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Diébédo Francis Kéré
Elisabeth Fransdonk
La demeure peut soit servir comme siège d’une société, soit redevenir résidentielle.
Elisabeth Fransdonk
Elisabeth Fransdonk Les façades de la maison de maître sont quant à elle richement ornées: des consoles à rangs de perles, coquilles et chutes de feuilles soutiennent les balcons. Bref, on retrouve le style Second Empire. Signalons que le domaine de 12’000 m2 comprend une dépendance d’environ 300m2 sur deux niveaux sans compter le sous-sol. Dans le parc, on trouve encore des éléments d’aménagements datant de Théodore Vernes d’Arlandes, puis des années 1940: bancs, fontaines, statues. Pour une visite, il faut s’adresser à la régie Pilet & Renaud.
TROISIÈME GUERRE MONDIALE ÉVITÉE
Cette première réunion entre Reagan et Gorbatchev a eu lieu à la villa Fleur d’Eau à Versoix, siège de la délégation américaine. La première chose que Reagan a dite à Gorbatchev était que «les Etats-Unis et l’Union soviétique sont les deux plus grands pays de la planète, les superpuissances. Ils sont les seuls à pouvoir déclencher une Troisième Guerre mondiale, mais aussi les seuls deux pays pouvant apporter la paix dans le monde.» Cette rencontre aboutira deux ans plus tard à la signature du traité sur l’élimination des missiles à moyenne portée.
Urban ZIntel
DIÉBÉDO FRANCIS
L’école de Gando, première œuvre où Kéré découvre sa vocation.
Siméon Duchoud D iébédo Francis Kéré est un architecte qui marquera le XXIe siècle. Ce pionnier du développement durable formé à l’Université de Berlin se caractérise par sa force tranquille, sa sensibilité, son engagement pour une justice sociale et pour l’environnement. Celui qui a enseigné dans de nombreuses universités dont celles de Berlin, Harvard et Mendrisio apprécie depuis toujours travailler dans des pays marginalisés où les contraintes et les difficultés sont nombreuses et où l’architecture et les infrastructures sont absentes. Il est le premier architecte africain à recevoir le prestigieux prix d’architecture pour son travail orienté vers le bien-être des communautés, vers la sobriété et l’inventivité. «Ses bâtiments font preuve, écrit le jury, de beauté, de modestie, d’audace et d’invention. Sa perspective à la fois locale et globale lui permet d’intégrer le traditionnel au contemporain. Son travail nous rappelle la lutte nécessaire pour changer les modes de production et de consommation non durables.»
Diébédo Francis Kéré dans son quartier de Kreuzberg, à Berlin.
PRIX PRITZKER 2022
Né au Burkina Faso il y a 57 ans, Diébédo Francis Kéré s’est vu décerner le 45e Prix Pritzker, équivalent du Prix Nobel pour l’architecture. Son œuvre multiculturelle est à découvrir, entre autres, au MOMA de New York, au Musée du CICR à Genève ou encore au Musée de l’architecture de Munich. Interview exclusive.
TEXTE [[[ Pierre-André Rion
Iwan Baan
«Maison de la Célébration»: le rose, l’orange et le bleu évoquent les levers et couchers du soleil.
Mardi 15 mars 2022, vous avez reçu le Prix Pritzker, plus haute distinction du monde de l’architecture. Combien d’interviews avez-vous données depuis? Je n’ai pas de chiffres précis, mais elles se comptent par centaines. Et vu mon agenda chargé, il se trouve que je n’en ai accordé à ce jour à aucun média suisse. Mais voilà, c’est fait, maintenant.
Cela a en effet été difficile d’obtenir cette interview. Mais quand nous avons évoqué Mario Botta qui figure en couverture du No 2 de «Prestige», vous vous êtes exclamé: «Mario Botta, c’est un grand ami! Je serais très honoré d’être en couverture du No 3.» Que pouvezvous nous dire sur Mario Botta ? Mario ? C’est bien plus qu’un ami, c’est un héros pour moi. C’est quelqu’un qui aime transmettre. Au-delà de la profession, il aime créer une structure de formation et la réflexion. Il est grand parce qu’il est parti très vite. Moi aussi, à ma petite échelle, j’ai créé une structure d’enseignement. S’il y a des valeurs communes, c’est notre volonté de nous engager pour améliorer la vie.
Votre amour pour le travail du bois, et pour certains arbres, dont les manguiers, est-il lié à votre métier initial de charpentier? Mon premier maître était un charpentier. Les clous qui dépassaient d’un tabouret en bois mal ajusté avaient troué mes caleçons. Je voulais faire mieux que ce tabouret. Et c’est ce charpentier qui m’a encouragé à viser plus haut. Sans l’aide financière de mes amis allemands de l’Université technique de Berlin qui m’ont donné une partie de leurs bourses d’études, et sans les cours du soir, l’Ecole de Gando et toute mon œuvre n’auraient jamais vu le jour. C’est donc à mon tour d’encourager un étudiant qui m’interroge aujourd’hui. De lui montrer que s’il croit en lui-même, il peut le faire. Pour cela, il faut d’abord se connaître soi-même, puis faire quelque chose pour d’autres que soi-même. La valeur d’une personne se mesure au bonheur qu’elle fait aux autres dans sa vie.
Mario Botta et vous-même avez une forte personnalité et un style caractéristique. Peut-on parler pour autant d’inspiration commune entre Mario Botta et votre œuvre? Comme moi, Mario privilégie le matériau local, surtout la pierre. Et comme moi, Mario travaille en profondeur. Ses œuvres ne se dévoilent que dans la lenteur. Mais mon climat n’est pas le même.
Vous entretenez des liens étroits avec la Suisse où vous enseignez toujours à l’Académie d’architecture de Mendrisio. Même si vous avez la nationalité allemande et que vous habitez Berlin, vous sentez-vous parfois un peu Suisse? C’est inexact, j’ai enseigné cinq ans à Mendrisio, mais j’ai arrêté main-
DR
Inspiré par l’arbre à palabres, le bâtiment de l’Assemblée Nationale du Bénin. Situé dans un parc public, il incite les citoyens à se rapprocher, se réunir et se rafraîchir grâce à l’ombre offerte par les bureaux.
tenant. Difficile de dire si je me sens Suisse. J’admire votre démocratie, votre précision: pour concrétiser des plans sur le terrain, disons qu’en Allemagne, la marge de tolérance est de 2 à 3 cm. Chez vous, elle se chiffrera en millimètres.
À Koudougou, le lycée Schorge est un anneau de huit modules résidentiels. Alors que la chaleur s’échappe par des tours à vent, il jouit de la lumière directe du soleil.
Francis Kéré
Parmi vos œuvres emblématiques, il y a bien sûr l’école primaire de Gando. Pourquoi l’école a-t-elle joué un rôle si décisif dans votre vie, et pourquoi ce besoin de donner en retour à Gando ce que vous avez pu recevoir?
Quand j’étais gamin, il n’y avait ni école ni jardin d’enfants à Gando. Chez nous, les aînés comme moi s’occupent des cadets. La famille est une large communauté soudée, un conseil des sages. Elle ne gravite pas seulement autour du père et de la mère, mais joue aussi le rôle de l’école enfantine. A 7 ans, comme beaucoup de jeunes de chez nous, j’ai été déraciné. Mon père, chef du village, a choisi une famille d’accueil pour que je puisse suivre
Iwan Baan