350 ans d'architecture à La Réunion

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1.1 - l’habitat minimal hutte

l’habitat minimal

hutte

La hutte est un abri spontané facile à construire avec les matériaux trouvés sur place. Sa forme triangulaire lui permet de se protéger de la pluie et du vent. Cet abri s’est pérennisé jusque dans les années 1950. Aujourd’hui quelques pêcheurs de bichiques en construisent toujours recouverts de bâches plastiques bleues. Sur cette île déserte, les explorateurs et pirates font escale et construisent les premiers abris, sans outils élaborés ni matériaux de l’extérieur. Il s’agit alors plus de bivouacs comme chacun d’entre nous le ferait s’il se retrouvait sur une île déserte n’ayant que les matériaux sur place pour construire. Le bois, taillable, transportable et résistant servira à la structure ; les feuilles empilées ou les pailles mises en bottes protègeront de la pluie, du soleil et du vent. Les matériaux utilisés proviennent des alentours : vacoa, latanier puis blé, vétiver et canne. Il faut refaire le toit tous les 4 à 6 ans si un cyclone ne l’a pas fragilisé avant. Ces abris sont qualifiés alors dans la littérature de “huttes antillaises“ ou « ajoupa » par référence aux autres colonies connues et habitées. Sous le climat agréable de la côte, la vie est paisible et les activités quotidiennes se déroulent à l’extérieur. Les petites huttes en branches recouvertes de feuillage ne servent qu’à dormir, le repas se prépare dans le “boucan”, abri sommaire éloigné de la case, et se prend à l’ombre d’un arbre. En fait, la hutte, abri provisoire, devient paillote, habitation permanente sommaire.


1.2 - l’habitat minimal paillote

l’habitat minimal

paillote

La paillote est plus qu’un simple abri ; c’est déjà un habitat élémentaire dans lequel on tient debout. Première habitation des exilés et des colons, elle deviendra l’habitation traditionnelle des populations pauvres, et perdurera jusqu’au milieu du XXe siècle. Elle adoptera différentes formes, mais l’organisation de l’espace familial restera sensiblement la même. En 1950, 70 % de l’habitat de la Réunion était composé de paillotes. Aujourd’hui, elles sont en voie de disparition même si l’on en construit encore, rarement, à Mafate. Sur cette terre riche et féconde, deux cents colons s’installent dès 1666 sur les plaines côtières du littoral, autour de Saint-Denis et de Saint-Paul. Il s’agit d’un modèle empirique même si venus de Madagascar, certains s’inspirent des techniques traditionnelles proches de celles du pays Tanosy sur la côte sud, et bâtissent, avec les matériaux naturels disponibles sur place (lataniers, aloès, palmiers, etc.) des cases rectangulaires mais sans pilotis. Elle a souvent deux pans de toiture dans les Hauts et quatre dans les Bas où les vents nécessitent une meilleure stabilité apportée par sa forme dite “en pavillon”. Elle est faite de végétaux bruts ou tressés, posée sur un soubassement de pierre éventuellement rehaussé en torchis. La structure est en bois brut de faible section. Une fonction est attribuée à chaque paillote. L’ensemble des paillotes est organisé en village. Autour, au sein d’un enclos, les habitants cultivent du riz, du blé et des légumes, et élèvent quelques volailles, chèvres, cochons, et “mouches à miel”. Elle a évolué en s’adaptant aux matériaux disponibles sur place ; le bois et les feuilles de tôle ont recouvert murs et toits, des ouvertures ont été percées pour donner un peu de lumière. Le modèle s’est orienté vers le “bois sous tôle” et la maison modeste, non vers la chaumière.


1.3 - l’habitat minimal maison en madriers empilés

l’habitat minimal

maison en madriers empilés

La Compagnie des Indes Orientales (CFIO) distribue à partir de 1690 le territoire en concessions s’étendant généralement du battant des lames au sommet des montagnes. Mais les colons ne se préoccupent guère de mettre en valeur le territoire de l’île, exploitant ses richesses naturelles sans souci du lendemain. Il n’est pas envisageable de planter des arbres autres que ceux nécessaires à sa subsistance. Les forêts de production n’existeront pas avant longtemps. Faute de bois qu’il fallait aller chercher de plus en plus loin, ce type de construction est resté rare.

Adolphe d’Hastrel - DR

La maison en madriers empilés apparaît au début du XVIIIe siècle. C’est une construction en bois couché, démontable, assez facile à mettre en œuvre. Le bois de grande longueur et de grosse section est vite venu à manquer pour ce type de construction.

Pour construire ces maisons il faut des madriers de bois d’un certain gabarit, équarri, mis les uns sur les autres en longueur afin qu’ils puissent s’empiler en s’ajustant parfaitement pour éviter les infiltrations. Il faut aussi du bois qui ne vrille pas, qui résiste aux insectes à larves xylophages, aux termites et aux champignons lignivores. Des bois résistants appelés bois de fer sont utilisés ainsi que du tamarin des Hauts (acacia heterophylla) et les petits et grands natte, et d’autres essences inconnues alors pour les français. C’était donc un habitat plus difficile à construire que les paillotes, mais une fois ces conditions remplies, plus résistant. Les premiers colons, sans grand savoir-faire en la matière, ont utilisé un mode constructif primitif, ne nécessitant que très peu de technicité (la hutte, la paillote) ou un peu (les madriers). Aujourd’hui la mode du bois a permis de relancer des filières d’importation de bois de production traité et répondant à toutes les normes de construction. Des modèles bon marché en madriers de faible section ont été construits dans les années 1970. D’autres modèles plus récents d’Afrique du Sud par exemple se développent. Entièrement en rondins calibrés, ils offrent des variantes d’assemblage correspondant aux aspirations des nouveaux constructeurs.


1.4 - l’habitat minimal case en bois sous tôle à 2 pans

l’habitat minimal

case en bois sous tôle à 2 pans

La case en “bois sous tôle“ est une paillote qui s’est “durcifiée” avec l’arrivée des fûts métalliques déroulés et des feuilles de tôle. Sa structure et sa charpente, assemblées de manière plus ou moins rudimentaire, sont en bois. Les murs sont en bois ou en tôle, mais le toit est toujours recouvert de tôle. Quand les murs sont en tôle, on parle quelquefois de “tôle sous tôle“.

Cet habitat minimal est construit par la majorité de la population, plutôt défavorisée. Il fait logiquement suite aux paillotes dès lors que la tôle est plus facile d’accès que les éléments végétaux qu’il faut aller chercher, ou acheter, et tresser . Comme la paillote, il est composé d’une seule pièce. Mais suivant l’évolution de la famille et les revenus du ménage, cet habitat prend cependant des aspects variés. Il peut être construit à partir de matériaux de récupération bruts et ressembler à un logement de fortune, ou au contraire s’affiner dans des ajouts composés ou des couleurs mettant en valeur les ouvertures. Au début, sa façade est en bardeaux, bardage bois, puis en tôle aplatie, plane ou ondulée, placée plutôt à la verticale ; plus de problème de champignons ou de termites ! Autre avantage, elle fuit moins. Le “bois sous tôle ” a un plan rectangulaire et un système de toiture à 2 pans. Son sol était de terre battue. Les dessins d’enfants symbolisent presque toujours la maison avec une porte en son milieu et une fenêtre de chaque côté. Or le plus souvent, le bois sous tôle possède deux portes bien centrées en façade, chacune à deux battants et sans fenêtre. Quand il provient du seul remplacement de la paille du toit, on retrouve logiquement l’ouverture en pignon. Sombre quand les battants sont fermés, froid dans les Hauts quand ils sont ouverts, mais bien ventilé quand il fait beau, sa faible inertie thermique ne restitue pas la nuit la chaleur accumulée le jour. Des auvents sont positionnés au-dessus des ouvertures pour se protéger du soleil et éviter les infiltrations d’eau.


1.5 - l’habitat minimal ca(l)banon

l’habitat minimal

ca(l)banon

Le calbanon ou cabanon était un bâtiment généralement en pierre avec une toiture à 1 ou 2 pans. Quand il longe un mur de la propriété, on l’appelle longère. Il est composé d’un ensemble de cellules accolées destinées aux travailleurs de l’exploitation. C’est le premier immeuble collectif. Aujourd’hui le cabanon désigne une espèce de cabane construite à l’extérieur de la maison. En 1679 les premiers esclaves sont vendus dans l’île. Il fallait les loger, ou du moins leur procurer un toit pour dormir, les autres activités se passant dehors. Des huttes ont donc été construites sur les domaines à proximité des “habitations”, sur “l’emplacement”, près de lopins de terre que les esclaves pouvaient cultiver. Ces huttes étaient regroupées en camps ou en rues quand il y en avait beaucoup. Cet habitat était destiné dans un premier temps aux esclaves puis aux engagés et aux ouvriers agricoles. Alors que les esclaves faisaient partie du patrimoine et comptabilisés par les notaires comme tel, les engagés ne sont que de la main-d’œuvre dont on peut se débarrasser, comme aujourd’hui un employé “au noir”…

Les ca(l)banons ont gardé cette image liée à l’esclavage alors que la longère logeait les “domestiques“ (pourtant n’étaient-ils pas des esclaves avant 1848 ?), les chevaux, les voitures, et le matériel. Chaque emplacement avait sa ou ses longères qui sont une composante de l’organisation urbaine. On distingue le ca(l)banon à 1 pan de toiture qui se situe généralement en limite de propriété, et le ca(l)banon à 2 pans qui peut avoir un plan-masse traversant et des ouvertures de chaque côté. Dans les deux cas, c’est une succession de cellules avec un toit unique.


2.1 - l’empreinte française la maison de maître du XVIIIe siècle

l’empreinte française

maison de maître du XVIII siècle e

Pour construire cette maison plutôt urbaine, à ossature bois, on faisait appel aux savoir-faire des charpentiers et des artisans envoyés par la Compagnie des Indes. Ce modèle rectangulaire importé de différentes régions de France est la base de l’architecture réunionnaise. La paillote est trop légère pour résister aux vents cycloniques. Quant aux maisons à madriers de bois empilés, elles sont trop dispendieuses en bois, qui commence déjà à manquer à cause de l’exploitation irréfléchie qui en est faite. Les colons les plus aisés se font donc construire des maisons à pans de bois, dont le procédé de construction profite des enseignements de la paillote et de la maison en madriers. Un soubassement de pierre supporte un volume simple à pans de bois revêtus de planches grossièrement équarries. La charpente est réalisée en bois de fer ou de natte, et assemblée par tenons et mortaises. Une toiture haute, à croupes percées de lucarnes à la capucine, est recouverte de bardeaux de bois. La maison telle qu’elle est conçue peut être démontée, déplacée, reconstruite ou réutilisée plus loin. La structure de la maison à pans de bois est dans la tradition des constructions rurales du grand Ouest ou du Centre de la France. Cela s’explique par l’origine des charpentiers de marine d’une part mais surtout par le recrutement de la main d’œuvre prête à faire ce grand voyage, issue généralement des régions les plus pauvres du pays. Ce modèle d’habitat rustique en bois va servir de base aux évolutions de l’habitat réunionnais.


2.2 - l’empreinte française maison modeste à 4 pans

l’empreinte française

maison modeste à 4 pans

La maison modeste est une maison de petites dimensions issue de la paillote à 4 pans. Elle est dotée d’une façade et d’un plan simples, sobres et généralement symétriques, sans pièce d’eau. La cuisine, ou “boucan” se trouve à l’arrière. Sa structure et sa charpente sont en bois. Les fortes pentes des toits s’expliquent par le remplacement de la paille ou des palmes d’origine par de la tôle.

Cette maison va devenir typique de l’habitat des “petits blancs”. Elle est très commune autant dans les Hauts que dans les Bas, comme ci-dessus à Saint-Benoît, étant facile à construire et résistante aux cyclones. Elle ne demande pas un grand savoir-faire et utilise peu de matière. Pour la construire, on fait appel à la famille et en fonction de chaque compétence des variantes apparaissent, notamment avec l’apport de matériaux différents ou traités différemment, d’auvents en façade ou latéraux, de couleurs, de décorations. Sur les maisons à deux pans, la façade peut être en pignon, ce qui n’est plus le cas de la maison à quatre pans puisque le toit redescend au même niveau sur les quatre murs. Les ouvertures sont peu nombreuses puisque la surface est petite. Elles sont alignées permettant une dépression intérieure et une ventilation correcte notamment par l’absence de couloir et de cloison jusqu’au toit. Cette absence de couloir restera une caractéristique de l’habitat. A l’intérieur on colmate les interstices par du papier peint mais surtout avec de vieux journaux collés.


2.3 - l’empreinte française villa néoclassique en bois

l’empreinte française

villa néoclassique en bois

La villa néoclassique apparaît au XIXe siècle, pendant une période de croissance économique. Cette construction se réfère aux modèles classiques inspirés par la redécouverte des architectures grecque et romaine, notamment de la villa palladienne. Elle comporte un axe de symétrie à l’intérieur, en façade et dans le jardin jusqu’à la rue. La maison de maître du XVIII e siècle est souvent agrandie pour lui donner la grandeur de ce style avec une façade avant d’apparat. Son plan et sa façade symétriques vont marquer durablement l’architecture et l’organisation spatiale. La composition de l’espace de cette architecture de représentation est simple, et basée sur la mise en scène de la symétrie. Le portail, ou “baro”, s’ouvre sur une allée centrale, axe de symétrie du jardin d’apparat. Quelques marches permettent d’accéder à la varangue ou véranda, espace de fraîcheur, de réception et de transition entre l’extérieur et l’intérieur. Les pièces de la maison sont en enfilade, afin de laisser l’air circuler et rafraîchir les pièces de vie. A l’arrière se trouvent regroupés les espaces annexes de la maison : cases des domestiques qui s’adossent aux murs de clôture le long des limites du parcellaire, cuisine, poulailler, pigeonnier... A l’image de nombreuses villes coloniales, les agglomérations se structurent selon un plan orthogonal. Elles sont constituées de grandes parcelles qui se morcelleront peu à peu. Ces îlots ceinturés par des rues qui se coupent à angle droit sont fermés par les murs et les grilles qui délimitent les propriétés. L’atmosphère de ces villes n’est pourtant pas minérale, puisque les jardins viennent ombrager l’espace public, créant entre les maisons et la rue un écran végétal. 1815 : traité de Paris. La France garde Bourbon mais perd Maurice, Rodrigues et les Seychelles. Le classicisme français s’exprime et se différencie petit à petit de la rigueur anglaise même si beaucoup de points communs demeurent. L’ordonnancement de la façade avec ses colonnades et sa symétrie est une constante. La mise en scène de l’édifice positionné sur un socle et sa série de piliers formant un péristyle donnent cette composition rigoureuse. L’utilisation de la pierre de taille pour le socle et du bois (natte, fer) pour les piliers du péristyle quand ils ne sont pas en brique et stuc deviennent la règle. Le bois pour la charpente, la couverture, et les revêtements de façade sont complétés par l’utilisation des carreaux de verre pour les menuiseries meneaux de bois.


3.1 - le cachet colonial maison de notable du XIXe siècle

le cachet colonial

maison due notable du XIX siècle

Ce type de maison hérite des influences européennes. Au cours du XIXe siècle et du XXe siècle, elle généralise des éléments décoratifs plaqués sur la façade comme les lambrequins et les impostes, ou ajoutés comme les varangues et les bow-windows, car la prise en compte du climat tropical apparaît de plus en plus. Petite ou grande, elle devient le symbole de la réussite sociale de la bourgeoisie locale. Au XXe siècle, comme résidence secondaire dans les Hauts, elle porte le nom évocateur de “villa de changement d’air”. Le caractère monumental de l’esthétique classique correspond à merveille à l’état d’esprit des grands propriétaires, épris de grandeur. Construites en maçonnerie ou en bois, les demeures de notables présentent un plan groupé et symétrique sur un ou deux niveaux. Le succès de ce mode de vie raffiné et adapté au climat est tel qu’il va entraîner les propriétaires des maisons de maîtres en pans de bois à les transformer pour en faire de belles villas. Un avant-corps de galeries sur un ou deux niveaux, des varangues, de nouvelles pièces telles que boudoir et bureau, sont ajoutés devant la façade sur rue, réorientant la maison et enrichissant considérablement la douceur de vivre et l’apparence sociale.


3.2 - le cachet colonial villa néoclassique en pierre

le cachet colonial

villa néoclassique en pierre

Cette demeure, la maison Motais de Narbonne, fait le lien entre deux époques ; elle est en pierre en rez-de-chaussée, en bois à l’étage. Avec des colonnes en pierre et des hautes portes et fenêtres surmontées de balustres et de vases, ce type de demeure est souvent appelé château par les passants, comme le Château Morange aux Camélias à Saint-Denis ou le Château Lauratet (actuelle artothèque) rue de Paris. A la perte de l’île de France, actuelle île Maurice, qui fournissait la métropole en sucre, la France introduit la canne à sucre à Bourbon, devenue de 1803 à 1806 “île Bonaparte” redevenue la Réunion. Le développement fulgurant de son exploitation entraîne l’enrichissement des propriétaires, qui se construisent des villas de style néoclassique ou modifient leur maison de maître. Ce style, à la mode en Europe, est apporté par les aristocrates ayant fui la Révolution française, et par les enfants de la bourgeoisie bourbonnaise, envoyés pour leurs études en métropole et revenus au pays. Le couronnement de Napoléon donne l’image de ce retour à l’antiquité biblique, à la Grèce légendaire, à la Rome impériale et à l’Orient mythique. Les premières constructions resteront sobres voire sévères avec leurs colonnes massives, alors qu’un décorum va se développer en façade et sur certains éléments d’architecture. Cela aboutira à un modèle adapté au climat et au mode de vie… des classes dominantes. La case se place au centre du terrain. Le barreau (“baro”) s’ouvre sur un jardin d’agrément luxuriant, composé symétriquement de part et d’autre de l’allée centrale, qui mène à la varangue, espace de fraîcheur et de réception. Les pièces placées en enfilade laissent circuler l’air dans la maison. Au fond de la cour (“kour”), sont groupées la cuisine et les dépendances.


3.3 - le cachet colonial villa éclectique

le cachet colonial

villa éclectique

Cette villa est caractérisée par une prédominance décorative surabondante. Elle suit les modes de la fin du XIXe siècle déclinées dans les expositions coloniales, et la mode des différentes régions balnéaires françaises du début du XXe siècle. L’influence mauricienne se fait également sentir avec les échanges accrus entre nos îles.

La colonisation s’est achevée au XIXe siècle ; les défricheurs des pays lointains venus des régions françaises pour mettre en valeur les terres sont maintenant installés. Comme en Louisiane où ils sont venus de Paris (Mme Prud’homme épouse Duparc (normand) à Laura Plantation 1805), d’Aubagne (l’Hermitage 1812), de Champagne (Destréhan plantation 1790) de Nantes (Henri Penne plantation 1821) etc. Leurs descendants se sont acclimatés et leurs manières de faire et d’être sont ancrées dans ces nouveaux territoires. Cependant, une partie des familles est restée en France et l’influence française va perdurer, notamment quand il s’agit de suivre la mode ou les innovations. Entre 1870 et 1880 l’économie sucrière s’effondre avec la concurrence de la betterave et de la canne de Cuba, et l’ouverture du canal de Suez qui font perdre son rôle à la colonie. Une voie de chemin de fer de 125 kilomètres est terminée en 1882 et le port de la Pointe des Galets, au Port est inauguré en 1886. La première automobile arrivera en 1900 ! Mais avec la guerre de 1914-1918 la colonie sommeille : peu d’investissements, peu de constructions. Un millier de tués par la guerre puis des milliers par la grippe espagnole de 1919.


3.4 - le cachet colonial petite case

le cachet colonial

petite case

C’est une mise en scène de la maison modeste à laquelle on a ajouté une façade décorée à la manière des maisons de notables, mais avec des motifs géométriques simples, comme le losange ou l’étoile. Cette façade “écran” est plaquée sur la maison, comme un décor de théâtre et permet de l’agrandir avec une petite varangue femée. Dans les Hauts, on la retrouve comme villa de changement d’air.

L’effondrement de l’économie sucrière s’ajoute à la première guerre mondiale et à une épidémie de grippe espagnole qui maintiennent l’île dans un certain sous-développement, et une totale dépendance par rapport à la métropole. L’architecture devient modeste, la petite case maniérée fait son apparition, de taille moyenne, de composition symétrique et riche en couleurs. Issue de la villa savante et adaptée au mode de vie local, au climat. C’est un habitat qui perdure, en site urbain comme en site rural. L’ancienne maison de maître se développe par ajouts d’avant-corps, de pièces d’angle, de varangues et de dépendances arrières. Cette architecture s’émancipe de la métropole en se débarrassant des références coloniales pour créer ses propres codes et spécificités locales.

On y ajoute un décor abondant de lambrequins, de frises, d’impostes et de symboles géométriques et végétaux élégants, de colonnettes qui ne sont souvent que placage. On est en plein romantisme. Elle possède un vocabulaire néoclassique avec l’alignement des ouvertures rehaussées d’auvents ouvragés et par exemple des balustres en bois qui reprennent le profil de ceux en pierre. Et surtout cette symétrie omniprésente. Comme l’espace n’est pas compté, la maison reste au milieu de la parcelle, dans une mise en scène symétrique de façade comme en plan, marquée depuis l’entrée sur la parcelle avec le “baro” et sa grille en fer forgé, l’allée centrale, le jardin, les poteaux de la varangue. Seuls les commerces et les entrepôts s’implantent en limite parcellaire.


4.1 - l’arrivée du béton maison des années 1930-1950

l’arrivée du béton

maison des années 1930 - 1950

Cette maison se caractérise par une façade symétrique surmontée d’un fronton décoré et de motifs géométriques, qu’on retrouve sur les portes et le mobilier. Les “baros” reprennent également ces motifs géométriques. A cette époque on construit assez peu contrairement à l’Europe. Ces maisons sont donc peu nombreuses. En métropole, la reconstruction d’après la guerre de 14-18 et la dépression des années 20 ont entraîné une rivalité de styles. Les tenants du style traditionnel emprunt de néoclassicisme sous toutes ses formes avec symétrie et abondance décorative et retour à l’ordre ancien, et les tenants d’un nouvel ordre international issu des bouleversements sociaux et culturels, avec notamment le Front Populaire de 1936 et l’école d’architecture du Bauhaus en 1919. Ce bouillonnement intellectuel ne se fait quasiment pas sentir à la Réunion. Pourtant les années 1920 y furent une période de prospérité avec la crise de la betterave française et la demande de sucre. Mais c’était encore le conformisme et le positivisme qui régnaient, appuyés par une croyance aux progrès scientifique et technique. Pourquoi être anti-conformiste comme ces Picasso, Maïakovski, Kandinsky, Chagall et leur esprit nouveau ? Aucune volonté de rupture, de souci d’échapper aux conventions, d’autant que ces artistes s’appuient volontiers sur l’exotisme, les primitifs, l’art nègre, repris par les cubistes et les expressionnistes, et qu’ici on souhaiterait justement s’en échapper… Ce style années 30 des villes françaises, surtout celles détruites, comme Reims, apparaîtra avec un temps de retard sur la métropole, et dans un climat de vie au ralenti des années de guerre de 1939 à 1945. Il perdurera jusque dans les années 50. C’est l’époque du basculement architectural qui connaîtra son apogée après la départementalisation de 1946.


4.2 - l’arrivée du béton cube béton

l’arrivée du béton

cube béton

Le cube béton fut créé après la 2e guerre et la départementalisation de 1946, et après le cyclone dévastateur de 1948 qui avait soufflé bon nombre de toits. Cette habitation moderne des années 1950-1960 est réalisée par un architecte. Elle se veut simple et rigoureuse. Elle est le symbole de l’appartenance à la France et l’expression de l’ascension sociale. En 1900 Freud ouvre la voie à l’interprétation des rêves et à la libre association des mots et des formes ; « tout est art ». Avec la première toile abstraite de l’histoire en 1910 de Kandinsky, et Malévitch et ses fameux “carrés”, l’abstraction géométrique va de pair avec l’évolution des sociétés : de nouvelles figures sont créées sans rapport avec l’existant. L’abstraction cherche une rigueur géométrique, un purisme des formes, avec Mondrian en peinture et le Hollandais De Stijl en architecture. En 1910, Adolf Loos, pionnier de l’architecture moderne construit la maison Steiner à Vienne en Autriche et réalise le premier “cube“ en béton ; en 1930 Le Corbusier bâtit la “maison Savoy” à Poissy. À la Réunion, en 1954 les cabinets Jean Hébrard, et Guy Lejeune perpétuent cette vision cubiste de l’architecture ; ils ont l’essentiel des commandes, publiques ou privées. Le cube béton comporte deux niveaux inscrits dans la volumétrie d’un cube, d’où son nom. On le repère facilement grâce à sa toiture terrasse dépassant le volume principal. Cette toiture représente la nouveauté, la modernité. Elle sera donc copiée sur toute construction moderne, à l’image de ces propriétaires… modernes, forcément modernes. Le problème est que dans l’Ouest et dans les zones littorales où le climat est très chaud, elle rend le logement insupportable en été puisque le béton restitue la chaleur emmagasinée durant le jour, et des problèmes d’étanchéité et d’humidité pendant les fortes pluies sont fréquents. Mais les termites ne l’attaque plus. La peinture remplace le papier-peint ou les magazines collés et les tapisseries pour les murs. A l’extérieur, le gris foncé et le blanc des années 50-60 seront remplacés par les couleurs marron et orange des années 70-80. A la place des fenêtres et pour aérer des pièces qui ne sont plus traversantes, on importe des jalousies de marque Naco qui devient le terme générique. Dans les Hauts, le manque de ventilation entraîne une condensation et des moisissures. On ne cherche pas alors à adapter le bâtiment à son environnement climatique ou physique : comment poser un cube sur une pente ? On décaisse ou l’on fait des pilotis au cube. Une importation massive de ciment est nécessaire pour réaliser le béton armé pour la structure et la couverture du bâtiment.


4.3 - l’arrivée du béton construction du mouvement moderne

l’arrivée du béton

construction du mouvement moderne

Ce type de construction porte la marque d’un courant architectural moderne venu d’Europe avec Le Corbusier, ou des Etats-Unis avec Wright. Des formes nouvelles apparaissent, comme des arrondis donnés aux voiles de béton et des pare-soleils encadrant les ouvertures. Beaucoup de petits immeubles des centre-villes en sont issus. Le mouvement moderne marque une rupture culturelle et architecturale avec Jean Bossu à la Réunion. Les matériaux et leur mise en œuvre sont nouveaux. En ressort une liberté formelle et de nouvelles proportions masses / vides qui vont modifier la silhouette des villes et des bourgs. En politique, l’internationale est en projet, et en architecture comme dans tous les arts, le style international domine après la marque du Bauhaus qui influence toutes les générations d’architectes. La Charte d’Athènes en 1941 pose les bases de la nouvelle architecture et devient la référence. A Marseille, en 1947, Le Corbusier construit son unité d’habitation : la “cité radieuse”. Pendant les années 50, le besoin de construire en dur, la “durcification“, se fait sentir après le traumatisme du cyclone de 48. Comme par ailleurs la départementalisation entraîne une réorganisation de l’économie, on accélère l’urbanisation de l’île, tant en zone urbaine que rurale. Cela s’accompagne d’une “métropolisation“ des valeurs culturelles et sociales, avec l’idéologie fonctionnaliste moderniste qui se développe en métropole. On assiste à une forte croissance démographique et à une rupture radicale des modes de vie et des modes d’habiter, d’autant que le retard structurel de l’île la fait passer d’un développement colonial local à un modernisme international. “Du passé faisons table rase” est un principe révolutionnaire d’une époque croulant sous le poids des traditions et des archaïsmes : la plupart des gens vont chercher l’eau à la fontaine, la mortalité infantile est importante (15 % en 46 et 37 médecins sur toute l’île), le paludisme est présent sur le littoral, l’analphabétisme est courant. Cela va entraîner la négation des représentations du passé et amener à raser des quartiers de l’île et un patrimoine important. A la place, des immeubles de béton ainsi que les formes asymétriques peuvent apparaître déconnectées des habitudes des habitants de la Réunion, ou de la prise en compte de l’environnement. Jean Bossu, ancien collaborateur de Le Corbusier construira le premier immeuble de six étages “la résidence des remparts“ à Saint-Denis, puis celui de la poste rue Maréchal Leclerc. Un certain nombre d’immeubles vont être réalisés avec cette marque du mouvement moderne qui est sa liberté formelle. On retrouve des détails significatifs comme des avancées de balcon, des fentes de lumière, des impluvium, des courbes en béton. Avec ces constructions en hauteur, les rapports traditionnels de politesse disparaissent. On ne fait plus face à son voisin, ni au piéton qui passe dans la rue. Mais le rapport au quartier subsiste car les implantations de ces bâtiments restent dans un alignement classique.


5.1 - la standardisation et les modèles case Tomi

la standardisation et les modèles

case Tomi

La case Tomi a pris le nom de l’entrepreneur qui en a imaginé son concept et non de l’architecte qui l’a dessinée. C’est une maison modeste économique, en rez-de-chaussée, avec un toit à 4 pans, et à ossature bois fabriquée en usine. Cette habitation standardisée, bien adaptée au climat tropical est destinée au plus grand nombre ; elle se répand très vite à la Réunion. Les premiers modèles en 1961 ne comportent pas encore de pièces d’eau à l’intérieur. Cette maison type en rez-de-chaussée est une réponse à la consultation concernant l’habitat rural à caractère social. Dubreuil (architecte) et Tomi (entrepreneur et opérateur financier) réalisent un habitat le plus économique possible et le plus adapté au mode de vie créole : la cuisine et la salle de bain sont séparées du séjour et des chambres. La case est à l’épreuve des cyclones. Le 15 Août 1961 naît la première case TOMI. Le 28 février 1962 le cyclone Jenny entre par l’Est et fait 37 victimes. Il détruit une grande partie de l’habitat sur l’île. A Champ Borne, commune de Saint André, les paillotes sont à terre, mais les cinquante “cases 61” sont restées debout. La médiatisation due à la visite du préfet lui confère un succès immédiat. Le premier modèle, la case 61 est en rupture avec les constructions en béton et style international de l’époque. La case 61 est un assemblage de panneaux préfabriqués en Métropole avec du bois d’Afrique utilisé également pour les menuiseries des volets. Son ossature bois est rigidifiée par une charpente en croix en béton, et une toiture à 4 pans en tôle. Elle se compose d’un séjour et de deux chambres latérales avec un bloc-cuisine et sanitaires en dur détaché de la construction, avec fosse septique. Elle intègre des éléments constructifs novateurs, adaptés aux conditions de vie tropicales et en cohérence avec le mode d’habiter local : l’entrée a son auvent de protection repliable au-dessus d’une double porte d’entrée ; elle possède des volets à l’italienne ; une petite terrasse est couverte entre la cuisine et le séjour. Elle se déclinera en “case 62” (mixte), “case 63” (en dur), “case 64” (ossature bois + bardage tôle fine + toiture à 2 pans). La case TOMI participe cependant au mitage des territoires de la Réunion, car c’est un habitat individuel diffus du milieu rural ou péri-urbain qui se construit essentiellement en lotissements nouveaux dans les champs de canne.


5.2 - la standardisation et les modèles case Satec

la standardisation et les modèles

case Satec

La case Satec doit son nom à la Société d’Aide Technique et de Coopération créée en 1961. C’est une maison en rez-de-chaussée, avec une toiture terrasse inclinée, réalisée en béton. Cette habitation standardisée, est peu adaptée au climat tropical malgré sa varangue car dans les Bas la chaleur est restituée la nuit et dans les Hauts l’humidité s’y condense. Par contre, elle est sécurisante en période cyclonique. Des variantes et de nombreuses imitations se développent rapidement. La départementalisation, en 1946, entraîne une réorganisation de l’économie et une accélération de l’urbanisation. La population déshéritée, victime de l’exode rural et de l’explosion démographique, se réfugie dans un habitat en auto-construction en bois sous tôle. Cette population souffre terriblement du cyclone de 1948, qui traumatise et incite à rechercher la protection de logements en dur. Le cyclone Jenny en 1962 fait à l’île Maurice et à la Réunion des morts, de nombreux blessés, et des milliers de sans-abris (plus de 2000 à Saint-Denis) ; les cases Tomi résistent. Cela en fera le modèle de référence pour l’ossature bois. Les cases Satec en béton prennent leur essor après le traumatisme Jenny. Elle connaîtra cependant moins de succès que Tomi car elle est beaucoup moins adaptée au climat local avec sa toiture non isolée en béton qui restitue la chaleur absorbée le jour. Toutefois, elle s’adapte mieux que le cube-béton en restant à rez-de-chaussée et en améliorant ses défauts majeurs : petite varangue en coin, ou grande varangue sur le modèle 1964, aération en façade avec des fenêtres à jalousies (les Nacos). La case Satec est destinée à l’accession à la propriété et fait partie des opérations engagées par l’Etat afin de limiter l’habitat précaire et insalubre. A Saint-Denis 12000 habitants occupent encore des bidonvilles en 64. Très vite des variantes ou copies améliorées voient le jour, empruntant formes et styles aux cubes-béton à deux niveaux et aux plans types qui circulent en fonction de la mode du moment. Ainsi pour la couleur, les poteaux avec placage de basalte, les casquettes ou débords en béton, le carrelage, le barreaudage, jusqu’aux plantes du jardin. L’ensemble des constructions nouvelles est renforcé : murs épais, structures et fondations consolidées. Aujourd’hui ces maisons et surtout leurs variantes “luxe” sont recherchées car les règlements d’urbanisme obligent quasiment tous à construire avec des toitures en pentes. On peut donc gagner un étage en les surélevant à condition de leur adjoindre une toiture en pente, ce qui les dénature.


5.3 - la standardisation et les modèles case Bourbon Bois

la standardisation et les modèles

case Bourbon Bois

Elle succède à la case Tomi . Son principe constructif en poteaux bois, autorise un remplissage des murs extérieurs en bois ou en “blocs américains” (parpaings denses utilisés non-enduits). Sa flexibilité et son évolutivité en font une habitation toujours appréciée, qui permet de l’adapter sur tous les terrains et pour tout type de famille et de milieu social. La cuisine traditionnelle en tant que pièce séparée disparaît au profit de la cuisine dite “américaine” moderne. La politique de standardisation à son intérêt lorsque des éléments peuvent être fabriqués en usine et transportés prêts à être assemblés. Par contre ces modèles standardisés ne vont pas dans le sens de l’affirmation d’une image urbaine qui mettrait en valeur l’histoire, la géographie ou les spécificités d’un site. C’est là l’originalité de Bourbon Bois. Il s’est appuyé sur un procédé de construction pour proposer toute une gamme de maisons. Ce procédé “EXN” est un système de poteaux en bois. Ils se répartissent sur une trame de 3,33m. Ainsi on peut établir à volonté des plans uniques correspondants à des multiples de cette surface créée. Les matériaux de façade peuvent être en bois ou en parpaings denses (les fameux blocs américains introduits en 75, aussi appelés “pierre Tomi”) et les cloisons en panneaux de particules. Des toits aux pentes différentes sont proposés pour chaque trame. Plusieurs modèles adaptés à la trame sont possibles pour les ouvertures. Cette société a su s’adapter aux revenus de chacun et réaliser du logement très social ou de la maison luxueuse sans changer de principe constructif. Une petite ou une grande varangue peut être intégrée au plan sur un, deux, trois modules ou plus ; en façade, en pourtour, sur le côté. La distribution des pièces est commandée par le séjour, et pour les grands volumes intérieurs créés par des faux plafonds rampants, l’ajout d’une mezzanine au-dessus du salon est possible. Depuis les années 80 la cuisine est souvent “américaine”, c’est-à-dire sans cloison de séparation avec la salle à manger et le salon. C’est un nouveau mode d’habiter à la Réunion.


5.4 - la standardisation et les modèles maison d’entrepreneur

la standardisation et les modèles

maison d’entrepreneur

Cette maison de constructeur ou d’entrepreneur est le produit de copies diverses et de petites entreprises. Souvent réalisée avec une participation du propriétaire et de sa famille, elle ne nécessite pas un grand savoir-faire. Ces maisons reflètent l’idée que leurs concepteurs se font de l’architecture traditionnelle, alors qu’elles en sont très éloignées. Par contre, le fonctionnement interne traduit des habitudes traditionnelles d’habiter, avec notamment la varangue et le jardin, Cette typologie correspond à la grande majorité des constructions bâties depuis les années 1970. Les plans sont généralement faits par des dessinateurs selon les goûts de leurs clients et reproduits quels que soient les terrains disponibles et leur orientation, pour d’autres clients. On retrouve des influences d’immeubles existants ou de photographies de magazines ou de voyages comme au XVIIIe siècle où l’on copiait des styles entrevus ailleurs avec plus ou moins de bonheur. On y ajoute des éléments considérés comme traditionnels : des colonnes, des arcades ou des angles arrondis sous les varangues, un beau carrelage brillant (« ça fait plus propre »), un chien-assis ou une lucarne, et des lambrequins.Mais la symétrie disparaît souvent, l’accès se fait où il peut. On fait fi des rapports de politesse en tournant le dos à son voisin, lui offrant sa cour, espace domestique, à voir. Ceux qui s’installent à la Réunion recherchent une vue magnifique sur la mer et ignorent toute forme d’urbanité. Ceux qui sont là depuis longtemps veulent montrer qu’ils sont établis dans la société en construisant en dur sans autre contingence. Ainsi s’est développé un marché de constructeurs et d’entrepreneurs reprenant des plans types adaptés aux goûts de la clientèle sans grand effort architectural. Construction moderne pour pensée traditionnelle engendrant un style néorégional, c’est-à-dire qui a une vague apparence d’un style régional, mais qui le dénature complètement en accréditant l’idée que c’est cela la tradition. Il faut ajouter qu’une bonne part de la construction et surtout des extensions se fait en autoconstruction avec des amis et des membres de la famille ; c’est “l’économie famille” qui permet avec peu de moyens de s’offrir un logement à son image selon ses besoins et les matériaux disponibles.


6.1 - case en l’air barres et tours

case en l’air

barres et tours De grands ensembles de barres et de tours sont construits après la guerre, sur les mêmes modèles qu’en métropole. Les rapports de politesse et les espaces de représentation sont perdus, chaque logement ou chaque immeuble ne faisant plus face à un autre mais l’ignorant. Les années 50 et 60 sont des années de changement entre les nouvelles constructions qui ont surgi partout en Europe et en Amérique et les nouveaux comportements des citoyens qui deviennent des consommateurs. On met en scène le quotidien et ses objets de consommation fabriqués à la chaîne avec des artistes du pop-art et leurs accumulations de téléviseurs, et boites de soupe Campbell. Les références au glorieux passé ont disparu pour se tourner vers un avenir prometteur. En 49 la SIDR est créée. Cette Société Immobilière De la Réunion a pour rôle la gestion, la location et la vente d’immeubles. C’est le premier bailleur social de l’île et qui à ce titre va devenir propriétaire d’un important patrimoine foncier, et par conséquent, prendre une large part dans l’aménagement du territoire. En 54 six entreprises de construction sont actives dans le département. Le premier grand immeuble, de sept niveaux avec ascenseurs “la Résidence des Remparts“ est construit par Jean Bossu rue Sainte-Marie. Il s’inspire de l’organisation traditionnelle des familles bourgeoises avec varangue et chambre de bonne à l’arrière. Quelques chiffres de l’Insee de 1954 : sur 66 000 cases, 13 % ont l’électricité, essentiellement en ville ; 22 % sont alimentées par un réseau d’eau public ; 58 % vont à la fontaine ; 12 % prennent l’eau à la ravine ; L’Agence d’Urbanisme de la Réunion estime que 12 000 habitants à Saint-Denis, 7 600 au Port, 4 500 à Saint-Pierre vivent en bidonville. En 1964, la loi anti-bidonville est promulguée. Face à la précarité du logement à la Réunion, l’Etat prend en charge l’habitat. Malgré les premières opérations de logements collectifs engagées, l’habitat précaire et insalubre se développe renforcé par le boom démographique et l’exode rural. Voulue afin de lutter contre ce phénoméne, la loi Debré permet la résorption des grands bidonvilles urbains et la construction de grands ensembles de logements sociaux, tels que la Source et le Chaudron construit en 68 et 69. Les barres et tours s’inspirent des immeubles HLM construits en Métropole afin de faire face à la crise du logement de l’après guerre. La loi anti-bidonville entraîne la construction de logements en grande quantité. La SIDR est chargée par l’Etat d’exécuter ces programmes. Ces logements destinés à une classe sociale défavorisée permettent de résorber une partie de l’habitat insalubre et précaire de l’époque. Par rapport à la métropole, les barres et les tours du Chaudron sont peu denses. Il s’agit d’immeubles collectifs à vocation sociale reconnaissables à leur aspect de barres à toitures terrasses de pluisieurs niveaux, ce qui est une échelle démesurée pour la première génération d’habitants. Ces logements marquent l’accession à un mode de vie moderne, du point de vue social et sanitaire. Pourtant, elles impliquent un mode d’habiter complètement en rupture avec les pratiques locales : habiter en hauteur, partager des espaces collectifs, vivre à l’intérieur, ne pas pouvoir étendre son logement, ni cultiver des légumes de subsistance, ni élever d’animaux... Pour les générations suivantes, ces logements en béton armé préfabriqué ou banché et peints, seront vécus comme un échec.


6.2 - case en l’air immeuble des années 1970 -1990

case en l’air

immeuble des années 1970 - 1990

Le développement de ces immeubles est dû à une aide financière massive de l’état. Ce sont essentiellement des logements collectifs aux noms barbares de LLS (Logement Locatif Social) et LLTS (Logement Locatif Très Social). Ils sont une première réponse urbaine pour “faire de la ville” en s’inscrivant généralement dans des plans d’ensembles de type ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) de grandes dimensions. Des architectes cherchent à adapter ces logements au climat avec des ventilations traversantes, des protections solaires, voire des terrasses faisant office de varangues. L’implantation de ces ensembles se fait en prenant en compte l’environnement et les modes d’habiter des années 70-90 : alignements sur rue, espaces de proximité en pied d’immeuble, stationnement en sous-sol. Les architectes essaient de ménager des lieux de rencontre et de favoriser les échanges entre habitants. Quant aux appartements, ils sont fonctionnels et ouverts sur l’extérieur. L’entrée se fait quelquefois par la varangue cherchant à adapter d’un mode de vie traditionnel à des logements collectifs contemporains. Après les barres et les tours, les architectes veulent reconstruire de la ville et remettre l’habitant au centre des préoccupations urbaines. Mai 68 et ses slogans “il est interdit d’interdire”, “l’imagination au pouvoir” et tant d’autres manifestations contre l’ordre en place, ont fait émerger chez eux le sentiment qu’on pouvait tout ré-inventer depuis le mouvement moderne trop rigide, à l’urbanisme insensible de Le Corbusier et de Niemeyer à Brasilia. C’est une époque d’amélioration de la qualité de vie et de l’espérance de vie qui voit donc se développer des quartiers et des villes nouvelles dans le monde entier pour faire face à la démographie galopante. “Changer la vie, changer la ville” est un slogan giscardien en 74. On construit beaucoup de LLS et LLTS successeurs du LTS pendant cette période. Ce sont des immeubles d’un à trois étages sur des modèles qu’on essaie d’adapter au mode de vie réunionnais avec des finitions correctes mais de base. Les plafonds financiers sont d’environ 750€/m2 en 2005 ; une varangue est financée jusqu’à 14 m2 au même prix que les autres pièces, ce qui permet de répondre à une demande sociale et à une adaptation climatique. En métropole, de nombreuses expériences voient le jour comme celle de Renaudie à Vitry sur Seine de 1969 à 81, où les immeubles sont accessibles par les jardins et les terrasses même au 10e étage. On retrouvera ce concept qui semblait tout à fait adapté au climat de l’île avec Renée Gailhoustet et ses constructions de La Possession et de Grand-Bois. L’opération “Caricubes”, du Groupe 4, est intéressante par son expression architecturale, son adaptation au climat et la qualité de l’organisation intérieure des appartements.


6.3 - case en l’air immeuble néocréole et défiscalisation

case en l’air

immeuble néocréole et défiscalisation

Ce type d’immeuble se veut représentatif de l’architecture traditionnelle des régions dans lequel il se trouve. Il n’est que le pâle reflet de notre époque où l’on se réfugie dans le passé si confortable et sécurisant. Les règlements incitent à déguiser ce genre d’immeuble en fausse maison sur plusieurs étages pour donner cette image de tradition souvent emprunte du château de la Belle au Bois Dormant. L’horizon sacré des apparences domine. Les façades présentent parfois des références aux éléments architecturaux de l’habitat réunionnais, mais le pastichent quand les moyens le permettent avec notamment des toitures en pentes employées à tort et à travers. Ces éléments sont perçus comme valorisants par une grande partie de la population qui cherche des repères après avoir été bousculée dans ses habitudes, passant d’une économie de plantation à une société de consommation. Après l’époque des grandes ZAC (Zones d’Aménagement Concerté) et des grandes opérations immobilières issues des années post soixante-huitardes aux expériences multiples, où l’avenir était devant soi, les années suivantes sont celles du repli sur soi, de l’angoisse du lendemain avec la forte progression du chômage. Après les années béton, le manque d’urbanité, de richesse des rapports humains se font sentir. Il ne suffit pas de planter des arbres, des maisons de jeunes et des gymnases pour que les gens se sentent heureux ! Le retour à l’identité régionale répond en apparence à ce retour au mythe du bon vieux temps : en remplaçant les tours par des chalets, faussement typiquement savoyards, basques ou créoles, quels problèmes de fond croit-on résoudre ? Par contre le travail des chercheurs sur l’histoire de la Réunion, de sa population, de son habitat permet une véritable connaissance des identités sans tomber dans un communautarisme de mauvais augure. Pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le roi Gustave III de Suède fit édifier un palais français, aux meubles, papiers peints et jardins à la française, toujours occupé par la famille royale, et son théâtre baroque, en 1766. Cette inspiration régionale lointaine était accompagnée de la vie culturelle française. La cour parlait le français, une troupe permanente d’acteurs français y résidait, on y jouait des pièces de théâtre, des opéras. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’un pseudo régionalisme, mais bien de l’imprégnation d’une culture et de la volonté de la faire rayonner. Toute la différence est là. En 1986 l’Etat met en place un régime de défiscalisation. Ce régime permet aux contribuables comme aux entreprises de déduire 10% par an du montant de l’investissement bâti. Cela entraîne un accroissement important du rythme de la construction et une meilleure productivité des entreprises du bâtiment. Ces logements sont achetés par des investisseurs extérieurs qui situent quelquefois la Réunion aux Antilles et dont le seul environnement qui les préoccupe est l’environnement fiscal. Cela a pour conséquence, d’une part de faire monter le prix du foncier, puisqu’on cherche des terrains pour défiscaliser, et d’autre part de construire des cellules, et non plus des logements, calquées sur la trame du garage avec des éléments de placage pour donner une image vendable en place et lieu de toute réflexion architecturale.


6.4 - case en l’air immeuble comtemporain

case en l’air

immeuble comtemporain

C’est un immeuble adapté au climat et à l’évolution de la société. Il s’inscrit dans le tissu urbain sans être ostentatoire. Il emploie des matériaux et savoir-faire contemporains qui s’affranchissent des formes traditionnelles, tout en reprenant des qualités des constructions anciennes. La fin du XXe siècle voit arriverde larges baies vitrées occultées par des jalousies et des parements de bois exotiques sur les façades. Depuis la départementalisation, l’habitat est au centre du développement malgré un manque chronique de logement dont le besoin est estimé à 12 000 logements par an pendant 10 ans. Le SAR (Schéma d’Aménagement Régional) préconise depuis 1995 de structurer les bourgs et de densifier les agglomérations. En 2000, les résultats du concours Europandom sont proclamés. Face à la politique des DOM (Département d’Outre Mer) qui privilégie le logement collectif social et la recherche d’industrialisation de sa production, ce concours cherche à primer des projets urbains et architecturaux innovants qui prennent en compte les pratiques locales de l’habiter et permettent d’expérimenter de nouveaux modes de conception, de production et d’appropriation du logement social. De la nature retrouvée à la densification extrême, ces projets apportent un regard nouveau sur le paysage urbain contemporain. Les espaces publics centraux, intermédiaires ou de proximité sont traités comme tels et non plus comme un remplissage d’espaces résiduels. Le grand paysage comme le micro paysage sont pris en compte, et liés à un développement durable. La mise en place de démarches de qualité environnementale remet au goût du jour le travail fondamental de l’architecte qui implique une réflexion de fond en faisant la part entre les besoins et les désirs des futurs habitants, leur histoire et celle du lieu (le genius loci), les exigences économiques, la prise en compte de l’environnement, les économies d’énergie, les qualités d’ambiances, etc… Il s’agit souvent d’individualiser l’habitat collectif, de multiplier les possibilités d’usages en exploitant les possibilités du site. On assiste à une remise en cause des habitudes constructives et à un détournement positif du cadre réglementaire qui en garde l’esprit plus que la lettre. Le centre Beaubourg par Renzo Piano en 77 ou le musée Guggenheim de Bilbao par Franck O.Gehry en 97 en sont des exemples.


7.1 - case à terre habitat semi collectif

case à terre

habitat semi collectif

Cet habitat est constitué de logements individualisés, accolés, en bande ou deux par deux, en ligne ou décalés. Ces logements avec jardinet ont chacun leur propre accès et se composent d’un rez-de-chaussée et d’un étage. Le programme et les plans sont une réponse aux besoins de loger du monde tout en respectant une certaine indépendance. A la fin du XXe siècle, les architectes s’attachent à retrouver le lien social perdu, avec des espaces de proximité permettant la rencontre, et des volumes reprenant des images familières de petites cases. Après la seconde guerre, la construction en masse de barres, de tours et de maisons individuelles a produit des grands ensembles et des lotissements aux plans masses lamentables, uniformes, aux constructions toutes semblables. Le résultat manquait d’inspiration ! A la Réunion, les LTS, LLS et LLTS permettent l’accession à la propriété ou la location aux tranches les plus défavorisées de la population. La mise en œuvre est simple grâce à l’utilisation de matériaux peu chers (béton, panneaux de bois, tôle) et à la standardisation. La recherche d’un compromis depuis les années 1970, mieux partagé par la population, amène les bailleurs sociaux à implanter ce type de logements en contrepoint des barres des années précédentes. Ils sont l’occasion de réfléchir à un urbanisme respectueux du paysage et à des modes d’habiter traditionnels par l’appropriation du logement, même si l’on a encore trop tendance à croire résoudre les problèmes avec des “patatoïdes” sur les plans-masses indiquant “jeux d’enfants” ou “espaces publics”, sans leur apporter les possibilités d’une richesse comportementale réelle. Ces opérations offrent le double avantage d’une densité moyenne pour le bailleur, et d’une appropriation par ses habitants (clôtures individualisées, varangue en façade et cour entretenue) dont on pense ainsi favoriser l’intégration sociale. Ni une maison ni un “immeuble“ mais les deux à la fois ! Les groupements de ces logements d’un ou deux niveaux, parfois mitoyens sur deux côtés, s’ouvrent sur des espaces collectifs généralement en bande. On les trouve dans les quartiers périphériques des villes. C’est un intermédiaire entre le pavillonnaire semi-rural et l’habitat collectif des grands ensembles. L’originalité du plan d’ensemble de ces opérations est de prévoir une circulation périphérique et de dégager de grands espaces verts collectifs et un réseau piétonnier interne sur lequel s’ouvrent les façades principales des logements. Ceux-ci possèdent une ventilation traversante et offrent une séparation des fonctions avec leur étage. Par contre ils ne sont pas évolutifs. Cette densité relative permet éventuellement de créer quelques équipements de proximité.


7.2 - case à terre logement évolutif

case à terre

logement évolutif

Il s’agit d’un habitat qui permet l’accession à la propriété à des familles disposant de faibles revenus. Ces logements doivent être conçus pour répondre à l’agrandissement de la famille et de ses besoins. Les extensions réalisées par les habitants donnent une variété de styles. Ici, la manière d’habiter est plus importante que la forme. Le LES (Logement Evolutif Social) est un habitat social individuel en accession créé en 1986 suite au rapport de Wilfrid Bertil. Il profite à la fois des enseignements du LTS qui n’a pas complètement atteint les objectifs fixés, et de la mise en place du RMI en 89. Le LES permet l’accession à la propriété de la population défavorisée, que l’on reloge notamment lors d’opérations de résorption de l’habitat insalubre. Il s’agit là de solvabiliser les plus démunis pour leur permettre d’accéder à certaines sources de financement, et de renforcer l’importance de l’accession comme mode d’insertion sociale. Il se caractérise par son évolutivité tant au niveau des finitions intérieures que des extensions futures. Il permet à l’habitant d’être acteur de son cadre de vie, en lui laissant le soin des travaux de finition et d’extension qu’il réalise en auto-construction, voire de participer à la conception de tout ou parties de son logement. Il s’agit de proposer aux plus démunis un “clos-couvert” qui réponde à certains impératifs : durabilité, résistance aux vents cycloniques, salubrité, confort, et surtout évolutivité : le logement est livré non fini, les aménagements intérieurs, la finitions et les éventuelles extensions sont réalisées par l’accédant, à son rythme. Afin de favoriser une politique d’auto-construction et d’auto-finition assistée, il est exigé du maître d’œuvre un effort de conception sur la fonctionnalité du logement (agencement, taille des pièces) et sur son évolutivité. Les architectes essaient de s’inspirer de la petite case traditionnelle, mais se heurtent aux critiques des familles, qui refusent souvent l’emploi du bois, la mitoyenneté et la répétitivité. L’organisation tient compte du mode d’habiter réunionnais avec la présence de la varangue et de la cour avant, espace social. Les logements doivent être clairs, aérés, de taille suffisante, avec des accès individualisés, une privatisation des espaces (petits jardins, places de stationnement), un passage de la cour avant à celle de l’arrière si possible, et peu de parties communes. Les façades actuelles présentent des références aux éléments architecturaux de l’habitat réunionnais. Pour éviter tout marquage social un soin particulier est apporté à l’aspect extérieur.


7.3 - case à terre maison d’interprétation régionale

case à terre

maison d’interprétation régionale

Au milieu du XXe siècle, la reproduction en béton des formes et des décors de maisons plus anciennes en a fait des pastiches souvent inadaptés. A la fin du XXe siècle, les goûts et les usages ont évolué vers plus de loisirs et de confort et moins de représentation. Cela se traduit par l’emploi de la couleur, du bois, de larges varangues, et de la ventilation traversante qui remplace la climatisation. Cette maison d’interprétation régionale tropicale porte la marque d’une tendance architecturale issue de l’Europe, du Japon ou des Etats-Unis en s’adaptant au climat tropical de la Réunion. Cet habitat s’inspire des formes de maisons traditionnelles, des couleurs, de leurs motifs décoratifs en utilisant de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux. Les toitures, terrasses, à 2 ou 4 pans, et les façades présentent parfois des références aux éléments architecturaux de l’habitat réunionnais mais c’est surtout dans la manière d’utiliser des éléments de l’architecture, de prendre en compte le climat, le site, le paysage, la culture, que l’on retrouve les qualités d’habiter. C’est une architecture revisitée, d’interprétation régionale ou d’inspiration critique, sans référence stylistique précise, évoluant au gré de l’air du temps et des techniques, ouverte sur l’avenir, ouverte sur le monde. Elle répond aux désirs d’une classe sociale plutôt aisée, éprise du bon goût des revues d’architecture et de décoration. Elle emploie des matériaux et savoir-faire contemporains qui s’affranchissent des formes et usages traditionnels. La symétrie a disparu et le jardin foisonnant aussi ; par contre la vue a pris de l’importance. Si un courant se tourne vers la reproduction de modèles éprouvés et le rejet de l’architecture internationale, la plupart des architectes de l’île cherchent à traduire une certaine idée des identités réunionnaises basée sur le métissage et les apports des différentes cultures. Cette typologie se distingue donc des maisons dites créolisées, de modénature et de volumétrie pastichées, comme symboles d’une ascension sociale pour la classe moyenne, comme si on devait déguiser sa voiture en char à bœufs ! Cet habitat est caractérisé par un dépouillement et une rationalisation des éléments constructifs, d’usage et d’ornementation. Les intégrations et imprégnations de diverses cultures comme les nouvelles technologies s’ajoutent au savoir-faire local, aux matériaux locaux ou assimilés : le basalte, le bois, la tôle. Comme tout art contemporain, ces constructions peuvent paraître peu intégrées dans le site, urbain ou non. Mais n’est-ce pas là le fruit de notre culture, comme Picasso, tant décrié au début du XXe siècle ? Certes tout artiste n’est pas Picasso, mais tout artiste se doit d’inventer, d’être moteur de la société.


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