Pubdesigncinemathequefrancaise no3

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51 Rue de Bercy


JE PENSE JE VOIS MON IMAG E ST CI 4


E CINÉMA, CINÉMA, GINATION INÉMA. Henri Langlois


Colophon Sample Colophon This publication accompanies the exhibition Amateurs at the CCA Wattis Institute for Contemporary Arts, on view from April 23 through August 9, 2008, in the lower of the Logan Galleries on the San Francisco campus of California College of the Arts.

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Editors: Grace Kook-Anderson and Claire Fitzsimmons Authors: Ralph Rugoff, John Roberts, and Jill Dawsey Catalog design: Stripe / Jon Sueda Copy editor: Lindsey Westbrook Director of publications: Erin Lampe Project manager: Meghan Ryan Printer: Westcan Printing Group, Winnipeg, Canada Distribution: Distributed Arts Publishing Inc., New York © 2008 by California College of the Arts, 1111 Eighth Street, San Francisco CA 94107. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced in any manner without permission. All images are © the artists, reproduced with the kind permission of the artists and/or their representatives. Photo credits: p. 10 (top): © 1963 Julian Wasser; p. 10 (bottom): courtesy the Andy Warhol Museum, © 2008 the Andy Warhol Museum, Pittsburgh, a museum of Carnegie Institute, all rights reserved; pp. 11, 19: courtesy the artist and Gagosian Gallery. Every effort has been made to contact copyright holders and to ensure that all the information presented is correct. Some of the facts in this volume may be subject to debate or dispute. If proper copyright acknowledgment has not been made, or for clarifications and corrections, please contact the publishers and we will correct the information in future reprintings, if any. ISBN 978-0-9802055-1-0


51 Rue de Bercy Une collection d’affiches dans les archives de la Cinémathèque Française


À PROPOS DE LA CINÈMATHEQUE FRANÇAISE Désormais, tous les ordinateurs lui étaient accessibles. Les centrales nucléaires, les services informatiques des grandes compagnies, de l’eau, du téléphone, la télévision, l’électricité, la défense, la bourse... Les deux hommes entourent David et le conduisent à la voiture, un Espace, garé devant sa maison. Il se dit que ce serait bien si sa voisine pouvait le voir comme ça, entouré de deux gardes du corps. Ça fait ‘pro’. Et comme tous les matins, sa voisine Florence le regarde partir, mais cette fois-ci entouré de deux

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gros gars baraqués, rasés au plus près, menton et crâne. Un peu plus les pieds sur terre et surtout plus réveillée, elle ne trouve pas cette scène très drôle. Il faudra qu’elle vienne le voir ce soir, à son retour, pour lui demander de quoi il s’agissait. Un long silence se fit dans la voiture. Le chauffeur regardait droit devant. David jeta un œil sur le compteur qui affichait 210km/h. L’autoroute était déserte. Depuis la construction de la Ligne Grande Vitesse, les gens préféraient prendre les transports en communs, plus rapides et moins chers. La LGV traversait la France d’un bout à l’autre avec un arrêt à Paris. David se rappelait de ce programme mélangeant deux anciennes technologies. Il s’en souvenait très bien, cinq années de travail acharné


Désormais, tous les ordinateurs lui étaient accessibles. Les centrales nucléaires, les services informatiques des grandes compagnies, de l’eau, du téléphone, la télévision, l’électricité, la défense, la bourse... Les deux hommes entourent David et le conduisent à la voiture, un Espace, garé devant sa maison. Il se dit que ce serait bien si sa voisine pouvait le voir comme ça, entouré de deux gardes du corps. Ça fait ‘pro’. Et comme tous les matins, sa voisine Florence le regarde partir, mais cette fois-ci entouré de deux gros gars baraqués, rasés au plus près, menton et crâne. Un peu plus les pieds sur terre et surtout plus réveillée, elle ne trouve pas cette scène très drôle. Il faudra qu’elle vienne le voir ce soir, à son retour, pour lui demander de quoi il s’agissait. Un long silence se fit dans la voiture. Le chauffeur regardait droit devant. David jeta un œil sur le compteur qui affichait 210km/h. L’autoroute était déserte. Depuis la construction de la Ligne Grande Vitesse, les gens préféraient prendre les transports en communs, plus rapides et moins chers. La LGV traversait la France d’un bout à l’autre avec un arrêt à Paris. David se rappelait de ce programme mélangeant deux anciennes technologies. Il s’en souvenait très bien, cinq années de travail acharné


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Table des matières 16.

RIVE DROIT

64.

RIVE GAUCHE

16.

PETIT DESSIN

64. CHRYSANTHÈME

64.

LA RITOURNELLE

64.

SANS ESPOIR

300. APPENDICE

302. BIBLIOGRAPHIE


À PROPOS DE CE LIVRE Désormais, tous les ordinateurs lui étaient accessibles. Les centrales nucléaires, les services informatiques des grandes compagnies, de l’eau, du téléphone, la télévision, l’électricité, la défense, la bourse... Les deux hommes entourent David et le conduisent à la voiture, un Espace, garé devant sa maison. Il se dit que ce serait bien si sa voisine pouvait le voir comme ça, entouré de deux gardes du corps. Ça fait ‘pro’. Et comme tous les matins, sa voisine Florence le regarde partir, mais cette fois-ci entouré de deux gros gars baraqués, rasés au plus près, menton et crâne. Un peu plus les pieds sur terre et surtout plus réveillée, elle ne trouve

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pas cette scène très drôle. Il faudra qu’elle vienne le voir ce soir, à son retour, pour lui demander de quoi il s’agissait. Un long silence se fit dans la voiture. Le chauffeur regardait droit devant. David jeta un œil sur le compteur qui affichait 210km/h. L’autoroute était déserte. Depuis la construction de la Ligne Grande Vitesse, les gens préféraient prendre les transports en communs, plus rapides et moins chers. La LGV traversait la France d’un bout à l’autre avec un arrêt à Paris. David se rappelait de ce programme mélangeant deux anciennes technologies. Il s’en souvenait très bien, cinq années de travail


acharné pour réaliser un vieux rêve d’enfant un peu solitaire. Il voulait un ami et il avait trouvé en l’informatique la possibilité d’avoir cet ami. Un ami capable de réfléchir vite, exempt de sentiments. Mais l’Intelligence Artificielle n’apportait pas le résultat tant recherché : donner une conscience aux ordinateurs. Alors l’homme oublia l’Intelligence Artificielle, et comme pour se prouver qu’il était bien le seul à avoir une conscience, se mit aux Arts. Les belles promesses sur l’intelligence des ordinateurs et des robots étaient oubliées. Le “complexe de Frankenstein” avec. De nouveaux ordinateurs plus puissants, mais dépourvus d’intelligence, virent le jour. C’était en 2004, un an après l’ouverture au grand public d’Internet 3. Un long silence se fit dans la voiture. Le chauffeur regardait droit devant. David jeta un œil sur le compteur qui affichait 210km/h. L’autoroute était déserte. Depuis la construction de la Ligne Grande Vitesse, les gens préféraient prendre les transports en communs, plus rapides et moins chers. La LGV traversait la France d’un bout à l’autre avec un arrêt à Paris. David se rappelait de ce programme mélangeant deux anciennes technologies. Il s’en souvenait très bien, cinq années de travail acharné pour réaliser un vieux rêve d’enfant un peu solitaire. Il voulait un ami et il avait trouvé en l’informatique la possibilité d’avoir cet ami. Un ami capable de réfléchir vite, exempt de sentiments.


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51 Rue de Bercy Une collection d’affiches dans les archives de la Cinémathèque Française


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RIVE DROIT


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La rive droite est intemporelle, formel dans son composition et structuré comme un organisation précise des places en forme diamante, jardins à la française, et l’air de la bourgeoisie. L’art du cinéma est une science basée sur les nuances comment la façon dont la lumière et la machine se sont réunis pour former une image. C’est aussi dans la rive droite qu’on peut trouver le Cinémathèque Française et toute l’histoire dans son mur.


L'ART DE L'AFFICHE DE CINÉMA À LA FRANÇAISE 20

Jean-Louis Capitaine


L’AFFICHE DE CINÉMA, GENRE AUTONOME DE L’AFFICHE DE PUBLICITÉ

Dans la forme que nous lui connaissons, l’affiche de cinéma est née en même temps que l’industrie du cinéma. « L’invention du siècle » et son « argument de vente en papier » marquent tous deux les débuts de la civilisation de l’image. Issu des baraques foraines, le spectacle cinématographique devient bientôt l’affaire des ingénieurs et des industriels. Les affiches des origines intimement liées à l’histoire du spectacle cèdent la place à un genre autonome, dernier maillon de l’intégration verticale de l’industrie cinématographique qui se fait en France autour de quelques grandes firmes avant la Première Guerre mondiale. Dés le début des années 1900, des sociétés comme Gaumont ou Pathé éditent elles-mêmes leurs propres affiches en faisant appel à des artistes maisons ou à des ateliers spécialisés. La définition d’un standard technique de grande taille destiné à l’affichage dans les « théâtres cinématographiques », c’est-à-dire les salles de cinéma, l’intervention d’un artiste ou d’un groupe d’artistes artisans qui s’inscrivent dans la tradition française où l’affiche est généralement signée, participent à l’apparition d’un genre nouveau et autonome.

L’AFFICHE DE CINÉMA « À LA FRANÇAISE »

L’internationalisation de l’objet cinématographique, la montée en puissance de l’industrie cinématographique américaine, la mise en avant des acteurs devenus des vedettes et l’évolution de la technique d’imprimerie qui remplace la lithographie sur pierre par la technique de la gravure sur zinc, vont donner au genre « affiche de cinéma » ses caractéristiques propres et définitives, le démarquant une bonne fois pour toutes du simple affichage publicitaire. On sort de l’imagerie « fin de siècle » pour entrer dans la communication, dès les années

La Course à la perruque (Georges Halo, 1906) par Candido Aragonez de Faria (125x160).


1920, période où l’affiche de cinéma commence à raconter elle-même une histoire avec ses personnages, son action et où elle est destinée à son public. L’intervention de la photographie dans la technique d’imprimerie à la fin des années 1950 parachève cette évolution sans pour autant que l’affichiste disparaisse dans la tradition française. Ainsi le support publicitaire se rapproche de son objet, le film, jusqu’à se fondre avec lui, d’autant plus en France qu’à l’étranger l’affichage demeure un support publicitaire plus important. Ainsi les deux inventions françaises que sont le cinéma et l’affiche continuent d’avancer de concert à travers l’affiche de cinéma « à la française ». L’AFFICHE DE CINÉMA DANS LES COLLECTIONS PUBLIQUES

Historiquement, l’affiche de cinéma intègre les collections publiques de deux façons : par la conservation du film lui-même, c’est-à-dire dans le cadre des cinémathèques, et par la conservation de l’objet imprimé, c’est-à-dire dans le cadre des bibliothèques. En ce qui concerne les bibliothèques, le privilège du dépôt légal donne à la Bibliothèque

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nationale de France (BNF) une place déterminante. Les affiches sont conservées au sein du département des Estampes. Parallèlement, le module jusqu’à présent autonome au sein de la BNF que constitue le département des Arts du spectacle (ex-Bibliothèque de l’Arsenal) a constitué une collection très importante tournée vers les affiches du cinéma des origines et du cinéma muet. En ce qui concerne les cinémathèques, c’est bien entendu la Cinémathèque française qui fut le haut lieu de la conservation des affiches de cinéma. Le grand collectionneur que fut Henri Langlois n’a jamais négligé l’affiche – pas plus qu’il n’a négligé les autres démembrements du film (photos, maquettes, costumes, etc.) –, conservée au sein de la Bibliothèque du Film (BiFi), ainsi qu’au service des Archives du film. La Cinémathèque de Toulouse est un autre lieu de conservation de dimension nationale. A côté de ces grandes collections, il faut citer d’autres institutions privées, comme le Musée Gaumont ou les archives de la firme Pathé, des institutions municipales comme la bibliothèque Forney à Paris, l’Institut Lumière à Lyon ou la Bibliothèque municipale de Chaumont (collection Dutailly). À côté de ce secteur public et parapublic, il faut mentionner l’activité commerciale liée à l’affiche de cinéma à travers les galeries spécialisées, les ventes aux enchères ou tout le réseau des collectionneurs privés. Parmi ces ensembles, la BiFi se taille la part du lion aussi bien par la qualité et la quantité de ses collections que par leur accessibilité à la consultation et les perspectives d’enrichissement de ce fonds.


DESCRIPTION DE LA COLLECTION D’AFFICHES À LA CINÉMATHÈQUE

À la rentrée 2000, l’ensemble des affiches conservées à la Cinémathèque porte sur plus de 30 000 unités, dont 13 000 [25 000 en 2012] sont numérisées et, de ce fait, accessibles à la consultation. Cet ensemble se décompose lui-même entre 10 000 affiches françaises [17 000] et 3 000 affiches étrangères [8 000]. Parmi les affiches françaises, on en recense environ 4 500 antérieures aux années 1970 [10 000], c’est-à-dire considérées comme anciennes et déjà rares. Ce sous-ensemble peut être décomposé en plusieurs périodes qui recoupent les grandes séquences de l’histoire du cinéma, et aussi celles de l’histoire de l’affiche aussi bien du point de vue de la technique et de la fabrication que de celui du contenu graphique et même de la destination de l’affiche (histoire de l’affichage et des supports de l’affiche). Ces périodes sont les suivantes : le pré-cinéma ; le cinéma des origines (1896-1918) ; le cinéma muet (1919-1929) ; l’âge d’or du cinéma français (1930-1945) ; la sortie de la guerre et les années 1950 (1946-1959) ; la Nouvelle Vague et les années 1960 ; les affiches récentes (années 1970-1980-1990). L’AFFICHE DE CINÉMA RACONTE UNE HISTOIRE DU CINÉMA

L’affiche de cinéma par sa destination même, c’est-à-dire les espaces aménagés à cet effet dans les salles de cinéma, même si elle déborde aujourd’hui de ce cadre intraprofessionnel, est liée à l’exploitation : elle accompagne la copie du film du distributeur à l’exploitant. C’est pourquoi elle a un prix syndical que l’exploitant a payé dès l’origine du cinéma et qu’elle appartient à celui-ci. Ainsi elle est le complément de la copie et voyage avec elle de la même façon que les photos dites d’exploitation par opposition aux photos de tournage, de plateau ou même de promotion publicitaire, et elle procède de la vie physique du film. C’est dans les manuels d’exploitation du film que l’exploitant choisit les éléments du matériel publicitaire qu’il compte utiliser, dont l’affiche. Elle est le produit d’un acte commercial : la

« Cinématographe Lumière » par Marcel Auzolle (160 x 120 cm) / DR


commande. Celle-là peut émaner de différents protagonistes parties prenantes aux « produits film », mais aujourd’hui c’est le distributeur qui en a la charge même si d’autres intervenants ont ou auront leur mot à dire. Ainsi originellement dépendante, sa conception comme sa diffusion porteront les stigmates de la commande initiale. Image fixe chargée de vendre des images mobiles, elle remplit l’espace publicitaire en fonction de la taille du budget promotionnel, lui-même inscrit dans la campagne de lancement voulu par le distributeur. Cette « cuisine » détermine la quantité et la qualité des affiches produites. À gros budget, grosse campagne et occupation de tous les supports existants ; à petit budget, affichage restreint. C’est pourquoi cette « trace » du film, une fois celui-là sorti des circuits, sera plus ou moins importante suivant les quantités consommées, elles-mêmes fonction du succès du film et du nombre d’exemplaires fabriqués initialement. Ces variables expliquent entre autre la rareté relative des affiches et la cote que leur attribuent les collectionneurs. La sortie du film de Marguerite Duras India Song, dans une seule salle

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du Quartier latin à Paris, donna lieu à la fabrication quasi artisanale d’une affichette unique au format 60 x 80 cm, en quelque centaines d’exemplaires, destinée à un affichage de proximité quasi « sauvage » ; bien que relativement récente, cette affiche est aujourd’hui devenue très rare. À l’inverse, certaines grosses productions ont laissé dans les cours des imprimeries ou dans les stocks des distributeurs de grandes quantités d’affiches quand les films n’ont pas marché. Aujourd’hui, une production « moyenne » utilise le format de base, appelé la « 120 x 160 ». Ce format fait référence à l’affiche du Cinématographe Lumière de 1896 qui présentait un programme varié dont on a retenu comme argument publicitaire ce petit film, Le Jardinier et le Petit Espiègle plus connu sous le titre L’Arroseur arrosé. Ce format n’a jamais varié depuis et forme le module de base des différentes éditions. C’est celui dont on imprime aujourd’hui le plus grand nombre d’exemplaires. Cette affiche s’accompagne d’une affichette au format 60 x 40 qui a remplacé la « 60 x 80 » dans les années 1970 afin d’être placardée sur les portes des commerces. L’absence de circuit de distribution de ces affichettes a déçu les espérances commerciales, mais ce format est entré dans les moeurs de la fabrication par souci de simplification. La part plus importante prise par l’industrie cinématographique comme annonceur dans les transports publics explique l’apparition, dans les années 1960, de la


« 8 morceaux » (300 x 400 cm) adaptée aux panneaux d’affichage du métro parisien. C’est aujourd’hui le circuit Métro Bus qui gère cet affichage. Jusqu’aux années 1960, la « 120 x 160 » était accompagnée de trois autres affiches dans trois formats différents : la « 60 x 80 » complément générique du format de base, mais aussi la « 2 panneaux » (160 x 240) et la « 4 panneaux » (240 x 320) qui ont disparu avec la standardisation et la simplification de l’affichage. Dans les années 1940 existait aussi la « 80 x 120 » moitié du format de base. Cette déclinaison souffre de nombreuses exceptions (la « 6 morceaux » ou la « 120 x 320 »). Plus récemment, on trouve le pantalon destiné à l’affichage sur les colonnes Morris. Les distributeurs aux idées souvent toutes faites et aux goûts artistiques contestables procédaient à l’édition de deux affiches différentes au format de base : l’une dite « artistique » (destinée à l’affichage dans Paris ?), l’autre populaire (pour la province ?). Pour une sortie prestigieuse, le nombre d’affiches peut se multiplier : pour le film de Marcel Carné Les Enfants du Paradis, Pathé Consortium a édité une douzaine d’affiches différentes alors qu’il existait une restriction de papier à la fin de la guerre. Certaines de ces affiches sont imprimées au dos d’autres affiches d’avant-guerre. Ainsi, c’est l’histoire de la diffusion des films, de la vie physique de leurs copies et de leur exploitation que raconte l’affiche de cinéma jusqu’à l’histoire de leurs ressorties avec les rééditions ou l’édition de nouvelles affiches. L’AFFICHE DE CINÉMA RACONTE UNE HISTOIRE DE L’IMPRIMERIE

Une fois le « visuel » et la maquette qui l’accompagne acceptés, l’affichiste se rend à l’imprimerie pour la fabrication. Jusqu’aux années 1960, il avait alors affaire aux lithographes chargés d’interpréter la maquette et de ramener le nombre des couleurs primitives à un chiffre plus réduit et précisé à l’avance. En moyenne, le nombre de couleurs résultantes est de six, mais il peut tomber à trois par souci d’économie. La période de la guerre a vu un type d’impression pauvre en sérigraphie industrielle et le contrôle de la diffusion des affiches par la puissance occupante. Le cachet Oraff (Office de répartition de l’affichage) atteste de ces contraintes. La palette une fois composée, le lithographe réalise à l’encre noire lithographique un dessin où les zones correspondant aux différentes couleurs sont délimitées. Chaque zone est ensuite reportée au crayon gras toujours noir, mais cette fois-ci à l’envers, sur la pierre lithographique ou la plaque de zinc (à partir du milieu des années 1920).


Un acide isole les parties marquées au crayon gras et, à chaque passage sur la machine « plate » (pierre) ou dans la rotative (zinc) chargées du poids en matière de la couleur appropriée, la plaque dépose sur le papier la couleur déterminée dans les limites de la zone prévue. Au dernier passage l’affiche est prête. Celui-ci est généralement réservé à la « lettre » de l’affiche, à savoir les informations écrites qui se superposent au dessin et qui concernent, outre le titre du film, les acteurs, l’équipe technique et des indications de production et de distribution. Toutes ces informations nous seront utiles plus tard pour dater les affiches. Certains tirages avant la lettre ont été conservés et sont très recherchés du fait de leur rareté supplémentaire, mais également en raison de leur plus grande qualité, étant tirées parmi les premières. La qualité du papier est évidemment un facteur déterminant dans la qualité de l’affiche. C’est de cette qualité que dépend l’éclat des couleurs et la tenue de l’affiche sur les murs ; soleil, pluie, vent vont s’acharner à détruire cette oeuvre éphémère. Du papier dépend sa résistance. Pour le cinéma, les grandes imprimeries furent souvent, au début,

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dans la mouvance des sociétés de production. Ce fut le cas pour Pathé et pour Gaumont, par exemple, avec la société d’édition des établissements Pathé Frères ou l’imprimerie des établissements Gaumont. La spécialisation dans ce secteur conduit au début des années 1950 à partager la quasi-totalité de la fabrication des affiches de cinéma entre trois grandes imprimeries parisiennes entièrement spécialisées : la Cinématographie française (environ 40 % du marché), Bedos et Cie (environ 40 % du marché), l’Imprimerie Gaillard (environ 10 %). Citons celles qui font de l’affiche de cinéma parmi d’autres travaux : l’Imprimerie monégasque avec à sa tête Albert Jorio, affichiste de cinéma, et d’où sont sorties les affiches de Dubout pour les films de Marcel Pagnol, ou encore l’Imprimerie Delattre, décriée par les affichistes pour le peu de qualité de son travail. Dans les imprimeries, les techniques sont diverses et se superposent à travers les différentes générations de machines. L’utilisation des machines « plates » et de la pierre lithographique durent jusqu’à la Seconde Guerre mondiale malgré l’apparition du zinc et des rotatives dès les années 1920. Les formats des pierres varient d’une imprimerie à l’autre : 125 x 180 cm chez Bedos, 145 x 230 cm chez Karcher. L’atelier de quadrichromie est fondé par Marcel Jeanne, chez Bedos en 1935-1936. Certaines imprimeries ne prennent pas le virage technique et disparaissent. C’est le cas pour l’imprimerie de la Cinématographie française au tournant des années 1960 qui voient la consécration de la quadrichromie et de l’offset et


l’abandon de la lithographie. C’est le photomontage qui triomphe alors dans l’affiche de cinéma. Des affichistes comme René Ferracci sont en pointe dans la nouvelle technique qui s’impose assez brutalement. Dans les années 1970, on assiste à une vague de concentration où apparaissent de nouvelles imprimeries comme Lalande-Courbet à Wissous ou l’Imprimerie Saint Martin à Asnières. Cette nouvelle donne porte un coup aux affichistes au profit des maquettistes à l’américaine, mais les premiers survivent néanmoins et une nouvelle génération voit le jour : Michel Landi prend le relais de René Ferracci, les illustrateurs de bandes dessinées tels Bilal, Druillet, Moebius, Tardi se commettent dans le genre à côté d’autres affichistes de circonstance. L’AFFICHE DE CINÉMA RACONTE UNE HISTOIRE ARTISTIQUE

L’affiche de cinéma est une création sous influence. Voici ce que M. J.-M. Monnier, président d’honneur de la section des affichistes de cinéma, avait énoncé pour définir ce qu’était une bonne affiche de cinéma à l’inauguration de la première exposition consacrée à l’affiche de cinéma et organisée par Henri Langlois à la Cinémathèque française en 1946 : « Le film est considéré comme une oeuvre de l’esprit. Mais cette oeuvre ne s’impose pas au public directement dès sa création. Elle a besoin, pour lui être révélée, de la publicité dont l’un des principaux éléments est l’affiche. C’est une tâche très difficile que de concrétiser sur une feuille de quelques mètres carrés le sujet d’un film qui dure une heure et demie et qui est souvent tiré d’un roman de trois cents pages. Cette tâche est rendue plus ardue encore par les servitudes innombrables qui paralysent l’inspiration de l’artiste. L’affiche de cinéma doit être populaire, c’est-à-dire compréhensible par tous, suggestive par une synthèse simplifiée du sujet. Par un choix heureux des coloris, elle doit être agréable à l’oeil et former autant que possible une tache qui attire le regard. L’artiste doit à tout prix respecter la ressemblance frappante des acteurs connus, dont la présence dans le film est un atout commercial de premier ordre, et éviter les formes trop primaires ou un style trop abstrait qui ne serait compris que d’une minorité artistique. Le cinéma est un art populaire, le dessinateur doit s’y conformer. » Voilà qui résume assez bien ce que René Ferracci appelait le « Canigou publicitaire ». Sauf aux origines où elle était assimilée à l’affiche de spectacle, l’affiche de cinéma fut considérée par les artistes en général et les affichistes en particulier comme un genre mineur. Rien d’étonnant avec les


principes énoncés plus haut. À ce titre, elle était payée moins chère que l’affiche publicitaire pour les marques et les produits. L’anonymat ou le pseudonyme camouflait un travail alimentaire peu valorisant. L’affichiste maison de la société Gaumont avant 1914, M. Villefroy, auteur anonyme pour la célèbre image de Fantômas ne put signer ses créations qu’après la première Guerre mondiale. Quelques tentatives artistiques de plus haute tenue accompagnent l’avant-garde française dans les années 1920 ou les productions de la firme Albatros avec des affichistes comme Bernard Bécan, Boris Bilinsky, Erik Aes, Manuel Orazi, Alain Cuny ou Jean Adrien Mercier. D’autres comme Djo Bourgeois s’inspirent de grands peintres contemporains comme pour L’Inhumaine qui rend hommage à Fernand Léger, par ailleurs décorateur sur le film. C’est à cette époque qu’apparaît une nouvelle génération qui va donner au genre ses caractéristiques jusqu’à en faire un genre autonome de l’affiche publicitaire. Ce sont désormais les acteurs qui sont l’argument principal de vente au public. Leur visage s’étale largement sur les murs, mis en scène dans l’affiche comme dans les situations déterminantes de l’action du film. Un petit nombre d’artistes dominent cette période

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qualifiée d’âge d’or du cinéma : Bernard Lancy, Jacques Bonneaud, René Péron, Carlo Mariani, Henri Cerutti, Claude Belinsky, Boris Grinsson ou Roger Soubie accaparent les commandes. Certains d’entre eux travaillent jusqu’à la fin des années 1960. Ils seront bientôt épaulés par des plus jeunes après la guerre, tels Jean Jacquelin, Roger Rojac, Jean Colin ou Hervé Morvan mais aussi Guy-Gérard Noël, Marcel Jeanne ou Clément Hurel qui signe l’affiche de À bout de souffle. À la sortie de la guerre, la profession s’est organisée en section des dessinateurs affichistes de cinéma au sein du Syndicat des affichistes publicitaires, reconnaissance formelle et tardive. Comme toujours, quelques artistes à la réputation plus affirmée font des incursions dans le genre : Jean Cocteau pour ses propres films sauf quand il fait appel à son ami Jean-Denis Malclès pour l’affiche de La Belle et la bête, ou Paul Colin pour les films de Robert Bresson. Avec la reproduction photographique et bientôt la création assistée par ordinateur, la profession rajeunit et évolue tout en conservant à l’affiche de cinéma ses caractéristiques graphiques. À chacun de trouver son style et de l’imposer. Pour finir, il nous faut parler de la conservation des affiches. Le mode de conservation du support papier (affiches, cartes, plans, dessins, etc.) est l’entoilage. Il s’agit d’une opération de contrecollage de l’objet


sur un support de toile avec l’introduction d’un papier entre l’objet et la toile, opération qualifiée de doublage. Tous les éléments entrant en jeu ont leur importance : nature et épaisseur de la toile, qualité et composition du papier (Canson ou japon, pH neutre ou acidité, etc.), nature de la colle (colle à l’eau ou autres). Tous ces éléments entrent en compte dans le coût de l’entoilage dont l’élément principal demeure le format de l’affiche. Pour être réussi, un entoilage doit être réversible (désentoilage/rentoilage). Le problème de la restauration se superpose à celui de l’entoilage. Dans le cas de l’affiche de cinéma la tradition est de procéder à la restauration des parties abîmées ou manquantes afin de se rapprocher de l’état originel de l’affiche. Cette restauration peut être de plus ou moins bonne qualité suivant les produits utilisés et, surtout, le talent, l’habileté, et le savoir-faire de restaurateurs tels que Mme Bussière, M. Fouasse, M. Fromaget ou l’atelier Quillet. C’est à la lumière de ces informations que l’on peut apprécier, qualitativement et quantitativement, les affiches françaises qui forment la partie la plus riche de la collection de la Cinémathèque.


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CARL THEODOR DREYER L’œuvre du danois Carl Theodor Dreyer est un monument. Mais comme à tout monument il arrive que sa façade bouche la vue, Dreyer a fini, à la longue, par n’être perçu qu’à travers les termes d’austérité, d’épure, de retranchement, de religiosité propres à ses titres les plus célèbres. Si l’on se faisait l’avocat du diable – personnage récurrent dans ses films –, l’on pourrait ici se demander : « Qu’avons-nous et notre présent débraillé encore à faire de ces vicaires raides comme la justice, de ces dames corsetées jusqu’au menton, de cette frugalité nordique nourrie aux seuls tics-tacs des horloges ? » Question perfide qui appelle une réponse évidente : tout, a priori, puisque c’est dans l’altérité que le cinéma nous tend un reflet, puisque la nature humaine trouve moins à se reconnaître en elle-même qu’à travers écarts et détours.

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Ainsi, une fois franchi ce porche altier, que de chairs frémissantes, que d’élans passionnés, de farces truculentes, de vertiges perceptifs, de joies pastorales, de colères orageuses, dans les quatorze longs métrages et la dizaine de courts qui constituent l’œuvre de Dreyer ! Né à Copenhague en 1889, enfant naturel d’une gouvernante morte deux ans plus tard des suites d’un avortement, le futur cinéaste grandit dans la famille adoptive d’un ouvrier typographe, qui lui donne son nom mais guère d’affection. À 20 ans, il écrit dans plusieurs journaux des critiques théâtrales ou cinématographiques (il y défend ses maîtres Victor Sjöström, Mauritz Stiller et David Griffith), mais aussi des reportages sportifs et autres billets satiriques qui révèlent un sens piquant de l’observation physique. En 1912, il entre à la Nordisk Film pour rédiger des intertitres, s’élève bientôt à la fonction de scénariste et complète sa connaissance du métier sur les tables de montage. En 1918, il tourne son premier film, Le Président, tiré d’un roman à succès qu’il jugeait médiocre, mais propre à se faire la main. Encore engoncé dans une psychologie sommaire, le film manifeste par ailleurs des qualités frappantes : une narration complexifiée par la succession audacieuse de flash-back, ainsi qu’un goût pour l’expérimentation formelle. La période muette de l’œuvre de Dreyer, la plus fournie (9 films entre 1918 et 1927), présente aussi la plus grande diversité – à l’étroit dans


la production danoise, il tournait alors entre plusieurs pays d’Europe (Suède, Norvège, Allemagne, France). Période qu’on peut voir comme une grande montée en puissance vers un classicisme d’une admirable limpidité et d’une extraordinaire puissance d’incarnation. Pages arrachées au livre de Satan (1919), ambitieux hommage au Griffith d’Intolérance, décline en quatre époques-clés (Ier siècle, Inquisition, Révolutions française et russe) l’influence du diable dans l’histoire des hommes, ange fatigué et harassé par un Dieu en colère. Aimez-vous les uns les autres (1922) dénonce l’antisémitisme par une âpre mise en scène des pogroms dans la Russie de 1905. Il était une fois (1922) et Le Maître du logis (1925) sont deux récits de dressage humoristiques : le premier, fantasque, celui d’une princesse capricieuse initiée à la vie sylvestre ; le second, plus satirique, celui d’un tyran domestique assigné aux tâches ménagères. Parmi eux, trois chefs-d’œuvre : La Quatrième alliance de Dame Marguerite (1920), fabliau d’une irrésistible fantaisie grivoise ; Michaël (1924), drame mondain à l’atmosphère trouble et déliquescente ; Les Fiancés de Glomdal (1925), sublime pastorale stillerienne, où l’élan désirant de deux jeunes fermiers s’affirme, à travers tous les obstacles, comme une force élémentaire et pure. On a peine à imaginer, dans la carrière d’un artiste, une rupture d’une ampleur similaire à celle de La Passion de Jeanne d’Arc (1928), geste ahurissant de modernité qui synthétisait à lui seul les recherches de l’avant-garde européenne. Tourné en France hors de tout souci de reconstitution vraisemblable, le film condense les minutes du procès en une galerie de visages, saisis en gros plans aux angulations extrêmes : la figure de Jeanne s’en retrouve démultipliée, voire dépliée, le modelé des chairs inscrivant l’expérience de la sainteté comme une singulière érotisation de la matière. Resté muet suite à un problème technique, le film semble déjà du côté du parlant : il craque, souffle, perce, « s’entend » littéralement, le verbe faisant chair et la chair faisant cri. Quatre ans plus tard, et de l’autre côté du sonore, Vampyr (1932), conçu comme une variation sur le Nosferatu de Murnau, plonge encore plus loin dans l’expérimentation : pellicule voilée, surexpositions et surimpressions, sonorités jaillissantes, l’errance du héros dans des espaces déconnectés et des temps suspendus, dessinent non seulement une expérience inédite, mais sans doute le film le plus ontologiquement terrifiant de toute l’histoire du cinéma.


Les spectres de Vampyr, auxquels Dreyer a donné une densité exceptionnelle, l’engloutiront suite à l’échec financier du film. Trois projets avortés dans la foulée renvoient le cinéaste au journalisme, après avoir essuyé une grave dépression. Ce n’est qu’en 1943, pendant la guerre, qu’il tourne Jour de colère comme un cinglant coup de semonce contre l’intolérance et ses massacres légitimés, avec l’une des plus étincelantes sorcières du chaudron dreyerien (ses héroïnes sont toujours du côté du surnaturel). Nouvel échec qui lui vaut encore dix ans de mise à pied, pendant lesquels il réalise des courts métrages institutionnels, dont certains proprement splendides (Ils attrapèrent le bac, 1948). Mais le cinéma de Dreyer a changé : plus sombre, essentiellement tragique, il se concentre désormais sur une dramaturgie théâtrale qu’une parole organique fait voler en éclats. Ordet (1955) condense, comme loupe au soleil, chacun de ses traits vers l’orchestration sidérante d’un miracle. Gertrud (1964), quant à lui, examine à travers de longs plans-séquences et une interprétation distanciée, la fidélité d’une femme trois fois trahie à une idée supérieure de l’amour, qui ne connaît pas d’occurrence terrestre. L’incompréhension que suscitera

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ce dernier film à sa sortie vaudra à son auteur, l’un des plus grands cinéastes au monde, de finir ses jours à la direction d’un cinéma de Copenhague. Dreyer meurt le 20 mars 1968, avec dans ses cartons un projet au long cours sur la vie du Christ, qu’il était sur le point de concrétiser. On imagine, encore une fois, qu’il ne s’agissait pas tant de piété luthérienne que d’un éternel souci pour la double nature, divine et terrestre, de la condition humaine, dont il n’aura cessé de scruter l’incandescence intérieure dans chaque parcelle de chair filmée. MATHIEU MACHERET



AFFICHE ORIGINALE DU « MAÎTRE DU LOGIS» Intérieur d’une salle à manger, heure du souper, famille réunie autour de la table, regards inquiets. Pas de doute, l’affiche du film de Dreyer nous annonce bien une intrigue domestique. Mari tyrannique, le maître du logis mène la vie dure à son épouse. Croulant sous les tâches ménagères et ne supportant plus les reproches et les humiliations, elle finit par quitter le domicile familial, avec l’aide de sa vieille nounou. S’inspirant d’une pièce à succès de Svend Rydom, La Chute du tyran, le

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cinéaste danois réalise une œuvre moderne qu’il considère comme une comédie, refusant le tragique pour en faire l’éloge de l’amour du couple. Le succès du Maître du logis lui permit de tourner en France, deux ans plus tard, La Passion de Jeanne d’Arc.

Type d’objet : Affiche de film Support : Lithographie - couleur Auteur : C. Vaillant Année : 1925 Pays : France Format : 228 x 158 cm Crédits : © C. Vaillant



AFFICHE ORIGINALE DE « IL ÉTAIT UNE FOIS » En 1922, Carl Theodor Dreyer réalise une libre adaptation d’une pièce très populaire de Holger Drachmann, célèbre dramaturge et poète danois. Cette fable féérique raconte l’histoire d’une princesse que son père cherche en vain à marier. Malgré un nombre impressionnant de prétendants, ses caprices vont jusqu’à lui faire rejeter le prince du Danemark, mais la persévérance et les ruses de celui-ci auront raison

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d’elle et l’amèneront à découvrir la vraie vie, le travail, la misère et l’amour. Dreyer est fortement déçu par le résultat sur la pellicule, et déclare même en tirer « l’amère leçon qu’on ne peut pas construire un film uniquement sur des atmosphères »… Perdu pendant de nombreuses années, le film a pu être partiellement retrouvé grâce au Danske Filmmuseum, mais il manque encore aujourd’hui toute la dernière partie.

Type d’objet : Affiche de film Support : Lithographie - Couleur Auteur : Henrik Emil Melchior Année : 1922 Pays : Danemark Format : 91x57 cm Crédits : © Henrik Emil Melchior


Au début du XXème siècle, Henrik Emil Melchior est un caricaturiste extrêmement apprécié au Danemark, connu pour les dessins qu’il publie dans plusieurs journaux nationaux, mais aussi pour ses costumes et décors de théâtre. Formé très tôt à la peinture, il est par la suite un enseignant estimé d’une des plus grandes écoles d’art du pays. Il n’a pourtant que peu d’affiches à son actif, la plus célèbre étant celle qu’il crée pour le Palais de la danse en 1918, pour annoncer la réouverture d’un ancien salon de danse de Copenhague. L’affiche qu’il conçoit en 1922 pour la sortie de Il était une fois est donc une pièce rare et exceptionnelle. Elle témoigne de son goût pour la couleur et de son souci du détail. Perruque et costume sont ici particulièrement soignés pour figurer le personnage du Roi, aux traits parfaitement dessinés, superbement autoritaire sur son trône richement ornementé.


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AFFICHE DES « DEUX ORPHELINES » D’abord grand succès au théâtre en 1874, la pièce Les Deux orphelines devient vingt ans plus tard un long roman dans lequel les auteurs, Adolphe d’Ennery et Eugène Cormon, condensent les grands thèmes de ce qu’on a appelé « le roman larmoyant », forme dominante de la littérature populaire française de la fin du 19e siècle : enfants abandonnés, innocence persécutée, héroïne aveugle. En 1921, D.W. Griffith est le premier à adapter l’œuvre au cinéma (Orphans of the Storm) avec, dans le rôle des deux orphelines, les sœurs Lillian et Dorothy Gish. Maurice Tourneur choisit quant à lui

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les jeunes Renée Saint-Cyr et Rosine Deréan pour son adaptation qu’il réalise en 1933 pour Pathé-Natan, société de production avec laquelle il travaille désormais depuis son retour des États-Unis. Sur l’affiche aux dimensions impressionnantes (242x324 cm), les sœurs infortunées sont représentées par deux silhouettes noires de jeunes filles bien mises se tenant par la main. Devant elles, une imposante masse grise, recouvrant les trois-quarts de l’image, évoque à la fois une destination inconnue, obscure, et la cécité d’une des sœurs. Seul espoir, ce coin de ciel bleu au-dessus de la cathédrale émergeant de la grisaille. Odette Peyron, l’une des rares femmes affichistes, n’omet pas d’utiliser les couleurs bleu, blanc, rouge sur le reste de l’affiche, élément caractéristique des années 30, révélant la montée des nationalismes de l’entre-deux-guerres.

Type d’objet : Affiche de film Support : Lithographie - Coul. Auteur : Odette Peyron Année : 1932 Pays : France Format : 242 x 324 cm Crédits : Odette Peyron © Odette Peyron



MAQUETTE D’AFFICHE POUR « GUEULE D’AMOUR » Affichiste prolifique du cinéma français des années 20 à 30, Jacques Bonneaud propose un dessin pour promouvoir Gueule d’amour de Jean Grémillon. Le casting réunit Jean Gabin et Mireille Balin, dans une tragique histoire d’amour. C’est finalement l’affiche réalisée par Henri Faivre qui utilisera le principal visuel de Gabin en gros plan sur cette maquette. Le reste de l’illustration ne sera

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pas retenu pour l’affiche en paysage que Jacques Bonneaud élaborera de son côté.

Type d’objet : Maquette d’affiche Support : Dessin sur carton gouache et mine de graphite Auteur : Jacques Bonneaud Année : 1936 Pays : France Format : 34x25 cm Crédits : Jacques Bonneaud © ADAGP, 2016



AFFICHE AMÉRICAINE DU « MÉCANO DE LA GENERAL » Réalisée pour la Pacific Film Archive à l’occasion de la programmation de deux films de Buster Keaton – The General (1926) et Cops (1922) – cette affichette datée de 1972 est signée David Lance Goines. Typique de son oeuvre inspirée par l’Art nouveau et l’Art déco, c’est la 19ème affiche de cet auteur renommé, très prolifique durant les années soixante-dix à quatre-vingt dix. Artiste et artisan installé à Berkeley, il débute sa carrière d’affichiste

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alors qu’il fonde en 1968 sa propre imprimerie, Saint Hieronymus Press, dont la principale activité est consacrée à l’édition en série limitée de ses affiches pour la promotion de films mais aussi de concerts, de restaurants ou de galeries. Son savoir faire d’imprimeur est intimement lié à un style tout en aplats de couleurs tertiaires ; une palette en demi-teinte qu’il crée lui-même à partir d’encres. Dans un souci d’efficacité, il s’attache à éliminer tout détail inutile de ses minuscules maquettes en noir et blanc pour arriver à une image concise et forte. Une maîtrise parfaite de la calligraphie et un grand soin pour la typographie, qu’il considère indissociable de l’illustration, caractérise encore sa production. David Lance Goines a sans doute ouvert la voie aux affichistes édités par Mondo avec une oeuvre à contre-courant offrant une réinterprétation audacieuse des classiques du cinéma. Il porte ainsi un regard étonnant sur The General, sans aucune référence au moindre gag du film et dispensé, contre toute attente, de la présence de Buster Keaton. Keaton y incarnait le « mécano » de la locomotive qui donne son nom au film, dérobée avec sa fiancée à bord, en pleine guerre de Sécession. Le vol, figuré par une immense paire d’ailes attachées au véhicule, est inspiré d’un véritable épisode de la Guerre civile, survenu en 1862, à l’issue duquel les nordistes qui s’étaient emparé de l’engin


furent pendus. Goines rappelle l’origine de l’histoire en dessinant le chiffre 3, présent sur la véritable General, à la place du 5 qui trône à l’avant du train dans le film ; Keaton s’étant finalement vu retirer la permission d’utiliser l’authentique locomotive, en raison de la tonalité burlesque de son projet. Goines a conçu en 1973 une version alternative 4 couleurs de cette affiche, sans le disque orange.

Type d’objet : Affiche Support : Lithographie Auteur : David Lance Goines Année : 1972 Pays : États-Unis Format : 65x49 cm Crédits : David Lance Goines


AFFICHE AVANT LA LETTRE POUR « MA VACHE ET MOI » Cette affiche avant la lettre présente un visuel unique de Go West (Ma Vache et moi) : aucune mention écrite n’a encore été imprimée concernant ce cinquième long métrage de Buster Keaton tourné en 1925. C’est l’époque bénie de son premier contrat avec la MGM qui distribue les deux films que Keaton interprète et réalise par an, avec sa propre équipe, dans son propre studio. Le dessin coloré fait référence au clou du film. Au premier plan, un

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Buster lunaire sur fond de foule en désordre, tournant le dos à un policier débordé par un troupeau de bétail lâché en pleine ville, et suivi par la fameuse vache qui jette une oeillade sur le désordre ambiant. La séquence représentée est à l’image du tournage, pour lequel Keaton ne se simplifie pas la tâche avec des prises de vues dans le désert de l’Arizona et une vache Holstein pourtant triée sur le volet pour partenaire. S’il a déjà fait l’expérience de tourner avec des animaux – l’ours de Balloonatic (Malec aéronaute, 1923), les chevaux de Bell Boy (Fatty groom, 1918) ou Cops (Frigo déménageur, 1922) – et été soumis aux caprices des mieux dressés, Keaton rapporte dans ses mémoires comment le bovin, affectueusement surnommé Brown eyes, capable d’arpenter le studio en le suivant au bout d’un fil, perturba finalement copieusement le plan de travail en faisant attendre une équipe de 30 personnes… Ce document rare des années vingt, non signé, a été acquis par Henri Langlois et exposé dans son musée du cinéma.

Type d’objet : Affiche avant la lettre Support : Lithographie Pays : France Format : 163 x 228 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE FRANÇAISE DE « FATTY DOCTEUR » Cette affiche pour la promotion de Oh doctor !, sorti en France en 1918, limite ses mentions écrites au minimum. Le nom de Fatty, en plus grosses lettres que le reste du titre, suffit à identifier ce deux bobines d’une vingtaine de minutes, interprété et réalisé par Roscoe « Fatty » Arbuckle. Champion du lancer de tarte à la crème depuis les débuts du Slapstick, Arbuckle, vit ses heures de gloire avant d’être banni de Hollywood en raison du scandale sordide, survenu en 1921, qui ruina sa carrière.

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Un visuel unique, typique de l’époque, donne le ton de cette comédie burlesque tournée dans les Colony Studios, vaste entrepôt newyorkais, peu avant que la troupe d’Arbuckle rejoigne Hollywood en octobre 1917. Combinant trois scènes du film, Fatty y porte un Buster Keaton méconnaissable, incarnant son fils malmené à tort et à travers, entouré de policiers à terre et d’une domestique (Alice Lake) qui n’est pourtant pas le premier rôle féminin. Fatty docteur est le quatrième court métrage interprété par Buster Keaton qui fait ses débuts avec Arbuckle en 1917 dans The Butcher Boy (Fatty garçon boucher, 1917). Jusqu’en 1920, le duo tourne ensemble une bonne dizaine de films sous la direction d’Arbuckle, interrompus par le départ de Keaton en France, engagé sous les drapeaux durant sept mois en 1918.

Type d’objet : Affiche Support : Lithographie Année : 1918 Pays : France Format : 125x165 cm



AFFICHE DE PROMOTION POUR L’ACTRICE ANNABELLA Suzanne Georgette Charpentier choisit son nom de scène, Annabella, d’après un poème d’Egar Poe. L’idée lui vient lors du tournage de son premier film, Napoléon d’Abel Gance. Elle a alors 19 ans. L’actrice au charme juvénile devient très vite une star du cinéma français, grâce notamment à l’avènement du cinéma parlant. Les journaux français et européens lui consacrent de nombreuses pages et les États-Unis font bientôt appel à « The p’tite gamine of Paris » au moment où les belles étrangères, Greta Garbo,

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Marlène Dietrich, Ingrid Bergman… déferlent sur Hollywood. L’affichiste espagnol Emilio Vilà réalise ce portrait en 1930, époque où les stars et étoiles montantes font leur publicité sur des affiches placardées le plus souvent dans les halls de cinéma. Vilà vit quelque temps en France où il rencontre Toulouse-Lautrec et Picasso. Il devient célèbre grâce à ses affiches publicitaires (Palmolive, la Samaritaine) et ses nombreux portraits de personnalités – hommes politiques et stars de cinéma (Jean Gabin, Charlie Chaplin, Fernandel). La Cinémathèque conserve vingt-deux affiches signées Vilà, des portraits de comédiens comme Jaque Catelain, Geneviève Félix, mais aussi plusieurs affiches de films de Louis Feuillade, Léonce Perret, Albert Capellani…

Type d’objet : Affiche Support : Lithographie, couleur Auteur : Emilio Vilà Année : 1930 Pays : France Format : 167x126,6 cm Crédits : Emilio Vilà



AFFICHE DE PROMOTION POUR LA COMÉDIENNE ÈVE FRANCIS Amie de Paul Claudel, égérie et actrice des films de Louis Delluc qu’elle épouse en 1918, Ève Francis est également connue pour avoir été l’assistante de Marcel L’Herbier avec qui elle réalise une dizaine de films. Cette lithographie en noir et blanc de l’actrice est une reproduction

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du tableau de Kees Van Dongen « La Robe rose (Ève Francis) ». Peintre des années folles, proche du mouvement Fauve, Van Dongen devenu le portraitiste mondain du « toutParis », croque les femmes de la haute-société : silhouettes parisiennes, starlettes du music-hall, vedettes de cinéma… Le logo des Établissements Louis Aubert, l’un des principaux distributeurs français des années dix et vingt, montre que cette affiche a servi à faire la promotion d’une de leurs vedettes. Un autre portrait d’Ève Francis signé Bernard Bécan, graphiquement très différent, est également conservé dans les collections de la Cinémathèque.

Type d’objet : Affiche Support : Lithographie, noir et blanc Auteur : Kees Van Dongen Année : 1920 Pays : France Format : 160x125 cm Crédits : Kees Van Dongen © ADAGP, 2015



AFFICHE DE PROMOTION POUR LA COMÉDIENNE ÈVE FRANCIS Amie de Paul Claudel, égérie et actrice des films de Louis Delluc qu’elle épouse en 1918, Ève Francis est également connue pour avoir été l’assistante de Marcel L’Herbier avec qui elle réalise une dizaine de films. Cette lithographie, de style art déco, postérieure au portrait d’Ève

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Francis par Kees Van Dongen, est signée Bernard Becan. Caricaturiste et dessinateur de presse, Bécan s’illustre aussi par ses affiches de cinéma pour des vedettes comme Roscoe « Fatty » Arbuckle ou pour des films de René Clair et Louis Delluc, dont plusieurs sont conservées à la Cinémathèque.

Type d’objet : Affiche Support : Lithographie, couleur Auteur : Bernard Becan Année : 1927 Pays : France Format : 164 x124 cm Crédits : Bernard Becan



AFFICHE AMÉRICAINE DE « L’ANGE BLEU » Cette affichette de L’Ange bleu a été conçue pour la Pacific Film Archive, à l’occasion de la programmation en 1972 du film de Josef von Sternberg. C’est la 17ème affiche signée David Lance Goines, dont la carrière d’affichiste débute en 1968 quand il fonde sa propre imprimerie, Saint Hieronymus Press, à Berkeley. C’est également sa première affiche de film, et la première commande de l’institution californienne pour laquelle Goines réalisera d’autres travaux, revisitant ainsi l’histoire du cinéma près de

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trente ans avant la naissance des affiches éditées par Mondo. David Lance Goines offre une vision inattendue de ce classique allemand sorti en 1930, qui inaugure la collaboration entre Marlene Dietrich et Sternberg, sans représenter l’actrice dont le cinéaste continuera de façonner l’image mythique à Hollywood avec encore six longs métrages. Pas de référence visuelle non plus au cabaret qui donne son nom au film mais une illustration unique et surprenante caractéristique de l’esthétique minimaliste et efficace de Goines. Un œuf, dont la fragilité renvoie au professeur Rath, personnage fou d’amour interprété par Emil Jannings, posé dans un équilibre précaire sur une imposante enclume figurant l’impitoyable chanteuse Lola-Lola jouée par Marlene. Le titre original occupe la moitié du visuel dans une composition typique du style de Goines où s’imposent sa maîtrise exceptionnelle de la calligraphie et son intérêt inépuisable pour la typographie, souvent inspirée par l’Art nouveau et l’Art déco. Les mentions écrites sont élaborées dans une palette de couleurs douces, dont il est coutumier, avec des encres toujours conçues par ses soins. Une première impression de 190 affiches est produite en 1972 suivie d’une seconde de 450 exemplaires en 1973, à nouveau en 4 couleurs.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset Auteur : David Lance Goines Pays : États-Unis Format : 61x46 cm Crédits : © David Lance Goines



AFFICHE FRANÇAISE POUR « LE DICTATEUR » Cette affiche du Dictateur (Charles Chaplin, 1939) a été réalisée en 1968 par Léo Kouper d’après sa propre affiche conçue dans les années 50. D’origine russe, Léo Kouper (né Leo Koupfer­ber) est formé par Hervé Morvan et signe sa première affichette en 1951 pour Le Plus joli péché du monde (Gilles Grangier). En 1954, alors que Les Artistes Asso­ ciés s’apprêtent à ressor­tir en France plusieurs films de Chap­lin, son maître trop occupé lui cède la place pour concourir au premier

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projet d’affiche. En concurrence avec les travaux de deux affichistes expérimentés, Henri Cerutti et Jan Mara, la maque­tte de Kouper pour Les Temps modernes (1936) l’emporte. La suivante, créée pour La Ruée vers l’or (1925) est également retenue, contre celle de Cerutti. Désormais seul en lice pour la production de l’affiche du Dictateur, Kouper propose une unique illustration : Charlot barbier s’apprête à sectionner d’un coup de ciseau la mèche du dictateur inspiré par Hitler. L’image, d’autant plus forte qu’elle ne figure pas dans le film, impressionne Charlie Chaplin à qui les esquisses sont envoyées en Suisse, où il est alors établi. Le motif original de Kouper exposé sur le même fond rouge sera également exploité sur une affichette belge ainsi que sur une affiche britannique de 1956, toutes deux dans les collections de la Cinémathèque. Kouper poursuivra ensuite sur sa lancée, dessinant tout le reste de la série d’affiches consacrées aux ressorties des films de Chaplin, comme celles des Feux de la rampe ou du Cirque. Avec le style très personnel qui le caractérise, tant dans la composition graphique que dans ses illustrations, l’affichiste restitue toute la poésie et le burlesque de l’œuvre du cinéaste, rencontré une fois à l’occasion d’une conférence de presse à Paris. Dans les années 70, Kouper est d’emblée sollicité pour promouvoir une nouvelle ressortie des films de Chaplin, cette fois initiée par le


circuit de distribution Parafrance, antenne française de Para­mount. Il produit une nouvelle série d’affiches, déclinant souvent ses précédentes créations, ainsi que des produits dérivés comme l’album Le Kid et ses 30 planches de bandes dessinées commandées en 1971. C’est à cette occasion que Kouper compose cette seconde version du Dictateur en ajoutant la séquence devenue emblématique avec la mappemonde, déjà à l’honneur sur l’affiche française d’époque signée Pierre Bouvry. La Cinémathèque française conserve également les affiches de Léo Kouper pour La Comtesse de Hong-Kong (1966) et Monsieur Verdoux (1946) ainsi que la maquette d’affiche exécutée en 1971 pour Le Kid (1919). Deux affiches réalisées d’après l’illustrateur pour La Ruée vers l’or (1925) et La Revue de Charlot (qui regroupe 3 courts métrages) comptent aussi parmi les 21 œuvres de l’auteur présentes dans les collections.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset Auteur : Léo Kouper Année : 1968 Pays : France Format : 300 x 400 cm Crédits : Léo Kouper © ADAGP, 2016


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RESTAURATION DE L’AFFICHE DE « KATIA » En 1937, Danielle Darrieux, tient le rôle de Katia dans le film éponyme de Maurice Tourneur. Ce film reprend largement les formules qui ont mené au succès de son film hollywoodien Mayerling (Anatole Litvak, 1935). L’actrice est célèbre, son visage occupera une grande place sur l’affiche. Si les décors de ce film sont réalisés par Alexandre Arnstam, c’est son fils Cyril qui va concevoir les affiches. La Cinémathèque conservait jusqu’à présent deux des cinq affiches créées à l’occasion de la sortie du film. En 2011, Cyril Arnstam nous a donné l’affiche la plus prestigieuse, celle que l’on nomme la « 4

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panneaux », car elle est constituée de quatre morceaux d’un format de 120×160 cm. La juxtaposition de ces quatre panneaux permettent d’obtenir l’affiche finale d’un format de 240×320 cm. Il y avait cependant un problème : il manquait l’un des quatre panneaux, celui du bas à gauche. Cyril Arnstam tenait absolument à ce que l’on retrouve la magie de cette affiche et donc, que l’on s’engage à reconstituer ce quatrième panneau afin de retrouver l’intégrité de l’affiche originale. Par chance, cette affiche existait également au département des arts et du spectacle à la BnF. Nous avons demandé un fichier numérique du panneau manquant. A partir de là, nous avons pu mener à bien l’entoilage et la restauration de cette affiche avec l’auteur de l’affiche, Cyril Arnstam, et deux restaurateurs, Brigitte Bussière et Thierry Deknuydt. Dans la majorité des cas, les affiches sont pliées à la sortie de l’imprimerie et au cours du temps, le papier devient cassant particulièrement au niveau des plis, entraînant la rupture et la perte d’éléments de l’affiche. On peut dire que plus elle sera manipulée, plus le risque de déchirures est élevé. C’est l’intérêt d’une mise à plat qui, grâce à l’entoilage, permet d’exposer et de conserver une affiche. L’instant où le restaurateur découvre une affiche est toujours un moment passionnant et délicat car la première manipulation fait


apparaître son état, la nature du papier, la qualité des encres employées et bien sûr son graphisme. De l’étude minutieuse de ces éléments découlera la méthodologie qui permettra l’intervention appropriée. En tout premier lieu, on commence par une mise à plat du document et un dépoussiérage à sec, par gommage en utilisant différentes possibilités telles que l’éponge sèche Wishab ou Plastigom. Puis on met en place des renforts réversibles afin de contenir les déchirures et les couvertures de plis et cela pour pouvoir immerger l’affiche sans risque, car c’est grâce à l’eau que l’on pourra purger en partie le papier de son acidité. Un bain tiède plus ou moins long permet en effet un nettoyage complet et l’élimination de certaines taches. L’entoilage proprement dit est le marouflage d’un document sur une toile tendue en prenant soin d’intercaler un papier dit « barrière ». L’ensemble est travaillé en phase humide et devra sécher de façon régulière dans un local ventilé. L’utilisation de produits non acides, toile, colle et papier, ainsi que les couleurs pour la restitution des lacunes seront utilisés pour leur qualité de réversibilité. En effet, les restaurateurs doivent pouvoir revenir en arrière sur les travaux qu’ils réalisent. Le problème principal de cette restauration consistait à reconstituer le panneau manquant. Ce qui a semblé évident aux restaurateurs quand ils ont découvert l’affiche de Katia avec ce panneau manquant, était la restitution à l’identique. Dans ce cas précis, il s’agit d’une reproduction rendue possible par l’accord de l’affichiste et du donneur d’ordre. Il restait à trouver la méthode et les moyens pour y parvenir. La réalisation du lettrage qui comporte différentes typos a obligé les restaurateurs à revenir au pinceau par trois fois. Une première passe couleur pour préciser chacune de ces lettres dans leur gabarit d’origine. Une deuxième passe en utilisant cette fois un fluide de masquage pour protéger le lettrage, afin de réaliser l’aplat noir du bandeau à l’aide d’un aérographe. Et enfin, la dernière passe de finition dans la teinte définitive pour corriger les imperfections après séchage du noir et suppression du masquage. Cela peut s’approcher des techniques employées par l’imprimerie, le but étant de s’en approcher le plus possible. « Réalisé par Maurice Tourneur » apparaît donc, mais aussi toutes les informations jusqu’au moindre détail sans oublier le nom de l’imprimeur.


Pour les restaurateurs, le fait de travailler avec le créateur de l’affiche, les a aidé à retrouver le « fil » de l’affiche, car il est très rare de pousser aussi loin la restauration d’une affiche. Les interventions se font habituellement sur des parties d’affiches originales. Les conseils de Cyril Arnstam ont permis de mener à terme ce travail complet nécessitant beaucoup d’énergie et de précision. Ses propos sur l’art du trait qui donne vie et l’approche des couleurs ont dépassé l’aspect technique du travail de restauration. Ce fut très utile pour trouver les échantillons de teintes définitives dans le cadre d’une affiche ayant « vécu » avec des couleurs et des réserves légèrement passées. La présence de Cyril Arnstam, né en 1919 à Saint-Pétersbourg et auteur d’affiches de films de Pierre Chenal ou Marie Epstein, a également marqué tout le monde par sa jeunesse d’esprit et son sens de l’humour. JACQUES AYROLES

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RIVE GAUCHE


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La rive gauche est la vie bohémienne, la vraie sensualité des ans 60. Il y a beaucoup d’espace pour trouver et être fasciné par la décadence du film qui joue dans les rues détendues ou, dans un coin il y a une bibliothèque académique du grande école ou dans l’autre coin, le odeur d’un café visité par Cocteau. L’art du film est célébré et poussé à la limite.


PASSION TRUFFAUT « Je fais des films pour réaliser mes rêves d’adolescent, pour me faire du bien et, si possible, faire du bien aux autres. » Cette phrase de François Truffaut exprime simplement, clairement et pleinement son amour du cinéma et son désir d’en faire. Cet homme a organisé sa vie afin de parvenir à son but. Disparu le 21 octobre 1984 à l’âge de cinquante-deux ans, il a laissé le sentiment d’avoir mené sa vie à toute vitesse, comme pressé par le temps et comme s’il voulait arriver à tout faire tant que cela était encore possible. Vingt-et-un longs métrages, une poignée de courts, plusieurs centaines d’articles sur le cinéma parus dans un grand nombre de journaux ou revues, principalement aux Cahiers du cinéma et dans l’hebdomadaire Arts, des préfaces consacrées aux livres d’hommes qu’il admirait ou qui l’ont aidé (Renoir, Bazin, Welles, Rossellini, Ophuls, Nestor Almendros, Sacha Guitry, Tay Garnett, etc.),

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le fameux livre d’entretiens, Le Cinéma selon Alfred Hitchcock, devenu familièrement le « Hitchbook », paru en 1966 chez Robert Laffont, puis en Amérique chez Simon & Schuster, traduit en maintes langues, sans cesse réédité depuis. Sans compter le Truffaut acteur, dans certains de ses films : L’Enfant sauvage, La Nuit américaine et La Chambre verte, et dans le film de Spielberg, Close Encounters of the Third Kind (Rencontres du troisième type, 1977). Sans oublier la publication de sa correspondance qui reprenait de nombreuses lettres, parmi les milliers qu’il écrivit durant sa vie à toutes sortes de gens, proches ou lointains. Bref, contrat rempli, vie rondement menée, bilan « globalement positif Il n’empêche que sa mort a laissé un goût amer, un sentiment d’inachevé, de mélancolie profonde, pas seulement pour les siens, ses proches, ses actrices et acteurs, et sa « famille du Carrosse ». Combien de cinéastes aujourd’hui, jeunes hommes et surtout jeunes femmes, s’inspirent de son œuvre et de son goût du romanesque, regrettant de ne pas l’avoir connu, croisé, côtoyé, et ce non seulement en France, mais au Japon, en Amérique et dans le reste du monde ? Truffaut a réalisé Vivement dimanche !, son dernier film, alors qu’il avait plusieurs fers au feu. Plusieurs scénarios très avancés, coécrits avec Jean Gruault (le projet « 00-14 ») ou Claude de Givray (La Petite voleuse, que réalisera Claude Miller en 1988), sans oublier un projet auquel il tenait beaucoup, Nez de cuir, qu’il envisageait avec Gérard


Depardieu – dont il était devenu le complice – et Fanny Ardant. Affaibli, malade, se croyant convalescent ou voulant le croire, Truffaut gardait l’espoir de poursuivre son travail pour, en quelque sorte, « achever la figure », comme le dit avec fièvre et passion Julien Davenne dans La Chambre verte. Oui, achever la figure. Mais laquelle ? Celle d’un homme entièrement voué à son unique passion, le cinéma. Sorte de dévotion radicale, exclusive. Sacrée. Dénuée de narcissisme. Beaucoup, lorsqu’il est mort, avaient au fond classé François Truffaut dans la catégorie bien rangée des cinéastes « installés », ayant trahi des idéaux de jeunesse, sans voir ce qu’était chez lui la force incroyable de l’obstination et de l’idée fixe, consistant à poursuivre un rêve adolescent : « Je veux que mes films donnent l’impression d’avoir été tournés avec 40° de fièvre », disait-il… On croit, à juste titre, que l’œuvre entière est cohérente, harmonieuse, ronde : elle l’est. Plusieurs films s’enchaînent dans une belle logique ; la « saga Doinel », série originale et unique qui voit grandir un personnage, Jean-Pierre Léaud, de quatorze à trentehuit ans, à travers cinq épisodes de son éducation sentimentale. Les films « passion », de Jules et Jim à La Femme d’à côté, en passant par La Peau douce, La Sirène du Mississipi, Les Deux Anglaises…, L’Histoire d’Adèle H., Le Dernier métro, où Truffaut s’emploie à exorciser sa vision funèbre de l’amour fou : « Ni avec toi ni sans toi », le mot de Madame Jouve (Véronique Silver) dans La Femme d’à côté résume parfaitement cette équation impossible, où le couple amoureux se brûle les ailes, jusque dans la mort : « Comme les grands oiseaux rapaces, il plane audessus de nous, il s’immobilise et nous menace… Oui, l’amour fait mal. » Les cinq films adaptés de Série noire : Tirez sur le pianiste, vision poétique à la Queneau du monde des gangsters, La Mariée était en noir, orchestrée par Bernard Herrmann, à revoir pour son audace narrative et la force de l’idée fixe (une femme décide une fois pour toutes de tuer), La Sirène du Mississipi, beau film « malade » où Belmondo est faible, parfois gémissant, quand l’héroïne, magnifiquement interprétée par Catherine Deneuve, mène la ronde en mentant comme une arracheuse de dents. La beauté des couples chez Truffaut : Aznavour-Marie Dubois (Tirez sur le pianiste), Jeanne Moreau et ses deux amants, Oskar Werner et Henri Serre (Jules et Jim), Desailly-Françoise Dorléac (La Peau douce), Belmondo-Deneuve (La Sirène…), Deneuve-Depardieu (Le Dernier métro), Fanny Ardant-Depardieu (La Femme d’à côté) ou Fanny Ardant-Trintignant (Vivement dimanche !). Oui, les couples sont magiques, même s’il y a toujours quelque chose qui cloche, un grain de sable, comme dans les chansons d’amour qui se terminent


tristement. On s’aime, on se quitte, on se retrouve parce que l’amour est plus fort, mais il y a toujours un moment où le déséquilibre apparaît, où la recherche de l’harmonie échoue. Et cela fait du mal. Bien sûr, les films sur l’enfance : des Mistons à L’Argent de poche, en passant par Les Quatre cents coups et L’Enfant sauvage, où Truffaut, dans une sorte de retour imaginaire sur sa propre enfance, tente de percer le mystère des êtres et du langage, conciliant tout à la fois son goût pour l’école buissonnière et sa croyance dans l’apprentissage du langage, seule arme qui permet de se forger un destin, sinon d’avoir sa place dans la société. Dans cette œuvre voulue de manière consciente, harmonieuse, apparaît une béance, un sentiment d’inachevé, une porte ouverte sur un avenir sans illusion. Truffaut est mort trop tôt et trop jeune pour que l’on se contente de le regretter. Surtout, il y a un grand mystère dans son cinéma, quelque chose qui, d’un film à l’autre, revient pour faire écho, ricochet. Comme une hantise. On a beau avoir vu et revu ses films, ils prennent, en fonction du temps ou des saisons, une couleur changeante, une tonalité nouvelle ; on se surprend à les revoir avec un

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autre regard, comme si le temps jouait pour eux, ou parfois contre eux, et comme s’ils nous regardaient à un autre âge de notre propre vie. Ainsi, L’Homme qui aimait les femmes, avec le génial Charles Denner, double idéal du cinéaste. Ce qui revient avec ce film, c’est l’amour, la conquête amoureuse (et sexuelle) sous la forme d’une obsession et d’une hantise. Après dix-huit heures, Bertrand Morane ne supporte plus la compagnie des hommes. Il part à la chasse, tel un « cavaleur », avec son œil d’oiseau de nuit, l’air anxieux. Cela le met dans un état pas possible, comme si sa vie en dépendait. Ainsi fait-il remonter son obsession des femmes, « petites pommes » ou « grandes tiges », à son enfance et son adolescence, en la faisant naître d’une relation si particulière avec sa mère, totalement indifférente envers lui. Scénario hyper-« truffaldien », quand on sait combien la propre mère du jeune François Truffaut était indifférente à l’égard de son fils unique. De ce manque d’amour, du manque d’intérêt d’une mère envers son fils, naîtra une vocation, celle de faire des films, ou celle d’aimer toutes les femmes. Idée fixe, obsession de réussir sa vie en ne faisant que ce que l’on aime : le cinéma. Ce schéma fictionnel très romanesque est cher à Truffaut et revient sous une forme morbide et élégiaque dans La Chambre verte, où le cinéaste lui-même, acteur, voue un culte à son épouse morte et à ses amis disparus. Il y a de manière logique un lien à la fois évident et secret entre Bertrand Morane, qui voue un culte à


toutes les femmes (qu’il a eues), et Julien Davenne qui, enfermé dans la chambre mortuaire, passe la bague au doigt à son épouse disparue. Deux films qui se répondent, accompagnés par la musique sublime de Maurice Jaubert. Le cinéma ou l’art de célébrer les morts, ou les vivants (comme Denner) qui ignorent encore qu’elle rôde autour d’eux. L’exposition, conçue à l’occasion du trentième anniversaire de la disparition du cinéaste, est faite à partir de ses archives déposées il y a une quinzaine d’années par sa famille, constituées de scénarios annotés, notes manuscrites, photos, affiches, correspondances, documents, bibliothèque, un ensemble cohérent qui témoigne aussi de ce que fut son goût pour l’archive. Comme si Truffaut avait construit de manière méthodique la mémoire de sa vie de cinéaste et d’écrivain de cinéma. L’exposition s’accompagne d’une rétrospective complète de ses films, de conférences, rencontres, ateliers. Bref, il s’agit d’un retour complet à François Truffaut. SERGE TOUBIANA


s’installer au Nouveau-Mexique et reconquérir un nouveau territoire – celui, tabou, des Amérindiens , il revient à la réalisation avec le cultissime Colors, premier film à s’enfoncer dans les banlieues de Los Angeles. Il découvre également les « tags » de banlieues, et assume par ricochet un geste d’action painter, renouant avec la peinture, pratique qu’il avait abandonnée après l’incendie de sa villa de Bel Air en 1961 où avaient été détruites une centaine de ses toiles. Dennis Hopper continue d’incarner les multiples facettes de cette Amérique insolite. Un véritable phénix capable de se régénérer à chaque crise traversée. Aujourd’hui, l’homme est serein, ouvert, disponible. Que ce soit dans le domaine du cinéma, de la photographie, de la performance, de la télévision (il joue notamment le personnage de Victor Drazen dans la première saison de 24 heures) ou de la Playstation (il fait la voix off du sulfureux jeu vidéo Grand Theft Auto : Vice City), son visage halluciné est le symbole de ce Hollywood toujours au bord de la rupture. Dennis Hopper est en effet l’Homme qui a su prendre le risque de ne pas opposer réalité et fiction, art et cinéma, chaos et paix. L’Homme qui, par ses films, ses photos et peintures, n’a jamais cessé de traquer l’énigme qui se cache

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derrière les paradoxes de l’Amérique. À la fois comme un exercice spirituel et un témoignage sociologique des mutations de son pays. MATTHIEU ORLÉAN



MAQUETTE D’AFFICHE DE « TIREZ SUR LE PIANISTE » Comme souvent à cette époque, plusieurs affichistes étaient mis en concurrence pour réaliser une affiche de film. Réunis au sein du Syndicat des affichistes, ils pouvaient discuter et s’entendre sur le travail des uns et des autres. Deux projets d’affiche signés Michel Varesano, dont on ignore la

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provenance, sont longtemps restés en attente de traitement à la Cinémathèque française. On suppose que, comme pour son pendant bleu et vertical, cette maquette fut proposée mais jamais utilisée. Il est amusant de comparer ce dessin resté à l’état de maquette avec l’affiche originale sortie en France. Alors que le premier fait la part belle au piano sans le musicien, à l’inverse, le tandem d’affichistes Jouineau-Bourduge, auteurs de plusieurs compositions pour les films de Truffaut, ont choisi de dessiner uniquement le pianiste, incarné par Charles Aznavour.

Type d’objet : Dessin Support : Gouache couleur sur carton Auteur : Michel Varesano Année : 1960 Pays : France Format : 70x90 cm Crédits : Michel Varesano © Michel Varesano



MAQUETTE D’AFFICHE DE « TIREZ SUR LE PIANISTE » Resté à l’état de maquette, ce projet d’affiche pour Tirez sur le pianiste n’a pas été retenu, les agences mettant en concurrence plusieurs affichistes. La maquette de Michel Varesano s’avère très éloignée des deux affiches françaises, signées par le tandem JouineauBourduge, qui accompagneront finalement la sortie du film en 1960.

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Œuvre atypique et inachevée, son histoire reste nimbée de mystère, de même qu’une autre maquette à dominante rouge signée du même auteur pour Tirez sur le pianiste.

Type d’objet : Dessin Support : Gouache couleur sur carton Auteur : Michel Varesano Année : 1960 Pays : France Format : 70x90 cm Crédits : Michel Varesano © Michel Varesano



AFFICHE DU 1ER FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE CANNES 1946 La première édition du Festival International du Film de Cannes doit avoir lieu en septembre 1939. Louis Lumière a accepté d’en être le président. Toute l’organisation est prête et quelques films sont déjà sur place quand la guerre interrompt la réalisation du projet. Repris en 1945, il est encore retardé par des difficultés budgétaires et ce n’est finalement qu’au début

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de l’été 1946 que le premier Festival de Cannes voit le jour. Du 20 septembre au 6 octobre, plus de 50 longs métrages et 70 courts métrages, envoyés par 19 pays, y sont présentés. De nombreuses festivités sont organisées : grande fête d’inauguration au Grand Hôtel, meeting d’aviation, corso fleuri, réception mexicaine, concours d’élégance au Palm Beach, fête de la mer, nouba des tirailleurs marocains dans les rues de la ville, feu d’artifice... Chaque nation représentée repart avec son Grand Prix, récompensant cette année-là, Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini, Brève rencontre de David Lean, Le Poison de Billy Wilder... Michèle Morgan reçoit le prix de


la meilleure interprétation féminine dans La Symphonie pastorale de Jean Delannoy. Le public est séduit par Gilda de Charles Vidor, passe à côté des Enchaînés d’Hitchcock, à cause d’une bobine égarée, et applaudit La Belle et la Bête de Jean Cocteau qui clôture le Festival. Pour réaliser les affiches du festival 1946, on fait appel à plusieurs illustrateurs. Paul Colin signe le grand format (120x160 cm) avec son caméraman à la tête en forme de mappemonde. Pour le petit format (60x40 cm), Leblanc se concentre sur la mer, le smoking et la robe de soirée qu’il cadre dans un écran. Et c’est une pellicule enroulée autour d’un mât, orné de longs fanions multicolores, que Rémy Hétreau choisit de dessiner pour l’affiche, la moins connue, et sur laquelle l’illustrateur inscrit ces mots : « Les plus beaux films du monde dans le plus beau cadre du monde. »

Type d’objet : Affiche Support : Lithographie couleur Auteur : Rémy Hétreau Année : 1946 Pays : France Format : 84 x 63 cm Crédits : Rémy Hétreau © ADAGP, 2016


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AFFICHE ITALIENNE DE « LA DOLCE VITA » Datée de février 1960, cette affiche originale a accompagné la sulfureuse sortie de La Dolce vita, distribué par Cineriz dans les salles italiennes, quelques mois avant de remporter la Palme d’or au Festival de Cannes. Sa composition graphique traduit bien la forme éclatée du film, constitué d’épisodes décousus, guidés par les allées et venues de Marcello Mastroianni en chroniqueur de presse à scandale blasé, courant après les scoops et les femmes. Un photomontage compilant

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sept photographies de plateau – présentes dans le dossier de presse – donne un aperçu de la superbe photographie du film, signée Otello Martell, et en livre autant de petites touches. Marcello cherchant son père Via Veneto. Nico, croisée en voiture de luxe, dans son propre rôle. Lex Barker, mari jaloux giflant sa star de femme, Anita Ekberg, de retour au petit matin. Anita Ekberg dansant encore au bras de Marcello. Anouk Aimée, riche héritière débauchée, avec laquelle le journaliste passe la nuit dans la chambre d’une prostituée. Une foule de paparazzi courant après une voiture de police et une soirée dans le salon de Steiner (Alain Cuny, absent de l’affiche). L’ensemble s’agence autour d’un médaillon doré qui accueille le générique sur fond rose, seule touche de couleur déclinée sur tous les documents


promotionnels de cette série. L’emploi du photomontage, rendu possible grâce à l’impression en offset mais peu employé en Italie lors de son introduction en 1940, se développe surtout à la fin des années 50. Son format « double photobusta » (70 x 100 cm), le moins exploité des formats italiens, en fait une affiche rare. Occasionnellement, deux versions sont produites, comme c’est le cas pour La Dolce vita ; sa variante associant des visuels différents avec des acteurs non représentés sur la première. Une « locandina », affiche de salle typiquement italienne mise en place dans les années 40 et 50, propose encore un autre photomontage, cette fois colorisé.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset – Couleurs Année : 1959 Pays : Italie Format : 71 x 99.50 cm Crédits : Droits réservés


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AFFICHE ANGLAISE DE « LA DOLCE VITA » Sifflé lors de la première à Milan en février 1960, le film le plus célèbre de Federico Fellini a fait scandale à sa sortie dans les milieux religieux et bourgeois, créant la polémique tout en remportant la Palme d’or à Cannes en mai de la même année. Tournant décisif dans l’oeuvre du cinéaste, débutée sous le signe du néo-réalisme, La Dolce Vita raconte, en près de trois heures, les virées d’un journaliste de presse à sensation désabusé. En quête de scoops croustillants et de rencontres féminines, Marcello (Marcello Mastroianni) arpente

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la capitale italienne entre soirées jet set débauchées et banlieues sordides, lieux sacrés et lieux de perdition qui font tiquer la censure. Distribué au Royaume-Uni en 1961 et X-rated for adults only, La Dolce vita y fait l’objet d’une promotion digne des films d’exploitation américains, surfant sur le parfum de scandale sans faire mention du prix cannois. Typiquement anglo-saxone par sa forme bavarde, cette affiche souligne, avec une accroche, le choc suscité par The Sweet Life, titre alternatif du film en Angleterre. Un commentaire pointe encore « l’origine de tous les dangers d’une société permissive qui traîne les idoles populaires dans les profondeurs de la dépravation » et « une accusation torride de la poursuite implacable du plaisir ». Le format TotalScope est cité sous le petit X restrictif, imprimé à la suite du titre original, affublé d’un point d’exclamation, tandis que le casting est relégué au bas de l’affiche. Le tout s’organise autour d’un photomontage de trois photographies du film, sommairement détourées de leur décor sur un fond monochrome intense qui tranche avec le noir et blanc. Une composition graphique classique des affiches de l’époque imprimées en offset aux États-Unis et en Grande-Bretagne. L’affiche anglaise met en avant des images déjà iconiques d’une Anita Ekberg révélée par le film, dans un rôle qui lui est proche : Sylvia


Rank, une actrice hollywoodienne d’origine suédoise… Miss Suède 1950 et ex-mannequin, Anita Ekberg avait ensuite tourné 5 ans à Hollywood et déjà incarné son propre rôle aux côtés de Jerry Lewis et Dean Martin dans deux films de Frank Tashlin, avant de croiser Fellini en Italie. Ses courbes se déploient sur la moitié de l’affiche, l’immortalisant abandonnée dans une scène devenue mythique : la baignade nocturne en tenue de soirée dans la fontaine de Trevi, inspirée d’une série de photos de 1958 où la starlette, vêtue de blanc, y rafraîchissait son pied blessé sous l’objectif de Pierluigi Praturlon, également photographe de plateau sur La Dolce vita l’année suivante. La deuxième apparition de l’actrice est issue d’une scène filmée dans les thermes de Caracalla où elle danse sur un rock interprété par le tout jeune Adriano Celentano. En passant, le graphiste anonyme ajoute des bretelles à sa robe, sans doute pour varier les tenues… La photo de Mastroianni – dont le sens a été inversé par rapport à la prise de vue initiale – est extraite de la dernière soirée arrosée dans la villa de Nadia Gray qui fête son divorce. La même image subversive est également exploitée sur une affiche italienne, post Cannes, et sur une affiche espagnole.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset – Couleurs Année : 1961 Pays : Grande-Bretagne Format : 77 x 100 cm Crédits : Droits réservés


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AFFICHE DE « BAISERS VOLÉS » Cette affiche de ​Baisers volés​marque la troisième collaboration de l’affichiste Réné Ferracci avec François Truffaut. Affichiste français qui a rapidement monopolisé ​dominé ​le marché de l’affiche, Ferracci travaillera sur neuf films du cinéaste dont le dernier, ​La Femme d’à côté​, produisant parfois deux affiches différentes pour un même film, comme c’est le cas pour ​Baisers volés​. L’auteur s’est illustré à travers différents styles au cours d’une carrière prolifique des années 50 aux années 80. Pour ​Baisers volés​, il travaille directement avec François Truffaut

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qui lui soumet un choix de quatre photos du film. Présenté sur fond de panorama parisien, rapidement identifiable par la présence de la tour Eiffel, le visage de Claude Jade, dont le haut est caché par un journal plié, reste totalement anonyme. La présence d’une accroche, plutôt rare sur les affiches françaises​,​renvoie à la chanson de Trenet qui inspir​a​​à Truffaut le titre du film. Cette affiche existe également au format affichette 60x40 cm. Dite « modèle B », elle fait écho à son pendant masculin décliné sur le même principe autour du visage de JeanPierre Léaud (dite « modèle A »). A l’origine, une affiche

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Auteur : René Ferracci Année : 1968 Pays : France Format : 167x127 cm Crédits : René Ferracci © ADAGP, 2015

était éditée pour la sortie parisienne (modèle A ), une seconde pour la sortie en province (Modèle B).



AFFICHE DE « BAISERS VOLÉS » Cette affiche de ​Baisers volés​marque la troisième collaboration de l’affichiste René Ferracci avec François Truffaut. Dite « modèle A », l’affiche fait écho à son pendant féminin décliné sur le même principe autour du visage de Claude Jade (dite « modèle B »). A l’origine, une affiche était éditée pour la sortie parisienne (modèle A ), une seconde pour la sortie en province (Modèle B).

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Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Auteur : René Ferracci Année : 1968 Pays : France Format : 167x127 cm Crédits : René Ferracci © ADAGP, 2015



AFFICHE FRANÇAISE DE « L’EMPIRE DE LA PASSION » Affiche offset en couleurs, réalisée à partir d’une maquette crayonnée, signée par Roland Topor et comportant la mention « interdit aux mineurs ». En 1978, Nagisa Oshima présente L’Empire de la passion, en écho à L’Empire des sens, sorti deux ans auparavant. Le film obtient le Prix de la mise en scène au festival de Cannes.

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Roland Topor, touche-à-tout de génie, est chargé de réaliser l’affiche française. Fidèle à son univers symbolique, il livre un dessin érotique simple et malicieux, véritable trompe-l’œil. Le sujet – un jet de fumée et de la lave rouge sortant d’un cratère, représentant un corps et un sexe féminins – offre une double interprétation. Le feu passionnel qui dévore les deux amants du film, figuré par l’éruption, s’oppose à l’emblème par excellence du Japon, le Mont Fuji. La sexualité affronte ainsi la tradition. L’affiche originale fut à l’époque censurée, comme le raconte Topor : « On m’a demandé de faire disparaître la fumée blanche dans les flammes du volcan. Anatole Dauman, le distributeur du film, avait montré mon dessin à des membres de la Commission de Contrôle qui, officieusement, l’avaient prévenu que l’affiche serait refusée (…). Chacun y voit ce qu’il veut ». Topor dessina donc une seconde version, édulcorée, sans les flammes rouges. Mais la première fit le tour du monde et reste aujourd’hui comme l’une des plus belles affiches de cinéma jamais dessinées.

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Auteur : Roland Topor Année : 1978 Pays : France Format : 160x120 cm Crédits : Roland Topor © ADAGP



Bulworth (1998), comédie iconoclaste de Warren Beatty, en fait un constat de décès. La fusion est accomplie entre médias, pouvoir et argent, la course illimitée aux financements a fait perdre tout sens aux élections. Bulworth, sénateur en plein burn-out, pose des questions de plus en plus obscènes. Pourquoi les politiciens se moquent-ils des électeurs noirs ? Pourquoi les maîtres de Hollywood produisent-ils tant de médiocrité ? Pourquoi une loi sur la sécurité sociale sera-t-elle toujours bloquée par le Congrès ? Pourquoi les représentants du peuple et ceux de l’information sont-ils payés par les mêmes, ceux qu’on n’appelle pas encore les 1% ? Beatty articule sa comédie sérieuse autour de l’inégalité majeure infligée aux Noirs. Il sautille, rappe et lance sa solution : « Baiser tous ensemble jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de couleurs. » Pas étonnant que ce film qui laisse peu d’illusions ait été sabordé : tourné en 1996-1997, sorti en 1998 et en France encore deux ans après. Alors, occuper Wall Street ? En retraçant le parcours de Harvey Milk (2008), Gus Van Sant suggère la possibilité que le peuple prenne la parole. Pour les

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minorités, gays, Noirs, Latinos : le message est simple, voire candide. Y en a-t-il un meilleur ? Ce survol trop rapide s’arrête donc à la dernière image du film, sur une marche aux bougies en hommage au militant assassiné, une foule debout dans la nuit. BERNARD EISENSCHITZ



AFFICHE FINLANDAISE DE « PIERROT LE FOU » Affiche finlandaise de Pierrot le fou, datant vraisemblablement du printemps 1966 : le film est en effet sorti en mai de cette année-là en Scandinavie, soit six mois plus tard qu’en France. Le titre en rouge, seule note de couleur sur une affiche en noir et blanc, reproduit la typographie de l’affiche originale française, et l’image est sobre, reprenant une scène emblématique façon illustration de journal.

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C’est davantage le texte qui porte le message : « Jean-Luc Godard présente son chef-d’œuvre », avant la traduction littérale de la célèbre réplique prononcée dans le film par Samuel Fuller : « Un film est un champ de bataille : amour, haine, violence, action, mort, en un mot, émotion ». Le titre du film, dont la notoriété est déjà installée, est en français, avant sa traduction en finnois. A noter : le nom de Samuel Fuller, qui n’apparaît que brièvement dans son propre rôle, est inscrit ici avant et en plus gros que celui de JeanLuc Godard et des interprètes principaux, du producteur et du distributeur local.

Type d’objet : Affiche Support : Offset, couleur Pays : Finlande Format : 60x42 cm Crédits : Droits réservés



LE CARNAVAL DES PASSIONS Revoir l’œuvre de Josef von Sternberg, c’est prendre le risque de plonger au cœur des affects et des pulsions qui forment les soubassements du cinéma hollywoodien et, en même temps, entrer dans un monde singulièrement autonome, inouï, dont la survivance fut sans doute impossible à terme, au cœur de l’usine à rêves. Trop d’artifices, trop d’érotisme. Survoler la carrière de l’auteur de L’Ange bleu, c’est constater à quel point celle-ci, inaugurée par une poignée de chefs-d’œuvre du cinéma muet, s’est condensée, à un rare degré d’intensité, dans la première moitié des années 1930. Cette période glorieuse fut suivie par une autre, faite d’un inachèvement (I, Claudius), de tournages de séquences additionnelles et de rattrapages pour des films signés par d’autres, jusqu’au surgissement de ces incongruités

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pures (Shanghai Gesture, Jet Pilot, Anatahan) qui, chacune pourtant, condenseront à leur manière le monde sternbergien. Lorsqu’il réalise son premier long métrage, Salvation Hunters (Les Chasseurs de salut), en 1925, Sternberg a, sans modestie, pour ambition de dépasser les conventions des drames réalisés alors. Rien que ça. « Au lieu des intrigues à la Elinor Glyn qu’on voyait partout, j’imaginais un poème visuel. Au lieu d’un éclairage plat, des ombres. À la place de masques en papiers mâchés, des visages en relief, plastiques et aux yeux profonds. Au lieu d’extérieurs sans signification, un fond romantique qui se transformerait de luimême au premier plan. Au lieu de personnages édulcorés, de sobres silhouettes bougeant en rythme. […] Et dominant tout ça, il y avait une imposante machine : l’héroïne du film serait une drague. » Déjà donc, l’abstraction et le style comme programme. Le film n’est pas un succès et divise les spectateurs. Parmi les admirateurs, Max Reinhardt et Charles Chaplin. Sternberg reprend son travail de rafistoleur de tournages et de réalisateur venant au secours des films imparfaits signés par d’autres. Chaplin lui produit, en 1926, un film (The Sea Gull) qu’il décidera finalement de ne montrer à personne. Sternberg rencontre le succès commercial avec Underworld (Les Nuits de Chicago) en 1927, produit par la Paramount et écrit par Ben Hecht.


Le film sera suivi par The Last Command (Crépuscule de gloire) et par The Docks of New York (Les Damnés de l’océan). Si The Last Command témoigne déjà d’un regard sans complaisance sur le système hollywoodien (le héros, incarné par Emil Jannings, en est un général de l’armée tsariste devenu misérable figurant à Hollywood), les deux autres introduisent déjà la structure qui ne lâchera guère son œuvre (deux hommes en rivalité pour séduire une femme). La manière de Sternberg pour remplir à ras bord les plans d’un mouvement, par ailleurs souvent frénétique, annoncera la suite. George Bancroft y incarne déjà une figure de la virilité à la fois bestiale et dérisoire. Der Blaue Engel (L’Ange bleu) tourné en 1930 en Allemagne pour Erich Pommer. Si ce classique instantané du cinéma semble comme le brouillon des chefs-d’œuvre à venir, c’est d’abord parce qu’y débute celle qui sera la muse et le médium du cinéaste, Marlene Dietrich. C’est aussi parce que, dans les coulisses et l’étroite et encombrée loge d’artiste de cabaret où se situe l’essentiel de l’action, s’y condense un maelstrom de désir et d’humiliations, terrain de jeu et laboratoire privilégié de l’artiste. Morocco (Cœurs brulés), Blonde Venus, The Scarlet Empress (L’Impératrice rouge), The Devil is a Woman (La Femme et le Pantin) se distinguent par cette inimitable manière qu’a le cinéaste de bourrer son cadre d’un bric-à-brac où le dérisoire cacherait la violence et la nudité du désir. Marlene Dietrich n’y est pas uniquement la femme fatale soumettant à un rituel masochiste l’essentiel de ses prétendants. Elle peut aussi brûler d’amour (Morocco, Dishonored / Agent X 27) jusqu’à remettre en cause sa propre vie, tout entière dévorée par sa passion. Fondus enchaînés et surimpressions de plus en plus démentes transmuent l’image en une matière en mouvement permanent, au service d’un carnaval de la pulsion brute. Passé les cinq années glorieuses (1930-1935), Sternberg va reprendre un parcours erratique et souterrain, parsemé miraculeusement d’explosions géniales. Shanghai Gesture, en 1940, reprend l’exotisme maladif et subtilement artificiel de son œuvre pour démultiplier les figures « dietrichiennes » et affirmer peut-être son subtil dégoût d’un monde occidental rongé par l’inassouvissement de ses propres pulsions. Être « docteur en rien », comme le personnage d’Omar incarné par Victor Mature, s’y affirme comme le seul mode d’existence possible. Dans l’imparfait mais excitant Macao (Le Paradis des mauvais garçons), en 1951, il met en scène, encore, une version trivialisée de Marlene Dietrich. Dans Jet Pilot (Les Espions s’amusent), en 1957, où les personnages incarnés par le couple John Wayne-Janet Leigh semblent


perpétuellement faire l’amour par avions interposés, érotisme de la machine déjà perceptible dans Shanghai Express, l’érotomanie obsessionnelle d’un Howard Hugues se fond miraculeusement avec la sensualité du cinéaste lui-même. Tout devait aboutir à ce projet à la fois fou et logique (tout in fine se réduit à cet élan qu’a cherché à atteindre le cinéaste dans son œuvre) intitulé Anatahan (Fièvre sur Anatahan) en 1954. Une femme seule y est le réceptacle et l’unique objet de l’appétit d’un grand nombre d’hommes, figures masculines confrontées à leur propre et malheureuse ardeur vitale. JEAN-FRANÇOIS RAUGER

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AFFICHE FRANÇAISE DE SHANGHAI GESTURE Signée Georges Dastor, cette affiche accompagne la sortie de Shanghaï (The Shanghai Gesture) sur les écrans français début décembre 1947, six ans après sa sortie américaine en 1941. Josef von Sternberg retrouve l’univers nocturne et oriental de la mégapole chinoise, après Shanghai Express en 1932, auquel renvoient le décor de la salle de jeu et les costumes présentés sur l’affiche. Combinant photomontage et peinture, réalisés d’après des clichés

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promotionnels en noir et blanc, le visuel est en partie colorisé en rouge. Une monochromie qui contraste avec les affiches souvent hautes en couleurs produites pour les films noirs. Le découpage évoque des volutes opiacées dans une composition en forme de puzzle qui traduit bien les rapports complexes et obscurs des personnages. La promotion française ne lésine pas sur l’image de Gene Tierney, que les spectateurs français ont découverte en 1946 et vue depuis dans près d’une dizaine de films. Ici dans le rôle de Poppy, elle apparaît aux côtés de Walter Huston, de Phyllis Brooks (non citée) et de Victor Mature, dont le profil imposant domine également l’affiche. Il interprète Omar « docteur en rien » qui entraîne l’héroïne dans la spirale du jeu et des drogues. De Ona Munson en ‘Mother’ Gin Sling, « la reine des bas-fonds chinois », on ne montre qu’une minuscule silhouette sur la photo du casino, contrairement aux affiches américaines qui ne manquent pas de mettre en avant la tenancière du tripot, au look asiatique aussi extravagant que son personnage est capital. Tombant en cascade, la longue robe signée Oleg Cassini, beaucoup plus modeste dans le film, figure la descente aux enfers de Poppy dans ce lieu de perdition en forme d’arène, cadré en plongée. Cet attribut féminin représenté dans un style


souvent irréaliste, symbole d’une puissance destructrice, est un motif récurrent de l’iconographie des affiches de films noirs. Cette affichette a été imprimée en offset, technique alors encore confidentielle en France, et comporte au verso des mentions écrites destinées aux exploitants de salles. Peintre et affichiste, Georges Dastor a également conçu deux affiches pour Péché mortel (Leave Her to Heaven, John M. Stahl, 1945) – autre film noir sorti quelque 6 mois plus tôt avec la même Gene Tierney – dont la Cinémathèque conserve un exemplaire parmi la vingtaine d’œuvres de l’auteur présentes dans ses collections.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset Auteur : Georges Dastor Année : 1947 Pays : France Format : 62 x 48 cm Crédits : © DR /Georges Dastor


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AFFICHE PANTALON DE « 3 HEURES 10 POUR YUMA » Cette affiche de format dit « pantalon » est le pendant de l’affiche originale conçue pour la sortie du film aux États-Unis durant l’été 1957. Le premier visuel montrant les deux acteurs principaux, Van Heflin et Glenn Ford, a été remplacé par un autre plan du film et l’accroche principale qui résumait l’intrigue a disparu. Toute l’ambiguïté de l’image – fuient-ils ensemble ou bien Van Heflin poursuit-t-il Glenn Ford ? – résume la situation. Le fermier, chargé de surveiller et de transférer un homme condamné à la potence,

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est contraint de s’allier avec lui pour fuir une attaque extérieure. En arrière plan, un sobre dessin de sa ferme et de son bétail plantent le décor : 3:10 to Yuma est un western de Delmer Daves, son cinquième. Les éléments du bas de l’affiche sont identiques : même phrase pour introduire le titre, même typographie et même disposition pour le générique inséré dans le dessin du train.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset - couleur Année : 1957 Pays : États-Unis Format : 198x104 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE ORIGINALE DE « 3 HEURES 10 POUR YUMA » En 1957, Delmer Daves adapte Three-Ten to Yuma d’Elmore Leonard, nouvelle parue en mars 1953 dans la revue spécialisée The Dime Western Magazine. C’est le cinquième du genre pour le réalisateur, mais cette fois, Delmer Daves s’essaie plus précisément au western noir et livre une fable mélancolique de facture très classique. Avec un scénario préalablement écrit pour la maison de production de Robert Aldrich, The Associates and Aldrich Co., et ensuite acheté

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par la Columbia, 3:10 to Yuma s’inscrit d’emblée dans la lignée des grands westerns classiques, se concluant par une fin émouvante et humaniste. Van Heflin y incarne un fermier pacifique, face à un Glenn Ford dont le personnage de bandit est plus tortueux et complexe. L’affiche originale, de format relativement petit, proche du classique one sheet couramment utilisé à cette époque, représente les deux protagonistes encadrés dans une photo en noir et blanc. Le fermier surveille le malfrat menotté qu’il a en charge d’accompagner, fusil aux mains, mais tous deux regardent dans la même direction, gage de l’amitié qui va naître entre les deux hommes. Une première accroche évoque les cinq minutes précédant l’arrivée du train, lorsque bascule l’histoire, et résume l’intrigue. Une seconde introduit le titre, seule note colorée de l’affiche. L’ensemble surmonte un dessin du fameux train sur lequel se détachent les noms des deux acteurs principaux ainsi que de leur partenaire féminine. À cette affiche correspond une version dite « pantalon », dont le visuel n’est pas le même mais dont les titres et génériques sont semblables.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset - couleur Année : 1957 Pays : États-Unis Format : 112x76 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE ORIGINALE DE « NIGHTFALL » Vous pourrez aller au cinéma chaque jour pendant cinq ans avant de pouvoir voir un autre film avec autant de frissons et de suspense ! C’est ce que promet aux spectateurs l’accroche très longue de cette affiche, réalisation au format one sheet caractéristique des affiches américaines vantant les Films Noirs dans les années 50. En 1949 sort le roman Nightfall de David Goodis. Jacques Tourneur l’adapte quelques années plus tard, revenant, après une parenthèse consacrée au western, à ses premières amours : il a déjà réalisé le chef d’œuvre du genre, Out of the Past (La Griffe du passé),

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en 1947. Tourné en format large, Nightfall, qui connaîtra une sortie quasi confidentielle et un succès relatif, porte malgré tout l’empreinte de ses précurseurs et surtout celle de son réalisateur. Tourneur préfère la suggestion à la violence et à l’action, et son film est imprégné d’un sentiment de menace permanent. Très colorée, même si le film est en noir et blanc, l’affiche originale offre une structure géométrique qui la découpe en différents morceaux. À gauche, les visages des trois acteurs principaux, redessinés d’après des photographies du film, avec, pour définir chaque personnage, une phrase choc et les mots killer/cop/robbery qui à eux seuls condensent toute l’intrigue. À droite, une silhouette en fuite donnera d’ailleurs au film son titre français, Poursuites dans la nuit. Une phrase d’accroche supplémentaire sert enfin d’introduction au titre original, typographié ici en lettres noires et rouge sang, entre des guillemets fréquemment employés sur les affiches de l’époque.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset - couleur Année : 1956 Pays : États-Unis Format : 104x70 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE FRANÇAISE DES « TROIS JOURS DU CONDOR » En 1974, Sydney Pollack adapte le roman de James Grady, Les Six jours du Condor, paru la même année. Avec ses scénaristes David Rayfield et Lorenzo Semple, il condense considérablement l’histoire pour en renforcer la tension : les six jours sont ainsi réduits à trois, et le scénario adopte une dimension résolument plus politique, dans la lignée des films d’époque qui sortent après le scandale du Watergate.

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Le résultat est un film d’espionnage à l’atmosphère paranoïaque, qui fustige le fonctionnement interne de la CIA, mais qui propose aussi, via une cynique remise en cause de l’Organisation et de ses manœuvres politiques, une critique acerbe de tout un pan de la société américaine. L’affiche française est assez différente de l’originale, beaucoup plus sobre, sans phrase d’accroche ni mention de la Paramount, qui produit le film. De format standard, destinée aux frontons des cinémas, elle n’est pas signée et offre une facture assez classique, comme nombre de transpositions d’affiches américaines des années 70. Le personnage principal, interprété par la star Robert Redford, occupe le centre de l’image. Son visage se détache en couleurs sur un fond noir et blanc, et la photo correspond à une scène dont le visuel deviendra plus tard emblématique du film (l’acteur, col relevé et lunettes de soleil opaques), scène dans laquelle Redford/Turner parvient enfin à croiser et interroger son supérieur. Ce visage à moitié dissimulé surmonte quatre vignettes, en noir et blanc, qui représentent chacune une scène clef du film, comme en écho aux photographies que prend et expose chez elle le personnage de Faye Dunaway, fragile rencontre de Robert Redford au milieu de sa fuite éperdue. L’ensemble de l’image est comme oblitéré par l’énorme tampon de la CIA, faisant du cas du


Condor – nom de code de Turner – un dossier de plus à traiter…d’ailleurs au film son titre français, Poursuites dans la nuit. Une phrase d’accroche supplémentaire sert enfin d’introduction au titre original, typographié ici en lettres noires et rouge sang, entre des guillemets fréquemment employés sur les affiches de l’époque.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset - couleur Année : 1975 Pays : France Format : 160x120 cm Crédits : Droits réservés


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AFFICHE POLONAISE DE « MADAME DE... » Il suffit à Hanna Bodnar de dessiner un bras et un visage pour évoquer le personnage de Madame de, à la fois charmante, délicate, frivole et superficielle. Bras ganté de noir, bague précieuse au doigt, la pause est guindée. Le visage de profil et la chevelure relevée laissent apparaître une boucle d’oreille, celle de la fameuse paire de diamants en forme de cœur, objet et leitmotiv sentimental au centre du drame. Max Ophuls et Danielle Darrieux, pour leur troisième collaboration, ont

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réussi à faire de cette Madame de - adorable mondaine à la vie futile, touchée par des sentiments profonds et douloureux - un personnage inoubliable. À propos de son jeu, le réalisateur dira un jour à sa comédienne complice : « Danielle, vous avez tellement le sens du comique que vous devriez toujours jouer des rôles dramatiques ! »

Type d’objet : Affiche de film Support : Lithographie - Coul. Auteur : Hanna Bodnar Année : 1959 Pays : Pologne Format : 94 x 68 cm Crédits : Hanna Bodnar © Hanna Bodnar



AFFICHE FRANÇAISE DE « LA FERME DE LA TERREUR » Wes Craven tourne La Ferme de la terreur (Deadly Blessing) entre le Texas et l’Ohio au début de l’année 1981. Peu convaincu par le scénario initial, qu’il n’a pas signé seul, mécontent du découpage et du montage final sur lesquels il n’a pas la main, Craven boudera plus tard la paternité du film. Pourtant, Deadly Blessing contient déjà le terreau de son cinéma. Outre la critique sociale qu’il affectionne,

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portant ici sur une communauté ressemblant de très près aux Amish, quelques séquences préfigurent déjà Les Griffes de la nuit : le serpent dans la baignoire, ou encore les rêves des héroïnes. Pour l’affiche française, Michel Landi, illustrateur prolifique dans les années 70/80, a choisi la scène emblématique du

Type d’objet : Affiche de film Support : Lithographie - Coul. Auteur : Hanna Bodnar Année : 1959 Pays : Pologne Format : 94 x 68 cm Crédits : Hanna Bodnar © Hanna Bodnar

cauchemar de la jeune Lana, interprétée par Sharon Stone dans son premier vrai rôle. Dans le film, le plan montre des mains hostiles enserrant le visage de l’actrice tandis qu’elle attend qu’une araignée tombe dans sa bouche grande ouverte, et l’affichiste a utilisé ce visuel fort, associé à des touches de rouge sanglant, afin de mieux suggérer l’atmosphère de terreur. Pour l’occasion, Sharon Stone est à demi dénudée - même si elle porte une chemise de nuit dans le film. Encore inconnue, l’actrice figure malgré tout sur la plupart des affiches du film, alors que Deadly Blessing compte pourtant une star comme Ernest Borgnine dans sa distribution. Aux États-Unis, Deadly Blessing rencontre un succès mitigé lors



AFFICHE DE « PARADIS PERDU » Lorsque Paradis perdu sort sur les écrans français en décembre 1940, Paris et le nord de la France sont occupés par les Allemands. Le film qui a été tourné juste avant la déclaration de guerre en 1939, prend pour sujet une autre guerre, celle de 14-18, et c’est avec un certain trouble inattendu que le public – constitué surtout de femmes, mais aussi de soldats et de permissionnaires – découvre cette œuvre d’Abel Gance. Le jeune François Truffaut se souvient de son premier choc cinématographique : « Les salles étaient pleines. Pleines de gens qui pleuraient, c’était un spectacle extraordinaire. Je n’ai jamais retrouvé au cinéma une telle émotion collective. »

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À l’instar de nombreux films populaires français des années 30 et 40, le film alterne les scènes de larmes et de bonheurs fugaces. En cette période trouble et tourmentée, c’est justement une scène plus enjouée qu’on a choisi de représenter sur l’affiche, à contre-courant de l’état d’esprit du mélodrame. Fleurs, champagne, danseuse en habit de corsaire, décor de goélette, gouvernail servant de cadre photo aux acteurs... Avec ses couleurs de cocarde tricolore, l’ensemble évoque surtout une fête nationale. C’est en réalité l’intérieur du cabaret que dirige Sonia Vorochine, princesse russe, jouée par Elvire Popesco, avec qui Pierre (Fernand Gravey) a refait sa vie. Le dessin les représente attablés, accompagnés de Jeannette, la fille finalement retrouvée de Pierre, interprétée par une toute jeune actrice de 18 ans, Micheline Presle. Elle est à peine connue – elle vient de tourner son premier succès Jeunes filles en détresse de G.W. Pabst – et son nom ne figure pas aux côtés des deux acteurs phares. Mais grâce à Paradis perdu et son double rôle de la femme de Pierre et de leur fille, elle devient une vedette dont le nom apparaîtra désormais en haut de l’affiche.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset - Coul. Pays : France Format : 169 x 226 cm Crédits : DR



AFFICHE DU « CIEL EST À VOUS » Cette affiche française du Ciel est à vous de Jean Grémillon est signée C. Belin pour Constantin Belinsky, affichiste prolifique, adepte des couleurs vives de la lithographie. Passionné de sculpture, il trouve son style en dessinant des visages comme taillés à la serpe. Ceux de Madeleine Renaud et Charles Vanel, façonnés par un faisceau de lumière, font de cette affiche l’une des plus emblématiques de leur auteur. Le film de Grémillon sort le 2 février 1944, sous l’Occupation. Belinsky réalise l’affiche à ce moment-là, comme en atteste le

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cachet de l’ORAFF au bas de l’affiche. L’Office de Répartition de l’Affichage a été créé par les autorités allemandes deux ans plus tôt dans le but de mettre en œuvre une politique rationnelle de l’affichage. Assurée par les afficheurs qui doivent déposer les demandes de visas auprès de la Propagandastaffel, c’est évidemment pour les Allemands un moyen de contrôle et de censure. A l’image de son affiche, le film a été perçu par le gouvernement de Vichy comme une glorification des valeurs pétainistes, alors que Grémillon, dans un message d’espoir adressé à la province, lance un appel à la Résistance.

Type d’objet : Affiche de film Support : Lithographie - Coul. Auteur : Constantin Belinsky Année : Ca. 1943 Pays : France Format : 162 x 120 cm Crédits : Constantin Belinsky © ADAGP, 2016



30 ANS DE RIVAGES/ NOIR Lorsqu’elle voit le jour en 1986, la collection Rivages/Noir a pour objectif essentiel de publier les inédits des grands auteurs du roman noir (Jim Thompson, David Goodis, Jonathan Latimer, Charles Williams, William Irish, W. R. Burnett, Donald Westlake) et de faire découvrir des voix, nouvelles pour le lecteur français, mais déjà bien connues aux États-Unis (Tony Hillerman, James Ellroy). Très vite, en 1988, grâce au succès de la « trilogie Lloyd Hopkins » de James Ellroy, la collection va pouvoir accélérer son rythme de production et s’ouvrir au noir

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mondial, en développant la politique de départ : Toujours les inédits des grands du genre, mais aussi l’exhumation d’écrivains qui, étrangement, étaient restés inconnus du public français (Charles Willeford, Ted Lewis, Ronald-Hughes Morrieson), accompagnée de la réédition de quelques classiques un peu oubliés (Geoffrey Holmes, Dorothy B. Hugues, James Cain, Elliot Chaze, Eric Ambler, Giorgio Scerbanenco). Toujours la découverte de nouvelles voix, que ce soit aux États-Unis (James Lee Burke, Edward Bunker, Dennis Lehane, Jim Nisbet, Barry Gifford, James Sallis) avec, en corollaire, la reprise d’auteurs un peu négligés par leurs précédents éditeurs (Donald Westlake, Elmore Leonard), en Grande-Bretagne (Robin Cook, John Harvey, Bill James, David Peace), en Italie (Gianrico Carofiglio, Davide Ferrario), au Mexique (Paco Ignacio Taibo), à Cuba (Daniel Chavarría), en Écosse (William McIlvanney), au Japon (Kyotaro Nishimura), dans les pays nordiques (Maj Sjöwall et Per Wahlöö, Leif GW Persson, Michael Larsen), en Hollande (Janwillem van de Wetering), en Australie (Peter Corris, Peter Temple), au Canada (Emily St. John Mandel) et, bien sûr, en France (Hugues Pagan, Tobie Nathan, Jean-Hugues Oppel, Marc Villard, Hervé Le Corre, Abdel Hafed Benotman).


J’arrête ici l’énumération. Contrairement aux apparences, ceci n’est pas un catalogue. Car tous les noms d’auteurs cités ci-dessus ont un rapport avec le cinéma. Leurs livres ont été adaptés à l’écran, ou sont en cours d’adaptation. Entre le « polar-noir » (c’est ainsi que Alain Corneau identifiait le genre) et le cinéma, ce fut, dès le début, une histoire passionnelle. Des passerelles n’ont cessé d’être établies entre les romans et les films, les romanciers devenant parfois scénaristes, et vice-versa. Il n’est donc pas surprenant que, sur les mille et quelques titres de Rivages/Noir, plus d’une centaine aient été transposés en images. Avec plus ou moins de bonheur, il est vrai. Mais la sélection présentée par la Cinémathèque me semble représentative de l’esprit de la collection. À commencer par l’éventail des catégories : de la noirceur profonde de Jim Thompson (Les Arnaqueurs) à l’humour toujours un peu délirant de Donald Westlake (Les Quatre malfrats), du « mélodrame historique » selon les propres termes d’Ellroy (L.A. Confidential) à l’univers kafkaïen des espions de James Grady (Les Trois jours du Condor), du romantisme désespéré de David Goodis (Nightfall) au sens tragique du destin de Geoffrey Homes (Pendez-moi haut et court), de l’allégorie politique et psychanalytique de Dennis Lehane (Shutter Island) à la vision nostalgique du privé de Neville Smith (Gumshoe), de la radiographie impitoyable du Yorkshire de David Peace (1974, 1980, 1983) au soleil trompeur de Californie d’Elmore Leonard (Jackie Brown), du constat accablant des méthodes policières de Sjöwall et Wahlöö (Un flic sur le toit) à la trahison des sentiments d’Andrew Coburn (Toutes peines confondues)… Cette variété de « tonalités » – du récit criminel au western intimiste, de l’univers le plus sombre et le plus désespéré à un monde plus proche de la comédie, du style baroque, voire sophistiqué, au style réaliste, voire minimaliste – ajoutée à la diversité des décors (des bayous de Louisiane aux déserts de l’Arizona, du soleil de Floride aux landes glaciales d’Angleterre) illustrent bien la vivacité d’un genre qui, en littérature et en cinéma, ne cesse de se renouveler. Sans doute pour la raison évoquée par Alain Corneau : « Face aux clartés, affirmations, définitions positives, happy ends et autres catégories identificatrices rassurantes, le polar est là qui veille, attaquant de plein fouet ou corrompant dans l’obscurité. Éclatement d’identités, dédoublements, pertes de soi-même, retournements brutaux, “dangerous ground” (Nicholas Ray), vertiges sournois ou violents, il y a de quoi rendre tous


les autres films malades, même quand ceux-ci tentent de préserver leur belle santé par des habitudes bien “bourgeoises” bien réglées… De tous ces films, qu’est-ce qui va rester ou pas ? Je ne lis pas dans les marcs de café, moi… Je ne sais qu’une chose, c’est que le “polarnoir” est vivant, et que je le rencontre tous les jours au ciné. » Lors de l’hommage « littéraire » aux trente ans de la collection, beaucoup de journalistes ont écrit que la liste des auteurs était prestigieuse. On peut en dire autant de la liste des réalisateurs sélectionnés pour cet hommage « cinématographique », puisqu’on y trouve les noms de Stephen Frears, Bo Widerberg, Nicolas Winding Refn, James Marsh, Mike Hodges, Steven Soderberg, Quentin Tarantino, John Frankenheimer, Delmer Daves, Martin Scorsese, Ben Affleck, Clint Eastwood, Michel Deville, Bertrand Tavernier, Jacques Tourneur, Sidney Pollack, David Lynch, Daniele Vicari, Deborah Granik, Errol Morris, Curtis Hanson, Peter Yates, James B. Harris, Burt Reynolds, Taylor Hackford…

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FRANÇOIS GUÉRIF



AFFICHE FRANÇAISE DE « DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE » Réalisé par Roy Ward Baker en 1971, Dr. Jekyll and Sister Hyde revisite le mythique personnage du roman de Robert Louis Stevenson, de nombreuses fois adapté au cinéma. Cette production Hammer – firme britannique spécialisée dans le film d’horreur qui a connu son âge d’or dans les années soixante – en propose une variation originale et transgressive. Le célèbre docteur expérimente l’injection

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d’hormones féminines prélevées sur des cadavres et se métamorphose en une sublime et démoniaque jeune femme qui se fait passer pour sa propre sœur veuve, Mrs. Hyde. Dans ce double rôle transgenre, Ralph Bates – acteur fétiche de la Hammer – et son pendant féminin au visage tout aussi anguleux, la sculpturale Martine Beswick. L’affiche qui accompagne la sortie du film sur les écrans français en juin 1975 les présente en miroir, séparés par le titre couleur sang. Une scène complémentaire montrant une silhouette, également coiffée d’un haut de forme, au pied de Big Ben situe le récit dans le Londres de l’ère victorienne. Le tout est composé dans une palette chromatique


qui renvoie aux teintes dominantes du film alors interdit aux moins de 13 ans en France. Conçue à une époque charnière dans l’histoire de l’affiche française, elle est imprimée en offset mais créée à partir d’une maquette encore peinte comme au temps des lithographies. Son grand format demeure un des plus recherchés par les collectionneurs. La signature de Constantin Belinsky, bien visible sur l’affiche atteste de la notoriété de cet auteur prolifique qui adhère au syndicat des affichistes dès sa création en 1945. Peintre et sculpteur français d’origine ukrainienne, il réalise ses premières affiches de cinéma à partir de 1930 et travaille régulièrement pour des majors américaines, poursuivant son activité jusqu’au début des années quatre-vingt. Illustrant tous les genres, il s’est particulièrement spécialisé dans le cinéma fantastique au cours des années cinquante puis dans le film de karaté qui domine la fin de sa carrière. La Cinémathèque conserve plus de 200 affiches de Belinsky.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset Auteur : Constantin Belinsky Année : 1975 Pays : France Format : 160 x 120 cm Crédits : Constantin Belinsky © ADAGP, Paris 2016


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AFFICHE FRANÇAISE DE « GRIFFES JAUNES » Troisième film de John Huston, réalisé en 1942, Across the Pacific sort en France en juillet 1945 sous le titre, plus explicite que l’original, de Griffes jaunes. Produit par Warner, studio engagé de la première heure contre le nazisme, ce film de propagande sur l’ennemi japonais est adapté d’un feuilleton de Robert Carson publié dans le Saturday Evening Post en juin 1941. Tourné quelques mois après l’attaque de Pearl Harbor et l’entrée en guerre officielle des États-Unis, le film repose sur une intrigue, qui,

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située au départ à Hawaï, est déplacée à Panama. Le titre initial est malgré tout conservé et mentionné sur l’affiche française. Across the Pacific rassemble une nouvelle fois les acteurs du Faucon maltais, premier film de Huston : Humphrey Bogart, Mary Astor, Sydney Greenstreet et Peter Lorre qui y fait une fugace apparition. Aucun acteur de ce succès n’est pourtant représenté sur l’affiche d’époque de Griffes jaunes, à la différence de l’américaine où le couple est à l’honneur. Le Faucon ne sortira en effet sur les écrans français qu’un an après Griffes jaunes… D’où sans doute cette affiche française à la forme atypique, privilégiant la lettre avec des accroches qui garantissent de l’action et organisée autour du titre féroce qui envahit tout le visuel, s’étendant même au-delà pour le rendre plus imposant. Cette lithographie 3 couleurs à dominante jaune, nouvelle référence appuyée au titre français, a été imprimée en 160 x 120 cm, format déjà le plus courant en France. Elle fait explicitement la promotion de la version originale sous-titrée, un élément rarement précisé sur ce type de document.

Type d’objet : Affiche de film Support : Lithographie Année : 1945 Pays : France Format : 160 x 120 cm Crédits : Droits réservés


Enrôlé comme commandant documentariste dans l’armée américaine, John Huston devra abandonner le film avant la fin du tournage, laissant la main à Vincent Sherman, réalisateur non crédité qui vient d’achever Échec à la Gestapo (All Through the Night) avec le même Bogart. « Comme je savais que j’allais être mobilisé, je m’arrangeai pour quitter le film en laissant Bogart dans une situation inextricable, cerné par des centaines d’ennemis, menacé par des mitraillettes… Et Vince Sherman s’est cassé la tête pour sortir Bogart du pétrin. C’était absolument impossible… Tous les critiques ont dit que la fin était nettement moins bonne que le reste du film. Je n’ai pas osé revenir avant quatre ans ! »


AFFICHE FRANÇAISE POUR « LE NARCISSE NOIR » Cette affiche française du Narcisse Noir de Powell & Pressburger, datant de 1947, n’est pas signée. Très dense, elle est composée pour moitié, comme il est d’usage à partir des années 1945-1950, d’un habile montage de photographies promotionnelles et d’extraits de films, restituant l’intrigue en plusieurs touches désordonnées. L’autre partie de la composition est dessinée, plus aérée, faisant la part belle au personnage central et à une des scènes emblématiques du film, sa véritable acmé.

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L’emploi de la bichromie pour le dessin, associé au noir et blanc des photos, est pour le moins frappant pour vanter un film en Technicolor – procédé discrètement mentionné en bas. L’affiche se concentre ainsi uniquement sur l’histoire, et ne rend pas hommage à la flamboyance des couleurs du chef opérateur, Jack Cardiff (oscarisé pour le film), ni à la sensualité qui émaille l’atmosphère dramatique du film. Si le personnage clef du scénario est incarné par Deborah Kerr, elle n’est pas encore la star qui atteindra le succès dans les années cinquante. Mais son nom apparaît déjà en tête de générique. Jean Simmons, dans l’un de ses premiers grands rôles, est la véritable révélation du film, mais c’est surtout Kathleen Byron, alias Soeur Ruth, et dont le nom est simplement inscrit en bas de l’affiche, qui occupe la majeure partie de l’espace. C’est en effet son personnage qui fera basculer l’intrigue. Sabu, interprète du jeune dignitaire indien, est également très présent, de même que


David Farrar, incarnation des tentations masculines. Tout en bas sont mentionnées les productions Archers, fondées par les deux réalisateurs britanniques, et dont le nom est francisé pour l’occasion. La construction de l’illustration souligne la confrontation de deux mondes, et leur perméabilité illusoire : une Inde exotique face à une Angleterre plus austère, anglicane et colonialiste. Le dessinateur a bien restitué l’importance et le poids du décor : l’Himalaya écrasant domine le monastère implanté au bord d’un précipice, double allégorie des tourments des religieuses. Sorti à point nommé en 1947, à l’heure où l’Inde recouvre son indépendance, Le Narcisse noir, outre sa réflexion sur le doute, la mémoire, la solitude, la frustration et le désir, constitue aussi un portrait en creux de la décolonisation britannique.

Type d’objet : Affiche Support : Lithographie et Offset, couleur - noir et blanc Année : 1947 Pays : France Format : 83x63 cm Crédits : Droits réservés


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FRONTIÈRES Raúl Ruiz Pino possédait l’attachante malice du peuple chilien, ce qui lui a permis de faire un cinéma plein d’ironie et de sarcasme. Originaire de Puerto Montt – terre de pluie, de sorciers, de mythes et de légendes – il était un « vrai Chilien » avec tout l’imaginaire et l’histoire que cela implique. Ruiz a donc développé un style unique, brisant les frontières entre fiction et documentaire, ce qui l’a amené à être consacré comme un cinéaste novateur et surprenant. La suite est l’histoire d’œuvres qui resteront inscrites dans l’histoire du cinéma. Raúl Ruiz a dédié sa vie à la création et à réfléchir sur le septième art, d’où l’importante reconnaissance dont il bénéficie dans le monde. L’estime et l’appréciation de son travail sont mises à jour et renouvelées aujourd’hui en France, comme en témoigne cette rétrospective organisée par la Cinémathèque française.

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Issu des mouvements du Nouveau Cinéma chilien et latinoaméricain des années 60, il était un cinéaste qui a dépeint le moment historique de l’Unité Populaire. Après le coup d’État de 1973, il a subi l’exil, comme beaucoup d’autres de sa génération. La France l’a accueilli et lui a permis de mener à bien son œuvre cinématographique si singulière. Sa première période chilienne a pris fin avec le plus chilien de ses films français, Dialogue d’exilés, et le « mécène » qui a permis à Ruiz de déployer son talent créatif fut l’Institut national de l’audiovisuel (INA) de France. Raúl Ruiz a reçu le Prix National d’art en 1997. Il s’agit de la première fois dans l’histoire chilienne que cette reconnaissance


a été remise à un artiste du domaine audiovisuel. Pour la plus grande joie du Chili, Ruiz consacra ses dernières années à la réalisation de films sur notre pays. Ces images représentent aujourd’hui une sorte de miroir où se reflète notre peuple, miroir qui lui permet de voir et rechercher son identité culturelle. Comme le disait Raúl, « chaque film implique toujours un autre film secret… ». Au début de La Recta provincia, le chanteur entonne son quatrain divin en disant : « Un jour, Dieu était là / Sans savoir quoi faire / Il s’est mis debout sur ses mains / Et Il a créé le monde à l’envers ». C’est peut-être la meilleure description des réalisations de Raúl Ruiz, citoyen français et du monde et fierté du Chili. ERNESTO OTTONE RAMÍREZ MINISTRE DE LA CULTURE DU CHILI


AFFICHE ITALIENNE DE « TOCSIN » Typique de l’époque, cette affiche originale de Campane a martello (Tocsin, Luigi Zampa, 1948) a été conçue à partir de photographies promotionnelles. Cette production Lux Film, une des plus importantes compagnies italiennes fondée en 1934, sort dans les salles du pays en septembre 1949. Trois personnages principaux sont présentés en gros plan et en couleurs flamboyantes. Gina Lollobrogida, dont ce n’est que le deuxième rôle principal au cinéma, apparaît au premier plan. Le même visuel de la jeune débutante est décliné sur plusieurs affiches – italienne, belge, argentine ou espagnole – avec une mise en couleurs aléatoire de sa robe… Au second plan, mais dans une

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taille plus importante, se découpent les visages d’Yvonne Sanson (qui passe au centre de l’affiche dans une variante italienne) et d’Eduardo De Filippo (mis en avant lui aussi sur une autre affiche italienne). Le décor est également posé à l’arrière plan. Très riche, l’affiche expose encore deux images du film qui renvoient à sa photographie en noir et blanc : une scène d’amour sur la plage et un groupe d’enfants (figure très présente dans le cinéma italien d’aprèsguerre, notamment chez Roberto Rossellini et Vittorio De Sica). Imprimée en offset, procédé introduit en Italie en 1940 mais véritablement employé après-guerre, cette affiche est encore peinte à la main dans le style des lithographies, le photomontage ne se développant qu’à la fin des années 50. Son format « quattro foglio » (140 X 200 cm) en deux panneaux en fait une affiche rare ; un tirage type pour cette dimension ne dépassant alors pas les 2 000 exemplaires. C’est le plus grand, parmi les trois principaux formats alors en vigueur sur le territoire italien.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset, couleurs Année : 1949 Pays : Italie Format : 140 X 200 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE POLONAISE DE « LA FUREUR DE VIVRE » Datée de 1970, cette affiche polonaise titrée Buntownik bez powodu reprend littéralement le titre original du film de Nicholas Ray, Rebel Without A Cause. Réalisé en 1955, à l’heure où les films sur la jeunesse américaine et la délinquance juvénile se multiplient, La Fureur de vivre sort aux États-Unis à peine un mois après la mort prématurée de James Dean dans un accident de voiture.

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L’auteur Ryszard Kiwerski signe un photomontage surréaliste, aussi caractéristique de ses nombreuses affiches de films qu’éloigné de l’imagerie de la promotion des années cinquante. Scènes de bagarre, souvent à l’arme blanche, et duels sous forme de courses de voitures sont alors autant de motifs iconographiques récurrents employés pour identifier ce genre florissant. Quinze ans plus tard, en Pologne, pas de duel au couteau, ni de James Dean dans son éternel blouson rouge comme sur les affiches originales de La Fureur de vivre, mais une mise en avant percutante d’une scène de course qui tourne mal. L’affiche s’organise autour d’un visuel unique, avec deux illustrations de voiture en miroir, à la manière des figures de cartes à jouer. Déformées par une impressionnante contre plongée, les deux voitures se font face dans un noir et blanc teinté, en complet décalage avec les couleurs flamboyantes du film, tête à queue inquiétant qui dynamise cette composition graphique sombre comme le film. Au centre, imbriqué entre la carrosserie et les pneus, le visage tronqué et à peine reconnaissable de James Dean fait écho à son destin tragique.

Type d’objet : Affiche Support : Offset – Coul. Auteur : Ryszard Kiwerski Année : 1970 Pays : Pologne Format : 93 x 67 cm Crédits : © Ryszard Kiwerski



AFFICHE CUBAINE DE « L’AMI AMÉRICAIN » Imprimée en sérigraphie, cette affiche cubaine de L’Ami américain est signée Eduardo Muñoz Bachs, affichiste aussi prolifique que renommé. Narrative et néanmoins énigmatique, elle livre les principaux éléments de l’intrigue du film de Wim Wenders, sans représenter aucun acteur ni mentionner l’adaptation de Ripley s’amuse, roman policier de Patricia Highsmith transposé en 1976. De ce thriller sans attache qui se partage entre Hambourg, New

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York et Paris, Bachs retient au centre de sa composition un cadre entourant une toile blanche dégoulinante de sang et renvoyant au personnage de Jonathan Zimmermann (Bruno Ganz). Se pensant condamné par une leucémie et pour mettre sa famille à l’abri financièrement, l’encadreur allemand accepte de devenir tueur à gage après avoir rencontré Tom Ripley (Dennis Hopper), américain trafiquant de tableaux en lien avec le « milieu » français. Pour illustrer l’emprise de l’ami américain sur le destin du héros hambourgeois, l’affichiste convoque avec ironie l’imagerie du western, figurée par un chapeau de cowboy placé en haut du chevalet comme sur un piquet de ranch. Le même jaune lie graphiquement les deux éléments évoquant l’encadreur et l’américain au stetson. L’artiste cubain réalise un visuel très coloré pour ce film noir en couleurs. L’annonce d’un « film de la R.F.A en colores » précède même le générique succinct duquel Lisa Kreuzer et Gérard Blain ne font pas partie. Pas plus que n’est indiquée la présence au casting des cinéastes hollywoodiens Nicholas Ray et Samuel Fuller – contrairement


à l’affiche originale, conçue par Hans-Peter Sickert et exploitée en Allemagne, en France et aux États-Unis. La typographie manuscrite, dont Bachs est coutumier pour honorer plus rapidement ses contrats, donne à son oeuvre une dimension naïve. Tout en aplats de couleurs vives, caractéristiques de l’auteur et de la technique de reproduction en vigueur à Cuba, l’affiche de El Amigo Americano est dominée par un fond monochrome bleu, en écho à celui de la peinture qui permet à Zimmermann de déceler la contrefaçon orchestrée par Ripley. L’ensemble évoque une des premières séquences du film où l’américain apparaît, chapeau rivé sur la tête, à côté d’un chevalet et devant une immense toile bleue qui occupe tout l’arrière plan. Si le rouge intervient régulièrement dans le film (les titres du générique, le satin rouge du grand lit de Ripley et les tentures des rideaux de sa chambre, la Volkswagen de Jonathan, les vêtements de sa femme et autres éléments de décors), la présence du sang se limite à une simple égratignure. Cette affiche du film, sorti en 1979 à Cuba, a été tirée à 1 000 exemplaires dans l’atelier de l’ICAIC (Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie Cinématographique) où Bachs a fait ses débuts comme dessinateur d’animation avant d’y exercer en tant qu’affichiste à partir de 1965 et durant quasiment toute sa carrière.

Type d’objet : Affiche de film Support : Sérigraphie – Couleur Auteur : Eduardo Muñoz Bachs Année : 1979 Pays : Cuba Format : 81 x 58 cm Crédits : Eduardo Muñoz Bachs


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AFFICHE AMÉRICAINE DES « FRÈRES RICO » Cette affiche américaine des Frères Rico est typique des affiches de Films Noirs conçues aux États-Unis dans les années cinquante. Découpée en blocs, sa composition très géométrique la différencie des affiches américaines des années quarante construites autour d’un montage de personnages détourés issus de photos du film. Une série de six photographies d’exploitation sous-titrées de commentaires choc expose les moments clés du scénario. Colorisées

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chacune dans une teinte monochrome, elles racontent le film à la manière d’un roman photo. Une ligne verticale, figurant la traque d’un homme pris dans un faisceau lumineux, vient scinder l’image en deux et perturber l’harmonie des lignes horizontales. L’univers brutal et criminel est posé. En France, les affiches du film se concentrent sur l’idée de fratrie, le personnage principal étant un ancien truand repenti dont les deux jeunes frères sont recherchés par la mafia. Au format dit « one sheet » – toujours en vigueur aux États-Unis – cette affiche très bavarde est destinée à être lue aux abords des cinémas. Une accroche démesurée, deux fois plus importante que le titre du film, garantit au spectateur potentiel « la chasse à l’homme du siècle ». Gage de qualité pour ce film de série B signé Phil Karlson, l’adaptation de Georges Simenon est mise en avant à trois reprises notamment avec une mention écrite (en haut de l’affiche) et un motif de livre (en bas), très fréquent sur les affiches américaines pour faire également la promotion du roman. À noter, un second rôle, James « Jimmy » Darren, fait l’objet d’un focus affectueux le mentionnant comme l’étoile montante du studio…

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Année : 1957 Pays : États-Unis Format : 104x68 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE CUBAINE DE « BAISERS VOLÉS » Affiche cubaine en sérigraphie, datant de 1970, signée par René Azcuy Cardenas, l’un des affichistes les plus emblématiques de son pays et de son art. Le graphisme et la technique de la sérigraphie sont poussés à l’extrême dans la sobriété, caractéristique du style de René Azcuy : dans les années soixante-dix, il produit beaucoup d’affiches en noir et blanc, auquel s’ajoute parfois une seule couleur. C’est le cas avec celle de Besos robados, qui n’emploie que le rouge, le blanc et le noir, pour évoquer avec ingéniosité le titre du film. L’œil est ainsi attiré

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immédiatement par le décalage de la couleur sur l’empreinte de la bouche. Outre la touche stylistique de René Azcuy, le peu de couleur est à rattacher au manque de moyens disponibles à Cuba à cette époque : le rouge a en effet été obtenu à partir de mercurochrome. L’affiche de Besos robados (Baisers volés) fut réimprimée à de multiples reprises pour le marché international.

Type d’objet : Affiche Support : Sérigraphie couleur Auteur : René Azcuy Année : 1970 Pays : Cuba Format : 76x51 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE FRANÇAISE DE « LA HORDE SAUVAGE » Affiche française de La Horde sauvage, signée par René Ferracci, l’un des affichistes du cinéma français les plus prolifiques des années cinquante à quatre-vingts. La trame est la même que celle de l’affiche originale, avec néanmoins un changement de ton : le fond est passé des nuances de bleu à un code couleur dans les rouges/jaunes/orangés pour mieux évoquer le désert et le sable. Ont également disparu les quatre photos évoquant des scènes violentes. Mais les silhouettes emblématiques des bandits sont bien là, avec leurs ombres menaçantes. Ils sont de

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dos, et on ne peut distinguer vers qui leurs armes sont pointées. La sobriété de l’affiche et son caractère impersonnel, sans réel visage, sans lieu précisément indiqué, soulignent le caractère universel du film : Sam Peckinpah utilise le western pour dénoncer un monde brutal dont les valeurs se délitent.

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Auteur : René Ferracci Pays : France Format : 80x60 cm Crédits : René Ferracci © ADAGP, 2015



AFFICHE POLONAISE DE « GUET-APENS » Affiche polonaise de Guet-apens, signée par Elzbieta Procka, artiste issue du mouvement couramment appelé “école polonaise” et dont la période phare s’étend de 1955 à 1985. Le style est fort, se caractérise par une grande liberté d’expression et un certain minimalisme que l’on retrouve ici. Le dessin occupe la totalité de l’affiche, les titre et générique sont relégués en bas à gauche pour mieux souligner la position de l’oeil central, provocateur. La cagoule évoque le hold-up, point

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de départ de l’intrigue, et l’épopée des fugitifs, prétexte à une peinture vitriolée de personnages cyniques et impitoyables.

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Auteur : Elzbieta Procka Pays : Pologne Format : 79x56 cm Crédits : Elzbieta Procka © Elzbieta Procka



AFFICHE POLONAISE D’« UN NOMMÉ CABLE HOGUE » Affiche polonaise datant de 1975, signée par Jerzy Flisak. Affichiste reconnu, lauréat de nombreux prix, il débute dans les années cinquante avec des dessins satiriques, avant de se diriger vers les affiches. Il travaille essentiellement dans les années soixante et soixante-dix. Ici, le héros, interprété par Jason Robards, est représenté avec la tête pleine d’eau s’écoulant d’un robinet en place de son nez. Ce dessin fait référence au cœur du film : le

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personnage de Cable Hogue, prospecteur malchanceux, est abandonné dans le désert, puis miraculeusement sauvé par un point d’eau, qui fera plus tard sa fortune.

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Auteur : Jerzy Flisak Année : 1975 Pays : Pologne Format : 84x58 cm Crédits : Jerzy Flisak © ADAGP, 2015



AFFICHE CUBAINE DU « DÉSERT ROUGE » Affiche cubaine en sérigraphie, datant de 1966, signée par Eduardo Muñoz Bachs, plutôt rare étant donné le nombre limité de tirages de l’époque. Bachs est un dessinateur cubain mondialement connu, à l’origine de l’ICAIC (Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie Cinématographique), réputé pour ses peintures, dessins, ou encore ses illustrations de livres pour enfants.

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Comme toujours avec les affiches cubaines de cette époque, la technique de la sérigraphie et les contraintes imposées par le régime apparaissent clairement : une gamme chromatique réduite, et seulement la moitié de la surface de l’affiche encrée. Bachs respecte les consignes, et y superpose son style, reconnaissable à son côté très direct. Fidèle à son habitude, il livre une interprétation très personnelle du film, avec le visage redessiné de Monica Vitti, sans véritable limite, de façon à symboliser un paysage désertique. Les couleurs chaudes s’articulent autour du rouge dominant, en écho au titre du film, et le résultat évoque une peinture dont on apercevrait les coups de pinceau. L’affiche du Désert rouge est l’une des œuvres les plus célèbres d’Eduardo Bachs, et, de son propre aveu, figure parmi ses préférées.

Type d’objet : Affiche Support : Sérigraphie couleur Auteur : Eduardo Muñoz Bachs Année : 1966 Pays : Cuba Format : 85x58 cm Crédits : Eduardo Bachs



AFFICHE CUBAINE DE « FANTÔMAS » Affiche cubaine en sérigraphie, datant de 1965, signée par Eduardo Muñoz Bachs, plutôt rare, étant donné le nombre limité de tirages de l’époque. Eduardo Bachs, l’un des créateurs de l’ICAIC (Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie Cinématographique), est un dessinateur mondialement connu pour ses peintures, dessins, ou encore ses illustrations de livres pour enfants. La technique de la sérigraphie employée ici témoigne des contraintes économiques de l’époque à Cuba, et des consignes imposées par le régime : seuls 50% de l’affiche doivent être encrés, et avec le

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moins de couleurs possible. Bachs a ainsi utilisé quatre couleurs en sus du noir et blanc, et livre comme à son habitude sa propre interprétation du film, même s’il colle ici fidèlement au synopsis. L’affiche résume en effet clairement l’intrigue : l’idée de coursepoursuite dans un Paris symbolisé par la Tour Eiffel stylisée, des armes qui induisent la notion de danger et surtout les trois têtes, telles l’Hydre de Lerne, qui font référence au personnage de Fantômas. Celui-ci, rôle-titre, occupe d’ailleurs la majeure partie de l’affiche alors que le journaliste-enquêteur Fandor est minuscule. Enfin, la typographie avec des yeux dans les lettres souligne ingénieusement le climat de mystère du film.

Type d’objet : Affiche Support : Sérigraphie couleur Auteur : Eduardo Bachs Année : 1965 Pays : Cuba Format : 76x51 cm Crédits : Eduardo Bachs



AFFICHE CUBAINE DE « CRÍA CUERVOS » Affiche cubaine en sérigraphie, datant de 1977, signée par Eduardo Muñoz Bachs. Grand nom indissociable de l’affiche cubaine, et même mondiale, admiré par ses pairs, Bachs est également connu pour son travail d’illustrateur de livres pour enfants, et pour être l’un des pères de l’ICAIC (Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie Cinématographique). Son travail se caractérise par un style sans détour, souvent teinté d’humour et de légèreté, et une image dont la sobriété permet une lecture simple et directe.

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Ici, le petit ballon coloré symbolise l’enfance, mangée par le corbeau porteur de mort. Bachs livre une interprétation littérale du proverbe qui donne son nom au film : « Cría cuervos… que te sacarán los ojos (Nourris les corbeaux… ils t’arracheront les yeux) », et résume poétiquement l’histoire de la petite Ana, confrontée à la mort de ses parents et au monde des adultes.

Type d’objet : Affiche Support : Sérigraphie couleur Auteur : Eduardo Bachs Année : 1977 Pays : Cuba Format : 76x51 cm Crédits : Eduardo Bachs



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PETIT DESSIN


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MAQUETTE D’AFFICHE POUR « L’ANGE BLEU » Cette maquette d’affiche pour L’Ange bleu, composée de photos collées et du dessin stylisé d’une danseuse, montre bien le goût de son auteur Jean Carzou pour l’art de la mise en page. La couleur du lettrage, légèrement incliné, répond sur un ton plus soutenu au halo bleu central. Le portrait de Marlène Dietrich se détache souverainement. Le collage est signé « Karzou » et est accompagné du nom de l’agence publicitaire « Studio 32 » pour laquelle l’auteur a sans doute travaillé et qui se situait rue Saint-Lazare (Carzou a par ailleurs réalisé une

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maquette pour la publicité de cette agence). De son véritable nom Karnik Zouloumian, Jean Carzou (1907-2000) a gardé les premières syllabes de son prénom et de son nom, mais a transformé le « K » en « C » afin de ne pas dévoiler l’origine de son nom. Peintre et décorateur arménien, il réalise entre 1930 et 1939 plusieurs maquettes d’affiches, notamment pour Le Parfum de la dame en noir de Marcel L’Herbier et L’Atlantide de G.W. Pabst. Il cesse par la suite toute activité pour le cinéma et se consacre uniquement à son travail de peintre.

Type d’objet : Dessin Support : Encre et gouache couleur Auteur : Jean Carzou Année : 1932 Pays : France Format : 64,2x49 cm Crédits : Jean Carzou © ADAGP, 2015



MAQUETTE D’AFFICHE POUR « L’ATLANTIDE » Ce projet d’affiche pour le film de G.W. Pabst, L’Atlantide, fait partie d’un bel ensemble de maquettes réalisées par Jean Carzou, parmi lesquelles figurent L’Ange bleu de Joseph von Sternberg ou Le Parfum de la dame en noir de Marcel L’Herbier. Pour sa composition, l’auteur a choisi d’utiliser une photo du film représentant les deux

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vedettes Brigitte Helm et Pierre Blanchar. On retrouve cette même image, en grand format et dessinée, pour l’affiche originale française signée Marino.

Type d’objet : Dessin Support : Encre et gouache couleur Auteur : Jean Carzou Année : 1932 Pays : France Format : 32,2x24 cm Crédits : Jean Carzou © ADAGP, 2015



MAQUETTE D’AFFICHE POUR « LE PARFUM DE LA DAME EN NOIR » Ce projet d’affiche du Parfum de la dame en noir de Marcel L’Herbier fait partie d’un don du journaliste et réalisateur Jean-Marie Carzou comprenant plusieurs maquettes d’affiches réalisées par son père, le peintre-décorateur Jean Carzou.

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Au début des années trente, Jean Carzou, qui vient de terminer ses études d’architecture, recherche du travail. Il écrit plusieurs lettres à Pathé, à Paramount, ainsi qu’à Cinégraphic, la société de production de Marcel L’Herbier, pour proposer ses services d’architecte-décorateur (architecture qui sera souvent présente dans sa peinture et ses sculptures). C’est ainsi que Marcel L’Herbier repère le talent de Carzou et lui demande de travailler sur plusieurs projets d’affiches, notamment pour Le Mystère de la chambre jaune tourné en 1930 suivi du Parfum de la dame en noir en 1931. Ces deux films, réalisés à la demande du producteur Adolphe Osso, connaîtront un immense succès.

Type d’objet : Dessin Support : Mine de graphite, couleur Auteur : Jean Carzou Année : 1932 Pays : France Format : 62x47 cm Crédits : Jean Carzou © ADAGP, 2015



MAQUETTE D’AFFICHE POUR « LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY » Cette maquette d’affiche a été réalisée par Jean Carzou pour Le Portrait de Dorian Gray, film que Marcel L’Herbier ne réussira pas à tourner. Entre 1929 et 1932, au moment du passage du muet au parlant, il tentera plusieurs fois de tourner ce film d’après le roman éponyme d’Oscar Wilde, sans jamais y parvenir. Le rôle de Dorian Gray devait échoir à son acteur fétiche Jaque Catelain.

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La Cinémathèque conserve plusieurs maquettes d’affiches de Jean Carzou pour des films prestigieux, tels que L’Ange bleu de Josef von Sternberg, Le Parfum de la dame en noir de Marcel L’Herbier ou bien encore L’Atlantide de G.W. Pabst. Il est également connu pour avoir réalisé des dessins représentant des vedettes des années trente destinés à la presse, dont six projets d’affiches pour la comédienne Annie Ducaux.

Type d’objet : Dessin Support : Couleur Auteur : Jean Carzou Année : 1933 Pays : France Format : 65,50x56 cm Crédits : Jean Carzou © ADAGP, 2015



MAQUETTE D’AFFICHE POUR LA COMÉDIENNE ANNIE DUCAUX Annie Ducaux (1908-1996) est une actrice connue pour avoir été sociétaire de la Comédie Française. Mais elle fut d’abord, dans les années trente, une actrice de premier plan au cinéma puisqu’elle tourna une quinzaine de films entre 1932 et 1939. Elle joue, notamment, le rôle de Thérèse Brunswick dans le film d’Abel Gance Un grand amour de Beethoven en 1936.

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Toute carrière d’actrice, dans les années trente, était relayée par une campagne publicitaire qui passait parfois par la réalisation d’affiches que l’on pouvait retrouver dans le hall des cinémas. Parmi les nombreuses maquettes d’affiches signées Jean Carzou conservées à la Cinémathèque, six sont consacrées à cette actrice. Nous ne savons pas si ces projets ont réellement abouti, mais ils montrent la volonté d’un producteur de soutenir la carrière d’Annie Ducaux. Les dessins ne sont pas datés mais sans doute à rapprocher des années 1932-1935. Ces projets sont à mettre en relation avec deux affiches de même ordre : l’une signée Kees Van Dongen pour l’actrice Eve Francis et l’autre d’Emilio Vilà réalisée pour Annabella, autre grande actrice des années trente.

Type d’objet : Dessin Support : Pastel sur papier noir, couleur Auteur : Jean Carzou Pays : France Format : 65x47 cm Crédits : Jean Carzou © ADAGP, 2015



AFFICHE ITALIENNE DE « BLOW UP » Équivalent italien de la « lobby card » américaine, la « photobusta » (ou « fotobusta ») s’affiche à l’entrée des cinémas. Imprimée sur papier souple ou cartonné, comme la photographie d’exploitation en France, elle s’en singularise, en y associant des éléments repris de l’affiche. De format variable – 35x50 cm jusqu’aux années soixante ou elle passe généralement à 45x64 cm – elle peut atteindre jusqu’à 100x121 cm pour la « double photobusta ». Entre affiche et photo, ces documents promotionnels sont éditées en jeu de 6, 8, 10 ou 12 visuels illustrant différentes scènes-clés du film.

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Datée de 1967, cette « photobusta » de Blow Up est issue d’un jeu de 10 pièces dont la Cinémathèque française conserve une série de sept exemplaires. Toutes sont déclinées sur le même principe : chacune réunit deux images différentes – représentant autant de moments devenus emblématiques du film. La plus grande est estampillée des motifs géométriques pop inspirés de l’affiche originale d’Ercole Brini. Leur présence colorée reproduite sur fond noir et blanc permet une identification visuelle du film. L’ensemble joue aussi sur l’alternance de la composition qui s’inverse d’une « photobusta » à l’autre. Tourné en Metrocolor, Blow Up n’en est pas moins présenté à travers une photographie de plateau grossièrement colorisée, avec d’imposants personnages détourés en noir et blanc (Vanessa Redgrave ou David Hemmings). Deux bandeaux informatifs sont dédiés aux mentions écrites, à la différence de la photographie d’exploitation et de son bandeau unique. Co-production anglo-italienne, Blow Up sort en France quelques mois avant l’Italie. Le Grand prix international obtenu au festival de Cannes 1967 est ainsi mis en avant.

Type d’objet : Affiche Support : Offset, couleur Année : 1967 Pays : Italie Format : 53x76 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE FRANÇAISE DES « COMPAGNONS DE LA NOUBA » Lithographie en couleur, non signée, qui accompagne la sortie en France en 1934 du film Sons of the desert. Ce long métrage de 1933 fait partie d’une série produite par Hal Roach mettant en scène le duo de comiques Laurel et Hardy, alors à son apogée. Le distributeur français de l’époque, « Les Films Hustaix » est simplement mentionné, mais pas le réalisateur, William A. Seiter, bien que connu aux États-Unis. Charley

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Chase, prolifique réalisateur comique alors sur le déclin, qui tient un petit rôle, n’est pas non plus cité. L’affiche fait en effet la part belle au duo : Stan Laurel et Oliver Hardy sont caricaturés mais aisément reconnaissables, leur simple présence au générique garantissant le succès du film. Les Compagnons de la nouba est le récit burlesque d’une croisière sur fond de discorde conjugale, qui offre toutes les situations comiques possibles. Le voyage à Honolulu est évoqué par les colliers de fleurs et le ukulélé dont joue Laurel. Et Hardy tient en main une bouteille de champagne dont s’échappent des bulles pétillantes figurant les jambes de danseuses légères. Autre petite note de fantaisie dans une affiche peu colorée : le nœud papillon de Hardy qui déborde légèrement sur le carton du titre. Pour mieux attirer le public, Laurel et Hardy sont représentés de façon habituelle avec leurs chapeaux melon, alors que leurs costumes dans le film sont beaucoup plus exotiques.

Type d’objet : Affiche Support : Lithographie couleur Année : 1934 Pays : France Format : 160x120 cm Crédits : Droits réservés



L’EXTRÊME BEAUTÉ DE BUSTER KEATON Buster Keaton est déjà venu à la Cinémathèque française. C’était en 1962, à la faveur d’une rétrospective conçue par Henri Langlois. Présent ce jour-là, Jean-André Fieschi avait par la suite raconté la scène à Jacques Tati : « Keaton avait traversé la salle de la rue d’Ulm, bourrée de monde, électrisée de ferveur et de reconnaissance, au milieu d’un tonnerre (véritable) d’applaudissements sans fin. Keaton était monté sur l’estrade, avait laissé tomber son manteau. Les applaudissements ne cessaient pas. Keaton pleurait doucement. » (Jean-André Fieschi, La Voix de Jacques Tati). Il faut imaginer Buster Keaton pleurer doucement : car si Buster fut « l’homme qui ne rit jamais », nul ne l’a jamais vu pleurer.

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HUIT ANS DE LIBERTÉ

Comme d’autres vedettes du burlesque, Joseph Keaton commence sa carrière sur scène, avec ses parents, sa mère Myra et son père Joe, bientôt perdu par l’alcool (il fera quelques apparitions dans les films de son fils). Le trio s’appelle « The Three Keatons », soit un couple et leur bébé : Buster a trois ans. On dit que c’est le magicien Houdini qui le baptisa « Buster », l’ayant vu se relever sans mal après une chute spectaculaire. On dit aussi que le clou du spectacle de « The Three Keatons » consistait en rien moins qu’un lancer d’enfant, le pauvre gosse était jeté comme un sac par son père, avec pour ordre de rester de marbre : de cette impassibilité dans l’effort, les circonstances et les vols planés, Buster Keaton tirera sa gloire, une fois que les autorités auront interdit d’exploiter les enfants dans les spectacles de vaudeville. Doté d’une certaine renommée sur scène, Keaton arrive assez tardivement au cinéma, en 1917. Il a 22 ans. Durant un peu plus de deux ans et une douzaine de courts métrages, il sert de faire-valoir à Fatty Arbuckle, agile patapouf à tête de bébé Cadum, archétype d’un burlesque enfantin et archaïque en regard de la sophistication des films de Chaplin, à l’époque déjà génial et millionnaire. L’influence de Keaton croît de film en film, il apporte des idées, des complications,


des vertiges, il fait offrande à Fatty de ce qui deviendra son gag le plus célèbre, celui de la façade de la maison qui tombe sans faire de victime (Back Stage, 1919). En 1920, Fatty signe un gros contrat avec la Paramount et se lance dans les longs métrages. Tant mieux, Keaton devient alors cinéaste et tourne d’emblée un chef-d’œuvre, One Week, qui reprend le gag de la façade de la maison comme pour bien signifier qu’il lui appartient (il le sortira une troisième fois, en 1928, dans Steamboat Bill Jr.). Ainsi s’inaugure réellement l’œuvre keatonienne, à peine dix ans, de 1920 à 1928 : dix-neuf courts et douze longs métrages (si l’on excepte le premier d’entre eux, The Saphead, 1920, pas vraiment dans le style keatonien). En 1928, Buster Keaton, affaibli par l’échec public de son opus magnum, Le Mécano de la General, signe un contrat avec la puissante MGM – « la plus grande erreur de ma vie », dira-t-il. Plus que l’arrivée du parlant, c’est cette perte d’indépendance qui précipitera son déclin, bien qu’il tourne encore deux chefs-d’œuvre, Le Cameraman (1928), possible sommet de son art, et le mésestimé Spite Marriage (sorti début 1929), qui s’achève par une bagarre d’une extrême violence, avec Buster qui finit le visage en sang – une carrière qui se termine par K.O. N’ayant plus le contrôle de ses films, il devient alors le simple acteur exécutant de comédies médiocres (qui auront malgré tout leur petit succès) où on lui affuble un acolyte (le pénible Jimmy Durante), où il doit parler et respecter un scénario – l’enfer. L’alcoolisme, des divorces qui le ruinent et le séparent de ses enfants, et pourtant Keaton ne disparaît jamais vraiment des écrans, il s’en va à la télévision (des caméras cachées, un « Buster Keaton Show » où il faut le voir, à 55 ans, refaire une scène de Battling Butler, tourné vingt-cinq ans plus tôt), répond à l’invitation de Chaplin, grand prince, qui l’honore en arrière-plan dans Limelight (1952), connaît un tardif mais réel regain d’intérêt avec un Oscar en 1959 et la ressortie de ses films en 1960, en termine par un cauchemar existentiel écrit par Samuel Beckett (Film, 1965) et meurt l’année suivante. JUSQU’AU BOUT

On a souvent insisté, à raison, sur l’aspect mathématique, géométrique, trigonométrique des meilleurs gags de Keaton. Son génie d’ingénieur, ces lignes, ces vecteurs, ces angles, toute cette raideur harmonieuse qu’il agence autour de son corps en éruption, petite masse trapue agitée d’intenses translations, qui l’entraînent dans des états


extrêmes entre hiphop et convulsions hystériques… Les chutes : vrilles improbables qui le font ressembler à une mèche de perceuse trouant le sol ; les courses : ses jambes qui passent l’une devant l’autre à une vitesse telle qu’elle paraît excéder le corps lui-même ; les cabrioles et les esquives de cet athlète plus vif qu’un colibri. On pourrait ramasser en quelques formules l’essence du comique keatonien : une étude de l’espace sous l’aspect de l’affect (autrement dit : quand je me déplace, c’est mon cœur qui parle ; exemples absolus : Buster assis sur la bielle de la loco dans Le Mécano de la General, le double gag de l’escalier, de la cave au grenier, dans Le Caméraman, ou bien celui, toujours dans Le Caméraman, de la conversation téléphonique commencée au bout du fil et terminée en face à face) ; le drame toujours rejoué d’un corps solitaire luttant dans un monde en état de catastrophe : catastrophes naturelles (éboulement, inondation, cyclone…) ou mouvement de foule (de vaches dans Go West, de mariées dans Seven Chances, de flics dans Cops…) ; ou encore : un manuel de mobilisation des énergies par un corps affûté par la multiplicité

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extravagantes de ses ressources (explosivité, agilité, célérité, plasticité…). Mais ces formules n’épuisent pas cette sorte de jusqu’au-boutisme comique qui prévaut chez Keaton, et confine au vertige. Ce n’est pas qu’une affaire de maladresse extrême (la scène du figurant dans Spite Marriage) ou d’extrême adresse (rester en vie sur le guidon d’une moto folle dans Sherlock Junior), ou du passage miraculeux de l’un à l’autre (échouer lamentablement dans chaque épreuve d’un décathlon, avant de les réussir toutes, inconsciemment, pour aller sauver sa belle dans College). C’est plutôt que Keaton intensifie jusqu’au bout la tendance du cinéma burlesque à produire des images-limites, à épuiser par leur extrême les lieux, les choses, les corps, les narrations, les images. Keaton mène tout à son terme, à sa limite, depuis les vibrations les plus primitives du fait humain jusqu’aux architectures les plus conceptuelles du cinéma. La limite de la figuration d’un corps à l’écran se trouve dans The Playhouse, quand il joue tous les rôles ou prend la place d’un singe et s’extrait par sa gestuelle du règne humain. Elle se trouve aussi dans Cops : poursuivi par les flics, Buster se cache dans une malle, en sort pour vérifier que les pandores sont partis, mais l’un d’eux l’a aperçu, alors au lieu de s’enfuir, il replonge dans la malle ! Et puis le policeman l’y enferme, tente de soulever la malle, mais le fond cède, Buster se glisse par en-dessous et alors, debout à côté du flic, au lieu de s’enfuir, encore, il inspecte avec lui la malle pour


constater qu’il n’y est plus… Gag fou de l’arrachement à soi-même, qui préfigure le face à face de Film de Beckett. Le terme du montage cinématographique se trouve dans Seven Chances, quand Buster fait exploser le raccord en passant d’un lieu à un autre immobile dans sa voiture ; il se trouve dans Sherlock Junior bien sûr, dans la scène où le décor change dans la continuité de ses mouvements, ou dans son exploit transformiste, qui abolit le raccord. Le terme de la narration se trouve dans College, où le happy end est déroulé jusqu’au bout : ils se marièrent, eurent des enfants, vieillirent, moururent. La limite de l’image de cinéma se trouve dans les sublimes plans au ralenti dans Les Trois âges et College, qui touchent à la claire éternité des photos de Jacques-Henri Lartigue ; elle se trouve dans Le Caméraman, où Keaton invente le cinéma direct et réinvente l’avant-garde d’un Vertov à la faveur des prises de vue innocentes d’un ouistiti et d’un opérateur empoté. Partout les données du problème sont étirées jusqu’à leur limite, jusqu’à leur terme, qui peut être aussi la douleur, comme dans la bagarre de Battling Butler, où il est roué de coups, tabassé, battu comme un chien (avant de finalement donner la réplique, ouf !). Cette manière d’excéder tout est la marque du génie keatonien, elle fait l’extrême beauté de ce cinéma, sa beauté suffocante, qui va au-delà de l’émerveillement. Et dire que ça n’aura même pas duré dix ans. Il faut donc imaginer Buster Keaton pleurer doucement, un soir de 1962. JEAN-PHILIPPE TESSÉ


JEAN COCTEAU, L'A NACHRONIQUE En 1921, Jean Cocteau, qui n'est pas encore cinéaste, disons juste poète, entend parler d'un repas à la Maison-Blanche en l'honneur d'un chef peau-rouge. Lequel se saoule de vins et se gave de viande rouge. Quelqu'un du protocole tente de lui dire, sans vouloir l'offenser, de freiner un peu ses appétits, mais le chef sioux n'en a cure et répond d'un très sec : « A little too much is just enough for me. » Cocteau, ébahi, décide d'adopter la devise sur le champ. Un peu trop est juste assez pour lui. En 1929, alité dans une clinique, Cocteau tient son journal de désintoxication, Opium. Déployant des effets de style fulgurants, il décrit la calme descente dans le temps que procure l'opium à haute dose. Il ne décrit pas des sensations

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mais des vitesses : « Tout est une question de vitesse (…) Il n'est pas impossible que le cinéma puisse un jour filmer l'invisible, le rendre visible, le ramener à notre rythme, comme il ramène à notre rythme la gesticulation des fleurs. L'opium, qui change nos vitesses, nous procure l'intuition très nette de mondes qui se superposent, se compénètrent, et ne s'entre-soupçonnent même pas. » En une ligne de conclusion, il scelle le projet : « Ma prochaine œuvre sera un film. » GUETTER L'INVISIBLE

Une après-midi de février 1930, Jean Cocteau donne rendez-vous à Sergueï Eisenstein, en visite à Paris, aux abattoirs de la Villette pour manger de la viande rouge. Le 15 avril, Cocteau tournera Le Sang d'un poète, officiellement son premier film (on ne sait toujours rien de son premier essai, Jean Cocteau fait du cinéma, réalisé en 1925, officiellement perdu, vraisemblablement détruit). Pour l'instant, il écoute Eisenstein lui parler de cinéma du tranchant de son couteau. Eisenstein est un homme affable, Eisenstein a libéré les possibilités du montage. Eisenstein parle et Cocteau écoute. Plus tard, celui qui prétendait en 1929 dans Opium « changer de spectacle tous les quinze jours », se trouve une sorte de base esthétique qui, jusqu'à sa mort en 1963, ne vacillera pas : « La beauté est faite de rapports. » Ou comment être théorique et sensualiste à la fois – et il est conseillé


d'être sensualiste si l'on veut comprendre quelque chose à Cocteau. Poser d'emblée le cinéma comme l'art où se pose la question de tous les écarts, l'art qui réussirait un grand écart entre le beau et l'informe. En ce sens, il n'est pas loin de Bataille, de Buñuel, d'Eisenstein donc. Mais à ceci près que pour Cocteau, il n'y a pas de monstre. La Bête est un prince et la Belle « une drôle de petite fille, une drôle de petite fille. » Il y a du sang dans l'assiette et de ce sang sortiront des poèmes. L'altérité, qui nourrissait la pulsation effrayante de L'Âge d'or ou du Chien andalou ou les textes d'Acéphale, ne résonne pas pareil ici : elle est, du Sang d'un poète au Testament d'Orphée, une nuance autour du même. À partir du moment où l'écart ne joue plus, où il ne sert à rien de tout miser sur sa tension, il faut parier sur autre chose : sur le rapport entre deux choses, leur proximité, leur caresse – la belle et la bête, l'Aigle à deux têtes. Cocteau a bien entendu la leçon de montage d'Eisenstein, mais pour lui il n'existe pas de montage entre deux choses qui ne communiquent pas car il lui semble que tout communique à l'intérieur de nos galeries intimes. Cocteau parie naturellement sur la compréhension possible entre toutes choses, leur adjonction et leur amitié secrète. Il suffit, pour ne pas l'ignorer, de jeter un peu de lumière sur « la nuit en nous ». Autant guetter l'invisible dans la vision. Et toucher enfin du doigt ces « mondes qui ne s'entre-soupçonnent même pas ». Ils ont toujours été là. Ils sont là. UNE EXPLORATION DES TEMPS

De 1930 à 1963, Cocteau aura beaucoup tourné – pour un amateur. Il tournait comme d'autres faisaient tourner les tables. Lui se disait « ébéniste ». Il suffit de relire ce grand livre qu'est le Journal d'un film, qu'il tient durant le tournage de La Belle et la Bête. Il ne s'agit que de ça : de maladies de peau, d'exceptionnelles fatigues, de fièvres curieuses, comme habitées, d'un jeu exténuant que celui d'arriver à créer l'accident pour réussir, sans maîtrise, à faire entrer l'invisible dans le plan. Le poète n'est que l'ange messager d'un monde caché dans les plis du temps. Son agent conducteur. Au cinéma, l'agent Cocteau aligne les réussites. Pour cela, il emploie les moyens les plus fragiles, bricolés jusqu'à l'extase, conscient en bon médium que la magie se retire devant trop de professionnalisme, la grosse machinerie. « Un seul verre d'eau éclaire le monde », répète Orphée. Les films de Cocteau sont ces verres d'eau. Les aimer, c'est commencer par en aimer les fautes d'orthographes, partout, et finir par se sentir mal à l'aise devant l'autre cinéma, celui qui joue la technique contre le style.


Le sien est constitué tout entier d'emboîtements amoureux entre les univers, de passage où s'invente une beauté inédite née d'un mélange de discipline et de désordre. « Ce qui se passe dans une maison doit être très ennuyeux pour un jeune homme qui sort de mon film. » On confirme. Il y a tellement de galeries dans la maison cinéma de Cocteau, tellement de miroirs qu'il a fini par réfléchir le cinéma tout entier, le cinéma dans toute la gamme de ses possibles. Et aboutir à la chose la plus passionnante qui soit, et contre laquelle l'autre côté du monde, celui du réel, semble bien désarmé : une exploration des temps, de tous les temps à la fois, tout le temps. Temps entrecroisés, emmêlés, redistribués. Le temps d'une jeunesse qui a battu très vite toutes les cartes de la vie, se projette dans un futur où il serait possible de partir à la rencontre de son passé. L'homme qui avait pris le XXe siècle pour ce qu'il a fini par être – un laboratoire – a choisi le cinéma, entre autres choses, pour expérimenter le dérèglement des ordres. On le revoit, au début du Testament d'Orphée, au détour d'une des voûtes qui mène à la rue Obscure de Villefranche, croiser son double – ce double qui le « hait, n'est-ce pas ? » Cinquante années de vies artistiques se

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dévisagent. « Il fait semblant de ne pas me voir », dit le poète à Cégeste. « D'où venait-il, où allait-il ? – Il est probable qu'il va d'où vous venez et que vous allez d'où il vient. » Le dernier Cocteau continue de ressembler au premier. Normal : Jean Cocteau est un anachronisme. PHILIPPE AZOURY



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CHRYSANTHÈME


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Le chrysanthème est l’oriental, l’allure de l’étranger. Une langue et amour avec l’encre dans une brosse. Il y a un ornementation, célébration de l’iconographie et de la nature. Les filmes, diffèrent dans les films de l’occident, sont une beauté rare qui fleurissent.


UNE JEUNESSE : REMARQUES SUR QUELQUES AFFICHES DU STUDIO NIKKATSU À l’occasion du centenaire de la Nikkatsu, Stephen Sarrazin nous parle du célèbre studio de cinéma japonais à travers quelques affiches provenant des collections de la Cinémathèque française. Bien que le studio Nikkatsu, fondé en 1912, soit la plus ancienne des grandes structures de production au Japon, il est celui qu’on associe

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à une image de la jeunesse, celle de la population, mais aussi celle du pays, de ce nouveau Japon d’après-guerre, de la seconde étape Showa. Nikkatsu trouve ainsi sa signature à partir de 1951, se distinguant rapidement des autres grands studios, tels Shochiku et Toho, en attirant de jeunes assistants venus de ces maisons, dont Shohei Imamura et Seijun Suzuki, pour y réaliser leurs premiers longs métrages. Ces deux cinéastes tracent la voie pour les années à suivre, entre l’audace sociale d’aborder des sujets sensibles, à la manière d’Imamura, et l’invention formelle d’un Suzuki. Le studio Toei, avec l’arrivée de Teruo Ishii et Kinji Fukasaku, connaîtra une effervescence semblable, et saura s’inspirer des choix professionnels de Nikkatsu. Mais sur plus de vingt ans, de 1955 à 1977, Nikkatsu s’inscrit comme lieu de l’irrévérence au sein du cinéma japonais. Cette stratégie, plutôt qu’une véritable position esthétique, lui permet de rivaliser avec ses concurrents, y compris les grands : Shochiku incarnait la noblesse avec ses maîtres, Yasujiro Ozu et Keisuke Kinoshita, tout en bénéficiant des revenus considérables de la série des Tora-san menée par Yoji Yamada ; Toho avait ses stars et ses genres, Daiei avait produit Kenji Mizoguchi, Mikio Naruse et la série des Zatoichi.

Nikkatsu opère une synthèse de ces courants en se trouvant des maîtres, des genres et des séries, toujours sous le signe de la jeunesse.


Imamura introduit ainsi une réflexion critique sur le Japon, au sein d’un grand studio, tandis que Suzuki, comme chacun sait, réinvente le film de yakuza, lui donnant une forme que n’aurait pas reniée Vincente Minnelli. Mais la réussite au box office s’explique aussi par la création de son écurie de leading men dans un premier temps, durant les années 1960 – on retrouve Yujiro Ishihara, grande star Nikkatsu de ces annéeslà (qui figure sur l’affiche du film La Poussette), Akira Kobayashi, Jo Shishido, Tetsuya Watari, et plus tard Tatsuya Fuji (qui connaîtra sinon la gloire du moins le mythe en tournant dans L’Empire des sens de Nagisa Oshima) –, et du règne de ses reines, notamment Naomi Tani, Junko Miyashita et Meiko Kaji, au cours de la décennie suivante. Des acteurs fébriles, aux costumes cintrés, à la détente facile, qui laissèrent place à des actrices qui allaient incarner un moment phare de l’histoire du cinéma, lors de l’avènement du roman porno. Les affiches rassemblées par la Cinémathèque française illustrent ces trois courants : le cinéaste, la star, le genre. Ce fut pourtant un terrain sur lequel Nikkatsu, tout comme les autres studios, s’appliquait à la tâche, car Toho était passé maître dans l’art de la campagne publicitaire en créant des modèles distincts, des tailles diverses, des manuels d’instruction envoyés à tous les exploitants de salles Toho à travers le Japon sur l’accrochage de tous les formats. Néanmoins, Nikkatsu s’efforça de communiquer sa fougue à travers son graphisme, ses compositions, ses choix de couleurs. À cet égard, les affiches d’Élégie de la violence et d’Histoire d’une prostituée, de Seikun Suzuki, ses deux chefs-d’œuvre sur les marges de l’effort de guerre nippon, mettent en valeur le climat de fureur, d’abandon au désir, à la bagarre, qui détermine le destin des personnages principaux, des grands acteurs qui ne sont pas des stars (Suzuki trouvera en Jo Shishido un collaborateur à sa mesure). Ces deux films de Suzuki se répondent. Dans L’Élégie, Kiroku (joué par Hideki Takahashi) s’éprend de Michiko, jeune fille chaste. Incapable de lui faire le moindre aveu amoureux, il se tourne vers l’entraînement, le combat, afin d’apaiser une libido inassouvie. L’affiche révèle Michiko sous le choc et Kiroku qui expie, muni du bâton qui précède le sabre

Byakuya no yojo Eisuke Takizawa 1958


et qui proclame du haut de l’affiche : « Amène-toi, avec un arc, un fusil, je suis prêt à me battre ! » tandis qu’au centre s’élève une échelle qui monte vers lui. Dans Histoire d’une prostituée, Harumi (l’immense Yumiko Nogawa), au lendemain du mariage de son amant, s’enfuit rejoindre ces femmes de confort qui accompagnaient les troupes japonaises pendant la guerre. L’adjudant-chef en fait son privilège mais c’est de son aide de camp, Shinkichi (Tamio Kawaji), qu’elle s’éprend. Tous deux abusés par les forces militaires, ils s’échappent, se lient de sympathie envers la nation occupée (la Chine) avant de sceller un pacte de double suicide. L’affiche de L’Élégie montre Kiroku au sommet, celle de La Prostituée la pose à peine en flanc, s’offrant à Shinkichi tournant son arme vers le bas, alors que tout explose autour d’eux, en précisant : « Voici la réalité ! L’amour, la haine d’une prostituée que rien ne peut arrêter ». Celle de Cochons et Cuirassés, de Shohei Imamura, film réalisé dix-sept ans après la fin de la guerre, met en valeur le regard du personnage

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principal, Kinta, déjà la représentation de cet entre-deux japonais, le perfecto de soie à l’emblème du Japon et la casquette de baseball, uniforme de petites frappes de villes portuaires. Et que voit-il ? L’affiche le révèle : l’argent que les soldats américains peuvent dépenser dans la petite ville de Yokosuka, qui deviendra une importante base militaire de l’Amérique, sa petite amie Haruko au centre, et les têtes de chimpira, gangsters de deuxième ordre, qui cherchent aussi à capitaliser sur le dos des Américains, ces voyous qui seront foulés par les porcs au son de mitraillettes, et qui trônent en haut de l’affiche. Imamura, qui fut autrefois assistant-réalisateur d’Ozu, s’empressait de mettre en scène un autre Japon. Cette affiche lui servit d’étendard. Nikkatsu ne s’y est pas trompé en « introduisant » cette « œuvre controversée du prodige Imamura ». Signalons enfin deux affiches tirées du roman porno, genre qui sauva le studio à l’aube des années 1970 et révéla quatre cinéastes majeurs, dont Tatsumi Kumashiro et Masaru Konuma (avec Noboru Tanaka et Chusei Sone). Le Rideau de Fusuma, de Kumashiro, montre sa muse Junko Miyashita, seule actrice du roman porno à avoir été récompensée d’un prix majeur au Japon. L’affiche évoque le succès que connut un autre cinéaste incontournable de ce genre, Noboru Tanaka, et son film La Véritable Histoire d’Abe Sada, qu’interprétait également Miyashita. Un espace restreint, une femme dénudée (l’affiche invite : « Oh ! S’il vous


plaît, je vous en prie »), un homme suggéré déjà allongé sur le tatami. Un film moins représentatif de son auteur, qui signa de grands portraits de femmes de l’ère Showa, celles du peuple, pour qui le sexe se situait entre le travail et l’échappatoire, et qui reste pourtant un sommet du genre. La seconde affiche, celle de L’Enfer des jeunes filles, de Konuma, annonçant que « le feu a brûlé la fleur de cette jeune femme », se rapproche des univers de soumission habités par sa complice de légende, Naomi Tani, dont le corps occupe le cœur de l’affiche. Nous sommes ici devant un film post-Tani, mais cette affiche se distinguait par son rappel de l’univers fantastique de Kyusaku Yumeno, et des couleurs associées aux affiches adaptant l’œuvre de Dan Oniroku, maître de la littérature SM au Japon, dont Konuma fut l’un des spécialistes. Ce dernier dut se résigner à tourner avec d’autres actrices car Nikkatsu ayant été le studio de la jeunesse, Naomi Tani fit le choix de se retirer au sommet de sa splendeur.

STEPHEN SARRAZIN


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AFFICHES JAPONAISES DE « BARA NO SORETSU » « Bara » : rose en japonais. Rose comme l’une de cette paire d’affiches et comme les fleurs préférées du personnage de Leda. Rose comme les « pinku eiga » (films roses), ces films pornographiques nippons réalisés par des petits studios indépendants, mais aussi terme utilisé dans les années 60-70 pour désigner la communauté homosexuelle japonaise. Voici l’univers dans lequel évolue Eddie, jeune travesti à la recherche de son identité et de son destin. Un Œdipe en virée nocturne tokyoïte

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écumant les bars gay. Matsumoto réinterprète le mythe dans une version pop. Le héros change d’apparence pour devenir une femme qui prend pour amant son propre père qu’il (elle) ne connaît pas. Histoire inversée. Tout comme le visage de l’affiche, celui de Pitâ (dit Peter), acteur transgenre qui tourna également dans le Ran de Kurosawa. Histoire de miroirs. Face à son reflet, Eddie ne cesse de se demander qui il est. Deux Eddie, deux affiches : une rose et sa jumelle jaune pâle (plus rare). Elles sont signées de Setsu Asakura, grande directrice artistique pour le théâtre, mais aussi au cinéma pour Masahiro Shinoda, Yoshishige Yoshida ou Kon Ichikawa. Au bas des affiches, le sigle de l’ATG (Art Theatre Guild), célèbre studio de production d’œuvres indépendantes spécialisé dans la diffusion du cinéma international. Le film de Matsumoto aurait aussi bien inspiré Kubrick pour Orange mécanique que Gus Van Sant pour sa transposition de Falstaff dans le Portland homosexuel de My Own Private Idaho. Expérimental, documentaire ou fiction en noir et blanc, Les Funérailles en rose est un ovni captivant, à nous retourner la tête.

Type d’objet : Affiches de film Support : Offset - Coul. Auteur : Setsu Asakura Année : 1969 Pays : Japon Format : 73x52 cm Crédits : © Setsu Asakura



AFFICHE JAPONAISE DE « LA CHAMBRE VERTE » Les affiches japonaises des films occidentaux, souvent moins graphiques que lorsqu’elles illustrent le cinéma japonais, présentent néanmoins des compositions intéressantes. Celle de La Chambre verte est découpée en deux parties, haut et bas, et composée de deux photos du film. En haut, le visage de Nathalie Baye,

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couvert de larmes et éclairé par des cierges, fait écho au culte des morts, sujet du film. Il rappelle aussi le titre de la nouvelle d’Henry James, L’Autel des morts, dont le film s’inspire en partie. François Truffaut, qui joue le rôle de Julien Davenne, apparaît dans un médaillon en bas. Le portrait flouté derrière la porte vitrée est repris de l’affiche française signée du duo Jouineau-Bourduge qui en faisait l’élément principal. L’association des deux images, ainsi que la verticalité des caractères typographiques japonais, telles les bougies allumées, donnent à ce film grave et étrange un côté aérien et une certaine forme d’élégance. François Truffaut, qui conservait de nombreuses affiches étrangères de ses films, aimait particulièrement les créations japonaises.

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Pays : Japon Format : 73x52 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE JAPONAISE DE « BELLADONNA DES TRISTESSES » Libre adaptation de La Sorcière de Jules Michelet (1862), Belladonna des tristesses constitue le troisième et dernier volet de la série des Animerama du studio Mushi Production. La trilogie, imaginée par Osamu Tezuka et réalisée par Eiichi Yamamoto entre 1969 et 1973, marque les débuts de l’érotisme dans l’animation japonaise. Le plus abstrait et poétique des trois films, Belladonna, raconte comment une jeune paysanne, violée par son seigneur, vend son âme

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(et son corps) au diable. Devenue une sorcière omnipotente, Jeanne se réfugie dans une vallée où fleurit la belladone, poison hallucinogène, entraînant les villageois dans l’ivresse d’envoûtantes fêtes orgasmiques. Graphiquement, le film qui alterne les techniques de dessins (aquarelle, gouache, collage, peinture sur rouleau), s’inspire de l’Art Nouveau et des œuvres de Klimt, Mucha ou Beardsley. Volutes, arabesques, chevelures ondulantes défilent au son d’une musique pop seventies à souhait. L’affiche japonaise reprend les différents éléments du film dans la même veine psychédélique. Au milieu d’une explosion de fleurs multicolores, le corps blanc de Jeanne, rousse et lascive dans les bras de son époux retrouvé, contraste avec les villageois malades et miséreux qui l’entourent. Dans ce tourbillon aux couleurs printanières, l’imagerie de la sorcière n’apparaît pas, contrairement à l’affiche originale signée Fukai qui a choisi de mettre en avant le bûcher et, entre les flammes, la sorcière aux yeux maléfiques, tout de noir vêtue.

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Auteur : Anonyme Année : Non datée Pays : Japon Format : 112 x 83 cm Crédits : Droits réservés



AKIRA KUROSAWA OU LE SENS DE L’ACTION Cette affiche accompagne la ressortie des Sans-Espoir de Miklós Jancsó Rashômon, le onzième film d’Akira Kurosawa, couronné d’un Lion d’or à Venise en 1951, puis d’un Oscar du meilleur film étranger l’année suivante, a fait connaître le cinéma japonais en Occident. On y découvre un acteur étonnant, Toshiro Mifune, deux vedettes vite familières (Machiko Kyo et Masayuki Mori), un très grand chef-opérateur Kazuo Miyagawa, au générique des Mizoguchi des années cinquante, un nom important de la musique de film, Fumio Hayasaka, fidèle collaborateur de Kurosawa et de Mizoguchi, le cinéma japonais ayant toujours été riche en compositeurs talentueux. Avec Rashômon, on prend la

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mesure de ce dont le cinéma japonais est capable sur le plan de la maîtrise, du savoir-faire, et de l’équation si importante entre industrie (la politique des studios), genres et auteurs. Tout ce que la cinéphilie française a cherché et trouvé dans le cinéma américain des années cinquante (les studios, les genres, les auteurs, un cinéma populaire destiné au grand public), y compris la politique des auteurs née de cette triangulation, le cinéma japonais l’offrait déjà de façon unique et exceptionnelle, et a continué de le proposer pendant plusieurs années. Depuis Rashômon, plus de soixante ans se sont écoulés. Ces années ont permis de connaître à la fois le déroulement de la carrière et de l’œuvre de Kurosawa. En particulier, l’après Toho, suite à Barberousse en 1965 et la rupture avec Mifune, au cheminement difficile, avant la consécration internationale (Kagemusha, Ran). Ce qu’il a fait avant aussi, pendant les années de guerre et de propagande, de La Légende du grand judo (1943) à Les Hommes qui marchent sur la queue du tigre (1945). Ce qu’il a fait ensuite, après la défaite du Japon, sous le contrôle des autorités américaines, de Je ne regrette pas ma jeunesse en 1945, film méconnu sur un scénario de Eijaro Hisaita, important auteur dramatique des années trente, du théâtre de gauche (Mizoguchi l’engagera pour écrire Les Femmes de la nuit en 1948) à Scandale (1950), avec Toshiro Mifune, où tous les éléments de l’œuvre sont


posés (le peintre intègre et l’avocat corrompu, la fange morale et la rédemption). De nos jours, la connaissance du cinéma japonais s’est considérablement amplifiée. Quelle place accorder aujourd’hui à l’œuvre de Kurosawa au sein du cinéma japonais et du cinéma mondial ? Finalement, ce qu’on lui a reproché très tôt, son occidentalisation supposée (ses Films Noirs expressionnistes, comme L’Ange ivre et Chien enragé, ses adaptations de Dostoïevski, Shakespeare, Gorki), est au fond ce qui a permis à l’œuvre de s’exprimer dans sa profondeur et sa diversité. Car si elle est d’une grande cohérence interne, d’un bout à l’autre, portraits de femmes compris, elle est d’une grande disparité en apparence, selon les genres et les registres des films, de la grande fresque picturale historique (Ran) à la chronique intimiste (Madadayo, 1993). De même, les films contemporains ne se limitent pas à une obligation de circonstance (la période 19451950) mais à un goût personnel qu’il imposera contre la volonté du studio (Je vis dans la peur, Les Salauds dorment en paix, Entre ciel et terre, tous les trois avec Toshiro Mifune, injustement sous-estimés), créant pour cela sa société de production adossée à la Toho. L’œuvre de Kurosawa, composée de multiples facettes, se situe à l’intersection de différents courants de goûts. Ceux qui voient en lui un humaniste (André Bazin notamment) privilégient Vivre, et se retrouveront autour de Barberousse, Dersou Ouzala, Dodes’ Kaden, tout en tenant pour divertissement mineur Yojimbo, L*a Forteresse cachée*, Sanjuro. Ceux qui aiment les films de samouraïs et de sabre pourront trouver un peu solennelles les grandes fresques historiques comme Le Château de l’araignée, Kagemusha ou Ran. Il existe plusieurs entrées, plusieurs parcours, plusieurs communautés cinéphiles disparates à se reconnaître au sein de l’œuvre de Kurosawa, dont certaines peuvent fusionner et d’autres continuer de s’ignorer. Cette hétérogénéité fondamentale entre la part noble (le peintre et le visionnaire, l’art et le chaos, l’humaniste, les grands écrivains adaptés) et la part populaire, grand public, triviale, carnavalesque, voire grotesque (Mifune en demeure la plus belle expression), continue de rendre son œuvre vivante. Cela dit, on peut décloisonner certains parcours, rapprocher par exemple Les Salauds dorment en paix (1960) et Sanjuro (1962), critique commune de la corruption du pouvoir, traités sur deux modes et deux périodes différentes, au temps du shogunat (fin de la période féodale) et dans le monde des affaires du Japon contemporain.


Il y a beaucoup d’ironie et de malice dans le regard que Kurosawa porte sur le groupe de jeunes de Sanjuro, drapés dans leurs certitudes et pressés de dénoncer les corrompus tout en se trompant sur toute la ligne, ce dont Eastwood se souviendra quand il réalisera Space Cowboys (2000). On peut voir, dans cette confrontation entre le vieux bourru solitaire (Mifune) et les hommes de cour bien nés conscients de leur supériorité, une mise en abîme entre deux générations de cinéastes, celle de la Nouvelle Vague japonaise (Nagisa Oshima et le groupe de Nuit et nrouillard au Japon, 1960) et celle de Kurosawa. Récit de vengeance, à la façon des bas-fonds new-yorkais de Samuel Fuller, Les Salauds dorment en paix dénonce la corruption du monde industriel et la façon dont les valeurs et le code d’honneur des samouraïs (le bushido), qui a irrigué la société civile, est à son tour dévoyé, puisque les fautifs, corrompus, au lieu de se laver de leur honte en se suicidant, exigent de leurs subalternes qu’ils le fassent pour continuer en toute impunité leurs crimes. Double pessimisme, par conséquent. Toute l’œuvre de Kurosawa, sa personnalité de cinéaste, l’éducation qu’il a reçue de ses parents et maîtres (il faut

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lire son admirable et passionnante autobiographie) dit combien il a été la parfaite expression de l’ère Meiji (1868-1912) et de l’ère Taisho (1912-1989), avant la militarisation du régime. Au-delà de la rupture officielle avec le monde féodal, scellée par l’ère Meiji (fin du shogunat, restauration du pouvoir impérial), subsiste un profond attachement au monde des samouraïs et à leurs valeurs dont le cinéma de Kurosawa se fait l’écho, sans nostalgie ni fanatisme (rien à voir avec Mishima). Jeune, Kurosawa, grâce à son frère aîné, benshi, découvre le cinéma occidental et la littérature étrangère, fréquente les cercles de gauche, proches du parti communiste, avant, une fois engagé comme assistant à la Toho, d’avoir comme maître Kajiro Yamamoto, qui s’illustrera pendant la guerre dans la plus lourde propagande et sera, après la défaite, un peu convaincant chef du syndicat de la Toho, histoire de faire amende honorable. Kurosawa, conformément à la tradition japonaise, sera toujours fidèle et reconnaissant de ce qu’il lui a appris. On peut distinguer deux types de comportement ou d’énergie à l’œuvre chez Kurosawa : le tempérament fougueux, qui a besoin d’être canalisé ou domestiqué (le jeune héros de La Légende du grand judo, l’apprenti samouraï joué par Mifune dans Les Sept samouraïs) et le corps pétrifié, grabataire, avec le héros de Vivre, la figure de l’idiot, du fou, du sage, jusqu’au professeur de Madadayo, sur sa pente intérieure, à l’écart des soubresauts de la guerre. Parfois, Kurosawa inverse la donne, avec le


maître fou et l’élève trop sage, converti à son audace (Barberousse), ou le visionnaire intempestif (Je vis dans la peur) qui veut conformer sa famille et le monde à sa seule vision, de façon tyrannique. Le cinéma de Kurosawa aime le sens de l’action et sa valeur (le monde des samouraïs en exprime la teneur) et fait de l’exercice d’un métier (médecin, avocat, professeur) le révélateur moral de la signification de l’existence et l’enjeu de sa perpétuation, la transmission étant heureuse (La Légende du grand judo, Barberousse) ou catastrophique (Ran). C’est dans le monde des arts martiaux que le critique politique se fait plus explicite car ailleurs, la figure du chaos, du cataclysme (bombe atomique comprise), reste une entité abstraite, sauf dans le cadre des guerres de clans qui ont précédé l’ère Edo (Le Château de l’araignée, Kagemusha, Ran), Kurosawa étant obsédé par l’autodestruction (les guerres civiles), la façon dont le code d’honneur guerrier peut conduire au suicide collectif d’une nation. La Légende du grand judo (1943), en pleine guerre, oppose les adeptes du jiu-jutsu, décrits comme brutaux et sauvages, aux fondateurs du judo, montrés comme sophistiqués et nobles (calligraphie, bouddhisme zen). Préconiser cette orientation, issue des premiers traités d’arts martiaux écrits au Japon début du XVIIe siècle en période de paix et influencés par la tradition chinoise, et la proposer dans une époque où les valeurs du bushido sont instrumentalisées à des fins brutales et guerrières ne manque pas de sel ni d’audace. Dans Les Sept samouraïs, outre des ronins (samouraïs errants, sans maîtres) qui mettent le talent de leur fonction au service de paysans, ouverture sociale qui ouvrira la voie au film de sabre contestataire (Les Trois samouraïs hors la loi et Goyokin d’Hideo Gosha), Kurosawa montre un combat fratricide contre des semblables, d’autres ronins, pilleurs de villages, indignes des valeurs qu’ils sont supposés transmettre. Ce combat pour des valeurs, Kurosawa l’estime nécessaire, tout en sachant qu’il peut mener au désastre et entraîner l’humanité dans la spirale de sa perte. Ce mélange de confiance et de doute, de vitalisme et de suspension pétrifiée devant le pire entrevu, colore secrètement son œuvre, lui donne son rythme, sa tonalité singulière. Pour s’être tenu des deux côtés, avoir filmé des deux bords, le cinéma de Kurosawa a regardé ce que peu de cinéastes ont vu. CHARLES TESSON


LES 30 TITRES DE FILMS R ÉALISÉS PAR KUROSAWA AU GÉNÉRIQUE Cette affiche japonaise, réalisée à l’occasion des 50 ans de cinéma d’Akira Kurosawa par des admirateurs du réalisateur, a été donnée à la Cinémathèque par Catherine Cadou en 2016. Traductrice et collaboratrice de Kurosawa – qu’elle rencontre en 1980 pour

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la présentation de Kagemusha au Festival de Cannes -, Madame Cadou a notamment écrit les sous-titres français pour Ran, Rhapsodie en août ou la version restaurée des Sept samouraïs. Les 30 images de titres de générique qui composent ce document correspondent aux 30 films réalisés par Kurosawa entre 1943 et 1993 (de gauche à droite et de bas en haut) : La Légende du grand judo (1943), Le Plus beau (1944), La Légende du grand judo 2 (1945), Qui marche sur la queue du tigre (1945), Je ne regrette rien de ma jeunesse (1946), Un merveilleux dimanche (1947), L’Ange ivre (1948), Le Duel silencieux (1949), Chien enragé (1949), Scandale (1950), Rashomon (1950), L’Idiot (1950), Vivre (1952), Les Sept samouraïs (1954), Vivre dans la peur (1955), Le Château de l’araignée (1956), Les Bas fonds (1957), La Forteresse cachée (1958), Les Salauds dorment en paix (1960), Le Garde du corps (1961), Sanjuro (1961), Entre le ciel et l’enfer (1963), Barberousse (1965), Dodes’caden (1970), Dersou Ouzala (1975), Kagemusha (1979), Ran (1985), Rêves (1989), Rhapsodie en août (1990), Madadayo (1993). Une 31ème image achève la série par la mention « À suivre », dans l’espoir d’un prochain film du maître japonais. Mais en vain.

Type d’objet : Affiche de manifestation Support : Offset Année : 1993 Pays : Japon



AFFICHE CUBAINE DE « LA FORTERESSE CACHÉE » Cette affiche cubaine en sérigraphie n’est pas signée, mais la finesse des détails et les traits vifs, comme des lacérations, permettent d’en attribuer la paternité à Eduardo Muñoz Bachs. Rare car tirée à peu d’exemplaires en regard du coût et de la complexité de sa technique, elle témoigne d’un travail remarquable, notamment par l’utilisation de quatre teintes en sus du blanc. L’affiche montre le film tel qu’il est perçu par les Cubains ; l’auteur

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y retranscrit sa vision du film et l’imprègne de sa propre culture. Ici le personnage est grand, élancé, rappelant davantage un guérillero d’Amérique latine qu’un samouraï. Sa coiffure traditionnelle n’est pas visible, son allure est presque moderne alors que l’action se passe à l’époque féodale. Le katana qu’il tient en main est la seule touche réellement nippone, la forteresse en arrière plan est stylisée et peut évoquer n’importe quel bâtiment dans le monde. Par ailleurs, le dessin ne montre que le personnage masculin, alors que l’affiche originale représente aussi la femme au centre de l’intrigue. Le titre du film surmonte un générique sommaire, l’affiche mentionne discrètement l’Ours d’argent obtenu par Akira Kurosawa à Berlin, mais l’auteur joue avec la sérigraphie et affirme sa volonté de remplir l’espace, comme avec la tâche beige ou les grands aplats bleu et rouge.

Type d’objet : Affiche Support : Sérigraphie, couleur Pays : Cuba Format : 75x50 cm Crédits : Droits réservés



SATYAJIT RAY Au sein de cette œuvre, forte de 28 longs métrages, de Pather Panchali (1952-1955) à Agantuk (Le Visiteur, 1991), et de 8 courts et moyens métrages (documentaires et fictions), quelques films magnifiques, les plus connus : la trilogie d’Apu (Pather Panchali, Aparajito, 1956, et Le Monde d’Apu, 1959), pilier des ciné-clubs pendant de nombreuses années, Le Salon de musique (1958), avec lequel on a redécouvert Ray en France en 1979, grâce à la télévision, La Déesse (Devi, 1960) et Charulata (1964). Et des films moins connus, tout aussi remarquables : Des jours et des nuits dans la forêt (1969), La Grande ville (Mahanagar, 1963), le premier et le troisième épisode de Trois femmes (Teen Kanya, 1961), d’après des nouvelles de Tagore, à savoir Le Directeur de la poste et Samapti, l’épisode du Lâche dans Le Lâche et le saint (1965). Sans oublier, injustement sous-estimée, l’essentielle trilogie de Calcutta, composée de L’Adversaire (1970), de Company

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Limited (1971) et du fort sombre et très beau L’Intermédiaire (1975). Qu’est-ce qui caractérise son œuvre ? Le profond attachement au Bengale, à sa culture et à son histoire, politique (l’Indépendance, et non la Partition) et religieuse (l’hindouisme et ses excès, dans La Déesse et Ganashatru, 1989). À une exception notable : Les Joueurs d’échecs (1977), production de Bombay parlée en urdu (le hindi littéraire) où, en écho au Salon de musique, un drame similaire se joue sur un autre registre : l’indifférence somptuaire ou suicidaire face aux mutations du monde. Autre trait dominant de l’œuvre, le goût pour l’adaptation littéraire, fréquente chez Ray, autour de la figure centrale de Tagore mais aussi de Sunil Ganguly (Des jours et des nuits dans la forêt, L’Adversaire). Satyajit Ray, s’il a eu une formation en beaux-arts et a débuté comme dessinateur, graphiste (affiches, couvertures de livres) et illustrateur avant de passer à la réalisation, a grandi dans une famille d’écrivains, avec son père Sukumar Ray qu’il n’a pas connu (il est mort quand il avait deux ans) et son grand-père, Upendrakisore, imprimeur, éditeur et auteur de livres pour enfants. Lorsque Ray a commencé en 1961 à composer la musique de ses films avec Trois femmes, après l’avoir confiée à de grands compositeurs comme Ravi Shankar et Ali Akbar Khan, il a renoué avec la tradition littéraire familiale en relançant la revue de son grand-père, Sandesh, qu’il édite, écrivant de nombreux récits pour elle, adaptant quelques-uns


au cinéma, tout en se mettant à écrire quelques scénarios originaux : le rare Kanchenjunga (1962), premier film en couleur à laquelle il viendra tardivement de façon régulière, Le Héros (1966) et ses deux derniers films, Les Branches de l’arbre (1990) et Le Visiteur (1991). Plus que le simple descendant d’une famille de la bourgeoisie cultivée de Calcutta (l’entreprise familiale fera faillite quand Ray sera orphelin de père), Ray est l’héritier d’un courant intellectuel, celui de la Renaissance bengalie, avec sa vision du monde, progressiste et humaniste, soucieuse de l’Indépendance de l’Inde et ouverte à certaines valeurs de l’Occident, en politique et dans le domaine de l’art. Ce monde, lié au passé du Bengale, il l’a restitué dans plusieurs films, en particulier dans La Déesse, Charulata, La Maison et le Monde (1984), même si on retrouve son esprit dans ses derniers films contemporains (L’Ennemi public, Les Branches de l’arbre, Le Visiteur). Outre son envie, en tant que cinéaste, de restituer ce monde qui lui est cher (ses films pour enfants et ses récits policiers, avec le détective Feluda, font également partie de son univers familial), Ray a aussi estimé qu’il était de son devoir de témoigner de la réalité de son pays. Il l’a fait, en réaction au cinéma indien et en s’inspirant de modèles comme Jean Renoir, dont Ray ne connaissait que la période américaine (L’Homme du sud avait sa préférence) quand il l’a rencontré lors des préparatifs du Fleuve. De même Henri Cartier-Bresson, qu’il a toujours admiré. Ray s’est éloigné de son monde et de son milieu social en adaptant un écrivain populaire, B. Banerjee (la trilogie d’Apu, Tonnerre lointain, sur la campagne) et avec ses films sur Calcutta au présent, ou en adaptant à nouveau Premchand pour l’admirable Délivrance (Sadgati, 1981) avec la regrettée Smita Patil. Cette nécessité de filmer hors de son monde naturel, d’aller vers une réalité qui lui est étrangère et qu’il a su rendre familière, tout en revenant à un monde qui lui est cher (Tagore, la Renaissance bengalie, Le Salon de Musique, le monde de l’art, de la peinture et de la danse avec ses films courts), a rendu son œuvre singulière et hétérogène. Cette singularité s’est exprimée aussi par sa façon d’inverser le schéma traditionnel de la relation campagneville dans les cinémas dit du tiers-monde. Alors que l’exode rural fait souvent de la ville le lieu de la perdition, de la déchéance et de la corruption, Ray a inversé le modèle fourni par Murnau dans L’Aurore et a fait de la ville le lieu de l’accès à la connaissance et au savoir (la trilogie d’Apu, Soumitra Chatterjee dans La Déesse), même si Ray, par la suite, dans sa trilogie de Calcutta, regardera la ville autrement.


À l’issue de la Seconde Guerre mondiale et à l’heure des indépendances à venir, le néoréalisme a constitué un modèle pour les cinéastes dits du tiers-monde qui souhaitaient témoigner de la réalité sociale de leur pays. Ray, lors de son séjour à Londres en 1950, a vu Le Voleur de bicyclette et a dit combien sa vision a été déterminante dans son passage à la réalisation. En même temps, André Bazin a été le premier à discerner autre chose dans le cinéma de Ray lorsqu’il écrit sur Aparajito après avoir vu (et préféré) Pather Panchali : « Le choix des images, leur enchaînement même, est alors moins déterminé par l’importance des événements que par la trace qu’ils ont laissée dans la mémoire de l’enfant qui est le principal héros du récit. » (Cahiers du cinéma, n° 75, octobre 1957) Quiconque a vu Pather Panchali se souvient de la mort de la vieille femme dans la forêt : le bruit sourd et mat de son crâne contre le sol, le bruit du vase en métal, cristallin et léger, qui dévale la pente avant d’échouer dans une flaque d’eau qui voue l’objet au silence, alors que le grincement de bambous se fait entendre, avec pour témoin le visage d’Apu. De même, ce moment inoubliable où le geste de l’enfant se brossant machinalement les dents

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au bord de l’eau est stoppé net par le hurlement en off du père qui vient percuter son visage tout en prononçant le prénom de sa sœur morte. Il y a chez Ray la réalité de ce qui est, la matière des choses et des êtres, et ce qui ne se voit pas (l’air), porteur de tous les sons (paroles, bruits, musique). Son réalisme sensible, soucieux du cheminement sonore et de sa temporalité (là où un son se produit, là où il arrive et rencontre quelqu’un), est la source secrète de sa dramaturgie. Le son chez Ray, dans toutes ces composantes, est ce qui transfigure le réel en une inlassable mélodie de la conscience de l’être au monde. Plus Ray a aimé la matière sonore et plus il a été captivé par la beauté de ces visages affectés par un son sans lever le mystère de la transformation qu’il va opérer en eux. Soit une dramaturgie du sensible (le visage, voir et entendre) et de sa part d’ombre (le monde intérieur du sujet) qui nous disent soudain que quelque chose a été vu et entendu. Une percussion intime (être au monde à travers ce qui est de lui en vous) par lequel le visage est soudain saisi. Visages d’enfant tout d’abord, celui d’Apu, celui qui joue Tagore enfant dans le beau Rabindranath Tagore (1961), la fillette du Directeur de la poste, l’enfant de l’admirable Pikoo (1980). Visage de Soumitra Chatterjee ensuite, par qui l’œuvre ne va cesser d’évoluer et de grandir, visage de Chhabi Biswas (Le Salon de musique, La Déesse). Visages de femmes ensuite, figures essentielles de l’œuvre, magnifiées par la caméra, inoubliables : celui


de Sharmila Tagore, de Madhabi Mukherjee et de Mamata Shankar. Dans l’œuvre de Ray, qui célèbre la grandeur du Bengale sans faire l’impasse sur sa réalité, la retranscription sensible de la complexité du réel est affaire de style, seule source d’une émotion authentique, au plus près de l’être. Plaisir de la surface (un visage, l’eau irisée par le vent qui se lève) et du fugace (un air de musique), tant le cinéma de Ray, à force d’être hanté par la nécessité de grandir (apprendre à vivre) et le caractère inéluctable de la fin de toute chose (la vie), procure un sentiment de plénitude, fruit du bonheur précaire, constamment renouvelé, un sentiment d’éternité. CHARLES TESSON


AFFICHE INDIENNE DE « LA GRANDE VILLE » Dans La Grande Ville, Satyajit Ray bouscule une des valeurs les plus fondamentales de son pays, en imaginant une femme au travail dans le Calcutta des années 60. Son héroïne tente de faire changer les mentalités pour aider son mari à subvenir aux besoins de la famille. Mais cette nouvelle indépendance n’est pas du goût de tous, et du mari en particulier, surtout quand celui-ci trouve

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un tube de rouge à lèvres dans le sac à main de son épouse. Le rouge à lèvres. Objet crucial, mis en valeur sur l’affiche du film par sa couleur éclatante, il est un symbole d’émancipation et de subversion. Sulfureux, il est aussi immanquablement lié à la possibilité, pour celle qui le porte, de rencontrer d’autres hommes. Notre femme moderne réussira finalement à pacifier son couple au prix de sa propre liberté, thème que Ray évoquera les années suivantes dans Charulata et Le Lâche, avec la même actrice, la lumineuse Madhabi Mukherjee.

Type d'objet : Affiche de film Support : Offset - Couleur Année : 1965 Pays : Inde Format : 83 x 56 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE INDIENNE DE «PATHER PANCHALI» Dessinateur de grand talent et inventeur de quatre polices de caractères, dont le Ray Roman et le Ray Bizarre, Satyajit Ray a illustré lui-même ses livres, ainsi que la plupart des affiches et matériel publicitaire de ses films. Pour sa première réalisation, il adapte un classique de la littérature bengalie, Pather Panchali (La Complainte du sentier) de Bibhouti Bhoushan Banerji, pour lequel il avait déjà illustré, en 1943, la réédition

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du roman destinée aux enfants. Pour l’affiche, Ray choisit une image de son film qui met en scène le jeune Apu avec sa sœur et sa mère le préparant avant le départ pour l’école.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset - Couleur Auteur : Satyajit Ray Année : Ca. 1955 Pays : Inde Format : 76 x 51 cm



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LA RITOURNELLE


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VERTIGES ET ENCHANTEMENTS Deux films réalisés entre la France et le Portugal, au début des années 1980, permettent de pénétrer au cœur du cinéma de Raoul Ruiz, au moment où celui-ci prend forme sous ses traits les plus singuliers. Dans Les Trois couronnes du matelot (1982), un marin en escale dans un port de la Baltique raconte son histoire à un étudiant rencontré la nuit sur les quais. Celui-ci devra l’écouter jusqu’au matin, avant de prendre sa place à bord du navire, parmi un équipage dont il sera le seul vivant, et perpétuer ainsi une « histoire immortelle » – un récit prédateur qui l’élit comme victime pour pouvoir advenir une fois de plus. De tels récits, ou plus souvent leurs lambeaux épars, sont la chair de ce cinéma, son « réel ». Pour leur donner forme, Les Trois couronnes du matelot déploie un baroque multi-dimensionnel qui deviendra le

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signe de Ruiz : baroque d’une narration qui se démultiplie, se diffracte et conduit, de glissement en glissement, à un espace insituable du récit ; baroque visuel, par lequel les effets, l’artifice revendiqué, précipitent chaque plan dans la dimension du simulacre total. L’envoûtante dérive somnambulique qu’est La Ville des pirates (1983) réunit dans un rapport incertain, mais sous le sceau d’une splendeur à couper le souffle, une côte battue par les vagues, un enfant assassin à l’innocence enjôleuse (Melvil Poupaud), une servante hallucinée et une île des pirates révélée dans la flaque de sang d’un crime. La chaîne distendue des causalités met le spectateur dans un état de flottement, que les actes sanglants zébrant l’avancée du film parviennent à peine à déranger. Logique du rêve, aberrations, sursauts qui désignent la veine surréaliste de l’œuvre. Raoul Ruiz est né en 1941 à Puerto Montt, dans le Sud du Chili. Sa découverte, enfant, du cinéma tiendrait dans une rêverie : dans Ben-Hur, un avion passe au loin. Plus tard, le même traverse le ciel de Cléopâtre. Le DC-6 éternel devient le chiffre secret du péplum. Ce qu’il traduira plus tard : le sens dernier des images échappe toujours au contrôle de l’industrie qui les crée. À 15 ans, il se met au défi d’écrire cent pièces de théâtre, ce qu’il


fait en six ans. L’anecdote est prémonitoire des 120 films à venir. Au même moment, il étudie le droit et la théologie. En 1968, il réalise Tres tristes tigres, son premier long métrage, qui remporte un Léopard d’or à Locarno. Symbole d’un nouveau cinéma chilien, le film excède son postulat réaliste par des décentrements constants et une bizarrerie diffuse, allant jusqu’à donner l’impression parfois de s’absenter de lui-même. Rien n’annonce encore le cinéma illusionniste à venir, mais les films qui suivent (Nadie dijo nada, La Colonia penal) creusent le sillon des situations paradoxales. Un inimitable ton de farce distanciée y est déjà à l’œuvre. Engagé politiquement aux côtés de Salvador Allende, Ruiz est contraint à l’exil par le coup d’État de septembre 1973. En février, il arrive à Paris. En mars, il tourne Dialogue d’exilés, sorte de film d’intervention qui déroute par son extravagance et son ironie. La suite sera une mue et une accélération. À cette époque, l’INA produit sans beaucoup de contraintes un quota annuel de films destinés à la télévision. Le champ est libre pour tout expérimenter. Ruiz y est plus qu’à son aise et tout son cinéma paraît s’y matérialiser immédiatement. Deux grands directeurs de la photographie (Sacha Vierny et Henri Alekan) échafaudent avec lui les trucages de ses pièges baroques : filtres, fumées, miroirs, déformations, et la double profondeur de champ (split field) qui l’obsèdera longtemps. En découvrant La Vocation suspendue (1977), le premier film de Ruiz pour l’INA, Manette Bertin, la directrice de l’institution, s’exclame : « Mais c’est formidable ! Personne n’y comprendra rien. » Ce que l’on ne tardera pas à comprendre, en revanche, c’est que l’œuvre de Raoul Ruiz, dans sa prolifération, arase hiérarchies et classifications, et prend l’allure d’un long continuum où chaque objet, fait de reprises, imitations secrètes, recyclages, cultive son imperfection poétique, et où les mêmes obsessions reviennent sans cesse, dans toutes les combinaisons possibles. La période INA se prolongera quelque temps, mais Ruiz l’ubiquitaire est déjà souvent ailleurs. Au Portugal, il filme Le Territoire (1981), récit d’une excursion glissant dans le cannibalisme. En Hollande, la Patagonie rêvée du Toit de la baleine (Het Dak van de Walvis, 1982), fable ethnographique où langues et identités se brouillent jusqu’à s’anéantir au contact du monde indigène. À Madère, Les Destins de Manoel (1985), conte fantastique en état d’enfance, l’un de ses plus beaux films. Un film qu’il réalisa au Honduras en 1975 s’intitulait Le Corps dispersé


et le monde à l’envers. De corps dispersés, il est quelquefois question dans son cinéma (Colloque de chiens, 1977, chef-d’œuvre de récit circulaire borgésien), mais plus souvent encore la matière humaine y est mutilée, dégradée, parasitée, mangée, dans une indifférence insistante : démonstration, sans doute, que le cinéma est affaire de fantômes (qui peuvent bien se le permettre) pris dans la chair de l’image. Et qu’un film peut devenir pour les vivants une allégorie en boucle de la réalité – comme il le sera pour le projectionniste candide de La Chouette aveugle (1987) et les adorateurs du Film à venir (1997). À partir de Trois vies et une seule mort (1996), son cinéma se transforme. Moins énigmatique, plus littéral, plus « français » en un sens. On y trouve une relecture de tout ce qui précède en même temps qu’une exploration joueuse des virtualités de la narration : scintillements de la mémoire du Temps retrouvé (1999), vertiges combinatoires de Combat d’amour en songe (2000), méandres feuilletonnesques de Mystères de Lisbonne (2010). Vient aussi le temps, des années 2000 jusqu’à sa mort

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en 2011, d’un retour au Chili sous les noms d’un pays de mythe, « Cofralandes » ou « Recta provincia », un Chili de l’enfance, peuplé désormais de vieillards à la mémoire interminable. Dans sa Poétique du cinéma, essai de théorie et fenêtre ouverte sur son érudition tentaculaire et joyeuse, Raoul Ruiz met en garde contre la tentation d’un cinéma d’« images utopiques », images de nulle part, univoques, vouées à la communication. Lui en appelle aux miroitements de la polysémie et aux mirages qui s’entredévorent. « Bon courage à celui qui veut être ruizien », prévient Melvil Poupaud. On aimerait quand même essayer. NICOLAS LE THIERRY D’ENNEQUIN

UN CHILIEN SANS



AFFICHE FRANÇAISE DE « BOB ROBERTS » En 1992, Tim Robbins incarne Bob Roberts, dans le film comme sur cette affiche qui en résume en quelques points tout le propos : la guitare pour le folk et la bannière étoilée pour seul habit, dans laquelle il s’enroule, mégalomane et insolent à la fois. Mais aussi le socle sur lequel il pose, évoquant une future statue érigée à son effigie, et les rêves de grandeur symbolisés par le ciel en point de mire de ce jeune requin ambitieux. Car Bob Roberts, chanteur folk richissime et extrêmement populaire, se

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lance dans une campagne électorale pour accéder au Sénat. Pour l’occasion, l’acteur est aussi passé derrière la caméra. Il a choisi de dépeindre avec un humour vitriolé la vie politique de son pays, la montée d’une droite extrême et ses déferlements médiatiques. Tim Robbins, célèbre pour ses prises de positions engagées, écorne au passage tout un pan de la société américaine,

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset - couleur Auteur : Pascal Lemoine Pays : France Format : 160x120 Crédits : © Pascal Lemoine

capitaliste et libérale. À noter : l’accroche d’origine Vote First. Ask Question Later est devenue en France un simple Votez, à l’efficacité de tract électoral.



AFFICHE FRANÇAISE DE « BULWORTH » Cette affichette, produite à l’occasion de la sortie du film en France au printemps 2000, reprend le visuel de l’affiche originale : un dessin de Warren Beatty, réalisateur et acteur principal du film, occupe tout l’espace. De la bouche du sénateur installé, au look classique de sage politicien, émerge son double déguisé en rappeur. Tenue et gestuelle caractéristiques, il s’agit là d’une métaphore appuyée : Jay Bulworth, en plein burn out, abandonne la langue de bois et déclame désormais ses discours en version rap. Il s’imprègne de

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culture hip hop et relance ainsi une campagne électorale qui battait de l’aile…

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset - couleur Année : 2000 Pays : France Format : 54x60 cm Crédits : Droits Réservés



AFFICHE FRANÇAISE DE « FANTASIA » Sorti à l’automne 1940 aux États-Unis, Fantasia est le troisième long métrage de Walt Disney, après Blanche-Neige et les sept nains et Pinocchio. Film expérimental, quasiment sans dialogue, il comporte huit séquences musicales, interprétées par l’orchestre de Philadelphie. Véritables variations sur des images animées, elles sont destinées à établir un lien entre musique et cinéma. Outre la qualité de l’image en Technicolor, c’est surtout dans l’expérimentation sonore que réside l’intérêt du film. Car pour l’occasion, les ingénieurs de la Walt Disney Company créent en 1939

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le système stéréophonique « Fantasound » et recevront un Oscar pour leur contribution à la promotion de l’utilisation du son dans les films. Fantasia est ainsi le premier film commercial avec plusieurs pistes sonores sorti sur les écrans, ce qui constitue alors une vraie prouesse technologique. Malheureusement, le coût des équipements, la spécificité des installations et les difficultés liées à la guerre stoppent net la carrière du film dans les salles, après une brève tournée des grandes villes américaines. Walt Disney autorise malgré tout la RKO à distribuer le film, mais sa diffusion se fera uniquement en son mono, jusqu’à sa restauration en 1956, pour sa première réédition américaine. Cette affichette française n’est pas datée, mais elle a vraisemblablement été conçue pour la ressortie du film dans l’Hexagone en 1967. Quelques personnages dessinés évoquent l’univers de Disney, et l’emblématique Mickey Mouse, chef d’orchestre-apprenti sorcier du segment consacré à Paul Dukas, pointe du doigt la nouveauté : le film ressort enfin en « stéréo totale ». Les œuvres de Bach, Schubert, Stravinsky et consorts dont les noms encadrent l’affiche vont enfin pouvoir être entendues dans des conditions optimales…

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset - couleur Pays : France Format : 60x40 cm Crédits : Droits Réservés



AFFICHE FRANÇAISE DE « NOBLESSE OBLIGE » Sorti en juin 1949 au Royaume-Uni, Noblesse oblige (Kind Hearts and Coronets) de Robert Hamer est une des premières comédies noires qui ont fait le succès des studios Ealing. L’affiche originale anglaise annonçait : « A Hilarious study in the gentle art of murder » en mettant en avant les deux personnages féminins et reléguant l’interprète principal derrière les barreaux. L’année suivante, en France, la promotion du film se concentre sur la

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performance d’acteur d’Alec Guinness qui interprète à lui seul les huit membres de la famille d’Ascoyne, décimés les uns après les autres par un parent éloigné qui brigue le titre de Duc d’Ascoyne. L’acteur lui même s’est lancé le défi en proposant d’incarner plus de personnages qu’initialement prévu dans ce film qui exploite justement un casting tout en jeu de rôles. Dennis Price, qui campe le personnage du tueur en série, apparaît aussi dans le rôle de son propre père. Mais Alec Guinness, cité en quatrième et dernière position dans la distribution, demeure malgré tout le seul acteur représenté sur cette affiche signée Jean Mascii, réalisée pour la ressortie de Noblesse oblige en 1960. Chacun de ses personnages est illustré par une sordide coupure


de presse, dans une composition proche de l’arbre généalogique où trône le titre en forme d’armoiries. Adepte de la métamorphose de film en film, Alec Guinness vient de renouveler l’expérience du rôle multiple en 1957 dans Il était un petit navire (Barnacle Bill, Charles Frend) où il joue un capitaine et ses six ancêtres marins. Auteur d’affiches de films réédités ou sortant en première exclusivité, Jean Mascii a débuté sa carrière d’affichiste à la fin des années quarante. Autodidacte au talent rapidement reconnu et réputé pour exceller dans l’art du portrait, il travaille à son propre compte à partir de 1955, notamment pour des distributions Rank, Warner Bros, Columbia ou Cocinor. Cette affiche reste atypique dans l’oeuvre de Jean Mascii, qui a très peu pratiqué le photomontage au cours d’une carrière qui s’étend pourtant jusqu’aux années quatre-vingt. La Cinémathèque conserve plus de 300 affiches créées par l’auteur.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset Auteur : Jean Mascii Année : 1960 Pays : France Format : 160 x 120 cm Crédits : Jean Mascii © ADAGP, 2016


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AFFICHE DE « L’HYPOTHÈSE DU TABLEAU VOLÉ » Affiche rare et peu connue, non signée et datant de 1978, de L’Hypothèse du tableau volé, de Raoul Ruiz. Extrêmement dépouillée, bordée de noir et figurant elle-même un tableau encadré, avec pour seul dessin un puzzle incomplet symbole de l’énigme du film, son austérité illustre parfaitement les premiers mots du

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collectionneur, personnage central du film : « Aucun accessoire sinistre n’ajoute une signification banale ».

Type d’objet : Affiche de film Support : Sérigraphie, couleur Année : 1978 Pays : France Format : 77x57 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE D’ « AMOUGIES – EUROPEAN MUSIC REVOLUTION » Organisé par Actuel et les disques Byg, le festival d’Amougies a lieu en octobre 1969, deux mois après celui de Woodstock. La perspective de ce premier festival pop français et du grand rassemblement hippie qui s’annonce est des plus mal vues. D’abord prévu au parc de SaintCloud puis sur la pelouse de Reuilly à Paris, comme en témoignent plusieurs variantes d’affiches annonçant l’évènement, le ministère de l’intérieur finit par l’interdire sur le territoire français. Il se déroule finalement du 24 au 28 octobre dans le village belge d’Amougies, près

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de la frontière française avec une météo digne de celle de Woodstock. Moins folk et plus free jazz, le festival accueille 300 musiciens le temps de 60 heures de concerts, introduits par Pierre Lattès (présentateur de l’émission Bouton rouge) et Frank Zappa qui s’invite sur scène avec une dizaine de musiciens, dont Archie Shepp et Pink Floyd. Initialement baptisé « Festival Actuel Pop & Free », ce festival de cinq jours est resté dans les mémoires comme celui d’Amougies, ainsi que le désigne déjà le film qui lui est consacré. L’évènement est couvert par Jérôme Laperrousaz qui interrompt le montage de ses premières images de Continental Circus pour venir filmer le festival avec JeanNoël Roy. Deux films sont réalisés : Amougies – Music Power et Amougies – European Music Revolution, annoncés comme « deux films libres sur un festival interdit ! », désormais qualifié de « premier festival pop européen ». Programmés au printemps 1970 dans quelques salles parisiennes, à Lausanne et en Belgique, les deux volets d’Amougies sont rapidement retirés du circuit suite à une plainte de Pink Floyd, les droits n’ayant pas été négociés avec les musiciens… La distribution éphémère du film devenu presque invisible fait de cette affiche française un document rare.

Type d’objet : Affiche Support : Offset – Coul. Année : 1970 Pays : France Format : 159.20 x 59.50 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE HONGROISE DE « YELLOW SUBMARINE » Yellow Submarine est le dernier des trois longs métrages que les Beatles se sont engagés à tourner en 1963, approchés par United Artists qui assure la distribution des films aux États-Unis. Lassés de jouer aux Beatles sur grand écran, après deux quasi documentaires signés Richard Lester – Hard day’s night (Quatre Garçons dans le vent, 1964) et Help ! (Au secours !, 1965) – les quatre de Liverpool ne rechignent pas devant le projet de film d’animation qui voit le jour en 1967, pour achever d’honorer leur contrat.

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Yellow Submarine est initié par Al Brodax, le producteur de la série télévisée The Beatles Cartoons, diffusée sur ABC aux ÉtatsUnis entre 1965 et 1969 où le groupe, rentré dans sa période psychédélique, apparaît déjà sous forme de caricatures dessinées. Situé dans la contrée enchantée de Pepperland, Le Sous-marin jaune est réalisé en 1968 par George Dunning, canadien également présent au générique de la série animée. Doublés par d’autres acteurs, les Fab Four n’apparaissent en chair et en os que dans la scène finale du film. La B.O. de Yellow Submarine sort en janvier 1969, près de sept mois après le film, distribué en juillet 1968 dans les salles britanniques. Ce dixième album studio du groupe déçoit, avec ses treize morceaux, dont seulement quatre inédits des Beatles et sept instrumentaux sur la face B composés par George Martin. Cette affichette du film, sorti en Hongrie en août 1970 sous le titre Sárga tengeralattjáró, traduction littérale du Sous-marin jaune, reprend le graphisme psyché – pop très coloré du dessin animé, présent sur l’affiche originale signée Peter Max. La promotion

Type d’objet : Affiche Support : Offset – Coul Année : c. 1970 Pays : Hongrie Format : 60x40 cm Crédits : Droits réservés


hongroise met en avant la coproduction anglo - américaine et les dessins réalisés sous la direction artistique du tchécoslovaque Heinz Edelmann, retenu parmi les graphistes pop alors en vogue à Londres.


AFFICHE FRANÇAISE DE « BARRY LYNDON » Affiche offset en couleurs de Barry Lyndon, réalisé en 1975 par Stanley Kubrick. Elle est signée par Guy Jouineau et Guy Bourduge, célèbre tandem dont les noms apparaissent dans le cadre noir du dessin. Les dessinateurs ont volontairement opté pour la sobriété, répondant aux désirs de Kubrick qui ne voulait qu’aucune information ou image ne filtre avant la sortie du film. La typographie est légèrement travaillée, rappel discret de l’époque et de l’atmosphère du film, et les quatre oscars obtenus à Hollywood avant la sortie en France sont mentionnés en accroche.

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La force de l’affiche est de parvenir à résumer en une image dépouillée la narration d’un film de près de trois heures. Les bottes symbolisent l’aristocratie, le pistolet représente les duels du film, et le destin brisé du héros se retrouve dans la rose qu’il piétine, le pétale qui s’en détache évoquant une goutte de sang. L’économie des couleurs – le noir pour la tragédie, et le rouge pour le sang et la passion – ajoute une force indiscutable à l’affiche devenue l’un des emblèmes du film. Stanley Kubrick adorait cette affiche de Barry Lyndon, et la préférait de loin à sa version américaine.

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Auteur : Guy Jouineau, Guy Bourduge Année : 1975 Pays : France Format : 167x128 cm Crédits : © Guy Jouineau, Guy Bourduge



AFFICHE FRANÇAISE D’« EVA » Sorti en France en octobre 1962, Eva de Joseph Losey est adapté du roman noir de l’anglais James Hadley Chase. Jeanne Moreau tient le rôle-titre. Égérie de la Nouvelle Vague toute auréolée du succès de Jules et Jim (sorti en janvier 1962), elle concentre tous les regards. Choix alors rare pour une affiche, l’actrice apparaît seule, éclipsant Stanley Baker, fidèle de Losey, et Virna Lisi dont la carrière s’apprête à décoller hors d’Italie. L’exceptionnelle sobriété de l’affiche met d’autant plus en valeur l’actrice, émergeant d’un drap blanc sur fond blanc. L’œil noir et la moue boudeuse qui fascinent la critique depuis Ascenseur pour l’échafaud (Louis Malle, 1957) suffisent à

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laisser planer le mystère autour du personnage de femme fatale. L’affiche n’est pas signée par un illustrateur mais porte la mention « Publicité J. Fourastié », agence publicitaire montée par l’ancien affichiste Jacques Fourastié.

Type d’objet : Affiche Support : Offset couleur Année : 1962 Pays : France Format : 80x60 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE POLONAISE DE « NEW YORK, NEW YORK » Cette affiche polonaise pour la promotion de New York, New York (Martin Scorsese, 1977) est signée Jan Mlodozeniec. Maître de l’affiche polonaise plusieurs fois primé, peintre et illustrateur, il est l’auteur de plus de 400 affiches pour le cinéma et le théâtre. Jan Mlodozeniec s’inspire ici librement de l’affiche originale américaine dans le style naïf qui le caractérise. Il revisite ainsi dans des proportions étonnantes la photographie choisie pour la publicité

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du film de Scorsese aux États-Unis – sur laquelle Liza Minnelli et Robert De Niro se font face, de profil, en plein numéro musical. Déployé en gros plan sur les trois quarts de l’affiche, le personnage de Liza Minnelli (dont le nom ne prend qu’un « N » en Pologne) contraste avec celui minuscule de Robert De Niro au saxophone. Costumes et accessoires sont également revus et corrigés tout en couleurs vives. Un large trait noir souligne les contours du dessin gentiment caricatural, en harmonie avec la typographie toujours soignée et lisible de Jan Mlodozeniec. L’encart réservé aux mentions écrites, présenté dans le prolongement d’un groupe de buildings à la manière d’une bulle de bande-dessinée, fait le lien entre la chanson qui donne son nom au film et l’héroïne qui va réussir à conquérir le public avec ce titre. En bas de l’affiche, un couple de danseurs place encore New York, New York dans le genre musical. Leur silhouette – inspirée des danseurs vus dans le plan qui conclut la soirée de rencontre des personnages principaux et l’échec de l’opiniâtre tentative de séduction – est représentée de façon plus réaliste. Jan Mlodozenieca change toutefois la casquette de marin de l’homme en chapeau de type Stetson, peut-être pour en faire une image iconique encore plus représentative de l’Amérique…

Type d’objet : Affiche Support : Offset, couleur Auteur : Jan Mlodozeniec Pays : Pologne Format : 96x67 cm Crédits : Jan Mlodozeniec © Jan Mlodozeniec



AFFICHE CUBAINE D’ « UN NOMMÉ CABLE HOGUE » Affiche cubaine en sérigraphie, datant de 1973, signée par Eduardo Muñoz Bachs. Bachs est l’un des grands noms de l’affiche cubaine, reconnu par ses pairs, et lauréat de nombreux prix. Il travaille dans un style sobre et parfois humoristique, qui va à l’essentiel en respectant le sujet du film. Ici le western et le grand Ouest sont figurés par la tête de buffle accrochée façon enseigne de saloon. Bachs l’a dessinée sur fond noir et

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de manière macabre, en écho au destin du chercheur d’or malchanceux, héros du film. Le pistolet qui émerge d’une orbite évoque les combats et les scènes de violence qui émaillent le film.

Type d’objet : Affiche Support : Sérigraphie couleur Auteur : Eduardo Bachs Année : 1973 Pays : Cuba Format : 77x51 cm Crédits : Eduardo Bachs



AFFICHE DU « VOYAGE FANTASTIQUE » Affiche du Voyage fantastique, film de science-fiction teinté d’espionnage, emblématique des années 1960. Il s’agit d’un format carré, plutôt rare par sa taille et bien moins utilisé notamment que les one-sheets ou half-sheets traditionnels. Selon les usages américains, tout ce qui concerne la promotion d’un film passe par les décisionnaires du studio, et les affiches ne sont pas signées, même en France lorsqu’elles sont adaptées et redessinées par des professionnels. Une accroche simple, mais efficace, est apposée au titre, sobrement typographié, et le générique est inscrit de façon

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classique, accompagné d’un discret logo de la Fox. Le ton général évoque une couverture de livre de science-fiction – Le Voyage fantastique fera d’ailleurs l’objet d’une novélisation par Isaac Asimov, maître du genre. Le dessin de l’œil, repris sur d’autres déclinaisons de l’affiche, figure astucieusement le climax du film, et la rivalité américano-soviétique au départ de l’intrigue. Sur un fond rouge qui rappelle la couleur du sang et les artères du corps humain que parcourent les aventuriers du film, trois photos sont superposées. Ces visuels insistent sur le caractère futuriste et mystérieux du fameux voyage, sur l’aspect plastique particulièrement soigné du film, livrant un aperçu des décors très ancrés dans le kitsch de la SF des années 1960.

Type d’objet : Affiche Support : Offset, couleur Année : 1966 Pays : États-Unis Format : 209x214 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE FRANÇAISE DU « MAGICIEN D’OZ » Affiche française en half-sheet, au format calqué sur le format américain, vraisemblablement à la demande de la MGM. On peut discerner l’influence américaine dans son élaboration : une accroche qui vante les couleurs du film – c’est d’ailleurs l’un des premiers gros succès publics du Technicolor – et un dessin non signé pour obéir aux codes des studios américains. Le logo de la Major est placé en bas à droite de façon classique, et l’imprimerie Gaillard, société française célèbre et très prolifique, est également mentionnée. Les principaux protagonistes, la jeune Dorothy et ses compagnons

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de route, sont représentés deux fois, en photo et par un dessin ; les personnages et objets emblématiques de l’histoire sont bien présents, et le rond central, qui évoque la terre et le voyage, reproduit une scène du film en insistant sur son aspect magique. La typographie du titre reprend celle de l’affiche originale, dans un carton sobre où figurent la partie principale du casting et le réalisateur. L’affiche est très colorée, à l’instar du film, foisonnante de détails tels les illustrations de livres pour enfants en vogue à l’époque. Son format et sa composition en font un objet assez rare.

Type d’objet : Affiche Support : Offset, couleur Pays : France Format : 34x24 cm Crédits : Droits réservés



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SANS ESPOIR


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MARTIN SCORSESE, LE MAÎTRE CINÉPHILE Martin Scorsese jouit d’une réputation toute particulière en France, parmi les cinéphiles comme auprès du grand public. On connaît son visage, intelligent, vif, rapide dans l’élocution, on sait aussi qu’il est un directeur d’acteur hors pair. La relation qu’il entretient depuis ses débuts avec Robert De Niro et Harvey Keitel, ou plus récemment avec Leonardo DiCaprio, pour ne citer que trois noms d’acteurs incroyablement prestigieux, constitue un élément essentiel qui fonde la mythologie du cinéaste en France et dans le monde entier. Scorsese entretient avec ses «

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doubles » des relations d’une incroyable fidélité, fécondité. Au sein de la génération dite du « Nouvel Hollywood », Scorsese tient toute sa part aux côtés de Spielberg, Lucas, Coppola, Friedkin, De Palma, pour ne citer que ces noms. Mais il y a quelque chose en plus, chez lui, une cinéphilie exacerbée, débordante, boulimique, dont il se nourrit et qui nourrit ses films et le pousse à faire, à intervalles réguliers, des incursions dans le cinéma documentaire sous la forme de « Voyage à travers le cinéma », qu’il soit américain ou italien. Il connaît d’ailleurs tout aussi bien le cinéma français, classique et de la Nouvelle Vague, dont il est un admirateur éloquent. Scorsese a très vite pris conscience que sa cinéphilie (la nôtre aussi) se trouvait en danger, à l’orée des années quatre-vingt. Avant d’autres, il a pris conscience de la détérioration inéluctable des films et des négatifs, des pellicules couleur, et lancé un cri d’alerte au monde entier, en prenant à témoin les industriels du cinéma, afin d’empêcher le naufrage du patrimoine cinématographique. Il l’a fait en toute sincérité, en toute lucidité, pour préserver du même coup sa propre cinéphilie, ses propres trésors accumulés dans sa cinémathèque intime et privée. Ce geste, qui s’est traduit par la création de la Film Foundation, a reçu un écho considérable et mobilisé archivistes et cinémathécaires, responsables de collections au sein des studios, ayants droit,


programmateurs de festivals, mécènes privés, responsables politiques (en France, c’était au temps des « années Lang »), bref, tous ceux qui se préoccupent de la mémoire du cinéma. Cette « cause » lui colle à la peau et en a fait un cinéaste plus que d’autres soucieux, curieux, des films des autres, aussi bien anciens que contemporains. Il n’est pas un documentaire sur le cinéma, américain, anglais, italien ou français, sans que Scorsese n’y contribue par des hommages inspirés à des figures admirées (Rossellini, Hitchcock, Kazan, Truffaut, parmi d’autres). Il y a évidemment beaucoup d’autres choses à dire sur Martin Scorsese, cinéaste new-yorkais, profondément new-yorkais. Il a bien sûr tourné ailleurs que dans sa ville natale, dans d’autres villes des États-Unis, et ailleurs, mais il y revient sans cesse car la ville nourrit son imaginaire. Les thèmes de l’adolescence sont souvent présents dans son œuvre et renvoient au quartier de son enfance, « Little Italy », là où il a grandi au sein d’une famille aimante et omniprésente. Scorsese s’est tellement « nourri » de ses parents qu’il les a filmés, conviés dans certains de ses films comme des figures incarnant d’une certaine manière l’intégration culturelle (réussie) des émigrés italiens arrivés par bateau au début du XXe siècle. Cette relation d’amour est importante car elle fonde l’imaginaire familial du cinéaste dans sa double appartenance : italienne – et plus particulièrement sicilienne – et américaine. Chez Scorsese, l’univers de la rue, la vie des gangs, la violence urbaine, la tradition familiale italo-américaine, y compris sous son aspect « clanique », avec sa geste et son langage, se mêlent à l’apprentissage universitaire, à l’éducation via des études cinématographiques qui lui ont fait découvrir l’histoire du cinéma. Scorsese appartient aussi à une génération qui a découvert le cinéma hollywoodien classique sur le petit écran en noir et blanc de la télévision familiale. La question du support des films compte moins que l’appétit de les découvrir, coûte que coûte. Ainsi, le « cru » et le « cuit » se mêlent dans ses films et dans sa vision du cinéma et du monde, comme chez aucun autre cinéaste de sa génération. Moderne par la forme du récit et l’écriture, le sens de l’action et de la mise à distance, Scorsese est un cinéaste hanté par les figures du cinéma classique. C’est au fond ce que nous aimons le plus chez lui : une dimension sauvage et violente, osons dire primitive, coexistant avec une aptitude à la transcendance, à l’élévation de l’âme et au sens du sacré. Un des thèmes forts de son œuvre, c’est la fratrie, l’alliance entre frères, issus de la même mère, ou s’étant liés par le lien du sang, mais


une alliance toujours minée par la trahison, le parjure, l’aliénation à autre chose venant gangréner la promesse initiale. Ce peut être la drogue, l’argent, et bien sûr le sexe. Il y a, depuis Mean Streets (1973), un fil conducteur, narratif, qui égraine immanquablement ces trois thèmes que sont le sexe, l’argent et la drogue, en tant que l’un ou l’autre, l’un et l’autre, parfois même les trois, dévient le héros « scorsésien » de son chemin, l’amènent à trahir ou à manquer de loyauté envers son prochain. Le modèle de la faute et du rachat, de la culpabilité et de l’expiation, traverse des films aussi impressionnants que Raging Bull, La Dernière tentation du Christ, Les Affranchis, Les Infiltrés ou bien sûr Casino. La fraternité trahie, qui se termine dans un bain de sang, est une des allégories du cinéma de Scorsese, un motif sur lequel il brode, de film en film, en poussant jusqu’au martyre (la fin de Joe Pesci dans Casino, pour ne citer que cet exemple). La relation amoureuse, thème qui n’est pas vraiment au centre de son œuvre, en est elle aussi pervertie, abîmée, désagrégée, quand l’homme ou la femme (la femme dans Casino, rôle admirable tenu par Sharon Stone) est lentement mais surement détruit de

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l’intérieur par le fléau qu’est la drogue et/ou l’appât du gain. Il y a dans l’œuvre de Scorsese une vitesse proprement hallucinante du récit, qui redouble un sens inné de l’espace, l’un ne va pas sans l’autre. Les personnages se meuvent à une vitesse foudroyante, comme s’ils voulaient rattraper la voix off qui les guide et les surplombe, à la fois leur voix intime, celle de leur conscience et de leur cheminement chaotique vers leur destinée tragique, mêlée à celle du metteur en scène qui les filme et les regarde sans jamais les juger. C’est le point le plus caractéristique du cinéma de Scorsese, cette vitesse du récit, cette manière de mettre les personnages sur une sorte de « grand huit » qui les précipite vers leur fin tragique. Plaisir du vertige, jouissance de la vitesse, mise à l’épreuve du Temps. Scorsese a souvent du génie lorsqu’il parvient à faire coexister, dans ses films, l’espace réel des personnages et l’espace mental, en proie à une sorte de descente aux enfers incontrôlable et frénétique sur laquelle ils n’ont plus prise. Revoir son dernier film, très réussi, Le Loup de Wall Street. J’ai toujours pensé que le talent qu’avait Scorsese pour utiliser la voix off comme une sorte de ruban de mots et de phrases, énoncée à la vitesse d’une mitraillette, s’inspirait de celle de certains films de François Truffaut – je pense en particulier à la voix off de Jules et Jim. Peu importe que le spectateur en comprenne tout le sens, l’essentiel


est de donner un coup d’accélérateur au récit, d’insuffler du vertige, qui prouve que la vie va vite, que la mort n’est jamais loin, que le cinéma est un art de la vitesse. Mon film préféré de Scorsese est celui où la voix off est omniprésente et confère au récit une profondeur romanesque absolue – je parle du Temps de l’innocence. Le temps et l’espace s’y conjuguent avec une harmonie et une splendide mélancolie, une tristesse infinie. Sans aucun doute, j’inscrirai ce film à tout jamais dans ma liste des dix meilleurs de l’histoire du cinéma. Pour finir, j’aimerais dire combien la Cinémathèque française est fière d’accueillir une grande exposition consacrée à Martin Scorsese, conçue par nos amis de la Deutsche Kinemathek à Berlin. Retravaillée, avec la complicité de Kristina Jaspers et Nils Warnecke, les deux commissaires, par Mathieu Orléan, accompagnée d’une rétrospective complète de l’œuvre du cinéaste et d’un catalogue fourni et documenté, incluant un entretien avec Scorsese et certains de ses proches collaborateurs (Thelma Schoonmaker, Michael Ballhaus, Sandy Powell et la photographe Brigitte Lacombe), nous sommes heureux à l’idée que Martin Scorsese revienne rue de Bercy, dix ans tout juste après y être venu lors de l’inauguration du bâtiment de Frank Gehry. Il avait dit, sur la scène de la toute neuve salle Henri Langlois, remplie d’amis et de cinéphiles, juste avant la projection du film de Jean Renoir Le Fleuve, restauré par la Film Foundation : « I can’t tell you how happy I am to be here tonight, to help you celebrate the inauguration of the magnificent new Cinémathèque française on rue de Bercy. Filmmakers from all over the world know this place, even if they’ve never been here. This is our spiritual home. » (« Je ne peux vous dire à quel point je suis heureux d’être ici, pour l’inauguration de cette magnifique nouvelle Cinémathèque, rue de Bercy. Les réalisateurs du monde entier connaissent cet endroit même s’ils n’y sont jamais venus. C’est notre demeure spirituelle. ») Welcome home, Mr. Martin Scorsese! SERGE TOUBIANA


AUX MARCHES DU POUVOIR « Personne au monde ne comprend comment l’Amérique vote », commente un ami de Nicholas Ray lorsque celui-ci, avec l’équipe de John Houseman, supervise un court film destiné à expliquer à l’étranger le système électoral des États-Unis (Tuesday in November, 1945). Une comédie de 1932, The Phantom President (Norman Taurog), montre, peut-être pour la première fois, un candidat falot (assez pour être remplacé par un sosie) mené par le bout du nez par son équipe de campagne. Mais le pas de deux entre la politique et le cinéma – miroir déformant dans lequel il faut regarder les arrière-plans – remonte aux origines, à Edison et à la présidence de McKinley, le premier faisant son profit de la guerre à Cuba et de l’assassinat du second en 1901.

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Pendant longtemps, la fonction présidentielle a surtout été vue comme la possibilité de rendre la justice contre les lois, aspiration qui court tout au long de l’histoire du cinéma américain. L’admiration durable des États-Unis pour Mussolini imprègne les films de La Cava (Gabriel Over the White House) ou Garnett (Okay America) et aboutit, couronnement et conclusion, au Meet John Doe de Frank Capra (1941). Edward Arnold avec ses milices privées et un Gary Cooper christique avec ses armées de « petits hommes » sont tellement semblables que Capra n’arrive pas à terminer le plus complexe de ses films politiques avant d’en avoir tourné cinq fins différentes. Cette fascination épouvantée pour l’homme providentiel se poursuit par-delà la guerre, avec par exemple les deux films consacrés à Huey Long, populiste gouverneur de la Louisiane assassiné en 1935 : All the King’s Men de Robert Rossen et A Lion Is in the Streets de Raoul Walsh. Le second se concentre sur la folie de son héros, en qui James Cagney réincarne le gangster mégalomane Cody Jarrett de White Heat. Pourtant, une nouvelle configuration se dessine. La vie publique prend un rythme différent, conditionné par la télévision, la publicité, les sondages. Politique et cinéma se croisent. William Wellman et l’acteur Robert Montgomery travaillent avec Eisenhower. Nixon sauve une première fois sa carrière avec son « Checkers speech » télévisé,


éternellement raillé. Le temps où tous se connaissaient et pouvaient regarder leur adversaire dans les yeux est passé. John Ford, en postscriptum à une campagne existant encore dans la possibilité d’une démocratie directe (The Sun Shines Bright), fait son deuil d’un monde qui disparaît avec la prise de pouvoir par les médias (The Last Hurrah). Après son antihéros Nixon, cette mutation trouve son héros : un millionnaire, ancien combattant, jeune, aimé des caméras. John F. Kennedy incarne un renouveau de génération et d’enthousiasme plus que de politique. C’est un homme de presse, Robert Drew, rédacteur à Time-Life, qui fait passer le reportage dans le cinéma. Pour suivre le candidat à son rythme, presque à son contact physique, il lui faut inventer une caméra sonore et synchrone, dont on voit les débuts dans Primary (1960). Une proximité qui n’existera plus jamais après l’assassinat de JFK. Les deux premières fictions de la « génération Kennedy » doivent autant à des proches du président qu’à leur réalisateurs, venus de la télévision : pour The Best Man (Schaffner, 1964), versant institutionnel, à l’écrivainscénariste Gore Vidal, dont la dramaturgie exemplaire, servie par le lincolnien Henry Fonda, n’aura besoin que de quelques ajustements pour servir à des générations de films « de campagne », jusqu’à The Ides of March (George Clooney, 2011 : soupçon d’homosexualité ici, suicide d’une bénévole là). Versant paranoïaque, l’extra-ordinaire The Manchurian Candidate (Frankenheimer, 1962) doit beaucoup à Frank Sinatra. Après ce film, il sera difficile d’envisager le drame de l’élection sans complot ni attentat : dans Bulworth, Warren Beatty se plaque au sol à la moindre détonation de moteur. Qui ne s’est pas moqué de Nixon, de John Ford (The Last Hurrah) à Elia Kazan (A Face in the Crowd), Emile De Antonio (Millhouse: A White Comedy), Nicholas Ray (We Can’t Go Home Again) et Robert Aldrich (The Longest Yard) ? Presque tous voyaient dans son arrivée au pouvoir la menace d’un nouveau fascisme. Politicien intelligent, retors mais non extrémiste, Nixon n’a pas amené le fascisme, mais un éloignement entre la politique politicienne et la population. Devant des élections décisives, comme le dit le titre initial de Bulworth, « le peuple est indifférent ». On sait que le cinéma américain tire sa force de sa capacité à donner corps à une critique de la société, pour conclure que celle-ci a la force de créer les anticorps à ses maux. À l’inverse du trio Bob Roberts (Tim Robbins, 1992), Des hommes d’influence (Barry Levinson, 1997), Primary Colors (Mike Nichols, 1998), qui appellent à amender le système,


AFFICHE DE « MEAN STREETS » L’affiche originale américaine « one sheet » de Mean streets, film de la première collaboration entre Martin Scorsese et Robert De Niro, est réputée pour son graphisme efficace. Un revolver encore fumant pointe vers le haut, tel un building dans la « skyline » de New York. La violence fait partie intégrante de la ville au même titre que d’autres attributs qui la caractérisent : réservoir d’eau, fenêtres, escaliers de secours… A travers les rues de Little Italy, Scorsese raconte l’histoire d’un quartier et de ses voyous, ses macs et

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ses paumés. C’est la deuxième fois qu’il tourne à New York, sa ville natale, qui deviendra le décor de la plupart de ses films. « Quand on fait un film à New York, on obtient plus que ce que l’on demande ».

Type d’objet : Affiche Support : Offset, couleur Année : 1973 Pays : États-Unis Format : 104x69 cm Crédits : Droits réservés



AFFICHE POLONAISE DE « TAXI DRIVER » L’affiche polonaise de Taxi driver est signée Andrzej Klimowski, graphiste connu notamment pour ses illustrations de couvertures de nombreux romans et magazines. Né à Londres de parents polonais en 1949, il suit un enseignement artistique entre l’Angleterre et la Pologne. Fortement influencé par les mouvements surréalistes, dada et par « l’école polonaise », il pratique le collage et le photo-montage en développant son propre style. Visages (souvent de profil), yeux (inquiétants), mains (disproportionnées), torses (souvent nus) reviennent comme

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une obsession dans l’œuvre de Klimowski. En témoignent les dix-huit affiches conservées à la Cinémathèque de films polonais (Jerzy Kawalerowicz), américains (Jim Jarmusch), français (Costa-Gavras) ou bien encore l’affiche de Cría cuervos de Carlos Saura.

Type d’objet : Affiche Support : Offset, couleur Auteur : Andrzej Klimowski Année : 1978 Pays : Pologne Format : 97x 67cm Crédits : Andrzej Klimowski



AFFICHE AMÉRICAINE DE « TAXI DRIVER » Le graphiste Martin Ansin a revisité l’affiche originale de Taxi Driver à l’occasion de deux projections spéciales de la restauration 4K du film en mars 2013 à l’Alamo Drafthouse Ritz, dans la ville d’Austin au Texas. Autorisée et approuvée par Robert De Niro et Martin Scorsese, cette sérigraphie – imprimée en nombre limité et numérotée – a été éditée par Mondo. L’éditeur américain, également situé à Austin, est connu pour ses affiches réinventant grands classiques et films cultes, auxquelles contribuent de nombreux artistes et collectifs du monde entier.

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Lui-même auteur de plusieurs affiches Mondo, Martin Ansin abandonne gouache et acrylique pour passer à Photoshop et Illustrator. Si ses projets font encore souvent l’objet de croquis préalables, l’illustrateur travaille principalement à l’ordinateur, dans un style digital assumé au service d’un graphisme efficace et précis. Il signe ici un portrait de Travis Bickle, inspiré de l’image légendaire exploitée sur les affiches lors de la sortie du film en 1976 : isolé, en pleine déambulation nocturne dans un New York animé. Néons, halos lumineux des phares et des enseignes, reflets et vapeurs d’asphalte constituent ce paysage monochrome à la texture particulière, qu’un dégradé rouge vient envahir et semble contaminer en déformant l’image… La perfection numérique combinée à la crasse, à l’impureté new-yorkaise, donne toute sa force à cette affiche de Taxi Driver qui reprend également l’accroche de l’affiche originale.

Type d’objet : Affiche Support : Sérigraphie, couleur Auteur : Martin Ansin Année : 2010 Pays : États-Unis Format : 60 x 91,3 cm Crédits : Martin Ansin © Martin Ansin



AFFICHE BELGE D’ « UNE FEMME DISPARAÎT » Affiche belge non signée, en format paysage, correspondant au format français accompagnant couramment les affiches commerciales plus grandes. La Rank Organisation, le distributeur d’origine, est mentionnée de façon classique et discrète en haut à gauche, et son logo, le célèbre « Man-With-the-Gong », est apposé en bas à droite. En noir et blanc avec le vert pour seule couleur, l’affiche

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reprend le visuel et les tons de l’originale britannique, mais dans une police différente et sans les phrases d’accroche. La disparition d’une vieille dame dans un train, au cœur d’une histoire d’espionnage, est le point de départ de l’intrigue. La tâche en forme d’éclaboussure évoque le mystère qui surgit brusquement dans un contexte a priori banal, et le dessin reconstitue une scène clef du film, avec notamment le couple principal, Margaret Lockwood et Michael Redgrave. Dans le sens premier de lecture, davantage


mise en valeur que les interprètes, plus grosse et bénéficiant d’un meilleur contraste, la tête d’Alfred Hitchcock apparaît à côté de son nom, avec un regard complice vers le spectateur. C’est en effet sur le simple nom du réalisateur que le succès du film va se construire. L’affiche est en plusieurs langues : le titre en français est traduit en flamand, le titre original en anglais est présent au-dessus de la mention du roman d’origine. A noter, sur une version plus complète de l’affiche figurent en haut les mentions « parlant » et « enfants non admis ».

Type d’objet : Affiche Support : Offset, couleur Pays : Belgique Format : 40x57 cm Crédits : Droits réservés


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AFFICHE AMÉRICAINE DE « TAXI DRIVER » Cette affiche de Taxi Driver au format « one-sheet » est une commande de Martin Scorsese à l’artiste belge Guy Peellaert. Graphiste, peintre, illustrateur et photographe, son œuvre n’a cessé de croiser l’univers du cinéma et du rock. Connu pour ses bandes dessinées pop au milieu des années soixante, et déjà auteur de l’affiche de Jeu de massacre (Alain Jessua, 1967), ce touche-à-tout signe entre 1970 et 1973 une série de portraits publiés sous le nom de Rock Dreams. Après avoir découvert cet album combinant photomontage, dessin

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et peinture unifiés à l’aérographe, le nom de Peellaert s’impose à Scorsese comme une évidence. Guy Peellaert réalise son affiche dans ce même style hyperréaliste, superposant son propre corps au visage d’un Robert De Niro sur le qui-vive, le regard inquiet dirigé hors champ, seul devant son taxi dans un Manhattan angoissant. « Il a compris exactement ce que nous voulions et non seulement il l’a exécuté mais il l’a surpassé. Il connaissait parfaitement le personnage de Travis Bickle, sa façon d’être, son environnement et – le plus important – ses yeux. J’ai commencé et terminé le film avec les yeux de Travis. (…) Les gens me disent souvent combien ils aiment l’affiche de Taxi Driver. Je leur réponds toujours qu’il n’y a eu qu’un seul homme pour ce travail. Son nom est Guy Peellaert », confiait Martin Scorsese en juillet 2013.


Mais en 1976, au moment de sortir le film, la Columbia refuse d’exploiter l’affiche, ne la jugeant pas « suffisamment commerciale », et lui préfère une photographie noir et blanc avec Travis marchant tête baissée, les mains dans les poches, au milieu des enseignes d’une rue de New York. Le visuel de Peellaert a toutefois été repris, près de quarante plus tard, pour l’affiche de la 40e édition du Festival du film de Gand, qui rendait hommage à Martin Scorsese en octobre 2013.

Type d’objet : Affiche de film Support : Offset, couleur Auteur : Guy Peellaert Année : 1976 Pays : États-Unis Format : 112 x 78 cm Crédits : © Guy Peellaert


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AFFICHE AMÉRICAINE DE « SUEURS FROIDES Cette affiche américaine a été conçue en 2012 par l’artiste belge Laurent Durieux pour l’éditeur texan Mondo, à l’occasion du passage en salle de Vertigo (Alfred Hitchcok, 1957) au Alamo Drafthouse Cinema. Auteur de nombreuses affiches inspirées par les classiques hollywoodiens ou français – tous genres et époques confondus – ce dessinateur et graphiste propose une vision nouvelle et décalée de ces visuels promotionnels d’époque, souvent devenus iconiques. Il reprend toutefois ici le motif de la spirale de Saul Bass, déjà

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présent sur l’affiche originale, pour cette recréation où s’affirme son sens du détail comme son goût pour le monumental. Très riche, son illustration du film est une des plus narratives de sa série hitchcockienne, qui compte également Rear Window, The Birds et Psycho. Si l’affiche de 1958 se caractérisait par la sobriété de sa composition, Laurent Durieux reprend à l’inverse plusieurs éléments clés du film, outre la fameuse spirale : la forêt sombre de Séquoias, l’église espagnole en contre-plongée pour exprimer le vertige du héros et la pierre tombale du cimetière. Les personnages de Scottie (James Stewart), en pleine action, et de Carlotta Valdes (Joanne Genthon), « l’ancêtre » obsédante de l’héroïne, sont présentés de dos, comme celui de Tippi Hedren sur sa version de The Birds (Alfred Hitchcock, 1962). Contre toute attente, Kim Novak dont le double-rôle est pourtant central, n’apparaît que fugacement, justement cachée sous la forme d’une série de profils qui se forment sur le mur de briques du bâtiment. Typique du travail de Laurent Durieux, cette affiche peu bavarde combine techniques traditionnelles et digitales. L’illustrateur en signe une version alternative, dans laquelle il joue sur la mise en couleurs en inversant le rouge et le vert pour mieux renvoyer à la scène hallucinatoire du cauchemar de Scottie, dont le visage est alors bombardé de flashes colorés.

Type d’objet : Affiche Support : Sérigraphie - Couleur Auteur : Laurent Durieux Année : 2012 Pays : États-Unis Format : 91 x 61 cm Crédits : Laurent Durieux



AFFICHE AMÉRICAINE DES « OISEAUX » Signée par l’artiste belge Laurent Durieux, cette affiche a été réalisée pour l’éditeur américain Mondo en 2012, à l’occasion de la programmation du film au cinéma Alamo Drafthouse situé dans la ville d’Austin au Texas. Dessinateur et graphiste de formation, Laurent Durieux revisite ainsi les classiques depuis 2010, mélangeant techniques traditionnelles et numériques et renouvelant l’art de l’affiche. Comme à son habitude, il opte pour une approche totalement éloignée de l’affiche originale qui montrait le visage horrifié de Melanie (Tippi Hedren) se protégeant

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d’une nuée d’oiseaux. Composée à la manière des publicités pour les stations balnéaires du début du 20ème siècle, cette version alternative la présente de dos (reprenant l’image emblématique de la blonde hitchcockienne les cheveux relevés en chignon) avec son couple d’inséparables en cage, sur un ponton. Prête à embarquer pour Bodega Bay avant que tout ne commence et vêtue de son éternel tailleur vert (pourtant porté dans cette scène sous un manteau de fourrure), l’héroïne foule sans y prendre garde l’ombre menaçante d’un gigantesque oiseau. Conçue dans un style pop froid et inquiétant qui caractérise l’illustrateur bruxellois, cette affiche est la première des deux versions de The Birds crées par Laurent Durieux. La Cinémathèque conserve également des sérigraphies tirées en nombre limité de films d’Alfred Hitchcock revues par l’affichiste en 2012 : Rear Window, Vertigo et Psycho. Toutes sont des épreuves signées de l’auteur.

Type d’objet : Affiche Support : Sérigraphie - Couleur Auteur : Laurent Durieux Année : 2012 Pays : États-Unis Format : 91 x 61 cm Crédits : Laurent Durieux



AFFICHE FRANÇAISE DES « SANSESPOIR » Cette affiche accompagne la ressortie des Sans-Espoir de Miklós Jancsó en version numérique restaurée par le Hungarian Filmlab et distribuée par Clavis Films en 2015. Tourné en 1965, Szegénylegények est le premier film de Jancsó qui s’appuie sur l’Histoire hongroise et celui qui l’a révélé à Cannes en 1966. Réalisée par Kristof Koczka à partir du dessin original de Laszló Balint, l’affiche reprend le visuel présenté à l’époque de la sortie hongroise sur

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le même fond monochrome orange, dans un cadrage moins serré qui laisse toute la place aux mentions de sélections officielles à Cannes. Formant un groupe homogène, les Sans-Espoir dont les visages similaires semblent reproduits en série et sculptés au pochoir, tout en aplats noirs bouchant leur regard, s’imposent comme des pantins déshumanisés, derniers représentants de la résistance active dans l’empire austro-hongrois des années 1860. Prisonniers humiliés par un pouvoir impitoyable, « criminels aux yeux des autorités » mais « défenseurs de la liberté dans les chants du peuple », comme l’annonce le générique, les Sans-Espoir appartiennent avant tout à un clan. Leur physionomie résumée à une paire de moustaches et des chapeaux identiques (à l’exception du personnage central au premier plan se détachant du groupe) fait écho à l’absence d’individualité qui règne dans un film dénonçant les mécanismes du pouvoir et de la délation. Le nombre de personnages figurant sur cette unique illustration renvoie sans doute à la séquence où les Sans-Espoir sont sommés de se ranger par cinq pour manger leur assiette de soupe à terre.

Type d’objet : Affiche Support : Offset, couleur Auteur : Année : 2015 Pays : France Format : 120 x 160 cm Crédits : Clavis Films



LES AFFICHES DE SAUL BASS POUR OTTO PREMINGER « Le meilleur designer que je connaisse » : c’est ainsi que Preminger qualifiait Saul Bass. Les collections de la Cinémathèque française témoignent de la complicité entre les deux hommes, le réalisateur ayant fait appel au concepteur graphique de 1953 à 1979, à des titres divers, pour quinze de ses films. Les amateurs de cinéma connaissent surtout Saul Bass comme l’inventeur du générique animé dans les années 50 et 60, créateur d’une soixantaine de génériques fameux pour Preminger, Hitchcock, Wilder, Kubrick et bien d’autres. Ce qu’ils savent moins, c’est la

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remarquable carrière de Bass comme consultant visuel (pour Psychose, pour Spartacus, pour Grand Prix), comme affichiste de films ou comme réalisateur d’une demi-douzaine de courts métrages et d’un ambitieux long métrage de science-fiction tourné en Angleterre, Phase IV (1974). Et ils soupçonnent à peine que cette production consacrée au cinéma ne représente qu’une très petite partie de l’activité d’un des graphistes commerciaux les plus influents du XXe siècle. Saul Bass (1920-1996) s’oriente très tôt vers le designing industriel et crée à Los Angeles sa propre agence en 1952. Son activité se partagera désormais entre la communication visuelle des grandes entreprises, la création d’innombrables affiches, et le cinéma, dont il s’éloigne presque complètement après l’échec commercial de Phase IV. Otto Preminger fait d’abord appel à Bass pour le lancement de The Moon Is Blue (La Lune était bleue, 1953) dont le sujet est alors considéré comme particulièrement osé. Chargé de concevoir des annonces publicitaires suffisamment allusives pour ne pas offusquer les ligues de vertu, Bass propose un visuel simple de fenêtre sur le rebord de laquelle deux oiseaux jettent un coup d’œil indiscret derrière le store demi-baissé. C’est le début d’une collaboration de vingt-cinq ans allant, dans la plupart des cas, de la création d’un logo pour le film


à sa déclinaison sous de multiples formes, du générique animé aux affiches et aux annonces de presse, voire aux cartons d’invitation et aux couvertures des disques et des livres. Le contrôle sur ces déclinaisons graphiques est cependant rarement aussi total que Bass le voudrait et son concept d’origine se voit souvent modifié pour les besoins de ses diverses exploitations, spécialement à l’étranger. C’est en réaction à ces altérations que Bass a fait réaliser pour son propre usage des tirages limités de certaines de ses affiches les plus connues, dont la Cinémathèque possède quelques exemplaires précieux, tirés le plus souvent en sérigraphie et signés du nom de leur auteur. Pour les films de Preminger comme pour la plupart de ses autres grandes créations, Bass s’appuie sur un logotype, autrement dit un dessin stylisé suffisamment fort de sens pour identifier au premier coup d’œil l’enjeu dramatique du film. Pour The Man With the Golden Arm (L’Homme au bras d’or, 1955), c’est un bras grotesquement déformé, brutalisé, chutant vers le bas de l’image, dont la noirceur contredit le « bras d’or » promis par le titre. Saint Joan (Sainte Jeanne, 1955) se réduit à un corps adolescent déchiré, une épée rompue à la main comme une croix, toujours ancré dans le sol mais évanoui déjà dans le ciel ; Bonjour Tristesse (1958) fait tomber une énorme larme sombre sur un visage de femme tracé en quelques traits décisifs à la manière de Picasso. Pour Anatomy of a Murder (Autopsie d’un meurtre, 1959), Bass juxtapose sept formes noires disjointes qui recomposent une silhouette humaine disloquée, pareille à celles qu’on trace au sol pour marquer la place d’un corps absent. Exodus (1960) est symbolisé par quatre mains tendues dans un même élan vers une cinquième brandissant un fusil. Le logo d’Advise and Consent (Tempête à Washington, 1962) évoque le couvercle levé sur les turpitudes du Congrès américain, celui d’In Harm’s Way (Première victoire, 1965) la force militaire opposée au danger dans le Pacifique et celui de Bunny Lake Is Missing (Bunny Lake a disparu, 1965) la disparition mystérieuse d’un enfant, symbolisée par une silhouette grossièrement découpée dont on ne voit que l’absence. Plus déconcertant, celui de Such Good Friends (Des amis comme les miens, 1971) s’inspire des papiers découpés de Matisse pour dessiner de généreuses formes féminines et contredire la sagesse promise par le titre. De tous ces logos cherchant à exprimer l’essence d’une abstraction, le plus audacieux est certainement celui de The Cardinal (Le Cardinal, 1963), qui se contente d’identifier le héros à une typographie presque


banale, écrasée par celle démesurée, obscure, du déterminant qui pèse sur elle et menace de l’écraser contre le bloc de noir absolu qui constitue l’autre moitié de l’affiche. Bass aime diviser l’image en surfaces monochromes violemment opposées et il n’utilise le plus souvent qu’une seule couleur en plus du noir et blanc élémentaires de l’affiche. Il n’est pas rare, alors, qu’il réserve cette couleur à la typographie des crédits officiels, comme pour In Harm’s Way et Bunny Lake Is Missing. Mais il joue comme personne avec le blanc du papier, souvent utilisé « par défaut », pour suggérer une image absente, et avec les typographies systématiquement créées pour les besoins du film et qu’il affectionne grasses, irrégulières et non alignées. Bunny Lake Is Missing présente en cet aspect un cas de figure très original où le lettrage du titre participe conceptuellement à l’image symbolique puisque les dernières lettres du mot « missing » s’effacent littéralement dans la matière de l’affiche. Pour Bass, l’affiche demeure avant tout un support de papier, ainsi qu’il le démontre avec sa création magistrale pour Exodus, où le logo occupant le centre se voit lui-

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même dévoré par des flammes qui consument même le titre, laissant le spectateur devant une affiche d’où l’image est en train de disparaître.

JEAN-PIERRE BERTHOMÉ



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UN CINÉASTE CONTEMPORAIN Antonioni est le cinéaste ayant appartenu à la génération de l’après-guerre qui répond aux questions essentielles que vit et se pose l’humanité de ces débuts de XXIe siècle. Et si nous sommes vivement concernés désormais par l’œuvre antonionienne, sur un mode esthétique et existentiel plutôt qu’idéologique, cela révèle précisément son actualité à l’heure de l’invalidation définitive des systèmes globaux d’explication du monde et de l’incompréhension désemparée des peuples devant l’évolution chaotique des sociétés. La direction des acteurs et les dialogues expriment la lassitude et l’ennui d’une classe sociale dont Antonioni décrit le désinvestissement sur l’orientation concrète de la réalité. Ces récits ancrés dans l’Italie des

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années soixante, conduisent vers les ruptures idéologiques et morales mondialisées des années soixante-dix, qu’Antonioni sait traduire, de manière exceptionnelle, dans des mises en scène qui firent de lui le cinéaste de la jeunesse, de la contemporanéité et de la mode : Antonioni était aux origines du « Pop » ! En 2015, Zabriskie Point et Blow-up demeurent des films d’aujourd’hui, résolument d’aujourd’hui. L’INFLUENCE

L’œuvre du cinéaste ferrarais a eu un écho fertile dans les cinématographies asiatiques. Wong Kar-wai (Nos années sauvages), Nobuhiro Suwa (Un couple parfait), Hou Hsiao-hsien (Millennium Mambo), Tsai Ming- Liang (Vive l’amour), Edward Yang (Le Terroriste), paraissent nous rappeler aujourd’hui à nos « devoirs de mémoire moderne » ! Il faut ajouter à cet accueil oriental, dont l’expérience de La Chine (Chung Kuo) pourrait en avoir constitué un éveil préfigurateur, la fécondité antonionienne chez des cinéastes américains : Vincent Gallo (l’admirable errance désertique de The Brown Bunny) et Gus Van Sant, dont le filmage de la nuque de ses personnages dans Elephant et Gerry semble trouver son origine dans les déambulations féminines de la trilogie d’Antonioni (L’Avventura, La Notte, L’Éclipse) où Monica Vitti incarna plus qu’un personnage mais fut le medium du cinéaste. Avant ces deux derniers cinéastes, Ridley Scott évoque déjà, avec Blade


Runner, une précédente influence : anticipation et interrogation des confins de l’image. Des cinéastes de l’Est européen furent également sensibles à l’inspiration antonionienne : Andreï Tarkovsky (Stalker), Jerzy Skolimowski (Deep End). Enfin Wim Wenders (Paris, Texas) et Brian de Palma (Blow out) rendirent hommage, chacun à leur manière, au cinéaste à travers l’expérience du désert ou de la pulsion voyeuriste. LE PEINTRE

Antonioni est peintre indéniablement, et le fut durant de longues années de sa vie en réalisant ses Montagnes Enchantées, préoccupé essentiellement par les ruses et les épiphanies du style informel. En outre, il n’hésite pas à le souligner par la forte présence de la peinture dans l’appartement du début de L’Éclipse et aux murs des ateliers dans Le Désert rouge et Blow-up. Les agrandissements photographiques de Blow-up prolongent enfin cet attrait pour le « dripping » pictural et les traînées nerveuses de la brosse. De Chronique d’un amour à L’Éclipse, Antonioni ne filme pas en noir et blanc avec inconscience. L’opacité charbonneuse de Chronique, dont Lucia Bosè est une vamp héritière de Louise Brooks, la grisaille étudiée de Paris et Londres baignant Les Vaincus, les ombres soyeuses des intérieurs et des étoffes de Femmes entre elles, la pâleur solaire et maritime de L’Avventura, l’obligatoire obscurité permanente de La Nuit, le piqué photographique et la modulation des gris de L’Éclipse, font d’Antonioni un cinéaste dont on suppose longtemps que le style ne peut se distraire du noir et blanc, contemporain des Lucio Fontana, Jean Dubuffet, Alberto Burri, Antony Tapies, Piero Manzoni… Le blanc comme un silence et le noir comme un cri, le blanc comme l’exigence éthique et le noir comme l’oubli des sentiments, identifient pour cette génération la peinture à une écriture. D’où, probablement, le double et paradoxal reproche fait au cinéma d’Antonioni d’être abstraitement pictural et littérairement affecté. LA COULEUR

Comment ne pas s’arrêter sur la troublante évidence d’une survivance du noir et blanc au cours de cette fuite d’Italie ? Thomas, le photographe de Blow-up, est triplement un homme du « noir et blanc » : ses photos, dont il interroge la composante moléculaire jusqu’à l’aveuglement et leur fission neigeuse dans un gris uniforme, la mode vestimentaire de Londres qu’il saisit, rythmée par les intermittences du noir et blanc, ses vêtements enfin, pantalon blanc et veste verte-noire


! Quant à Mark et Daria, le couple aspiré par les dunes, ils se mêlent en un lyrisme générationnel et musical à la poussière blafarde du Zabriskie Point, poussière qui unifie la diversité colorée de la passion hippie. Bruce Davidson, le photographe de plateau et futur maître chez Magnum, absorba en noir et blanc les reliefs qui cernent la vallée de la Mort. Enfin, le reporter du bien nommé Passenger accomplit son transfert identitaire à travers l’expérience de la brûlure décolorante du soleil, préfiguratrice du final intersidéral d’Identification d’une femme. L’HOMME

Quatre acteurs incarnent cet idéal masculin dont il est tentant de suggérer que les personnages sont mus par l’impulsion érotique : Massimo Girotti (Chronique d’un amour), Gabriele Ferzetti (L’Avventura), Marcello Mastroianni (La Nuit), Francesco Rabal (L’Éclipse). Ces quatre acteurs présentent un air de ressemblance frappant et appartiennent à un même type physique d’hommes dont le visage restitue avec insistance les traits d’une certaine idéalité

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italienne, survivante d’un modèle plus ancien encore, prenant sa source dans l’âge classique de l’Antiquité grecque : un nez droit, un front dégagé mais sans dimension excessive, un élégant maxillaire inférieur, dotant le visage d’un effet viril mais aussi, paradoxalement, d’une imperceptible mollesse. Girotti, Ferzetti, Mastroianni et Rabal se ressemblent depuis cette même régularité, cette même harmonieuse fadeur qui caractérisent le cliché du visage italien, de l’Italian lover… L’œuvre antonionienne est cette incomparable analyse critique – figurative, philosophique et morale – des origines culturelles humanistes de la masculinité italienne et par conséquent de celles de l’auteur lui-même. Cette œuvre cinématographique est un exemple rarement égalé d’une création artistique de nature auto-existentielle. Et ce caractère d’autofiction selon l’expression française, prouve s’il le fallait encore, son acuité contemporaine. DOMINIQUE PAÏNI



DENNIS HOPPER ET LE NOUVEL HOLLYWOOD Icône du Nouvel Hollywood et de l’underground artistique californien, Dennis Hopper demeure une figure incontournable des contre-cultures les plus radicales de la Côte Ouest, et ce depuis un demi-siècle. Le succès exceptionnel en 1969 d’Easy Rider (20 millions de dollars de recettes), film atypique et novateur dont il est le réalisateur et l’interprète, constitue l’acte de baptême d’une nouvelle vague contestataire. Symbole de la jeunesse et de l’anticonformisme, Dennis Hopper

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incarne un cinéma libertaire, au bord de la rupture. Avec Easy Rider, road-movie nihiliste et métaphysique, à la bande son explosive, c’est un tout nouvel ordre du monde qui advient. Celui de l’émancipation des Noirs, du festival pop de Monterey, et des sit-in anti-guerre du Vietnam. Une Amérique où s’expriment librement les amateurs de rock et d’hallucinogènes, les hommes qui rêvent, les femmes qui assument leur sexualité, les artistes qui reconquièrent le réel, les cinéastes qui s’affranchissent de l’hégémonie des grands studios. Easy Rider est un film sur la route, où Dennis Hopper, avec des partis pris de mise en scène insolites, convie le temps d’une scène les héros de son époque : Phil Spector (le producteur musical le plus influent et le plus inventif de l’histoire de la pop musique), Wallace Berman (artiste plasticien qui fut régulièrement exposé à la Ferus Gallery, grande galerie pop de Los Angeles, qui accueillit en 1962 la première exposition solo d’Andy Warhol, Andy Warhol: Campbell’s Soup Cans), George Herms (artiste réputé pour ses assemblages faits à partir d’objets de récupération), et évidemment les acteurs Peter Fonda et Jack Nicholson, avant qu’ils ne deviennent des monstres sacrés. Qu’est-ce qui a rendu possible l’émergence d’un tel film culte ? De quelle onde sismique a-t-il été l’origine ? En 1969, Dennis Hopper, sur son Harley Davidson, est connu des cinéphiles, qui se souviennent de lui aux côtés de James Dean en blouson noir dans La Fureur de vivre


(Nicholas Ray, 1955) et dans The Glory Stompers (Anthony M. Lanza, 1968). Connu également pour avoir claqué la porte de la 20th Century Fox en 1958. Pour avoir cosigné un ready-made avec Marcel Duchamp en 1963. Pour avoir joué dans les films expérimentaux d’Anfurdy Warhol (Tarzan and Jane Regained… Sort of). Pour avoir collectionné le Pop Art avant tout le monde à Los Angeles (Roy Lichtenstein ou Jasper Johns). Pour avoir côtoyé ceux qui rendirent possible un soulèvement politique (de Jane Fonda à Martin Luther King). Pour avoir pris des centaines de clichés en noir et blanc de manifestations et de performances. Pour avoir publié ses photos très stylées d’une nouvelle mythologie américaine en couverture de Vogue ou d’Artforum. « Je viens de l’expressionnisme abstrait et du jazz », aime à dire l’acteur-réalisateur-artiste. Hopper a toujours été un amateur d’art réactif et un collectionneur inspiré, cherchant à inscrire la multitude de ses pratiques dans un réseau de connivences, au sein duquel il élit ses pairs. Ses intérêts l’amènent au-delà des attentes de son public. Du cinéma vers la photographie. De la photographie vers la peinture et la sculpture. De la sculpture vers la performance. De la performance vers le film expérimental. De l’expérimental aux formes les plus populaires de la télévision, qui contribuent à ancrer définitivement son visage d’ange en perfecto et stetson dans l’imaginaire américain. Un homme aux multiples facettes donc, dont la filmographie croise Roger Corman, Sam Peckinpah, Francis Ford Coppola, Bob Rafelson, Abel Ferrara, Martin Scorsese, Robert Altman, David Lynch ou Quentin Tarantino. Capable de jouer un marin amoureux d’une sirène (Night Tide), un cascadeur s’interrogeant sur la mort du cinéma (The Last Movie, son deuxième long métrage en tant que cinéaste), un père alcoolique et incestueux (Out of the Blue, son troisième), un vétéran du Vietnam saisi par des hallucinations (Tracks), un photographe prophète (Apocalypse Now), un espion receleur à l’œil aiguisé (L’Ami américain), un toxicomane violent mais amateur de bluettes romantiques (Blue Velvet), un marginal dévasté par la vie (River’s Edge), et, pour un de ses plus beaux rôles, un vidéaste déçu par le cinéma (The Blackout). A chaque fois et pour chaque rôle, Hopper s’investit de manière physique, en inventant une sorte de chorégraphie. On dit souvent que le Nouvel Hollywood commence à décliner vers le milieu des années quatre-vingts. Cela n’empêche pas Dennis Hopper de poursuivre ses expériences limites. Après avoir fui la Californie pour


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Appendice

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Bibliographie

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