Les statues de l’escalier de la gare Saint-Charles
La place de l’héritage colonial à Marseille
Présenté par : Carla
CUCCHIARO
Sous la direction de : Muriel Girard
Zerourou Amel
Le Henaff Audrey Monrozies Delphine
SOMMAIRE
Introduction 5
1 Historique de la gare et de son projet d’aménagement 8
1 1 Aménagement de la gare Saint-Charles, un nouvel accès au centre-ville
1 2 Concours de l’escalier de 1911 dans le contexte de l’exposition coloniale de 1922
2 La statuaire, un marqueur de l’idéologie du passé 14
2 1 La place de la statuaire dans l’espace public, lieu de diffusion d des symboles
2 2 Description des groupes de statues, un imaginaire orientaliste ?
3 Un même objet, des revendications mémorielles plurielles 24
3 .1 . Un riche héritage patrimonial, avec le comité du vieux dddddddMarseille
3 2 Un héritage à démarche pédagogique, avec l’association dddddddAncrages à Marseille
3 3 Un encombrant à déboulonner ? avec les revendications ccccccc artistiques
Conclusion 33
Bibliographie 35
Annexe 38
MOTS-CLÉS
Statuaire
Colonialisme
Gare Saint-Charles
Héritage
Escalier
Scénographie
RÉSUMÉ / Depuis juin 2020, le déboulonnage de statues se déploie dans le débat public, porté par une volonté croissante de décoloniser la mémoire collective
A Marseille se trouvent des statues représentant les colonies d’Asie et d’Afrique, qui décorent l’escalier monumental de la gare Saint-Charles Celui-ci relève à la fois de la richesse de la ville et de son douloureux passé . L’étude des différentes interprétations faites autour de ces statues montrera que ce même objet porte des revendications mémorielles plurielles Il s’agit ainsi de s’interroger sur la place de cet héritage de la période coloniale à Marseille, ville riche de deux millénaires d’immigrations .
LEXIQUE
Décoloniser :
Libérer quelqu’un, un groupe, une région, leur donner une certaine autonomie, leur faire quitter un état de subordination : Décoloniser les provinces (Défini par Larousse dictionnaire)
Mémoire collective :
La notion de mémoire collective est issue des travaux de Maurice Halbwachs 1 En rapprochant ces deux termes : mémoire et collectif, Halbwachs se proposait de démontrer que tout groupe organisé crée une mémoire qui lui est propre Il poursuivit sa réflexion en démontrant que la mémoire individuelle s’appuie, dans les processus de remémoration et de localisation, sur des formes, sur des « cadres » issus du milieu social (Défini par l’encyclopédie universalis)
Dé-commémoration :
Processus dans lequel les représentations matérielles et publiques du passé sont retirées, détruites ou fondamentalement modifiées (Défini par Gensburger, S , & Wüstenberg, J )
Devoir de mémoire :
Responsabilité morale des Etats de rappeler à leur peuple les souffrances et les injustices subies par certaines populations (Défini par l’internaute dictionnaire)
Patrimonialiser :
Classer, à la suite d’une décision juridique ou politique, un site, un bien, une espèce ou une pratique au patrimoine culturel ou naturel, afin d’assurer leur préservation et leur mise en valeur (Défini par Larousse dictionnaire)
Je cite seulement les définitions des dictionnaires, ce qui enlève ici la notion d’une construction sociale, résultante d’une perception d’un patrimoine, par une société ou un groupe social
1
2 Lefranc, S , & Gensburger, S (2023) La mémoire collective en question(s) https:// sciencespo hal science/ hal-03969594
INTRODUCTION
En juin 2020, le déboulonnage de statues se déploie dans le débat public, porté par une volonté croissante de décoloniser la mémoire collective En effet, c’est le 25 mai 2020 qu’un évènement tragique prend place aux Etats-Unis George Floyd, un Afro-Américain de 46 ans, est tué par un policier blanc à Minneapolis lors de son interpellation . Ce meurtre réanime un immense mouvement antiraciste qui embrase les États-Unis et se répand dans le monde entier C’est alors que le mouvement de Black Lives Matter prend un essor considérable Ce dernier incite à des changements concrets sociétaux et politiques de lutte contre le racisme, qui passe par la dé-commémoration, avec le changement de nom de rue ou d’établissement scolaire, ou encore le déboulonnage
Ces actions s’inscrivent dans une politique mémorielle, inscrite dans la rhétorique d’un devoir de mémoire En ce qui concerne la France, en 2020 le président Emmanuel Macron a commandé plusieurs rapports d’historiens pour examiner le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda, contribuer à l’apaiser les débats sur la mémoire de la colonisation et de la guerre en Algérie, préparer un musée-mémorial sur le terrorisme, et refléter la diversité sociale dans les noms des rues françaises . 2 C’est alors cette même année que le président a dû réagir au débat du déboulonnage des statues, qui gronde partout à l’étranger, et aux demandes de nombreux groupes (associations et militants) Il exprime d’abord sa volonté pour l’égalité des chances, du combat contre le racisme, et la nécessité d’être tous unis sous la République puis conclu par «la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de
son histoire . Elle n’oubliera aucune de ses œuvres . Elle ne déboulonnera pas de statues . »3
Alors pour mieux comprendre les différents points de vue autour de ces statues controversées, il me parait nécessaire de connaître l’histoire qu’elles racontent, du contexte de l’évènement célébré et leur continuité . En réalité, l’évolution du sens qu’elles portent au travers des différentes politiques et contextes sociaux est un indicateur de la portée qu’elles détiennent En effet, en plus de leur portée décorative, elles restent un vestige de la propagande de l’époque C’est après avoir fait cette analyse, que la dé-commémoration peut se mettre en place, lorsque les idéologies et les intérêts diffèrent de la réalité contemporaine
Par exemple, prenons le cas de la Martinique, un département d’outre-mer français Juste avant l’assassinat de George Floyd, deux statues de Victor Schœlcher ont été détruites par des manifestants, le 22 mai 2020, le jour de commémoration l’abolition de l’esclavage Mais alors pourquoi l’homme qui a signé le décret de l’abolition définitive de l’esclavage en France est déboulonné par les manifestants antiracistes ? On retrouve cette phrase « Victor Schœlcher n’est pas notre sauveur » dans un communiqué . 4 Ce dernier fait la demande d’ériger une autre statue à sa place, un célèbre esclave qui a été mis en prison pour avoir joué du tambour En effet, les personnes érigées honorent plus souvent des abolitionnistes blancs, comme Victor, que des figures noires ayant marqué l’histoire En France métropolitaine, il a fallu attendre 2015 avec la statue de Toussaint Louverture pour avoir une figure, non blanche, emblématique de l’abolition de l’esclavage Ici est alors reproché une auto-glorification de la France, avec l’homme blanc qui a sauvé de l’esclavagisme l’homme noir Cette reconnaissance des combats abolitionnistes des figures noires est alors ignorée, absente de la mémoire publique, et de l’espace public .
3 TF1 Info, allocution du président de la République, du 14 juin 2020 Macron : «Nous serons intraitables face au racisme», mais «nous n’effacerons aucune trace de notre histoire»
4 Afp, L M A (2020a, mai 24) Deux statues de Victor Schœlcher brisées par des manifestants en Martinique Le Monde fr
C’est de ce spectre là que je viens questionner la place de l’héritage colonial à Marseille, qui porte un devoir de mémoire à bien des égards
Mon cas d’étude sont les statues de la gare SaintCharles réalisées par Louis Botinelly Ces dernières sont des allégories des colonies d’Asie et d’Afrique, créées pour la gloire d’une ville impériale, qui célèbre donc un passé colonial de la France . (Voir fig . 1 et 2)
Cet héritage est légitime d’être questionné, puisque Marseille est une ville de « diversité ethnique » Elle comprend en particulier une large population avec des origines maghrébines, donc issu de l’immigration avec un contexte tragique, notamment par la guerre d’Algérie et la décolonisation .
Le seul fait que plusieurs statues monumentales soit célébrées à la gloire d’un passé partagé localement peut être source d’incompréhension et de non-justice Partant de ce constat, il parait pertinent de s’interroger sur la signification de ces statues à l’heure d’aujourd’hui .
Un questionnement sur sa légitimité, ou plutôt ce que son existant apporte (de bien ou mal) parait cohérent
Et à mon sens, parler, qualifier ces statues, cet espace, entre dans cette démarche de transmission, d’avancée vers un espace public plus juste, conscientisé .
Pour travailler cette question, j’ai d’abord traité des sources historiques de première main en me rendant aux archives municipales de la ville de Marseille et de la bibliothèque L’Alcazar J’ai pu alors regrouper des documents écrits (journaux et livres) et iconographiques (dessins et photographies) . Puis dans un second temps, je me suis renseignée sur les évènements et le contexte actuel au travers d’articles, scientifique et non, provenant de différents journaux de presse (Le Monde, Basta !, LeMedia) et plateformes de publication (Cairn info, OpenEdition) J’ai appris également lors des écoutes d’interviews et de conférences sur les livres réalisés par des historien/nes, professeur/es,
sociologues (vidéos et podcasts) . Pour finir, en me rendant sur place, j’ai demandé l’avis de passants sur le déboulonnage des statues et j’ai participé à une manifestation (en mémoire des victimes du 17 octobre 1961) qui a mené à des tags sur les statues des escaliers de la gare Saint-Carles, qui étaient le point de départ (Voir fig . 3) .
Je vais ainsi aborder ma réflexion sur ce patrimoine en m’appuyant premièrement sur une analyse historique de la gare et de son projet d’aménagement, conçu à l’occasion de l’exposition coloniale de 1922,5 dont l’objectif principal était de créer un nouvel accès reliant la gare au centre-ville . Je me demanderai ensuite la place de la statuaire en ville et ferai une description détaillée des différents groupes statuaires présents sur l’escalier monumental Enfin, j’examinerai les revendications mémorielles plurielles soumises au même objet ; entre des associations qui mettent en lumière leur histoire liée au colonialisme et demande une recontextualisation ou même un déboulonnement, ou d’autre qui le valorise en tant qu’une fierté d’un patrimoine à conserver
1. Historique de la gare et de son projet d’aménagement
1.1. Aménagement de la gare Saint-Charles, un nouvel accès au centre-ville
Marseille est une ville tournée vers la mer, et imprégnée par les idées du Siècle des lumières, elle amorce son expansion « civilisatrice » et économique vers d’autres continents Cependant, l’historien français Emile Temime explique que son enclavement physique perturbe les échanges avec l’intérieur de l’Hexagone 6 C’est en 1832 qu’un projet entre Paris et Marseille prend place, pour répondre à un enjeu économique et social . L’ingénieur des Mines Henri de Villeneuve
5 Trains d’Europe - Au delà du Gard : gare de La Joliette Marseille Maritime (13) (s d )
6 Gérard [Planchenault] (s d ) Marseille Saint-Charles : Histoire d’une grande gare 1847-2007 Alan Sutton
imagine une ligne Paris-Lyon-Marseille qui passe par Aix-en Provence et la vallée de l’Huveaune pour aboutir dans l’anse des Catalans Ce succède par la suite d’autres ingénieurs proposant différents tracés mais les projets ne sont pas maintenus puisqu’il manque l’assise financière En effet, c’est la loi du 11 juin 1942 qui traite des règles de financement associant l’Etat avec les compagnies ferroviaires privées .
Cependant, après avoir été témoin de ses projets abandonné, Paulin Talabot, polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées, décide de mettre en œuvre sa première ligne ferroviaire Visionnaire, il prend conscience de l’atout majeur que va représenter le développement du charbon et de la métallurgie liée au chemin de fer pour l’essor économique de tout le SudEst
Deux emplacements sont proposés pour le site de l’embarcadère, une station à proximité du port de la joliette, pour réaliser une jonction directe entre le chemin de fer et la navigation maritime . Et la seconde station se trouve au niveau du plateau près de la place Bernard du Bois et les terrains dénommés SaintCharles, par le ministre des Travaux publics Elle servirait à recevoir les marchandises ainsi que les voyageurs .
En 1843, le percement du tunnel de la Nerthe est entamé et se termine en 1847 La sortie est à 53 mètres au-dessus de la mer, ce qui est 4 mètres plus haut que les terrains du plateau Bernard du Bois, à 49 mètres après décapage, contrairement à l’autre emplacement, la place Pentagone, qui est à 29 mètres, soit 24 mètres plus bas . La pente à remonter pour atteindre le tunnel serait alors beaucoup plus importante, et d’après un calcul de Talabot, une locomotive pourrait tirer 10 wagons de moins au départ du Pentagone Ce sont les aspects techniques et financier qui feront pencher la balance pour le plateau Bernard du Bois . Finalement, une station sera aussi établie vers la
joliette, desservie par un embranchement spécial, puis fermera aux alentours de 1992 . 7 Il ne subsiste quasiment rien de cette ancienne gare, dont les emprises du lieu ont été complétement remanié aujourd’hui (par la construction d’immeuble notamment)
L’autre site choisi, de 10 hectares, est plus verts et sans trop d’expropriations . En 1844 une enquête foncière est faite pour procéder à l’expropriation des terrains . Pour accueillir les extensions inéluctables à venir, le couvent des sœurs de la Visitation devait être rasé Cela a donc engendré des mois de discussions, avec l’intervention du ministre des Travaux publics pour contraindre le préfet à cette expropriation, avant de promulguer l’expropriation totale le 10 septembre 1845 . C’est en fin 1847 que les travaux de la ligne sont terminés
Les premiers bâtiments de la gare de Marseille, alors toujours en travaux, sont inaugurés le 8 janvier 1848 . Paulin Tabalot, devant la foule immense, saisit l’occasion pour présenter en détail le projet de la gare Saint Charles, dont la construction est aussi prise en charge par l’architecte Gustave Desplaces Par la suite, des nombreuses constructions qui forment les bâtiments originaux sont entreprises de 1893 à 1896 par l’architecte Joseph-Antoine Bouvard .
Un problème subsistait, la gare Saint-Charles demeurait coupée du centre-ville par des bâtiments et l’important dénivelé Les piétons font face à un mur de plus de 15 mètres de haut accessible par un petit escalier en coin de l’esplanade, qui surplombe l’avenue de la Paix (aujourd’hui le boulevard Maurice Bourdet) . (Voir fig . 4) L’autre accès se fait par une rampe qui est plus loin, à la hauteur de l’actuelle Vierge Dorée Ces deux accès sont contraignants et tachent le projet de la nouvelle architecture ferroviaire en préparation
De nombreuses réflexions sont alors engagées, avec
7 Gallocher, P (1983) Marseille (1) : Zigzags dans le passé FeniXX (p 24)
8 Gérard [Planchenault]
(s d ) Marseille
Saint-Charles : Histoire d’une grande gare
1847-2007 Alan Sutton, p
83
des systèmes comme un funiculaire, un tram sur « viaduc métallique » . Mais ces derniers utiliseraient la place disponible sur l’esplanade comme cour d’arrivé, dépose minute, et non plus comme une ouverture généreuse et praticable de la gare C’est donc l’idée d’un escalier monumental qui est adopté, qui prolongerait l’avenue d’Athènes sur la cour d’arrivée . Mais cette idée implique la destruction des bâtiments du Petit Séminaire et de l’école de Belsunce qui occupaient le haut du Boulevard d’Athènes En 1903 l’Etat rachète les immeubles et en 1909, l’ancien collège Belsunce est déplacé
Nous voilà aux prémices du projet de la municipalité qui débute en 1911 par le lancement d’un concours d’architecture réservé aux architectes marseillais « Le programme du concours fixe quatre modalités importantes : prolonger la perspective du boulevard d’Athènes, accompagner l’escalier par un décors monumental, franchir en pont le boulevard de la Gare (actuel boulevard Voltaire) et enfin permettre l’accès à un niveau inferieur de la gare grâce à un palier intermédiaire »8 C’est donc sur cette consigne que le projet d’escalier monumental est lancé, pour mettre en valeur l’accès de la gare Saint-Charles, qui domine la ville depuis plus de 160 ans .
1.2. Concours de l’escalier de 1911 dans le contexte de l’exposition coloniale de 1922
C’est en 1911 qu’un concours est ouvert par la ville de Marseille, elle met en compétition des architectes marseillais pour réaliser un escalier monumental d’accès à la gare Saint-Charles Ce concours reçut beaucoup d’engouement, et trois équipes d’architectes ont soumis des projets grandioses au jury (Voir fig 5 et 6)
C’est le 3 avril 1911 qu’un jury présidé par le maire de Marseille arrête son choix sur Eugène Sénès et Léon Arnal, deux architectes de l’école des Beaux-arts de
Marseille, qui s’était associés pour répondre au projet . Un an plus tard, le plan de financement est acté ; l’emprunt sera remboursé par une surtaxe perçue sur la vente des billets au départ de Marseille Malheureusement, en 1914, la Première Guerre Mondiale éclate et remet en cause ce projet d’urbanisme au vu des dépenses militaires . La guerre place les chemins de fer sous l’autorité militaire .
Le processus de financement est repris en 1919, avec le ministre des Travaux publics, qui à nouveau sollicité, accepte le principe de surtaxe L’objectif pour la fin des travaux est fixé en 1922, l’année de l’exposition coloniale au Parc Chanot de Marseille . C’est alors que les deux architectes, Eugène Sénès et Léon Arnal, relancent leur projet par la présentation d’une maquette en plâtre, en y ajoutant les statues déjà présente sur les plans
Entre temps, le coût estimé du projet est passé de 425 000 francs à 3 200 000 francs, ce qui a repoussé l’exécution de cet escalier monumental Il faudra attendre le 17 juillet 1923 pour que le maire de Marseille puisse enfin poser la première pierre avec l’entreprise Caillol
La période qui nous concerne se situe donc pendant l’entre-deux-guerres, une période de bouleversement où notamment l’empire colonial français était à son apogée
En effet, l’exposition coloniale de Marseille de 1922 fixe déjà les attentes, et s’inscrit dans la lignée de l’exposition coloniale de 1906, où un comité national des expositions coloniales a été créé . La volonté est de mettre en avant la France comme le deuxième empire colonial de la planète après le Royaume-Uni
Nous arrivons finalement en 1925, lors de la première inauguration pour l’ouverture de l’escalier au public, le reste des statuaires n’étant pas encore prêt . Il se compose d’un perron avec deux escaliers latéraux qui
rejoignent le palier central . Ce dernier donne sur une volée centrale coupée de paliers intermédiaires, et divisé en longueur par deux lignées de lampadaires Les parties latérales conduisent aux accès souterrains Le sous-œuvre de l’escalier est un des premiers ouvrage en béton armé En hauteur, deux pylônes monumentaux s’opposent en symétrie, réalisés par Auguste Carli représentant « Marseille Porte d’Orient » et « Marseille colonie grecque »
C’est la seconde inauguration, du 24 avril 1927, qui marque l’achèvement définitif des travaux S’érige alors de nouvelles statues qui renforcent un discours déjà présent sur la richesse de la ville par la force coloniale . S’ajoute, de chaque côté, les groupes de bronze de Henri Reybaud représentant les « Produits de Provence » et deux statues représentants les colonies d’Afrique et d’Asie de Louis Botinelly
Ces différentes statues visent à monter, par leurs tailles, leurs matériaux et surtout leur représentation, la richesse de la nation, qui découle des colonies, et donc la fierté de Marseille, étant une ville maritime, commerciale et industrielle
Pour citer la revue d’architecture La Construction Moderne du 22 mai 1927 : « Plus loin, des lions majestueux dus au ciseau de Bitter donnent cette note de grandeur dans la force que Marseille avec son port, son commerce, ses industries, ses institutions représente si parfaitement » (voir fig 7)
En effet, c’est dans se contexte que Marseille s’affirme comme une ville impériale . Son économie découle en grande partie du transit des importations françaises vers l’Algérie A cet égard, le port est agrandi, les industriels viennent en nombres pour exploiter les ressources présentes sur place et les banques locales investissent dans cette colonisation
La ville organise sa première exposition coloniale en
1906, puis la seconde en 1922 qui a réuni 3 millions de visiteurs au par Chanot . Objet de propagande, elle met en scène un imaginaire orientaliste avec la présence de pavillons représentant les colonies, des jardins exotiques, pour représenter un empire « pacifié » et grand Comme dit précédemment, l’escalier se voulait prêt pour l’exposition coloniale de 1922 . C’est donc sur cette politique de gloire à la violence extrême coloniale que s’établit cet escalier monumental
Cet imaginaire se transcrit par l’aménagement de l’espace public, notamment par la présence du palmier, une espèce non locale . De même par les sculptures, avec les deux pylônes représentant deux allégories féminines de Marseille (porte de l’Orient et colonie grecque) ainsi que les deux statues de femmes, en bas de l’édifice, représentant les colonies d’Afrique (à l’ouest) et d’Asie (à l’est)
C’est pourquoi au-delà de cette scénographie de l’imaginaire orientaliste, cette mise en scène est un vestige de la propagande de l’époque de la commande Je m’en remets à la seconde partie de cet article où je me penche sur la description de ces statues
En décembre 2022, l’escalier avec ses jardins est inscrit au titre de monument historique, un label destiné à le protéger, du fait de son intérêt historique, artistique ou architectural
2. La statuaire, un marqueur de l’idéologie du passé
2.1. La place de la statuaire dans l’espace public, lieu de diffusion des symboles
Les statues dans les villes jouent un rôle symbolique important À première vue, cet art est admiré pour son esthétique, qui reflète le résultat d’un travail artisanal minutieux et exigeant . Placées dans les espaces
9 Hölscher Tonio, La Vie des images grecques Sociétés de statues, rôles des artistes et notions esthétiques dans l’art grec ancien, Paris, Hazan, musée du Louvre, 2015
publics, elles ornent les lieux tout en éduquant par la transmission de récits ou de valeurs, telles que les allégories de la justice, de la liberté ou de la paix De plus, elles représentent des morceaux d’histoire, honorant des personnes ou des événements jugés mémorables Mais leur fonction va au-delà de la décoration ou de la mémoire . Utilisées depuis l’antiquité dans l’espace public, elles répondent à des besoins sociétaux au cours des siècles
Les premières statues étaient principalement dédiées aux divinités On retrouve beaucoup de temples Grecs et Romains construits pour prier et respecter les divinités, puisque ces croyances religieuses étaient le fondement de la société 9 Les représentations servaient donc à matérialiser ces dieux et rappeler leur rôle central dans la vie publique et privée De même avec les sculptures égyptiennes, de colossales statues étaient réalisées en pierre pour honorer les divinités et représenter le pouvoir royal . Des exemples phares sont les colosses de Memnon, deux sculptures monumentales qui représentent le pharaon
Par la suite, lors des conquêtes de l’empire romain, les statues étaient utilisées pour glorifier les dirigeant et affirmer leur autorité . C’est donc devenu des outils de propagande politique, érigés dans des places publiques, pour asseoir le pouvoir des empereurs, rois ou chefs d’états Cela se manifestait par les représentations de bustes/portrait réalistique
La période de Renaissance est un tournant majeur dans l’histoire de la sculpture . Elles s’inscrivent dans la sculpture classique et ont apporté une nouvelle vie à cet art Elles ont ouvert à de nouvelle possibilité d’expressions artistiques, que ce soient des figures bibliques et mythologiques, et des commandes de personnalité riches et importantes de l’époque qui s’intéressaient à cette forme d’art .
Elles sont caractérisées par leur réalisme leur attention aux détails anatomiques et leur expression émotionnelle
L’époque moderne apporte une nouvelle dimension, avec les monuments commémoratifs, qui servent à préserver la mémoire collective et commémorer des héros ou des évènement marquants . C’est donc lors de cette période, le 19eme siècle, l’avènement de l’empire colonial, que les villes européennes commandent massivement des statues de leurs héros nationaux, leur figures politiques ou leurs conquêtes coloniales 10
Une dernière raison qui a conduit à l’érection de statues est d’affirmer une identité nationale . En effet, lors des révolutions ou l’indépendance d’un peuple, la statuaire est un moyen de montrer qu’il y a un avant après et que le courant de l’époque n’est plus actuel Ce dernier s’applique notamment lors des colonisations Lorsque les colons terrorisaient un peuple, ils utilisaient la statuaire pour monter que la terre était conquise et pour soumettre le peuple local à leur propre culture, en diffusant leur domination
Les statues sont alors à la croisée de plusieurs objectifs : sociétales, politiques, culturelles et esthétiques . Elles ne sont jamais neutres, car elles reflètent les valeurs et priorités de la société qui les a érigées . Leur présence dans l’espace public n’est pas figée : elles continuent leur influence sur nos sociétés contemporaines, notamment pour les statues coloniales En effet, si elles reflètent les choix politiques et culturels de l’époque, les garder érigées de nos jours pose la question sur ce que l’on choisit de commémorer, glorifier ou questionner C’est ici que le débat vient se cristalliser, lorsque on parle de mémoire, et de traces du passé
En effet, si les statues coloniales sont un marqueur du passé, elles prennent en compte qu’un seul point de
10 Sculptures (s d )
Musée D’Orsay https:// www musee-orsay fr/fr/ collections/sculptures-etmedailles/sculptures
vue, celui des colons, et non des colonisés . Se pose alors la question de la mémoire sélective ou de la négation de la mémoire Initialement conçues pour glorifier les figures centrales de l’expansion coloniale, gouverneurs, militaires, administrateurs ou marchands, ces statues sont des témoignages matériels d’un récit historique centré sur les conquêtes et les bienfaits supposés apportés par la colonisation .
Dans l’espace public, leur présence perpétue une mémoire sélective : celle d’une histoire écrite par et pour les colonisateurs Elles exaltent les réalisations économiques, techniques ou administratives de l’Empire, tout en occultant les violences intrinsèques à la colonisation, telles que l’exploitation, les expropriations, et les génocides culturels ou physiques Je me réfère notamment aux analyses de Seumboy Vrainom sur sa chaine « Histoires Crépues » des statues présente à Paris avec Bugeaud, Galliéni et le monument à la Mission Marchand .
Le maintien de ces statues dans nos villes agit comme un rappel constant des hiérarchies de pouvoir héritées du passé colonial Leur présence dans les espaces publics affirme un ordre symbolique dans lequel les figures colonisatrices demeurent célébrées tandis que les résistances des colonisés restent souvent marginalisées Cette invisibilisation est flagrante dans l’absence quasi systématique de monuments dédiés à des figures de résistance ou de marronnage, telles que Toussaint Louverture ou Solitude, dû à l’ideologie du passé . Cela met l’histoire des colonisés à l’écart culturellement .
Au-delà du rappel de la hiérarchisation du pouvoir dans le passé, ces statues exercent une influence culturelle et éducative Elles orientent les perceptions collectives de l’histoire en consolidant une vision eurocentrée .
Dans le cadre scolaire ou touristique, elles participent à
la transmission d’un récit partiel et souvent biaisé, rendant plus difficile la reconnaissance des injustices commises ou des contributions des peuples colonisés à l’histoire mondiale
Sur le plan social, la présence des statues coloniales dans l’espace public peut provoquer un sentiment d’exclusion mais surtout du rappel de l’oppression subite du passé pour les descendants des colonisés et des populations racisées
Cette tension se cristallise dans les contestations contemporaines, où les appels à déboulonner ces statues révèlent des fractures profondes entre les visions d’une mémoire nationale figée et celles d’une mémoire plurielle en quête de justice
On trouve nombreuses associations menées par des militants antiraciste qui demandent le déboulonnage
Par exemple à Marseille avec le collectif du Guide de Marseille Colonial, dont les auteurs Saïd Boukenouche et Zohra Boukenouche font également parti du collectif « Mémoires En Marche », créé en 2013 au moment de l’anniversaire de la Marche pour l’Égalité et contre le Racisme de 1983
Les débats autour de ces statues interrogent la manière dont les sociétés actuelles choisissent de commémorer leur passé Si certains défendent leur maintien au nom de la préservation du patrimoine, de la mémoire héritée ou pour éviter un « effacement de l’histoire », ces arguments se heurtent aux revendications de reconnaissance et de réparation portées par les populations historiquement marginalisées . Ces débats ne se limitent pas à la mémoire du passé, mais engagent aussi des discussions sur l’inclusion et l’égalité dans l’espace public contemporain
L’ajout de plaques explicatives, par exemple, offre une occasion d’enrichir la compréhension historique et de
11 Marie Rose friger fait une performance sur la statue (video disponible sur le réseau Instagram)
12 Dulucq Sophie L’Exposition coloniale de 1931 Cartographie de l’imaginaire colonial In: Mappemonde, 1991/1 p 23-28
souligner les contradictions inhérentes à ces figures . Certains considèrent cette solution insuffisante, car une plaque explicative reste discrète et peut passer inaperçue pour une grande partie du public
Par ailleurs, des artistes et activistes utilisent ces monuments comme des supports de dénonciations Que ce soit sur les abus coloniaux, pour revendiquer des mémoires alternatives ou encore chercher à contextualiser ou à transformer ces monuments pour en révéler les aspects controversés
On retrouve à Marseille de nombreuses formes d’activismes comme une création scénique interactive, Les lunettes décoloniales, présentée au théâtre de l’Œuvre dans le cycle « Femme(s) et résistance(s) » . Sous un autre spectre, on retrouve une performance publique filmée sur l’escalier de la gare Saint-Charles 11
Une performance artistique permet de donner une voix à un objet de pierre silencieux, rappelant que le silence d’une œuvre n’exclut pas la violence qu’elle peut symboliser
Pour mettre en lumière ces pratiques, il est nécessaire d’établir un relevé des différentes revendications associées à ce cas d’étude, à savoir les statues de l’escalier de la gare Saint-Charles . Pour cela il est essentiel de décrire ces différents groupes de statues et le contexte dans lesquels ils ont été créés .
2.2. Description des groupes de statues, un imaginaire orientaliste ?
Les Expositions Coloniales de France sont conçues comme une manifestation de l’impérialisme français et ces statues ne s’y dérobent pas 12
Penchons-nous sur l’Exposition Coloniale de Marseille de 1922, installée au parc Chanot, elle offre une vision biaisée de la colonisation En effet, c’est une propagande pour représenter une France triomphante, au milieu de ses colonies, dont les richesses propres à
chaque pays sont devenues les ressources communes de l’un .
Les trois millions de visiteurs profitent alors d’une promenade au parc pour déambuler entre les différents palais de chaque territoire conquis L’enjeu de cette opération commerciale, agrémentée de nombreuses animations variées, reste une invitation au voyage et à l’exotisme
Cependant, elle contribue également à ancrer dans l’imaginaire collectif des stéréotypes sur les peuples colonisés et à glorifier la grandeur impériale française
On trouve egalement une section métropolitaine avec les derniers progrès en matière d’industrie (aviation, automobiles, navigation…)13
La mise en scène est une immersion dans l’opulence, un environnement grandiose, en matière d’architecture et d’art, à travers les matériaux ou encore les commissaires des palais locaux qui ont pour but de donner une idée de la colonie présentée On peut se faire une idée en parcourant les collections iconographiques des Archives Municipales de la ville
Pour offrir une expérience complète, l’entrée à Marseille, la « Porte de l’Orient » fait l’objet d’une commande de la municipalité pour ce fameux escalier monumental . Cet escalier reprend les codes de l’exposition, en combinant les techniques modernes (en plus des pierres de taille, on retrouve le béton armé et des passerelles métalliques) ainsi qu’une esthétique Ecole des Beaux-Arts pour le décor (du au décalage de temps entre la conception et la réalisation) .
On retrouve donc l’orientalisme comme décor architectural, par l’ornementation mais aussi l’aménagement urbain avec les palmiers (à l’époque), qui n’est pas une espèce indigène .
L’escalier est magistral par son abondante sculpture,
13 https://www archives13 fr/n/l-exposition-coloniale-de-marseillede/n:298
en rapport avec l’histoire de Marseille . Magistral ici prend plusieurs sens, le dictionnaire Larousse propose quatres différentes définitions, en tant qu’adjectif
La première est celle qui atteste de la maîtrise, une œuvre magistrale, alors que la seconde évoque la domination, le supérieur du maître, qui peut être appliqué pour le dernier groupe statuaire, les femmes allongés de Louis Botinelly
Le premier groupe de statues se situe au niveau de l’esplanade de la gare et représente sur chacune un lion et un enfant, réalisée par Ary Bitter . (Voir fig . 8) . On peut lire l’inscription « le soleil et la mer » sur l’une et « le monde et l’énergie » sur l’autre
Au niveau du premier palier, deux allégories représentant une femme assise sur la proue d’un navire ornée d’une tête de bélier, vêtue d’une tunique et accompagnée de deux enfants . Elles s’accotent à un pilier surmonté d’une lanterne, sculptés par Auguste Carli et Henri Martin A l’Ouest ; « Marseille Colonie Grecque», qui tenait à l’origine dans sa main gauche la statuette d’Artémis d’Ephèse, la déesse grecque de la chasse . (Voir fig . 9)
A l’Est se trouve ; « Marseille Porte d’Orient» une belle femme couronnée de coquillage, à la poitrine dénudée tenant un trident Sur chaque face des pylônes on retrouve des blasons de villes : Nice, Paris, Aix, Marseille et Lyon (Voir fig 10)
Sur les rambardes se situent six petits groupes en bronze présentant les produits de la Provence, formant un étalage des produits agricoles On retrouve des représentations de la moisson, les fruits, la pêche, les fleurs, les vendanges et de la chasse réalisées par Henri Raybaud (Voir fig 11 et 12)
Nous voilà au dernier palier, dont les départs de la
rampe d’appui sont constitués de deux socles monumentaux, de plus de 4 mètres de long, se faisant face accueillant une figure féminine mi-allongée, « Les colonies d’Asie » à l’Ouest et « Les colonies d’Afrique » à l’Est par Louis Botinelly
Elles sont chacune accompagnée d’enfants et d’attributs représentant les objets des différentes colonies . La position de ces femmes est la critique majeure de ce groupe, ce qui en fait un objet lourd de connotations dégradantes
Je vais ici m’en remettre à l’article Le genre des colonies de Catherine Marand-Fouquet 14 Contrairement aux allégories supérieures des pylônes, dont les femmes sont assises, légèrement penchées en avant indiquant une position de force, avec un dos droit décollé du fauteuil, ici elles sont mi-allongées, mi-adossées, en position d’odalisques sur une banquette
Cette position propose une détermination instantanée de leur rang . En faisant attention au détail, l’Asie apparait sous les traits d’une princesse khmère, avec une coiffe ornée, habillée d’une jupe et dont la poitrine, dénudée de vêtement mais pas d’accessoires, conserve des apparences chastes (Voir fig 13) La jeune fille l’accompagnant est soigneusement coiffée en chinon, avec un visage sérieux et digne . Le jeune garçon, évoque par sa disposition l’attitude de l’adolescent peint par Puvis de Chavanne en 1867 sur une fresque de Marseille
L’Asie se distingue encore pas la présence d’un lion qui rappelle les sculptures khmères ainsi qu’un vase décoré par une fresque animée de danseuses cambodgiennes . Louis Botinelly ne découvre pas cette culture cambodgienne avec cette commande, puisqu’il avait déjà réalisé un buste de « déesse cambodgienne » en 1916 et le temple d’Angkor lors de l’exposition coloniale de 1922 .
14 MARAND-FOUQUET, C « Le genre des colonies », Clio Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne], 12 | 2000, mis en ligne le 24 mai 2006, consulté le 24 avril 2022
Moins sérieux que l’expression de l’asiatique, l’africaine de Botinelly arbore un visage rêveur avec une coiffure tressée, parée d’accessoires mais d’aucun vêtement, à la différence de sa voisine (Voir fig 14) Elle laisse apparaitre alors une poitrine opulente, et des cuisses musclées, sculptées avec réalisme d’après une jeune modèle . Elle est accompagnée d’une guenon et de son petit, d’un crâne de buffle avec des cornes en spirale, rappelant ses boucles d’oreilles Enfin, un vase sculpté avec des lignes droites, ondulées et en zigzag, qui peut évoquer les libations sacrées mais n’échappe pas aux corvées d’eau par sa pauvre décoration
La représentation d’allégorie par des femmes n’est pas rare, c’est un procédé souvent utilisé, tout comme les cariatides, statues de femme soutenant un entablement sur sa tête La version masculine existe aussi, en allégorie ou en ornement, les atlantes, mais se fait plus rare . Ici, ce qui diffère, est cette position semi-allongées, qui n’entre pas dans un contexte de jeu ou de situation, mais plus dans une position d’offrande, auprès des autres témoins des cultures propres à chacune Ce qui est facilement assimilable à la disponibilité passives de ces deux corps, de femmes colonisées
Leur emplacement au sein de l’escalier monumental menant à la gare Saint-Charles, ainsi que les représentations de produits tels que les céréales et les fruits, illustrent le rôle central de Marseille dans l’empire français et mettent en lumière la manière dont la ville a prospéré grâce aux ressources coloniales
En revanche, les espaces publics dédiés à une reconnaissance civique des anciens colonisés et de leurs descendants restent rares Depuis la fin de l’empire français dans les années 1960, la France a accueilli une importante immigration venue du Maghreb, et aujourd’hui, les descendants de ces populations représentent environ un quart de la
population totale de Marseille . Reste alors la question de la place de cet héritage colonial à Marseille, qui suscite des revendications mémorielles plurielles
3. Un même objet, des revendications mémorielles plurielles
3.1. Un riche héritage patrimonial, avec le comité du vieux Marseille
Si leur charge symbolique coloniale est indéniable, leur inscription récente au titre des monuments historiques (2022) et leur mise en valeur par des initiatives comme celles des balades organisées par le Comité du Vieux Marseille montrent une appropriation patrimoniale de ces œuvres
Ces statues peuvent être vues comme un patrimoine lorsqu’elles sont dissociées de leur fonction originelle de propagande coloniale . À l’origine, elles incarnaient la puissance de la France coloniale, célébrant une domination qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui Cependant, leur intégration dans des parcours patrimoniaux, comme ceux proposés par le Comité du Vieux Marseille, n’informe pas que cet impérialisme est révolu .
L’escalier lui-même, chef-d’œuvre architectural inscrit aux monuments historiques, transcende le contexte colonial des statues grâce à sa monumentalité et à son rôle fonctionnel et esthétique dans la ville (Voir fig 15) Il offre un cadre où les statues deviennent des éléments d’un ensemble, dont la valeur patrimoniale réside dans l’histoire urbaine et architecturale plutôt que dans l’idéologie qu’elles véhiculaient
En revanche, cette appropriation patrimoniale ne signifie pas une dépolitisation totale : ces statues continuent de rappeler les dynamiques de domination inscrites dans l’espace public .
15 https://marsactu fr/ chroniques/le-marseille-desamia-chabani/
16 https://ancrages org/ programmation-culturelle/
Sorties de leur contexte d’origine et dépourvues de toute plaque explicative, cela limite la compréhension de leur histoire et de leurs implications, rendant leur interprétation ambiguë
3.2. Un héritage à démarche pédagogique, avec l’association Ancrages à Marseille
Sociologue, directrice de l’association Ancrages, Samia Chabani propose une vision de ces statues comme une trace du passé, aussi triomphant que meurtrier Dans un entretien lors d’un podcast réalisé par Pascal Messaoudi, D’où tu parles, 15 Samia Chabani a choisi de parler depuis l’escalier de la gare SaintCharles Elle admire l’escalier, cette porte d’entrée, qui pour elle expose une perspective historique formidable et douloureuse
Avec son association, elle propose des balades urbaines payantes qui offre des narrations différentes de Marseille . Ces visites contextualisent ces œuvres, permettant de les appréhender comme témoins d’une époque et de son imaginaire plutôt que comme des objets de glorification Sur le site internet Ancrages,16 dans les programmations culturelles, on retrouve donc ces balades patrimoniales financées par les visiteurs, mais aussi la possibilité de s’inscrire à des expositions itinérantes ou une table ronde de partage de savoir sur l’histoire coloniale de Marseille
Cette association offre également divers services, tels que des formations ou la création de contenu, constituant ainsi un véritable emploi à temps plein pour certaines personnes, où l’aspect financier joue un rôle essentiel C’est aussi avec un travail de journaliste et d’écrivain que l’association Ancrages, crée en 2000, valorise « la migration et l’exil » comme objet de patrimoine vivant et héritage transnational
J’ai pu trouver des traces d’une démarche d’apposer
des plaques afin de contextualiser l’histoire de ces statues, qui n’a finalement plus sa place sur le site internet à ce jour (01/01/2025), avec un hyperlien supprimé
Maintenir ces statues dans l’espace public est un pris de parti pour qu’elles deviennent des outils puissants pour initier des dialogues sur le passé, à condition d’être accompagnées d’une médiation appropriée .
Ces démarches pédagogiques offrent une alternative au déboulonnement pur et simple, permettant à la société d’interroger et de réinterpréter ses mémoires conflictuelles .
Seulement sans marqueur de cette mise en contexte, alors que l’advient-il de ces statues, de simples encombrants sur un espace public pas si neutre ?
3.3. Un encombrant à déboulonner ? avec les revendications artistiques
Pour certains, une plaque suffit, pour d’autres, c’est une action qui reste trop invisible Restons sur le cas de ces allégories de colonies, qui ont subit le même sort en 2020 que l’homme d’Etat français Colbert, avec un jet de peinture rouge, pour informer de la violence que ces statues imposent pour certains dans l’espace public (Voir fig 16)
Ces statues deviennent un endroit de revendication, actuellement on retrouve des tags pour dénoncer la guerre en Palestine, un peu avant sur la Kanaky, qui ont vite été nettoyé . Elles sont aussi le départ aussi de manifestation, et le sujet de conversation pour des association comme « Décoloniser les arts », qui, présidée par Françoise Vergès, politologue et militante féministe décoloniale, mène des débats sur les questions de décolonisation des esprits et des imaginaires, entourée d’artistes et de professionnels du monde de la culture .
17 Marie Rose friger fait une performance sur la statue (video disponible sur le réseau Instagram)
18 https://www change org/p/retrait-des-statuescoloniales-de-la-gare-demarseille
Un exemple concret d’activisme d’une artiste serait la performance de Marie-Rose Frigière sur la statue des colonies d’Afrique 17 Le 16 avril 2022, pour le centenaire de l’exposition coloniale de 1922, une activiste du projetzero2022 (projet pour une transition écologique et sociale) a fait une performance publiée sur les réseaux sociaux avec la description « J’ai été le médium par lequel la statue des colonies d’Afrique a pu s’incarner et au-delà témoigner de ce qu’elle signifie aujourd’hui » On voit cette artiste se connecter à cette femme, statue de pierre, en l’arpentant avec une nudité partagée et de la tendresse émise à son égard
Peu de temps après, le 28 mai 2022 fait place à une autre performante, puissante symboliquement, du collectif du Guide de Marseille Colonial, cité plus tôt Également partagée sur les réseaux sociaux, cette revendication est exprimée par une occupation des marches des escaliers de la gare avec des mots imprimé apposés au sol « 1922-2022 il est temps d’arrêter l’exposition coloniale » (Voir fig 17)
En effet, le collectif du Guide de Marseille Colonial, lié intrinsèquement au collectif Mémoires En Marche, demande le déboulonnage de ces deux statues, avec la création d’une pétition,18 accessible depuis le compte Instagram du même nom « degageons_les_statues » . Il y est reproché une insulte faite aux descendant e s de colonisé e s, d’immigré e s, et celles et ceux qui luttent pour l’indépendance de leur pays De plus, une insulte à toutes les femmes dont on utilise les corps pour de la propagande politique ou commerciale .
Ces comités se sont créés par un sentiment d’urgence ressenti, celui de militants, de chercheurs, d’enseignants, d’étudiants, de citoyens qui ne veulent plus emprunter, parcourir, habiter, étudier dans des lieux lourds de portée .
Alors notre cas ne concerne pas un nom de colons, mais d’exposition de femmes colonisées, donc une réduction de genre, la femme, qu’elle soit descendante de ces anciennes colonies ou pas
Mais alors, en quoi consiste le déboulonnement ?
Détruire le prestige de cette statue, que ce soit par différentes actions en la déplaçant de l’espace public, en la cassant, en la remplaçant… Certains affirment que cette pratique serait de la cancel culture, « effacement » de la culture
La question se pose, et divise les historiens, sociologues et autres personnalités attachées au débat entre histoire et mémoire C’est alors que ces tensions sont cristallisées dans l’espace public, où se trouve les vestiges d’une époque, parfois révolue
Le fait de s’interroger sur leur présence est l’objet de nombreuses recherches d’historiens de l’art, mais touche aussi la politique de notre république, puisque c’est une question de mémoire d’une nation
Comme dit Françoise Vergès, lors d’une intervention pour la chaine France 24 : « L’histoire n’est pas dans les statues, mais dans les livres »19 pour expliquer que le choix de conserver ou non une statue n’est pas une question d’effacement de l’histoire, mais de la mémoire qu’on choisit de célébrer
L’histoire du passé colonial de la France ne doit pas être oublié, au contraire, elle doit être plus instruite à l’école et proposer différentes interprétations de ces évènements à travers différents points de vue sur un même fait historique En effet, si les statues sont des symboles de l’histoire passée de France, elles représentent seulement le courant de l’époque au moment de leur commande, c’est donc un choix subjectif de l’évènement ou la personne à célébrer .
19 https://www youtube com/watch?v=iis2MUKjizs
20 https://enseignants lumni fr/fiche-media/00000004936/ controverse-sur-le-deboulonnage-de-statuesen-2020 html
21 https://www radiofrance fr/ franceculture/podcasts/ affaire-en-cours/ cancel-culture-ce-n-estpas-faire-table-rase-dupasse-c-est-precisement-linverse-1241236
Par exemple, ces statues à la gare sont une propagande de l’époque de la colonisation, qui étale les richesses des nouveaux territoires français conquis, tout en omettant l’histoire de la violence de cette pacification
L’historien Fabrice d’Almeida, spécialiste notamment de l’histoire des médias et enseignant à l’Institut français de presse, rappelle qu’une Nation choisit les personnes qu’elle valorise Il cite l’exemple de la dernière rue Pétain, à Belrain, dans la Meuse, qui a ainsi été débaptisée en 2013 20
De plus, ces traces du passé pas expliqués ne peuvent pas être de bons supports de mémoire Françoise Vergès pose donc la question, toujours pour France 24, dans notre Vème république, quelle mémoire veut-on présenter dans l’espace public ?
Laure Murat, historienne, s’exprime au sujet de son livre « Qui annule quoi ?” (2022) qui parle de la cancel culture 21 Elle rappelle, à juste titre, que le but n’est pas d’effacer l’histoire de la colonisation, mais justement de la requestionner avec la focale contemporaine et de se demander si on veut cautionner cette idéologie .
Elle s’oppose à la destruction, qu’elle perçoit comme une forme de censure, mais considère le déplacement hors de l’espace public comme une solution acceptable Selon elle, l’histoire se transmet à travers les manuels et les musées, de sorte que déplacer ces statues ne saurait être interprété comme une volonté de faire table rase du passé .
Jacqueline Lalouette, historienne spécialiste des statues, explique que la mémoire des personnages persiste quoi qu’il arrive Elle préfère cependant trouver des alternatives au retrait de ces effigies «Personne n’est innocent aux yeux de l’histoire», estime l’historienne, soulignant la complexité de trancher le sort de
figures au passé complexe, dont les statues mettent en avant la seule facette honorable . 22
Un autre point de vue serait justement la conservation de cette mémoire, pour laisser les traces du passé, mais l’évoquer de manière différente, et toujours en introduisant le débat . C’est notamment le point de vue de Sami Kanaan, conseillé administratif en charge du département de la culture et la transition numérique, pour la ville de Genève Lors du posdcast «agir sans effacer», il se dit contre le déboulonnage, mais pour une forme de dé-commémoration, en enlevant les formes honorifiques de la statue . 23
De même, Kanyana Mutombo, politologue, docteur des relations internationales, ancien chargé du Programme de lutte contre le racisme à l’Unesco et secrétaire général du CRAN (Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir), s’exprime sur la notion d’héritage :
« Le monument c’est une richesse, parce qu’a un certain moment, voilà ce que pensait certaines personnes, et comment ils ont influencé leur société La richesse est à conserver, c’est quelque chose de très important, on ne peut pas le gommer, le réduire à une forme de mélancolie . »24
L’historien Jean Garrigues, président du Comité d’histoire parlementaire et politique appelle aussi à ne pas condamner et à mieux expliquer les rôles des grandes figures nationales 25
Une étude menée pour la ville de Genève par Mohamed Mahmoud Mohamedou et Davide Rodogno propose des solutions au déboulonnage, pour éviter cette question binaire et ouvrir sur de nouvelles perspectives
On retrouve alors des stratégies d’actions pour changer la représentation et la symbolique de ces statues,
22 https://www francetvinfo fr/culture/ patrimoine/deboulonnerexpliquer-remplacer-pourquoi-les-statues-ont-prisune-place-monumentaledans-le-combat-contre-leracisme_4011163 html
23 AGIR SANS EFFACER (no 4) [Épisode de podcast audio] (2022, 29 novembre) Dans Décoloniser la ville
Chahut https://www chahut ch/decoloniserlaville
24 Ibid
25 https://enseignants lumni fr/fiche-media/00000004936/ controverse-sur-le-deboulonnage-de-statuesen-2020 html
26 Mohamedou, M , & Rodogno, D (2022)
Temps, espaces et histoires : monuments et héritage raciste et colonial dans l’espace public genevois : état des lieux historique
27 https://www radiofrance fr/ franceculture/podcasts/ le-temps-du-debat/ les-statues-meurent-ellesaussi-4686852
28 Ce film explore l’impact du colonialisme sur l’art africain traditionnel Il examine comment ces œuvres, une fois retirées de leur contexte culturel et spirituel, perdent leur signification originelle pour devenir de simples objets d’art dans les musées occidentaux
avec la recontextualisation, le doublement (pour un dialogue nouveau), le déplacement, le déshonneur, le vacillement (perte de prestige), le dépassement (ajout de thématiques inclusives), le déboulement et en dernier recourt la destruction 26
En revanche, pour assumer les mémoires passées de la nation, se pose la question de la signification de ses statues, qui pour beaucoup ne sont plus regardé, et ont, par la même occasion, perdu leur sens
Je me réfère ici au podcast de France Culture « Les statues meurent-elles aussi ? qui a rassemblé Emmanuel Fureix, professeur d’histoire contemporaine et spécialiste de l’histoire des cultures politiques au XIXe siècle, Anne Lafont, historienne de l’art, directrice d’étude à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS ) et Isabelle Barbéris, maître de conférences-HDR en Arts du spectacle et chercheuse associée au CNRS . 27
Cette discussion est introduite en référence au courtmétrage de 1953 réalisé par Alain Resnais, Chris Marker et Ghislain Cloquet, « les statues meurent aussi », où est fait le parallèle avec les statues présentes dans l’espaces publics . 28
Isabelle Barbéris souligne que ces dernières deviennent dévitalisées car on passe devant sans les voir, sauf pour certaines personnes qui les chargent symboliquement, que cela touche la politique ou le social Elle met en garde donc qu’il faut faire attention à leur interprétation, en prenant l’exemple de militants qui pourraient imposer leur propre interprétation à ces dernières
Anne Lafont soulève que d’autant plus qu’on ne les voit plus, elles deviennent évidentes, et continuent à travailler notre imaginaire collectivement . Et même si cette idéologie racialiste est révolue, ces images continuent
de travailler nos imaginaires, donc pour elle, les sortir de l’espace public est important et le musée serait une réponse adaptée (basée sur une perspective de créer un musée consacré à l’histoire coloniale de la France)
Les débats autour de la présence de statues dans l’espace public suscitent des discussions passionnées, essentielles pour une réflexion collective sur notre mémoire commune
Même parmi les historiens, les interprétations divergent quant à la pertinence de maintenir ces monuments, reflétant la diversité des perspectives historiographiques
Par ailleurs, les responsables politiques s’emparent de cette question, parfois pour clore le débat Par exemple, le président Emmanuel Macron met l’accent sur le renforcement de l’unité nationale, un argument récurrent en période d’instabilité politique en France
En décembre 2020, Emmanuel Macron a exprimé sa position sur l’identité française, illustrant sa volonté de renforcer le sentiment national Il a notamment déclaré : « La République n’a jamais été un régime de l’identité, mais un régime de l’altérité » Cette approche vise à consolider l’unité nationale en valorisant la diversité au sein de la République . 29
Ces discussions soulèvent de nombreuses questions essentielles à aborder, reflétant des préoccupations partagées par les citoyens, les politiques, les sociologues, les historiens, les artistes et les militants, en France comme à l’étranger Aux États-Unis,30 en Angleterre, le déboulonnage des statues a déjà été pratiqué, tandis qu’en Suisse, une approche différente a émergé, combinant différentes actions répertoriées par l’étude faites pour la ville de Genève 31 Il reste à voir quelle direction la France choisira dans les années à venir pour répondre à ces enjeux complexes
29 https://www lemonde fr/idees/article/2020/12/24/ macron-et-le-en-memetemps-de-l-identite-francaise_6064412_3232 html
30 https://www lefigaro fr/ flash-actu/statues-deboulonnees-des-figures-historiques-de-l-ameriquevacillent-de-leur-piedestal-20200623
31 https://www arcinfo ch/ neuchatel-canton/littoral/ neuchatel-commune/ la-statue-de-david-de-purya-neuchatel-se-sentmoins-seule-1230233
CONCLUSION
De nombreux médias, qu’ils soient spécialisés dans l’art ou généralistes, se sont emparés de cette question, adoptant des positions plus ou moins nuancées
Ce devoir de mémoire, abordé à travers diverses sphères de la société, suscite des réponses variées, allant parfois jusqu’à remettre en cause la légitimité même du débat
Notre analyse traite de la place de l’héritage de la période coloniale à Marseille à travers les statuaires de l’escalier de la gare Saint-Charles Il s’inscrit dans cette démarche de connaitre l’histoire pour ensuite décider de la meilleure action à mettre en place pour ces statues controversées
Des associations, comme la Licra, mettent en garde sur la difficulté de juger les hommes du passé avec des critères contemporains . Avis partagé par de nombreux historiens/nes et chercheurs/ses, c’est notamment le sujet de recherche de nombreux d’entre eux, dans le cadre des sciences sociales
En s’exprimant sur les destructions des deux statues de Victor Schœlcher en Martinique, l’historienne et directrice de recherche au CNRS Myriam Cottias, expliquait que deux discours s’opposaient : l’un posant Schœlcher en héros de la liberté, l’autre affirmant la primauté du combat des esclaves eux-mêmes « La vérité se trouve dans le mélange des deux », juge l’historienne 32
Le but des chercheurs est de comprendre ces phénomènes de révoltes, comme étant aussi des manières d’appartenir à l’histoire, se sentir blesser c’est reconnaitre l’existence de cette histoire, de ce point de vue l’effacement de l’histoire ne peut donc pas être un bon argument . Imaginer quelque chose de commun est important, sans faire table rase du passé mais remédier 32 https:// www 20minutes fr/ arts-stars/culture/278814720200529-pourquoi-militants-detruit-statues-victorschlcher
à ces situations de tensions dans l’espace public .
La mémoire n’est pas un enjeu du passé mais un objet du présent Malgré l’allocution du président de la République, la décision de la dé-commémoration revient avant tout à la municipalité
Il est donc essentiel d’engager un dialogue afin que la démarche soit à la fois populaire et justifiée . Plusieurs formes de dé-commémoration peuvent être envisagées, tout comme des initiatives de re-commémoration, à l’image du Mémorial de l’abolition de l’esclavage inauguré en 2012 à Nantes, qui offre une expérience sensorielle immersive et réfléchie .
Le monde est en constante évolution, et les actions citoyennes ont toujours été, et resteront, au cœur des fondements d’une société libre et égalitaire
À ce titre, la base de données À Nos Grands Hommes, qui répertorie les monuments publics connus, y compris ceux qui ont disparu, offre une précieuse ressource pour comprendre ces dynamiques et les transformations de notre espace public
Ces débats en font partie intégrante et devraient, selon Françoise Vergès, être abordés comme une question démocratique à laquelle chacun peut et doit contribuer .
Un escalier monumental, une vue panoramique sur les montagnes, Marseille et la Basilique Notre-Dame de la Garde, 104 marches qui mènent à une gare : un lieu de passage, une première entrée dans la ville, mais aussi un espace chargé de mémoire À travers sa statuaire, il raconte une histoire complexe, parfois oubliée, parfois contestée, mais toujours présente dans le paysage . Une invitation à réfléchir à ce que nous voulons voir et transmettre en héritage dans notre espace public
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Trains d’Europe - Au delà du Gard : gare de La Joliette Marseille Maritime (13) . (s . d .) . https://www .trains-europe . fr/raildanslegard/ultra/gares13/marseille_la-joliette htm
Figure 1 : Statue représentant les « Colonies d’Asie » par Louis Botinelly
Crédit photos : Tabara Nirlo
Figure 2 : Statue représentant les « Colonies d’Afrique » par Louis Botinelly
Crédit photos : Tabara Nirlo
Figure 3 : Statue représentant les « Colonies d’Asie » par Louis Botinelly
Crédit photo : Muriel Girard
Figure 4 : Perspective de l’eplanade de la gare Saint-Carles fin XIXe siècle
Crédit photo : Gérard [Planchenault] (s d ) Marseille Saint-Charles : Histoire d’une grande gare 1847-2007 Alan Sutton p 80
Figure 5 : Proposition pour le concours de l’escalier monumental
Crédit photo : Archives Municipales de Marseille
Figure 6 : Proposition pour le concours de l’escalier monumental
Crédit photo : Archives Municipales de Marseille
7 : Photo revue hebdomadaire d’Architecture, examplaire n°34 du 22 mai 1927
Crédit photo : Archives Municipales de Marseille
Crédit photo : Archives Municipales de Marseille, (AC01305504_89FI083_C)
Crédit photo : Archives Municipales de Marseille, (AC01305504_89FI079_C)
10 : Pylone réalisé par Auguste Carli représentant « Marseille Porte d’Orient »
Crédit photo : Archives Municipales de Marseille, (AC01305504_89FI077_C)
Figure 11 : Groupes en bronze présentant les produits de la Provence, réalisés par Henri Raybaud .
Crédit photos : Dominique Perchet 2016
Figure 12 : Groupes en bronze présentant les produits de la Provence, réalisés par Henri Raybaud .
Crédit photos : Dominique Perchet 2016
Figure 13 : Statue représentant les « Colonies d’Asie » par Louis Botinelly
Crédit photos : Tabara Nirlo
Figure 14 : Statue représentant les « Colonies d’Afrique » par Louis Botinelly
Crédit photos : Tabara Nirlo
Figure 16 : Statue représentant les « Colonies d’Asie » vandalisée en juin 2020
Crédit photo : Radio France - Bruno Blanzat
Figure 17 : Photo des escaliers de la gare Saint-Charles le 29 mai 2022
Crédit photo : Compte Instagram « degageons_les_statues »