Manuel éducation canine

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CANISCOOL Manuel technique Comment éduquer mon maître

Conception et réalisation achevée en Novembre 1996 Manuel Castaneda Saisie pour la mise en ligne et réédition Sébastien Richard Décembre 2006 Ce manuel est déstiné à la clientelle des éducateurs canins de l'équipe CANISCOOL

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SOMMAIRE Introduction

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Chapitre 1 : Comment faire d'un chien un compagnon Inca un chien pas comme les autres

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M'obéira-t-il

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Mais qu'en pense Mme Toutou

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Et lui qu'en pense-t-il

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Une formule 1 ? Un chien ?

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Qu'est-ce qu'un chef de meute

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Qui sommes nous à ses yeux

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Chef de meute ou serviteur

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Devenir chef de meute

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Soyons de bons sauvages

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Sa place affective au sein de la famille

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Les dangers de l'anthropomorphisme

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L'apprentissage du chiot

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Les différentes races

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La loi du plus fort

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La fidélité

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Conclusion

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Chapitre 2 : Le comportement animal Les communications non verbales

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L'apprentissage spontané

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Les techniques d'approche

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Les grands fauves

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La peur du gendarme

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Du domestique à l'utilitaire

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Chapitre 3 : L'éducation au quotidien Est-t-il opportuniste ?

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A quoi tient l'autorité ?

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Un maître mot ''persévérance''

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Le rappel aux pieds

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Les bêtises

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Les visiteurs

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Les crottes

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Les repas

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Les portes

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Sa place

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Les accidents

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Gérer le jeu, les caresses

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En voiture s'il vous plait !

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Les sorties

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Chapitre 4 Drôles de chiens : Quelques caractères types Mensonges dans le travail

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Le malade imaginaire

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Le faux soumis

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L'affectueux ou le faux martyre

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Laxo le maladroit

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Le dur d'oreille

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Le joueur

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L'agressif

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L'hyper actif

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Les indépendants

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Le fugueur

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L'hyper possessif

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Le craintif

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Chapitre 5 : L'obéissance au travailler Les activités canines

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La finesse des ordres

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La récompense

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Il n'y arrivera jamais

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Les dangers du laxisme

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Savoir finir en beauté

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Le couché pas bouger

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Êtes-vous crédible à ses yeux

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Le mote de la fin

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Bibliographie

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A lire

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INTRODUCTION Il est bien évident que ce manuel ne fait pas l’objet des exercices de base que nous verrons ensemble dans la pratique, il est un complément d’information pour tirer le meilleur profit, et appliquer de manière efficace, dans la vie de tous les jours ce que nous verrons sur le terrain. Lors du bilan comportemental, comme vous avez dû le constater, je raconte beaucoup de choses, des vérités essentielles ou des banalités qui peuvent parfois vous laisser perplexe ou vous sembler très logiques. Mais malgré le fait que tout le monde sache qu’un chien male lève la patte pour uriner, savez-vous pourquoi il ne le fait qu’à partir d’un certain âge ? Pourquoi avant cet âge donné il faisait comme les femelles ? Pourquoi il le fera plus ou moins tard dans son adolescence que certains adultes arrivent encore parfois à faire comme les femelles ? Que l’endroit et la fréquence révèlent un certain caractère et induisent un certain comportement ? Pourquoi parfois après une longue promenade, il attend d’être rentré pour se soulager, etc… ect.. En effet ce sont là des attitudes comportementales essentielles qui peuvent apporter des renseignements précieux au cynophile* averti, mais auxquels nous accordons en général bien peu d’importance. Bien des gens pensent connaître les chiens parce qu’ils ont toujours vécu avec eux, mais, avoir vécu toute une vie aux côtés des chiens ne veut pas forcément dire les connaître, à moins d’avoir de bonnes bases pour pouvoir tirer des conclusions objectives suite à un travail d’observation conséquent. Comme par exemple les attitudes citées ci-dessus. Beaucoup de gens restent incrédules quand j'explique, que leurs compagnon est un canidé, et les raisons qui motivent son comportement. Et, tout en admirant la petite boule de poils qui se trouvent près d’eux, pensent au fond d’eux mêmes : « mais non, le mien n’est pas comme ça ». Et malgré tout ce que je puis dire, sans les bases qui seront décrites dans ce manuel on a parfois du mal à se faire au fait qu’un chien est un animal qui pense certes mais reste un animal avec des centres d’intérêt somme toute bien terre à terre. Certains d’entre vous se reconnaîtront dans ce manuel, avec un goût amer ou un sourire en coin; alors j’aurais déjà réussi l’un de mes objectifs, celui de n’oublier personne, pour que chacun s'y retrouve, ainsi que son chien de manière à mieux cerner la relation à établir. Ce manuel n’étant pas destiné à la vente, je ne chercherai donc ni à vous flatter vous-même ni à flatter cet animal qui fait l’objet de nos préoccupations dans un récit romancé. J’essayerai simplement d’être le plus réaliste possible, pour vous faire découvrir ou redécouvrir votre compagnon de manière objective. Malgré le fait que je mettes toujours les méthodes douces en avant, parfois vous trouverez mes conseils assez rudes, mais dans ce manuel comme dans la pratique, je me dois d’être aussi ferme que le serait un chef de meute, et vous en conviendrez après lecture de ce qui va suivre, chez les chiens il y a peu de place pour les sentiments. A chacun sa manière d’aimer les chiens; certains les préfèrent en poster, ou dans un enclos; d’autres comme vous et moi aiment vivre et communiquer avec eux. Mais comme l’éducation de nos enfants dans certains cas, même si nous arrivons à communiquer avec eux cela ne suffit pas; une certaines rigueur est nécessaire, pour mener à bien leur éducation. En plus du pouvoir de convaincre, cette rigueur à adopter confirme à l’animal qu’il a à faire à quelqu’un de cohérent, ce qui a pour effet de le rassurer de le sécuriser et le recadrer. Si le fait de vous montrer les dents, ou de prendre des attitudes dissuasives vous fait abandonner le travail en cours, vous lui laisserez entendre que vous n’êtes pas fiable, et qu’il vaut mieux qu’il assure lui même le rôle de chef de meute, « protecteur du groupe » dont tout chien à besoin. Je parlerai souvent de l’éthologiste *Konrad Lorenz, qui a éveillé en moi une manière différente d’apprécier les chiens. Lui même commence l’un de ses livres en retraçant d’abord le côté négatif de nos animaux de compagnie, car comme il le dit, il faut vraiment avoir une patience à toute épreuve pour les aimer. Et tant que nous n’aurons pas voulu reconnaître et accepter, le côté contrariant de nos compagnons, nous ne pourrons pas les apprécier à leur juste valeur. « C’est bien pour ça qu’on les aime » m’a dit un jour l’un de mes clients, alors que nous parlions du contrôle « relatif » que nous exerçons sur eux. C’est bien comme cela que je l’entends. Ce sont avant tout des personnalités ; ce ne sont pas des machines qui agissent mécaniquement. Ce sont ces réactions imprévisibles qui parfois nous mettent hors de nous, mais malgré tout nous attendrissent quand même ; c’est bien pour ça qu’on les aime. *Cynophile : Passionné des activités canines. *Konrad Lorenz : Fondateur de l’éthologie, et prix Nobel en médecine animale

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COMMENT FAIRE D’UN CHIEN UN COMPAGNON ''INCA'' , UN CHIEN PAS COMME LES AUTRES Il me semble que sans les récits de faits vécus, qui seront relatés tout au long de ce manuel, mes propos n’auraient pas la même valeur. C’est pourquoi vous trouverez quelques exemples de mon expérience personnelle comme celle qui suit. Il m’a fallu de longues années pour réussir à gagner l’estime de mon chien Inca, la fidélité, et l’obéissance qu’il me voue aujourd’hui. C’est un nordique, un husky, et je vous laisse apprécier par vous même comment Konrad Lorenz définit cette famille. En parlant de Pygi, la chienne de sa femme, il disait : « En promenade, Pygi s’en allait toujours chasser de son côté ; ma femme était-elle rentrée une seule fois du bois avec sa chienne ? Il aurait mieux valu acheter tout de suite un chat siamois, il serait encore plus réservé et encore plus propre et il serait ce dont il avait l’air, c’est à dire un chat ; Pygi n’était pas un vrai chien ». Bien sûr, dans le texte, il traite ces quelques lignes sur un ton humoristique, car ces chiens sont ses préférés. Mais sur un ton plus sérieux, il déclare aussi : « Un nordique réduirait un dresseur au désespoir » ou « il mourra s’il vous perd, mais il ne reviendra pas si vous l’appelez, c’est pourquoi l’on ne voit presque jamais de nordique en ville se promener sans laisse à côté de son maître ». Il ajoute « Le nordique a beaucoup de traits des grands félins » et pour finir il dit : « C’est par tout ces défauts qu’il est très peu apprécié des spécialistes de l’espèce canine ». Il est objectif et réaliste. Inca, mon husky, c’est mon préféré. J’aime toutes les races et tous les chiens en général ; ils ont chacun leur personnalité bien à eux, de quelque race qu’ils soient. Mais c’est avec lui que j’ai réussi, après de longues années de travail et de vie commune à établir cette complicité. C’était pour moi un défi personnel, de réussir à lui faire faire à peu près tout ce que l’on peut espérer d’un parfait Berger Allemand, mis à part les activités de mordant, qu’il répugne à faire catégoriquement. Maintenant, c’est chose faite .En plus de tous les ordres pour mener un attelage de chiens de traîneau, il accomplit à merveille tout un tas d’autres exercices, qui laisseraient un Konrad Lorenz rêveur, malgré tout le respect que je lui dois. Les huskies n’aboient pas dit-t-on. J’ai même entendu dire que c’était à cause d’une atrophie génétique des cordes vocales. Pourtant c’est bien d’un joli « ouaf ouaf » qu’il répond quand je lui dis « kess t’en pense ? Un nordique décidé à travailler fait preuve d’un grand sérieux. Le tout est de réussir à éveiller en lui des motivations qui le pousseront à s’exécuter. Je savais que se ne serait pas une mince affaire à en croire tout ce que j’avais lu et entendu dire sur ces chiens. Il s sont fugueurs, infidèles, têtus, bagarreurs, mangeurs de poules ; ils ne montent pas la garde, ils ne mordent pas etc… etc… autant de prétendus défauts qui sont en fait des qualités, qui faisaient l’objet des critères de sélection de la race. Il est certain que le husky est un chien différent. Mais c’est bien un husky que je voulais, et c’est bien grâce à lui que j’exerce aujourd’hui ce métier si passionnant. N’ayant rencontré sur notre parcours que des gens bornés, qui ne pensaient qu’au côté travail du chien, en délaissant complètement le côté relationnel, Inca m’a fait comprendre, qu’il manquait un genre de dresseurs, ceux qui ne s’intéressent qu’au chien par lui même et non au travail qu’il peut fournir, ou aux honneurs d’un podium. Il m’a fait comprendre qu’il y avait sûrement beaucoup d’autres gens, qui comme moi, se trouvaient déplacés dans ces clubs canins où seules comptent les performances. Dans les clubs de chiens de traîneau, les gens disaient : « il est fou ; il essaye de le faire asseoir ; un husky ça ne s’assoit pas, c’est fait pour tirer ». Savent-ils seulement apprécier cette race à sa juste valeur, en la considérant comme une race mentalement arriérée et

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primitive au point qu’elle ne soit capable que de courir devant un traîneau. Je ne pense pas. Je partage moi même une relation bien plus intéressante avec mon chien. Quand il mène l’attelage, il fait sont travail consciencieusement, et le reste du temps, nous faisons tout un tas d’autres activités ensemble, qui lui procurent une liberté que bien d’autres huskies ne connaissent que dans la fugue. Tout ceci pour dire que vous ne pourrez évoluer qu’avec vos propres conclusions, à la suite du travail que nous avons entrepris ensemble. Mais seuls vous et vous seuls pourrez établir une relation complice, avec votre compagnon et même s’il fait partie de ces chiens au fort tempérament. M’OBEIRA-T-IL ? L’objet de ce chapitre est de répondre et d’analyser la question que j’entends très souvent et que vous devez vous poser sûrement : « m’obéira-t-il ? » Lors d’un bilan comportemental, à l’issue du quart d’heure habituel de travail en tête-à-tête avec le chien (un dobermann ), son maître s’exclama ébahi : « Mais c’est pas vrai cette histoire, que les chiens n’ont qu’un maître ? » Cette question reflète une vérité essentielle, ils obéissent à ceux qui savent les faire obéir, alors pourquoi pas vous ? En effet comme dans 90 % des cas, lors des bilans comportementaux, en 15 minutes j’avais réussi à faire faire à ce chien tout ce que son maître, n’avait jamais réussi depuis son acquisition. Marché aux pieds sans laisse, assis, couché, couché pas bouger, retour au pied, etc…Et tout cela sans jamais élever la voix. Pour un néophyte, il y a de quoi se poser des questions. Il y a un truc. Est-ce un don du Saint Esprit, de la communication par télépathie, de l’hypnose comme me l’a dit un jour une cliente. Analysons quelques paramètres. Tout d’abord, le chien ne me connaît pas, mais la communication entre nous commence dès le premier regard, en franchissant le seuil d’entrée. Ensuite, j’adopte une attitude déroutante vis-à-vis de lui, en fonction de son caractère, et ne lui donne aucun signe qui lui permette de me juger, alors qu’en général, en deux minutes, il arrive à connaître le caractère des visiteurs habituels. Le visiteur habituel adopte généralement un comportement stéréotypé, que le chien connaît bien et par ce fait, il sait immédiatement à qui il a faire : *Mme Toutou, un joueur, un indifférent, un soumis potentiel, etc…Mais aussi et surtout ce qu’il pourra en tirer, une gourmandise, une caresse, un moment de jeu voire un processus de soumission, (conscient ou inconscient) de la part du visiteur, lui prouvant qu’il est bien le dominant de la maison et que cet intrus ne risque pas de lui disputer cette place si confortable. Je disais donc qu’il ne me connaît pas, et de plus, je me comporte comme un martien. Il est alors plus attentifs et interrogatif sur mes intentions, et plus disposé à écouter ce « visiteur du troisième type ». Mais rassurez vous, ce n’est pas la seule et unique raison pour laquelle j’arrive à tirer pas mal de choses de la part d’un chien en un quart d’heure… sinon il faudrait que je plante mon tipi dans votre jardin, pour traduire chacun de vos ordres. Mais justement, bien que je possède les atouts pédagogiques pour lui apprendre tout un tas de choses, qu’il comprenne ou non, ce n’est pas le plus gros problème. Il faut aussi qu’il veuille bien s’exécuter et c’est là que commence la plus grande partie du travail, à proprement parler, « la phase d'acceptation ». En partant de ce comportement neutre, je pourrais adopter plus facilement un comportement de renforcement positif ou de renforcement négatif, en fonction des réponses du chien. Et il sera plus apte à adopter le bon comportement pour obtenir mes faveurs. *Mme Toutou : voir chapitre suivant, mais qu’en pense Mme Toutou.

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Bien entendu, vous il vous connaît, il à l'habitude d'obtenir vos faveurs sans effort, vous aurez donc plus de difficultés à asseoir votre autorité ; d’où l’intérêt de comprendre le B.A-BA de cette relation, qu’il faudra remanier, et pour certains, changer du tout au tout, pour prendre ou reprendre cette place de chef de meute, qui est la seule que vous devez occuper, pour faire de votre canidé un compagnon équilibré et dévoué. C’est tout le côté technique que nous allons analyser ci-dessous, pour vous donner les même armes que celle que je possède, ce qui, comme vous pourrez le constater, n’est pas un mince affaire, et qui vous permettra de réussir au mieux votre entreprise. Quant à la question : « M’obéira-t-il ? » vous trouverez la réponse dans ces quelques pages, bonne chance.

MAIS QU’EN PENSE MME TOUTOU ? Avant de continuer cette première partie, la courtoisie veut que je fasse d’abord les présentations de cette dame que nous allons appeler Mme Toutou. Cette dame a une optique bien particulière du chien. Elle fait de lui un objet d’affection, voire un objet d’art, une idole à laquelle elle donne parfois des valeurs humaines, et a tendance à lui parler comme à un enfant. Cet état de fait est très fréquent et porte un nom : « *l’anthropomorphisme » Pour des raisons pratiques, et sans aucune pensée péjorative, nous lui donnerons ce nom, mais seulement pour son côté évocateur qui vous mettra tout de suite dans le contexte, chaque fois que nous y reviendrons. Car malheureusement nous y reviendrons très souvent. Mais qui est cette fameuse personne, et que vient-elle faire ici ? Elle n’est pas forcément une dame d’ailleurs ; il aurait pu s’appeler Mr Dupont, mais son nom, son sexe, son âge, n’ont aucune importance, ce qui nous intéresse c’est son profil *cynologique. A ce sujet nous avons des renseignements déjà beaucoup plus précis. ·

Soit elle n’a pas de chien, et ne connaît rien des chiens mais les aime beaucoup.

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Soit elle a toujours eu beaucoup de chiens, et ne connaît rien des chiens, non plus, mais les aime beaucoup aussi.

Nous savons de source sûre qu’elle souffre d’anthropomorphisme aigu, et qu’elle est très entreprenante quand il s’agit d’éduquer les chiens des autres, et surtout quand on ne lui demande rien. De ce fait elle fait partie intégrante de l’éducation de votre chien, car en effet elle viendra sûrement interférer dans votre travail pédagogique, avec ou sans votre sollicitation, méfiez vous, elle peut surgir de n'importe où et à n'importe quel moment, scrutez bien le moindre buisson alentour. Vous l’avez sûrement déjà rencontrée ; peut être même vous a-t-elle déjà interpellé. Mais plus grave encore, votre chien la connaît aussi, et sait très bien la prendre à partie. Nous y reviendrons. Pour le moment nous allons simplement nous contenter, de savoir en faire abstraction. Dans le travail avec notre chien, comme l’éducation de nos enfants, cela ne concerne que nous, à la seule différence que nos enfants, eux, comprennent le français. Dans certain pays d’Amérique latine comme au Chili l’enfant est roi ; on le vouvoie. Il fait l’objet de toutes les attentions à tel point que l’on peut remarquer sur certaines brochures destinées aux touristes, des mises en garde quant aux attitudes à adopter avec leurs propres enfants. Il leurs est conseillé de ne jamais les réprimander dans des lieux publics, au risque de se faire agresser par des gens du pays.

*Anthropomorphisme : attribuer des réactions humaines aux animaux. *Cynologique : Voir l’anecdote de la pharmacie dans (devenir chef de meute)

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Chez nous l’on peut se permettre de donner une gifle à un enfant dans un lieu public sans éveiller la colère de quiconque. Il m’est souvent arrivé de voir des enfants se faire gifler, tirer les oreilles ou subir d’autres réprimandes corporelles dans la rue, mais il ne m’est jamais arrivé de voir un passant intervenir. Bizarrement donner traction de laisse à un chien et, parfois, le simple fait de lui donner un ordre soulève bien souvent des polémiques à mon sens quelques peu exagérées. Il m’est même arrivé une fois de voir débarquer la police et, de recevoir deux coups de fil le soir même de la part d’associations de protection des animaux, car paraît-il je maltraitais un chien. Cette personne si effrayée qui a pris la peine d’alerter toutes ces autorités n’a, par contre, pas pris la peine de venir constater, sur les lieux, le travail que nous faisions. Il s’agissait d’un chien qui était inséparable de sa maîtresse et c’était justement son problème. Lorsqu’elle le laissait tout seul à la maison il ameutait tout l’immeuble avec ses cris. Alors que si cette dame Toutou avait pris la peine de se déplacer elle aurait pu constater qu’il était impossible d’éloigner ce chien de plus de cinq mètres de sa maîtresse sans qu’il pousse des cris exagérés. Je défierais même Brigitte Bardot de réussir une telle épreuve sans se faire insulter par une Dame Toutou qui aurait tendance à confondre sa fenêtre avec un poste de télévision interactif. A mon tour, je vous mets donc en garde quant aux attitudes à adopter avec votre chien en public, à la maison comme à l’extérieur. Méfiez-vous de toute assistance, même des plus proches, comme les membres de la famille, des amis ou des inconnus qui pourraient très rapidement se métamorphoser, en Mme Toutou. Evitez donc les sanctions en public, mieux vaut se désolidariser du problème d'une manière ou d'une autre, mais sans perdre la face vis-à-vis du chien, changez de registre. pour vos enfants par contre, je vous donne le feu vert, vous ne courrez pas le moindre risque. Le chien sait très bien quand il y a plein de Mmes Toutou dans la maison et essayera d’en tirer profit. Et plus il gagnera, plus il recommencera pour finir par devenir totalement incontrôlable en présence d’amis ou d’étrangers. Sachez aller jusqu’au bout quand vous lui avez donné un ordre en leur présence, et soyez aussi ferme avec eux qu’avec lui, ou alors n'en donnez pas. C’est vous qui rencontrez des problèmes avec votre chien ; c’est vous qui avez mal au dos, à force de vous faire tirer comme un traîneau ; c’est vous qui avez dû dédommager le paysan d’à côté ; c’est vous qui avez des problèmes de voisinage, et pour finir c’est vous qui serez obligé de payer un autre dresseur, pensant que mon travail a été inefficace, suite à l’échec total que cela peut engendrer. Vos amis, eux, après avoir bien mangé, bien bu, bien caressé le gentil toutou, rentreront tranquillement chez eux pendant que vous, vous passerez des nuits blanches. C’est vrai, après tout, qu’il a l’air bien gentil ce toutou. Mais c’est justement, c’est parce qu’on s’en occupe, nous au lieu de nous en séparer. Si certains se reconnaissent dans ce personnage, je le traite avec le même ton humoristique que je traite les autres sujets. La vie est trop courte, nous devons être objectifs, n’est-ce pas. « Connais-toi toi même » dit la maxime attribuée à Socrate, mais prononcée par Chilon, et reprise par K. Lorenz, d’ou je la tiens moi même.

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ET LUI QU'EN PENSE-T-IL ? N’en déplaise à Mme Toutou, vous, vous avez pris la bonne décision. Suivre des cours d’éducation canine, mais votre chien lui, qu’en pense-t-il ? Dans cette première partie, c’est justement ce que nous allons essayer de comprendre : ses instincts naturels, la meute, ce qui le motive, comment il interprète vos faits et gestes ? En deux mots, nous allons faire une étude sommaire de ce qui dicte son comportement. UNE FORMULE 1 ? UN CHIEN ? D’après les théories de Konrad Lorenz, il est deux grandes familles de chiens qui seraient à l’origine de toutes nos races modernes. L’une descendrait du « Canis Aureus » les chiens de types européens et l’autre descendrait du Canis Lupus, les chiens de type nordique, mais il ne connaissait pas encore le type *canis cool. Dans le premier groupe ( canis aureus), il classe les chiens de type européen, comme le Berger Allemand et même ceux de très grande taille comme les dogues. Dans l’autre groupe, il classe les chiens nordiques. Mais cette théorie n'est plus d'actualité, *aujourd'hui on tend à dire que tous les chiens descendent du loup, même le Chihuahua. Nous retiendrons donc, que sur un plan comportemental, donc la vie sociale comme le code du langage, le territoire, la hiérarchie, les diverses périodes critiques, etc… Sont les mêmes que chez les loups. Le point crucial qui nous concerne tout particulièrement, c’est leur degrés d’attachement à l’homme. Les chiens nordiques sont très indépendants, d’où leur réputation d’être indressables. Or les chiens comme les Labrador sont très proches de l’homme et du coup beaucoup plus aptes à lui obéir. Mais il y a aussi ceux dont l’état d’indépendance découle d’un mode de vie laxiste, de la part de leurs maîtres qui les laissent, sans s’en rendre compte, livrés à eux mêmes, alors que, comme nous le verrons plus loin, l’on ne peut espérer obtenir la moindre obéissance de la part de tels *chiens à moins de rétablir une liaison plus profonde, ou ne travailler sur les principes du conditionnement. En règle générale les chiens de type européen sont effectivement beaucoup plus attachés à l’homme et conserve un état d’esprit très enfantin, même à l’âge adulte. Avec un *chien de ce groupe, il sera donc assez facile d’obtenir des réponses sans pour autant être un cynophile averti. Lorenz explique que cet état d’esprit infantile facilite les rapports homme chien par le fait que le chien considère l’homme plus comme sa mère que comme un chef de meute, alors il manifestera, toujours ou presque, une certaine obéissance, assez satisfaisante. Or, dans l’autre groupe on trouve les chiens indépendants, au caractère bien plus complexe, comme le Husky, pour qui se substituer à la mère ne suffit pas. Avec eux, c’est au chef de meute qu’il faut se substituer, pour obtenir la même fascination, ce qui reste bien plus délicat et n’aboutira qu’à la suite d’un travail relationnel rigoureux pour établir un lien fort. L’intérêt de chapitre est de vous faire comprendre que même si votre chien est réglé comme une formule 1, selon sont caractère, il ne suffira pas de faire les mêmes gestes et dire les mêmes mots que l’éducateur, pour qu’il démarre au quart de tour. Il faudra en plus de ça, être crédible pour gagner sa confiance, son estime et lui inspirer le respect. Mais votre crédibilité est fonction de votre attitude de tous les jours, celle qui lui dit que vous êtes soit un serviteur, soit un chef de meute. Il vous faudra donc gagner cette crédibilité. A tout moment je pourrais prendre votre chien pour vous prouver qu’il est bien « dressé », mais ce n’est pas le but du jeu, c’est d’éducation que nous parlons. Votre enfant pourrait se montrer très performant à l’école, mais invivable à la maison. Le changer d’école ou lui faire suivre des cours du soir ne changera rien au problème. Il en va de même avec votre chien; c’est a vous de gérer la vie à la maison. Moi, je ne peux que vous donner les éléments pour mieux réussir. *Canis cool : chien agréable à vivre. *Aujourd’hui : Voir « l’homme et l’animal » édition planète. *Chiens : Nous approfondirons le cas des chiens indépendants dans le chapitre « drôles de chiens »

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Une autre méthode consisterait à le conditionner, le mater, le faire plier, en fait, à le faire agir mécaniquement tout en baissant les oreilles à chacun de vos ordres. Mais nous serions alors dans un domaine dans lequel j’évite d’évoluer. Un chien est un être vivant et pensant, il n’est pas une machine. QU’EST-CE QU’UN CHEF DE MEUTE ? Le chef de meute est celui qui protège le territoire, qui assure la tranquillité de la meute, qui peut se reproduire, qui indique les directions à suivre, qui dirige la chasse, etc… En fait, c’est celui que tout le monde respecte et en qui on a confiance. Et je dirais plutôt qu’il fixe les interdits plus qu’il ne commande. Avant même sa naissance, le caractère du chien est inscrit dans sa carte génétique. Il pourra bien sûr évoluer en fonction de son vécu, soit s’affirmer, soit s’inhiber, et parfois même changer du tout au tout. Il sera donc, dès sa naissance soit un chef de meute potentiel, soit un soumis. A l’âge adulte, il devra trouver sa place et subsister au sein d’une meute. Cette meute doit sa survie au fait que chacun connaît sa place et s’y résigne, que tout le monde respecte les règles de vie. La cohésion du groupe en dépend. Les lois de cette meute sont régies et respectées au pied de la lettre, principalement par l’instinct de survie, ne laissent aucune place aux sentiments. Les faibles mangeront en dernier, ne se reproduiront pas devront monter la garde donc dormir peu, etc… Les plus forts mangeront les premiers, pourront se reproduire et auront les meilleures places territoriales, et pour finir, devront soit détrôner le chef de meute existant, soit quitter la meute. Pas de place aux sentiments. Un chien mâle au caractère particulièrement dominant sera, à l’âge adulte, chassé par le chef de meute ( qui est forcément son père, seul pouvant se reproduire ) et devra recréer sa propre meute ou devenir un solitaire, avec très peu de chances de survivre. Un chien faible n’est d’aucune utilité dans la meute ; il n’est qu’une bouche supplémentaire à nourrir. Mais étant incapable de s’en aller créer sa propre meute, il sera tout juste supporté par les autres. Il ne mangera que si la nourriture est abondante et vivra à l’écart des autres. C’est au souffre misère qu’incombe la tâche la plus ingrate : monter la garde, dormir peu et vivre constamment sur le qui-vive. Pour peu qu’il se blesse, personne ne s’occupera de lui. Il ne sera qu’un fardeau lors des déplacements et ne sera d’aucune utilité à la chasse. Il sera donc voué à vivre les quelques jours qui lui restent, comme un paria destiné à mourir.

QUI SOMES NOUS A SES YEUX Même si dans notre monde urbain le chien n’a plus besoin de chasser pour survivre, ses instincts le pousseront à recréer cette meute. Dès son arrivée dans sa nouvelle maisonnée d’humains, le chiot cherchera à savoir qui est le chef, puis le testera, pour s’assurer qu’il est un bon chef de meute, et en tirera ses propres conclusions pour agir en conséquence. S’il n’y a pas de chef de meute, le chien craintif ne se sentira pas en sécurité, alors que le chien dominant prendra volontiers cette place, une fois devenu adulte, pour peu qu’il ait été conforté à cette place, il sera très difficile de l’en détrôner.

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Une fois passée l’adolescence, il sera capable de mordre pour défendre sa place sur le canapé. On pense alors qu’il est devenu fou ; mais il n’y a rien d’anormal à cette réaction dictée par ses instincts ancestraux. Rien d’anormal non plus au fait qu’il soit capable de défigurer un enfant pour lui prendre son BN. C’est ce qu’il aurait fait aussi avec n’importe quel autre chien de son rang, ou de rang plus bas, qui lui aurait disputé sa place ou un délicieux os moelle. Par contre, il ne se disputera jamais contre le chef de meute ou un dominant bien affirmé dans sa place supérieure. Aucune méchanceté là dedans ; ce sont des instincts animaux qui dictent sont comportement. Le mal ou le bien, il n’en a aucune idée. Il sera plus ou moins agressif mais l’agressivité est inscrite dans ses gènes et contribue à la survie de *l’espèce. C’est ainsi que nous devons considérer le chien. Mais nul n’est besoin d’en faire un souffre misère ; il nous suffit de respecter nous mêmes ces règles ancestrales qui sont inscrites dans ces gènes, pour qu’il nous estime comme des congénères cohérents. C’est bien pourquoi il ne faut pas inverser les rôles en le considérant comme une idole car, s’il est fort de caractère, il deviendra inéluctablement un tyran.

CHEF DE MEUTE OU SERVITEUR Il est évident que tant que l’on ne demande rien à un chien, élevé selon un mode de vie plutôt laxiste, on n’aura pas de problèmes avec lui. Mais c’est justement, à cause de ce style de vie sans contrainte et sans discipline, que le remettre à sa place de chien sera d’autant plus difficile, surtout si l’on attend de rencontrer des conflits pour s’en occuper En règle générale, le chien dominant deviendra indépendant. Il vous considérera comme un serviteur indigne d’aucune attention si ce n’est pas pour obtenir une gourmandise, l’ouverture d’une porte, ou une caresse… Si, sans le savoir, vous l’avez conforté dans sur le canapé, le gaver de gourmandises et laisser traverser les portes comme bon lui marquer son territoire, ect… sont autant de votre part, lui demandant sa protection.

cette place de dominant, le laisser prendre place de caresses, le laisser n’en faire qu’à sa tête, le semble, le laisser tirer en laisse ou uriner pour signes qu’il interprète comme une soumission de

Rien d’étonnant qu’il soit capable de grogner en montrant les dents, si vous approchez trop près de sa gamelle, ou bien, si vous voulez reprendre cette place sur le canapé, pour regarder votre feuilleton préféré. Pour quelle raison un chef de meute digne de ce nom laisserait-il un repas à l’un de ses serviteurs qui l’a lui même promu, tout au long de sa vie, à ce rang de chef ? Il est alors plus difficile de renverser la vapeur. Il faudra pour ce faire être très attentif à tout ces petits détails de la vie quotidienne qui pour lui sont autant de signes et n’ont pour vous pas grandes importance. Mais le voulez vous vraiment ? Ferez-vous les efforts quotidiens qui feront de vous un chef, cohérent, juste, fort, déterminé, reconnaissant, joueur, ferme, patient…? That is the coueshtionne.

L’espèce : Je tiens à préciser que bien que je sois un adepte des théories de Konrad Lorenz, je n’approuve nullement les déviances qui tendent à appliquer à la société humaine les théories Darwinistes, à bon entendeur, bonne réception.

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Il est loin le temps où c’était une petite boule de poils ! Il est incompréhensible ce changement de situation Pourtant on lui a toujours donné beaucoup d’affection… L’affection ne suffit pas et ne fait pas, à proprement parler, partie du répertoire des canidés. C’est pourquoi, il est primordial de comprendre et de mettre en pratique cette relation de hiérarchie. Dans ces deux cas, qu’il soit dominant ou soumis, en l’absence d’un chef de meute fiable, il en découlera ce que nous, nous appelons *un dérèglement du comportement. Bien souvent, il suffit de recadrer la hiérarchie pour qu’il redevienne un compagnon agréable. Mais beaucoup de gens ont du mal à se faire à cette idée de hiérarchie. Qu’on le veuille ou non, les chiens sont des animaux et agissent selon des instincts ancestraux que nous humains devons contrôler. Assumons sa domestication pour une bonne cohabitation. Notre idéologie ne l’intéresse guère.

DEVENIR CHEF DE MEUTE Mis à part pour l’acte de reproduction, il vous faudra prendre cette place, dont nous allons étudier les rudiments. Devenir chef de meute ne veut pas dire considérer le chien comme un révélateur de taux d’autorité. Non, nous sommes bien d’accord là-dessus. C’est bien pour cela que je vous le confirme, pour ne pas vous laisser croire que devenir chef de meute, c’est adopter des attitudes *militaristes. Lui faire tondre le crâne et lui faire faire des exercices complètement inutiles, à longueur de journée. Non, un bon chef de meute sera celui qui respectera au mieux sa personnalité et réussira à obtenir son admiration. Non, le rôle d’un vrai chef de meute n’est pas d’humilier son subordonné. Il n’agit que par nécessité et se contente de savoir que les choses sont rentrées dans l’ordre, sans pour autant chercher à rabaisser le fautif, attitude assez commune à l'espèce humaine. Dans la nature, il ne donne pas d’ordres ; il indique des directives à suivre et veille à ce que les règles ancestrales, qui régissent la survie de l'espèce, soient respectées par tous. Devenir chef de meute, c’est savoir se faire chien « chien », ce qui ne devrait pas être difficile pour nous, humains, avec nos capacités d’adaptation qui ont mené notre espèce à un point aussi évolué. Seulement voilà, un facteur essentiel nous barre souvent la route. L’anthropomorphisme qui veut à tout prix que le chien devienne homme. Nous faisons fausse route, avec nos capacités de compréhension et nos techniques de communication élaborées( pour preuve ce manuel). Si l’on veut bien laisser de côté ces sentiments humanisant, déplacés et irrationnels en langage canin où l’abstrait n’a pas sa place, nous devrions réussir à nous faire chiens. Le contraire est impossible. Un exemple qui illustre bien cet état d’esprit anthropomorphique. J’entre, un jour, dans une pharmacie avec Inca, l’un de mes chiens un husky, qui se promène habituellement à mes côtés sans laisse. Une fois devant le comptoir, je lui demande de s’asseoir. Il esquisse un couché, du genre « attends, je m’étire ». Je m’en contente alors. Je demande mon médicament à la pharmacienne et jette un coup d’œil sur le chien. Il s’était déjà levé, bien sûr. Alors je lui demande de se coucher et il s’exécute. C’est alors que Mme Toutou fait irruption et me dit très fièrement « mais pourquoi voulez-vous qu’il se couche ? » Je lui réponds « pour qu’il se tienne tranquille ». Alors la dame rétorque, en caressant la tête de cette pauvre bête martyrisée qui, bien sûr, avait vu là une bonne occasion pour se relever : « mais s’il n’a pas envie ». Je lui ai simplement dit : « On ne peut pas leur

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laisser faire que ce qu’ils ont envie de faire ». Si c’est de la sorte que cette dame a éduqué ses enfants, ils sont peut-être en prison à l’heure actuelle. Militaristes : Un client de mon élevage, un formateur pour instructeurs de sports de combat militaire, m’a acheté un akita-inu. Il m’a expliqué qu’il achetait ce chien pour pouvoir transférer l’affection que son travail lui interdisait de donner aux humains qu’il côtoyait. M’ayant déclaré textuellement : « Ma mission consiste à casser mes élèves, psychologiquement, et physiquement, je dois les mettre sur les genoux, de manière à ce que, quand ils rentrent chez eux, ils se sentent forts ». J’en déduis que les méthodes militaristes sont basées sur le principe du lavage de cerveau, de manière à mieux pouvoir le remodeler. Ce n’est pas du tout ce que je préconise pour nos amis quadrupèdes. Contrairement à cette Mme Toutou, moi je connais les chiens. Je sais que si je l’avais laissé entrer dans cette pharmacie, et faire ce qu’il voulait, il aurait commencé par *marquer son territoire en urinant contre le comptoir, puis il aurait été voir derrière s’il n’y avait rien à manger et il aurait fini, peut-être, par faire une crotte en plein milieu de la pharmacie !!! C’est à la suite d’un long travail d’éducation que j’arrive à promener certains des mes chiens sans laisse, tout en étant sûr de ne causer de dommage, ni de désagrément à personne. Non, j’aime pouvoir leur donner cette liberté et je ne voudrais pas leur voir l’accès à cette pharmacie interdit comme dans tout autre commerce, auquel cas je me verrais obligé de ne plus les amener avec moi dans mes petites sorties qui sont autant d’occasions pour leur changer un peu le quotidien.

SOYONS DE BONS SAUVAGES Un chef indien dont je ne sais plus le nom (mais ça n’a pas grande importance a dit un jour. «L’un des plus grands défauts de l’homme blanc, c’est qu’au lieu de s’adapter à son environnement, il a adapté l’environnement à ses besoins. Que faire des buildings, alors que nous avons des grandes montagnes,… » Je ne ferais pas tout le discours mais l’essentiel y est me semble-t-il. Pour m’assurer que nous nous sommes bien compris, je vais vous citer une autre réflexion. Celle là, c’est le grand chef Seattle, de la tribu des Sioux ( mais je n’en suis pas du tout sûr, non plus ) qui a dit ça (mais ça j’en suis sûr) : « L’homme blanc, c’est celui qui s’est trompé, car il a fui un monde dans lequel il ne voulait plus vivre, pour venir s’installer sur nos terres ; alors il a cherché à recréer le même monde qu’il venait de fuir ». Où est le rapport avec nos canidés ? Nous allons y venir. Mais d’abord, je me permets de faire un parallèle entre le mode de vie des chiens et celui des indiens. Chez les indiens, quand un membre du groupe devenait trop vieux pour subvenir à ses besoins, il s’éclipsait du groupe pour aller à la rencontre de l’éternité. Lors d’un déplacement s’il ne pouvait plus suivre il s’arrêtait et le groupe continuait. C’était le cours des choses, depuis la nuit des temps. « Barbarie » me direz-vous. A vrai dire, je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que pour ces gens là, ce qui comptait c’était la survie d’un groupe et non celle d’un individu. Le vétéran était conscient qu’il handicapait le groupe et que, de toutes manières, on n’échappe pas à la mort. A quel point nous sommes nous trompés ? Je ne sais pas non plus. L’avenir nous le dira. *marquer : Ce qui m’est déjà arrivé avec Milou l’un de mes Akita-Inu ; dans un magasin de vêtements en cuir où je le tenais, pourtant, en laisse. A la suite d’un moment d’inattention, alors que je discutais avec le patron, il a très fièrement levé la patte droite pour laisser une petite marque odorante sur un très joli blouson en cuir à l’odeur je pense très attirante ou dérangeante.

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La relation avec nos chiens est toute proche. C’set un fait qu’avec nos tendances humanisantes, nous avons du mal à nous faire chiens pour communiquer avec eux. Nous essayons d’échapper aux regards foudroyants de nos congénères et adoptons des attitudes anthropomorphes, ou devrais-je dire mondaines, pour nous adresser à nos chiens. Et c’est peut-être pour cela que nous essayons de leur attribuer des réactions humaines, pour éviter de nous faire traiter de sauvages. Il est évident qu’il ne s’agit pas de lui mordre l’oreille s’il fait une bêtise, mais simplement d’être aussi ferme, dur et déterminé que le serait un chef de meute. Nous serons bien obligés de remplacer les morsures du dominant par des tractions de laisse et les grognements par des engueulades qui n’ont rien de sexy aux yeux de l’assistance. Mais bien souvent, on préfère lui parler en latin ou en espéranto, sur le ton le plus séduisant du monde, en oubliant complètement que l’on s’adresse à un chien. Croyez moi, aimer un chien, c’est aussi savoir passer par là. Ce qui nous intéresse, c’est son bien être et non l’image que nous projetons de nous mêmes. Soyons de bons sauvages !!!

SA PLACE AFFECTIVE AU SEIN DE LA FAMILL : Chien ou enfant ? Pensez toujours que votre chien assimile le groupe avec lequel il vit à une meute. Il vous considère, vous et vos enfants, comme des congénères, plus ou moins haut placés dans la hiérarchie. Comme je disais plus haut, le chien n’a pas le sens du *partage. Chez lui, il n’y a pas de place pour les sentiments. Au même titre qu’il disputerait une proie à un congénère, il est capable, selon son caractère, de défigurer l’un de vos enfants pour un BN, sans savoir l’importance que nous portons à l’aspect esthétique d’un visage. C’est pourquoi le chien doit être considéré en tant que tel et occuper la place la plus basse dans la hiérarchie ; sans dire, pour autant, qu’il faut en faire un souffre misère. C’est plus souvent que vous ne le pensez que le chien est traité comme un enfant de la famille, donc traité et placé au même niveau que les enfants, consciemment ou inconsciemment. On lui donne un gâteau, en même temps que le goûter des enfants. On cède à tous ses désirs, on lui laisse le canapé, il est gavé de caresses et de jouets. Un chien traité de la sorte finit par devenir de plus en plus exigeant. Il vient voler dans vos mains, en emportant parfois un bout de doigt et finit par considérer les enfants, qui sont traités au même titre que lui, comme des rivaux. J ‘ai chez moi un dalmatien, Lobo. Je l’ai achèté adulte en région parisienne, où il était considéré comme une peluche familiale. Adulte, il devenait dangereux ; ses maîtres envisageaient même l’euthanasie car ils estimaient dangereux de le replacer dans une autre famille. Après avoir passé une semaine avec moi, tout allait très bien. Jusqu’au jour où, en allant chercher mon fils, Alan, qui ne vit pas sous mon toit, le chien lui a bondit dessus, au moment où il s’apprêtait à prendre place sur le siège arrière de la voiture. Cette place était devenue la place de Lobo et, suite au traitement « à la parisienne », il l’aurait défendue à mort contre un enfant. Le cas de ce chien qui, à l’heure actuelle, est très équilibré mais toujours très dominant, reflète le danger à prévoir quand il est promu à un rang trop élevé dans la famille. Pour lui, un enfant représentait un concurrent, objet de jalousie due aux caresses, aux gourmandises et à l’affection mal distribuées. Deux enfants qui se disputent un BN, ça va. Deux chiens qui se disputent un os, ça peut aller. Un chien et un enfant qui se disputent un BN ??? *Partage : Voir chapitre est-il opportuniste.

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LES DANGERS DE L’ANTHROPOMORPHISME *Les chiens ne sont pas des humains en manteaux de fourrure. Nier leur véritable nature, c’est leur faire le plus grand tort. Supposez que l’on place un joli poulet rôti, au centre d’un enclos, dans lequel on lâche les deux chiens les plus gentils du monde, après deux jours de diète, n’en déplaise à Mme Toutou. Ces deux très gentils individus redeviendront de vraies bêtes sauvages, dans un combat acharné, jusqu’au moment où l’un d’eux se soumettra pour laisser à l’autre le soin d’entamer cette délicieuse proie. Comme le sens du partage, les sentiments comme nous, nous les concevons, n’existent pas dans le langage canin. Chez le chien, le soumis s’efface devant le dominant qui lui se met toujours en valeur au détriment des autres. Les limites de la tyrannie ne sont dictées que par l’instinct de survie de l’espèce qui lui dit qu’il a besoin des autres pour subsister. Avec nos tendances anthropomorphes, nous sommes poussés à nous apitoyer sur les plus faibles et à vouloir les dorloter, comportement aberrant et incompréhensible pour un chien. Encore un exemple, pour mieux clarifier ces propos et l’importance dans la relationnel hommechien. J’ai chez moi une dizaine de chiens qui vivent en parfaite harmonie. Un jour, une bagarre éclate. Je sors dehors et vois Inca, le chef de meute en titre, secouer Lobo (récemment arrivé) qui se trouvait au sol. J’interviens pour éviter le pire ; je chasse Lobo en le grondant, puis je félicite Inca, le caresse et lui donne l’os à l’origine de la dispute. Encore une fois, je me demande ce qu’en penserait Mme Toutou. J’explique mon geste. Un néophyte aurait, tout naturellement, chassé Inca qui avait le dessus, tout en se disant « il est méchant » et aurait donné le fameux os au pauvre martyr qui se faisait maltraiter. Une autre solution, tout aussi néfaste, aurait été de partager l’os en deux. L’une comme l’autre de ces deux options auraient eu pour effet de dérégler l’harmonie du groupe en créant une tension au sein de celui-ci. Le martyr se voyant encouragé par l’homme aurait réessayé de disputer la place du chef de meute et, ce coup ci, se sentant encouragé par l’homme, il l’aurait fait avec beaucoup plus d’ardeur. Le chef de meute, quant à lui, se sentirait trahi et perdrait confiance en l’homme. D’autre part, sentant sa place menacée, il la défendrait, lui aussi, de manière plus acharnée et s’en suivrait, certainement, une mise à mort la moindre occasion. Le néophyte déciderait alors de faire euthanasier ce chef de meute, à ses yeux, devenu fou. Triste fin pour un incident qui, dans la nature, sans cette intervention de l’homme anthropomorphe, aurait très vite été réglé et sans dégâts. La seule solution possible, si l’homme doit intervenir, consiste à conforter le chef à sa place de chef, en lui donnant ce qui lui revient, pour que la vie reprenne son cours normal.

*Les chiens : Jeanne Schintodans Sciences et Avenir.

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L’APPRENTISSAGE DU CHIOT Avec le chiot, le travail se fera sur une période plus longue, surtout pour ne pas vous laisser commettre les erreurs que l’on rencontre trop souvent. Tout ce que je dis peut sembler très logique. « Mais bon sang c’est bien sûr ! ». Seulement voilà, on fait toujours le contraire ; le tout c’est de s’en rendre compte et de ne pas continuer dans l’erreur. Encore une fois soyons objectifs ! Certains dresseurs disent « il ne faut pas leur prendre la tête avant un certain âge ! ». C’est vrai si l’on veut faire de nos chiens des bêtes de guerre. Si on leur laisse faire tout ce qu’ils veulent, ils se forgeront un caractère à toute épreuve et à moins d’être un maître chien endurci, qui passe son temps libre sur les terrains de dressage, il sera difficile de contrôler de tels chiens. Il faut savoir que pour ce genre de personnes, la seule chose qui compte c’est le mordant. Récemment, chez un éleveur de Rottweiller que je connais bien, j’avais remarqué un nouveau chien adulte. Je me renseigne auprès du jeune stagiaire qui s’en occupait, et celui-ci déclare, textuellement, « son maître l’a ramener car il n’est pas assez méchant » et rajoute l’a dessus « il ne devrait pas le reproduire, ce chien n’a pas de mordant ». Il est évident que nous n’avons pas la même conception sur les chiens. Mon travail consiste à faire des chiens de compagnie agréables à vivre et non ce que j’appelle « des chiens de box » que l’on ne peut sortir que pour le travail et qu’il faut surveiller comme du lait sur le feu. LES DIFFERENTES RACES Le choix de la race a sa petite importance et s’avère (en général) être un facteur révélateur de la personnalité du maître. J’ai, en général, une certaine réticence à prendre des clients qui possèdent des chiens qui font partie des races de travail. Car, bien souvent, ce sont des gens qui, comme ce propriétaire de Rottweiller, n’arrivent pas tirer de leurs chiens ce qu’ils attendaient d’eux. Alors, pour tenter une dernière chance ils finissent par m’appeler, en me disant : « il ne mord pas, ne chasse pas, ne garde pas, ne ramène pas le troupeau, etc… » Mais bien souvent, c’est cause perdue, car le chien n'a de valeur, à leur yeux, que par l’aspect travail. Du coup, ils s’en occupent très peu pensant que le chien fera seul son travail, comme tous ceux de la même race. Chaque race de chiens présente des prédispositions à certaines activités. Mais faut-il encore savoir éveiller en eux ces instincts innés, puis les contrôler. Le plus dur dans le rapport d’objet, ce n’est pas d’apprendre au chien à se jeter à toute allure sur l’objet en question. Cela, il le fera naturellement. La subtilité consiste à contrôler son engouement, qu’il démarre au bon moment, puis qu’il le ramène sans dégâts. Tout ceci est le fruit d’un travail bien précis qui ne fait pas partie de mon activité. Mais toujours est-il qu’il vaut mieux d’abord lui donner une bonne éducation avant de s’attaquer à des activités plus complexes. Envoyez le d’abord au lycée, pour pouvoir l’envoyer à l’université. Mais le problème est qu’une grande partie de gens n’est pas consciente de cet état de fait et pense, en achetant un Labrador, qu’il se conduira tout naturellement, sans aucune éducation au préalable, comme un parfait chien guide d’aveugle. Il faut savoir, à ce sujet, que le coût de l’éducation d’un tel chien s’élève environ à cent mille francs, que par ailleurs, ces chiens sont attribués à des personnes ayant elles mêmes suivi des cours d’éducation canine dans des centres spécialisés et qui bien souvent se voient l’attribution du chien refusée, si elles n’ont pas l’étoffe d’un chef de meute.

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Parfois on me dit : « Je ne comprends pas. Il fait n’importe quoi, il n’écoute rien à ce qu’on lui dit… et pourtant, c’est un labrador ! ». Il faut déjà savoir que cette race présidentielle, comme toutes celles qui ont vécu, ou survécu, à un phénomène de mode ( le Colley avec Lassy, le Dalmatien avec les 101, le Husky avec ses yeux bleus, le Berger Allemand et la police ) a été propulsée à la place n°1 des ventes, depuis son élection à l’Elysée. Toutes ces races font l’objet d’une telle demande de la part du public que les éleveurs se sont mis à produire, produire, et reproduire, sans se soucier de la qualité des producteurs. Mais aussi, nombre de particuliers, ayant vu là une manière comme une autre d’arrondir leurs fins de mois, se sont improvisés éleveurs en ce procurant tout ce qui pouvait ressembler à un Labrador pour alimenter un marché parallèle, économiquement plus intéressant. Résultat : La race se déprécie. On constate des maladies héréditaires de plus en plus difficiles à éliminer, en raison du nombre impressionnant de porteurs. Mais, tout aussi grave, on constate des caractères complètement divergents et à l’opposé de ce que l’on peut espérer de la race en question. Pendant le grand boom, on trouvera donc des chiens, portant le label Labrador, mais qui ressemblent autant au Labrador sur un plan physionomique et psychologique que je ressemble à Brigitte Bardot. Puis, la race s’éteint. Trop de déçus. Le marché étant inondé, les prix baissent. La production de la race n’intéresse plus personne, sauf quelques éleveurs passionnés qui continueront à produire, de manière laborieuse et consciencieuse, la race en question, celle qui les a séduits un jour et les a poussés à devenir éleveurs. Mais de toute façon, même à la suite d’un travail de sélection génétique rigoureux, on trouvera toujours des caractères complètement opposés, dans chaque race. Prenez par exemple une portée de sept frères et sœurs, de même père et mère, cent pour cent labrador. Vous y trouverez forcément sept petits Labrador avec chacun leur petit caractère bien à eux. Il n’est pas de « *Meilleur des mondes ». LA LOI DU PLUS FORT Encore un exemple de la générosité de nos amies les bêtes. A la suite d’une gastro-entérite assez corsée, une petite femelle (de mon élevage) de quatre semaines a passé deux jours et une nuit sous perfusion chez le vétérinaire. Elle avait pris quelques grammes et semblait en bonne forme quand je l’ai remise avec ses six frères et sœurs. Mais eux, le reste de la meute, ont dû la trouver bien faible pour mériter de continuer à faire partie du groupe. Le lendemain, je m’aperçois qu’elle avait une petite lésion à la queue. Rien de grave . Le jour suivant, j’entends hurler dans l’enclos ; j’accours et constate que Monkey Monstro, le plus gros de la portée, s’acharnait à lui mordre la queue et qu’elle restait immobile. J’interviens ; mais bien sûr, c’était trop tard. Le vétérinaire a dû lui sectionner les trois quarts de la queue. A la suite de cet incident ? je redoublais de précautions. Mais il me semblait quand même important de la laisser au sein du groupe pour qu'elle regagne sa place. Quelques jours plus tard, je m’aperçois qu’il lui manquait un bout d’oreille, et encore, quelques jours après, c’était un bout de l’autre oreille. Décidément, j’en conclu qu’elle était exclue du groupe et que sa vie était en danger. J’entends encore hurler dans l’enclos. C’était toujours la même ; ce coup-ci elle avait une bosse aussi grosse qu’un bouchon de champagne sur la tête. Branle-bas de combat. On l’envoie en vacances avec ma belle-mère. Elle en est revenue dodue comme un porcelet et hardie comme un taureau. *Meilleur des mondes : Roman d'anticipation d'Aldous Huxley, il imagine une société qui utiliserait la génétique et le clonage pour le conditionnement et le contrôle des individus.

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Depuis, elle a refait sa place au sein du groupe. On l’appelle Mini-Tail et a même trouvé acquéreur. Conclusion : Lors d’une de mes interventions pour séparer les monstres qui s’acharnaient sur cette pauvre petite bête, une voisine qui observait la scène me dit « Mais ils sont méchants » ; alors, je me suis permis de répondre « Non. Ce sont des chiens ».

LA FIDELITE Pour clore cette deuxième partie, j’ai choisi ce chapitre qui traite l’un des sujets les plus délicats. D’où lui vient cet attachement à l’homme ? Il est bien évident que nous pourrions discuter des heures à ce sujet. Nous aurons peut-être un jour le temps de le faire. Mais pour le moment je vous donne quelques éléments qui donnent à réfléchir. *Les amis des bêtes « humanisants » seront bien déçus, voir choqués d’apprendre que bien des oiseaux, même ceux qui vivent en couple pendant toute leur vie, n’attachent aucune importance au fait d’être ensemble et se fichent même complètement l’un de l’autre. Ce n’est que pour assurer leur rôle de reproducteurs, s’accoupler, construire le nid, s’occuper des oisillons qu’ils établissent cette liaison. On pourrait assimiler ce lien à une association professionnelle dans notre langage. Mais ce « mariage » est guidé uniquement par un instinct, celui de préserver l’espèce et n’a aucune valeur sentimentale, affective ou amoureuse, comme nous l’entendons. Certains diront encore que nos chiens ne sont pas comme ça. Surtout ceux qui sont capables de rester toute une journée sur les genoux de leur maître, à recevoir des caresses, tout comme mes femelles Dalmatiennes. Nous savons maintenant, d’après les études poussées des éthologistes, que le chien connaît deux périodes critiques : la période *d’imprégnation et la période sensible. Comme le disait le docteur *Michaux, récemment, dans un magazine spécialisé : « Actuellement, nous savons que le comportement du chien est conditionné par les huit premières semaines d’élevage ». Il parlait en particulier des éleveurs peu consciencieux ou qui connaissent mal leur travail et qui ne prennent pas le soin de socialiser les chiots pendant cette période, les laissant dans le chenil, jusqu’à ce qu’un acquéreur néophyte en emporte un sans savoir qu’il vient d’acheter un chien qui souffre de ce que l’on appelle « le syndrome de l’isolé de chenil ». Le chien ainsi isolé dans le chenil en sortira craintif à vie. Il ne se fera jamais à la vie urbaine. En quelques sorte, ce sera une bête sauvage et farouche qui ne mettra jamais sa confiance en l’homme. Certes, on peut améliorer cet état de stress, mais jamais le guérir complètement. Ces chiens-là ont peu de chance d'être des exemples de « fidélité ». Il me semble d’ailleurs intéressant de relever à ce sujet le fait que les gens mal informés, voyant un chien craintif, rejettent souvent la culpabilité sur le maître du chien. Or, ce dernier n’y est pour rien. C’est une cause légale d’annulation de vente.. La période sensible, du 6ème au 15ème mois, selon les races. Dans la nature, cette période est celle où le jeune chien délaissera sa mère pour s’attacher au chef de meute. *Les amis : l’agression un histoire naturelle… Konrad Lorenz *d’imprégnation : Découverte de Konrad Lorenz, qui se situe entre la 3ème et la 6ème semaines, est celle pendant laquelle tout être vivant qui ne se mange pas et côtoie le chien sera assimilé par lui comme un congénère. *Michaux : Chargé par le ministère de l’agriculture, de faire un rapport sur l’état actuel des métiers canins, en vue de revoir le statut des animaux de compagnie et d’améliorer l’image des chiens de race.

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Mais pour les chiens domestiques dont le juvénilisme entretenu par l’homme, tant dans les traits physiques que dans le caractère à l’âge adulte, fait que le chien jette son dévolu sur l’homme, comme s’il était sa mère, à condition toutefois qu’il ait bien subi une bonne imprégnation. C’est ce qui explique ce double attachement qu’un chien peut avoir pour l’homme et que nous appelons la « fidélité ». C’est d’une part, l’attachement au chef de meute et d’autre part l’attachement à sa mère. Mais dans les deux cas, on ne doit pas penser que c’est une certaine forme d’amour. Malgré le fait qu'il puisse nous laisser le croire, avec son comportement d’attachement enfantin qu’il voue à son maître, conforté par la relation maternisante entretenue par celui-ci. Dans l’une (la mère nourricière) comme dans l’autre (la cohésion du groupe assurée par le chef de meute) de ces deux probabilités, nous trouverons un intérêt commun dans la liaison. C’est donc bien l’instinct de survie qui dicte cet attachement que nous appelons la fidélité. Offrez donc un joli poulet rôti tous les jours au chien de votre voisin et vous le verrez rapidement devenir infidèle. CONCLUSION : En retraçant ces quelques tableaux, pour le moins décevants sinon pessimistes, mais malgré tout réalistes, il m’importe que vous ayez une optique plus éclairée et objective de la relation à établir avec votre chien. Même s’il n’est pas toujours facile de se conduire en chef de meute, c’est un devoir qui incombe à tout possesseur de chien, pour lui donner un bon équilibre psychologique et qu’il puisse s’épanouir en tant que tel. A bon entendeur, bon usage ! LE COMPORTEMENT ANIMAL Si j’ai réussi à retenir votre attention jusqu’ici, c’est que nous sommes en bonne voie. Toutefois, cette deuxième partie peut sembler s’écarter du sujet, mais reste néanmoins un chaînon essentiel pour comprendre la psychologie canine et les chapitres plus terre à terre qui vont suivre. LES COMMUNICATIONS NON VERBALES « Celui qui a des yeux pour voir ou des oreilles pour entendre constate que les mortels ne peuvent cacher aucun secret. Celui dont les lèvres se taisent bavarde avec les bouts des doigts ; il se trahit par tous les pores ». Cette phrase de Freud illustre bien le fait que malgré nous, nous communiquons par un langage non parlé, tout comme les animaux. Les chiens ne maîtrisent pas le langage verbal, ils s’expriment essentiellement avec des postures corporelles ; c’est ainsi qu’ils réagissent en grande partie selon l’interprétation qu’il donnent à nos attitudes corporelles qui contredisent bien souvent nos messages verbaux. Le joueur de poker averti reste impassible pour masquer son jeu : « Est-ce qu’il bluffe ou est-ce qu’il a bien le carré d’as ? »Cependant, parfois, il a ce que l’on appelle en termes scientifiques, « des fuites ». Ces fuites s’expriment par des mimiques instinctives, d’inquiétude ou de bien être, qui révéleront aux joueurs expérimentés, s’il a ou non ce satané carré d’as. Le chien, lui, est un sacré joueur de poker. Il a passé sa vie entière à nous observer ; de ce fait, il connaît parfaitement notre état d’esprit, par ce langage corporel non verbal que nous exprimons malgré nous. Il sait donc quand nous sommes déterminés à nous faire obéir et quand nous espérons être obéit, quand nous sommes mécontents ou gais, etc… Dans le travail, il nous appartiendra donc de coordonner notre langage verbal et gestuel pour mieux nous faire comprendre et gagner en obéissance. Plus nous évoluerons dans son éducation, plus il nous faudra nous montrer clairs, nets et précis, autant dans les ordres parlés que dans les postures qui doivent accompagner cet ordre.

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Nous devrons aussi surveiller les fuites qui induiraient l’incertitude, en transmettant des messages ambivalents ; ce sont ces postures, mimiques ou gestes qui pourraient contredire nos ordres parlés. Nos postures doivent persuader le chien que nous sommes sûrs de nous, et que nous lui faisons pleinement confiance quant à l’exécution de l’ordre donné. On peut constater, parfois, que le chien ,prendra la position « assis », même si tout de suite après l’ordre, vous tournez la tête pour regarder ailleurs ; en effet, le fait de regarder ailleurs peut laisser penser au chien que pour vous c’est évident, il est assis. Mais sur un ton et une attitude nonchalants, il y a bien moins de chances pour qu’il s’exécute. Lorsque vous aurez bien avancé dans son éducation, vous pourrez commencer les mises en faute verbales, c’est à dire que chaque ordre sera donné de manière très douce, et parfois, même tout en regardant ailleurs ; en fait tout ce qu’il faut éviter en début d’éducation. Ces mises en faute verbales vous permettront par la suite de communiquer avec lui de manière bien plus naturelle, car il saura que même si vous parlez gentiment tout en regardant ailleurs vous irez jusqu’au bout quand même. Nous verrons bien sûr, sur le terrain comment coordonner ces ordres de manière à ce qu’ils induisent des messages facilement compréhensibles et convaincants. 1

L’APPRENTISSAGE SPONTANE

Le chien agit principalement par relation de cause à effets, c’est à dire qu’il arrive à anticiper certains évènements et sait prendre part dans l’interaction mais reste souvent incompris. Comme nous l’avons vu plus haut, il passe de longues heures à nous observer et chaque petit détail que nous faisons machinalement sont autant d’indices qui lui disent que tel ou tel événement va se reproduire ; il semble alors deviner qu’on va lui donner un ordre, à manger, qu’on va le sortir, que son maître va arriver. Prenons par exemple l’éducateur canin qui part au travail ; bien avant de se présenter devant la porte pour enfiler ses chaussures, il ,vérifiera une dernière fois dans son sac si tout y est, ainsi que son planning de la journée. C’est à ce moment précis que le chien comprend que son maître va partir, dès le premier geste « rituel » qui revient avant chaque départ. Parfois, ce sera un mot, comme « j’y vais » qui lui dira ce qui va se produire, d’autres fois se sera une attitude, comme une correction* suite à une bêtise, donc le fait de refaire cette même bêtise lui dira qu’il va se faire corriger, en voyant son maître prendre la même attitude que la fois précédente. De la même manière, il apprend très vite qu’en adoptant tel ou tel comportement, il influencera notre comportement. Cette faculté prouve bien qu’il réfléchit et peut tirer ses propres conclusions et agir en fonction du contexte pour en arriver à ses fins. Il faudra donc tenir compte de ses facultés de falsification de l’information pour mener à bien son éducation. Ce serait le sous estimer que de rentrer dans son jeu à chacune de ses machinations visant à nous manipuler.

*Correction : Nous verrons ce cas de figure dans le chapitre « les bêtises » Falsification : Voir chapitre « drôles de chiens »

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LES TECHNIQUES D’APPROCHE Très souvent dans des reportages animaliers, diffusés à la télévision, certaines espèces d’animaux nous offrent des spectacles époustouflants, lors des périodes d’accouplement et que des commentateurs mal informés ou plus soucieux de faire de l’audimat que de nous instruire, trouvent nombre de phrases romantiques pour nous décrire ces soi-disant « danses d’amour » ou autres « rondes amoureuses ». Mais au risque encore de vous décevoir, ces danses où plutôt stratagèmes d’approche ne sont encore qu’une formes du langage non parlé qu’utilisent ces espèces diverses pour apaiser l’agressivité du sujet « courtisé ». Dans la nature, chaque individu défend farouchement son territoire de chasse et plus encore le lieu qu’il a choisi pour établir sa descendance, même contre ceux de son espèce. Dans de nombreux cas, les sujets de sexe opposé d’une même espèce se ressemblent à tel point que seul un stratagème d’approche sophistiqué permet à un sujet d’un sexe donné d’approcher le sujet de l’autre sexe sans risquer de se faire agresser. C’est ainsi que ces stratagèmes d’approche, avant chaque accouplement, nous laissent bien souvent rêveurs. Selon le pasteur Amstrong (ornithologiste anglais), les baisers des humains seraient une copie comportementale inspirée des baisers des oiseaux. Image très romantique mais si l’on sait que les baisers des oiseaux n’ont pour but encore une fois que celui de pouvoir s’accoupler, cela casse un peu le charme. Et pire encore, quand on apprend que ces soi-disant baisers, font l’objet d’un stratagème du mâle qui consiste à proposer de la nourriture à la femelle lorsqu’elle vient chercher dans son gosier cette nourriture si aimablement régurgitée. Quoi que nous puissions trouver des similitudes avec nos stratagèmes d’approche, du style sérénades ou cadeaux en tous genres, ces stratagèmes animaux sont bien loin du caractère romantique que nous portons à nos relations amoureuses et visent plutôt à apaiser l’agressivité du sujet courtisé. Les mâles de certaines espèces offrent de la nourriture à la femelle pendant l’acte sexuel ; mais ces cadeaux, encore une fois, ne peuvent être interprétés que comme des diversions visant à ne pas se faire dévorer eux mêmes. Certains diront encore que chez nos chiens ce n’est pas pareil. Il suffit pourtant d’observer deux chiens qui ne se connaissent pas et qui viennent à se rencontrer. Ils adoptent obligatoirement un rituel d’apaisement pour éviter le combat. D’autres diront encore que leur chienne choisit ses partenaires. A vrai dire je ne saurais quoi dire, si ce n’est que dans la nature, c’est le mâle dominant, le seul ayant droit, qui choisit dans son harem. Parfois, c’est la femelle qui choisit son partenaire et, dans ce cas, ce sera simplement le plus fort et non le plus intellectuellement parlant intéressant. Et d’autre part, savez-vous que le cycle sexuel de la chienne se décompose en quatre parties, l’anoestrus, le prooestrus, l’oestrus et le post oestrus, et que ce n’est que dans la période de l’oestrus que la chienne est prête à s’accoupler. Mais ce moment peut-être infimement court et ne durer que quelques heures ; ce qui expliquerait pourquoi la veille, cette chienne à qui on avait présenté un magnifique étalon, de pure race, lui a très dignement refusé les « plaisirs » visant à perpétuer la race, lui préférant le corniaud de la voisine. Celui-ci ayant un peu plus d’expérience, s’est présenté pile au bon moment. Peuvent-ils éprouver cette joie qui nous emplit le cœur voyant notre amoureux ou notre amoureuse ravie elle même par le cadeaux offert ? Sont-ils seulement capables d’offrir quelque chose gratuitement sans aucun intérêt ?

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LES GRANDS FAUVES Voici un passage concernant le dressage des grands fauves d’après les études de Hediger dans le livre de Jacques Graven « L’homme et l’animal » « Et voici qu’intervient la dernière notion essentielle du métier de dompteur : la dominance. On sait que dans la plupart des groupements d’animaux supérieurs, il existe une hiérarchie, parfois très stricte. On a déjà cité l’exemple des loups ; celui des fauves est non moins net. Il est absolument obligatoire pour le dompteur, en présence d’animaux adultes, de se faire reconnaître comme le chef du groupe, l’individu alpha. Après lecture de ce chapitre, vous conviendrez, je l’espère, qu’aucun animal ne peut obéir de manière satisfaisante s’il se considère lui même comme l’individu alpha, en excluant bien sûr les animaux qui ne s’exécuteront que sous la contrainte ou sous condition de récompense. D’après Hediger, les connaissances essentielles que tout dresseur doit posséder pour établir sa dominance sont, la notion de territoire, d’espace vital et la compréhension du langage de l’animal. Sans avoir jamais formulé ces règles, le dompteur les connaît bien. Pour gagner et garder cette place de dominant, il doit avoir une attitude imposante, voire provocante. Il doit arriver en premier dans le territoire, la cage, et s’y promener pour bénéficier ainsi du droit de « premier occupant ». Il doit savoir jouer avec les limites de l’espace vital, en y pénétrant il poussera l’animal à se mettre sur la défensive et obtiendra des effets très spectaculaires, sans prendre de risques. De la même manière il arrivera à lui faire prendre les directions désirées. Dans ce style de travail, dit en « férocité », le dompteur préfèrera travailler avec des animaux très peu dociles, pour le côté spectaculaire. Mais dans ce cas, il possède toujours un fouet et un bâton ou une chaise, l’animal considère ces objets comme la prolongation de corps du dompteur. Dans le style dit en « pelotage », il travaillera avec des animaux très familiers à l’homme dont les limites de l’espace vital ont été réduites à néant. Pour eux, le dressage commence dès la plus tendre ''enfance'', au cours de laquelle on leur interdit catégoriquement tous jeux de mains, ou de griffes, devrais-je dire, pour inhiber leur agressivité. Il pourra donc s’introduire dans cet espace vital, en respectant toutefois les techniques d’approche et faire des tours tout aussi impressionnants, comme introduire sa tête dans la gueule de l’animal. Il est évident que ces quelques données théoriques sur le dressage des fauves sont loin d’être suffisantes pour nous permettre de nous introduire dans la cage aux lions, mais nous démontrent toutefois que ces règles de base sont très similaires à celles que nous utiliserons pour nos chiens. Avec nos chiens, nous travaillerons pratiquement toujours à l’intérieur de leur espace vital . Donc, si nous pouvons dire, en « pelotage » et bien qu’il soit un animal familier, il conviendra de prendre certaines précautions. Mais s’il nous considère comme l’individu alpha, les risques seront minimisés et il en découlera une obéissance durable.

Hediger : Ethologiste Suisse et directeur du jardin zoologique de Zurich, connu pour ses ouvrages traitant la psychologie des animaux vivant en captivité. Attaquer : Dans « l’agression une histoire naturelle du mal » Konrad Lorenz

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LA PEUR DU GENDARME Parfois on me dit, il vous craint, il a peur de vous, c’est la peur du gendarme !!!Je vous rassure encore une fois ; détrompez-vous. Ce chapitre me semble être d’une grande importance car le fait de vous laisser croire que le chien m’obéit par crainte serait une marque de négligence de ma part. Tant que vous n’aurez pas accepté le fait que, s’il m’obéit, c’est simplement parce que j’ai réussi à établir un langage avec lui et qu’il me considère comme un individu alpha, vous ne pourrez évoluer de manière efficace dans votre entreprise. Ma méthode est basée justement sur le fait de vous faire comprendre le but et la démarche de chaque exercice, pour éviter de laisser planer le mystère en vous laissant dans le doute. Ce qui, comme dans ce cas bien précis, vous laisserait agir par la suite selon vos interprétations intuitives et déductions personnelles mal fondées. Sans vouloir vous sous estimer, il me semble difficile de comprendre de manière intuitive ma démarche et mes méthodes sans les explications qui font l’objet de ce manuel. Voici encore une citation de Hediger qui se réfère à ce sentiment de peur que l’animal peut ressentir ; mais, comme vous le verrez, cela ne reste qu’un handicap dans le travail projeté. « De toute façon, il faut se rappeler constamment que l’animal peut avoir peur que le dressage le plus doux, le plus efficace, ne peut jamais supprimer tout à fait la peur, et que c’est elle, lorsqu’elle surgit qui le rend dangereux » Il paraît donc évident que ce n’est qu’à la suite de l’abolition de tout sentiment de peur que nous pourrons évoluer dans le travail. Nous savons qu’évoluer dans l’espace vital reste toujours délicat même avec des chiens très familiarisés avec l’homme. Or, moi j’évolue pratiquement toujours dans cet espace vital et mon métier ne consiste pas à faire des tours impressionnants basés sur les instincts agressifs de l’animal. Croyez bien que si je n’inspirais pas confiance au chien cela se verrait sur ma figure !!! Comme nous l’avons vu plus haut, c’est souvent la peur qui rend l’animal dangereux et si mes techniques d’éducation étaient basées sur le fait d’entretenir un climat de peur, mon métier serait bien dangereux. Et d’autre part, dans ce cas il vous suffirait de prendre un bâton et de vous montrer agressif envers lui. Mais alors prévoyez les services d’urgence et laissez tout de suite tomber ce manuel, il ne vous servirait à rien. Bien au contraire, le but principal de cette méthode reste l’abolition de tout châtiment corporel qui ne ferait que dégrader votre relation et risquerait, en plus, d’éveiller son agressivité. C’est plutôt moi qui devrais avoir peur. Mais, dans ce cas, je n’arriverais pas non plus à obtenir quoi que ce soit d’un chien, car il sentirait les hormones qu’on dégage dans ces situations, « l’adrénaline », et en profiterait pour échapper au travail. Essayez donc de faire travailler un chien craintif ou un chien terrorisé ; je vous souhaite alors bonne chance. Ce n’est en aucun cas ce climat de peur qui fait travailler l’animal. Figure : A l’intérieur de cet espace vital, on frôle toujours la morsure si l’on n’a pas réussi à inspirer confiance à l’animal. Or, vous me verrez toujours à un moment donné, approcher au maximum ma figure et, dans le doute, ma main très près de sa gueule, tout en lui caressant le poitrail, comme le fait le mâle dominant quant il l’offre ses parties génitales à l’inconnu. Cette attitude peut s’interpréter, en quelque sorte, comme un pacte amical, sous certaines conditions, « Je suis le dominant, tu ne m’impressionnes pas le moins du monde, et je peux être très gentil si tu fais ce que je dis ». En général quand j’obtient un coup de langue, les positions hiérarchiques ne seront pas remises en questions et alors le travail avancera de manière très satisfaisante.

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Le maître mot pour une bonne éducation reste, bien sûr, la détermination. Mais je pense que vous trouverez facilement la nuance entre une éducation rigoureuse et une éducation basée sur des techniques de matage par la contrainte. Mon travail consiste à faire comprendre au chien le plus rapidement possible que je ne lui veux aucun mal, mais que je suis quand même le chef, un bon chef mais chef quand même. Lorsque nous en serons au stade de la marche aux pieds sans laisse, vous verrez souvent le chien revenir vers moi au lieu d’aller vers vous. Or, si le chien me craignait, il n’en serait rien, tout comme quand il me fait la fête en me voyant ou quand il vient me rejoindre en remuant la queue en laisse. Des signes qui font preuve de l’attachement qu’il me porte ne manquent pas et reflètent une certaines reconnaissance bien que je sois particulièrement exigeant. D’autre part, je le gratifie que lorsqu’il s’est montré volontaire ; il apprécie alors de manière particulière mes caresses, d’où l’établissement d’une relation privilégiée. Vous comprendrez donc que si vous lui donnez des caresses fréquemment et sans lui demander le moindre effort en échange, il pourrait s’en lasser et moins les apprécier tout comme nous, nous apprécions particulièrement ce pourquoi il nous a fallu fournir un effort parfois considérable pour l’obtenir. Parfois, le chien adopte des postures de soumission en me voyant. Mais comme nous l’avons vu dans les techniques d’approche, un chien de rang inférieur adoptera, des postures de soumission s’il doit s’approcher d’un dominant. Avez-vous déjà vu un loup de rang hiérarchique très bas approcher le mâle dominant, un serf approcher le roi, un fidèle approcher le pape, ou encore plus près de nous, un britannique approcher la Reine ? Croyez moi, les « techniques d’approche » sont alors bien plus impressionnantes que celles que votre chien peut adopter en ma présence. Quand un fidèle s’approche du pape, en s’agenouillant devant lui, ce n’est pas par peur de recevoir une gifle. Non, c’est pour lui signaler son respect, de la même manière que votre chien me montre sa soumission. Et croyez que si un chien pouvait obéir à quelqu’un de rang hiérarchique plus bas, j’adopterais aisément des postures de soumission, cela m'arrive d'ailleurs souvent. Nous verrons plus loin, que, selon son caractère, le chien utilise tous les stratagèmes que la nature lui a donnés pour troubler l’adversaire, en l’occurrence moi. Il me teste, et cherche par tous les moyens à me faire abandonner. En fait, il se met lui même sur le qui-vive et parfois il se demande s’il n’est pas allé trop loin en me voyant faire un geste involontairement trop brusque. Il l’interprètera comme une agression et répondra en général en s’aplatissant pour apaiser ma colère supposée, comme il l’aurait fait vis-à-vis du chef de meute agacé par son manque de respect. Même quand il cherche à m’impressionner, je dois rester calme, lui faire savoir que je suis mécontent mais ne pas déclencher une attaque plus incisive en agissant brutalement, ce qui pourrait l’inciter à attaquer au moindre geste mal interprété. Comme vous le voyez encore, ce n’est que dans une relation de confiance que l’on peut évoluer et que, si nous passions toutes nos leçons à nous disputer la place de dominant, nous en serions encore à la préhistoire. Dans le dictionnaire, on entend par apprivoiser rendre un animal moins craintif ou moins dangereux. Loin : Voir chapitre » drôles de chiens » L’adversaire : Le concept d’adversité ne reste que symbolique ; il est bien évident que ce n’est qu’après l’abolition de cette relation que le travail portera ses fruits.

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Mais si nous considérons, pour être plus précis que le « petit Robert », qu’apprivoiser un animal c’est réduire son espace vital à néant, vous conviendrez qu’agir de manière violente n’aboutirait qu’a lui redonner son agressivité animale liée à son espace vital et, de ce fait, sa méfiance atavique envers l’homme. C’est en effet la seule chose que nous arriverions à faire de lui, c’est à dire une bête féroce et soumise, si l’éducation était en effet basée sur des méthodes de matage. J’espère que vous comprendrez, à la suite de ce chapitre, que si j’entretenais une quelconque relation de crainte, ce serait prendre des risques inutiles et mon travail n’aboutirait absolument à rien. Mais j’espère aussi que, grâce à ce manuel, vous comprendrez mieux ce langage animal dans lequel nous devons nous exprimer ave ceux . Alors tout ceci vous semblera bien plus naturel. Ne vous torturez pas l’esprit à chercher des raisons simplistes à l’obéissance qu’il me voue. Il n’y pas de « truc », seulement de la connaissance et de l’expérience. La crainte n’est pas la clef de la réussite, bien au contraire. Utilisez plutôt votre énergie à gagner son estime, à lui faire comprendre, qu’il a besoin de vous et que vous êtes supérieur. C’est en matière grise que nous le dépassons, non en muscles. DU DOMESTIQUE A L’UTILITAIRE Je vous ai déjà parlé de mon point de vue sur le chien « utilitaire ». Mais si l’on exclut les formes de domestication divines ou totémiques, la domestication de quelque sorte d’espèce que soit est toujours passée par une sorte d’esclavagisme, c’est a dire que si l’on a cherché à domestiquer telle ou telle espèce animale, cela à toujours été dans le but d’en faire des serviteurs de l’espèce humaine. Aujourd’hui, nombre d’entre nous( et moi le premier) ne voient les animaux domestiques que comme des compagnons. Mais, à la base, c’est bien dans un but utilitaire que l’homme a cherché à s’attribuer les qualités particulières de chaque espèce pouvant être domestiquée. Mais toutes les espèces ne se domestiquent pas. Pour réussir une domestication, tout comme un dressage ou une éducation fiable, plusieurs conditions rentrent en jeu et je citerai encore une fois en premier lieu le facteur « hiérarchie », même s’il s’agit que pour établir une relation « amicale » et équilibrée. Selon Hediger, les ancêtres de nos animaux domestiques auraient occupé un rang hiérarchique inférieur dans les hiérarchies zoologiques. En effet, les scientifiques à l’heure actuelle s’accordent à dire qu’il existe une certaine forme de dominance entre les différentes espèces. Donc le critère principal de la domestication reste encore une fois, l’acceptation d’une certaine forme de dominance de la ;part d’une espèce différente. D’autre part, il sera préférable que l’espèce en question vive en bande et reconnaisse une structure sociale, mais mieux encore, que l’espèce possède une notion de territoire. Tous ces critères facilitent l’établissement d’une hiérarchie, en vue d’établir certaines règles de vie nécessaires dans toute communauté, même si l’animal en question ne considère pas l’homme comme un congénère, car, comme nous l’avons vu plus haut, il accepte la dominance d’une espèce différente.

Domestication : Dans le dictionnaire, l’animal domestique vit auprès de l’homme et s’y reproduit. Mais le mot domestique revêt aussi un caractère de serviteur. Ainsi le mot domestiquer signifie aussi amener à une soumission totale, mettre dans la dépendance, asservir, assujettir.

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Or, les animaux dominants ou solitaires, comme le chat sauvage, sont totalement impropre à la domestication. Rien d’étonnant donc à ce que les espèces fières et dominantes, restent difficiles à domestiquer donc à dresser ou éduquer. Le tigre lui même ne peut servir que pour certains tours spectaculaires, en mettant son agressivité en spectacle, et en respectant les règles évoquées plus haut. Mais de là à en faire un animal domestique vivant au sein d’une famille, il y à tout un monde. L’exemple le meilleur en matière de domestication reste, bien sûr, le chien. Il défend farouchement son territoire et retrouve en l’homme le groupe et la hiérarchie sociale. Il serait donc absurde de le laisser mener sa petite vie en marge des règles de vie du groupe familial. Toutes ces données expliquent le caractère différent des chiens nordiques. Ils sont, en effet, moins domesticables, dressables ou éducables, car étant plus proches des loups qui sont nomades, ils n’ont donc aucune notion de territoire et ne reconnaissent que le chef de meute, s’il en a un. S’il considère son maître en tant que tel, alors il sera moins fugueur, trouvant en l’homme la cohésion du groupe. Il s’y attachera, alors qu’il ne s’attachera jamais au territoire. Son côté indépendant lui vient aussi du fait qu’il sait se suffire à lui même. S’il reste près de l’homme, c’est seulement et uniquement parce qu’il l’estime et non parce qu’il est une corne d’abondance. Il n’hésitera pas une seconde à fuguer définitivement s’il ne considère pas son maître. Le débat sur la définition de l’animal domestique n’est pas encore clos, et ici encore l’on ne peut se contenter de la définition trop simpliste de notre cher ami petit Robert. Car d’un côté, il suffit qu’il vive dans la maison des hommes pour qu’il soit considéré comme domestique. Mais alors, que dire de la mouches et autres squatters indésirables. D’un autre côté, il suffit que l’animal se reproduise en captivité. Mais alors que dire de l’éléphant d’Afrique qui grandit dans la jungle et n’est capturé que vers sa dixième pour servir à l’homme, tout comme le faucon. C’est pourquoi nous allons essayer de déterminer, ci-dessous quatre catégories d’espèces en relation à la domestication, en mettant de côté la condition qui dit que l’animal doit se reproduire en captivité, pour faciliter la sélection humaine visant à « améliorer » l’espèce. Nous ne prendrons comme base que les deux critères essentiels qui nous intéressent : Ses aptitudes à être apprivoisé et ses aptitudes à être utilisé, mais encore une fois, seulement dans le but d’établir une parallèle avec nos amis chiens, et non pour molester notre cher ami Robert. Nous trouverons donc, les apprivoisables et utilisables, ceux qui ne sont ni apprivoisables ni utilisables, les apprivoisables mais inutilisables, et les utilisables non apprivoisables. 1.

L’apprivoisable et utilisable : Le cheval reste l’exemple type, par excellence.

2.

Le non apprivoisable et inutilisable : Le chat sauvage comme nous l’avons vu, dont nous ne pourrons rien en tirer.

3.

L’apprivoisable et inutilisable : L’élan ne verra aucun inconvénient à se familiariser avec l’homme et vivre à ses côtés, mais tous les essais d’utilisation pour le trait ou la monte, même par les plus grands spécialistes, se sont montrés catastrophiques.

4.

L’utilisable mais non apprivoisable : C’est le cas du furet qui, bien que depuis deux mille ans est utilisé pour la chasse au lapins, n’a jamais été domestiqué de manière concluante et préfère largement sa liberté à la compagnie humaine.

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Chez nos chiens, nous trouverons aussi ses quatre traits de caractère, à la seule différence que celui-ci sera en grande partie modelé par l’intervention de l’homme. A mon avis, seulement les chiens de la première catégorie seront des chiens heureux et pourront être des partenaires dans le travail, dans des activités sportives ou simplement dans l’établissement d’une relation « affective » de manière fiable et forte. 1.

Apprivoisable et utilisable : Il faudra d’abord qu’il soit le fruit d’une sélection génétique fiable ; il devra subir une bonne imprégnation, et devra être éveillé à toutes sortes de stimuli de la vie urbaine avant et pendant la période sensible, trouver un groupe stable et cohérent auquel s’attacher pendant cette période sensible et, pour finir, il devra jouir de la possibilité de dépenser son énergie métabolique.

2.

Le non apprivoisable et inutilisable : Dans la deuxième catégorie, je mettrais les chiens mal imprégnés pour lesquels même le plus grand spécialiste n’arrivera jamais à donner confiance en l’homme. De ce fait il n’établira jamais une relation de complicité avec l’homme et ses instincts sauvages le pousseront souvent à avoir des réactions imprévisibles. D’autre part, il préfèrera, volontiers, rejoindre une bande de chiens sauvages au détriment des commodités de la vie auprès de l’homme.

3.

Apprivoisable et inutilisable : Le vrai craintif, c’est à dire le chien de faible caractère, trop soumis, mal éveillé aux stimuli divers ou qui a subi des mauvais traitements arrivera à se faire l’ami de l’homme. Mais à part cette liaison « amicale », il sera difficile de lui faire faire toutes sortes d’activités de manière efficace, même pour une activité qui ne demande pas une grande preuve de courage comme l’agility, ou simplement traverser le centre ville en toute tranquillité.

4.

Le non apprivoisable mais utilisable : Dans cette catégorie, je vois en premier lieu ceux que j’appelle « les chiens de box » ces chiens de très fort caractère que l’homme a cherché à renforcer pour en faire des bêtes de guerre et, parfois même, jusqu’à leur inculquer la haine de l’homme, c’est à dire démolir tout le travail ancestral de domestication. Ce sont des chiens qui ont pris goût au mordant et dont le sens de l’espace vital est très aiguisé. A mon avis, ces chiens là peuvent travailler mais ne seront jamais des compagnons sûrs au sein d’une famille humaine.

Chat : Les essais de domestication de chats sauvages n’ont jamais réussi. Même les progénitures de croisements avec des chats domestiques restent inapprochables et dangereuses. Le chat domestique, quoi que très indépendant, fait partie d’une espèce totalement différente de celle des chats sauvages et il s’attache réellement plus à un territoire qu’à son maître. Imprégnation : Imprégnation et période sensible, voir chapitre « la fidélité ». Cohérent : J’entends par groupe cohérent une famille qui lui donnera une vraie place de chien. En constituant ce tableau, il me semble avoir détaillé les différentes manières d’établir une relation avec un chien. Il faut toutefois savoir lire entre les lignes, pour substituer d’autres cas de figure comme les chiens de chasse qui ne sortent de leur enclos que pour la saison, les chiens de traîneau qui vivent à l’attache, ceux qui ont été délaissés par leurs maîtres déçus, comme ceux trop choyés de Mme Toutou qui ne s’épanouiront jamais.

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Mais, comme je le disais plus haut, ce tableau vise surtout à vous montrer à quel point l’intervention de l’homme peut influencer sur le caractère d’un chien et son avenir. Son comportement est dicté essentiellement par le comportement de l’homme. De la même manière que certains en feront un animal farouche, d’autres en feront des compagnons courageux et équilibrés. Certains en feront des craintifs ou des fous furieux, alors qu’en fait, dès leur naissance, ils avaient tout pour plaire. Pour conclure, je dirais que comme nos comportements l’ont modelé, un comportement adapté peut généralement remodeler un chien, le discipliner, le canaliser, le recadrer. Son caractère n’est pas la projection de notre image, mais la conséquence de nos attitudes.

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