9 minute read

Immobilier

Next Article
Dossier

Dossier

YVES DE COULON

avocat, spécialiste FSA immobilier et construction

Le but avoué de cette réforme est de protéger les acquéreurs de logement dans les deux modes traditionnels de structuration d’une promotion: la vente clé en mains d’un immeuble construit ou la vente d’un terrain nu conditionnée à la conclusion simultanée d’un contrat d’entreprise générale. Le projet entend en particulier mettre un terme à la pratique consistant pour le vendeur/entrepreneur général à s’exempter de toute responsabilité pour les défauts, en cédant à l’acquéreur les droits dont il dispose contre ses entrepreneurs ou sous-traitants, situation très défavorable dans la pratique aux particuliers non-avertis.

Les changements envisagés sont les suivants: l L’harmonisation du droit à la réfection sans frais, en cas d’achat ou de construction, de tout défaut affectant un immeuble neuf, soit construit depuis moins d’une année (nouvel art. 219a al. 2 CO); l’exclusion ou la limitation de ce droit à la réfection est nulle si l’immeuble est destiné à l’usage privé du maître d’ouvrage ou de l’acheteur (nouvel art. 368 al. 2bis CO); l La prolongation à 60 jours du délai d’avis des défauts, manifestes ou cachés, dans les contrats de vente d’immeubles et dans les contrats d’entreprise (nouveaux art. 219a al. 1, art. 367 al. 1 phr. 2 et art. 370 al. 3 phr. 2 CO); l La clarification du montant des sûretés suffisantes que le propriétaire doit fournir pour éviter l’inscription sur son immeuble d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (nouvelle teneur de l’art. 839 al. 3 CO).

Un droit à la réparation harmonisé La première particularité de la réforme est d’harmoniser le droit à la réparation des défauts en cas de vente ou de construction d’un immeuble neuf. Par ailleurs, si les modifications proposées conservent en général un caractère dispositif, ce qui signifie qu’elles préservent la liberté contractuelle des parties qui pourront toujours s’en écarter dans leur contrat, elles s’appliqueront en revanche impérativement (sans possibilité d’y déroger) lorsque l’immeuble est destiné au logement familial. La volonté du Conseil fédéral de mettre le contrat de vente d’immeubles sur un pied d’égalité avec le contrat d’entreprise, en garantissant l’existence d’un droit à la réfection uniforme et de portée identique à l’acheteur ou au maître d’ouvrage d’un logement neuf (à construire ou construit depuis moins d’un an) constitue la vraie révolution envisagée par ce projet. A ce jour, le droit pour l’acheteur d’une villa ou d’une PPE d’exiger la réparation d’un défaut par le vendeur n’existe pas dans la loi. Si le vendeur est bien tenu (art. 197 CO) de garantir l’acheteur en raison des défauts de construction, il n’est cependant pas tenu à leur réparation. L’acheteur qui découvre un défaut ne peut agir, à choix, qu’en annulation de la vente, en réduction du prix ou en dommages intérêts. Il pourrait dorénavant, en application analogique des dispositions sur le contrat d’entreprise (art. 368 CO), obliger le vendeur à réparer le défaut. Ce droit à la réfection s’appliquerait uniformément à toutes les transactions et constructions immobilières neuves, et ne pourrait être supprimé par

UN PROJET DE LOI DESTINÉ À PROTÉGER L’ACQUÉREUR D’UN LOGEMENT FAMILIAL

En octobre 2022, le Conseil fédéral a soumis au Parlement un projet de modification du Code des obligations (CO) qui vise à renforcer la protection de l’acheteur ou du maître d’ouvrage d’un logement neuf destiné à son usage personnel.

Jusque-là la situation était très défavorable dans la pratique aux particuliers non-avertis. Unsplash saction de vente), les défauts doivent être signalés «sans délai», soit selon la jurisprudence (cf ATF 118 II 142) dans les 7 jours qui suivent leur découverte, voire dans un délai plus court suivant les circonstances. Si l’avis des défauts est tardif, cela engendre la perte pure et simple du droit à la garantie. Le Conseil fédéral juge ces exigences trop strictes et souhaite que les particuliers acquéreurs de leur logement disposent au minimum d’un délai d’annonce des défauts de 60 jours, qui ne puisse pas non plus être réduit par contrat.

«Le projet entend mettre un terme à la pratique consistant pour le vendeur/ entrepreneur général à s’exempter de toute responsabilité pour les défauts»

contrat lorsqu’il s’agit d’un logement destiné à l’usage personnel de l’acheteur.

Un délai rallongé en complément La prolongation à 60 jours du délai pour faire valoir l’existence d’éventuels défauts complèterait ce dispositif, en particulier dans le cadre d’une transaction de vente. En effet, si une très grande majorité des contrats d’entreprise inclut la Norme SIA 118, qui prévoit des règles plus favorables au maître d’ouvrage (les défauts pouvant être dénoncés en tout temps pendant les 2 premières années qui suivent la réception de l’ouvrage), le système légal actuel (art. 201 al. 1 CO et art. 367 al. 1 CO) est beaucoup plus contraignant. Lorsque la SIA 118 ne s’applique pas (ce qui sera par définition le cas d’une tranUne décennie d’intérêts moratoires Enfin, en fixant à 10 ans la durée des intérêts moratoires que doivent couvrir des sûretés «suffisantes» (au sens de l'art. 839 al. 3 CO) pour éviter l’inscription d’une hypothèque légale, le Conseil fédéral entend donner enfin une portée pratique à cette possibilité. En effet, pour être émise par un institut financier, une garantie bancaire doit porter sur un montant maximum défini. Or, la jurisprudence s’étant refusée à dire sur quelle durée doivent porter les intérêts moratoires pour que les sûretés soient suffisantes, ceux-ci doivent porter sur une période illimitée dans le temps et il est donc impossible d’arrêter un montant à couvrir par la garantie bancaire. Cette situation empêche aujourd’hui de facto le propriétaire de fournir les sûretés qui lui permettraient d’éviter l’hypothèque légale, l’exposant ainsi au risque de payer deux fois. En précisant que les suretés sont suffisantes si elles incluent un montant représentant 10 ans d’intérêts moratoires, la réforme apporterait une solution équitable. A noter que dans un arrêt récent (5A-323/2022), le Tribunal fédéral a jugé qu’il n’est pas arbitraire pour un tribunal de fixer dès maintenant une durée d’intérêts de 10 ans en se basant sur ce projet de modification législative. S’il devait être accepté par le parlement, ce projet de modification du CO n’entrerait pas en vigueur avant 2024.

Chronique chez soi

par Martina Chyba, journaliste à la RTS

DES TRAVAUX? LAISSE BÉTON!

Dans un logement il y a toujours des travaux à faire, ou un truc qui tombe en panne, ou un meuble à se faire livrer. Tout se répare, tout arrive, mais c’est un travail à plein temps.

Les logements sont comme nous, ils vieillissent, s’usent, s’abîment, se cassent parfois. L’avantage c’est qu’un bâtiment, on peut le réparer. Un coup de peinture, quelques travaux et hop! Comme neuf. Alors que sur nous, le coup de peinture et les quelques travaux peuvent aider mais ne suffiront probablement pas, hélas.

C’est ainsi que tout propriétaire ou locataire d’appartement ou de maison a forcément affaire, un jour ou l’autre, au monde merveilleux des entreprises. Donc des gens qui doivent venir chez vous pour effectuer ce que l’on appelle les fameux

«travaux». Cela a l’air simple: on appelle une société, on prend rendez-vous, le technicien vient à l’heure dite, il fait ce qu’il y a à faire et il repart. Bonjour Madame, au revoir Madame, merci Monsieur (force est de constater que ce sont souvent des messieurs) et à la fin on reçoit une facture, généralement élevée, on doit vendre un rein pour la payer mais le problème est résolu, amen. Seulement ça, c’est dans les contes de fées, dans la vraie vie c’est... plus compliqué. Les rendez-vous à la pelle Par exemple un matin, j’avais mis une vidéo de renforcement musculaire, justement pour éviter que je me délabre trop vite; il y avait donc sur mon smartphone des personnes exécutant des exercices avec poids de corps, élastique composé de je ne sais quoi, mais certainement pas d’os et d’organes. C’est là que, sur le dos, dans une position inavouable, je regarde le plafond. Meeeerde! Une immense fissure traverse le salon de part en part. Mon exercice du jour a finalement consisté à appeler l’entreprise générale, puis l’entreprise spécialisée. Déjà il faut réussir à les joindre, ensuite on vous dit qu’on rappelle, on ne rappelle évidemment pas, donc on rappelle nous-même et trois jours plus tard enfin, prise de rendez-vous, tel jour à telle heure. Le jour J, je suis au bureau, prévoyant de rentrer pour le moment convenu. Téléphone d’un portable inconnu: «Bonjour, c’est l’entreprise Machin, vous êtes chez vous? Je suis dans le quartier ça m’arrange de passer maintenant.» Vous avez envie de répondre exactement Les logements sont comme nous, ils vieillissent. DR

ceci: «Mais évidemment! Je suis sur une chaise longue avec un cocktail dans une main et un bon bouquin dans l’autre, je suis heureuse que vous m’appeliez car j’avais peur de m’ennuyer un peu aujourd’hui.» Mais vous respirez et dites seulement en contenant votre agacement: «Non, moi aussi je travaille, donc je ferai au mieux, mais je ne peux pas venir maintenant.» Et comme vous êtes un être civilisé, vous ne rajoutez pas: «On n’est plus dans les années 50 cher

Monsieur, quand les meufs restaient au foyer à préparer la bouffe et à faire le ménage.»

Prière de ne pas déranger Des fois, c’est même plus fun encore. Avec les livraisons de meubles, c’est même une spécialité. «Vous passez à quelle heure?». Réponse: «Entre 9 heures et 18 heures.» Ben voyons! On a que ça à faire n’est-ce pas? Mais on essaie, on prend congé, on télétravaille, et c’est évidemment pendant la seule demi-heure de la journée où l'on sort, qu’ils arrivent et vous appellent d’un air mauvais en disant qu’ils sont devant la porte. Que dire encore? Que pour la machine à laver la vaisselle et le frigo (qui ont respectivement affiché un message d’erreur E24 pour l’un et occasionné une mini inondation pour l’autre), la marque ne propose que des rendez-vous en ligne. Il faut avoir fait l’EPFL pour comprendre comment ça marche et au bout d’une

«Il est arrivé que je me lève le matin, que je remonte le store et me retrouve nez à nez à moitié à poil avec un paysagiste»

heure de larmes, de sang et de sueur, on obtient un rendez-vous trois semaines plus tard. Que j’aime les jardiniers, car oui, j’ai un petit jardin et il y a eu beaucoup de problèmes à l’aménagement. Il est arrivé que je me lève le matin, que je remonte le store et me retrouve nez à nez à moitié à poil avec un charmant paysagiste qui a commencé à 7 heures sans que personne ne soit au courant de sa venue et qui est entré par-dessus la barrière pour ne pas déranger. Que j’adore quand on est là, la personne compétente et moi, devant le problème, et que j’entends: «Ah mais là, j’ai pas le bon matériel, il va falloir que je revienne.» Aujourd’hui, tout fonctionne à peu près, à part mon corps parce que j’ai arrêté ces atroces vidéos de yoga. Malgré les petits agacements, j’ai un immense respect pour ces professionnels, moi qui ne sais pas planter un clou (il se tord toujours, je ne sais pas pourquoi) et j’ai envie de dire que les petits cafés avec eux, ben ça me manque presque. Ce qui me rassure, c’est que quelque chose va bientôt (re)tomber en panne ou se (re)casser, ouf!

This article is from: