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Philippe Cramer

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Little Guest

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PHILIPPE

TEXTE [[[ Isabelle Cerboneschi

On qualifie Philippe Cramer de designer, mais c’est un peu réducteur pour ce doux rêveur dont les œuvres relèvent aussi de l’art. Il a merveilleusement réussi l’hybridation de ses créations et sa dernière - Oculus Mirabilis - en est la parfaite illustration.

Avant d’ouvrir sa galerie dans la bien nommée rue de la Muse à Genève et de fonder son studio de création Cramer + Cramer en 2001, Philippe Cramer a obtenu un diplôme en histoire des arts décoratifs du XIXe et XXe siècle, puis un Bachelor in Fine Arts de la Parson’s School of Design à New York en 1996. De la Suisse, il a eu envie d’extraire la substance et la beauté. Et pour créer ses objets, il s’est allié avec des artisans locaux, sculpteurs, ébénistes, orfèvre, souffleurs de verre,… Sa dernière création, Oculus Mirabilis est une œuvre d’art qui s’allume et s’éteint comme une lampe.

L’Oculus Mirabilis peut être considérée comme une lampe mais pas seulement. Comment est-elle née ?  L’Oculus Mirabilis est une coédition avec Antoine Toyon qui a créé l’agence La Maison Créative. Il voulait lancer une petite édition de pièces lumineuses avec des artistes et des designers et il m’a approché. Très vite, j’ai voulu travailler la couleur par le biais de la lumière et pas avec de la peinture. Chaque heure est représentée par un dégradé de couleur différent. Il s’agit d’une représentation d’un temps abstrait parce qu’on ne peut pas le lire: nous sommes actuellement à l’heure rose qui tire sur un lilas mauve très léger. Je l’ai tout de suite vue comme une œuvre d’art, mais elle s’allume et s’éteint comme une lampe.

Votre travail est à mi-chemin entre l’art et le design. Je fais de plus en plus de pièces qui n’ont pas d’utilité, si ce n’est de pousser à réfléchir. Je crée au gré de mes inspirations. Ce n’est pas de l’art conceptuel, car il n’y a pas de réflexion intellectuelle en amont: je crée de manière viscérale. En faisant ainsi, il me semble que cela crée de l’émotion chez celui qui rencontre une de mes œuvres.

Quelle fut la première pièce qui vous a permis de prendre conscience du fait que le mot designer ne vous convenait pas ? Mes lampes Randogne, qui sont parmi mes objets les plus reconnaissables. J’ai commencé à les créer en 2004 dans de petites tailles pour les faire fabriquer en série et les distribuer. Puis je me suis permis de les réaliser en plus grand dès 2009, Philippe Cramer a créé 6 œuvres digitales NFT lancées durant Art Genève. Il s’agit de GIF, une édition de 28 pièces qui font partie de sa série «Amulettes apotropaïques» et sont censées éloigner le mauvais œil. L’acheteur acquiert un format GIF, qu’il peut mettre dans sa maison métavers, s’il en possède une, ou le projeter sur le mur de son habitation. Dès septembre, l’acquéreur pourra choisir de garder l’œuvre digitale ou obtenir une sculpture physique, auquel cas le NFT sera détruit. S’il choisit de garder le NFT, cela lui servira de clé d’entrée dans l’univers métavers de Philippe Cramer, un espace de création artistique.

A partir du mois de mai, Philippe Cramer présentera également une œuvre au Golf de Cologny dans le cadre d’un Sculpture Park éphémère qui va durer neuf mois.

CRAMER

MAGE DES LUMIÈRES

et un moment donné, je les ai appelées des «sculptures lumineuses». En changeant d’échelle, elles sont devenues autre chose. Quand j’ai commencé mon métier, j’ai essayé de me convaincre que j’étais un designer qui faisait des objets utilitaires, mais au fond je n’étais pas heureux. Je n’aime pas le mot designer: sa sonorité est nasale, abrasive, je ne me reconnais pas dedans. Peut-être ai-je une part d’artiste en moi que je ne voulais pas admettre parce je viens d’un milieu calviniste où il faut faire des choses utiles?

Quand on voit votre banc de bois dont les veines ont été colorées avec des crayons de couleur, il semble que votre enfant intérieur tient une grande place dans votre processus de création.

J’ai réalisé récemment qu’il était à la base de tout. Quand j’étais petit, j’étais assez timide, je dessinais énormément et j’ai réalisé un petit livre entre l’âge de 6 et 9 ans où j’ai raconté l’histoire d’un petit personnage dans un monde imagi-

« JE L’AI TOUT DE SUITE VUE COMME UNE ŒUVRE D’ART, MAIS ELLE S’ALLUME ET S’ÉTEINT COMME UNE LAMPE. »

L’oculus Mirabilis est une représentation d’un temps abstrait, les accords de couleurs changent selon les heures. naire. C’étaient des dessins d’enfant mais je me suis rendu compte que j’ai toujours voulu créer des mondes. Ce n’est pas l’objet en soi qui m’intéresse mais l’univers entier! C’est peut-être pour cela que j’ai choisi de créer mon propre showroom, où je décore les murs, où je mets les pièces en place où je veux et elles se répondent entre elles. Il y a une dimension enfantine dans ce banc en bouleau dont j’ai redessiné les veines naturelles avec des crayons Caran d’Ache. Le motif définitif n’est pas dicté par moi mais par la nature. Je l’ai baptisé Palimpseste.

Pensez-vous que vos créations peuvent avoir une influence positive sur les acquéreurs ? Oui. Ce sont de petits talismans. En vendant mes objets, je vends des antidotes à la froideur, à la dureté du monde. Chacun d’eux porte en soi quelque chose qui peut faire sourire, ne serait-ce que quelques secondes…

PHILIPPE CRAMER EN QUELQUES DATES:

1970: 8 mai, naissance à Genève.

1993: Départ à New York pour étudier à la Parsons School.

2003: Ouverture de la galerie au 8, rue de la Muse à Genève.

2010: Première installation de «L’ornement jamais» au Musée d’art et d’histoire de Genève, qui faisait partie des célébrations du centenaire du musée.

2018: Début de la collaboration avec Hermès pour le label Petit h.

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