tu peux tout faire et en même temps, du coup, tu peux te perdre un peu »123 « Après je trouve que c'est un outil intéressant pour les individuels, t'as des gens qu'ont...qu'ont envie de maîtriser leur visite dans le temps, et de sélectionner ce qu'ils veulent écouter […] Mais je pense qu'il n'auront jamais [...] de réponses si ils ont une question précise, avec un audioguide […] Nous on peut leur dire "bah écoutez, ça […] j'ai pas la réponse comme ça, je peux pas vous donner un chiffre précis mais vous me laissez votre mail, je fais des recherches puis je vous envoie la réponse dans la semaine". Et ça l'audioguide, il répondra pas à ça. »124 « Les multimédias ou les images d'archive [...] c'est un bon moyen de, de pouvoir illustrer, de concrétiser par l'image […] certains messages. Même si elle reste interactive, la machine, […] il arrive un moment où elle a ses limites »125 « Donc oui [ça apporte]. Mais en même temps je trouve que, est-ce que c'est aussi pas un peu dommage? Tu vois de... Moi quand je vois les visites sensorielles de l'expo que j'ai faite, où j'ai sorti un casque de poilu, où j'ai sorti un insigne nazi que les gens ont pu toucher, que... Je veux dire, y avait une émotion, quoi, autour de ça que après ouais tu peux entrer tous les supports multimédia que tu veux mais, bon, tu vois. Je pense que le propre d'un musée c'est quand même les, les... C'est quand même des... L'objet vraiment, quoi, matériel, quoi, tu vois? »126 Dans le détail, les avantages les plus cités correspondent à l'aspect de visualisation : l'image plus « parlante » que le texte. L'aspect de la visite modulable est aussi beaucoup abordé, où on est libre de commencer et d'arrêter quand on veut, de s'informer uniquement sur les objets qui nous intéressent. La principale limite donnée est liée à l'aspect humain : un outil numérique ne peut pas créer de lien relationnel et répondre à toutes les questions alors que le médiateur, même s'il n'a pas non plus toutes les réponses, peut avoir une compréhension plus 123Entretien avec A. op cit 124Entretien avec F., op cit 125Entretien avec G., Médiatrice, le 23 avril 2013) 126Entretien avec A. op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 55


aiguë de la question et rechercher la réponse par la suite. Ils n'oublient pas les limites du médiateur : « peut être qu'avec un guide, y aura pas la réponses non plus (rires) dans le sens où, on sait pas tout »127, « Alors nous aussi on a nos limites »128, « On va pas pouvoir tout montrer on va pas pouvoir tout expliquer »129. Mais pour eux la machine ne remplacera jamais l'humain. Le médiateur est plus adaptable que le multimédia, il y aura un toujours un public qui recherche le contact humain et la visite guidée : « les gens s'ils veulent une visite guidée, s'ils veulent quelqu'un d'humain, ils vont l'avoir ce côté humain, au travers [du] guide. […] Voilà, [avec l'outil multimédia] y aura pas eu ce contact. Et on est dans un musée d'histoire c'est important, surtout sur les sujets qui sont douloureux pour certains. Donc, voilà c'est parfois plus, je pense, rassurant pour quelqu'un d'avoir bah euh, un, quelqu'un qui, qui a aussi des émotions, qui, voilà. Un être humain en face de lui plutôt que, qu'une machine. […] Et du coup, y'a une adaptabilité qui est totale. […] On reste avec des mots qui sont parfois compliqués et là nous on est là pour les expliquer, pour les voilà, pour leur donner les clés de compréhension.»130 « Et puis, je pense que la visite guidée, de toute façon elle est irremplaçable et qu'y...on aura toujours des visiteurs qui euh...préféreront la visite guidée. […] Je veux dire..., ça nous remplacera pas, je pense. »131 « Mais euh...dans le côté d'avoir un guide y'a quand même un côté contact humain, rencontre qui permet […] d'avoir un autre lien avec les questions ou avec un monument. Donc je ne pense pas […] que les machines remplaceront les médiateurs. […] Je pense que y a encore aujourd'hui dans les générations avant nous, vraiment un public pour les, pour les visites guidées. »132

127Entretien avec F. op cit 128Entretien avec G. op cit 129Entretien avec B. op cit 130Entretien avec H. op cit 131Entretien avec F. op cit 132Entretien avec G. op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 56


« C'est quand même très authentique d'être en face d'une personne qui va t'expliquer avec ses mots à elle qui du coup vont être tes mots à toi, enfin, avec. […] Et tu te dis, voilà le rapport humain y'a quand même rien de tel. »133 Ils en viennent alors à une conclusion : la complémentarité. « Les médiateurs auraient toujours une place, l'outil serait important[...] Parce qu'il y a de la place pour les deux et au contraire ça ne peut qu'en être...on ne peut qu'enrichir notre discours et notre façon de faire avec des nouveaux outils. »134 « Moi le médiateur, il peut pas, ouais il peut pas tout dire donc ça vient compléter »135 D'une manière générale, les médiateurs sont conscients des limites et des forces de l'outil numérique mais aussi des leurs. Ils en tirent le plus souvent la conclusion d'une complémentarité. Leur position vis-à-vis des multimédias oscille entre peur et enthousiasme, prudence et curiosité. Une chose est sûre : ils ne sont pas indifférents, pour preuve, le mot le plus cité sur l'ensemble des entretiens est « intéressant ».

Les moyens sont là pour ne plus avoir de contact humain dans le musée. Est-ce pour autant que le médiateur disparaîtra ? Nous avons vu que les mouvements qui traversent la médiation, nouvelle muséologie, interprétation, sont tournés en premier lieu vers le public et ses attentes. Sans parler de l'aspect marketing qui, dans une optique financière cette fois, est lui aussi centré sur les visiteurs. Selon EVS, les aspirations immatérielles croissent plus vite que les aspirations matérielles. Trois d'entre elles sont les plus fortes, dont «la recherche de contacts humains ». En se basant la dessus, on peut penser que la place du médiateur au musée reste essentielle, « irremplaçable ». Le musée reste un lieu de rencontre et de réflexion mais cela semble difficile sans dialogue ni contact humain. 3.1.2.

Musée versus visite virtuelle : une menace pour la fréquentation ? Actuellement, il est possible de visiter un musée ou ses collections à partir de chez soi

via, entre autres, le Google Art Project qui donne accès aux collections de plus de 150 musées en haute, voire très haute définition. L'internaute peut voir de plus près la toile que s'il était 133Entretien avec A. op cit 134Entretien avec F. op cit 135 Entretien avec B. op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 57


sur place et constituer sa propre galerie avec les chefs d’œuvres qu'il préfère. Certains musées mettent une partie de leurs collections sur leur site internet avec des représentations de qualité, l'exemple le plus célèbre est celui du Rijksmuseum, au Pays-Bas. D'autres peuvent être visités virtuellement via la technologie Street View. C'est le cas du château de Versailles. Un autre robot : Beam d'Awabot, permet de visiter un site à distance. L'internaute le dirige à partir de son ordinateur et peut communiquer sur place à l'aide d'une webcam. C'est une sorte de visioconférence mobile. Le musée est maintenant accessible partout.

Nous discutons ici de la médiation au musée, en lien avec les nouvelles technologies. Cela peut donc sembler incongru d'aborder la virtualisation des sites. Pourtant, cela entre dans une logique d’interface entre le musée et le visiteur. Il peut ainsi avoir un aperçu à distance des lieux et des œuvres. Pourtant, comme l'entrée de la photographie au musée, cela pose un malaise. On entend alors « Pourquoi venir au musée pour voir quelque chose que […] tu pourrais voir de chez toi sur un site? »136, « tu te déplaces même plus [...]. C'est, tu te poses, t'as un écran et puis bah, tu fais défiler les salles, tu fais comme si t'étais dans les salles […] Je pense que ouais, y'a des gens qui euh, qui vont pas forcément se déplacer parce qu'ils ont vu […] tout ce qu'ils voulaient sur leur écran […] J'ai un peu peur de ça»137

Selon Atout France « cette vision ignore notamment une règle de l’économie de l’immatériel : « on s’enrichit fréquemment en donnant et en partageant » »138 et contrairement, à une idée reçue « montrer en ligne accroît la fréquentation physique »139. Pour AndréYves Portnoff « l'économie du don est en fait une économie de l'amorçage »140. Autrement dit, montrer les images, permettre la large diffusion des photos rendra service au musée puisque donnera envie aux visiteurs potentiels de venir voir les œuvres « en vrai ». Par ailleurs, le visiteur doit être considéré comme un ambassadeur du site. Ses photographies et son expérience, transmises par le bouche-à-oreilles, constituent une publicité gratuite et dans toutes les langues, il serait dommage de s'en priver. Selon l'étude conduite en 2008 par José136Entretien avec A. op cit 137Entretien avec G. op cit 138ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite touristique et culturelle , op. cit.., p. 104. 139Ibid. 140Andre-Yves PORTNOFF, Le Pari de l’intelligence: Des puces, des souris et des homme, Paris, Futuribles, 2004, p. 33. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 58


Marie Griffiths et Donald W. King, pour l'IMLS (Institute of Museum ans Library Service, organisamé fédéral américain) « internet ne tue pas les bibliothèques et les musées, [il y a ] une corrélation positive entre visites physiques et fréquentation des sites »141. Il remarquent ainsi que les utilisateurs d’internet vont plus dans les musées et plus souvent que la moyenne des américains.

La présence de l’œuvre sur internet et ainsi sa disponibilité permet une autre relation : « [un] contact intime, pas toujours facile pour un profane bousculé par la foule dans une exposition à la mode, [et] procure une émotion essentielle pour rallier des publics nouveaux qui ont du mal à pénétrer dans un tableau. […] Le musée entre dans le domicile avec une capacité d’émouvoir et donc de séduire, susceptible de se traduire en visites physiques.»142. Le fait d'être chez soi retire aussi l'aspect formel et pesant associé à la culture savante, elle-même associée aux beaux-arts. Cela ouvre la voie à d'autres publics qui ne s'y identifieraient pas et dont le musée serait encore la représentation. Pour Sébastien Magro, community manager au musée du Quai Branly : « Explorer les trésors des musées grâce à un outil, que ce soit sur papier ou sur écran, est un premier pas dans la découverte de l’œuvre et c’est déjà formidable. Parfois, cette découverte ne va pas plus loin, quelles qu’en soient les raisons (éloignement géographique, prix de la visite, etc). Parfois, cet avant-goût débouchera sur une visite des lieux. Si rien ne remplace la confrontation physique avec les œuvres, les technologies permettent d’en appréhender de multiples aspects. Et réciproquement, si les technologies enrichissent la découverte et la visite, rien ne saurait remplacer la présence de l’œuvre. »143 Le musée a donc tout à gagner à participer aux projets qui partagent en ligne leurs richesses. 141GRIFFITHS José-Marie, KING Donald, Museums and the Internet, Institute of Museum and Libraries Services, février 2008 cité par ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite touristique et culturelle, op. cit.., p. 104. 142Ibid. 143Sébastien

MAGRO,

« Trois

idées

reçues

sur

le

numérique

au

musée »,

DASM

http://dasm.wordpress.com/2014/04/30/trois-idees-recues-sur-le-numerique-au-musee/ Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 59


3.2.

Vers un enrichissement de la visite guidée ? L’outil numérique est bien utile pour les visiteurs individuels mais permettent-ils

l'enrichissement de la visite guidée ? Il semblerait que oui, de façon directe et indirecte. 3.2.1.

Un enrichissement direct de la visite par une meilleure prise en compte des besoins du médiateur Les médiateurs ont globalement une bonne image des outils numériques. Ils sont

considérés comme un enrichissement pour le visiteur libre et pour la visite guidée. Cependant, on remarquera que les dispositifs actuellement en place sont souvent individuels mais aussi, en quelque sorte, « réservés » au visiteur. Le médiateur peut l'utiliser mais n'a pas toujours la possibilité de le maîtriser. Pour un film ou une section qui tourne en boucle par exemple, il ne peut pas l'arrêter, le recommencer, retourner en arrière... Il est obligé d’attendre qu'il redémarre ou que le passage intéressant reprenne. La maîtrise de l'outil est une véritable attente de leur part, cette notion a été abordée plusieurs fois pendant les entretiens : « C'est vrai que ce serait un outil parfait si nous, si le multimédia pouvait s'adapter à nous, qu'on avait juste à appuyer sur le bouton et à "oh regardez, hop!". »144 « Interrogateur : […] Est-ce que à ton avis ce type d'outil est adapté à une visite guidée? Répondant: Bah si tu peux interagir dessus. Si le médiateur peut vraiment interagir dessus. (…) Et il faut que ce soit, que tu puisses avoir, ouais, la main dessus [...]. […] Parce que si, tu vois, si t'as pas plus de pouvoir qu'un simple visiteur, en tant que médiateur, dans ce cas là, qu'est ce que tu leur apportes? […] Parce que pour moi la visite guidée c'est un plus par rapport à la visite libre. Donc si c'est juste "ah vous avez vu là l'écran? Bah ouais vous avez vu. C'est super hein? Voilà , bon bah on continue". Enfin. Faut que tu puisses leur montrer “voilà, moi je suis guide donc moi je peux mettre stop, faire un commentaire, relancer le truc”. Tu vois? Enlever le son parce que je vais moi même faire le commentaire. Tu vois, moi je trouve que c'est ça [...]. Faut que ce soit... Faut avoir la main dessus [...]. »145

144Entretien avec H. op cit 145 Entretien avec A. op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 60


Il est alors utilisé de manière opportuniste, quand le hasard permet de tomber au bon moment. Lorsqu’on les interroge sur les dispositifs du musée utilisés en visite, ceux qui peuvent être maîtrisés sont les plus populaires : « Un multimédia qu'on utilise énormément c'est celui de la salle 17 parce que il est...on a la maîtrise sur le... [...] Je [l’]utilise systématiquement en visite guidée »146. Ceux qui tournent « en boucle » ne sont pas toujours délaissés, mais cela dépend beaucoup de leur contenu et surtout de leur vitesse. S'ils se déroulent trop rapidement, le médiateur ne peut pas faire son commentaire. S'il est trop lent, il faut attendre trop longtemps pour accéder à l'extrait désiré : « Si on le prend pas dès le début d'une, il est pas pratique parce que on sait pas [...] trop comment se raccrocher. Deux, il est à la fois trop long dans le temps, je crois qu'il dure six minutes. [...] Et trop rapide dans le sens ou si tu veux "ah bah voilà, là ce qui s'est passé, c'est la destruction des remparts machin" proulououp, ça continue à avancer. […] Les gens le temps que tu leur dises […] qu'ils intègrent... L'image a déjà disparu »147 Des opportunités d'illustrer le discours peuvent être gâchées, car le médiateur n'a pas la possibilité de le maîtriser, ce qui donne un outil non adapté à la visite guidée. Une emprise totale de l'outil par le médiateur poserait d'autres problèmes, comme la monopolisation de l'appareil pendant son commentaire, qui occulterait le reste des contenus auxquels voudrait éventuellement accéder un visiteur libre. Mais cela semble mineur à côté d'un outil dont le contenu pourrait parfaitement éclairer un propos mais qui serait inutilisable en visite guidée.

Mais il y a une évolution dans le sens des médiateurs qui sont de plus en plus pris en compte. Dans les appels d'offre, notamment pour les tables tactiles, un système est demandé afin de lui permettre d'utiliser les contenus pendant sa visite. Un dispositif en particulier a été créé spécifiquement pour eux : Kjing. Son nom est dérivé des DJ (Disc Jockey) et VJ (Video Jockey) qui mixent les sons et les vidéos. Ici Kjing mixe les savoirs (Knowldeges en anglais). Le médiateur prépare à l'avance ses contenus : photos, vidéos, dessins, textes... qu'il intègre dans le logiciel, il les retrouve alors dans une tablette tactile qui lui servira d'outil sur place. Pendant la visite, par un système utilisant les ondes WIFI, il peut afficher n'importe lequel de ses contenus sur n'importe quel écran ou rétroprojecteur du musée, pourvu qu'il soit connecté 146Entretien avec F. op cit 147Ibid Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 61


au réseau. Mais ce n'est pas tout. Le médiateur a aussi la possibilité de diffuser les contenus sur un ou plusieurs des smartphones des visiteurs le suivant. Cela pourrait donner lieu à des jeux, quizz ou autre procédé pour développer l'interaction et le dialogue. Loin d'être un prototype de laboratoire, il sera mis en place au château des Ducs de Bretagne en 2016.

La visite guidée est ainsi enrichie par les contenus que le médiateur peut ajouter et diffuser plus facilement mais aussi par les possibilités que lui donnent les outils spécifiques à son activité. 3.2.2.

Un enrichissement indirect par l'évolutivité des contenus et l'approfondissement du dialogue Lors de l'exposition « Papas del Peru » en 2008, les dispositifs étaient pensés pour

une visite en autonomie. Le médiateur n'était pas oublié pour autant puisqu'il assistait les participants et animait un des modules. Il a été observé que même si la visite était autonome en grande partie, le médiateur était considéré comme essentiel et très complémentaire, d'un côté puis expliquer la marche à suivre mais aussi et surtout il «[...] incarn[e] le musée, transm[et] des messages complexes et perm[et] l’échange et la discussion. [Le médiateur] se concentre ainsi sur la transmission de contenu complexe, sensible ou polémique, ou sur là des publics spécifiques, non ciblés au départ dans la conception de l'activité»148 Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la mise en place de dispositifs autonomes n'occulte en rien le médiateur. Il suffit de lui donner un rôle précis qui lui permettra d'assurer une véritable médiation, dans le sens de faire le lien entre le musée et le public par le dialogue et l'approfondissement des concepts abordés plus tôt : « ces technologies de gestion du parcours de médiation recentrent et donnent une fonction plus spécifique et irremplaçable au médiateur. »149

148Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées, expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 92. 149Ibid. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 62


L'enrichissement indirect de l'exposition ne s'arrête pas là. Selon Yves Armel Martin « En se numérisant, l’espace muséographique va bénéficier des propriétés d’adaptation propres au numérique : évolutivité, sensibilité et pervasivité »150 Ici, c'est l'évolutivité qui nous intéresse. De nos jours, les expositions sont figées. Si elles évoluent vers un aspect plus numérique, dans le sens de présentation des textes (par exemple de cartels), il sera alors possible de modifier ces contenus et de corriger les erreurs possibles. Elle pourra même, dans une autre mesure, évoluer au fil du temps en fonction des remarques de visiteurs, des médiateurs et des chargés d'exposition. Elle peut alors être considérée comme une « œuvre vivante »151. Une expérience de ce genre a été menée au musée des Confluences. En donnant la main aux médiateurs lors de l'atelier « objets en transit », ils ont remarqué que les contenus étaient modifiés au fur et à mesure pour lui donner plus de cohérence. Ils sont particulièrement bien positionnés dans ce rôle puisqu'ils sont les plus à même de préciser quels contenus sont les plus adaptés et quels exemples sont les plus parlants en fonction des publics. Ce principe d'exposition évolutive est particulièrement pertinent pour les sujets exposés à des changements fréquents : technologies, sciences... Même dans les supports, cela peut être intéressant de pouvoir mettre à jour les informations, les contenus. On peut citer un exemple venant du château des Ducs de Bretagne où dans une des salles les visiteurs ont l'occasion de se promener parmi Nantes en 1757 : « ils ont fait évoluer le système en incorporant [...] les lieux de Nantes aujourd'hui et le même endroit par image virtuelle, et […] les prises de vues qui ont été faites de Nantes, aujourd'hui [...] elles sont plus à jour. La ville a continué à se développer, à se construire, à se transformer et donc voilà c'est des prises de vues qui ont été faites en 2008 ou 2009, je me souviens plus et y en a qui sont plus du tout d'actualité. » (Sources : Entretien avec C., Médiatrice, le 23 avril 2013) Avec un cadre évolutif, ce type d'outil serait toujours à jour et donc toujours pertinent. De façon indirecte les technologies peuvent enrichir l'exposition et donc par extension la visite guidée. Le fait de créer un parcours autonome tout en gardant le médiateur dans un rôle précis lui permet de ne pas approcher certains sujets déjà abordés par les visiteurs au moment où ils arrivent devant lui. Par conséquent, il peut se concentrer sur l'approfondissement et le dialogue avec les visiteurs. De plus, une exposition évolutive permettrait de modifier les

150Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 121. 151Ibid. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 63


contenus et de les garder à jour, toujours adaptés. Des dispositifs fixes utilisés par les médiateurs seraient alors toujours pertinents.

Les technologies de médiation peuvent enrichir directement et indirectement la visite guidée. Dans un premier temps en permettant au médiateur d'utiliser des outils spécifiques pour illustrer un discours puis en rendant évolutif les expositions et les dispositifs pour les garder toujours à jour et pertinents.

3.3.

L'influence des outils numériques sur le métier de médiateur Le métier de médiateur a évolué au cours des années. Avec les changements dû aux

TIC, il sera sûrement amené à s'adapter à ce cadre. 3.3.1.

Un facteur d'évolution du métier... mais pas le premier Lorsqu'on aborde l'évolution de métier de médiateur, on remarque comment les

mouvements et les politiques culturelles l'ont influencé. Parmi les évolutions citées la première concerne la relation au visiteur, l'instauration d'un dialogue, d'une construction sur leurs envies, leurs réactions et leurs questions : « En tout cas par rapport à ce qui se faisait y'a encore une quinzaine d'années là, un peu, le terme un peu poussiéreux là de guide-conférencier où tu fais ta petite conférence et tout le monde t'écoute et puis bon euh, où y avait moins cette interaction, y avait moins ces... Ouais, je pense que ça a évolué parce que justement le terme médiation c'est justement donner des clés au, à tous les publics donc s'adapter à ton public pour, pour voilà, pour transmettre le patrimoine, un savoir [...]. Ouais je trouve qu'il y a une évolution c'est qu'on s'adapte au public. On s'adapte au public et on met de côté parfois certains contenus pour, pour tant pis que ce soit peut être plus ludique, plus interactif, que ça attire plus de publics. »152 Le deuxième facteur d'évolution tient dans la diversification des formes de visite : « j'ai vu une évolution dans le sens ou je pense qu'on essaye de plus en plus à sortir, de la visite classique avec un discours fixe »153, « donc ça, […] ça a évolué, nos formes de médiations. Évolué puisque maintenant on fait pas que des visites guidées mais des 152Entretien avec A. op cit 153Entretien avec D. s op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 64


animations, des quarts d'heure [de l'objet]. Les visites guidées on les fait sous différentes formes. Contées, jouées... »154

L’utilisation des outils numérique n'arrive donc qu'en troisième position : « alors effectivement dans l'évolution du métier...oui l'intégration des multimédia dans les musées...Bah ouais je l'ai vu passer […].», « c'est vrai que là […] quand je suis arrivée au musée, [...] j'ai eu du multimédia vraiment, […] pour moi ça a révolutionné ma manière de présenter les choses. »155

Donc selon les médiateurs, l'évolution du métier s'est trouvé changée d'abord par la modification de leur rôle, qui n'est plus d'être un « guide omniscient »156 et de la vision de la transmission du savoir qui n'est plus « verticale »157. Les nouvelles technologies n'arrivent qu'après ces éléments.

Dans le même registre, nous avons posé la question de l'avenir de leur métier. Là aussi le multimédia est placé en troisième position. Selon eux, le médiateur sera d'abord amené à diversifier les formes et les thèmes de visite : « je pense qu'effectivement on va véritablement pouvoir évoluer dans la forme... dans la pratique de notre travail. [...] »158, « Puis,le médiateur […] va être amené à être plus pluridisciplinaire et à avoir plus d'interventions »159, « Peut-être après, en variant peut-être les thèmes, plus »160, « Ouais, je pense que c'est ça, ça va être les thèmes qui vont se diversifier. […] Je pense que le métier de médiateur il est amené à encore plus se diversifier en fait. Et puis surtout à prendre de nouvelles formes. »161

154Entretien avec J. op cit 155Entretien avec H. op cit 156Entretien avec C. op cit 157Ibid 158Ibid 159Ibid 160Entretien avec E. op cit 161Entretien avec A. op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 65


Ses missions ne seront plus uniquement dans le musée, il sera amené à sortir de la structure physiquement, en intervenant à l'extérieur, ou même virtuellement par les réseaux sociaux : « Et puis on, voilà, et puis le médiateur est pas [...] automatiquement enfermé dans un lieu, dans une structure »162 « L'interaction vers l'extérieur. Donc, euh voilà ça va être les réseaux sociaux. C'est vrai que ça va être les blogs. Là je voyais, […] le musée du pays de Meaux, c'est le musée de la guerre qui a fait [...] chaque jour [...] le journal de Léon [sur Facebook] qui est à la guerre, qui est alimenté par des archives. C'est vachement intéressant quoi, enfin c'est.. C'est comme ça. C'est comme ça que je pense que ça va prendre... Que c'est la tournure que ça va prendre. »163 « Moi je vois bien le métier de médiateur évoluer tellement, tellement être au service du public qu'on irait vers le public. Moi tu vois on me dirait “Bah pourquoi pas tu vas intervenir en fait, en milieu scolaire éventuellement...” Amener le patrimoine aux élèves, pourquoi pas arriver avec une sacoche avec quelques objets du musée qu'on prend dans les réserves et aller passer l'après-midi dans une classe pour les... Pour les, tu vois, leur montrer tout ça.. »164 Enfin, le multimédia aura une influence sur la médiation selon eux : « notamment par rapport au multimédia […]. Ça je pense que c'est quelque chose à... Je pense que ça par exemple, c'est quelque chose à améliorer. [...] Qui peut faire évoluer aussi […] la médiation. »165, « mais peut être que petit à petit y aura de plus en plus de dispositifs multimédias, l'intégration, peut-être, de réseaux sociaux ou des choses comme ça qu'il faudra sûrement prendre en compte […] dans les visites. »166

En définitive, le métier de médiateur a évolué, c'est un fait. Mais ces changements sont le résultat de plusieurs facteurs qui ne pas toujours liés aux outils numériques. Sans pour 162Entretien avec C. op cit 163Entretien avec H. op cit 164Entretien avec A. op cit 165Entretien avec J. op cit 166Entretien avec A. op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 66


autant nier leur influence, les évolutions passées et à venir sont multiples et associées avant tout au rôle du médiateur dans la structure et dans la société. 3.3.2.

Vers un rôle de plus en plus central dans la production de contenus Traditionnellement, la production de contenu est indépendante de la médiation. Cette

logique est de moins en moins valable puisque les médiateurs sont aussi légitimes pour y participer. La médiation sera de plus en plus centrale dans la production de contenus non seulement liés à la visite guidée mais aussi aux expositions et même aux dispositifs167 Les formes de contenus vont se diversifier, ils en sont conscients. Cependant la production linéaire sera peut-être moins utilisée, les techniques de storytelling et de transmédia se développant et procurant peut-être plus facilement ces aspects de dialogue et d'interaction si importants. De par son contact avec le public, il est de plus en plus légitime dans la conception du parcours utilisateur, sa scénarisation et son adaptation aux différents publics. D'autant plus si, dans le cas d'une exposition, le musée a les moyens techniques de proposer des parcours parallèles. Ainsi, il peut jouer un rôle prépondérant dans sa conception puis dans son évolution. Elle sera d'autant plus adaptée et comprise par les publics s'il en connaît tous les tenants et aboutissants. Ainsi il sera capable de les transmettre au mieux lors de la visite guidée. Ces remarques sont tout autant valables pour les dispositifs numériques. Dans ce cas, un autre avantage apparaît. Particulièrement sensibles à la qualité des propos, mais aussi à la maîtrise de l'outil, les associer à son contenu ne peut que les rassurer et leur permettre de se l'approprier. Cet aspect n'est abordé qu'une fois dans l'ensemble des entretiens : « c'est pas juste le moment de la rencontre avec le visiteur, on aura certainement beaucoup plus de missions en amont et en aval. Voilà, par rapport à la visite, au temps T de la visite. »168. On peut se demander pourquoi il est si peu évoqué. Les médiateurs ne sont peut-être pas conscients des changements qui peuvent s'opérer au sein même de la structure et de l'organisation du travail.

Le métier de médiateur a déjà changé dans le sens où l’interaction avec le public est beaucoup plus développée qu’avec un classique guide conférencier. La forme du dialogue est privilégiée avec des jeux de questions-réponses. Les outils numériques permettent non 167Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 126. 168Entretien avec C. op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 67


seulement d'enrichir la visite guidée directement par l'utilisation de supports spécifiques pour les médiateurs mais aussi de déléguer aux objets le soin d'expliquer certains sujets. Le rôle d’approfondissement et de dialogue du médiateur en est d'autant plus renforcé. Nous avons répondu à deux idées qui circulent dans le monde des musées : les aides à la visite concurrencent les visite guidées, pourront à terme les remplacer tous comme les visites virtuelles concurrencent le site puisque le visiteur n'a plus besoin de se déplacer pour voir des chefs d’œuvres. Cependant nous avons établi que les publics sont demandeurs de contact humain. Les aides à la visite trouvent un public, les visites guidées aussi et la présence de l'un ne retire pas l'intérêt de l'autre. Pour ces raisons, remplacer totalement la médiation humaine ne semble pas être un bon choix. En ce qui concerne les visites virtuelles, elles permettent une première appropriation du site et/ou des collections pour quelqu'un qui ne pourra peut-être jamais venir sur place. C'est surtout un atout car l'image, aussi détaillée qu'elle soit ne remplace pas l’œuvre. Il n'y a que sur place que l'on peut se rendre compte de sa taille, ou même comparer la technique et le jeu de lumière avec la lumière naturelle. C'est donc une incitation à se déplacer. C'est une expérience différente, ces deux médiations, directe et virtuelle sont complémentaires. Tout comme l'aide à la visite individuel et les supports numériques in situ sont complémentaires à la visite guidée. Ce sont d'ailleurs les sites qui ont choisi de mettre en ligne ces contenus, c'est donc qu'il ne pensent pas que cela les mettra en danger. Les outils numériques, entre autres facteurs ont modifié le métier de médiateur. Mais c'est dans les temps hors visite guidée qu'ils auront le plus d'influence. Le projet numérique demandant l'investissement de différents corps de métiers en co-conception, il aura totalement sa place dans la production de contenus et dans la construction du parcours utilisateur. En définitive la médiation humaine reste importante et fait partie intégrante d'un musée. Les remplacer par des aides à la visite individuelles, ou collectives serait contre-productif puisque l'outil ne peut pas pallier à toutes les questions ni répondre à tous les besoins. Ce serait alors appauvrir le site et même se priver d'un public pourrait venir ou revenir au musée dans la recherche du contact humain et du dialogue. De plus, la valeur ajoutée d'un dispositif vient dans son adaptation au public. Si les médiateurs ne sont plus là où sont totalement dédiés aux contenus, cette valeur ajoutée disparaît puisqu'il ne peuvent plus suivre leurs besoins. Or c'est à leur contact qu'il peuvent le mieux les cerner.

4

De nouvelles façons de vivre le musée Nous nous intéressons ici à la médiation sous le point du vue du visiteur et de son

expérience vécue au sein de la visite. Nous allons donc pour commencer, définir qui est ce Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 68


visiteur et pourquoi nous parlons de la visite comme une « expérience ». Ensuite orienterons sur trois façons de vivre le musée : par la participation, par l'interactivité et enfin par l'immersion.

4.1. 4.1.1.

Pourquoi parler d’expérience visiteur ? Le profil type du visiteur Ici, nous déterminerons le profil type du visiteur. L'ensemble des chiffres exposés ci-

dessous proviennent de l'étude du CREDOC de 2012 « La visite des musées, des expositions et des monuments ». Comme indiqué, le rapport concerne aussi la visite des monuments, c'est donc aussi le cas dans cette partie. Seule la dernière se limite aux musées et expositions. a)

La visite culturelle ne concerne pas une minorité Pour le CREDOC, la visite culturelle est loin d'être une minorité. En 2011, 61% de la

population a visité au moins une fois un musée, une exposition ou un monument, d'autant plus que pour 75% d'entre eux le musée n'est pas réservé à une élite (étude du CREDOC de 2005). Selon la même étude « lorsqu’on additionne tous les types de visites patrimoniales (musées, expositions, monuments, etc.), 57% des employés, 44% des ouvriers, 44% des bas revenus (moins de 1200€ par mois et par personne) et 42% des non-diplômés se classent dans la catégorie des visiteurs »169. Le visiteur est donc présent dans toutes les catégories socioprofessionnelles et dans tous les âges si on prend l'ensemble des visites culturelles, incluant donc les expositions, les musées et les monuments. b)

Une pratique sociale, hors du quotidien Au niveau géographique, près de trois fois sur cinq, la visite se situe en dehors de la

ville de résidence. La visite culturelle se situe donc souvent dans un temps hors du quotidien (vacances, week end). De plus elle fait partie d'une pratique sociale, 88% des visiteurs viennent accompagnés, d'abord avec des adultes de leur entourage (pour 76% d'entre eux) puis avec des enfants (32% d'entre eux) et enfin en groupe organisé (15%). Seuls 12% effectuent leur visite en solitaire. Pour la visite avec des enfants, l'âge de ceux-ci influe sur les pratiques : « la visite « en famille » étant à son apogée lorsque le foyer a en son sein a au moins un enfant entre 6 et 10 ans. Cela reflète probablement une « forme d’investissement éducatif visant la 169Régis BIGOT, Emilie DAUDEY, Sandra HOIBIAN et Jörg MÜLLER, La visite des musées, des expositions et des monuments, 2012, p. 6-7. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 69


réussite scolaire des enfants »170. Les visiteurs de lieux culturels ont une vie sociale plus intense (80% d'entre eux reçoivent des amis au moins une fois par mois en 2012 contre 71% des non-visiteurs) et accordent plus d'importance à la famille et aux amis que la moyenne de la population (62% d'entre eux considèrent les « amis et connaissances » essentiels contre 50% des non visiteurs, en ce qui concerne la famille les chiffres sont de 93% contre 86% des non visiteurs). c)

Visiteurs, musées et internet La partie qui nous intéresse le plus, concerne les usages d'internet liés à la visite. On

remarquera que pour le visiteur le contact avec le musée ne se limite pas à la visite. Nous avons vu l'évolution des pratiques et des usages dû à l'usage d'internet et des nouvelles technologies. « Au total, 35% des personnes interrogées utilisent Internet en lien avec la visite d’un musée, d’une exposition ou d’un monument: 28% recherchent des informations pratiques (horaires, tarifs), 16% ont effectué une visite virtuelle d’une exposition, d’un musée ou d’un monument, 10% ont réservé ou acheté un billet sur Internet, 6% ont parlé sur un réseau social, un blog ou un forum d’une visite patrimoniale et 5% ont téléchargé des commentaires sur les œuvres exposées ou sur le monument visité »171. Les visiteurs ont plus accès à internet (84% disposent d’Internet chez eux contre 63% des non-visiteurs) et l'utilisent plus que les non visiteurs (13,1h par semaine en moyenne contre 11,5h par semaine pour les non-visiteurs). Pour 88% des cas, la visite virtuelle se traduit par une visite physique. Les jeunes sont plus enclins à utiliser internet pour rechercher des informations pratiques et les jeunes seniors à rechercher des contenus (visites virtuelles, téléchargements de commentaires). Ces derniers s'intéressent aussi de plus en plus aux nouvelles technologies puisque pour la première fois, une majorité déclare s'y intéresser. La moyenne nationale sur ce sujet est de 54%, contre 39% en 2010.

170Anne JONCHERY, « Enfants et musées : l’influence du contexte familial dans la construction des rapports aux musées pendant l’enfance », in Sylvie OCTOBRE (dir.), Enfance & culture transmission, appropriation et representation, Paris, Ministere de la culture et de la communication, Departement des etudes, de la prospective et des statistiques, la Documentation francaise, 2010, . 171Régis BIGOT, Emilie DAUDEY, Sandra HOIBIAN et Jörg MÜLLER, La visite des musées, des expositions et des monuments, op. cit.., p. 32. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 70


D'une manière générale, la satisfaction vis à vis de la visite culturelle est là : 75 % des personnes disent qu'elle satisfait leurs attentes et pour 16%, elle la dépassait. Les mécontents ne sont que 8%. d)

Quelques précisions Pour préciser un peu plus les choses, nous remarquerons que les visiteurs de musées et

expositions (ici, et par la suite, cela inclura les musées de beaux-arts (peinture, sculpture) ; d'art moderne ou contemporain (20e siècle), d'histoire naturelle, de sciences, techniques et industrie ; d'histoire, d'archéologie, de préhistoire ; de sociétés et civilisations ; d'architecture, de design, d'arts décoratifs ; de photographie) sont proportionnellement moins nombreux que ceux des monuments. Alors que la visite de monuments concerne 6 français sur 10 et qu'ils sont issus de toutes les franges de la population, 35% de la population a visité un musée ou une exposition en 2011, et ces visiteurs sont plus diplômés pour l'ensemble (le taux de visiteurs est 6 fois plus élevé chez les titulaires d’une licence ou d’un diplôme supérieur que chez les non-diplômés). Selon le CREDOC « 67% des cadres et professions intellectuelles supérieurs, 54% des hauts revenus se sont rendus dans un musée en 2011. Les proportions tombent à 28% chez les bas revenus, 20% chez les ouvriers. »172 Les jeunes seniors sont les plus représentés avec les étudiants. Respectivement 49 et 47% d'entre eux ont visité une exposition ou un musée en 2011. Le musée se visite en groupe : 77 à 81% des personnes qui ont visité des musées ou des expositions l'on fait entre adultes. La visite en famille est aussi très appréciée : entre 61 et 80% des familles avec enfants étaient accompagnées d'au moins l'un d'eux lors de leur dernière visite.

En résumé, le visiteur type de musées est particulièrement sociable et considère ses amis et sa famille comme très importants. Il est de catégorie socioprofessionnelle supérieure, diplômé de Bac +3 au moins, jeune senior ou étudiant. Il vient, la plupart du temps accompagné d'amis ou d'enfants, le plus souvent de 6 à 10 ans. Il utilise internet plus que la moyenne de la population. En ce qui concerne les sites web de musées, il recherche principalement des informations pratiques ou du contenu. Il s'intéresse aux technologies et sa visite satisfait voire dépasse ses attentes.

172Ibid.., p. 13. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 71


4.1.2.

L'expérience au musée La visite, comme le produit touristique, n'est pas un bien tangible. Le consommateur

ne peut pas savoir s'il va être satisfait avant de le « consommer ». Il ne peut pas en obtenir un échantillon ni le retourner s'il n'est pas content. On l'appelle alors « bien d'expérience »173. Le touriste aura toutes les informations possibles mais ce ne sera jamais assez puisque l'expérience dépend d'un vécu. Elle est aussi un « bien de confiance », notion qui complète le bien d'expérience puisqu'elle estime que le consommateur « ne connaît jamais par lui-même la qualité réelle des biens et services qu'il consomme »174. Il se base donc sur des critères « objectifs » pour choisir son « produit » comme des labels, une réputation ou le bouche-àoreille. La visite est donc un bien d’expérience. La vente d'expérience aurait pris beaucoup d'ampleur jusqu'à devenir « un quatrième domaine qui prend sa place aux côtés des trois autres grands secteurs déjà décrits par les économistes »175.

Plusieurs auteurs ont déjà défini l'expérience muséale, notamment John Falk et Lynn Dierking, dans « The Museum Experience » en 1992, « les auteurs proposent de penser le continuum entre l’avant-visite, la visite et l’après-visite ; ils mettent en avant un modèle qualifié de « Interactive Experience Model » qui lie les aspects individuels, sociaux, physiques »176. On constate que ces trois temps sont déjà souvent investis par le musée via internet. Le musée peut se trouver sur l'avant visite via le site, en donnant les informations pratiques et les contenus (recherchés par les visiteurs, nous l'avons vu) ou en établissant le contact via les réseaux sociaux. Il est aussi présent sur l'après visite en gardant le contact établi ou en proposant d'autres expériences, toujours via les réseaux sociaux ou éventuellement des courriers d'information (newsletter). La visite constitue le « pendant ». Avec les nouvelles technologies le musée s'est comme « multiplié », il occupe trois espaces (physique, virtuel, mobile) et trois temps : avant, pendant et après la visite. Cette omniprésence permet de lier une relation avec le visiteur et multiplie les opportunités d'interactions. 173Nelson, 1974 cité par Jean-Louis CACCOMO et Bernardin SOLONANDRASANA, L’innovation dans l’industrie touristique: enjeux et strategies, Paris, L’Harmattan, 2006. 174Jean-Louis CACCOMO et Bernardin SOLONANDRASANA, L’innovation dans l’industrie touristique: enjeux et strategies, Paris, L’Harmattan, 2006. 175Raymond MONTPETIT, « L’expérimentation au service des expériences de visite, expérimentation, expérimental, expérience », op. cit.., p. 59. 176Ibid. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 72


En fonction du type de musée (musée d'art, d'histoire, de sciences...) cette expérience n'est pas vue de la même façon. Pour le musée d'art, l’œuvre est l'expérience, le dispositif ne doit donc pas la dénaturer et lui faire barrière, se mettre entre le visiteur et l’œuvre, en somme. Les musées de sciences et de société utilisent l’œuvre, l'objet, comme support du discours. L'outil numérique peut alors avoir une place plus importante et servir le discours, comme le fait l'objet exposé.177. Cette vision des choses influence la muséographie. Raymond Montpetit en note trois, qui, à la base, concernaient en particulier les musées de sciences 178. Cependant, on peut appliquer ces logiques à d'autres types de musées. Les axes muséologiques Axé sur le RÉEL « les choses mêmes »

Les types d'approches muséologiques ONTOLOGIQUE

Axé sur le RÉCIT

HISTORIQUE

« Raconter » Axé sur le PROCESSUS « voir en action »

Les dominantes Des spécimens et leur présentation/classification Artéfacts témoins inscrits dans une narration Expériences et

ÉPISTÉMOLOGIQUE

démonstrations souvent interactives

Tableau 1: Les trois types de muséologies selon Raymond Montpetit

Le premier est « axé sur le réel », la démarche scientifique n'est pas le propos de cette présentation, l'expérience est de percevoir la réalité. Les collections sont accompagnées de texte les resituant dans leur contexte géographique ou évolutif. Cette vision des choses peut amener vers une mise en scène, reconstitution ou « scénographie d'immersion ». Les Muséums d'Histoire Naturelle, comme celui de Nantes en sont un parfait exemple. La deuxième approche met l'accent sur le récit. Les objets sont les témoins d'une histoire, mettant en avant les événements clés sous forme de narration. Le musée d'histoire de Nantes, dont le fil rouge est l'histoire de la ville et les objets, son support, applique cette perspective.

177Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 118. 178Raymond MONTPETIT, « L’expérimentation au service des expériences de visite, expérimentation, expérimental, expérience », op. cit.., p. 60. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 73


La dernière, « axée sur le processus », est basé sur la découverte de la démarche, « on veut faire que les visiteurs entrent dans le processus de la recherche, qu’ils puissent expérimenter concrètement certaines des étapes méthodiques qui conduisent aux découvertes et aux conclusions admises par la communauté scientifique »179. L'exposition « Star Wars Identités », présente du 15 février au 5 octobre 2014 à la cité du Cinéma à Paris, peut entrer dans ce cadre. Elle aborde la construction de l'identité à travers le thème de Star Wars et de ses personnages en « abordant dix de ses composantes : l’espèce, les gènes, les parents, la culture, les mentors, les amis, les événements de la vie, la profession, la personnalité et les valeurs »180. Le visiteur est invité à créer un héros et à choisir sa race, son lieu de vie, sa provenance sociale, son type d'éducation, ses fréquentations... Il les retrouve à la fin de l'exposition et peut voir son personnage accompagné d'un texte traduisant ces choix. Il a la possibilité de l'envoyer par courriel, à lui ou à des amis pour le retrouver plus tard sur le site internet.

Cette exposition illustre aussi bien les trois temps de la visite : le site internet donne les informations pratiques, le lieu procure une expérience inédite tout en questionnant le visiteur sur le processus qui modèle l'identité. Enfin, le « héros » envoyé par courriel rappelle au visiteur cette expérience et résume les aspects abordés dans l'exposition.

Lorsque le visiteur va au musée, il vit une expérience dans des situations différentes conditionnées par la démarche du musée qui a mis en place l'exposition. Les outils numériques permettent de développer les possibilités muséographiques et donc de diversifier cette expérience.

4.2. 4.2.1.

Le visiteur-acteur ou l’esprit participatif Un besoin d'expression et d'interaction Selon EVS181, sur trois décennies, les aspirations immatérielles croissent plus vite que

les aspirations matérielles. En particulier trois d’entre elles. L'une est le libre arbitre. De plus, depuis les années 1960 on a vu se développer l'individualisme. Internet met à la portée de tous 179Ibid.., p. 61. 180Star Wars Identités, l'exposition http://www.starwarsidentites.com/#!/identite 181EVS, European Values Study Longitudinal Data File 1981-2008 (EVS 1981-2008), 2011. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 74


la possibilité d'exprimer son libre arbitre, ses idées. La puissance des réseaux permet l'émergence d'une communauté de citoyen-consommateurs qui n'ont jamais eu plus de facilité à s’exprimer, se faire entendre. Cette possibilité technique entraîne une montée encore plus forte de l'individualisme mais aussi « l’exigence de libre arbitre en tout lieu, à toute heure, à tout âge, renforce aussi les exigences de produits sur mesure, de personnalisation des services, de connexion et de concertation avec les siens, la famille, les proches, « ceux qui partagent mes valeurs » »182. D'où l'affluence des user generated contents [contenus générés pas les utilisateurs], qui désigne tous les contenus (textes, photos, vidéos...) mis en ligne par les inernautes. Wikipedia, Tripadvisor (site d'avis en ligne), Youtube, Instagram, les blogs en sont quelques exemples. Mais s'exprimer n'a pas d'intérêt si c'est pour « parler dans le vide ». Il est donc important de voir qu’on nous répond et de percevoir une interaction. Internet est basé sur l'interaction, les usages qui en découlent se sont fondus dans la société. Il est donc logique d'attendre la même chose de nos interlocuteurs. Le participatif ou collaboratif prône l'intelligence du groupe, le concept selon lequel « il y a toujours plus d’intelligences dans le monde à l’extérieur qu’à l’intérieur d’une structure »183. Cet esprit a permis de faire de Wikipédia un projet d'une ampleur impressionnante. 4.2.2.

Investir le visiteur dans le musée : plusieurs moyens, plusieurs objectifs Sans entrer dans le domaine du numérique, on voit déjà un esprit participatif du

visiteur au musée. Le premier niveau se situe dans la visite guidée où le médiateur tente d'instaurer un dialogue, une interaction en lui posant des questions, en l’interpellant. Le livre d'or est aussi un moyen d'expression. Un autre exemple : l'exposition « En guerres » au château des Ducs de Bretagne, menée de février 2013 à février 2014 était fondée sur des dons des visiteurs, auquel le musée avait fait appel.

Ces principes ne sont pas sans rappeler ceux de l'écomuséologie et de la Nouvelle Muséologie qui veulent donner au musée un rôle social et impliquer la population locale dans son développement. 182ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite touristique et culturelle , op. cit.., p. 23. 183Ibid.., p. 24. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 75


Le site du musée d'histoire de Bristol, M Shed, lancé en 2011 en était une bonne application. Il invitait les habitants de Bristol à fournir des contenus (photos, vidéos, histoires, opinions...) sur le site internet ou sur place qui étaient ensuite publiés sur le site et intégrés dans les expositions sur place184.Avec son slogan « your history, your museum » [votre histoire, votre musée], il montrait bien la volonté d'investir la population dans la vie du musée et de faire du site physique et virtuel un espace représentatif de la ville et de ses habitants.

Le Projet Nantes 1900, qui a déjà été abordé auparavant est plus axé sur l’enrichissement du contenu. Le principe est de faire découvrir les quartiers de Nantes à travers une maquette et une table multitouch et multi-utilisateurs, reliée à des rétroprojecteurs qui mettent en valeur la maquette. Elle diffuse du contenu tel que du texte et des images sur les sites, rues et immeubles représentés. Celui-ci est intégré dans une base de donnée évolutive, il est donc toujours possible de les modifier, d'en ajouter ou d'en enlever. L'aspect participatif consiste dans la possibilité pour le visiteur de donner des éléments qui seront intégrés au dispositif après vérification des équipes du musée. Dans cette même logique le site Clunypédia, lui, rassemble toutes les informations sur les sites clunisiens à travers l'Europe : publications scientifiques, documents anciens, restitutions 3D, extraits vidéos (films, reportages...), photos, images... Il est destiné avant tout aux scientifiques mais les internautes sont invités à participer à l'opération : « Si vous n'en habitez pas un, vous connaissez sûrement un site clunisien ! […] Clunypedia est un projet qui est pensé pour vous : vous êtes citoyenne et citoyen d'Europe, votre histoire et votre patrimoine sont votre affaire ! Clunypedia, c'est un réseau social pour suivre l'actualité clunisienne, y réagir et, pourquoi pas, y contribuer ! ».

Le visiteur peut aussi être invité à donner son avis et à partager du contenu. Le Rijksmuseum, par exemple, a mis en place sur son site internet une partie de ses collections en haute définition. À partir de ces œuvres et du Rijksstudio, l'internaute a la possibilité de créer sa propre collection, de la partager et même de faire sa propre création à partir de celle du musée : « Collect, create, share » [collectionner, créer, partager]. Par ailleurs, de plus en 184 Simon Hübe, « Nouveau site internet participatif et interactif pour le M Shed de Bristol », Club Innovation et Culture, 2011, http://www.club-innovation-culture.fr/p8555/ Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 76


plus de sites internet, comme le Louvre, et de dispositifs d'aide à la visite mobiles, comme l'application des jardins de Versailles permettent à l'utilisateur de partager leur expérience sur les réseaux sociaux.

Le participatif peut aussi être utilisé pour aider le musée dans ses tâches. Le Brooklyn museum proposait aux internautes de « tagger » (mettre une étiquette) les objets de sa collection (Tag ! You're it!) pour qu'ils soient mieux référencés sur internet. Ils pouvaient aussi confirmer ou non les tags donnés par d'autres visiteurs (Freeze tag !). Sur son site, le musée remercie les participants,, allant de cette façon jusqu'au bout de la collaboration : « Tag! You're It and Freeze Tag have been retired, but not before 230,186 tags were attributed to our collection objects. If you played one of these games over the years, we appreciated your help. Your descriptive keywords helped make the objects in our collection discoverable through search engines, enabling others the chance to find them. » [Tag you're it et Freeze tag ont été retirés mais pas moins de 230 186 tags ont été attribués à nos objets de collection. Si vous avez joué à ces jeux ces dernières années, nous avons apprécié votre aide. Ces mots-clés descriptifs ont rendu les objets de notre collection visibles sur les moteurs de recherche, permettant à d'autres d'avoir la chance de les trouver]185 Force est de constater que la plupart des projets collaboratifs ne concernent pas les dispositifs de médiation in-situ mais des sites internet.

La participation des visiteurs entre donc dans plusieurs logiques : l’enrichissement du contenu, comme pour le Projet Nantes 1900 et Clunypédia ; le partage et l'appropriation des collections avec l'exemple du Rijksmuseum, du Louvre et des Jardins de Versailles et enfin pour aider le musée dans certaines de ses charges comme pour le Brooklyn Museum. On remarquera que dans la majorité des cas, elle est liée à des sites en ligne et rarement à des projets de médiation in-situ.

185Traduction par Camille David Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 77


4.3.

Entrer en contact différemment avec les collections : l’interactivité Les nouvelles technologies ont entraîné un nouveau rapport à la connaissance puisque

tout le monde peut être émetteur ou récepteur. Avant la diffusion large d’internet, la nouvelle muséologie prônait un autre rapport au savoir dans le musée, en opposition avec la transmission unilatérale et unique pratiquée jusque là par les conférencier, pour y intégrer la notion de plaisir, apprendre en utilisant ses sens, émotions, expérience et même à travers le jeu et l'interactivité. 4.3.1.

Une définition de l'interactivité L'interactivité dans une exposition, comme pour le participatif, ne commence pas avec

le numérique. Il peut y avoir un amalgame avec l'interface naturelle, comme quoi l'interactivité serait forcément hautement technologique : « interactivité c'est [...] aussi le rapport où là où l'homme rentre avec la machine, je pense. Donc là, la communication des deux pour pouvoir justement bien exploiter les outils, les outils multimédias » 186. En réalité, toucher un objet, créer une ombre sur une projection, discuter avec un médiateur, c'est déjà de l'interactivité : « un dispositif interactif […] ça peut être par exemple dans la soie et le canon, dans l'expo sur la Chine, t'avais des cercles, t'avais des trous dans un, dans […] une cimaise et tu mettais la main et tu sentais un tissu. Et tu voyais pas c'était à l'aveugle et tu devais dire si c'était de la soie, du coton, du lin. Tu vois pour que, c'était surtout pour les enfants hein, ça c'était, c'est interactif par exemple tu vois. »187 La visite-conférence classique s'axe en particulier sur la vue et l'ouïe, ici le toucher, le geste est aussi pris en compte. Mais son point essentiel de l'interactivité réside dans la maîtrise de l'outil : « quelque chose avec lequel on peut interagir où on va pouvoir être maître de sa découverte, des informations qu'on va pouvoir en ressortir. »188. C'est à dire que ce n'est pas une vidéo qui tourne en boucle, l'utilisateur est capable d'afficher le contenu qu'il souhaite, retourner en arrière répéter... Explorer l'outil, les contenus qu'il propose, en somme. C’est le concept selon lequel il est acteur de la médiation, pas au niveau du contenu comme pour le participatif mais au niveau de la manipulation de l'objet.

Cette définition est large, il faut bien l'avouer. Dans ce cas, un audioguide classique où il faut taper le numéro est au même niveau qu'un dispositif utilisant la réalité augmentée ou la 186Entretien avec I. op cit 187Entretien avec A. op cit 188Entretien avec C. op cit Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 78


reconnaissance visuelle ou qu'une table tactile où il est possible de manipuler les œuvres à la main. À ce moment-là qu’est ce qui distingue tous ces dispositifs ? Nous pouvons avancer une réponse : le type et l'étendue du spectre des fonctionnalités. En effet, ce qui peut faire la différence entre un outil « plus » ou « moins » interactif résiderait dans l'expérience du visiteur. Autrement dit, plus il peut faire de choses différentes, plus elle serait variée. La diversité serait alors la clé. C'est sur ces dispositifs aux interactions variées ou inhabituelles que nous allons nous concentrer. On remarquera qu'ils appliquent directement les principes de la nouvelle muséologie et de l'interprétation en ce qui concerne la médiation : utiliser les sens, les émotions, l'interactivité, le jeu, éveiller la curiosité, s'adapter aux différents publics, utiliser différentes disciplines... 4.3.2.

L'interactivité au service de l'expérience individuelle et collective Individuellement, l'interactivité permet une nouer une relation différente à l’œuvre, le

point d'entrée n'est plus unique. Le visiteur peut donc y accéder différemment en fonction de sa personnalité et de ses perceptions. Par exemple le musée d'arts de Cleveland a mis en place Gallery One qui organise plusieurs dispositifs. L'un d'eux présente plusieurs écrans face à des vitrines présentant plusieurs groupes d’œuvres d'art. Chaque écran propose de voir de plus près les objets traités en haute résolution et de les observer à 360°.

Illustration 1: Wall Collection au musée d'arts de Cleveland

C'est un point d'entrée, un type d'interactivité qui permet de réellement l'observer. Mais ça ne s'arrête pas là. Le dispositif propose aussi des « activités interactives. » L'une d'elle s'appelle « Make a face » [Fais un visage]. Le visiteur est invité à donner une expression faciale, une webcam l’enregistre et l'associe à une œuvre du musée. « Strike a pose » [Prends Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 79


la pose], dans le même principe demande d'imiter une sculpture et grâce à la technologie Kinect de Microsoft compare la position du visiteur à l’œuvre189. Ces deux systèmes utilisent le biais du corps pour lier une relation à l’œuvre d'art. C'est un point d'entrée encore différent de l'observation attentive. Dans une autre activité, ici proposée sur un mur tactile, le visiteur trace des traits qui sont scannés pour afficher une œuvre correspondant au dessin qu'il vient de créer. Ici c'est le toucher qui est utilisé, troisième point d'entrée possible pour connecter le visiteur à l’œuvre d'art.Mais nous avons vu que la visite du musée se faisait rarement seul. C'est une pratique sociale, une expérience collective. Cela est plutôt paradoxal puisque les dispositifs numériques sont bien souvent individuels, comme ceux que l'on vient de citer. Mais ces outils, à quelques exceptions près, même s'ils ne peuvent être manipulés que par une personne à la fois, permettent, cependant, de renforcer la cohésion du groupe en donnant à ses membres la possibilité d'échanger entre-eux. L’expérience collective reste une problématique prise en compte par les musées. Les tables tactiles font partie des supports qui ont le plus de succès. Plusieurs exemples sont à notre disposition, la Museotouch, dont nous avons déjà parlé en est un bon, mais nous parlerons plutôt de l'Expérience Fontevraud menée en 20102011. Elle avait pour objectif de mettre l'accent sur l'univers carcéral de l'abbaye. Les tables tactiles soulèvent les mêmes problématiques d'occupation de l'espace et de l'interaction simultanée. L'Expérience Fontevraud mettait à disposition des visiteurs une table tactile, l'abbaye actuelle y était représenté du dessus. Le visiteur devait alors frotter l’interface pour faire apparaître son plan à l'époque carcérale et accéder aux contenus. Chaque contenu était ouvert dans une pop up (une fenêtre flottante) qui pouvait être déplacée, agrandie ou réduite sur la table. Le défi majeur était dans l'assimilation des principes ergonomiques par le public puisque le smartphone existait déjà mais pas la tablette tactile, induisant une gestuelle plus variée. Jusqu'à six utilisateurs pouvaient manipuler la table en même temps, ce qui créait la question de la taille des contenus qui pouvaient potentiellement empiéter sur l'espace des autres utilisateurs et cacher ou déplacer une partie des contenus qui les intéressaient. Ce problème semble lié au matériel en lui-même puisque tous les supports tactiles destinés à une utilisation collective n'en sont pas atteints. Retournons au musée d'Arts de Cleveland. Le Wall Collection [Mur de Collection] présente aux visiteurs l'ensemble des collections du musée à grande échelle puisqu’il s'étale sur 12,2 mètre de long et 1,55 mètre de haut.Il « aide les visiteurs à explorer la collection du CMA, [à] découvrir les rapports entre des objets d’art, [à] mettre en favori des œuvres d’art préférées et des parcours et [à] transférer leurs œuvres d’art

189Site du musée d'art de Cleveland http://www.clevelandart.org/gallery-one/interactives Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 80


préférées et parcours sur leur iPad ArtLens pour les retrouver ensuite dans le musée »190. Chaque visiteur peut manipuler les images des œuvres, les agrandir décalant les autres œuvres. Ce système permet à tous de consulter les collections simultanément 4.3.3.

La gamification : apprendre en s'amusant

La gamification vient du mot anglais « game » qui veut dire « jeu » et du suffixe « ation » qui traduit une évolution, un processus. Il vient en extension du « serious game » [jeu sérieux] Cela désigne donc l'apprentissage par le jeu, ce qui est une autre façon de diversifier l’accès à la culture. Plusieurs exemples peuvent illustrer ce propos. Le château de Fontainebleau a mis en place le Livre des siècles. Ce dispositif raconte l'histoire d'un homme qui a perdu un livre précieux et qui demande au visiteur de l'aider à le retrouver. Il doit traverser des épreuves pour finalement découvrir son emplacement. Cette scénarisation est prétexte à se déplacer dans tout le site et à faire des mini jeux pour débloquer les indices nécessaires. Un autre exemple, en ligne cette fois, est le site de Paris Musée Junior : mission Zigomar. Là aussi, la forme de l'enquête est privilégiée et a pour objectif d’apprendre autour des thèmes du portrait, des monstres, de l'écriture... L'internaute est alors dans un véritable jeu-vidéo. Ces deux dispositifs s'adressent avant tout aux enfants mais le jeu ne leur est pas réservé. L’application GéoMOTifs permet à son utilisateur de rechercher et de découvrir des ornements architecturaux partout en France. Le jeu est basé sur la reconnaissance visuelle et lui permet d'augmenter son niveau en découvrant plus d'ornements et de sites différents. Il constitue alors une collection qu'il peut retrouver sur internet. L'application est à destination du grand public, adultes comme enfants.

L'interactivité peut donc se révéler sous diverses formes. Elle permet de multiplier les façons d'approcher l’œuvre mais aussi de vivre une expérience collective renforcée.

4.4.

Observer sous un autre angle : techniques de visualisation

« Un dessin vaut mieux qu'un long discours », les techniques de visualisation partent de ce constat pour proposer au visiteur de voir en direct des bâtiments ou des intérieurs disparus .

190Jane Alexander (Cleveland Museum of Art): « nous transformons l’expérience muséale, en utilisant la technologie et en mettant l’accent sur les œuvres », http://www.club-innovation-culture.fr/jane-alexandernous-transformons-lexperience-museale-en-utilisant-la-technologie/, consulté le 27 septembre 2014. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 81


4.4.1.

Un principe : mieux comprendre par l'image Selon les médiateurs, le principal avantage des nouvelles technologie sont liées à

l'image et à l'illustration du discours : « une image, les films. Enfin, voilà c'est... Une photo... C'est tellement plus parlant qu'un simple texte. Un texte qui peut être parfois interprété si on choisi mal les mots. Alors que une image, bah elle parle d'elle même [...] »191. Nous vivons dans une société de l'image, qui devient alors le principal canal de communication. Le fait de montrer un concept ou une théorie est alors d’autant plus intelligible et compréhensible par une majorité. Selon Fabrice Forest, Nathalie Candito et Elisabeth Shimells, le musée est un terrain parfois pour expérimenter l'internet du futur » dont « l'internet 3D » : « le musée est un espace d’expériences immersives, tactiles, sensorielles qui va optimiser les nouvelles technologies de réalité virtuelle, qu’il s’agisse des interfaces 3D (écrans et contenus 3D) ou bien des interfaces tactiles et haptiques permettant d’optimiser les visites et expériences virtuelles ou de réalité augmentée. Nos expérimentations ont donné un exemple en intégrant le dispositif multitouch. »192 Les technologies 3D, réalité augmentée et technologies immersives permettent au visiteur de mieux visualiser des espaces, des théories scientifiques, « rendent perceptibles ou intelligibles des données collectées vont se superposer au réel pour le commenter, l’augmenter, l’expliquer ou le détourner »193. Elles entrent dans le premier type de muséographie donnée par Raymond Montpetit : l'approche ontologique qui cherche à reproduire la réalité. 4.4.2.

Quelques applications L'imagerie 3D est maintenant bien répandue. On la retrouve dans plusieurs dispositifs

donnant la possibilité d’observer en trois dimensions et en détail un objet ou une œuvre. Nous avons parlé plus haut des outils du musée d'arts de Cleveland mais elle est aussi présente au musée du Louvre Lens et sur différents sites internet, comme Clunypédia. Elle permet aussi de reconstituer des scènes, des bâtiments pour mieux montrer au visiteur des théories ou faits scientifiques. Par exemple, Vesunna, site-musée gallo-romain de Périgueux reconstitue en 3D les salles et les décors de la villa sur laquelle il est construit. Il met ainsi en relation l'espace réel et les recherches archéologiques permettant au visiteur de visualiser l'ancien site. 191Entretien avec H. op cit 192Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées, expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 96. 193Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 119. Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 82


La réalité augmentée est particulièrement prometteuse et commence à se répandre. ¨Plusieurs sites l'utilisent : le château de Falaise et de Cherbourg, l'abbaye de Cluny et de Jumièges, le musée d'histoire de Marseille, la ville d'Arromanche... Francine Clément cite Shelley Mannien qui définit cela comme « la possibilité de voir ou d’entendre, dans un contexte donné, une information pertinente superposée à ce que l’on voit dans le monde réel. »194. Selon l'association de promotion de la réalité augmentée : « elle doit, […] avoir les trois caractéristiques suivantes: •

Combiner le monde réel et des données virtuelles en temps réel

Être interactif en temps réel (une modification dans le mode réel entraîne un ajustement des données virtuelles)

Utiliser un environnement en 3D (parce nous vivons dans un monde en 3D). »195

Dans l'utilisation la plus courante, on utilise un smartphone ou une tablette tactile pour superposer aux images perçues par la caméra des éléments visuels (le plus souvent une reconstitution 3D du bâtiment disparu, des personnages...). Prenons l'exemple de l'abbaye de Jumièges. L'application pour iPad permet de reconstituer l'abbaye à différentes époques. Lorsque le visiteur est dans l'abbatiale, il lève sa tablette en sa direction. Il voit le monument actuel sur sa tablette. En poussant un curseur, il aperçoit sur sa tablette, là où était l'abbaye, une reconstitution de celle-ci en 3D lui montrant sa structure à la fin du XVIIIème siècle. Il peut se déplacer en même temps et observer l'intérieur ou l'extérieur modélisés. Ce système, en plus des avantages de l’imagerie 3D qu'il utilise permet de se rendre compte de la taille des bâtiments disparus et d'avoir plusieurs points de vue en temps réel.

Enfin, on entend de plus en plus des technologies immersives ou de réalité virtuelle. Selon le centre de réalité virtuelle de la méditerranée :

194« Francine Clément (Thot Cursus) « La réalité augmentée entre au musée » », Club Innovation Culture http://www.club-innovation-culture.fr/francine-clement-thot-cursus-la-realite-augmentee-entre-au-musee/ 195« C'est

quoi

la

réalité

augmentée ? »

Association

de

promotion

de

la

réalité

augmentée

http://www.augmented-reality.fr/cest-quoi-la-realite-augmentee/ Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 83


« le but de la Réalité Virtuelle est de faire percevoir à un utilisateur un monde artificiel (créé numériquement) ressemblant à un monde réel et de donner à cet utilisateur la possibilité d'interagir intuitivement et naturellement avec ce monde. L'intérêt est de pouvoir mettre l'Homme dans un environnement que nous contrôlons, qui serait impossible à reproduire dans le monde réel ou qui serait trop onéreux ou trop risqué. »196 Il y a peu d'exemple dans le monde muséal. Le château de Falaise peut en être un. Son application, Histopad, est en même temps de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle. Le visiteur peut explorer les intérieurs du château en 3D et à 360° en déplaçant la tablette mais aussi interagir avec des éléments du décor. D'autre expérimentations ont été faites comme celle d'Enozone, Cartage et Realyz qui permet de visiter le vieux pont de Laval en 3D à échelle réelle.

Les techniques de visualisation peuvent donc rendre de grands services aux musées en mettant en scène ou reproduisant des bâtiments qui sont difficiles à visualiser sans cela.

Le musée a la possibilité de devenir un lieu de découverte et de plaisir tout en apprenant, seul, en groupe ou en famille par des moyens diversifiés. Les outils participatifs leur permettent d'être pris en compte, de s'exprimer de participer à la vie du musée, ce qui remplit son rôle social. Vu l'importance pour les publics de la vie sociale et familiale et de la visite collective du musée, n'est il pas possible d'exploiter cette tendance pour faire du musée un lieu collectif où l'on se rassemble, où on revient ? Un espace public approprié par les publics ? De plus, les techniques de visualisation permettent de mieux appréhender les bâtiments détruits, de se rendre compte de l'ampleur de la disparition ou même tout simplement de voir comment on vivait à une époque ou une autre. Tous ces outils permettent une autre relation au musée et aux œuvres. C'est une grande opportunité pour les musées de les adapter à leur univers pour transmettre toujours plus facilement des concepts difficiles à appréhender sans cela.

196« Qu'est ce que la réalité virtuelle ? » Centre de Réalité Virtuelle de la Méditerranée http://crvm.ism.univamu.fr/qu_est_ce_que_la_realite_virtuelle.html Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 84


Conclusion Le domaine muséal est traversé par des courants et un environnement qui influencent ses choix, le mettant alors en position de constante évolution. Les TIC avec leur influence sur la société et les pratiques qu'elles entraînent en font partie. Elles entrent dans le musée pour différentes raison : mercantile c'est-à-dire ramener plus de publics, avoir une meilleure image, être différent des autres, mais aussi pédagogique. Dans ce deuxième objectif, les projets sont souvent plus ambitieux et demandent donc une réflexion poussée et un engagement collectif. La gestion d'un projet numérique induit de changer les habitudes, l’influence des TIC ne se limite alors pas un aspect purement technique mais fait entrer ses « valeurs » jusque dans l'organisation du musée. On pourrait penser que le changement s'opère par pression extérieure, par pression des publics puisque le muséesanctuaire, « gardien du temple » décrié par la Nouvelle Muséologie serait conservateur. Au contraire, le changement commence souvent par les personnels des musées, même si ce n'est pas toujours leur cœur de métier. Les musées se dotent de services dédiés au numérique, ce qui montre qu'ils font partie de leur projet global et pas d'un désir ponctuel de modernité. Des communautés de professionnels de la culture intégrés aux équipes des musées se regroupent pour amplifier le mouvement et aider ceux qui voudraient s'y insérer. Ils ont déjà intégré les apports des TIC et sont dans une démarche de travail collaboratif et de curiosité permanente. On s’aperçoit alors que les technologies de médiation sont l'application concrète des principes édictés par la Nouvelle Muséologie et par l'Interprétation : proposer une expérience au visiteur, un apprentissage, une éducation, en opposition à la simple instruction. Et cela en passant par une transmission du savoir prenant en compte le visiteur, ses sens, ses émotions et ses origines. On se rend alors compte que ce n'est pas qu'une question de forme, que les outils numériques ne sont pas uniquement une façon d'approcher l’œuvre d 'art ou l'objet de collection mais aussi une façon de vivre l'exposition. Cependant, comme dans toute démarche, la stratégie numérique est sujette à des risques. Son coût est parfois conséquent, particulièrement dans le cas d'un projet ambitieux. Il ne faut pas pour autant tirer de conclusions hâtives. Les réseaux sociaux et le site internet permettent de développer de la médiation en ligne sans forcément faire appel à des techniques très sophistiquées, ce qui réduit les coûts. En revanche, cela ne dispense pas d'une réflexion poussée et de contenus de qualité. En ce qui concerne la médiation in-situ, l'industrialisation des techniques donne la possibilité d'un audioguide enrichi pour un budget peu important. Ce Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 85


type de projet peut être mené dans un cadre détaché des politiques de médiation du musée mais, dans ce cas, il apporte peu de valeur ajoutée par rapport à un audioguide classique. Là aussi, la réflexion est importante et pourra déterminer son succès auprès du public. Les technologies de médiation ne sont donc pas l'apanage des grands sites. Une réflexion poussée permettra aussi de poser des garde-fous pour se prémunir des sirènes de la spectacularisation et de la gadgetisation. Autrement dit, de ne pas privilégier la forme sur le fond. Enfin, c'est cette démarche qui distinguera un musée qui fait preuve d'innovation ou de modernité, d'un autre qui se contente de transposer un usage ancien sur un support nouveau. L'outil n'est pas moderne en soi, mais la démarche peut l'être.

Face à tous ces changements et ces pratiques, face à l'inconnu, il est normal que des craintes émergent. La plus courante concerne la place de l'humain et du site face aux technologies. Les médiateurs ont une position ambivalente, entre défiance et enthousiasme. Toutefois, ils sont conscients des limites et des forces non seulement de l'outil mais aussi d'eux-mêmes. À la suite de quoi, ils tirent une conclusion de complémentarité. Toutefois, cette complémentarité n'existe que si le dispositif est pertinent et basé sur du contenu solide. Les visites virtuelles peuvent toucher des publics qui jusque-là ont été absents, malgré les nombreuses politiques culturelles à leur égard. C'est un premier pas, une première découverte qui peut se concrétiser ou non. Mais c'est peut être le déclencheur qui manquait pour attirer les « publics empêchés » et commencer une véritable démocratisation culturelle. L'outil numérique, sous réserve de sa qualité, est pertinent et enrichissant dans le musée, non seulement en visite libre mais aussi en visite guidée. Mais les influences ne se limitent pas à cet aspect du métier. À l'avenir, les effets sur l'organisation du musée pourront entraîner un enrichissement des tâches du médiateur. Il s'occupera de charges de plus en plus périphériques à la visite guidée, notamment au niveau du contenu et de la conception des dispositifs. Pour cela, il pourra utiliser des formes plus variées de transmission comme le storytelling ou le transmédia. Pour les médiateurs, il pourra être amené à sortir de la structure, à aller chercher les publics où ils sont, d'une manière physique, par l'intervention en milieu scolaire, ou virtuelle, par les réseaux sociaux. Jusque-là, les thèmes abordés concernaient exclusivement l'aspect interne au musée. Mais toutes ces stratégies et ces questionnements ont une préoccupation commune : le visiteur. C'est pour lui que sont conduits tous ces projets. Les musées lui proposent donc une diversité d'expériences, toujours dans un objectif de transmission du savoir. Il peut participer Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée Le projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 86


à la vie du musée, établir une relation avec les œuvres de différentes manières grâce à l'interactivité mais aussi mieux visualiser les concepts grâce à différentes techniques. L'outil numérique trouve alors le sens premier de la médiation : créer un lien. Face à l'omniprésence des TIC, le musée peut aussi faire le choix de ne pas les utiliser et être à contre-courant de cette tendance, en toute connaissance de cause. Avec la connexion permanente vient la stimulation permanente. Il peut proposer une expérience « déconnectée » du monde pour que le visiteur soit dans une ambiance calme et apaisante, reposante. Un temps à part, en dehors de la vie quotidienne et dont rien ne vient la rappeler à lui. Les technologies permettent aussi de collecter des informations sur le visiteur, dans le but d'une personnalisation. Dans l'hypothèse où l'intelligence ambiante se développe et où le musée peut récolter des informations sur les désirs et les intérêts des visiteurs, il pourra avoir un rôle amenant vers l'ouverture d'esprit et l'élargissement de ces intérêts, la surprise et l'étonnement. C'est à dire qu'au lieu d'utiliser ces informations pour proposer quelque chose que le visiteur apprécie mais connaît déjà, il les utilisera pour lui faire découvrir des choses annexes voir complètement contraires. C'est aussi un des rôles du musée d'élargir les possibilités du visiteur, de faire grandir son potentiel, c'est peut-être en cela que le musée pourra devenir un espace public d'expression.

Les TIC ont influencé de nombreux aspects de la médiation mais d'une manière générale, on peut retenir que l'investissement collectif et la réflexion poussée constituent la base pour mener un projet de qualité. Les technologies de médiations sont des outils conditionnés à la façon dont on les utilise, pas une fin en soi. Si le contenu prend un aspect secondaire, le musée risque d'évoluer ver le spectaculaire, sans fondement scientifique. Il peut alors basculer dans une logique de divertissement et se détacher de ses missions premières. Face à l'accessibilité de l'information ou plutôt des milliers d'informations, le rôle du musée n'est-il pas de faire le tri ou mieux, de sensibiliser les visiteurs sur cette question leur permettant eux-mêmes de faire la part des choses ? D'embrasser pleinement son rôle de médiateur en proposant, avec de nouvelles expériences, les informations pertinentes face à une œuvre d'art, pour réfléchir à des enjeux de société, pour que sa valeur ajoutée ne soit pas de transmettre le savoir mais un savoir avec l'exposition de points de vues différents ? Afin d’aiguiser le libre arbitre, valeur particulièrement importante. On en vient toujours au point de épart : faire grandir, s'épanouir le visiteur, éveiller les consciences.

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Table des illustrations Illustration 1: Le Wall Collection au Musée d'Arts de Cleveland............................................80

Table des tableaux Tableau 1: Les trois types de muséologies selon Raymond Montpetit.....................................66

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Annexes

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