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Revalorisation du rendement des loyers
DROIT IMMOBILIER
Me Patrick Blaser, avocat, associé de l’Etude Borel & Barbey, Genève.
Revalorisation du rendement des loyers
Suite à un arrêt de principe rendu par le Tribunal fédéral le 26 octobre 2020 (A4_554/2019), de nouvelles règles en matière de calcul des loyers vont permettre d’obtenir de meilleurs rendements des états locatifs de biens immobiliers. Par cet arrêt, le Tribunal fédéral a en effet mis fin à une
jurisprudence solidement ancrée dans les «mœurs» depuis une trentaine d’années et qui plafonnait les loyers initiaux à un niveau relativement bas.
Dans son arr t le ri unal édéral a enfin admis que certaines règles qu’il avait lui-même édictées en atière de fixation du loyer initial étaient devenues largement obsolètes. En effet, ces règles avaient été établies à une époque o les taux ypot écaires prenaient l ascenseur. l épo ue les taux ypot écaires étaient en e et passés de 5% à 7% en l’espace de quatre ans, soit entre 1988 et 1992. e telles ausses des taux ypot écaires se répercutaient inévita le ent sur le ontant des loyers ui avaient par conséquent tendance à augmenter drastiquement. D’où la nécessité, sociale, de cadrer ces augmentations de loyers. r depuis les taux ypot écaires n ont lo ale ent pas cessé de descendre pour atteindre aujourd ui le taux de .
Bref rappel de l’ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral
our e p c er tout rende ent excessi d un i eu le locati par le iais de loyers ualifiés d a usi s le ri unal édéral a prévu certaines rè les pour fixer le loyer initial d un contrat de ail nouvelle ent conclu.
Deux de ces règles sont particulièrement contraignantes. La première consiste à ne revaloriser, selon l’indice suisse des prix à la consommation (ci-après: l’ISPC), que 40% des fonds propres investis. La seconde plafonne le rendement admissible de ces fonds propres revalorisés à un taux maximum de 0,5% au-dessus du taux hypothécaire de référence (ci-après: taux hypothécaire). Malgré la baisse drastique des taux hypothécaires depuis 1992, le Tribunal fédéral s’était toujours refusé à changer sa jurisprudence devenue obsolète et qui dé ouc ait sur la fixation de loyers a usive ent as. Suite à différentes interventions parlementaires et à de nombreux recours judiciaires, le Tribunal fédéral s est finale ent rési né re ettre en uestion ses propres règles de calcul des loyers admissibles. Et c’est précisément l’objet de son arrêt du 26 octobre 2020.
re ier bénéficiaire de ce revire ent de jurisprudence une aisse de pension
C’est à l’occasion de la contestation d’un loyer initial par des locataires vaudois, dont le bailleur est une Caisse de pension zurichoise, que le Tribunal fédéral s est finale ent décidé odifier sa jurisprudence. Suite à la contestation du loyer initial formulée par les locataires, le Tribunal des baux du canton de Vaud avait drastiquement baissé (de plus de 60%!) le loyer initial de l’appartement. Et cela conformément à la jurisprudence jusque-là constante du Tribunal fédéral. Sur appel de la Caisse de pension, le Tribunal cantonal du Canton de Vaud, se refusant de prendre l’initiative de odifier cette e jurisprudence a confir é la aisse du loyer initial fixée par le ri unal des aux. Considérant ue le loyer fixé par les ju es vaudois était abusivement bas, en comparaison notamment avec les loyers usuels du quartier, la Caisse de pension a interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral. En plus de son argumentation liée aux loyers comparatifs, la Caisse de pension n’a pas manqué de remettre en cause la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de calcul du loyer initial admissible qui, suite à la baisse drastique des taux hypothécaires, aboutissait aujourd ui fixer des loyers anor ale ent as. t cette ois le essa e a enfin été entendu et compris par le Tribunal fédéral.
alcul du loyer ad issible bref ode d e ploi
A titre préliminaire, le Tribunal fédéral, et cela aide à la co pré ension de son arr t a rappelé ue pour fixer le montant du loyer admissible, il convenait de procéder en sept étapes, à savoir: 1. Déterminer tous les coûts d’investissement effectifs (ou le prix de revient) de l’immeuble. 2. Déduire de ces coûts les fonds empruntés (fonds «étrangers»), ce qui permet d’établir le montant des fonds propres investis. 3. Réévaluer le montant des fonds propres en l’adaptant au renchérissement selon l’ISPC. Selon la jurisprudence, l’adaptation au renchérissement doit être limitée à 40% des fonds propres. C’est cette première règle qui est contestée par la recourante dans le cas d’espèce. 4. Appliquer le taux de rendement admissible à ces fonds propres réévalués. Selon la jurisprudence, le taux de rendement admissible ne peut être supérieur que de 0,5% au taux hypothécaire de référence. C’est cette seconde règle qui est contestée par la recourante dans le cas d’espèce.
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5. Ajouter les charges immobilières au rendement admissible des fonds propres réévalués. 6. Ventiler ce résultat appartement par appartement pour en obtenir le loyer admissible. 7. Comparer ce loyer admissible avec le loyer actuel et en déterminer l’éventuelle majoration de loyer possible.
C’est le moment de changer le mode de calcul des loyers initiaux
n énéral le ri unal édéral ne odifie pas ses jurisprudences sur un simple coup de tête. n c an e ent de jurisprudence ne se justifie en effet que lorsque les circonstances ou les conceptions juridiques ont indubitablement évolué et qu’une autre pratique respecterait mieux la volonté du législateur. Les motifs du changement doivent être objectifs, et d’autant plus sérieux que la jurisprudence est ancienne afin de ne pas porter atteinte sans raison la sécurité du droit, qui souffrirait indubitablement en cas de changements trop fréquents de la jurisprudence. En l’espèce, le Tribunal fédéral a mis en exergue que la jurisprudence de 1994, qui n’admet la revalorisation des onds propres investis u auteur de 0 et celle de 1986, qui plafonne le taux de rendement ad issi le 0 en plus du taux ypot écaire de ré érence ont été rendues une épo ue o les taux hypothécaires étaient en constante hausse, ce qui entraînait d’importantes augmentations de loyers qui n’étaient socialement pas admissibles. Or, comme l’a relevé le Tribunal fédéral, les taux hypothécaires ont quasi continuellement baissé depuis 99 et cela jus u ce jour. Dans ces circonstances le Tribunal fédéral a été forcé d’admettre que sa jurisprudence constante s’avérait aujourd’hui complètement coupée des réalités du marché et conduisait fixer des loyers inappropriés car trop as. Par conséquent, le Tribunal fédéral a considéré que, dans le respect du système toujours en vigueur de couplage des loyers aux taux hypothécaires, il convenait de odifier sa jurisprudence ui n était e ective ent plus en adéquation avec les conditions actuelles du marché.
Revalorisation à 100% des fonds propres selon l’évolution de l’ISPC
Première règle à modifier: dans sa jurisprudence de 1994, le Tribunal fédéral avait limité l’adaptation au renc érisse ent selon l C seule ent 0 des fonds propres investis, que ceux-ci soient des fonds propres ou des fonds externes. Cette proportion standardisée ne tient toutefois pas compte des fonds propres réellement investis. Cette rè le pouvait para tre justifiée l épo ue de la orte au entation des taux ypot écaires et de l in ation dans le but de limiter la hausse des loyers que cette situation pouvait entraîner. Or, aujourd’hui, cette situation n’est plus d’actualité. Fort de ce constat, le Tribunal fédéral a considéré qu’il allait fixer une nouvelle rè le en ad ettant ue c étaient ien les 00 des onds propres ui devaient tre réévalués selon l C et non pas seule ent les 0 .
Revalorisation du taux de rendement fondé sur le taux hypothécaire
Seconde règle à modifier: dans sa jurisprudence de 1996, le Tribunal fédéral avait jugé que le pourcentage admissible au-dessus du taux hypothécaire de référence devait tre pla onné 0 . Compte tenu de la baisse drastique des taux hypothécaires, le Tribunal fédéral a admis que le rendement calculé selon la jurisprudence actuelle aboutissait aujourd ui un loyer insu fisant nota ent pour les caisses de pension ui devaient servir des rentes leurs assurés.
Malgré la baisse drastique des taux hypothécaires depuis 1992, le Tribunal fédéral s’était toujours refusé à changer sa jurisprudence devenue obsolète et qui débouchait sur la fixation de loyers abusivement bas.
Le ri unal édéral a dès lors fixé une nouvelle rè le selon la uelle le taux ad issi le supérieur au taux ypot écaire de ré érence devait dorénavant tre fixée 2% (au lieu de 0,5%). vec toute ois une li ite de taille cette rè le ne s appli ue en e et ue lors ue le taux ypot écaire de ré érence est é al ou in érieur . Exemple concret d’un calcul du loyer admissible selon la nouvelle jurisprudence
Concrète ent co ent calculer les loyers ad issi les selon la nouvelle jurisprudence du ri unal édéral? ans l a aire ju ée par le ri unal édéral ce dernier a procédé lui- e ce calcul en appli uant
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Calculer les loyers admissibles selon la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral
1. Fonds propres investis: CHF 51’546’700.- (valeur au 17 décembre 2003) 2. Réévaluation des fonds propres investis en fonction de l’évolution de l’ISPC: - Novembre 2003 96.4 (base 2015) - Mai 2017 101.0 (base 2015) - Augmentation de l’ISPC 4,77% - Fonds propres investis CHF 51546700. - Réévalués à 4,77% CHF 54005’477.3. Calcul du rendement admissible: - Taux hypothécaire de référence 1,5% - Rendement admissible en % 3,5% (1,5% + 2%) - Rendement admissible CHF 1’890’191.- (CHF 54’005’477.00 x 3,5%) 4. Calcul du rendement net admissible: - Rendement admissible - Charges courantes et d’entretien - Rendement net admissible CHF 1’890’191.CHF 490’287.CHF 2’380’478.5. Loyer admissible par m2 CHF 164.82 (238048000: 14443 m2) 6. Loyer admissible pour l’appartement concerné CHF 1’387.25 (CHF 16480 x 101 m2) en lieu et place du loyer de CHF 900.- fixé par les autorités judiciaires vaudoises. Dans le cas d’espèce, le calcul fondé sur les nouvelles règles permet ainsi d’obtenir un loyer initial supérieur de plus de 50% par rapport à celui qui aurait été calculé selon les règles de l’ancienne jurisprudence.
ses nouvelles règles. D’où l’utilité de se référer à ce calcul pour mieux comprendre comment les nouvelles règles doivent s’appliquer (voir tableau ci-dessus). En tout état, cet exemple de calcul effectué par le Tribunal fédéral peut dorénavant être utilisé à l’occasion de chaque contestation par le locataire de son loyer initial. Et cela aussi longtemps qu’il n’y aura pas, cas échéant, une nouvelle jurisprudence et, surtout, que les taux hypothécaires de référence resteront à 2% ou moins. Les nouvelles règles édictées par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 26 octobre 2020 permettent ainsi de revaloriser le rendement des immeubles locatifs par la fixation de loyers initiaux plus élevés que selon l’ancienne jurisprudence. Cette revalorisation est indubitablement plus en phase avec les conditions actuelles du marché immobilier. n
Patrick Blaser Avocat associé de l’Etude Borel & Barbey, Genève Juge au Tribunal administratif de première instance patrick.blaser@borel-barbey.ch
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